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N
° 1435

______

ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2013.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI (n° 1395)
de
finances pour 2014

TOME XI

OUTRE-MER

COLLECTIVITÉ D’OUTRE-MER, NOUVELLE-CALÉDONIE
ET TERRES AUSTRALES ET ANTARTIQUES FRANÇAISES

PAR M. René DOSIÈRE

Député

——

Voir les numéros : 1428-III-34.

En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les réponses au questionnaire budgétaire devaient parvenir au rapporteur pour avis au plus tard le 10 octobre 2013 pour le présent projet de loi de finances.

À cette date, seules 44 % des réponses étaient parvenues à votre rapporteur pour avis qui regrette que les prescriptions de la loi organique n’aient pas été pleinement respectées, malgré la disponibilité des services du ministère des Outre-mer.

Il déplore, en outre, la publication tardive du document de politique transversale relatif à l’outre-mer. L’absence de ce document de synthèse prive les députés, et notamment les membres de la commission des Lois, d’éléments indispensables à l’analyse de l’évolution de l’ensemble des crédits dédiés aux outre-mer.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

PREMIÈRE PARTIE : LES CRÉDITS POUR 2014 EN FAVEUR DES COLLECTIVITÉS D’OUTRE-MER ET DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE 7

A. LES OUTRE-MER : UNE PRIORITÉ BUDGÉTAIRE FORTE DANS LE CADRE DE LA MAÎTRISE DES FINANCES PUBLIQUES 7

B. UNE ÉVOLUTION CONTRASTÉE DES CRÉDITS EN FAVEUR DES COLLECTIVITÉS D’OUTRE-MER ET DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE 9

SECONDE PARTIE : LES ENJEUX ÉCONOMIQUES ET SOCIAUX DES COLLECTIVITÉS D’OUTRE-MER ET DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE 11

I. LA NOUVELLE-CALÉDONIE : RELEVER LES DÉFIS ÉCONOMIQUES ET SOCIAUX EN VUE DE LA CONSULTATION SUR L’AUTODÉTERMINATION 11

A. UN RÉÉQUILIBRAGE PROGRESSIF ET ENCOURAGEANT 11

B. UN CONTEXTE ÉCONOMIQUE DÉSORMAIS INCERTAIN, MARQUÉ PAR LA « VIE CHÈRE » 14

C. ENGAGER UNE VÉRITABLE POLITIQUE INDUSTRIELLE DU NICKEL À L’ÉCHELLE DU TERRITOIRE 16

II. LA POLYNÉSIE FRANÇAISE : SORTIR DE L’IMPASSE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE DANS UN CONTEXTE DE STABILITÉ POLITIQUE 18

A. LE RETOUR DE LA STABILITÉ POLITIQUE ET INSTITUTIONNELLE EN POLYNÉSIE FRANÇAISE 18

B. UN DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE À BOUT DE SOUFFLE 21

C. UNE SITUATION FINANCIÈRE TOUJOURS EN PÉRIL 24

D. INVITER LA POLYNÉSIE FRANÇAISE À S’ENGAGER RÉSOLUMENT DANS LA VOIE DU REDRESSEMENT ÉCONOMIQUE ET FINANCIER 30

III. LES ENJEUX ÉCONOMIQUES ET SOCIAUX DANS LES AUTRES COLLECTIVITÉS DE L’ARTICLE 74 DE LA CONSTITUTION 33

A. LES ÎLES WALLIS-ET-FUTUNA 33

B. SAINT-PIERRE-ET-MIQUELON 34

C. LES COLLECTIVITÉS DE SAINT-BARTHÉLÉMY ET DE SAINT-MARTIN 35

D. LES TERRES AUSTRALES ET ANTARCTIQUES FRANÇAISES (TAAF) 37

EXAMEN DES CRÉDITS EN COMMISSION ÉLARGIE 39

ANNEXE N° 1 : LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS 79

ANNEXE N° 2 : RÉSULTATS DES ÉLECTIONS DES 21 AVRIL ET 5 MAI 2013 À L’ASSEMBLÉE DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE 81

ANNEXE N° 3 : SYNTHÈSE DES OBSERVATIONS DÉFINITIVES DE LA CHAMBRE TERRITORIALE DES COMPTES DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE SUR LA MISSION « POUVOIRS PUBLICS » 83

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Les divers mouvements sociaux de protestation contre la vie chère, qui ont émaillé la vie locale de nos outre-mer (1), nous rappellent combien il est indispensable de soutenir et de conforter le développement de nos départements et collectivités d’outre-mer.

Tel est l’objet de la mission « Outre-mer », qui a vocation à contribuer à l’amélioration des conditions de vie et au développement des départements et collectivités d’outre-mer. Elle regroupe, dans cette perspective, des crédits relatifs aux dispositifs spécifiques aux territoires ultramarins, destinés à financer notamment la création d’emplois, l’amélioration de l’habitat social et le développement d’équipements structurants.

Alors que le budget de l’État poursuit, en 2014, la trajectoire courageuse de retour à l’équilibre de nos finances publiques, permettant ainsi de ramener le déficit public de 4,1 à 3,6 % du produit intérieur brut, votre rapporteur pour avis constate avec satisfaction que, dans un contexte budgétaire aussi contraint, les crédits relatifs aux outre-mer ont été consolidés et confortés.

En effet, si l’objectif pris par le Gouvernement de ramener le déficit public à 3 % du produit intérieur brut à l’horizon 2015 est intangible, il ne saurait se faire au détriment des départements et collectivités d’outre-mer. Tel est le pari réussi du présent projet de loi de finances pour 2014.

Analysant l’évolution des crédits de la mission « Outre-mer » pour 2014, votre rapporteur pour avis se félicite que la consolidation des crédits alloués assure pleinement le financement des politiques prioritaires de soutien à l’économie ultramarine, qu’il s’agisse de l’emploi ou du logement (I).

L’examen du budget de la mission « Outre-mer » est également l’occasion pour votre rapporteur pour avis de dresser un bilan des enjeux économiques et sociaux auxquels font actuellement face les collectivités d’outre-mer et la Nouvelle-Calédonie (II).

PREMIÈRE PARTIE : LES CRÉDITS POUR 2014 EN FAVEUR DES COLLECTIVITÉS D’OUTRE-MER ET DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE

Alors que le redressement de nos finances publiques, amorcé en 2013, se poursuivra l’année prochaine, le budget de la mission « Outre-mer » pour 2014 apparaît d’emblée comme un budget responsable, permettant à l’État de soutenir le développement économique des collectivités d’outre-mer.

Priorité a été donnée à la relance de la production, de l’investissement public et de l’emploi, à la réinsertion professionnelle des jeunes, à la réhabilitation de l’habitat insalubre, au développement de l’offre de logement social et à la lutte contre la vie chère (A). L’évolution des crédits en faveur des collectivités d’outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie demeure toutefois plus contrastée (B).

A. LES OUTRE-MER : UNE PRIORITÉ BUDGÉTAIRE FORTE DANS LE CADRE DE LA MAÎTRISE DES FINANCES PUBLIQUES

1. Une mission « Outre-mer » en voie de consolidation

Dotée, en 2014, de 2,15 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et de 2,06 milliards d’euros en crédits de paiement (CP), la mission « Outre-mer » comprend deux programmes :

—  le programme « Emploi outre-mer », qui finance divers dispositifs de soutien à l’emploi outre-mer, comme les exonérations de cotisations patronales propres aux départements et collectivités d’outre-mer, les aides à la formation professionnelle ou le service militaire adapté. Il représente, en 2014, 65 % des AE (1,4 milliard d’euros) et 67 % des CP (1,4 milliard d’euros) de la mission « Outre-mer » ;

—  et le programme « Conditions de vie outre-mer », qui finance le développement économique, social et culturel des collectivités ultramarines, afin de rapprocher leur situation de celle de la métropole. Il représente, en 2014, 35 % des AE (0,74 milliard d’euros) et 33 % des CP (0,67 milliard d’euros) de la mission « Outre-mer ».

Comme l’indique le tableau figurant ci-dessous, les crédits ouverts en 2014 pour la mission « Outre-mer » dans le présent projet de loi de finances sont quasiment stables, en légère baisse de 1,8 % en AE et en augmentation de 1,05 % en CP.

CRÉDITS DE LA MISSION « OUTRE-MER » EN 2013 ET 2014

(en milliards d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Ouvertes en LFI pour 2013

PLF 2014

Ouverts en LFI pour 2013

PLF 2014

Mission « Outre-mer »

2,19

2,15

2,04

2,06

+ 1,84 %

+ 1,05 %

– dont programme
« Emploi outre-mer »

1,4

1,4

1,39

1,38

+ 0,01 %

- 0,4 %

– dont programme
« Conditions de vie outre-mer »

0,78

0,74

0,65

0,67

- 5,16 %

+ 4,19 %

À l’aune du contexte budgétaire actuel particulièrement contraint, votre rapporteur pour avis voit dans cette consolidation des crédits le signe de la volonté intangible du Gouvernement, que le Parlement soutiendra, d’apporter des réponses adaptées aux enjeux auxquels sont confrontés les départements et collectivités d’outre-mer.

Le budget triennal 2013-2015, période au cours de laquelle les crédits de paiement de la mission « Outre-mer » devraient, sous toutes réserves, progresser de 7 %, témoigne de la durabilité de l’action résolue qui s’engage dans le présent projet de loi de finances pour 2013. Votre rapporteur pour avis se félicite à ce titre que l’évolution des crédits de paiement assure quasiment, en 2014, le respect du plafond fixé au titre de la programmation pluriannuelle.

CRÉDITS DE LA MISSION « OUTRE-MER »
DANS LE CADRE DE LA PROGRAMMATION 2013-2015

(en milliards d’euros)

2013

2014

2015

Crédits de paiement

Évolution 2012/2013

Crédits de paiement

Évolution 2013/2014

Crédits de paiement

Évolution 2014/2015

2

+ 3,6 %

2,07

+ 3,5 %

2,14

+ 3,4 %

Il convient toutefois de souligner que la mission « Outre-mer » ne représente qu’une petite partie – de l’ordre de 15 % – des crédits consacrés par l’État aux départements et collectivités d’outre-mer.

2. Un effort budgétaire global de l’État en faveur des outre-mer s’élevant à plus de 18 milliards d’euros

Il convient en effet de distinguer trois niveaux de dépenses publiques à destination de l’outre-mer :

—  le premier niveau est la mission « Outre-mer » proprement dite, dont les crédits relèvent directement du ministère des Outre-mer et qui est dotée de 2,15 milliards d’euros en AE et de 2,06 milliards d’euros en CP pour 2014 ;

—  les crédits consacrés par l’État à la politique transversale de l’outre-mer en constituent le deuxième niveau. Ils regroupent des crédits de 89 programmes relevant de 27 missions. L’effort budgétaire global de l’État au titre de la politique transversale de l’outre-mer s’élève ainsi, en 2014, à 14,3 milliards d’euros en AE et à 14,2 milliards d’euros en CP.

S’agissant de la répartition de ces crédits, il apparaît que les principales missions contributrices sont les missions « Enseignement scolaire », « Outre-mer » et « Relations avec les collectivités territoriales », qui représentent respectivement 32,3 %, 15 % et 14 % de l’effort global de l’État en faveur de l’outre-mer. La mission « Sécurité » représente près de 6,7 % de cet effort, contre 5,2 % pour la mission « Défense » ;

—  il convient enfin d’ajouter le coût des exonérations fiscales en faveur de l’outre-mer – 3,98 milliards d’euros en 2014 – pour obtenir l’effort budgétaire global de l’État à destination de l’outre-mer, qui s’élève en 2014 à 18,3 milliards d’euros en AE et à 18,2 milliards d’euros en CP.

B. UNE ÉVOLUTION CONTRASTÉE DES CRÉDITS EN FAVEUR DES COLLECTIVITÉS D’OUTRE-MER ET DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE

La répartition des autorisations d’engagement par territoire, contenue dans le document de politique transversale, fait l’objet du tableau ci-après. Ce tableau met en évidence des taux d’évolution variables d’un territoire à l’autre.

RÉPARTITION DES CRÉDITS DE L’ÉTAT PAR TERRITOIRE (autorisations d’engagement)

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Évolution

Territoire

2012

2013

2014

Évolution 2012/2013

Évolution 2013/2014

Saint-Martin

39,8

51,4

51,6

+ 29 %

+ 0,4 %

Saint-Barthélemy

1,84

1,77

1,97

- 4,1 %

+ 11,7 %

Nouvelle-Calédonie

1 183,8

1 167,7

1 223,4

- 1,4 %

+ 4,8 %

Polynésie française

1 249,9

1 231,3

1 220,4

- 1,5 %

- 0,9 %

Wallis-et-Futuna

103,3

80,7

79,6

- 21,9 %

- 1,3 %

Saint-Pierre-et-Miquelon

91,3

76,3

72,9

- 16,4

- 4,4 %

T.A.A.F.

22,3

21,8

20,9

- 2,4 %

- 4,1 %

Ensemble
des territoires

2692,24

2630,97

2670,77

- 2 %

+ 2 %

Source : document de politique transversale

Alors que les crédits de la mission « Outre-mer » sont appelés à se stabiliser l’année prochaine, le montant des crédits à destination des collectivités d’outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie s’inscrit, dans le même temps, en hausse de 2 % par rapport à 2013.

Votre rapporteur pour avis souligne cependant que cette hausse recouvre, en réalité, des évolutions très variables suivant les territoires. Alors qu’en 2014, les autorisations d’engagement vont progresser respectivement de près de 5 et 12 % en Nouvelle-Calédonie et à Saint-Barthélémy, elles vont, au cours de cette même, reculer d’un peu plus de 4 % à Saint-Pierre-et-Miquelon et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

Ces différences d’évolution s’expliquent notamment par la mise en place, territoire par territoire, d’opérations d’investissement, lesquelles ne présentent pas de périodicité régulière et ne font l’objet d’aucune véritable concertation entre les différents programmes budgétaires concernés.

Il n’en demeure pas moins qu’avec un budget consolidé (cf. supra), la mission « Outre-mer » garantira, en 2014, le respect des engagements pris par le président de la République et le Gouvernement dans des domaines d’intervention prioritaires, comme l’investissement public, l’emploi et l’insertion professionnelle des jeunes, le logement social et l’amélioration de l’habitat.

SECONDE PARTIE : LES ENJEUX ÉCONOMIQUES ET SOCIAUX DES COLLECTIVITÉS D’OUTRE-MER ET DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE

S’agissant plus particulièrement des enjeux économiques et sociaux dans les collectivités d’outre-mer et en Nouvelle-Calédonie, votre rapporteur pour avis s’est penché sur la poursuite de rééquilibrage en Nouvelle-Calédonie ainsi que sur les incertitudes qui pèsent aujourd’hui sur l’économie de ce territoire (I).

Il a également souhaité revenir sur le ralentissement économique marqué et la situation budgétaire toujours très dégradée de la Polynésie française et ce, en dépit du retour de la stabilité institutionnelle (II).

Enfin, votre rapporteur pour avis s’est attaché à analyser les diverses questions économiques et sociales qui se posent aujourd’hui dans les autres collectivités d’outre-mer relevant de l’article 74 de la Constitution (III).

I. LA NOUVELLE-CALÉDONIE : RELEVER LES DÉFIS ÉCONOMIQUES ET SOCIAUX EN VUE DE LA CONSULTATION SUR L’AUTODÉTERMINATION

Depuis l’Accord de Nouméa du 5 mai 1998 et dans le prolongement des accords de Matignon-Oudinot signés dix ans auparavant, la Nouvelle-Calédonie s’est résolument engagée dans la voie du rééquilibrage économique et social (A). Cependant, les incertitudes qui pèsent sur la conjoncture économique et qui se concentrent essentiellement sur la question de la « vie chère » (B), plaident aujourd’hui pour la mise en place d’une véritable politique industrielle du nickel à l’échelle du territoire (C).

A. UN RÉÉQUILIBRAGE PROGRESSIF ET ENCOURAGEANT

Depuis près d’une trentaine d’années, la Nouvelle-Calédonie a bénéficié d’une économie en plein développement, essentiellement grâce aux ressources minières dont elle dispose.

Avec une progression moyenne annuelle du produit intérieur brut de 6,1 % entre 2000 et 2011 et une croissance un peu moindre mais toujours soutenue en 2012 (2), la Nouvelle-Calédonie se classe désormais, dans la région Pacifique, en seconde position en termes de richesse produite par habitant, après l’Australie, mais avant la Nouvelle-Zélande.

Ce dynamisme de l’activité économique s’explique pour l’essentiel par l’exploitation et la transformation du nickel, le territoire disposant à lui seul d’un quart des ressources mondiales de ce minerai. Ainsi, en 2010 (3), l’industrie du nickel représentait 8,4 % du produit intérieur brut de l’archipel, sans compter ses effets d’entraînement sur le reste de l’activité économique, comme le secteur du bâtiment notamment.

La vigueur de l’économie locale a favorisé la mise en place, sur le territoire, d’une politique de rééquilibrage, initiée par les accords de Matignon et d’Oudinot et poursuivie, dix ans après, par l’Accord de Nouméa. Ce dernier énonce que « le présent est le temps du partage par le rééquilibrage », lequel s’est traduit par divers mécanismes de soutien budgétaire et de répartition des moyens économiques que l’archipel tire de ses ressources naturelles.

L’un des enjeux essentiels de cette politique est de mettre un terme à l’hémorragie démographique des provinces Nord et des îles Loyauté vers la province Sud et sa capitale, Nouméa. En effet, la population calédonienne comptait, en 2012, environ 265 000 habitants, dont les trois quarts vivaient en province Sud et les deux tiers dans la zone urbaine du Grand Nouméa (4).

Lors de son récent déplacement en Nouvelle-Calédonie (5), votre rapporteur pour avis a constaté que, pour l’heure, la politique de rééquilibrage, en dépit des nombreuses avancées qu’elle a permis – comme l’installation d’une nouvelle usine de nickel dans la province Nord –, n’a pu stopper cette évolution. Depuis 1996, la progression démographique est restée particulièrement forte au Sud (+ 2,3 % par an), quand elle était, dans le même temps, moyenne dans la province Nord (+ 0,7 %) et négative dans la province des îles Loyauté (– 1,3 %).

Sur le plan budgétaire, le rééquilibrage entre les trois provinces repose essentiellement sur le budget de la Nouvelle-Calédonie, lequel assure le versement des dotations de fonctionnement et d’investissement aux trois provinces. Ces dernières ne disposent en complément que de recettes fiscales propres très limitées et de dotations directement versées par l’État, afin de compenser les charges transférées (6).

La part du budget territorial à destination des provinces est aujourd’hui déterminée suivant une clé de répartition (7). Ainsi, la dotation de fonctionnement va à 50 % à la province Sud, 32 % à la province Nord et 18 % à la province des îles Loyauté, alors que la dotation d’équipement revient à 40 % à la province Sud, 40 % à la province Nord et 20 % à la province des îles Loyauté.

Cette clé de répartition constitue indéniablement une aide essentielle en faveur du rééquilibrage et ce, au bénéfice exclusif des provinces Nord et des îles Loyauté. En effet, si la répartition des dotations entre provinces s’opérait sur un critère purement démographique, elle conduirait à verser 74,5 % à la province Sud, 18,4 % à la province Nord et 7,1 % à la province des îles Loyauté.

Toutefois, l’idée d’une éventuelle remise en cause de la clef de répartition en vigueur, souhaitée en particulier par la province Sud, ne fait, à ce jour, l’objet d’aucun consensus politique. Votre rapporteur pour avis invite donc à la prudence dans ce domaine, tant le traitement de cette question, parce qu’il renvoie au principe même du rééquilibrage, risque de porter atteinte au consensus fondateur de l’accord de Nouméa.

La recherche d’un développement équilibré du territoire s’appuie aussi sur la politique contractuelle menée par l’État, laquelle témoigne aujourd’hui d’un engagement fort en faveur du rééquilibrage entre les différentes provinces. Ainsi, pour la période 2011-2015, le montant des contrats de développement s’élève à 775 millions d’euros sur cinq ans, dont plus de la moitié – soit 407 millions d’euros – sont financés par l’État.

Le rééquilibrage économique de la Nouvelle-Calédonie passe enfin par la mise en place, sur l’ensemble du pays, de projets industriels de grande ampleur. À cet égard, votre rapporteur pour avis a pu se rendre, en septembre dernier, à l’usine dite de Koniambo et mesurer le rôle majeur joué par la construction de cette nouvelle usine dans l’aménagement du territoire calédonien.

Née d’une revendication exprimée par le Front de libération nationale kanak socialiste (FLNKS) en 1996, faisant de l’accès à la ressource minière un préalable aux négociations politiques avec le Gouvernement français, et prévue par le protocole de Bercy signé le 1er février 1998, l’usine de valorisation du gisement de Koniambo, située dans la province Nord, a été construite afin d’exploiter ce gisement suivant la technique de la pyrométallurgie. Elle a reçu la visite du Premier ministre, M. Jean-Marc Ayrault, en juillet 2013.

Les autorités de l’État et de la Nouvelle-Calédonie, que votre rapporteur pour avis a été amené à rencontrer, ont toutes fait part de leur soutien unanime à ce projet d’usine du Nord – dont le coût total s’élève aujourd’hui à 5 milliards de dollars – et ce, en raison de son intérêt déterminant pour le rééquilibrage économique et la stabilité du territoire.

Ce projet devrait ainsi générer près de 2 500 emplois en phase de pleine production – soit à partir de 2015 –, dont une grande majorité de population locale. Sa contribution au produit intérieur de l’archipel devrait également être vigoureuse, pour peu que les cours du nickel ne se maintiennent pas à un niveau structurellement bas.

Beaucoup a donc été fait. Et vingt-cinq ans d’efforts ont contribué, de manière décisive, à renforcer l’esprit de dialogue et de partage entre les communautés, sur fond de rééquilibrage économique et social.

Mais pour autant, votre rapporteur pour avis considère que le cap esquissé en 1988 et confirmé en 1998 doit aujourd’hui être maintenu. En effet, dans son bilan de l’Accord de Nouméa, publié en décembre 2011, le cabinet DME–CM International » (8) souligne les résultats contrastés de matière d’égalité des chances, tant sous l’angle de la réussite scolaire que de l’accès au marché du travail.

Votre rapporteur pour avis considère que la sortie de l’Accord de Nouméa exige, dans ce souci de rééquilibrage, que les formations politiques locales s’accordent au préalable, pour surmonter ensemble les fragilités économiques et sociales auxquelles le territoire fait ponctuellement face.

B. UN CONTEXTE ÉCONOMIQUE DÉSORMAIS INCERTAIN, MARQUÉ PAR LA « VIE CHÈRE »

Alors que la Nouvelle-Calédonie a connu ces dernières décennies une prospérité et un développement sans précédent et qu’elle avait été jusqu’alors relativement épargnée par le ralentissement de l’économie mondiale, l’économie du territoire semble désormais avoir marqué le pas.

Les prévisions de croissance, réalisées par les services du gouvernement calédonien, sont ainsi proches de 0 % pour 2013 et comprises entre 0,5 et 1 % pour 2014.

Cette décélération prononcée de la croissance est due pour partie à une baisse des investissements, dans un contexte marqué par l’achèvement du chantier de l’usine du Nord et le ralentissement de la production de logement.

Elle s’explique également par le poids du nickel dans l’économie de la Nouvelle-Calédonie, celle-ci étant particulièrement vulnérable à la volatilité des cours mondiaux. Or, ce marché est aujourd’hui excédentaire en raison d’un surcroît d’offre – notamment d’origine chinoise –, exerçant ainsi une pression à la baisse sur les cours du nickel pour 2013 et 2014.

Parallèlement, la consommation des ménages, moteur traditionnel de la croissance calédonienne, est moins dynamique, avec une stagnation voire une diminution des achats de biens durables et une inflexion dans l’acquisition de logements.

Cette situation semble s’inscrire dans un cycle électoral, actuellement marqué par l’attentisme des agents économiques à l’approche des prochaines échéances électorales, que sont, d’une part, les élections provinciales de mai 2014 et, plus largement, la perspective la consultation sur l’accès à la pleine souveraineté dans les cinq prochaines années. Les dissensions politiques et les rivalités partisanes, si elles venaient à perdurer, ne manqueront pas d’accroître la frilosité des investisseurs et des consommateurs.

De même, conséquence directe de cette dégradation du climat des affaires, le marché de l’emploi est moins favorable que les années précédentes, avec une baisse inédite du nombre de salariés employés dans le secteur privé au cours de l’année écoulée.

Dans ce contexte économique moins porteur et en dépit de la prospérité économique de ces dernières années, les difficultés sociales se font désormais plus prégnantes, mettant ainsi en exergue de fortes disparités sociales, notamment en matière d’accès au logement. L’institut d’émission d’outre-mer estimait ainsi, en 2012, que les inégalités étaient environ deux fois plus fortes sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie qu’en métropole : le rapport inter-décile, qui mesure l’écart entre les revenus les plus élevés et les revenus les plus faibles, s’y établit à 7,9, contre 3,6 en métropole et 5,8 pour l’ensemble des départements d’outre-mer.

Cependant, c’est essentiellement autour du phénomène de la « vie chère », que se concentrent aujourd’hui les principales tensions qui traversent la société calédonienne.

