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Commission d’enquête sur la situation de la sidérurgie et de la métallurgie françaises et européennes dans la crise économique et financière et sur les conditions de leur sauvegarde et de leur développement

Mercredi 22 mai 2013

Séance de 12 heures

Compte rendu n° 15

Présidence de M. Jean Grellier Président

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Catherine Tissot-Colle, présidente de la Fédération des minerais, minéraux industriels et métaux non ferreux (Fedem), Mme Claire de Langeron, déléguée générale, et de M. Édouard de Lacoste Lareymondie, président de la Chambre syndicale du cuivre et de ses alliages.

La séance est ouverte à douze heures dix.

La Commission d’enquête procède à l’audition de Mme Catherine Tissot-Colle, présidente de la Fédération des minerais, minéraux industriels et métaux non ferreux (FEDEM), de Mme Claire de Langeron, déléguée générale, et de M. Édouard de Lacoste Lareymondie, président de la Chambre syndicale du cuivre et de ses alliages.

M. le président Jean Grellier. Nous accueillons Mme Catherine Tissot-Colle, présidente de la Fédération des minerais, minéraux industriels et métaux non ferreux (FEDEM), accompagnée de Mme Claire de Langeron, déléguée générale, et de M. Édouard de Lacoste Lareymondie, président de la Chambre syndicale du cuivre et de ses alliages.

La FEDEM rassemble de nombreuses professions impliquées dans des activités métallurgiques et spécialisées, dont, par exemple, les transformateurs du cuivre et du zinc. Plusieurs secteurs intéressent notre commission d’enquête, certains relevant d’une longue tradition industrielle et d’autres mettant en œuvre des processus de haute technologie ; tous, cependant, sont exposés à la volatilité des cours des matières premières, qui entraîne des ressauts importants de leurs chiffres d’affaires et de leurs profits d’une année à l’autre.

Autre point important pour notre commission : la problématique du recyclage et de l’économie circulaire. Nous avons auditionné l’organisme Eco-Emballages et la Fédération des entreprises du recyclage (FEDEREC), mais peut-être vos idées et réflexions diffèrent-elles, des améliorations du système et des gains de productivité bénéficiant à nos industries étant toujours possibles dans les secteurs clés de la récupération et du retraitement.

La question de la concurrence de produits importés à bas coûts est également essentielle. En avez-vous des exemples dans vos activités ?

D’autres questions nous paraissent fondamentales : le non-respect des contraintes environnementales par des producteurs extérieurs, le coût de l’accès des industriels français à l’énergie, la formation des salariés, le peu d’attirance des jeunes à l’égard de certains métiers de l’industrie. Vous pouvez constater la diversité de notre champ de réflexion !

Conformément aux dispositions de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958, je vous demande de prêter serment de dire la vérité.

Mme Catherine Tissot-Colle, Mme Claire de Langeron et M. Édouard de Lacoste Lareymondie prêtent serment.

Mme Catherine Tissot-Colle, présidente de la Fédération des minerais, minéraux industriels et métaux non ferreux (FEDEM). Pour préparer cette audition, nous avons pris connaissance d’une partie de vos précédents travaux. Comme vous avez déjà été éclairés par nos collègues, dont ceux de la Fédération française de l’acier (FFA), nous essaierons de ne pas répéter leurs propos, même si nous partageons avec eux un certain nombre de problématiques et de conceptions.

Si elle n’est pas la fédération la plus puissante du point de vue des entreprises représentées, la FEDEM se situe en amont de nombreuses industries stratégiques : métallurgie, production d’acier, aéronautique, défense, automobile, construction, chimie, mais, aussi, « économie verte » et nouvelles technologies comme les éoliennes ou les écrans plats. Contrairement à une idée reçue, nos activités n’ont rien d’archaïque : au contraire, nous sommes une industrie moderne pour laquelle l’innovation, la recherche et le développement (R&D) sont essentiels, notamment pour faire la différence vis-à-vis des producteurs étrangers.

