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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mission d’évaluation et de contrôle

Les chambres consulaires, leurs missions et leurs financements

Mercredi 13 mai 2015

Séance de 14 heures 15

Compte rendu n° 18

Présidence de M. Olivier Carré, président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Pierre Giacometti, secrétaire général de FO-CCI, de Mme Christine Andry, déléguée syndicale FO-CCI Lorraine et de M. Djemel Ogbi, enseignant à la CCI de Paris-Île-de-France

M. le président Olivier Carré. Nous poursuivons cet après-midi les travaux de la MEC sur les réseaux consulaires.

M. Pierre Giacometti, secrétaire général de Force ouvrière du personnel des chambres de commerce et d’industrie (FO-CCI). Je voudrais tout d’abord remercier la mission de nous recevoir. Le personnel des CCI se montre particulièrement attentif aux évolutions en cours et a l’impression d’être laissé pour compte. En effet, contrairement à ce que l’on entend souvent, ces agents font leur travail, obtiennent d’excellents résultats et déploient des compétences que l’on ne peut remettre en cause. Par exemple, dans les années 1970, les CCI ont joué un rôle primordial dans la politique de l’apprentissage, domaine important du dispositif général de lutte contre le chômage, et cette tradition se retrouve aujourd’hui dans d’excellentes écoles comme l’école Ferrandi.

Nous sommes inquiets car, comme vous l’avez vous-même rapporté, monsieur le président lors de la première réunion de cette mission, si certaines personnes reconnaissent l’efficacité du réseau des CCI, d’autres pensent qu’il a fait son temps. Un conseiller de M. Arnaud Montebourg, alors ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique, m’avait demandé en juin dernier à quoi servaient les CCI… Au sein de ces dernières, plus on monte dans la hiérarchie de l’encadrement et plus on entend que les chambres ne présentent aucune utilité. Si l’on veut restaurer la confiance au sein du personnel, il faudrait d’envoyer des signes positifs et rompre avec la pratique des dernières années.

Sur la question des ressources, nous vous avons préparé un tableau. Pour ne citer que la situation de la Corse : M. Christophe Mirmand, préfet de Corse-du-Sud et de la région Corse, a menacé de placer la CCI d’Ajaccio sous tutelle renforcée si elle ne présentait pas un budget équilibré, alors que 3,5 millions d’euros lui avaient été prélevés quelques semaines auparavant. On déséquilibre la trésorerie de la CCI, puis on lui demande des comptes et, enfin, on met l’accent dans la presse sur l’excès de sa masse salariale.

Nous nous sommes prononcés contre cette pratique des prélèvements de fonds de roulement, car cet argent doit permettre aux CCI de réaliser les investissements prévus. En outre, afin de pouvoir garantir l’emploi, nous sommes opposés à la baisse de la taxe pour frais de chambre (TFC), qui constitue la première ressource du budget des CCI.

M. Djemel Ogbi, enseignant à la CCI de Paris-Île-de-France. Nous n’avons pas encore de visibilité précise sur les conséquences sur les personnels. Il faut savoir qu’un plan de départs se traduit par des cessations d’un commun accord de la relation de travail (CCART) – ce qui équivaut à une rupture conventionnelle privée – et par des congés de transition, qui permettent à des agents de partir à la retraite trois ans avant la date prévue. À la CCI Paris-Île-de-France, 327 demandes officielles ont été formulées, dont les deux tiers pour des CCART. En province, il semblerait que la répartition entre le dispositif du congé de transition et celui de la CCART soit l’inverse de celle constatée dans la région francilienne.

Mme Christine Andry, déléguée syndicale FO-CCI Lorraine. En Moselle, l’effectif a diminué de 40 % en un an et demi, cette baisse ayant pris la forme, dans 40 % des cas, d’une CCART.

