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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session extraordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Première séance du jeudi 11 juillet 2013

SOMMAIRE

Présidence de M. Denis Baupin

1. Recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires

Rappel au règlement

M. Xavier Breton

Discussion des articles

Article unique

M. Jean-Frédéric Poisson

Mme Véronique Louwagie

M. Jean Leonetti

Mme Marie-Christine Dalloz

M. Marc Le Fur

M. Jean-Christophe Fromantin

M. Philippe Gosselin

M. Xavier Breton

Mme Sophie Dion

M. Nicolas Dhuicq

M. Patrick Hetzel

M. Jacques Bompard

Mme Marion Maréchal-Le Pen

M. Roger-Gérard Schwartzenberg

M. Jacques Myard

Mme Valérie Boyer

Rappel au règlement

M. Roger-Gérard Schwartzenberg

Article unique (suite)

Amendements nos 1 , 43 , 51 , 53

Rappel au règlement

M. Roger-Gérard Schwartzenberg

Amendement no 112

Article unique (suite)

Amendement no 269

Mme Dominique Orliac, rapporteure de la commission des affaires sociales

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche

Rappels au règlement

M. Patrick Hetzel

M. Roger-Gérard Schwartzenberg

M. Julien Aubert

Article unique (suite)

M. Jean Leonetti

Suspension et reprise de la séance

Rappel au règlement

M. Jean Leonetti

Article unique (suite)

Amendements nos 54 , 113 , 121 , 270

Rappels au règlement

M. Jean Leonetti

M. le président

M. Patrick Hetzel

Article unique (suite)

Amendement no 306 (sous-amendement)

Rappel au règlement

M. Jean Leonetti

Article unique (suite)

Rappel au règlement

M. Patrick Hetzel

Article unique (suite)

Amendements nos 44 , 55 rectifié

Rappel au règlement

M. Roger-Gérard Schwartzenberg

Article unique (suite)

Rappels au règlement

M. Patrick Hetzel

M. le président

M. Julien Aubert

Article unique (suite)

Amendement no 288

Rappel au règlement

M. Marc Le Fur

Article unique (suite)

Amendements nos 283 , 297 , 301 , 298

Rappels au règlement

M. Marc Le Fur

M. Christian Paul

M. Xavier Breton

M. Jean-Yves Le Déaut

M. Pierre Lequiller

M. Jacques Myard

M. Jean-Louis Touraine

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Denis Baupin

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires

Suite de la discussion d’une proposition de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi tendant à modifier la loi n2011-814 du 7 juillet 2011, relative à la bioéthique, en autorisant sous certaines conditions la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires (nos 473, 825).

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour un rappel au règlement.

M. Xavier Breton. Monsieur le président, madame la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous avons été un certain nombre à regretter hier que Mme la ministre ne prenne pas la peine de répondre à la motion de renvoi en commission que notre collègue Philippe Gosselin a présentée pendant trente minutes.

La désinvolture, voire le mépris, dont vous avez fait preuve, madame la ministre aura marqué, au-delà de nos bancs, tous ceux qui sont attachés au travail parlementaire. (Approbations sur les bancs du groupe UMP.) D’autant que ce n’est pas la première fois qu’un ministre ne prend pas la peine de répondre à une motion : cela s’était déjà produit avec Vincent Peillon lors de la discussion du projet de loi sur la refondation de l’école.

Voilà pour la forme. Sur le fond, Philippe Gosselin a décliné des arguments, avec lesquels on peut être d’accord ou non, mais qui attendaient des réponses. Nous ne les avons pas eues hier soir ; souhaitons pour aujourd’hui que nos débats permettent un véritable échange et non ce mur de silence. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, l’article unique de la proposition de loi.

Article unique

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, inscrit sur l’article unique.

M. Jean-Frédéric Poisson. Le sujet dont nous avons commencé à discuter au mois de mars est évidemment d’un e extrême complexité, et je continue à regretter que nos débats n’en tiennent finalement qu’assez peu compte.

Comme le disait hier soir Jean-Christophe Fromentin, nous ne sommes pas ici en effet pour nous prononcer sur la valeur de tel travail scientifique versus tel autre, ni sur la pertinence de tel programme de recherche versus tel autre ; nous sommes là pour faire des choix politiques qui engagent des symboles du droit. Or nous ne disposons pour ce faire que d’éléments à tout le moins controversés, sinon totalement contradictoires.

On nous dit que les patients attendraient impatiemment – pardonnez-moi l’expression – le résultat de nos travaux d’aujourd’hui : je n’en suis absolument pas certain. On nous dit qu’il est quasiment certain que la recherche sur les cellules souches embryonnaires permettrait d’atteindre des résultats très attendus : personne n’en est davantage certain et ne saurait raisonnablement s’engager sur ce point, même s’il faut reconnaître par ailleurs que la recherche sur les cellules dites IPS ne présente pas toutes les garanties – ce qui est tout à fait exact, et que personne d’ailleurs ne conteste.

Au fond, ce que ce débat montre mal, c’est que vous avez fait un choix, ce qui est votre droit, mais je vous demande de l’assumer : un choix politique qui ne repose en réalité sur aucune espèce de certitude scientifique, aucun programme réussi, aucune espèce de perspective efficace à court terme. Vous voulez nous imposer des choix qui relèvent de choix de civilisation en les camouflant derrière des certitudes qui n’existent pas. Ce sont ces choix que nous vous demandons d’assumer, et j’espère que nos débats permettront de le faire apparaître.

Pardonnez-moi d’avoir été un peu long, monsieur le président.

M. le président. Je vous rappelle que le temps imparti pour les interventions est de deux minutes.

La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite revenir sur la loi du 7 juillet 2011, qui faisait suite à deux autres textes, celui de 1994 et celui de 2004, et qui engageait une révision des lois bioéthiques tout en respectant les grands principes de notre droit, notamment le respect de la dignité humaine. Il ne faut pas oublier en effet que l’embryon humain correspond à une période de développement de l’être humain : on ne saurait le réduire à un amas de cellules.

M. Xavier Breton et M. Marc Le Fur. Bravo !

Mme Véronique Louwagie. L’éthique doit être respectée. Je sais que le mot ne convient pas – cela a été rappelé par un de nos collègues hier –, mais c’est important.

Le régime instauré par la loi de 2011 traduisait la recherche d’un équilibre : l’interdiction assortie de dérogations est en effet respectueuse de l’humanité de l’embryon ; cela étant, les projets de recherche autorisés au cas par cas pour toute recherche susceptible de permettre des « progrès médicaux majeurs » restent possibles.

Que se passe-t-il aujourd’hui ? Moins d’un an après la mise en œuvre de la loi de 2011, sans avoir pris le temps d’une évaluation, vous souhaitez la modifier. Pourtant, Jean Leonetti le rappelait hier, nous disposons d’un dispositif législatif adapté. Qui plus est, alors que le régime de la loi de 2011 était l’aboutissement d’un vaste processus de révision, incluant une mission parlementaire et des états généraux de la bioéthique, vous cherchez à le réformer en catimini, en secret, sans débat digne de ce nom, alors même que la loi de 2011 prévoyait un débat public sous forme d’états généraux avant tout projet de réforme sur les questions de bioéthique : autrement dit, vous vous affranchissez donc de la loi, vous contrevenez à la loi : ce n’est pas digne de parlementaires.

M. Paul Giacobbi. C’est la puissance du législateur !

Mme Véronique Louwagie. Et tout cela pourquoi ? Pour autoriser plutôt qu’interdire en ménageant des dérogations. En retenant un régime d’autorisation encadrée, cette proposition de loi renverse et bouleverse les valeurs fondamentales de notre société que nous devons – que nous devrions – fonder sur le respect de l’être humain. Le maintien du principe d’interdiction assorti de dérogations est vital pour que notre société reste pleinement humaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean Leonetti.

M. Jean Leonetti. Il y a de cela peu de temps, à l’occasion d’une proposition de loi qui visait à améliorer le droit des malades en fin de vie et qui concernait les directives anticipées et la sédation terminale, la ministre et la majorité nous ont, ici même, inlassablement répété le même argument : il fallait attendre la saisie du Comité consultatif national d’éthique Il se trouve que le Comité a dit exactement ce que nous proposions dans notre proposition de loi. Mais nous avons accepté d’attendre, même si nous pensions que le comité aurait rendu son rapport plus rapidement et que nous aurions pu y confronter notre travail de législateur.

Aujourd’hui, le Comité d’éthique n’existe plus, il ne vous intéresse plus ! Pourtant, il parle bien dans son avis antérieur, à propos des embryons in vivo à visée de recherche, d’une « question éthique majeure ». Mais, pour une fois, il n’a pas émis d’avis directif ; il s’est borné à faire part d’un certain nombre de réflexions. Il serait donc temps de lui demander aujourd’hui cet avis directif.

M. Patrick Hetzel. Très juste !

M. Jean Leonetti. Quant aux états généraux de la bioéthique, ils ont eu lieu et ont conclu à la nécessité de mettre en place un régime d’interdiction et un régime d’autorisations. C’est ce que nous avons donc fait, faisant porter l’interdiction sur l’embryon pris dans sa totalité, tout en acceptant des autorisations encadrées sur des thématiques, qui sont à peu près les mêmes que celles que nous évoquons aujourd’hui, qui doivent garantir la visée médicale de la recherche et l’absence de réification de l’embryon.

Un troisième point m’inquiète enfin : le fait que deux grands chercheurs, Marc Peschanski et Philippe Ménasché, aient affirmé ne pas être gênés par une loi, dont je rappelle qu’elle limitait dans le temps leurs autorisations, alors que nous avons rendu ces autorisations pérennes par dérogation : ils estimaient qu’en fait, la multiplication des cellules allait améliorer l’attractivité et la compétitivité de notre industrie.

Je vous demande donc, madame la ministre, de répondre à cette question précise : Votre cabinet ou vous-même avez-vous pris l’avis des laboratoires pharmaceutique sur leur capacité à réaliser une opération industrielle de grande envergure, qui changerait profondément la face de la recherche française ? Cette question est très importante, car sa réponse nous éclairera sur les motivations du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Marc Le Fur. Question gênante !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Avant d’en venir au fond, un mot sur la forme. Nous débattons aujourd’hui d’une proposition de loi dont nous avions commencé l’examen le 28 mars, nous arrêtant cette nuit-là à la fin de la discussion générale. Voilà que ce texte nous revient quelques mois plus tard, sans avoir été modifié, et nous abordons la discussion de son article unique. C’est une situation assez particulière.

On nous a par ailleurs reproché hier soir de faire de l’obstruction. Outre le fait que l’actuelle majorité nous avait habitués à cela sous la précédente législature, reconnaissons que c’est le rôle de l’opposition de faire de l’obstruction. Mais le 28 mars, l’obstruction a bel et bien été le fait de la majorité : quand on a vu la présidente de la commission des affaires sociales nous lire trois fois la lettre du président du comité d’éthique et la ministre nous faire deux fois lecture de la même intervention, mot pour mot…

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. C’est faux !

Mme Marie-Christine Dalloz. …on peut se demander de quel côté se situe l’obstruction…

Pour en revenir au fond, on a le sentiment que vous voulez passer en force. Les auditions auxquelles vous avez procédé se sont déroulées en toute discrétion en catimini ; les députés non membres de la commission des affaires sociales n’en ont pas entendu parler. Vous n’avez pas tenu compte du texte que vous aviez vous-mêmes voté il y deux ans ; c’est une forme de reniement.

Parlons enfin du débat public. Il y a deux ans, il a eu lieu. Il fut riche, intense, documenté. Aujourd’hui, vous faites abstraction de tout cela. Plus rien n’existe, vous n’avez rien retenu du tout, ce qui est franchement dommage. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Votre temps de parole est épuisé, ma chère collègue.

La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. J’ai eu la chance, sous la précédente législature, de participer à la commission spéciale dont notre collègue Jean Leonetti était le rapporteur et Alain Claeys le président. Ce fut un grand moment de l’activité parlementaire. Nous avons fait la démonstration que nous pouvions travailler de façon sérieuse ensemble et que le fait d’avoir des avis divergents ne nous empêchait pas d’aller au fond des choses.

Je me souviens que le président Claeys allait toujours au fond des choses, répondait à nos questions et donnait la possibilité aux uns et aux autres de s’exprimer. Je constate qu’il est absent aujourd’hui, comme il l’était le 28 mars, et je suis convaincu qu’il n’approuve pas la manière dont nous travaillons aujourd’hui.

Vous avez opté pour une procédure extrêmement sommaire. Pas d’avis du Conseil d’État, alors que, depuis la révision constitutionnelle de 2008, il peut être sollicité sur une proposition de loi. Son avis aurait été le bienvenu. Pas davantage d’avis du Comité national d’éthique : c’est d’autant plus surprenant que vous ne manquez pas de le solliciter en d’autres occasions.

Les auditions ont par ailleurs été extrêmement limitées : onze scientifiques – ou se prétendant tels – auditionnés, mais aucune instance morale, religieuse ou sociale…

M. Paul Giacobbi. Mais l’affaire est scientifique, pas religieuse !

M. Marc Le Fur. Non, le débat n’est pas seulement un débat scientifique. Vous faites un contresens, mon cher collègue ! C’est aussi un débat de société : il s’agit de la personne humaine, fût-elle encore une personne humaine potentielle, mais vous refusez de l’admettre.

Non seulement ce débat est tronqué, mais il est faible : Onze personnes auditionnées ! Certes, vous faites tout de même mieux que le Sénat qui n’en a entendu que quatre… Nous ne nous donnons même pas les moyens de travailler correctement dans cette enceinte. Nous ne sommes pas à la hauteur de ce débat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Hetzel. Les radicaux ne seraient donc plus des humanistes ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin.

M. Jean-Christophe Fromantin. De cet article unique découlent trois engagements qui rendent ce texte extrêmement difficile à accepter : on autorise la recherche, on ouvre les critères, on transfère la responsabilité. On autorise la recherche en ouvrant toutes les possibilités de travailler sur l’embryon. On va même encore plus loin : on en rajoute une couche en élargissant les critères, avec des notions de finalité médicale ou de pertinence scientifique terriblement subjectives. Enfin, on transfère la responsabilité. C’est là dans l’ajout de ces trois strates – autoriser, ouvrir, transférer – que réside tout le risque de ce texte. Si le législateur avait au moins pris la précaution de nuancer une seule de ces étapes, sans doute aurait-il été plus acceptable à la base.

Les amendements que nous allons vous présenter vous proposeront d’agir sur l’une de ces trois strates. Allons-nous choisir de nuancer l’autorisation ? Les critères ? Le transfert de responsabilité ? Cet article unique ouvre un véritable débat, mais il nous manque malheureusement l’éclairage du comité consultatif national d’éthique qui aurait justement pu nous alerter sur tel ou tel de ces trois points. C’est malheureusement dans cette enceinte que nous allons devoir trancher et je regrette moi aussi que nous n’ayons pas pu échanger davantage pour mieux nous y préparer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Il y a le fond – je crains que nous ne le touchions – et la méthode. On parle parfois du Discours de la Méthode : cette fois-ci, nous avons plutôt affaire à un discours d’absence de la méthode, avec une proposition de loi défendue au Sénat par les radicaux et aujourd’hui faussement portée par le Gouvernement. Pourtant, les conséquences en seront bien réelles et nous pouvions légitimement attendre une certaine publicité autour de ce texte. Or nous n’avons rien : pas d’avis du comité consultatif national d’éthique, pas d’avis du Conseil d’État, pas d’états généraux, des auditions – si tant est que l’on puisse parler d’auditions – plutôt à charge qu’à décharge puisque seulement onze personnes ont été auditionnées, y compris pendant la période de suspension des travaux parlementaires. C’était le meilleur moyen de s’assurer de notre présence et de notre participation ! On a beau jeu de nous reprocher notre absence, alors que tout avait été arrangé pour que les auditions aient lieu pendant une période où nous ne pouvions être là ! Rappelons par ailleurs que nous avions souhaité une commission spéciale, ce qui nous a été refusé.

Un texte faussement porté par le Gouvernement, disais-je ; je me demande même si la ministre ne serait pas faussement présente, puisqu’elle ne daigne même pas répondre à des motions de renvoi en commission. Nous atteignons là le summum du mépris, sinon vis-à-vis de l’auteur de la motion, en tout cas à l’égard de la représentation nationale. À tout le moins, quand on maîtrise son sujet, on peut trouver quelques mots, même un peu emplumés.

M. Jacques Myard. Elle ne sait pas quoi dire !

M. Philippe Gosselin. On vous a vue, madame la ministre, la nuit du 28 mars, dans un état d’euphorie un peu différent, relire avec Mme la présidente de la commission des affaires sociales quelques passages de votre discours précédent…

Mme Geneviève Fioraso, ministre. C’est faux.

M. Philippe Gosselin. Nous aurions pu nous en contenter : nous ne sommes pas bégueules… Quelques mots nous auraient suffi ; vous n’avez même pas eu cette dignité et je le regrette. Cela aurait donné de la hauteur à nos débats qui s’en trouvent évidemment bien mal engagés.

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. Nous aurons l’occasion d’aborder le fond lors de l’examen des amendements mais je voudrais à mon tour insister sur les conditions déplorables dans lesquelles ce texte est examiné. Nous retrouvons une vieille méthode du Gouvernement qui, sur des sujets qui divisent, veut passer en force alors que la responsabilité commanderait de nous réunir sur des sujets urgents. Tous les sujets sont importants, mais il y avait plus urgent à faire que de diviser les Français sur ces questions de société.

Nous avons d’abord eu le refus du débat : pas d’états généraux alors que la loi que nous avons votée nous y incitait, pas de commission spéciale – bien sûr, la commission des affaires sociales a été saisie, mais ceux qui n’en étaient pas membres n’ont pas pu y participer.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas interdit !

M. Paul Giacobbi. Le règlement le permet !

M. Xavier Breton. Nous avions eu dix-huit mois de débats autour de Jean Leonetti, d’Alain Clayes. Les auditions avaient été très complètes, largement ouvertes et nous n’avions pas seulement reçu des scientifiques favorables au projet. Elles n’avaient pas été partiales comme celles que vous avez organisées !

Nous avons ensuite subi le ridicule du débat du 28 mars où les ministres, les présidents de commission, ne sachant plus que dire, reprenaient leurs discours et les répétaient, marquant ainsi leur mépris à l’endroit du Parlement.

M. Olivier Véran. Mais pas du tout !

M. Xavier Breton. Nous voici avec un texte inscrit en plein été, à quelques jours du 14 juillet, en catimini. Notre calendrier est bouleversé du jour au lendemain, ce qui est scandaleux. Et hier, la ministre n’a pas daigné répondre à la motion de renvoi en commission présentée par M. Gosselin alors qu’il avait développé pendant une demi-heure des arguments sérieux. On peut ne pas être d’accord, mais vous n’avez pas daigné en dire un seul mot, ce qui est révélateur de la manière dont vous vous acharnez à vouloir faire passer ce texte. Or cet acharnement est suspect, car il n’est pas possible qu’il ne réponde qu’à une simple logique législative. Nous vous démontrerons tout au long de cette journée que différents intérêts se cachent derrière lui.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Dion.

Mme Sophie Dion. Je voudrais faire deux remarques, sur la méthode et sur le fond.

Il n’est pas inutile de le rappeler, ce texte touche à ce que nous avons de plus intime et de plus profond. Il nous rappelle en cela des débats vifs et récents, mais la méthode est malheureusement toujours la même : de la précipitation, pas d’écoute, pas de débat citoyen, pas de précaution…

M. Philippe Gosselin. Passage en force !

M. Xavier Breton. Peur du peuple.

Mme Sophie Dion. Passage en force et peur effectivement de ce que chacun d’entre nous pense.

Nous sommes à quelques jours en effet du 14 juillet : vous nous donnez une nouvelle preuve du mépris que vous portez à tous ceux qui représentent ici le peuple français.

M. Paul Giacobbi. À l’entendre, il faudrait différer le défilé ! J’ai rarement entendu propos aussi déplacés !

Mme Sophie Dion. Sur le fond, la loi de 2011 fixe l’état de notre droit. C’était un bon texte, issu d’une bonne méthode et qui satisfaisait l’ensemble des chercheurs.

Que proposez-vous aujourd’hui ? Un texte qui va élargir considérablement la recherche sur l’embryon au mépris de toutes les règles de droit, mais surtout dont le seul but sera la « finalité médicale ».

Arrêtons-nous un instant sur cette expression qui ne veut rien dire. Le terme de « finalité », en soi, est totalement imprécis, totalement vague, totalement flou. Il autorise toutes les imprécisions et, partant, toutes les dérives.

Je voudrais simplement rappeler pour conclure, monsieur le président, que nous sommes des juristes, que nous siégeons dans une assemblée qui légifère et qu’un certain nombre de règles essentielles s’imposent à nous, en particulier l’article 16 du code civil et surtout la dignité de la personne humaine, érigé en principe constitutionnel dans notre loi fondamentale à la suite précisément de manipulations. Il est essentiel de rappeler ce que nous sommes, et d’insister sur le respect de la vie privée et de la dignité de la personne humaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Jamais nous n’avons connu autant sur l’intimité de la matière. Jamais nous n’avons connu autant sur les mécanismes de la vie. Jamais nous n’avons, nous humains, eu autant de pouvoir, de puissance pour agir sur la vie et la matière. Mais je redoute un temps à venir, un temps qui n’est pas très lointain et qui peut-être est déjà venu au-delà de nos frontières, un temps où nous aurons l’occasion de voir des puissants s’arroger le droit d’utiliser le plus intime d’autres êtres humains, leur patrimoine génétique, le temps où certains puissants pourront se constituer des stocks de cellules embryonnaires pour prolonger leur vie.

Vous cédez une fois de plus, mes chers collègues, à l’hybris, à la volonté de puissance sans aucune limite, parce que nous vivons dans une société qui, certes, n’a jamais eu autant de connaissances mais qui n’a jamais été aussi morcelée, aussi peu sensible à quelque transcendance que ce soit : aucune transcendance dans notre société aujourd’hui, seulement des êtres humains atomisés, seuls face à leur propre finitude, des êtres humains que vous livrez au consumérisme sans aucune autre ambition politique que celle de légiférer à court terme sans prévoir la France de demain.

