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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mission d’évaluation et de contrôle

Les chambres consulaires, leurs missions et leurs financements

Mardi 9 juin 2015

Séance de 16 heures

Compte rendu n° 25

Présidence de M. Olivier Carré, président

– Table ronde, ouverte à la presse, réunissant : M. Philippe Adnot, sénateur, président du conseil général de l’Aube, et M. Arnaud de Bélenet, vice-président du conseil départemental de Seine-et-Marne, en charge du développement économique, pour l’Assemblée des départements de France ; M. Bruno Hug de Larauze, président de la chambre de commerce et d’industrie de région (CCIR) Pays de la Loire, et M. Philippe Jan, directeur du développement des entreprises et des territoires de la CCIR Pays de la Loire ; M. Ludovic Guimas, chef du service Coordination et gestion, Direction de l’action économique, des innovations et de l’internationalisation, du conseil régional des Pays de la Loire.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Nous avons souhaité tenir cette table ronde consacrée au développement économique régional, au rôle des CCI dans ce développement et à la coordination des différents acteurs pour avoir sur ces questions l’éclairage concret d’élus territoriaux et de responsables consulaires, et je vous remercie vivement pour votre participation à nos travaux.

Nous souhaitons vous interroger sur vos liens avec les collectivités territoriales et les chambres de commerce ? Quelle appréciation portez-vous sur le rôle des CCI dans les territoires ? Quelles évolutions vous sembleraient souhaitables ? Les missions des CCI sont-elles facilement identifiables pour vous ? Enfin, quels sont vos projets ?

M. Philippe Adnot. Dans l’Aube, la chambre départementale est extrêmement importante – peut-être parce que, chose exceptionnelle en France, ni le département ni l’agglomération n’ont créé d’agence de développement. Nous avons choisi de confier à la chambre de commerce la responsabilité de gérer le développement économique, à charge pour les collectivités, qui étaient en général les payeurs, de décider finalement, au terme de réunions régulières destinées à étudier ensemble les problématiques, ce qui allait se faire ou non.

Telle était du moins la situation avant que les chambres de commerce ne voient leur influence diminuée par la régionalisation, qui a concentré les moyens au niveau régional. La régionalisation a entraîné une réduction considérable de nos moyens d’action.

Nous avons, par exemple, un petit aérodrome d’affaires, mais il ne fonctionne que parce qu’il est soutenu financièrement par la chambre, l’agglomération et le département. La CCI s’essouffle pour honorer sa participation, de la même manière qu’elle s’essouffle, en raison de la réduction de ses capacités financières, pour honorer ses engagements dans l’enseignement supérieur – je pense notamment au groupe École supérieure de commerce (ESC) de Troyes. C’est regrettable, car la clé de répartition du financement, qui était initialement de 50 % pour la chambre de commerce, de 25 % pour l’agglomération et de 25 % pour le département, est désormais divisée en trois tiers égaux. C’est le signe des difficultés dans lesquelles se trouve la chambre de commerce.

Dans les petites régions administratives comme la nôtre, la décentralisation a entraîné une réduction de la capacité d’action, et donc une perte d’intérêt pour le territoire. On peut même parler de « déménagement du territoire ».

Nous attendons de la nouvelle configuration la mise en place d’une chambre régionale au niveau de la nouvelle région Alsace-Lorraine-Champagne-Ardenne et un renforcement subsidiaire des chambres départementales, pour que l’action puisse continuer au plus près du territoire et que les grandes options nationales, internationales ou régionales puissent se concrétiser.

M. Bruno Hug de Larauze. J’étais président de la chambre de Saint-Nazaire lorsque nous avons voté la fusion avec celle de Nantes. Dans la région Pays de la Loire, il y a désormais une chambre par département – la fusion des chambres infradépartementales a été réalisée – en plus de la création de la chambre régionale.

Les chambres ont un rôle essentiel, celui de réfléchir à une vision prospective à long terme. Tant que nous n’avons pas de visibilité – et c’est pourquoi les aspects budgétaires sont importants –, il est extrêmement difficile d’éviter les tensions que le sénateur Adnot a évoquées, au sein du réseau lui-même, comme à l’égard de nos engagements. Nous avons en effet des engagements pluriannuels, avec différents interlocuteurs : les départements, les communautés de communes, la région.

Nous avions décidé, en 2005, de clarifier les responsabilités des uns et des autres et de donner à l’ensemble une vision prospective. Il est très important de le rappeler aujourd’hui, car se posent des sujets de gouvernance, des sujets de prospective et des sujets financiers.