Nous représentons environ 130 entreprises, dont de grands groupes – Areva, Umicore, ERAMET –, des représentations françaises métropolitaines ou ultramarines d’importants groupes étrangers – avec ERAMET, Xstrata et Vale, la Nouvelle-Calédonie s’apprête à devenir le deuxième producteur mondial de nickel –, et un tissu de PME. Ainsi la FEDEM est-elle représentative de la variété du tissu industriel français, le secteur qu'elle représente emploie directement 25 000 personnes, représente un chiffre d’affaires de 15 milliards, dont 50 % à l’exportation.

Sur le plan européen, le secteur des métaux non ferreux représente 437 000 emplois et un peu moins de 300 milliards de chiffre d’affaires, ce qui est loin d’être négligeable, même si sa puissance a décliné ces dernières années. Ce secteur, pour lequel la compétitivité est un enjeu permanent, demeure très capitalistique. Nous parvenons encore à des productions considérables avec moins de salariés, très spécialisés et non « substituables », ni au sein des grands groupes ni au sein des PME.

Nous partageons de grandes constantes avec l’ensemble de l’industrie française. Ainsi nous sommes-nous réjouis du rapport de M. Gallois et des décisions qu’a prises le Gouvernement en matière de compétitivité, même si, s’agissant plus particulièrement de la compétitivité-coût, nous avons encore du chemin à parcourir. Nous nous félicitons également de la mise en place du crédit d’impôt recherche, du crédit d’impôt compétitivité-emploi et de la nouvelle loi sur la sécurisation de l'emploi, autant de points importants pour des secteurs comme les nôtres qui sont très traditionnels et, je le répète, très capitalistiques.

En termes de compétitivité hors coût, de R&D et d’innovation, il est évident que nous devons continuer à dégager des marges suffisantes et des capacités de développement. Tous mes collègues siégeant au conseil d’administration de la FEDEM en sont d’accord. Dans ce secteur, on ne rencontre pas d’industriel frileux, mais des envies de conquête !

Nous accordons également beaucoup d’importance au dialogue social, même s’il relève plutôt du champ d’action de l’UIMM ou du MEDEF. La FEDEM se consacre plus précisément aux aspects économiques, stratégiques et environnementaux, dont le développement durable. Les activités minières ou métallurgiques pouvant en effet avoir un impact sur ce plan là, nous tenons à trouver un bon équilibre entre des niveaux d’exigence qui augmentent – attentes des particuliers, des hommes politiques, des riverains de nos industries, des associations – et la nécessité de demeurer compétitifs dans une situation difficile. Nous travaillons beaucoup sur ce point, qui importe à tous, mais les attentes en la matière sont parfois un peu excessives alors que les industriels ont besoin de temps pour s’adapter. Nous sommes d’accord avec les orientations qui se dessinent, mais, souvent, nous sommes confrontés à un problème de calendrier. Plus la compétition et plus les temps sont durs, plus il conviendrait de faire montre d’un peu plus de souplesse.

La concurrence mondiale est extrêmement sévère et nos industries « à fuite de carbone » y sont particulièrement exposées. Nous sommes au service de champions nationaux et, si nous nous portons mal, l’industrie automobile ira mal – alors qu’elle connaît déjà des difficultés –, de même que les plans de relance de la construction ou l’aéronautique.

Les politiques savent à quel point nous sommes un secteur clé. MM. Borloo, Besson ou Montebourg ont ainsi installé puis pérennisé le Comité pour les métaux stratégiques (COMES) et engagé une réflexion sur la spécificité de nos métiers qui s’inscrit dans la logique européenne.