Une fois de plus, vous jouez aux apprentis sorciers parce que vous cédez à cette volonté de puissance, sans aucun frein, sans aucune limite, sans conscience, sans état d’âme et sans aucune élévation. Quelles que soient vos croyances et vos convictions, le chercheur et le scientifique ne demandent pas à être isolés, ils ne demandent pas à être seuls à prendre les décisions : ils demandent à être aidés, encadrés par la société et le législateur. Aujourd’hui, vous cédez une fois de plus à la société des marchands, vous cédez une fois de plus à cette vision à court terme, sans ambition pour vous-mêmes, sans ambition pour la France, sans ambition pour l’humanité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Marc Le Fur. Très bien !

M. Paul Giacobbi. J’ai rarement entendu des choses aussi affligeantes ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Sophie Dion. Vous êtes jaloux !

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Hier soir, nous avons assisté à un spectacle assez incroyable. Deux motions ont été défendues sur un texte relatif à la recherche mais au lieu d’engager un véritable débat, d’apporter une véritable argumentation, la représentante du Gouvernement, en l’occurrence Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche n’a pas du tout répondu. J’ai trouvé cela particulièrement choquant.

M. Jacques Myard. Cela donne une idée de son seuil de compétence…

M. Patrick Hetzel. Madame la ministre, vous êtes également représentante de la communauté des universitaires et des chercheurs, puisque vous dirigez le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Votre attitude n’en est que plus choquante.

Cela étant dit, venons-en à un aspect strictement scientifique. En entendant hier les premiers éléments d’argumentation, nous avons eu le sentiment qu’il n’y avait qu’une seule vision. Une seule partie, je dis bien une seule partie, de la communauté scientifique a été convoquée. Or ce qui fait la richesse de la science, ce sont les controverses, ce sont elles qui la font avancer. Le sujet de la recherche sur l’embryon n’emporte pas l’unanimité. Il n’y a pas consensus, les avis divergent. Dès lors, avant que le politique ne puisse trancher, il est important qu’il soit avisé de l’ensemble de ces controverses. Pour ce faire, il est essentiel de consulter ceux qui ont un avis éthique sur cette question. Il existe un Conseil consultatif national d’éthique : il n’a pas été consulté. C’est une véritable insulte à l’adresse de la communauté scientifique.

Là est le problème de fond : vous insultez la communauté scientifique et vous voulez passer en force. C’est inacceptable. Nous ne pouvons que protester car, une nouvelle fois depuis un an, vous jouez aux apprentis sorciers. C’est scandaleux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Bompard.

M. Jacques Bompard. Cette loi est dépassée. Mon intervention a pour but d’interdire toute possibilité de recherche sur les embryons humains et les cellules souches embryonnaires, car l’état de la recherche rend inutile cette utilisation de l’embryon au mépris du vivant comme le veut le matérialisme qui submerge notre société.

Il n’est qu’à se reporter au compte rendu des travaux de la commission : à la question de l’alternative parfaite que représentent les cellules souches adultes reprogrammées, Mme la rapporteure répond que « l’alternative est un faux débat, tous les scientifiques que nous avons auditionnés l’ont confirmé. » Ce disant, elle refuse à l’éminent professeur Alain Privat le statut de scientifique – l’intéressé dénoncera d’ailleurs lui-même ce mensonge la semaine suivante.

En réalité, par leur reprogrammation, les cellules souches adultes retrouvent la pluripotence caractéristique des cellules souches embryonnaires. De surcroît, leur efficacité est supérieure à celle des cellules embryonnaires car elles remédient aux nombreux problèmes de rejets post-greffes jusqu’alors inévitables, et se révèlent de surcroît moins tumorigènes.

À défaut de pouvoir affirmer la supériorité des cellules souches embryonnaires, la rapporteure se contente de mettre en avant leur prétendue plus grande facilité de manipulation… comme si la facilité justifiait de passer par-dessus les principes !

La troisième condition à l’autorisation de la loi impose que la recherche ne puisse être menée sans recourir à ces embryons ou à ces cellules souches embryonnaires. Or, de fait, compte tenu de l’état actuel des connaissances, cette condition invalide sans conteste toute recherche sur l’embryon.

Dernier prétexte invoqué : les embryons surnuméraires n’ont pas d’autre avenir que l’arrêt de leur vie. Mais qui peut bien se prévaloir de notre avenir ? En réalité, vous cherchez une nouvelle fois à briser un tabou, celui de la non-marchandisation de l’homme. Vous niez le caractère transcendental de l’homme pour vous rapprocher de votre objectif : que l’homme ne soit plus qu’un consommable et commercialisable.

M. le président. La parole est à Mme Marion Maréchal-Le Pen.

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Le problème dans ce débat, madame la ministre, c’est que vous n’avez pas compris que la politique n’est pas seulement un auxiliaire de l’économie. La politique est aussi faite de symboles, de symboles forts. En passant d’un régime d’interdiction avec dérogations à un régime d’autorisation, de fait, vous niez la dimension humaine de l’embryon.

J’ai entendu Mme la rapporteure nous expliquer hier que les embryons in vitro n’avaient pas la même valeur que les autres. Les enfants issus de PMA apprécieront !

Vous nous parlez de compétitivité économique comme si c’était le sujet aujourd’hui, comme s’il n’y avait pas d’autres pays dans le monde qui continuent à restreindre et à limiter la recherche sur l’embryon. Votre comportement traduit un certain malaise : contrairement à ce que vous soutenez, il y aura bel et bien des bouleversements juridiques, puisque l’exigence du progrès médical va être remplacée par la finalité médicale. Or la finalité médicale est précisément le terme utilisé dans un rapport de 2008 réalisé par l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques pour permettre l’utilisation des cellules souches en vue de diminuer le coût de développement des médicaments. L’argument est donc bien la loi du marché.

Parallèlement, vous supprimez dans la loi de 2011 la disposition aux termes de laquelle les recherches alternatives à celles de l’embryon humain et conformes à l’éthique doivent être favorisées. C’est absolument scandaleux quand on sait que la majorité des progrès thérapeutiques ont précisément été réalisés grâce aux cellules souches adultes, mais aussi grâce aux cellules souches du cordon ombilical, quand on sait également que la méthode alternative des cellules de l’IPS – les cellules pluripotentes induites – est en plein développement et qu’elle commence à faire ses preuves.

Au lieu de développer ces cellules, vous préférez faire adopter une loi qui est un non-sens. Heureusement, une directive européenne de 2010 relative à la protection des animaux fixe comme objectif le remplacement total des procédures scientifiques appliquées aux animaux sous forme embryonnaire ou fœtale par des méthodes alternatives… Nous voilà rassurés : Demain, on protégera l’embryon de la baleine, mais on pourra faire des recherches sur l’embryon humain !

M. le président. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Chers collègues, j’entends plusieurs d’entre vous parler d’un débat qui aurait lieu en catimini. Ce n’est pas la réalité.

M. Jean Leonetti. Ah bon ?

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Nous débattons de la bioéthique tous les cinq ans : c’était une obligation jusqu’à la toute dernière loi. Le Sénat, pour sa part, en a débattu pendant deux séances avant d’adopter ce texte. Nous avons essayé d’en parler plus largement le 28 mars dernier sans pouvoir le faire, et ce n’était pas de notre fait. Puis il y a eu les travaux de la commission, dont la rapporteure a très bien parlé hier.

Les arguments juridiques que vous nous opposez en ce qui concerne l’organisation d’un débat ou d’états généraux ne me semblent pas fondés pour la raison suivante : il s’agit non de remettre en cause ou de revoir l’ensemble de la législation relative à la bioéthique, mais seulement de modifier une disposition particulière de cette législation.

M. Xavier Breton. C’est ce que prévoit la loi !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Non. Les états généraux ne sont prévus que dans le cas d’un réexamen général des lois de bioéthique, comme cela s’est passé pour la loi de 2011. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean Leonetti. Pas du tout !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Je l’ai sous les yeux ! Mais je ne veux pas allonger mon propos à l’excès.

M. Philippe Gosselin. On peut toujours fouler la loi aux pieds !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. D’autre part, l’article L. 1412-1-1 de la loi dispose que « tout projet de réforme doit être précédé de… » Il ne s’agit pas d’un projet de loi… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Gosselin. Ce n’est qu’une PPL !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. … mais d’une proposition de loi.

M. Jacques Myard. C’est un aveu !

M. Xavier Breton. Tout s’explique !

M. le président. La parole est à M. Schwartzenberg et à lui seul.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Je ne peux répondre à vos arguments juridiques que par des arguments juridiques.

Il s’agit d’une proposition de loi, non d’un projet de loi.

M. Philippe Gosselin. C’est très intéressant !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. C’est la réalité.

Surtout, au plan matériel, les états généraux ont eu lieu en 2009 et se sont conclus sur ce sujet par ce que rappelait hier Mme Orliac : une approbation des citoyens consultés sur l’autorisation des recherches sur les cellules souches embryonnaires.

Vous ne voulez pas en tenir compte. Vous réclamez des états généraux. Quand il y a des états généraux et une conclusion qui est favorable à nos thèses, vous ne voulez pas en tenir compte. J’ajoute que le comité d’éthique a, dès 2001, émis un avis favorable à ces recherches.

Quant aux cellules IPS, chacun sait ici que leurs potentialités ne sont pas encore totalement mesurées et qu’elles ne sont pas exemptes d’un risque oncogène, à la différence des cellules souches embryonnaires. C’est un aspect tout à fait central : privilégier des cellules qui comporteraient un tel risque par rapport à d’autres serait un pari à mes yeux insusceptible d’être retenu.

M. Philippe Gosselin. Le chronomètre du président se serait-il bloqué ?

M. Jean Leonetti. Le temps de parole n’est pas le même pour tous...

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. Personne n’est contre la recherche scientifique, c’est une évidence ! Faut-il pour autant fouler aux pieds tout principe pour satisfaire des intérêts à l’évidence mercantiles ou pour ressouder une majorité chancelante ? (Rires sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Faut-il pour autant passer outre le principe absolu du respect de la vie et de la personne humaine qui commence avec l’embryon ? Faut-il pour autant passer d’une interdiction, avec quelques dérogations, à un régime d’autorisation quasi permanente ? Faut-il pour autant s’affranchir de l’avis du comité d’éthique ?

Madame la ministre, quand les limites sont franchies, dit la sagesse populaire, il n’y a plus de bornes. Or nous sommes dans un domaine où, malheureusement, l’histoire nous l’enseigne, les dérives sont légion, et un certain nombre de pays dans le monde s’y abandonnent. Ce ne serait pas véritablement à l’honneur de la France que d’aller dans cette voie.

Souvenez-vous de l’avertissement de M. de Portalis, qui conseillait en son temps de ne toucher aux lois que d’une main tremblante. S’il est un domaine où il faut véritablement avoir en tête cet adage et ce principe, c’est bien celui du respect de la personne humaine. Vous parlez à longueur de temps des droits de l’homme ; eh bien, ils commencent ici ! Alors, soyez cohérents, ne les foulez pas aux pieds ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. Madame la ministre, permettez-moi de faire plusieurs remarques.

Sur la forme, d’abord, vous êtes en train de faire passer au forceps cette réforme, peut-être parce que vous avez peur du peuple. Vous êtes en train de fouler aux pieds les principes mêmes que nous avions votés ici ensemble dans cet hémicycle, dans le consensus.

Sur le fond, vous savez que les chercheurs n’ont jamais été gênés par les textes actuels, mais peut-être êtes-vous dans les mains des lobbies qui voient enfin l’occasion de se précipiter en France pour faire de la recherche sur l’embryon ? Ce que vous appelez un amalgame de matière, un magma de matière, nous le considérons autrement. Nous, nous respectons l’avis du comité consultatif national d’éthique : nous pensons qu’il s’agit d’autre chose, et que cette chose fragile doit être protégée.

Je suis choquée de constater que, pour réexaminer ce texte, la communauté scientifique n’a pas été consultée, que l’on a méprisé ses avis. Je me souviens comment, sous la précédente législature, nous avons examiné les textes relatifs à la bioéthique. D’abord, on vient d’y faire allusion, nous avons touché les textes d’une main tremblante, avec précaution. Qui plus est, je me rappelle que nous avions la liberté de vote : je n’ai pas toujours été d’accord avec mes collègues, y compris de la majorité, pour faire passer un certain nombre de choses.

M. Jacques Myard. C’est vrai, c’est arrivé !

Mme Valérie Boyer. Néanmoins, nous avions la liberté de vote : chacun a pu s’exprimer et faire passer des messages. Nous avons toujours considéré que, sur ces questions d’éthique, c’était la conscience de chaque député qui devait s’exprimer, pas les consignes d’un parti. On voit bien que vous êtes dans une démarche dogmatique. Sans doute avez-vous peur du peuple, sans doute sentez-vous que vous perdez pied, que vous êtes dépassée…

M. Marc Le Fur. Très juste !

Mme Valérie Boyer. …que le texte que vous présentez n’a plus lieu d’être aujourd’hui, compte tenu des évolutions de la science, largement débattues. Mais peut-être voulez-vous encore céder à vos chimères dépassées.

Vous méprisez également l’article 46 de la loi bioéthique. Monsieur Schwartzenberg, j’avais votre bouquin lorsque j’étais étudiante…

M. Thierry Braillard. Très bonne lecture !

Mme Valérie Boyer. Je suis désolée, mais je m’attendais à autre chose aujourd’hui qu’à votre lecture de l’article 46. Quand on modifie, on convoque, nous dit la loi de bioéthique. Aujourd’hui, vous voulez l’embryon pour tous. Ce n’est pas notre conception. Nous voulons protéger les plus fragiles et je suis vraiment choquée du mépris avec lequel vous abordez un débat aussi majeur pour les Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour un rappel au règlement.

M. Alain Tourret. Son enseignement a été mis en cause !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Pas du tout ! Cela a été fait avec une indulgence extrême ! Une indulgence excessive !

Je souhaite répondre en toute amitié à Jacques Myard, dont j’ai écouté les propos avec grand intérêt. Cela étant, je me rappelle qu’il avait voté en janvier 2002 le projet de loi présenté par le Gouvernement Jospin qui posait un principe : l’autorisation de ces recherches.

M. Jean Leonetti. Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Le droit sacré d’évoluer existe, mais peut-être pas d’évoluer au point de brûler ce que l’on avait admis il y a quelques années !

Article unique (suite)

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements de suppression de l’article unique.

La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n1.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je voudrais rappeler, dans le cadre de la défense de cet amendement, que l’éthique est la science de la morale et des mœurs. Je peux entendre que ce débat sur le fond, sur la science de la morale et des mœurs puisse vous gêner. Pourquoi pas ? Quand on sait certains sujets que vous abordez en occultant précisément ces éléments…

Mais trouver des équilibres au plan éthique, c’est notre responsabilité et c’est votre devoir. Le législateur a besoin d’encadrer le débat éthique. Le débat éthique mérite, impose une réflexion structurée, apaisée avec les citoyens, ce que vous ne voulez pas faire, avec le comité d’éthique et avec la communauté scientifique, ce que vous refusez aujourd’hui.

Non, l’embryon humain n’est pas seulement un amas de cellules, qu’il est encore moins un « matériau » comme je l’ai entendu dire lors des débats initiaux. L’embryon, c’est une personne humaine potentielle. Que vous le vouliez ou non, tels sont la réalité et le fond du débat éthique.

Vous vous présentez sans cesse comme les preux chevaliers de la transparence de la vie publique et de la politique, vous vous vantez sans cesse de chasser tous les conflits d’intérêts ; pourtant, j’ai bien entendu Mme la ministre dire hier, au début de son intervention, que c’était un sujet économiquement important. Si l’on veut vraiment parler de transparence, reconnaissons que l’embryon est le théâtre de réels conflits d’intérêts potentiels. Sincèrement, ce débat mérite beaucoup mieux qu’une simple transposition sur le plan économique. Il faut revenir à des valeurs et à l’éthique.

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n43.

M. Marc Le Fur. Je commencerai par un rappel au règlement avant d’en venir à mon amendement. Le président Schwartzenberg a évoqué une position qui fut celle d’un certain nombre de nos collègues en 2002. Ce n’est pas faux, j’en conviens. Mais un élément est venu totalement changer la donne : à l’époque, il n’y avait pas d’alternatives à la recherche sur des cellules embryonnaires. Désormais, celles-ci existent et c’est encore plus net qu’il y a dix-huit mois ou deux ans, lorsque nous travaillions ensemble avec le président Claeys et Jean Léonetti : à l’époque, on savait déjà que des cellules non embryonnaires pouvaient déjà nous permettre d’évoluer, et cela a été confirmé depuis par les travaux du professeur Yamanaka, ce qui lui a valu d’être honoré du Prix Nobel.

M. le président. Cela n’a rien à voir avec le règlement, mon cher collègue.

M. Marc Le Fur. Ce n’était pas davantage le cas pour l’intervention du président Schwartzenberg!

M. le président. J’entends bien, mais venez-en à votre amendement.

M. Marc Le Fur. J’en viens à la défense de mon amendement et vous remercie de votre indulgence, monsieur le président.

Vous disiez très justement hier, madame la ministre, que les clivages rappellent ceux du débat sur la famille tenu il y a quelque temps. C’est logique, comme le disait tout à l’heure notre collègue.

Mme Joëlle Huillier. Bien sûr, c’est logique !

M. Marc Le Fur. Votre logique demeure inchangée : c’est celle du besoin, voire du caprice, c’est la logique utilitariste mettant systématiquement en balance coûts et avantages. C’est la logique anglo-saxonne, et elle joue à plein. Notre logique est tout autre : le législateur se doit d’abord de protéger le plus faible. C’était l’enfant dans le débat que nous avions il y a plusieurs semaines sur la famille, c’est désormais l’embryon, personne humaine potentielle. D’ailleurs, cela n’est pas contesté. Vous n’osez même pas remettre en cause l’article 16 du code civil que l’adoption du texte bafouerait, ce que vous n’osez pas dire. Nous nous rangerons pour notre part toujours du côté du plus faible et si le législateur a un rôle, ce n’est pas de se faire l’expression des lobbies et des intérêts économiques !

M. Patrick Hetzel. Eh oui !

M. Thierry Mandon. Cela n’a rien à voir ! Il s’agit de thérapeutique !

M. Marc Le Fur. Vous avez vous-même clairement avoué hier soir, madame la ministre, sans ambiguïté aucune : vous êtes l’expression de réalités économiques. Il n’est d’ailleurs pas illégitime d’en tenir compte, mais nous considérons que cela ne doit pas prévaloir sur la défense des plus faibles, en particulier celle de la personne humaine potentielle qu’est l’embryon. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour soutenir l’amendement n51.

Mme Valérie Boyer. L’amendement n51 tend bien évidemment à supprimer l’article unique. Comme le précise l’exposé des motifs, la nouvelle rédaction du code de la santé publique adoptée en première lecture par le Sénat induit un bouleversement majeur des conditions de la recherche sur l’embryon et les cellules-souches embryonnaires, nous venons d’en discuter largement. À un régime d’interdiction assorti de dérogations, le texte substitue un régime d’autorisation encadrée. C’est sans débat ni raison et avec la complicité du Gouvernement que la majorité socialiste s’acharne à détruire les principes fondateurs de notre société. Le respect de l’embryon humain, qui est au cœur du droit bioéthique français, est aujourd’hui menacé. Faut-il rappeler qu’en vertu de l’article 16 du code civil, « la loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie » ? Comme le relève Jürgen Habermas, l’autorisation de conduire des recherches sur l’embryon transforme la perception culturelle de la vie humaine. C’est pourquoi nous débattons ici aujourd’hui. Nous avons envie que le débat ne soit pas volé aux Français.

Lors des révisions de la loi de bioéthique en 2004 et 2011, le principe éthique essentiel d’interdiction de la recherche sur l’embryon avait été maintenu, réaffirmé et assorti de dérogations formant un compromis entre la reconnaissance de la dignité de l’embryon humain et la volonté de ne pas empêcher les avancées thérapeutiques rendues possibles par la recherche scientifique. Un renversement au profit du principe d’autorisation est loin d’être anodin. La promotion de la recherche sur l’embryon ainsi opérée par la majorité socialiste et le Gouvernement, sans organisation d’états généraux de la bioéthique pourtant prescrits par la loi de 2011 comme préalable à toute modification, est d’autant plus inacceptable que l’expertise scientifique a prouvé que les cellules non embryonnaires dépassent aujourd’hui les cellules-souches embryonnaires !

M. Marc Le Fur. Exactement !

M. le président. Merci, madame Boyer.

Mme Valérie Boyer. Puis-je finir, monsieur le président ?

M. le président. Oui, mais en quelques secondes car votre temps de parole est écoulé. (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Paul Giacobbi. C’est un vrai pensum ! Cela va durer une demi-heure !

Mme Valérie Boyer. Avant même d’envisager toute modification des conditions de la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnairesa fortiori d’opérer un tel bouleversement du principe d’interdiction, il faut avant tout organiser des états généraux de la bioéthique sous forme d’un débat public ouvert à tous.

M. le président. Je pensais que c’était votre conclusion, madame Boyer. Votre temps est écoulé.

La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n53.

M. Philippe Gosselin. M. le président a été très urbain, il faut le noter, et le remercier pour notre collègue.

Nous en venons au moment essentiel : la suppression de l’article unique.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Parce que c’est vous qui parlez ?

M. Philippe Gosselin. Nullement, madame la présidente. J’aurais aimé vous entendre hier soir mais vous étiez absente de ces bancs, c’est bien regrettable ! Nous aurions pu vous entendre dès la nuit dernière, ne nous gâchez pas le plaisir par quelques remarques acerbes, je vous en prie ! Vous aurez le temps de vous exprimer tout à l’heure !

M. Marc Le Fur. Nous vous entendrons tout à l’heure, chère collègue !

M. Philippe Gosselin. M. le président aura l’amabilité de ne pas décompter ce temps d’invectives de mon temps de parole !

M. le président. Ne vous laissez pas troubler, monsieur Gosselin, et avancez !

M. Marc Le Fur. Mme la présidente de la commission des affaires sociales est en effet troublante ! (Rires.)

M. Philippe Gosselin. Je ne me laisserai pas troubler par la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le président ! Je ne sais si c’est une invite ou un ordre !

