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Commission des affaires étrangères

Mardi 10 février 2015

Séance de 17 heures 15

Compte rendu n° 47

Présidence de Mme Elisabeth Guigou, présidente

– Audition du général Pierre de Villiers, chef d’état-major des armées

Audition du général Pierre de Villiers, chef d’état-major des armées.

La séance est ouverte à dix-sept heures quinze.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Nous avons le plaisir d’accueillir le chef d’état-major des armées, le général de Villiers, pour faire un point sur les engagements militaires extérieurs de notre pays. Avant toute chose, je tiens à exprimer, au nom de notre commission, toutes mes condoléances pour le tragique décès de neuf de nos aviateurs dans un accident d’avion en Espagne.

L’armée française vit en ce moment une période extraordinairement dense. Elle est au premier plan dans la lutte contre la menace terroriste. Au cours des dernières années, les opérations extérieures (OPEX) françaises se sont multipliées. De plus en plus, elles tendent à s’inscrire dans la durée, comme au Liban, dans le Sahel, en Centrafrique et en Irak.

Vous avez fréquemment évoqué la tension que ce niveau d’engagement fait peser sur les hommes et les équipements. En sus de ces OPEX, une vaste opération intérieure, l’opération Sentinelle, a été lancée sur le territoire national au lendemain des attentats de Paris ; 10 000 militaires sont mobilisés dans ce cadre afin d’assurer la protection des lieux sensibles. Comment l’armée s’organise-t-elle pour faire face à cette multiplicité des fronts ? Avez-vous la perspective de voir le nombre de postes qui vous est accordé augmenter alors que des réductions supplémentaires sont prévues d’ici à 2019 ? Quelles seront vos priorités ? Qu’attendez-vous concrètement de la révision de la loi de programmation militaire (LPM) qui doit avoir lieu cette année ?

Par ailleurs, comment analysez-vous la menace que représente le Sud libyen, qui servirait de sanctuaire pour les groupes terroristes que nos militaires combattent dans le Sahel ? La France a décidé d’ouvrir une base avancée à Madama, au Niger, à une centaine de kilomètres au sud de la frontière libyenne, pour être mieux à même d’intercepter les convois terroristes qui circulent entre le sud de la Libye et le nord du Mali. Quelle est votre appréciation sur le fonctionnement de cette base ? Quelle est l’ampleur des mouvements observés sur cet axe ?

Depuis l’été dernier, l’opération Serval au Mali a laissé la place à l’opération Barkhane qui vise à combattre les groupes armés terroristes dans l’ensemble de la bande sahélo-saharienne, de la Mauritanie au Tchad. Quel regard portez-vous sur les premiers mois de cette opération ? La coopération avec les forces armées africaines est-elle satisfaisante ?

Le commandement de Barkhane est situé à N’Djaména, à une cinquantaine de kilomètres seulement de la zone où sévit Boko Haram. Si nos militaires ne sont pas directement engagés sur ce front, notre armée appuie l’action de nos partenaires africains, nigériens et tchadiens. Pouvez-vous nous détailler concrètement la contribution de l’armée dans ce cadre ? Quel est votre sentiment sur la capacité des armées africaines à faire face, avec notre appui, à la menace Boko Haram ? Que pensez-vous du calendrier et de la capacité de mise en œuvre effective de la force d’intervention africaine qui vient d’être annoncée par l’Union africaine et qui devrait mobiliser un peu plus de 8 500 hommes ?

Un peu plus au sud, nos militaires sont engagés dans l’opération Sangaris en Centrafrique. Le passage de relais avec la force de maintien de la paix des Nations Unies, la MINUSCA, a été amorcé. Mais le niveau de tension dans le pays reste cependant élevé et le processus politique peine à s’enclencher. Où en est la décrue des effectifs de Sangaris ? Dans quelles zones le relais avec la MINUSCA sera-t-il le plus dur à mettre en œuvre ?

Enfin, la participation française à l’opération Chammal en Irak semble s’être intensifiée au cours des dernières semaines. Comment expliquer cette montée en charge ? Comment évolue le rapport de forces sur le terrain ? Comment jugez-vous l’efficacité respective des peshmergas kurdes et des forces armées irakiennes ? On entend dire qu’une offensive de ces dernières se prépare. Plusieurs pays – dont la France – ont annoncé l’envoi de conseillers militaires pour renforcer l’action au sol des troupes irakiennes et kurdes. Sont-ils déjà sur le terrain ? Pouvez-vous nous donner des détails sur leur action ?

Général Pierre de Villiers, chef d’état-major des armées. Je voudrais en tout premier lieu vous remercier de me donner l'occasion de m'exprimer devant vous, car j'attache la plus grande importance à ces échanges directs avec la représentation nationale.

Vous avez souhaité m'entendre au sujet des opérations extérieures et je vous en remercie parce qu'elles sont au cœur de mes responsabilités et parce que c'est sur les théâtres d'opérations que les hommes et les femmes des armées risquent leur vie pour la défense de l'avant de notre pays, pour protéger nos ressortissants, défendre les intérêts et les valeurs de la France, ainsi que lui permettre d'assumer ses responsabilités sur la scène internationale. C'est leur fierté et aussi ma fierté.

Vous le savez également, la voix de notre pays est d'autant plus entendue que nos armées sont crédibles.

À l'heure où je vous parle, alors même qu’elles se réforment en profondeur sous forte pression budgétaire, près de 9 000 militaires sont engagés dans 24 opérations extérieures ; environ 20 000 autres sont engagés dans des missions permanentes sur le territoire national, en métropole et outre-mer, avec en particulier l'opération Sentinelle, dont l'effectif est encore aujourd'hui de 10 000 soldats.

Dans des conditions souvent très difficiles, ils font preuve d'un courage et d'un sens du service remarquables ; je suis heureux de pouvoir témoigner devant vous de leur engagement.

L'action des armées françaises en opérations extérieures s'inscrit dans un large spectre de missions. Toutes contribuent à la défense de l'avant de notre pays.

J'articulerai mon discours en quatre parties : le contexte sécuritaire, qui montre que le lien entre la sécurité extérieure et la sécurité intérieure n'a jamais été aussi fort ; les opérations extérieures ; les enseignements que j’en tire, qui confortent la pertinence du choix d'un modèle complet d'armée porté par la LPM ; mes préoccupations, qui tiennent à la cohérence de notre outil de défense.

S’agissant du contexte sécuritaire, il s’est en quelques mois profondément modifié. Il s'est durci et la sécurité du monde s'est dégradée ; « le tumulte du monde » a augmenté.

Nous observons des menaces qui se rapprochent de nos frontières et de celles de l'Europe. L'ensemble de la bande sahélo-saharienne (BSS) avec ses groupes armés terroristes, le Nigeria et les pays riverains du lac Tchad avec Boko Haram, la Syrie et l'Irak avec Daech, l'Ukraine avec les combats du Donbass s'ajoutent aux autres menaces de déstabilisation que représentent la piraterie maritime, le risque cyber et les attaques dans les champs de la perception et de l'information.