En effet, l’insularité du territoire et la taille relativement faible de sa population, en comparaison d’autres pays de la région Pacifique, comme l’Australie et la Nouvelle-Zélande, tiennent aujourd’hui la Nouvelle-Calédonie à l’écart des grands circuits de distribution. La société calédonienne se caractérise également par des habitudes de consommation tournées vers les produits métropolitains, soumis à des frais de transport maritime ou aérien, auxquels vient s’ajouter une fiscalité grevant le prix des produits importés. Ces particularités de l’économie de la Nouvelle-Calédonie ont conduit certains observateurs à évoquer, à son endroit, le syndrome d’une « économie de comptoir ».

Ces facteurs expliquent que le niveau moyen des prix sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie soit supérieur de plus d’un tiers à celui constaté en métropole. Deux postes de consommation, qui touchent au premier chef les publics les plus fragiles, sont tout particulièrement concernés : il s’agit, d’une part, de l’alimentation et, d’autre part, du logement, de l’eau et de l’énergie, le niveau de prix respectif de ces biens étant supérieur de 65 et 39 % à celui observé en métropole.

Ce niveau élevé des prix est actuellement d’autant plus mal vécu par la population calédonienne pour les produits de première nécessité qu’il vient s’ajouter dans certaines parties du territoire, comme aux îles Loyauté, à des difficultés importantes d’acheminement des denrées.

À force d’exaspération, cette situation a conduit à des mouvements sociaux en mai 2013, lesquels se sont traduits, pendant douze jours, par un mouvement de grève générale et des blocages du port de Nouméa. Seule une table ronde organisée sous l’égide du représentant de l’État, M. le haut-commissaire Jean-Jacques Brot, a permis aux syndicats et au patronat de renouer le dialogue, aux côtés du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, et de signer, le 27 mai 2013, un protocole d’accord de lutte contre la « vie chère ».

Outre une baisse immédiate de 10 % des prix de 300 produits alimentaires et d’hygiène et de 200 produits non alimentaires selon des listes établies conjointement entre l’intersyndicale, les distributeurs, les fournisseurs, ce protocole étend la liste des produits à marge contrôlée à l’ensemble des produits bénéficiant d’une exonération totale de droits et taxes à l’importation.

Les différents protagonistes se sont également mis d’accord sur le gel des prix à compter de la signature du protocole, et jusqu’au 31 décembre 2014, de l’ensemble des produits et services offerts en Nouvelle-Calédonie hors alcool, tabacs et boissons et produits sucrés, sous réserve de strictes dérogations.

Si ces mesures répondent à une attente sociale forte et immédiate, qui s’est fort heureusement exprimée pacifiquement, la lutte contre la vie chère nécessite, sur le long terme, que des réponses structurelles soient apportées, afin d’éviter que la société calédonienne n’implose et ne bascule à nouveau dans la violence.

Ces événements démontrent, s’il en était encore besoin, qu’avant d’être institutionnels, les principaux enjeux, auxquels la Nouvelle-Calédonie devra faire face au terme de l’Accord de Nouméa, seront d’ordre économique et social et que l’État devra y prendre toute sa part.

C. ENGAGER UNE VÉRITABLE POLITIQUE INDUSTRIELLE DU NICKEL À L’ÉCHELLE DU TERRITOIRE

Dans son discours prononcé le 26 juillet 2013 à Nouméa, le Premier ministre a rappelé que la perspective de la sortie de l’Accord de Nouméa ne pouvait raisonnablement se concevoir sans veiller à rassurer la société calédonienne « sur la possibilité de préserver ses traditions et ses coutumes, de conforter son identité, d’offrir à ses enfants la meilleure éducation, de trouver des perspectives d’emploi sur le territoire, d’y créer une entreprise, d’inventer, d’innover ».

Il a ainsi exprimé le fait que la question de l’avenir du territoire ne se posait pas uniquement en termes institutionnels, mais également et peut-être même davantage en termes économiques et sociaux.

De son récent déplacement en Nouvelle-Calédonie, votre rapporteur pour avis retiendra que le principal enjeu du processus de l’« après Nouméa » est bien de rassurer une société calédonienne, qui doit avoir confiance en la volonté intangible de ses responsables politiques de construire ensemble ce pays.

La réussite de cette entreprise passera par un développement économique et social plus équilibré, seul capable de répondre aux aspirations de la population, en limitant les tensions inhérentes à une société plurielle.

Ainsi, au plan économique, les difficultés conjoncturelles auxquelles le territoire est confronté – lutte contre la « vie chère », inégalités, pénurie de logement social – ne pourront être résolues que si la Nouvelle-Calédonie parvient à retrouver le chemin de la prospérité, ce qui passe incontestablement par une meilleure valorisation de la filière du nickel.

En effet, à l’issue de son déplacement, votre rapporteur pour avis reste convaincu qu’il est impératif pour la Nouvelle-Calédonie de se doter dans les années à venir d’une véritable stratégie industrielle commune aux trois provinces en matière de nickel. La définition d’une telle doctrine constitue, à ses yeux, un préalable indispensable à la résolution de la question institutionnelle.

La Nouvelle-Calédonie compte actuellement trois usines : Koniambo dans la province Nord, Doniambo et Goro dans la province Sud. L’existence de ces sites industriels majeurs sur le territoire calédonien impose une coopération étroite entre l’ensemble des acteurs – que sont La Société Le Nickel (SLN), filiale d’Eramet, la Société Minière du Sud Pacifique (SMSP), associée au groupe suisse Glencore-Xstrata, et la société Vale Nouvelle-Calédonie (VNC) –, pour que la concurrence profite à la Nouvelle-Calédonie dans son ensemble et ne fasse pas, à l’inverse, à son détriment.

Sur le modèle de l’accord de Bercy de 1998, lequel avait résolu la question minière préalablement à la signature de l’Accord de Nouméa, votre rapporteur pour avis considère qu’il est impératif que la Nouvelle-Calédonie, avant de définir une nouvelle organisation politique, s’engage dès à présent dans une véritable politique industrielle du nickel à l’échelle de son territoire. C’est à ce prix que l’archipel parviendra à mieux répartir et valoriser ses ressources minières.

Évidemment, dans ce domaine comme dans bien d’autres, l’État aura un rôle essentiel à jouer, afin d’accompagner la Nouvelle-Calédonie dans la voie de l’émancipation. Votre rapporteur pour avis tient, à cet égard, à souligner que la récente prescription extinctive de la dette minière de la Nouvelle-Calédonie constitue un signal fort en ce sens.

En vue de garantir au territoire un niveau minimal de recettes fiscales provenant des activités de la métallurgie des minerais de nickel, l’État s’était engagé, par deux protocoles signés en 1975 et en 1984, à compenser les variations des cours du nickel dans le cadre d’une caisse de stabilisation des recettes fiscales. Ainsi, au cours de cette période, la Nouvelle-Calédonie a progressivement contracté auprès de l’État une dette s’élevant à près de 289,4 millions d’euros.

Depuis lors, la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile a ramené de trente à cinq ans la durée de droit commun de la prescription extinctive pour les actions mobilières. Faute d’acte interruptif ou suspensif de cette prescription quinquennale entre 2008 et 2013, la créance de l’État a donc été prescrite de plein droit le 18 juin dernier.

Il convient toutefois de préciser qu’à la suite d’une observation de la Cour des comptes dans sa mission de certification des comptes de l’État au titre de l’exercice 2008, cette créance avait été intégralement provisionnée et figurait bien au budget de l’État (9).

II. LA POLYNÉSIE FRANÇAISE : SORTIR DE L’IMPASSE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE DANS UN CONTEXTE DE STABILITÉ POLITIQUE

Alors que la stabilité politique et institutionnelle semble être de retour sur ce territoire (A), votre rapporteur pour avis a souhaité revenir comme il l’avait fait l’année dernière, sur la situation économique particulièrement dégradée de la Polynésie française (B), mettant plus que jamais en péril les finances publiques de cette collectivité (C).

Tirant les leçons des échecs consécutifs des politiques engagées ces dernières années, votre rapporteur pour avis estime indispensable que la Polynésie française s’engage résolument dans la voie du redressement de son économie et de ses finances publiques (D).

A. LE RETOUR DE LA STABILITÉ POLITIQUE ET INSTITUTIONNELLE EN POLYNÉSIE FRANÇAISE

Les récentes élections territoriales, lesquelles se sont déroulées selon le nouveau mode de scrutin de la loi organique n° 2011-918 du 1er août 2011 (10), ont donné à la Polynésie française, pour une période de cinq ans, une majorité politique claire, de nature à donner aux investisseurs une visibilité propice au redémarrage économique.

À la suite de la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie, les institutions de la Polynésie française ont pourtant connu une instabilité politique chronique, que la loi organique n° 2007-1719 du 7 décembre 2007 tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française n’a pas réussi à enrayer. Les conséquences d’une telle situation dépassent largement le cadre de la vie politique, pour affecter la situation générale de ce pays d’outre-mer, confronté à une paralysie du pouvoir politique.

Ce ne sont pas moins de onze présidents qui se sont succédé, depuis 2004 à la tête de la Polynésie française. L’assemblée polynésienne n’a cessé, à compter des élections de janvier et février 2008, de connaître des recompositions, à la faveur de jeux d’alliances qu’entretiennent la forte segmentation des partis politiques et la recherche, par les élus, du meilleur moyen pour servir leurs intérêts locaux.

LES PRÉSIDENTS DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE ENTRE 2004 ET 2013

–  Du 14/06/2004 au 21/10/2004 M. Oscar Temaru

–  Du 22/10/2004 au 02/03/2005 M. Gaston Flosse

–  Du 03/03/2005 au 25/12/2006 M. Oscar Temaru

–  Du 26/12/2006 au 12/09/2007 M. Gaston Tong Sang

–  Du 13/09/2007 au 23/02/2008 M. Oscar Temaru

–  Du 23/02/2008 au 15/04/2008 M. Gaston Flosse

–  Du 15/04/2008 au 09/02/2009 M. Gaston Tong Sang

–  Du 16/02/2009 au 23/11/2009 M. Oscar Temaru

–  Du 24/11/2009 au 01/04/2011 M. Gaston Tong Sang

–  Du 01/04/2011 au 17/05/2013 M. Oscar Temaru

–  Depuis le 18/05/2013… M. Gaston Flosse

Élections à l’assemblée de Polynésie française en mai 2004 [complémentaires en février 2005], en janvier-février 2008 et en avril-mai 2013.

On a même vu, en février 2008, les deux adversaires « historiques » s’unir pour mettre en minorité le vainqueur des élections, M. Gaston Tong Sang qui, il est vrai, ne disposait que de la majorité relative.

Or, toutes ces recompositions successives n’ont pas permis de fournir un cadre stable pour la conduite de politiques publiques efficaces et ont même fait naître une situation économique et sociale préoccupante. Cette instabilité politique chronique de la collectivité a conduit le Gouvernement à réfléchir à une modification de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française.

Dans cette perspective, une mission a été confiée à M. Jacques Barthélemy, conseiller d’État, en vue de procéder à une concertation avec les élus sur la réforme du mode de scrutin des représentants de l’Assemblée de Polynésie française et l’amélioration du fonctionnement institutionnel de la collectivité (11).

Ces propositions ont inspiré nombre des dispositions figurant dans la loi organique précitée du 1er août 2011 relative au fonctionnement des institutions de la Polynésie française.

L’objectif de ce texte est double. Il entend, en premier lieu, mettre fin à l’instabilité chronique des institutions polynésienne en modifiant le régime électoral applicable. La loi organique du 1er août 2011 a ainsi institué une circonscription électorale unique, composée de huit sections, en assurant la représentation effective des archipels les moins peuplés et les plus éloignés, avec un mode de scrutin de liste à deux tours et assorti de conditions de domiciliation et d’imposition précises.

C’est sur la base de ce nouveau mode de scrutin que se sont tenues, les 21 avril et 5 mai 2013, les élections à l’assemblée de la Polynésie française. Les deux tours de scrutin ont donné à la liste « Tahoeraa Huiraatira », conduite par M. Gaston Flosse, une nette victoire, avec 45,11% des suffrages exprimés et 38 des 57 sièges que compte l’assemblée de la Polynésie française (12). La liste de l’Union pour la démocratie (UPLD), menée par le président sortant, M. Oscar Temaru, n’est arrivée qu’en seconde position, avec 29,26 % des suffrages exprimés et 11 sièges à l’assemblée polynésienne.

La liste « Tahoeraa Huiraatira » disposant de la majorité absolue au sein de l’assemblée de la Polynésie française, cette dernière a élu à sa présidence, le 16 mai 2013, M. Édouard Fritch et, le lendemain, M. Gaston Flosse président du gouvernement polynésien.

À l’aune de ces résultats, votre rapporteur pour avis constate que la Polynésie dispose désormais d’une majorité stable pour mener à bien, au cours des cinq prochaines années, en pleine responsabilité, les réformes qu’impose aujourd’hui la gravité de la situation budgétaire et financière du pays.

La loi organique du 1er août 2011 entend en second lieu, rénover le statut de la collectivité d’outre-mer, afin de réduire les dépenses publiques et de rendre plus efficientes les relations entre l’exécutif et l’assemblée délibérante.

Ainsi, en vue d’accroître la stabilité des institutions, ce texte a encadré la mise en cause de la responsabilité du gouvernement en renforçant les conditions de dépôt et d’adoption d’une motion de défiance : la motion devra désormais être déposée par un tiers des membres de l’assemblée et adoptée par une majorité qualifiée des trois-cinquièmes des membres. En outre, la loi limite à deux mandats successifs le nombre de mandats que peut exercer le président de la Polynésie française.

Si le renforcement des conditions d’adoption d’une motion de défiance a permis d’asseoir la stabilité politique du gouvernement polynésien, il n’en subsiste pas moins une instabilité décisionnelle permanente, les majorités à l’assemblée de Polynésie fluctuant suivant la nature des textes. Lorsqu’une majorité adopte, dans le cadre des « lois du pays » des mesures de redressement, la minorité ou des Polynésiens directement concernés par les mesures en cause ne manquent pas de déférer ces textes au Conseil d’État.

Or, ce recours suspend la promulgation de la délibération adoptée, ce qui a des conséquences importantes, le Conseil d’État n’étant pas en mesure de statuer dans le délai de trois mois qui lui est fixé pour rendre sa décision. Le caractère suspensif de la procédure ainsi que la longueur des délais de jugement par le Conseil d’État entraînent un « manque à gagner » pour les comptes sociaux ou un frein aux réformes administratives.

À titre d’exemples, on citera le recours contre la loi du pays du 19 mai 2011 relative au régime de retraite des travailleurs salariés (13), qui a occasionné une perte de recettes de l’ordre de 30 millions d’euros pour la caisse de prévoyance sociale (CPS) à la date du 7 novembre 2012, date à laquelle le Conseil d’État a finalement statué sur ce texte et permis son entrée en vigueur à compter du 18 novembre de la même année, soit dix-huit mois après son adoption (14).

De la même manière, deux lois du pays du 10 juillet 2012, qui reprenaient un ensemble de mesures préalablement négociées par les partenaires sociaux, afin de porter de 2017 à 2030 l’horizon de viabilité financière du régime de retraite des travailleurs salariés (15), ont été déclarées illégales par le Conseil d’État (16), dix mois après l’adoption de ces deux textes par l’assemblée de la Polynésie française. L’absence d’entrée en vigueur de ces mesures aurait entraîné une ponction de 45 millions d’euros dans les réserves de la CPS.

Par ailleurs, le recours contre la loi du pays du 2 décembre 2011 relative aux personnels des entités dont la Polynésie reprend les missions constitue un frein dans la mise en œuvre des réformes administratives (17). Dans ces conditions, pour éviter tout détournement de procédure et les recours abusifs, il conviendrait de réexaminer les conditions de recours devant le Conseil d’État.

D’autres mesures concernent le fonctionnement des institutions de la Polynésie française en vue d’y rénover la vie politique et de rationaliser la dépense publique locale. Dans cette perspective, la loi organique précitée du 1er août 2011 a fixé à dix le nombre maximal de membres du gouvernement polynésien, dont les indemnités ont par ailleurs été limitées sur le modèle actuellement applicable aux parlementaires.

Fort du retour de la stabilité politique, le gouvernement de M. Gaston Flosse a la responsabilité de conduire le redressement de la Polynésie française dans un contexte financier et économique difficile. Votre rapporteur pour avis souhaite que le Gouvernement de la République soutienne et encourage les efforts des responsables polynésiens.

B. UN DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE À BOUT DE SOUFFLE

Si la crise financière de 2008 n’a pas épargné la Polynésie française, la dégradation de son économie remonte en réalité au début des années 2000. Comme votre rapporteur pour avis a déjà eu l’occasion de le souligner l’année dernière, la crise actuelle n’a eu en quelque sorte pour effet que de révéler au grand jour l’essoufflement du modèle économique mis en œuvre sur ce territoire.

Avant de présenter plus en détail l’économie de ce territoire, votre rapporteur pour avis tient à souligner, une nouvelle fois, la rareté et l’insuffisance des statistiques disponibles.

Ainsi, les derniers chiffres définitifs connus pour le produit intérieur brut et le chômage remontent à 2007. Alors même que l’économie polynésienne souffre particulièrement du ralentissement économique mondial (cf. infra), les autorités politiques locales et nationales ne disposent pas des outils statistiques adéquats pour mener une politique économique et sociale adaptée à la conjoncture.

Il convient de remédier à cette situation. C’est pourquoi votre rapporteur pour avis renouvelle le vœu d’une mise en place rapide d’une mission d’assistance sur place, conduite par l’Institut national des statistiques et des études économiques (INSEE), en vue d’accroître l’indépendance et l’expertise de l’institut statistique de la Polynésie (ISPF).

Malgré l’insuffisance des données statistiques, il est possible d’évaluer la situation économique de la Polynésie française en utilisant notamment les travaux de l’ISPF et de l’Institut d’émission outre-mer (IEOM). Selon ce dernier, il apparaît « qu’après trois années de dégradation ininterrompue, l’économie polynésienne n’est toujours pas parvenue à repartir de l’avant en 2012 ».

La grande majorité des indicateurs économiques disponibles traduisent, à cet égard, « une année atone, sans reprise de la commande publique ou de la consommation des ménages ». Et, comme lors des années précédentes, l’IEOM est forcé de conclure que « la persistance de cette situation déprimée a eu pour conséquence d’alimenter la dégradation du marché du travail, laquelle s’est poursuivie tout au long de l’année 2012 » (18).

Le tourisme, qui représente l’une des principales richesses de l’économie polynésienne – les revenus issus du tourisme sont du même ordre de grandeur que les recettes de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), soit 285 millions d’euros – connaît, depuis dix ans, une baisse tendancielle de son activité, alors que toutes les destinations comparables du Pacifique sud enregistrent une progression sensible.

Entre 2001 et 2012, le nombre de touristes est passé de 227 658 à 168 978, soit une diminution de 26 % – soit un peu plus d’un quart –, quand les îles Cook, plus éloignées que la Polynésie française des cinquante plus grandes économies mondiales, enregistrent dans le même temps un taux de croissance de 37 %. Pour la chambre territoriale des comptes qui vient de procéder à l’examen de la gestion touristique de la collectivité polynésienne, l’une des explications réside dans l’absence de mise en œuvre d’une véritable stratégie « plusieurs fois recherchée mais jamais validée » (19).

L’exportation de perles, autre richesse polynésienne, est passée, entre 2007 et 2012, de 101 à 59 millions d’euros, soit une chute de 42 % en cinq ans seulement.

Les entreprises, confrontées à un faible niveau d’activité et à une absence de visibilité à moyen terme réduisent dans l’ensemble leurs investissements, en particulier dans le secteur du bâtiment et des travaux publics. Il convient également de signaler que les retards de paiement de la collectivité publique, dont le montant est estimé à 30 millions d’euros, fragilisent de nombreuses petites et moyennes entreprises dont la trésorerie est fragile.

Plus globalement, il ressort qu’au cours de la décennie 2000, la croissance économique moyenne a été nulle. Il en résulte une diminution particulièrement forte des emplois salariés, comme le montre le tableau figurant ci-dessous :

ÉVOLUTION DES EMPLOIS SALARIÉS ENTRE 2007 ET 2012

(en milliers)

 

2007

2012

Évolution (en %)

Secteur primaire

2 511

1 764

- 29,7 %

Secteur industriel

5 417

4 730

- 12,7 %

Secteur de la construction

6 450

4 389

- 31,9 %

Secteur tertiaire

55 410

50 555

- 8,8 %

Dont hôtellerie et restauration

7 499

6 503

- 13,3 %

Total

69 788

61 438

- 12,0 %

Source : Caisse de prévoyance sociale (CPS) et Institut de la statistique de la Polynésie française (ISPF).

La consommation des ménages ne cesse de diminuer : en 2012, les importations de biens de consommation non alimentaires ont ainsi reculé de 5,5 %, en raison d’une demande intérieure toujours en berne. Cette même année, les ventes de véhicules neufs ont diminué de 5,3 %, après une baisse notable de 19,6 % en 2011.

Le taux de chômage atteint vraisemblablement 25 % de la population active, soit un niveau équivalent aux départements d’outre-mer alors que, contrairement à ces derniers, la Polynésie française ne connaît ni garantie de ressources minimum (revenu minimum d’insertion ou revenu de solidarité active) ni indemnisation du chômage. Depuis longtemps la politique de lutte contre le chômage a consisté à développer les emplois publics dans le cadre d’un « clientélisme » traditionnel et partagé.

La Polynésie n’échappe pas à la « vie chère », à l’instar des autres collectivités d’outre-mer, conséquence tout à la fois de l’indexation des rémunérations, de l’absence de concurrence, du poids de la fiscalité indirecte, des habitudes de consommation et de l’isolement. Mais le phénomène de la « vie chère » frappe davantage les Polynésiens aux ressources faibles.

Il en résulte une dégradation régulière des conditions de vie des Polynésiens : le niveau de vie moyen s’établit aujourd’hui à un niveau proche de celui constaté à la fin de 1980. Un ménage sur cinq, représentant 28 % de la population, dispose d’un revenu inférieur au seuil de pauvreté (405 euros, soit 48 600 FCFP par mois et par unité de consommation) (20). À défaut de la mesurer avec précision, tous les observateurs constatent un accroissement considérable – et rapide – de la pauvreté.

La chute de l’activité économique a des conséquences immédiates et importantes sur les recettes de la collectivité qui reposent, à 80 % sur la fiscalité indirecte et douanière : entre 2007 et 2012 la collectivité a perdu un cinquième de ses recettes de fonctionnement.

C. UNE SITUATION FINANCIÈRE TOUJOURS EN PÉRIL

Confronté à de graves difficultés de trésorerie à la fin de l’année 2009, le gouvernement de la Polynésie – alors présidé par Gaston Tong Sang – a sollicité de l’État la mise en place d’une mission interministérielle d’assistance, prolongeant ainsi une demande de son prédécesseur, Oscar Temaru. Conduite par Mme Anne Bolliet, inspectrice générale des finances, l’équipe de la mission comprenait deux autres inspecteurs des finances, deux inspecteurs des affaires sociales et un inspecteur de l’administration.

Dans le cadre d’une lettre de mission très précise, signée en février 2000 par la ministre de l’Outre-mer et le président de la Polynésie française, la mission a rendu son rapport en septembre 2010, accompagné de trois volumes annexes sur la situation financière de la collectivité, les politiques publiques et la protection sociale.

Conformément à la demande des autorités locales, le rapport de la mission d’assistance procède à une analyse fouillée des dépenses publiques en Polynésie française (21), en vue d’identifier les marges de manœuvre existantes ou à créer, compte tenu des recommandations faites sur le budget de la collectivité et de ses multiples démembrements.

De nombreuses propositions concrètes de réduction des dépenses de fonctionnement de la collectivité y étaient notamment formulées, afin de financer davantage d’investissements publics, générateurs d’emplois privés.

Dès la remise du rapport d’étape de la mission d’assistance en juin 2010, le gouvernement de Gaston Tong Sang manifestera sa volonté d’appliquer les orientations préconisées. À plusieurs reprises, Mme Anne Bolliet se rendra en Polynésie française pour présenter le contenu du rapport définitif (22) et rappeler les enjeux en cause.

En août 2011, l’assemblée de Polynésie française à la demande du nouveau président, Oscar Temaru, adoptera un plan de redressement limité dans ses objectifs et dont l’application restera modeste, la conjoncture politique, marquée par le contexte électoral, n’ayant pas permis d’appliquer de manière significative les dispositions envisagées dans ce plan de redressement, laissant ainsi subsister les difficultés financières de la collectivité.

Faute de disposer de données exhaustives et actualisées sur la situation budgétaire et financière de la Polynésie, malgré des demandes répétées auprès des services du ministère des Outre-mer, votre rapporteur pour avis rappellera les constatations faites tant par la mission conduite par Mme Anne Bolliet que par la chambre territoriale des comptes.

Au demeurant, il convient d’utiliser avec prudence les chiffres fournis par la collectivité. En effet, tant la mission d’assistance que la chambre territoriale des comptes ont souligné l’ampleur et la persistance des insincérités budgétaires et comptables chiffrées par le payeur de la Polynésie à hauteur de 20 à 25 % du budget de fonctionnement. Bien que dénoncée, dès 2006, par la chambre territoriale, cette insincérité des comptes n’a pas conduit les hauts commissaires successifs à déférer les budgets à la chambre des comptes conformément aux articles 185-3 et 10 de la loi organique. Cette passivité de l’État, il est vrai souvent tolérée, voire encouragée par Paris, est pour le moins regrettable car elle a contribué à occulter les difficultés financières de la collectivité retardant d’autant les mesures de redressement. Le retour à la sincérité des comptes doit demeurer un objectif majeur.