En ce qui concerne la gouvernance, la situation actuelle est la suivante. Les collaborateurs des chambres sont officiellement rattachés aux chambres régionales. Ils sont ensuite détachés ou mis à disposition des chambres départementales. La perception des taxes se fait au niveau des chambres régionales, qui peuvent être pilotées par un bureau hybride. Nous avons la chance, en Pays de la Loire, d’avoir une gouvernance très apaisée, très démocratique, dans la mesure où chaque président de chambre départementale est, au sein du bureau, responsable d’un domaine. Par exemple, la chambre d’Angers a la responsabilité de la formation, celle de Nantes-Saint-Nazaire la responsabilité de l’international. Cette approche « matricielle » que nous avons choisie nous a permis de prendre, pour l’instant, toutes nos décisions à l’unanimité.

La question, aujourd’hui, est de savoir si les chambres sont tournées vers l’avenir, ou, au contraire, repliés sur elles-mêmes ? Je pose la question ainsi car, dans l’histoire, les chambres de commerce ont eu un rôle visionnaire : que l’on songe aux bourses de commerce, aux ports, aux aéroports, aux grandes démarches collectives comme l’apprentissage ou la création des écoles de commerce, qui ont aidé les entreprises de France à rayonner dans le monde entier.

Les chambres de commerce et d’industrie doivent être des incubateurs du futur. En Pays de la Loire, nous avons constaté qu’un clivage était en train de naître entre le public et le privé, entre la nouvelle et l’ancienne économie, entre les jeunes au chômage et les anciens qui ont du mal à regarder sereinement l’avenir. Nous nous sommes demandé comment préparer l’avenir. Un peu à l’instar de Philippe Vasseur dans le Nord, nous avons considéré qu’il était essentiel que les chambres soient l’incubateur de cette troisième révolution industrielle et agricole.

Nous avons donc lancé un programme important qui comporte trois particularités.

D’abord, le sujet doit être porté par les trois réseaux consulaires : chambres des métiers, chambres d’agriculture et chambres de commerce.

Ensuite, il doit être contractualisé : avec les services de l’État, la région, les métropoles et les départements. En région Pays de Loire, certains conseils départementaux, comme la Mayenne ou la Vendée, jouent un rôle primordial sur leur territoire ; dans d’autres départements, comme le Maine-et-Loire, c’est davantage la métropole. Les réalités sont donc très diverses, et nous sommes donc obligés d’avoir une présence de proximité en même temps qu’une capacité à contractualiser au niveau régional.

S’agissant du lien avec les services de l’État, ma déception a été très forte, après la signature il y a trois ans d’un contrat d’objectifs et de performance (COP), de constater que le fléchage financier qui devrait nous permettre d’opérer notre mutation s’est heurté, en plein élan, aux prélèvements sur les fonds de roulement, d’une part, et aux plafonnements de la taxe, d’autre part, de sorte que nous n’avons pas toujours pu honorer notre parole.

Ce qui est grave, c’est qu’on envoie le même message aux entreprises, qui elles aussi ont besoin de visibilité. La plupart d’entre elles sont soumises à des aléas de marché considérables et ont du mal à se projeter à moyen terme alors qu’elles ne savent même pas ce qu’elles vont faire dans trois mois.

La crédibilité des chambres tient à leur double système de référence : ce sont des établissements publics qui sont animés par des chefs d’entreprise. Sans elles, on se prive de la réactivité qui permet de donner des marges de manœuvre aux entreprises. N’oublions pas que les chambres représentent aujourd’hui l’ensemble des intérêts économiques d’un territoire. Je suis admiratif de ce qui se passe en Californie, j’ai créé vingt-deux entreprises dans ma vie, et je suis effaré de voir l’immobilisme, l’esprit de silo qu’on est en train de développer dans certains endroits, alors que ce qu’il faut aujourd’hui, c’est de l’agilité, de la réactivité, de la transversalité. Or, ce sont les chambres de commerce et d’industrie qui sont les lieux qui permettant cette transversalité. Je voudrais citer quelques exemples.

La troisième révolution industrielle concerne, aujourd’hui, quelque 1 000 entreprises de notre région. Notre objectif est d’aider 3 000 pionniers à être moteurs dans leur domaine pour servir de référence aux PME-PMI, et d’accompagner les 200 000 entreprises de la région à intégrer le numérique, la robotique, les technologies du futur, le fonctionnement transversal. Je pense notamment à l’Institut de recherche technologique (IRT) Jules Verne, né à l’initiative de la chambre de Saint-Nazaire, sous ma présidence, je pense aussi au pôle Neopolia. Aujourd’hui, chacun d’entre eux est porté par plusieurs entreprises.

M. Arnaud de Bélenet. Ayant été désigné pour représenter l’Assemblée des départements de France (ADF), je vous remercie, dans ce contexte où votre assemblée débat de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), de me permettre de parler du rôle des départements dans le développement économique.

