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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mercredi 1er octobre 2014

Séance de 11 heures 30

Compte rendu n° 2

Présidence de M. Gilles Carrez, Président

–  Audition, ouverte à la presse, de M. Michel Sapin, ministre des Finances et des comptes publics, et de M. Christian Eckert, secrétaire d’État au Budget, sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 et le projet de loi de finances pour 2015

–  Présences en réunion

La Commission entend, en audition ouverte à la presse, M. Michel Sapin, ministre des Finances et des comptes publics, et M. Christian Eckert, secrétaire d’État au Budget, sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 et le projet de loi de finances pour 2015.

M. le président Gilles Carrez. Avec cette audition, nous entamons le marathon budgétaire annuel, qui se poursuivra dès cet après-midi avec l’audition de M. Didier Migaud, en sa qualité de président du Haut Conseil des finances publiques, qui nous présentera les avis émis par ce dernier sur la loi de programmation des finances publiques, d’une part, et sur la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, d’autre part.

La Commission examinera le projet de loi de programmation le mardi 7 octobre et la première partie du projet de loi de finances le mercredi suivant. Quant à la discussion commune de ces deux textes en séance publique, elle débutera le mardi 14 octobre, après le vote solennel sur le projet de loi relatif à la transition énergétique.

Je souhaiterais faire deux observations sur nos conditions de travail. Une semaine seulement séparera la présentation du texte, ce matin, et la réunion de la Commission consacrée à l’examen des amendements. Nous avons obtenu du président de l’Assemblée le report de la date limite de dépôt des amendements au samedi 4 octobre à dix-sept heures, mais la charge de travail que représente l’étude de l’ensemble des dispositions est telle qu’il sera très difficile pour Mme la rapporteure générale de nous présenter son rapport dans un délai aussi bref. C’est la première fois que l’examen du texte par la Commission suit d’aussi près sa présentation en Conseil des ministres, et je souhaiterais qu’un tel calendrier reste exceptionnel. Si nous voulons faire du bon travail, et si le Gouvernement veut éviter des déconvenues, il faut que notre commission puisse jouer son rôle de filtre et approfondir sa réflexion. Chacun sait que lorsque des dispositions sont adoptées trop rapidement, sans le délai d’analyse nécessaire, se produisent souvent des réactions en chaîne que l’on peine à maîtriser.

Par ailleurs, et je souhaiterais, là encore, que cela reste absolument exceptionnel, vous avez tenu une conférence de presse ce matin, avant de venir devant notre commission. Or nous avons ouvert à la presse nos réunions afin de faciliter le travail des médias, de sorte que nous nous trouvons dans une situation difficile. J’ai indiqué, lorsqu’on m’en a informé, qu’il serait préférable que cette conférence de presse se tienne en début d’après-midi, comme cela a toujours été le cas. Certes, vous étiez soumis à des contraintes particulières, mais je vous demande instamment que cela ne se reproduise pas, car c’est la négation du travail que nous essayons de mener dans une relation de confiance entre l’exécutif et la Commission.

M. Michel Sapin, ministre des Finances et des comptes publics. Monsieur le président de la Commission, nous vous devons des excuses ; je suis tout prêt à reconnaître que nous ne simplifions pas vos conditions de travail, mais l’élaboration de ces textes n’est pas simple. Quant à la conférence de presse, elle s’est tenue ce matin en raison de la séance de questions au Gouvernement de cet après-midi à laquelle nous devons participer. Au demeurant, le dossier de presse ne sera distribué aux journalistes qu’à l’issue de cette audition.

L’examen de ces deux projets de loi est une étape supplémentaire importante dans l’exécution des engagements pris par le Président de la République et le Gouvernement au printemps dernier. Les deux textes comportent, en effet, des mesures de maîtrise des dépenses et des mesures de nature à permettre à notre pays de retrouver plus de croissance et d’emploi. La situation est délicate en France et en Europe, et le seul moyen de traverser cette période difficile est de maintenir le cap qui a été défini. Je veux vous tenir un discours de vérité et de volonté.

Au plan européen, après avoir surmonté la crise du système bancaire puis celle de la dette, notre zone monétaire est aujourd’hui confrontée à une période de croissance beaucoup trop faible, alors qu’elle n’a toujours pas retrouvé le niveau d’activité qu’elle connaissait il y a six ans. L’inflation atteint ses plus bas niveaux historiques ; elle vient d’être évaluée, pour la zone euro, à 0,3 %, ce qui est extrêmement faible, et ne retrouvera qu’à l’horizon 2017 une cible proche de 2 %, en dépit des décisions bienvenues et sans précédent prises par la Banque centrale européenne (BCE). Cette croissance et cette inflation trop faibles pèsent sur la capacité de nos économies à résorber les déséquilibres économiques et à permettre aux acteurs économiques – ménages et entreprises – de se désendetter dans de bonnes conditions. Par ailleurs, le taux de chômage reste à un niveau dramatiquement élevé, puisqu’il dépasse 10 %, et même 20 % chez les jeunes, dans la moitié des États membres. Enfin, de nouveaux risques géopolitiques se font jour qui peuvent ralentir la reprise économique. Je pense en particulier aux tensions entre l’Ukraine et la Russie dans l’est de l’Europe, qui pèsent sur une partie de la zone euro, notamment l’Allemagne. En revanche, la dépréciation de l’euro et la baisse du prix du pétrole vont dans le bon sens et peuvent nourrir un certain optimisme.

Dans ce contexte, quelle doit être la politique économique au niveau européen ? La politique monétaire doit continuer à soutenir la demande. Les réformes structurelles doivent continuer à accroître le potentiel de nos économies partout en Europe, particulièrement en France. Nous devons également soutenir le plan d’investissement proposé par M. Juncker – il y a souvent loin de l’annonce des chiffres à la réalisation concrète de ces plans d’investissement. Enfin, le rythme de consolidation budgétaire doit être adapté à la situation économique de chacun des pays européens. C’est ce que disent un grand nombre d’observateurs internationaux, notamment le Fonds monétaire international (FMI) ; c’est ce que j’ai entendu au cours du G20 qui s’est tenu en Australie, où tous les grands pays s’interrogent sur la croissance et l’inflation trop faibles en Europe, qui représentent un risque pour l’ensemble du monde. À ces conditions, la reprise en zone euro devrait être au rendez-vous cette année, après deux ans de récession, avec des conditions financières qui se sont assouplies et une consolidation budgétaire un peu plus réduite en 2014 qu’en 2013.

En ce qui concerne la France, nous avons voulu être prudents dans l’élaboration de notre scénario. En 2014, la croissance sera limitée à 0,4 % ; elle ne commencera à accélérer que très progressivement à partir de l’année prochaine : nous prévoyons 1 % en 2015. L’inflation, extrêmement faible en 2014 – on prévoit 0,5 % hors tabac –, devrait se redresser lentement pour atteindre 0,9 % en 2015.

S’agit-il, comme je peux l’entendre parfois, d’un scénario optimiste ? La prévision est toujours un art très difficile. En tout état de cause, ceux qui jugent élevée une prévision de 1 % pour 2015 estimaient, au printemps dernier, que la même pour 2014 ne l’était pas. Je me bornerai donc à signaler que ce scénario est strictement identique à celui de l’OCDE tel qu’il a été publié mi-septembre et qu’il est même inférieur au consensus des économistes publié au mois de septembre. Cette prévision n’est donc pas volontairement optimiste ; elle correspond à celles des observateurs de la situation française.

Toutefois, une croissance de 1 % en 2015 est évidemment insuffisante. Retrouver plus de croissance pour créer plus d’emplois, c’est non seulement un impératif social et économique, mais aussi une nécessité pour réduire nos déficits et stabiliser notre dette. À ce propos, l’INSEE a publié hier des chiffres indiquant que notre dette publique a dépassé 2 000 milliards d’euros. À ceux qui jugent que nous sommes au bord d’un désastre financier, je rappelle que les taux auxquels nous empruntons n’ont jamais été aussi faibles et que l’écart de taux avec l’Allemagne est bien moindre qu’il ne l’a été récemment. Dois-je rappeler que la moitié des 2 000 milliards de dette publique que nous subissons aujourd’hui datent de la période 2002-2012 et que 600 de ces 1 000 milliards sont imputables à la seule période 2007-2012 ? Dois-je rappeler encore que nous avons trouvé, en 2012, un déficit public supérieur à 5 % et qu’il se serait maintenu à ce niveau si nous n’avions pas pris les mesures de redressement que la situation exigeait ? Bref, avec de tels niveaux de déficit, la dette ne peut diminuer toute seule !

Depuis le début de la législature, le Gouvernement et la majorité ont pris leurs responsabilités. Nous avons fait face, en adoptant une stratégie économique qui repose sur deux piliers. Le premier pilier est constitué des politiques d’emploi, d’investissement et de croissance. Nous avons agi sur tous les leviers, avec les emplois d’avenir, la loi de sécurisation de l’emploi, la réforme de la formation professionnelle – qui entrera en application le 1er janvier 2015 – et le nouveau programme d’investissements d’avenir (PIA) ; nous continuerons. Mais nos entreprises ont besoin d’être plus compétitives pour créer de l’emploi et investir. À ce titre, elles ont déjà bénéficié du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) à hauteur de 11 milliards en 2014. En outre, votre assemblée a voté, avant l’été, la première étape du Pacte de responsabilité et de solidarité, qui se traduira, en 2015, par un allégement de 5,5 milliards d’euros du coût du travail et par une diminution de 1 milliard d’euros de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S). La seconde tranche du CICE amplifiera l’effort, en augmentant les allégements de 12 milliards supplémentaires. Autant de marges qui permettront aux entreprises d’embaucher, de former et de moderniser leur outil de production. C’est maintenant à elles de passer à l’acte !

Le second pilier est l’assainissement de nos finances publiques, que nous menons parallèlement aux efforts consentis en faveur de la compétitivité. Les mesures que nous avons adoptées depuis 2012 ont déjà produit des effets, même si la faible croissance masque une partie des résultats obtenus. Le déficit structurel, qui traduit les déséquilibres profonds de nos comptes, corrigé du cycle économique aura été quasiment divisé par deux entre 2011 et 2014. Il atteint ainsi son plus bas niveau depuis 2001 ! Les efforts que nous avons demandés aux Français portent donc leurs fruits puisqu’en une demi-législature, nous avons résorbé les déséquilibres accumulés pendant dix ans, entre 2002 et 2012. C’est en cohérence avec cette stratégie que nous vous présentons le projet de loi de finances et la trajectoire pluriannuelle des finances publiques.

Dans un contexte économique difficile, le Gouvernement maintient scrupuleusement la stratégie économique qui a été présentée au printemps et respecte scrupuleusement ses engagements. L’effort de maîtrise de la dépense sera intégralement respecté grâce à un plan de 50 milliards d’économies sur 2015-2017, dont 21 milliards en 2015 que Christian Eckert vous détaillera. La dépense publique progressera à un rythme équivalent à celui prévu au printemps : 1,4 % en valeur en 2014, puis 1,1 % en 2015, contre plus de 3 % par an en moyenne entre 2002 et 2012. L’ensemble des mesures annoncées en faveur de la croissance, de la compétitivité et de l’emploi seront intégralement mises en œuvre selon le calendrier prévu – montée en charge du CICE, déploiement du Pacte de responsabilité – pour atteindre, à l’horizon de 2017, une baisse des prélèvements sur les entreprises de plus de 40 milliards, soit très exactement la somme nécessaire aux entreprises pour restaurer les marges qu’elles ont perdues entre 2007 et 2012. Dans le même temps, nous poursuivrons la baisse de l’impôt sur le revenu (IR) des ménages aux revenus modestes et moyens, comme nous nous y étions engagés.

