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Commission d’enquête relative aux causes du projet de fermeture de l’usine Goodyear d’Amiens-Nord et à ses conséquences économiques, sociales et environnementales et aux enseignements liés au caractère représentatif qu’on peut tirer de ce cas

Mardi 8 octobre 2013

Séance de 17 h 30

Compte rendu n° 10

Présidence de M.  Alain Gest Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Antoine Lyon-Caen, professeur agrégé de droit du travail à l’université Paris X (Paris-Ouest Nanterre La Défense), M. Bruno Dondero, professeur agrégé de droit à l’université Paris I (Panthéon-Sorbonne), Me Gilles Belier, avocat et Me Michel Henry, avocat, sur le contexte juridique de la situation de l’usine Goodyear d’Amiens-Nord

L’audition commence à dix-sept heures quarante.

M. le président Alain Gest. Nous continuons les auditions relatives au contexte de l’usine Goodyear d’Amiens-Nord, en nous intéressant au contexte juridique des procédures de licenciement économique et de leurs plans sociaux d’accompagnement. Quatre éminents juristes, deux professeurs et deux avocats, participent à cette audition.

M. Antoine Lyon-Caen est professeur agrégé de droit du travail, directeur du master de droit social et gestion des ressources humaines de l’université Paris X (Paris Ouest Nanterre La Défense), directeur de la Revue du droit du travail, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales et auteur de nombreuses publications de référence en droit du travail.

M. Bruno Dondero est professeur agrégé de droit à l’université Paris 1 (Panthéon-Sorbonne), spécialiste de droit des affaires et de droit des sociétés.

Me Gilles Belier est avocat à la Cour, spécialiste en droit social, associé au cabinet Freshfields Bruckhaus Deringer de droit international des affaires, vice-président du Conseil d’orientation pour l’emploi et directeur d’un séminaire de droit social en troisième année de magistère à Paris X.

Me Michel Henry est avocat au barreau de Paris, spécialiste en droit du travail. Il se consacre particulièrement à la défense des salariés et des organisations syndicales. Enseignant à l’université de Paris 1 (Panthéon-Sorbonne), il est membre du comité de rédaction de la revue Le Droit ouvrier et auteur de différents articles de droit du travail dans les revues spécialisées.

Messieurs, soyez les bienvenus.

Lors de précédentes auditions, les représentants syndicaux ne se sont pas privés de nous rappeler que toutes les procédures de licenciement intentées par Goodyear avaient été suspendues par le juge. M. Henry Dumortier, directeur général de Goodyear Dunlop Tires France (GDTF), a regretté la « judiciarisation à l’extrême » du projet de fermeture par l’organisation syndicale majoritaire à Amiens-Nord, alors que le site continuerait de perdre quelque 60 millions d’euros par an. Le groupe a été assigné à dix reprises depuis le mois de juin dernier. Depuis 2008, plus de vingt procédures ont été lancées par le comité central d’entreprise ou la CGT.

Leurs motifs sont variés : validité des plans sociaux d’accompagnement, procédure d’information et consultation des institutions représentatives du personnel, demande de désignation d’un administrateur provisoire, lien de préposition entre Titan et GDTF, absence de consultation préalable du Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et du CE lors de la mise en œuvre de réductions temporaires du ticket de production, insuffisance de la communication d’informations à l’expert désigné par le CHSCT, convocation des réunions du CHSCT en raison du refus de son secrétaire de signer l’ordre du jour des réunions, risques psychosociaux au sein de l’établissement d’Amiens-Nord.

Par respect pour le principe de séparation des pouvoirs, la Commission d’enquête n’a pas à refaire l’instruction de ces procès. En revanche, elle doit tirer les conséquences d’un cas particulier. C’est pourquoi il lui appartient, au-delà du cas de Goodyear, d’analyser le droit applicable aux procédures de licenciement économique et aux plans sociaux d’accompagnement, ainsi que la façon dont il est mis en œuvre, sous le contrôle des juges. Notre travail peut déboucher sur des propositions de modification de la législation.

Conformément aux dispositions de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958, je vais vous demander de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

Veuillez lever la main droite et dire : « Je le jure ».

(M. Antoine Lyon-Caen, M. Bruno Dondero, Me Gilles Belier et Me Michel Henry prêtent serment.)

M. Antoine Lyon-Caen, professeur agrégé de droit du travail à l’université Paris X (Paris Ouest Nanterre La Défense). Dans l’affaire Goodyear, on peut estimer que la justice a bien fonctionné. Elle a été accessible, puisque les représentants du personnel ont facilement trouvé un juge. Celui-ci a rendu rapidement sa sentence. Enfin, la diversité des actions, des demandeurs et des juridictions n’a pas empêché la justice de statuer. Autant de preuves que notre appareil judiciaire est apte à réagir à des traumatismes sociaux aussi importants que la fermeture de l’usine d’Amiens-Nord.

