Accueil > Projet de loi de finances pour 2017 > Les comptes rendus des commissions élargies (plf 2017) > Compte rendu intégral

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Assemblée nationale

commission élargie

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

Commission des affaires économiques

Commission des affaires sociales

(Application de l’article 120 du Règlement)

Jeudi 3 novembre 2016

Présidence de M. Dominique Lefebvre,
vice-président de la commission des finances,
de Mme Frédérique Massat,
présidente de la commission des affaires économiques,
et de Mme Catherine Lemorton,
présidente de la commission des affaires sociales

La réunion de la commission élargie commence à vingt et une heures.

projet de loi de finances pour 2017

Égalité des territoires et logement

M. Dominique Lefebvre, président. Madame la ministre du logement et de l’habitat durable, nous sommes réunis en commission élargie afin de vous entendre sur les crédits du projet de loi de finances pour 2017 consacrés à la mission « Égalité des territoires et logement ».

Mme la présidente Frédérique Massat. La commission des affaires économiques, dont le rapporteur pour avis est Daniel Goldberg, se réjouit de pouvoir examiner aujourd’hui le budget de la mission « Égalité des territoires et logement » qui, avec un montant total de 18 milliards d’euros, est la quatrième mission la plus importante du budget de l’État. Cette année, notre rapporteur pour avis s’est intéressé plus particulièrement aux programmes 109 et 135 relatifs aux aides personnelles au logement (APL) et aux aides à la pierre en faveur de la construction de logements sociaux.

L’année dernière, la loi de finances a procédé à la création du Fonds national des aides à la pierre (FNAP) et à une réforme des conditions d’attribution des APL, qui s’est partiellement inspirée des conclusions d’un groupe de travail créé par notre commission. Cette année, le projet de loi de finances est marqué par une certaine stabilité sur ces deux points. Il serait donc intéressant que vous nous présentiez, madame la ministre, les modalités d’application des mesures adoptées l’an dernier.

Notre commission est également très attentive à l’évolution du secteur de la construction. Nous nous réjouissons donc que les chiffres de cette année soient très bons : les mises en chantier de logements neufs sont en hausse de 7,4 % sur un an et les permis de construire pour des logements neufs ont bondi de 17,3 %. Notre rapporteur ne manquera pas de vous livrer son analyse sur les ressorts de cette reprise.

Permettez-moi seulement de vous poser deux questions complémentaires. Le Premier ministre a annoncé, le 27 septembre dernier à Nantes, que l’enveloppe des prêts de haut de bilan distribués par la Caisse des dépôts et consignations aux organismes HLM serait portée à 3 milliards d’euros, au lieu des 2 milliards d’euros prévus initialement. Comment sera financé ce milliard d’euros supplémentaire ?

Comment comptez-vous informer le Parlement de la programmation relative à la production de logements sociaux qui sera retenue pour 2017 par le FNAP ?

M. Christophe Caresche, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Madame la ministre, permettez-moi de vous adresser en préambule un satisfecit pour l’action de l’État et de vos services dans la gestion de la crise des migrants, et pour votre implication personnelle dans le dossier. En quelques mois, un travail considérable a été réalisé pour mettre à l’abri des milliers de personnes. À Calais et à Paris, plus de vingt-neuf opérations de mise à l’abri ont eu lieu ces derniers mois, jointes à des efforts pour orienter les migrants et traiter leur dossier. Député du Nord de Paris, où se sont en partie concentrés ces campements, je peux témoigner de l’action de l’État, de la mobilisation pour trouver des solutions – particulièrement depuis votre arrivée au ministère. Certaines critiques paraissent injustes et déplacées. On peut comprendre les impatiences, mais il faut aussi mesurer les efforts déployés.

Sur le plan budgétaire, le Gouvernement a mobilisé d’importants moyens en 2015, puis en 2016, augmentant de 150 millions d’euros les dotations consacrées aux prises en charge, tout en continuant à développer les parcs généralistes d’hébergement et de logement adapté. En 2017, on se doit d’aller plus loin encore, avec un abondement de 180 millions d’euros nets par rapport aux crédits votés pour 2016, afin de financer non seulement les places pour les migrants, mais aussi les dispositifs d’accueil et d’hébergement d’autres publics. Nous aurons ainsi gagné près de 33 000 places en quatre ans, et il faut saluer la création de nouvelles places en logement plus durable. J’ai la conviction que nous avons changé d’échelle dans la prise en charge de ces populations. Mais la réussite dépendra beaucoup de l’action de tous les responsables et de la capacité à assurer l’indispensable solidarité territoriale.

J’en viens, madame la ministre, à quelques questions.

S’agissant toujours de la question des migrants, il est prévu un rebasage budgétaire très significatif, mais qui, à ma connaissance, n’intègre pas encore l’opération de Calais ou d’autres opérations, menées notamment à Paris. Comment prévoyez-vous de prendre en compte ces nouvelles charges budgétaires ? Seront-elles partagées avec la mission « Immigration, asile et intégration » ?

En ce qui concerne l’hébergement d’urgence, le recours aux hôtels – qui a explosé ces dernières années, notamment en Île-de-France – fait l’objet d’un plan de substitution très important, qui va dans le bon sens. Mais ne faudrait-il pas accélérer la sortie de certaines familles, qui sont parfois depuis des années dans ces hôtels, en régularisant leur situation au regard du droit au séjour ? Je sais que cela ne dépend pas de vous, mais vous représentez ici l’ensemble du Gouvernement.

Pouvez-vous faire un point sur l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), dont la situation financière reste précaire ? Le produit des enchères des quotas d’émission n’a pas, cette année, été au niveau escompté. Comment voyez-vous les perspectives ?

Concernant la réforme des aides personnelles au logement, avez-vous déjà des éléments de bilan ou de pré-bilan, qui pourraient nous éclairer ?

La suppression, par l’État, de la compensation de 133 millions d’euros pour Action Logement a donné lieu à de nombreuses discussions : d’abord en commission des finances, où un amendement avait été adopté pour revenir sur ce prélèvement de l’État, puis en séance publique, lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances. Christian Eckert nous a assuré que « l’équilibre financier d’Action Logement n’est absolument pas menacé », que « sa trésorerie nette est passée de 1,2 milliard d’euros fin 2012 à 1,7 milliard d’euros fin 2015 ». Il ajoutait qu’« il lui reste également un prêt de 3 milliards d’euros à la Caisse des dépôts, garanti par l’État, qui n’a pas été consommé ». À l’entendre, la situation d’Action Logement serait florissante et nous n’aurions aucune raison de nous inquiéter. Confirmez-vous ses propos ?

De même, en ce qui concerne la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS), la commission des finances avait adopté un amendement visant à revenir sur le prélèvement de 50 millions d’euros sur ses ressources prévu par le projet de loi de finances pour 2017, mais il a bien sûr été rejeté en séance publique. Christian Eckert nous a également assuré que ce prélèvement ne menaçait pas la capacité de garantie de l’établissement. Pouvez-vous nous donner votre point de vue sur ces deux sujets ?

Enfin, je voudrais évoquer les dépenses fiscales. Le Gouvernement a décidé de maintenir pour l’essentiel le plan de relance de 2014, dont les dispositifs ont eu un certain impact, puisque la construction est repartie. Toutefois, cette reprise reste fragile. Ce n’est donc pas le moment de modifier ces dispositifs, et le Gouvernement a raison de les maintenir. Cela n’interdit pas, toutefois, d’évaluer certains d’entre eux. J’ai été en particulier alerté sur le dispositif du Borloo ancien, que l’Inspection générale des finances et le Conseil général de l’environnement et du développement durable ont évalué. Ce dispositif accorde entre autres une déduction de 30 % sur les revenus locatifs des particuliers qui ont signé une convention avec l’ANAH les engageant à pratiquer des loyers de niveau intermédiaire. Cet allègement fiscal n’a aucune légitimité en zone non tendue, où les logements ne manquent pas et où les loyers du marché sont peu différents. Il n’a plus du tout d’utilité si la convention est conclue sans travaux de rénovation ouvrant droit à un financement de l’ANAH. Or c’est le cas pour une grande partie des bénéficiaires du dispositif, qui coûte tout de même 44 millions d’euros par an. Vous aurez compris que je juge nécessaire de recentrer ce dispositif. J’ai cru comprendre que vous aviez vous-même fait des réflexions en ce domaine. N’est-ce pas le moment de nous en faire part ?

M. Daniel Goldberg, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour le logement. C’est avec plaisir que je formulerai mon avis, au nom de la commission des affaires économiques, sur la mission « Égalité des territoires et logement ». Avec une hausse des autorisations de logement de 14 % et des mises en chantier de 8 %, pour un objectif accessible de 400 000 logements sur douze mois, voilà un budget qui remplit son objectif de construire mieux et plus, mais aussi, espérons-le, moins cher, alors que la bonne santé du secteur se retrouve dans le domaine de la location et de la relocation.

Sans doute ces bons chiffres sont-ils liés aux taux très bas des prêts immobiliers, mais l’élargissement du prêt à taux zéro, la TVA à taux réduit de 5,5 % et le recentrage des dispositifs dits Duflot-Pinel y ont aussi contribué, grâce aux effets décalés de mesures prises à partir de la mi-2013. S’il y a eu un déficit de l’activité en 2014, je l’attribue aux déclarations catastrophistes faites au moment de la discussion du projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), qui ont eu un effet de vitrification du marché, le même effet, suivant le même type de déclarations, que celui que nous avions connu à l’époque de la loi Quillot en 1982.

Il faut en effet en finir avec le logement rare et cher. Il faut construire plus, plus vite et moins cher, alors que le coût du logement a augmenté de 50 % en vingt-cinq ans, passant de 14 à 21 % du revenu disponible, dans le cadre d’un mécanisme auto-entretenu de logement rare et cher et d’une stratification sociale et spatiale.