Cet article unique mériterait d’être qualifié d’article inique : il revient sur une disposition essentielle de la loi de bioéthique promulguée voilà à peine deux ans. Comme je le disais hier soir, l’encre en est à peine sèche que déjà on s’apprête à modifier en catimini l’un de ses éléments essentiels, en contradiction d’ailleurs avec son article 46 prévoyant des états généraux. Le président Schwartzenberg a fait tout à l’heure un aveu limpide en déclarant que tout cela s’applique à un projet de loi et non à une proposition de loi. L’affaire est claire ! Le Gouvernement tente de tenir une promesse du candidat Hollande mais ne veut pas assumer clairement les choses ni s’exposer à un avis du CCNE, à des états généraux, à un débat public, à un avis du Conseil d’État, j’en passe et des meilleures ! Il fait donc passer un texte essentiel de nuit, à la veille du 14 juillet, par des porteurs de valise – je ne vois pas d’autre terme.

M. Marc Le Fur. De sinistre mémoire !

M. Thierry Braillard. Ce n’est pas du tout ça !

M. Philippe Gosselin. Delphine Batho, on me permettra cette transition, dénonçait les lobbys qui œuvrent dans l’ombre. Quels sont les lobbys qui se cachent derrière les radicaux de gauche ? Sont-ce les lobbys des laboratoires ? Sont-ce les lobbys pharmaceutiques ? Ou d’autres encore, moins avouables, plus sombres et plus dissimulés ? Je ne sais. J’aurais en tout cas aimé que le Gouvernement ait le courage de présenter lui-même le texte au lieu de le confier à d’autres, et qu’il en assume toutes les conséquences ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour un rappel au règlement.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Être traité de porteur de valise est sans doute anodin, mais ce n’est pas habituel.

M. Thierry Mandon. C’est même lamentable !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Je préférerais en tout cas que les débats se déroulent dans la sérénité. Quoi qu’il en soit, on ne peut pas faire parler les instances qualifiées à leur place. Un rapport du Conseil d’État daté de 2009 est extrêmement favorable à ce que nous proposons, un autre de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et techniques l’est aussi. Un autre…

M. le président. Ce n’est pas un rappel au règlement, cher collègue.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Non, mais enfin cela y ressemble beaucoup !

M. Philippe Gosselin. Ça y ressemble mais ce n’en est pas un, c’est un rappel au règlement Canada Dry ! (Sourires.)

M. Thierry Mandon. C’est ce qu’il y a dans la valise ! (Sourires.)

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Un autre de l’Académie nationale de médecine l’est non moins. Je pourrais citer d’autres instances mais je m’arrête là, car M. Baupin supporte mal l’expression pleine et entière des députés qui ne se situent pas dans le courant dominant. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Julien Aubert. Allons ! Et le respect de la présidence ?

M. le président. Vous voudrez bien ne pas remettre en question la présidence, monsieur Schwartzenberg. Je m’efforce de faire respecter le règlement et nous y avons tous intérêt, y compris ceux qui portent cette loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Gosselin. Bravo, monsieur le président ! C’est ce qui s’appelle faire un flop !

Article unique (suite)

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n112.

M. Xavier Breton. L’amendement n112 vise également à supprimer l’article unique de la proposition de loi. Pourquoi ? Parce qu’il contrevient directement et gravement au principe de protection de l’être humain que notre ordre juridique garantit. Nous tomberons sans doute tous d’accord sur un point – il serait du reste intéressant que celui qui ne le serait pas lève la main et le dise : l’embryon humain appartient à l’espèce humaine. Il ne s’agit pas d’une opinion ni d’une conviction : c’est tout simplement un constat scientifique incontesté.

M. Paul Giacobbi. Pas du tout !

M. Xavier Breton. Je vous invite, monsieur Giacobbi, à prendre la parole et à participer au débat par des échanges intéressants plutôt que de marmonner dans notre dos.

M. Paul Giacobbi. Je ne marmonne pas, cher collègue, je m’exprime !

M. Xavier Breton. La proposition de loi contrevient au principe de protection de l’être humain. Le principe d’interdiction de la recherche sur l’embryon a été préservé à plusieurs reprises lors des lois de bioéthique de 2004 puis 2011, à la suite de débats publics – qui, eux, l’étaient vraiment. Ces débats associaient tous les citoyens et étaient des débats d’envergure. Le principe d’interdiction découle directement de l’article 16 du code civil dont je rappelle qu’il garantit « le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie. »

Ce principe d’ordre public est renforcé par le Conseil constitutionnel qui rappelle dans la décision du 27 juillet 1994 que les embryons, même in vitro, doivent faire l’objet d’une protection adéquate. Enfin, la cour de justice de l’Union européenne a confirmé que l’embryon humain doit bénéficier d’une protection au nom du principe de dignité humaine. On voit bien que l’intégration d’un principe d’autorisation tel que le propose le texte viendrait nier la protection de l’être humain et créerait de graves contradictions au sein de notre droit. C’est pourquoi nous proposons la suppression de l’article.

M. Marc Le Fur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour soutenir l’amendement n269.

M. Jean-Christophe Fromantin. Les premiers avis du comité d’éthique rendus sur la question de la destruction de l’embryon, contiennent des éléments de réponse qui devraient inspirer notre débat d’aujourd’hui. Le comité d’éthique mettait en avant deux considérations : l’énigme de la personne humaine et la notion de moindre mal. L’énigme et le mystère, c’est-à-dire l’impossibilité de parvenir à une certitude bien assurée sur ces problèmes ; le moindre mal, c’est-à-dire la nécessité de faire attention lorsque l’on est dans le doute. Ces deux notions sont toujours d’actualité. L’énigme de la personne humaine « potentielle », comme dit le comité d’éthique, et la notion de moindre mal devraient profiter aux plus faibles et au doute en mettant en lumière le caractère transgressif de la proposition qui nous est présentée. La loi telle qu’elle est aujourd’hui bénéficie aux plus faibles car elle respecte les deux considérations évoquées depuis longtemps par le comité d’éthique. C’est la raison pour laquelle je demande la suppression de l’article unique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Dominique Orliac, rapporteure de la commission des affaires sociales, pour donner l’avis de la commission sur les amendements de suppressions.

Mme Dominique Orliac, rapporteure de la commission des affaires sociales. Les amendements de suppression que vous avez défendus, mesdames et messieurs les députés de l’opposition, ont mis en évidence plusieurs réflexions. J’aimerais d’abord répondre à celles que nous entendues hier sur l’absence de la présidente de la commission des affaires sociales. Dans la mesure où celle-ci était représentée par le vice-président de la commission, ces réflexions étaient donc totalement déplacées : Jean-Patrick Gille était tout à fait habilité à remplacer Mme Lemorton.

M. Philippe Gosselin. Qui n’en était pas pour autant fondée à m’attaquer !

Mme Dominique Orliac, rapporteure. Reste que vos propos étaient vraiment désobligeants.

M. Philippe Gosselin. Les siens ne l’étaient pas moins !

M. Thierry Mandon. C’est lamentable !

Mme Dominique Orliac, rapporteure. De nombreux arguments ont été avancés ; j’en reprendrai quelques-uns. On nous a accusés de précipitation. Précipitation ? Non. Nous avons procédé à des auditions…

M. Jean-Christophe Fromantin. Partiales !

Mme Dominique Orliac, rapporteure. On a d’ailleurs rappelé hier que vous y étiez peu présents, et pas davantage aux débats en commission. Vous avez même fait hier un aveu terrible : finalement, ce n’était pas de construire et de discuter en commission qui vous intéressait ; c’était seulement le débat public, autrement dit de pouvoir argumenter de manière politicienne. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Xavier Breton. Et c’est vous qui dites cela ?

M. Philippe Gosselin. Personne n’a rien dit de tel ! Où est-ce consigné dans le compte rendu ?

M. Marc Le Fur. Même Mme Lemorton n’est pas d’accord !

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure et à elle seule.

Mme Dominique Orliac, rapporteure. En 2011, vous avez auditionné le même nombre de personnes. Les avis du Conseil d’État, du conseil national d’éthique et de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et techniques sont connus. C’est vous qui, en 2011, n’avez pas été capables de les respecter ! Vous n’avez donc pas tenu compte de l’avis des citoyens. Il en a été de même pour la proposition de loi relative à la fin de vie de M. Leonetti, qui peut d’ailleurs être mise en parallèle avec notre proposition de loi sur la bioéthique : trois personnes avaient été auditionnées. Soit à peu près autant de gens, et plutôt favorables. Je ne vois donc pas sur quoi se fonde votre argumentaire !

Mme Véronique Massonneau. Absolument !

Mme Dominique Orliac, rapporteure. Depuis 2004, quasiment tous les rapports et tous les citoyens se sont prononcés en faveur du régime d’autorisation. Vous ne les avez pas écoutés en 2011 : autrement dit vous avez voté contre leur avis.

M. Xavier Breton. Et alors ? On ne suit pas nécessairement leur avis, on demande simplement d’éclairer nos décisions !

Mme Dominique Orliac, rapporteure. Dans ces conditions, qui méprise le peuple ? Il est permis de se le demander.

Vous êtes insultants vis-à-vis de la communauté scientifique, puisque vous avez accusé les chercheurs d’avoir des intentions mercantiles – ils apprécieront. Vous avez également soutenu que le régime mis en place ne leur posait finalement pas de problème. En réalité, l’interdiction avec dérogation suivie de recours les stigmatise et instaure un climat moral délétère – certains les ont même accusés de mener des recherches à des fins d’eugénisme. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)Vous évoquez des scandales qui seraient liés à des laboratoires privés. Or, aujourd’hui, il n’y a aucune demande émanant de laboratoires privés : ce sont les laboratoires publics – l’INSERM, le CNRS – qui demandent à ce que la loi soit modifiée.

M. Jean Leonetti. Ils citent eux-mêmes les laboratoires privés !

Mme Dominique Orliac, rapporteure. Quant à la morale, je veux rappeler qu’en 2011, c’est vous qui avez pérennisé un régime très ambigu et hypocrite…

M. Jean Leonetti. C’est le régime français, et il n’a rien d’ambigu !

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est vrai, c’est une bonne question !

Mme Dominique Orliac, rapporteure. Vous nous accusez de détruire les fondements de notre civilisation, mais si quelqu’un l’a fait, c’est vous en 2011 !

M. Julien Aubert. Eh bien, reconstruisez-les !

Mme Dominique Orliac, rapporteure. Quant à la fine juriste qu’est Mme Maréchal-Le Pen, elle ne pouvait ignorer la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le statut de l’embryon. En 1994, celui-ci a jugé que l’article 16 du code civil ne s’appliquait pas aux embryons in vitro. Le législateur a toujours fait le choix, dès les premières lois de bioéthique, de ne pas poser la question du statut de l’embryon. Le Conseil constitutionnel a donc jugé, en 1994, que le principe du respect de tout être humain dès le commencement de sa vie n’était pas applicable aux embryons in vitro – raisonnement cohérent avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui a jugé que le point de départ du droit à la vie relevait de la marge d’appréciation des États. Il n’est pas non plus contradictoire avec la convention d’Oviedo, selon laquelle il convient de laisser au droit interne le soin de donner les précisions pertinentes quant à la portée de l’expression « être humain ».

Pour toutes ces raisons, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, pour donner l’avis du Gouvernement sur cette série d’amendements.

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le président, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, je veux commencer par dire quelques mots sur la méthode et le débat. Il se trouve que j’ai assisté au débat sur cette proposition de loi à deux reprises au Sénat, où il a été consacré – comme ici – le temps nécessaire à l’examen du texte…

M. Marc Le Fur. Ça a été rapide !

M. Xavier Breton. Deux heures !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. …et je peux vous assurer que le débat s’y est déroulé, à chaque fois, dans une atmosphère très différente de celle qui règne ici. Nous avons pu échanger de façon sereine, sur le fond, entre sensibilités différentes, sans a priori, sans invectives ni injures, sans comportements à tendance sexiste. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Pierre Lequiller. Sexiste ? Mais vous ne bénéficiez d’aucune protection particulière, madame !

Plusieurs députés du groupe UMP. Qu’est-ce que cela signifie ? Précisez !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Bref, le débat s’est déroulé dans de très bonnes conditions et je regrette que, sur un sujet de cette nature, vous ne soyez pas capables de faire preuve de la même sérénité, pourtant nécessaire.

Le débat au Sénat s’est conclu par un vote positif, certains membres de l’UMP ayant d’ailleurs exprimé des sensibilités différentes de celle de leur groupe. L’expression était pluraliste, ce dont on ne peut que ce féliciter, car il s’agit d’un débat touchant à la fois à l’intime, à la société et à la santé, à l’avenir.

M. Julien Aubert. Parce que chez nous, l’expression n’est pas pluraliste ? Vous croyez que nous nous déplaçons en bloc, comme une légion romaine ?

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Dans ces conditions, il me paraît plus que jamais essentiel de relever le niveau du débat.

J’ai cité hier tous les débats parlementaires qui avaient eu lieu. Je ne les citerai pas à nouveau, car j’estime qu’il est inutile de répéter sans cesse la même chose. Depuis ce matin, nous avons entendu trente fois le même argument – fallacieux, par ailleurs, mais nous aurons l’occasion d’y revenir. (« Lequel ? » sur les bancs du groupe UMP.) Je me bornerai donc à rappeler le débat qui s’est tenu en 2002, pour m’étonner que les 50% de députés UMP qui avaient voté favorablement à l’époque, parmi lesquels M. Sarkozy et M. Fillon, ne soient plus présents aujourd’hui – à l’exception de M. Myard, que je salue –, laissant la place à une seule sensibilité. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Xavier Breton. Vous êtes là pour répondre à nos arguments, pas pour nous insulter !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Je veux citer les différents avis que vous m’avez réclamés et qui, comme vous allez pouvoir le constater, existent bel et bien.

L’OPECST s’est prononcé favorablement dans son rapport du 24 février 2000, et à nouveau le 20 novembre 2008, dans un rapport intitulé « La loi bioéthique de demain », rédigé par les députés Alain Claeys et Jean-Sébastien Vialatte.

Le 6 mai 2009, le Conseil d’État, dans une étude sur les lois de révision de la bioéthique, a également rendu un avis positif. L’Académie nationale de médecine en a fait de même le 22 juin 2010.

Le 1er juillet 2009, dans son rapport des états généraux de la bioéthique, le rapporteur Alain Graf a rendu un avis globalement positif, avec des réserves – qui ont été prises en compte pour la rédaction de cette loi.

Le 8 juillet 2010, un rapport bipartisan et bicaméral, portant sur la recherche sur les cellules-souches, rédigé par Alain Claeys et Jean-Sébastien Vialatte, exprimait la même tendance.

Le 21 octobre 2010, un avis n112 du comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé reste dans la même ligne que celle définie précédemment – notamment son avis n°1, rendu en 1982 – tout en faisant état de réserves, elles aussi prises en compte dans la loi.

Pour ce qui est du positionnement sur la situation européenne, je voudrais citer in extenso ce qui a été dit à Oviedo, lors de la convention pour la protection des droits de l’homme et de la dignité de l’être humain à l’égard des applications de la biologie et de la médecine. Voilà ce qui a été dit dans son article 18, qui traite de la recherche sur l’embryon in vitro  

:« 1. Lorsque la recherche sur les embryons in vitro est admise par la loi » – le fait que la recherche puisse être admise par la loi n’est donc pas contesté –…

M. Jean Leonetti. Cela existe déjà ! C’est moi qui ai ratifié cette convention !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. C’est européen, monsieur, et en Europe les avis sont divers.

… « celle-ci assure une protection adéquate de l’embryon.

« 2. La constitution d’embryons humains aux fins de recherche est interdite. »

Il ne s’agit donc pas de constituer des cohortes d’embryons aux fins de recherche, mais de pouvoir utiliser les embryons surnuméraires, des embryons qui ne sont plus utilisés pour la fécondation in vitro, qui ne font plus l’objet d’un projet par les couples, ne font plus partie d’un projet parental.

M. Julien Aubert. Des embryons déclassés, en somme ?

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Il est prévu de laisser le choix aux couples concernés : ou bien confier l’embryon surnuméraire à un autre couple, ou bien faire procéder à la destruction de l’embryon ou bien donner leur consentement en vue de la réalisation de recherches sur l’embryon. Ils disposent ensuite d’un délai de trois mois pour réfléchir et confirmer éventuellement leur décision. Contrairement à ce que vous affirmez, il n’y a donc aucun refus des dispositions prévues par la convention d’Oviedo. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean Leonetti. On n’a jamais dit ça !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Si, vous l’avez dit hier, et répété tout à l’heure !

M. Jean Leonetti. Vous caricaturez !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Je ne caricature pas, je fais des citations !

M. Jean-Frédéric Poisson. Faire des citations tronquées, cela faisait partie des méthodes staliniennes !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Vous avez ensuite parlé de dérives entre recherche fondamentale et finalité médicale. Dans les premiers textes, on parlait de « progrès thérapeutique ». Effectivement, il était cruel pour les patients de parler de progrès thérapeutique pour désigner des recherches fondamentales ne permettant pas de déterminer si des progrès en résulteront. Par essence même, la recherche fondamentale n’est pas prédictible, et les chercheurs – que je représente ici, je ne le nie pas, monsieur Hetzel, mais vous devriez les connaître également – le savent bien.

M. Jean Leonetti. Ah, nous y voilà ! Au moins, c’est clair !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. C’est pourquoi il convient de parler de finalité médicale et non de progrès thérapeutique…

M. Jean Leonetti. Cela a déjà été modifié dans la loi actuelle !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. … afin de ne pas donner d’illusions aux patients et à leurs familles, qui souffrent déjà suffisamment.

Par ailleurs, vous avez parlé de complicités avec les laboratoires – il a été question de porteurs de valises et d’autres choses tout aussi infamantes.

M. Julien Aubert. Tiens ! Vous avez quelque chose contre les mallettes ?

Plusieurs députés du groupe UMP. Cahuzac n’avait rien contre ! 

Mme Geneviève Fioraso, ministre. J’aimerais que vous mesuriez vos propos. Il n’est question que de recherche fondamentale, de recherche académique, et vous seriez bien en peine de me citer un seul laboratoire ayant cherché à commercialiser des produits issus de la recherche sur les cellules souches embryonnaires, car cela n’a jamais existé.

M. Jean Leonetti et M. Philippe Gosselin. Ne vous inquiétez pas, on va vous répondre !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Je le répète : nous sommes dans la recherche académique, la recherche fondamentale, la recherche publique. N’essayez donc pas de déformer la vérité ou d’induire des soupçons, cela n’est pas digne de la gravité de ce débat.

M. Marc Le Fur. Pourquoi ne précisez-vous jamais rien ?

M. Xavier Breton. Attention à ne pas la contredire, elle nous accuserait encore de sexisme !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Ainsi l’entreprise Cellectis – que vous avez mal nommée hier, sans doute parce que vous ne la connaissez pas très bien – mène-t-elle, avec le concours du professeur Shinya Yamanaka, prix Nobel de médecine 2012, des recherches qui, je vous le confirme, sont des recherches à caractère fondamental, très en amont.

En ce qui concerne les recherches alternatives, sur lesquelles je reviendrai tout à l’heure, je voudrais juste évoquer deux points avant de terminer. Vous avez évoqué le professeur Ménasché et le professeur Peschanski, en affirmant que ce dernier, notamment, n’avait pas été gêné par la loi de 2011, régressive par rapport à la loi de 2002.

M. Philippe Gosselin. Il l’a dit lui-même !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Il a fait l’objet de quatre recours de la part de la fondation Lejeune, dont trois sont encore en cours. Son équipe a été nommément attaquée.

M. Pierre Lequiller. Et alors ? Nous, on nous a bien traités de sexistes !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Un patron de laboratoire qui ne serait pas gêné que l’on attaque son équipe, je crois que cela n’existe pas, et je sais que le professeur Peschanski est gêné par les attaques dont son équipe fait l’objet.

M. Jean Leonetti. Pourquoi ne l’a-t-il pas dit ?

Mme Geneviève Fioraso, ministre. C’est ce qui explique que la France ait été rétrogradée au classement des pays en matière de recherche, passant en dix ans de la septième à la dix-septième place pour les publications scientifiques dans ce domaine. La science est bel et bien entravée.

Enfin, le professeur Ménasché, qui a mené durant dix ans des recherches à partir de cellules-souches pluripotentes induites, avoir en avoir constaté l’échec, est revenu aux cellules-souches embryonnaires. Il n’y a aucune incompatibilité à effectuer en parallèle de la recherche fondamentale sur les deux types de cellules ; c’est d’ailleurs ce que fait le professeur Yamanaka, que je connais et que j’ai vu deux fois en audition, et dont je vous rappellerai les propos ultérieurement.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour un rappel au règlement.

M. Patrick Hetzel. Mon rappel au règlement est fondé sur l’article 58, alinéa 1er de notre règlement, et porte sur le déroulement de nos débats. Il est incroyable d’entendre Mme la ministre nous enjoindre de relever le niveau du débat. Pour commencer, un membre du Gouvernement n’a pas à porter de jugement sur la manière dont s’exprime la représentation nationale. (« Exact ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Pierre Lequiller. Vous êtes à notre service !

M. Patrick Hetzel. En agissant ainsi, vous sortez de votre rôle. Nous attendons de vous, madame la ministre, que vous respectiez la représentation nationale.

D’ailleurs, en poussant en peu ce raisonnement, je rappelle qu’hier soir, alors que nous commencions à avoir un débat intéressant avec la motion de rejet, puis la motion de renvoi en commission, vous avez décliné la proposition de la présidence de vous exprimer au sujet de la motion de renvoi en commission. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous avez méprisé la représentation nationale, ce qui est incroyable au regard du sujet dont nous traitons – un sujet de fond, un sujet essentiel.

Et ce matin, vous voudriez faire la leçon à la représentation nationale ? C’est parfaitement scandaleux, quand on se souvient que vous avez vous-même escamoté le débat hier soir ! J’insiste sur le fait que c’est vous qui portez une lourde responsabilité dans le fait que le débat ne se déroule pas aussi sereinement qu’il le devrait, en permettant l’expression de tous les arguments.

M. Marc Le Fur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Ce n’est plus la peine, monsieur le président. Je vous l’avais demandée il y a une demi-heure…

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Sur la méthode, je veux faire remarquer que ce n’est pas la première fois que vous écrasez le débat, madame la ministre. Lors du débat sur le mariage pour tous, vous avez utilisé exactement les mêmes arguments, imposant au débat public le joug du rapport de forces politique. Vous recommencez aujourd’hui avec le débat sur l’embryon, en cherchant à politiser, à cliver, sur un sujet qui touche pourtant différentes sensibilités, et pour lequel la liberté de conscience devrait être la règle. D’un côté, vous prétendez que toutes les sensibilités s’expriment, de l’autre, je constate que votre parti vote d’un seul bloc, ce qui ne laisse pas de m’inquiéter, car cela montre bien que ce n’est pas un débat d’homme à homme, mais de parti à parti – la pire des choses sur un sujet de cette importance.