Par suite de sa structure le produit fiscal est étroitement corrélé au dynamisme de la croissance économique. À partir de la crise financière de 2008, les produits fiscaux, notamment indirects, ont commencé à diminuer fortement, plongeant la Polynésie française dans une grave crise financière, alors que les dépenses courantes ont continué à augmenter à un rythme trop élevé. Ces charges comprennent, pour moitié, des dépenses de transferts aux communes et organismes divers mis en place par la collectivité (sociétés d’économie mixte, établissements publics) et, pour un tiers des dépenses de personnel tout à fait excessives.

La section de fonctionnement est confrontée depuis lors à un véritable effet de ciseaux entre des dépenses en constante progression – un peu plus de 6 % entre 2005 et 2010 – et des recettes en forte baisse – près de 10 % entre 2005 et le budget primitif 2012 –, conduisant mécaniquement à une réduction des excédents.

L’effet de ciseaux constaté sur l’évolution des dépenses et recettes de fonctionnement s’est traduit par une dégradation des ratios d’épargne brute en baisse de près de 60 % entre 2005 et 2012. L’épargne brute dégagée sur le budget de fonctionnement a même été insuffisante pour rembourser ses dettes antérieures, si bien que la collectivité a dû emprunter pour financer le remboursement du capital de sa dette.

L’endettement a mécaniquement progressé de plus de 50 % entre 2005 et 2012, pour atteindre un encours de 712 millions d’euros (23), et la charge de la dette a quasiment doublé entre 2010 et 2012, entraînant une détérioration de la capacité de remboursement, indicateur clé pour les bailleurs de fond.

Or, la dégradation de la notation de la Polynésie française, laquelle est passée de BBB+ à BB+ (24) – soit une dette considérée par les marchés comme « spéculative » –, et l’absence durable de rétablissement financier rendent aléatoires et coûteuses les possibilités d’emprunt.

Ainsi se trouvent réduites deux des trois sources de financement des investissements, que sont l’autofinancement et l’emprunt. La troisième source repose sur les subventions de l’État. À cet effet, une dotation annuelle de 150 millions d’euros, pérennisée en 2002, a été accordée à la Polynésie pour contribuer à la reconversion de son économie à la suite de la fin des essais nucléaires (DGDE). Depuis 2010, 60 % de cette somme est utilisée en fonctionnement, ce qui réduit d’autant le financement des grands travaux.

À cela s’ajoute une dégradation des comptes sociaux. Le régime général des salariés (RGS) a enregistré, en 2012, un déficit de 480 millions d’euros, soit 5,4 milliards de FCFP.

La branche « retraite » des salariés est, à cet égard, particulièrement menacée. Avec l’allongement de l’espérance de vie et la diminution de la masse salariale, sur laquelle sont assises les cotisations sociales, les dépenses de retraite ont augmenté, au cours des dix dernières, de 140 %, quand les recettes n’ont progressé, dans le même temps, que de 77 %.

Cet effet de ciseaux constaté sur l’évolution des recettes et des dépenses a pour effet de réduire fortement les réserves financières de la caisse de prévoyance sociale (CPS), laquelle assure le recouvrement des cotisations des différents régimes contributifs.

Ces réserves ont, en effet, fondu de près d’un quart en trois ans. En l’absence de mesures d’économies et de réformes structurelles, la CPS a annoncé, le 18 octobre dernier, un horizon d’épuisement de ses réserves liquides en 2015.

Le régime de solidarité de la Polynésie française (RSPF), qui offre une couverture sociale aux personnes et à leurs ayants droit sans régime d’assurance, connaît également de grandes difficultés financières par suite de l’augmentation considérable de ses ressortissants – +54 % entre 2004 et 2012 (25) – et de la diminution progressive de la participation financière de l’État depuis 2003 jusqu’à son extinction complète en 2007. Le déficit de ce régime devrait s’élever à 350 millions d’euros, soit 4,2 milliards de FCFP, à la fin de l’année 2013.

Enfin, le nouveau centre hospitalier de la Polynésie française (CHPF) est, comme l’année dernière, dans une situation toujours très critique : il est incapable d’équilibrer son budget et de faire face au règlement de ses fournisseurs depuis la livraison de ses locaux en 2011. Afin d’honorer ses engagements financiers, le centre hospitalier a bénéficié, le 15 octobre 2013, d’une avance de trésorerie de 500 millions de FCFP, qui vient s’ajouter à celle d’un milliard de FCFP versée à la fin de l’année 2012 et qui n’a pas été remboursée à ce jour.

Afin de restaurer durablement les marges de manœuvres budgétaires et financières de la collectivité, l’État et la Polynésie française ont signé le 30 avril 2011 un protocole, aux termes duquel la collectivité s’engageait à mettre en place une stratégie de redressement budgétaire à court et moyen termes, stratégie qui conditionnait le versement d’un prêt de l’agence française de développement, d’un montant de 41,9 millions d’euros.

Dans cette perspective et dans le prolongement des recommandations formulées par la mission d’assistance, le gouvernement polynésien s’était engagé à mettre en œuvre un certain nombre de mesures d’économie visant à lui permettre de dégager des excédents sur son budget de fonctionnement pour assurer le financement de ses investissements.

La Polynésie avait notamment manifesté son intention de mettre en place un gel des effectifs, de ne pas remplacer les départs à la retraite, de réduire le nombre de ministres et de membres de cabinets et de se séparer des actifs non essentiels au fonctionnement de la collectivité. Celle-ci avait, dans le même temps, pris l’engagement d’optimiser ses recettes fiscales et d’améliorer la clarté et la sincérité de ses comptes. Ces différents engagements, pris par la collectivité en vue d’assainir durablement ses comptes, ont été formalisés dans le plan de redressement, adopté par une délibération de l’assemblée de la Polynésie française en date du 18 août 2011. Plutôt que d’engagements fermes, il s’agissait de « déclarations d’intentions » rédigées de manière littéraire, sans évaluation de leur impact financier et budgétaire et sans calendrier précis.

Dans ces conditions, le plan de redressement n’a eu qu’un impact limité sur les comptes de la collectivité. En particulier il n’a permis ni de réduire de manière significative les dépenses de fonctionnement, ni de relancer la commande publique, ni de reconstituer la trésorerie. En conséquence, les tensions sur la trésorerie de la Polynésie ont continué à persister de manière significative en 2012, obligeant l’État à mettre en place, dans la loi du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011, une dotation d’ajustement exceptionnelle de 50 millions d’euros. Si une première enveloppe de 16 millions d’euros a été allouée à la collectivité en juillet 2012, le versement du solde de 34 millions d’euros est intervenu à la fin de la même année, conformément à la décision prise lors du dernier comité de suivi qui s’est tenu le 29 octobre 2012.

Le versement du solde de cette dotation était alors destiné à accompagner l’avance de trésorerie effectuée par le gouvernement polynésien au centre hospitalier de la Polynésie française (CHPF) (26), à régler la somme due par la collectivité au fonds intercommunal de péréquation (FIP) (27), ainsi qu’à apurer les dettes contractées en investissement à l’égard de créanciers prioritaires (28).

Les difficultés de trésorerie n’ont fait que s’aggraver en 2013, année marquée par les élections territoriales. Selon les données transmises à votre rapporteur pour avis, le montant des mandats en instance de paiement s’élevait, au 30 septembre 2013, à près de 60 millions d’euros, dont la moitié était constituée de dettes à l’égard des fournisseurs de la collectivité, comme le montre le tableau figurant ci-dessous :

Nature des paiements en instance

Part en %

Montant en millions d’euros

Dettes à l’égard des fournisseurs

50 %

30

Fonds intercommunal de péréquation (FIP)

17 %

10,2

Diverses dotations à des entités de la collectivité

23 %

13,8

Remboursement de dégrèvements, crédits de TVA et aides à l’emploi

10 %

6

Total

100 %

60

Cette crise de trésorerie affecte tout particulièrement le centre hospitalier de la Polynésie française (CHPF), qui est aujourd’hui dans une situation très difficile en raison de l’augmentation de ses dépenses de fonctionnement
– notamment de la masse salariale en raison d’un régime d’astreinte avantageux – et de la diminution, en parallèle, de ses recettes en provenance tant de la collectivité que du régime de solidarité de la Polynésie française (RSPF). En 2012, seul le versement par l’État du solde de la dotation d’ajustement exceptionnelle a permis de dénouer les tensions financières du centre hospitalier.

Les difficultés de trésorerie du territoire comme du RSPF (cf. supra) se répercutent mécaniquement sur la situation du CHPF, laquelle est une nouvelle fois très critique. En effet, l’établissement présenterait des impayés dont l’ampleur menacerait tant l’approvisionnement en médicaments que la continuité des soins.

C’est pourquoi, le nouveau gouvernement a sollicité de l’État une avance remboursable sur deux ans d’un montant de 42 millions d’euros. Lors de son audition par votre commission des Lois réunie en commission élargie à l’ensemble des députés le 29 octobre 2013 (29), le ministre des Outre-mer, M. Victorin Lurel, a indiqué que la décision avait été prise par le Gouvernement français d’accorder cette avance à la Polynésie française, sans apporter davantage de précisions sur les modalités concrètes de son remboursement, ce que votre rapporteur pour avis regrette.

Toutefois, soucieux de démontrer sa volonté de redresser les comptes de la Polynésie, le gouvernement a fait adopter par l’assemblée polynésienne, le 13 juillet 2013, un collectif budgétaire prévoyant à la fois des économies et des augmentations d’impôts.

Concernant les réductions de charges, il s’agit de favoriser le départ volontaire de 200 agents publics d’ici la fin de 2013, en leur versant une prime de départ égale à 15 à 20 mois de salaire, de réduire de 10 % les subventions attribuées aux satellites de la Polynésie (30) et, à titre d’exemplarité, de baisser de 10 % les rémunérations des ministres et des élus de l’assemblée polynésienne ainsi que de supprimer des véhicules de fonction pour les membres du gouvernement et les élus de l’assemblée.

Concernant les augmentations d’impôt, il s’agit d’un relèvement de la contribution de solidarité territoriale (CST) (31), qui est prélevée à la source sur les seuls revenus salariaux et est souvent présentée comme une substitution à un impôt sur les revenus qui n’existe pas, ainsi que d’un relèvement du taux intermédiaire de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) (32) et de l’augmentation de certains impôts sectoriels – banques, assurances et grandes surfaces notamment.

Votre rapporteur pour avis ne peut que saluer ce signal positif du nouveau gouvernement, qui constitue une première mise en œuvre des thèmes électoraux développés par M. Gaston Flosse. Mais l’histoire récente de la Polynésie montre qu’il existe toujours un décalage important entre les intentions et leur application concrète. Sans vouloir faire un procès d’intention au président actuel de la Polynésie, votre rapporteur pour avis n’a pas oublié les dérives – le mot est faible – qui se sont produites durant les périodes où il était à la tête de la Polynésie et dont certaines constituent autant d’épisodes judiciaires actuels (33).

C’est donc au vu de résultats concrets, précis, chiffrés qu’il conviendra de vérifier si la Polynésie française rompt avec ses errements passés. Deux exemples récents démontrent la nécessité de cette vigilance.

Dès le 11 juillet 2013, l’assemblée de la Polynésie a décidé de ressusciter le haut conseil de la Polynésie française que l’Assemblée nationale, suivie par le Sénat, avait supprimé, à l’initiative de votre rapporteur pour avis (34).

Le rapport de notre collègue Didier Quentin précisait alors que « les difficultés financières de la Polynésie rendent cet organe d’expertise non indispensable » (35), en s’appuyant notamment sur les travaux de la mission d’assistance à la Polynésie. Cette décision appelle deux remarques. Recréer par une décision locale un organisme supprimé par une loi organique manifeste un manque de respect envers le législateur organique. En outre, la nomination rapide de son président fait apparaître que, dans cette affaire, l’intérêt général n’est pas toujours l’objectif recherché. Cette décision est d’autant plus inacceptable que la situation financière de la collectivité continue de se dégrader et ce, au détriment des conditions de vie de la société civile polynésienne.

C’est pourquoi votre rapporteur pour avis a déposé, sur la mission « Outre-mer », un amendement réduisant d’un million d’euros (36) les crédits de la Polynésie, afin de s’assurer du respect de la volonté du législateur.

Le second exemple est plus anecdotique, mais tout aussi significatif. La presse locale (37) s’est récemment faite l’écho d’un retour à des pratiques « clientélistes », que votre rapporteur pour avis croyait pourtant révolues aux dires de certains élus. Ainsi, par un arrêté du 16 octobre 2013, le gouvernement de la Polynésie française, présidé par M. Gaston Flosse, a reconnu à l’ensemble des agents des services du protocole ainsi que des parcs et jardins de la présidence, de même qu’au chauffeur du président de la Polynésie, le bénéfice d’une indemnité de sujétions spéciales, comprise entre 250 et 1 670 euros et laissée à la discrétion du président de la collectivité.

D. INVITER LA POLYNÉSIE FRANÇAISE À S’ENGAGER RÉSOLUMENT DANS LA VOIE DU REDRESSEMENT ÉCONOMIQUE ET FINANCIER

L’arrivée d’un gouvernement polynésien disposant de la stabilité dans le temps est l’occasion de mettre un terme aux graves difficultés financières de la collectivité, laquelle est conduite, chaque année, à solliciter auprès de l’État des avances de trésorerie pour payer son personnel. Démarche, par ailleurs, peu compatible avec la souveraineté fiscale de la Polynésie et son statut d’autonomie.

Grâce au rapport de la mission d’assistance, qui a été demandée par les gouvernements polynésiens, et à ceux de la chambre territoriale des comptes, les responsables politiques nationaux et locaux connaissent désormais la démarche qui conduira au redressement de l’économie de la Polynésie.

La collectivité et l’ensemble des satellites créés au fil du temps doivent réduire de manière drastique leurs dépenses de fonctionnement, en particulier leur masse salariale, afin de dégager une capacité d’investissement qui favorisera la croissance économique et la création d’emplois.

Simultanément, il s’agira de transformer une économie administrée en une économie reposant sur un capitalisme entrepreneurial, dynamique, concurrentiel doté d’un système fiscal juste où les bénéficiaires de revenus élevés contribueront davantage que les personnes pauvres, contrairement à la situation présente.

Il ne s’agit pas d’un rêve de votre rapporteur pour avis, mais d’une conviction qui s’est approfondie au fur et à mesure des rencontres, lectures et découvertes des réalités de la Polynésie, ce pays des ukulele où « gémir n’est pas de mise » comme le chantait Jacques Brel.

Afin de redresser l’économie polynésienne, votre rapporteur pour avis propose les orientations suivantes.

En matière sociale, les mesures d’économie doivent viser l’objectif d’une baisse effective des dépenses d’assurance maladie de 10 % sur les trois années à venir. Il appartient à la CPS de déterminer les modalités permettant d’atteindre cet objectif, qu’il s’agisse de la réduction des dépenses médicales et administratives.

Le régime des retraites devrait disposer, avant la fin de 2014, d’un plan de retour à l’équilibre garantissant sa viabilité financière. Là encore il appartient aux autorités locales de prendre les mesures adéquates en s’inspirant des réformes mises en œuvre en métropole.

Enfin, le régime de solidarité de la Polynésie française (RSPF) pourrait à nouveau bénéficier d’une contribution financière de l’État, dès lors que des garanties seraient apportées quant à son équilibre financier par l’affectation d’une part significative et pérenne de la CST.

S’agissant du fonctionnement de la collectivité et de ses filiales, les réductions de charges doivent concerner principalement la masse salariale
– indemnités diverses comprises –, avec l’objectif de la diminuer, sur trois ans, de 15 %. Si les modalités permettant d’atteindre cet objectif sont du ressort de la collectivité, elles comportent nécessairement une diminution des effectifs et des hautes rémunérations, ce qui implique l’arrêt de tout recrutement supplémentaire et la mise en place d’un plan de départs volontaires.

La mise en œuvre de ces réductions exige, de la part des ministres et élus, une exemplarité sans laquelle elle deviendrait impossible. La loi organique précitée du 1er août 2011 a contribué à réduire la taille des cabinets ministériels et la rémunération des ministres (38).

Le récent rapport de la chambre territoriale des comptes concernant la gestion de la mission « Pouvoirs publics » fait cependant apparaître au-delà des apparences que les progrès de la gouvernance de la Polynésie française ont été très mesurés (39). Les mesures de réduction du train de vie annoncées par le nouveau gouvernement vont dans le bon sens, mais sont contredites par quelques recrutements spectaculaires à très haut salaire.

C’est pourquoi votre rapporteur pour avis souhaite qu’elles soient amplifiées. Pour illustrer ce propos, il convient de rappeler que le traitement des ministres du Gouvernement français a été abaissé de 30 %, et que le président de la République et le Premier ministre ont veillé à ce qu’aucun de leurs collaborateurs ne bénéficie d’une rémunération supérieure à la leur, le terme « rémunération » incluant les indemnités de cabinet.

Concernant la sincérité des comptes de la Polynésie française, le chantier de l’apurement des créances irrécouvrables ou douteuses, qui a été initié ces dernières années, doit être intensifié. Le rétablissement de la sincérité des comptes de la Polynésie exige également que ces derniers fassent désormais l’objet d’une certification comptable annuelle. Celle-ci pourrait être réalisée par la chambre territoriale des comptes de la Polynésie française avec le concours extérieur de magistrats de la Cour des comptes.

Enfin, concernant le système fiscal, domaine où la Polynésie, comme les autres collectivités d’outre-mer, est pleinement souveraine, au point que pas un centime d’impôt prélevé localement ne revient dans le budget de l’État, votre rapporteur pour avis considère qu’il convient désormais d’instituer un impôt progressif sur les revenus – des salariés et des non-salariés –, permettant ainsi de réduire la fiscalité indirecte qui contribue à la « vie chère ».

La Polynésie demeure le territoire français le plus peuplé qui ne connaît pas l’impôt sur les revenus. Une anomalie fiscale aussi forte doit être corrigée pour permettre le maintien de la participation des contribuables français envers les Polynésiens – à hauteur de 1,2 milliard d’euros en 2014.

Loin d’être exhaustives, ces mesures d’économies, qui pourraient être utilement complétées au fur et à mesure de l’évolution effective du profil de la trésorerie de la collectivité, devraient faire l’objet d’engagements précis, chiffrés et mesurables de la part de la Polynésie française et de l’État.

Afin de veiller au strict respect de ces engagements, votre rapporteur pour avis suggère de les formaliser dans une convention conclue entre l’État et le territoire. Un comité d’orientation et de pilotage, réunissant des représentants de l’État, du gouvernement de la Polynésie, des rapporteurs parlementaires concernés, ainsi que des élus polynésiens issus des groupes représentés à l’assemblée territoriale, se réunirait chaque année, au mois de juillet, pour mesurer concrètement et objectivement les économies réalisées et permettre à l’État d’apprécier, en connaissance de cause, les crédits à inscrire dans la loi de finances de l’année suivante. Si elle agrée le Gouvernement, cette proposition pourrait être applicable dès 2014.

III. LES ENJEUX ÉCONOMIQUES ET SOCIAUX DANS LES AUTRES COLLECTIVITÉS DE L’ARTICLE 74 DE LA CONSTITUTION

Enfin, votre rapporteur pour avis s’est attaché à analyser plus largement les questions économiques et sociales qui se posent aujourd’hui dans les autres collectivités d’outre-mer relevant de l’article 74 de la Constitution, à savoir les îles Wallis et-Futuna (A), Saint-Pierre-et-Miquelon (B), Saint-Barthélemy et Saint-Martin (C), ainsi que les Terres australes et antarctiques françaises (D).

A. LES ÎLES WALLIS-ET-FUTUNA

Située dans le Pacifique Sud, Wallis-et-Futuna est la collectivité d’outre-mer la plus éloignée de la métropole, à 22 000 kilomètres de Paris et à 2 100 kilomètres de la Nouvelle-Calédonie. Elle est constituée de deux archipels principaux, Wallis et l’archipel de Horn, avec l’île de Futuna. Elle compte environ 15 000 habitants.

L’activité économique de Wallis-et-Futuna demeure très traditionnelle. Elle est ainsi axée sur une pêche artisanale et une agriculture orientée vers un élevage essentiellement avicole et porcin – notamment en lien avec la coutume – ainsi que vers des cultures vivrières. L’artisanat local y joue également un rôle important. L’économie du territoire, peu ouverte sur l’extérieur, reste faiblement monétarisée, se caractérisant notamment par une forte propension des ménages à l’autoconsommation, évaluée à 40 % de leur consommation totale.

Les administrations publiques sont nécessairement appelées à jouer un rôle prépondérant dans le soutien à l’économie de ces îles : elle est, aujourd’hui, à l’origine de près de trois quarts des salaires distribués, tandis que la demande publique représente à elle seule 54 % du produit intérieur brut de la collectivité. La contribution du secteur privé dans la création de richesses y reste encore trop faible.

B. SAINT-PIERRE-ET-MIQUELON

Seule collectivité territoriale française de l’Atlantique Nord, Saint-Pierre-et-Miquelon, à l’entrée du golfe du Saint-Laurent, regroupe deux îles principales –à savoir Saint-Pierre-et-Miquelon (40) – et quelques îlots. Elle compte à ce jour environ 6 500 habitants.

Collectivité d’outre-mer au sens de l’article 74 de la Constitution depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer a doté Saint-Pierre-et-Miquelon d’un statut spécifique.

Saint-Pierre-et-Miquelon est une collectivité enclavée, confrontée à de nombreux défis, notamment sur le plan économique. La reprise économique peine toujours à s’y affirmer dans un contexte de perspectives de croissance mondiale atone. De manière plus structurelle, le tourisme réalise de moins bonnes performances avec une fréquentation en retrait et la situation de l’industrie de la pêche s’est dégradée à la suite de la mise en liquidation judiciaire, en mai 2011, de la principale usine de transformation des produits de la mer, SPM Seafoods International. La déprime du secteur de la pêche, pourtant seul secteur présent à l’exportation, conjuguée à la hausse des prix de l’énergie, qui a lourdement impactée la valeur des importations, a, en outre, contribué à dégrader la balance commerciale de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Pour la deuxième année consécutive, le bilan économique et social de Saint-Pierre-et-Miquelon demeure donc contrasté, l’économie de l’archipel étant toujours à la recherche de relais durables de croissance.

Alors qu’elle a été traditionnellement dominée par l’activité halieutique, l’économie de Saint-Pierre-et-Miquelon a été durement touchée par la diminution de sa zone économique exclusive en 1992 (41), à la suite d’un jugement du tribunal arbitral de New York, et par la mise en place de quotas de pêche en 1994. À compter de cette date, aucune activité marchande n’a véritablement su émerger, l’économie locale reposant essentiellement sur la commande publique d’une part, et la consommation des ménages d’autre part.

Dans cette perspective, Mme Annick Girardin, députée de Saint-Pierre-et-Miquelon, a fait part à votre rapporteur pour avis, lors de son audition, de la nécessité de faire avancer de manière significative et rapide le dossier de la délimitation du plateau continental au large de l’archipel, la résolution de cette question conditionnant aujourd’hui très largement l’avenir économique de la collectivité.

En effet, les perspectives tant en matière d’hydrocarbures, de métaux que de ressources halieutiques sont réelles dans l’Atlantique Nord. Un développement économique pérenne de Saint-Pierre-et-Miquelon passe donc par l’extension du plateau continental au large de l’archipel, sur lequel la France pourrait exercer des droits souverains, notamment en matière d’exploration et d’exploitation des ressources naturelles.

Une première étape a d’ores et déjà été franchie, le 8 mai 2009, avec le dépôt par la France, auprès de la commission des limites du plateau continental des Nations unies, d’une lettre d’intention revendiquant cette extension. Les élus de l’archipel sont aujourd’hui vigilants à ce qu’une seconde étape s’engage dans les meilleurs délais, étape au cours de laquelle le Gouvernement français devrait déposer le dossier final devant cette commission onusienne.

Votre rapporteur pour avis se félicite que, dans un communiqué publié le 24 juillet 2013, le président de la République ait « rappelé que la France défendrait les intérêts de l’archipel concernant l’extension du plateau continental au large de Saint-Pierre-et-Miquelon » et même « confirmé l’intention de la France, à cet effet, de déposer un dossier devant la commission des limites du plateau continental ». Il appelle de ses vœux à un dépôt rapide de ce dossier, tant le développement de l’archipel et la diversification de son économie marchande dépendent de la revendication française d’un plateau continental étendu au large de Saint-Pierre-et-Miquelon.

C. LES COLLECTIVITÉS DE SAINT-BARTHÉLÉMY ET DE SAINT-MARTIN

Le 7 décembre 2003, les électeurs de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy consultés, en application de l’article 72-4 de la Constitution, sur l’abandon du rattachement au département et à la région de Guadeloupe au profit du statut de collectivité d’outre-mer, ont approuvé ce projet à une très large majorité.

Tirant les conséquences de ce vote, la loi organique précitée du 21 février 2007 a érigé ces deux communes anciennement guadeloupéennes en collectivités d’outre-mer, dotées de l’autonomie, au sens de l’article 74 de la Constitution. Si les deux schémas institutionnels convergent très fortement, Saint-Barthélemy et Saint-Martin présentent en revanche des évolutions économiques et budgétaires divergentes.