Les APL subissent une hausse tendancielle depuis le début de la législature. Le nombre d’allocataires a augmenté de plus de 100 000 ménages, de même que le montant des allocations par personne, en raison de la paupérisation de la masse des ménages que l’on peut qualifier de modestes. Aussi le coût global pour les finances publiques a-t-il augmenté de 1,3 milliard d’euros en cinq ans, tant en fonds publics qu’en cotisations employeur, pour financer le versement d’allocations à 6,5 millions de ménages.

Deux dispositifs ont été mis en place dans le cadre de la loi de finances pour 2016. S’agissant du premier, le dispositif dit des loyers excessifs, je voudrais remercier le Gouvernement, car, eu égard au niveau qui a été fixé dans le décret de mise en œuvre, il me semble que l’Assemblée nationale a été écoutée. Je souligne néanmoins quelques risques. Ce sont principalement les revenus intrafamiliaux qui risquent d’être touchés, ceux des parents qui aident leurs enfants, mais aussi ceux de certains enfants qui aident au logement de leurs parents. Il faudra sans doute évaluer les résultats du dispositif, non seulement en termes de moindre coût pour l’État, mais aussi en termes sociaux.

J’ai le sentiment que l’Assemblée nationale a été moins écoutée en ce qui concerne le second dispositif, beaucoup plus simple dans sa mise en œuvre et lié au patrimoine. J’avais plaidé, quant à moi, pour que l’on ne retienne pas un seuil de 30 000 euros de revenus du patrimoine. Des réflexions sont en cours pour relever le niveau actuel. Ne pourrait-on prévoir une formule d’abattement ? J’estime que les personnes handicapées ne devraient pas être tributaires du dispositif.

Le financement de l’ANAH inclut 1,7 milliard d’euros en dépenses fiscales au titre du crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE). Il en a été beaucoup question dans l’hémicycle lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances. Le budget de l’ANAH s’élève à 600 millions d’euros environ, pour des ressources qui ne sont toujours pas pérennes. Le problème n’est toujours pas traité dans son ensemble.

J’en viens au logement social. La semaine prochaine, le conseil d’administration du Fonds national des aides à la pierre décidera de la manière d’affecter en 2017 – pour la première fois en année pleine – les fonds qu’il a reçus. Grâce à son action, j’espère que nous en finirons avec des mécanismes qui s’apparentent à un jeu de bonneteau et qui ne sont plus acceptables. Je songe notamment à un décret du 2 juin dernier qui, pour conforter les ressources de l’ANAH, a puisé dans celles du logement social. Cela va à l’encontre des déclarations qu’a faites le Président de la République au congrès de l’Union sociale pour l’habitat (USH), à Montpellier. Le FNAP devra à l’avenir permettre de sécuriser ces fonds.

Les prêts de haut de bilan qui ont été annoncés constituent un excellent dispositif qui devrait conforter les acteurs du logement social. Le Premier ministre a annoncé le passage de 2 à 3 milliards d’euros pour ces prêts. Peut-être pourrez-vous, madame la ministre, nous donner quelques précisions à ce sujet ?

En ce qui concerne la baisse du taux de commissionnement des banques, mécanisme très important pour aider à la construction de logement social, j’ai l’impression qu’il nous reste à passer de la théorie à la pratique.

En conclusion, j’émets un avis favorable à l’adoption des crédits de cette mission.

Mme Dominique Orliac, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, pour l’hébergement, le parcours vers le logement et l’insertion des personnes vulnérables. Les crédits pour 2017 du programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » sont en très nette progression cette année et je ne peux que m’en féliciter. Cette augmentation est essentiellement destinée à l’hébergement d’urgence : il s’agit de répondre aux besoins conjoncturels, notamment à ceux directement liés à la crise migratoire.

À cet égard, je tiens une nouvelle fois à souligner avec force que, contrairement à une idée reçue, il n’existe aucune concurrence entre les personnes sans abri et les migrants. Ceux qui stigmatisaient hier les sans-abri les opposent aujourd’hui aux migrants, en stigmatisant ces derniers. Cette hiérarchie de la misère est intolérable. Je constate que les opinions et les actes se durcissent vis-à-vis des plus fragiles, et je trouve cela inadmissible. J’ai été très choquée par le terme de « pauvrophobie », utilisé avant-hier par un grand quotidien, tout autant que par le titre qui l’accompagnait : « Face à la pauvreté, on sent un vent mauvais ». De même, je ne peux que regretter que la vague d’expulsion des logements juste avant la trêve hivernale ait été une nouvelle fois significative.

Si les crédits destinés à l’hébergement d’urgence sont indispensables cette année, je ne voudrais pas que l’on oublie pour autant les autres segments de réponse qui permettent d’accompagner les personnes vers du logement pérenne, et je constate à cet égard une moindre augmentation – récurrente – des crédits destinés au logement accompagné.

Les crédits destinés à faire face à l’urgence sont, cette année encore, trop mobilisés au détriment des dispositifs permettant une insertion plus durable des personnes dans le logement : c’est une logique de réaction à l’urgence et à l’actualité, qui prime sur une vision à plus long terme.

Pensez-vous, madame la ministre, qu’il sera un jour possible de mettre fin à ce clivage persistant, entre la réponse à l’urgence d’une part, et l’accompagnement vers l’insertion d’autre part ? Un effort plus important d’accompagnement vers le logement, en direction des personnes en situation précaire, est-il envisagé ?

Je souhaiterais par ailleurs faire une suggestion concernant la maquette de performance du programme 177. En effet, les services intégrés d’accueil et d’orientation (SIAO), dont l’existence juridique a été consacrée par la loi ALUR, sont présentés comme les nouveaux leviers essentiels – pour ne pas dire l’alpha et l’oméga – du pilotage des politiques d’hébergement et de logement. Or la maquette de performance du programme 177 ne comprend aucun indicateur qui permette d’évaluer leur montée en puissance. L’indicateur intitulé « taux de réponse positive du SIAO aux demandes d’hébergement et de logement » mesure la capacité des SIAO à répondre aux demandes qui leur sont adressées, mais pas la croissance de la part des demandes d’hébergement qui transitent par eux. Afin d’évaluer la montée en puissance des SIAO, je propose donc la création d’un tel indicateur de performance, dont le numérateur comporterait le total des demandes d’hébergement ou de logement adapté ayant transité par les SIAO, et le dénominateur le nombre total des demandes d’hébergement ou de logement adapté. Ce nouvel indicateur de performance vous semble-t-il pertinent ?

Au-delà de l’aspect purement budgétaire, j’ai choisi cette année de consacrer la partie thématique de mon avis à la problématique cruciale des questions de santé en hébergement d’urgence : une prise de conscience des besoins est nécessaire, afin que nous puissions commencer à remédier au déficit de réponses en la matière, notamment s’agissant de la santé psychique, qui est très peu prise en compte, alors que des troubles en ce domaine se rencontrent beaucoup plus fréquemment chez les personnes en situation de précarité. Dans les centres d’accueil et d’orientation (CAO) pour les délocalisés de Calais par exemple, aucun accompagnement à la souffrance psychique n’est prévu, alors qu’un parcours migratoire semé d’embûches et l’exil laissent inévitablement des traces. Parmi les pistes d’action possibles afin de remédier à cette défaillance, figurent la création de postes de professionnels de santé au sein des CAO ou des autres structures, ou un élargissement de la formation des professionnels. Quelles mesures comptez-vous prendre afin de mieux accompagner la souffrance psychique, de mieux prendre en compte les addictions et les maladies chroniques ?

Dans mon avis budgétaire, je propose quelques pistes de réforme en matière de santé et d’hébergement des personnes vulnérables. Il me paraît souhaitable de mettre l’accent sur la prévention, de mieux former les professionnels et de décloisonner les dispositifs d’hébergement et ceux de la santé. Sur ce dernier point, quelles mesures pensez-vous mettre en œuvre pour une meilleure coordination entre les secteurs de la santé et du social, afin d’améliorer les chances de réinsertion ?

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Je suis très heureuse de présenter ce budget devant vous. Il essaie de répondre à des questions importantes. Nous nous trouvons dans un contexte particulier, mais qui n’est pas anodin. Les chiffres de construction sont extrêmement bons, non seulement parce qu’ils sont élevés, mais parce qu’ils correspondent à une production de logements à des prix abordables dans des quartiers en tension. Dans le passé, des chiffres de même niveau, dopés par des dispositifs d’investissement locatif, s’observaient dans des quartiers qui n’avaient pas besoin de logement. Or le ministère est maintenant saisi par ces territoires, qui nous demandent des solutions devant le résultat de ces actions menées il y a plusieurs années.

Sur les douze derniers mois, nous sommes à 432 000 autorisations, soit une hausse de plus de 14 % par rapport à l’année précédente. Nous sommes déjà à 367 000 chantiers lancés, soit un niveau très important. Il faut noter que la production de logements est extrêmement dynamique dans le logement social. Les objectifs de programmation de 2016, fixés à 139 000 logements sociaux, seront tenus, voire dépassés. Ils sont fortement portés par le logement collectif, notamment dans les secteurs très urbanisés, comme par la production de logements individuels.

Les promoteurs immobiliers disent ne plus avoir de stock et ne sont plus en mesure de répondre à la demande. Certes, cela est lié aussi aux taux d’intérêt extrêmement bas, dont nous ne portons pas la responsabilité. J’observe néanmoins la conjonction de plusieurs phénomènes : des mesures lancées à partir de 2013, pérennisées et parfois modifiées, tels le prêt à taux zéro (PTZ) et le dispositif d’investissement locatif recadré dans les secteurs utiles ; la nouvelle version du PTZ que vous aviez soutenue l’an passé a aussi changé la donne, puisque le différé désormais prévu fournit des fonds propres à des ménages solvables, mais qui ont peu de moyens, ce qui bénéficie aux primo-accédants.

