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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session extraordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 24 juillet 2013

SOMMAIRE

Présidence de M. Denis Baupin

1. Indépendance de l’audiovisuel public

Présentation commune

Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

M. Marcel Rogemont, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

Mme Anne-Yvonne Le Dain, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

Motion de renvoi en commission (projet de loi)

M. Christian Kert

Mme Aurélie Filippetti, ministre

M. Marcel Rogemont, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

M. Stéphane Travert

M. Patrick Hetzel

M. Rudy Salles

M. Noël Mamère

M. Thierry Braillard

Discussion générale commune

Mme Marie-George Buffet

Mme Colette Langlade

M. Franck Riester

M. Thierry Braillard

Mme Isabelle Attard

M. Rudy Salles

M. Michel Françaix

M. Patrice Martin-Lalande

Mme Martine Martinel

M. Guénhaël Huet

M. Jean-Pierre Le Roch

M. Pierre Léautey

Mme Aurélie Filippetti, ministre

Mme Colette Langlade

Suspension et reprise de la séance

Discussion des articles

Article 1erA

Article 1er

M. Avi Assouly

M. Hervé Féron

M. Frédéric Reiss

M. Michel Ménard

Mme Virginie Duby-Muller

M. Franck Riester

Amendements nos 79 , 80 , 30 , 82 , 66 , 106 , 68 rectifié , 88 , 73 , 83 , 84 , 85 , 86

Présidence de M. Marc Le Fur

Amendement no 87

Article 2

Amendement no 89

Article 3

Amendements nos 37 , 59

Après l’article 3

Amendement no 102

Article 4

Article 5

M. Avi Assouly

M. Patrice Martin-Lalande

M. Frédéric Lefebvre

M. Hervé Féron

M. Michel Ménard

Amendements nos 74 , 75 rectifié , 92 , 91 , 1

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Denis Baupin

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Indépendance de l’audiovisuel public

Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’un projet de loi et d’un projet de loi organique (discussion générale commune)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi (nos 1114, 1275) et du projet de loi organique relatifs à l’indépendance de l’audiovisuel public (nos 1113, 1277).

La conférence des présidents a décidé que ces deux textes donneraient lieu à une discussion générale commune.

Présentation commune

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, c’est avec fierté que je vous présente aujourd’hui, au nom du Gouvernement, le projet de loi sur l’indépendance de l’audiovisuel public.

Avec fierté, car ce projet de loi touche aux fondements de notre démocratie, en posant les conditions d’existence d’une liberté d’expression dont nous savons tous qu’elle est la garante de notre système démocratique. Comme il n’est pas de liberté qui ne soit inscrite dans la loi, nous aurons aujourd’hui le plaisir de débattre de ce sujet essentiel.

C’est un droit fondamental pour chacun de nos concitoyens et pour notre République. Comme l’exprimait Victor Hugo, « La liberté de la presse à côté du suffrage universel, c’est la pensée de tous éclairant le Gouvernement de tous ». Belle affirmation, dans le droit fil de l’article 11 de notre Déclaration des droits de l’homme, selon lequel « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme ».

C’est un texte concis et sans détour que je vous présente.

M. Christian Kert. Ça, c’est sûr !

Mme Aurélie Filippetti, ministre. Aussi clair et direct, efficace et nécessaire, que le principe qu’il défend : l’indépendance.

Hasard heureux de l’agenda parlementaire, nous célébrerons lundi prochain l’anniversaire de deux grandes lois qui, à un siècle d’intervalle, ont marqué l’histoire de la liberté d’expression et de communication : celle du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et celle du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle. Les technologies avaient entre-temps évolué mais l’esprit de liberté qui soufflait sur le législateur d’alors était bien le même.

Par la première, la IIIe République, sous le Gouvernement de Jules Ferry, a donné à la France un droit de la presse fondé sur un principe simple, la liberté d’écrire et d’imprimer. Simplicité et sobriété de la rédaction : c’était déjà les clés d’une loi qui allait marquer les esprits et les temps.

