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Commission des affaires étrangères

Mercredi 9 décembre 2015

Séance de 17 heures 00

Compte rendu n° 30

Co-Présidence de Mme Elisabeth Guigou, Présidente puis de Mme Chantal Guittet, secrétaire de la commission et de Mme Danielle Auroi, Présidente de la commission des affaires européennes

– Audition, ouverte à la presse et conjointe avec la commission des affaires européennes, de M. Harlem Désir, secrétaire d’État aux affaires européennes auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, et de M. Michaël Roth, secrétaire d’État aux affaires européennes de la République fédérale d’Allemagne...

Audition, ouverte à la presse et conjointe avec la commission des affaires européennes, de M. Harlem Désir, secrétaire d’État aux affaires européennes auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, et de M. Michaël Roth, secrétaire d’État aux affaires européennes de la République fédérale d’Allemagne.

La séance est ouverte à dix-sept heures.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Nous sommes heureuses, Danielle Auroi, et moi d’accueillir conjointement M. Michael Roth, secrétaire d’État aux affaires européennes de la République fédérale d’Allemagne, et M. Harlem Désir, secrétaire d’État aux affaires européennes auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international. C’est la seconde fois que M. Roth accepte cet exercice fort utile, qui nous permet d’entendre le point de vue de l’Allemagne sur les dossiers européens.

Nos contacts avec nos homologues allemands sont fréquents, et plusieurs d’entre nous étaient à Berlin la semaine dernière pour remercier l’Allemagne de la solidarité dont elle fait preuve à notre égard, notamment en votant au Bundestag les mesures d’aide que nous avions demandées au titre de l’article 42-7 du traité sur l’Union européenne. C’est, plus largement l’ensemble du peuple allemand que nous remercions pour ses témoignages d’amitié, et je tiens à dire que nous avons été touchés par les fleurs et les bougies déposées devant l’ambassade de France.

Nous allons consacrer cette audition au prochain conseil européen, qui doit se tenir les 17 et 18 décembre, dont l’ordre du jour se compose de quatre sujets extrêmement lourds : la lutte contre le terrorisme, la crise des réfugiés, le référendum britannique et l’Union économique et monétaire.

Je ne m’attarderai pas ici sur la question du terrorisme sinon pour dire que l’Allemagne consent à nos yeux un effort important en mobilisant mille deux cents militaires pour lutter contre Daech, en joignant l’une de ses frégates au groupe aéronaval, en mettant à la disposition des services de renseignement des satellites et des Tornado et en fournissant enfin aux forces de la coalition des capacités de ravitaillement en vol. Au-delà de cette aide et des remerciements que nous vous devons, nous avons néanmoins encore des progrès à faire pour parvenir à une analyse commune de la menace, et j’aimerais, monsieur Roth, votre opinion sur cette question.

Au sujet de la crise des réfugiés, les journalistes allemands n’ont pas eu la délicatesse de mon homologue Norbert Röttgen et n’ont pas hésité à me demander ce que la France comptait faire pour accueillir davantage de réfugiés. J’aimerais là aussi vous entendre tous les deux sur la façon dont nous devons nous y prendre pour mettre en œuvre le programme européen de relocalisation et organiser les hotspots, qui font, me semble-t-il, l’objet d’un plan franco-allemand.

En ce qui concerne enfin le Royaume-Uni, le président du Conseil européen Donald Tusk a répondu à la lettre que lui avait adressée David Cameron en des termes qui restent encore, à ce stade, assez généraux. Il sera sans doute difficile de parvenir à un accord lors du prochain Conseil mais je souhaiterais que vous nous détailliez l’un et l’autre les positions française et allemande sur les quatre principaux sujets de revendications du Premier ministre anglais.

La Présidente Danielle Auroi. Nous sommes en effet ravies, Élisabeth Guigou et moi-même, de vous accueillir ensemble pour la seconde fois, dans un exercice qui a d’autant plus de sens qu’il se déroule à quelques jours du prochain Conseil.

Après le drame que nous venons de vivre et les massacres parisiens, la solidarité entre nos deux peuples ne peut que nous donner du courage. Élisabeth Guigou a rappelé que certains d’entre nous étaient à Berlin la semaine dernière. Nous avons eu la chance d’avoir un long entretien avec Angela Merkel et d’avoir pu assister, au Bundestag, aux débats et au vote par lesquels nos collègues allemands ont répondu à la demande d’aide de la France.

Comme l’a rappelé la chancelière, cette solidarité ne peut avoir de sens que dans le cadre d’une Union européenne forte, ce qui implique sans doute d’interroger ses fondements mais surtout de lui donner les moyens d’exister à nouveau en étant moins écartelée entre les différents intérêts nationaux – voire nationalistes dans certains cas. Nous devons nous réinscrire dans une logique de partage de souveraineté, au service des citoyens européens.

La lutte contre le terrorisme et la gestion des flux migratoires seront deux des sujets à l’ordre du jour du prochain conseil. Bernard Cazeneuve et son homologue allemand Thomas de Maizière ont adressé jeudi dernier une lettre conjointe à la Commission européenne, dans laquelle ils font un certain nombre de propositions, au premier rang desquelles le renforcement des frontières extérieures, sans lequel il ne saurait y avoir de solidarité européenne. Qu’en est-il dans cette perspective du renforcement des contrôles, de la mise en place de centres d’accueil et de la création d’un corps de garde-côtes ?

Peut-on espérer progresser efficacement dans notre lutte contre le terrorisme, notamment en empêchant son financement ? Il est très important de se focaliser sur les bonnes cibles : il y a certes la Syrie, mais également la Lybie où est en train de s’implanter un islamisme radical qui menace directement la Tunisie. Madame Merkel l’a rappelé : le Partenariat oriental ne doit pas nous faire négliger la dimension européenne des enjeux géopolitiques auxquels nous sommes confrontés ici.

En ce qui concerne la gestion des migrants, où en sommes-nous de la relocalisation des cent soixante mille migrants décidée par le Conseil sur proposition du président Juncker ?

J’aimerais également vous entendre sur le récent accord passé avec la Turquie et sur les engagements qu’elle a pris en contrepartie des 3 milliards d’euros que va lui verser l’Union européenne. Peut-on considérer qu’elle a clarifié ses positions alors que des chargements de pétrole en provenance des territoires contrôlés par l’État islamique (EI) continuent de traverser son territoire ?

Enfin, les conclusions du sommet de La Valette vous semblent-elles de nature à rassurer les pays africains, au moment où doit se conclure la COP21 ? Le projet de taxe sur les transactions financières validé hier par Ecofin et qui ne concerne désormais plus que dix pays, l’Estonie ayant choisi de se retirer, est-il parallèlement de susceptible de les rassurer sur la volonté européenne de financer l’aide au développement durable ?

Michael Roth, secrétaire d’État aux affaires européennes de la République fédérale d’Allemagne. Je tiens à vous remercier de me donner la possibilité d’échanger avec vous sur les questions européennes en compagnie de mon collègue Harlem Désir. J’apprécie beaucoup ce genre de réunion, aujourd’hui plus que jamais absolument nécessaire.