Je relèverai cependant deux problèmes.

En votant cette année la loi relative à la sécurisation de l’emploi, le Parlement a confié à l’administration le soin d’examiner les procédures, notamment en ce qui concerne l’information des représentants du personnel et la validité des plans de sauvegarde de l’emploi (PSE). Alors que le juge judiciaire statue de manière rapide, contradictoire et publique, ce qui est fondamental dans une démocratie, l’administration n’est pas tenue aux mêmes exigences. Le principe contradictoire est soumis au bon vouloir des Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE), dont les analyses ne sont pas publiques. Hors de tout jugement sur la stratégie des syndicats, le cas de Goodyear montre qu’il est bon que les représentants du personnel puissent accéder à un juge de proximité. Le Parlement aurait dû réfléchir à deux fois avant de fermer la porte à la procédure judiciaire.

Ce qui s’est passé à Amiens s’est joué sur trois niveaux : un groupe a ordonné à une de ses filiales de fermer un établissement. Or le droit français ne permet pas de mettre en cause la responsabilité d’un groupe ni de considérer que l’intervention d’une société a été forcée. Même quand les juges ont conscience qu’un dirigeant n’a pas l’initiative des décisions – il peut exécuter un plan défini au sein du groupe par des instances plus ou moins formalisées –, même quand ils considèrent que le reclassement doit être recherché au sein du groupe, la responsabilité d’un licenciement n’incombe qu’à celui qui le décide formellement.

Une proposition de loi en cours de préparation tend à associer les sociétés mères à la responsabilité des décisions de leurs filiales, ce qui me paraît sage. Notre législation doit s’adapter à l’organisation des groupes, afin que la question de leur responsabilité ne puisse plus être évacuée.

M. Bruno Dondero, professeur agrégé de droit à l’université Paris 1 (Panthéon-Sorbonne). Nous discutons d’un dossier sensible, qui a suscité plusieurs décisions de justice. Il y a quelques années, le CE de Goodyear m’a demandé de lui fournir des éléments de droit positif concernant la désignation d’un administrateur provisoire, mais je ne m’exprime pas ici en tant qu’avocat, ce que je ne suis pas. Je m’en tiendrai à des remarques objectives.

Au regard du droit français, Goodyear France représente une personne morale possédant son intérêt propre, que ses dirigeants sont tenus de défendre. Que le groupe lui donne ordre de fermer un établissement crée une situation délicate. Sur ce sujet, on peut s’inspirer de la jurisprudence Rozemblum de 1985, dont il ressort qu’une société peut accorder à une société de son groupe une aide qui n’excède pas ses possibilités financières, c’est-à-dire qui ne mette pas en cause sa survie. On peut considérer qu’en s’amputant d’une activité, une société prend une décision contraire à son intérêt.

En l’espèce, la société exerce l’activité de façonnier. Elle réalise des pneus à la commande, pour des sociétés du groupe, qui les livrent à ses clients. Il existe un décalage entre l’autonomie formelle de la personne morale, tenue de défendre son intérêt, et son mode de gestion.

Dès lors que le groupe lui rembourse ses coûts en lui consentant une faible marge, il est difficile d’apprécier sa rentabilité d’une société. Celle-ci appartient à une chaîne de fonctionnement, mais ne recherche pas de clients et ne développe pas d’activité propre. On comprend que les salariés soient frustrés de s’entendre dire qu’ils ne sont pas rentables, car Goodyear France n’a jamais eu la maîtrise de sa rentabilité. Cette société sans autonomie a évolué comme on le lui demandait, dans des conditions convenues avec le groupe ou imposées par celui-ci.

En créant Goodyear France, le groupe s’est protégé, puisque les salariés de cette société ne dépendent pas de lui. Si, en cas de préjudice environnemental, la loi permet qu’on puisse dans certains cas se retourner contre la société mère, c’est là une exception : la règle de principe, c’est celle selon laquelle le passif éventuel pèse uniquement sur la filiale. Notre droit distingue la société, qui a son intérêt propre, et le groupe, qui poursuit un autre intérêt, lequel peut être contraire à celui de la société.

Dans un procès, on peut considérer que la responsabilité civile ou pénale des dirigeants est engagée, puisque le droit français reconnaît l’abus de biens sociaux ou l’abus de pouvoir quand un chef d’entreprise privilégie son intérêt propre ou celui d’une société à laquelle il est lui-même intéressé.

Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, la demande de désignation d’un administrateur provisoire est recevable, même si une des décisions précise qu’ « aucune disposition légale ne donne au comité d’entreprise le droit de solliciter la désignation d’un administrateur provisoire dans l’intérêt des salariés de l’entreprise. »

S’il faut modifier la législation, c’est peut-être sur ce point qu’il faut agir, en rendant plus sûre la désignation d’un administrateur provisoire ou du moins d’un mandataire chargé d’une mission plus réduite. L’administrateur provisoire a pour mission de gérer l’entreprise à la place des dirigeants, ce qui peut être vécu comme un dessaisissement. La loi pourrait prévoir la désignation d’un observateur ou d’un mandataire ad hoc, auquel le juge assignerait une mission particulière, en vertu d’une procédure attestée dans la jurisprudence.