Les professionnels nous demandent aujourd’hui une pérennité des dispositifs. Quand je suis arrivée au ministère en février dernier, ils m’ont demandé ce que nous pourrions faire pour 2018. N’oublions pas que, en matière de logement, le temps est long : il faut compter un délai d’au moins trois ans entre les mesures que nous prenons et leur application pleine et entière. Le secteur nous demande de garder cette vision de long terme. Il est très important de le rappeler au moment où nous défendons un budget dont les très bons résultats apportent des réponses en matière d’accès au logement abordable et ont un impact sur l’emploi dans le secteur de la construction et, donc, sur l’économie.

La mission compte plusieurs programmes, mais la majeure partie des crédits est inscrite au programme 177, qui vise à renforcer l’action en matière d’hébergement d’urgence, mais aussi à avoir un budget qui soit plus en adéquation avec les besoins exprimés par les territoires, au-delà de la question des migrants.

Ces crédits expriment notre volonté de mettre en place, chaque nuit, sur tout le territoire, des places pérennes en hébergement d’urgence : ainsi, 118 000 places accueillent tous les soirs des personnes en grande difficulté. Mais nous voulons aussi en terminer avec cette politique d’ouverture massive de places à l’arrivée de l’hiver et de fermeture tout aussi massive le 1er mars. Cette rupture dans la prise en charge sociale produit des dégâts énormes. Aussi, notre plan de pérennisation de l’hébergement d’urgence a conduit, depuis plusieurs années, à la création de plus de 30 000 places. Au début de chaque période hivernale, nous ouvrons quelques places supplémentaires, mais nous nous efforçons aussi de les pérenniser : il y en a eu plus de 2 500 places en mars dernier. Nous cessons également de fonder notre action sur le recours à l’hôtellerie. Au-delà du coût faramineux que représentent ces nuitées d’hôtel, hors de tout suivi social et avec l’impossibilité de se préparer soi-même des repas, ce qui peut poser de graves problèmes alimentaires aux familles, cette mise à l’abri ne peut pas constituer en soi une politique. Pour ne plus avoir à recourir aux nuitées hôtelières, il faut continuer d’investir dans la création de places pérennes. C’est pourquoi nous avons besoin d’une augmentation de ce budget. Le plan pauvreté a fixé des objectifs de réduction du recours aux nuitées hôtelières, dont l’augmentation était exponentielle. Le premier, assez modeste, est de stabiliser leur usage. Non seulement l’augmentation a cessé, mais on enregistre même une baisse. Diverses propriétés foncières de l’État ont été cédées pour créer des logements pérennes, ce qui nous a été très utile.

J’en viens à l’hébergement d’urgence. S’agissant tout d’abord de la prise en charge des migrants, je tiens tout d’abord à remercier Christophe Caresche pour son intervention. Nous avons souhaité nous engager fortement sur la question de la mise à l’abri, et donc impliquer les services de l’État et tous les territoires. Aujourd’hui, cette politique de mise à l’abri se fait au sein des CAO, structures temporaires financées sur le programme 177. Elles accueillent les personnes avant qu’elles n’entrent dans le processus de l’asile ; après, elles relèvent des structures d’hébergement liées aux demandeurs d’asile. En Île-de-France, il a été nécessaire de créer plus de 5 000 places d’hébergement d’urgence de ce type – même si elles n’ont pas été appelées CAO – pour permettre les opérations de mise à l’abri. Il y a eu vingt-neuf opérations depuis 2015, et 17 000 offres de mises à l’abri ont été faites, uniquement pour les camps parisiens. Nous allons poursuivre cette action dans les heures qui viennent.

La plupart de ces 3 000 places de CAO ont été financées sur le programme 177. Les coûts ne sont pas très importants, parce qu’il ne s’agit que d’une mise à l’abri, d’une prise en charge intermédiaire. Il n’y a pas de prise en charge sociale comme dans un hébergement d’urgence. Le prix moyen est de 25 euros par personne et par jour. Nous avons institué une charte de prise en charge dans les CAO pour nous assurer que la prise en charge est uniforme. Nous avons ainsi exigé que l’agence régionale de santé soit associée à l’ouverture de ces places pour qu’elle déploie, au-delà des questions de suivi psychique, des missions de suivi de santé. Certaines personnes hébergées dans ces centres ont besoin d’un suivi médical très important.

Les CAO sont en fait une étape intermédiaire avant les places en centre d’accueil de demandeurs d’asile (CADA), car plus de 80 % des personnes qui y sont hébergées relèvent du droit d’asile. Nous hébergeons d’ailleurs aujourd’hui dans les CAO des personnes qui ont obtenu le statut de réfugié et qui sont en cours de transfert vers d’autres types de logements. C’est pour cette raison que le ministère de l’intérieur considère que le CAO pourrait rejoindre la mission « Asile ». Mais il nous semble important de ne pas oublier qu’il s’agit de missions de mise à l’abri, qui relèvent plutôt des questions d’hébergement, même s’il faut bien sûr que nous adaptions cette politique aux circonstances auxquelles nous sommes confrontés : lorsque nous avons entrepris ce travail en février, nous n’envisagions pas d’assister à des arrivées aussi importantes, mais nous essayons de rester souples. Vous serez d’ailleurs amenés, en novembre, à vous prononcer sur un décret d’avance, lié aux ouvertures de places en CAO et à notre engagement de prendre en charge les mineurs lors de la phase de mise à l’abri, avant que les départements ne prennent le relais dans le cadre de l’aide sociale à l’enfance. Nous nous sommes engagés à assumer l’hébergement lors de la phase de mise à l’abri pour accélérer les choses. Nous ne pourrons pas faire l’économie de ce débat, car 1 700 mineurs doivent être pris en charge, et, si certains d’entre eux vont partir pour la Grande-Bretagne, d’autres resteront en France.

En ce qui concerne le public hébergé, deux questions ont été soulevées. La première concerne les familles bloquées par manque de « situation administrative complète », dont beaucoup relèvent des circulaires de 2012 sur la régularisation des familles. Nous avons demandé que ces dossiers soient diligentés pour que les associations qui les suivent puissent entamer les procédures de régularisation.

D’autre part, il y a quinze jours, le préfet de la région Île-de-France a convoqué tous les bailleurs sociaux pour leur rappeler que plus de la moitié des personnes hébergées relèvent du droit commun, notamment du logement social. Pourtant, plus de la moitié des personnes éligibles n’ont jamais accès au logement dans les commissions d’attribution. Le fait qu’ils soient hébergés les empêche d’obtenir un logement de droit commun. Un grand nombre d’entre eux relève même des contingents du 1 %.

Nous avons donc souhaité mieux prendre en compte ces dossiers pour améliorer la fluidité dans les centres d’hébergement. Aujourd’hui, certains salariés n’ont plus accès au logement social parce que leurs salaires sont trop modestes, mais nous savons que l’hébergement d’urgence n’est pas une solution durable.

De la même manière, nous avons exigé qu’aucune famille ne reste plus plusieurs années en hébergement d’urgence à l’hôtel.

Madame Orliac, au-delà du nombre d’expulsions jugées, prononcées et exécutées, nous constatons que les expulsions concernant le logement social sont aussi nombreuses que celles dans le logement privé. La question essentielle est celle de la dette locative, et, dans une moindre mesure, le congé pour vente. Au printemps dernier, nous avons lancé le plan national de prévention des expulsions, qui prévoit une plateforme départementale, l’obligation de constituer des réseaux et, surtout, un examen plus rapide des dossiers. Aujourd’hui, la plus grande partie des expulsions exécutées et prononcées concerne des dettes locatives qui ne datent pas de deux ou trois ans, mais parfois de plus de dix ans. Nous ne pouvons plus laisser faire cela. Ce plan national, qu’il faut mieux appliquer sur tout le territoire, doit permettre de réduire les recours aux expulsions. La disposition de la loi ALUR prévoyant le maintien des APL pour les locataires de bonne foi constitue à cet égard une avancée considérable, puisqu’elle n’aggrave pas la dette.

S’agissant des différents statuts de l’hébergement et de l’insertion, je n’ai pas de réponse budgétaire à apporter, mais le secteur débat de l’opportunité d’un statut unique. La Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (FNARS) a travaillé sur le sujet, qui dépasse le cadre du débat politique, en cela qu’il conduit les nombreux professionnels du secteur à mettre en question leurs pratiques et leurs projets associatifs. Il est néanmoins exact que nous devrions nous interroger sur la coexistence des centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), des centres d’hébergement d’urgence (CHU) et d’autres structures qui répondent à des besoins très particuliers.

Comment pouvons-nous développer les logements accompagnés ? Nous avons pris des engagements liés à l’augmentation des pensions de famille, et à l’expérimentation « Un chez-soi d’abord », que nous allons prolonger en créant 400 places par an jusqu’en 2020. Nous allons changer certaines structures. Les pensions de famille, par exemple, sont plus efficaces, même si elles appellent un investissement de départ plus important. Au-delà, une des grandes réflexions à venir doit déterminer s’il est possible de simplifier et d’harmoniser les statuts, et donc les différentes prises en charge.

Je reste toutefois attachée à l’idée que certains publics ont besoin d’accueil dans des hébergements spécifiques. Je pense évidemment aux personnes qui ont des troubles psychiques importants, pour lesquels nous cherchons à avoir des places spécialisées. Je pense également aux femmes victimes de violence, qui se reconstruisent mieux dans des foyers créés pour répondre à ces questions et où elles ne sont pas mélangées avec des personnes souffrant, par exemple, d’addictions. Il me semble important de maintenir cette spécificité, mais on peut envisager des simplifications en prévoyant des accueils différenciés.