Je suis très inquiet au sujet de l’Europe, dont j’ignore si elle a jamais connu d’aussi graves difficultés qu’aujourd’hui. Je n’étais né ni dans les années cinquante ni dans les années soixante mais, depuis dix-sept ans que je siège au Bundestag, m’y consacrant aux questions européennes, je n’ai jamais eu le sentiment que nous étions à ce point sous l’eau. Alors qu’il nous faudrait faire preuve de cohésion, se développent au contraire dans les États membres des mouvements populistes et nationalistes qui mettent en avant les intérêts nationaux. Dans ces conditions, qui est prêt à aller vers l’autre ?

Autour de l’Europe flotte, au sud comme à l’est, un climat d’incertitude et d’instabilité. Nous vivons sous la menace du risque terroriste, et votre pays a, très récemment, été confronté à des attaques brutales et barbares. J’espère que vous aurez senti que, dans votre peine et votre chagrin, vous n’étiez pas seuls. Beaucoup de mes compatriotes ont été touchés par votre drame et sont de tout cœur avec vous.

Ceci montre que, malgré tout, nous sommes des européens et que l’Europe est unie. Les tristes attaques dont Paris a été victime sont aussi des attaques contre l’Europe et ses valeurs. C’est pourquoi nous devons les défendre ensemble, au plan politique, au plan diplomatique mais également au plan militaire, ce qui n’a rien d’évident pour l’Allemagne étant donné notre histoire. Cela étant, nous n’avons jamais imaginé que notre solidarité pourrait ne s’exercer qu’à travers les bougies et les gestes symboliques. Cette solidarité doit s’exercer dans les faits, et je souhaite que la contribution que nous pouvons et souhaitons vous apporter corresponde à vos attentes.

Nous avons devant nous un long chemin semé d’embûches car il ne s’agit pas seulement de s’engager au plan militaire mais d’aboutir à un processus qui ramène la paix en Syrie et empêche Daech d’étendre davantage son pouvoir. Cela vaut également pour l’Irak et pour l’Afrique du nord, dont vous connaissez la situation bien mieux que moi et où le terrorisme prend également de l’ampleur.

Posent également problème nos rapports avec la Russie, sachant qu’il n’y aura pas de solution durable aux crises actuelles si la Russie n’est pas prête à se montrer constructive. En Ukraine, la situation reste préoccupante, et aucune solution ne se dégage pour l’heure.

Nous sommes également confrontés au sein même de l’Union européenne à des épreuves sérieuses, au premier rang desquelles le chômage des jeunes, qui atteint en Grèce, en Espagne, dans le sud de l’Italie ou en Croatie des proportions extrêmement élevées. On ne peut dans ces conditions dormir sur nos deux oreilles, car c’est la cohésion européenne que ce fléau met en danger. L’Europe souffre de trop de déséquilibres économiques et sociaux et de trop peu de convergence. L’Union économique et monétaire n’est pas achevée. En plus d’une monnaie unique, nous avons besoin d’une coordination obligatoire de nos politiques monétaires et économiques.

Dans ce contexte, l’un des États membres prévoit prochainement d’organiser un référendum dont nous ignorons l’issue. Or il est contre nos intérêts qu’un grand pays comme la Grande-Bretagne, où les eurosceptiques sont très nombreux pas seulement au Parlement mais également au sein de la population, quitte l’Union européenne. Demandons-nous ce que nous pouvons faire pour l’empêcher.

À toutes ces difficultés auxquelles s’ajoute la crise migratoire, je ne vois pas de solution nationale mais uniquement des solutions européennes.

Pour toute une série de raisons, la question des réfugiés est aux yeux des Allemands une épreuve majeure. En 2015, plus d’un million de réfugiés vont arriver en Allemagne, mais jamais mon gouvernement ne s’excusera d’avoir défendu nos valeurs communes dans son attitude vis-à-vis d’eux. Les réfugiés sont avant tout des êtres humains et ils doivent être traités comme tels. Cela n’empêche pas que nous protégions nos frontières extérieures, que l’enregistrement des réfugiés – pour des raisons de sécurité mais pas seulement – soit garanti et que la charge que cela représente soit répartie équitablement. Or, j’ai pu constater en me rendant en Grèce que cette dernière était largement dépassée par ces exigences en matière d’enregistrement. Même si les budgets européens sont limités, nous devons nous demander si nous ne pouvons aider davantage les pays le plus rudement mis à l’épreuve en leur apportant une assistance financière et logistique.

Je vois avec inquiétude se raviver à l’ouest des Balkans d’anciens conflits qui semblaient enterrés, installant à nos portes une dangereuse instabilité. La France s’inquiète tout particulièrement de savoir comment nous allons nous comporter à l’égard de la Turquie, pays avec lequel nous menons des négociations d’adhésion et dont nous souhaitons qu’il tourne son regard vers l’Europe et ses valeurs. Aujourd’hui, ces valeurs, la liberté des médias, l’indépendance de la justice y sont bafouées, mais nous avons néanmoins besoin de la Turquie, qui doit être pour nous un partenaire constructif. Elle a accueilli 2,2 millions de réfugiés en provenance de Syrie, mais la situation de ces réfugiés devient de plus en plus précaire, et l’OMS s’interroge aujourd’hui sur leur sort, non seulement en Turquie mais aussi au Liban ou en Jordanie.

Des centaines de milliers de réfugiés fuient à travers le monde les guerres civiles, les injustices et les menaces qui pèsent sur eux, et ce que nous voulons, ce n’est pas lutter contre les réfugiés mais contre les causes qui les poussent à quitter leur pays. L’Europe a, envers ces réfugiés, une responsabilité à laquelle aucun de ses membres ne doit se dérober, pas plus qu’il ne doit remettre en question l’idée européenne de frontières ouvertes et de libre circulation. Nos sociétés n’excluent aucune culture, aucune religion, aucune ethnie, même si, aujourd’hui, l’ensemble de l’Europe ne semble plus s’accorder sur ce point et que ce qui se passe dans certains États à de quoi nous inquiéter.

Si je suis ici, c’est donc pour vous demander votre soutien. Nos gouvernements coopèrent étroitement, grâce à l’entente qui règne entre Harlem et moi-même, entre M. Fabius et M. Steinmeier, mais également entre la Chancelière et votre Président de la République. Mais nous avons aussi besoin des députés, car sans cette étroite coopération franco-allemande, c’en sera fini de l’Europe.

L’Europe est toujours sortie plus forte des crises qu’elle a traversées. Je formule ici l’espoir qu’il en soit de même aujourd’hui. (L’ensemble des commissaires applaudissent.)

M. Harlem Désir, secrétaire d’État aux affaires européennes auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international. C’est la quatrième fois en un an que j’ai le plaisir de participer avec Michael Roth à une audition conjointe devant une commission parlementaire, à l’Assemblée nationale ou au Bundestag. Je vous remercie de cette invitation pour un exercice important, dont je pense qu’il devrait être régulier tant sont étroits la coopération et les liens entre la France et l’Allemagne.

Je souhaite exprimer à mon tour toute notre reconnaissance pour la solidarité que l’Allemagne, ses plus hautes autorités et ses citoyens nous ont témoignée après les attaques terroristes du 13 novembre, en parant notamment la porte de Brandebourg des couleurs françaises. Michael Roth a souhaité se rendre après cette audition devant le Bataclan pour rendre hommage aux victimes.