Par la seconde, l’alternance politique de 1981 avec l’élection de François Mitterrand a signifié la libéralisation des ondes et la fin du contrôle des médias audiovisuels par le pouvoir politique grâce à la création d’une autorité indépendante chargée de désigner les présidents de l’audiovisuel public.

L’espace hertzien n’étant pas infini, et ne pouvant être occupé que par concession ou autorisation, le législateur de 1982 a également confié à cette autorité de régulation indépendante, notre CSA d’aujourd’hui, le soin d’attribuer les fréquences. Le consensus républicain s’est établi pendant vingt-sept années sur ces grandes avancées, qui furent des garanties d’impartialité jusqu’à ce que la loi funeste du 5 mars 2009 (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) revienne sur le mode impartial et collégial de désignation des dirigeants de chaînes pour confier cette prérogative au Président de la République.

Aujourd’hui, c’est une fois de plus l’alternance qui permet d’écrire une nouvelle page de l’indépendance de l’audiovisuel, après le coup terrible qui lui avait été porté.

Il est temps de renouer à nouveau avec la défense de la liberté d’expression et de communication, qui ne saurait connaître aucun recul, aucune tergiversation, aucune faille.

M. Franck Riester. Pas de leçon !

Mme Aurélie Filippetti, ministre. Il est temps aussi d’approfondir et de renforcer le rôle du Parlement comme garant de cette indépendance.

M. Franck Riester. Dessaisissement, oui !

Mme Aurélie Filippetti, ministre. Parce qu’il vise à restaurer cette garantie républicaine pour l’audiovisuel public et à offrir de nouvelles garanties d’indépendance et d’impartialité, quelle que soit la qualité des personnes et des équipes, à l’ensemble de la régulation de la radio et de la télévision, ce texte propose un mode d’association inédit du Parlement et de l’opposition parlementaire.

M. Franck Gilard. Il y a beaucoup à faire !

Mme Aurélie Filippetti, ministre. Le soupçon était jeté dès lors que la nomination était confiée au seul Président de la République. Il était temps de rétablir la démocratie dans son droit et dans son fonctionnement.

Ce projet de loi s’articule autour de trois grands principes, défendus au nom de la liberté d’expression : l’indépendance, bien sûr, mais aussi la démocratie et l’impartialité.

M. Franck Gilard. Il y a un gros travail !

M. Michel Françaix. Mais il va se taire !

Mme Aurélie Filippetti, ministre. L’indépendance, donc, parce que c’est à nouveau au CSA, et non plus au Président de la République, qu’il reviendra de choisir les dirigeants des entreprises publiques : Radio France, France Télévisions et la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France, AEF, devenue récemment France Médias Monde.

Le président Sarkozy avait parlé en 2008 d’une hypocrisie à laquelle il convenait de mettre fin. Eh bien non, les garanties républicaines ne sont pas des hypocrisies. L’hypocrisie, c’était prétendre confier un quelconque droit de veto aux commissions parlementaires, à une majorité des trois cinquièmes absolument inatteignable !

Le mode de désignation actuel de ces dirigeants, empreint de suspicion, rend plus difficile l’exercice de leur mission. Le texte que je vous présente permet de rétablir la garantie républicaine en confiant cette nomination à l’autorité indépendante de régulation, comme s’y était engagé François Hollande alors candidat à la présidence de la République.

Deuxième avancée, l’accroissement du rôle du Parlement.

M. Franck Riester. Mais non !

Mme Aurélie Filippetti, ministre. Quand vous aurez voté cette loi, les commissions parlementaires devront approuver à une majorité des trois cinquièmes les propositions qui leur auront été faites concernant la nomination des membres du CSA. D’autre part, le Président de la République s’est lui-même dépouillé du pouvoir d’en nommer trois membres. Enfin, avec cette majorité des trois cinquièmes, pour une fois, l’opposition et la majorité devront travailler ensemble pour trouver les personnes les plus compétentes et les plus qualifiées. L’indépendance des membres du CSA sera renforcée, car leur désignation impliquera davantage les commissions parlementaires qui n’étaient jusqu’à présent pas associées au choix des présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat. Ce processus donnera encore plus de force et de légitimité au futur CSA.

