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APRÈS ART. 51N°II-CF255 (Rect)

ASSEMBLÉE NATIONALE
4 novembre 2016

PLF 2017 - (N° 4061)

Adopté

AMENDEMENT N°II-CF255 (Rect)

présenté par

M. Dosière et M. Muet

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ARTICLE ADDITIONNEL

APRÈS L'ARTICLE 51, insérer l'article suivant:

I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :

1° La section 7 du chapitre Ier du titre II de la première partie du livre premier est complétée par un H ainsi rédigé :

« H Signalement des achats exposés au risque de fraude à la TVA

« Art. 289 E. – Aux fins de se prémunir contre le risque d’être impliqués dans un circuit de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée, les assujettis peuvent signaler par voie électronique les achats de biens ou de prestations de services réalisés auprès d’un autre assujetti dans les 24 heures de leur inscription en comptabilité au sens du 3° du I de l’article 286 ou de leur enregistrement dans les contrôles documentés mentionnés au 1° du VII de l’article 289. Le signalement précise pour chaque opération, d’une part, le numéro d’identification mentionné à l’article 286 ter par lequel le vendeur est identifié et, d’autre part, la base d’imposition de la livraison de biens ou de la prestation de services telle que déterminée au a du 1 de l’article 266.

« Le signalement est obligatoire pour les achats de biens dont le montant excède la première limite mentionnée au deuxième alinéa du II de l’article 302 septies A ou dont la somme excède cette limite pour un même vendeur au terme d’une période de trois mois. Toutefois, le signalement n’est pas obligatoire si la livraison n’est pas soumise à la taxe sur la valeur ajoutée ou si la taxe est due par l’acquéreur, le destinataire ou le preneur en application de l’article 283. » ;

2° Le 3 de l’article 272 et le 4 bis de l’article 283 sont complétés par une phrase ainsi rédigée :

« Cette disposition ne trouve pas à s’appliquer si le signalement des achats prévue à l’article 289 E a été effectué dans les conditions qu’il prévoit, sauf lorsque l’acquéreur s’est prêté à des manœuvres frauduleuses constitutives du délit d’escroquerie comme auteur ou comme complice. » ;

3° Le 2 du B de la section 1 du chapitre II du livre II est complété par un article 1729 C bis ainsi rédigé :

« Art. 1729 C bis. – Le défaut de production dans le délai prescrit du signalement des achats mentionné à l’article 289 E lorsque celui-ci est obligatoire entraîne l’application d’une amende égale à 2 % de la différence entre le montant à signaler et la première limite mentionnée au I de l’article 302 septies A. L’amende est plafonnée par année à 0,1 % de la somme des achats pour laquelle elle est applicable lorsque l’assujetti a mis en œuvre un dispositif de signalement des informations requises dans des conditions de fiabilité définies par décret en Conseil d’État et elle n’est pas appliquée lorsque par ailleurs il est établi que la taxe mentionnée dans la facture d’achat a été régulièrement versée au Trésor par le fournisseur. »

II. – L’article L. 252 B du livre des procédures fiscales est ainsi modifié :

1° Après le I, il est inséré un I bis ainsi rédigé :

« I bis. – Lorsque le procès-verbal mentionné à l’article L. 80 F fait apparaître les deux faits suivants :

« 1° La taxe sur la valeur ajoutée afférente à une livraison de biens est devenue exigible dans les conditions prévues au a du 2 de l’article 269 du code général des impôts sans que soit échue l’obligation déclarative prévue à l’article 287 du code précité ;

« 2° Le montant obtenu par application des taux prévus aux articles 278 à 281 nonies du même code à la base des opérations taxables réalisées jusqu’à la date du procès-verbal précité au titre de la période comprise dans la prochaine obligation déclarative et sous déduction de la taxe déductible dans les conditions prévues aux articles 271 à 273 septies C du même code excède le montant de taxe sur la valeur ajoutée compris dans les factures émises durant les douze mois précédant la livraison visée au 1° ;

« et que les circonstances sont susceptibles de menacer le recouvrement de la taxe, le comptable peut dans la limite du premier montant visé au 2° procéder à la saisie à tiers débiteur de la créance dont le redevable est détenteur auprès du destinataire de la livraison à raison de celle-ci. La saisie est notifiée à l’un et à l’autre avec mention des délais et voies de recours. Elle emporte l’effet prévu à l’article L. 523‑1 du code des procédures civiles d’exécution à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée. Le comptable ne peut en demander le paiement avant que soit échue l’obligation déclarative visée au 1°. » ;

2° Au premier alinéa du II, après la référence : « I », sont insérés les mots : « ou de la saisie à tiers débiteur mentionnée au I bis » ;

3° Le III est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Il en va de même pour la saisie à tiers débiteur mentionnée au I bis du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée qu’elle vise. »

III. – Les dispositions du dernier alinéa du 1° du I ainsi que celles du 3° du même I sont applicables aux opérations réalisées à compter du 1er janvier 2018.

EXPOSÉ SOMMAIRE

Cet amendement a pour objet de mettre un terme à la fraude à la TVA dite « carrousel » dont la Commission européenne évalue à 10 milliards d’euros par an le coût pour nos recettes fiscales.

Ce schéma de fraude à la TVA consiste à ne pas reverser au Trésor la TVA facturée et encaissée à l’occasion de la livraison de marchandises acquises, juste avant, sans charge de taxe du fait du régime d’autoliquidation fiscale propre aux échanges intra-UE. Organisé pour des montants importants par des réseaux criminels, il représente une véritable prédation sur l’activité économique au préjudice du Trésor public, mais aussi des opérateurs de bonne foi pour lesquels elle fausse gravement les conditions de la concurrence.

En demandant aux clients déducteurs de la TVA de signaler par télédéclaration leurs gros achats de biens en temps réel, le dispositif retenu permettra à l’administration fiscale de repérer les livraisons exceptionnelles réalisées par des intermédiaires douteux. Aussitôt alerté, le service local compétent sera donc en mesure de s’assurer du comportement des fournisseurs (désignés sous le terme de « taxi ») qui sont susceptibles de disparaitre avec la TVA facturée. Ainsi, le reversement de la taxe au Trésor sera parfaitement sécurisé.

Le signalement demandé est réduit au montant de l’opération et au numéro d’enregistrement du fournisseur, et sa mise en œuvre sera totalement intégrée dans le système de gestion informatisé des opérateurs concernés. L’obligation se bornant aux transactions dont le montant excède 863 000 €, elle visera en pratique moins de 50.000 assujettis à la TVA. Plusieurs exemples européens, notamment en Espagne et au Portugal où des procédures au demeurant beaucoup plus lourdes sont déjà développées, montrent que ces solutions de recoupement sont devenues banales grâce aux technologies de l’information. Pour l’administration, le volume annuel des données à traiter serait inférieur plus de 500 fois à celui qui est prévu dans le cadre du prélèvement à la source.

Un délai est néanmoins laissé jusque mai 2017 pour que l’adaptation requise des entreprises tienne compte de leurs contraintes de maintenance informatique. En contrepartie, ce signalement électronique permettra de sécuriser la relation avec leurs fournisseurs en leur donnant l'assurance de ne pas voir remis en cause leurs droits à déduction de TVA.

La riposte à la fraude à la TVA est d'autant plus urgente qu’en élargissant aux importations en provenance des pays tiers la faculté d’autoliquidation fiscale de la TVA, l’article 27 de la loi du 20 juin 2016 « pour l'économie bleue » risque d’amplifier ce type de montages frauduleux nonobstant les nouvelles dispositions de filtrage proposées à l’article 23 ter de la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique en cours d’adoption.