L’actualité européenne de ses derniers mois a été dominée par des crises qui n’ont pas toutes leurs racines en Europe, comme la crise ukrainienne, la crise syrienne, la crise des réfugiés ou la menace terroriste. La crise grecque en revanche est une crise européenne. Face à ces crises, l’Allemagne et la France ont chaque fois travaillé à bâtir des réponses communes pour permettre à l’Union européenne de faire face.

L’urgence, aujourd’hui, c’est le terrorisme, qui sera à l’ordre du jour du Conseil européen de la semaine prochaine à Bruxelles. Michael Roth a rappelé que ce qui était en jeu, c’est notre capacité à agir ensemble contre un ennemi, Daech, qui, depuis la Syrie et l’Irak, organise des attentats en France, mais aussi au Danemark ou en Belgique. Le djihadisme a déjà frappé d’autres capitales européennes par le passé, à Madrid ou à Londres, et il n’épargne pas le reste du monde : le Mali, la Tunisie, la Russie ou la Californie viennent également d’être touchés.

Nous avons été très sensibles au fait que la Chancelière, le gouvernement allemand et le Bundestag aient si rapidement accepté de répondre aux sollicitations de la France, qui, – et c’est une première historique – a invoqué l’article 42-7 du traité de l’Union européenne pour demander à l’Europe un soutien à son action contre l’État islamique au Levant. L’Allemagne a donc pris la décision exceptionnelle d’engager ses forces armées en appui à notre intervention et de renforcer son appui à nos opérations au Sahel, en particulier au Mali.

Au-delà, l’Europe doit pouvoir afficher sa capacité à répondre à la menace terroriste non seulement par une politique de défense commune mais, plus globalement, par une politique étrangère commune. Il faut travailler, comme nous le faisons dans le cadre du processus de Vienne, à trouver une solution politique permettant à la Syrie de sortir de la guerre, si nous voulons que notre action militaire ait un sens. Il faut dans le même temps que nous mettions tout en œuvre, à l’intérieur de nos frontières pour renforcer la sécurité de nos citoyens. Les ministres de l’intérieur sont enfin parvenus à obtenir du Parlement européen un accord sur le Passenger Name Record (PNR). Nous devons également renforcer notre coopération policière et judiciaire, notamment en matière de renseignement. Nous avons pour cela des outils – le système d’information Schengen, Europol, Eurojust –, qui doivent nous permettre d’identifier et de mettre hors d’état de nuire les personnes liées aux réseaux terroristes, notamment celles qui reviennent de Syrie pour commettre des attentats sur notre sol.

Le deuxième grand sujet qu’abordera le Conseil sera l’immigration. Il faut que les décisions prises en réponse à la crise des réfugiés soient réellement mises en œuvre, que les frontières extérieures de l’Europe soient contrôlées, que les centres d’enregistrement et d’accueil, les hotspots, soient mis en place en Grèce mais aussi en Italie, et que les engagements pris par les États membres pour la relocalisation de cent soixante mille réfugiés puissent être honorés rapidement.

Cela suppose d’une part de renforcer les capacités de Frontex, car la Grèce, qui est aujourd’hui le pays le plus exposé, doit être aidée, et d’autre part d’élargir le mandat de l’agence afin qu’elle puisse également gérer une partie des opérations de rapatriement des migrants qui ne pouvent prétendre au statut de réfugié politique.

Des mesures ont par ailleurs été actées, avec les pays d’Afrique à La Valette et avec la Turquie lors du sommet de Bruxelles, pour que soient réunies dans ces pays, soit d’origine soit de transit, les conditions permettant de limiter l’exode de leurs ressortissants, d’accueillir des réfugiés ou, en ce qui concerne la Turquie, de lutter contre les passeurs et les réseaux de trafic d’êtres humains.

Seront également à l’ordre du jour du Conseil des questions économiques, avec, notamment, un point d’étape sur la réforme de l’Union économique et monétaire car, pour faire face à la crise de la croissance et de l’emploi, nous devons améliorer la coordination entre nos politiques et renforcer la convergence économique et sociale.

Nous aurons enfin, en préalable aux véritables négociations prévues pour février 2016, un échange avec le Premier ministre britannique au sujet des revendications qu’il a formulées en vue du référendum que va organiser son pays sur son maintien dans l’Union européenne. Si nous pensons qu’il est dans l’intérêt de l’Europe et du Royaume-Uni que ce dernier reste dans l’Europe et qu’il nous faut donc faire notre possible pour répondre aux demandes de M. Cameron, cela ne doit pas se faire au détriment de la cohésion de l’Union européenne qui, plus que jamais, face aux défis qu’elle affronte, doit rester solide sur ses fondements.

Dans un moment aussi décisif pour l’Europe, la coordination entre la France et l’Allemagne est évidemment décisive, et c’est pourquoi je suis heureux que l’occasion soit donnée aujourd’hui à Michael Roth d’en débattre avec les membres de l’Assemblée nationale.

La Présidente Élisabeth Guigou. Nous sommes heureux de constater votre engagement commun et très affirmé en faveur de l’Europe. J’aimerais, cela étant, que vous nous précisiez ce que vont être les positions française et allemande au sujet des demandes britanniques, qui s’organisent autour de quatre grands axes.

En matière de gouvernance économique, M. Cameron souhaite que soit reconnue l’existence de plusieurs monnaies au sein de l’Union européenne. Par ailleurs, sans demander de véto sur les décisions que seront prises dans la zone euro, il demande à y être associé. Jusqu’où est-on prêts à aller sur ce point, sans doute le plus problématique, compte tenu du rôle de place financière que joue aujourd’hui la Cité de Londres dans le fonctionnement des marchés financiers.

Concernant le marché intérieur, les demandes britanniques en faveur d’une poursuite de l’intégration, notamment dans le domaine du numérique, me paraissent raisonnables.

Ces demandes sont beaucoup plus insistantes en revanche sur le sujet de la souveraineté des États, puisque M. Cameron exige une implication plus grande des parlements nationaux. Je n’y suis personnellement guère hostile, mais où doit-on placer le curseur par rapport au Parlement européen ? Beaucoup d’États membres expriment leurs réticences devant l’instauration d’un mécanisme de « carton rouge », sachant que nous disposons déjà du mécanisme de « carton jaune » mis en place sur proposition d’Alain Lamassoure et qui fonctionne plutôt bien. Sur cette question, quelles sont vos positions à l’un et à l’autre ?

Enfin, en matière d’immigration intra-européenne, M. Cameron demande que les citoyens européens qui s’installent au Royaume-Uni soient contraints d’attendre quatre avant de pouvoir percevoir l’ensemble des prestations sociales. J’ai cru comprendre que le Conseil était globalement hostile à cette proposition contraire au principe de la libre circulation, même si chacun s’accorde à reconnaître que les règles doivent être améliorées pour limiter les fraudes et les abus, notamment chez les travailleurs détachés.

Michael Roth. En ce qui concerne le Brexit, je rappellerai en préalable que si le Royaume-Uni apporte des choses à l’Europe, la réciproque est vraie.