Sur le fond, qu’il s’agisse de l’avortement, de la fin de vie ou de la peine de mort, à chaque fois que la société touche à la vie, le principe est le même : l’interdiction d’abord, et parfois – parfois seulement – l’autorisation. Pour la première fois, au sujet de l’embryon, vous allez faire en sorte que l’autorisation et la libéralisation soient la règle. Ne faites pas, je vous en conjure, ce qui va à l’encontre d’une tradition républicaine témoignant d’une extrême prudence à l’égard de la manière dont la société interfère avec la vie et avec l’humain.

Quelle est la vraie question ? Vous parlez des destructions d’embryons : le sujet mérite que l’on en débatte. Mais ce que vous proposez, c’est de faire de l’humain un objet de recherche, sans contraintes, sans obstacles et, quoi que vous en disiez en employant des artifices juridiques, de faire en sorte que cela devienne la règle. N’est pas Simone Veil qui veut, madame la ministre : je vous en conjure, revenez à la raison.

Article unique (suite)

M. Marc Le Fur. Je demande la parole, monsieur le président.

M. le président. Non, mon cher collègue. L’Assemblée a été éclairée sur les arguments des uns et des autres ; je vais mettre aux voix les amendements de suppression de l’article unique.

(Les amendements identiques nos 1, 43, 51, 53, 112 et 269 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Vous connaissez aussi bien que moi le règlement de l’Assemblée, mes chers collègues.

Mme Valérie Boyer. M. Le Fur avait demandé la parole !

M. le président. Vous avez eu la parole, M. Aubert s’est exprimé (Mêmes mouvements.)

La parole est à M. Jean Leonetti.

M. Jean Leonetti. Monsieur le président, il semble que nous allons avoir un vote très rapide et que nous n’allons pas pouvoir nous exprimer. Si vous participez à cette idée générale, alors nous allons nous trouver dans une situation qui ne permettra pas un débat apaisé. En conséquence, je vous demande une suspension d’un quart d’heure pour réunir le groupe UMP.

M. le président. La suspension est de droit.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix heures quarante-cinq, est reprise à dix heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean Leonetti, pour un rappel au règlement.

M. Jean Leonetti. Monsieur le président, mon rappel au règlement concerne le bon déroulement de nos travaux.

On cite, et on le fait de manière incomplète. Aussi vais-je me permettre à mon tour de me livrer à deux ou trois citations qui ont été tronquées ou déformées, pour que tout le monde soit parfaitement éclairé.

Audition Menasché-Peschanski-INSERM : « Non, ce régime n’entrave pas nos recherches : nous les avons conduites sous ce régime et nous pourrions donc continuer de le faire. En revanche, ce dispositif rend notre pays moins attractif auprès des industriels. Nous avons apporté aux firmes la preuve que ces cellules pouvaient être fabriquées de manière industrielle et utilisées à grande échelle. C’est pour cette raison qu’elles s’y sont intéressées. Les applications industrielles vont être opérationnelles pour travailler à l’échelle industrielle sur les cellules souches embryonnaires. Pfizer – ce n’est pas de la recherche publique – s’est établi à Cambridge, où il a investi 30 millions de livres…

M. Marc Le Fur. Intéressant !

M. Jean Leonetti. … Roche à Bâle, en étant d’ailleurs venu chercher des compétences dans mon laboratoire, Glaxo Smith Kline à Shanghai et le Français Sanofi à San Diego. Les cellules souches embryonnaires sont un moyen d’accès à tous les tissus humains dont l’industrie pharmaceutique a besoin pour tester l’efficacité et la toxicité de ses médicaments. »

Voilà ce que dit le compte rendu de l’audition. Et l’on soutient qu’il n’y a aucune relation entre les laboratoires privés et les chercheurs de l’INSERM ? Ce sont eux-mêmes qui affirment le contraire, pas moi.

M. Jean-Frédéric Poisson. Cela prouve qu’ils ne connaissent pas le sujet !

M. Jean Leonetti. Madame la ministre, je vous repose donc ma question : a-t-on, à un moment donné, de manière ouverte ou dans les cabinets ministériels de la recherche ou de la santé, auditionné les laboratoires pour savoir exactement quelle est leur opinion sur les modifications législatives que nous sommes en train d’opérer ?

M. Jean-Frédéric Poisson. Bonne question !

Article unique (suite)

M. le président. Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques.

La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n54.

M. Philippe Gosselin. La situation actuelle est équilibrée, et non pas hypocrite, comme certains veulent le dénoncer. Cet équilibre tient à la force du maintien de l’interdit, qui paraît essentiel, tout en permettant le fonctionnement de la recherche dans des conditions que certains trouvent chaotiques, mais qui n’entravent en rien ce travail. Les chiffres sont là pour le rappeler : si l’on reprend le rapport annuel 2011 de l’agence de la biomédecine rendu disponible en 2012 – le rapport 2012 devrait sortir d’ici à quelques semaines et nous donner des chiffres plus précis encore et plus complets – on se rend compte que 173 autorisations ont été données pour quelques refus – environ une dizaine – et que seulement onze recours ont été déposés contre ces autorisations. En réalité, il n’y a pas de climat de défiance à l’encontre de tel ou tel scientifique ou de la communauté scientifique. Il n’y a pas de procès en sorcellerie, il y a simplement un cadre qui permet aujourd’hui de travailler.

Si le Gouvernement voulait changer ce cadre, qu’il le fasse au grand jour, dans des conditions normales – elles ont été rappelées cette nuit et ce matin : tenue d’un débat public, demande d’avis du Conseil d’État et autres éléments de ce type – et non pas en catimini, dans de telles conditions, ainsi que le président Schwartzenberg en a lui-même fait l’aveu tout à l’heure.

Je crois qu’il est important de rédiger différemment l’article L. 2151-5 du code de la santé publique, en apportant la précision suivante : « Toute recherche sur l’embryon humain, les cellules souches embryonnaires et les lignées de cellules souches est interdite. »

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n113.

M. Xavier Breton. Cet amendement vise à interdire toute recherche sur l’embryon humain, dont on a dit qu’il faisait partie intégrante de l’espèce humaine.

Il tend surtout à montrer qu’un équilibre a été trouvé au moment de la loi de bioéthique de 2011. Certains, dont vous faites partie, chers collègues de la majorité, sont favorables à une autorisation plus ou moins encadrée ; d’autres défendent le principe du respect de l’embryon et souhaitent par conséquent une interdiction absolue. De vrais débats ont eu lieu devant les citoyens : dix-huit mois d’audition autour d’Alain Claeys et de Jean Leonetti, une commission spéciale, des états généraux. Les avis ont été donnés, que nous n’étions pas tenus de suivre, mais qui ont permis d’éclairer notre décision. Nous sommes parvenus à un point d’équilibre qui a été rappelé, qui est inscrit dans notre droit et a ainsi guidé l’examen de plusieurs lois bioéthiques.

C’est précisément cet équilibre que vous vous acharnez à casser aujourd’hui. Nous regrettons une nouvelle fois l’acharnement avec lequel, sur des questions de société, vous divisez au lieu de chercher à rassembler. Entre ceux qui sont pour l’autorisation et ceux qui sont pour l’interdiction absolue, vous pourriez trouver un point d’équilibre ; il ne satisferait entièrement personne, mais il prendrait en compte les sensibilités de chacun. Au contraire, vous affirmez de manière péremptoire et vous divisez, comme le débat est en train de le montrer.

Cette attitude est regrettable dans la mesure où tout le travail réalisé pendant des années avec les lois de bioéthiques s’en trouve abîmé, endommagé. La démarche d’écoute et de dialogue est d’une certaine manière jetée à la poubelle parce que vous voulez à tout prix autoriser la recherche sur l’embryon. Voilà pourquoi j’ai déposé cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n121.

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous mettez en avant régulièrement deux arguments pour justifier ce texte : vous ne voulez pas de frein à la recherche et vous considérez que ne pas voter ce texte nous ferait perdre des opportunités d’avancées thérapeutiques majeures ; nous l’avons entendu dire plusieurs fois hier soir. Essayons d’analyser ces propos.

L’interdiction absolue serait un frein à la recherche. Mais les protocoles de recherche sur l’embryon sont déjà largement autorisés par l’Agence de biomédecine : depuis 2004, 173 autorisations relatives à la recherche sur l’embryon ont été délivrées et seulement neuf refus ont été opposés. Qu’en sera-t-il réellement avec un régime d’autorisation ?

Pour ce qui est de la perte des opportunités d’avancées thérapeutiques majeures, vous vous acharnez à manquer le coche des cellules IPS : c’est dommage. Vous préférez toucher aux fondements mêmes de l’être humain, à son origine. Ce texte va réifier l’embryon humain et lui conférer un statut inférieur à celui de l’embryon animal, désormais protégé, lui, par la directive européenne du 22 septembre 2010 relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques. Vous posez de ce fait de graves problèmes éthiques sans qu’aucun impératif de recherche fondamentale, pharmaceutique ou clinique ne vienne le justifier. Vous contrevenez enfin à la procédure établie par la loi de 2011 concernant les textes touchant à la bioéthique. Telle est la raison pour laquelle je soutiens l’amendement n121.

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n270.

M. Marc Le Fur. Monsieur le président, pour des raisons qui tiennent au bon déroulement du débat, je souhaite retirer mon amendement et déposer un sous-amendement aux amendements identiques de cette série.

M. le président. Monsieur Le Fur, on m’indique qu’il est impossible que vous déposiez un sous-amendement. Vous connaissez le règlement aussi bien que moi…

M. Marc Le Fur. Je ne peux sous-amender mon propre amendement, monsieur le président, mais je peux le faire pour d’autres amendements, à condition de ne pas avoir déposé un amendement équivalent.

M. le président. Votre sous-amendement n’a pas été déposé dans les délais.

M. Marc Le Fur. Je le dépose à l’instant : il n’y a pas de délai applicable aux sous-amendements, monsieur le président !

M. le président. Vous connaissez le règlement, monsieur Le Fur !

Je vous laisse néanmoins terminer votre propos.

M. Marc Le Fur. Madame la ministre, vous nous avez expliqué que cette recherche doit être confinée à une recherche fondamentale…

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Académique !

M. Marc Le Fur. …et à une recherche émanant d’une maîtrise d’ouvrage des laboratoires publics.

M. Jacques Myard. C’est faux !

M. Marc Le Fur. Je ne fais pas de procès d’intention à la ministre ; je dis simplement que ces propos doivent être transcrits dans le texte. Je souhaite donc déposer à cette fin un sous-amendement à la série d’amendements identiques en discussion – et je peux le faire, monsieur le président, c’est à cela que sert le débat. L’idée serait donc d’interdire la recherche sur l’embryon, mais de l’autoriser exceptionnellement pour la recherche fondamentale ou la recherche émanant de laboratoires publics. Ainsi, les choses seront claires.

C’est à cela que servent les sous-amendements : à saisir le débat et à en tirer des éléments qui permettent de cheminer vers le consensus. Nous sommes là pour cela, telle est notre volonté : faire en sorte que le débat ait lieu dans les meilleures conditions possibles – ; le professeur Schwartzenberg ne me contredira pas. À partir du moment où Mme la ministre tient un propos d’une importance décisive, je demande que celui-ci soit transcrit dans les textes. Par conséquent, monsieur le président, pour faciliter le débat, je souhaite que la séance soit suspendue – mon chef de groupe va, s’il en est d’accord, en formuler la demande – pour que chacun puisse disposer du sous-amendement, qui doit déjà être en ligne via notre application Eloi.

M. le président. Monsieur Le Fur, vous connaissez comme moi le règlement. Celui-ci précise notamment que les sous-amendements doivent être déposés dans des conditions qui permettent leur mise à disposition des membres de l’Assemblée sans qu’il y ait, dans la mesure du possible, à suspendre les travaux,…

M. Marc Le Fur et M. Philippe Gosselin. Dans la mesure du possible !

M. le président. …ce qui retarderait le déroulement des débats. Votre sous-amendement aurait pu être déposé depuis longtemps, puisqu’il se rapporte à des amendements qui ont été déposés depuis un certain temps.

M. Philippe Gosselin. Il est lié aux propos que Mme la ministre a tenus en séance il y a quelques instants !

M. le président. Nous allons poursuivre l’examen du texte et vérifier que votre sous-amendement est bien en ligne. Toutefois, sachez que pour un déroulement normal de nos travaux, il faut que vos collègues aient pu le consulter, c’est-à-dire qu’il ait été reproduit et distribué.

M. Marc Le Fur. Bien sûr !

M. le président. Nous ne sommes pas dans des conditions normales permettant un bon fonctionnement de nos travaux.

M. Marc Le Fur. Je ne pouvais pas le déposer auparavant, monsieur le président, puisqu’il est le résultat des propos de la ministre !

(L’amendement n270 est retiré.)

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean Leonetti, pour un rappel au règlement.

M. Jean Leonetti. Nous voulons des débats sereins ; la ministre vient d’ailleurs de le dire. Nous avons une inquiétude – je n’ai toujours pas reçu de réponse de sa part à ce sujet – sur le problème du privé et du public. Je n’imagine pas une seconde que, sur les bancs de la gauche, on puisse tolérer une ambiguïté qui ferait que cette loi pourrait favoriser des lobbies industriels.

M. Paul Giacobbi. Vade retro, Satanas !

M. Jacques Myard. C’était le cas jadis !

M. Jean Leonetti. Nous pouvons donc travailler ensemble. Vous savez très bien, monsieur le président, que nous pouvons, à la faveur d’une interruption de séance, déposer ce sous-amendement, le porter à la connaissance de l’ensemble des personnes présentes et arriver à une voie consensuelle qui protégerait la recherche sur l’embryon de l’influence des lobbies extérieurs de l’industrie pharmaceutique. Faisons-le ! Ce serait une preuve de notre capacité à débattre sereinement sur un sujet. Nous avons exprimé cette inquiétude à plusieurs reprises et elle n’est toujours pas levée. Je suis d’ailleurs certain qu’elle ne l’est pas non plus sur les bancs de la gauche ou des radicaux de gauche. Je demande par conséquent une suspension de séance de dix minutes…

Mme Véronique Massonneau. C’est une obsession !

M. Jean Leonetti. …pour pouvoir rédiger ce sous-amendement et le soumettre à nos collègues.

M. le président. Monsieur Leonetti, tout le monde souhaite que ce débat avance dans de bonnes conditions. Vous avez demandé voilà environ une vingtaine de minutes une suspension de séance pour réunir votre groupe. Depuis la reprise, il n’y a eu aucune information nouvelle.

M. Marc Le Fur. Si ! Il y a eu les propos de la ministre !

M. le président. Non, la ministre ne s’est pas exprimée depuis la suspension de séance, elle l’a fait précédemment. Vous auriez donc pu, si vous l’aviez souhaité, déposer votre sous-amendement pendant cette interruption. Nous n’allons pas ainsi multiplier les interruptions de séance. Vous avez encore de nombreux amendements à défendre.

M. Jean Leonetti. La suspension de séance est de droit !

M. Marc Le Fur. La suspension est de droit ! Il n’y a pas à en débattre !

M. Jean Leonetti. Puis-je terminer mon propos, monsieur le président ?

M. le président. Monsieur Leonetti, vous n’avez pas la parole.

M. Marc Le Fur. Monsieur le président, vous avez une manière particulière de gérer la présidence, aujourd’hui !

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour un rappel au règlement.

M. Patrick Hetzel. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58, alinéa 1 et concerne le bon déroulement de nos débats. Comme vient de l’indiquer Jean Leonetti, nous souhaitons que le débat se déroule de manière sereine.

Permettez-moi de rappeler deux points essentiels. Tout d’abord, lorsqu’une suspension de séance est demandée, elle est de droit ; je suis désolé de devoir vous rappeler le règlement, monsieur le président.

M. Christian Paul. La demande doit être formulée de bonne foi !

M. le président. Veuillez m’excuser, mais ce principe est encadré par un certain nombre de limites !

M. Patrick Hetzel. Certes, mais la suspension est normalement de droit.

Mme Martine Pinville. C’est le président qui décide !

M. Christian Paul. Laissez le président présider !

M. Patrick Hetzel. Ensuite, le second élément qu’il me paraît important de porter dans ce débat est le caractère essentiel du droit d’amendement, et donc de sous-amendement, dont nous disposons en tant que parlementaires.

Le débat qui est en train de se dérouler est marqué par un certain flou. Une fois encore, il ne s’agit pas de faire de procès d’intention à l’encontre de qui que ce soit ; il s’agit simplement de lever toute ambiguïté. C’est la raison pour laquelle notre collègue Marc Le Fur souhaite sous-amender. Il est essentiel que ce sous-amendement puisse être déposé dans de bonnes conditions. À défaut, nous pourrions considérer que vous ne souhaitez pas que le débat se déroule dans de bonnes conditions et nous n’imaginons pas un seul instant, monsieur le président, que tel puisse être votre état d’esprit.

M. le président. Vous avez bien raison, cher collègue.

Le sous-amendement vient de nous arriver : il va être diffusé, vous allez pouvoir le défendre et nous pourrons ainsi progresser.

Article unique (suite)

M. le président. Le sous-amendement n306 vient de nous arriver : il va être diffusé, vous allez pouvoir le défendre et nous pourrons ainsi progresser.

M. Jean Leonetti, M. Marc Le Fur et , M. Philippe Gosselin. Merci, monsieur le président !

M. le président. Chers collègues, je ne voudrais pas que l’on ait le sentiment que certains aient la volonté de retarder la discussion, ce qui pourrait être le cas si les sous-amendements sont déposés au dernier moment.

M. Marc Le Fur. Le propre d’un sous-amendement, c’est qu’il arrive en cours de discussion !

M. le président. J’invite les uns et les autres à faire en sorte que nous en disposions dans un délai acceptable.

Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques ?

Mme Dominique Orliac, rapporteure. Les auteurs de ces amendements souhaitent en fait revenir à un régime antérieur à 2004, c’est-à-dire interdire la recherche sur les cellules souches embryonnaires. Il est vrai que la loi de 2011 a consacré un régime juridique totalement bancal, qui interdit tout en autorisant, ce qui est juridiquement illisible et moralement hypocrite.

Sur le fond, nous ne sommes pas d’accord. Dire que l’embryon doit être respecté dès sa conception comme un être humain serait revenir sur notre législation, qui n’a jamais pris parti sur la nature et la qualification de l’embryon humain, (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) afin de ne pas remettre en cause l’interruption volontaire de grossesse. C’est pourquoi nous avons préféré un système d’autorisations fortement encadré, par exception au régime de liberté qui s’applique à la recherche en France.

Sur le deuxième point, on ne peut affirmer que les recherches sur l’embryon, puisqu’elles n’ont pas d’application thérapeutique, ne présentent pas d’intérêt. D’abord, la recherche fondamentale se justifie par elle-même ; ensuite, les applications existent déjà, comme le montrent de nombreux travaux que je ne citerai pas pour ne pas allonger les débats.

Quant aux méthodes alternatives, dont j’ai déjà parlé, il est peu pertinent de les opposer, dans la mesure où tous les scientifiques – y compris le professeur Shinya Yamanaka et tous ceux qui travaillent sur les cellules IPS– utilisent parallèlement différentes méthodes.

Vous avez parlé du professeur Marc Peschanski, en soulignant qu’il n’était pas entravé dans ses recherches : sachez qu’il existe aujourd’hui un recours contre son dernier projet de recherche, qui concerne – tenez-vous bien – l’autisme.

Pour toutes ces raisons, l’avis de la commission est défavorable.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Même avis.

M. Jean Leonetti. Toujours pas de réponse !

M. le président. La parole est M. Marc Le Fur, pour soutenir le sous-amendement n306, en cours de distribution.

M. Marc Le Fur. Je n’en dispose pas encore !

M. le président. Votre talent oratoire est bien connu. Je suis certain que vous pouvez le défendre.

M. Marc Le Fur. Mon souci est de trouver un compromis. J’ai imaginé ce sous-amendement en vous entendant, madame la ministre. « Ne vous inquiétez pas, il n’y a pas de lobbies derrière tout cela », dites-vous. Nous n’en sommes pas tout à fait certains. Jean Leonetti a cité des noms, des intérêts, a parlé de millions d’euros engagés.

Néanmoins, madame la ministre, je veux bien vous croire. Réservons alors la recherche sur l’embryon humain et les cellules souches embryonnaires à la recherche fondamentale publique, qui est noble et qui n’obéit pas à une logique d’intérêts, ou à la recherche dont les maîtres d’ouvrage sont des laboratoires publics – vous en avez cité un certain nombre, qui partageraient votre logique.

Ce sous-amendement ne nous convient pas, mais il nous semble un moindre mal. Il vous permet, madame la ministre, d’affirmer que les lobbies ne sont pas en cause. Vous avez bien compris que si vous ne l’acceptez pas, vous ferez la démonstration que les lobbies sont derrière cette proposition de loi : les autorisations ne seront pas réservées à la seule la recherche fondamentale, ni aux seuls laboratoires publics.

M. Patrick Hetzel. Très juste !

M. Marc Le Fur. Ce serait un aveu on ne peut plus clair que de ne pas accepter notre sous-amendement ! Madame la ministre, compte tenu des propos que vous venez de tenir, soutenez-le. Peut-être ne satisfera-t-il personne, mais au moins permettra-t-il d’aboutir à une solution plus consensuelle. Je me souviens que c’était le souci permanent de M. Claeys, lorsqu’il présidait la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ce sous-amendement ?

Mme Dominique Orliac, rapporteure. Pour les mêmes raisons que celles évoquées précédemment, avis défavorable. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Même avis. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Véronique Massonneau. Bravo !

M. Xavier Breton. Quel aveu !

M. Marc Le Fur. C’est une victoire pour le lobby pharmaceutique !

M. Xavier Breton. Vous vous êtes vendus aux laboratoires !

M. le président. Du calme, chers collègues ! Vous avez souhaité que ce débat se déroule de façon sereine, dans de bonnes conditions. Nous vous avons permis de présenter ce sous-amendement. Nous poursuivons la discussion, avant de passer au vote sur les amendements.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean Leonetti, pour un rappel au règlement.