Quand nous parlons de développement économique, nous parlons avant tout d’aménagements, de voirie, de transports qui sont pilotés par le territoire de proximité qu’est le département. La capacité de nos assemblées départementales à intervenir est tout à fait vitale, en lien avec les chambres avec lesquelles nous travaillons.

En écoutant le sénateur Adnot et en vous écoutant, monsieur le président Hug de Larauze, j’ai réalisé que vous parliez de deux territoires, de deux singularités, et qu’à l’heure où la mode est à la concentration ou au regroupement, l’expression des singularités, de l’initiative locale et du lien de proximité si important en matière économique, méritait d’être soulignée.

Nous travaillons bien ensemble dès lors que nous ne sommes pas privés de moyens. Or, la CCI de Seine-et-Marne vient de voir ses fonds propres amputés de 21 millions d’euros, tandis que le département de Seine-et-Marne lui-même connaît des difficultés exacerbées par rapport à d’autres départements, du fait de sa croissance démographique et de dispositifs, tels que la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM), qui viennent entraver le développement de ses territoires « locomotives », comme Marne-la-Vallée ou le Val-d’Europe.

Si l’on veut que nous nous appuyions sur l’impulsion et l’initiative locale, encore faut-il que nous disposions des moyens financiers pour agir. Or, 21 millions d’euros en moins, ce sont douze licenciements immédiats pour la CCI de Seine-et-Marne et une trésorerie réduite à trois semaines au lieu de trois mois.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Momentanément, ou toute l’année ?

M. Arnaud de Bélenet. Quand le président de la CCI a pris connaissance, il y a quelques jours, de ce prélèvement disproportionné de 21 millions d’euros, le deuxième plus élevé de France, il a constaté que ses fonds propres étaient amputés au point qu’il ne disposait plus que de quelques semaines de trésorerie – dix-sept jours, je crois.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Il peut y avoir des difficultés, comme dans le cas, dont nous avons eu connaissance, de chambres pour lesquelles le prélèvement a eu lieu avant le versement de la recette.

M. Arnaud de Bélenet. L’effet le plus dévastateur de ce procédé est de faire naître le sentiment que l’on récompense les mauvais gestionnaires et que l’on punit les bons. C’est ainsi que la situation est vécue.

Un second point particulièrement important pour nous est la capacité à impulser des projets dans le département, avec les intercommunalités, qu’il s’agisse de formation, comme l’université technologique d’enseignement consulaire (UTEC) d’Émerainville, ou de projets structurants, comme un centre de congrès ou des équipements multifonctionnels de type Arena, ou encore, qu’ils s’agissent avec le département et la région, de dispositifs d’accompagnement des entreprises à l’international.

Il y a des points d’excellence dans les départements. La Seine-et-Marne a plutôt une bonne implantation et des relations développées avec l’Allemagne, l’Algérie ou le Maroc, mais d’autres départements de la région pourraient apporter une plus-value pour les relations avec d’autres pays en matière d’équipements structurants, de formation, d’accompagnement des entreprises, de dispositifs d’aide à l’emploi. Le chef d’entreprise a besoin de cette relation de proximité avec les chambres.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Pour résumer votre propos, vous souhaitez privilégier les relations entre le département et la CCI départementale, mais j’ai eu l’impression que vous parliez aussi de développement international – ce qui relève plus du niveau régional –.Pouvez-vous préciser quelles sont vos relations avec la chambre départementale et avec la chambre régionale ?

M. Arnaud de Bélenet. C’est très simple. Nous avons une relation de travail dans tous les domaines avec la CCI départementale. Nous n’en avons aucune avec la chambre régionale d’Ile-de-France.

M. Bruno Hug de Larauze. La France est multiple, et la région capitale, avec sa chambre régionale unique, est un sujet particulier.

Il y a un problème de gouvernance, un problème financier et aussi un problème de clarification des compétences. Dans les trois cas, il faut se donner un peu de temps, mais il faudrait surtout savoir où l’on a le droit d’aller. Je dis exprès « le droit », car je pense qu’il faut une clarification du fonctionnement. On ne peut pas dire qu’il faut régionaliser les chambres et, en même temps, avoir une gouvernance qui n’est pas adaptée à ce type de fonctionnement. Cela a créé des tensions très importantes. Beaucoup de chambres régionales sont aujourd'hui en situation conflictuelle avec des chambres infradépartementales.

C’est aussi dû au fait que nous avons été frappés de plein fouet par le problème financier que je viens d’évoquer. Quand le prélèvement a été opéré et que l’on a commencé à demander aux responsables de s’organiser et de rationaliser l’existant, chacun a essayé de défendre ses engagements locaux, et la tendance naturelle – au lieu de travailler sur des projets régionaux complémentaires – a été de protéger sa « ligne Maginot », c’est-à-dire son territoire.