Par ailleurs, la question du Brexit ne trouvera de réponse ni à Paris, ni à Berlin, à Varsovie ou à Rome : ce sont aux institutions européennes de prendre la main, dans la mesure où il n’est pas exclu que certaines des exigences britanniques nécessitent une modification des traités ou de la législation européenne. Or pensez-vous qu’il puisse se trouver aujourd’hui un consensus politique pour modifier les traités ? Quant à la révision du droit secondaire, elle exige des majorités aux conseils des ministres et au Parlement.

Pour ce qui concerne les demandes britanniques, l’euro, en premier lieu, est la monnaie de tous les États membres qui remplissent les conditions pour cela, sauf s’ils ont annoncé au préalable qu’ils ne souhaitaient pas faire partie de la zone euro. L’Union européenne sera donc toujours une union à plusieurs monnaies sauf si le Royaume-Uni et les autres pays qui en bénéficient décidaient de renoncer à leur clause de retrait (opt-out), ce qui n’est pas à l’ordre du jour. Mais un pays qui ne fait pas partie de la zone euro, s’il peut être intégré aux discussions la concernant, ne peut en aucun cas disposer d’un droit de véto sur les décisions engageant son évolution.

Concernant ensuite l’implication des parlements nationaux dans les politiques européennes, je souhaiterais qu’au lieu de « carton rouge », l’on parle de « carton vert ». Pourquoi en effet les parlements nationaux devraient-ils forcément être dans le refus et l’opposition au lieu d’intervenir dans un esprit positif et constructif ? Une plus grande intégration des parlements nationaux serait en particulier la bienvenue dans le cadre de l’Union économique et monétaire.

Le plus gros problème à mes yeux est celui des limitations qui pourraient être apportées à la libre circulation des travailleurs, véritable conquête de l’Europe, et je ne vois pas comment le fait de subordonner le bénéfice des prestations sociales à un délai de résidence de quatre ans dans le pays d’accueil pourrait être compatible avec les traités.

M. Harlem Désir. La zone euro doit pouvoir continuer à s’intégrer tout en respectant les pays qui n’en font pas partie. Il y a de fait une Europe différenciée mais cela ne peut signifier que les pays extérieurs à la zone euro puissent freiner son évolution – ce qui n’est d’ailleurs pas ce que demande le Royaume-Uni. La leçon que nous devons tirer de la crise financière et de la crise grecque est en effet qu’il est essentiel d’améliorer la coordination des politiques économiques, c’est-à-dire de renforcer, au-delà de la convergence des politiques budgétaires, l’harmonisation des politiques fiscales et sociales mais aussi des politiques d’investissement.

Quant aux décisions portant sur la régulation des marchés financiers, qui sont des décisions prises dans l’intérêt général européen à la majorité qualifiée des vingt-huit États membres, il ne saurait être question de les soumettre de surcroît à une approbation des pays non membres de la zone euro.

Nous ne rencontrerons pas de difficultés majeures sur les questions relatives à la compétitivité et au marché intérieur, car la simplification des règles permettant notamment aux PME de mieux en bénéficier est, comme son approfondissement dans les domaines du numérique et de l’énergie, une volonté que nous partageons.

En ce qui concerne la souveraineté, l’Europe repose sur la mise en commun d’un certain nombre de politiques qui relèvent de la codécision et d’un vote à la majorité qualifiée. Si nous sommes très attentifs à ce que les parlements nationaux puissent prendre part aux débats, grâce, notamment, au mécanisme d’alerte précoce, il ne saurait être question de réintroduire dans ces domaines une forme de droit de véto qui leur serait octroyé.

Quant à l’immigration intra-européenne, elle n’est rien d’autre que la conséquence de la liberté de circulation, qui permet à tout citoyen européen de circuler au sein de l’Union européenne et de s’installer dans un autre pays que son pays d’origine. Nous sommes tous d’accord pour lutter contre les abus sociaux, appuyés en cela par la jurisprudence de la Cour de justice. Toute restriction générale à la liberté de circulation serait en revanche contraire aux traités et marquerait la fin de l’Union européenne comme union de citoyens pour la réduire à une union douanière. En outre, imposer un délai de résidence de quatre années aux travailleurs étrangers pour qu’ils puissent bénéficier des prestations sociales reviendrait à établir une discrimination fondée sur la nationalité, ce qui est contraire à nos valeurs communes. Le Royaume-Uni en est conscient, et c’est la raison qui l’a conduit à souhaiter préciser ses demandes sur ce point.

La Présidente Élisabeth Guigou. M. Cameron a souhaité que le Royaume-Uni ne soit pas lié par la référence à une « union sans cesse plus étroite » qui figure dans le préambule du traité de l’Union. Or je rappelle que cette formule est déjà un compromis, d’ailleurs proposé à l’époque par le Danemark et le Royaume-Uni, pour contrer les propositions d’une « union fédérale » ou d’une « union à vocation fédérale », auxquelles voulaient respectivement se référer le Chancelier allemand et le Président de la République française. Quelle est votre position sur cette question, qui n’est pas uniquement une question symbolique ?

Michael Roth. Il y a en effet une ironie de l’histoire à ce qu’un Premier ministre britannique remette en cause aujourd’hui une formule inscrite dans le traité sur proposition de l’un de ses prédécesseurs. Cela étant, je suis plus que jamais prêt à discuter du contenu comme de la forme avec les Britanniques car, si nous leur opposons sur toute la ligne une fin de non-recevoir, le résultat du référendum ne sera pas favorable à l’Europe.

À ce stade néanmoins, l’issue des négociations dépend des demandes très concrètes que formulera le gouvernement britannique, au-delà des revendications en forme de slogans. Je vous demande dans cette perspective, tout en faisant usage de vos prérogatives, de nous ouvrir des marges de manœuvre qui nous permettent d’aller au compromis. Elles sont aujourd’hui très faibles pour les Européens convaincus que nous sommes, Harlem Désir et moi-même. Nous sommes en vérité confrontés à un dilemme.

M. Harlem Désir, secrétaire d’État aux affaires européennes auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international. Il arrive au Conseil européen de préciser dans ses conclusions que tel ou tel point n’engage pas tel ou tel État membre, mais nous ne voyons pas la nécessité de procéder à une réforme des traités pour modifier une formule qui déplaît aux Britanniques. Si elle est inscrite dans le préambule du traité, c’est bien pour rappeler que le projet européen nous engage dans un processus qui doit nous conduire à rapprocher nos politiques dans un très grand nombre de domaines. Nous respectons le choix divergent que peut faire l’un des États membres, mais il ne peut en aucun cas empêcher cette union sans cesse plus étroite de se réaliser.

(Mme Chantal Guittet, remplace Mme Élisabeth Guigou à la coprésidence.)

M. Gilles Savary. J’irai droit au but. L’Union européenne est entrée dans une phase de délitement accéléré. Si nous sommes parvenus à colmater une première brèche sur le front de la gouvernance économique et monétaire en imaginant, au plan politique ou réglementaire, des niveaux d’intégration supplémentaires, l’Union européenne par le marché se révèle impuissante à faire face aux chocs politiques résultant de la multiplication des crises à ses frontières, autour de la Méditerranée ou en Ukraine.