La collectivité de Saint-Martin connaît, de longue date, des difficultés financières, liées notamment à un fonctionnement défectueux relevé par la chambre régionale des comptes. La modification statutaire de la collectivité, en particulier l’accession à l’autonomie fiscale a entraîné de grandes difficultés dans le recouvrement des impositions, qui ont conduit l’État à consentir à la collectivité des avances de trésorerie.

La détérioration continue des finances de la collectivité de Saint-Martin a nécessité la constitution d’une mission chargée de réaliser un diagnostic partagé et de définir, sur cette base, un scénario de redressement de la situation budgétaire et financière de la collectivité. En février 2012, une mission commune aux services du ministère des Outre-mer et à l’agence française de développement (AFD) a proposé la mise en œuvre d’un plan de redressement de la collectivité, lequel s’est traduit par la signature, en décembre 2012, d’un protocole financier liant l’État et la collectivité.

Ce protocole prévoit la délivrance d’un prêt de restructuration de l’ordre de 25 millions d’euros, l’octroi d’une avance de trésorerie d’un montant de 18 millions d’euros remboursable sur six ans. Un autre volet envisage une refonte de la structure de la fiscalité locale, afin d’en augmenter sensiblement le rendement. Votre rapporteur pour avis souhaite que ce protocole financier fasse l’objet d’une application rapide et rigoureuse, le budget primitif 2013 de la collectivité ayant été, une nouvelle fois, voté en déficit de 2,7 millions d’euros.

L’attractivité retrouvée des Caraïbes et du marché de la croisière a toutefois permis, côté français, un très léger rebond d’activité, qui a cependant bien plus profité à la partie néerlandaise et peine à se diffuser à l’ensemble des secteurs de la partie française. En outre, dans une économie historiquement très dépendante de la commande publique, les contraintes actuelles qui pèsent sur les finances publiques de la collectivité de Saint-Martin en limitent profondément le volume d’activité.

Dans cette perspective, votre rapporteur pour avis invite au renforcement durable de la coopération entre les deux parties – française et néerlandaise – de l’île, coopération qui conditionne l’amélioration de la situation économique de la collectivité. Sint-Maarten dispose en effet d’atouts importants à l’origine d’une situation financière confortable. Sa très large autonomie, l’utilisation du dollar, son port en eau profonde et son aéroport international, par lequel transite la majorité du fret de l’île, se révèlent ainsi comme autant d’avantages comparatifs.

La collectivité de Saint-Barthélemy ne connaît pas les mêmes difficultés. Le tourisme comme le secteur du bâtiment et des travaux publics montrent tous deux un dynamisme certain. En outre, le niveau de chômage est particulièrement faible. Il en résulte une situation financière favorable pour Saint-Barthélemy, laquelle a enregistré à nouveau un solde financier positif, lui permettant ainsi de maintenir un niveau d’endettement nul.

Votre rapporteur pour avis se montre confiant dans la capacité de Saint-Barthélemy à développer davantage ses échanges commerciaux extérieurs, notamment avec les États-Unis. Il insiste néanmoins sur la nécessité de diversifier l’économie de l’île pour la préserver, à l’avenir, des aléas de la fréquentation touristique, particulièrement sensible à la conjoncture économique mondiale.

D. LES TERRES AUSTRALES ET ANTARCTIQUES FRANÇAISES (TAAF)

Les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) sont formées d’un ensemble d’îles et d’archipels inhabités, très éloignés les uns des autres, et répartis en quatre districts administratifs : l’archipel de Crozet, l’archipel de Kerguelen, l’archipel d’Amsterdam et les Terres antarctiques. Le territoire représente une zone économique exclusive de 1,9 million de km², permettant à la France, avec les autres outre-mer, de se placer au deuxième rang mondial après les États-Unis, pour ce qui concerne son espace maritime.

Le budget des TAAF est alimenté par des ressources propres, parmi lesquelles figurent les taxes de mouillage et les droits de pêche. Il reste cependant très dépendant des dotations de l’État. Dans cette perspective, votre rapporteur pour avis insiste, comme l’année précédente, sur la nécessité de conforter le niveau de la dotation de l’État aux TAAF, sans laquelle le territoire n’est pas à même d’asseoir, d’une part, la souveraineté française sur les zones économiques exclusives et de financer, d’autre part, les recherches scientifiques de première importance, notamment sur les questions relatives à la biodiversité ou à la préservation de l’environnement et de la faune marine.

EXAMEN DES CRÉDITS EN COMMISSION ÉLARGIE

Lors de sa réunion du 29 octobre 2013, la Commission procède, en commission élargie à l’ensemble des députés, dans les conditions fixées à l’article 120 du Règlement, à l’audition de M. Victorin Lurel, ministre des Outre-mer, sur les crédits de la mission « Outre-mer » pour 2014.

M. le président Gilles Carrez. Monsieur le ministre des outre-mer, nous sommes heureux de vous accueillir pour l’examen des crédits de la mission « Outre-mer » du projet de loi de finances pour 2014.

La Conférence des présidents, en juillet dernier, a décidé que, cette année, l’ensemble des missions seraient examinées en commission élargie. Cette procédure permet en effet des échanges précis et interactifs entre le Gouvernement et les députés.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Comme tous les ans, la commission des lois apporte une attention soutenue aux Outre-mer ; jeudi, nous aurons d’ailleurs à nous prononcer sur deux textes de la commission mixte paritaire concernant les outre-mer : le projet de loi organique relatif à la Nouvelle-Calédonie et le projet de loi portant diverses dispositions relatives aux outre-mer.

Comme c’est désormais l’usage, nos deux rapporteurs pour avis ont ciblé chacun un thème précis, sans empiéter sur le domaine de compétence spécifique de la commission des finances et du rapporteur spécial. M. Marie-Jeanne s’est penché sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires ultramarins – je sais moi-même, pour avoir visité récemment le Camp-Est en Nouvelle-Calédonie et la prison de Mayotte, combien ces deux établissements nécessitent l’attention de l’État. M. Dosière, pour sa part, s’est intéressé aux enjeux économiques des outre-mer, la situation de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie appelant une vigilance toute particulière.

Je tiens également, monsieur le ministre, à vous faire part de notre surprise sur le taux de réponses anormalement faible – 44 % – aux questionnaires que la commission des lois a adressés à vos services. Je veux croire que cela restera exceptionnel, vous sachant attaché à la correction due au Parlement.

M. le président François Brottes. La commission des affaires économiques, pour sa part, est habituée à des échanges d’une grande fluidité avec le ministère des Outre-mer.

Ce n’est pas parce que la présente mission ne représente qu’une faible part des efforts de l’État en direction des outre-mer que le rapport pour avis de M. Letchimy s’est borné à l’analyse des questions énergétiques : il me semble de bonne méthode que les commissions pour avis se focalisent sur des thèmes précis, afin de ne pas réciter l’analyse du budget, qui incombe à la commission des finances.

Par ailleurs, j’organiserai au mois de novembre, selon un engagement pris en séance, une audition de l’Autorité de la concurrence sur la loi relative à la régulation économique outre-mer, qui commence à porter ses fruits. Une date sera donc bientôt communiquée aux membres de la commission.

M. Patrick Ollier, rapporteur spécial de la commission des Finances. Les collectivités ultramarines cumulent les handicaps structurels : éloignement, insularité, climat difficile et étroitesse du marché domestique. Ces handicaps, pour l’essentiel géographiques, nécessitent la mise en place de dispositifs spécifiques. La politique d’aménagement du territoire justifie donc des traitements différents lorsque la situation objective le commande. Les zones de revitalisation rurale en métropole, à la création desquelles je fus à l’origine, participent de cet esprit, au nom duquel je défends aujourd’hui les systèmes dits de « défiscalisation ».

De fait, les incitations fiscales permettent l’investissement et créent de la richesse, donc de l’emploi ; aussi, je m’élève contre leur assimilation aux « niches fiscales ». Je puis comprendre que les « orthodoxes » de la loi fiscale combattent de tels dispositifs, qu’ils considèrent comme des outils d’évaporation : leur fonction est de faire rentrer l’impôt. Reste que l’incitation fiscale est nécessaire pour drainer l’épargne privée vers les Outre-mer et y créer de la richesse et de l’emploi, dans un contexte d’argent public rare, où l’État n’a plus les moyens d’abonder les budgets au niveau nécessaire.

Ces incitations fiscales se chiffrent globalement, pour 2014, à un peu plus de 3,9 milliards d’euros. Ce montant peut paraître important, mais il correspond, pour près d’un tiers – soit 1,2 milliard d’euros –, aux taux de TVA à 8,5 % – pour le taux normal – et à 2,1 % – pour le taux réduit.

Je me réjouis, en tout état de cause, que le Gouvernement ait accepté mes propositions, qui pour l’essentiel proviennent du rapport que j’ai cosigné avec M. Fruteau. Je voterai donc les crédits de cette mission, car ils s’inscrivent dans la continuité de la politique que nous avions menée, sous l’autorité du Président Sarkozy et du Premier ministre, François Fillon.

Ma première série de questions concerne précisément les dispositifs d’incitations fiscales et le fonctionnement des futurs crédits d’impôt : en ce domaine, je souhaite que le Gouvernement prenne des engagements. Je me suis rendu en septembre dernier en Martinique et en Guadeloupe, et y ai rencontré des acteurs de la vie économique locale. Il m’a été fait état – et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres – d’une entreprise qui attendait un agrément depuis plus de deux ans. Or il se trouve que l’administration centrale invoque souvent le système des agréments pour critiquer les défiscalisations. Comment peut-on confier à une administration distante de 7 000 kilomètres le soin de juger du bien-fondé d’un investissement, de le retarder pour un temps indéterminé alors que, pendant ce temps, les circonstances économiques ayant changé, l’investissement n’est plus forcément opportun ? Quelles pistes envisagez-vous, monsieur le ministre, pour mettre fin à cet exemple unique d’économie administrée ?

Si rien n’évolue, les PME et les TPE se décourageront d’utiliser les dispositifs de défiscalisation, d’autant qu’elles seront fortement incitées à opter pour le crédit d’impôt, pourtant moins favorable du fait des intérêts liés au préfinancement. Cette « amicale pression » prépare, j’en ai peur, la disparition pure et simple de la défiscalisation dans les années à venir. Aussi ai-je défendu un amendement à l’article 13 du PLF, tendant à réserver le crédit d’impôt aux seules entreprises déclarant un chiffre d’affaires supérieur à 20 millions d’euros, c’est-à-dire aux entreprises dont le volume financier permet de faire face à cette mesure. Cet amendement a malheureusement été rejeté en première lecture. Pouvez-vous nous assurer, monsieur le ministre, que la disparition de la défiscalisation n’est pas un des buts du Gouvernement ? Certains signes ne laissent pas de m’inquiéter ; or la stabilité fiscale est une nécessité, notamment pour l’investissement, en outre-mer comme en métropole.

J’ai également constaté, au cours de mon déplacement, que l’administration sur place ne procédait, faute de moyens ou de directives, ni aux contrôles nécessaires, ni aux vérifications permettant de rendre le système totalement vertueux ; de fait, on ne peut nier certains excès ou contournements ; mais il est à craindre que ces critiques ne conduisent à « jeter le bébé avec l’eau du bain ». Votre ministère, en lien avec le ministère de l’économie et des finances, envisage-t-il des évolutions réglementaires afin de renforcer l’encadrement et les contrôles a posteriori ? Sans ces contrôles, le cas échéant assortis de sanctions, certains seront tentés de supprimer le système, qui fait l’objet des recommandations 6 et 8 du rapport que j’ai cosigné avec M. Fruteau.

S’agissant du service militaire adapté (SMA) en Guadeloupe et en Martinique, dont j’ai pu visiter les établissements, le Président Sarkozy avait annoncé un doublement – de 3 000 à 6 000 – du nombre de bénéficiaires en 2012. Cet objectif a été repoussé à 2014, puis à 2016. Le SMA et l’apprentissage au bénéfice des jeunes ultramarins sont-ils toujours une priorité pour le Gouvernement ?

Enfin, l’article 70 du PLF vise à plafonner les exonérations de cotisations sociales sur les plus bas salaires. Je défendrai un amendement de suppression de cet article : j’espère qu’il recueillera l’assentiment.

M. Serge Letchimy, rapporteur pour avis de la commission des Affaires économiques sur la mission « Outre-mer ». Malgré des signes de reprise, et même si la loi Lurel relative à la régulation économique a permis de contenir l’augmentation des prix, la situation économique des Outre-mer reste morose. Les collectivités ultramarines, notamment dans les Caraïbes, sont dans une dynamique d’intégration régionale qui les conduit à siéger dans des organismes internationaux tels que l’OECS – Organisation des États de la Caraïbe de l’Est –, CARICOM – Caribbean Community and Common Market –, l’AEC – Association des États de la Caraïbe – ou la CEPALC – Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes. Nos atouts, considérables, doivent assurément être valorisés à travers des politiques de filières.

Le budget de la mission est en augmentation : il faut s’en féliciter, au vu du contexte budgétaire difficile, même si certains aspects méritent quelques observations. En tout état de cause, les outre-mer, loin de profiter des arbitrages budgétaires, participent eux aussi à l’effort de redressement des finances publiques. Enfin, la défiscalisation a été sauvegardée dans ses principes, et la ligne budgétaire unique (LBU) sanctuarisée, notamment sur le logement.

Notre monde connaît différentes mutations, écologiques, climatiques et énergétiques. Dans ce contexte, la transition énergétique nous donne l’opportunité de développer des filières économiques. Nous avons des atouts dans bien des domaines, qu’il s’agisse de l’énergie thermique en mer, de l’éolien ou de la géothermie, pour laquelle des projets sont en cours, en association avec d’autres régions, en Caraïbe et ailleurs. Une nouvelle vision du développement économique est donc possible, même si, j’en suis d’accord avec M. Ollier, la stabilité fiscale et financière est nécessaire à l’innovation. Le dépassement du seuil de 30 % de la puissance appelée par les énergies intermittentes sur le réseau classique peut engendrer des « bugs » ; mais le stockage peut précisément être à l’origine d’innovations, en particulier sur les smart grids, afin de permettre un accès différencié, démocratique et social. De ce point de vue, les outre-mer sont à même de participer à ce que Jeremy Rifkin appelle la « Troisième révolution industrielle », à laquelle il serait intéressant d’associer des politiques d’habilitation. L’habilitation obtenue par la Martinique et la Guadeloupe relativement à l’énergie permet ainsi de faire le lien entre la réglementation, la législation, le financement et les projets. Nous avons également obtenu, dans le même esprit, une habilitation relative aux transports.

La défiscalisation est un outil essentiel. La stigmatisation dont elle fait l’objet nous a conduits à mener une réflexion, mais, avec l’appui de M. Ollier et de présidents de commission, la majorité a obtenu le maintien de ce dispositif. Pour ce qui est du financement des logements sociaux, le seuil, fixé à 5 % sur proposition du rapporteur général Christian Eckert, me paraît néanmoins trop élevé ; aussi conviendrait-il de le ramener à 3 %. Quoi qu’il en soit, une analyse d’impact me semble à tout le moins nécessaire.

La loi dite « Grenelle I » a fixé, pour les outre-mer, un objectif de 50 % d’énergies renouvelables dans la consommation énergétique. Certaines régions ont les moyens d’atteindre cet objectif très ambitieux, et les outre-mer peuvent, sur ce sujet, devenir des espaces de recherche. On comprend mal, néanmoins, le retrait d’EDF du projet de centrale géothermique à la Dominique. Au moment où les collectivités ultramarines prennent des initiatives fortes pour assurer leur insertion dans les espaces régionaux, comment éviter qu’une telle mésaventure, qui constitue un camouflet pour le Gouvernement et les collectivités, ne se reproduise ? La décision unilatérale d’EDF, après les engagements pris par le Président de la République, le Premier ministre et les présidents de collectivité, pose un vrai problème de gouvernance.

Gardons-nous, enfin, de calquer les projets des outre-mer sur ceux de l’Hexagone. Comment, de ce point de vue, s’assurer de la pleine intégration des outre-mer dans les futures lois sur la transition énergétique ? Les dispositions relatives aux outre-mer méritent un chapitre entier, et non deux ou trois articles, voire un seul comme dans le projet de loi d’orientation agricole. Un tel chapitre pourrait notamment assurer le lien avec le projet de loi relatif à la compétitivité et à l’emploi, afin de faire émerger une filière, au bénéfice de l’activité et de l’emploi dans nos territoires.

M. Alfred Marie-Jeanne, rapporteur pour avis de la commission des Lois, pour les départements d’outre-mer. L’ampleur de la surpopulation carcérale dans les départements et collectivités d’outre-mer, plus que nulle part ailleurs sur le reste du territoire, est telle qu’elle nécessitait à mes yeux une analyse des causes, en vue de dégager quelques solutions durables. Mon rapport, je tiens à le préciser, n’est nullement un réquisitoire, mais un rappel et un appel : un rappel sincère et objectif des faits et des données sur la surpopulation carcérale outre-mer ; un appel au Gouvernement, donc à vous, monsieur le ministre, pour remédier durablement à cette situation déplorable, qui va jusqu’à menacer nos sociétés déjà fragiles.

Mettre durablement fin à la surpopulation carcérale dans les Outre-mer suppose non seulement une politique active de rénovation et d’extension des capacités pénitentiaires, mais aussi un développement significatif des aménagements de peines et des alternatives à la prison, et une lutte plus efficace contre l’inactivité en détention.

Des efforts importants ont été consentis, au cours des dernières années, pour remédier tant à la vétusté qu’au manque de place dans les établissements pénitentiaires outre-mer. Toutefois, selon les données qui m’ont été transmises, au 1er septembre 2013, aucun de ces établissements ne disposait d’unité de vie familiale ou de parloir familial, alors même que l’article 36 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 a posé le droit, pour chaque personne détenue, de bénéficier d’une visite trimestrielle dans l’une ou l’autre de ces deux structures. Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, les initiatives envisagées en partenariat avec le ministère de la justice, afin de permettre le déploiement rapide, dans les établissements ultramarins, de ces structures indispensables au maintien des relations familiales et personnelles ?

Par ailleurs, dans le cadre de la future loi de programmation pluriannuelle des finances publiques pour la période 2015-2017, sont envisagées l’implantation d’un centre de semi-liberté en Martinique et la création d’un centre pour courtes peines aux alentours du pôle judiciaire de Koné, dans la province Nord de la Nouvelle-Calédonie. Des études de faisabilité et des recherches foncières seraient actuellement en cours de réalisation. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer précisément où en sont ces deux projets, d’autant plus attendus que les Outre-mer manquent cruellement de structures diversifiées pour répondre de manière satisfaisante et adaptée aux profils très différents des personnes détenues ? Où ces projets seront-ils effectivement réalisés ? Combien de places offriront-ils ? Quels seront leurs coûts respectifs ?

S’agissant de la diversification de la réponse pénale et du développement des alternatives à la détention, la future réforme pénale créera une nouvelle peine de contrainte pénale, et renforcera le suivi de chaque personne condamnée par les services pénitentiaires d’insertion et de probation. Or, en dépit d’une augmentation des effectifs de l’administration pénitentiaire outre-mer depuis 2007, les services d’insertion et de probation de ces territoires souffrent d’une insuffisance criante de moyens budgétaires et humains, à telle enseigne que chaque agent y suit en moyenne près de 96 personnes, contre 90 sur l’ensemble du territoire national. De surcroît, l’éloignement, l’insularité, un relief et des climats parfois difficiles obligent les services pénitentiaires à organiser de nombreuses permanences délocalisées, occasionnant des déplacements longs et coûteux. Quelles sont les mesures envisagées, en lien avec le ministère de la justice, pour soutenir les services pénitentiaires d’insertion et de probation dans les Outre-mer, et prendre en compte la spécificité de ces territoires dans le projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l’individualisation des peines ?

Je reste enfin convaincu, aux termes de mes travaux, que le temps passé en détention doit davantage être consacré à l’activité, à la formation et à la réinsertion des détenus. Or, à cause de la crise et du chômage de masse en Outre-mer, ce sont les publics les plus jeunes qui sont les premiers touchés. Faute d’entreprises candidates, les établissements pénitentiaires éprouvent d’importantes difficultés à développer, dans leurs murs, des activités de travail rémunérées, autres que celles liées au service général, en vue de la réinsertion. De même, les associations spécialisées dans la réinsertion disparaissent bien souvent aussi vite qu’elles sont nées, ce qui empêche la mise en place d’actions pérennes. L’instabilité de ce tissu associatif, notamment observée en Guadeloupe et en Martinique, s’explique, pour une large part, par le manque de trésorerie de ces structures. Quelles sont les mesures envisagées pour développer les actions de formation et l’implantation de nouvelles activités rémunérées en prison, dans un contexte socio-économique peu favorable outre-mer ? Comment remédier à la fragilité, notamment financière, du réseau associatif spécialisé dans la réinsertion ?

M. René Dosière, rapporteur pour avis de la commission des Lois, pour les collectivités d’outre-mer, la Nouvelle-Calédonie et les terres australes et antarctiques françaises. Nous sommes satisfaits que les dotations globales pour l’ensemble des territoires d’outre-mer augmentent de 2 %, à hauteur de 2,67 milliards d’euros.

S’agissant de la Nouvelle-Calédonie, je vous renvoie au rapport que le président Jean-Jacques Urvoas, Dominique Bussereau et moi-même avons présenté à la suite de la mission que nous avions effectuée en septembre dernier sur le territoire.

Je concentrerai mon propos sur la Polynésie où les élections territoriales de 2013 ont donné une majorité très forte, à l’assemblée, au parti de M. Gaston Flosse. Pour la première fois depuis 2004, le gouvernement local est assuré de cinq ans de stabilité ; occasion pour la Polynésie de mettre un terme à ses graves difficultés financières puisqu’elle est conduite chaque année à solliciter auprès de l’État des avances de trésorerie pour payer son personnel – démarche peu compatible avec son statut d’autonomie impliquant la souveraineté fiscale. Nous disposons à cet égard de tous les éléments nécessaires pour établir un diagnostic : une mission d’assistance réclamée par les gouvernements polynésiens sous la présidence d’Anne Bolliet a remis un rapport exhaustif proposant tout une série de pistes positives ; de même, tous les rapports de la chambre territoriale des comptes montrent la voie à suivre.

Pour échapper aux errements passés, je propose des objectifs clairs, notamment que la collectivité et l’ensemble des satellites créés au fil du temps réduisent de façon drastique leurs dépenses de fonctionnement, en particulier leur masse salariale, afin de dégager une capacité d’investissement qui favorisera la croissance économique et la création d’emplois dans le secteur privé. Il conviendra simultanément de transformer une économie administrée en une économie reposant sur un capitalisme entrepreneurial dynamique, concurrentiel et doté d’un système fiscal juste où les bénéficiaires de revenus élevés contribueront davantage que les personnes pauvres. Pour y parvenir, les comptes de la collectivité devront être sincères. La mission d’assistance et la chambre territoriale des comptes ont montré que ce n’était pas le cas depuis au moins 2006 à hauteur d’au moins 20 % des recettes de fonctionnement. Or l’État n’a rien fait pour y remédier. Les comptes devront donc être certifiés par la chambre territoriale des comptes, assistée par la Cour des comptes ou un cabinet métropolitain d’expertise comptable.

Il convient également de faire bouger les choses concernant le système fiscal : la Nouvelle-Calédonie est le territoire le plus peuplé où il n’existe pas d’impôt sur les revenus. La fiscalité y est uniquement indirecte. Ce qui reste étonnant.

Il faudrait constituer un comité de pilotage réunissant des élus, des représentants du gouvernement local, chargé de vérifier chaque année que les objectifs fixés ont bien été atteints. Ainsi pourrait-on mieux préparer les dotations de l’État. Que pensez-vous d’une telle démarche, monsieur le ministre ?

Pour le reste, notre collègue Annick Girardin a souligné à quel point il importait que la France suive le dossier de la délimitation du plateau continental au large de Saint-Pierre-et-Miquelon, dossier qui conditionne l’avenir économique de l’archipel. Il convient de vérifier que les autorités françaises le défendent bien auprès des instances de l’ONU.

M. Victorin Lurel, ministre des Outre-mer. L’examen du budget en commission élargi, plus resserré, permet peut-être davantage d’échanges. Cela dit, je n’ai pas d’appréciation à porter sur les décisions de la conférence des présidents et sur la manière dont le Parlement travaille.

Le présent budget s’inscrit dans la continuité du précédent – défini comme un budget de combat. Il marque le retour de l’État dans les outre-mer qui restent une priorité au même titre que la sécurité, la justice ou l’éducation. Les autorisations d’engagement baissent de 1,8 % du fait d’un changement de périmètre tandis que les crédits de paiement augmentent de 1 %.

Le budget pour 2014 permet de consolider les priorités définies au moment de l’alternance.

C’est le cas du logement grâce à la hausse des crédits de paiement de la LBU à hauteur de 244 millions d’euros, soit une augmentation de plus de 25 % depuis 2011, de 15 % depuis 2012 et de 8 % par rapport à 2013.

C’est ensuite le cas de la jeunesse et de l’emploi, notamment avec la poursuite de la montée en puissance du SMA. Un premier report de l’opération SMA 6 000 avait été décidé par le précédent gouvernement et, dans l’impossibilité, faute d’infrastructures, d’accueillir 6 000 stagiaires en 2013 ou 2014, cette opération est repoussée à 2016. Le SMA, en termes de rémunérations, de fonctionnement et d’investissement, représente 159 millions d’euros en autorisations d’engagement, soit 6 % d’augmentation, et 151 millions d’euros en crédits de paiement, soit 8 % de hausse.