Nous avons pris la décision, conformément au raisonnement portant sur les besoins de la zone euro, d’adapter le rythme de réduction des déficits à la situation macroéconomique du pays ; je m’en explique. Notre politique économique ne change pas ; le déficit se réduira plus lentement que prévu du fait des circonstances économiques. Nous ne cherchons pas à compenser à toute force les effets de cette croissance et de cette inflation trop faibles par de nouvelles mesures qui auraient des effets négatifs sur la croissance et peut-être également sur l’inflation en nourrissant un phénomène déflationniste. Les spécialistes pourront aussi noter que notre déficit structurel sera comptablement moindre qu’au printemps. Cet ajustement est aujourd’hui évalué à 0,2 point de PIB en 2015. Le Haut Conseil des finances publiques nous a fait remarquer que nous ne tenions pas l’engagement de l’améliorer de 0,8 point de PIB. C’est un fait qui traduit notre volonté d’adapter le rythme de réduction des déficits à la situation économique de l’Europe et de la France. Mais cette révision de l’effort structurel tient à la conjonction d’un certain nombre d’effets comptables : un changement du système de comptabilité européen, une révision de la croissance potentielle et la faible inflation. Faudrait-il, dans une situation économique difficile comme la nôtre, caractérisée notamment par une inflation trop faible, consentir davantage d’efforts parce que la mesure de nos efforts se dégrade ? J’aurai l’occasion d’en discuter avec nos partenaires européens dans les semaines qui viennent ; c’est un débat parfaitement légitime. Si nous assumons le sérieux budgétaire, nous refusons une austérité qui serait négative pour l’activité économique de notre pays.

Le déficit baissera : de 4,4 % en 2014, il passera à 4,3 % en 2015 et se situera au-dessous de 3 % en 2017. Le projet de loi de finances et le projet de loi de programmation des finances publiques qui l’accompagne tracent donc une perspective de réduction de nos déficits publics à un rythme qui prend en compte la croissance. Pour autant, ces perspectives et ces textes ne remettent pas en cause les objectifs d’économies que nous nous étions fixés : 21 milliards d’euros en 2015, 50 milliards d’euros sur trois ans.

Je veux insister sur l’importance de ces économies, car c’est grâce à elles que nous pouvons financer les baisses de prélèvements – en particulier la réforme du bas du barème de l’impôt sur le revenu que nous proposons –, redonner 3,2 milliards d’euros aux ménages moyens et modestes, faire bénéficier 9 millions de foyers fiscaux d’une baisse de leurs charges fiscales, et que nous ferons sortir de l’impôt 1 million de ménages qui y sont entrés au cours des dernières années. Ainsi, l’an prochain, pour la première fois depuis cinq ans, la part des prélèvements dans la richesse nationale baissera. C’est également grâce à ces économies que nous retrouvons des marges de manœuvre pour financer nos priorités : la jeunesse, l’avenir, l’emploi, la solidarité et la sécurité. J’ajoute que les engagements de la loi de programmation militaire dans leur ensemble sont respectés.

La bonne gestion de l’argent public est une obligation qui est due à tous les Français et plus particulièrement à ceux qui possèdent peu ou qui ne possèdent pas. Nous mettons donc en œuvre des choix stratégiques au travers des économies du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015. L’État et les agences concourront à ces économies à hauteur de 19 milliards d’euros en trois ans, dont 7,7 milliards dès 2015 ; les dépenses des ministères diminueront ainsi de 1,8 milliard d’euros par rapport au budget initial pour 2014. Les collectivités locales contribueront à hauteur de 3,7 milliards d’euros par an, pour un total de 11 milliards et l’assurance maladie à hauteur de 3 milliards dès 2015 pour un total de 10 milliards d’euros. Enfin, les autres organismes de protection sociale apporteront le solde des économies pour plus de 6 milliards d’euros.

Les administrations de l’État montrent l’exemple. Pour l’État et ses agences, tous les leviers d’économies ont été mobilisés afin de parvenir à un résultat sans précédent : 1,4 milliard d’euros sur la masse salariale, 2,1 milliards d’euros sur les dépenses, essentiellement de fonctionnement à travers la rationalisation des achats et la politique immobilière de l’État, 2,4 milliards d’euros sur les dépenses dites « d’intervention », chaque économie traduisant un choix en matière de réforme de l’État et de modernisation du service public, et enfin 1,9 milliard d’euros sur les agences de l’État et les opérateurs. Ces économies sont décisives pour notre crédibilité vis-à-vis des Français et des observateurs étrangers, notamment de nos partenaires européens. Elles seront réalisées en totalité pour permettre la réduction du déficit et financer les baisses d’impôt.

Tels sont les engagements que nous avions pris devant vous, devant les Français et les Européens. L’orientation, que vous avez votée au printemps dernier se traduit dans ce projet de budget, malgré les difficultés de la conjoncture. Notre pays a besoin de préparer l’avenir, de financer ses priorités, de surmonter ses difficultés économiques, et c’est en tenant fermement le cap que nous avons fixé que nous lui permettrons d’y parvenir.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État au Budget. Tout d’abord, je souhaiterais rappeler trois mesures relatives à la gouvernance de la loi de programmation des finances publiques, qui nous permettent d’assurer le respect de cette programmation mais qui sont souvent un peu occultées par la densité de nos travaux.

La première de ces trois mesures est la création d’un objectif indicatif d’évolution de la dépense locale. La loi de programmation fixe une prévision de croissance de la dépense locale qui servira de repère pour mieux appréhender la dynamique de celle-ci. Les objectifs budgétaires que vous votez portent, en effet, sur l’ensemble de la dépense publique, y compris celles des collectivités territoriales. Il est donc normal de perfectionner les outils d’observation et de pilotage, bien entendu dans le respect du principe de libre administration. La création de cet indice, qui n’aura aucun caractère normatif, nous permettra d’avoir un indicateur pour le suivi des dépenses des collectivités territoriales.

La deuxième mesure importante est l’institution d’une revue annuelle de certaines dépenses publiques, qui sera entamée dès le mois de septembre et dont le constat et les conclusions vous seront transmis avant le 1er mars, c’est-à-dire dans un délai de six mois. Je sais, compte tenu des fonctions que j’ai occupées antérieurement, que des travaux de ce type sont précieux pour le Parlement en amont des procédures budgétaires.

Enfin, la loi de programmation fixe un taux minimum de mise en réserve à la fois sur les crédits de l’État et sur l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM). Cette réserve dite « de précaution » est indispensable pour piloter la dépense en cours d’année. Cette année encore, elle sera mobilisée pour tenir la norme de dépense, comme cela a été le cas les années précédentes, et pour assurer une fin de gestion de qualité en couvrant certains dépassements budgétaires tels que ceux dus aux opérations extérieures (OPEX), par exemple. En 2015, nous prévoyons de porter ce taux de mise en réserve, qui était de 7 % en 2014, à 8 %.

J’en viens au plan d’économies qu’a évoqué le ministre des finances. Je ne détaillerai pas le volet concernant la protection sociale, qui a été présenté lundi dernier à l’occasion de la publication du rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale et qui sera examiné par votre commission des Affaires sociales. Il comporte des mesures, qui ont déjà été très largement commentées, s’inscrivant dans le champ de l’assurance maladie et dans celui de la politique familiale.

S’agissant des collectivités territoriales, le projet de loi prévoit une baisse des dotations de l’État, en l’espèce de la dotation globale de fonctionnement (DGF), de 3,67 milliards d’euros, baisse qui se poursuivra en 2016 et 2017 pour un total de 11 milliards d’euros. Ce montant de 11 milliards a été arrêté en vertu d’un principe de proportionnalité dans la dépense publique de chacun des secteurs concernés, c’est-à-dire l’État, les collectivités territoriales et la protection sociale dans son ensemble. Au demeurant, cette somme est inférieure au poids des dépenses des collectivités locales dans l’ensemble de la dépense publique. Par ailleurs, la répartition des économies a été organisée de façon uniforme sur trois ans. Je sais que les collectivités territoriales auraient souhaité un étalement différent. Néanmoins, j’observe qu’en 2015, nous prévoyons 21 milliards d’économies, c’est-à-dire que nous avons choisi d’accentuer l’effort sur la première année. Or ce n’est pas le cas pour les collectivités territoriales : si nous avions respecté les mêmes proportions, nous aurions diminué la DGF d’1 milliard supplémentaire en 2015.

Je signale que les dotations de l’État ne représentent en moyenne que 28 % de l’ensemble des recettes des collectivités territoriales, même si cette proportion varie selon les collectivités – les régions, par exemple, sont plus dépendantes des dotations de l’État, notamment depuis certaines réformes menées par nos prédécesseurs ; 60 % de leurs recettes sont issus de la fiscalité locale. Cela signifie que la progression naturelle de ces recettes, c’est-à-dire sans tenir compte de la modification des taux d’imposition correspondant aux revalorisations générales des bases que propose chaque année votre assemblée dans la loi de finances ni des variations physiques des bases qui consistent à prendre en compte les nouvelles constructions, est généralement plutôt assez largement supérieure à l’inflation. Si l’on totalise l’ensemble des recettes des collectivités locales, l’effort demandé en 2015 représentera 1,9 % de leurs recettes réelles de fonctionnement et 1,6 % de leurs recettes totales. C’est un effort mais, contrairement à ce que l’on entend, le traitement infligé, si j’ose dire, aux collectivités n’est pas plus dur que celui qui est réservé à l’État. Michel Sapin a rappelé que l’État diminuera en valeur ses dépenses de plus d’1 milliard d’euros l’année prochaine, alors que l’ensemble des recettes des collectivités locales continuera à progresser selon un taux proche de l’inflation. Du reste, si j’observe les évolutions passées, alors que la baisse des dotations avait déjà été entamée après un plafonnement, je constate que les recettes des collectivités ont progressé de 3,1 % en 2011, de 3 % en 2012 et de 3,2 % en 2013. Nous souhaitons donc contenir les dépenses des collectivités territoriales parce que les pourcentages de dépenses publiques sont toujours dénoncés comme excessifs dans notre pays et, si nous voulons être justes, nous ne pouvons pas ne pas tenir compte de ce phénomène.

Pour terminer sur ce point, je vous invite à mener un travail approfondi sur la réforme de la DGF, dont chacun mesure ici la complexité, l’injustice et la diversité. Nous souhaitons être en mesure de vous proposer, à la fin 2015, une réforme globale de cette dotation, que chacun appelle de ses vœux mais que personne n’a jamais eu le temps ou le courage de mener à son terme.