M. Jean Leonetti. Rejeter ce sous-amendement sans explication est un aveu, qui disqualifie l’ensemble du projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Cela n’est pas un rappel au règlement, monsieur Leonetti !

M. Jean Leonetti. Pour la quatrième fois, je vous pose la question suivante : le ministère a-t-il reçu, de manière directe ou indirecte, l’ensemble des laboratoires pharmaceutiques ? Quelles seront les conséquences de l’adoption de cette proposition de loi sur l’industrie pharmaceutique et sur ses intentions ?

Mme Véronique Louwagie. C’est grave !

M. Jean Leonetti. Madame la ministre, si, après le rejet sans explication de ce sous-amendement, vous ne répondez pas à cette question, l’aveu sera flagrant !

Article unique (suite)

M. le président. Sur les amendements identiques nos 54, 113 et 121, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Nous sommes à un moment très grave de nos débats. La ministre, qui a une parole assez rare…

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Ce n’est manifestement pas votre cas ! Pour ma part, je ne répète pas cent fois la même chose.

M. Philippe Gosselin. …nous a annoncé il y a quelques minutes que les travaux concernés seraient limités à la recherche fondamentale publique et à des maîtres d’ouvrage publics. C’est une information essentielle, qui peut changer le cours des choses. Gravons donc dans le texte de la loi ces éléments qui sont de nature à modifier notre approche.

On nous a dit qu’il n’y avait pas de lobbies. Je veux bien comprendre que l’expression « porteurs de valises », quoique devenue courante, ait choqué nos collègues radicaux de gauche, mais il n’empêche : s’il n’y a pas de lobbies, si le doute est impossible, si le texte concerne uniquement la recherche fondamentale publique, ou la recherche dont les maîtres d’ouvrage sont des laboratoires publics, en quoi est-il si difficile de le préciser dans le texte ? Ne pas le faire serait effectivement un aveu.

On connaissait le muet du sérail ; la muette du sérail siégerait-elle sur le banc du Gouvernement ? (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) La réponse, ou plus exactement l’absence de réponse de Mme la ministre est, une fois de plus, assez méprisante à l’égard de la représentation nationale et n’élève pas le débat au niveau auquel nous aspirons à l’élever.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Et votre diarrhée verbale, vous croyez qu’elle l’élève ?

M. Philippe Gosselin. Venant d’une présidente de commission, cela n’est pas très digne !

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour un rappel au règlement.

M. Patrick Hetzel. Monsieur le président, vous avez souhaité tout à l’heure que les débats se déroulent de manière sereine. Nous traitons d’un sujet qui concerne la recherche, avec une portée éthique très importante. Pour un tel texte, il était nécessaire que nous obtenions quelques précisions, d’où le sous-amendement défendu par notre collègue Marc Le Fur.

Ni Mme la rapporteure ni Mme la ministre n’ont donné d’arguments justifiant la raison du rejet de ce sous-amendement : cela montre que la majorité souhaite passer en force sur ce texte, qu’il n’y a pas volonté de dialogue.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’est faux !

M. Patrick Hetzel. Madame Lemorton, cessez de vociférer ! Respectez l’opposition. Je sais que cela vous est difficile. Vous êtes politiquement majoritaires…

Mme Catherine Coutelle. Cela vous gêne !

M. Patrick Hetzel. …mais ce n’est pas une raison pour mépriser l’opposition. Il est essentiel que nous obtenions des éléments de réponse. Sans cela, monsieur le président, vous comprendrez aisément que la sérénité des débats ne peut être assurée. Nous serons donc amenés à demander un certain nombre de suspensions de séance. Il n’est pas possible de travailler dans de telles conditions !

Article unique (suite)

M. le président. Sur le sous-amendement n306, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Pierre Lequiller.

M. Pierre Lequiller. Tout au long de ma vie de parlementaire, j’ai assisté dans cet hémicycle à un certain nombre de débats sur la bioéthique, tous de grande tenue.

M. Marc Le Fur. Tout à fait !

M. Pierre Lequiller. Monsieur le président, je considère que sur de tels sujets, qui font appel à la conscience de chacun, nous devons disposer d’éclairages précis et débattre. Cela a été le cas de la loi Leonetti, dont l’examen durant dix-huit mois a donné lieu à de grands débats, et pour laquelle les Français ont été consultés.

Nous sommes appelés à voter sur un sous-amendement capital sur lequel ni le Gouvernement ni la commission ne se sont prononcés. Cette assemblée doit être une instance de dialogue. Sur un tel sujet, qui fait appel à la conscience de chacun d’entre nous, il ne s’agit pas de dresser l’opposition et la majorité l’une contre l’autre, mais de répondre aux questions que nous nous posons.

Une fois de plus, je demande à Mme la ministre et à Mme la rapporteure de répondre aux questions qui leur sont posées, notamment sur ce sous-amendement, à tous égards capital.

M. Christian Paul. Tout a été déjà dit ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. L’un de nos prédécesseurs me disait toujours que la principale qualité d’un homme politique est la cohérence. En quelques secondes, madame la ministre, vous venez de vous contredire de manière fondamentale – c’est le cas de le dire.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Comment pouvez-vous dire cela, et lui reprocher en même temps de ne rien dire ?

M. Jacques Myard. Comment pouvez-vous soutenir que cette proposition de loi concerne la recherche fondamentale puis, alors que nous voulons justement préciser ce point – la proposition de loi évoquant la recherche appliquée –, renier vos propos en rejetant ce sous-amendement ? C’est proprement scandaleux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n306.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants67
Nombre de suffrages exprimés67
Majorité absolue34
Pour l’adoption24
contre43

(Le sous-amendement n306 n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 54, 113 et 121.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants63
Nombre de suffrages exprimés63
Majorité absolue32
Pour l’adoption24
contre39

(Les amendements identiques nos 54, 113 et 121 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 44 et 55 rectifié.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n44.

M. Marc Le Fur. Nous comprenons de mieux en mieux pourquoi il s’agit d’une proposition de loi. D’abord, cela permet de s’épargner la consultation du Conseil consultatif national d’éthique et celle du Conseil d’État, dont l’avis aurait pu nous être très précieux, ce texte touchant à des engagements internationaux et au code civil. Ensuite, cela donne quelque chose à nos collègues, et néanmoins amis, radicaux.

M. Patrick Hetzel. C’est une instrumentalisation à des fins politiques !

M. Marc Le Fur. Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Nous sommes dans une logique IVe République : Je te donne ceci et tu me soutiens. Cela est d’autant plus nécessaire que les radicaux sont devenus rétifs sur un certain nombre de textes. Nous avons ainsi pu entendre M. Tourret sur le non-cumul des mandats. Et que dire de l’absence, ce matin, de M. Claeys, le spécialiste, qui ne veut pas cautionner ce qui se passe aujourd’hui ?

M. Jean Leonetti. Cette absence éclaire le débat !

M. Marc Le Fur. En revanche, celui qui est resté bien présent ce matin, c’est M. Le Roux, comptable de ces accords. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) C’est à lui de s’assurer de la fidélité et de l’obéissance de l’ensemble des groupes de la majorité.

M. Patrick Hetzel. Tout cela avec la science !

M. Marc Le Fur. Vous cédez donc sur les principes pour satisfaire un groupe. C’est une logique de IVe République ! La Ve République a voulu nous en faire sortir, mais nous retombons dans ces ornières ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Paul. C’est grotesque !

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n55 rectifié.

M. Philippe Gosselin. Marc Le Fur a très bien expliqué les choses. Pour le dire autrement, la majorité et le Gouvernement se refont une petite santé majoritaire sur le dos de l’embryon : c’est une petite séance de câlinothérapie… Il est vrai qu’il existe quelques dissensions au sein de la majorité actuellement. Il faut donc en donner un peu aux Verts par ici, un peu aux radicaux par-là. Chacun trouvera donc sans doute son compte dans cette câlinothérapie à géométrie variable.

J’en viens à l’amendement n55 rectifié. Nous souhaitons, afin que l’ensemble du débat soit éclairé, que des états généraux soient organisés. Nous avons vu que la manœuvre du recours à une proposition de loi avait pratiquement pour seul objectif de contourner les dispositifs légaux, voire constitutionnels, et tous les éléments propres à contribuer à un vaste débat public pour que chacun dans la société puisse s’approprier les éléments de ce sujet particulièrement compliqué. Il pourrait n’apparaître que comme un débat de spécialistes, mais il concerne l’ensemble de nos concitoyens, comme toute question de société. Cela justifie la tenue d’un large débat public. Tel est l’objet de cet amendement, comme de ceux dont nous débattrons par la suite, qui permettra par ailleurs de limiter dans le temps la possibilité d’autoriser cette recherche sur l’embryon.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour un rappel au règlement.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Monsieur le président, les propos tenus sur notre groupe ne sont pas de nature à nous satisfaire, c’est le moins que l’on puisse dire. Ils se fondent en tout cas sur une méconnaissance de la réalité.

Pour notre part, nous défendons ce texte depuis janvier 2002. Nous n’avons absolument pas changé, à la différence d’autres.

M. Julien Aubert. Ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Le vent ne nous importe pas : nous ne sommes pas des girouettes, nous restons donc stables sur nos positions. Nous n’avons pas changé.

Dans ces conditions, parler câlinothérapie pour qualifier l’attitude du Gouvernement à notre égard serait tout à fait singulier, car nous sommes sur la même position depuis toujours avec l’ensemble des groupes de l’actuelle majorité. Vous avez peut-être remarqué hier soir que tous les présidents des groupes de la majorité étaient présents.

M. Christian Paul. Absolument !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Les membres des groupes de la majorité étaient d’ailleurs eux aussi présents en nombre, et tous d’accord. Ce n’est pas particulier aux radicaux de gauche : c’est une cause que nous portons en commun depuis longtemps.

Pour finir, je note que l’amendement que vous défendez interdit toute recherche sur les cellules-souches embryonnaires. C’est une critique extrêmement vigoureuse de la loi du 7 juillet 2011, qui est actuellement en vigueur. Je n’ai jamais entendu pire critique : adopter ces amendements revient à dire que cette loi est mauvaise, qu’elle doit être abrogée et qu’il faut renoncer à toute recherche sur l’embryon. En fait, vous nous proposez de remonter à l’état du droit qui prévalait avant 1994. Merci d’en être restés là, et de ne pas remonter jusqu’à la préhistoire !

M. Christian Paul. C’est sans doute cela, la cohérence !

Article unique (suite)

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

Mme Dominique Orliac, rapporteure. Je ne peux pas laisser dire que le principe du respect de l’être humain va devenir une exception, ou que nous réifions l’embryon ; c’est faux. Permettez-moi de me référer à l’avis du CCNE sur ce point, selon lequel le respect pour les débuts de la vie doit être le témoignage d’un engagement entier de tous pour le respect de chaque personne, enfant et adulte, avec le souci de prévenir et de réparer les tragédies de la vie. C’est ce que fait la recherche, et c’est ce que propose ce projet de loi. Avis défavorable.

M. Jean Leonetti. C’est une proposition de loi, pas un projet de loi !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. J’ai été ébloui par la qualité de l’argumentation de la ministre…

M. le président. Monsieur Aubert, je vous interromps pour annoncer que sur le vote des amendements identiques nos 44 et 55 rectifié, je suis saisi par le groupe UMP d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Veuillez poursuivre, monsieur Aubert.

M. Julien Aubert. Je vous en prie, monsieur le président. Face au débat en catimini, l’UMP veut assumer ses positions.

Au-delà des partis, nous avons nos sensibilités particulières. Je voudrais dire à nos collègues radicaux que j’ai pour ma part un profond respect pour les gens qui défendent leurs idées. Je ne leur jetterai jamais la pierre au motif qu’ils ne sont pas d’accord avec nous : c’est même l’essence de la démocratie.

Comme lors du débat sur le mariage pour tous, certains défendent une vision de la société et je peux le comprendre, mais je conteste que la partie imposante de la majorité, c’est-à-dire les membres du parti socialiste, défendent des positions parfois contradictoires. En réalité ils soutiennent les unes ou les autres en fonction d’intérêts électoraux alors que ce sujet nécessiterait, comme celui du mariage pour tous, la liberté de conscience et un débat libéré des approches partisanes.

Il se trouve qu’à l’UMP, ceux qui se sont mobilisés aujourd’hui sont ceux qui sont échaudés par ce texte. Nous avons donc une forte proportion de députés qui y sont opposés. Mais je crois que le plus mauvais service que l’on puisse rendre à ce débat, c’est de le rendre clanique et partisan, et c’est ce que la majorité est en train de faire. C’est cela que je vous reproche, parce que c’est hypocrite. On nous rebat les oreilles tous les jours avec le principe de précaution, que l’on applique à tout : aux OGM ou à la science. Et le seul qui n’a pas droit au principe de précaution dans ce pays, c’est l’humain !

N’oublions pas que l’humain est au cœur de la société. Charles de Gaulle disait que la seule quête qui vaille, c’est celle de l’homme. Nous devons avancer d’un pas tremblant sur tous les chemins qui amènent à remettre en cause la place de l’humain dans la société. Nous sommes en train de déshumaniser la politique, nous sommes en train de faire de l’humain un objet, et nous sommes en train de le faire en quelques heures, en catimini, dans l’hémicycle à moitié vide, sans véritablement débattre ! Et pour seule argument, la ministre nous répond invariablement : « Avis défavorable. » Ce n’est pas à la hauteur de l’enjeu. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Madame la rapporteure, je ne peux être d’accord avec vous lorsque vous dites que cette proposition de loi ne serait qu’une forme d’aménagement. Il y a bel et bien un changement symbolique fort. Nous avions eu cette discussion lors des débats au sein de la mission d’information sur la bioéthique, dont nous étions tous deux membres ensemble lors du précédent mandat. La mission présidée par notre collègue Leonetti avait arrêté son choix sur le maintien de l’interdiction de principe avec une autorisation encadrée, précisément parce que cela constituait un choix symbolique, qui n’est pas le même que vous nous proposez aujourd’hui.

Par ailleurs, je suis personnellement très à l’aise avec l’interdiction de principe de la recherche sur les embryons. C’est ma position depuis l’origine, je n’en n’ai pas changé et c’est la raison pour laquelle je suis opposé à ce texte.

Je comprends vos considérations, et je ne peux faire autrement que de vous donner un peu raison, non que je le regrette, mais parce que c’est la réalité : autoriser sous condition la recherche sur l’embryon, même si ce n’est que pour des raisons d’ordre pragmatique, crée, qu’on le veuille ou non, une sorte de torsion sur les éléments de principe que nous souhaitons voir respecter. C’est une évidence.

Je peux entendre mes collègues qui ont cherché des solutions de compromis, sans doute pour nombre de bonnes raisons, ce n’est pas ma position. Néanmoins, j’en reviens à mon argument principal : lorsque l’on passe d’une interdiction de principe à une autorisation de principe, on change inévitablement le statut et la protection juridique des objets – ce ne sont pas des objets –, des choses – ce ne sont pas des choses –, des indéterminés – ce ne sont pas des indéterminés –. En l’espèce, ce sont des sujets, des êtres humains dont il s’agit.

Ce changement symbolique, vous ne pouvez pas l’ignorer, vous ne pouvez pas faire comme s’il n’existait pas.

M. Julien Aubert. Bravo !

M. Jean-Frédéric Poisson. Merci, monsieur Aubert.

M. Patrick Hetzel. Il est doué pour faire la claque !

M. le président. La parole est à M. Thierry Braillard.

M. Thierry Braillard. Je suis assez perplexe face aux arguments des membres de l’UMP. Lorsque l’on parle du rapport Gallois, de la situation de la recherche en France et du départ de chercheurs à l’étranger, ils accusent le Gouvernement de ne rien faire pour conserver les chercheurs en France. Mais dès que l’on envoie un message en faveur de la recherche française, ils dénoncent immédiatement les lobbies et les porteurs de valises. Je n’ai pas du tout apprécié ce dernier terme, surtout que l’actualité judiciaire et politique devrait les amener à plus d’humilité s’agissant des porteurs de valise.

M. Julien Aubert. Vous parlez de Vuitton ?

M. Thierry Braillard. Permettez-moi simplement de rappeler un message de Mme Stéphanie Hennette-Vauchez, qui a été entendue en 2011 par le Sénat. Cet éminent professeur de droit public à l’Université Paris-Ouest a tenu les propos suivants : « Le Conseil d’État estime que l’interdiction avec dérogations et l’autorisation sous conditions reviennent au même. À un élément important près : la visibilité internationale du dispositif. La recherche sur les cellules souches mobilise dans le monde des sommes énormes, un nombre considérable de chercheurs, et la médecine régénérative suscite une très forte attente dans des sociétés vieillissantes. L’interdiction avec dérogations pérennes manque son but : les chercheurs se déplacent, ils s’installent dans l’environnement le plus favorable, y compris juridiquement, à leur activité. Or notre droit n’offre pas suffisamment de sécurité ni de visibilité. Le rapport Leonetti reconnaît que ce système est mal compris à l’étranger. »

C’est pour qu’il soit bien compris à l’étranger que nous soumettons cette proposition de loi, d’initiative parlementaire, et c’est tout à l’honneur de notre Parlement de discuter de ce type de texte fondamental.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 44 et 55 rectifié.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants57
Nombre de suffrages exprimés57
Majorité absolue29
Pour l’adoption20
contre37

(Les amendements identiques nos 44 et 55 rectifié ne sont pas adoptés.)

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour un rappel au règlement.

M. Patrick Hetzel. Monsieur le président, je souhaitais m’exprimer tout à l’heure sur ces amendements, et vous ne m’avez pas donné la parole. Évidemment, c’est votre droit le plus strict, et je le respecte.

M. le président. C’est surtout le règlement !

M. Patrick Hetzel. Non, ce n’est pas le règlement, parce que nous discutons d’un texte très particulier, qui ne comporte qu’un seul article. Vous avez vous-même déclaré que vous souhaitiez que les débats se passent de manière sereine, mais vous êtes encore une fois en train de nous brider, et vous nous empêchez de nous exprimer comme nous le souhaitons. Ce n’est pas de bonne politique, d’autant qu’un scrutin public avait été annoncé. Vous aviez donc la possibilité de donner davantage la parole. Je note que vous ne le faites pas. Vous êtes dans l’esprit d’un passage en force et ce n’est pas très bon.

Sur des textes de cette nature, passer en force montre bien l’esprit qui anime la majorité. Vous devriez davantage écouter la minorité. J’entends régulièrement des vociférations du côté de la majorité lorsque la minorité s’exprime : c’est très révélateur de l’esprit qui anime en ce moment la majorité.

Il est de mauvaise politique d’utiliser la science à des fins partisanes, je me souviens d’ailleurs que c’est un point qui avait souvent été soulevé lors de la précédente législature. Aujourd’hui, la majorité utilise la thématique scientifique à des fins politiques, et c’est extrêmement grave.

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Mais quelle honte !

M. le président. Monsieur Hetzel, nous sommes en train d’étudier une proposition de loi dont vous avez rappelé à juste titre qu’elle comportait un seul article, qui de surcroît a déjà donné lieu à de très longs échanges. Chacun pourra constater que sur ce débat, l’opposition peut s’exprimer assez largement.

Concernant la discussion des amendements, le règlement est assez clair : lorsqu’il y a reçu un avis conforme du rapporteur et du Gouvernement, il n’y a ensuite qu’une seule prise de parole. J’ai donné deux fois la parole à votre groupe, puis au groupe auteur de la proposition de loi, ce qui paraît parfaitement légitime.

Prétendre, dans ces conditions, que l’opposition n’a pas la capacité de s’exprimer n’est vraiment pas juste.

La parole est à M. Julien Aubert, pour un rappel au règlement.

M. Julien Aubert. Monsieur le président, à ma connaissance, le fait de limiter à un seul orateur les prises de parole après l’avis de la commission et du Gouvernement constitue une faculté, non une obligation.

M. le président. C’est la règle.

M. Julien Aubert. C’est donc bien un choix de la présidence. Je voudrais simplement souligner que le jour où nous débattrons des gaz de schiste, si la présidence vous appliquait la même règle, vous risquez de regretter la jurisprudence que vous aurez initiée.

M. le président. On a déjà connu de très nombreuses jurisprudences dans cet hémicycle monsieur Aubert, bien avant mon arrivée. Je vous laisse donc vos propos...

Article unique (suite)

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n288.

M. Xavier Breton. Vous souhaitez libéraliser la recherche sur l’embryon, en l’ouvrant à la recherche fondamentale et à la recherche appliquée, aux laboratoires publics, mais également aux laboratoires privés. La preuve en a été faite.

Nous souhaitons l’organisation d’états généraux, prévue par l’article 46 de la loi du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique, qui a inséré dans le code de la santé publique un article L. 1412-1-1. Jusqu’à preuve du contraire, vous n’avez pas modifié cet article en excluant l’organisation d’états généraux pour la libéralisation de la recherche. Cet article continue donc de s’appliquer, que cette libéralisation soit introduite par le biais d’un projet de loi ou d’une proposition de loi.

Le président Schwartzenberg a indiqué tout à l’heure que son groupe avait déposé une proposition de loi pour éviter l’organisation d’états généraux. Mais non, monsieur Schwartzenberg, vous ne les évitez même pas ! Je lis l’article 46 de la loi du 7 juillet 2011 qui s’applique à « tout projet de réforme », et non à « tout projet de loi » ou à « toute proposition de loi » : « Tout projet de réforme sur les problèmes éthiques et les questions de société soulevés par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé doit être précédé d’un débat public sous forme d’états généraux. » Nous avons bien affaire à un projet de réforme, et il importe peu qu’il prenne la forme d’une proposition de loi ou d’un projet de loi. Ce projet de réforme concerne des problèmes éthiques ou des questions de société – on le constate à la lumière de nos débats – soulevés par les progrès de la connaissance. Avec les cellules souches adultes et les cellules souches reprogrammées, il y a eu effectivement une évolution qui justifiait tout à fait ces états généraux.

Pourquoi refusez-vous l’organisation d’états généraux ? Parce que vous voulez passer en force sur une question de société qui divise les Français. Vous utilisez les mêmes méthodes depuis plusieurs mois, en divisant les Français et en refusant le débat. Là où vous devriez chercher à rassembler les Français autour d’un objectif, notamment en termes économiques, d’emploi et de pouvoir d’achat, que faites-vous ? Vous divisez, vous créez le clivage.