Sur le flanc est de l'Europe, la crise ukrainienne renoue avec les conflits de type interétatique. Sur le flanc sud, des guerres à la fois infra-étatiques et transnationales se multiplient, avec un niveau de violence et d’horreur jamais atteint. Des groupes armés terroristes cherchent désormais à contrôler des territoires entiers. Si je voulais caricaturer ce contexte général, je dirais volontiers que certains États se comportent parfois comme des bandes armées et des bandes armées comme des États.

Ces menaces comprennent désormais celle d'actes terroristes sur le sol national avec le risque représenté par les individus partis combattre à l'étranger. Pour compléter ce premier constat, je voudrais vous livrer trois réflexions d'ordre général.

D’abord, il existe un lien très fort entre la sécurité extérieure et la sécurité intérieure. La mondialisation, les connexions matérielles et immatérielles, à l'échelle régionale et mondiale, augmentent la difficulté de circonscrire une crise à un théâtre limité. Le djihadisme international est la plus récente illustration de cette contagion des crises avec ses répercussions sur les théâtres nationaux.

Deuxièmement, gagner la guerre ne suffit pas, il faut
aussi gagner la paix ; seule une approche globale le permet.

La force seule n'est pas en soi une solution ; elle est un levier, un moyen au service de la défense et de la sécurité nationale et collective. Si la complexité croissante des crises rend de plus en plus difficile l'établissement d'une stratégie globale, il s'agit néanmoins, avant l’engagement, de penser au-delà des seuls effets militaires. Les armées obtiennent de remarquables résultats, mais gagner la paix nécessite aussi des succès sur les plans de la gouvernance, du développement, de la justice et de l'éducation.

Troisièmement, la situation sécuritaire qui se dégrade renforce le besoin de collaboration dans le cadre d'un plus grand partage du fardeau. Nos armées ont des moyens de plus en plus comptés. Pour faire face aux défis logistiques, au nécessaire partage du renseignement ou au contrôle des espaces, nous avons un besoin accru de collaboration avec les autres nations. Il n'y a pas d'actions durables sans dimension internationale et additionner les efforts, c'est multiplier les effets ! Mais il faut être conscient que les pays qui conjuguent véritablement la volonté et les moyens d'intervenir militairement sont en réalité très peu nombreux. Il faut aussi prendre en compte une certaine fatigue des pays occidentaux et des organisations internationales après les conflits irakiens et afghans. Les divergences d'appréciation de situation entre pays rendent également ce partage du fardeau parfois difficile à mettre en œuvre. Les débats actuels au sein de l'OTAN montrent des différences de perception très sensibles sur les menaces à l'est et au sud de l'Europe et illustrent ces difficultés.

Dans ce contexte sécuritaire qui se dégrade, nos armées sont déjà pleinement engagées sur plusieurs fronts – ce qui me conduit à vous détailler nos opérations extérieures.

Pour cela, j'ai choisi de vous présenter les théâtres d'opération dans l'ordre de nos effectifs engagés. J'aborderai donc successivement le Sahel, la République centrafricaine (RCA), le Levant puis le Liban. Ces quatre théâtres concentrent en effet plus de 80 % de nos effectifs engagés en opération extérieure. Je n'évoquerai que très rapidement les autres opérations, sur lesquelles je pourrai revenir lors de vos questions.

D'abord, donc, le Sahel avec l'opération Barkhane et ses 3 300 soldats. Depuis le 1er août dernier, Barkhane prolonge, dans une dimension nouvelle, sur l'ensemble de la bande sahélo-saharienne, le remarquable travail de sécurisation qui a été fait au Mali par l'opération Serval.

Dans ce cadre, nous pouvons compter sur l'implication des pays de la région. Notre approche est en effet régionale et s'appuie sur un partenariat élargi qui comprend la Mauritanie, le Mali, le Niger, le Tchad et le Burkina-Faso – ce que l'on appelle les pays du G5 Sahel, dont je rencontre très régulièrement mes homologues.

Je veux ici souligner la volonté d'agir de ces pays dont les moyens sont pourtant comptés. Leur implication dans les opérations elles-mêmes, mais aussi dans la planification opérationnelle, illustre leur prise en compte progressive du besoin de lutter et de se coordonner contre les terroristes qui jouent sur la porosité des frontières pour agir. Cette lutte est le ciment de notre cohésion avec les pays du G5 Sahel. Pour autant, eu égard à leurs autres difficultés internes, ce volontarisme ne doit pas faire sous-estimer le poids que représente pour eux la prise en main de leur sécurité. Cet aspect important plaide, là encore, pour une approche globale et la mise en place de relais dans le champ de l'aide au développement.

Dans le domaine sécuritaire, mes préoccupations actuelles sont de nature différente, selon que l'on regarde au sud ou au nord.

Il y a d'abord le Nord Mali, où les groupes armés terroristes ciblent et harcèlent la MINUSMA, c'est-à-dire la force de l'ONU. Il y a aussi le blocage politique sur le statut des zones du nord. Les pourparlers d'Alger montrent néanmoins l'attention soutenue et l'inquiétude légitime des acteurs de la région, en particulier l'Algérie, où je me suis rendu il y a quelques mois. Cette instabilité du nord de la BSS est entretenue par celle du Sud-Ouest libyen qui est une zone refuge et de transit des groupes terroristes. L'installation de la base temporaire de Madama, dans le Nord Niger, qui est désormais opérationnelle, vise précisément à lutter directement contre les transits en provenance de cette région.

Il y a ensuite, au sud, la menace de Boko Haram, qui étend ses actions vers les pays frontaliers de sa zone traditionnelle d'implantation. Là encore, une réponse transnationale est nécessaire et les accrochages très violents de la semaine dernière entre Boko Haram et les forces tchado-nigériennes sont préoccupants.

Ces quelques considérations montrent que la stabilisation de la zone passera par un renforcement continu de la coopération régionale entre les pays du Sahel. Elle demandera aussi un accord politique malien et une stabilisation, d'abord politique, puis sécuritaire, de la Libye. Elle nécessitera enfin une collaboration renforcée avec l'Algérie, d'une part, et le Nigeria, d'autre part, qui sont des acteurs régionaux majeurs, ainsi qu'une mobilisation de la communauté internationale pour venir en aide aux pays de la région.

Dans ce contexte tendu, la force Barkhane a bien pour objectif de transférer la lutte contre les groupes armés terroristes aux forces locales. Pour cela, son action comporte principalement deux volets.

Le premier est l'accompagnement et l'aide à la montée en puissance des forces de sécurité régionales. C'est le sens des opérations conduites avec les forces partenaires pour la mise en place de dispositifs permanents de contrôle des zones lacunaires à leurs frontières. C'est ce qui est par exemple en train d'être réalisé avec les forces nigériennes et tchadiennes dans la zone septentrionale entre leurs deux pays.

Le deuxième volet de notre action est la lutte directe contre les groupes armés terroristes, afin d'empêcher toute coordination entre eux et d'entraver leur liberté d'action au Sahel. Il faut reprendre l’initiative tactique. Pour cela, nous menons des opérations centrées sur leurs flux logistiques et leurs têtes de réseaux. Comme l'a déclaré notre ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, depuis un an, nous avons neutralisé de l'ordre de 200 combattants terroristes dans la BSS, dont plusieurs chefs.

