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ART. 2N°22

ASSEMBLÉE NATIONALE
10 octobre 2016

PRÉDICATION SUBVERSIVE - (N° 4016)

Commission
 
Gouvernement
 

Tombé

AMENDEMENT N°22

présenté par

M. Popelin, Mme Descamps-Crosnier, M. Raimbourg, M. Le Bouillonnec, M. Pietrasanta, M. Clément, Mme Untermaier, M. Binet, Mme Mazetier, M. Fourage, M. Pueyo, Mme Capdevielle, M. Goasdoué, Mme Crozon et les membres du groupe Socialiste, écologiste et républicain

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ARTICLE 2

Supprimer cet article.

EXPOSÉ SOMMAIRE

Cet article créé et définit l’infraction de « prédication subversive » comme le « prêche, l’enseignement et la propagande, par des paroles ou des écrits publics et réitérés, d’une idéologie qui fait prévaloir l’interprétation d’un texte religieux sur les principes constitutionnels et fondamentaux de la République ».

Or, d’une part, de nombreux arguments juridiques œuvrent dans le sens de la suppression de ces dispositions telles qu’elles sont rédigées dans cette proposition de loi :

En effet, outre le caractère inconstitutionnel et contraire aux engagements conventionnels de la France (atteinte à la liberté religieuse, à la liberté d’opinion et de conscience) l’infraction créée a un champ d’application qui se révèle excessivement large et les termes employés dans la définition ne sont pas suffisamment précis, ce qui est contraire au principe de légalité des délits et des peines.

Certes, la rapporteure avait déposé un amendement en commission qui visait à redéfinir la « prédication subversive » comme étant constituée de « paroles » ou « écrits publics et réitérés, se revendiquant de principes religieux et susceptibles de troubler l’ordre public ou provoquant à des comportements manifestement incompatibles avec les principes de sauvegarde de la dignité de la personne humaine, de liberté et d’égalité ». Toutefois, cette redéfinition ne nous semble pas davantage pertinente, et ce pour plusieurs raisons : d’une part, l’auteure renvoie à des paroles ou écrits publics « se revendiquant de principes religieux ». Qu’est-ce qu’un principe religieux ? D’autre part, l’auteure entend incriminer ces paroles ou écrits, dès lors qu’ils sont « susceptibles de troubler l’ordre public ». Le trouble exigé n’est donc pas effectif, et le fait générateur de l’infraction reste donc pour le moins imprécis.

Ensuite, ces paroles ou écrits constitueraient également des « prédications subversives » s’ils provoquent « à des comportements manifestement incompatibles avec les principes de sauvegarde de la dignité de la personne humaine, de liberté et d’égalité ». Sur ce dernier point, la provocation à commettre une infraction, même non suivie d’effet, peut être sanctionnée. Si ce qui est visé par l’auteure de la proposition de loi est l’incitation à des « comportements » contraires aux principes visés – et cela semble manifestement être le cas-, la nouvelle infraction entend dès lors s’appliquer sans distinction à tous discours critiques, ce qui va manifestement au-delà de l’intention de l’auteure.

 

Par ailleurs, le quantum de la peine prévu (5 ans d’emprisonnement et 75000 euros d’amende) est identique à celui prévu pour l’apologie et la provocation directe au terrorisme, alors que ces faits sont d’une gravité bien supérieure. Les peines proposées ne sont donc pas conformes au principe de proportionnalité de peines.

D’autre part, sur un plan tant juridique qu’opérationnel, le droit positif offre d’ores et déjà des outils permettant de répondre aux problématiques posées par l’auteure de la proposition de loi :

L’article 421‑2‑5 du code pénal réprime toute provocation ou apologie publique d’actes de terrorisme. Il convient de rappeler que l’importante réforme réalisée à l’initiative de l’actuel Gouvernement, par la loi du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme afin d’améliorer l’efficacité de la répression en ce domaine et en considération du fait qu’il ne s’agit pas en l’espèce de réprimer des abus de la liberté d’expression mais de sanctionner des faits qui sont directement à l’origine des actes terroristes, a permis de soumettre ces actes aux règles de procédure de droit commun et à certaines règles prévues en matière de terrorisme. À cette occasion, l’actuelle majorité a sorti de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse les délits de provocation aux actes de terrorisme et apologie de ces actes et introduit ces délits dans le code pénal dans un nouvel article 421‑2‑5. La peine fixée par la loi sur la presse à cinq ans d’emprisonnement, étant maintenue mais est aggravée lorsque les faits seront commis sur internet (sept ans d’emprisonnement), afin de tenir compte de l’effet démultiplicateur de ce moyen de communication. L’insertion de ces délits dans le code pénal a permis d’appliquer les règles de procédure et de poursuites de droit commun, exclues en matière de presse, comme la possibilité de saisies ou la possibilité de recourir à la procédure de comparution immédiate.

 

Par ailleurs, l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse permet de réprimer les provocations à la haine, à la violation ou à la discrimination commis par le biais d’écrits ou paroles publics.

Enfin, la loi du 9 décembre 1905 relative à la séparation des Eglises et de l’État réprime spécifiquement les comportements suivants liés à la pratique d’un culte, quel qu’il soit : la provocation par ministre du culte à la résistance à l’exécution des lois ou actes de l’autorité publique ; l’outrage ou la diffamation par un ministre du culte envers un citoyen charge d’un service public ; les pressions exercées pour déterminer une personne à exercer ou s’abstenir d’exercer un culte. Plus spécifiquement, l’article 35 de la loi du 9 décembre 1905 prévoit de manière on ne peut plus explicite que « Si un discours prononcé, ou un écrit affiché ou distribué publiquement dans les lieux où s’exerce le culte, contient une provocation directe à résister à l’exécution des lois ou aux actes légaux de l’autorité publique, ou s’il tend à soulever ou à armer une partie des citoyens contre les autres, le ministre du culte qui s’en sera rendu coupable sera puni d’un emprisonnement de trois mois à deux ans ».

 

L’ensemble de ces raisons justifient de supprimer également cet article, comme le précédent.