La proposition de loi visant à redonner des perspectives à l’économie réelle et à l’emploi industriel, surnommée « loi Florange », vise à sanctionner les dirigeants qui arrêteraient les activités rentables. Mais un site est-il rentable en tant que tel ? Son appartenance à un groupe détermine l’accès à une clientèle comme à des fournisseurs, et impose des contraintes, des frais et un mode d’organisation. De ce fait, un établissement peut ne pas être rentable à l’intérieur d’un groupe, alors qu’il le serait s’il était indépendant.

M. Michel Henry, avocat. Le point de vue d’un avocat un peu accoutumé à ce type de procédures ne peut en réalité se faire que de l’extérieur de ce contentieux, parce que je sais trop l’irritation que provoquent, quand ils viennent de l’extérieur, des propos sur des dossiers sur lesquels on a une connaissance intime. Je ne voudrais pas me hasarder à commenter les procédures qui ont été conduites dans cette affaire, simplement faire des observations qui sont celles d’un praticien.

Selon la Cour de cassation, la fermeture d’un établissement – contrairement à la cessation de l’activité d’une entreprise – ne constitue pas nécessairement un motif de licenciement économique valable, la réalité de ce motif devant s’apprécier au niveau de l’activité du groupe. La Cour de cassation considère d’autre part que les sociétés mères ou holdings peuvent être tenues pour responsables en tant que co-employeurs. De ce fait, l’action en justice tend généralement à rechercher des informations qui permettront d’apprécier la validité des données économiques fournies par l’employeur.

L’abondance des décisions rendues dans l’affaire Goodyear n’a rien d’extravagant. Celle-ci dure depuis quatre à cinq ans. Les projets de la direction ont évolué plusieurs fois. Les données fournies aux représentants des salariés sont relativement opaques. La multiplicité des actions se justifie par l’obligation d’ajuster la réaction des instances représentant le personnel aux consultations. Sont intervenus ici les acteurs habituels de ces contentieux : le comité d’entreprise, comité de groupe ou comité consultatif, qui peut exiger une information pertinente afin d’émettre un avis éclairé, les syndicats, qui défendent les intérêts de la profession, et le CHSCT, qui prévient la détérioration des conditions de travail.

L’action contentieuse est faite de ruses et de louvoiements, compte tenu de l’impossibilité de s’immiscer dans la gestion du chef d’entreprise. Ne pouvant contester la légitimité de ses décisions, on cherche à prendre en défaut son discours sur son projet économique. S’il annonce des pertes, on vérifie les résultats du groupe. On se demande s’il n’a pas considéré seulement l’état financier de la filiale en France ou d’un établissement, voire d’une partie d’un établissement. On reconstitue des résultats consolidés et l’on prend en compte la logique du groupe. Chaque fois, il est apparu que Goodyear, Continental ou Metaleurop avaient déplacé la charge de travail d’un atelier de fabrication vers un autre pour des raisons de coût, de résistance sociale ou d’opportunités diverses.

Il y a quelques années, Continental a dû réintégrer des personnels dans leur emploi après qu’ils s’étaient mis en grève, parce qu’une charge de travail avait été déplacée en Italie ou en Allemagne. Dans le cas de Goodyear, les plaignants ont demandé au juge de suspendre la procédure jusqu’à ce que leur employeur produise une information économique pertinente. Certains ont regretté que l’action leur ait fait perdre du temps. Des dissensions ont éclaté au sein des syndicats entre ceux qui préféreraient toucher leur chèque au plus tôt et ceux qui entendaient prolonger le statu quo.

L’enjeu central du contentieux est de se situer en amont des décisions et non de faire reconnaître que des licenciements n’ont pas de cause réelle et sérieuse, ce qui n’est pas si difficile, comme l’ont montré, fin août, à Compiègne, la condamnation de Continental ou, fin septembre, la confirmation par la Cour de cassation de la décision prud’homale, au motif que la société n’avait pas fourni d’éléments justifiant les difficultés économiques dans le secteur d’activité concerné. Seul un juge judiciaire, celui des référés, auquel la Cour de cassation a confié des pouvoirs étendus en matière de contrôle des plans sociaux, est compétent pour agir.

L’an dernier, cependant, dans l’affaire Viveo, la Cour de cassation a fermé une porte, ce qui est dommage, en revenant sur une décision de la Cour d’appel de Paris. Elle a suspendu une décision dans une affaire qui s’achèvera fatalement, dans quatre ou cinq ans, par le versement aux salariés de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Je regrette aussi que la loi de sécurisation de l’emploi n’ait pas renforcé le pouvoir du juge judiciaire sur les plans sociaux, en lui permettant d’affirmer qu’il ne saurait y avoir de plan social pertinent en l’absence de cause économique.

