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ART. 4N°321 (Rect)

ASSEMBLÉE NATIONALE
12 mai 2016

JUSTICE DU XXIÈME SIÈCLE - (N° 3726)

Commission
 
Gouvernement
 

Adopté

AMENDEMENT N°321 (Rect)

présenté par

M. Le Bouillonnec et M. Clément

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ARTICLE 4

Après l’alinéa 11, insérer l’alinéa suivant :

« II bis. – À titre expérimental et pour une durée de quatre ans à compter de l’entrée en vigueur du II, les recours contentieux formés par certains agents soumis aux dispositions de la loi n° 83‑634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires à l’encontre d’actes relatifs à leur situation personnelle et les requêtes relatives aux prestations, allocations ou droits attribués au titre de l’aide ou de l’action sociale, du logement ou en faveur des travailleurs privés d’emploi, peuvent faire l’objet d’une médiation préalable obligatoire dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Cet amendement permet au pouvoir réglementaire d’imposer pour certains contentieux, à titre expérimental, le recours préalable à une médiation avant l’introduction d’un recours contentieux devant les juridictions administratives.

Il faut reconnaître qu’actuellement, s’il existe toujours la possibilité d’exercer un recours gracieux ou hiérarchique à l’encontre d’une décision administrative individuelle faisant grief, cette faculté est très rarement utilisée dans les contentieux de masse. En outre, à l’exception des rares administrations qui ont organisé un service de médiation interne indépendant des services instructeurs (comme la Police nationale ou Pôle emploi), les administrations sont peu enclines à remettre en cause leur propre décision et ces recours administratifs ne jouent donc pas le rôle de prévention des contentieux qu’on pourrait souhaiter.

Cet amendement vise donc à imposer le recours préalable à des médiateurs institutionnels indépendants de l’administration qui a pris la décision dans certains contentieux de masse, comme :

- les contentieux sociaux (16 % des recours enregistrés en 2015 devant les tribunaux administratifs) : selon les informations transmises par le Conseil d’État, le Défenseur des droits pourrait participer au développement des processus de médiation, comme alternative ou complément à la saisine du juge administratif (voir son allocution prononcée lors de l’audience solennelle de la cour administrative d’appel de Paris et du tribunal administratif de Paris du 6 octobre 2015, évoquant même son souhait qu’une expérimentation puisse être menée dès 2016).

Cette autorité administrative indépendante apparaît comme un relais particulièrement indiqué pour la mise en place de processus de médiation ou de conciliation qui interviendraient dans la sphère de compétence de la juridiction administrative. Le Défenseur des droits bénéficie d’un réseau de délégués particulièrement important, de près de 400 bénévoles (397 au 1er juin 2015) présents dans des structures de proximité connues du public, telles que les préfectures et sous-préfectures, les maisons de justice et du droit, les locaux municipaux ou encore les points d’accès au droit. Par ailleurs, les questions dont sont saisis ces délégués sont en partie les mêmes que celles que le juge administratif doit résoudre, comme celles relatives au RSA ou à la situation des personnes privées d’emploi.

La mise en place d’une expérimentation permettra de mesurer à la fois la capacité, compte tenu du nombre de dossiers concernés, des services du Défenseur des droits à répondre aux éventuelles demandes et l’utilité pour les justiciables d’une médiation auprès de cette institution.

Celle-ci pourrait concerner les contentieux suivants : RSA (contestation de l’indu, demande de remise gracieuse, opposition à titre exécutoire) ; APL (contestation de l’indu, demande de remise gracieuse, remise de l’APL, suspension de l’APL, opposition à contrainte) ; Pôle emploi (qualité de demandeur d’emploi, contestation de l’indu, revenu de remplacement) ; Travailleurs handicapés (qualité de travailleur handicapé, orientation, carte de stationnement). Dans tous ces domaines, dont aucun n’est inconnu du Défenseur des droits et de ses délégués, les questions posées sont avant tout factuelles et la réponse à leur donner implique de prendre en compte une situation très évolutive. L’intervention du juge présente un intérêt discutable.

L’expérimentation consisterait à imposer préalablement à toute saisine du juge une saisine du Défenseur des droits, laquelle - si elle est formulée dans le délai de recours - interromprait le délai de recours contentieux. Si dans les contentieux concernés, un recours préalable obligatoire a déjà été institué, la saisine obligatoire du Défenseur des droits pour conciliation ou médiation, qui n’est pas un recours de même nature, interviendra dans un second temps. Le délai de recours contentieux recommencera en toute hypothèse à courir une fois que le Défenseur des droits aura émis un avis sur la situation dont il aura été saisi. Les services du Défenseur des droits ont indiqué pouvoir traiter les demandes en un à trois mois.

Il est envisagé une expérimentation organisée dans quelques départements relevant du ressort de trois juridictions. Il pourrait s’agir du département de la Seine-Saint-Denis (Tribunal administratif de Montreuil), de deux départements du ressort du Tribunal administratif de Grenoble, et de deux ou trois départements du ressort du Tribunal administratif de Toulouse. Pendant cette période, les services du Défenseur des droits mettraient en place, dans les contentieux en question et sur les territoires concernés, des réseaux de délégués à même de répondre rapidement aux demandes de médiation des particuliers. Pour ce faire, les délégués sensibiliseraient leurs interlocuteurs institutionnels (CAF, conseils départementaux, etc.), et tenteraient de rapprocher les parties en présence dans l’objectif de trouver un règlement de leur litige. La juridiction administrative s’engagerait, quant à elle, à proposer aux services du Défenseur des droits des formations adéquates aux contentieux concernés ainsi qu’à répondre, notamment au sein des juridictions participant à l’expérimentation, aux interrogations qui se posent dans la mise en oeuvre de celle-ci.

- les contentieux de la fonction publique (12 % des recours en 2015) s’avèrent également constituer un domaine propice à la médiation. Les administrations, comme les agents, peuvent en effet trouver dans la médiation l’opportunité de régler plus rapidement et de manière beaucoup plus complète des différends qui ont un impact délétère sur les relations quotidiennes de travail.

Les expériences de médiation menées par le tribunal administratif de Grenoble ont d’ailleurs, pour une part importante, concerné le contentieux de la fonction publique, la plupart du temps pour des demandes indemnitaires, y compris pour des dossiers complexes de harcèlement moral allégué. Le Centre de gestion de la fonction publique territoriale de l’Isère s’est montré très désireux de participer aux opérations de médiation. Le président de l’Association des directeurs de centres de gestion de la fonction publique territoriale se serait également montré très favorable à ce que ces centres de gestion puissent jouer un rôle dans l’organisation de médiations et conciliations en matière de fonction publique territoriale. Le Centre interdépartemental de gestion de la grande couronne se proposerait quant à lui de mener dès maintenant des médiations avec les moyens dont il dispose.

Il pourrait également être envisagé d’imposer aux agents de police en conflit avec leur administration de saisir le médiateur interne de la Police nationale, qui est véritablement indépendant vis-à-vis des services décisionnaires, avant de saisir le juge administratif.

Dans tous les cas, les décrets expérimentaux imposeraient bien sûr aux administrations d’informer les administrés sur l’obligation de recours préalable au médiateur et sur les modalités de sa saisine.