Au Sahel, pour ces actions militaires, où nous allons souvent chercher à quinze mètres les dernières résistances terroristes, nous pouvons compter sur l'aide d'autres partenaires en particulier américains, mais aussi de l'Union européenne, avec l'EUTM Mali, et de l'ONU, avec la MINUSMA. Nous ne sommes pas seuls.

En agissant avec détermination et rapidité, les armées françaises ont donné un coup d'arrêt à l'expansion d'Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) et je crois que nous pouvons être satisfaits d'avoir évité la création d'une zone de non-droit régie par des groupes terroristes, à l'image de ceux que nous combattons maintenant au Levant. Notre engagement a eu un effet d'endiguement et donne aujourd'hui du temps pour aider nos partenaires africains à monter en puissance face à un adversaire diminué. Cela nous permet également d'installer une approche globale. En Afrique, comme ailleurs, sachons être patients ; une opération qui dure n'est pas forcément une opération qui s'enlise !

S’agissant de la RCA et de notre deuxième contingent le plus important, dans le cadre de l'opération Sangaris, avec nos camarades africains et européens, nous sommes intervenus, il y a un peu plus d'un an, en décembre 2013, dans des conditions très difficiles. Nos soldats ont réussi à réduire le niveau de violence et à briser la spirale incontrôlée des représailles. Ils ont pu éviter le pire : un massacre interethnique et une catastrophe humanitaire. Bien sûr, à Bangui, comme en province, les milices sont encore capables – et coupables – d'exactions et de pics de violence ; les récents enlèvements en sont les exemples les plus frappants. Mais ces montées de violence, aussi odieuses soient-elles, restent néanmoins limitées, ponctuelles et de moins en moins fréquentes. Aujourd'hui la situation sécuritaire et économique s'est nettement améliorée. Les écoles ont pu rouvrir, les marchés sont à nouveau réapprovisionnés, le commerce a repris. Ainsi, par exemple, le trafic routier commercial sur l'axe Bangui-Cameroun est rétabli : il est actuellement de 400 à 600 camions par semaine, soit un flux quatre fois plus important qu'en décembre 2013.

Grâce à Sangaris, la communauté internationale a aussi pu se déployer, ce qui était le but recherché. La MINUSCA compte aujourd'hui un effectif de 8 500 soldats et policiers répartis sur la majeure partie du pays. Elle se transforme en force de maintien de la paix et prend progressivement, avec succès, notre relais. Elle sera pleinement opérationnelle en principe début mai.

J'attire néanmoins votre attention sur le fait que nous sommes arrivés à un palier militaire. La prochaine étape sera avant tout politique. Elle devra mener à la restauration de l'État, de son administration et à la réconciliation nationale. L'opération Sangaris installe et consolide les conditions pour cette nouvelle étape clé de la pacification du pays. Je voudrais à cet égard souligner devant vous le comportement exemplaire de nos soldats, hommes et femmes, qui gèrent avec abnégation des situations difficiles, où tout peut dégénérer très vite, sans préavis. En RCA, nos soldats font preuve, encore peut-être plus qu’ailleurs, d'une remarquable maîtrise de l'emploi de la force – qui est la caractéristique principale du soldat français. Ils s'engagent avec le courage, le sens de la mission et la fraternité d'armes qui font l'honneur de leurs unités, comme l’admiration de nos alliés.

Concernant l'opération Chammal, déclenchée au Levant le 19 septembre dernier, là aussi, notre sécurité collective est en jeu. Notre participation au sein de la coalition internationale a pour but de lutter, aux côtés des autorités irakiennes et à leur demande, contre les terroristes qui menacent directement notre pays. Nous agissons par la fourniture d'un appui aérien et, dès l’été dernier, nous avons contribué à ce que Daech ne s'empare ni de Bagdad, ni d'Erbil. Nos pilotes de Rafale et de Mirage 2000 font preuve d'une remarquable efficacité opérationnelle et nous sommes aussi présents dans le domaine de la formation des peshmergas.

La problématique des combattants étrangers fait l'objet d'un effort en renseignement, qui prend une grande valeur au travers de son partage avec nos alliés.

Je ferai trois remarques sur notre engagement au Levant.

D’abord, notre appui est à mettre en regard de l'appui américain dont nous bénéficions au Sahel. Dans notre lutte commune contre les groupes armés terroristes, nous sommes présents au Levant, mais l'effort de nos moyens va au Sahel. Nous sommes leader avec le G5 au Sahel, équipier au Levant. C'est le nécessaire partage du fardeau, dont je vous parlais.

Deuxièmement, avec le transport aérien de fret humanitaire effectué dès le 9 août de l'année dernière, puis les largages au-dessus du Nord de l'Irak, la France a été, aux côtés des États-Unis, le premier pays de la communauté internationale à agir en apportant une aide à destination de la population kurde, en situation de détresse. C'est l'illustration de la liberté d'action que les capacités et la réactivité de nos armées offrent à l'autorité politique ; et c'est l'honneur de la France que d'avoir réagi de la sorte.

Troisièmement, une fois de plus, l'opération Chammal montre la pertinence de nos forces prépositionnées et de notre implantation dans la région. Elle montre aussi l'importance de nos efforts en matière de coopération militaire et de relations internationales militaires dans cette zone. D'emblée, notre base aérienne aux Émirats arabes unis (EAU) a permis à nos avions de décoller pour agir au-dessus de l'Irak. Aujourd'hui, nos relations avec la Jordanie, où je me suis rendu il y a quelques jours, nous permettent d'avoir un dispositif complémentaire, avec les Mirage 2000. La présence de notre porte-avions dans la région élargira encore le spectre de nos capacités d'actions aériennes.

La situation au Levant me conduit aussi à vous parler de l'opération Daman au Liban.

Avec environ 900 militaires, la France est l'un des principaux pays contributeurs à la Force intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL), dont elle arme la force de réserve. Celle-ci est le principal moyen de dissuasion, de réaction et de coercition de la FINUL qui œuvre au service de la paix au Sud Liban en soutien des forces armées libanaises, qui sont le principal élément stable et multiconfessionnel du pays. Vous le savez, la situation au Liban est en lien étroit avec celle en Syrie et en Irak, d'une part, et avec le conflit israélo-palestinien, d'autre part. Ce pays, en plus des camps palestiniens, est au confluent des dimensions libanaises et syriennes du Hezbollah et de plusieurs groupes armés djihadistes actifs en Syrie. Je me limiterai ici à un double constat.

D'abord, sous des apparences de stabilité, la zone contrôlée par la FINUL est fragile. L'attaque par le Hezbollah d'un véhicule militaire israélien le 28 janvier dernier à la frontière entre les deux pays l'a montré.

Ensuite, la dégradation de la situation sécuritaire du Proche-Orient rend d'autant plus importante la stabilité du Liban, à laquelle nos forces contribuent directement, dans la discrétion mais avec efficacité.

Je voudrais terminer ce tour d'horizon par deux opérations maritimes et notre opération de lutte contre l'épidémie Ebola.