De manière tacite, Schengen est aboli, au moins pour un certain temps, et les frontières nationales se referment, ce qui, pour ma génération, est un véritable crève-cœur, et représente une évolution incompréhensible pour nos enfants.

Nos positions par rapport à la Russie, à la Turquie, au Mali ou à Daech relèvent encore de la diplomatie interétatique – à géométrie variable – et, si nous ne pouvons que vous remercier de votre réponse aux sollicitations que vous a adressées François Hollande en vertu de l’article 42-7, nous ne pouvons en rester là. Un saut fédéral est nécessaire en matière de politique migratoire, de contrôle aux frontières, et nous devons aller jusqu’où nous l’autorisent les traités en matière de sécurité et de défense commune.

Aujourd’hui, l’Europe semble s’en remettre à l’OTAN pour sa sécurité. Or l’OTAN se trouve déstabilisée par le fait que, d’une part, nombre d’Européens considèrent la Russie comme leur meilleur allié contre Daech, cependant, d’autre part, que cette même Russie connaît un incident de frontière non négligeable avec la Turquie, elle-même membre de l’OTAN. L’Union européenne a-t-elle une idée précise de la manière dont elle entend placer ses pions dans ce jeu de go ? De quel côté penche-t-elle au sujet de l’incident russo-turc ? Tous les pays de l’Union sont-ils en ligne, étant entendu qu’il pourrait être dangereux de semer la zizanie au sein de l’OTAN et d’aggraver les tensions en Ukraine, alors que nous avons besoin des Russes sur le théâtre des opérations au Levant.

M. Jacques Myard. Moi aussi, monsieur Roth, en regardant l’Europe je suis inquiet, mais pas pour les mêmes raisons que vous. Car votre conception de l’Europe date des années soixante, et le monde a changé ! Il faut regarder la réalité en face : c’en est fini de l’Union européenne conçue comme un bloc. Je m’étonne d’ailleurs que dans votre discours fédéraliste, vous ayez oublié de mentionner la décision de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe de juin 2009, qui spécifie clairement que pour bien des décisions prises à l’échelle européenne, la diète fédérale doit avoir le dernier mot.

Je vous remercie, cela étant pour le soutien de l’Allemagne, et je sais qu’en cas de coup dur, tous les Européens feront face ensemble notamment vis-à-vis de l’État islamique. Vielen Dank dafür.

Schengen était une utopie, et un gamin de dix ans aurait pu prédire que vouloir construire un cordon sanitaire autour de vingt-huit États pour empêcher les gens d’entrer était voué à l’échec.

Je suis désolé de vous le dire, mais la Chancelière a commis une faute en annonçant l’accueil de huit cent mille demandeurs d’asile. Certes ce sont des êtres humains, mais en parlant de huit cent mille personnes, ce sont plusieurs millions que l’on attire en réalité. Vous avez raison, il faut ramener la paix en Syrie, mais en l’occurrence, la France et ses alliés ont conduit une politique totalement inappropriée, tandis que, si l’on en croit les propos des services secrets turcs rapportés dans la presse, la Turquie jouait les apprentis-sorciers en livrant aux insurgés contre le régime de Bachar el-Assad l’équivalent de deux mille camions d’armes.

Un mot enfin sur l’Union monétaire. La crise de la Grèce ne fait que débuter, car on a utilisé la cavalerie pour régler le problème. Dans ces conditions, il n’y a qu’une solution, que, j’espère, vous ne prendrez pas en mauvaise part, c’est que l’Allemagne sorte de l’euro ! On en fait pas vivre avec une monnaie unique un pays aussi industrialisé que l’Allemagne et des marchands d’olive. Les propositions anglaises sont à cet égard pleines de réalisme.

Je me félicite cela étant que le peuple allemand et le peuple français soient aujourd’hui des alliés aussi soudés.

Mme Estelle Grelier. Pour aller souvent en Allemagne et aimer ce pays, j’ai pu constater la grande mobilisation des Allemands à la suite des attentats du 13 novembre, et je tenais à vous remercier des manifestations sincères de fraternité auxquelles j’ai pu assister.

Vous demandez aux parlementaires de vous donner des marges de manœuvre pour négocier avec les Anglais. Je ne partage pas du tout les idées de Jacques Myard et je trouve qu’il y a quelque chose de désespérant, lorsque l’on croit à la construction européenne, à devoir faciliter le maintien dans l’Europe d’eurosceptiques, qui font tout pour freiner l’intégration européenne.

Cela étant, autant les Allemands sont assez prolixes sur la question européenne autant ils sont beaucoup moins loquaces sur les relations germano-russes dont on a du mal, depuis la France, à cerner les contours. Quelle est la nature du partenariat – ou de l’amitié – qui vous lie, et dans quelle perspective ?

Au sujet de la crise migratoire enfin, l’ambassadeur d’Allemagne en France confiait récemment que l’arrivée massive des réfugiés en Allemagne – plus de dix mille par jour – commençait à être moins bien acceptée par la population. Le confirmez-vous, et le Gouvernement communique-t-il sur ce point pour convaincre les Allemands d’une décision qui vous honore ?

M. Christophe Caresche. L’Europe est confrontée à de multiples défis, économiques, diplomatiques ou qui mettent en jeu sa sécurité, le plus inquiétant d’entre tous étant l’euroscepticisme qui s’affirme vigoureusement dans nombre d’États membres. Il me semble dans ces conditions que le moment de dessiner à l’Europe de nouveaux contours est sans doute venu, et qu’il convient de l’assumer plus nettement. En d’autres termes, certains pays comme le Royaume-Uni, pour des raisons que l’on peut comprendre, souhaitent, sans se détacher de l’Europe, lui être liés de manière plus souple, sans avoir à en subir ce qu’ils considèrent comme des contraintes ou des injonctions. Les États membres de la zone euro ont besoin au contraire d’une intégration plus poussée, sans laquelle, c’est la question même de l’avenir de cette zone qui se pose. La difficulté est donc de parvenir à conjuguer au mieux ces forces centrifuges et centripètes. À partir du rapport des cinq présidents et des propositions concrètes faites par François Hollande en juillet dernier au sujet de la zone euro, nous devons enclencher le processus, sans quoi l’Europe court le risque de se déconstruire

La Présidente Danielle Auroi. Monsieur Roth, vous dites préférer le « carton vert » au « carton rouge », sachant que les parlements nationaux ont souvent usé du « carton jaune », lié au contrôle de subsidiarité, comme d’un moyen pour s’opposer à la Commission. Le mécanisme du « carton vert », est actuellement expérimenté sur une proposition émanant de la Chambre des Lords concernant la lutte contre le gaspillage alimentaire ; pour notre part, nous proposons qu’il soit utilisé pour faire adopter au niveau européen une législation sur la responsabilité sociale des multinationales envers leurs filiales et leurs sous-traitants.

M. Michael Roth. Mesdames et messieurs, je vous remercie pour vos questions et vos remarques. Je vais maintenant m’efforcer d’en faire la synthèse et d’y répondre, et j’espère que vous me pardonnerez d’être parfois très franc ou insistant dans mes propos.