M. Patrick Hetzel. Et moins au Parlement !

Mme Aurélie Filippetti, ministre. Nous souhaitons que l’association du Parlement soit pour lui l’occasion d’exercer un véritable droit d’approbation des candidatures plutôt que de se livrer à une obstruction ineffective comme cela prévalait jusqu’à présent – ineffective car il était impossible pour une majorité de censurer une décision du Président de la République : atteindre une majorité des trois cinquièmes pour censurer le choix du Président était illusoire ! Aujourd’hui, l’accord, le travail sont nécessaires pour dépasser la seule majorité dans l’approbation des choix qui seront proposés par les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Voici donc un mécanisme inédit, moderne, digne de la très grande démocratie qu’est la France.

Le deuxième principe est la démocratie, parce que ce projet de loi associe véritablement l’opposition parlementaire à la désignation des membres du CSA.

M. Michel Françaix. Vous pouvez nous remercier !

Mme Aurélie Filippetti, ministre. Le collège du CSA passera de neuf à sept membres, dont le Président de la République ne nommera que le président. Les six autres membres, désignés par les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, le seront désormais après avis conforme à la majorité des trois cinquièmes des commissions culturelles de chacune de ces chambres.

Là aussi, nous avons eu de riches débats en commission, où certains ont dit craindre des pratiques de tractation ou de blocage.

M. Patrick Hetzel. Eh oui…

Mme Aurélie Filippetti, ministre. Je n’ai pas pris à la légère ces remarques, mais suis convaincue que nous devons avoir confiance dans la maturité de nos comportements démocratiques, dans la capacité des parlementaires à transcender parfois la politique politicienne pour assumer avec responsabilité les garanties nécessaires d’indépendance de l’audiovisuel public.

M. Marcel Rogemont, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Parfaitement.

M. Franck Riester. Ce n’est pas gagné, aucun amendement n’a été accepté par le rapporteur !

Mme Aurélie Filippetti, ministre. Avec cette nouvelle procédure de nomination des membres du collège du CSA, le rôle du Parlement, si essentiel à notre démocratie, se trouve considérablement renforcé. Cette avancée majeure est sans précédent. Ce mécanisme, inédit dans les institutions de la VRépublique, est la marque d’une démocratie moderne où majorité et opposition peuvent, et même doivent, en toute transparence, assumer devant le peuple le fait qu’en matière de choix des personnes garantes de l’indépendance de l’audiovisuel, la main ne saurait trembler. Dépasser les clivages partisans, choisir des personnalités fortes et compétentes, c’est cela aussi le signe d’une démocratie mature.

Les membres du CSA ainsi choisis gagneront une force et une légitimité considérables qui rejailliront sur l’institution elle-même et permettront ainsi de moderniser dans un second temps les compétences et le champ d’attribution du futur CSA.

Troisième principe enfin, l’impartialité, parce que le projet de loi réforme la procédure de sanction applicable devant le CSA afin de la mettre en conformité avec les exigences applicables aux autorités administratives prononçant des sanctions telles qu’elles résultent de la jurisprudence constitutionnelle et européenne.

L’instauration d’un rapporteur indépendant du collège du CSA répond à cet impératif. Le déroulement de la procédure de sanction du CSA opérera désormais une séparation claire entre, d’une part, le titulaire des fonctions de poursuite et d’instruction, qui sont confiées au rapporteur et, d’autre part, le titulaire de la fonction de prononcé de la sanction, qui reste confiée au collège du CSA.