Depuis quelques années, sous l’impulsion des milieux patronaux, la loi évolue dans le sens d’une défiance accrue à l’égard du juge. Après le rapport Virville, la loi de modernisation sociale et la loi de sécurisation de l’emploi ont restreint son pouvoir, notamment en raccourcissant les délais de prescription ou en lui retirant des prérogatives. Or on se souvient qu’entre le 3 janvier 1975 et le 31 décembre 1986, lorsque les licenciements étaient soumis à un contrôle administratif, le Conseil d’État n’a récusé aucun plan social.

Me Gilles Belier, avocat. À mon sens, les deux décisions les plus marquantes du dossier ont été rendues en 2013 par le TGI de Nanterre. Le 20 juin, le tribunal qui avait sanctionné Goodyear dans des audiences précédentes a démonté point par point l’argumentaire relatif à l’opacité ou à la mauvaise qualité des informations fournies par le groupe, ainsi qu’à la déloyauté du débat qui s’est tenu devant les instances représentatives du personnel. Le 24 septembre, il a affirmé que le plan de sauvegarde est conforme à la loi.

Dans ce dossier, ce n’est pas le nombre d’assignations qui pose problème mais leur sens. Le débat judiciaire remplace la grève, en créant un rapport de force presque aussi important que le conflit collectif, sans exposer les travailleurs aux mêmes risques. On peut parler d’assignation pression, car l’action en justice a un sens dynamique, qui force la négociation. Cela dit, l’organisation syndicale qui obtient 85 % des suffrages aux élections professionnelles de l’établissement n’a jamais examiné les solutions alternatives proposées aux salariés, lesquelles ont évolué en fonction des schémas économiques. Au vu de la décision du 20 juin, on peut se demander si l’action judiciaire n’a pas été hypertrophiée au détriment de l’emploi, alors que 1 400 personnes allaient perdre leur poste.

Le droit du travail, qui prévoit l’information et la consultation des salariés dans des termes extrêmement vagues et généraux, est fait pour être instrumentalisé. Il ouvre au magistrat un champ d’appréciation très vaste pour savoir si les représentants du personnel sont convenablement informés, sachant que, comme les avocats le répètent à l’envi, le poids du papier ne fait pas la qualité du dossier.

Le législateur français n’est jamais allé jusqu’à donner au CE un droit de veto suspensif, qui déclenche une nouvelle procédure. Le nouveau texte instaure une sorte de médiation, puisqu’en cas de conflit, l’administration du travail recevra les représentants de l’entreprise et des organisations syndicales, et leur demandera de formuler des propositions plus sérieuses. Sur la cause économique, le législateur n’a pas souhaité que l’administration se prononce, mais celle-ci peut néanmoins s’exprimer, par exemple en récusant sa propre compétence sur un dossier. Un droit de veto suspensif, joint à l’intervention d’un tiers, n’est pas à l’ordre du jour, mais il offrirait une solution quand un plan social pose problème.

La semaine dernière, M. Lacabarats, président de la chambre sociale de la Cour de cassation, a publié un article dans lequel il insiste sur la nécessité de revoir l’organisation judiciaire, lorsqu’on est face à une opération d’une certaine ampleur qui touche l’information consultation. Mieux vaudrait confier à un seul tribunal l’ensemble des dossiers liés à une restructuration. On éviterait ainsi une multiplicité des décisions prises à Montluçon, Amiens ou Nanterre. Un juge unique pourrait être désigné par le président de la Cour d’appel du siège ou, comme c’est le cas en droit de la concurrence, un même tribunal pourrait être chargé de tous les grands dossiers d’information consultation. Les organisations syndicales, les représentants du personnel et les entreprises y gagneraient en sécurité juridique.

Il faut aussi réfléchir à l’organisation du débat judiciaire. Quand il s’agit de savoir si la politique de marge menée par Goodyear aux États-Unis organise la faillite d’un établissement en France, la plaidoirie en robe noire n’est guère de mise. J’en ai parlé à des membres du syndicat de la magistrature. Mieux vaudrait organiser des audiences auxquelles assisteraient les experts du comité d’entreprise et de la direction. Le juge pourrait-il lui-même être assisté d’un sachant indépendant, et traiter ainsi le dossier avec le sérieux qu’il mérite.

Il importe d’être réaliste. Dans le droit français, la santé des entreprises et la sauvegarde de la compétitivité sont des notions restrictives, si on ne les analyse pas d’un point de vue économique et industriel. On rencontre la question de la compétitivité hors coûts, qui soulève celle des marges, dans un environnement international particulier. Pour qu’une entreprise soit prospère, elle ne doit pas reverser la totalité de ses marges aux actionnaires, mais les réinvestir en partie. Reste à savoir où mettre le curseur, quand l’activité industrielle est en perte de vitesse. On lit souvent dans la presse, ou l’on entend dire à l’Assemblée que « les dirigeants n’ont pas pris à temps les décisions courageuses qui s’imposaient. » Dans certains cas, notamment dans le dossier Moulinex, on les a empêchés de le faire.