Je tiens à insister sur la dimension européenne de nos activités, car il est nécessaire de travailler et d’être compétitifs d’abord sur ce plan-là, les réglementations environnementales étant, quant à elles, le plus souvent élaborées à Bruxelles. À ce propos, les autorités françaises pourraient peut-être veiller à ce que notre pays soit suffisamment présent et actif dans l’ensemble des strates et structures de l’Union européenne. Nous ne sommes, certes, qu’un État parmi les autres États membres, mais nous comptons : la présence des ministres français est essentielle, au plus haut niveau, lors de chaque sommet, mais également celle de représentants de notre pays dans toutes les structures techniques d’expertise où d’autres États sont plus présents, y compris le Royaume-Uni. Les Anglais se montrent en effet très critiques à l’endroit de l’Europe, mais ils savent y faire valoir leurs intérêts.

M. Édouard de Lacoste Lareymondie, président de la Chambre syndicale du cuivre et de ses alliages. En France, l’industrie du cuivre n’est pas une industrie minière, puisqu’il n’y a pas d'activité extractive à ce jour, mais une industrie de transformation. Nous achetons les matières premières à l’étranger, principalement en Amérique du Sud, et recyclons les déchets industriels que nous produisons nous-mêmes ou que nous achetons sur le marché.

Cette industrie vit des heures extrêmement difficiles. Dans les années 1980, on dénombrait entre quinze et vingt acteurs de première transformation dans les métiers principaux : câbles – dont le leader européen est Nexans, l’ancienne filiale d’Alcatel Cuivre– barres, tubes industriels et sanitaires, et bandes. Aujourd’hui, il n’en reste que cinq. En ce temps-là, nous servions le marché local à hauteur de 60 % et importions 40 % de nos besoins, d’Europe pour l’essentiel. Aujourd’hui, la proportion s’est plus qu’inversée avec des importations qui s’élèvent environ à 70 % et une production locale de 30 %. Le retournement de la situation est patent.

Depuis cinq ans, la demande issue du marché local français a considérablement diminué en raison de la crise et nous assistons à un important développement des produits laminés à débouchés électroniques dont les principaux acteurs, par exemple STMicroelectronics, ont délocalisé en Asie dans les années 1990-2000 et ont obligé la plupart des entreprises à suivre un marché devenu problématique en raison de la distance, mais également du change, puisque nous travaillons en dollars.

La question du recyclage est également essentielle : les industriels fondeurs ou lamineurs fabricants de tubes recyclent intégralement et à l'infini les déchets. Leur prix de revient étant inférieur à celui de la matière première, nous sommes à l’affût des approvisionnements. Or nous sommes là aussi confrontés à la compétition internationale sur le plan de la demande, notamment de la part de la Chine, qui « pille » un peu notre marché et renchérit les prix.

Enfin, la concurrence est parfois déloyale, en particulier de la part de la Turquie et de l’Iran – avant l’embargo, bien entendu, mais, lorsqu’il sera levé, je gage que nous serons encore confrontés à des importations sauvages de la part de concurrents qui, seuls ou presque derrière un bureau, alors que nos industries emploient 250 ou 300 personnes par usine, parviennent à importer des produits semi-finis.

Mme Catherine Tissot-Colle. Nous sommes confrontés à de grands défis. Tout d’abord, nous devons affronter, c’est vrai, un environnement concurrentiel renforcé et parfois déloyal. Il conviendrait donc de réfléchir à l’évolution des règles de l’OMC. Si la Chine, qui ne les respecte pas, est souvent attaquée, cela est parfois favorable aux entreprises européennes puisqu’elle vend les produits plus chers que leurs prix de revient, ce qui rétablit une certaine concurrence. Quelles sont donc les règles les plus protectrices pour nos industries ? Nous nous permettons d’interpeller les pouvoirs publics, car le monde industriel étant complexe, ce qui est favorable aux uns ne l’est pas nécessairement aux autres.