Les amendements votés en commission et auxquels le Gouvernement s’est montré favorable ont apporté des garanties additionnelles d’impartialité de la régulation. J’en remercie particulièrement M. le rapporteur.

Vous avez souhaité, monsieur le rapporteur, que soit posé un critère de compétence professionnelle, comme pour d’autres autorités indépendantes, et le Gouvernement y a souscrit.

Vous avez également noté qu’il convenait de préciser l’étendue du devoir de réserve contenu dans la loi, afin que celui-ci fût mieux respecté, et il nous a semblé que cela était effectivement important dans le domaine des médias où la parole est parfois plus spontanée et toujours plus sensible que dans d’autres secteurs.

Vous avez également souhaité que soit précisé le régime des incompatibilités prévues dans la loi, en rassemblant un large consensus autour de votre proposition.

Vos amendements visaient également à ce que le CSA effectue des études d’impact économique avant d’attribuer les fréquences disponibles, ce qui ne peut que rendre plus cohérent leur partage et, partant, l’exercice de la liberté de communication.

Cette loi est un socle qui va permettre, en renforçant la légitimité et l’indépendance à la fois des présidents de l’audiovisuel public et du CSA, de bâtir désormais un audiovisuel tourné vers l’avenir.

L’indépendance, nous la voulions tout de suite, maintenant, parce qu’elle est à la base de toute autre réforme possible de l’audiovisuel.

J’ai eu l’occasion, devant vous et aux Assises de l’audiovisuel, d’engager le travail de concertation nécessaire pour poursuivre l’adaptation du cadre juridique de la régulation audiovisuelle aux mutations profondes de ce secteur, liées notamment à l’essor des terminaux connectés à internet.

Les débats des Assises ont permis de constater un besoin de réforme globalement partagé, d’identifier les mesures envisageables et d’enclencher les expertises et les concertations nécessaires. Des Assises de la radio se tiendront fin octobre dans la même optique.

Ce n’est qu’après ces échanges nourris avec les professionnels de l’ensemble du secteur, selon la méthode de concertation propre à ce Gouvernement, que nous pourrons examiner ce qu’il conviendra de faire en termes de régulation des contenus audiovisuels sur internet, de soutien à la création sur tous les supports de diffusion, ou encore d’organisation du partage de l’espace hertzien entre la télévision et la téléphonie mobile par exemple.

Nous avons choisi aujourd’hui de présenter un projet de loi très fort sur l’indépendance de l’audiovisuel, car elle est le socle sur lequel fonder la régulation des médias dans une grande démocratie. L’audiovisuel est à l’image d’une société. Il en révèle les failles, les faiblesses et les évolutions. Cette réforme va permettre, pour la première fois, de créer autour de la question de l’indépendance un climat de confiance et de responsabilité partagée entre majorité et opposition. Le seul but est de garantir l’indépendance de l’audiovisuel public et de l’instance chargée de la faire respecter, le CSA.

Je souhaite que ce texte soit l’occasion de faire mûrir nos institutions, de les faire évoluer, de faire justice à ceux qui, pendant quatre années, ont souffert d’un soupçon qui entachait leur mandat et l’exercice de leurs fonctions.

Pour terminer, je veux saluer les équipes de l’audiovisuel public, qui mènent un travail difficile, délicat, mais ô combien indispensable. À l’heure d’internet, à l’heure de la délinéarisation, des informations en flux continu, à l’heure où, parfois, nos concitoyens sont soumis à des images et à des informations venues d’autres canaux, qui ne sont ni sourcées ni éditorialisées ni vérifiées, il est plus que jamais nécessaire de défendre une conception exigeante de l’audiovisuel qui corresponde à la haute image que nous nous faisons de la démocratie française.

C’est par cette loi que nous devons commencer, parce qu’elle est la condition première de la liberté d’expression. Elle la protège et la préserve. Souvenons-nous, toujours avec Victor Hugo, qu’ « aucun des soupiraux par où s’échappe la liberté de l’intelligence ne peut être fermé sans péril. » (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Marcel Rogemont, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation sur le projet de loi.

