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APRÈS ART. 46N°II-1085

ASSEMBLÉE NATIONALE
14 novembre 2016

PLF 2017 - (N° 4061)

Commission
 
Gouvernement
 

Adopté

AMENDEMENT N°II-1085

présenté par

M. Galut, M. Cherki, M. Vignal, M. Bardy, M. Alexis Bachelay, M. Muet, M. Potier, M. Hammadi, M. Prat, Mme Rabin, Mme Karine Daniel, M. Goldberg, Mme Bruneau, M. Juanico, M. Terrasse, Mme Guittet, M. Philippe Baumel, Mme Khirouni, M. Premat, M. Gille, M. Yves Daniel, M. Molac, Mme Laurence Dumont, M. Pellois, M. Laurent Baumel, M. Goasdoué, M. Arnaud Leroy, M. Ménard, M. Bays, M. Hanotin, Mme Lacuey, M. Lesage, M. Dufau, Mme Sandrine Doucet, M. Grellier, M. Marsac, M. Roig, Mme Got, Mme Martinel, Mme Filippetti, Mme Zanetti, Mme Récalde, Mme Sommaruga, M. Cresta, M. Olivier Faure, Mme Buis, M. Hamon, M. Pouzol, Mme Olivier, M. Plisson, Mme Orphé, M. Destans, Mme Coutelle, M. Launay, M. Dupré, M. Liebgott, Mme Huillier, Mme Troallic, Mme Chabanne, M. Burroni, M. William Dumas, M. Alauzet, M. Laurent et M. Villaumé

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ARTICLE ADDITIONNEL

APRÈS L'ARTICLE 46, insérer l'article suivant:

I. – Après l’article 209 B du code général des impôts, sont insérés deux articles 209 C  et 209 D ainsi rédigés :

« Art. 209 C. – I. – 1. Sans préjudice de l’article 57, la fraction des bénéfices ou revenus positifs d’une personne morale domiciliée ou établie hors de France liée à l’exercice d’une activité de vente ou de fourniture de biens ou de services par un établissement stable en France, ou par le biais de toute autre personne morale ou physique définie au 3 du présent I et constituée dans le but d’éviter de déclarer un établissement stable en France, est réputée soumise à l’impôt sur les bénéfices détournés en France selon les modalités prévues aux I à IV du présent article.

« 2. Une personne morale domiciliée ou établie hors de France est réputée, au sens du présent article, disposer d’un établissement stable en France lorsqu’une entreprise ou entité juridique, établie ou non en France, y conduit une activité consistant en la vente ou la fourniture de produits ou de services appartenant à la personne morale précédemment mentionnée ou que celle-ci a le droit d’utiliser, et que :

« – soit  cette personne morale détient, directement ou indirectement, plus de 50 % des actions, parts, droits financiers ou droits de vote de l’entreprise ou de l’entité juridique ;

« – soit l’entreprise ou l’entité juridique est placée sous le contrôle de la personne morale, au sens de l’article L. 233‑3 du code de commerce.

« Pour la détermination de la condition de détention directe ou indirecte mentionnée au deuxième alinéa du présent 2, le dernier alinéa du 1 et le 2 du I de l’article 209 B sont applicables.

« 3. Si une personne morale ou physique, domiciliée ou non en France, y conduit une activité en lien avec la vente de biens ou la fourniture de services par la personne morale domiciliée ou établie hors de France mentionnée au 1, et que l’on peut raisonnablement considérer que l’activité de cette personne morale ou physique a pour objectif d’éluder ou d’atténuer l’impôt qui serait dû en France en évitant d’y déclarer un établissement stable de la personne morale mentionnée au même 1, les dispositions du présent article s’appliquent.

« Peuvent notamment relever, lorsque la condition mentionnée à l’alinéa précédent est remplie, du champ défini au présent 3:

« 1° Toute personne agissant pour le compte de la personne morale domiciliée ou établie hors de France et qui, à ce titre et de façon habituelle, conclut des contrats ou intervient à titre principal dans le processus menant à la conclusion de contrats :

« a) Conclus au nom de la personne morale précédemment mentionnée ;

« b) Ou portant sur le transfert de la propriété de biens, la concession du droit d’utilisation de biens appartenant à cette personne morale ou sur lesquels cette dernière possède une licence d’exploitation ;

« c) Ou portant sur la vente ou la fourniture de biens ou de services par la personne morale précédemment mentionnée.

« L’alinéa précédent ne s’applique pas si la personne exerce son activité à titre indépendant et que l’activité réalisée avec la personne morale domiciliée ou établie hors de France relève du cadre ordinaire de cette activité. L’activité n’est pas considérée comme exercée à titre indépendant :

« – si la personne agit exclusivement pour la personne morale domiciliée ou établie hors de France ;

« – si la personne agit exclusivement pour des entreprises ou entités juridiques placées sous le contrôle ou la dépendance de la personne morale domiciliée hors de France au sens du 2 du présent I ;

« 2° Tout site physique situé en France et dont l’activité consiste à assurer la réception, le stockage ou l’acheminement de produits vendus par la personne morale domiciliée ou établie hors de France ou sur lesquels cette personne dispose d’un droit de propriété ou possède une licence d’exploitation ;

« 3° Tout site internet, hébergé ou non en France, se livrant, à destination de personnes domiciliées en France, à des activités de vente ou de fourniture de produits ou de services vendus ou fournis par la personne morale domiciliée ou établie hors de France ou sur lesquels cette personne dispose d’un droit de propriété.