Par ailleurs, je voudrais vous indiquer la manière dont se décomposent les économies sur les dépenses de l’État. Le Gouvernement vous a présenté, lors du débat d’orientation sur les finances publiques, le budget triennal et les plafonds de crédits par mission pour 2015. Le projet de loi de finances est construit sur cette base. Nous avons, dans l’intervalle, procédé à une répartition plus fine des crédits et organisé quelques évolutions de périmètre en rebudgétisant certaines dépenses ou en transférant certaines recettes, notamment pour compenser à la sécurité sociale le coût du Pacte de responsabilité. Lors du même débat, le Gouvernement s’était également engagé à détailler les mesures permettant de documenter l’objectif d’économies. C’est cet engagement que nous tenons aujourd’hui, en détaillant les principales mesures qui conduiront à diminuer en valeur de 1,8 milliard d’euros les dépenses des ministères et les ressources affectées aux opérateurs en 2015, et donc à réaliser au total 7,7 milliards d’euros d’économies par rapport à la progression tendancielle des dépenses.

Sur les charges de personnel, l’économie attendue en 2015 s’élève à 1,4 milliard d’euros et résultera des mesures suivantes : maintien du gel du point d’indice ; stabilité des effectifs, comme en 2013 et 2014 – les créations de postes dans les ministères prioritaires seront intégralement compensées par les réductions sur les autres ministères, voire légèrement au-delà puisque nous prévoyons une baisse d’effectifs de 1 278 équivalents temps plein ; nouvelles réductions des enveloppes catégorielles, c’est-à-dire des mesures spécifiques à certaines catégories de fonctionnaires, à 245 millions d’euros en 2015, contre plus de 500 millions d’euros par an entre 2007 et 2012. Au total, la progression de la masse salariale sera limitée à 0,6 % seulement l’année prochaine, par le seul effet des progressions de carrières, soit une augmentation plus faible que la prévision d’inflation.

Ensuite, une économie de 2,1 milliards d’euros sera réalisée grâce aux mesures prises sur les dépenses de fonctionnement ainsi que sur certaines dépenses d’investissement. Sur le fonctionnement, les moyens sont déjà mobilisés mais nous allons amplifier cet effort, par la mutualisation renforcée des fonctions support, tout d’abord, notamment en matière d’achat, et la poursuite de la maîtrise des dépenses immobilières : plusieurs opérations de regroupement des implantations parisiennes des ministères progresseront fortement en 2015, et les produits des cessions immobilières, par ailleurs, dépasseront 500 millions d’euros. Second axe, le développement de l’administration numérique, déjà très avancé dans certains domaines, sera renforcé, par exemple dans les procédures fiscales ou douanières, mais elle concernera aussi des champs nouveaux.

Nous souhaitons préserver l’investissement autant que le permettent nos objectifs d’économies. Certaines lignes budgétaires sont en baisse : nous assumons une certaine sélectivité. Dans le même temps, nous mobiliserons les ressources nécessaires pour financer les investissements prioritaires. Ce sera, par exemple, le cas en matière de transport, avec l’affectation à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) du péage de transit poids lourds mais aussi d’une fraction de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). L’exécution du programme des investissements d’avenir sera poursuivie, avec un rythme de décaissement identique à celui de 2014, le Gouvernement restant exigeant dans le choix des projets soutenus. Enfin, 2015 sera la première année d’exécution de la nouvelle génération de contrats de plan État-région, à hauteur de 1,8 milliard d’euros ; nous souhaitons finaliser ces contrats d’ici à la fin de l’année.

S’agissant des interventions de l’État, vous en trouverez une liste à la page 17 de l’exposé général des motifs, qui documente une économie de 2,4 milliards d’euros en 2015. Les économies que nous proposons, ministère par ministère, suppriment l’accumulation de dispositifs : il s’agit, par exemple, de mieux articuler les aides à l’agriculture avec la politique agricole commune (PAC), de rationaliser les dépenses en faveur de l’outre-mer, qui bénéficie déjà de dépenses fiscales importantes, de travailler sur les exonérations de cotisations sociales dans les zones franches urbaines et autres zones, de réformer les aides aux entreprises, de cibler l’accession à la propriété sur le neuf, ou encore de stabiliser en valeur les concours à l’audiovisuel public. Certaines de ces mesures suscitent déjà des réactions, mais c’est la première fois qu’un plan d’économies aussi ambitieux est réalisé sur les dépenses d’intervention de l’État.

Les opérateurs et agences de l’État sont mis à contribution, pour un montant de 1,9 milliard d’euros, dont 1,1 milliard de réductions des taxes affectées. Vous connaissez la progression des dépenses des agences au cours de ces dix dernières années. Ces agences sont capables, dans la plupart des cas, de dégager des marges dans leur fonctionnement et leurs interventions ; des trésoreries excédentaires ont parfois même été accumulées, sur la base de recettes fiscales perçues. Ce type de situation ne saurait perdurer dans le contexte budgétaire actuel. De nombreux opérateurs seront mis à contribution : les chambres de commerce et d’industrie, les chambres d’agriculture, les agences de l’eau, mais aussi le Centre national pour le développement du sport (CNDS) et certaines autorités administratives indépendantes.

Au total, les dépenses des ministères et les affectations de recettes plafonnées diminueront de 1,8 milliard d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2014. Il s’agit d’une baisse en valeur. En tenant compte du prélèvement sur recettes en faveur de l’Union européenne, qui augmente, la baisse est de 1 milliard, alors que ces charges auraient progressé spontanément de 6 milliards.

Ce sont ces mesures d’économies qui permettent de financer nos priorités, en faveur de la jeunesse, de l’investissement ou de la transition énergétique. Je rappelle le renforcement du crédit d’impôt en faveur de la transition énergétique, dont le taux passe à 30 % et dont les conditions de recours sont assouplies. L’effort atteindra ainsi 700 millions d’euros.

Ces économies nous permettent également de baisser les prélèvements obligatoires. Comme l’a rappelé le ministre des finances, le taux de prélèvements obligatoires baissera en 2015, pour la première fois depuis cinq ans. Dans ce cadre général, les mesures du projet de loi de finances sont cohérentes avec l’objectif de justice fiscale qui a inspiré toutes nos lois de finances depuis 2012. Nous avons, dans un premier temps, demandé une contribution spécifique aux ménages aisés pour l’assainissement de nos comptes, avec le rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), la revue des droits sur les successions et donations, la tranche à 45 % d’impôt sur le revenu et la baisse du plafond du quotient familial. Nous proposons aujourd’hui de passer à une nouvelle étape, avec un allégement de 3,2 milliards d’euros de l’impôt des ménages modestes et classes moyennes. L’article 2 du projet de loi prévoit une réforme du bas de barème de l’impôt sur le revenu, avec la suppression de la première tranche.

Ces 3,2 milliards ne sont pas financés par les uns pour les autres. Nous avons déjà pris une mesure de 1,3 milliard à l’été 2014. À quoi s’ajoute, après la censure du Conseil constitutionnel, la « non-dépense fiscale » liée à l’exonération des cotisations salariales, de l’ordre de 2 milliards d’euros.

La suppression de la première tranche ne profitera qu’aux classes moyennes et modestes, puisqu’un décalage concomitant de l’entrée dans les tranches supérieures établira les mêmes taux d’imposition pour les hauts revenus en 2015 qu’en 2014. Le barème d’ensemble de l’IR sera, en outre, revalorisé, comme nous l’avons déjà fait en 2014. Pour ne donner qu’un exemple, un couple d’actifs avec deux enfants, qui perçoit des salaires nets s’élevant au total à 3 160 euros par mois, verra son impôt sur le revenu passer de 744 euros en 2014 à zéro en 2015.

J’appelle votre attention sur la concentration de l’impôt sur le revenu. Les 10 % de ménages les plus aisés disposent de 34 % des revenus imposables et payent 70 % de l’impôt sur le revenu. Le dernier centile de ménages les plus aisés disposent de 8,4 % du revenu national et payent 31,5 % de l’impôt sur le revenu. L’impôt sur le revenu est progressif, oui, mais ce n’est pas le seul impôt payé par nos concitoyens. Il est faux de dire que les ménages modestes ne payent pas d’impôts : ils assument leur part du financement de la charge publique par le biais de la TVA et de la CSG, qui représentent à elles deux un quart des ressources de l’État. J’ai lu ce matin que certains proposent d’augmenter l’ensemble des taux de TVA de 3,5 points !

Au total, le déficit de l’État s’établit à 75,7 milliards d’euros en 2015, en diminution de 11,4 milliards d’euros par rapport à la prévision révisée de 87 milliards d’euros pour 2014. La dépense de l’État est parfaitement tenue. Elle sera revue à la baisse, je n’y reviens pas, et l’a déjà été, à hauteur de 1,7 milliard, du fait d’une moindre charge de la dette.

M. le président Gilles Carrez. Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d’État, expliciter les hypothèses qui sous-tendent votre appréciation de la croissance tendancielle ? Les 50 milliards d’économies prévues sur 2015, 2016 et 2017 résultent en effet d’un calcul basé sur ces hypothèses.

Ainsi que le répète constamment la Cour des comptes, et comme telle a été la philosophie de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques du 17 décembre 2012, dont vous avez été le rapporteur, monsieur le secrétaire d’État, ce qui importe, c’est de comparer d’exécution à exécution. Sur le budget de l’État, alors que la charge des intérêts avait baissé, une augmentation de 2,5 milliards a été constatée d’exécution à exécution entre 2012 et 2013 ; de même, il semblerait, alors que les frais financiers baissent à nouveau, qu’une nouvelle augmentation soit constatée entre 2013 et 2014. C’est l’occasion de poser la question de l’opportunité d’une réforme méthodologique, par laquelle les économies seraient appréciées, non en fonction d’estimations complaisantes, mais comme dans le budget d’un ménage ou les comptes d’exploitation d’une entreprise.

Vous ne l’avez pas évoqué mais il semblerait que la dépense fiscale continue d’augmenter. Entre 2008 et 2010, la question du crédit d’impôt développement durable (CIDD) nous avait beaucoup préoccupés. Vous venez d’évoquer le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE), appelé à remplacer le CIDD. Alors que les prévisions sur le CIDD en 2008 étaient de 800 ou 900 millions d’euros, la dépense en 2010 était de près de 3 milliards d’euros. Je vous invite donc à adopter une méthodologie beaucoup plus contraignante sur l’évolution des dépenses fiscales.

Enfin, M. Sapin a indiqué que nous avions franchi, il y a quelques jours, les 2 000 milliards d’euros de dette publique et que nous atteindrions un taux d’endettement de 100 % du PIB l’an prochain, tout en insistant, à juste titre, sur le fait que nos conditions d’emprunt n’ont jamais été aussi bonnes. Il semblerait toutefois – il n’a pas donné de chiffres – que le besoin de financement augmentera sensiblement, car il faudra financer non seulement l’écart entre les dépenses et les recettes, mais aussi le remboursement en capital d’emprunts particulièrement importants liés à la crise, comparables à ceux des autres pays européens en la circonstance. Comment appréciez-vous ce besoin de financement et comment nous situerons-nous par rapport aux autres pays européens ? Pouvons-nous d’ores et déjà dire que la France sera le premier emprunteur de la zone euro en 2015 ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La priorité est le soutien à la croissance : c’est un constat partagé par l’ensemble des partenaires européens. Le PIB de la zone euro est encore inférieur à celui enregistré avant la crise. La baisse des prélèvements obligatoires est légère, certes, mais c’est tout de même une baisse.