Encore une fois, n’ayez pas peur des états généraux ! N’ayez pas peur des citoyens ! Ils nous donneront leur avis, que nous suivrons ou non – nous conservons notre pouvoir de législateur –, mais nous serons au moins éclairés par le débat qui aura eu lieu dans la société.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Orliac, rapporteure. Nous débattons de ce sujet dans cet hémicycle depuis 1994, dans la plus grande transparence. Notre position n’a pas changé. Je répondrai à quelques arguments pour éclairer à nouveau notre assemblée. Cependant, ce débat tourne en rond, puisque vous posez toujours les mêmes questions et que les réponses apportées seront toujours les mêmes !

Comme l’a dit Roger-Gérard Schwartzenberg tout à l’heure, notre assemblée avait déjà acté en 2002, avec les voix de nombreux membres de la majorité de l’époque, dont MM. Fillon, Sarkozy, Juppé et Myard – pour ne citer qu’eux –,…

M. Marc Le Fur. Les termes du débat n’étaient pas les mêmes !

Mme Dominique Orliac, rapporteure. …le principe d’autorisation de la recherche. Le Sénat a fait de même en 2011.

Les citoyens ayant participé aux états généraux de la bioéthique en 2009…

M. Xavier Breton. Ils ont été consultés, à l’époque !

Mme Dominique Orliac, rapporteure. …ont également jugé que les embryons voués à la destruction, en l’absence de projet parental, pouvaient être utilisés sous certaines conditions à des fins de recherche, et que l’embryon destiné à naître devait bénéficier d’un statut protecteur. C’est exactement ce que ce texte propose, et c’est exactement ce que vous avez refusé d’entendre en 2011.

M. Marc Le Fur. Consultez les citoyens, si vous êtes si sûrs de leur réponse !

Mme Dominique Orliac, rapporteure. M. Breton a soulevé une question juridique qui appelle une réponse simple. L’article 46 de la loi relative à la bioéthique n’a pas de valeur supralégislative : ce que le législateur a fait, il peut le défaire.

M. Marc Le Fur. Consultez les citoyens !

Mme Dominique Orliac, rapporteure. Surtout, il ne nous semble pas que la réunion d’états généraux s’imposait à nouveau, car notre pays et nos chercheurs n’ont que trop attendu. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Défavorable.

M. Jacques Myard. Quel effort d’argumentation !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Je ne me répéterai pas.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Cette proposition de loi avait d’abord été débattue au mois de mars, mais nous n’avons pas pu mener le débat à son terme au cours de la journée d’initiative réservée au groupe RRDP.

Mme Geneviève Fioraso, ministre. La faute à qui ?

M. Patrick Hetzel. Le Gouvernement a fait le choix de mettre cette proposition de loi à l’ordre du jour de la session extraordinaire : dès lors, sa responsabilité est engagée. Il y a un effet miroir : on passe d’une proposition de loi à une sorte de projet de loi. À partir du moment où c’est le Gouvernement qui demande que ce texte soit discuté, il doit l’assumer.

Nous souhaitons procéder à une consultation du Comité consultatif national d’éthique, parce que la loi oblige le Gouvernement à le faire lorsqu’il s’agit d’un projet de loi. Le Gouvernement est extrêmement gêné : il souhaite très vivement que ce texte soit adopté, mais en même temps il ne souhaite pas que tous les dispositifs qui s’appliqueraient normalement à un projet de loi soient mis en œuvre. Il s’agit là d’une véritable ambiguïté juridique, d’une forme de faux nez juridique. En procédant de cette manière, il est parfaitement évident que le Gouvernement veut éviter de poser un débat véritablement clair.

Si vous étiez sûrs de l’avis du Comité consultatif, vous seriez sans doute moins gênés d’y faire référence. Vous savez pertinemment qu’il aurait sans doute une approche bien plus mesurée que la vôtre. Ce sujet mérite autre chose que de dire simplement : « Nous sommes majoritaires : circulez, il n’y a rien à voir ! » Nous discutons de sujets de nature éthique : il est de très mauvaise augure d’instrumentaliser de la sorte des sujets scientifiques dans une finalité uniquement politique.

M. Marc Le Fur. Il faut apporter une réponse éthique !

M. Patrick Hetzel. Et cela montre bien qu’en réalité, vous n’êtes pas en train de servir les scientifiques, mais qu’au contraire, vous vous servez des scientifiques dans une finalité politique.

M. Jean-Frédéric Poisson. Très bien !

M. le président. Sur l’amendement n288, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme Marion Maréchal-Le Pen.

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Je partage l’objectif de cet amendement : l’organisation d’états généraux est indispensable.

Mme Catherine Coutelle. Cela a déjà été fait !

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Vous ne semblez pas avoir saisi la finalité éthique de ce débat. Votre seul argument, que nous avons entendu à plusieurs reprises, est celui de la compétitivité de la recherche. Cet argument est extrêmement dangereux, parce qu’il est faux : les faits ont prouvé que la recherche n’était pas entravée par le système actuel car les autorisations délivrées par l’agence sont souples. Votre argument est également dangereux parce qu’il met la science au-dessus de toute autre considération. En raisonnant de la sorte, vous allez ouvrir des brèches morales. Comme vous le savez, les cellules souches embryonnaires sont insuffisantes pour répondre à toutes les demandes d’études : demain se posera donc la question – pourquoi pas ? – de la création de cellules souches embryonnaires en dehors de l’assistance médicale à la procréation. Se posera la question du clonage thérapeutique.

M. Marc Le Fur. Absolument !

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Se posera la question de la création d’être hybrides. À ce moment-là, madame la ministre, peut-être allons-nous remonter dans les classements publiés par les revues scientifiques, puisque cela semble être votre seul objectif. Mais, mon Dieu, à quel prix !

M. Thierry Mandon. Dieu n’a pas sa place dans cette enceinte.

Mme Catherine Coutelle. Quel mauvais discours !

M. Patrick Hetzel. Quel sexisme, madame Coutelle !

M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller.

M. Pierre Lequiller. J’ai assisté à plusieurs débats en matière d’éthique dans cet hémicycle. Je me souviens notamment d’un débat organisé à l’initiative de M. Mattei, ministre de la santé, auquel participaient tous les parlementaires, qui avait été précédé d’une consultation du Comité consultatif national d’éthique, et qui avait fait l’objet de débats pendant un an et demi dans tout le pays. Aujourd’hui, nous sommes en train de statuer sur un sujet majeur qui devrait faire appel à la conscience de chacun. À l’époque, les votes avaient traversé les partis politiques : ce n’était pas un débat entre les partis, mais un débat de conscience pour chacun. Aujourd’hui, nous sommes en train de décider d’un sujet majeur lors d’un débat auquel participent quatre-vingts députés, soit 10 % de la représentation nationale.

M. Julien Aubert. En effet !

M. Pierre Lequiller. Il s’agit pourtant d’un sujet absolument majeur ! (Exclamations sur les bancs des groupes écologiste et RRDP.)

Monsieur le président, vous donnez la parole à deux orateurs par amendement.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’est le règlement !

M. Marc Le Fur. Dans les débats d’éthique, on n’avait jamais fait cela !

M. Pierre Lequiller. On a connu, à l’époque, des débats majeurs au cours desquels il y avait eu des prises de parole très nombreuses. Il est absolument scandaleux que, sur un sujet aussi important, nous légiférions alors que les collègues en séance ne sont pas plus de 10 % de la représentation nationale, alors que la ministre ne répond pas et que la rapporteure se contente de dire « même avis ».

M. Julien Aubert. C’est n’importe quoi !

M. Pierre Lequiller. Franchement, ce n’est pas sérieux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Paul Giacobbi.

M. Paul Giacobbi. Depuis hier, nous entendons de manière répétitive les mêmes arguments.

M. Jacques Myard. Mieux vaut se répéter que se contredire !

M. Marc Le Fur. Nous avons encore d’autres arguments !

M. Paul Giacobbi. Je n’en doute pas ! Je ne doute pas, cher ami Marc Le Fur, de votre capacité d’invention : votre intuition créatrice vous a permis de rédiger un sous-amendement fondamental, alors qu’il ne l’était pas quelques minutes auparavant. Fiat lux : la lumière est arrivée.

Sur la forme, nous avons le débat que nous méritons. Si vous voulez que nous soyons plus nombreux, soyez-le vous aussi : ce n’est pas la question. Si le débat se tient aujourd’hui, c’est parce que, lorsqu’il devait se tenir, vous avez fait de l’obstruction.

M. Marc Le Fur. Non ! Il y a eu un débat !

M. Paul Giacobbi. Vous êtes intervenus sur des sujets qui ne vous intéressaient pas, vous avez déposé des motions que vous ne votiez pas, simplement pour retarder ce débat-là. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et écologiste.)

M. Patrick Hetzel. Ce que vous dites est scandaleux !

M. Paul Giacobbi. Il existe un principe général du droit romain : Nemo auditur propriam turpitudinem allegans.

Un député du groupe UMP. En français ?

M. Paul Giacobbi. Je le dis en français, mais le latin est admis dans le droit – l’anglais aussi, parfois, pour la common law : « Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude. »

M. Jacques Myard. C’est une autocritique ?

M. Patrick Hetzel. Cela vous concerne aussi !

M. Paul Giacobbi. Vous êtes très mal placé pour le faire.

M. Marc Le Fur. Vous êtes un spécialiste !

M. Paul Giacobbi. Pour le reste, de quoi s’agit-il ? D’une question…

M. Jacques Myard. Grave !

M. Paul Giacobbi. …de procédure très importante, effectivement. Aujourd’hui, nous connaissons un régime d’interdiction de principe avec, il est vrai, des autorisations accordées dans un certain nombre de cas. Ces autorisations sont systématiquement contestées, toujours par les mêmes,…

M. Jean-Yves Le Déaut. La fondation Jérôme Lejeune !

M. Paul Giacobbi. …pour des raisons qui tiennent à l’éthique ou à une certaine vision religieuse des choses…

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Absolument !

M. Paul Giacobbi. …que je ne conteste pas, mais qui rendent la vie des chercheurs et leurs recherches très difficiles. Les uns et les autres sont soumis à un harcèlement permanent : voilà le problème. Si nous voulons inverser la charge de la preuve, c’est pour faciliter les choses.

On nous dit que nous touchons au principe fondamental de la vie : j’avoue que les bras m’en tombent ! D’abord parce que le régime qui serait institué est entouré de toutes les précautions possibles et imaginables. Ensuite parce que, mes chers collègues, quand vous dites que la recherche sur l’embryon constitue une atteinte à la civilisation – et, pendant que vous y êtes, à l’humanité ! –,…

Mme Catherine Coutelle. Ils n’hésitent jamais !

M. Paul Giacobbi. … je me demande pourquoi vous acceptez que subsiste dans notre ordre juridique la possibilité de détruire lesdits embryons dès lors qu’il n’y a plus de projet parental…

Mme Michèle Bonneton. Très bien !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous avez raison !

M. Paul Giacobbi. …et, plus encore, pourquoi vous admettez et ne considérez pas comme un scandale…

M. le président. Merci de conclure, monsieur Giacobbi.

M. Paul Giacobbi. …le fait de pouvoir procéder à des interruptions volontaires de grossesse sur des embryons de six semaines.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Bien sûr !

M. Paul Giacobbi. Je ne comprends pas ce dont vous êtes en train de nous parler. Votre pétition de principe n’a aucun sens dans ce contexte juridique. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC et écologiste.)

M. Marc Le Fur. Monsieur le président, j’ai été mis en cause ! Je veux m’exprimer !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n288.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants58
Nombre de suffrages exprimés58
Majorité absolue30
Pour l’adoption21
contre37

(L’amendement n288 n’est pas adopté.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour un rappel au règlement.

Vous êtes décidément très susceptible, monsieur Le Fur !

M. Marc Le Fur. Monsieur le président, je n’avais pas l’intention de m’exprimer, mais ayant été mis en cause par mon collègue, je me dois de lui répondre. Merci de me donner la parole, monsieur le président.

M. le président. Je vous la donne à condition qu’il s’agisse bien d’un rappel au règlement, monsieur Le Fur !

M. Julien Aubert. On ne bâillonne pas Marc Le Fur ! (Sourires.)

M. Marc Le Fur. On m’a mis en cause parce que j’ai déposé un sous-amendement qui visait à progresser vers une solution consensuelle, comme nous le faisions lors de la précédente législature avec le président Claeys – toujours absent, et qui n’agrée donc pas la méthode utilisée aujourd’hui –, et avec Jean Leonetti. Ce sous-amendement a eu un immense mérite : il a démontré que les propos de notre ministre étaient terriblement hypocrites. Mme la ministre disait qu’on limiterait ce nouveau dispositif à la recherche fondamentale : c’est faux, puisqu’elle a repoussé le sous-amendement ! Elle disait qu’on le réserverait à la maîtrise d’ouvrage publique : c’est faux !

Pour toutes ces raisons, il faut revenir à un débat plus serein, où chacun puisse s’exprimer. Nous avons le temps, monsieur le président ! Nous pouvons siéger demain et après-demain.

M. Jean-Frédéric Poisson. Oui !

M. Marc Le Fur. Nous avons tenu onze jours et onze nuits lors du débat sur la famille. Le présent débat mérite qu’on lui consacre du temps : nous ne sommes pas simplement là pour être les notaires d’un accord entre les radicaux et les socialistes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Je crois que chacun peut juger que nous avons le temps de débattre, et que nous débattons.

Article unique (suite)

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n283.

M. Xavier Breton. Nous savons que vous souhaitez libéraliser la recherche avec l’embryon, qu’elle soit fondamentale ou appliquée, par des laboratoires publics mais également privés, avec tout ce que cela implique. Maintenant, c’est clair.

Nous attendons votre réponse à la question de savoir si, pour vous, l’embryon humain fait ou non partie de l’espèce humaine. Nous serions intéressés d’avoir votre position.

Ces débats, nous le voyons bien, sont en train de diviser alors que l’on aurait pu rentrer dans la logique d’équilibre qui avait sous-tendu les lois précédentes, celles de 2004 et de 2011.

Vous souhaitez cette autorisation de la recherche, cette libéralisation, au profit de certaines industries. Dont acte. Par cet amendement, nous vous proposons, dans une optique constructive, de limiter cette autorisation à cinq ans.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. On voit bien que vous ne connaissez pas la recherche : rien ne peut être fait dans un délai de cinq ans !

M. Xavier Breton. Pourquoi ? Parce que cela permettra de voir si les fameux espoirs de la recherche que vous mettez en avant – en nourrissant, on peut le craindre, des illusions chez les malades et les patients, ce qui n’est moralement pas acceptable – se vérifient. Faisons le point dans cinq ans. Le passage de l’interdiction à l’autorisation aura-t-il changé les choses, en droit, bien sûr, mais aussi dans les faits ?

Nous faisons preuve d’une attitude constructive face à l’acharnement suspect que vous mettez à faire passer en force cette loi sur des questions de société qui divisent. Nous vous disons : chiche, travaillons ensemble et faisons le point dans cinq ans.

Je pense que vous allez refuser notre amendement, car il mettrait trop en cause certains intérêts, les intérêts de la recherche qui ne doivent, selon vous, pas être bridés, les intérêts financiers. Nous souhaitons, nous, humaniser cette loi. Nous souhaitons, effectivement, qu’il y ait une éthique. Vous ne nous parlez que de recherche, que des scientifiques. Nous vous parlons de l’homme, de l’éthique. Nous considérons que la prise en compte de la recherche et des scientifiques ne doit pas être le seul phare à nous éclairer.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Orliac, rapporteure. Monsieur le député, vous proposez de mettre en place un régime provisoire comme en 2004. À l’époque, il y avait, il est vrai, beaucoup d’incertitudes, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. J’ai déjà évoqué l’intérêt de la recherche sur les cellules souches embryonnaires et ses potentielles applications thérapeutiques qui ne peuvent être mises en œuvre qu’à moyen et long termes.

M. Xavier Breton. Rien n’a été prouvé, rien !

Mme Dominique Orliac, rapporteure. En matière de thérapie cellulaire et génique, de toute façon, les applications thérapeutiques sont à moyen et long termes.

Entre interdiction et autorisation, il nous faut désormais faire un choix. Un choix clair et assumé. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Même avis.

M. Xavier Breton. Ben voyons !

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Depuis hier soir, j’essaie de comprendre les raisons de la forme suspecte de ce débat. Pourquoi une proposition de loi ? S’agit-il de négligence, d’insouciance ? Pourquoi avoir refusé la tenue d’états généraux ? Pourquoi ne pas accepter de débats ? Pourquoi n’avoir pas retenu l’avis du Comité national d’éthique ? Pourquoi avoir refusé une commission spéciale ? Pourquoi passer en force ? Pourquoi agir en catimini ?

Ce matin, finalement, nous avons eu un aveu : l’aveu d’une volonté délibérée de ne pas prendre en compte l’avis du Comité national d’éthique, ni celui des scientifiques. C’est M. Schwartzenberg qui nous l’a dit : la formule de la proposition de loi a été choisie pour contourner le mécanisme des avis et l’organisation d’un débat préalable.

Aujourd’hui, vous sacrifiez l’embryon humain sur l’autel du marché. Ce sont des intérêts économiques qui vous poussent à lever l’interdiction pour passer à l’autorisation. Voilà qui est inacceptable !

M. Xavier Breton. Très bien !

M. le président. Sur l’amendement n283, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Vous insistez sur la destruction des embryons surnuméraires, considérant qu’une fois les bornes franchies, autant ne plus avoir de limites. Je ne suis pas d’accord : j’estime que la loi est là pour établir un équilibre. Si la destruction de l’embryon vous choque, pourquoi allez-vous plus loin ? Nous avons des cas analogues où la société décide de détruire la vie sans pour autant qu’il soit autorisé d’expérimenter sur la vie pour faire des recherches. Ce sont deux choses différentes. Hélas, je crois que vous fonctionnez encore par amalgames.

Entre amalgames et mange-disque gouvernemental répétant en boucle les mêmes choses, nous sommes un peu privés de débat.

M. Paul Giacobbi. Vous n’êtes pas très nombreux à l’être !

M. Julien Aubert. Certes, nous ne sommes pas nombreux mais il y a parfois des personnes qui augmentent votre solitude rien que par leur présence.

Nous sommes en panne de débat. Nous voulons vous parler d’éthique : l’éthique est la même, que l’on soit en 2000, en 2010, en 2020 ou en 2030, car elle s’attache à une vision de l’homme. Vous, vous nous parlez de science en citant des références sur les embryons vieilles de dix ans. Sachant que la science progresse, et qu’on a fait des progrès dans la manière dont les cellules peuvent être utilisées dans le cadre de la recherche médicale, on ne peut pas utiliser des références vieilles de dix ans.

Vous nous parlez aussi d’économie. Je suis toujours un peu troublé de voir que c’est la gauche, prétendument force de progrès, qui met en avant la concurrence internationale pour ouvrir la porte à une forme de nivellement par le bas conduisant à piétiner les valeurs fondamentales. Voilà qui est fort de café !

Pour conclure, j’exprime le vœu que cette argumentation appellera une contre-argumentation plus fournie. Il y a le traitement social du chômage ; j’aimerais que vous arrêtiez avec le traitement social du débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Je n’ai jamais dit que nous avions déposé une proposition de loi pour éviter qu’il y ait un projet de loi. Ce n’est absolument pas le cas. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Inutile de vous exclamer, c’est vous qui avez soutenu cette thèse, permettez-moi d’essayer d’y répondre.

La proposition de loi est la manifestation de l’initiative parlementaire. Je vois mal comment on pourrait reprocher aux parlementaires d’exercer leur droit d’intiative ? Les sénateurs l’ont fait au Sénat, nous le faisons ici à l’Assemblée nationale. Tout cela se passe de manière normale.

S’agissant des consultations que vous réclamez, je rappelle une fois de plus que le Comité national d’éthique, qui a organisé des états généraux et publié un rapport de conclusion, a constaté qu’il y avait un avis favorable des personnes consultées pour l’autorisation des recherches, comme l’a souligné Mme la rapporteure.

M. Jean Leonetti. Ce n’est pas exact !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Dès 2001, il avait d’ailleurs donné un avis favorable à un projet de loi allant dans ce sens. L’Académie de médecine a donné récemment deux avis favorables, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques a donné lui aussi un avis favorable. Le Conseil d’État a consacré en 2009 un rapport entier à cette question : il s’est déclaré favorable. Tout cela est extrêmement important : on ne peut pas dire que personne n’a été consulté, que nous décidons seuls, que nous tranchons seuls.

On ne peut pas dire non plus que nous sommes le seul pays dont la législation en la matière repose sur un principe d’autorisation : les États-Unis et le Royaume-Uni, qui sont également des nations civilisées, sont exactement dans ce cas.

M. Xavier Breton. Ils n’ont pas la même philosophie !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. J’ajoute que la décision du Royaume-Uni remonte à 1991.

Pour finir, j’insiste sur le fait que l’enjeu essentiel, ce sont les applications thérapeutiques, que vous n’avez pas évoquées dans votre sous-amendement, monsieur Le Fur. Quand on sait que 1,3 million de personnes sont atteintes en France de dégénérescence maculaire, qui entraîne un problème de vision très grave, on peut se réjouir que des essais cliniques aient été entamés aux États-Unis. Je pense encore aux travaux du professeur Peschanski, du professeur Menasché en matière cardiaque – comme le sait mieux que moi M. Leonetti, qui est cardiologue – et de beaucoup d’autres qui avancent considérablement.

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. Il y a aujourd’hui un malaise qui s’amplifie en raison de la procédure qui a été adoptée. Passer par une proposition de loi s’agissant d’une question aussi importante, franchement ! Le Gouvernement aurait dû de lui-même dire : nous allons en reparler, mais auparavant, il faut reprendre les choses de A à Z et consulter.

Deuxièmement, j’aimerais dire de manière très directe à Paul Giacobbi que ce n’est pas parce que la mort fait partie de la vie et que des embryons surnuméraires vont disparaître que l’on peut autoriser la recherche sur l’embryon. Il y a une différence qualitative, raison pour laquelle on ne peut pas passer de l’un à l’autre. L’amalgame auquel vous procédez n’est pas acceptable. La recherche sur l’embryon, c’est la recherche sur le vivant, c’est la recherche sur l’être humain et, à ce titre, elle doit être fortement encadrée. La mort fait partie de la vie, nous le savons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n283.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants53
Nombre de suffrages exprimés53
Majorité absolue27
Pour l’adoption19
contre34

(L’amendement n283 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n297.