Ensuite, il convient de valoriser les performances environnementales dans un contexte réglementaire exigeant. Travaillant dans l’industrie sidérurgique et métallurgique depuis une dizaine d’années, je peux témoigner de ses évolutions en la matière. Nous supportons aujourd’hui la comparaison avec des industries – je pense, notamment, à la chimie – qui, il y a quelques années, étaient plus avancées sur ce plan. Les mentalités ont également changé, puisqu’aucun projet n’est pensé sans tenir compte des meilleurs standards, mais la France a tendance à exiger toujours plus et à appliquer les directives européennes au-delà de leur lettre et de leur esprit. Est-ce toujours raisonnable sur le plan de la compétitivité ?

De la même manière, de bonnes idées sont parfois appliquées trop rapidement. Il est certes intéressant de disposer de méthodologies et de référentiels technologiques d’installation communs. On peut concevoir qu’ils deviennent obligatoires, mais, lorsque la Commission européenne envisage de fixer aux entreprises des délais extrêmement brefs – de l’ordre de trois ou cinq ans – pour se mettre en conformité, nous crions gare ! Qu’ils soient immédiatement applicables à des projets, oui, puisqu’il est possible de les concevoir de la sorte dès leur genèse, mais le mieux est parfois l’ennemi du bien pour les autres. La FEDEM se bat contre les délocalisations et nous ne souhaitons pas que nos adhérents partent. Il convient donc de veiller à ne pas envoyer de signaux négatifs.

Plus généralement, nous avons besoin d’un environnement réglementaire stable et prédictif, quels que soient les sujets.

La révision du code minier nous semble une excellente idée, car son toilettage et sa mise en conformité avec les évolutions dues notamment à la Charte de l’environnement étaient nécessaires. Il convient toutefois de rester raisonnable, certaines ONG semblant croire qu’il n’existe aucun texte dans ce domaine. Nous sommes d’accord avec M. Tuot lorsqu’il propose de toiletter le code et d’en conserver 80 % ou 90 %, mais les travaux en cours nous paraissent un peu compliqués. Nous attirons l’attention du Gouvernement et des parlementaires : nous souhaitons que l’on parvienne, sans précipitation, mais sans traîner, à la rédaction d’un texte clair, applicable et positif qui contribuera à relancer l’activité minière dans notre pays. Tel est l’objectif affiché, mais, comme nous avons eu l’occasion de le dire devant la commission du développement durable de l'Assemblée nationale, nous nourrissons quelques inquiétudes s’agissant notamment de la fiscalité.

Le développement de notre industrie dans le domaine des métaux stratégiques repose sur une double logique : la sécurisation des approvisionnements des industries en aval et la défense des champions français. Le Comité stratégique de filière (CSF) sur les industries extractives et de première transformation que le ministre du redressement productif vient d’installer se réunira dès vendredi matin afin de travailler sur ces questions, ce dont nous nous réjouissons. Nous veillerons à ce que ses travaux, comme ceux du COMES, se concrétisent. Ainsi le COMES réfléchit-il à une diplomatie des matières premières : comment notre diplomatie peut-elle soutenir les entreprises françaises productrices de ressources minières ? Le groupe dans lequel je travaille, ERAMET, crée de la valeur via les mines de Nouvelle-Calédonie et du Gabon, et c’est ce qui nous permet d’investir en France et d’y développer des activités de transformation, même si c’est moins vrai ces derniers mois en raison de la situation économique.

En tant que membre du Conseil économique, social et environnemental, j’ai eu l’occasion de travailler sur la question de la transition énergétique, laquelle concerne particulièrement nos industries. Nous sommes attachés à une évolution du mix énergétique pour tendre à la société décarbonée, mais, là encore, gare à la transition, aux délais et aux choix. Nos industries étant électro-intensives – même si des technologies moins gourmandes en énergie sont prometteuses –, leur situation est très délicate.