La troisième priorité est l’investissement public avec une nouvelle enveloppe de 50 millions d’euros au titre du fonds exceptionnel d’investissement, une augmentation des autorisations d’engagement des crédits pour les contrats de plans État-région de 10 millions d’euros, une augmentation de 10 millions d’euros en crédits de paiement du troisième instrument financier pour la Polynésie française, enfin le maintien d’une capacité d’engagement de 20 millions d’euros pour les constructions scolaires en Guyane et à Mayotte.

Quatrième priorité, le Gouvernement renouvelle son effort envers les entreprises avec la stabilisation des compensations d’exonérations pour 1,131 milliard d’euros, soit une diminution de 24 millions d’euros par rapport à 2013 et non 90 millions, chiffre qui concerne la prévision triennale, avec un redéploiement d’un tiers de la somme – entre 26 et 30 millions d’euros – en faveur des outre-mer. Il s’agit donc d’un effort supportable. Est en outre prévu un quasi-triplement des autres aides aux entreprises dont les crédits supplémentaires feront l’objet d’un fléchage dans le futur projet de loi relatif au développement et à la modernisation de l’économie des outre-mer. Il s’agit de 25 millions d’euros en autorisations d’engagement, soit une augmentation de 178 %, et de 16,5 millions d’euros en crédits de paiement, soit une hausse de 80 %.

La réforme des barèmes d’exonérations – recentrage assumé – porte sur les plus hauts salaires. Toutes les études menées sur le coût du travail montrent que les réformes les moins défavorables à l’emploi sont celles qui préservent les plus bas salaires, ici inférieurs à 1,6 SMIC pour les secteurs prioritaires, à savoir 73 % des salariés de l’outre-mer. La situation de près de 93 % des établissements et de 90 % des salariés s’améliore ou reste inchangée car le crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) représente 320 millions d’euros d’allégements supplémentaires pour 2014. Les hauts revenus sont certes pénalisés : pour un salarié qui gagne 2,5 fois le SMIC, la hausse du coût du travail liée à la refonte des exonérations couplée au CICE représentera 43 euros, soit 0,9 %. Le dispositif ne créera donc pas de trappe à bas salaires. J’y insiste : nous soutenons les entreprises.

Le budget pour 2014 est également celui de la cohérence. Alors que, d’ordinaire, la définition du budget était réservée aux services du ministère sans que le Parlement soit consulté en amont, nous avons su mener une concertation très approfondie et avons tenu compte scrupuleusement des propositions des députés, notamment en matière d’aide fiscale à l’investissement – relisez l’article 13 du projet de loi de finances. Le dispositif concerne 2 milliards d’euros d’investissements dont un milliard de dépenses fiscales. Trois principes ont été respectés : pas de désengagement, pas un euro d’économie réalisé sur le dos des entreprises ultramarines ; recherche d’une plus grande efficience dans l’allocation de la dépense publique ; réforme menée en concertation.

Cette réforme prévoit le maintien de droit d’une défiscalisation mieux encadrée : pour les PME dont le chiffre d’affaires est inférieur à 20 millions d’euros ; dans le secteur du logement social ; dans les collectivités qui jouissent d’une autonomie fiscale.

Le texte prévoit par ailleurs l’expérimentation d’un crédit d’impôt attractif au taux de 38 % pour les sociétés soumises à l’impôt sur le revenu, de 35 % pour celle soumises à l’impôt sur les sociétés et de 40 % dans le logement social, soit un avantage à l’exploitant supérieur à la défiscalisation. Cela suscite quelques frayeurs : y a-t-il une arrière-pensée ? Le renforcement de l’attractivité du crédit d’impôt cache-t-il l’intention de supprimer, à terme, la défiscalisation ? Nous avons prévu une évaluation en 2016 afin de garantir la stabilité fiscale jusqu’en 2017. En attendant, sur des dépenses fiscales de plus de un milliard d’euros, entre 250 et 300 millions d’euros sont perdus. Or si nous pouvons garantir la même attractivité sans ces pertes, tout le monde en bénéficierait.

En matière de politique transversale, l’effort budgétaire et financier de l’État en outre-mer est intégralement maintenu autour de 14,3 milliards d’euros dont 3,98 milliards d’euros de dépenses fiscales.

M. le président Urvoas a indiqué que 44 % des réponses aux questionnaires budgétaires lui étaient parvenues avant le 10 octobre. Nous avons en effet une semaine de retard.

Monsieur Brottes, je me réjouis de savoir que l’Autorité de la concurrence (ADLC) sera auditionnée et qu’un suivi sera assuré pour l’application des lois en matière de concurrence et en matière de lutte contre la vie chère dont je rappelle qu’elle ne se résume pas au bouclier qualité-prix. Nombreux sont ceux qui réduisent en effet une loi structurelle à son dispositif le plus visible et le plus médiatisé qui, au demeurant, respecte les principes fondamentaux d’une économie de marché en évitant d’imposer administrativement des prix. Il sera appliqué aux carburants. Nous pouvons désormais réglementer certains secteurs en amont – les marchés de gros, les marchés d’acheminement – avec l’accord et la coopération de l’ADLC. Ainsi a-t-on enregistré une diminution de plus de 10 % du fret.

Quand l’ADLC donne des injonctions, la baisse est-elle répercutée en aval ? C’est en réalité la marge des importateurs qui augmente, comme dans le domaine des télécommunications.

M. le président François Brottes. Je signale que c’est le 4 décembre à 9 h 30 que Bruno Lasserre, président de l’ADLC, sera auditionné par la commission des affaires économiques.

M. Victorin Lurel, ministre des Outre-mer.  Le décret concernant les carburants devrait paraître avant le 1er janvier 2014. Un rapport indiquait que des marges de 12 à 15 % étaient excessives. Il faut par ailleurs respecter les normes européennes.

Vous avez raison, monsieur Brottes, de trouver le délai des agréments trop long. Deux instructions sont en effet prévues – l’une par la direction régionale des finances publiques (DRFIP), l’autre par la direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DEAL). Un guichet unique est en cours d’élaboration mais j’ignore si nous pourrons aller plus loin. Si les agréments donnés par la DEAL prennent deux mois et ceux délivrés par le DRIFP trois mois, c’est beaucoup plus long pour les opérateurs sociaux dans la pratique.

M. le président François Brottes. Cela prend parfois deux ans.

M. Victorin Lurel, ministre des Outre-mer.  Ce serait exceptionnel. Reste que les délais doivent être améliorés et que nous demeurons très vigilants.

Il a ensuite été avancé que l’administration ne disposait pas de moyens de contrôle en matière de défiscalisation de plein droit. Il faudra très rapidement faire appliquer les mesures qui viennent d’être prises. Il s’agit de ne pas donner l’impression, à travers le contrôle, de revenir sur le principe du plein droit. Il convient donc de préserver un équilibre entre le dynamisme économique et le nécessaire contrôle de l’argent public.

L’opposition soupçonne le Gouvernement de vouloir supprimer, à terme, la défiscalisation. Vous voulez réserver le crédit d’impôt aux entreprises réalisant un chiffre d’affaires de plus de 20 millions d’euros. Compte tenu de l’attractivité de ce crédit d’impôt, nous pensons laisser les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur en profiter. Après évaluation en 2016, nous aviserons.

Monsieur Ollier, vous voterez contre l’article 70 du projet de loi de finances mais vous vous trompez sur son impact. Comment peut-on, contrairement à tous les secteurs du territoire national, ne demander aucun effort aux outre-mer pour le redressement des finances publiques du pays au prétexte qu’elles viennent de plus loin – en termes non géographiques mais économiques ? L’équité commande le partage de l’effort. Ce que nous demandons aux outre-mer l’est en stricte conformité avec l’article de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen selon lequel chacun doit donner en fonction de ses facultés contributives.

En outre, comment peut-on soutenir que ce sont les exonérations qui déclenchent le recrutement d’un cadre pour un salaire allant de 4 200 à 6 400 euros ? Ce qui doit déterminer le recrutement est la capacité à remplir la fonction confiée. Quant aux entreprises qui ne bénéficient pas du CICE, très rares, ce sont celles auxquelles ne s’applique pas le régime réel normal ou simplifié – les agriculteurs, les artisans, les associations…, qui ne sont pas concernées par le recentrage.

Monsieur Letchimy, la loi relative à la régulation économique outre-mer a en effet permis de ralentir la hausse des prix, voire de faire baisser ceux des produits alimentaires et de première nécessité, mais ce n’est pas suffisant. Je tiens à ce que l’on s’empare de la loi : ce n’est pas depuis Paris que l’on fera baisser les prix ; on doit pouvoir compter sur une implication de tous et en particulier de la société civile. Que les entreprises s’en emparent, les élus également – un président de région a le même pouvoir que le ministre de l’économie et des finances à Paris. Le président du département pouvait auparavant confier un EPAD à un monopole ; aujourd’hui, le président de région peut demander à l’ADLC une analyse et des recommandations. Il faut également que les organisations de consommateurs se développent dans les outre-mer car elles n’y forment pas un contre-pouvoir – or le pouvoir du consommateur est un vrai pouvoir démocratique. Je n’oublie pas les collectivités. À la Réunion, on a commencé de travailler sur les exclusivités d’importation, sur la manière de fluidifier l’économie, la rendre plus concurrentielle.

Pour ce qui est de la proportion minimale que doit représenter la subvention publique dans le financement des logements sociaux, le seuil de 5 % résulte d’un bon arbitrage – certains ministères demandaient 10 voire 20 %. Et les simulations prévoyant une baisse consécutive des investissements de moitié ne sont pas fondées. Il ne faut pas se montrer trop rigide et le seuil de 5 % me paraît parfaitement compatible avec le nécessaire dynamisme de la construction du logement social.

Il faut tout faire pour respecter l’objectif de 50 % d’énergies renouvelables produites dans les régions ultramarines. Comme ministre, je n’ai pas compris le retournement soudain d’EDF, malgré le poids de l’État dans son capital, et après cinq ou six années d’études cofinancées par les régions de Guadeloupe et de Martinique, l’État et l’Europe, au motif qu’un seuil de rentabilité de plus de 13 % n’était pas atteint – un taux qui, je l’ai dit à M. Proglio, évoque le rendement de fonds de pension et ne paraît pas recevable dans la filière industrielle. Le Gouvernement a pris d’autres engagements, avec d’autres groupes, et étudie la manière dont ce projet, que nous n’entendons pas abandonner, pourrait être repris.

S’agissant de la stabilité fiscale, j’ai répondu qu’elle était assurée jusqu’en 2017.

En ce qui concerne le stockage, je reviens de Mayotte où une expérience mondiale est conduite en vue de résoudre le problème du stockage de l’énergie intermittente. Pour la mener à son terme, il manque toutefois le décret consécutif à l’amendement de Marc Goua visant à rendre les opérateurs gestionnaires de réseau éligibles au financement par la CSPE. Ce type d’action pourrait donner de très beaux résultats dans tous les outre-mer, du moins dans le domaine de l’énergie solaire photovoltaïque.

J’ai personnellement pris part aux ateliers organisés dans le cadre de la conférence sur la transition énergétique ainsi qu’aux débats régionaux, conclus en mon ministère, avec Philippe Martin et en association avec les élus de Corse. Le projet de loi en préparation, qui sera discuté à la fin du second semestre 2014, tiendra compte des propositions formulées, non dans un seul article, mais dans un volet entier consacré à l’outre-mer. Celui-ci fera également l’objet d’un volet – qui pourra prendre la forme d’un chapitre – de la loi agricole ; je suis un peu surpris d’entendre parler d’un seul article. Il est vrai que toutes les dispositions n’y figureront pas, celles relatives aux retraites étant renvoyées à la loi portée par Marisol Touraine. Mais toutes les idées qui ont été proposées et étudiées se retrouveront soit dans la loi agricole, soit dans la loi sur les retraites.

Monsieur Marie-Jeanne, la garde des sceaux a annoncé la création d’un groupe de travail sur les problématiques carcérales outre-mer auquel participent onze parlementaires ultramarins et dans lequel les services de mon ministère sont très impliqués. Les moyens de la justice seront accrus afin de rénover des établissements pénitentiaires. En Nouvelle-Calédonie, la rénovation a déjà commencé au Camp-Est ; en ce qui concerne l’antenne de Koné, une mission de préfiguration doit partir le 6 décembre. J’en ai discuté sur place avec les autorités. Il est également prévu de construire à Koné un centre de courtes peines. À Mayotte, la maison d’arrêt de Majicavo, en reconstruction, doit être livrée fin 2015. En Polynésie française, un nouvel établissement doit être construit fin 2016. En Martinique, l’extension de 160 places du centre de détention est prévue pour fin 2014 et la construction du centre de semi-liberté pour 2015.

Je partage votre constat s’agissant de l’insalubrité et de l’offre de soins aux détenus. Attendons les conclusions de la Cour des comptes, qui prépare un rapport sur le sujet. Quant à l’accès au droit, dont votre rapport ne parle pas mais que vous évoquiez l’année dernière, j’ai accordé à l’Observatoire international des prisons une subvention pour lui permettre de diffuser largement dans les prisons ultramarines son Guide du prisonnier, riche en conseils pratiques très utiles.

En ce qui concerne les mesures alternatives à l’incarcération, nous développons aussi outre-mer le placement sous surveillance électronique. En 2013, 9,6 % des condamnés, soit 545 détenus, ont bénéficié d’un régime de semi-liberté en milieu ouvert. La Guadeloupe ne dispose d’aucun quartier pour les mineurs, ce qui pose un véritable problème. Une proposition a été formulée, que le Gouvernement examine, en vue de créer un centre éducatif fermé et de transformer le CEF de Port-Louis en quartier pour mineurs, ce qui nécessite quelques moyens supplémentaires.

Afin de remédier au peu d’intimité dont souffrent les détenus lorsqu’ils rencontrent leur famille, les établissements en construction – en Polynésie comme dans l’établissement de Majicavo, à Mayotte – seront dotés d’unités de vie familiale et/ou de parloirs pour les familles, selon tous les plans qui ont été présentés jusqu’ici. Par ailleurs, dans le cadre du triennal 2014-2016, des crédits seront prévus pour les établissements suivants : Baie-Mahault, Le Port, Rémire-Montjoly, Nouméa, Ducos, Faa’a et Saint-Denis.

Monsieur Dosière, les crédits augmentent en effet de 2 % pour la Nouvelle-Calédonie. Nous avons étudié vos rapports de près et nous en tenons compte.

Vous estimez qu’en Polynésie les comptes ne seraient pas sincères…

M. René Dosière, rapporteur pour avis. C’est la chambre territoriale des comptes qui le dit depuis 2006, monsieur le ministre !

M. Victorin Lurel, ministre des Outre-mer. Nous y sommes très attentifs. Vous proposez une certification des comptes par un organisme extérieur, de préférence parisien. Permettez-moi de prendre le temps de la réflexion avant de vous répondre. Car, au-delà du problème de la sincérité des comptes, le Gouvernement ne veut pas donner l’impression de remettre en cause le principe de libre administration des collectivités territoriales ni l’autonomie du pays. Nous restons prudents, même si nous sommes vigilants s’agissant des comptes – cela relève d’ailleurs de l’exigence que l’État a imposée aux autorités du pays dans le cadre du plan de redressement, en contrepartie de l’avance de trésorerie de 41,9 millions d’euros, remboursable sur deux ans, décidée par le Premier ministre et dont je confirme devant vous l’octroi à la Polynésie française. Quant au comité de pilotage chargé de vérifier l’exécution du plan de redressement, c’est une bonne idée, mais nous ne devons pas donner l’impression, là non plus, de vouloir reprendre d’une main ce que nous avons donné – ou que l’on nous a arraché – de l’autre main. Il n’est pas question de porter atteinte aux libertés territoriales.

S’agissant enfin de Saint-Pierre-et-Miquelon, le Président de la République s’est personnellement engagé à faire de la lettre un dossier et à étudier le moyen de traiter le problème lors de son prochain voyage au Canada.

Je reçois à l’instant un message de l’Élysée : on vient d’annoncer la libération des quatre otages détenus au Mali, dont le Martiniquais Thierry Dol. (Applaudissements.)

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Voilà une nouvelle qui ravit naturellement la commission élargie.

Nous allons maintenant entendre les orateurs des groupes, auxquels je demande de respecter scrupuleusement leur temps de parole.

M. Bernard Lesterlin. Le groupe SRC note avec satisfaction que la mission budgétaire « Outre-mer » est l’une des rares à connaître une augmentation en 2014, comme en 2013. Le budget de l’outre-mer représente un peu plus de 2 milliards d’euros, en hausse de 20 millions d’euros. Cet effort est d’autant plus significatif que cette année, pour la première fois, les dépenses de l’État sont en baisse.

Rappelons qu’en dehors des deux programmes qui structurent ce budget, nous avons voté en première lecture un article 13 qui réforme le régime de défiscalisation des investissements productifs et des logements sociaux outre-mer, comme annoncé lors du débat budgétaire de l’année dernière. Une large concertation entre le Gouvernement et les différents acteurs ultramarins a en effet débouché sur une réforme consensuelle de la dépense fiscale outre-mer. Les dispositifs existants sont conservés et encadrés pour plus d’efficience. En outre, deux dispositifs nouveaux sont créés à titre expérimental, dont l’objet principal est d’attribuer directement l’avantage fiscal à l’exploitant ou aux organismes de logements sociaux ultramarins en vue de limiter les frais d’intermédiation et de supprimer la part de la dépense fiscale qui ne bénéficie qu’aux contribuables apporteurs de capitaux.

Nous avons entendu M. le rapporteur spécial, mais nous n’en approuvons pas moins l’article 70 de la seconde partie du PLF, qui recentre sur les bas salaires l’exonération de cotisations employeur outre-mer afin de la rendre plus efficiente. Cette réforme réserve le dispositif aux rémunérations inférieures à 1,4 Smic, ce qui concerne deux tiers des salariés outre-mer. Ses effets, couplés à ceux de l’entrée en vigueur du CICE, contribueront à réduire significativement les charges pour près de 90 % des salariés et 93 % des entreprises.

Les deux programmes « Emploi outre-mer » et « Conditions de vie outre-mer » connaissent une augmentation substantielle dans un contexte de restriction budgétaire. Nous nous félicitons de ce signal fort adressé aux outre-mer. Le programme 138 a pour objectifs l’amélioration de la compétitivité, du fonctionnement des marchés locaux, auquel nous avons travaillé en début de législature, de l’insertion des économies dans leur environnement régional, de l’insertion professionnelle, notamment celle des jeunes, et des équipements structurels par la relance de l’investissement public. Les objectifs du programme 123 sont l’amélioration des conditions de logement par le développement du logement social neuf et la lutte contre l’habitat insalubre – à propos de laquelle nous saluons la contribution de notre collègue Letchimy –, la continuité territoriale au nom de la justice sociale et l’accompagnement des collectivités territoriales dans l’aménagement et le développement de leurs territoires.

Trois priorités se dégagent de ce budget. La première est le logement, dont relèvent les dispositifs de défiscalisation que j’ai rappelés et, surtout, une ligne budgétaire unique qui augmente très sensiblement, de 8 % cette année et de 15 % depuis 2012. S’y ajoutent le maintien des dispositifs d’incitation fiscale à l’investissement dans le secteur du logement locatif social et un dispositif optionnel de crédit d’impôt instauré à titre expérimental. La deuxième priorité est l’investissement public ; à cet égard, nous notons avec satisfaction le maintien d’une enveloppe de 50 millions d’euros, mais je m’interroge, monsieur le ministre, sur l’engagement présidentiel de 500 millions. La troisième priorité est le service militaire adapté – SMA –, dont les crédits augmentent de 8 %.

Voilà qui justifie pleinement que le groupe SRC vote ce budget.

M. Daniel Gibbes. Comme tous les parlementaires présents, sans doute, les membres du groupe UMP accueillent avec un certain soulagement le budget de l’outre-mer pour 2014. En légère augmentation, il montre en effet que le Gouvernement a conscience des urgences auxquels sont confrontés nos douze territoires ultramarins. Les outre-mer ont d’ailleurs été au cœur de la vie parlementaire cette année : je songe, monsieur le ministre, à votre projet de loi contre la vie chère, ainsi qu’à la proposition de loi de Mme Vainqueur visant à garantir la qualité de l’offre alimentaire en outre-mer. Cette prise de conscience a été en grande partie amorcée sous la précédente majorité.

Si le budget passe la barre symbolique des 2 milliards d’euros pour les deux programmes de la mission, ce n’est pas pour autant un budget de combat, monsieur le ministre. Comment le Gouvernement aurait-il pu se passer de maintenir un niveau déjà très insuffisant pour nos territoires, presque tous enlisés dans une situation économique, sociale, écologique, démographique et sécuritaire dramatique ? Il s’agit bien plutôt d’un budget de continuité, sa légère augmentation n’ayant pas fourni l’occasion de réviser certaines priorités.

Pour m’en tenir à quelques remarques seulement : dans le programme 138, oui au SMA – vous savez, monsieur le ministre, combien la question est sensible et le projet attendu sur le territoire de la collectivité de Saint-Martin. Mais l’encadrement militaire, si efficace soit-il, de quelques poignées de jeunes est-il la principale solution au problème de la formation professionnelle de la jeunesse ultramarine ? Si l’on peut se réjouir que l’action n° 01, « Soutien aux entreprises », représente près de 83 % des crédits du programme – en légère baisse –, l’on regrette que l’aide au fret et l’aide à la rénovation hôtelière conservent la même enveloppe que l’année dernière. De 17 millions d’euros en 2012, l’aide au fret passe à 6 millions cette année : la réduire ainsi à peau de chagrin, n’est-ce pas contraire à l’objectif d’intégration des collectivités d’outre-mer dans leur environnement économique régional, pourtant essentiel à leur développement ?

Quant au programme 123, l’économie ultramarine étant très dépendante du tourisme, secteur crucial, l’on ne peut que saluer l’idée d’un plan de relance ambitieux à visée internationale, destiné à promouvoir nos tourismes ultramarins. Mais il n’est doté que de 800 000 euros dans l’action n° 02, « Aménagement du territoire », soit la moitié du budget annuel d’un petit office de tourisme ! S’agit-il de posture ou d’imposture ?

Les crédits du logement, qui relèvent de l’action n° 01 du même programme, sont révisés à la hausse, ce qui est très satisfaisant, car la tâche à accomplir dans ce domaine est immense. Je déplore en revanche que les dotations destinées à la résorption de l’habitat insalubre – qui concerne des milliers de logements outre-mer et maintient des dizaines de milliers de familles dans une précarité qui les met en grand péril – stagnent à un niveau qui ne représente qu’une infirme partie de cette action. Monsieur le ministre, quelles sont vos prévisions quant à la RHI pour les années à venir ?

L’action n° 07, « Insertion économique et coopération régionale », reste dotée comme en 2013 de 0,3 % des crédits du programme. Destinée à inciter les collectivités à sortir de leur isolement et à développer les échanges avec leurs voisins, elle équivaut pourtant à l’un des grands défis que les territoires ultramarins doivent relever pour mettre fin à leur situation de dépendance budgétaire. Ce n’est pas un chemin parmi d’autres, mais l’autoroute à emprunter pour sortir de la crise ; l’État serait un bien piètre conducteur s’il restait bloqué au stop ! Notre rapporteur spécial Patrick Ollier a ainsi rappelé combien il est essentiel de permettre aux collectivités ultramarines « de sortir d’une économie trop largement tournée vers l’Europe et […] de profiter [enfin] pleinement du dynamisme de leur zone, où se situent nombre de pays émergents », et a regretté lui aussi la faible dotation de l’action.

Mme Annick Girardin. Le Président de la République a souhaité conserver la défiscalisation outre-mer tout en introduisant un système de crédit d’impôt complémentaire. Le chef de l’État et le chef du Gouvernement ont ainsi montré leur ferme volonté de soutenir les Français des outre-mer, volonté que le groupe RRDP salue. Toutefois, le dispositif proposé peut être amélioré ; tel est le sens des amendements que j’ai défendus lors de nos travaux en séance sur la première partie du PLF, au côté du président Jean-Claude Fruteau et du rapporteur spécial, Patrick Ollier.

Ces travaux ont permis de progresser sur certains points ; sur d’autres, encore en suspens, nous devrons fournir des explications supplémentaires. L’articulation des nouveaux dispositifs, dont le crédit d’impôt, avec le statut spécifique des collectivités d’outre-mer, dotées d’une compétence fiscale propre, devrait ainsi être précisée publiquement, monsieur le ministre, afin de ne laisser subsister aucune marge d’interprétation.

Quant à la mission « Outre-mer » proprement dite, la légère hausse de son budget, qui honore le Gouvernement et votre ministère, était indispensable étant donné la situation économique des territoires ultramarins. Elle ne doit pas nous faire oublier que les outre-mer prennent la part qui leur revient à l’effort national, et notamment des efforts accomplis dans toutes les missions budgétaires et les budgets ministériels. Enfin, le budget ultramarin, certes important, fait partie d’un tout : une vision plus large s’impose pour saisir les enjeux de dynamique économique et sociale des outre-mer.