Mme Pascale Boistard, rapporteure. L’évolution du droit ou de la situation économique accentue-t-elle la judiciarisation du droit du travail ?

M. Antoine Lyon-Caen. Il n’y a pas lieu de parler de judiciarisation, dès lors qu’on ne constate pas de saisine croissante des juges. En 2012, quatre-vingt-neuf procédures ont été intentées devant le TGI, ce qui est relativement peu. Toutes les analystes montrent que le nombre de contentieux lié à des licenciements pour motif économique a diminué. Si certaines affaires rencontrent dans la presse un écho important, c’est parce que les organisations syndicales connaissent l’impact du journal télévisé.

La saisine du juge judiciaire est la seule manière d’ouvrir une discussion réelle, car, une fois le licenciement prononcé, le débat sert surtout à apporter aux salariés une satisfaction relative. Ces procédures ont connu un essor relatif au début des années soixante-dix, parce que les juges ont accepté d’être saisis et de suspendre les licenciements, quand l’information livrée au CE était manifestement insuffisante. À partir de 1975-1976, ces procédures ont disparu, les licenciements étant soumis à une autorisation administrative, ce que le CNPF a violemment critiqué. Le juge a perdu la place qu’il occupait. 1986 a vu le retour à la normalité judiciaire, qui prévoit que deux personnes privées doivent pouvoir s’expliquer devant un juge. À partir de 1987-1988, le juge des référés a retrouvé un rôle dans ces procédures contradictoires et publiques, ce qui est essentiel pour ménager un échange entre les avocats et les parties.

Contrairement à Me Belier, je pense que les organisations syndicales aimeraient souvent négocier. C’est pourquoi elles saisissent le juge. En ce sens, l’action judiciaire est un thermomètre. Le juge doit faire régner la paix, alors que l’administration réagit plutôt aux circonstances et à la conjoncture. Elle peut tenir compte des moyens dont dispose un groupe. S’il est impossible d’appeler un juge pour lui dicter sa conduite, une administration peut être sensible aux coups de téléphone, par exemple, d’un député.

Mme la rapporteure. En cas de licenciement collectif, le juge a-t-il le moyen d’apprécier le caractère réel et sérieux du motif économique ? Est-il à même d’évaluer la capacité de l’entreprise à faciliter la reprise du site ?

Me Michel Henry. Depuis vingt ans, le contrôle du juge sur le motif économique s’est amplifié, jusqu’à ce qu’en décembre 2002, l’arrêt SAT rendu non par la chambre sociale mais par l’assemblée plénière de la Cour de cassation apporte un coup de frein à cette évolution. Un employeur, qui, pour redresser sa société, avait le choix entre trois options, avait choisi la plus dommageable pour l’emploi. La cour d’appel de Riom a considéré que sa décision excédait la mesure de ce qui était nécessaire pour assurer la compétitivité de l’entreprise. Cette formulation me paraissait pertinente : compte tenu de la double obligation qui pèse sur le chef d’entreprise – atteindre l’équilibre économique et sauvegarder l’emploi –, on peut lui demander de privilégier la seconde. La Cour de cassation a censuré la décision, en considérant qu’elle constituait une immixtion dans le pouvoir de gestion du dirigeant.

L’arrêt a pesé sur l’évolution du contentieux en limitant les pouvoirs du juge. L’arrêt Viveo est un avatar de l’arrêt SAT. Je ne suis pas convaincu que la chambre sociale aurait été aussi réticente à l’idée de censurer des options inutilement dommageables pour l’emploi. Un coup de pouce du législateur aurait pu l’aider à sauter le pas. Le fait que l’assemblée plénière ait statué sur cette affaire traduisait peut-être une défiance à l’égard de la chambre sociale, qui aurait sans doute jugé différemment.

Me Gilles Belier recommande à tous les employés dont l’usine va fermer de se mettre en grève… procédure où s’exprime le vrai rapport de force entre les hommes. Ce n’est pourtant pas la première idée qui vient à l’esprit, quand on risque de perdre son emploi. S’il est logique d’interrompre le travail pour définir une stratégie, la grève ne doit pas servir à peser sur le choix de l’employeur. La meilleure solution est de demander au tribunal qu’il mette fin à une situation qu’on juge injuste.

Je souscris en revanche à une idée que Me Belier défend depuis longtemps : le recours à un médiateur, en cas de désaccord majeur sur l’existence de difficultés économiques. C’est d’ailleurs le dispositif que vous avez retenu. Il me paraît sage et conforme à la possibilité jadis offerte au CE d’user d’un droit de veto, débouchant le cas échéant sur une médiation. Pourquoi ne pas revenir à cette formule, en prévoyant que le médiateur soit assisté d’experts, ce qui lui assurerait une fine analyse de la situation ?