Mme Claire de Langeron, déléguée générale de la FEDEM. Le recyclage sera de plus en plus nécessaire compte tenu de l’augmentation de la demande en métaux, de la durée de vie des produits – qui s’étend de quelques mois pour les produits de grande consommation à plusieurs dizaines d’années pour ceux du bâtiment par exemple – et du développement de nouvelles applications requérant l’utilisation de certains métaux qui ne l’étaient pas jusqu’alors. Certes, il ne comblera jamais l’ensemble des besoins en métaux et nous devrons toujours recourir aux ressources primaires, mais il complétera utilement les approvisionnements. Sur le plan mondial, le recyclage ne répond qu’à 30 % des besoins actuels. En Europe, le gisement disponible permet de répondre à environ 50 % des besoins en métaux de base.

Notre secteur a toujours pratiqué le recyclage, mais son développement est aujourd’hui freiné. Il conviendrait donc d’accroître les quantités de matières disponibles, ce qui implique d’améliorer les liens entre les nombreux acteurs de la chaîne. Cela passe par la collecte de produits pas, peu ou mal recyclés, la lutte contre toutes les formes d’exportations plus ou moins licites de produits qui, in fine, sont des déchets, l’envoi de produits en fin de vie et des déchets vers des filières de prétraitement, de démontage et de valorisation adéquates et performantes assurant une récupération optimale ainsi que le respect des conditions environnementales et sanitaires. Nous proposons la mise en place d’une certification des installations de recyclage, proposition qui a d’ailleurs été reprise sur le plan européen.

Enfin, l’accès aux gisements de ces « mines urbaines » est d’autant plus essentiel que le recyclage requiert de lourds investissements.

M. Alain Bocquet, rapporteur. Quelles propositions concrètes pourriez-vous formuler en matière de récupération et de retraitement des métaux ? Sur un plan quantitatif, en récupère-t-on le maximum ? Sur un plan qualitatif, j’ai été heureux de vous entendre parler de certification européenne, car la chienlit règne dans la déconstruction – un projet de déconstruction ferroviaire est en cours dans ma circonscription. Les cimetières de wagons de Sotteville-lès-Rouen, par exemple, constituent une véritable mine, leur éventuel transfert en Roumanie soulevant par ailleurs certaines difficultés.

Avez-vous des exemples d’actions volontaristes en termes de R&D, en liaison avec les universités ou les pôles d’excellence, tels les instituts de recherche technologique (IRT) ?

Enfin, la plupart des entreprises que vous représentez étant des PME, ne sont-elles pas confrontées à des problèmes de trésorerie ? Avez-vous des propositions à faire pour le soutien financier de leur développement, voire, le cas échéant, leur regroupement ?

M. Michel Liebgott. Considérez-vous que les aciéries électriques ont un avenir en Europe ? Si oui, de quelles marges de construction disposons-nous ?

La disparition de certaines entreprises minières ne s’explique-t-elle pas parfois par leur absorption dans de grands groupes comme, par exemple, ArcelorMittal ? Comment percevez-vous de telles évolutions ?

Vous avez évoqué l’expertise Tuot. Nous sommes en effet souvent saisis, à juste titre, par les victimes des dégâts miniers, mais faisiez-vous allusion à la responsabilité des entreprises pendant ou après l’exploitation, ou à certaines normes contraignantes entraînant une augmentation des coûts ? N’hésitez pas à nous communiquer des documents à ce propos.

M. Christian Hutin. En classe de terminale, on nous expliquait déjà, à propos du gaz de Lacq, qu’il n’y avait plus grand-chose à exploiter en France sur un plan minier. Est-ce le cas ?

Dans quel sens le code minier pourrait-il évoluer ?

Mme Catherine Tissot-Colle. Nous pourrons en effet vous envoyer des documents concernant les activités de recyclage, ainsi que les recommandations d’Eurométaux à l’Union européenne. Le recyclage comporte des étapes spécifiques : la collecte des déchets, leur démontage, leur tri ou leur prétraitement, leur affinage, leur recyclage à proprement parler et la fabrication de produits neufs. Nous avons des recommandations pour chacune de ces étapes, dont la principale reste la collecte. Ce secteur est loin d’être parvenu à maturité, et l’on ne peut que constater son morcellement. La R&D travaille également sur ces questions de recyclage.