M. Djemel Ogbi. M. Pierre-Antoine Gailly, président de la CCI Paris Île-de-France, a annoncé, lors de son audition par votre mission le 31 mars dernier, qu’un plan social supprimant des centaines d’emplois pourrait être mis en œuvre en septembre prochain. Quel est l’avenir des personnels ? Beaucoup d’agents se montrent très préoccupés pour leur futur, à tel point qu’un certain nombre d’entre eux ont préféré prendre les devants et quitter leur CCI, parfois sans aucune piste d’emploi alternative. Cette hémorragie laisse ceux encore en place sous une pression accrue, ce qui pourrait favoriser les cas de burn-out, les risques étant déjà assez élevés dans les services commerciaux, qui doivent atteindre des objectifs chiffrés.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Députée de la majorité, dans le cadre du budget pour 2015 et de celui en préparation pour 2016, j’ai participé aux discussions sur la manière dont on pourrait réduire les déficits. L’objectif est de diminuer la dépense globale, et les CCI sont sollicitées pour participer à cet effort général. Pour autant, nous sommes conscients des difficultés que cette politique induit et nous avons voulu cette mission, car nous avons perçu un manque de dialogue et de compréhension.

Nous devons sortir d’une vision purement budgétaire pour se pencher sur les missions des CCI puisque de nouvelles économies devront être inéluctablement consenties. Vos employeurs, les chefs d’entreprise élus dans les chambres, nous ont fourni des pistes intéressantes en ce sens, notamment dans l’optimisation des fonctions de support. Nous devons étudier les conditions dans lesquelles les missions des chambres seront effectuées.

Certaines chambres, notamment celle de Corse, ont pointé des dysfonctionnements sérieux dans le prélèvement de la TFC, et le ministère de l’économie, de l’industrie et du numérique suit ce dossier et reçoit des présidents de chambres ; j’espère que des réponses pourront être apportées avant la fin des travaux de la mission.

Les chefs d’entreprise disent souvent ne pas connaître les chambres consulaires. D’ailleurs, le taux de participation à l’élection de leurs représentants ne dépasse pas 17 % ! Notre travail ne consiste donc pas seulement à rechercher la façon d’ajuster les comptes, mais également à se poser cette question capitale : quelles missions prioritaires doivent remplir les CCI pour rendre service au plus grand nombre d’entreprises ?

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Nous avons bien compris l’inquiétude des personnels des CCI.

Le Gouvernement a déposé des amendements au Sénat au projet de loi porté par M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Que pensez-vous de l’évolution de l’organisation des CCI formulée par ces propositions ?

M. Pierre Giacometti. Je n’ai pas eu le temps de les étudier, mais il faudra des hommes et des femmes pour remplir les missions des CCI. Or, dans quel état se trouvent aujourd’hui leurs personnels ?

La loi du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services s’est avérée très coûteuse pour les agents des CCI. Elle a été adoptée deux ans après une nouvelle classification qui a eu pour conséquence la disparition presque complète de toute mobilité professionnelle – ainsi, seuls 6 % des membres du personnel changent de qualification ou d’indice chaque année. Depuis cinq ans, le gel du point a induit une baisse de la valeur de celui-ci de 10 %. En outre, certains agents et les retraités doivent désormais payer leur mutuelle, ce qui représente une dépense de 50 à 80 euros par mois pour ces derniers. La loi de 2010 a, enfin, éliminé l’ensemble des acquis locaux, et je ne connais pas d’autre exemple d’effacement de cinquante ans d’acquis en une seule année. Je vous ai transmis un document montrant que cette mesure faisait perdre entre 20 000 et 65 000 euros à certains agents, soit une baisse de revenu de 200 à 300 euros par mois.