Vous noterez que les prélèvements ont été opérés sur les chambres régionales et aussi sur certaines chambres départementales, ce qui fait que les fonds de péréquation qui avaient été constitués dans les chambres régionales où cela se passait bien, comme celle des Pays de Loire, ont fait l’objet d’une confiscation systématique. Donc, pour payer les salaires à partir de novembre prochain, si le financement complémentaire n'arrive pas à partir de juillet, je demanderai une convention de trésorerie et c’est Nantes-Saint-Nazaire qui viendra à notre secours. Belle autonomie ! Nous sommes ainsi obligés de nous entendre, mais ce n’est pas de cette façon que l’on fait des projets : c’est au contraire ainsi que l’on crée des rigidités et des espaces de tension. Il est donc très important de donner de la visibilité au réseau.

Je reviens sur ce qui se passe dans les Pays de la Loire.

D’abord, nous avons la chance d’être une région dont le périmètre n’est pas modifié. J’aurais souhaité qu’elle se rapproche de la Bretagne, et nous y étions favorables, tous bords confondus, mais cela ne s’est pas fait. Reste que cela nous a permis de nous organiser, sachant que le périmètre de la région ne changerait pas. À cette occasion, nous avons essayé – j’insiste sur le fait que toutes les décisions ont été prises à l’unanimité, notamment des départements – de réfléchir à la façon de préparer l’avenir.

Nous avons été la première région de France à signer une convention d’objectifs et de moyens avec l’État. Nous avons signé en même temps le document régional, que je tiens, comme la COM, à votre disposition. S’agissant de la convention avec l’État, nous espérons pouvoir nous tenir aux principes généraux qui ont été fixés. Nous sommes très engagés avec la région, mais aussi avec les intercommunalités, et lorsque les contrats de projets État-région ont évolué, nous avons estimé très important de parler d’une même voix.

Nous avons travaillé sur plusieurs axes différents, indépendamment de nos missions quotidiennes.

Le premier visait à donner une stratégie au territoire, ce grâce à quoi le schéma régional de développement économique (SRDE) est cohérent. L’appel de fonds auprès de Bruxelles est également cohérent avec ce schéma, que nous avons travaillé avec l’État et l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME). Il est valable pour l’ensemble des départements, ce qui va produire un effet de levier pour les entreprises locales. Cet ancrage départemental de proximité est capital et ne doit être fragilisé en aucun cas, car la richesse des chambres, est leur proximité avec le tissu économique. La question est de savoir comment rationaliser tout en maintenant cette proximité, d’où l’importance d’une redéfinition de la gouvernance, que j’évoquais tout à l’heure.

Le deuxième était la simplification de la vie des entreprises. Nous nous sommes inspirés de ce qu’a fait la CCI de Picardie avec la base de données Sémaphore. Nous sommes tombés d’accord avec la région, l’État, la Banque publique d’investissement (BPI), l’ensemble des banques et des experts-comptables, pour mettre en place un portail commun qui a d’ailleurs été piloté par les chambres. Une entreprise qui a besoin d’un financement à l’export, par exemple, clique sur « international », ce qui lui permet de visualiser, d’une part, les aides auxquelles elle a droit, et, d’autre part, le contact privilégié dans le domaine financier. Nous n’avons pu réaliser ce projet que parce que chaque partenaire a admis que son propre logo soit au service de l’intérêt général, qui est de servir les entreprises. Aujourd’hui, 2 000 aides et 8 000 contacts ont été répertoriés, avec un taux de satisfaction favorable.

J’en viens au troisième axe : l’amélioration des performances des PME. Un programme de 30 millions d’euros, baptisé Dinamic Entreprises, a été cofinancé par la région, les chambres, l’État et l’Union européenne. C’est un dispositif qui permet d’offrir aux entreprises trois actions de soutien pour définir leur stratégie à cinq ans : une action de diagnostic avec des consultants sélectionnés en commun ; une capacité de travailler en club pour éviter d’être isolé ; et un certain nombre de services « agiles » qui lui permettront de développer sa stratégie. L’étude d’impact réalisée auprès des 980 entreprises concernées fait état d’un taux de réussite de 94 %. Je ne suis pas certain que beaucoup de projets tripartites aient un tel taux de succès. Or, le risque existe que ce dispositif soit arrêté, faute de financement.