La pyrométallurgie – les hauts-fourneaux, les aciéries électriques – est fondée sur la transformation des métaux par la chaleur. Des travaux de R&D visent à la perfectionner afin de la rendre moins intensive sur le plan énergétique, mais nous considérons que l’hydrométallurgie, c’est-à-dire le traitement chimique des métaux, est une piste pour l'avenir. Les procédés hydrométallurgiques que nous développons permettent de traiter des matières primaires qui, jusqu’à présent, n’étaient pas valorisées, telles certaines fractions du nickel, voire des minerais qui étaient considérés comme des déchets ou des stériles. Cela constitue d’autant plus un avantage sur le plan du développement durable que l’on consomme beaucoup moins d’énergie.

La FEDEM s’intéresse à tout ce qui se passe en Europe sur le plan de la R&D, notamment au programme de recherche 2014-2020. Nous agissons au sein de diverses instances pour que ces nouvelles technologies soient prises en compte dans les stratégies européennes et que les industriels qui les portent puissent bénéficier de subventions. Nous croyons beaucoup au potentiel de l’hydrométallurgie.

Mme Claire de Langeron. Nous réfléchissons en effet à la formulation de propositions concrètes. Il importe tout d’abord de connaître le gisement des matières premières recyclables ainsi que son potentiel.

M. le rapporteur. On ne le connaît donc pas ?

Mme Claire de Langeron. Nous travaillons avec l’ADEME à son identification, mais cela ne suffit pas. Sans doute l’étude de ce gisement pourrait-elle relever de l’Observatoire des matières premières que le COMES envisage de mettre en place.

Le tri des déchets valorisables pourrait également être rendu obligatoire. Pourquoi ne pas envisager d’interdire leur mise en décharge ?

Peut-être serait-il aussi possible d’utiliser l’encadrement réglementaire des « politiques produits », dont les directives « produits en fin de vie » pour les véhicules usagés, les batteries, les déchets électriques et électroniques, comme d’autant de leviers de croissance afin d’améliorer la collecte et l’approvisionnement en matières premières, en fixant des objectifs de recyclage ambitieux par matériau et en favorisant le recyclage de proximité ?

Il est également possible de resserrer les liens entre les différents acteurs de la chaîne : étude des flux, mise en commun de services aux entreprises – logistique, gestion des déchets.

Enfin, nous essayons de faire part de notre vision des choses au pôle de compétitivité TEAM2 (technologies de l’environnement appliquées aux matériaux et matières), qui travaille plus particulièrement sur les questions de recyclage.

Afin de lutter contre les pratiques illicites, il conviendrait peut-être de créer une plateforme interministérielle comprenant les services des douanes, de la gendarmerie, des directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) et les professionnels que nous sommes. Nous tenterions ainsi d’identifier ces pratiques, d’orienter les contrôles et de mettre fin à ces activités qui constituent une concurrence déloyale.

Les différents acteurs de la chaîne doivent également échanger sur les bonnes pratiques, accompagner les clients dans l’optimisation du tri et la valorisation des déchets, offrir des garanties de paiement, promouvoir un cercle vertueux, etc.

Mme Catherine Tissot-Colle. Nous parlerons de ces questions dans le cadre de l’un des cinq groupes de travail que nous mettrons en place au sein du CSF. En l’occurrence, nous sommes ravis de l’occasion qui nous est donnée de travailler avec des représentants des secteurs du béton, de l’acier et de l’aluminium. Si nous travaillons bien, nous serons en mesure de formuler des propositions concrètes et communes dans quelques mois.