Pour la plupart des missions, les efforts demandés sont raisonnables, avec même une augmentation des crédits pour l’égalité des territoires, le logement, la justice et l’enseignement scolaire. Pouvez-vous, messieurs les ministres, nous apporter des précisions sur la baisse, d’environ 300 millions, de la mission Agriculture, et sur celle de la mission Écologie ? Ces baisses ne s’entendent pas en tendance, mais bien en euros « sonnants et trébuchants ».

La moitié environ des dépenses de l’État, de la sécurité sociale et des collectivités territoriales, soit 590 milliards d’euros, sont placées sous norme d’évolution. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le pilotage de cette masse de crédits ?

Pouvez-vous également apporter des précisions sur l’effort de 1,9 milliard demandé aux agences de l’État, rapporté à leur budget total ? C’est un effort inédit qui concernera environ un millier d’emplois.

Vous envisagez une diminution de 2 milliards d’euros sur la charge de la dette en 2015, ce qui est considérable. Parallèlement, l’inflation devrait un peu remonter. Pouvons-nous en savoir davantage sur les hypothèses de taux retenues, sachant que nous aurons à refinancer des prêts arrivant à échéance en 2015 ?

Un effort important est déployé sur le logement : 46 milliards d’euros d’argent public, dépenses sociales et dépenses de l’État confondues. Ce montant global est-il en augmentation ou en diminution ?

Enfin, vous avez longuement évoqué la baisse de la dotation de l’État aux collectivités territoriales. Il faut trouver un moyen de préserver l’investissement public de ces dernières, qui représente entre 45 et 48 milliards d’euros chaque année, à mettre en regard des 40 milliards d’euros que nous apportons aux entreprises avec le Pacte de responsabilité et de solidarité, et le CICE. Comment s’assurer, au moment où nous soutenons l’investissement privé, que, même si des économies doivent être réalisées sur le fonctionnement, l’investissement public sera préservé ?

M. Dominique Lefebvre. Le groupe socialiste fait sienne votre position de vérité et de volonté, messieurs les ministres. J’y ajoute une détermination sans faille à faire adopter par l’Assemblée les orientations que vous proposez et à veiller à leur mise en œuvre.

Nous devons la vérité à nos concitoyens sur la situation de notre pays et celle de l’Europe. Nous avons en France un problème ancien de compétitivité de nos entreprises et d’absence de maîtrise de la dépense publique et de la dette. En Europe, un débat a lieu sur la manière de relancer la croissance et d’écarter le risque de déflation. La stratégie que vous nous proposez suppose qu’un accord soit trouvé lors des Conseils européens d’octobre et novembre. Si nous voulons que l’Europe fasse ce qu’elle doit, comme la Banque centrale européenne a commencé à le faire, nous devons, de notre côté, déployer des efforts en cohérence avec cette action.

Le texte de programmation des finances publiques est au moins aussi important, si ce n’est plus, que le projet de loi de finances pour 2015. Cette programmation repose exclusivement sur une maîtrise de la dépense publique, alors que la précédente reposait pour moitié sur une augmentation des prélèvements obligatoires. Les mesures prises sur les ressources affectées et les dépenses fiscales mettent un terme aux contournements de la norme d’évolution des dépenses, ces errements du passé.

J’ai cru comprendre, en lisant le journal ce matin, que d’aucuns souhaitaient proposer aux Français de revenir sur la libre administration des collectivités locales. L’objectif d’évolution de la dépense locale globale, déclinée à partir de 2016 par type de collectivité, est une bonne chose pour mettre chacun devant ses responsabilités. L’effort doit être partagé par tous. On ne peut accepter, nonobstant les hurlements de ceux qui prétendent par ailleurs militer pour une baisse de la dépense publique et des prélèvements obligatoires, que cet effort ne soit supporté que par l’État.

Sur le projet de loi de finances pour 2015, je dirai quelles sont les quatre préoccupations du groupe socialiste. La première est la compétitivité et la relance de l’économie en France, ce qui passe par la confiance des entreprises et des ménages : il faut que les engagements du Pacte de solidarité – 41 milliards d’allégements pour les entreprises, 5 milliards pour les ménages – soient intégralement tenus, et que soient maintenues les priorités : défense, éducation, sécurité, justice, transition énergétique.

La deuxième préoccupation concerne les collectivités locales. En tant qu’élu local, je trouve parfaitement justifiée la démarche, et je considère comme irresponsables ceux qui, dans leurs conseils municipaux, ont adopté la motion de l’Association des maires de France (AMF). Il y a deux conditions au succès de cette démarche : un effort de péréquation qui préfigure une réforme plus importante de la DGF à partir de 2016, et une clarification entre l’État et les collectivités locales, car il ne faut pas que l’État impose, par la voie réglementaire, des charges nouvelles sous forme de normes.

La troisième préoccupation est celle du logement et de l’articulation entre les dispositions fiscales annoncées le 29 août par le Premier ministre pour relancer l’investissement locatif, et la nécessité de maintenir l’effort budgétaire en le rendant toujours plus efficace, à la fois sur la construction et la rénovation du logement social.

La quatrième préoccupation porte sur l’investissement public. L’augmentation de deux centimes de la fiscalité du diesel entre dans cette problématique : personne n’a proposé de solution alternative crédible pour financer le programme d’infrastructures nécessaire, qui soutiendra en outre l’activité. Comment l’État peut-il inciter les collectivités locales à agir à l’inverse de leur tendance spontanée, que j’ai toujours combattue quand j’étais maire, consistant à privilégier le fonctionnement sur l’investissement ? De ce point de vue, le fléchage des mesures de l’État sera important.

M. Hervé Mariton. Le ministre des finances a commencé par dire que le Gouvernement subissait la situation économique : nous avons connu des discours plus volontaristes ! Il nous a ensuite conduits en Europe, pour dégager les données communes de la zone euro. Il serait intéressant de disposer d’une comparaison de la situation budgétaire des différents pays européens ; cela apportera, je pense, quelques contrepoints intéressants aux propos du ministre, et nous rappellera que la France est aujourd’hui l’homme malade de l’Europe.

M. le secrétaire d’État a souligné que 75 milliards d’euros de déficit, en solde du budget général, c’était mieux que 87 milliards d’exécution probable en 2014. Cette progression est plus importante que ce qu’elle aurait été sans le dérapage de 2014, c’est-à-dire si l’année 2014 avait été conforme à la prévision et au vote de 81 milliards. Votre autosatisfaction doit donc être mitigée.

Les courbes du déficit public, sur vos documents, montrent une amélioration très modeste entre 2013 et 2016, puis une amélioration beaucoup plus sensible au-delà. Tout ira mieux après 2017 ! C’est une présentation assez usuelle mais un peu facile. Le Haut Conseil des finances publiques trouve vos prévisions de croissance exagérément optimistes. Vous avez apporté un élément de réponse ; nous interrogerons le Haut Conseil cet après-midi.

Le Président de la République s’est engagé pour un CICE majoré outre-mer. Or cette majoration ne différencie pas les secteurs d’activité. À droite comme à gauche, nous faisons des analyses sur les effets du CICE selon les secteurs. Au moment d’adopter une majoration, il est dommage que le Gouvernement n’ait pas affiné son dispositif par secteurs.

S’agissant du crédit d’impôt pour la transition énergétique, vous nous communiquez des évaluations sur les prochaines années, mais quelle est l’évaluation à moyen et long termes ? Sur des dispositifs comparables, nous avons déjà connu des dérapages budgétaires graves.

Nous sommes de ceux qui pensent que l’impôt sur le revenu est exagérément concentré. Une bonne réforme de cet impôt ne consiste pas à diminuer la proportion de Français qui l’acquittent. C’est malheureusement ce qui a été fait par à la fois par vos majorités et par les nôtres, en observation de ce qui est devenu une loi d’airain. Vous poursuivez dans cette voie ; c’est fâcheux.

Pourquoi ne clarifiez-vous pas la mise en œuvre du Pacte de responsabilité en inscrivant dans la loi de finances pour 2015, par anticipation, la baisse de l’impôt sur les sociétés (IS) prévue dans ce Pacte ? Vous avez fait une promesse, qui n’a pas encore reçu un début de traduction législative. Vous pouvez encore vous rattraper.

Au titre des mesures fiscales, on ne trouve pas trace dans vos documents de la fiscalité du gazole, qui figure parmi les mesures budgétaires. C’est une ficelle un peu grosse. Si les mots ont un sens, il s’agit d’une augmentation d’impôt.

J’en viens aux crédits. Tout d’abord, 1 278 équivalents temps pleins en moins, c’est, au regard de la situation des finances publiques, très insuffisant. Ensuite, pourquoi certains opérateurs sont-ils épargnés par le plafonnement des taxes affectées ? S’agissant de la défense, quid de la prise en considération de l’évolution des opérations extérieures et du respect de la loi de programmation ? Quid de la réalité des recettes exceptionnelles ? Sur l’écologie, nous avons, avec notre collègue Marc Goua, présenté hier un rapport à la commission des Finances sur l’impact budgétaire de la loi de transition énergétique, en particulier eu égard aux fermetures de centrales. L’État payera une indemnité à EDF que nous avons évaluée à 2 milliards d’euros environ par réacteur fermé. Est-ce pris en compte dans votre trajectoire budgétaire ?

Enfin, la réforme de la propagande électorale en outre-mer, avec la disparition de la propagande écrite, préfigure-t-elle une évolution identique en métropole ?

M. Charles de Courson. Le Haut Conseil estime que même 1 % de croissance en 2015 est très optimiste. Chaque année, le Gouvernement essaie de s’en tirer – vous n’êtes pas les premiers – en affichant des taux plus élevés que la réalité. Il y a dix-huit mois, vous parliez encore de 1,8 % puis 2,5 %. Pensez-vous, comme le Haut Conseil, que 1 % est excessif ?

L’écart entre le solde effectif et le solde structurel ne cesse d’augmenter : 1,6 point de PIB en 2013, 1,9 en 2014 et 2 points en 2015. Cela est lié à vos hypothèses de taux de croissance structurel irréalistes. Bien que vous vous soyez ralliés à la position que je défends depuis deux ans en retenant, de manière plus réaliste, un taux de 1 % pour 2014 et 2015 et un taux de 1,2 % pour la période 2016-2019, sans doute s’agit-il d’hypothèses encore trop optimistes, puisque l’écart entre le solde effectif et le solde structurel continue de se creuser.

Après avoir augmenté de 56,4 % du PIB en 2013 à 56,5 % en 2014, la dépense publique devrait retomber en 2015 à 56,1 %. Mais il s’agit d’une prévision hors crédits d’impôt : qu’en est-il si ces crédits sont intégrés dans les dépenses ?