Première opération maritime : Atalante, au large de la Somalie, qui est en phase de descente en puissance. Elle escorte les navires du programme alimentaire mondial, participe à la sécurité du trafic maritime et contribue à la dissuasion, à la prévention et à la répression des actes de piraterie au large des côtes somaliennes. Cette opération est un grand succès européen, à laquelle notre marine a pris une part importante, aux côtés de celles de l'Union européenne et de nos alliés.

Deuxième opération maritime : Corymbe. Son bilan rend la France crédible et reconnue par les nations d'Afrique occidentale et du golfe de Guinée. Depuis 25 ans, Corymbe est un prépositionnement de forces à la mer qui conduit des coopérations opérationnelles maritimes et aide les pays riverains à prendre en compte la sécurité maritime de leurs approches. Si la situation n’a pas encore dégénéré dans le golfe de Guinée, c’est aussi grâce à cette opération.

S'agissant de la participation des armées à la lutte contre l'épidémie Ebola, elle s'intègre dans une force interministérielle et s'articule autour de deux centres au profit du personnel soignant, le premier de formation, le second de traitement. Une centaine de militaires français sont déployés, incluant plus d'une soixantaine de personnels médicaux et paramédicaux issus du service de santé des armées. Je profite de cet exemple pour souligner l'excellente coopération entre les armées et le ministère des affaires étrangères. C'est vrai pour cette opération Tamarin, comme pour toutes les autres opérations. Les relations entre le centre de planification et de conduite des opérations (CPCO) et le centre de crise ont atteint un seuil de maturité dont on peut être satisfait.

Je voudrais aussi mentionner notre désengagement d'Afghanistan, qui s'est terminé en fin d'année dernière et a été conçu comme une véritable opération. C'était un défi logistique gigantesque et je crois pouvoir dire que la façon dont les armées l'ont relevé est une réussite dont nous pouvons être collectivement fiers.

J'en viens aux enseignements que je tire de nos engagements.

De la conduite des opérations, je fais le constat que les critères de succès résident toujours dans la conjonction de trois éléments : la volonté, l'engagement et les moyens. Il faut « vouloir », il faut « agir » et il faut « pouvoir ». Je voudrais développer chacune de ces dimensions, dont seule l'addition permet la victoire.

D’abord, la volonté de s'engager, dont j’observe qu’elle est fluctuante chez nos partenaires. Il y a parfois chez eux une dichotomie entre l'intention et la pratique. De cela, je tire trois impératifs pour nos forces armées.

Le premier est la nécessité d'une capacité autonome d'appréciation de la situation, au niveau stratégique et tactique. En clair, il s'agit d'abord de savoir et de comprendre. Nous le voyons avec la crise ukrainienne et la situation au Liban. C'est la vocation de notre direction du renseignement militaire (DRM), de nos capteurs de renseignement, de nos satellites, mais aussi des efforts consentis pour améliorer nos capacités de cyberdéfense : autant de priorités inscrites dans l'actuelle loi de programmation militaire. Nous avions vu juste il y a deux ans.

Ensuite, un modèle d'armée complet est nécessaire pour défendre notre pays. Nos forces tiennent la posture permanente de dissuasion nucléaire, qui sanctuarise nos intérêts vitaux. Elles protègent nos approches maritimes et aériennes, aussi bien en métropole qu'outre-mer. Elles sont actuellement massivement déployées sur tout le territoire national. Dans le cadre de la crise ukrainienne, elles participent aux mesures de réassurance de l’OTAN, luttent contre le terrorisme maritime et les trafics, et protègent notre zone économique exclusive. En moins de cinq ans, elles ont été engagées du Mali à l'Afghanistan, de la Libye au golfe de Guinée, du Liban à la République centrafricaine, du golfe Persique à la République de Côte d'Ivoire, et du Sahel au Levant.

Parce que les menaces sont multiples et parce qu'elles se présentent chaque jour sous une forme différente, il nous faut une palette de moyens à large spectre.

Le troisième impératif est l'aptitude de nos armées à « entrer en premier », c'est-à-dire à planifier et à conduire une opération nationale en y intégrant, d'ailleurs très vite, des soutiens fournis par d'autres nations. Cette aptitude s'appuie, là encore, sur des capacités souveraines de renseignement et de commandement, mais aussi sur une palette d'équipements capables de faire la différence sur le terrain. Ces capacités doivent être pérennisées : sans elles, rien n'aurait été possible au Mali ou en RCA, car, au départ, nous ne pouvions guère compter sur d'autres partenaires.

Deuxième dimension : la capacité à agir du chef militaire.

Dans les affrontements, qui sont toujours une opposition entre deux volontés, il faut prendre l'ascendant sur l'adversaire. Il faut pour cela une philosophie de l'action qui fixe des principes et des impératifs comme conditions de notre efficacité militaire.

Vous connaissez les principes de la guerre édictés, il y a un siècle, par le maréchal Foch : « l'économie des moyens », « la concentration des efforts » et « la liberté d'action ». Or, à ces principes, je suis convaincu qu'il faut désormais ajouter « la surprise ». Non celle que l'on subit, mais celle que l'on impose. Dans les affrontements armés d'aujourd'hui, c'est cette surprise, cette incertitude, cette « foudroyance », qu'il faut rechercher, car l'adversaire fuira toujours le combat, sauf s'il est acculé.

Pour mettre en œuvre cette surprise, il faut disposer d'une mobilité suffisante, d'une allonge pour projeter notre puissance et frapper l'adversaire dans la profondeur avant qu'il ne vienne jusqu'à nous.

La troisième dimension porte sur les moyens, qui déterminent la capacité à pouvoir.

Ces ressources se réfléchissent, se préparent et se façonnent. Un modèle d'armée va de la prospective jusqu'aux hommes. Il passe par les aptitudes, les capacités, les équipements, le fonctionnement, la logistique et le budget. Cette cohérence et cette globalité du modèle guident la transformation de nos armées que nous menons actuellement.

Nous transformons nos armées car nous sommes confrontés à un véritable défi. Avec des moyens en constante diminution, tout en menant des opérations exigeantes, il faut faire des choix en gardant le cap de la cohérence globale de nos armées. Je le répète : le mot cohérence est essentiel. L'histoire nous enseigne que l'on perd la guerre souvent à cause d'un grain de sable, du maillon faible.

En outre, cette capacité à pouvoir s'exprime aussi à travers la chaîne décisionnelle.

Vouloir, pouvoir, agir : voici les trois principes essentiels qui pourraient constituer les éléments d’une stratégie militaire générale dans notre modélisation d’armée.

Quant à mes préoccupations majeures en tant que chef d’état-major des armées, elles sont au nombre de quatre principales : la conduite des opérations, le budget, la transformation des armées et le moral de nos soldats.

En ce qui concerne la conduite des opérations, il faut être conscient que chaque nouvel engagement est une épreuve de vérité.

C'est l'épreuve de vérité de nos capacités réelles, lorsqu'il s'agit de conduire dans l'urgence au mois d'août dernier par exemple l'évacuation de nos ressortissants de Libye.