M. Édouard de Lacoste Lareymondie. S’agissant du cuivre, nous sommes des transformateurs et des fondeurs qui recyclent les déchets. Cela constitue certes une source d’approvisionnement pour nos usines, mais seulement à hauteur de 25 ou 30 % des besoins. Nous achetons donc la matière première telle qu’elle est cotée à la Bourse de Londres ou de Shanghai. Or, les bons déchets, utilisables par les transformateurs, s’achètent la plupart du temps avec une décote de 5 à 10 %. Lorsque la tonne de cuivre vaut 7 000 dollars, cela n’est évidemment pas neutre pour notre comptabilité.

Les problèmes se posent lorsque les importateurs remettent la matière première sur le marché ou lorsque les usines produisent des excédents. Les usines, en France, en Europe ou même à l'étranger, ne disposent pas toujours des capacités suffisantes pour recycler l’essentiel de leurs rebuts techniques de production et mettent sur le marché des volumes importants de « déchets cuivre ». Dès lors, à quel prix le transformateur peut-il racheter les déchets qui lui manquent ? Je ne peux pas vraiment parler de concurrence déloyale, mais il n’en reste pas moins que des pays étrangers, notamment la Chine, ont des bureaux en France et en Europe. Ces usines peuvent mettre parfois sur le marché des lots impressionnants et les vendre aux traders les plus offrants, lesquels, souvent, sont chinois et disposent d’excellentes conditions de paiement et de trésorerie. L’accès au marché des déchets, essentiel pour l’approvisionnement des PMI que nous sommes, est malheureusement très difficile.

Mme Catherine Tissot-Colle. Notre collègue Philippe Darmayan a longuement développé devant vous la question de l’avenir des aciéries électriques et je ne reviendrai pas sur ses propos, que nous partageons, sur les grandes aciéries dites de volume et les aciéries de spécialités. Nous croyons à l’avenir des secondes, comme d’Aubert & Duval, ainsi qu’aux « métaux de niche », mais à condition de savoir très exactement de quoi l’on parle. Les productions de grands volumes s’inscrivent dans un processus de pleine concurrence et sans doute convient-il de se concentrer sur un certain nombre d’installations, toutes ne pouvant perdurer. Quoi qu’il en soit, nous sommes confiants, à la différence de ces hauts fonctionnaires de la Commission européenne qui, voilà quelques années, assuraient que nous représentions une industrie moribonde. Nous nous battons et nous embauchons des trentenaires qui ont envie de se battre.

Comme vous, monsieur Hutin, on pouvait penser qu’il n’y avait plus aucun gisement, mais, selon les représentants du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), nous avons cessé de prospecter depuis les années 1980. Or la situation doit être actualisée. Je serais certes fort étonnée que le Bassin parisien ressemble à la Nouvelle-Calédonie, mais on peut y trouver de nouveaux métaux ainsi que des « métaux de niche ».

Nous ne représentons pas le secteur du gaz de schiste, mais nous pensons qu’il serait utile d’étudier son potentiel d’exploitation, ce qui ne signifie d’ailleurs pas qu’il faille l’autoriser immédiatement avec la technologie que cela suppose. Tout ce qui, dans le code minier, peut favoriser une telle recherche nous paraît intéressant.

Les crédits publics, dit-on, vont à des recherches très théoriques, et les crédits privés à leurs applications. C’est un mythe. Nous travaillons de plus en plus ensemble, notamment avec le BRGM et l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER). Il faut qu’il en soit toujours ainsi avec l’ensemble des acteurs.

Le débat sur le code minier est utile. Les citoyens sont de plus en plus mûrs et nous ne redoutons pas la discussion publique. Faute, d’ailleurs, de les y associer, le syndrome « Not in my back yard » (NIMBY) ou « Peut-être utile, mais ailleurs » (PUMA) ne manquera pas de surgir : « Pas chez moi, pas dans ma commune, pas dans mon département. » Les activités minières et métallurgiques ayant particulièrement intérêt à l’éviter, il importe de nous structurer et de faire en sorte que le code minier instaure un tel dialogue. M. Tuot et les partenaires présents ont d’ailleurs accepté l’idée de la proportionnalité, selon laquelle il n’est pas possible de demander exactement la même chose à un opérateur qui commence une recherche ou qui élabore un projet et à celui qui est très avancé.