L’aide personnalisée au logement représente une dépense considérable pour le budget de l’État : le nombre de bénéficiaires et les montants versés sont en augmentation. Il ne s’agit ni d’une allocation de revenu ni d’un complément de revenu, mais d’une aide qui permet d’éviter certains impayés. À la suite des conclusions du groupe de travail sur les APL, vous avez décidé de plusieurs mesures que j’ai eu la charge de mettre en application. Elles étaient de plusieurs ordres : un arrondi au 1er janvier ; la mesure « loyers excessifs » et la mesure « patrimoine ». La mesure de suppression des APL pour les étudiants dont les parents sont assujettis à l’impôt de solidarité sur la fortune n’a fait l’objet d’aucun commentaire particulier, je n’y reviendrai donc pas.

Sur les loyers excessifs, nous avons repris les travaux que vous aviez menés pour aboutir à une mesure équitable. Les différents ministères concernés ont adressé une lettre à l’ensemble des caisses d’allocations familiales pour rappeler que nous étions disponibles pour examiner s’il fallait appliquer la mesure dans sa totalité pour tous les dossiers faisant l’objet d’interrogations ou de litiges. Nous avons été saisis de 120 demandes d’explications, et il y a eu 70 dégrèvements.

Nous avons surtout constaté, dans ces dossiers de loyers excessifs, que certains revenus n’avaient pas été déclarés, ou que les loyers étaient payés par des tiers, voire qu’il s’agissait de revenus intrafamiliaux. Il n’est pas question de remettre en cause la bonne foi des bénéficiaires, mais est-ce le rôle des APL ? J’ai aussi été saisie du cas d’une personne qui utilise son domicile pour travailler. Alors qu’elle pourrait défiscaliser une partie de ses dépenses, elle ne touche plus l’APL parce que son loyer est excessif. Est-ce à l’APL de financer l’activité professionnelle ?

Pour ce qui est de la mesure « patrimoine », je rappelle que c’est le Parlement qui a décidé de créer le plafond de 30 000 euros. Elle est déclarative et s’applique en deux temps : à partir de début octobre pour les nouveaux entrants, et, pour le stock des bénéficiaires, au cours de l’année prochaine, à l’occasion de la mise à jour de leur situation. Une étude d’impact fondée sur des éléments diffusés par la Caisse nationale d’allocations familiales faisait apparaître que 650 000 bénéficiaires pourraient être affectés. En réalité, nous ne saurons le chiffre exact que lorsque la mesure sera appliquée. Aujourd’hui, nous n’avons pas encore les retours des nouveaux entrants permettant de savoir ce qu’il en est dans le détail.

Sans débattre du symbole, qui est important, je rappelle que ce plafond de 30 000 euros n’est pas sorti de nulle part : il a aussi été utilisé pour d’autres études, notamment les minima sociaux tels que le revenu de solidarité active (RSA). Cette mesure ne s’appliquera ni aux personnes handicapées ni aux personnes âgées en EHPAD – c’est en tout cas ainsi que nous avons rédigé le décret, et nous vous proposerons de le graver dans le marbre lors de la discussion de la loi de finances rectificative. Je rappelle enfin que, si le plafond des livrets A est de 30 000 euros, l’encours moyen est plutôt de 4 000 euros. Même si un célibataire a 30 000 euros de patrimoine, son APL est dégressive ; l’APL n’est totalement supprimée qu’à des niveaux de patrimoine bien plus élevés.

J’entends bien le débat que cette mesure soulève, mais on ne peut vouloir s’attaquer continuellement à la rente et trouver cependant qu’elle peut être intéressante. Il faut que nous obtenions des retours très rapides des différentes CAF sur l’application de cette mesure pour déterminer si le curseur a été placé au bon endroit. Le rapport sur les APL montre bien que, pour une dépense si faramineuse, qui touche 6,5 millions de bénéficiaires, il faut faire des choix. Soit nous décidons de modifier quelques curseurs, soit nous décidons de mesures d’économies massives qui affecteraient tous les bénéficiaires, qui sont pourtant dans des situations très différentes. Il me semble que ces mesures d’économies sont plutôt bien calibrées et réintroduisent de l’équité dans le système. En tout état de cause, nous disposerons d’éléments de réponse plus précis dans les mois qui viennent.

Le Fonds national des aides à la pierre est une création inédite, qui rassemble des représentants de l’État, des bailleurs sociaux, des collectivités territoriales, un député et un sénateur. Il faut aujourd’hui construire, en coparticipation, la programmation pour 2017. Des groupes de travail régionaux font actuellement remonter les informations pour établir cette programmation, qu’il est prévu d’adopter lors d’un conseil d’administration au début du mois de décembre. La programmation sera alors transmise aux députés. Dans les années à venir, nous essaierons de faire correspondre ce calendrier avec l’examen des lois de finances. Nous n’avons pas réussi à le faire cette année, car le FNAP n’a été créé qu’en août de cette année.

Nous avons pu obtenir une certaine sécurisation des aides à la pierre, car les crédits du FNAP y restent d’une année sur l’autre. Cela permettra d’atteindre une masse financière importante pour lancer ces programmes chaque année, et permettre des déclinaisons régionales suffisantes pour tenir la programmation de 150 000 logements sociaux par an. Nous pouvons atteindre ce chiffre, au niveau national : nous constatons une dynamique des bailleurs sociaux et des maires. Nous avons laissé derrière nous la période difficile de 2014 et des élections municipales, qui ont ralenti les projets, et nous observons actuellement un effort très important. En outre, la forte pression exercée par l’État pour faire appliquer la loi SRU, notamment dans les communes carencées, et le fait que nous ayons repris les permis de construire de certaines communes entraînent un démarrage de la production dans des secteurs où elle était faible.

Christophe Caresche me demandait si je partageais les propos de Christian Eckert sur Action Logement : je les partage toujours. Il est vrai que l’équilibre financier d’Action Logement n’est pas menacé. Après l’adoption, en mai dernier, de la loi que j’ai défendue et la publication de l’ordonnance, Action Logement s’est lancé dans une très importante réforme de sa gouvernance, visant à améliorer son efficacité et à réduire certaines dépenses qui font doublon, afin de mieux se consacrer à ses actions de construction, d’accompagnement, de sécurisation, d’accession sociale ou aux programmes de l’association Foncière Logement. Je suis très attentive à ce qu’Action Logement ait tous les moyens de ses missions et fonctionne bien : le choix qui a été fait ne met pas la société en difficulté, même si l’on peut comprendre qu’il ait pu froisser ses gestionnaires.

En matière de dépenses fiscales, vous avez évoqué la question du Borloo dans l’ancien. Je vous proposerai, dans le projet de loi de finances rectificative, d’améliorer ces dispositifs en les recentrant dans les zones où nous en avons besoin, en simplifiant les dispositifs, en améliorant leur lisibilité et en renforçant la communication les concernant.

Cela va de pair avec une action que j’ai lancée aujourd’hui même : le réseau national des collectivités mobilisées contre les logements vacants. De nombreuses collectivités développent en ordre dispersé des actions fondées sur le fichier lié à la taxe sur les logements vacants. Notre objectif est de mieux les mobiliser autour de cet objectif, qui permet de libérer des logements pour des ménages aux revenus faibles. La vacance de logements – liée à la vacance commerciale, comme en témoigne un récent rapport remis à Martine Pinville sur la revitalisation commerciale des centres-villes – a des effets néfastes sur la dynamique de nombreux territoires. La situation n’est pas liée aux tensions du marché du logement, et nous serons certainement amenés, dans les années à venir, à créer de nouveaux outils de portage et de mobilisation, car nous nous heurtons à de grandes difficultés pour revitaliser les centres-bourgs.

Il est très compliqué de mesurer exactement le potentiel des logements vacants, car il existe des différences importantes entre le fichier INSEE et le fichier fiscal. Certains logements que l’on pense vacants ne sont pas des logements, ou ne sont pas vacants, ou ne peuvent pas être loués, car ils sont indécents. Il faut affiner le travail, mais, lors de la réunion de ce jour, qui réunissait une vingtaine de territoires, il est apparu que les objectifs pouvaient paraître modestes – 50, 100 ou 150 logements remis sur le marché –, mais que, à l’échelle de bien des agglomérations, ils sont loin d’être négligeables.

Sur les prêts de haut de bilan, le Premier ministre a annoncé que le montant initial de l’enveloppe – 2 milliards – serait augmenté de 1 milliard supplémentaire. Suite à l’ouverture de ces prêts de haut de bilan, qui sont bonifiés à parité par la Caisse des dépôts et par Action Logement, nous avons reçu des demandes à hauteur de 6 milliards. Constatant cette très forte dynamique et l’importance des besoins, il nous a paru utile d’augmenter l’enveloppe. Nous sommes en cours de négociation avec la Banque européenne d’investissement (BEI) pour le troisième milliard. La BEI était présente lors de la réunion où nous avons décidé de cette enveloppe supplémentaire, et elle est extrêmement volontaire pour avancer. La discussion est menée par la Caisse des dépôts, et la bonification se ferait essentiellement par la Caisse des dépôts, Action Logement s’en tenant à la bonification de la première enveloppe.

Les réponses aux demandes des bailleurs sociaux ont déjà été faites. Ces prêts de haut de bilan iront pour partie à la production neuve, et pour le reste à la rénovation, qui représente les trois quarts de la cible. Nous estimons que ces prêts de haut de bilan permettront de rénover 200 000 logements sociaux supplémentaires et d’en construire 80 000 de plus. Le but de ces prêts est d’augmenter l’activité. Nous pensons qu’ils seront très utiles.