C'est aussi l'épreuve de vérité de nos effectifs et de notre soutien opérationnel, quand il s'agit de déployer sans préavis, en trois jours, plus de 10 000 soldats sur tout le territoire national dans le cadre du contrat protection.

C'est enfin l'épreuve de vérité de la faculté d'adaptation des armées et de leurs équipements, de la qualité de nos personnels, du niveau réel de préparation opérationnelle de nos soldats, comme de la disponibilité de nos équipements, lorsque nos troupes sont sur le terrain sous 50 degrés avec des charges de 40 kg sur le dos dans le massif malien des Ifoghas par exemple.

Si ces épreuves ont, jusqu'à présent, été surmontées avec succès, nous le devons aux femmes et aux hommes des armées, dont je veux encore une fois souligner l'engagement sans faille.

En tant que chef militaire, j'ai besoin des capacités qui me permettront d'agir dans le sens que je viens de détailler. Pour cela, j'ai besoin de la LPM et que les équipements arrivent à l’heure, suivant le calendrier prévu. Je sais pouvoir compter sur votre soutien pour que cette loi soit respectée sur le long terme – et à son terme.

Ce besoin essentiel me mène à évoquer mon deuxième point de vigilance : le budget.

Le costume est taillé au plus juste à cet égard. Le Président de la République m'a confié une mission et m’a garanti les moyens de la remplir : ce sont les 31,4 milliards d'euros prévus pour 2015 ; il l'a réaffirmé encore fin janvier. Mais plusieurs aléas me préoccupent et me font craindre un grignotage progressif des ressources budgétaires.

Premièrement, les surcoûts OPEX. Ils doivent être partagés conformément à la LPM, qui comporte, dans son article 4, le principe de leur couverture par recours, sans condition, à la réserve interministérielle de précaution.

Deuxièmement, les ressources exceptionnelles. Je rappelle qu'en 2015, elles représentent 2,3 milliards d'euros. L’adjectif « exceptionnel » me semble d’ailleurs un peu inapproprié, car il laisse entendre une faveur. Or ce qui est exceptionnel, c'est d'avoir encore à se demander quelles solutions financières innovantes permettront d'assurer ces ressources d'ici l'été prochain.

Troisièmement, les aléas liés aux prévisions d'export. La LPM est en effet construite sur des hypothèses d'exportation, notamment du Rafale. Le risque associé doit, lui aussi, être couvert.

Quatrièmement, le financement de l'atténuation de la déflation des effectifs. Vous le savez, le Président de la République a décidé de réduire de 7 500 postes la déflation des effectifs du ministère sur la période de la LPM. Cette décision apporte un second souffle – je l’appelais de mes vœux –, d'autant qu'elle s'accompagne d'un lissage de cette déflation sur 2015-2019, ce qui desserre l'étau.

Je rappelle qu'en 2014, le ministère de la défense a, à lui seul, assumé près de 60 % des suppressions d'emplois de l'État. En 2015, ce ratio sera encore de 50 %, en prenant en compte les décisions récentes, alors même que nous ne représentons que 13 % des effectifs de la fonction publique d'État !

Par ailleurs, la déclinaison budgétaire des dernières annonces doit encore être précisée. Ce sera, entre autres, l'objet de l'actualisation de la LPM, sachant qu’actualisation ne signifie pas pour autant révision. Nous ne renverserons pas la table de la LPM. Le modèle complet d'armée est bien celui sur lequel nous allons continuer à travailler avec attention et détermination, tout en le mettant à jour à partir du contexte stratégique actuel et des enseignements principaux que j’ai évoqués.

Je suis donc confiant et déterminé à cet égard, derrière le Président de la République et en accord total avec le ministre de la défense.

Troisième point de vigilance : la transformation des armées.

Alors que celles-ci sont engagées dans des opérations difficiles – il n'y a pas une semaine sans que nous ayons des blessés, voire des morts en opération –, elles font chaque jour des économies en diminuant leurs effectifs, en rognant sur les conditions de vie et de travail, en fermant des emprises, en se restructurant et en adaptant en profondeur leurs processus.

Pour conserver un modèle d'armée complet, toutes les enveloppes budgétaires ont été examinées à la loupe et toutes les pistes d'optimisation ont été explorées et sont mises en œuvre année après année. Aujourd'hui, les marges de manœuvre sont inexistantes.

Vous en conviendrez : il n'est pas possible de faire mieux avec moins. En revanche, il est possible de faire autrement. C'est le choix que nous avons fait dans tous les domaines, dans le cadre de 31 chantiers, qui portent principalement sur les thèmes suivants : organisation, états-majors, formation, logistique, ressources humaines, équipements.

Pour réussir cette transformation, l'adhésion du personnel est le facteur clé.

J’aborde là mon dernier point de vigilance, qui est probablement le plus important : le moral de nos soldats. C'est un sujet d'attention majeur que je partage avec les chefs d'état-major d'armées : le général d'armée Bosser, le général d'armée aérienne Mercier et l'amiral Rogel. Dans le contexte difficile de la transformation, pour laquelle les armées consentent des efforts sans équivalent pour absorber les contraintes budgétaires qui leur sont imposées, le moral de nos soldats, marins et aviateurs est changeant. S’il est excellent en opérations, il est parfois fragile dans la vie quotidienne. Il est donc à surveiller.

En effet, dans l'affrontement des volontés en guerre, comme dans la conduite de la transformation des armées en temps de paix, ce sont bien les forces morales qui permettent de vaincre et de surmonter les difficultés.

C'est pour cela que le respect de la LPM est impératif : payant le prix du sang, nous attendons une légitime solidarité pour les coûts financiers. C'est une question de justice sociale. Le Président de la République l'a parfaitement compris et le redit régulièrement.

Pour conclure, je dirai que la défense est plus que jamais au cœur de l'intérêt national. La voix de notre pays est d'autant plus entendue que nos armées sont crédibles et qu’elles gagnent et protègent.

Le contexte sécuritaire actuel nous invite à ne pas baisser la garde et renforce la pertinence du choix d'un modèle d'armée complet porté par la LPM.

C'est au nom de la France, en notre nom à tous, que les hommes et les femmes de nos armées, nos jeunes, risquent leurs vies sur les théâtres d'opérations. En retour, ils attendent le soutien de la nation.

Vous pouvez compter sur leur courage, leur sens du service et leur dévouement – je m'en porte garant. Comme vous pouvez compter sur mon engagement sans faille et sur ma totale loyauté. Nous comptons pour notre part sur votre soutien pour le succès des armes de la France.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Merci beaucoup pour cet exposé. Notre soutien vous est acquis pour les moyens que vous êtes légitimement en droit d’attendre. Nous sommes d’ailleurs plusieurs ici à avoir appuyé le ministre de la défense l’année dernière pour que des moyens suffisants vous soient accordés.

Mme Valérie Fourneyron. Merci pour votre présence et vos propos.

S’agissant de l’opération Barkhane, pour m’être rendu sur place au début de l’année, je puis témoigner des conditions de vie très difficiles à Madama. Les installations y étaient encore très provisoires, et les moyens mise en œuvre par le Niger, en coopération avec notre pays, me paraissaient un peu sous-dimensionnés au regard des enjeux. Comment la situation a-t-elle évolué depuis ?