S’agissant de Saint-Pierre-et-Miquelon, nous attendons des réponses précises à propos des principaux problèmes sociaux : les ordonnances d’extension des aides au logement et de réforme du système de revalorisation des pensions de la caisse locale en fonction de l’inflation locale, ainsi que l’arrêté de revalorisation spécifique, rétroactive au 1er janvier 2013, que vous aviez promise au plus tard pour le 1er avril 2013 lors de votre venue dans l’archipel au cœur de l’hiver. Monsieur le ministre, l’hiver est passé, l’hiver suivant approche, et les pensions n’ont toujours pas bénéficié de la moindre revalorisation spécifique. Comme mes concitoyens, je me demande pourquoi la parole de l’État n’a pas été tenue, ou plutôt – puisque je sais pourquoi –, comment nous pouvons, vous et moi, accepter qu’elle ne l’ait pas été.

En ce qui concerne la mission d’inventaire de nos ressources maritimes, préalable indispensable à la diversification des filières maritimes à Saint-Pierre-et-Miquelon, nous souhaitons qu’une table ronde réunissant les ministères concernés, le SHOM et l’IFREMER soit organisée à Paris avant la mi-décembre, afin de concrétiser l’excellente analyse des besoins effectuée par les services de l’État de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Qu’en est-il du soutien aux dernières entreprises de pêche et de traitement du poisson que sont la SNPM et Propêche ? Saint-Pierre-et-Miquelon ne doit pas renoncer à ce secteur d’activité malgré les difficultés rencontrées ces dernières années. Je m’interroge également sur la décision de l’ODEADOM de ne pas reconduire à partir de 2014 son soutien à la société EDC, qui conduit pourtant un projet pilote en matière d’aquaculture. « Compte tenu des fortes contraintes budgétaires pesant sur les crédits d’intervention, et des besoins exprimés par d’autres filières et d’autres territoires » – difficilement audibles à mon sens –, l’ODEADOM devrait, semble-t-il, se désengager de ce projet de production aquacole de coquilles Saint-Jacques, unique en France, qui devait pourtant faire partie d’un programme sectoriel initialement conçu pour se poursuivre jusqu’en 2017 et soutenu par le conseil territorial. Il serait aberrant de ruiner les efforts de tous au terme d’un processus entamé il y a plus de quinze ans. Je vous demande avec insistance, monsieur le ministre, d’intervenir auprès de l’ODEADOM pour que celui-ci fasse de nouveau de ce projet l’une de ses priorités.

Par ailleurs, j’ai appelé Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur, à la plus grande vigilance à propos des négociations en cours sur l’accord de partenariat transatlantique entre l’Europe et les États-Unis, afin d’éviter que ne se reproduisent les dysfonctionnements constatés lors des discussions initiales de l’accord commercial entre l’Union européenne et le Canada, qui avaient complètement négligé l’existence de Saint-Pierre-et-Miquelon. Car l’avenir de chaque outre-mer dépend de l’intégration de nos territoires dans leur contexte économique régional. Saint-Pierre-et-Miquelon n’est pas seul concerné : Saint-Martin, Saint-Barthélemy, la Polynésie, d’autres encore travaillent avec l’Europe. Les Pays et territoires d’outre-mer ne doivent pas être les oubliés du développement économique, sans quoi l’intégration régionale restera lettre morte.

Des rencontres sont en cours entre l’État et le conseil territorial afin de sélectionner les projets qui seront retenus dans le cadre du futur contrat de développement, outil indispensable au développement des outre-mer, notamment de l’archipel. Il nous faudra veiller à l’effort financier de l’État et à ce que les mairies, la chambre d’agriculture, de commerce, d’industrie, de métiers et de l’artisanat et les acteurs privés soient associés aux discussions, contrairement à ce qui s’est passé lors de la préparation des précédents contrats.

S’agissant enfin du dossier du plateau continental, nous nous réjouissons de la position du Président de la République. Les parlementaires de Saint-Pierre-et-Miquelon et, plus largement, les membres du groupe d’études sur les îles d’Amérique du Nord devront impérativement être associés à chaque étape du processus.

Mme Sonia Lagarde. Je suis d’accord avec Mme Girardin : les parlementaires devraient être plus nombreux à se rendre outre-mer pour juger sur place de la situation de nos territoires.

Cette année encore, les crédits de la mission « Outre-mer » progressent. Avec mes collègues polynésiens, je tiens à saluer cette hausse d’un peu plus de 2 milliards d’euros, qui témoigne d’un engagement de l’État au côté des élus ultramarins, quand tant d’autres budgets connaissent une régression. Cette politique est essentielle pour des territoires qui, rappelons-le, constituent avant tout une richesse pour la France.

Certaines dépenses liées à des politiques centrales pour le développement de nos départements et collectivités doivent être particulièrement préservées. C’est tout d’abord le cas s’agissant du logement. En outre-mer, où les besoins en logements sociaux sont considérables, il y a véritablement urgence à soutenir une politique ambitieuse en faveur de l’augmentation de l’offre de logement. La hausse pour 2014 de la ligne budgétaire unique, le maintien des dispositifs d’incitation fiscale à l’investissement dans le secteur du logement locatif social devraient permettre à l’État de poursuivre ses actions en faveur du logement social neuf et de la résorption de l’habitat insalubre. Je regrette cependant la politique suivie en Nouvelle-Calédonie, en particulier dans la Province Sud. Le choix, aberrant, de légaliser les squats – autrement dit les logements insalubres – prévaut toujours sur celui de construire de logements neufs, alors que, par définition, cela ne permet pas de répondre à une demande en augmentation constante.

L’autre grande priorité de la mission est bien évidemment l’emploi. Dans ce domaine, d’importants écarts subsistent entre l’Hexagone et l’outre-mer, qui connaît un taux de chômage global de 25,4 % – et bien plus encore chez les jeunes. En Polynésie, notamment, la situation sociale est préoccupante : près d’un quart de sa population vit au-dessous du seuil de pauvreté, et le taux de chômage y dépasse les 20 %.

À cet égard, on peut regretter la baisse significative des crédits affectés au programme « Emploi outre-mer ». Selon vous, cette réduction de 82 millions d’euros se justifie par le recentrage sur les bas salaires des exonérations de cotisations patronales dans les départements d’outre-mer et par la création du crédit d’impôts compétitivité emploi qui est supposé en compenser les effets. Mais on peut observer qu’en métropole, le niveau des exonérations est maintenu à l’identique.

À cette réduction des crédits vient en outre s’ajouter l’extinction au 31 décembre 2013 du dispositif ouvrant la possibilité du versement d’un bonus exceptionnel aux salariés d’une entreprise implantée dans une région ou un département d’outre-mer.

En matière d’emploi, s’il est des dispositifs que nous devons absolument préserver, voire renforcer, ce sont ceux destinés à la jeunesse. Il en est ainsi du service militaire adapté, qui joue un rôle clé pour l’insertion dans la vie active des jeunes adultes ultramarins en situation d’échec. Un objectif de 6 000 stagiaires en 2016 a été fixé dans le cadre du programme « SMA 6 000 » : nous ne pouvons que nous en féliciter.

Mais je pense également aux « chantiers de développement local », dispositif de soutien applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie et à Wallis-et-Futuna, ainsi qu’aux « jeunes stagiaires du développement », programme spécifique destiné à favoriser l’insertion des jeunes en difficulté. Il convient d’encourager ces éléments de la lutte contre le chômage des jeunes.

Même si, avec mes collègues polynésiens, nous saluons la hausse des crédits de la mission, je voudrais attirer votre attention sur le budget consacré plus précisément à la Polynésie française. La dotation globale d’autonomie – DGA –, la principale ligne budgétaire dont le versement est une certitude et dont le territoire maîtrise complètement l’utilisation, diminue de 3 millions d’euros, et cette baisse sensible pourrait se poursuivre en 2015.

Par ailleurs, en ce qui concerne le contrat de projet 2008-2013 entre l’État et la collectivité, l’augmentation de l’enveloppe en 2014 ne correspond en réalité qu’aux crédits non consommés les années précédentes. Les autorisations d’engagement – 28,3 millions d’euros en 2014 – sont insuffisantes pour permettre l’engagement des projets programmés dont les dossiers de financement sont finalisés.

Enfin, le rôle important que joue le SMA dans nos territoires en termes de réinsertion d’une partie de notre jeunesse ne doit pas occulter la montée de la délinquance et de la violence à laquelle les ultramarins doivent faire face. L’État doit nous accompagner, en particulier en Nouvelle-Calédonie. Il est ainsi urgent de prendre l’ordonnance destinée à ouvrir aux policiers municipaux le droit de verbaliser l’ivresse publique.

La mission chargée d’examiner la faisabilité d’un nouveau centre pénitentiaire dans le Nord doit venir en Nouvelle-Calédonie le 6 décembre. On ne peut que souhaiter qu’elle validera le projet, afin que les crédits puissent être débloqués en temps et en heure.

M. Victorin Lurel, ministre des Outre-mer. Merci, monsieur Lesterlin, pour vos propos ainsi que pour votre vote.

Je confirme les priorités faisant l’objet de crédits en hausse : le logement, l’investissement public et la jeunesse – en particulier le service militaire adapté.

En ce qui concerne le fonds exceptionnel d’investissement, nous n’avons pas oublié l’engagement de le doter de 500 millions d’euros sur l’ensemble de la mandature. L’effort effectué depuis quelques années – 50 millions par an – devra donc être amplifié.

Merci aussi, monsieur Gibbes, d’avoir souligné que nous avions franchi une barre symbolique avec ce budget – que je persiste à qualifier de budget de combat. Alors que nous traversons une crise économique et des difficultés financières considérables, non seulement les crédits alloués à mon ministère augmentent, mais la totalité des crédits des autres missions dont bénéficie l’outre-mer – c’est-à-dire ceux de la politique transversale – sont préservés. De même, nous maintenons environ 4 milliards d’euros de dépense fiscale pour les outre-mer qui, au total, reçoivent plus de 18 milliards d’euros. Ce n’est pas rien ! Une telle politique relevait de la gageure.

En ce qui concerne le service militaire adapté, nous faisons tout pour que les infrastructures nécessaires soient disponibles en 2016. Il est vrai qu’au moment de la réforme de la carte militaire, le gouvernement Fillon avait pris l’engagement de réaliser à Saint-Martin un groupement SMA de 70 places. Faut-il continuer à privilégier cette solution ou réserver, en Guadeloupe, un contingent pour les jeunes Saint-Martinois désireux de suivre la formation ? J’avoue que la question n’est pas tranchée.

C’est parce que le dispositif initial était trop lourdement bureaucratique que nous n’avons pas engagé les 17 millions d’euros prévus pour l’aide au fret. Ce serait déjà une bonne chose que les 6 millions que nous proposons aujourd’hui soient consommés, d’autant qu’ils représentent un complément par rapport à l’argent apporté par l’Europe, dans le cadre du FEDER-RUP, pour compenser les handicaps et surcoûts dont souffrent les régions ultrapériphériques.

De même, l’expérience en termes de consommation montre que les crédits prévus pour la rénovation hôtelière seront d’un montant suffisant.

S’agissant du tourisme, c’est le groupement d’intérêt économique Atout France qui sera chargé de réaliser le plan de relance du tourisme en faveur de l’outre-mer, doté de 800 000 euros. Là encore, cette action viendra en complément de celle de l’Europe. En tant qu’ancien président de conseil régional, je mesure la difficulté d’élaborer une bonne campagne de promotion destinée à encourager la fréquentation touristique. J’espère donc que la collaboration avec Atout France se poursuivra.

Vous dites que les crédits consacrés à la résorption de l’habitat insalubre sont en baisse, mais ils sont maintenus. En outre, quelque 30 millions d’euros sont prévus pour l’amélioration de l’habitat privé. Pour autant, je suis conscient que les besoins restent énormes et qu’une programmation est nécessaire. Je rappelle l’annonce que j’ai faite devant le congrès de l’Union sociale pour l’habitat : il y aura une programmation territorialisée en matière de logement, et de logement social en particulier. Il faut construire 100 000 logements en dix ans à partir de 2015 ; en plus de l’objectif de 8 000 logements par an – 7 980 logements en 2014 –, il faut donc trouver comment financer dans la LBU la construction de 2000 logements par an entre 2015 et 2024.

J’en viens au programme 123. Grâce au travail du Gouvernement, la coopération régionale est dotée par l’Europe d’énormes crédits. L’aide au fret ne concernant que le transport entre l’Europe et les outre-mer, il reste à relever le challenge de l’insertion et de la coopération régionales. Nous avons pu obtenir la suppression de la limite de 150 kilomètres appliquée à la politique de grand voisinage, et nous allons réaliser la soudure avec les crédits européens.

Madame Girardin, je n’ai pas oublié l’annonce que j’ai faite à Saint-Pierre-et-Miquelon concernant la revalorisation des retraites. Il est vrai que je n’ai pas obtenu la mise en œuvre de cette mesure, mais je n’ai pas renoncé à relayer votre préoccupation. Le Premier ministre m’a toutefois demandé d’attendre l’examen de la réforme nationale des retraites pour obtenir une nouvelle habilitation à légiférer par ordonnance.

En ce qui concerne les aides au logement, j’ai été déçu par la nouvelle jurisprudence du Conseil d’État, qui nous a empêchés de mener nos projets à bien. Cette question est désormais de la compétence du conseil territorial.

L’ordonnance sur le FNAS – Fonds national d’action sociale – est en cours de signature. Chaque année, c’est ainsi un million d’euros qui bénéficieront aux familles via l’action sociale : il me semble que c’est un bon résultat.

Au sujet de l’extension du plateau continental, le processus est également en cours. Vous connaissez les réticences du ministère des affaires étrangères, qui craint que la France ne soit déboutée devant la Commission des limites du plateau continental de l’ONU si ses demandes sont jugées excessives. Notre pays défendra cependant sa souveraineté dans la zone tout en veillant à ne pas tendre encore plus ses rapports avec le Canada.

J’ai appris comme vous la décision de l’ODEADOM de cesser son soutien à EDC. Cela étant, même si on doit s’attendre à une tension sur les crédits, rien n’est encore décidé pour 2014.

S’agissant du nouveau contrat de développement, je suis d’accord avec vous : il est nécessaire d’associer tous les acteurs aux discussions, et en particulier les parlementaires.

Madame Lagarde, je vous laisse la responsabilité des propos que vous avez tenus sur la politique du logement dans la Province Sud.

Sur le SMA, on tiendra, de même que sur la mission du 6 décembre.

En ce qui concerne la Polynésie française, l’avance sera effectuée, je l’ai confirmé. La mission de l’inspection générale des affaires sociales chargée d’apporter son expertise sur le fonctionnement du régime de solidarité devrait partir très bientôt. Et si la DGA est réduite de 3 millions, c’est simplement parce qu’elle est indexée sur la dotation globale de fonctionnement. Les collectivités de métropole font le même effort.

Cela étant, nous accueillerons avec bienveillance les dossiers de financement déposés dans le cadre du FEI. Nous avons en effet conscience de l’ampleur du redressement à opérer et de la nécessité de soutenir l’investissement afin de relancer l’activité en Polynésie.

Mme Gabrielle Louis-Carabin. Une fois de plus, monsieur le ministre, votre budget vous vaut de recevoir de nombreuses félicitations.

Pourriez-vous nous préciser le montant global de l’effort de solidarité consenti au profit de l’outre-mer, toutes missions budgétaires confondues ?

Les 90 millions d’euros d’économies dégagées par le recentrage des exonérations patronales sur les bas salaires dans les départements d’outre-mer seront-elles réinjectées dans l’économie ultramarine ?

Quelle est la répartition géographique des crédits de la ligne budgétaire unique ?

Enfin, outre le service militaire adapté, quelles sont les mesures prévues en matière d’éducation, de formation et de qualification pour favoriser l’emploi des jeunes en outre-mer ? Qu’en est-il de l’utilisation du Fonds d’expérimentation pour la jeunesse ?

M. Didier Quentin. À partir du 1er janvier 2014, Mayotte aura accès aux fonds structurels européens, puisqu’elle obtiendra, à l’instar de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Réunion, le statut de région ultrapériphérique. Les élus mahorais se verront ainsi allouer une enveloppe de 224 millions d’euros qu’ils souhaitent consacrer pour l’essentiel à l’assainissement et à l’accès à l’eau potable, afin de satisfaire les 21 % de la population qui en sont privés.

D’autres projets sont prévus, comme l’installation d’un hôpital en Petite-Terre, ou encore l’allongement de la piste de l’aéroport de Pamandzi. Mais bien peu en matière d’emploi et de formation, alors que 2 000 jeunes Mahorais arrivent chaque année sur le marché de l’emploi. Pouvez-vous nous indiquer comment l’État entend accompagner les élus et la population afin de réussir la transition de l’île et d’assurer son décollage économique ?

Restons dans l’Océan indien. Des négociations ont lieu depuis plus de vingt ans avec les autorités mauriciennes sur le sort de Tromelin, un îlot inhabité, ou du moins occupé très épisodiquement. La zone économique exclusive qui pourrait être placée sous cogestion franco-mauricienne représente 280 000 kilomètres carrés, soit presque l’équivalent en superficie de la ZEE métropolitaine. Par ailleurs, en raison des risques géopolitiques actuels, en particulier le long du Canal du Mozambique, le quart du trafic mondial de transport maritime croise désormais dans la ZEE de l’île Tromelin, contournant Madagascar par l’est. Enfin, l’île recèle d’innombrables richesses minérales et d’éventuels gisements de pétrole offshore, ainsi que 26 espèces de coraux et des eaux très poissonneuses. Pouvez-vous préciser la position qu’entend défendre le Gouvernement sur ce sujet majeur pour notre souveraineté en mer, et dont l’intérêt stratégique est indiscutable, tant d’un point de vue énergétique qu’en termes de biodiversité ?

M. Jean-Paul Tuaiva. Je remercie le Gouvernement pour l’avance de trésorerie consentie à la Polynésie. Je rassure M. Dosière : la moitié de ces crédits sera allouée aux communes, le reste servant à rembourser la dette contractée à l’égard des fournisseurs.

M. Dosière a eu raison de souligner que nous avions connu des budgets insincères depuis 2006. Mais un président indépendantiste, Oscar Temaru, était alors aux commandes en Polynésie, dont il a voulu paupériser l’économie en menant sa politique idéologique.

Je m’inquiète de l’amendement que notre collègue compte déposer afin de réduire d’un million d’euros les crédits pour la Polynésie. Je rappelle que depuis 2008, de nombreux coups de rabot ont été donnés aux partenariats financiers entre notre collectivité et l’État, qu’il s’agisse de la participation au régime de solidarité de la Polynésie française, des opérations de construction et de rénovation scolaires ou de la réforme de la dotation globale de développement économique. Pourquoi, monsieur le rapporteur pour avis, adopter cette attitude à l’égard de la Polynésie ?

Mme Huguette Bello. Ce débat intervient alors que se tient à la Réunion, en présence de François Chérèque, la journée de travail sur le plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale. Évidemment fortuite, cette coïncidence invite à mettre en parallèle deux réalités : celle que nous examinons aujourd’hui ici, celle que vivent les Réunionnais tous les jours là-bas.

Personne ne peut contester que le budget des outre-mer augmente une nouvelle fois – de plus de 20 millions d’euros –, que les outils d’incitation fiscale à l’investissement ont été réformés et préservés, que la LBU progresse, que le fonds exceptionnel d’investissement qui finance les équipements structurants a été reconduit, que la TVA n’augmentera pas dans les outre-mer… Nous n’ignorons rien, monsieur le ministre, de toute l’énergie que vous avez mobilisée pour parvenir à ces résultats.

Mais dans le même temps, personne non plus ne peut occulter la situation préoccupante de nos territoires. Plusieurs études viennent d’ailleurs la confirmer. L’une d’entre elles a qualifié la Réunion de « département hors normes » : 343 000 Réunionnais vivent sous le seuil de pauvreté, et 42 % de la population survit avec moins de 935 euros mensuels. Ces chiffres résument, à eux seuls, la dégradation de tous les indicateurs qui mesurent la précarité !

C’est en ayant constamment à l’esprit ces deux dimensions que je souhaite poser mes questions.

La première concerne le pouvoir d’achat. Le revenu supplémentaire temporaire d’activité avait été mis en place pour une période déterminée afin de faire face à la crise. Or le contexte économique ne s’est pas, loin s’en faut, amélioré depuis 2009. Et les bénéficiaires réagissent d’autant plus mal à sa suppression que le RSA-activité ne remplit pas ses objectifs : au niveau national, le taux de non-recours est de 68 %. Une réforme est d’ailleurs d’ores et déjà programmée. Quelles seront les propositions du ministère des outre-mer ?

S’agissant du logement social, nous notons avec satisfaction que la LBU est non seulement préservée mais augmentée de 18 millions. L’ampleur des besoins est connue, tout comme sont identifiés les facteurs qui bloquent les constructions. À cet égard, je souhaite revenir sur le seuil minimal obligatoire d’utilisation de la LBU adopté il y a quinze jours à l’article 13. Initialement prévu à 10 %, il a été ensuite réduit de moitié. Nous aimerions être éclairés sur les critères qui ont conduit à ce choix, car de leur côté, les opérateurs plaidaient pour un taux de 3 %. Des projections réalisées à partir des opérations réalisées durant ces dernières années montrent que la fixation du seuil à 5 % va entraîner une diminution importante de la production de logements.

Au passage, je remarque que le recours à la défiscalisation pour financer le logement social en outre-mer résulte d’une recommandation de l’Inspection générale des finances qui, en 2006, faisait « l’hypothèse d’une ressource budgétaire durablement contrainte » et jugeait que « la remise à flot de la LBU serait irréaliste ». La transformation du logement social en niche fiscale nous a donc été imposée au moment même où des programmes pour le logement social étaient adoptés au niveau national et assortis de moyens budgétaires importants. Nous avons dû nous adapter et, en liaison avec les opérateurs et au prix d’un gigantesque travail, nous en avons fait un outil efficient. C’est pourquoi nous déplorons infiniment le climat de suspicion qui apparaît dès lors qu’il est question de logement social en outre-mer, et qui nous conduit à nous justifier sans cesse.

J’en viens aux actions en faveur de la jeunesse. Les crédits affectés au service militaire adapté augmentent, il faut le souligner, de 8 %. Ceux de la continuité territoriale sont reconduits à l’identique.

Dans le même temps, l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité – LADOM – doit accompagner la montée en puissance du SMA en offrant aux stagiaires qui le souhaitent des stages qualifiants dans l’Hexagone. Faut-il en déduire une diminution des autres mesures de formation en mobilité ? La réussite de ce programme étant fortement liée aux tarifs aériens, qui dans nos régions sont prohibitifs, nous aimerions savoir si les conclusions du rapport de la Direction générale de l’aviation civile sont désormais disponibles.

Le chômage des jeunes a atteint un tel niveau qu’un changement d’échelle s’impose. Les fonds européens exceptionnels que l’Union européenne vient d’adopter pour lutter contre le chômage des jeunes peuvent y contribuer. Quelles initiatives votre ministère compte-t-il prendre en ce sens ?

Mme Hélène Vainqueur-Christophe. Je salue le travail constructif accompli par le Gouvernement, qui a permis de présenter un bon budget pour les outre-mer. Fidèle aux engagements pris par le Président de la République, ce résultat est d’autant plus satisfaisant que l’équation budgétaire n’était pas évidente à résoudre. Les crédits de la mission sont en augmentation pour la deuxième année consécutive, preuve que l’État est enfin de retour dans les outre-mer.

Je tiens à exprimer ma satisfaction de voir l’État investir intelligemment pour relancer la production et l’emploi, mais aussi à saluer la rationalisation des différents dispositifs de défiscalisation actée dans le projet de loi de finances, d’autant qu’elle est le fruit d’une méthode fondée sur le dialogue.

Le ministère des outre-mer est de plein exercice, mais certaines de ses actions relèvent de la politique transversale du Gouvernement. Grâce aux projets structurants qu’il s’est engagé à financer, l’État va redonner l’espoir à nos territoires ainsi qu’à nos collectivités locales, qui toutes ont d’ores et déjà fait preuve de leur engagement dans le cadre de la mutualisation.

Monsieur le ministre, vous avez déjà confirmé que les projets d’extension de la maison d’arrêt de Baie-Mahault et de reconstruction de celle de Basse-Terre pourraient être inclus dans le prochain triennal. Qu’en est-il de la reconstruction du centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre/Abymes ? Ce projet, capital pour la Guadeloupe en termes de création d’emplois et de restructuration de l’offre de soins, n’est à ce jour toujours pas budgétisé.

Par ailleurs, l’Agence de mobilité pour l’outre-mer de Guadeloupe fait face à une forte réduction d’effectifs alors qu’elle doit répondre à des demandes provenant de trois territoires différents, avec les collectivités de Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Je ne remets pas en cause le principe des réductions d’effectifs, mais il me semble que la situation archipélagique de la Guadeloupe peut justifier une exception. Des moyens humains particuliers seront-ils accordés à LADOM Guadeloupe ?

M. Jean-Claude Fruteau. Le budget de la mission « Outre-mer » est un des rares, cette année, à connaître une évolution positive. C’est le résultat d’un engagement du Président de la République, qui marque le retour de l’État dans les outre-mer après dix ans d’absence – pour ne pas dire de mépris.

Un budget est la traduction d’une volonté politique. Et en réponse, par exemple, à la situation des plus de 55 000 ménages de Françaises et de Français vivant dans un bidonville, la ligne budgétaire unique progresse de 8 % cette année, après avoir déjà augmenté de 6 % l’an passé. Il s’agit d’un effort considérable, qui en outre s’inscrit dans la durée.