Je m’étonne qu’en dépit de notre expérience, nous persistions à croire que nous pouvons nous contenter de raconter des contes de fées à nos concitoyens. Même si je sais, moi qui viens du pays des frères Grimm, qu’il y a toujours un fond de vérité dans les contes, je ne vois pas comment on peut encore affirmer que la souveraineté nationale est la seule option possible, la seule façon d’asseoir son pouvoir politique. Ce que l’on peut perdre, c’est ce que l’on a encore entre les mains, et l’Europe n’a pas vocation à compenser ce que perdent les États nationaux. Le rôle de l’Europe doit consister à organiser les choses, à l’heure où, dans un environnement mondialisé, les États nationaux ont perdu leur pouvoir d’organisation. Je ne peux m’exprimer qu’au nom de mon pays, qui est peut-être moins influent que la France, mais je sais qu’en matière de politique extérieure, de politique économique, d’environnement, de protection du climat, et dans bien d’autres domaines importants, l’Allemagne n’est pas suffisamment influente pour pouvoir prendre des décisions seule. Ce n’est pas un discours des années 1960 ou 1970 que je suis en train de vous tenir, monsieur Myard, mais une exhortation à ce que nous restions capables d’agir dans l’environnement mondialisé qui est le nôtre.

Il est une autre légende nous devons balayer : on entend souvent dire que Paris et Berlin font de bonnes choses, tandis que les bureaucrates de Bruxelles seraient les méchants de l’histoire, ce qui est assez peu conforme à la réalité.

M. Jacques Myard. Non, c’est la vérité !

M. Michael Roth. Certes, les décisions prises au niveau européen, qui constituent souvent des compromis, ne vont pas toujours dans le sens des intérêts de la France ou de l’Allemagne, et il ne faut pas que cela arrive trop souvent. Je trouve positif que la Commission et les chefs d’État et de gouvernement se soient mis d’accord sur un agenda stratégique et qu’ils aient placé des sujets importants au centre de l’action commune des États de l’Union, même si l’Europe n’a évidemment pas vocation à s’occuper de tout.

Aujourd’hui, nombre de citoyens européens vont jusqu’à considérer l’Union européenne comme une partie du problème, et non comme la solution. À mon sens, cela vient en partie du fait que nous sommes parfois très injustes envers l’Union européenne, en faisant comme si les décisions tombaient du ciel – alors que les décisions sont prises par des gens, dont nous faisons partie. Le rôle des parlementaires constitue une question absolument centrale, ayant pour enjeu la démocratie. Je suis heureux de voir qu’à l’Assemblée nationale, on suit avec attention ce qui se passe au tribunal constitutionnel de Karlsruhe, mais le Bundestag n’a pas besoin de cartons rouges, verts ou jaunes, il a suffisamment d’influence. Du point de vue du droit constitutionnel, ses prérogatives sont claires : lorsque le Bundestag prend une décision, le Gouvernement allemand doit la justifier auprès du Conseil et s’il n’est pas en mesure de le faire et qu’un compromis n’est pas possible, cela doit être justifié vis-à-vis du Bundestag.

Il y a des parlements nationaux très influents sur les questions de droit européen – je pense à la Finlande et au Danemark –, qui doivent être consultés au cours des négociations européennes, et il y en a d’autres à qui le droit constitutionnel accorde moins de prérogatives sur les sujets européens. Je ne suis pas certain que nous puissions compenser cette diversité au niveau européen mais ce qui me paraît tout à fait positif, c’est que le Parlement européen et les parlements nationaux ne soient pas considérés comme des ennemis, mais comme des partenaires.

J’en viens à la question de l’évolution de l’Union économique et monétaire. À l’heure actuelle, il est quasiment exclu qu’un transfert de compétences ait lieu en direction de Bruxelles. Je pense néanmoins qu’il est très important que la coordination, actuellement non obligatoire, le devienne. Ainsi, il faut que les nobles objectifs sur lesquels nous nous sommes entendus dans le cadre de la stratégie de Lisbonne et de l’Agenda 2020 soient rendus obligatoires – je pense au taux d’emploi de 70 % pour les hommes et les femmes, à un certain montant d’investissement dans la recherche et le développement, à la mise en œuvre d’une garantie minimum pour les retraités et d’une ligne directrice en termes qualitatifs en matière de santé, ainsi qu’à de nombreux autres sujets. Il n’est pas question ici d’harmonisation, mais de normes planchers et de lignes directrices. Ce cadre obligatoire reste encore à trouver et sa détermination doit se faire dans le cadre d’un processus démocratique : ce n’est pas le Parlement européen seul qui peut et doit agir. À mon avis – je parle en mon nom propre –, il faudrait qu’un europarlement voie le jour, réunissant des députés européens et des députés de parlements nationaux qui, au sein de la zone euro, doivent de plus en plus travailler la main dans la main. Nous n’avons pas encore tiré toutes les conséquences de la mégacrise financière et économique à laquelle nous avons été confrontés : elle implique des changements qui restent à mettre en œuvre.

Pour répondre à Christophe Caresche, force est de constater que nous n’avançons pas sur la question des réfugiés. L’Union européenne, au sein laquelle l’Allemagne et la France travaillant en étroite coordination jouent généralement les médiateurs, devient de plus en plus hétérogène. Or, si nous souhaitons continuer à agir en équipe, nous devons aussi reconnaître que le rythme ne peut être imposé par le plus lent et le moins volontaire de la bande. Il faut donc faire un plus grand usage des flexibilités que nous offre le traité, comme nous l’avons fait pour la taxe sur les transactions financières. Si nous ne pouvons pas avancer à vingt-huit, choisissons l’option de la coopération renforcée – basée à l’évidence sur le couple franco-allemand, mais nécessitant aussi le concours d’autres partenaires.

Je ne suis pas en train de formuler des menaces, j’essaie simplement de réfléchir aux moyens de permettre à l’Europe d’être plus efficace, plus apte à agir. Évidemment, il est toujours préférable de tout faire ensemble, mais les crises qui secouent le monde ne peuvent attendre que les vingt-huit se mettent d’accord de façon unanime. Je suis un peu inquiet mais j’essaie de prendre du recul, parce que je sais que le fonctionnement de l’Union européenne est forcément très complexe. Cela dit, nos concitoyens attendent de nous que nous agissions, notamment sur la question des réfugiés, que nous devons voir dans son ensemble. Quand je suis arrivé à Paris aujourd’hui, j’ai dû sortir mes papiers et me soumettre à un contrôle ; vous aviez été contrôlés de la même manière lorsque vous vous êtes rendus au sommet du G7 au Schloss Elmau, en juin dernier, et je trouve cela effrayant : ce n’est pas dans cette ambiance-là que j’ai grandi. En tant que citoyen de l’Europe, quand je me rends en France, je ne veux pas être traité comme un citoyen américain, mais comme un Français. J’ai beaucoup de mal à admettre que nous ne sommes plus capables de garantir la liberté de circulation en Europe, c’est pourquoi je défendrai les accords de Schengen jusqu’au bout.