Par ailleurs, les 21 milliards d’économies dont vous parlez ne correspondent pas à la réalité. En effet, les 3,7 milliards concernant les collectivités locales ne constituent pas une baisse des dépenses mais une diminution de la dotation de l’État, la vraie question étant de savoir de combien vont réellement augmenter les dépenses des collectivités territoriales : vous tablez sur une augmentation de 0,3 %, hypothèse trop optimiste à laquelle personne ne peut croire ; elles augmenteront probablement de 1 ou 1,2 %.

De même, sur les 7,7 milliards d’économies réalisées par l’État et ses agences, 1,1 milliard concerne une diminution des recettes des agences : or ce n’est pas parce que vous diminuez les recettes que vous diminuez les dépenses.

Le plus gros morceau d’économies – 9,6 milliards d’euros – est prévu pour la sécurité sociale, dont 3,2 milliards sur l’assurance maladie, qui doivent provenir de la différence entre le taux d’évolution des dépenses de 2,1 % retenu pour 2015 et le taux d’évolution tendancielle qui s’établit à 3,9 %. En réalité pourtant, ce taux ne recouvre pas une croissance structurelle puisque nous connaissons, depuis quatre ans, un mouvement de décélération. Vous prévoyez aussi 700 millions d’économies sur la branche famille ; cela laisse 5,7 milliards d’économies à faire dans d’autres champs, où ce n’est pas vous qui décidez de l’essentiel mais les partenaires sociaux, qui gèrent les Assedic et le régime Agirc-Arrco.

Quant aux prélèvements obligatoires, vous avez peut-être compris qu’il ne fallait plus les augmenter mais, après être restés stables en 2014 à 44,7 % du PIB, ils devraient s’établir en 2015 à 44,6 %, ce qui ne constitue pas, à proprement parler, une véritable diminution.

Il faut donc en finir avec les discours qui parlent de 21 milliards d’économies et de baisse des prélèvements obligatoires : la vérité, c’est que nous dérapons.

Mme Éva Sas. La situation budgétaire extrêmement difficile dans laquelle nous nous trouvons résulte d’abord d’une diminution de nos recettes, laquelle est pour partie la conséquence de choix politiques comme le CICE. Elle marque également l’échec d’une politique qui a entraîné une baisse de l’activité économique et donc des recettes fiscales.

Je pense, comme la rapporteure générale, que priorité doit être donnée à l’investissement et à l’emploi. Je souhaite donc m’assurer que, malgré la réduction des dépenses publiques, les investissements publics vont être maintenus, notamment en faveur de la transition énergétique, dont le Gouvernement a fait l’une de ses priorités.

À plusieurs reprises par le passé, qu’il s’agisse de la « niche Copé » ou des taux de TVA, des écarts importants ont été constatés entre les prévisions initiales et le coût réel des mesures adoptées. Cela me conduit donc à m’interroger, comme le président Gilles Carrez, sur la fiabilité de vos prévisions en matière de recettes et de dépenses fiscales.

Les écologistes notent avec satisfaction l’extension du CIDD. En revanche, certaines mesures incluses dans la loi sur la transition énergétique, comme le chèque énergie, n’apparaissent pas dans le projet de loi de finances pour 2015. Qu’en est-il ? La loi prévoit également un doublement du « Fonds chaleur » : est-ce parce qu’il est géré par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) qu’il ne fait l’objet d’aucune ligne de crédit dans la mission Écologie ?

Ce budget est, par ailleurs, en recul de 410 millions d’euros par rapport à 2014. Comptez-vous compenser cette baisse grâce aux recettes affectées, et notamment grâce à l’augmentation de deux centimes de la taxe sur le diesel, dont devrait bénéficier l’AFITF ? Pouvez-vous nous rassurer sur les moyens consacrés à l’écologie et, plus précisément, à la transition énergétique, d’une part, et à la politique des transports, d’autre part ?

Le budget de l’AFITF est passé de 2,1 milliards d’euros en 2012 à 1,8 milliard en 2014, alors que Jean-Marc Ayrault avait évalué à 2,5 milliards la somme nécessaire à l’engagement d’un plan d’investissement et de modernisation des transports en France. Quel sera donc précisément le budget de l’AFITF en 2015 ? Retrouvera-t-il son niveau de 2012 ?

J’attire ici votre attention sur la situation des transports en Île-de-France et sur les risques que survienne un nouvel accident comme celui de Brétigny. Un amendement de notre collègue Olivier Faure, qui visait à financer les transports franciliens grâce à la taxe de séjour, a finalement été retiré du projet de loi de finances rectificative en échange de l’engagement pris par le Gouvernement de trouver des financements de substitution. Il est primordial que le Gouvernement respecte cet engagement.

M. Nicolas Sansu. La situation de nos finances publiques est largement due à de mauvais choix économiques, budgétaires et fiscaux. Elle découle également du péché originel que constitue la non-renégociation du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) en 2012.

Dans un contexte marqué par l’explosion du chômage et des besoins sociaux, le choix de privilégier quasi exclusivement une politique de l’offre, si elle peut se justifier dans certains secteurs économiques, se révèle globalement inefficace. Personne ne conteste qu’il faille maîtriser certaines dépenses, mais il existe aussi des gisements de recettes que ce projet de budget ne semble pas explorer. Je pense notamment à l’évasion et à la fraude fiscales : si une série de mesures ont été prises concernant les particuliers, nous restons très en deçà de ce qui pourrait être fait à l’encontre des grands groupes et des entreprises, même si je suis conscient que cela nécessite une harmonisation avec nos partenaires européens. Dans le même registre, qu’en est-il de la proposition faite par la ministre de l’écologie de prélever une partie des milliards de bénéfices réalisés par les sociétés d’autoroute ?

Ce projet de loi de finances va être l’occasion d’un débat sur la suppression de la première tranche de l’impôt sur le revenu. Si personne ne peut être contre le fait que les ménages modestes regagnent un peu de pouvoir d’achat, on doit néanmoins s’interroger sur l’architecture fiscale qui prévaudra à terme. En effet, les mesures retenues aboutissent à diminuer la part de l’impôt progressif dans les recettes fiscales globales. Il faut revoir aujourd’hui les impôts directs et indirects, les prélèvements sociaux et les niches fiscales, les taux, les tranches, les barèmes et les assiettes. C’est la seule manière de garantir le consentement à l’impôt et d’éviter une diabolisation dangereuse de la dépense publique et de la dépense sociale, qui résulte du fait qu’aujourd’hui notre fiscalité n’est ni juste, ni efficace, ni lisible.

Quant aux prélèvements obligatoires, ils reflètent nos choix de société et nos arbitrages entre ce qui relève du financement collectif ou du financement individuel : à titre d’exemple, un étudiant français achève ses études avec 800 euros de dettes en moyenne, contre 20 000 euros pour un étudiant américain.

En ce qui concerne l’impôt sur les sociétés, il semble que la Commission européenne autorise la modulation du CICE par secteur. Tenir compte de cet avis dans le projet de loi de finances permettrait d’éviter les effets indésirables du dispositif et d’avoir un impôt sur les sociétés qui, avec un taux exceptionnellement haut et un rendement inférieur à 30 milliards d’euros, ne ressemble plus à rien. J’ajoute que, selon le rapport à paraître de notre mission d’information sur le CICE, si le dispositif rapporte 0,5 % de croissance, il en coûte 1 % à la nation.

Si je fais partie des irresponsables qui ont voté la motion de l’AMF, c’est que la baisse des dotations aux collectivités aura des conséquences terribles, non seulement sur les services publics locaux, mais également sur les investissements publics : un sénateur du Rhône, président du Grand Lyon, a annoncé hier que les investissements publics de la communauté urbaine allaient passer de 450 millions d’euros à 250 millions, tandis que, dans mon département, le Cher, un grand plan de licenciement se prépare dans les PME du BTP. J’estime impossible d’engager la transition énergétique en entreprenant la rénovation des bâtiments publics dans ces conditions. Je vous incite donc à vous interroger sur l’économie réelle que représente cette baisse de 3,7 milliards des dotations aux collectivités, qui jouent aujourd’hui un vrai rôle d’amortisseurs de la crise.

M. le ministre. Ceux qui nous reprochent d’être passifs confondent passivité et lucidité. Regarder les choses en face n’est pas être passif, c’est se donner la capacité d’être volontaire. Évoquer l’Europe n’est nullement une manière de ne pas assumer nos responsabilités mais de se référer à notre socle commun. Si certains de nos voisins sont dans une situation plus avantageuse que la nôtre en termes de déficits publics, c’est l’inverse en matière de dette. Au-delà des cas particuliers, quoi qu’il en soit, la plupart des pays de la zone euro connaissent une activité économique extrêmement inquiétante – PIB négatif pour l’Allemagne au cours du deuxième trimestre, récession en Italie –, et c’est à cette situation qu’il nous faut remédier, en ajustant notamment notre politique budgétaire.

Le débat sur les hypothèses macroéconomiques retenues ne date pas d’hier. Le Haut Conseil prévoyait pour cette année 1 % de croissance ; nos prévisions étaient identiques. Nous sommes en réalité à 0,4 %, mais personne ne pouvait anticiper l’évolution de l’activité et de l’inflation dans la zone euro, évolution qui a conduit la BCE à réagir avec autant de détermination. Une des raisons pour lesquelles les recettes n’ont pas été au niveau escompté tient évidemment au faible niveau d’inflation, qui fait baisser nominalement le niveau de ces recettes.

Nous avons travaillé à partir des hypothèses les plus réalistes possibles et nous sommes alignés pour cela sur les modes de calcul, plus pessimistes, de la Commission européenne. Ce n’était pas le cas pour le budget précédent, d’où certaines différences en termes d’ajustements structurels. Nous avons également retenu un taux d’élasticité de la recette par rapport à l’activité économique le plus faible possible, renonçant aux astuces qui permettent d’afficher un niveau de recettes supérieur à celui escompté. Nos prévisions de recettes sont donc aussi réalistes que possible.

Pour ce qui concerne la dépense publique, les conventions statistiques y intègrent désormais les crédits d’impôt. Compte tenu de ces nouvelles normes, elle s’établit à 57,1 % du PIB pour 2013, à 57,7 % pour 2014 et à 57,6 % pour 2015, soit un chiffre stable ou en très légère baisse.

Si nous n’inscrivons pas dès à présent dans le projet de loi de finances pour 2015 les mesures fiscales favorables aux entreprises programmées pour 2016 et 2017 dans le Pacte de responsabilité, c’est pour ne pas faire injure au principe d’annualité budgétaire. Cela ne m’empêche pas de penser que les entreprises doivent s’inscrire dans cette perspective, et c’est la raison pour laquelle nous avons inscrit dans la loi de programmation des finances publiques les diminutions d’impôt et de cotisations concernant les entreprises. Maintenir ce cap est indispensable au retour de la confiance.

En 2015, le besoin de financement de l’État sera supérieur à 190 milliards d’euros, dont 75 milliards consacrés au financement du déficit et 120 milliards affectés au remboursement des tombées de dettes des années 2008 et 2009, certes dans des conditions plus avantageuses qu’à l’époque. Nous émettrons pour 188 milliards d’obligations, procéderons à des ventes d’actifs et à la mobilisation d’un certain nombre de liquidités. Cela représente certes un montant élevé mais inférieur à ce que nous avons pu connaître à d’autres moments de notre histoire, et qui nous classe derrière l’Italie.