Les CCI, après avoir perdu la gestion des ports et des aéroports, devaient conserver la formation continue car elle constituait le cœur de leur activité ; or un récent rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) la présente comme un service industriel et commercial vivant de la facturation et qu’il faudra rentabiliser ou abandonner. Les agents sont donc méfiants, et la confidentialité du rapport de l’IGF n’est pas de nature à les rassurer. La lecture de ce document suscite une question brutale : que va-t-il rester aux CCI en 2017 ? Certaines missions, considérées comme marchandes, doivent être abandonnées – celles menées pour les palais des congrès, les petits ports de commerce et de pêche, et les services de formation continue. Un nouveau prélèvement sur le fonds de roulement et une autre diminution de la TFC nourriront la certitude de nouveaux licenciements. Nos présidents et nos élus ont d’ailleurs annoncé la suppression de 6 000 à 7 000 emplois, ainsi que la privatisation des écoles de commerce, rendue possible par le nouveau statut de société anonyme à objet éducatif créé par la loi du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises. Ce dernier texte menace des milliers d’agents qui seraient placés à la disposition de sociétés anonymes et finiraient par ne plus avoir de poste au bout de deux ans.

M. Macron s’est vanté d’avoir conduit une réforme sans mouvement social, mais il n’est pas impossible que FO, en lien avec la CGT et la CFE-CGC, ne soit amenée à déposer un préavis de grève. Celui-ci ferait d’ailleurs suite à l’arrêt de travail du 22 septembre dernier, qui coïncidait avec la réunion de la CPN.

Mme Christine Andry. Nous évoquons des chiffres parce que ce sont des données que l’on nous oppose : on nous dit que la réduction budgétaire atteindra 20 % et qu’un cinquième des emplois seront donc supprimés.

Je travaille depuis trente ans dans une CCI, et l’on constate depuis quinze ans la faiblesse du taux de participation aux élections des représentants. On a même demandé au personnel de s’investir dans des campagnes de propagande pour sensibiliser les chefs d’entreprise à l’importance de ces scrutins.

Les personnes créant une entreprise, souhaitant développer leur activité à l’étranger ou rencontrant des difficultés sollicitent les CCI, qui ont toujours été très présentes à leurs côtés. Nous avons aussi assuré le lien entre le Gouvernement et les entreprises lorsque le cadre juridique évoluait. Il conviendrait que les CCI continuent d’exercer ces missions.

En Lorraine, on nous a demandé de devenir des commerciaux. Cette évolution requiert du temps lorsque l’on a été, pendant des années, un agent public assurant un service gratuit aux entreprises. Une période de transition s’avère d’autant plus nécessaire que les chambres de commerce n’ont pas de vision budgétaire à trois ans. Ce flou rend plus complexe l’adaptation des agents et crée une souffrance chez eux. Le personnel est perdu, car on le désorganise, par exemple en le régionalisant. La visibilité est indispensable au bon fonctionnement des CCI, celles-ci ayant toute légitimité pour continuer à exister.

M. Pierre Giacometti. Le dialogue social pâtit de la limitation à six membres de la composition de la CPN. Il y a quatre ans, cette dernière était encore reconduite d’une année sur l’autre sans être élue, si bien que deux organisations syndicales l’ont dirigée pendant soixante ans. La loi de 2010 a institué l’élection de la CPN, mais la limitation à six du nombre d’élus induit, par exemple, l’absence de la CGT, alors que cette organisation obtient de bons résultats dans différents collèges. Certains corps de la fonction publique composés de 25 000 à 30 000 agents, soit environ le même effectif que celui des CCI, disposent d’un comité technique national (CTN) de 25 à 30 membres, qui permet la représentation de toutes les organisations syndicales, cette présence leur garantissant des droits. Dans le système des CCI, on peut n’avoir aucun élu en obtenant 40 % des voix et être ainsi exclu du dialogue social.

Notre statut présente des lacunes très importantes, et nous sommes isolés car les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) s’avèrent la plupart du temps incapables de répondre à nos demandes. En outre, le service juridique de CCI France ne travaille que pour les chefs d’entreprise et pas pour les personnels des chambres. Les délégués syndicaux obtiennent ainsi peu de réponses à leurs questions, ce qui permet aux employeurs d’avoir très souvent le dernier mot.

M. le président Olivier Carré. Nous vous remercions, madame et messieurs, d’être venus nous présenter la position de votre syndicat.

M. Pierre Giacometti. Au nom de Force ouvrière, nous vous remercions de nous avoir reçus.

——fpfp——