« Pour l’application des 2° et 3° du présent 3, lorsque le site physique ou numérique n’est pas exclusivement lié à une personne morale domiciliée ou établie hors de France ou à une ou plusieurs personnes placées sous le contrôle de celle-ci, au sens du 2 du présent I, seule l’activité réalisée pour la personne morale domiciliée ou établie hors de France définie au 1 du même I est prise en compte pour l’application du présent article.

« 4. Les revenus réputés imposables au titre du 1 du présent I correspondent au bénéfice qui aurait résulté des activités réalisées en France en l’absence de montage artificiel destiné à détourner des bénéfices dans des pays étrangers aux fins de contourner la législation fiscale. Pour la détermination des charges déductibles du résultat fiscal, l’article 238 A est applicable.

« 5. L’impôt acquitté localement par la personne morale domiciliée ou établie hors de France est imputable sur l’impôt établi en France, à condition d’être comparable à l’impôt sur les sociétés et, s’il s’agit d’une entité juridique, dans la proportion des actions, parts ou droits financiers détenus par la personne morale domiciliée ou établie hors de France.

« 6. Lorsque la personne morale domiciliée ou établie hors de France mentionnée au 1 du présent I est soumise à un régime fiscal privilégié au sens du deuxième alinéa de l’article 238 A ou qu’elle se trouve dans un territoire non coopératif au sens de l’article 238‑0 A, la condition de dépendance ou de contrôle prévue aux 2 et 3 du même I n’est pas exigée.

« II. – 1. Le I ne s’applique pas si la personne morale domiciliée ou établie hors de France ou si l’entreprise ou l’entité juridique contrôlée par elle au sens du 2 du I relève de la catégorie des micro, petites et moyennes entreprises définie à l’annexe I du règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité ;

« 2. En dehors des cas prévus au 1 du présent II, le I ne s’applique pas :

« a) Si la personne morale domiciliée ou établie hors de France démontre que les opérations menées avec les établissements stables ou les personnes morales ou physiques définies au 3 du I du présent article ont principalement un objet et un effet autres que de celui de se soustraire à tout ou partie de l’imposition en France, notamment en apportant la preuve du caractère réel, normal, non exagéré et non dépourvu de substance économique des opérations réalisées avec ces personnes ou établissements ;

 « b) Si la personne morale est établie ou constituée dans un État membre de l’Union européenne, sauf si la domiciliation ou l’établissement hors de France a pour objectif exclusif d’éluder ou d’atténuer l’impôt qui serait dû en France.

« III. – Lorsqu’il est fait application du I, le bénéfice défini au 4 du même I est imposé au taux prévu au deuxième alinéa du I de l’article 219.

« IV. – Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article, et notamment les modalités permettant d’éviter la double imposition des bénéfices effectivement répartis ainsi que les obligations déclaratives de la personne morale mentionnée au 1 du I.

« Art. 209 D. – 1. Les bénéfices réalisés par les entreprises mentionnées au I de l’article 242 bis sont soumis à l’impôt sur les sociétés s’ils sont assis sur la vente ou la fourniture d’un bien ou d’une prestation, lorsque le vendeur ou le fournisseur du bien ou de la prestation est domicilié en France.

« 2. Lorsque le vendeur ou le fournisseur est un établissement stable ou une personne morale ou physique constituée dans le but d’éviter de déclarer un établissement stable en France au sens de l’article 209 C, cet article est applicable pour l’imposition des bénéfices réalisés par les entreprises mentionnées à l’alinéa précédent.

« 3. Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article. »

II. – Le I du présent article s’applique aux exercices ou périodes d’imposition ouverts à compter du 1er janvier 2018.

EXPOSÉ SOMMAIRE

De nombreuses entreprises détournent aujourd’hui artificiellement les bénéfices qu’elles réalisent dans notre pays, par le mécanisme de prix de transfert excessifs, mais également en évitant l’établissement d’une présence fiscale en France, en ayant recours à des montages financiers complexes ou tout simplement en profitant des failles laissées par notre législation fiscale.

 Ce détournement de profits se fait au détriment de l’État, des services publics, des entreprises locales concurrentes et des citoyens. Des géants du fast-food à ceux de l’internet, les exemples ne manquent pas. Les négociations internationales sur ces sujets ont produit à cet égard des nouvelles propositions qui tardent à se mettre en place.

 Le présent amendement vise à mettre un terme à ces pratiques et à réintégrer les profits détournés dans l’assiette de l’impôt, en posant le principe d’une territorialisation de l’imposition, en s’attaquant aux prix de transfert abusifs pratiqués par certaines entreprises et, selon les préconisations du projet BEPS de l’OCDE, en visant les montages n’ayant pour autre but que d’éluder ou d’atténuer l’impôt dû en France, notamment les accords de commissionnaires, qui échappent artificiellement à la notion d’établissement stable. Il est en partie inspiré du régime mis en place par la partie 3 de la loi de finances 2015 du Royaume-Uni, prévoyant pour l’application de cette nouvelle taxe sur les bénéfices détournés un taux équivalent à celui de l’impôt sur les sociétés. Il vient en complément de l’article 209 B du code général des impôts qui concerne la situation inverse d’une personne morale établie en France exploitant une entreprise à l’étranger.

 L’article 209 D aborde quant à lui le même problème mais en prévoyant le cas spécifique des plateformes de mise en relation par voie électronique, en prévoyant que les bénéfices qu’elles réalisent aux moyens de personnes domiciliées en France sont imposables au titre de l’impôt sur les sociétés, et que dans le cas d’une personne morale établie à l’étranger, le mécanisme prévu à l’article 209C précédemment s’applique.

 De manière à permettre une adaptation des structures au régime de cette nouvelle taxe, ces dispositions n’entreraient en vigueur qu’à partir de 2018.