De son côté, l’Allemagne a un très gros passif, avec un montant de dette plus élevé que le nôtre qu’elle doit aussi refinancer. Nous sommes dans des conditions d’appel au marché qui doivent nous permettre, dès lors que nous conservons notre crédibilité, de bénéficier de taux d’intérêt très faibles – le taux à dix ans est aujourd’hui de 1,3 % et nous avons travaillé sur l’hypothèse réaliste qu’il ne dépasserait pas 2,2 % dans les années à venir.

M. le secrétaire d’État. Le montant des dépenses exécutées, sous la norme « zéro valeur », s’établissait à 281 milliards d’euros en 2011, à 278,9 milliards en 2012, à 280 milliards en 2013. Pour 2014, il était de 278,5 milliards en loi de finances initiale et de 276,9 milliards en loi de finances rectificative. Pour 2015, le montant prévu est de 274,3 milliards d’euros.

L’exposé général des motifs du projet de loi de finances fournit, page 14, une définition détaillée de l’évolution tendancielle des dépenses de l’État ; c’est également le cas pour l’ONDAM. Je rappelle, par ailleurs, que la progression spontanée de la dépense publique en volume pour 2015-2017 est évaluée à 1,7 % par an.

Je suis en désaccord avec le président Carrez selon qui la loi organique privilégierait la prise en compte du déficit nominal. C’est faux : elle privilégie la prise en compte du déficit structurel, qui est l’indicateur d’abord retenu par nos partenaires européens et par les observateurs internationaux.

M. le président Gilles Carrez. Nous nous sommes mal compris.

M. le secrétaire d’État. Les dépenses des agences ont progressé de plus de 15 % entre 2007 et 2012. Leur budget global est de l’ordre de 33 milliards d’euros, chiffre auquel il faut rapporter le 1,1 milliard de baisse des ressources fiscales affectées. Cela représente une baisse des dotations ou des transferts de l’État au titre des taxes affectées de l’ordre de 3 %, mais certaines de ces agences ont, par ailleurs, des recettes commerciales.

La baisse de 250 millions du budget de l’agriculture représente une économie réelle, mais supportable si on la replace dans le champ plus large des dispositifs de la PAC, dont on attend 100 millions d’euros supplémentaires, des allégements de charges d’un montant de 50 millions d’euros liés au Pacte de responsabilité, des 50 millions d’euros de crédits dédiés à l’agriculture au sein du PIA, et de quelques autres mesures dites « de rationalisation ».

Le projet de loi de finances comporte plusieurs mesures en faveur du logement, qui s’ajoutent à celles déjà adoptées, comme la TVA à 5,5 % sur le logement social. Ces mesures représentent au total un effort de 3,3 milliards d’euros.

En ce qui concerne la maîtrise de la dépense fiscale, elle s’élevait, hors CICE, à 70,9 milliards d’euros en 2013 – notre objectif était de ne pas dépasser 70,8 milliards. Pour 2014, elle pourrait s’établir à 70,7 milliards d’euros et pour 2015, selon nos prévisions, à 70,6 milliards d’euros. Nous avons pris un certain nombre de mesures, force est de constater que leurs effets sont, pour l’instant, assez mesurés.

Je m’étonne des reproches qui nous sont faits au sujet du nombre de foyers imposables. Alors que l’an dernier, le Gouvernement avait été vilipendé pour avoir fait entrer des « cohortes » de ménages dans l’impôt sur le revenu, on nous fait cette année le procès inverse. En 2008, le nombre de foyers fiscaux imposables était de 43,4 % ; il était de 46 % en 2009, de 46,6 % en 2010, de 49,9 % en 2011, de 52,3 % en 2012 et il s’établirait pour 2013 à 48,5 %, ce qui nous laisse encore loin des chiffres de 2008.

M. Mariton nous fait un mauvais procès à propos de notre présentation de la taxe sur le gazole. Sans doute nos concitoyens ne sont-ils pas précisément au fait de l’endroit du projet de loi de finances où est inscrite cette mesure, en revanche, ils sont parfaitement informés de l’augmentation de deux centimes de cette taxe.

La sous-estimation des opérations extérieures est un phénomène récurrent, quand bien même leur niveau de dépenses a été régulièrement réévalué ces dernières années, insuffisamment toutefois pour atteindre le niveau des dépenses constatées. Par définition, ni le nombre ni la durée, ni le coût des OPEX ne sont prévisibles. Néanmoins, les réserves de précaution ont toujours permis de couvrir leur financement, chaque ministère apportant sa contribution.

En ce qui concerne le crédit d’impôt pour la transition énergétique, il sera temps, au vu de l’activité dans le secteur, de reconduire ou non cette mesure au-delà du 31 décembre 2015. Nos chiffrages évaluent le coût de la mesure à 230 millions en 2015 et à 700 millions d’euros en 2016.

Quant à la sélectivité et la majoration du CICE outre-mer, nous en reparlerons. Les dispositions qui concernent les outre-mer prennent en considération les contraintes européennes.

Sur la progression de l’ONDAM et la réalité des économies, il ne faut pas oublier que les Français sont de plus en plus nombreux – nous gagnons 200 000 habitants chaque année, quand les Allemands en perdent 200 000. De plus, ils vivent de plus en plus vieux, ce qui est heureux. Cette population plus nombreuse et plus âgée a besoin de plus de soins. Or ceux-ci sont aussi de plus en plus coûteux : nous avons, par exemple, maintenant le bonheur de pouvoir soigner l’hépatite C, mais c’est une dépense d’environ 1 milliard d’euros chaque année. L’augmentation naturelle des dépenses d’assurance maladie peut donc être estimée à 3,9 % ou 4 %. S’en tenir à une croissance de 2,1 %, c’est un effort important.

Le projet de loi prévoit que l’AFITF sera dotée cette année d’un budget de 1,9 milliard d’euros, comparable à celui de l’année en cours.

Sur les budgets consacrés à l’environnement et aux transports, vous avez cité l’augmentation de deux centimes de la TICPE sur le diesel, mais il y aura des transferts dans la subvention de l’État. Ce sera précisé au cours de nos discussions.

Mme Karine Berger. La commission des Finances avait adopté, lors de l’examen du dernier projet de loi de finances rectificative, un amendement fixant le déficit conjoncturel à 1,9 % du PIB en 2014 : c’est finalement le chiffre que vous avez choisi, et nous nous en félicitons.

C’est le déficit conjoncturel le plus élevé des dix dernières années : le décalage conjoncturel est plus fort et notre situation économique plus dégradée qu’en 2009 ou en 2010. Dans le même temps, alors qu’en 2009 le déficit public s’élevait à 7,5 % du PIB, nous ne sommes qu’à 4 % cette année. Nous avons donc un vrai problème de soutien de la croissance économique.

Entre 2007 et 2012, les dépenses de l’État ont augmenté de 7 milliards par an, alors qu’elles ont, au contraire, diminué au cours des trois dernières années. Monsieur le président, je ne comprends donc pas votre question : la baisse est très nette par rapport à la tendance constatée entre 2007 et 2012.

Enfin, le Gouvernement pourrait-il nous communiquer les montants de crédits d’impôts prévus pour la période de 2015 à 2017 ?

M. Jean-François Lamour. J’en reviens au budget de la défense. Vous avez raison, monsieur le secrétaire d’État, on ne peut pas estimer le coût des OPEX au 1er janvier ; mais convenez que partir d’un plancher de 450 millions pour atteindre 1,2 milliard n’est pas raisonnable.

En 2014, vous avez déclenché la clause de sauvegarde à 500 millions ; vous avez versé 250 millions, et devez encore verser la deuxième tranche. Vous avez utilisé les ressources exceptionnelles du programme d’investissements d’avenir pour financer les salaires du CEA pour 2013. C’est une exécution chaotique.

Pour 2015, l’incertitude sur les ressources exceptionnelles est totale. Vous semblez ouvrir la possibilité de vendre des fréquences, mais tous les experts nous disent que ces ventes ne seront pas réalisées en 2015. Il manque donc au moins, si je lis bien, 1,8 milliard d’euros et, à cette somme, il faut encore ajouter une ressource exceptionnelle de 500 millions. Sans ces 2,3 milliards, nous ne bouclerons pas le budget de la défense. Or nos forces sont de plus en plus souvent projetées sur des théâtres d’opérations à l’extérieur de nos frontières. Ces budgets représentent aussi des emplois dans l’industrie et dans la recherche duale.

Je n’ai pas trouvé à ces questions de réponse satisfaisante dans vos documents.

M. Laurent Grandguillaume. Les politiques de désinflation compétitive aujourd’hui menées en Europe ne peuvent que conduire à la situation macroéconomique que nous connaissons aujourd’hui. Je n’y reviens pas : je voudrais plutôt vous parler de femmes et d’hommes que de chiffres.

Le Gouvernement a annoncé une réforme du crédit d’impôt développement durable, qui prend effet dès le 1er septembre 2014. C’est une bonne mesure, mais personne – à commencer par les artisans eux-mêmes – ne sait comment elle s’applique.

Les efforts du Gouvernement en faveur des entreprises vont dans le bon sens. Mais si la C3S et les cotisations sociales vont diminuer, de nombreuses micro-entreprises vont devoir payer la cotisation foncière des entreprises (CFE), pour des montants de 400 à 600 euros, alors que leur chiffre d’affaires est inférieur à 10 000 euros par an. Je ne crois donc pas qu’il faille écarter l’idée de modifier à nouveau le mode de calcul de la CFE, notamment pour les niveaux de chiffre d’affaires les plus bas. Cela touche des personnes qui prennent des risques, qui investissent, qui innovent : il faut les aider.

Le statut unique de l’entrepreneur individuel, avec une protection du patrimoine de celui-ci et une distinction entre les revenus de l’entreprise et ceux de l’entrepreneur, a été annoncé pour 2015. Quel est le budget prévu pour cette mesure, qui intéresse tous les artisans et entrepreneurs individuels ?

Quant au régime social des indépendants (RSI), il me semblerait pertinent d’en envisager une réforme structurelle, et notamment la fusion de la dizaine de caisses différentes qui existent aujourd’hui : comment justifier cette multiplicité et les coûts qu’elle entraîne ?

Vous prévoyez un prélèvement de 500 millions d’euros sur le fonds de roulement des chambres de commerce et d’industrie (CCI). Ne serait-il pas possible d’entamer un dialogue avec les CCI ? Partout, cette mesure les amène à supprimer des emplois ; cela aura des conséquences sur le suivi de l’apprentissage et l’accompagnement des entreprises. Ne serait-il pas préférable de prendre un peu plus de temps et de mener une réforme structurelle, en mettant en place des coopérations entre les chambres d’agriculture, de commerce, des métiers, de l’artisanat ? Le changement doit être accompagné. Je ne suis pas frondeur, mais il est peut-être temps de reconstruire la gauche…

Quant aux heures supplémentaires défiscalisées, leur suppression n’a pas créé d’emplois mais a permis des économies en rectifiant certaines déviances. Mais des ouvriers, des employés, des salariés des catégories populaires et des classes moyennes ont été touchés. Il faudrait revenir sur cette question, d’autant que beaucoup de nos concitoyens ont vu cette année leurs impôts augmenter.