M. Marcel Rogemont, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Je veux ici rendre compte du travail mené par notre commission pour donner corps à l’engagement n51 que le Président de la République a pris lors de sa campagne électorale.

C’est un engagement qui vise à mettre fin à l’une des mesures les plus fortement contestées du quinquennat de Nicolas Sarkozy : la nomination des présidents de l’audiovisuel public.

Après les débats au sein de notre commission, convenons qu’il n’est pas un seul groupe politique qui souhaite défendre bec et ongles, ni même timidement, la loi de 2009, particulièrement s’agissant des conditions de nomination des présidents des sociétés de l’audiovisuel public.

Il faut rappeler que ce travail de chacun des groupes politiques va dans le sens de nos concitoyens, puisque cette disposition est contestée par sept Français sur dix.

Chacun propose alors une architecture nouvelle, dont l’intérêt est de revenir à la logique historique que Michel Françaix rappelait en commission, logique dont la trame était la mise à distance du politique dans les nominations des présidents de l’audiovisuel public.

Il ne doit pas peser l’ombre d’un doute sur ces nominations quant à une quelconque allégeance au pouvoir politique.

M. Patrick Hetzel. On va être servi !

M. Marcel Rogemont, rapporteur. Il faut réaffirmer la nécessité de cette indépendance afin de casser l’image désastreuse laissée non seulement par certaines décisions, mais aussi par les déclarations selon lesquelles l’audiovisuel public n’avait qu’un seul actionnaire, le Président de la République, auquel il revenait de nommer les présidents de ses différentes sociétés.

Vous l’avez rappelé, madame la ministre, l’audiovisuel public n’appartient pas à une personne, fût-elle Président de la République. Il appartient à tous les Français, et nous en sommes comptables.

Il importe de rappeler que l’audiovisuel public participe à la mise en œuvre de l’article 34 de la Constitution sur la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias. Cette exigence d’indépendance est nécessaire. C’est de cela dont il s’agit en ces instants.

J’ai bien compris que le groupe UMP considère nos propositions comme une entreprise de détricotage (« Eh oui ! Une de plus ! » sur les bancs du groupe UMP.) Il propose un Haut conseil conçu radicalement en opposition avec la loi de 2009, mais ne la présente que comme un complément, un enrichissement de la loi ! Convenons que nous avons effectivement, les uns et les autres, à cœur d’enrichir la loi. Je souligne le fait que l’UMP va dans le sens de l’histoire, comme le décrivait tout à l’heure Michel Françaix, c’est-à-dire d’un éloignement du politique par rapport aux décisions concernant les présidents des sociétés de l’audiovisuel !

M. Patrick Hetzel. Que dire des déclarations de Mme Filippetti !

M. Marcel Rogemont, rapporteur. Laissons de côté ces arguties pour rappeler l’essentiel : le texte de loi que vous nous proposez, madame la ministre, est responsable et audacieux.

Il est responsable, car il propose de mettre à distance du politique les nominations des présidents de l’audiovisuel public. Nous redonnons au CSA ce pouvoir de nomination. Et pour garantir l’indépendance, nous réformons les dispositions gouvernant les nominations de ses conseillers.

Il est audacieux, car il propose tout simplement de tenir compte du fait qu’ici comme au Sénat, il y a une majorité et une, ou des, minorités. C’est un progrès démocratique que de faire appel à ces minorités pour désigner les membres du CSA. En effet, les décisions prises par les présidents de l’Assemblée et du Sénat devront recevoir l’avis conforme des commissions compétentes à la majorité des trois cinquièmes, associant dès lors nécessairement la ou les minorités à la décision.

C’est un progrès démocratique nouveau et important dans la Ve République que de ne pas confondre majorité et unanimité. C’est un gage d’indépendance supplémentaire pour le CSA, et donc pour l’audiovisuel public en ce qui concerne la régulation et les nominations.