Accéder à la vérité est en soi un enjeu. Trop souvent les salariés sont persuadés que la société réalise des bénéfices, alors que les employeurs affirment que les pertes s’accumulent. On sortirait de l’opacité si un arbitre calculait le taux de retour sur investissement ou proposait des secteurs de reconversion, quand l’activité principale de la société est en déclin.

Me Gilles Belier. Je m’inscris en faux contre la présentation caricaturale qui vient d’être faite de mes propos… Loin de moi l’idée d’appeler tous les travailleurs à faire grève si l’on prétend fermer leur entreprise ! En revanche, je rejoins le diagnostic de M. Lyon-Caen selon lequel la judiciarisation des conflits du travail n’est qu’apparente.

M. le président Alain Gest. Dans le dossier Goodyear, il y a tout de même eu beaucoup d’actions en justice.

Me Gilles Belier. Depuis la décision du 20 juin 2013, qui démonte très clairement certains arguments, y compris sur les contentieux du CHSCT à Amiens ou Montluçon, dix assignations nouvelles ont repris à l’envi les mêmes thèmes. On sait que le débat judiciaire est un élément essentiel du rapport de force, et que la première audience relève d’une nécessaire catharsis. Mais l’action juridique doit avoir un sens : il ne s’agit pas de faire un contentieux par principe, jusqu’au moment où l’on perd tout. La stratégie judiciaire doit avoir un but.

M. Bruno Dondero. Je défendrai la même idée, au nom d’un argument un peu différent. Quand on judiciarise un conflit, on demande au juge de dire le droit. Si la jurisprudence compte tant, c’est parce que la réponse n’est pas dans la loi, ce qui explique à la fois l’importance et la médiatisation des décisions.

M. Jean-Louis Bricout. Dans le cas de Goodyear, y a-t-il eu un acharnement judiciaire ? En détournant le recours du judiciaire vers l’administration, la loi que nous venons de voter en première lecture ne force-t-elle pas la négociation et ne propose-t-elle pas des possibilités de sortie de crise ou de médiation ?

M. Antoine Lyon-Caen. Le dossier a donné lieu à des procédures diverses, y compris de la part du CHSCT, nouvel acteur très présent. La préoccupation de la santé s’impose dans le réaménagement de l’appareil productif. Cette sensibilité, qui n’est pas uniquement française, n’existait pas il y a dix ou vingt ans, ce qui traduit une évolution profonde. Cela dit, la loi n’a pas doté le CHSCT d’un budget. Quand ce comité intervient, c’est l’employeur qui paie, ce qui peut expliquer qu’il apparaisse comme un acteur judiciaire plus actif qu’il ne l’était.

L’accord national interprofessionnel (ANI) de 2013, devenu la loi du 25 juin 2013, a transféré du juge judiciaire vers l’administration l’appréciation des procédures d’information et de consultation dans les grands licenciements, ainsi que l’homologation ou la validation des plans de sauvegarde de l’emploi (PSE). À mon sens, cette évolution n’est pas positive. L’administration, qui peut, dans certains cas, jouer le rôle d’un médiateur, navigue au gré des flots. Un des mérites du juge est qu’il ne se saisit pas lui-même : les gens vont vers lui, signe qu’ils attendent quelque chose. La démocratie vit de demande et d’actions. Au titre de la loi que vous venez de voter, l’administration sera systématiquement saisie par l’employeur, dont elle homologuera ou validera les projets. Cette procédure ne responsabilisera pas des acteurs. L’ANI place désormais l’employeur en situation de tutelle ou de curatelle administrative, ce qui n’est pas opportun.

Me Gilles Belier. Dans le dossier Goodyear, il n’est pas abusif de parler d’acharnement judiciaire. Le juge a fait observer que les plaignants ont demandé au CE et au CHSCT les mêmes informations, qui ne relevaient en rien de l’hygiène ou de la sécurité, signe que le CHSCT avait pour eux le statut d’instance politique. Comme l’a observé Me Henry, il entre dans ces contentieux une part de ruse. Tous les moyens sont bons pour bloquer le processus. Je ne sais pas si Goodyear a été suffisamment responsable ni si le groupe a réellement cherché des solutions. Il est sûr en tout cas que deux solutions ont été envisagées, permettant le maintien, la première, de la totalité de l’emploi, la seconde, d’une partie de l’emploi, avec des départs volontaires. L’une d’elles a échoué parce qu’on demandait à Titan de s’engager à maintenir l’emploi sur sept ans, alors qu’il ne voulait pas aller au-delà de deux. Mais aucune entreprise au monde n’aurait accepté de s’engager sur une durée aussi longue !