Cela va peut-être vous surprendre, monsieur Myard, mais je suis assez proche de vous sur un point : cela implique que nous protégions mieux les frontières extérieures de l’Europe, car c’est là qu’est le problème. Les anciennes règles disent que les États qui ont une frontière extérieure doivent s’en occuper, que c’est à eux de la protéger. Si l’on raisonne ainsi, l’Allemagne peut tranquillement rester assise dans son fauteuil, puisqu’elle n’a pas de frontières extérieures. Mais il faut penser à la Grèce, à l’Italie, à Malte, à Chypre et aux autres pays qui ont des frontières extérieures qu’ils ne parviennent pas à protéger comme il le faudrait. Nous devons donc faire de cette mission de protection une mission européenne, et Frontex doit pouvoir disposer des moyens nécessaires à la protection de ces frontières extérieures. Ainsi, lorsque les Grecs nous disent avoir besoin de 1 500 agents supplémentaires, il faut les leur envoyer, car les difficultés auxquelles ils sont confrontés nous concernent tous.

Nous sommes dans une phase de transition, car la Convention de Dublin ne fonctionne plus correctement, mais nous n’avons rien pour la remplacer. Cependant, nous ne pouvons pas laisser les États se débrouiller seuls. Nous avons mis très longtemps à réaliser que l’Italie ne pouvait pas à elle seule sauver tous les gens qui font naufrage en Méditerranée. Il a fallu que nous voyions des images épouvantables sur internet et à la télévision avant que nos gouvernements ne prennent la décision d’aller secourir ces gens qui se noient par milliers. L’Europe si critiquée a fini par avancer et désormais, tout le monde participe – il ne reste plus qu’à faire la même chose en mer Égée. Si l’Europe a parfois du mal à agir, ce n’est pas à cause de la Commission ou parce que le Parlement européen prend des décisions absurdes, mais simplement parce qu’il n’y a pas de consensus entre les États membres. C’est pour cela que j’en appelle à nos deux pays : nous devons rester proches l’un de l’autre, et continuer à agir la main dans la main.

J’en arrive à la Russie, sujet difficile s’il en est. Précisément pour cette raison, je me félicite de constater qu’en dépit de nos perceptions, de nos traditions et de nos attentes différentes, nous avons réussi à ne pas nous diviser sur la question de l’Ukraine. Sur ce point, nous avons deux messages. Le premier, c’est que l’annexion de la Crimée était contraire au droit international et ne pouvait pas être tolérée : il fallait réagir, ce qui n’était pas facile et s’est traduit par l’application de sanctions. Le deuxième, c’est que la réponse n’est pas entre les mains d’une personne – ni les miennes, ni celle de Harlem Désir, du président François Hollande ou de la chancelière Angela Merkel –, mais réside dans le respect des accords de Minsk par les deux parties.

Cela dit, nous devons veiller à garder ouverts les canaux de communication avec la Russie. La question se pose de savoir si elle doit être réintégrée au G7 – qui redeviendrait alors un G8. Nous sommes ouverts sur ce point, parce que nous avons besoin d’une attitude constructive de la Russie en Syrie et que nous devons nous entendre sur une position commune sur ce point : qui devons-nous combattre et bombarder ? Ce qui m’inquiète le plus en Russie, c’est la situation de la société civile en matière de politique intérieure, plus précisément l’éloignement entre la population et le pouvoir. Lorsque le président russe déclare être le défenseur des valeurs européennes, lorsqu’il affirme que l’Europe est décadente et qu’il n’admet pas que les homosexuels soient traités comme les hétérosexuels, pour moi ce sont des propos choquants : nous devons réagir pour défendre nos valeurs de façon déterminée, même si c’est difficile – surtout pour nous, Allemands, voisins de toujours de la Russie, à laquelle nous sommes liés par une histoire épouvantable. Cela dit, même si nous avons énormément fait souffrir ce pays par le passé, nous ne devons pas nous taire lorsque les droits de l’homme sont menacés. J’espère que nous réussirons, pas à pas, à faire revenir la Russie vers une attitude constructive, et c’est ce que nous essayons aujourd’hui de faire, notamment avec le Format Normandie.

Je veux vous rassurer, madame Grellier : en Allemagne, aujourd’hui comme hier, nous sommes très ouverts vis-à-vis des réfugiés. Le problème n’est pas leur nombre, mais le rythme auquel ils arrivent en Europe. Les responsables communaux font le maximum pour que ces personnes soient bien traitées, mais il y a forcément des limites matérielles à ce qu’ils peuvent faire. Notre problème, je vous le dis franchement, c’est que nous ne pouvons pas apporter de réponses à court terme. Comme la chancelière l’a dit très clairement, nous ne pouvons pas dire que nous suspendons le droit d’asile et que nous fermons les frontières. Si nous voulons lutter contre les causes de l’exode, il faut faire en sorte que les émigrés aient une perspective en Turquie ou dans les pays voisins où ils vont se réfugier. Lorsqu’on réussira à améliorer la situation dans les pays où l’émigration trouve son origine, le nombre de réfugiés diminuera. Il faut savoir qu’en Allemagne, il y a énormément de réfugiés qui arrivent de l’ouest des Balkans, mais il ne s’agit pas de personnes persécutées – même si les Roms ont encore de sérieuses difficultés –, ce sont des réfugiés économiques. Nous avons réduit la proportion de ces réfugiés économiques de 43 % à 2 % mais aujourd’hui, après les Syriens, nous voyons arriver des réfugiés d’autres pays, notamment d’Afghanistan. Nous n’avons pas de solution à court terme pour faire face à ce nouvel afflux, c’est pourquoi nous souhaitons trouver des solutions européennes. Ce serait vraiment formidable si nous réussissions au moins à mettre en œuvre ce que l’Union européenne a décidé, à savoir la répartition de 160 000 réfugiés entre les pays européens, afin de soulager la Grèce et l’Italie.

Du point de vue de la politique extérieure, je suis tout à fait d’accord avec vous sur le fait que nous devons devenir meilleurs, plus performants, mais la clé de tout, c’est de rester unis. Nous devons le faire dans le cadre de la coopération franco-allemande et notre objectif dans cette coopération doit toujours consister à faire avancer l’Europe. En effet, la possibilité d’influence de l’Union européenne – notamment au travers de ce que peut faire la haute représentante pour les affaires extérieures – est encore limitée aujourd’hui et nous devons faire en sorte d’accroître sa capacité d’action, car l’Europe ne pourra vraiment être entendue que si elle parle d’une seule voix.

M. Harlem Désir. Je veux remercier Michael Roth d’avoir répondu de façon aussi complète et d’avoir donné l’occasion à la Commission des affaires européennes de sentir l’engagement de notre partenaire allemand, mais aussi de se rendre compte et à quel point la perception des sujets peut différer d’un pays à l’autre, même si les gouvernements allemand et français ont la volonté commune d’aider l’Europe à franchir de nouvelles étapes.

Gilles Savary s’est demandé si nous ne courions pas le risque de déconstruction de l’Union européenne, et Christophe Caresche a souligné que, tandis que nous nous efforçons d’apporter des réponses plus coordonnées, nous devons aussi faire face à un mouvement d’euroscepticisme, qui va parfois jusqu’à ce que certains prônent la sortie de l’Union européenne, de l’euro, de Schengen, ou de la PAC. Jacques Myard a même suggéré que l’Allemagne abandonne l’euro, mais je ne peux pas imaginer ce que signifierait l’euro sans l’Allemagne ou la France : ce serait tout simplement la fin de la politique commune, pour ne pas dire la fin de l’Union européenne.