Certains regrettent la baisse des exonérations de charges. Mais comme vous l’avez dit vous-même, monsieur le ministre, 26 à 30 % des économies réalisées pourraient faire l’objet de redéploiement dans le cadre d’un projet de loi à venir. D’ailleurs, si le Gouvernement avait suivi les avis exprimés dans différents rapports, cette réduction ne représenterait pas 90 millions d’euros, mais 250 millions !

En outre, aucun salarié dont la rémunération est inférieure à 1,6 SMIC dans les secteurs prioritaires et à 1,4 SMIC dans les autres secteurs ne sera concerné par cette mesure. De surcroît, pour plus de 90 % des salariés, le coût du travail sera inchangé, voire en baisse, grâce notamment au CICE, dont nous bénéficions sans participer à son financement.

Je salue le travail effectué en étroite concertation avec la représentation nationale sur le dossier de la défiscalisation, qui préserve un outil dynamique essentiel pour l’investissement dans nos territoires. En un mot – puisque je n’ai pas droit à beaucoup d’autres –, les outre-mer sont bel et bien redevenus une priorité pour le Gouvernement, n’en déplaise à certains, y compris dans nos rangs, qui hurlent avec les loups et pratiquent la surenchère politique.

En ces temps de contrainte financière, le budget de l’outre-mer est volontariste. Il cible ses moyens vers ce qui est indispensable : le logement, l’emploi, les investissements d’avenir. C’est donc avec conviction que je voterai en sa faveur.

M. Jonas Tahuaitu. Au nom des élus de la majorité soutenant le Gouvernement de la Polynésie française, dirigé par M. Gaston Flosse, et des députés issus de ce territoire, je voudrais vous remercier, monsieur le ministre, pour le budget que vous présentez pour la Polynésie. Je remercie également M. René Dosière pour la qualité de son analyse sur la situation politique, économique et financière de notre collectivité. Nous héritons d’une situation catastrophique, produit de la gestion des gouvernements en place depuis 2004 ; le président de la Polynésie a pris des mesures draconiennes pour redresser les finances du pays suivant les recommandations de Mme Anne Bolliet, membre de la mission d’assistance à la Polynésie française.

Je demande, comme M. Édouard Fritch, qu’une mission de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) se penche sur la gouvernance de notre système de santé et sur le fonctionnement de la solidarité.

Nous remercions le Gouvernement d’avoir accordé une avance remboursable de 42 millions d’euros à la Polynésie française.

M. Gabriel Serville. Dans un contexte de restriction budgétaire, l’augmentation sensible des crédits dévolus à l’outre-mer pour la deuxième année consécutive constitue un signal fort pour les populations de ces territoires qui font face à des situations sociales et économiques dégradées.

La Guyane compte plus de 20 000 logements construits sans titre, bien souvent insalubres ; leur nombre doit être pris en compte par rapport à l’insuffisance de la construction de logements. Je m’inquiète donc des dispositions concernant la LBU : les modalités de partage de cette ligne créent des difficultés en Guyane, car si la répartition présente l’avantage d’être égalitaire, elle s’avère inadaptée aux besoins spécifiques de certains territoires et perpétue donc une forme d’iniquité. La Guyane connaît en effet une croissance démographique annuelle de 3,8 % qui nécessite la construction de 3 000 nouveaux logements chaque année, alors que seuls 1 200 logements reçoivent une autorisation de construction. Ce PLF pour 2014 fixe le taux de LBU à 5 % pour chaque projet de logement social, ce qui limitera la production de nouveaux logements. Enfin, je m’inquiète de la baisse de 21 % des AE en matière d’aménagement du territoire. Monsieur le ministre, pourriez-vous m’assurer que le partage de la LBU sera bien différencié ?

M. Patrick Lebreton. Alors que l’État est engagé dans un processus de redressement décisif des finances publiques, il convient de souligner l’esprit de justice du Gouvernement à l’égard des outre-mer, les programmes les plus essentiels pour ces territoires étant préservés.

Un effort particulier est demandé aux entreprises qui bénéficiaient jusqu’à présent d’exonérations de cotisations sociales : il s’agit d’un choix courageux et responsable, car les aides publiques seront concentrées sur les salariés qui en ont le plus besoin. Il importe néanmoins d’entendre les inquiétudes de certains acteurs économiques sur le déploiement du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE), en accompagnant notamment les PME et les TPE.

Depuis 2002, l’ambition de la mobilité a été mise de côté, si bien que le fonctionnement de l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (LADOM) s’avérait menacé et que les politiques régionales manquaient de cohérence ; or cette question est essentielle pour le développement des territoires d’outre-mer. Comme les crédits de la continuité territoriale connaissent une stabilisation, pourriez-vous, monsieur le ministre, présenter les objectifs du nouveau contrat de performance entre l’État et LADOM pour les années 2013 à 2015 ? Quelle orientation entendez-vous donner à la mobilité des ultra-marins à moyen terme ?

M. Jean-Philippe Nilor. Ce budget présente une nouvelle augmentation, le système de défiscalisation semble avoir été sauvé – même de justesse – et les crédits de la LBU sont accrus : voilà qui ne fait naître aucune insatisfaction.

Le budget de cette mission ne représente qu’une faible partie des sommes allouées aux territoires d’outre-mer et nous regrettons l’absence d’un document transversal permettant d’évaluer le poids de l’État dans nos pays.

Afin d’économiser 90 millions d’euros, la mission a recentré le dispositif d’exonération des cotisations patronales sur les plus bas salaires. C’est une bonne mesure pour la compétitivité, mais qu’en est-il des emplois d’encadrement ? Nos jeunes, parfois surdiplômés, n’ont pas vocation à être rémunérés au SMIC toute leur vie professionnelle. Quelles dispositions entendez-vous prendre pour garantir le maintien d’emplois d’encadrement dans nos territoires ?

Il aurait fallu accroître les moyens d’intervention de LADOM, et l’augmentation de 8 % des crédits du service militaire adapté (SMA) ne compensera pas les effets négatifs de cette décision. Un conseiller de Pôle emploi en France métropolitaine gère 60 dossiers par an, alors que le même conseiller en Martinique traite 250 dossiers et qu’un agent de LADOM dans ce même territoire en suit 600, dont 400 concernent un départ en formation pour la mobilité. Subissant une baisse régulière de ses effectifs, LADOM a de plus en plus recours à des emplois précaires, mais un agent se trouvant dans une telle situation peut-il aider à insérer les personnes qu’il suit ? Monsieur le ministre, pourriez-vous nous garantir le maintien des conditions d’exercice des missions dévolues à LADOM ?

Mme Chantal Berthelot. Je salue vos efforts personnels, monsieur le ministre, pour obtenir l’augmentation des crédits dédiés à la mission « Outre-mer », ainsi que le vote de notre majorité sur le régime de défiscalisation qui conforte ce dispositif pour les investissements productifs et dans les logements sociaux.

Nous saluons l’augmentation de 8 % des crédits de la LBU, mais sera-ce suffisant pour répondre aux besoins de la Guyane, où 80 % de la population est éligible au logement social ? Comment comptez-vous accompagner les bailleurs sociaux guyanais pour atteindre l’objectif de 1 500 nouveaux logements en 2014 ?

La superficie de la Guyane s’élève à 84 000 km², soit un sixième du territoire national ; en outre, la démographie de ce territoire est très dynamique puisque la population croîtra de 200 000 habitants d’ici à 2030 pour atteindre 450 000 personnes, dont plus de la moitié dans l’ouest du territoire. Il s’agit d’une opportunité qui nécessite néanmoins la mise en œuvre par l’État d’une politique adaptée à ces caractéristiques. La Guyane souffre aujourd’hui de problèmes profonds en matière de justice, de santé, d’éducation, de sécurité, d’infrastructures et de transport ; ils ne feront que s’accentuer si l’on ne tient pas compte des spécificités géographiques et démographiques. Les ressources humaines et naturelles existent : imaginons ensemble un pacte pour la Guyane !

M. Bruno Nestor Azerot. Dans un contexte de forte contrainte budgétaire et de menace de récession économique, le budget de l’outre-mer semble privilégié, puisque la mission « Outre-mer » voit ses crédits croître de 1 % en 2014, la défiscalisation est sanctuarisée – mais uniquement jusqu’en 2017, ce qui supprime la lisibilité à long terme des investissements –, les crédits du SMA sont augmentés et la LBU connaît une hausse de 8 % après celle de 6 % en 2013.

Nous aurions dû davantage écouter les entreprises sur la réduction des exonérations de charges sociales. Pourquoi être passé en force, alors que ces exonérations contribuent fortement à la compétitivité ? Où réside la cohérence stratégique lorsque l’on diminue le dispositif d’État qui possède l’impact le plus positif ? Pourquoi avoir pénalisé les emplois d’encadrement intermédiaire – ceux dont la rémunération se situe entre deux et trois SMIC –, qui manquent déjà dans nos territoires alors qu’ils favorisent la compétitivité et l’innovation ? Ainsi, parmi les 4 350 emplois industriels situés en Martinique en 2012, 1 900 sont concernés par cette mesure, soit près de la moitié.

L’emploi des jeunes constitue une priorité du Gouvernement : pourquoi les crédits du programme pour l’emploi dans l’outre-mer diminuent-ils en Martinique ? Dans ce territoire, les crédits de la mission « Outre-mer » passent de 384 millions d’euros en 2013 à 372 millions en 2014 en AE et de 372 millions à 365 millions en CP. Enfin, tout le monde s’accorde à considérer comme essentielle et emblématique la mission « Sport, jeunesse et vie associative », mais ses CP s’écroulent de 2,2 millions d’euros en 2013 à 365 350 euros en 2014 : où se situe, là encore, la cohérence ?

M. Ibrahim Aboubacar. Monsieur le ministre, vous vous êtes rendu à Mayotte la semaine dernière, ce département paradoxal qui a d’immenses besoins, mais qui éprouve des difficultés à consommer les crédits qui lui sont alloués. Il est nécessaire de développer des outils d’anticipation, notamment dans le domaine foncier. Un décret de 2009 a étendu le déploiement opérationnel du fonds régional d’aménagement foncier et urbain (FRAFU) à Mayotte, mais il n’a jamais reçu d’application. Où en est-on de l’installation de l’établissement public foncier qui permettrait de mettre en œuvre les opérations financées par le FRAFU ? Comment seront appliquées les récentes dispositions relatives à la zone des 50 pas géométriques sur la titrisation, qui constitue une question essentielle pour notre territoire ?

Après la parution des décrets sur la rémunération dans la fonction publique, les syndicats manifestent aujourd’hui pour connaître les modalités transitoires de mise en œuvre des dispositifs concernant l’évolution de la fonction publique d’État à Mayotte.

Mme Françoise Descamps-Crosnier. Je voudrais saluer la hausse des crédits dévolus aux territoires d’outre-mer.

La France possède le territoire maritime le plus vaste au monde après celui des États-Unis, grâce à l’étendue de ses zones économiques exclusives (ZEE) ; ce sont les territoires d’outre-mer qui nous apportent en grande partie cet atout considérable. Le Gouvernement peut-il présenter sa vision du développement des territoires peu ou pas habités – Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) et île de Clipperton, notamment ?

Le PLF pour 2014 prévoit de doter le fonds exceptionnel d’investissement (FEI) de 50 millions d’euros afin de rattraper les retards dans les investissements structurants. Cette mesure s’avère particulièrement bienvenue en outre-mer où les contraintes géographiques et les singularités locales génèrent des besoins élevés d’investissement. L’Inspection générale de l’administration (IGA) a publié un rapport d’audit sur le FEI en septembre 2012 qui pointait les retards dans la réalisation des projets financés par cet outil budgétaire et qui s’interrogeait sur « le réalisme du montage initial des opérations, le rôle des services de l’État dans le conseil aux collectivités territoriales, l’appréciation portée par ces mêmes services lors de l’instruction sur le calendrier prévisionnel des projets et les capacités des maîtres d’ouvrage – notamment les communes – à suivre l’exécution de ces projets ». Quelle mesure le Gouvernement a-t-il mis en place depuis la remise de ce rapport pour remédier à ces lacunes ? Quels projets, monsieur le ministre, bénéficieront de l’appui de l’État dans le cadre du budget pour 2014 ?

Mme Ericka Bareigts. Je tiens à saluer votre efficacité, monsieur le ministre, car vous avez obtenu, dans un contexte budgétaire contraint, l’augmentation des crédits alloués aux territoires d’outre-mer. Il est vrai que ceux-ci souffrent de grandes difficultés, puisque le chômage y est trois fois supérieur à la moyenne nationale et que la transition démographique y reste inachevée.

L’économie de l’intelligence constitue une piste pour relever ces défis ; cela nécessite de développer des outils comme ceux de l’incubateur et de la technopole – celle de la Réunion créant du lien entre la recherche et les projets d’entreprise depuis dix ans. Beaucoup d’hommes et de femmes – souvent jeunes et hautement diplômés – placent leur confiance dans les secteurs d’avenir comme celui des énergies renouvelables. Ces secteurs – dits renforcés – devraient bénéficier d’une exonération de charges plus importante.

À l’issue d’une rencontre entre l’AFD et la future BPI régionale, il semble que notre tissu économique – essentiellement composé de TPE et de PME – ne saurait utiliser pleinement les fonds destinés au CICE pour les DOM.

J’ai donc déposé un amendement au PLF afin que le régime actuel des exonérations soit maintenu, mais uniquement pour les secteurs renforcés. Vos services, monsieur le ministre, ont évalué le coût de cette mesure à 7,5 millions d’euros pour cette année fiscale – à comparer aux 90 millions d’euros que doit rapporter le recentrage des exonérations de la loi pour le développement économique de l’outre-mer (LODEOM) en trois ans. J’aurais souhaité que nous puissions compenser ce manque de 7,5 millions d’euros, car nous disposons de jeunes créatifs et dynamiques qui ont besoin d’un dispositif particulier, contractualisé et évalué pour créer de nouvelles filières, et donc de nouveaux emplois dans nos territoires sinistrés ; c’est ainsi que nous consoliderons cette économie de l’intelligence que l’Union européenne et notre majorité appelons de nos vœux. Quelles sont les perspectives dans ce domaine, monsieur le ministre ?

M. Victorin Lurel, ministre des Outre-mer. Madame Louis-Carabin, l’effort budgétaire global de l’État en faveur des outre-mer s’élève très exactement à 18 185 900 000 euros, répartis en 14 204 900 000 euros de dépense budgétaires – dont la mission « Outre-mer », qui représente 2 060 400 000 euros – et 3 981 000 000 euros de dépenses fiscales.

Sur les 82 millions d’euros prélevés sur les plus hauts salaires, 25 millions seront déployés en faveur des entreprises selon des modalités définies avec vous, mesdames et messieurs les députés, et avec les acteurs économiques ; cela donnera lieu au dépôt d’un projet de loi réclamé par le Premier ministre et portant sur la compétitivité et l’emploi dans les territoires d’outre-mer.

La répartition territoriale de la LBU pour 2014 est la suivante : 58,8 millions d’euros en AE et 46 millions en CP en Guadeloupe ; 41 millions d’euros en AE et 37 millions en CP en Martinique ; 31,7 millions d’euros en AE et 32 millions en CP en Guyane ; 90,7 millions d’euros en AE et 87,6 millions en CP à la Réunion ; 18,9 millions d’euros en AE et 11,5 millions en CP à Mayotte ; et 685 000 euros en AE et 875 000 euros en CP à Saint-Pierre-et-Miquelon. Ces montants ne comprennent pas certains crédits octroyés en faveur de l’énergie ou de l’amélioration de l’habitat.

La politique de la jeunesse ne se réduit pas à l’action conduite en faveur du SMA. Le Premier ministre a annoncé d’autres mesures comme l’expérimentation conduite à la Réunion en matière de garantie pour les jeunes ou la priorité donnée aux outre-mer pour les contrats aidés, les emplois d’avenir et les contrats de génération. Des crédits sont inscrits pour l’outre-mer dans le fonds d’expérimentation pour la jeunesse et nous comptons sur un nouveau dispositif européen – l’initiative pour l’emploi des jeunes  – qui bénéficiera à tous les territoires d’outre-mer compte tenu de leur taux de chômage.

Monsieur Quentin, dans le cadre de son nouvel accès aux fonds structurels européens, Mayotte obtiendra une enveloppe de 224 millions d’euros ; il est vrai que nous espérions davantage et nous n’avons pas renoncé à obtenir un montant de 400 millions, car il existe une clause de revoyure – d’ici à 2016 – qui tient quelque peu compte de la consommation des crédits. L’État sera en charge de la gestion de ces fonds et un Secrétariat général aux affaires régionales (SGAR) a été créé à la préfecture de Mayotte pour organiser l’allocation de ces crédits.

La départementalisation et l’accès au statut de région ultrapériphérique permettront de financer le décollage économique de Mayotte. Des efforts ont été engagés pour le redressement de la situation financière du conseil général de Mayotte : ils doivent être poursuivis. Le décret portant indexation dans la fonction publique a été publié aujourd’hui, et la grève déclenchée à Mayotte au sujet de l’indemnité d’éloignement m’a contraint à réaffirmer un principe républicain, celui du consentement à l’impôt et de son acquittement. Dans tous les territoires d’outre-mer, les indemnités d’éloignement sont fiscalisées ; certaines personnes – qui ont souscrit un contrat et qui se sont rendues à Mayotte – peuvent espérer un gel des revenus de 2013 et ainsi ne pas payer d’impôt sur ces indemnités en 2014, mais cette faculté n’existera plus l’année suivante, conformément au souhait du Premier ministre.

L’accord de cogestion de la zone économique exclusive de Tromelin a été signé avec l’île Maurice par un gouvernement précédent dans les conditions que l’on sait. Cet accord innovant, outil inédit dans le droit international public, n’a pas encore été ratifié pour des raisons liées au calendrier parlementaire. Nous avons toutefois déjà pris des mesures visant à surveiller cette zone immense qui fait de la France la deuxième puissance maritime mondiale. Tant le Livre blanc que la loi de programmation militaire prévoient d’allouer des moyens au sud de l’Océan indien, dont nous n’ignorons pas l’importance stratégique, afin d’éviter toute rupture capacitaire. Au-delà de ce point, et de la richesse de leurs sous-sols, nous sommes aussi conscients de l’apport dont nous bénéficions grâce à ces territoires en termes de biodiversité, de culture et de population. Pour marquer notre souveraineté, je me suis déjà rendu à Tromelin et aux îles Glorieuses et, si j’en ai la possibilité, j’irai dans l’archipel des Kerguelen. En tout état de cause, en la matière, nous restons vigilants et nous défendrons les intérêts de la France.

Monsieur Tuaiva, le fonds intercommunal de péréquation (FIP) sera abondé et l’avance sera consacrée aux communes et au paiement des fournisseurs. Le Gouvernement s’exprimera en séance sur l’amendement de M. René Dosière qui vous inquiète. Depuis 2008, les crédits consacrés à la Polynésie ont été sérieusement entamés, mais notre Gouvernement a inversé le mouvement.

Madame Bello, les outre-mer ne seront pas oubliées dans le plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale auquel travaille M. François Chérèque – contrairement à ce qui s’était passé avec le RSA. Sur ce dernier sujet, en nous inspirant du rapport Sirugue remis en juillet dernier au Premier ministre, nous ferons tout pour que les outre-mer ne soient pas exclus du droit commun, et pour que le dispositif réformé s’applique à l’ensemble des travailleurs sans condition d’âge.

Vous l’évoquiez, dans le secteur du logement social, le plancher de LBU a été fixé à 5 % : cet arbitrage me semble bon. Les simulations évoquées par les organismes socioprofessionnels me paraissent peu sérieuses. L’investissement ne va pas chuter de moitié !

La réforme des exonérations des charges patronales de sécurité sociale n’est pas de nature à créer une trappe à bas salaires. L’État fait des efforts ; les entreprises peuvent en faire aussi. Toutes les études économétriques montrent qu’au niveau de salaire concerné, l’élasticité de l’embauche reste faible par rapport au coût du travail.

Nous attendons un deuxième rapport sur les tarifs aériens outre-mer portant spécifiquement sur la structuration des prix de vente avant de tirer des conclusions significatives.

Madame Vainqueur-Christophe, la revendication relative à la prison de Basse-Terre est très ancienne – il y a dix ans, M. Pierre Bédier, secrétaire d’État chargé des programmes immobiliers de la justice avait, sur place, proposé la rénovation du bâtiment datant de 1672. En 2000, le rapport de la commission d’enquête présidé par M. Pierre Mermaz évoquait, à juste titre, « la honte de la République ». Le projet de reconstruction doit avancer, mais nous devons rester réalistes, et financer en premier lieu ce qui est prêt à l’être – je rappelle que le précédent gouvernement n’avait pas donné suite à la proposition immobilière de la région Guadeloupe que je présidais.

Selon une lettre de M. Xavier Bertrand, l’État devait financer l’intégralité de la reconstruction du CHU dans la zone de Perrin aux Abymes. Cela n’a pas été confirmé à ce jour, mais nous aurons une réponse sur le sujet avant la fin de cette année. Je n’ignore pas que les élus de la Guadeloupe sont mobilisés et que le conseil général vient de voter une résolution sur le sujet.

Les crédits de l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (LADOM) augmentent : le budget de l’agence est porté de 65,8 millions à 67,4 millions d’euros. Un effort de productivité lui est toutefois demandé à hauteur de 400 000 euros, soit trois emplois équivalents temps plein – ses effectifs passent de cent trente-quatre à cent trente et un ETP. Trois personnes seront par ailleurs recrutées en Guadeloupe pour compenser les effectifs perdus, et répondre au caractère « archipellique » de ce territoire – en la matière, une convention est en passe d’être signée avec l’État concernant la gestion des crédits de la continuité territoriale au niveau « infra-archipellique ». Je note que le modèle Guyanais n’est pas reproductible – plusieurs communes guyanaises n’ont pas de route, en effet, et sont desservies uniquement par avion. Si nous ne pouvons pas, en conséquence, donner une suite positive à la demande formulée par la Nouvelle-Calédonie, nous continuons d’étudier le dispositif qui pourrait être mis en place en sa faveur.

Le travail de la Délégation aux outre-mer de l’Assemblée et de son président, M. Jean-Claude Fruteau a été particulièrement précieux. Je me réjouis de la « coproduction » législative qui a résulté de notre collaboration. Nous avons montré que même en matière de fiscalité, il était possible de pratiquer la concertation. Le reprofilage des seuils d’exonérations de charges était prévu. Je reconnais cependant volontiers une petite erreur de communication : les documents ont été trop rapidement envoyés en consultation dans les territoires.

Je remercie M. Jonas Tahuaitu pour ses propos.

Monsieur Dosière, même si nous reconnaissons que le pacte de croissance et le plan de redressement présentés par les autorités de la Polynésie française à l’État vont dans le bon sens, nous ne méconnaissons pas les difficultés – vous avez parlé de problèmes liés à la sincérité des comptes. Les engagements pris doivent être respectés. L’avance remboursable fera l’objet d’une convention. La question sera réglée rapidement dans un collectif budgétaire. Je confirme qu’une mission de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur le régime de solidarité de la Polynésie se rendra sur place après que 25 millions d’euros ont été supprimés par le gouvernement précédent.

Monsieur Serville, vous craignez une inéquité dans la répartition de la LBU liée au dynamisme démographique de la Guyane. Je comprends que la question se pose, et des ajustements peuvent être nécessaires. Le sujet est pourtant difficile. En tout cas, les données ont été établies territoire par territoire.

À mon arrivée, la dotation de LBU de la Guyane était de 16 millions d’euros en crédits de paiement. Je l’ai portée à 20 millions. De son côté, le préfet a redéployé près de 6 millions depuis d’autres lignes moins tendues. En 2012, la dotation est donc passée de 16 à 26 millions d’euros soit une augmentation de quasiment 60 %. Des tensions devaient se produire cette année en matière de logement. Pour y faire face, j’ai d’emblée décidé de porter la dotation de LBU pour la Guyane à 24 millions d’euros. Cela n’a pas suffi et de nouveaux abondements ont été demandés – dont 5,2 millions supplémentaires en septembre dernier. Au final, dans le PLF pour 2014, les dotations de LBU de la Guyane seront de 31,7 millions en autorisations de paiement et 32 millions en crédits de paiement – soit un doublement par rapport aux montants que j’ai trouvé lorsque j’ai pris mon poste.

Monsieur Patrick Lebreton, vous avez parlé « d’esprit de justice » ; je vous en sais gré. Le contrat de performance pour 2013-2015, signé le 15 avril 2013, fixe les principales orientations stratégiques de LADOM : améliorer l’inclusion dans l’emploi des jeunes ultramarins ; assurer aux jeunes ultramarins la possibilité de poursuivre une formation initiale si elle est impossible dans leur collectivité de résidence ; favoriser l’exercice de la continuité territoriale par une application homogène sur l’ensemble des DOM, et améliorer l’efficience des dispositifs gérés. Des conventions sont signées avec des régions comme c’est le cas avec la région Île-de-France. LADOM a les moyens de sa politique, budgétairement, mais aussi en termes de territorialisation. Son siège se trouve en Seine-Saint-Denis, elle dispose de onze délégations régionales en métropoles et de cinq autres dans les outre-mer, dont une à Mayotte.

Monsieur Nilor, les documents décrivant notre politique de façon transversale existent. L’effort budgétaire de l’État en faveur de l’outre-mer s’élève à 18 milliards d’euros si l’on additionne les dépenses fiscales à la mission « Outre-mer ». Concernant la dotation de la Martinique, il existe des crédits non répartis dont les ministères n’ont pas encore pu nous donner le détail. Nous connaîtrons ces éléments très prochainement. En matière d’emploi, nous restons très attentifs à la situation et au nombre de dossiers traités par Pôle emploi.