Vous m’avez interrogé sur la ponction de 50 millions d’euros sur la Caisse de garantie du logement locatif social. Le ratio de solvabilité de la CGLLS est aujourd’hui de 22 %, alors que les règles prudentielles imposent de rester au-dessus de 10,5 %. À court terme, les fonds propres de la CGLLS nous semblent donc suffisamment solides. Néanmoins, nous restons vigilants, notamment en raison des prêts de haut de bilan, car c’est la CGLLS qui apportera une partie des garanties. Il est très important qu’elle puisse garantir ces prêts sur le long terme.

Le budget de l’Agence nationale de l’habitat reste fragile, c’est vrai, d’abord en raison de sa structure même, car ses ressources sont extrêmement instables. En tant qu’écologiste, je pense que la ressource « quota carbone » était une excellente idée, mais ces quotas carbone sont extrêmement instables et ont beaucoup baissé cette année, même s’ils ont augmenté ces derniers temps : la tonne vaut aujourd’hui 6,20 euros, alors qu’elle était à 4 euros il y a quelque temps. Cette volatilité complique l’élaboration d’un budget, qui, certes, n’est pas construit uniquement autour des quotas carbone et reçoit le soutien de différents fonds, dont Action Logement.

Nous avons souhaité augmenter les objectifs de rénovation de l’ANAH dans le cadre du programme « Habiter mieux ». Nous sommes passés de 50 000 à 70 000 logements en mars dernier, et l’objectif est d’arriver à 100 000 logements l’année prochaine. Pour pérenniser ce budget, et selon le niveau des quotas carbone, nous pouvons avoir besoin d’un maximum de 120 millions d’euros. Ségolène Royal a donné son accord pour que le fonds de financement de la transition énergétique (FFTE) participe au budget de l’ANAH à hauteur de 50 millions. La Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) contribuera, elle, pour 20 millions supplémentaires. Il s’agit pour nous d’un sujet très important, car l’ANAH est un outil qui fonctionne très bien : non seulement l’agence rénove des logements en lien avec les artisans locaux, dans le cadre de conventions départementales, mais elle sait aussi travailler dans les logements occupés – notamment chez les personnes âgées.

Cela dit, l’avenir du financement d’un grand nombre de nos actions tient à la mise en place d’un corridor pour le prix du carbone. Il ne faut pas abandonner l’idée des quotas carbone qui a d’autant plus de sens que, depuis l’entrée de l’accord de Paris, nous avons aussi à remplir nos engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le programme de l’ANAH, le CITE et l’éco-PTZ sont essentiels pour atteindre ces objectifs, puisque le secteur du bâtiment produit 20 à 22 % de ces émissions.

Enfin, je partage le point de vue de Mme Orliac concernant la maquette de performance : il nous faut en effet l’améliorer d’ici à l’année prochaine.

Mme Audrey LinkenheldLa situation dans le secteur de la construction et de l’immobilier s’améliore. Je ne reprendrai pas les chiffres qui ont déjà été cités, mais je voudrais dire que le groupe Socialiste, écologiste et républicain partage l’analyse du rapporteur pour avis Daniel Goldberg, tant en ce qui concerne les raisons de ce qu’il a appelé une « vitrification » des chiffres du secteur que celles de leur embellie. C’est donc dans un contexte favorable que nous examinons ce soir la mission « Égalité des territoires et logement » du dernier projet de loi de finances du quinquennat. Ce contexte favorable est une bonne nouvelle.

De même, le fait que ce budget pour 2017 soit marqué par une continuité fiscale et budgétaire est un motif de satisfaction. Dans un contexte de maîtrise de la dépense publique et de redressement des finances publiques, cette stabilité est à saluer.

Le montant alloué à cette mission s’établit aux alentours de 18 milliards d’euros. Il est stable, mais le programme 177 connaît une très nette augmentation. En tant que députée du Nord et des Hauts-de-France, je veux à mon tour saluer l’action du Gouvernement et, au sein de ce dernier, la vôtre, madame la ministre – aux côtés de Bernard Cazeneuve. Ce qui est en train de se passer était très attendu dans notre région et ailleurs. Nous pouvons en être particulièrement fiers. Quand on voit ce qui se dit aujourd’hui dans une autre région, située à l’opposé des Hauts-de-France, il est important de le rappeler.

Le programme 109, consacré aux APL, pèse toujours extrêmement lourd, même si nous avons décidé l’an dernier d’engager une « mini-réforme » du financement de ces aides, suivant les conclusions du groupe de travail présidé par François Pupponi et auquel j’ai participé. Il nous faut assumer cette réforme tout en étant ouverts aux ajustements, notamment en ce qui concerne la question du plafond.

Le programme 135 connaît une légère baisse, mais les priorités en matière de logement, de construction, d’urbanisme et d’aménagement sont financées. Je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit concernant la prolongation du dispositif Duflot-Pinel, le fait que le PTZ fonctionne bien mieux qu’avant, la prorogation du crédit d’impôt pour la transition énergétique et les effets bénéfiques de la TVA à taux réduit. J’insisterai en revanche à mon tour sur la question de la rénovation énergétique. On sait qu’il y a des enjeux majeurs de financement dans ce secteur. Il convient de veiller à ce que le crédit d’impôt, comme il concerne des sommes importantes, cible bel et bien les populations qui en ont le plus besoin et les meilleures performances énergétiques. En tout état de cause, on peut se réjouir qu’en matière de rénovation comme de construction, les objectifs ambitieux fixés en début de quinquennat soient en passe d’être atteints – ils le sont ainsi à 79 % en matière de rénovation.

Nous avons également déjà parlé du FNAP. Je me félicite à mon tour de son installation et de sa composition, mais je tiens à signaler que la parité de son financement, initialement prévue, n’est pas tout à fait assurée dans ce budget. Les aides à la pierre distribuées par l’État doivent rester à un niveau significatif pour attester de la volonté de régulation qui est celle du Gouvernement et de l’État. Même si ce budget est globalement satisfaisant, je souhaiterais que le Gouvernement envoie un message plus fort en ce domaine et qu’il défende mieux le modèle universel du logement social. Vous avez à juste titre indiqué que les financements étaient davantage centrés sur les territoires qui en ont le plus besoin : cela se sent aussi en matière d’aides à la pierre puisque, selon les prévisions pour 2016, 39 % des logements locatifs sociaux financés à l’aide d’un prêt locatif à usage social (PLUS) ou d’un prêt locatif aidé d’intégration (PLAI) seront en zone A, contre 29 % seulement en 2014. Voilà un signe positif de recentrage.

Enfin, quelques jours après la présentation du rapport d’application des titres III et IV de la loi ALUR, je me réjouis que soient prévus dans ce budget des investissements qui permettront une meilleure application du texte. Je pense aux systèmes d’information, au système national d’enregistrement et au Géoportail de l’urbanisme qui permettra de faire encore plus de pédagogie sur les documents d’urbanisme volontaristes prévus par cette loi.

En résumé, ce budget pour l’année 2017 nous convient dans ses grandes lignes, à quelques ajustements près, car encore une fois, il alloue les moyens nécessaires à l’application des textes que nous avons votés depuis 2012 – la loi ALUR, la loi relative à la transition énergétique et même la loi réformant le droit d’asile –, ainsi que celle de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU). Enfin, ce budget permet de soutenir une politique active au service du logement abordable et durable tout en contribuant à la maîtrise des finances publiques. C’est la raison pour laquelle notre groupe le votera.

J’ai beaucoup apprécié votre intervention, madame la ministre. Vous n’avez pas toujours les réponses ou les solutions immédiates aux nombreuses questions qui vous ont été posées. Mais nous partageons les mêmes intentions politiques, et la volonté est là.

Mme Dominique Orliac, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, pour l’hébergement, le parcours vers le logement et l’insertion des personnes vulnérables. Je m’exprime à présent non plus en tant que rapporteure pour avis, mais en tant que représentante du groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste.

La mission « Égalité des territoires et logement » que nous examinons est considérable, non seulement en termes budgétaires – puisqu’elle représente plus de 18 milliards d’euros –, mais surtout en termes de politique publique, car elle correspond au périmètre du ministère et constitue le support des plans de relance de la construction de logements et de lieux d’hébergement des personnes fragiles. Nous notons avec satisfaction que les crédits augmentent : ils s’élèvent à 18,369 milliards d’euros en autorisations d’engagement contre 18,143 milliards l’année dernière. Notre groupe est en phase avec les priorités qui sont retenues : la relance de la construction, le soutien à l’accession à la propriété ou le développement de l’offre d’hébergement.

Évidemment, la plus grande partie du budget du ministère – qui est de 15,422 milliards – est destinée au financement des aides personnelles au logement. Ce montant reste stable par rapport à l’année dernière. Ces aides sont au centre d’un débat récurrent sur ce budget. Elles peuvent être facteur de la hausse des prix des loyers et être finalement récupérées par les propriétaires bailleurs. La voie est complexe et étroite pour continuer à aider les plus défavorisés à se loger sur le marché locatif privé tout en évitant les effets de hausse des loyers. Les rapports et les propositions de réforme sont nombreux. Nous tâtonnons depuis longtemps. Il serait injuste de blâmer qui que ce soit à ce sujet. Nous pensons qu’il faudrait mener un travail commun avec toutes les sensibilités politiques pour aboutir à un consensus afin de ne pas politiser la question.

En effet, plus globalement, les questions de logement sont sensibles pour les personnes résidant en France. Avoir un logement est une nécessité humaine fondamentale pour assurer des conditions de vie décentes. Aujourd’hui, le logement est un problème pour de nombreux citoyens et résidants de notre pays – souvent, d’ailleurs, les plus défavorisés. Le logement est véritablement au cœur de notre pacte républicain. Il correspond à un besoin impérieux auquel nous avons le devoir de répondre.