Sur ce dernier point, il est souhaitable que les présidents puissent rester en place plus longtemps qu’un seul mandat ou qu’une fraction de mandat. Ainsi, alors que je n’étais pas des plus ardents défenseurs de la nomination de M. de Carolis à la tête de France Télévisions, j’estime que cette société aurait gagné à conserver son président un mandat de plus.

Il me semblerait souhaitable que la reconduction du mandat soit plus souvent au rendez-vous. Il n’est qu’à décompter les présidents de l’audiovisuel privé et ceux du public pour comprendre qu’un peu de constance dans les responsabilités ne nuit pas.

J’entends que les pouvoirs du Parlement seraient affaiblis par ce texte. Qu’en est-il vraiment ?

Les conditions de son exercice dans le cadre de la loi de 2009 sont telles que personne ne peut raisonnablement exciper de cet argument. Je rappelle que les commissions étaient saisies pour avis sans que celui-ci n’engage l’autorité chargée de la nomination, d’une part, et qu’un avis contraire devait recevoir la majorité des trois cinquièmes, d’autre part. Chacun s’accordera à reconnaître qu’une telle majorité était et reste improbable. Le pouvoir du Parlement sur les nominations des présidents n’était donc que de pure forme.

Même la commission spéciale en 2008 n’avait pas envisagé cette modalité. Elle proposait que le CSA suggère deux ou trois personnes au conseil d’administration de chaque société qui, in fine, nommait le président

Une fois qu’ils seront nommés, l’audition par les commissions compétentes des présidents des sociétés nationales de programmes sur leur projet stratégique confirmera le rôle du Parlement dans sa fonction de contrôle à la fois de l’exécutif et des opérateurs publics.

Dès lors, ce débat sur l’affaiblissement du rôle du Parlement est faible et ne prospérerait que pour atténuer l’audace démocratique de la majorité actuelle à faire confiance aussi à la minorité dans les décisions de nomination au Conseil supérieur de l’audiovisuel.

Et le CSA dans tout cela ?

Le texte appelle notre attention sur ses pouvoirs de sanction, qui sont à mettre en conformité avec les règles européennes. Dont acte.

La commission vous propose, dans le cadre de l’affirmation de l’indépendance de l’audiovisuel public, d’examiner le fonctionnement du CSA à travers quelques questions.

D’abord, il s’agit de le doter d’une personnalité morale. Aujourd’hui, le CSA est une autorité administrative indépendante. La commission vous propose d’en faire une autorité publique indépendante. Il y gagnera une plus grande liberté de gestion et donc plus d’indépendance.

La commission souhaite que ce projet de loi soit aussi l’occasion d’approfondir les règles d’incompatibilité et de déontologie des membres du CSA.

Il s’agira d’examiner son fonctionnement en réaffirmant le principe de la collégialité et de limiter les interventions publiques de ses membres en dehors de cette collégialité. Il s’agira également de s’interroger sur le respect du principe de l’indépendance lorsqu’une personne conserve un lien avec une entreprise qu’elle est chargée de contrôler.

Par ailleurs, nous proposons d’approfondir la responsabilité économique du Conseil supérieur de l’audiovisuel. Il nous semble en effet qu’il ne tient pas suffisamment compte de l’impact économique de ses décisions d’attribution de la ressource radioélectrique. Comment ne pas s’interroger, par exemple, sur le lancement de six nouvelles chaînes gratuites en haute définition, dans un contexte de ralentissement du marché publicitaire ? Comment ne pas s’interroger sur l’attribution d’une fréquence pour la chaîne CFoot, qui n’aura émis que durant quelques mois ?