M. Philippe Jan. Actuellement, la CCI Pays de la Loire gère pour l’ensemble des entreprises les dépenses de consultants ou de formateurs. Ces dépenses sont prépayées par la CCI, puis, suivant un système de mandat, refacturées aux entreprises. Or, dans l’attente des financements européens qui n’arrivent que très tard, la CCI doit assurer la trésorerie. La réduction de sa capacité de financement affecte donc directement l’exécution du programme.

Mme Monique Rabin, rapporteure. S’agissant des crédits européens, on observe un problème général, qui touche aussi les associations, de ralentissement des versements, qui est dû aux difficultés du budget européen.

M. Bruno Hug de Larauze. Une entreprise peut déposer le bilan de deux façons : s’il n’y a pas de commandes, ou en cas de cessation de paiement. C’est élémentaire, mais il faut le rappeler, car c’est précisément ce qui menace aujourd’hui le réseau consulaire. Et j’insiste sur le fait que nous avons beaucoup de « commandes ».

M. Ludovic Guimas. En écho à ce qu’a indiqué M. le sénateur Adnot, nous sommes, en Pays de la Loire, dans un paysage assez complexe sur le plan de l’accompagnement public et du développement économique, puisqu’il y a les consulaires, qui sont extrêmement présents, mais aussi un certain nombre de comités d'expansion et d’agences de développement. C’est tout un écosystème qui nécessite probablement une structuration et une réflexion, s’agissant en particulier de ce que l’on appelle le réseau des développeurs économiques. Cela fait partie des sujets sur lesquels nous travaillons, à l’aune, notamment, de ce qui se profile dans le cadre de la loi NOTRe.

J’en viens au cœur du sujet, c’est-à-dire à la force du partenariat qui lie la région à la CCIR, d’une part, et à l’ensemble des consulaires, d’autre part. Il est très important d’insister sur cet aspect. L’accord dont il était question à l’instant vaut avec la CCI, mais aussi avec l’agriculture et l’artisanat. C’est aussi une marque ligérienne…

Aujourd’hui, la stratégie économique s’écrit au niveau régional dans le cadre des SRDE. Et l’on s’oriente à nouveau, avec la loi NOTRe, vers des schémas de portée régionale. De ce point de vue, notre région souhaite maintenir, développer et renforcer le partenariat avec la CCIR, sans pour autant négliger tout ce qui fait la force de la proximité.

La région a développé un certain nombre d’outils au plus près des territoires et des entreprises des territoires. Outre le fait que l’on écrit la stratégie au niveau régional, c’est aussi l’une des composantes sur lesquelles nous souhaitons être extrêmement forts, présents, en lien avec les consulaires.

M. Philippe Jan. J’évoquerai deux points en complément sur l’articulation entre la CCIR et les CCI de proximité, en m’appuyant sur ce que nous vivons dans les Pays de la Loire.

J’ai une double expérience puisque, avant d’être dans une CCIR, j’étais à la CCI de Saint-Nazaire. L’option que nous avons choisie était de conserver l’ensemble des contacts avec les acteurs de proximité, par l’intermédiaire des CCI territoriales. Il n’y a donc pas de relation directe entre la CCIR et ceux-ci. Le travail de la région est plutôt un travail d’ingénierie concertée entre l’ensemble des CCIT. Nous menons un effort de rationalisation de l’ensemble de l’offre de services aux entreprises, afin de réduire les coûts de conception et d’éviter, par exemple, que chaque département n’ait son propre service d’appui à la numérisation des TPE ou de sensibilisation à la transition énergétique. Cette animation est faite au niveau régional en utilisant l’ensemble des compétences des CCI locales, mais la mise en œuvre est purement locale, en relation avec les partenaires.

M. Philippe Adnot. Votre situation régionale est assez unique dans la nouvelle organisation. Pour notre part, nous passons d’une région de quatre départements à une région Grand Est qui en comptera dix. Cela ne ressemblera pas à ce que nous connaissions. Il faut donc regarder le modèle différemment et appliquer le principe de subsidiarité. Il y a manifestement des économies d’échelle à developper, des spécialisations juridiques, financières, etc.

C’est l’occasion de redonner aux chambres départementales une capacité qu’elles avaient perdue quand la proximité de la région était telle qu’elle les avait vidées de leur substance – sauf pour le département du chef-lieu, qui avait tous les avantages liés à cette situation. C’est vrai pour les chambres de commerce, mais c’est vrai aussi pour les institutions régionales, qui étaient bien souvent des machines à privilégier le chef-lieu.

Nous allons avoir une configuration différente, avec un éloignement considérable du chef-lieu : si Strasbourg est choisie, ce sera, pour nous, à 400 kilomètres ! Les chefs d’entreprise n’iront pas jusqu’en Alsace pour discuter de leur avenir. Il y a donc tout intérêt à retrouver de la performance au niveau départemental, et j’espère surtout – c’est un message politique que je veux faire passer – que l’on ne va pas maintenir les chambres régionales des anciennes régions fusionnées ; ce serait, pour le coup, épaissir encore le millefeuille !

