Accueil > Documents parlementaires > Amendements
Version PDFRetour vers le dossier législatifVoir le texte de référence

APRÈS ART. 8N°AS28

ASSEMBLÉE NATIONALE
11 février 2014

RESPONSABILISATION DES MAÎTRES D'OUVRAGE ET DES DONNEURS D'ORDRE - (N° 1686)

Adopté

AMENDEMENT N°AS28

présenté par

M. Savary, rapporteur

----------

ARTICLE ADDITIONNEL

APRÈS L'ARTICLE 8, insérer l'article suivant:

Le titre unique du livre III de la troisième partie du code des transports est ainsi modifié :

1° Le chapitre III est complété par un article L. 3313‑3 ainsi rédigé :

« Art. L. 3313‑3. – Il est interdit à tout conducteur routier de prendre à bord d’un véhicule le repos hebdomadaire normal défini au h de l’article 4 du règlement (CE) 561/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, relatif à l’harmonisation de certaines dispositions de la législation sociale dans le domaine des transports par route modifiant les règlements (CEE) n° 3821/85 et (CEE) n° 2135-98 du Conseil et abrogeant le règlement (CEE) n° 3820/85 du Conseil. 

« Tout employeur veille à ce que l’organisation du travail des conducteurs routiers soit conforme aux dispositions relatives au droit au repos hebdomadaire normal. » ;

2° Après l’article L. 3315‑4, il est inséré un article L. 3315‑4‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 3315‑4‑1. – Est puni d’un an d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende :

« a) Le fait d’organiser le travail des conducteurs routiers employés par l’entreprise ou mis à sa disposition sans veiller à ce que ceux-ci prennent en dehors de leur véhicule leur temps de repos hebdomadaire normal défini au h de l’article 4 du règlement (CE) 561/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, relatif à l’harmonisation de certaines dispositions de la législation sociale dans le domaine des transports par route modifiant les règlements (CEE) n° 3821/85 et (CEE) n° 2135-98 du Conseil et abrogeant le règlement (CEE) n° 3820/85 du Conseil ; 

« b) Le fait de rémunérer, à quel titre et sous quelle forme que ce soit, des conducteurs routiers employés par l’entreprise ou mis à sa disposition, en fonction de la distance parcourue ou du volume des marchandises transportées, dès lors que ce mode de rémunération est de nature à compromettre la sécurité routière ou à encourager les infractions au règlement (CE) 561/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, précité. » ;

3° Au premier alinéa de l’article L. 3315‑6, après la référence : « L. 3315‑4 », est insérée la référence : « , L. 3315‑4‑1 ».

EXPOSÉ SOMMAIRE

Pour parvenir à diminuer les coûts salariaux et permettre de baisser les prix du transport tout en accroissant leurs marges, les entreprises de transport ont recours à des conducteurs qui d’une part, résident dans des pays éloignés de ceux où ils sont contraints d’exécuter habituellement leur contrat de travail pendant des périodes continues de plusieurs semaines et d’autre part, sont fréquemment soumis à des régimes de rémunération ( sous forme de salaire ou d’indemnités ) liés au nombre de kilomètres qu’ils ont parcouru. Ces deux caractéristiques contreviennent aux dispositions du règlement 561/ 2006 relatif aux temps de conduite et de repos des conducteurs routiers.

1°) Le présent amendement crée une obligation à charge des employeurs de conducteurs routiers de veiller à ce que le repos hebdomadaire normal soit pris dans les conditions prévues par le règlement 561/2006 et crée un délit à l’encontre de l’employeur qui n’a pas rempli cette obligation.

L’utilisation de la cabine du camion comme lieu de vie exclusif pendant des périodes continues d’au moins trois semaines pouvant atteindre trois voire six mois – selon l’éloignement entre le pays d’exécution habituelle du contrat de travail et le pays dans lequel le conducteur a sa résidence normale est à la base de toute organisation du travail recourant à des conducteurs en provenance de pays à faible niveau de protection sociale.

Il en résulte que ces conducteurs stationnent leurs véhicules – notamment à l’occasion des périodes d’interdiction de circulation des dimanches et jours fériés – sur une aire de camping plus ou moins improvisée pendant au moins de 45 heures, et ce, avec une fréquence au moins bimensuelle.

Or le règlement 561/ 2006 relatif aux temps de conduite et de repos des conducteurs routiers exclut clairement que le repos normal du conducteur soit pris en cabine.

L’article 8. 8 du règlement 561/ 2006 permet au conducteur – à la stricte condition qu’il en fasse le choix- de passer sur la couchette de la cabine ses repos journaliers et ses repos hebdomadaires réduits. Le règlement 561/ 2006 n’ouvre, en aucun cas, la possibilité que les repos hebdomadaires normaux -de 45 heures au moins- soient pris en cabine. Chaque période de deux semaines doit comprendre au moins deux périodes de repos hebdomadaire normal ou un repos hebdomadaire normal et un repos réduit compensé ultérieurement.

Aujourd’hui, en France, aucune sanction n’est prévue pour une infraction à cette disposition du règlement 561/ 2006.

Le mécanisme proposé sera complété par une contravention qui viendra sanctionner le seul fait de prise en cabine du repos hebdomadaire normal par le conducteur sans qu’il ne soit établi que cette pratique soit imputable à l’organisation du travail mise en place par l’employeur.

2°) Le présent amendement crée une sanction délictuelle à l’encontre des employeurs qui organisent dans leurs entreprises des systèmes de rémunération en infraction aux dispositions de l’article 10.1 du règlement 561/2006.

L’article 10.1 du règlement 561/ 2006 interdit aux entreprises de transport de rémunérer les conducteurs qu’elles emploient ou qui sont mis à leur disposition en fonction de la distance parcourue et/ ou du volume de marchandises transportées, même par l’octroi de primes ou de majoration de salaires si une telle rémunération est de nature à compromettre la sécurité routière et / ou à encourager les infractions au présent règlement.

Le premier alinéa de l’article L.1311-4 du code des transports ne prévoit à titre de sanction que la nullité de la clause relative à la rémunération tandis que sur le plan pénal l’infraction est une contravention de 5ème classe ( article 3 III 3) b) du décret n° 86-1130 sur les sanctions pénales au règlement 561/2006.

S’agissant d’une infraction qui relève des pouvoirs d’organisation du chef d’entreprise comme celle d’organiser le travail sans prévoir collectivement les conditions de repos normal et qui est liée dans l’organisation délibérée du dumping social dans le transport routier de marchandise, il est proposé de l’élever au niveau du délit.

3°) L’introduction de ces deux nouveaux délits dans un nouvel article conduit à adapter l’article L 3315-6 qui permet de sanctionner à titre personnel toute personne qui a charge de direction dans l’entreprise ou le commettant. Tel est l’objet du III de l’amendement proposé.

En application de l’article 19.1 du règlement 561/ 2006, cette disposition de la loi devra faire l’objet d’une notification à la Commission européenne.