Qu’en est-il de la coopération autour du lac Tchad contre Boko Haram ? Et comment pouvons-nous lutter contre cet autre sanctuaire dont on parle moins, le sanctuaire algérien ?

Par ailleurs, comment voyez-vous l’évolution de la situation en Afghanistan ?

Quel est votre avis sur la position de l’Égypte, qui avait un partenariat classique avec les États-Unis et semble se rapprocher de la Russie ?

Enfin, la coopération en OPEX est importante avec les partenaires locaux, sur les théâtres. Elle l’est beaucoup moins avec nos partenaires européens, ce qui nous interroge beaucoup.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. S’agissant de l’Égypte, peut-on avoir bon espoir sur la vente du Rafale ?

M. Pierre Lellouche. Je tiens à vous exprimer au nom de mes collègues l’estime, le respect et l’admiration que nous avons pour le professionnalisme et la qualité de nos militaires.

Combien de temps pouvez-vous tenir ce déploiement de 10 000 hommes sur le territoire, alors que la menace terroriste est durable ? Que fait-on après cette première phase ?

Par ailleurs, je n’ai jamais vu dans l’histoire un État louer du matériel militaire à une société financière. L’idée selon laquelle on va construire une société avec participation publique qui achèterait des matériels pour les louer à l’État me paraît inconcevable. À supposer que vous régliez les problèmes de la propriété et de l’assurance des équipements, le coût final de l’opération serait dramatique pour nos armées. C’est de la cavalerie financière !

Je comprends qu’il vous manque plusieurs milliards d’euros cette année – entre 2,5 et 7 milliards suivant qu’on inclut les impayés, les OPEX et les recettes exceptionnelles (REX) qui ne rentreront pas dans le budget –, mais souhaitez-vous vraiment ces sociétés de projets ? Je suis favorable à ce qu’on remette cette affaire à plat.

M. François Loncle. Je m’associe aux compliments de mes collègues à votre égard et vis-à-vis de notre armée.

Les OPEX ont changé de nature. La guerre contre le terrorisme est devenue prédominante. Votre dispositif armé est-il adapté à cette situation ?

S’agissant de l’opération Barkhane, quelle appréciation portez-vous sur l’armée malienne ?

M. Meyer Habib. Je m’associe également aux compliments formulés à l’égard de nos militaires.

Peut-on gagner la guerre contre Daech sans une action terrestre ?

Ne risque-t-on pas, en se concentrant sur cette guerre, de porter moins d’attention au nucléaire iranien ? Il me semble que les Etats-Unis ont trop cédé, par rapport à ce qui serait leur intérêt personnel. Pensez-vous que le Hezbollah aurait, en dépit des lourdes pertes qu’il a subies en s’engageant aux côtés de Bachar Al-Assad, les moyens de mener à côté une guerre contre Israël ? Le Liban peut-il profiter de l’éventuel affaiblissement de ce mouvement pour retrouver sa souveraineté et faire en sorte que les communautés chrétiennes vivent plus sereinement ?

M. Gwenegan Bui. Quelles sont dans les mois ou années à venir les menaces en mer de Chine, qui représente 30 % du commerce international, 40 % des projets de sous-marins engagés et une zone de conflits potentiels entre différents États ? Je rappelle que le pavillon français est réclamé par les pays de la zone, qui y voient un « caillou » de plus dans la « chaussure chinoise ».

S’agissant du conflit ukrainien, quelles sont la réalité de la menace russe et la capacité de son armée à tenir un conflit long ?

M. Jean-Paul Bacquet. Vous dîtes qu’une opération qui dure n’est pas forcément une opération qui s’enlise, mais une troupe qui reste longtemps risque toujours d’être perçue comme une troupe d’occupation. En RCA, nos militaires ont fait un travail exceptionnel, mais qui n’est pas toujours compris. L’aide au développement arrive lentement. En outre, la France n’accorde pas une aide liée, mais une aide déliée, qui profite souvent à d’autres.

Quand je suis allé à Gao, j’ai inauguré avec le ministre de la défense des bâtiments en dur, qui montrent que l’on s’inscrit dans une intervention de très longue durée. Il faut tenir un langage de vérité, faute de quoi vous n’aurez pas le budget que vous souhaitez.

Quant à Madama, il s’agit d’une voie de passage contrôlée par des douaniers nigériens, où l’on n’est pas à l’abri d’un attentat terroriste de type kamikaze. Je trouve que nos militaires sont très courageux mais pas assez protégés.

Quelle est la fiabilité de pays comme l’Algérie et le Nigeria, avec lesquels nous travaillons ?

Par ailleurs, je ne suis pas sûr que nous ne soyons pas totalement seuls. Nous intervenons seuls au Mali, avec une aide financière qui n’est toujours pas arrivée. Et pour l’opération Barkhane, nous n’avons pas beaucoup de soutien financier ou matériel. L’Europe s’exprime mais ne fait rien.

S’agissant du budget, on ne pourra en rester là, alors que le terrorisme flambe partout dans le monde et que des menaces se font jour à l’est.

Quel est le pourcentage des officiers – commandants ou colonels notamment – quittant l’armée ? Beaucoup n’y voient guère d’avenir compte tenu de la structuration des grades.

Enfin, les événements actuels ont réhabilité l’armée dans l’inconscient collectif. Depuis la suspension du service national, le lien armée-nation a explosé. Le fait qu’aujourd’hui le terrorisme soit à nos portes permettra peut-être aux Français de comprendre la nécessité d’avoir une armée solide et bien équipée. Il faut peut-être exploiter le moment pour obtenir un budget à la hauteur des objectifs qu’on lui fixe.

Je regrette à cet égard que votre intervention ne soit pas faite devant un public plus large : vous avez un message fort à faire passer pour l’avenir de notre société.

M. Guy-Michel Chauveau. S’agissant de l’approche globale des crises que vous avez évoquée, nombreux sont ceux qui constatent les efforts entrepris pour travailler en interministériel. N'y aurait-il pas encore une marge de progression sur l’aspect veille et anticipation des crises ?

Concernant les partenariats, sur qui pouvons-nous compter aujourd’hui dans nos différentes opérations ? Comment jugez-vous la qualité de ces différents partenariats ?

Enfin, les derniers événements au nord du Mali ont montré l’ambiguïté de la situation. On perçoit mal la coordination entre Barkhane et la MINUSMA d’un point de vue opérationnel. Qu’en pensez-vous ?

M. Jean-Paul Dupré. S’agissant du Sahel et de l’Afrique centrale, comment nos forces armées et celles de la coalition sont-elles perçues par les populations locales ? Quel est le degré d’adhésion de la population à Boko Haram ?

Mme Nicole Ameline. Je partage les observations de mes collègues sur la qualité de votre présentation et nous vous assurons tous de notre soutien.