Enfin, les efforts, louables, en faveur des entreprises doivent aller de pair avec un soutien apporté aux plus pauvres. En matière de lutte contre la pauvreté, quels sont les engagements du Gouvernement ? Quels sont les moyens prévus ? La réponse à cette question conditionnera la position que je prendrai, à titre individuel, sur l’ensemble du projet de loi de finances. Je soutiendrai le Gouvernement, mais sur certains articles, le débat doit avoir lieu.

Mme Valérie Pécresse. S’agissant de la méthodologie employée, le calcul en tendance – dont l’utilisation a bien sûr précédé votre arrivée au pouvoir – est devenu systématique. Mais avec une croissance plate et une inflation nulle, une hausse des dépenses de 1,7 % en tendance paraît pour le moins curieuse, voire tout à fait incompréhensible. Je ne suis pas économiste, mais je ne peux que constater que plus personne ne croit à ces chiffres. Il faut abandonner ce thermomètre, comme on a abandonné la mesure des faits constatés en matière de délinquance.

En matière budgétaire, la prévision de croissance est toujours source de conflits. Pourquoi ne pas faire du Haut Conseil une autorité indépendante, chargée de fixer le taux de croissance qu’utiliserait le Gouvernement pour construire son budget ? Ce serait une dépossession des politiques, c’est vrai, mais on éviterait ainsi bien des critiques et bien des interrogations sur la sincérité du budget.

Quant au budget lui-même, c’est, à mon sens, un budget pour rien. Les impôts baissent de 2 milliards : on est dans l’épaisseur du trait ; il en va de même pour la réduction du déficit. Il y a, je le note au passage, un renseignement bien caché dans votre document : entre 2011 et 2014, les dépenses n’ont cessé d’augmenter dans notre pays. Autrement dit, les hausses de recettes ont été utilisées non pas pour réduire le déficit mais pour augmenter nos dépenses ; c’est un problème.

Cette année, les dépenses diminuent, je vous en donne acte ; mais, pour cela, vous avez choisi la méthode du rabot généralisé, plutôt que de mener une vraie réforme structurelle. Comment garantissez-vous que les collectivités locales, à qui vous allez imposer une économie de 3,7 milliards, ne répercuteront pas cette somme sur les impôts locaux ?

Enfin, le Premier ministre a promis au président de la région Île-de-France 150 millions d’euros de recettes fiscales supplémentaires pour financer les transports. Où sont ces ressources nouvelles ? Comment allez-vous financer les transports en Île-de-France ?

M. Pierre-Alain Muet. Un éditorial du New York Times prévenait au mois d’août : « Personne ne devrait être surpris que la zone euro retombe dans le marasme. C’est le résultat entièrement prévisible des politiques erronées que les dirigeants européens s’entêtent à poursuivre, bien qu’il soit évident qu’elles constituent de mauvais remèdes. » Ce jugement américain est partagé par beaucoup d’économistes, et rejoint ce que disait M. le ministre des Finances.

Ces politiques erronées, c’est un cocktail de coupes massives dans les dépenses et d’allégements du coût du travail – allégements de cotisations, voire, dans les pays du Sud, des baisses de salaire. Cette politique pourrait fonctionner si elle n’était suivie que par un seul pays, qui profiterait alors de la croissance de ses voisins. Mais, quand tout le monde fait la même chose, l’effet dépressif est si fort que les déficits ne se réduisent pas ; en revanche, la dépression est bien là. De même, les pays n’améliorent pas leur compétitivité, mais il y a bien une désinflation, qui devient progressivement une déflation. C’est ce que nous vivons aujourd’hui.

J’ai écouté attentivement votre présentation du budget. Vous annoncez 21 milliards de réductions de dépenses, 12 milliards d’allégements de prélèvements sur les entreprises, 3 milliards sur les ménages. Cela ressemble au cocktail que j’évoquais. Il faut se poser la question de la cohérence entre un discours juste sur les politiques européennes et la politique réellement menée en France.

Que pouvons-nous faire aujourd’hui ? Il me semble qu’il faudrait reprendre l’objectif du Président de la République d’inversion de la courbe du chômage, en agissant massivement sur les emplois aidés et sur l’apprentissage. Ces mesures, qui ne sont pas très coûteuses, produisent très rapidement des effets. La baisse du chômage permettrait que certains reprennent confiance dans l’avenir ; de plus, ces politiques ont au moins le mérite de donner un revenu, même faible, à ceux qui en ont le plus besoin, c’est-à-dire les jeunes au chômage. En la matière, que prévoit le projet de loi de finances ?

M. Éric Alauzet. J’aimerais que nous disposions de davantage d’informations précises sur les conséquences des mesures adoptées, et surtout de simulations sur les conséquences cumulées de l’ensemble des mesures prises, pour les ménages comme pour les entreprises. De la même façon, pour éviter les malentendus, il nous faudrait un bilan clair et exhaustif de l’ensemble des mesures budgétaires prises dans le champ de l’écologie : budget du ministère, crédit d’impôt, prêt à taux zéro, investissements d’avenir et autres.

Enfin, s’agissant des aides aux entreprises, il faut – si nous voulons réconcilier la gauche et tous nos concitoyens avec l’entreprise – qu’elles soient utilisées de façon judicieuse. Il ne s’agit pas de dire aux entreprises ce qu’elles doivent faire, mais ce qu’elles ne doivent pas faire. Comment renforcer les moyens pour être certains que l’argent est bien utilisé ?

Mme Christine Pires Beaune. Merci de cette présentation claire, concise et lucide. Nul ne peut se satisfaire d’un déficit à 4,4 %, surtout quand il aurait dû s’élever à 3,6 % : cela prouve qu’il faut être plus prudent dans les prévisions de recettes, et c’est ce que vous faites dans ce projet de loi de finances.

S’agissant des recettes des collectivités locales, l’effort qui leur est demandé en 2015 est moindre que celui consenti par l’État. Dont acte. Mais il ne faut pas oublier que, sur les 3 % d’augmentation des dépenses locales en moyenne sur les trois dernières années, la moitié étaient dus à des décisions prises par l’État. L’effort demandé est légitime mais il faudra s’assurer que les économies portent sur le fonctionnement, et que l’investissement continue d’être soutenu : c’est l’emploi qui est en jeu.

Notre dépense publique est trop élevée, chacun en convient. Je forme le vœu que nous ayons le courage de débattre enfin d’une meilleure façon de hiérarchiser nos besoins, et donc de répartir nos dépenses publiques, sans s’accuser mutuellement de vouloir mettre à mal notre modèle social ou de tuer les collectivités.

Je ne remets pas en cause le niveau global du prélèvement sur les CCI. Mais sa répartition me semble contestable : ainsi, le prélèvement est de 18 millions pour le Puy-de-Dôme, qui a pourtant déjà rationalisé son budget et qui a épargné pour construire une école de commerce. L’appel d’offres est lancé, mais le chantier est arrêté, à cause de ce prélèvement. Il faut avoir le courage de mettre en place une péréquation entre les différentes chambres !

Pour finir, je veux relever l’engagement de travailler enfin sur une refonte globale de la DGF, sur les valeurs locatives et sur l’encadrement des normes, qui seraient une vraie source d’économies pour nos collectivités.

M. Jean Launay. Le projet de loi de finances pour 2015 évoque le respect de la trajectoire de dépenses prévue par la loi de programmation militaire (LPM), et c’est un bon début. Néanmoins des questions demeurent.

Quel est le calendrier prévu pour les recettes exceptionnelles ? Tout laisse à penser que la bande de fréquences hertziennes des 700 MHz ne sera pas vendue en 2015 ; il faut d’ailleurs s’interroger sur le moment à choisir pour obtenir le montant le plus élevé. Combien coûteront les OPEX ? Le report de charges est déjà conséquent, et l’on ne saurait l’aggraver sans compromettre le respect de la trajectoire de dépenses prévue par la LPM.

Comment, dès lors, prévoyez-vous de sanctuariser les 31,4 milliards d’euros du budget de la défense ? La solidarité interministérielle jouera-t-elle, et dans quelle mesure ?

Les opérateurs de l’État sont également mis à contribution : en particulier, les agences de l’eau perdent 175 millions d’euros, et il en sera de même pour trois exercices consécutifs. Un prélèvement de 220 millions d’euros avait déjà été effectué en 2014 sur leur budget ; il avait considérablement affecté les fonds de roulement et les trésoreries des agences. Certaines ont déjà dû revoir leur programme d’intervention – c’est-à-dire leurs investissements, dans un moment où le risque de déflation est réel. Cette mesure affecte le principe « l’eau paye l’eau ».

Pas plus que mon collègue Grandguillaume, je n’ai l’âme d’un frondeur ; mais ces questions me paraissent graves.

Mme Monique Rabin. L’heure est grave, c’est vrai, et le Gouvernement fait preuve d’un volontarisme qui devrait être partagé par tous. Je ne suis pas sûre de comprendre les propositions de nos collègues de l’opposition, qui paraissent souvent contradictoires. J’entends parler de 110 milliards d’économies : ce serait vraiment l’austérité, cette fois-ci. Votre projet est tout différent.

L’Europe ne doit pas servir à esquiver les problèmes franco-français. L’Allemagne a réussi son redressement économique – mais avec quel bilan social ! – en dix ans : il n’est pas raisonnable de nous demander de réussir en deux ans.

Toutes les économies réalisées doivent préserver l’emploi ; nous devons investir et mener les grands chantiers qui nous feront entrer dans le XXIsiècle. Celui du canal Seine-Nord-Europe commencera en 2017 ; celui de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes pourrait permettre un plus grand développement de l’ouest de notre pays, et offrirait de nombreux emplois non délocalisables.

Vous consolidez les fonctions régaliennes, et il faut mieux le faire savoir à nos concitoyens.

S’agissant des CCI, je ne remets pas en cause les efforts à faire, mais j’aimerais connaître les critères qui ont été utilisés. Certaines chambres se sont modernisées, regroupées, ont rationalisé leurs dépenses ; ces efforts ne semblent pas avoir été pris en considération. En mai 2013, Jean-Marc Ayrault, alors Premier ministre, avait lancé une feuille de route pour une réforme structurelle des CCI et de leurs missions : il serait sans doute judicieux de la reprendre.

Quant aux collectivités locales, il faudra absolument éviter toute démagogie facile à l’approche des échéances de 2015. Il est indispensable d’éviter toute dérive des dépenses de fonctionnement, tout en permettant aux collectivités de continuer à investir. Il faut également renvoyer les collectivités territoriales à leurs responsabilités : il n’est pas normal que l’État fasse un effort particulier sur la DGF quand certaines se targuent de ne pas avoir augmenté les impôts locaux depuis dix ou quinze ans. Les efforts fiscaux locaux doivent être pris en considération de manière plus pertinente dans les critères d’attribution des dotations.

Je vois, enfin, avec satisfaction la mise en place de l’objectif d’évolution de la dépense publique locale, fixé à 0,3 % pour 2015. Cela ne concerne, j’espère, que le fonctionnement.