Nous verrons ce que l’application de la nouvelle loi donne sur le terrain. Reste à savoir – ce que nul ne se demande – pourquoi le corps social s’est entendu pour évincer le juge judiciaire. On comprend la position du patronat. Celle des organisations syndicales, dont la CFDT, qui a toujours recouru à une stratégie judiciaire, et de la CGT, est plus difficilement explicable.

M. Antoine Lyon-Caen. Vous parlez de la CFDT de 1975.

Me Gilles Belier. …qui était parfaitement honorable. Le juge administratif devra apprécier la régularité des procédures et le contenu du plan social, ce qui traduit une évolution forte. Comment et pourquoi patronat et organisations syndicales ont pu arriver à un tel accord, qui constitue un dysfonctionnement de notre démocratie ?

Cela dit, pour savoir comment fonctionnent les administrations du travail, je ne pense pas qu’il soit si facile de leur passer un coup de téléphone pour leur dicter la conduite à adopter. Ce sera in fine le Conseil d’État qui tranchera.

Mme la rapporteure. Les représentants de Goodyear, de Titan et des salariés ayant choisi d’examiner sans témoin les possibilités d’un accord, on ignore ce qu’ils se sont dit. S’ils en avaient signé un, quelle aurait été sa valeur juridique ? Aurait-il été contraignant si Titan s’était engagé à maintenir l’emploi sur deux ans ?

M. le président Alain Gest. Est-il fréquent qu’une entreprise ne discute qu’avec un seul syndicat ? Comment justifier la mise à l’écart des autres organisations, même si elles sont minoritaires ?

Me Michel Henry. En théorie, un employeur ne mène pas de négociations séparées avec des organisations syndicales. S’il le fait, les organisations évincées peuvent faire annuler par un juge l’accord ainsi conclu. En la matière, il existe pourtant une tradition ancienne. Jadis, dans les Nouvelles messageries de la presse parisienne (MNPP), le patronat ne discutait qu’avec la CGT. Quand on lui a fait remarquer que cette pratique était interdite, il a parlé à la CGT avant de négocier avec les autres organisations. La jurisprudence a efficacement corrigé ces abus, en imposant des règles de loyauté dans la conduite de la négociation.

Dans l’affaire Goodyear, j’ignorais que le groupe avait négocié exclusivement et sans témoin avec l’organisation qui le méprisait le plus, ce qui est pour le moins singulier.

M. le président Alain Gest. Il avait sans doute reçu l’acceptation tacite de la CGC, qui préférait laisser une chance à un accord.

Me Michel Henry. Un employeur qui s’engage à maintenir l’emploi dans l’entreprise est tenu par cet accord. Reste à vérifier que celui-ci est bien écrit, par exemple qu’il ne comporte pas de porte de sortie trop facile à ouvrir. Cela dit, si des licenciements intervenaient en violation de cet engagement, le juge ne pourrait pas prononcer leur nullité. Il se contenterait de condamner le groupe à des dommages et intérêts.

M. le président Alain Gest. Certains députés voudraient revenir au régime de l’autorisation préalable de licenciement, qui s’est appliqué jusqu’en 1986. Quel effet avait-il sur l’issue des conflits sociaux ?

M. Antoine Lyon-Caen. J’ai bien connu cette période. En 1977, j’ai écrit un article intitulé : « La loi du 3 janvier 1975 : une loi morte ? » À l’époque où tout licenciement pour motif économique devait donner lieu à autorisation, on s’était engagé dans une voie bureaucratique. En fait, le silence de l’administration valant autorisation après un certain délai, moins d’une demande sur dix était examinée. Le système déresponsabilisait tout le monde.

Il a eu du moins un effet positif. L’administration devait procéder à des choix draconiens, car elle ne disposait pas d’un personnel suffisant pour traiter toutes les demandes. Les directeurs régionaux ou départementaux ont choisi de se concentrer sur le départ de personnes âgées ou l’existence de discriminations. L’enquête privilégiait le cas des personnes vulnérables, au détriment de l’existence d’un motif économique, que l’administration n’avait pas le temps de vérifier de manière systématique.

Dans le nouveau système, le juge administratif ne contrôlera pas la décision de l’employeur, c’est-à-dire le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), mais le fait que l’administrateur a bien joué le rôle que lui impartit la loi. Il jugera l’action de l’administration. Il s’assurera par exemple que celle-ci a contrôlé que le plan ne comportait pas de discrimination manifeste.

Le contentieux a commencé en 1978. Dans un arrêt de 1981, le Conseil d’État affirme que l’administration n’a pas à se prononcer sur les options de gestion de l’employeur, n’étant pas armée pour effectuer ce type de contrôle. Les CE et les syndicats suivent la vie de l’entreprise. En outre, ils se font assister par des experts, que la loi leur permet de solliciter. Ils peuvent donc ouvrir avec le chef d’entreprise un dialogue plus riche que le contrôle administratif.