J’insiste sur les vertus du modèle que nous avions élaboré, et qui était unique en France. Je pense que nous avons représenté un modèle très en avance sur le système.

S’agissant des guichets interconsulaires, la sagesse voudrait que ce soit fait. Dans la réalité, ce n’est pas toujours facile. Je ne parle pas des cas où il y a plusieurs chambres de commerce dans un département. Je veux parler des chambres d’agriculture, des chambres de métiers. Il faudrait que la vraie économie soit localement mieux structurée, pour réaliser des économies grâce à la mutualisation. Cela arrivera probablement un jour.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Nous ne reviendrons pas sur le périmètre des régions. Nous ne reviendrons pas non plus sur l’affirmation très forte de la compétence économique des régions. Nous ne reviendrons pas non plus sur les moyens octroyés aux départements, aux communes et aux chambres de commerce. Il faudra donc faire avec cette nouvelle configuration. Tout le monde veut moins d’impôts et moins de prélèvements, mais veut le même du service !

Les chambres régionales sont porteuses de stratégies. M. Hug de Larauze a dit tout à l’heure qu’elles devaient être des incubateurs du futur. A titre personnel, j’estime que, même à 400 kilomètres, on peut définir une stratégie régionale.

Je souhaiterais savoir s’il peut y avoir un dialogue entre les chambres, qui représentent les entreprises, et les collectivités locales, que ce soit la région ou les départements, pour porter ensemble un message lisible et utile. Vous nous avez dit qu’un guichet unique n’était pas la solution ; j’aimerais savoir comment, d’après vous, nous pouvons tenir compte des spécificités locales. Des expérimentations sont-elles possibles et lesquelles ? J’aimerais avoir vos avis sur ce sujet.

M. Philippe Adnot. Vous avez ôté aux départements la capacité d’intervenir en matière économique. Vous nous interrogez, ce qui est extrêmement aimable de votre part, mais à votre pétition de principe j’opposerai une pétition de réalité : aucun porteur de projet de création d’entreprise ne fera 400 kilomètres pour aller discuter de son avenir et de la façon dont il pourra s’implanter et se développer. Aucun entrepreneur en difficulté ne fera 400 kilomètres pour aller discuter de son problème. Ils continueront de venir nous voir, car les vrais acteurs, ceux qui rencontrent les gens, qui connaissent les potentialités et qui sont capables de les guider, ne seront pas à 400 kilomètres : ce sera toujours nous. En théorie, on nous ôte le droit d’intervenir en matière économique, mais je fais le pari que les faits contrediront ce postulat contre-nature.

C’est tellement compliqué chez vous, monsieur de Bélenet, que des entreprises de la région parisienne viennent nous voir car c’est plus simple ! Mais ils ne feront pas le détour par Strasbourg. S’ils y vont, ils resteront à Strasbourg – ou à Reims qui va les capter parce cette ville a une très forte attractivité. Heureusement, nous aurons des circuits courts pour nous défendre, nous les territoires qui ne sommes pas chef-lieu. Sinon, nous sommes morts !

Notre avenir passe par le travail main dans la main avec des chambres de commerce revivifiées. Mais si vous continuez à opérer des ponctions sur les entités bien gérées qui arrivent à dégager des réserves, il n’y a plus d’avenir que pour celles qui sont mal gérées. J’espère que nous retrouverons des marges de manœuvre car sinon il n’y a plus d’investissement, ni d’avenir pour notre pays.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Vous avez raison, les prélèvements ne peuvent pas continuer ainsi, faute de quoi il n’y aura plus d’activité. Il faut en être conscient, et l’exemple des licenciements que vous avez donné a le mérite d’être extrêmement concrets.

Un élément nouveau est que la loi NOTRe constitue, en quelque sorte, une redépartementalisation. J’ai écouté avec beaucoup d’intérêt, messieurs, ce que vous disiez à propos de la région Pays de la Loire où, suivant le cas, ce sont les EPCI ou le département qui sont à la manœuvre. Je pense que c’est une tendance qui se retrouve. Si l’on prend l’exemple d’une région comme l’ancienne Champagne-Ardenne, suivant les endroits, la compétence économique était exercée différemment : il y avait le pôle troyen dans l’Aube, tandis que, dans la Marne, la CCI de Reims travaillait avec Reims Métropole et pas avec le département ni avec la chambre régionale. Des adaptations aux spécificités locales sont donc inévitables.