M. Xavier Breton. Monsieur Schwartzenberg, les États-Unis et le Royaume-Uni n’ont pas la même philosophie que nous : ce sont des pays utilitaristes pour lesquels la fin justifie les moyens. Nous avons l’honneur d’être un pays auquel est attachée une exception éthique. Il faut que nous continuions à la défendre au lieu de nous américaniser, comme vous le souhaitez.

L’amendement n297 est un amendement sémantique, qui apporte une modification importante. L’expression de « recherches sur l’embryon » pourrait laisser croire que ces recherches visent à améliorer le sort des embryons, qu’il s’agirait en quelque sorte de recherches « pour » l’embryon. En réalité, ce n’est pas du tout le cas : il s’agit de recherches « avec » l’embryon, que vous considérez comme un simple matériau à utiliser. Nous vous proposons donc d’être clair et de remplacer le mot « sur » par le mot « avec », car c’est bien de cela qu’il s’agit.

Nous attendons toujours votre réponse sur la question de savoir si l’embryon humain, selon vous, fait ou non partie de l’espèce humaine. Pour nous, la réponse est clairement oui : il s’agit non pas d’une conviction personnelle ou d’une croyance mais d’un constat scientifique incontesté. Je vous invite à vous lever et à prendre le micro pour dire que vous considérez que l’embryon humain n’appartient pas à l’espèce humaine. Il faut assumer les choses. Il ne faut pas se cacher.

Mme Luce Pane. Rien n’est caché !

M. Xavier Breton. Ma chère collègue, je vous invite à prendre le micro pour vous exprimer. Malheureusement, je crois que vous avez des consignes pour ne pas parler. Nous regrettons que ce débat n’ait pas lieu.

Il est important de dire que ce sont des recherches « avec » l’embryon. Les choses seront claires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Orliac, rapporteure. Défavorable.

M. Julien Aubert. Bravo pour l’argumentation !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Défavorable.

M. Julien Aubert. Encore le mange-disque gouvernemental !

M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller.

M. Pierre Lequiller. Je trouve que ça commence à suffire !

Mme Fanélie Carrey-Conte. Nous aussi !

M. Pierre Lequiller. Le Gouvernement est ici pour répondre à la représentation nationale. Cela fait bien une heure et demie, madame la ministre, que vous répétez : « même avis », « même avis », « même avis ».

Si le ministre doit être présent dans l’hémicycle avant que le président de l’Assemblée nationale ne monte à la tribune, c’est par respect pour la représentation nationale. Vous n’avez aucun respect pour la représentation nationale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Vous ne répondez pas à nos questions.

Un enregistreur ou un perroquet serait à votre place sur les bancs du Gouvernement que ce serait la même chose !

Je demande, madame la ministre, que vous soyez à la disposition de représentation nationale et que vous répondiez aux observations et aux amendements de l’opposition.

M. le président. La parole est à M. Jacques Bompard.

M. Jacques Bompard. Nous savons, les débats l’ont établi, que cette loi est scientifiquement dépassée. Ce que nous lui reprochons, c’est d’être en opposition avec toute éthique. Aujourd’hui, tout le monde condamne, officiellement du moins, le trafic d’organes. Avec l’utilisation de l’embryon, vous réalisez quelque chose de même nature, avec les mêmes objectifs financiers.

Pourquoi voulez-vous, avec autant d’acharnement, dénaturer la vie ? Ne pas obéir à ses lois, c’est travailler à détruire la vie.

Mme Catherine Coutelle. N’importe quoi !

M. Jacques Bompard. Nous avons nettement l’impression que ce qui est en train de se faire dans cette assemblée correspond à une volonté de détruire la vie.

Vos lois sociétales sont destructrices, elles mettent en place la commercialisation de tout, et à terme, vous justifierez le pire. C’est désolant !

M. le président. La parole est à M. Jean Leonetti.

M. Jean Leonetti. Je ne ferai pas un rappel au règlement, mais un appel à la raison ! Nous sommes dans un débat éthique,…

M. Marc Le Fur. Un débat étique, plutôt !

M. Jean Leonetti. … et je trouve que les arguments utilisés aujourd’hui se sont profondément dégradés, parce que nous faisons face à un mutisme total de la part du Gouvernement.

Vous aviez dit, madame la ministre, que vous souhaitiez un débat apaisé. Mais un débat apaisé ne signifie pas refuser de répondre – et même refuser d’essayer de répondre – aux interrogations.

Je suis de ceux qui ont beaucoup réfléchi avant de choisir entre l’autorisation encadrée et l’interdiction avec dérogation. Je suis de ceux qui ont débattu à l’époque avec des membres de l’opposition, avec lesquels nous avons élaboré un texte, certes pas satisfaisant pour tous, car nous ne sommes pas obligés de nous entendre sur tout, mais dans lequel chacun a été respecté.

Pourquoi voulez-vous aujourd’hui passer en force, sans nous répondre ? C’est pire que si nous examinions un texte relatif à la TVA, ou à des modifications législatives banales : vous intervenez dans un débat éthique, madame la ministre !

Vous avez dit tout à l’heure que vous étiez la représentante des chercheurs. Non : vous êtes la représentante du Gouvernement de la France,…

M. Jean-Frédéric Poisson. Absolument !

M. Jean Leonetti. …de la cinquième puissance mondiale, qui a créé les droits de l’homme et les a diffusés dans le monde entier.

Vous appartenez au Gouvernement de la France : vous ne pouvez pas, devant les représentants du peuple, demander un débat apaisé, tout en refusant de répondre au motif que vous auriez raison et que, de toute façon, le texte sera voté.

M. Christian Paul. Mais la ministre a déjà répondu à vos questions !

M. Jean Leonetti. Votre démarche n’est pas éthique, et ne correspond pas à l’idée que nous nous faisons d’un ministre de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Sur l’amendement n297, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Je souhaite revenir sur un autre point. L’amendement qui nous est présenté ici montre bien que des questions de fond se posent.

Récemment, j’ai eu l’occasion d’échanger avec la Fédération française pour le don de sang bénévole. Peut-être le savez-vous, cette fédération s’est exprimée massivement. J’ai d’ailleurs sous les yeux un courrier signé par son président et son vice-président, dans lequel ceux-ci indiquent clairement qu’ils ne souhaitent pas que ce texte soit adopté car il existe selon eux un risque de dérive.

Je voudrais revenir plus particulièrement sur un point dont nous n’avons pas encore parlé dans notre débat : il s’agit de l’article 53 de la loi sur la bioéthique, qui protège les chercheurs, les médecins et les auxiliaires qui refusent de se prêter à des recherches sur l’embryon ou sur des cellules souches embryonnaires, en référence à une clause de conscience.

Avec ce texte, nous sommes confrontés au risque que cet article 53 relatif à la clause de conscience ne s’applique peut-être plus de la même manière. C’est là quelque chose dont on n’a pas du tout mesuré les conséquences.

Nous aurions plus que jamais besoin de l’avis du Comité consultatif national d’éthique. Or nous n’en disposons pas, alors que demeurent plusieurs zones d’ombre.

On nous laisse croire que c’est pour protéger les chercheurs, mais en réalité le texte tel qu’il nous est présenté peut au contraire fragiliser la position de certains chercheurs. Or vous n’évoquez à aucun moment ce point de vue.

En vérité, vous imposez une vision unique, presque totalitaire – et je crois que j’ai déjà eu l’occasion d’utiliser ce terme cette semaine à l’occasion d’un autre texte. Je constate hélas que le Gouvernement a souvent des visions totalitaires, c’est-à-dire une vision unique.

M. Jacques Myard. Une vision mercantile !

M. Patrick Hetzel. Vous négligez le fait qu’il pourrait y avoir des points de vue divers – en l’occurrence la communauté scientifique est largement divisée – et qu’il n’existe pas de consensus sur cette question. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jacques Bompard. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n297.

M. Marc Le Fur. Le scrutin a été annoncé il y a moins de cinq minutes, monsieur le président !

M. Christian Paul. Ne remettez pas en cause la présidence !

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants56
Nombre de suffrages exprimés56
Majorité absolue29
Pour l’adoption23
contre33

(L’amendement n297 n’est pas adopté.)

M. Patrick Hetzel. Cela devient de plus en plus juste du côté de la majorité !

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n301.

M. Xavier Breton. Avant de défendre cet amendement, je tiens à déplorer les conditions dans lesquelles se déroule le débat. La représentante du Gouvernement est muette alors que nous avançons de nouveaux arguments.

Nous avons indiqué que nous souhaitions des états généraux. Il y en a eu avant la loi de 2011. Mais en l’occurrence, nous examinons une nouvelle loi. Nous souhaitons une expérimentation pour cinq ans, nous souhaitons parler de recherche « avec l’embryon » plutôt que « sur l’embryon ». Nous aimerions pouvoir en débattre ; mais manifestement, cela ne sera pas possible !

En fait, cela tient à ce que vous êtes limitée, madame la ministre – non pas personnellement, mais dans votre champ de compétence : vous êtes ministre de la recherche. Le problème vient de ce que le Gouvernement a décidé de faire porter ce texte par le ministre de la recherche.

Lorsque les lois de bioéthique ont été débattues en 2011, c’était le ministre de la santé et des affaires sociales qui intervenait.

M. Marc Le Fur. Ce n’est pas pareil !

M. Xavier Breton. Il n’était pas là uniquement pour colporter la parole des chercheurs et des industriels de la pharmacie, mais pour prendre en compte les attentes de l’ensemble de la société : celles des professionnels et des chercheurs, naturellement, mais également celles des citoyens, des malades et des patients.

À l’inverse, vous êtes le porte-parole de la recherche, et l’on voit bien que ce tropisme nous empêche aujourd’hui de débattre. Nous souhaitons aller au-delà de la recherche : nous voulons parler de l’homme, soulever des questions d’éthique, etc. Mais vous ne pouvez pas le faire, car cela n’entre pas dans votre domaine de compétence.

Si vous le permettez, monsieur le président, je vais défendre en même temps l’amendement n301 et l’amendement suivant.

M. le président. Vous avez donc la parole pour présenter les amendements nos 301 et 298.

M. Xavier Breton. Les cellules souches embryonnaires mais également les lignées de cellules souches ne proviennent pas de nulle part : elles sont issues de la destruction d’un embryon. Quand on essaye de déterminer l’origine des cellules souches embryonnaires ou des lignées de cellules souches, on oublie de rappeler qu’elles proviennent d’un embryon qui, pour nous, fait partie de l’espèce humaine.

Nous attendons toujours, du reste, votre réponse à cette question : l’embryon fait-il oui ou non partie de l’espèce humaine ?

Nous souhaitons donc, avec ces deux amendements, rappeler que toute cette recherche, publique et privée, fondamentale et appliquée, puisque c’est ce que vous souhaitez, repose sur la destruction de l’embryon.

M. Jean-Frédéric Poisson. Excellent !

M. Marc Le Fur. Pour moi, cela est très clair !

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

Mme Dominique Orliac, rapporteure. Avis défavorable. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Fioraso, ministre. M’étant exprimée à deux reprises assez longuement, je crois avoir répondu à toutes les questions que vous m’avez posées ; mais peut-être ne vous en êtes-vous pas aperçu !

Regardez-vous un peu dans votre propre miroir : vous avez dû répéter à peu près trente fois les mêmes arguments !

Il s’agit d’une proposition de loi, avec un article unique ; vous n’avez déposé en commission que deux amendements…

M. Jean-Frédéric Poisson. Nous exerçons notre droit d’amendement comme nous l’entendons !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. … puis vous avez déposé trois cents amendements au dernier moment !

M. Marc Le Fur. Vous l’avez déjà dit !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Non, je ne l’ai pas encore dit ; quelqu’un d’autre l’a dit, mais pas moi ! Seulement nous, nous écoutons, et je peux vous indiquer précisément qui l’a dit ! Tandis que vous, vous avez répété à peu près quarante fois les mêmes choses,…

M. Marc Le Fur. Nous les répéterons cent fois si nécessaire !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. … et souvent des choses erronées ; je vais y revenir !

Ce n’est pas à l’industrie pharmaceutique que la ministre de la recherche doit rendre des comptes, et je n’accepte pas que vous mettiez en cause tant les parlementaires que le Gouvernement sur ce sujet, car vous êtes particulièrement mal placés pour le faire ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Pourquoi cela ?

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Qui a multiplié, durant le dernier quinquennat, à l’Agence nationale de la recherche, les appels à projets et les appels partenariaux au détriment de la recherche fondamentale ? C’est votre gouvernement ! C’est vous, quand vous étiez aux responsabilités !

M. Marc Le Fur. Mais nous, nous n’avons pas autorisé la recherche sur les embryons !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Qui, beaucoup trop souvent, faisait des cadeaux à la recherche privée au détriment de la recherche fondamentale ? C’est votre gouvernement !

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est scandaleux !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Qui, à plusieurs reprises, lors de débats impliquant de grandes firmes, a pris systématiquement le parti de celles-ci contre la recherche publique ? Qui n’a pas respecté cet équilibre ?

Pour ma part, je suis pour le partenariat public-privé, mais chacun dans ses missions !

M. Pierre Lequiller. Pourquoi défendez-vous la recherche privée, alors ?

Mme Geneviève Fioraso, ministre. La mission de service public, c’est celle que défend le ministre de la recherche. C’est cela que j’ai dit tout à l’heure, c’est cela que vous n’avez pas voulu entendre et que vous avez caricaturé !

Pour autant, il existe bien entendu une finalité à la recherche fondamentale : c’est le patient ! Ce n’est pas le profit, c’est le patient ! Vous avez complètement oublié le patient et les familles dans votre argumentation. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Avez-vous pensé une seconde à l’accompagnement du vieillissement de la population, à l’allongement de la durée de vie, aux maladies neurodégénératives qui frappent les familles et concernent des millions de personnes ?

M. Patrick Hetzel. Naturellement, nous y avons pensé !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Avez-vous pensé aux traitements personnalisés, à la médecine personnalisée, qui nécessitent que nous poursuivions les recherches en parallèle ?

C’est ce que fait le professeur Yamanaka, que je crois être la seule à avoir rencontré et avec qui j’ai discuté longuement sur ce sujet. Vous n’avez manifestement pas lu ce qu’il a écrit dans The Lancet et dans Nature.

M. Patrick Hetzel. Si, nous l’avons lu !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Il est vrai que c’est rédigé en anglais, monsieur Myard, et qu’il est parfois un peu compliqué de lire en anglais pour des scientifiques quand on ne leur apprend pas cette langue à l’université et que même on s’y oppose fermement !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Bravo !

M. Marc Le Fur. Agent de l’étranger !

M. Jacques Myard. Nous ne vous avons pas attendue pour parler la langue de Shakespeare !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. C’est le même état d’esprit de fermeture, qui n’est pas tourné vers la société ; c’est un état d’esprit sectaire ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous ne partageons pas cet état d’esprit ! Le nôtre est humaniste, tourné vers la société !

M. Jacques Myard. Vous êtes minable ! Vous êtes médiocre !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Calmez-vous, monsieur Myard !

Plusieurs députés du groupe UMP. Quelle arrogance !

M. le président. S’il vous plaît ! La parole est à Mme la ministre ! Un peu de tenue, s’il vous plaît ! La parole est au Gouvernement !

M. Marc Le Fur. On ne laisse pas insulter les parlementaires !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Vous avez parlé tout à l’heure d’incompétence à propos de la représentante du Gouvernement : cela, c’est de l’arrogance et de l’attaque personnelle !

J’ai parlé d’un état d’esprit ! Pour en avoir débattu à deux reprises au Sénat, avec des sénateurs de votre groupe politique, je peux vous dire que la tonalité et le niveau de la discussion étaient d’une autre hauteur !

Je regrette que, depuis le début, lors de la séance fin mars,…

M. Pierre Lequiller. Vous êtes là pour répondre à nos questions ! Quelle arrogance !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Mais quand je réponds, vous n’êtes pas d’accord ! Très bien, actons nos désaccords ! Je viens de répondre sur la recherche, j’ai répondu sans invective – les invectives venaient de votre côté. J’ai répondu également sur l’état d’esprit dont vous faites preuve.

Finalement, vous développez une véritable défiance à l’égard d’une société de progrès. Vous vous défiez du genre humain : c’est votre état d’esprit, ce n’est pas le nôtre !

M. Jacques Myard. Mais non !

M. Marc Le Fur. Au contraire : nous protégeons le genre humain !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Nous préférons autoriser, avec un encadrement assuré par une agence de biomédecine indépendante, parce que nous croyons dans l’expertise indépendante.

C’est aussi cela, la démocratie : reconnaître une expertise indépendante, irréfutable, incontestable. C’est faire confiance dans la recherche,…

M. Patrick Hetzel. Alors pourquoi ne consultez-vous pas le Comité consultatif national d’éthique ? C’est une mascarade !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. …parce que nous avons la chance, dans notre pays, d’avoir une recherche publique soumise à une déontologie, une charte éthique.

La charte éthique existe pour l’ensemble de la recherche publique. Si vous ne la connaissez pas, elle est consultable en ligne !

M. Patrick Hetzel. Consultez plutôt le Comité consultatif national d’éthique !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Tous les articles éthiques sont déclinés pour la recherche publique en France. Nous avons une protection, nous avons tous les organismes d’expertise indépendants nécessaires pour encadrer cette recherche. Ce n’est pas le cas partout dans le monde.

Il ne faut pas accepter que nos meilleurs chercheurs partent. Vous ne pouvez pas déplorer la fuite des cerveaux et regretter que nos meilleurs chercheurs partent parce que l’on stigmatise leurs recherches. (Exclamations sur divers bancs du groupe UMP.)

Nous avons réduit tous nos partenariats européens parce que depuis 2006 – laissez-moi répondre à vos questions ! –, l’Europe, dont vous disiez qu’elle condamne ces recherches, lance des appels d’offres sur la recherche sur les cellules souches embryonnaires. (Mêmes mouvements.)

Mme Luce Pane. Écoutez donc la ministre !

M. Marc Le Fur. Il faut lui donner ses médicaments !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Si mes réponses ne vous intéressent pas, monsieur Le Fur, ce n’est pas la peine de me demander de répondre ! Ça suffit, à la fin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Merci de votre attention ; je serai brève, et je serai sereine, parce que ce débat le mérite.

M. Christian Paul. Quelle grossièreté de la part des membres du groupe UMP !

M. Jean-Frédéric Poisson. N’exagérez pas !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Je vous demande simplement de mettre vos actes en accord avec vos paroles.

Vous avez parlé de l’Europe en disant qu’elle contestait ce type de recherche. Depuis 2006, l’Europe n’a cessé de lancer des appels d’offres, des appels à projets, pour la recherche sur les cellules souches embryonnaires. Pourquoi ? Parce que, sur certaines recherches, il n’y a pas encore d’alternative et le professeur Yamanaka continue dans ses laboratoires, celui de Kyoto que j’ai visité et celui de San Francisco, à mener en parallèle ces recherches.

C’est peut-être parce qu’il va continuer à mener en parallèle ces recherches que nous pourrons de mieux en mieux préciser celles qui nécessitent des cellules souches embryonnaires. Leur utilisation n’est pas faite par plaisir par les chercheurs, mais parce qu’il n’y a pas d’autre choix pour répondre aux grands enjeux de thérapie appliquée à découvrir, aux grands enjeux sanitaires qui s’imposent à nous avec une acuité croissante, en raison de l’explosion de maladies liées à la démographie et à la sociologie de nos pays.

Oui, il faut continuer à mener en parallèle ce type de recherche, tous les scientifiques le disent : je tiens à votre disposition leurs articles que j’avais lus la dernière fois, je ne vais pas me répéter, vous me le reprocheriez.

C’est cela, la démarche des chercheurs, qui procèdent par comparaison. C’est pourquoi il est important d’avoir une ministre de la recherche qui vous rappelle la démarche de la recherche : celle-ci est régie par des chartes d’éthique et se fait dans plusieurs voies. On les compare, on regarde laquelle est la plus efficace. Vous le savez, pour ceux d’entre vous qui sont scientifiques et qui ont fait de la recherche. On compare et on choisit toujours – toujours – la recherche qui est la plus bénéfique pour la finalité. Et la finalité, c’est le patient. Et dans le cas des maladies neuro-dégénératives liées au vieillissement, c’est le patient et les familles : cela fait beaucoup de monde et cela vaut bien une consultation nationale, croyez-moi.

Cette consultation nationale dure d’ailleurs depuis douze ans : cela fait douze ans que ces arguments sont développés. Les votes de 2002 devraient être les mêmes aujourd’hui.

M. Jean-Frédéric Poisson. Et ceux qui n’étaient pas là en 2002 ?

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Oui, la science a évolué, mais nous avons toujours besoin de recourir aux deux solutions : les IPS, très prometteuses mais émergentes, et…  (Interruptions sur les bancs du groupe UMP.)

Vous me laissez terminer, s’il vous plaît ?

M. Christian Jacob. Essayez d’aligner deux arguments, au lieu d’être toujours dans l’agressivité. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Si je puis me permettre, monsieur Jacob, je ne crois pas que ce type d’argument soit crédible venant de vous. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Marc Le Fur. Scandaleux !

M. Christian Jacob. Vous êtes d’une grave médiocrité !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Je continue tout à fait tranquillement et sereinement. Les IPS sont une technologie émergente… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Merci de bien vouloir écouter. Puisqu’on m’a demandé d’intervenir, j’interviens : merci de m’écouter. Vous pourrez répondre ensuite.

M. Christian Jacob. Catastrophique !

M. Marc Le Fur. Il faut qu’ils changent de ministre, comme ils l’ont fait pour Batho. Martin ne peut pas la remplacer ?

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Les IPS sont une technologie et une recherche émergentes, mais pour autant, nous avons toujours besoin du recours aux cellules souches embryonnaires et vous remarquerez que dans la proposition de loi, il est bien indiqué qu’on a recours à la recherche sur les cellules souches embryonnaires lorsqu’il n’y a pas d’alternative scientifique. C’est bien indiqué, c’est validé par des revues internationales, c’est validé par le prix Nobel Yamanaka que j’ai eu l’honneur de rencontrer et d’interroger longuement à ce sujet : il s’est exprimé dans des revues scientifiques incontestables qui sont à votre disposition.