Les grands axes du code minier nous paraissent positifs, mais, le diable étant dans les détails, nous attirons votre attention sur la nécessité de ne pas le remettre intégralement en cause et de ne pas le complexifier.

S’agissant des dégâts miniers, la situation a beaucoup changé. Si vous vous rendez en Nouvelle-Calédonie, vous verrez que l’exploitation des mines de nickel est bien différente de ce qu’elle était il y a vingt ou trente ans. L’activité minière tend, aujourd’hui, à éviter « l’après-mine » : l’exploitation va de pair avec la réhabilitation et le contrôle. Le groupe auquel j’appartiens a des projets en Indonésie et au Sénégal et sait fort bien quels peuvent être les impacts sur les milieux naturels et la biodiversité. Il en est de même en Europe où les exploitations minières travaillent avec un grand sens des responsabilités.

Mme Claire de Langeron. Des permis d’exploration ont également été déposés en France, notamment par une « junior » qui cherche du cuivre, du zinc, de l’or, du germanium, particulièrement utile pour les technologies et les énergies vertes. Le potentiel existe afin de répondre à un certain nombre de besoins, les techniques dont nous disposons permettant de récupérer des minerais qu’il n’était pas possible d’exploiter auparavant. À suivre !

M. le président Jean Grellier. Le COMES, le CSF et les pôles de compétitivité travaillent-ils ensemble ?

Mme Catherine Tissot-Colle. Les pôles de compétitivité sont membres du CSF Industries extractives et première transformation et nous nous rencontrerons donc vendredi matin pour la première fois. Nous y intégrerons les travaux du COMES au fur et à mesure.

Ce dernier, originellement, comporte deux aspects spécifiques : la dimension internationale – le groupe de travail international est présidé et animé par le ministère des affaires étrangères – et un travail direct avec les utilisateurs aval – aéronautique, automobile, etc. –, alors que les CSF travaillent beaucoup plus avec des producteurs de même type. Nous nous efforcerons de nous organiser au mieux en préservant ces deux versants.

Mme Claire de Langeron. J’ajoute que des adhérents de la FEDEM sont également membres de pôles de compétitivité.

M. Édouard de Lacoste Lareymondie. Alors qu’une tonne d’acier vaut 500 euros et une tonne d’aluminium 2 000 euros, la tonne de cuivre en vaut 7 000. Les règles internationales nous imposent d’effectuer les paiements sous huit jours. Compte tenu du cycle de transformation et des délais de paiement dont bénéficient nos clients, nous devons donc supporter le coût des approvisionnements pendant environ quatre mois, ce qui entraîne des problèmes de trésorerie considérables, en particulier lorsque les cours de la matière première s’envolent et en période de reprise économique où les réapprovisionnements impliquent de disposer d’énormes fonds de roulement.

M. le président Jean Grellier. Je vous remercie.

La séance est levée à treize heures cinq.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission d'enquête sur la situation de la sidérurgie et de la métallurgie françaises et européennes dans la crise économique et financière et sur les conditions de leur sauvegarde et de leur développement

Réunion du mercredi 22 mai 2013 à 12 h 15

Présents. - M. Alain Bocquet, Mme Michèle Bonneton, M. Jean Grellier, Mme Edith Gueugneau, M. Christian Hutin, M. Michel Liebgott, M. Alain Marty, Mme Marie-Jo Zimmermann

Excusés. - M. Gaby Charroux, M. Jean-Pierre Decool, Mme Jeanine Dubié, M. Jean-Yves Le Déaut