M. Bruno Hug de Larauze. Nous touchons du doigt l’un des sujets principaux.

Il est intéressant de se dire qu’à partir du moment où l’on travaille bien sur les trois sujets – gouvernance, clarification des compétences et visibilité –, la conception stratégique peut être définie en partenariat entre ceux qui auront la compétence économique de par la loi – je ne porte pas de jugement politique car je pense que les métropoles seront aussi concernées –, les chambres de commerce et les représentants de l’État.

Les préfets de région, à ma connaissance, sont contents de trouver des effectifs dans les chambres pour remplir un certain nombre de missions de l’État. Du coup, cette contractualisation se fait « donnant-donnant ». Si l’on tuait cette relation de proximité, ce serait dramatique. La question qui se pose, c’est de savoir quel est le territoire de proximité pertinent. En l’occurrence, il ne faut surtout pas généraliser ; il y a des endroits où c’est l’échelon départemental et d’autres où c’est plutôt l’échelon métropolitain.

On ne sait discuter, en France, que lorsqu’il y a une loi qui précise les compétences. Les chambres de commerce n’ont pas besoin que l’on prenne des textes, elles souhaitent simplement que, une fois les textes pris, l’engagement soit respecté dans la durée. Si on contractualise, en matière d’action économique, au niveau régional entre les agences et les chambres, c’est parfait. Si on contractualise au niveau départemental, c’est également parfait. Si on contractualise au niveau de l’intercommunalité, c’est encore parfait.

Nous avons un débat actuellement en Pays de Loire. La CCI de la Mayenne est en train de discuter avec le conseil départemental en vue d’une expérimentation sous la houlette de la région. On aurait pu se heurter au veto de la région, mais cela n’a pas été le cas. En même temps, un dialogue est en cours avec l’intercommunalité d’Angers sur le développement des objets connectés. En réalité, le projet compte plus que le statut, dès lors qu’on a bien clarifié les trois éléments dont je parlais.

Nous passons notre temps en postures, nous nous occupons sans cesse de tuyauterie, et c’est un tort. Il faut que les territoires puissent travailler sur des projets structurants, ce qui n’est pas possible si l’on oppose public et privé à chaque échelon.

Je voudrais terminer en évoquant quelques exemples.

Je commencerai par Neopolia, à Saint-Nazaire, seul groupement visité par tous les Présidents de la République et tous les Premiers ministres. Saint-Nazaire, c’est STX, le dernier chantier naval français. STX a eu, à un moment, des « trous » dans ses commandes. Plutôt que de perdre des compétences professionnelles, on a décidé localement – « on », c’est-à-dire les chambres, les syndicats, la région, la ville, l’État – de tout faire pour les conserver, car les perdre, c’était perdre le chantier. Quand nous avons commencé, en 1998, nous avions un volet formation. Puis, petit à petit, en travaillant avec les chefs d’entreprise, nous y avons ajouté un volet stratégique – et c’est de cette façon qu’est né le programme Dinamic Entreprises. Tous les clients de STX sont des compagnies étrangères; ce sont souvent des compagnies américaines. Si le chantier avait perdu sa sous-traitance, qui représentait 75 % de sa valeur ajoutée, il n’aurait plus été capable d’honorer une seule commande de paquebot.

Si j’ai choisi cet exemple, c’est pour montrer que la plupart des entreprises ne sont performantes que quand elles ont un écosystème performant.

Il y a trois ans, pour la première fois, une commande a été prise avec le sous-traitant comme donneur d’ordre. Les sous-traitants, par leur compétence, ont reçu une commande de navires fluviaux qui, auparavant, étaient construits en Belgique et aux Pays-Bas, et ont sous-traité aux Chantiers de l’Atlantique qui avaient les formes.

C’est extraordinaire. S’il n’y avait pas eu les chambres pour incuber ce futur, le faire évoluer en fonction des réalités, développer les compétences académiques, développer des centres de recherche, des écosystèmes, personne ne l’aurait fait. Il fallait une fonction transversale, dans la mesure où le projet concernait tous les domaines. Si la chambre de Saint-Nazaire n’avait pas eu l’appui de la chambre régionale, elle n’aurait pas pu y arriver seule. C’est aujourd’hui le sujet principal.

Nous avons également procédé de cette façon dans l’électronique et les objets connectés ; dans ce cas nous avons soutenu le pôle d’Angers.

S’agissant des énergies marines renouvelables, le processus est né, cette fois, de la chambre régionale. Aujourd’hui, il bénéficie à la chambre de Vendée, comme à celle de Loire-Atlantique. Il s’agit d’un pôle sur les énergies marines renouvelables, avec des activités de recherche, mais aussi des sièges sociaux qui viennent de Barcelone pour s’installer à Nantes. Cela amène du cash dans les territoires, en faisant venir des gens attirés par un écosystème performant.