En réalité, nous devons prendre conscience du fait que, dans beaucoup de domaines relatifs à la construction européenne, nous n’avons fait les choses qu’à moitié. Ainsi, nous avons fait l’union monétaire sans construire en même temps une véritable union économique, alors que Jacques Delors nous avait alertés, dès le traité de Maastricht, sur le fait qu’il faudrait aller beaucoup plus loin dans l’intégration économique que la simple coordination monétaire.

De même, nous avons établi une zone de liberté de circulation, Schengen, mais sans mettre en œuvre le contrôle des frontières extérieures communes de façon aussi rigoureuse que nécessaire. Certes, ce contrôle s’effectue dans les aéroports, mais cela ne suffit pas quand nous sommes confrontés, comme c’est le cas actuellement, à des mouvements de migration liés à des crises internationales extrêmement fortes en Grèce, en Italie, mais aussi dans les pays des Balkans ou en Hongrie : il devient alors évident que nous devons aller beaucoup plus loin dans les mécanismes de contrôle des frontières extérieures. C’est ce que Bernard Cazeneuve a défendu avec Thomas de Maizière, plaidant pour que l’agence Frontex soit dotée de capacités élargies. Toute personne entrant dans l’Union européenne doit être contrôlée et enregistrée, afin que l’on puisse déterminer si elle va relever du droit d’asile, donc d’une nécessaire protection internationale, ou si elle doit se voir appliquer d’autres règles. En tout état de cause, nous ne pouvons accepter l’immigration illégale : des opérations de retour doivent être mises en œuvre dans le cadre d’une coopération avec les pays d’origine, et il doit y avoir un contrôle de sécurité. C’est seulement à la condition de mettre en place cette étape d’une vraie frontière extérieure commune que nous pourrons garantir la liberté de circulation intérieure, qui peut cependant nécessiter aussi des contrôles – de ce point de vue, le code Schengen devra être révisé.

Nous avons créé un marché intérieur, mais nous n’avons pas procédé à l’harmonisation fiscale et sociale qui aurait dû l’accompagner. De ce fait, on assiste à des distorsions de concurrence et à du dumping social et fiscal, ce qui n’est pas acceptable. Pour toutes ces raisons, nous avons aujourd’hui une Europe qui n’est pas construite de façon suffisamment avancée pour répondre à tous les défis auxquels elle est confrontée. Face à cette situation, certains disent qu’il vaudrait mieux revenir en arrière. Mais qui peut croire que l’on répondrait mieux aux défis de la mondialisation à l’échelle de vingt-huit pays pratiquant chacun une politique différente en matière d’économie, d’énergie, de numérique, de soutien aux investissements ? Tout au contraire, nous avons besoin de nous coordonner davantage dans tous ces domaines.

De même, confrontés aujourd’hui à des problèmes de sécurité qui nous conduisent à renforcer notre coopération dans le domaine de la défense, quand il s’agit de lutter contre Daesh en Syrie, mais aussi de chercher la paix en Syrie, de chercher une solution politique à la crise libyenne, nous avons besoin d’agir ensemble pour mieux peser sur tous les acteurs internationaux. Nous devons donc à la fois répondre à des urgences, mais aussi continuer à faire progresser structurellement l’intégration européenne. Face à des menées parfois régressives d’un certain nombre de forces politiques qui prônent le repli national, face au choix de certains pays de ne pas participer à des politiques communes, l’Europe a tendance à se diviser.

Nous devons donc convaincre, comme l’Allemagne et la France s’y efforcent, que nous avons tous intérêt à répondre collectivement aux grands défis internationaux et à assurer ensemble le respect de nos valeurs. Je veux rendre hommage au courage de l’Allemagne et de sa chancelière d’avoir su s’organiser pour accueillir des réfugiés, mais nous devons être collectivement capables de mieux maîtriser les flux de migration – d’où la discussion avec la Turquie et le renforcement de nos frontières extérieures communes. Nous devons convaincre tous les États, et il n’est pas acceptable d’entendre certains pays déclarer qu’ils n’accueilleront pas les réfugiés de telle ou telle religion : une telle discrimination est contraire à toutes les valeurs européennes. L’acceptation des principes du droit d’asile et la soutenabilité de l’accueil en Europe des réfugiés supposent le contrôle des flux d’arrivée à nos frontières communes. Or, nous ne pouvons faire cela qu’ensemble, et ce n’est pas à la Grèce, à l’Italie ou à la Hongrie d’assumer seules le contrôle des frontières, car les personnes qui essaient d’entrer dans ces pays n’ont pas spécialement l’intention d’y rester : c’est en Europe qu’elles veulent venir, et c’est donc à l’Europe que revient la responsabilité collective de trouver des réponses.

Nous devons être au rendez-vous des résultats. Lors du conseil européen qui va se tenir la semaine prochaine sur les questions de lutte contre le terrorisme, de réfugiés – n’y voyez pas un amalgame –, de sécurité, de politique étrangère, il s’agira le plus souvent de trouver le moyen de mettre en œuvre des décisions que nous avons déjà prises. Après les attentats de janvier à Paris, nous avons fait adopter une feuille de route contre le terrorisme, et l’adoption de la directive européenne sur le PNR constituait déjà un dossier urgent : désormais, nous devons nous efforcer de le régler avant la fin de l’année.

Le renforcement des moyens de Frontex constitue également une priorité : il faut que tous les États membres envoient des agents venant de leurs offices d’immigration et des réfugiés, de la police de l’air et des frontières, afin que l’agence les mette à disposition en Grèce et en Italie. Si nous ne faisons pas ce que nous avons dit, c’est la crédibilité de l’Europe qui sera remise en cause, ce qui nuira à l’efficacité de l’Europe et augmentera les tentations de repli et d’euroscepticisme. Notre action repose en grande partie sur la coopération, la confiance et l’amitié entre la France et l’Allemagne, et je remercie de nouveau très sincèrement Michael Roth d’avoir accepté de venir aujourd’hui devant les commissions de notre assemblée.

Mme Chantal Guittet, présidente. Merci beaucoup, messieurs les secrétaires d’État, pour votre disponibilité et pour la clarté de vos propos.

La séance est levée à dix-huit heures quarante-cinq.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

Réunion du mercredi 9 décembre 2015 à 17 heures

Présents. - M. Michel Destot, Mme Estelle Grelier, Mme Élisabeth Guigou, Mme Chantal Guittet, M. François Loncle, M. Thierry Mariani, M. Jacques Myard, M. Axel Poniatowski

Excusés. - Mme Nicole Ameline, M. Kader Arif, M. Jean-Marc Ayrault, M. Jean-Paul Bacquet, M. Jean-Luc Bleunven, M. Édouard Courtial, M. Jean-Claude Guibal, M. Benoît Hamon, Mme Françoise Imbert, M. Serge Janquin, M. Armand Jung, M. Pierre Lellouche, M. Lionnel Luca, M. Noël Mamère, M. Patrice Martin-Lalande, M. Jean-Luc Reitzer, M. François Rochebloine, M. René Rouquet, M. Michel Vauzelle