L’action vigoureuse et volontariste du Gouvernement, depuis bientôt trois ans, porte ses fruits en faveur de la construction et de la rénovation de logements sociaux, de l’encouragement aux travaux de rénovation énergétique et de l’investissement locatif. Il s’agit aussi de toutes les mesures visant à mieux prendre en compte les territoires ruraux telles que le déploiement des maisons de service public – 1 000 créations sont prévues d’ici à la fin de l’année 2016 –, l’extension du PTZ aux zones rurales, les engagements financiers pour les actions territorialisées des contrats de plan État-régions ou l’aide aux maires bâtisseurs qui a été mise en place en 2015.

L’investissement locatif est encouragé par un dispositif efficace, ayant un puissant effet incitatif, mais il lui faut un réglage fin pour avoir une efficience maximale. Depuis le 1er janvier 2015, le dispositif Pinel a été assoupli en zone tendue puisque les investisseurs ont désormais la possibilité de louer leur bien à un ascendant ou à un descendant. Nous entendons parfois des voix s’élever pour demander un resserrement du dispositif. C’était l’objet d’amendements proposant un ajustement et un report de la possibilité de louer à un descendant. L’idée peut paraître séduisante, mais moins de deux ans après le lancement de ce dispositif, nous devons en priorité renforcer l’encouragement à la construction, qui repart à la hausse, et la stabilité du dispositif est une condition nécessaire pour garantir la confiance des investisseurs et des promoteurs. Il ne sera cependant pas interdit d’y repenser peut-être à moyen terme, lorsque la relance de la construction sera consolidée et stabilisée.

Enfin, le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » est en hausse, passant de 1,513 milliard à 1,539 milliard. C’est l’action « Hébergement et logement adapté » qui bénéficie le plus de la hausse des crédits, ce dont notre groupe se félicite. Les crédits de cette action augmentent de 29 % par rapport à la LFI 2016, soit de 379,6 millions d’euros. Cela permet à la fois de faire face à la hausse des besoins en matière d’hébergement d’urgence et d’assurer le développement de places en logement adapté. Le plan triennal 2015-2017 de substitution de dispositifs alternatifs aux nuitées hôtelières et d’amélioration de la prise en charge de l’hôtel est toujours mis en œuvre, notamment pour offrir des solutions pérennes et de qualité adaptée aux familles et aux enfants.

Le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste soutiendra ce budget.

M. Gilles LurtonLa loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013, relative à la mobilisation du foncier public, impose aux communes de plus de 3 500 habitants d’avoir un nombre total de logements locatifs sociaux représentant au moins 25 % des résidences principales. Encore faut-il qu’elles aient assez de terrains et d’infrastructures ou assez de demandes de logements locatifs sociaux pour échapper à la quintuple pénalité. Si je comprends ces dispositions à l’égard de communes qui s’exonéreraient complètement de l’obligation d’assurer la mixité du parc de logements, elles posent de nombreuses difficultés à celles qui dépassent le seuil de 3 500 habitants et qui n’ont pas sur leur territoire une demande suffisante en logements locatifs sociaux pour atteindre ce taux de 25 %.

J’ajoute que certaines villes sont classées en zone tendue. Il en résulte une forte pression immobilière sur ces communes-centres que de nombreux ménages quittent pour s’installer dans les communes périphériques. Cette difficulté s’accroît d’autant plus lorsque ces communes construisent du logement privé pour répondre à la demande des habitants des grandes communes-centres venant s’installer en périphérie. Chaque fois que ces communes réalisent un logement privé, elles augmentent de fait le pourcentage de logements locatifs sociaux à réaliser.

Je suis prêt à reconnaître que cette loi poursuit un objectif louable de répartition et de mixité sociale. Cependant, force est de constater qu’elle n’est pas applicable en l’état, compte tenu de la réalité de nombreuses petites communes. Je ne prendrai qu’un exemple pour illustrer mon propos. Une ville très en retard dans la construction de logements locatifs sociaux, devant porter leur proportion de 5 à 25 %, devrait ne construire que des logements sociaux pendant dix ans, mais il lui est impossible de le faire dans la mesure où le logement social est souvent financé par un surcoût sur les logements privés. Pour rattraper son retard, il faudrait qu’à tout nouveau lotisseur, elle impose non pas 25 % de logements sociaux, mais 35 à 40 %. Or aucun lotisseur ne voudra imputer sur six logements le déficit lié à la vente à perte de quatre logements sociaux à des organismes de logement social : il ira construire dans les communes qui ont déjà beaucoup de logements sociaux.

Madame la ministre, auriez-vous le projet d’adapter ce texte pour le rendre applicable dans les communes qui rencontrent ce type de difficultés ?

Mme Brigitte AllainJe remercie tout d’abord M. Caresche pour ce rapport très intéressant. Je tiens à exprimer ma satisfaction concernant les logements d’urgence qui ont été réalisés pour les personnes sans abri et la dignité avec laquelle ont été accueillis les migrants et les demandeurs d’asile. Je suis également très satisfaite du nombre de logements sociaux créés, tant nous en avions besoin.

J’ai pu constater en Bergeracois que des logements vacants avaient été mobilisés pour recevoir des migrants. J’ai eu l’immense honneur d’en accueillir certains, en provenance de Calais. Notre département accueille aussi, depuis aujourd’hui, des mineurs isolés, et je m’en félicite.

Plusieurs orateurs ont exprimé leur satisfaction de voir enfin réalisés des logements peu chers. La conception de ces derniers est-elle néanmoins conforme à l’objectif – à la fois écologique et économique – de basse consommation énergétique ? De fait, de trop nombreux logements peu chers s’avèrent coûteux à la longue, non seulement pour leurs habitants, mais aussi pour le pays.

Vous avez répondu tout à l’heure à plusieurs de mes questions concernant la prise en compte des revenus du patrimoine dans le calcul des APL, madame la ministre : je n’y reviendrai donc pas. Mais il semblerait qu’il soit prévu d’inclure dans ce calcul un revenu forfaitaire de 3 % concernant l’épargne. Or il est très rare aujourd’hui d’atteindre un tel revenu d’épargne.

Enfin, concernant la loi SRU, plusieurs élus sur mon territoire m’ont demandé si le fait de pourvoir en logements sociaux les secteurs ruraux qui en sont peu dotés allait réellement entraîner la revitalisation de ces derniers. Ces lieux étant souvent éloignés des bassins d’emploi, ne risque-t-on pas indirectement, en y créant des logements sociaux, d’ajouter un problème social aux problèmes existants ?

M. Romain ColasJe remercie Mme la ministre pour la précision de ses réponses – s’agissant notamment du plafonnement des APL et de l’évaluation de la réforme de ces aides.

Ce n’est pas une question budgétaire que je souhaiterais vous poser. Puisque M. Lurton nous a autorisés à sortir des sentiers battus, en voulant remettre en cause la loi SRU, je soulèverai le problème francilien du devenir de l’Office public de l’habitat interdépartemental de l’Essonne, du Val-d’Oise et des Yvelines (OPIEVOY). Cet office est appelé à être dissous le 1er janvier prochain, la majorité du conseil régional d’Île-de-France ayant refusé de régionaliser ce bailleur public, le deuxième de France, qui gère un parc de 50 000 logements. Pourriez-vous nous dire, madame la ministre, quelle est l’actualité de ce dossier ? Je vous sais en effet très attentive à la nécessité de garantir les droits des locataires et la qualité de la gestion locative de ce parc.

Mme la présidente Catherine LemortonJe ferai une remarque en lien avec le rapport de Mme Dominique Orliac. L’article L. 345-2-2 du code de l’action sociale et des familles est très clair : « Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d’hébergement d’urgence. » Or, à Toulouse, mais aussi dans d’autres villes, le 115 ne répond plus qu’à 10 % des appels et offre des solutions qui ne correspondent pas aux exigences de cet article de loi. J’entends bien que le budget fasse l’objet d’un abondement supplémentaire pour répondre à cet objectif – ce fut le cas l’année dernière à hauteur de 825 000 euros. Mais il suffit de prendre sa voiture ou de parcourir une ville à pied pour s’apercevoir que les gens restent toujours à la rue. Cela pose un réel problème. Les associations sont fort mécontentes – à juste titre – malgré les efforts accomplis. Quelles sont votre vision et celle du Gouvernement à ce sujet ? Un abondement supplémentaire est-il prévu au début de l’année 2017 ?

M. Guillaume Bachelay. Le montant de ce budget connaît une augmentation significative, comme l’a souligné Mme la rapporteure pour avis Dominique Orliac – dont l’excellent rapport fait le point sur l’hébergement d’urgence, le parcours vers le logement et l’insertion des personnes vulnérables, et présente des pistes d’amélioration pour l’avenir.

L’État joue un rôle essentiel dans l’animation et le pilotage des politiques publiques en matière d’hébergement d’urgence et d’accès au logement, et des outils d’analyse et d’observation des phénomènes de précarité et de pauvreté. C’est en ce sens que le plan pluriannuel 2015-2017 contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale réaffirme la nécessité de sortir de la gestion de l’urgence et de mettre en place des solutions pérennes de logement – comme vous l’avez fait, madame la ministre, en évoquant les 118 000 places pérennes qui existent aujourd’hui. Cette feuille de route qu’est le plan pluriannuel vise un double objectif : accélérer l’accès au logement pour un plus grand nombre de personnes, y compris les personnes à faibles ressources ou en difficulté sociale, et garantir un accompagnement adapté, le cas échéant, en structurant mieux la réponse apportée aux personnes exclues par un accueil de proximité d’un niveau suffisant.

Le Gouvernement affirme donc sa volonté de sortir d’une gestion saisonnière de la politique d’hébergement pour entrer dans une logique de pérennisation. En 2015, 2 000 places d’hébergement d’urgence étaient pérennisées pour limiter les retours à la rue à l’issue de la période hivernale ; cette politique a été reconduite, 2 300 places étant pérennisées en 2016. Le budget que vous nous présentez permettra de poursuivre cette démarche de création de places supplémentaires, l’idée étant d’abandonner la gestion au coup par coup pour pérenniser l’offre de places d’hébergement et réduire ainsi l’inflation galopante qu’a connue ces dernières années le nombre de nuitées d’hôtel.