M. Pierre Lequiller. Nous les avons lues. Et en anglais !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Compte tenu de tous ces arguments scientifiques qui me paraissent incontestables, il me semble important d’adopter un état d’esprit de confiance dans la recherche, de confiance dans une société de progrès qui n’est pas la société dénaturée que vous décrivez – une société assez fantasmée de votre part –…

M. Jean-Frédéric Poisson. Sûrement pas !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. … mais une société qui, dans un encadrement très strict, n’a qu’un souci : le bien-être des personnes. Il faut faire en sorte que les personnes qui aujourd’hui ont des maladies incurables, ainsi que les familles qui doivent les soutenir, puissent bénéficier des progrès de la science d’une façon tout à fait encadrée. Et le signe que nous donnons est tout à fait différent.

Si nous sommes passés de la cinquième à la septième, puis à la dix-septième place au niveau mondial dans le domaine de la recherche sur les cellules souches embryonnaires, c’est bien parce que nous avons émis des signes de défiance croissants depuis dix ans et que nous avons stigmatisé les chercheurs. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. Patrick Hetzel. C’est sur les IPS que nous sommes en retard !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Ce texte garde les mêmes garanties de déontologie, d’éthique, d’encadrement, mais il témoigne de notre confiance dans la communauté des chercheurs et surtout il donne confiance aux partenaires européens. Nous n’avons pas répondu aux appels d’offres de l’Europe. Pourquoi ? Aucune équipe européenne ne veut intégrer des chercheurs français, sachant que la Fondation Lejeune, par exemple, édite des cartes mensongères qui sont diffusées avec un peu de complaisance de la part de certains politiques et qui montrent des foetus de six mois alors que les recherches portent sur des cellules de cinq jours et demi à sept jours et demi.

M. Jean-Frédéric Poisson. Ce ne sont pas des êtres humains ?

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Où est la vérité scientifique ? Où est l’honnêteté intellectuelle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

De quel côté se situent le mensonge et la tromperie ? Il faut parler de ce qui est réel. Il s’agit de cellules surnuméraires constituées pour la FIV et qui ne font plus l’objet d’un projet parental.

M. Jean Leonetti. Cela s’appelle des embryons !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Embryons ou cellules, entre cinq jours et demi et sept jours et demi. Lisez le texte de loi : ce sont à la fois des cellules souches embryonnaires et des embryons. Lisez les textes, c’est bien de cela qu’il s’agit, et non de ces foetus de six mois qu’on voit sur ces cartes postales infamantes, mensongères, destructrices pour les familles et pour les patients. Soyons précis. Et si nous ne sommes plus présents dans les projets européens et internationaux…

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est parce que nous ne nous intéressons pas aux IPS !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. …dont nous avons besoin pour progresser dans ces recherches émergentes, c’est bien parce qu’il y a une défiance causée par les recours qui peuvent mettre en danger ces projets. Les partenaires français pourraient être amenés à se retirer, parce qu’un procès n’est jamais gagné d’avance, malheureusement, même en faveur de la recherche.

M. Jean-Frédéric Poisson. Ces recours sont-ils illégaux, madame la ministre ?

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Voilà pourquoi nous avons régressé sur le plan européen et sur le plan international. Ces arguments, nous les avons développés. Je les ai développés à la fin du mois de mars. Mme la rapporteure les a développés et l’ensemble des députés de la majorité intéressés par ces sujets les ont développés aussi. Vous n’avez pas voulu les écouter et vous avez préféré adopter une stratégie d’obstruction. Excusez-moi, mais quand on passe de deux amendements en commission à près de trois cents déposés à la va-vite au dernier moment, il s’agit bien d’une stratégie, ou disons plutôt d’une tactique, d’obstruction.

Nous ne voulons d’un débat qui se déroule dans de telles conditions. Encore une fois, y compris avec votre parti politique, un débat dans un autre état d’esprit est possible. Je l’ai mené au Sénat avec un autre rapporteur, M. Mézard, et ce fut un débat extrêmement intéressant, que nous n’avons pas bâclé. Nous avons pris tout le temps nécessaire : deux très longues soirées consacrées à ce sujet, qui mérite d’être traité avec un peu plus de sérénité.

Votre tactique d’obstruction consiste à demander des scrutins publics…

M. Jean-Frédéric Poisson. Mais nous en avons le droit.

Mme Geneviève Fioraso, ministre. … et des suspensions de séance à l’issue desquelles vous en demandez une autre immédiatement. Qu’avez-vous fait pendant la suspension, si ce n’est préparer une proposition ? Mais non, il vous faut encore demander une suspension de séance. Nous voyons bien que vous jouez la montre et que vous ne voulez pas que ce texte soit discuté et adopter. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Marc Le Fur. On peut se donner le temps de travailler, quand même !

M. Pierre Lequiller. Vous êtes à notre service, ça suffit !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Sur tous les projets de loi que j’ai défendus, y compris en commission, j’ai montré que j’étais là jusqu’à cinq heures du matin, ce qui, je crois, était absolument inédit.

En application de l’article 96 du règlement, le Gouvernement demande la réserve des votes, compte tenu de votre attitude. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. le président. La réserve est de droit.

M. le président. La parole est à M. Jean Leonetti.

M. Jean Leonetti. Les masques tombent les uns après les autres. Nous avions compris pourquoi nous examinions une proposition de loi : pour éviter le problème du Conseil d’État et de l’article 46 de la loi bioéthique qui imposait un débat citoyen et des états généraux.

M. Thierry Braillard. Mais non !

M. Jean Leonetti. Nous avons aussi compris pourquoi nous nous trouvons dans un examen rapide : c’est parce qu’il y a une demande pressante. Et nous, nous avons une demande tout aussi pressante – c’est la cinquième fois que je pose la question à Mme la ministre. est-ce que votre ministère a eu des contacts et des auditions avec les laboratoires pharmaceutiques privés qui puissent nous faire penser qu’il y aurait une exploitation différente ?

Enfin, pardonnez-moi de vous le dire, madame la ministre, vous avez perdu votre sang-froid. Vous n’avez pas donné d’arguments autres que scientifiques. Je ne conteste pas la scientifique que vous êtes, ni les scientifiques que certains sont ici. J’ai moi-même travaillé pendant trois ans au CNRS et j’ai une culture scientifique, mais ici nous ne représentons pas la culture scientifique, nous représentons le peuple français. Dans un débat sur la recherche, la question n’est pas de savoir comment elle peut être la plus efficace, mais comment elle peut être la plus efficace en tenant compte d’un problème éthique qui est la dignité de la personne humaine. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Ah oui, cela vous gêne ! Ça, c’est sûr !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Pas du tout !

M. Jean Leonetti. Pardonnez-moi, j’ai dit un gros mot !

Ce qui est en jeu est défini par le Comité national d’éthique non comme un amas de cellules, non comme une cellule surnuméraire qui n’existe pas, madame la ministre, mais comme un embryon.

M. le président. Merci de conclure, monsieur Leonetti.

M. Jean Leonetti. Vous affirmez que vous voulez un débat apaisé et vous réservez les votes !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous l’avez fait tous les jeudis sous la précédente législature. Tous les jeudis ! J’y étais !

M. Jean Leonetti. Donc, c’est fini. Nous avons bien compris.

Dans ce contexte, je demande une suspension de séance d’un quart d’heure pour réunir mon groupe et déterminer quelle attitude nous devons adopter devant cette obstruction de la part du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Rappels au règlement

M. le président. Avant la suspension de séance, la parole est à M. Marc Le Fur, pour un rappel au règlement.

M. Marc Le Fur. Les choses sont claires. La nature d’un débat dépend du ministre. C’est le ministre qui fait l’ambiance du débat. Il m’a été donné il y a quelques jours de présider un débat durant lequel, au banc du Gouvernement, siégeait M. Hamon. Ce débat a duré seize heures. Je ne connaissais pas M. Hamon, je le classais plutôt à l’extrême gauche du PS. Mais il a répondu à tout, sereinement, cherchant des occasions de compromis. Jamais de pirouettes, jamais d’effets de manche. Des réponses précises, argumentées, objectives, dans le souci de travailler avec les parlementaires. Jamais un mot de trop, jamais une insulte à l’encontre du Parlement et des parlementaires. C’est cela, la règle qui devrait s’imposer, et je crois que M. Vidalies devrait faire passer ce message à l’ensemble des ministres.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. On connaît votre comportement dans les manifestations, monsieur Le Fur.

M. Marc Le Fur. Vous recourez à l’article 96. Cela veut dire que le groupe socialiste, monsieur Le Roux, n’est pas sûr de ses présences. M. Claeys n’est pas là : c’était l’expert. M. Le Déaut vient d’arriver, on ne l’a pas encore beaucoup vu. Vous n’êtes pas sûrs de vos arguments et vous n’argumentez pas !

M. le président. Monsieur Le Fur, c’est un rappel au règlement, nous sommes d’accord ?

M. Marc Le Fur. Mais oui, précisément. Le recours à l’article 96 est révélateur d’un groupe majoritaire qui n’est pas sûr de l’être au moment des votes.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous l’avez utilisé, avec le vote bloqué, tous les jeudis.

M. Marc Le Fur. D’autres l’ont fait, je ne le nie pas, mais c’est cela, la méthode que vous voulez utiliser. Madame la ministre, revenez à des réponses sur le fond. Je suis convaincu qu’intellectuellement, vous pouvez le faire. Vous ne nous en avez pas encore donné la démonstration, mais je suis convaincu que vous pouvez le faire. Donc, faites-le, sereinement, en nous respectant, en respectant cette grande maison qui s’appelle l’Assemblée nationale ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. Christian Paul, pour un rappel au règlement.

M. Christian Paul. Je pense qu’à ce stade de nos débats, nous devons une explication aux Français sur la manière dont ils se déroulent. C’est un débat qui est vivant, dans ce pays, depuis plus de dix ans, un débat qui est en cours au Parlement depuis plusieurs années. C’est une proposition de loi qui a été déposée depuis de longs mois, je crois qu’il faut le rappeler.

La ministre, depuis hier, a exposé tous les arguments, a répondu par avance ou a posteriori à la totalité des questions posées.

M. Jean Leonetti. Pas du tout !

M. Patrick Hetzel. C’est faux.

M. Christian Paul. Elle a présenté des garanties qui, en tout cas pour la majorité, apparaissent suffisantes.

M. Jean Leonetti. Quelles garanties ?

M. Christian Paul. La rapporteure, Mme Orliac, a éclairé nos débats avec la méthode et le sérieux que nous lui connaissons.

M. Marc Le Fur. Mais la ministre a demandé la réserve sur le vote des amendements touchant à des sujets fondamentaux !

M. Christian Paul. Les groupes se sont exprimés, mais aussi M. Schwartzenberg, ancien ministre de la recherche, Jean-Louis Touraine, qui a beaucoup contribué, pour notre groupe, à ce débat, sans oublier, bien sûr, M. Le Déaut, qui a apporté l’expertise de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.

Vous ne pouvez donc pas dire une seconde aux Français que ce débat n’a pas été partagé, documenté et éclairé.

M. Jean Leonetti. Mais vous ne faites que débattre entre vous !

M. Christian Paul. Ce fut un long débat, monsieur Leonetti, et cela aurait pu être, cela devait être un grand débat ; mais vous n’avez pas fait ce choix.

M. Patrick Hetzel. C’est vous qui avez refusé ce débat !

M. Christian Paul. Vous avez fait le choix inverse, vous avez refusé ce grand débat, et je veux le démontrer brièvement, devant les Français. Le 28 mars, nous avons eu droit, de votre fait, à une nuit d’obstruction ; hier après-midi, vous avez tenté, sur des textes qui n’avaient rien à voir avec celui-ci, des manœuvres de retardement,…

M. Jean Leonetti. Pas du tout !

M. Marc Le Fur. Mais non !

M. Christian Paul. …et enfin, au moment d’examiner la proposition de loi en séance, vous avez défendu des motions de procédure, présenté quelque trois cents amendements sur un texte composé d’un article unique !

M. Jean-Frédéric Poisson. Et alors ? C’est parfaitement notre droit !

M. Christian Paul. C’est votre droit, en effet, comme c’est votre droit de ralentir excessivement et sans raison la procédure parlementaire mais ce n’est pas digne du Parlement.

Nous considérons donc que le débat a été éclairé. Il l’a été également par la contribution du Comité national consultatif d’éthique, par son président Jean-Claude Ameisen dont vous avez dit, monsieur Leonetti, qu’il a été approuvé à l’unanimité par la commission.

M. le président. Merci de bien vouloir conclure, mon cher collègue.

M. Christian Paul. Sur un débat aussi essentiel que celui-ci, chacun est comptable de ses convictions, c’est évident. Mais vous êtes aussi comptables, mes chers collègues, de la démocratie parlementaire. Et la démocratie parlementaire, vous la singez depuis des heures, vous la travestissez depuis des heures.

M. Jacques Myard. Oh !

M. Jean Leonetti. C’est insupportable de se faire traiter ainsi !

M. Jean-Frédéric Poisson. Vous êtes un pompier pyromane, monsieur Paul !

M. Christian Paul. Nous approuvons donc sans réserve le choix de procédure proposé par le Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour un rappel au règlement.

M. Xavier Breton. Vous prétendez que le débat a lieu.

M. Jean Leonetti. Il a lieu entre eux !

M. Xavier Breton. Le débat a lieu entre une ministre et une rapporteure qui prennent la parole de manière très aléatoire, qui ne répondent pas à certaines questions posées.

M. Patrick Hetzel. Il s’agit d’un colloque très symbolique !

M. Xavier Breton. D’un autre côté, nous avons des socialistes qui sont absents, parce qu’ils ont la consigne de ne rien dire : il faut aller vite, il faut vite faire adopter ce texte, il faut éviter le débat. Et donc, on passe en force. Nous aimerions entendre autre chose que les soupirs de la présidente de la commission, ou la lecture d’un courrier, comme ce fut le cas deux ou trois fois le 28 mars dernier. Nous aimerions avoir son avis, nous aimerions que les députés socialistes s’expriment. L’embryon humain fait-il, pour vous, partie intégrante de l’espèce humaine ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. La question est de savoir s’il s’agit d’un projet parental ou s’il ne s’agit pas d’un projet parental, point !

M. Xavier Breton. Sur ce genre de questions, qui sont tout de même au cœur du sujet, nous n’avons aucune réponse. La consigne, c’est : « On se tait ». Vous prenez la parole, à l’instant, pour dire aux Français que le débat a lieu. Mais non : vous ne dites rien depuis hier soir. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Levez-vous donc, quand nous proposons des arguments, quand nous proposons simplement que cette expérimentation ait lieu pendant cinq ans. Il s’agit tout de même d’avancées constructives sur lesquelles nous pourrions discuter, dire si nous sommes d’accord ou pas d’accord ; mais rien, vous vous taisez, vous refusez le débat…

Mme Catherine Coutelle. Un débat, c’est fait pour avancer !

M. Xavier Breton. …et maintenant vous refusez les votes !

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Yves Le Déaut. J’ai été interpellé par notre collègue Le Fur et je souhaite lui répondre que j’ai été présent depuis hier soir pendant la totalité de ce débat, tout comme au mois de mars.

M. Nicolas Dhuicq. Mais nous ne vous entendons pas !

M. Jean-Yves Le Déaut. Quand, sur l’article unique, la totalité des membres de l’UMP ici présents se sont exprimés et que pour un amendement de suppression, la même totalité s’exprime, en effet, on ne peut que noter un trop-plein de débat d’un côté de l’hémicycle. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Hetzel. Est-ce notre faute si vous ne répondez à aucune de nos questions ?

M. Jean-Yves Le Déaut. Je répondrai à quelques-unes de vos questions. Nous sommes en train de rabâcher des réponses que vous ne voulez pas entendre parce que, a priori, vous êtes contre la recherche sur les cellules souches embryonnaires.

M. Jean Leonetti. Ce n’est pas vrai !

M. Jean-Yves Le Déaut. Pour étayer l’argument d’une atteinte à la dignité humaine, vous avancez que l’embryon n’est pas un amas de cellules. Comme je l’ai dit à notre collègue Poisson hier soir, et comme M. Leonetti le sait, on peut prélever une de ces cellules quand on est au stade de huit cellules, on peut l’analyser et cela n’obérera pas le développement de l’embryon.

M. Xavier Breton. Écrivez-le donc !

M. Jean-Yves Le Déaut. Il n’y a donc pas atteinte à la dignité humaine quand on travaille sur une de ces cellules.

Ensuite, vous refusez a priori la recherche sur ce qui permet de comprendre les premiers instants de la différenciation d’une cellule.

M. Jean Leonetti. C’est deux fois faux !

M. Jean-Yves Le Déaut. Or on tolère aujourd’hui la recherche sur la personne humaine.

M. Xavier Breton. Mais on ne la tue pas !

M. Jean-Yves Le Déaut. On admet la recherche à tous les instants de la vie, y compris sur l’embryon. On admet la recherche, dans des conditions encadrées, post mortem. Vous refusez a priori, parce que cela s’appelle « cellule souche embryonnaire », qu’on puisse travailler sur ce qui constitue les premiers instants de la vie. Et vous avez trouvé la solution en faisant valoir que, désormais, on a la possibilité de reprogrammer des cellules adultes.

Je l’ai dit plusieurs fois, et Mme la ministre vient de le rappeler : on ne pourra vérifier la reprogrammation des cellules adultes qu’après les avoir comparées avec les cellules souches embryonnaires. C’est cette comparaison qui permettra de dire si l’on est revenu à l’instant zéro. Souvenez-vous, je l’ai déjà dit une fois ici, de la brebis Dolly, premier être vivant à avoir été conçu à partir d’une cellule reprogrammée.

M. Patrick Hetzel. Justement, cette expérience a conduit à une réorientation des recherches !

M. Jean-Yves Le Déaut. On pense qu’elle est née vieille parce que la reprogrammation n’était pas complète.

Il faut donc travailler sur ces sujets et ce que le peuple demande, puisque vous parlez du peuple, monsieur Leonetti, c’est l’avancée des connaissances. Il demande qu’on ne la freine pas. Il peut y avoir des applications médicales ; ce n’est pas le but de la recherche fondamentale mais cette recherche fondamentale est nécessaire. Or vous faites de l’obstruction et Mme la ministre a eu totalement raison de demander la réserve des votes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller, pour un rappel au règlement.

M. Pierre Lequiller. Sur un débat aussi important, je trouve gravissime qu’on termine avec huit députés socialistes en séance et qu’on ait obéré le débat, la ministre ne s’étant pratiquement jamais exprimée, sauf à la fin pour nous agresser, alors qu’il aurait fallu mener un véritable débat, comme ce fut le cas pour d’autres problèmes d’éthique. Permettez que nous ayons une certaine conception de l’éthique, qui nous oblige à nous exprimer. Nous aurions souhaité un véritable débat. M. Le Déaut vient de s’exprimer ; eh bien, nous aurions aimé, ce matin, qu’il s’exprime et que nous ayons un véritable débat.

Ensuite, terminer une séance, sur ce texte capital sur le plan de l’éthique, en demandant la réserve des votes, je trouve cela, sur le plan démocratique, véritablement scandaleux et pitoyable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Pitoyable en effet !

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard, pour un rappel au règlement.

M. Jacques Myard. Ce qui est en cause, ce n’est pas la recherche ; la recherche, nous sommes tous pour. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) Il est évident que la loi portée sur les fonts baptismaux par M. Leonetti permet cette recherche. Ce qui est en cause ici, c’est le régime juridique que vous souhaitez instaurer : on passe d’une interdiction avec des dérogations à une autorisation permanente. Permettez donc, madame la ministre, qu’on en discute car nous sommes dans notre rôle de législateurs pour préciser les tenants et les aboutissants du texte.

Et quand vous vous énervez comme vous vous êtes énervée (Rires),

M. Olivier Véran. En la matière vous pourriez donner des cours, monsieur Myard !

M. Jacques Myard. …croyez-moi, nous pouvons nous poser des questions sur la manière dont vous êtes constituée, sur la manière dont vous conduisez les débats et sur votre place au Gouvernement.

M. Pierre Lequiller. Nous dire que nous n’avons pas lu Yamanaka, il faut tout de même oser !

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Touraine.

M. Jean-Louis Touraine. J’entends M. Leonetti et plusieurs conservateurs de cette assemblée évoquer l’éthique de façon itérative ; mais je sais bien que ce sont souvent les nouveaux convertis qui sont les plus fanatiques dans l’utilisation de préceptes. L’éthique est en effet quelque chose qu’ils viennent de découvrir.

M. Jean-Frédéric Poisson. Mais pour qui vous prenez-vous, franchement ?

M. Jean-Louis Touraine. Or, bien avant qu’ils ne connaissent ce mot, la gauche a développé l’éthique. Je rappelle que le premier comité d’éthique créé en France est celui que j’ai développé à l’université Claude-Bernard dans les années 1970 pour les greffes de cellules souches d’origine fœtale.

M. Marc Le Fur. Justement, les années 1970, ça date !

M. Jean-Louis Touraine. C’était la démonstration qu’il ne fallait pas que les seuls chercheurs définissent les conditions d’utilisation de tissus mais qu’il convenait que cette utilisation soit définie de façon conjointe avec des courants de pensée multiples.

Ce comité a bien fonctionné jusqu’à ce que le Comité national d’éthique, mis en place, là encore, par la gauche à l’instigation de François Mitterrand, le professeur Jean Bernard ayant été sollicité pour le présider, se penche sur l’utilisation des tissus d’origine fœtale et embryonnaire et y donne un avis favorable.

Les deux premiers comités d’éthique français ont donc tous les deux donné un avis favorable.

Ces éléments ne sont pas connus par ceux des membres de l’Assemblée qui n’ont pas contribué à la naissance de ces comités d’éthique et à ces avancées. Par la suite, le Comité national d’éthique, comme cela a été rappelé, a donné à plusieurs reprises un avis favorable à toutes ces évolutions. Il faut donc rétablir la vérité. Il ne faut pas découvrir en 2013 l’éthique en biologie. Il faut reconnaître que, dans notre pays, elle existe depuis plus d’une trentaine d’années et que, de façon répétée, elle a accordé son soutien à une évolution raisonnable, encadrée, évitant les dérives et permettant ainsi à la recherche de se faire de façon sereine et positive.

M. Jean-Frédéric Poisson. Merci, monsieur le professeur !

M. le président. M. Leonetti m’a demandé de suspendre la séance, mais étant donné l’heure qu’il est, je vous propose plutôt de la lever.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Suite de la proposition de loi tendant à modifier la loi relative à la bioéthique en autorisant sous certaines conditions la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures cinquante-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Nicolas Véron