Madame Berthelot, je souscris à votre idée de « pacte pour la Guyane ». Dans le cadre du plan pour la compétitivité et l’emploi, nous devons tous réfléchir au foncier guyanais. L’État possède 95 % du territoire sur lequel il ne perçoit pas d’impôt. Or un pays qui se développe sait faire circuler son foncier, l’hypothéquer, lui donner les moyens de s’épanouir. En Guadeloupe, dans les années 80, l’État avait ainsi remis des terres en propriété collective à quarante groupements fonciers agricoles qui exploitent aujourd’hui plus de huit mille hectares. L’idée d’une mobilisation du foncier pour le logement, pour l’activité économique, industrielle et artisanale mérite sans doute d’être creusée. Nous attendons le rapport que vous devez remettre prochainement.

Monsieur Azerot, Mme Brigitte Girardin avait proposé une stabilité fiscale mais, entre 2007 et 2012, les règles en la matière ont été modifiées six fois. Nous avions voulu une stabilisation que l’opposition a fait annuler par le Conseil constitutionnel…

M. le président Gilles Carrez. Sur ce sujet, le Conseil s’est saisi tout seul ! (Sourires.)

M. Victorin Lurel, ministre des Outre-mer. Aujourd’hui, nous moralisons et nous encadrons le système. Deux dispositifs expérimentaux de crédits d’impôt sont également mis en place en faveur des entreprises.

En matière fiscale, une concertation approfondie et inédite a bien eu lieu. La mesure relative aux seuils d’exonérations de charges est bonne ; le reste, c’est une tempête dans un verre d’eau.

Monsieur Aboubacar, vous dites que Mayotte est un département « paradoxal » : c’est une expression séduisante, même si je ne la reprends pas à mon compte…

Quelques doutes planent effectivement sur la capacité de Mayotte à consommer les crédits. Mais nous voulons qu’ils soient utilisés. Nous souhaitons que la clause de revoyure évoquée par Didier Quentin soit l’occasion pour l’Europe de revaloriser les crédits, et de se rapprocher, sur la base de critères objectifs, des 400 millions, voire 450 millions, que nous attendions. Mais n’oublions pas qu’aux 224 millions que vous évoquez, 117 autres millions de diverses origines viennent s’ajouter. Il n’y a donc aucune inquiétude à avoir.

S’agissant du foncier, le dispositif FRAFU, vous avez raison, est applicable en théorie à Mayotte depuis 2009 : nous avons bon espoir de publier avant la fin de l’année le texte qui le mettra réellement en place. Le texte consacré à l’établissement public foncier d’État (EPFE) devrait lui aussi être publié avant la fin de l’année. Enfin, le Parlement vient d’adopter un texte qui modifie la procédure de titrement et instaure un groupement d’intérêt public (GIP) par territoire – la LODEOM avait prévu un seul GIP pour l’ensemble des outre-mer, mais cela ne fonctionnait pas. Je n’ai pas ici les détails concernant Mayotte : l’EPFE peut s’emparer de la question et demander à mener cette mission de titrement, pour faire cesser le fléau de l’indivision.

Enfin, s’agissant de la fonction publique, le décret sur l’indexation a bien été pris. Quant à l’indemnité d’éloignement, on peut comprendre les demandes sur les impôts payés en 2014 sur les revenus de 2013, mais à partir des revenus de 2014, il faudra payer… J’espère que ces précisions seront de nature à calmer les inquiétudes qui se manifestent dans votre département.

Madame Descamps-Crosnier, j’ai déjà répondu sur la ZEE : c’est effectivement un enjeu stratégique considérable, et nous nous donnerons les moyens de préserver notre souveraineté.

En matière de biodiversité, les ressources des outre-mer sont considérables – 85 à 90 % de la biodiversité française. La chimie verte ne nous effraie pas, c’est même l’un des axes de développement privilégié par le Gouvernement.

S’agissant des limites territoriales, c’est un vrai sujet, sur lequel nous avons effectivement pris du retard. M. Gérard Grignon, aujourd’hui membre du Conseil économique, social et environnemental a rendu un très bon rapport sur ces questions. Il faut faire vite. Nous avons en particulier de petits différends avec l’Australie et le Vanuatu, dont j’espère qu’ils seront réglés.

Enfin, le FEI doit permettre de rattraper le retard ultramarin en matière d’équipements structurants – assainissement, eau potable, traitement des déchets… En 2013, nous avons financé 44 projets pour environ 48 millions d’euros. Le Président de la République s’est engagé sur 500 millions d’euros pour rattraper le retard pris aux cours de la dernière décennie ; l’effort pourra être amplifié si la croissance revient. Mais les sommes que nous avons obtenues sont déjà remarquables.

Madame Bareigts, j’entends vos propositions. Sur les exonérations de charges patronales pour les secteurs renforcés, il ne m’appartient pas de m’engager ; en revanche, les zones franches d’activités arrivent à échéance en 2017 : nous réfléchissons donc aux meilleurs moyens de continuer à aider ces territoires. C’est une partie difficile que nous jouons ; des réunions interministérielles sont en cours.

Enfin, je veux préciser que le CICE représente 320 millions donnés aux outre-mer. Ce n’est pas une faveur ! Et je tiens à dire que le CICE n’est pas financé par une augmentation de la TVA.

Monsieur Gibbes, merci de vos propos. J’ai reçu hier une mission, conduite par M. Marc-René Bayle, qui se rend chez vous et dans les îles du nord, pour travailler sur les problèmes de déséquilibres structurels créés par la convention fiscale en vigueur ; s’il le faut, nous modifierons la loi organique. Aujourd’hui, en effet, Saint-Martin a du mal à faire face à ses charges. Quant à Saint-Barthélemy, très riche pour certains, elle a l’impression d’acheter son autonomie en payant chaque année 6 millions d’euros à l’État. La parité économique avec la partie néerlandaise de l’île de Saint-Martin pose en particulier problème.

L’environnement économique des Caraïbes est en effet complexe ; la concurrence y est très forte. Dans la partie néerlandaise de Saint-Martin, il y a quinze casinos, mais aucun dans la partie française… Lorsque nous avons libéralisé les jeux en ligne, j’avais fait remarquer qu’Antigua comptait un millier de casinos en ligne ! Les États-Unis ont d’ailleurs porté plainte devant l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Dans une république à organisation décentralisée comme la nôtre, ne pourrait-on pas – je sais que cette proposition va choquer – faciliter l’implantation de casinos ? Bien sûr, il faut lutter contre l’argent sale, contre les trafics. Mais ces casinos si proches et si nombreux mettent en danger notre attractivité.

M. René Dosière, rapporteur pour avis. J’ai bien noté, monsieur le ministre, que le Gouvernement avait décidé de répondre favorablement à la demande d’avance de 42 millions d’euros formulée par le gouvernement de Polynésie. Cette somme s’ajoute aux 50 millions donnés l’an dernier, dont nous ne savons pas vraiment comment ils ont été utilisés : cette année comme l’an dernier, on nous parlait de régler des dettes à l’égard des collectivités. Les chiffres dont je dispose montrent d’ailleurs que 42 millions ne suffiront pas à réduire les impayés, qui s’élèveraient à 60 millions d’euros – avec toutes les réserves que l’on doit faire sur les chiffres qui proviennent de Polynésie. Bref, nous en arrivons à 100 millions d’euros, ce qui est à peu près le coût de l’élection présidentielle !

Toutefois, monsieur le ministre, vous n’avez pas précisé les conditions de remboursement de cette somme. Mme Girardin, qui est maintenant représentante spéciale de la Polynésie française à Paris, m’a en effet précisé qu’il s’agissait cette fois d’une avance remboursable en deux ans. Est-ce bien le cas ?

M. Victorin Lurel, ministre des Outre-mer. Il s’agit bien d’une avance remboursable. Une convention sera signée et la mesure sera prise dans une loi de finances rectificative. Tous les détails ne sont pas encore arrêtés, mais conformément à la demande de la Polynésie, le montant sera de 41,9 millions, et c’est le programme 832 « Avances aux collectivités et établissements publics, et à la Nouvelle-Calédonie » qui sera concerné.

M. le président Gilles Carrez. Nous examinerons soigneusement cette disposition. Merci, monsieur le ministre.

*

* *

À l’issue de l’audition de M. Victorin Lurel, ministre des Outre-mer, la Commission examine pour avis, sur le rapport de M. Alfred Marie-Jeanne, rapporteur pour avis « Départements d’outre-mer », et de M. René Dosière, rapporteur pour avis « Collectivités d’outre-mer, Nouvelle-Calédonie et Terres australes et antarctiques françaises », les crédits de la mission « Outre-mer » pour 2014.

La Commission examine l’amendement n° II-CL20 de M. René Dosière.

M. René Dosière, rapporteur pour avis. L’amendement que je présente contribuera à faire des économies, puisqu’il s’agit de diminuer d’un million d’euros la dotation globale d’autonomie versée par l’État à la Polynésie française.

Lors de l’examen de la loi organique du 1er août 2011 relative au fonctionnement des institutions de la Polynésie française, nous avions supprimé, sur mon initiative et avec l’avis favorable de M. Didier Quentin, alors rapporteur de ce texte, le Haut Conseil de la Polynésie française. En effet, la mission d’assistance, conduite par Mme Anne Bolliet, avait été très critique à l’égard de ce « Conseil d’État local », dont l’utilité était, selon elle, assez faible, pour un coût de fonctionnement très élevé. Sa suppression avait permis de réaliser une économie de 900 000 euros annuels.

Or, dès le 11 juillet 2013, soit un peu plus d’un mois seulement après les élections territoriales, le gouvernement et l’assemblée de Polynésie ont adopté une délibération ainsi qu’une loi du pays, ressuscitant le Haut Conseil de la Polynésie française sous la forme, cette fois-ci, d’une « autorité consultative indépendante ».

En ma qualité de parlementaire, j’ai trouvé curieux que le législateur organique soit ignoré à ce point par une collectivité territoriale, fût-elle autonome. Je ne comprends pas comment une collectivité peut, par une simple délibération, mettre en place une instance que le législateur a entendu lui-même créer et supprimer.

Je note, à cet égard, que le représentant de l’État en Polynésie française a déféré au Conseil d’État la seule loi du pays instaurant ce Haut Conseil, la délibération qui a le même objet n’ayant fait l’objet de sa part d’aucune saisine du juge administratif. Si le recours porté devant le Conseil d’État suspend la promulgation de la loi du pays en cause, la délibération créant ce Haut Conseil est, elle, pleinement exécutoire, en l’absence de recours formé contre cet acte.

Je souligne également dans mon avis budgétaire que la nomination rapide de son président fait apparaître que, dans cette affaire, l’intérêt général n’est pas la seule raison motivant la création de ce Haut Conseil.

Pour l’ensemble de ces raisons, je vous propose, mes chers collègues, devant cet acte de défiance, presque de mépris, à l’égard du pouvoir législatif, de réduire la dotation globale d’autonomie de la Polynésie française d’un million d’euros, ce qui correspond au coût estimé en 2013 de ce Haut Conseil. Ainsi, si la Polynésie souhaite se doter d’une telle instance, il lui faudra la financer elle-même, à l’exclusion donc de tout concours financier de l’État.

M. Jean-Paul Tuaiva. Je souhaiterais réagir à l’amendement proposé par M. René Dosière et plus largement aux passages de son rapport pour avis consacrés aux divers recours formés devant le Conseil d’État contre des lois du pays.

Le rétablissement du Haut Conseil par le président de la Polynésie française, M. Gaston Flosse, a justement pour objet d’éviter au pays de recourir directement au Conseil d’État.

Ce « Conseil d’État local » permettra d’éviter la saisine d’autres instances consultatives ou juridictions, permettant ainsi au pays de réaliser des économies.

Dans son rapport pour avis, M. Dosière rappelle que la caisse de prévoyance sociale (CPS) de la Polynésie française a perdu près de 30 millions d’euros à la suite du recours formé contre la loi du pays du 19 mai 2011 relative au régime de retraite des travailleurs salariés.

Si le Haut Conseil de la Polynésie française n’avait pas disparu à cette date, sa consultation préalable aurait probablement permis d’éviter tout recours suspensif devant le Conseil d’État et ainsi de faire des économies. Son rétablissement facilitera indéniablement le travail législatif du gouvernement polynésien.

M. Serge Letchimy. Sans me prononcer sur le fond de la question, je voudrais connaître les raisons qui ont conduit M. René Dosière à faire le choix d’une suppression « sèche » d’un million d’euros de crédit et non d’une réaffectation de ces derniers sur une autre ligne budgétaire.

J’observe que cette réaffectation de crédits d’une ligne budgétaire à une autre est le choix qui sera proposé à la commission des Affaires économiques dans deux amendements qu’elle sera amenée à examiner dans quelques instants et sur lesquels je devrais rendre un avis.

Il est important, à mon sens, de ne pas donner le sentiment d’une quelconque sanction.

M. René Dosière, rapporteur pour avis. M. Tuaiva fait une confusion au sujet des lois du pays et de la procédure de recours suspensif devant le Conseil d’État.

Lorsque l’assemblée polynésienne adopte des « lois du pays » avec des mesures de redressement, il n’est pas rare aujourd’hui que ces textes soient déférés au Conseil d’État en signe de désaccord. Or, ce recours suspend l’application de l’acte adopté, ce qui a des conséquences importantes, le Conseil d’État n’étant pas en mesure de statuer dans le délai de trois mois qui lui est fixé pour rendre sa décision. Le caractère suspensif de la procédure ainsi que la longueur des délais de jugement par le Conseil d’État – jusqu’à un an dans certains cas – causent un préjudice au territoire.

Cette procédure de recours suspensif est aujourd’hui détournée par une « minorité de blocage », qui souhaite retarder l’entrée en vigueur des dispositions contestées et ainsi empêcher, sous une nouvelle forme, le fonctionnement des institutions et du gouvernement polynésiens. Il conviendra d’ailleurs de réexaminer à l’avenir les conditions de ces recours devant le Conseil d’État.

Toutefois, ce détournement de procédure est, en l’occurrence, sans lien avec la mise en place du haut conseil, puisqu’il s’agit d’une instance consultative, que le législateur organique a supprimé en 2011, au motif que son utilité n’était pas démontrée et que le gouvernement polynésien disposait d’instances administratives suffisantes pour réaliser son travail.

Aujourd’hui, le gouvernement de la Polynésie française estime nécessaire de reconstituer ce Haut Conseil, dont je doute que ce soit uniquement dans un but d’intérêt général, si l’on regarde notamment qui en a été nommé président.

Dans le respect de l’autonomie de la Polynésie française, qui souhaite se doter de ce haut conseil, je considère que le territoire doit financer lui-même cette instance. C’est d’ailleurs pour cette raison que je ne propose pas de réaffecter ce million d’euros de crédits au profit de la Polynésie.

Ce territoire bénéficie aujourd’hui d’une autonomie et d’une souveraineté fiscales totales, au point que pas un centime d’impôt prélevé localement ne revient dans le budget de l’État. Dans ces conditions, la Polynésie devra financer elle-même le Haut Conseil. Tel est le sens de mon amendement.

L’amendement n° II-CL20 de M. René Dosière est adopté.

Conformément aux conclusions de M. Alfred Marie-Jeanne, rapporteur pour avis « Départements d’outre-mer » et de M. René Dosière, rapporteur pour avis « Collectivités d’outre-mer, Nouvelle-Calédonie et Terres australes et antarctiques françaises », la Commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Outre-mer » pour 2014.

ANNEXE N° 1 : LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS

• Députés des collectivités d’outre-mer

—  M. Édouard FRITCH, député de la Polynésie française, président de l’Assemblée de Polynésie française.

—  M. Jonas TAHUAITU, député de la Polynésie française.

—  M. Jean-Paul TUAIVA, député de la Polynésie française.

—  M. Daniel GIBBES, député de Saint-Barthélemy et Saint-Martin.

—  Mme Annick GIRARDIN, députée de Saint-Pierre-et-Miquelon.

• Ministère des Outre-mer

—  M. Thomas DEGOS, délégué général à l’outre-mer.

—  M. Rodolphe JUY-BIRMANN, chef du service des affaires juridiques et institutionnelles.

• Inspection générale des finances

—  Mme Anne BOLLIET, inspectrice générale des finances, chef de la mission d’assistance à la Polynésie française.

—  M. Jean-Pierre LIEB, inspecteur général des finances, chef du service juridique de la fiscalité, direction générale des finances publiques, ministère de l’Économie et des Finances.

• Autres personnalités qualifiées

—  Mme Brigitte GIRARDIN, ancienne ministre de l’Outre-mer.

—  M. Alain CHRISTNACHT, conseiller d’État.

—  M. Jean COURTIAL, conseiller d’État.

—  M. Ferdinand MELIN-SOUCRAMANIEN, professeur des universités, agrégé de droit public, Université Montesquieu-Bordeaux IV.

ANNEXE N° 2 : RÉSULTATS DES ÉLECTIONS DES 21 AVRIL ET
5 MAI 2013 À L’ASSEMBLÉE DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE

Le premier tour de l’élection des membres de l’assemblée de la Polynésie française s’est tenu le 21 avril 2013, avec taux de participation a été de 67,45 %. À l’issue de ce premier tour, la répartition des suffrages entre les différentes formations politiques était la suivante :

RÉSULTATS DÉFINITIFS DU PREMIER TOUR DU 21 AVRIL 2013

Listes

Nombre de voix

En pourcentage

Liste 1 – Rassemblement pour le Respect des Populations Polynésiennes (RRPP)

885

0,69 %

Liste 2 – Union pour la démocratie (UPLD)

30 783

24,09 %

Liste 3 – Amuitahiraa Huiraatira

452

0,35 %

Liste 4 – Te Ara Ti’a

3 956

3,10 %

Liste 5 – Tahoeraa Huiraatira

51 319

40,16 %

Liste 6 – Tous Polynésiens

7 293

5,71 %

Liste 7 – La Tura to’u Fenua

4 554

3,56 %

Liste 8 – Te Hiti Tau Api

3 080

2,41 %

Liste 9 – A Ti’a Porinetia

25 453

19,92 %

Le second tour de l’élection des membres de l’assemblée de la Polynésie française s’est tenu le 5 mai 2013, avec taux de participation a été de 72,79 %. À l’issue de ce second tour, la répartition des suffrages entre les différentes formations politiques était la suivante :

RÉSULTATS DÉFINITIFS DU SECOND TOUR DU 5 MAI 2013

Listes

Nombre de voix

En pourcentage

Liste 1 – UPLD

40 441

29,26 %

Liste 2 – Tahoeraa Huiraatira

62 340

45,11 %

Liste 3 – A Ti’a Porinetia

35 421

25,63 %

À l’issue de ces deux tours de scrutin, la liste « Tahoeraa Huiraatira », menée par M. Gaston Flosse, est arrivée en tête avec 45,11 % des suffrages exprimés, soit 62 000 voix, lui permettant ainsi d’obtenir la majorité des sièges à l’assemblée de la Polynésie française, dont les sièges entre les différentes formations politiques se répartissent de la manière suivante :

COMPOSITION DE L’ASSEMBLÉE DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE AU 1er OCTOBRE 2013

 

Îles du Vent

Îles sous
le Vent

Tuamotu Ouest

Gambier et Tuamotu Est

Îles Marquises

Australes

Total

UPLD

7

1

1

0

1

1

11

Tahoeraa Huiraatira

24

5

2

3

2

2

38

A Ti’a Porinetia

6

2

0

0

0

0

8

Total

37

8

3

3

3

3

57

ANNEXE N° 3 : SYNTHÈSE DES OBSERVATIONS DÉFINITIVES DE LA CHAMBRE TERRITORIALE DES COMPTES DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE SUR LA MISSION « POUVOIRS PUBLICS »

La chambre territoriale des comptes de la Polynésie Française a rendu public, le 15 juillet 2013, un rapport sur la mission « Pouvoirs publics » de la collectivité d’outre-mer de Polynésie – à l’exception de l’Assemblée territoriale et du Conseil économique, social et culturel, qui ont fait l’objet de rapports distincts en 2012.

© Assemblée nationale

1 () Ce fut le cas dans l’ensemble des départements d’outre-mer en 2009, à La Réunion en 2010, à Mayotte en 2011 et en Nouvelle-Calédonie en 2012.

2 () À savoir 3,1 % du PIB.

3 () Dernières données disponibles, cf. rapport annuel de l’IEOM pour 2012 sur la Nouvelle-Calédonie.

4 () Le Grand Nouméa comprend quatre communes : Nouméa, Le Mont-Dore, Dumbéa et Païta.

5 () Déplacement du 2 au 8 septembre 2013, cf. rapport d’information (n° 1411, XIVe législature).

6 () Dotation globale de fonctionnement et dotation globale d’équipement et de construction des collèges.

7 () Prévue à l’article 181 de la loi organique statutaire n° 99-209 du 19 mars 1999.

8 () Bilan de l’Accord de Nouméa, rapport final, DME–CM International, décembre 2011.

9 () Action n° 4 du programme n° 832 « Avances aux collectivités et établissements publics et à la Nouvelle-Calédonie ».

10 () Loi organique n° 2011-918 du 1er août 2011 relative au fonctionnement des institutions de la Polynésie française.

11 () Rapport de mission sur la réforme du mode de scrutin et la stabilité nécessaire des institutions polynésiennes.

12 () Les résultats des premier et second tours de l’élection de l’assemblée de la Polynésie française ainsi que la composition de cette dernière figure en annexe n° 2 au présent rapport.

13 () Ce texte recule l’âge de départ à la retraite anticipée (de 50 à 52 ans) et augmente la durée d’assurance obligatoire (de 15 à 20 ans). Il relève, en outre, le taux de cotisation du régime de retrait des salariés de 15 à 16,77 %.

14 () Conseil d’État, 10e sous-section, 7 novembre 2012, n° 350313.

15 () Ces deux textes prévoyaient de reculer l’âge de départ à la retraite anticipée, d’allonger la durée de cotisation pour obtenir une retraite à taux plein ou anticipée et de modifier le mode de calcul du salaire de référence qui sert de base au calcul de la pension.

16 () Conseil d’État, section du contentieux, 13 juin 2013, n° 361767.

17 () Conseil d’État, section du contentieux, 8 mars 2013, n°  355788.

18 () Institut d’émission outre-mer, Rapport annuel pour 2012 sur la Polynésie française, juin 2013.

19 () Chambre territoriale des comptes, Rapport d’observations définitives sur la gestion 2005-2011 du GIE Tahiti Tourisme, octobre 2013.

20 () Note d’étape de la mission interministérielle d’assistance à la Polynésie française, juin2010, p. 3.

21 () Hors secteur communal, mais y compris dans le domaine social.

22 () Le rapport définitif a été remis en septembre 2010.

23 () Ce chiffre ne tient pas compte des garanties accordées aux organismes « extérieurs » comme Air Tahiti Nui et l’office public de l’habitat (OPT).

24 () Cette notation a été confirmée par l’agence Standard & Poor’s en juillet 2013.

25 () En 2012, on recense 47 538 bénéficiaires du RSPF.

26 () En l’espèce, un milliard de FCFP, soit 8,38 millions d’euros.

27 () En l’espèce, 1,31 milliard de FCFP au titre de sa quote-part 2011, soit 10,97 millions d’euros, et un milliard de FCFP au titre de la mensualité de novembre 2012, soit 8,5 millions d’euros.

28 () En l’espèce, 740 millions de FCFP, soit 6,2 millions d’euros.

29 () Cf. compte rendu de l’examen en commission élargie des crédits de la mission « Outre-mer » pour 2014.

30 () Établissements publics, groupements d’intérêt public, etc.

31 () Le taux marginal de la CST est porté de 10 à 25 %.

32 () Le taux intermédiaire de TVA a été porté de 10 à 13 %.

33 () On lira avec profit les ouvrages de Sémir Al Wardi, Tahiti Nui ou les dérives de l’autonomie, L’Harmattan, 2008, et Jean Marc Regnault, Tahiti malade de ses politiques, Éditions de Tahiti, 2007.

34 () Cf. article 39 de la loi organique n° 2011-918 du 1er août 2011 relative au fonctionnement des institutions de la Polynésie française.

35 () Rapport (n° 3556, XIIIe législature) de M. Didier Quentin au nom de la commission des Lois de l’Assemblée nationale sur le projet de loi organique relatif au fonctionnement des institutions de la Polynésie française.

36 () Montant estimé du coût de cet organisme.

37 () « Flosse soigne ses belles plantes », article paru dans Les nouvelles de Tahiti, le samedi 19 octobre 2013.

38 () Dans sa rédaction issue de la loi organique n° 2011-918 du 1er août 2011, l’article 86 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française fixe le plafond des dépenses de rémunération des collaborateurs de cabinet à 5 % de la masse salariale de la collectivité en 2012, puis 4 % en 2013 et 3 % les années suivantes.

39 () La synthèse des observations de la chambre territoriale des comptes figure en annexe n° 3 au présent rapport.

40 () L’île de Miquelon est principalement constituée de la Grande Miquelon et de Langlade reliées par un isthme.

41 () La décision du tribunal arbitral de New York du 10 juin 1992 reconnaît à Saint-Pierre-et-Miquelon le droit de disposer d’une zone de 12 400 km², alors que la France réclamait 48 000 km2. Cette zone entoure l’archipel et comprend, en outre, un étroit couloir au sud, long de 200 milles et large de 10,5 milles.