Aujourd’hui, cette capacité à percevoir les signaux faibles, à investir sur les petits ruisseaux qui feront demain les grandes rivières, est l’apanage des chambres qui opèrent dans un écosystème performant. Le jour où l’on cassera cette capacité transversale, le risque est grand que l’on aille vers le clientélisme, chacun se disant : « Pour faire des économies, prenons dans le budget des autres...». Si les écoles de commerce disparaissaient, on ne le verrait pas tout de suite. Puis, tout à coup, on se dira qu’on ne sait plus très bien comment pratiquer les expérimentations, etc. Ce serait dramatique.

Il ne s’agit pas d’être nostalgique, mais de créer l’avenir. C’est ce que nous essayons de faire, avec un engagement contractualisé très fort avec la région. Je serais très favorable à ce qu’on supprime une partie du millefeuille, mais, dans les domaines où cela fonctionne, il ne faut pas qu’on nous coupe l’herbe sous le pied.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. S’agissant de flexibilité, vous semblerait-il possible que la contractualisation se fasse territoire par territoire, c’est-à-dire qu’il y ait des régions où les chambres s’occupent de tel et tel domaine et que, dans d’autres, elles fassent autre chose ? Ou bien pensez-vous qu’il y a un socle commun et qu’il faut le maintenir ?

M. Bruno Hug de Larauze. Les deux. Mais, fondamentalement, on ne peut contractualiser que si l’on est respectable, c’est-à-dire si l’on a traité le triple sujet de la clarification des compétences, de la gouvernance et de l’autonomie budgétaire. On n’attirera pas des élus qui sont des chefs d’entreprise et qui donnent de leur temps, si au bout de quelques années ont leur dit que les engagements ne valent rien.

Il y a des sujets nationaux. Quand on travaille, par exemple, sur le plan numérique ou sur les robots, il faut à la fois des proximités territoriales et des capacités à orienter les schémas nationaux. Le retard que nous avons en France dans ce domaine est tellement grand qu’il faut que nous soyons capables de produire des effets de levier.

Par ailleurs, on peut se poser la question de savoir s’il doit y avoir une structure pyramidale et quels sont les pouvoirs qui doivent s’exercer à chaque échelon. Ce n’est pas la réforme en tant que telle qui est ambiguë, c’est la façon dont on est amené à la mettre en œuvre.

On a demandé à CCI France d’être à la fois audit, tête de réseau et cœur du réseau animateur. Or le pouvoir régalien de CCI France sur les chambres est marginal. C’est extrêmement compliqué. Je n’aimerais pas être à la place du président Marcon, qui est sans cesse vilipendé par tous, quoi qu’il fasse. Ce n’est pas une question de personne, c’est une question de système. Nous avons le même problème au niveau des chambres régionales. Heureusement, cela se passe bien dans notre région, mais il y a plusieurs chambres qui connaissent des situations d’abus de pouvoir, dues au fait que seule la confrontation permet d’exister. J’espère que ce sera résiduel. Cela peut l’être dès lors que l’on travaille ensemble sur des projets.

M. le président Olivier Carré. Le problème, c’est de faire une exception à la règle.

M. Bruno Hug de Larauze. En France est-il possible de développer des prototypes comme aux États-Unis ?

M. le président Olivier Carré. Si nous sommes dans cette situation, c’est précisément parce que nous ne sommes pas les États-Unis. Ce que vous décrivez existe aussi sur certains territoires, pas forcément dans les CCI, d’ailleurs, mais aussi dans d’autres collectivités. C’est une question d’hommes. Vous avez su faire œuvre pionnière et j’adhère à ce que vous avez dit. Cela étant, c’est l’exception qui fait la règle.

M. Bruno Hug de Larauze. Je pense que, fondamentalement, les chambres sont un dispositif vraiment intéressant pour l’avenir.

M. le président Olivier Carré. Personne ne dit le contraire.

M. Arnaud de Bélenet. Madame la rapporteure, ce que je disais tout à l’heure ne visait pas à demander des moyens supplémentaires. Je faisais simplement observer que le prélèvement de 21 millions d’euros sur la CCI de Seine-et-Marne est totalement disproportionné. De surcroît, prélever, dans une structure qui fonctionne bien, une somme pour la reverser au budget de l’État finit par transformer cette structure en collectrice d’impôt, ou tout simplement en vendeur de services marchands de mauvaise qualité, car n’ayant même plus les moyens de concourir au service public. Nous risquons de devenir une sorte de DIRECCTE sans moyens, simple observatrice du temps qui passe.

M. le président Olivier Carré. C’est une belle conclusion…

Je vous remercie tous pour votre contribution à nos travaux.

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