Les services intégrés d’accueil et d’orientation, qui existent désormais dans chaque département en vertu de la loi ALUR, constituent l’un des outils d’une meilleure gestion des places d’hébergement. L’objectif est d’intégrer la plateforme du 115 au sein de ces services afin d’en asseoir le rôle de régulation et de plateforme unique pour toutes les places d’hébergement, et de renforcer sa capacité d’affectation des places vacantes. Le déploiement de ce système d’information commun à l’ensemble des SIAO, déjà utilisé dans quarante-trois départements, se poursuivra en 2017 en vue de la généralisation.

Je fais un rêve : celui qu’un jour, tout appel au 115 aboutisse du premier coup et se solde par l’attribution immédiate d’une place aux demandeurs. Certes, ce n’est qu’un rêve, surtout en région parisienne où, comme le rappelait Mme Lemorton, les difficultés d’obtenir une réponse et, a fortiori, une place sont considérables. Néanmoins, le Gouvernement consent des efforts suffisamment importants pour espérer que la situation s’améliore même en Île-de-France.

Une fois gérée l’urgence, les personnes en difficulté, qui relèvent souvent du droit commun, peinent très souvent à poursuivre leur parcours en trouvant une solution dans le logement social. Je l’ai constaté en qualité de rapporteur de la mission d’information sur les immigrés âgés, dont beaucoup se trouvent dans des foyers Adoma ou du même ordre et finissent par y être assignés, en quelque sorte, parce qu’ils ne parviennent pas à obtenir un logement social en dépit du fait qu’ils résident dans leur commune depuis plusieurs décennies et que leur demande est déjà ancienne. Ce qui vaut pour les immigrés âgés dans les foyers vaut sans doute pour d’autres personnes contraintes de demeurer dans des structures d’urgence alors qu’elles sont éligibles à un logement social. De ce point de vue, l’État dispose de moyens de pression pour que les bailleurs sociaux, notamment municipaux, créent des filières spécifiques afin de faciliter l’accès au logement social de personnes provenant de l’hébergement d’urgence.

Enfin, le rapport de Mme Orliac présente des pistes d’amélioration visant à assurer une meilleure coordination entre les outils existants, mais aussi entre le secteur social et le secteur médico-social, et à mettre l’accent sur les politiques de prévention des maladies psychiques et des addictions.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Nous devons en effet envoyer un signal fort, madame Linkenheld, pour que les aides à la pierre soient maintenues à un niveau élevé. Certes, la parité est un objectif d’autant plus louable que l’État a parfois adopté des positions fluctuantes s’agissant des aides à la pierre, mais c’est surtout le montant alloué in fine au FNAP qui importe. Avec 500 millions d’euros, nous aurons les moyens de reconduire une programmation aussi ambitieuse, voire plus, qu’en 2016, sachant que les prêts de haut de bilan ne sont pas négligeables dans la période actuelle. Soyons francs : la reprise de la construction produit aujourd’hui de très bons résultats, mais ce n’était pas le cas en 2014, époque à laquelle le logement social, lui, était déjà dynamique et nourrissait l’essentiel de la construction dans les grandes métropoles, même s’il a encore progressé depuis. Cette production contracyclique avait déjà permis de reprendre en 2008 et 2009 une partie des programmes privés qui ne trouvaient plus preneur.

D’autre part, même si la programmation relève désormais du FNAP, nous nous engageons à ce que la production de logements en PLAI – le logement très social – et en PLUS demeure très importante, car ce secteur est largement déficitaire dans nos fichiers de demandeurs de logements sociaux.

Vous avez rappelé l’existence, madame la députée, de nombreuses missions qui dépassent le seul cadre du budget : le Géoportail, la réforme des PLU, PLUI, SCOT et autres documents d’urbanisme, les observatoires des loyers, les établissements publics d’aménagement et des établissements publics fonciers – toutes missions très fructueuses et indispensables dans le contexte d’une croissance de la production de logements.

S’agissant du plan pluriannuel contre la pauvreté et de la diminution du nombre de nuitées hôtelières, madame Orliac, l’objectif pour la période 2015-2017 vise à supprimer à coût constant 10 000 places d’hébergement en hôtel pour créer 2 500 places d’hébergement d’urgence pour familles, 9 000 places en intermédiation locative et 1 500 places en pension de famille. Cette transformation vise naturellement à insérer sur-le-champ des personnes dans le processus du logement. Aujourd’hui, en effet, nos structures d’hébergement accueillent des personnes dont la situation, même si elle est difficile, ne relève pas forcément de l’hébergement d’urgence, mais plutôt de l’accès au logement. C’est pourquoi les places en intermédiation locative, qui permettent d’utiliser le parc privé à des fins sociales, sont très utiles. Nous avons relancé une expérience en la matière dans les communes carencées en logements sociaux pour répondre à la forte demande qui existe sur place.

Quoi qu’il en soit, nous souhaitons garder le cap fixé dans le plan de réduction des nuitées hôtelières, car il a non seulement une importance sociale, mais aussi une pertinence économique, ces nuitées étant très onéreuses. Les centres pérennes offrant une prise en charge plus complète coûteraient beaucoup moins cher à l’État.

En arrière-plan, cela suppose de faire face à la demande croissante émanant de publics en grande précarité, tant il est vrai, madame la présidente Lemorton, que la situation de l’hébergement est depuis longtemps très tendue dans certaines villes et régions : l’Île-de-France et Rhône-Alpes, dans lesquelles nous avons conduit une action très forte ces dernières années, mais aussi Marseille, Toulouse et Montpellier, où nous entendons répondre aux besoins, alors que nous venons de préparer la saison hivernale. Précisons toutefois que, pour créer des places, il faut disposer de locaux et de personnel, et s’efforcer de fluidifier les parcours en s’assurant que la construction concerne d’autres secteurs que le seul hébergement d’urgence, en particulier le logement le plus durable.

C’est pourquoi nous conduisons de nombreuses actions qui dépassent le cadre des centres d’hébergement d’urgence et des centres d’hébergement et de réinsertion sociale : nous expérimentons par exemple l’hébergement en logements dans lesquels les personnes concernées, si les choses se passent bien, peuvent rester grâce à un mécanisme de baux glissants. D’autre part, nous constatons que de nombreuses personnes ne bénéficient pas de l’ensemble de leurs droits sociaux : nombreux sont ceux qui ne touchent pas les minima sociaux auxquels ils ont droit ou qui découvrent la prime d’activité. Autrement dit, le combat pour l’accès aux droits de ces publics est devant nous. Enfin, les personnes hébergées le sont parfois en maison de retraite – un sujet dont les associations spécialistes ont encore peu l’habitude. Il existe en effet un public âgé très précaire qui a besoin d’une prise en charge spécifique, ainsi que des personnes ayant longtemps vécu à la rue et qui relèvent aujourd’hui des dispositifs destinés aux personnes âgées.

Les logements neufs, madame Allain, doivent au minimum respecter le label « bâtiment basse consommation » (BBC), mais nombreux sont les permis de construire qui sont assortis d’exigences beaucoup plus élevées. Une nouvelle réglementation concernant d’une part les « constructions bas carbone », qui devrait entrer en vigueur en 2018 pour répondre aux objectifs de la stratégie nationale bas carbone, et d’autre part les bâtiments à énergie positive, dont l’entrée en vigueur est prévue en 2020 pour respecter les règles fixées dans la loi, est en cours d’expérimentation. L’enjeu consiste à construire dans le respect des exigences environnementales tout en maintenant les coûts à des niveaux maîtrisables, car l’outil de production des logements est concerné dans son ensemble.

La règle du calcul de l’APL est la même que celle qui s’applique au RSA, qu’il s’agisse du plafond retenu ou des livrets inclus dans le calcul. Il a été décidé que, à partir de 3 % de rendement, le livret A serait pris en compte pour déterminer la dégressivité de l’APL, comme c’est le cas pour le RSA.

J’en viens à la loi SRU. Il se trouve, monsieur Lurton, que l’Assemblée examinera lundi prochain le projet de loi sur l’égalité et la citoyenneté dont le titre II, relatif au logement, vise à renforcer la loi SRU. En 2013, le législateur a déjà décidé de reporter le délai de mise en conformité à 2025 tout en relevant le taux de logements sociaux de 20 % à 25 %. Le regroupement en intercommunalités se traduit aujourd’hui par l’assujettissement de certaines communes à la loi SRU, parce qu’elles se trouvent dans une agglomération concernée.

Deux questions se posent. La première concerne les communes qui peinent à réaliser leurs objectifs dans les délais alors qu’elles sont soumises à la règle depuis longtemps, comme Le Cannet, dont la maire m’avait interrogé en séance publique en juillet dernier. Peut-on vraiment prétendre ne pas y arriver étant donné le nombre de permis de construire délivrés dans ces communes depuis 2000 ? Certaines communes connaissent des difficultés réelles du fait de difficultés foncières, de l’application de la loi Littoral ou de la loi Montagne, ou encore d’obstacles physiques à la construction de logements. Nombre d’autres communes carencées, néanmoins, ne veulent pas que la loi SRU s’applique sur leur territoire alors qu’elles n’ont en réalité jamais cessé de construire depuis l’adoption de la loi il y a seize ans. À l’évidence, la marche est plus dure à franchir après tant d’années, et cela coûte cher. Je pose néanmoins la question suivante : pourquoi ces communes n’ont-elles rien fait depuis seize ans, alors que beaucoup d’autres ont respecté la loi ? La loi SRU, en effet, a permis de produire plus de 500 000 logements dans les communes visées. L’étude d’impact de la loi sur l’égalité et la citoyenneté établit que, si toutes les communes construisaient le nombre de logements qui leur est prescrit par la loi d’ici à 2025, il resterait environ 700 000 logements sociaux à construire – et encore ce calcul exclut-il les communes qui ont déjà 25 % de logements sociaux et qui souhaitent porter cette part à 30 %, qui produisent elles aussi de nombreux logements. Pourquoi est-il impossible de construire ces logements, alors que 65 % des Français sont éligibles au logement social ? Rappelons que cette notion recouvre notamment le logement familial, le logement étudiant, le logement des personnes âgées, les foyers de jeunes actifs et d’autres sujets spécifiques. En clair, le logement social répond à des besoins particuliers à tel ou tel stade de la vie. C’est pourquoi cette offre doit, me semble-t-il, exister sur l’ensemble du territoire.