L’approche globale des risques me paraît une réponse intelligente et il serait utile que les autres pays européens aient une approche de ce type, sans se focaliser sur l’est, et fassent des théâtres d’opérations que nous avons évoqués des enjeux de sécurité européenne. Il faudrait même qu’il y ait une mutualisation financière entre ces pays. L’OTAN se résume parfois aujourd’hui aux États-Unis et à la France : ce n’est pas possible de continuer ainsi. Alors que nous, Français, faisons un effort considérable, nous sommes à un moment de vérité pour les Européens. La nouvelle force à très haut niveau de réactivité (VJTF) mise en place lors du dernier sommet de l’OTAN devra d’ailleurs être mutualisée sur tous les plans.

Dans le cadre d’une approche globale, le droit et la force sont complémentaires. Le droit est en outre la meilleure réponse au terrorisme et à la violence. De ce point de vue, il faudrait créer une meilleure coordination entre l’ONU et l’OTAN. Nous devons tirer les leçons de l’Afghanistan, où cette coordination a été mise en place trop tard.

Une rencontre récente avec le général Paloméros a démontré que, dans la guerre hybride, qui passe notamment par la propagande sur les réseaux sociaux, atteint des sommets d’intelligence et d’efficacité particulièrement préoccupants. Ce sujet vous inspire-t-il des réflexions particulières ?

M. Kader Arif. On peut tirer fierté de ce désir de France, qui est, pour beaucoup, incarné par l’armée française et son savoir-faire.

L’armée représente un des derniers lieux du creuset républicain, où l’ascenseur social fonctionne et où la diversité de la société a toute sa place. On devrait davantage le faire connaître dans les moments que nous vivons. Qu’en pensez-vous ?

Général Pierre de Villiers. Les armées ont effectivement un rôle important à jouer en matière de cohésion sociale. Chaque année, nous redonnons à la société 20 000 jeunes que nous avons formés, dont certains étaient au départ en difficulté et se sont comportés comme de vrais héros. C’est dans cet esprit qu’avec le ministre de la défense nous avons proposé au Président de la République, l’instauration d’une expérimentation sur le service militaire adapté (SMA) d’outre-mer en métropole pour cette catégorie de jeunes refusant les dispositifs socio-éducatifs actuels et que seule l’armée peut peut-être contribuer à remettre dans le droit chemin. Nous sommes en effet un véritable exemple d’ascenseur social : plus de 50 % de nos sous-officiers proviennent des militaires du rang et on peut s’engager comme simple soldat et terminer général de brigade.

Nous avons un groupe de travail « modèle ressources humaines » (RH) dans le cadre de la transformation des armées. C’est un grand chantier et les hommes sont au cœur de mes préoccupations. Si les armées sont ce qu’elles sont, c’est parce que nous avons le souci des hommes et des femmes qui y travaillent. Notre démarche vise à dynamiser les parcours en favorisant les départs de l’institution à plusieurs moments de la carrière. Ceci permettra de dépyramider le système et améliorer ainsi la cohérence entre le grade, la responsabilité et la rémunération.

Madama est une base isolée, qui n’est pas achevée. La base incarne la présence française aux côtés des Nigériens face à la frontière libyenne. Nous avons fait des opérations conjointes avec nos amis tchadiens et nigériens, telle que l’opération Mangouste entre Noël et le nouvel an, qui nous a permis d’intercepter deux tonnes de drogue et de montrer notre présence pour perturber les terroristes. La base devrait aussi nous apporter beaucoup en termes de renseignement et de capacité d’action. Je suis très vigilant sur les rapports de forces.

Concernant Boko Haram, s’il s’agit d’une préoccupation incontestable, mon front est au nord, sur la BSS, depuis la Mauritanie jusqu’au Tchad. Mais mes alliés nigériens et tchadiens ne comprendraient pas que je ne m’occupe pas du sud. Si cette zone est davantage dans la sphère d’influence des Américains et des Britanniques, nous sommes, avec la cellule de coordination et de liaison, chargés de mieux faire travailler ensemble les forces. La solution est la force africaine annoncée sous l’égide de l’Union africaine, à laquelle nous pouvons apporter soutien et conseil. Les forces tchado-nigériennes se heurtent à de violentes résistances, Boko Haram étant d’une violence inouïe et agissant comme Daech. Le problème est avant tout politique : il faut que la communauté internationale s’engage et que l’on soutienne cette force africaine pour régler le problème.

Face à Daech, nous ne gagnerons pas la guerre uniquement par des bombardements aériens. Je suis persuadé que nous triompherons, car nous disposons d’une coalition de 30 pays bien organisés, mais avec des actions au sol menées par les forces locales. Il nous faut le temps de les reconditionner et de les rééquiper. Cela va assez vite du côté des peshmergas, plus lentement du côté des forces de sécurité irakiennes, mais des centres de formations dirigés par les Américains se mettent en place. Je rappelle que la coalition est à 90 % américaine. L’état-major de la coalition au Koweït sera composé d’un millier d’Américains alors que nous y serons dix à quinze.

Nous bombardons Daech. Nous l’avons empêché de mener une offensive tactique, de continuer à avancer vers Erbil et Bagdad et de faire tomber Kobané, mais, je le répète, il faut des offensives terrestres au sol, sachant que ce combat sera long et difficile.

Quant à l’Algérie, elle est un pays clé pour toute la BSS. Nous ne ferons rien avancer en Libye sans elle. Il en est de même s’agissant du problème des Touaregs. C’est la raison pour laquelle je me suis rendu dans à Alger voir mon homologue. Nous avons amélioré notre coopération en termes de renseignement. Concernant les sociétés de projets, je suis favorable à ce que ce montage soit étudié jusqu’au bout. A ce stade, je n’ai pas de plan B. Mon problème est d’avoir les 31,4 milliards d’euros pour mener à bien mes missions, et ce, avant le 1er juillet, pour pouvoir les dépenser. En outre je souhaite être associé au choix des équipements, que cela ne me limite pas en termes d’opérations et que les conditions financières soient prises en compte dans la LPM. Mais je n’ai pas les compétences pour examiner la question des sociétés de projets, qui est complexe : je fais confiance aux experts et aux autorités politiques. Il me faudra en tout cas les 2,3 milliards d’euros de ressources exceptionnelles. Je suis très confiant et serein compte tenu de ce qu’a décidé le Président de la République.

Si nous menons la guerre contre le terrorisme, elle relève d’abord du ministère de l’intérieur sur le territoire national, où j’apporte une force de protection supplémentaire pour rassurer les Français et accroître la capacité de garde des points sensibles.

Le Président de la République a fixé le contrat protection à 10 000 hommes pendant quatre semaines pour la période 2015-2019. Nous sommes en train de faire les relèves et adoptons un dispositif plus mobile, moins vulnérable et plus efficace en diminuant progressivement notre empreinte au sol, sachant qu’on ne peut relever 10 000 hommes aujourd’hui, sauf à aller en chercher en OPEX ou à rallonger les séjours dans ces opérations au-delà des délais prévus – ce que le Président, à raison, ne souhaite pas. Nous jouons sur les marges en termes de formation et d’entraînement pour récupérer tous les personnels disponibles. Les soldats relevés auront été dans l’ensemble mobilisés entre quatre et six semaines. Je rappelle que c’est parce que j’ai précisé au Président que je ne serais pas en mesure dans deux ans de lever 10 000 hommes qu’il a réduit et lissé la déflation.