De même, comment justifier l’attribution d’une fréquence à une société qui a fait faillite avant même d’émettre le moindre signal, comme ce fut le cas de la chaîne Select TV ? Nous nous sommes donc attachés à ce que les notions d’étude d’impact et de motivation des décisions deviennent la règle au Conseil supérieur de l’audiovisuel. Si la conjoncture n’est pas favorable, il sera explicitement autorisé à différer le lancement d’appel à candidature. Il conviendra dès lors qu’il soit attentif à exposer aux commissions compétentes, lors de la présentation de son rapport, le suivi des décisions d’un point de vue économique. J’attends par exemple que le CSA se justifie sur les décisions que je viens d’évoquer.

Enfin, le texte est l’occasion d’affirmer l’indépendance de l’audiovisuel public en revenant sur les textes relatifs à la publicité faite par France Télévisions. L’indépendance de l’audiovisuel public et plus encore la nécessaire prévisibilité de la gestion, en particulier pour la régie publicitaire, qui est un élément de stabilisation d’un projet, suppose également des garanties de ressources. Ce projet de loi est l’occasion de faire un choix définitif sur le sort de la publicité en journée.

En effet, la décision prise le 8 janvier 2008 par le Président de la République de supprimer la publicité en soirée, puis en journée avait surpris tout le monde, y compris le ministre et les députés de la majorité comme de la minorité. Pour le téléspectateur, deux conséquences étaient attendues : faciliter le virage éditorial et avancer les programmes de première et de deuxième partie de soirée. Comme on pouvait s’y attendre, la réforme a déstabilisé le service public sans conduire à une rénovation de son modèle culturel ni à l’avancement espéré des programmes.

En soumettant le groupe à un financement de l’État, donc à la tutelle politique, la loi réduisait l’indépendance financière de France Télévisions.

La précédente majorité s’était engagée à respecter un deuxième principe : la mise en place de deux taxes, compensées à l’euro près. Force est de constater, comme nous l’avons vu en commission, que le coût de l’opération pour le budget de l’État se monte à 745,7 millions d’euros. C’est quand même beaucoup, et si cette décision était prolongée en journée, il en coûterait 350 millions supplémentaires chaque année. La loi du 5 mars 2009 avait prévu la suppression complète de la publicité en 2011. Cela a été reporté en 2016. Il est grand temps aujourd’hui, pour favoriser l’indépendance du groupe mais plus encore la visibilité de ses ressources, de clore le débat. La commission vous propose donc la suppression du dispositif visant à faire disparaître la publicité en journée au 1er janvier 2016. Je rappelle que cela coûterait au budget de l’État 350 millions d’euros supplémentaires.

Ainsi, la commission ne vous propose pas de revenir à un financement reposant uniquement sur la redevance et la publicité, comme ce fut le cas pendant des années, mais bien d’affirmer l’indépendance de l’audiovisuel public par rapport au pouvoir politique, tout simplement. Le projet de loi dont nous discutons aujourd’hui est un texte audacieux, qui réaffirme à la fois le principe de démocratie et la nécessaire force de notre politique audiovisuelle. Grâce à lui, nous nous inscrivons dans une volonté politique tendant à davantage de transparence, de cohérence, de légitimité et de responsabilité partagée. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. Michel Françaix. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République sur le projet de loi organique.

Mme Anne-Yvonne Le Dain, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. L’Assemblée nationale est aujourd’hui saisie en première lecture du projet de loi organique relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public, déposé le 5 juin 2013 sur le bureau de notre assemblée et adopté le 17 juillet par la commission des lois. Le texte vient compléter le projet de loi ordinaire portant le même intitulé que vient de nous exposer mon collègue Marcel Rogemont au nom de la commission des affaires culturelles saisie au fond et adopté par elle le 16 juillet 2013. Ces deux textes ont pour objet de modifier le mode de nomination des présidents des sociétés nationales de programme que sont respectivement France Télévisions, Radio France et la Société de l’audiovisuel extérieur de la France, devenue le 27 juin dernier France Médias Monde. Nous nous situons donc bien dans le champ de la télévision et de la radio, deux médias importants et nécessaires généralement confondus sous le terme « audiovisuel », et du rayonnement de la France à l’étranger.

