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ART. 4 BISN°CD528

ASSEMBLÉE NATIONALE
25 février 2016

RECONQUÊTE DE LA BIODIVERSITÉ - (N° 3442)

Tombé

AMENDEMENT N°CD528

présenté par

Mme Allain, Mme Abeille, M. Roumégas, M. François-Michel Lambert et M. Alauzet

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ARTICLE 4 BIS

Compléter cet article par les deux alinéas suivants :

« Après le 4° du I de l’article L. 611‑19 du code de la propriété intellectuelle, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 5° Les inventions portant sur un produit constitué en totalité ou en partie de matière biologique végétale ou animale ou portant sur un procédé permettant de produire, de traiter ou d’utiliser une telle matière biologique, lorsque cette matière biologique préexiste à l’état naturel ou lorsqu’elle a été obtenue ou peut être obtenue par l’utilisation de procédés essentiellement biologiques qui font exclusivement appel à des phénomènes naturels comme le croisement ou la sélection. »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Si les sénateurs ont effectivement permis lors de leur première lecture du texte d’intégrer avec l’article 4 bis  la non-brevetabilité des plantes et des animaux issus de sélection traditionnelle, ainsi que de leurs parties et composantes génétiques, des éléments complémentaires sont nécessaires dans le texte de loi pour assurer clairement la non-brevetabilité des traits natifs.

Des techniques de modifications génétiques non essentiellement biologiques, brevetables et exclues de la réglementation OGM et donc non tracées, comme la mutagenèse chimique ou ionisante sur cellules isolées de la plante et cultivées in vitro, permettent aujourd’hui de revendiquer la protection par brevets de traits décrits de manière à ce que rien ne les distingue de traits natifs issus de procédés essentiellement biologiques ou existant naturellement dans des plantes cultivées, des animaux d’élevage ou des plantes et animaux sauvages apparentés. Et la protection des brevets sur ces traits s’étend à toute plante ou animal qui en sont porteurs, qu’ils soient issus du
procédé breveté, d’un procédé essentiellement biologique ou de sélection naturelle.

Les sélectionneurs utilisateurs de ces techniques disent qu’elles ne leur servent qu’à accélérer les phénomènes naturels de croisement et de sélection qui caractérisent les procédés essentiellement biologiques et qu’ils obtiennent absolument la même chose que ce qui existe déjà au sein de la variabilité de la biodiversité naturelle. Si c’est le cas, les produits revendiqués ne peuvent pas être brevetés puisqu’ils ne constituent alors que des découvertes de ce qui existe déjà et non des inventions. Si ce n’est pas le cas, ces sélectionneurs doivent justifier la brevetabilité de leur invention en montrant qu’elle se distingue de traits natifs obtenus ou pouvant être obtenus par un procédé
essentiellement biologique ou pouvant déjà exister naturellement. Mais ils ne peuvent pas dire à la fois que c’est naturel et que c’est brevetable parce que ce n’est pas naturel !

C’est pourquoi il est indispensable d’interdire la brevetabilité non seulement des plantes, des animaux, de leurs parties et composantes génétiques issus de procédés essentiellement biologiques, mais aussi des plantes, des animaux, de leurs parties et composantes génétiques qui, bien qu’obtenus par un procédé brevetable, peuvent aussi être issus d’un procédé essentiellement biologique non brevetable ou exister naturellement.

Certes, le Code de la propriété intellectuelle français ne s’applique qu’aux brevets français et non aux brevets européens qui couvrent de nombreux produits et matières biologiques commercialisés ou utilisés sur le territoire français. Sa modification n’en est pas moins essentielle aussi pour faire évoluer un cadre européen incapable de sortir des blocages procéduriers d’un Office Européen des Brevets dont les décisions s’éloignent de plus en plus de la volonté du législateur et mènent à des situations
ubuesques. L’introduction en 2004, à l’article 613‑5‑3 du Code de la propriété intellectuelle français sur le brevet, de l’exception de recherche et de sélection « en vue de créer ou de découvrir et de développer d’autres variétés végétales » a en effet été une étape déterminante de l’introduction de la même exception dans le brevet unitaire européen en 2014.

De la même manière, l’annulation des brevets français portant sur des traits « natifs » pouvant être naturellement présents dans un produit ou une matière biologique contribuera fortement à l’introduction de la même limitation au niveau européen. Ainsi, la France s’inscrirait dans la dynamique politique qui apparaît au niveau européen à la fois au niveau de l’OEB et au sein des institutions européennes pour aller vers une évolution de la réglementation sur les brevets et notamment de la directive 98‑44 sur la protection intellectuelle des inventions biotechnologiques.