La deuxième question concerne les communes situées dans une zone « détendue » et non desservies par les transports, qui comptent souvent 3 000 ou 4 000 habitants et où la production de nouveaux logements sociaux ne répond objectivement à aucune demande. Je proposerai de rétablir une disposition du projet de loi sur l’égalité et la citoyenneté supprimée par le Sénat, qui vise à utiliser le critère du taux de pression du logement social pour soustraire plusieurs centaines de communes aux obligations qui leur sont actuellement faites et qui, dans leur cas, n’ont pas matière à s’appliquer. Les maires de ces communes ne sont pas en mesure d’atteindre le seuil exigé de 20 % de logements sociaux, même s’ils en construisent tout de même ; nous entrons dans une période où il est nécessaire d’affiner l’application de la loi SRU.

Cela étant, l’État renforce son action – à la demande du législateur – concernant les communes carencées qui n’ont rien produit depuis tant d’années. Nous multiplions les signatures avec les communes de contrats de mixité sociale qui décrivent, année par année, les programmes de construction afin de s’assurer qu’elles tiendront leurs engagements, faute de quoi l’État reprend à son compte les pouvoirs d’urbanisation et la délivrance des permis de construire sur leur territoire, comme l’y autorise la loi. De fait, plusieurs milliers de logements sociaux sont actuellement construits suite à des décisions prises par les préfets.

Les deux zones les plus carencées sont la région Île-de-France et le département des Bouches-du-Rhône, qui compte à lui seul quarante-deux communes carencées. Nous y avons signé trente-trois contrats de mixité sociale et espérons en signer partout. Soyons clairs : le durcissement des sanctions que vous avez décidé en 2013 a été très utile pour mobiliser les communes, y compris dans un département comme les Bouches-du-Rhône où la demande de logement social est très forte.

J’ajoute que, dans les communes carencées, toute construction d’immeubles de plus de douze logements ou de plus de 800 mètres carrés de surface doit comporter au moins 30 % de logements financés en PLAI. Là encore, il s’agit d’une disposition législative qui nous permet d’avancer.

Le nombre de demandeurs de logements sociaux est élevé, puisqu’il s’établit aujourd’hui à 1,7 million, à quoi s’ajoutent les personnes très mal logées qui n’ont pas encore présenté de demande. Ces demandes se concentrent naturellement dans les zones les plus peuplées ; dans certains autres territoires, en revanche, l’accès au logement social est faible pour la simple raison que le parc social est très peu développé, ce à quoi il est indispensable de remédier. De ce point de vue, les intercommunalités disposent désormais de la possibilité de mutualiser les obligations faites à leurs communes au titre de la loi SRU – même si le Gouvernement souhaite quelque peu restreindre ce droit, comme nous en débattrons la semaine prochaine dans le cadre du projet de loi sur l’égalité et la citoyenneté. Quoi qu’il en soit, il est souhaitable que tel territoire d’une intercommunalité puisse aider son voisin. Autrement dit, les dispositions visant à faire mieux appliquer la loi SRU – et donc à loger davantage de personnes – ne manquent pas.

Le groupe OPIEVOY, monsieur Colas, seul bailleur social interdépartemental, disparaîtra à la fin de l’année. La loi prévoyait qu’en cas de non-rattachement à la région, le patrimoine de l’OPIEVOY serait démantelé compte tenu des forts blocages de gouvernance. Les discussions que nous avons eues avec les présidents des conseils généraux concernés ont abouti au principe selon lequel le patrimoine de l’OPIEVOY doit rester en majorité dans le giron de la famille des offices, comme cela a été proposé à l’office départemental du Val-d’Oise, pour partie à celui de la Seine-Saint-Denis, mais aussi à ceux du Val-de-Marne et de la Seine-et-Marne, de sorte que le patrimoine local soit systématiquement repris par les opérateurs concernés.

Reste le patrimoine – considérable – de La Grande Borne, à Grigny et Viry-Châtillon : la proposition qui est faite consisterait à créer une société anonyme de HLM pour gérer ce patrimoine dont je souhaite que la vente se fasse à un prix qui ne se traduise pas par une plus-value excessive et, surtout, que le surcroît de fonds ainsi récoltés soit consacré au financement du programme de rénovation urbaine. Il reste encore des détails à régler ; en l’absence d’accord final, le ministère reprendra la responsabilité de la vente de ce patrimoine aux opérateurs au 1er janvier, conformément à la loi. J’espère que les problèmes en suspens seront résolus d’ici là, car le personnel de l’organisme et les locataires concernés s’inquiètent de savoir à qui les logements vont appartenir. Je précise que nous avons imposé des règles strictes afin que la vente ne s’accompagne pas d’augmentations de loyer et autres changements, la question du sort du personnel demeurant quant à elle centrale.

Nous nous efforçons de créer un outil de gestion unique du 115, monsieur Bachelay, qui utiliserait les mêmes logiciels – ce qui ne va pas de soi partout – de sorte qu’il soit répondu plus vite à chaque appel et que le nombre de places augmente. Deux problèmes demeurent. D’une part, on ne se retrouve pas toujours à la rue parce que le 115 n’a pas répondu à un appel ; il existe en effet des publics, en Île-de-France notamment, qui sont plutôt suivis dans des centres de jour de bas seuil et ne souhaitent pas être pris en charge dans des structures d’hébergement. C’est pourquoi ce budget accorde une place essentielle à la mission de veille sociale et à ces centres d’accueil de jour qui, s’ils ne sont pas la panacée, n’en sont pas moins indispensables parce qu’ils garantissent une veille sociale au long cours, y compris en termes de bagagerie et d’accès aux douches.

D’autre part, le code de l’action sociale impose la règle de l’hébergement inconditionnel, qui n’est pas qu’un symbole – puisqu’il est aussi à l’origine de la création des centres d’accueil et d’orientation (CAO). La limitation de l’hébergement d’urgence à certaines catégories de personnes, en fonction de leur situation administrative, a déjà fait débat. Le code de l’action sociale prescrit un hébergement inconditionnel : tous les publics sont inclus.

L’essentiel est que nous puissions répondre aux besoins. La tâche est ardue dans certaines régions, où nous avons pourtant considérablement renforcé l’offre. Nous travaillons à améliorer la fluidité à l’intérieur des centres d’hébergement d’urgence, afin que davantage de personnes bénéficient plutôt d’un logement pérenne. Quant à la prise en charge des femmes et des enfants de moins de trois ans, qui relève de la compétence départementale, elle n’est pas appliquée partout. Sans ouvrir une quelconque polémique, j’estime qu’il faut que certaines mesures soient maintenues dans ce domaine de l’hébergement d’urgence. Enfin, nous nous efforçons de développer des actions spécifiques pour certains publics comme les jeunes qui sortent du dispositif d’aide sociale à l’enfance, pour qui l’accès au logement est très difficile. Leur prise en charge pourra être améliorée par des mesures telles que la garantie Visale, la conclusion de partenariats avec les foyers de jeunes travailleurs et d’autres structures spécialisées. Les jeunes concernés ne sont pas très nombreux, mais ils éprouvent de considérables difficultés en termes d’accès au logement. De même, un grand nombre de publics précaires ne parviennent pas à obtenir un logement en raison de discriminations. De ce point de vue, la mise en place de la garantie Visale est essentielle pour stabiliser leur situation vis-à-vis des propriétaires. Nous avons cependant lancé un travail sur les discriminations dans l’accès au logement, parce qu’il nous semble important de mieux éclairer ces questions cruciales.

Enfin, nous tâchons de limiter au maximum les situations qui amènent à la rue : aux expulsions locatives s’ajoutent les violences faites aux femmes, certaines d’entre elles devant quitter leur logement parce que le bail n’est pas à leur nom – il faut à cet égard déployer des efforts spécifiques. D’autre part, les logements vacants du parc doivent être mieux mobilisés, qu’il s’agisse de la mobilisation par les bailleurs sociaux et les collectivités de leur contingent réservataire dans le patrimoine social ou de la mobilisation du parc privé. Les publics relevant de l’intermédiation locative ou des dispositifs Louez Solidaire et Solibail comptent plusieurs milliers de personnes qui ont désormais accès à un logement pérenne. C’est en ce sens qu’il nous faut progresser. Cela étant, il va de soi que les demandes d’hébergement sont plus nombreuses lorsque la précarité augmente. Or la demande est très forte dans certaines villes et régions.

Un dernier mot : dans certains secteurs, l’hébergement d’urgence a souvent concerné l’habitat insalubre et indigne, que nous sommes déterminés à supprimer. Il en résulte un phénomène d’éviction par lequel les publics logés par des marchands de sommeil dans ce type d’habitat totalement indigne se trouvent dépourvus de solutions. En effet, il ne suffit pas de résoudre la question de l’habitat indigne ; encore faut-il ensuite proposer aux personnes concernées des solutions de relogement pérenne.

M. Dominique Lefebvre, président. Madame la ministre, nous vous remercions.

La réunion de la commission élargie s’achève à vingt-deux heures cinquante-cinq.

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