M. Olivier Faure. Monsieur le président, vous avez tout à l’heure regretté que la conférence de presse des ministres ait eu lieu avant la présentation du projet de loi de finances à notre commission ; vous avez raison. Souvent, nos débats seraient plus clairs si nous disposions de tous les éléments, et c’est vrai aussi pour l’opposition : pendant notre réunion, M. Fillon a présenté à la presse un contre-plan d’économies budgétaires, et si les commissaires de l’opinion assumaient ces propositions ici même, nos échanges en seraient éclairés.

Ainsi, M. Mariton regrette la concentration de l’impôt sur le revenu sur un nombre trop restreint de contribuables ; au-delà du fait qu’il disait le contraire l’année passée, ce qui est troublant, on ne comprend vraiment son propos qu’en écoutant M. Fillon, qui a le mérite d’aller jusqu’au bout de la logique en proposant de répartir la charge fiscale aujourd’hui supportée par les plus aisés sur le plus grand nombre. Il propose donc de supprimer les droits de mutation et l’ISF et d’augmenter la TVA de 3,5 points pour les deux taux les plus élevés. Voilà qui est limpide.

Madame Pécresse, vous parlez d’un rabot généralisé et d’absence de réformes structurelles. Mais vous gagneriez en clarté à dire ce que vous entendez par là ! M. Fillon, que vous soutenez, nous l’apprend : report de l’âge de la retraite à soixante-cinq ans ; abandon de la prise en considération de la pénibilité pour les retraites ; alignement du public sur le privé ; capitalisation et système de retraite à points ; dégressivité des allocations chômage ; restriction de l’aide médicale d’État, et j’en passe. Voilà des réformes que vous devriez avoir le courage de soutenir ici.

J’en viens à l’Île-de-France. Nous avons longuement débattu de l’écotaxe poids lourds. La commission présidée par notre collègue Jean-Paul Chanteguet n’a pas été suivie par le Gouvernement, qui a choisi d’instaurer plutôt un péage de transit pour les poids lourds et perdu, au passage, deux tiers de la recette initialement prévue. Vous proposez aujourd’hui, messieurs les ministres, de compenser cette perte, loin d’être négligeable, par une hausse de deux centimes de la TICPE sur le diesel. Nous sommes passés d’une assiette qui visait les poids lourds, notamment étrangers, à un prélèvement sur les contribuables français. Le Gouvernement, comme l’opposition qui avait pourtant fait voter l’écotaxe, sont responsables de cette situation parfaitement absurde.

Nous allons débattre du plan de mobilisation pour les transports en Île-de-France, pour lequel il faut trouver 140 millions d’euros. Là encore, la majorité et l’opposition sont responsables de la situation dans laquelle nous nous trouvons. Gilles Carrez propose, depuis longtemps, de taxer les nuitées d’hôtel pour financer une partie de ce plan. Lors de la discussion du projet de loi de finances rectificative, nous avons retiré l’amendement allant dans ce sens, afin de pouvoir en rediscuter. Nous entendons systématiquement dire que cette perte de recettes sera compensée, mais j’aimerais être sûr que cette compensation ne viendra pas d’impôts qui toucheraient les Franciliens !

Ce matin, je lis d’ailleurs que M. Fillon veut supprimer le versement transport. Attention à ce que nous faisons : les transports franciliens sont très dégradés, et méritent mieux que la lâcheté et la démagogie dont certains font preuve. Cela vaut pour tout le monde.

M. le ministre. Les questions sont nombreuses, et c’est bien naturel.

S’agissant du débat sur l’évolution des dépenses en tendance, la règle, reconnaissez-le, n’a pas changé ; c’est la règle qui s’applique partout, et qu’applique la Commission européenne. On peut discuter de son bien-fondé, mais elle est rigoureuse.

Regardons l’évolution de la dépense publique en volume : de 2002 à 2011, elle a augmenté de 2 % par an en moyenne ; en 2013, de 1,3 % ; en 2014, de 0,9 % ; en 2015, elle devrait augmenter de 0,2 %. Personne ne pourra dire que nous ne maîtrisons pas l’évolution des dépenses publiques.

Cette action demande un effort considérable. Le Président de la République l’a dit : il n’y a pas d’économies indolores. Dans les CCI, dans les collectivités territoriales, mais aussi à la sécurité sociale, beaucoup voient que les économies que nous faisons sont bien réelles.

Nous maîtrisons donc l’évolution des dépenses, mais dans des proportions qui nous paraissent compatibles avec le soutien de l’activité. Je comprends bien les remarques qui ont été faites sur la situation macroéconomique de l’Europe et sur les politiques budgétaires menées ; nous essayons, vous le savez, de faire progresser notre raisonnement au niveau européen sur ce sujet, afin qu’il y ait une bonne adéquation entre la politique monétaire et la politique budgétaire, au niveau européen et dans chacun des pays.

M. Alauzet m’a interrogé sur l’effet des différentes décisions que nous prenons sur le pouvoir d’achat des ménages. En réalité, celui-ci a baissé en 2012 et stagné en 2013, il a augmenté de 0,7 % en 2014 et il est prévu qu’il augmente de 0,9 % en 2015. Parmi les facteurs qui expliquent cette évolution, on peut citer la fiscalité – qui a joué un rôle en 2012 et 2013 mais qui n’aura aucune influence en 2014 et 2015 – mais aussi la très faible inflation et l’augmentation moyenne des salaires, en dépit d’un contexte peu favorable pour les entreprises.

Par ailleurs, comment faire pour que les décisions que nous prenons aient des effets sur l’évolution des dépenses des collectivités locales plutôt que sur le niveau de leurs investissements ? Si tout le monde s’accorde à reconnaître que ceux-ci ne doivent pas diminuer excessivement, on sait cependant que les dépenses d’investissement – notamment celles du bloc communal, qui est le plus important – augmentent toujours dans les deux années qui précèdent l’élection et diminuent l’année de l’élection et l’année suivante. Ainsi je peux d’ores et déjà vous annoncer que les investissements ont baissé en 2014 et qu’ils baisseront en 2015, indépendamment de l’évolution des recettes. C’est la réalité des choses. En outre, de nombreux changements d’équipes étant intervenus dans le bloc communal cette année, il est probable que les nouveaux élus s’interrogeront sur les investissements décidés par leurs prédécesseurs et donc que le rythme de ces derniers sera plus faible.

Toujours est-il que, pour avoir été responsable de différentes collectivités locales, du conseil régional à ma petite commune, je sais que nos dépenses de fonctionnement ont considérablement augmenté ces dernières années, beaucoup plus que celles de l’État et parfois même davantage que celles de la sécurité sociale. Certes, il s’agissait de répondre à des besoins, par exemple de crèches et de haltes-garderies, néanmoins, il est évident qu’il faut maîtriser les dépenses de fonctionnement. Comment faire, sachant que le principe de libre administration des collectivités territoriales s’applique et qu’il est impossible de supprimer une catégorie de collectivité sans modifier la Constitution ?

Nous essayons d’agir par la persuasion, en diminuant les recettes provenant de l’État sans pour autant que l’ensemble des ressources des collectivités territoriales diminuent. Nous prenons également des mesures dans le cadre de la partie de la loi de programmation des finances publiques consacrée à la gouvernance. Ces mesures peuvent être améliorées : vos propositions sont les bienvenues. Dans le cadre de la future conférence des finances publiques, nous allons essayer de fixer, en accord avec les collectivités territoriales, un taux d’évolution. Il ne sera pas aussi contraignant que la norme de l’État ou que l’ONDAM, mais il peut être utile d’un point de vue pédagogique. Cette mesure avait d’ailleurs été préconisée dans le rapport de MM. Lambert et Malvy. Encore une fois, le dispositif peut être amélioré, mais la gouvernance des finances publiques m’apparaît comme un élément absolument indispensable, quels que soient ceux qui ont à exercer les responsabilités, pour mieux maîtriser l’ensemble de dépenses publiques.

M. le secrétaire d’État. Je voudrais dire à Laurent Grandguillaume que, s’agissant du Plan pauvreté, ni la revalorisation du revenu de solidarité active (RSA), ni la garantie jeunes, ni le principe de l’accueil inconditionnel des SDF ne sont remis en cause par le présent projet de loi de finances. La discussion parlementaire permettra de préciser certains points sur lesquels il souhaiterait revenir.

En ce qui concerne les questions liées au transport, j’ai pris l’engagement, au nom du Gouvernement et avec l’aval, voire sur la consigne du Premier ministre, que 140 ou 160 millions d’euros seraient consacrés aux transports franciliens. Nous veillerons à ce que ces engagements soient tenus. Quant à la taxe de séjour, elle fait actuellement l’objet d’une concertation ; le texte ne comporte pas de disposition en la matière. Hier soir, des propositions ont été faites, des communiqués de presse publiés. Nous verrons de quelle manière le texte peut être amendé de façon à répondre à une question qui semble aujourd’hui un peu plus consensuelle.

Enfin, sur les chambres de commerce et d’industrie, la concertation peut avoir lieu, à condition d’être deux à vouloir dialoguer. Des dispositions sont prises, le dispositif est décrit, et nous verrons si la discussion parlementaire permet, sur ce point et sur d’autres, de faire avancer les choses.

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Membres présents ou excusés

Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 1er octobre 2014 à 11 h 45

Présents. - M. Éric Alauzet, M. François André, M. Guillaume Bachelay, M. Dominique Baert, M. Laurent Baumel, M. Jean-Marie Beffara, Mme Karine Berger, M. Xavier Bertrand, M. Étienne Blanc, M. Christophe Caresche, M. Olivier Carré, M. Gilles Carrez, M. Christophe Castaner, M. Yves Censi, M. Gaby Charroux, M. Jérôme Chartier, M. Pascal Cherki, M. Alain Claeys, M. Romain Colas, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Olivier Dassault, M. Jean-Louis Dumont, M. Henri Emmanuelli, M. Christian Estrosi, M. Olivier Faure, Mme Aurélie Filippetti, M. Marc Francina, M. Jean-Louis Gagnaire, M. Yann Galut, M. Claude Goasguen, M. Jean-Pierre Gorges, M. Marc Goua, M. Laurent Grandguillaume, Mme Arlette Grosskost, M. David Habib, M. Razzy Hammadi, M. Régis Juanico, M. Jérôme Lambert, M. Jean-François Lamour, M. Jean Launay, M. Dominique Lefebvre, M. Marc Le Fur, M. Hervé Mariton, M. Pierre-Alain Muet, M. Patrick Ollier, M. Michel Pajon, Mme Valérie Pécresse, Mme Christine Pires Beaune, Mme Valérie Rabault, Mme Monique Rabin, M. Camille de Rocca Serra, M. Alain Rodet, M. Nicolas Sansu, Mme Eva Sas, M. Pascal Terrasse, M. Michel Vergnier, M. Philippe Vigier, M. Éric Woerth

Excusés. - M. Jean-Claude Fruteau, M. Patrick Lebreton, M. Victorin Lurel, M. Pierre Moscovici, M. Thierry Robert

Assistaient également à la réunion. - M. Gérard Bapt, M. Yves Daniel, Mme Chantal Guittet, M. François Pupponi, M. Lionel Tardy

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