Enfin, l’administration du travail devra se spécialiser, en confiant le contrôle à certains membres de la DIRECTTE. Cette segmentation est critiquable, car il peut être nécessaire de suivre des questions de santé en même temps que des problèmes de restructuration.

Le juge judiciaire est un arbitre, qui se demande si les prérogatives de l’employeur et des représentants du personnel ont pleinement joué dans le cadre de la loi. Il occupe à ce titre un terrain que lui a laissé le Parlement. Celui-ci, alors qu’il pouvait définir clairement la mission du juge, s’est réfugié derrière deux adjectifs : « réel » et « sérieux ». Or, dans la langue française, plus on recourt aux adjectifs, moins on dit de chose : le substantif nomme les situations, que l’adjectif ne permet que d’apprécier. En 1973, en choisissant ces adjectifs, le Parlement a dit au juge : « À vous de jouer ! »

Mme la rapporteure. Au regard du droit du travail français, licencier pour délocaliser est-il licite ?

M. Antoine Lyon-Caen. La Cour de cassation a statué au moins à trois reprises sur ce point. La délocalisation motivée par la recherche d’avantages financiers ou fiscaux ne constitue pas en soi un motif de licenciement économique recevable. Mais tout est question d’argumentation. Récemment, une entreprise de haute technologie s’est délocalisée en Israël, où le Gouvernement lui offrait des conditions d’accueil ou des exonérations importantes. Comme elle a prouvé qu’elle trouverait sur place des conditions de travail et une main-d’œuvre telles que sa production serait de qualité égale, sinon supérieure, le juge n’a pas considéré qu’il s’agissait d’une simple délocalisation.

De même, quand, en 1990-1991, Thomson a fermé son usine de la région lyonnaise pour fabriquer les tubes cathodiques au Brésil, le juge a considéré qu’il y avait suppression d’emplois, puisque ce n’étaient pas les mêmes postes qui étaient détruits en France et créés au Brésil, mais que la stratégie du groupe préservait la compétitivité de l’entreprise, en permettant à la société d’employer une main-d’œuvre plus qualifiée à des coûts moindres et d’écouler plus facilement sa production. Ce n’était donc pas, là non plus, une simple délocalisation.

M. le président Alain Gest. Goodyear utilise comme façonniers certaines sociétés du groupe. Est-ce une manière d’externaliser la production de pneus ?

M. Bruno Dondero. Un site de presse a présenté Goodyear France comme un simple façonnier, une société ne possédant rien d’autre que ses usines et travaillant pour le compte d’une seule autre société, ce qui n’est d’ailleurs pas si rare. Au regard du droit, les sociétés du groupe sont gérées de manière autonome, alors qu’elles dépendent de celui-ci. Un façonnier extérieur aurait eu la possibilité d’aller chercher d’autres clients, de refuser certaines commandes ou de négocier ses prix, ce que n’a jamais fait l’usine d’Amiens-Nord. Celle-ci a été déclarée non rentable, sans avoir jamais fixé les conditions dans lesquelles elle travaillait.

M. le président Alain Gest. Est-ce le groupe qui fixe la marge de manœuvre de chaque unité ?

M. Bruno Dondero. Oui, mais, juridiquement, les salariés sont rattachés à leur société et non au groupe. Ils ne peuvent donc pas se retourner que contre lui. Cela dit, beaucoup d’entreprises de petites tailles subissent la loi d’entreprises plus importantes, sans appartenir pour autant à un groupe.

Lorsque les mêmes dirigeants sont à la tête de toutes les sociétés d’un groupe, il leur est plus facile de privilégier l’activité de l’une ou de l’autre.

J’ignore si Goodyear France avait le droit d’aller chercher des clients à l’extérieur du groupe, mais, à l’évidence, elle ne l’a pas fait.

M. le président Alain Gest.  On imagine qu’elle n’en avait pas le droit.

Me Michel Henry. Un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 25 janvier 2006 présente la société mère comme co-employeur. Dès lors, sa responsabilité est engagée à l’égard des salariés, qui peuvent lui demander des comptes dans tous les domaines. C’est essentiel, car la qualité du plan de sauvegarde de l’emploi dépend non seulement des capacités de la société qui licencie, mais de celles de l’ensemble du groupe et de ses moyens, en termes de reclassement et d’accompagnement financier.

M. le président Alain Gest. Je vous remercie.

L’audition prend fin à dix-neuf heures vingt-cinq.

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Membres présents ou excusés

Commission d’enquête relative aux causes du projet de fermeture de l’usine Goodyear d'Amiens-Nord, et à ses conséquences économiques, sociales et environnementales et aux enseignements liés au caractère représentatif qu'on peut tirer de ce cas

Réunion du mardi 8 octobre 2013 à 17 h 30

Présents. – Mme Pascale Boistard, M. Jean-Louis Bricout, M. Jean-Claude Buisine, M. Alain Gest, Mme Arlette Grosskost, Mme Barbara Pompili