Le contrat prévoit par ailleurs que si le Président le décide, nous devons être capables de remonter immédiatement en puissance à 10 000 hommes.

Quant à l’armée malienne, elle est en cours de formation : on a formé six bataillons en quelques semaines avec le dispositif EUTM. Mais il lui faudra du temps pour pouvoir faire face à des terroristes aguerris. Par ailleurs, nous menons des opérations conjointes très efficaces avec nos partenaires africains dans le cadre du G5 Sahel, notamment sur les frontières, où les terroristes se mettent à l’abri. Si nous avons neutralisé 200 terroristes et récupéré des tonnes d’équipements, de munitions et de matériel sensible, c’est parce que nous travaillons avec les armées et la population locales.

Derrière le dossier syro-irakien, il y a deux acteurs, que sont la Russie et l’Iran. C’est pour cela qu’il y a un lien entre le flanc est, avec le dossier ukrainien, et le flanc sud, avec le terrorisme international de Daech notamment. Mais la situation est compliquée, entre les chiites, les sunnites et, au sein de ces derniers, les modérés et les autres. Il faut regarder la scène, mais aussi ce qui se passe derrière pour comprendre les ballets diplomatiques, sachant qu’il y a aussi un risque, au sein de l’OTAN, d’une coupure entre les pays du sud et ceux de l’est. Il faut donc être vigilant pour préserver l’alliance actuelle ; la France a un rôle singulier à jouer entre ces deux flancs.

S’agissant de la mer de Chine, pour m’être rendu dans ce pays à la demande du Président de la République, je pense que l’avenir du monde va se jouer en partie dans cette zone. Mais les 31,4 milliards du Livre blanc limitent nos capacités pour y être présents. La France est réclamée dans tous les pays de la région et nous avons une carte à jouer vis-à-vis de la Chine.

S’agissant du conflit ukrainien, je ne me place pas dans un rapport de force militaire avec la Russie et me refuse à imaginer qu’il y ait un conflit entre l’OTAN et ce pays, qui serait désastreux, d’autant que ce dernier dispose de l’arme nucléaire. La position du Président de la République, qui est très actif sur ce dossier, est la désescalade et j’espère que les voies diplomatiques vont prévaloir, que le bon sens va l’emporter et que l’on va pouvoir trouver une solution acceptable pour les deux parties. Dans le cadre des mesures de réassurance de l’OTAN, nous avons projeté quatre Rafale en Pologne, mis des bâtiments, renforcé l’état-major de planification et nous allons avoir un exercice avec un sous-groupement blindé mécanisé et des chars Leclerc au printemps dans ce pays. Mais la solution n’est pas militaire et la désescalade me paraît être la seule voie possible.

Sur la stratégie globale, il nous faut continuer à progresser. Au Levant, la question est de savoir quelle stratégie globale nous avons et quel effet final nous recherchons, ce qui suppose d’intégrer l’ensemble des facteurs, à savoir, outre le facteur militaire, la solution politique, la gouvernance choisie ainsi que les instruments retenus à cet effet. Si on a gagné militairement en Libye, on n’y a pas forcément gagné la paix.

Je pense aussi que les armées sont de plus en plus populaires et que les Français ressentent un besoin nouveau de protection, ce dont je ne peux que me réjouir. Je ne peux qu’être satisfait également que l’on envisage une augmentation de ce budget car, par rapport à ce que prévoyait le Livre blanc, les facteurs stratégiques tendent tous à la hausse.

La guerre hybride est un concept otanien, que nous connaissons bien. Il fait allusion aux facteurs psychologiques et à la cyberdéfense, que nous intégrons, sachant que dans ce dernier domaine, la France est dans le peloton de tête mondial.

Il y a parfois une confusion entre la réassurance face à l’Ukraine et la force de réaction rapide de l’OTAN. Nous souhaitions au départ, au comité militaire, avec mes collègues américain et britannique, qu’on organise mieux l’OTAN face au facteur clé qu’est le temps. Les crises exigent une réaction rapide. Notre système de NRF et de bataillon d’alerte n’est pas totalement adapté. D’où la création de la force de réaction très rapide. Nous avons dit que la France serait une nation cadre en 2020 pour cette force, sous certaines conditions, notamment que ce soit sous enveloppe du budget de l’OTAN et qu’on nous laisse organiser notre système de commandement. Aujourd’hui, nous commandons 3 500 hommes dans l’opération Barkhane sur 4 000 kilomètres de front avec 120 personnes : on n’a donc pas besoin d’états-majors en comportant 500 ou 1 000 !

S’agissant de Sangaris, nous sommes intervenus pour éviter un désastre humanitaire et avons dit que nous serions une force de transition avant l’arrivée de la force internationale. Nous sommes aujourd’hui dans une phase de descente en puissance progressive de notre dispositif au fur et à mesure de la montée en puissance de la MINUSCA. De 2 000 hommes, nous allons passer à 1 700 fin mars. Et nous continuerons à réduire notre dispositif si cette force est capable de prendre le relais, zone par zone. Mais nous garderons une force de réaction rapide en toute hypothèse, avec des hélicoptères, Tigre notamment, qui nous ont permis la semaine dernière d’arrêter une offensive. En tout cas, la MINUSCA monte en puissance et fait preuve d’une certaine réactivité. Le problème maintenant est politique : il faut une gouvernance stable, des élections et que petit à petit la paix s’instaure. Le passage de relais se présente plutôt bien à ce stade, même si la situation reste extrêmement fragile – nous avons d’ailleurs encore eu aujourd’hui un accrochage violent.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Je vous remercie, général, pour toutes ces informations. Nous pouvons vous applaudir.

Je souhaite que l’Allemagne aide à financer la force africaine, que les Anglais soient plus présents dans la zone d’action de Boko Haram et que nos efforts pour la vente du Rafale soient couronnés de succès.

La séance est levée à dix-neuf heures dix.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

Réunion du mardi 10 février 2015 à 17 h 15

Présents. - Mme Nicole Ameline, M. Pouria Amirshahi, M. Kader Arif, M. Jean-Paul Bacquet, M. Philippe Baumel, M. Jean-Luc Bleunven, M. Gwenegan Bui, M. Guy-Michel Chauveau, M. Michel Destot, M. Jean-Pierre Dufau, M. Jean-Paul Dupré, Mme Valérie Fourneyron, M. Jean Glavany, Mme Élisabeth Guigou, M. Meyer Habib, M. Benoît Hamon, M. Pierre-Yves Le Borgn', M. Pierre Lellouche, M. François Loncle, M. Thierry Mariani, M. Jean-René Marsac, M. Patrice Martin-Lalande, M. Jean-Claude Mignon, M. Axel Poniatowski, M. Didier Quentin, Mme Marie-Line Reynaud, M. Boinali Said, M. François Scellier, M. Michel Terrot

Excusés. - M. Jean-Marc Ayrault, Mme Cécile Duflot, Mme Chantal Guittet, M. Serge Janquin, M. Jean-Luc Reitzer, Mme Odile Saugues, M. Michel Vauzelle

Assistait également à la réunion. - M. Jean Launay