Les temps changent. Aux débuts du grand média qu’est la télévision, aujourd’hui immense, l’ORTF était nécessaire. C’était le temps, dont certains se souviennent, où l’ordre du jour du journal télévisé était décidé dans les ministères. Ce temps est révolu. Le monde a changé, les temps aussi et en 1983, la salutaire création d’une haute instance de l’audiovisuel était décidée, comme vous l’avez rappelé madame la ministre. En trente ans, elle a évolué. Elle a trouvé son rythme de croisière, au bénéfice du concept d’indépendance si nécessaire à tout ce qui touche à l’information, au journalisme, aux médias et aux relations dans une société mature et toujours en mouvement comme la nôtre, dans une démocratie formée et intelligente qui fait confiance à sa population et construit des corps intermédiaires entre le chef et le peuple : je parle de l’Assemblée nationale, des professionnels, des institutions indépendantes du politique mais qui ont tout leur poids, en particulier économique et moral, dans notre démocratie mature.

L’ambition de la réforme est de revenir sur la procédure de nomination des présidents des sociétés nationales de programme telle qu’elle est issue de la loi organique du 5 mars 2009. Depuis lors en effet, ils sont nommés, en application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, par décret du Président de la République, certes après avis conforme du Conseil supérieur de l’audiovisuel et avis public des commissions permanentes compétentes de chaque assemblée. On pouvait croire que l’indépendance était conservée, mais non : il s’agit d’une nomination en direct s’imposant au monde public de l’information, lequel est garant des libertés fondamentales, intellectuelles et morales de la nation mais également de chacun d’entre nous. Les commissions des affaires culturelles de l’Assemblée nationale et du Sénat étaient appelées à donner un avis, mais une telle procédure jette un doute sur l’indépendance à l’égard du pouvoir exécutif des personnes désignées et semble incompatible avec les exigences d’une démocratie moderne.

Il a fallu attendre la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle et la mise en place de la Haute autorité de la communication audiovisuelle, devenue en 1989 le Conseil supérieur de l’audiovisuel, pour qu’advienne une véritable émancipation de l’audiovisuel public à l’égard du pouvoir exécutif, ainsi que je l’évoquais tout à l’heure, et que soit instaurée une procédure transparente et objective de nomination des présidents des sociétés nationales de programme par une autorité administrative indépendante. La loi organique du 5 mars 2009 a marqué un véritable recul en la matière. Les projets discutés aujourd’hui introduisent un pas supplémentaire vers l’indépendance du CSA. Je remercie Mme la ministre, le Gouvernement et la commission d’avoir soutenu une nouvelle émancipation à l’égard du politique, affirmant ainsi la structuration d’une société qui n’est pas uniquement articulée entre un chef et les administrés mais qui compte avec des corps intermédiaires éduqués, structurés, intelligents et qui veulent être intelligibles.

En fixant ainsi la procédure de nomination, nous assumons une réalité d’indépendance et non pas, comme la loi du 5 mars 2009, une présomption de dépendance à l’égard du pouvoir exécutif. L’indépendance de l’audiovisuel constitue une exigence constitutionnelle. Dans le respect de cette exigence, le projet de loi organique dont j’ai l’honneur d’être la rapporteure ainsi que le projet de loi ordinaire rapporté par notre collègue Marcel Rogemont, dont je tiens ici à saluer une fois de plus le travail, visent tous deux à mettre fin à la présomption de dépendance et à renforcer les garanties d’indépendance, de transparence et d’objectivité de la procédure de nomination. À cet effet, le projet de loi ordinaire restitue au Conseil supérieur de l’audiovisuel, autorité administrative, le soin de désigner à la majorité de ses membres les présidents des trois sociétés nationales de programmes, revenant ainsi aux règles applicables avant l’entrée en vigueur de la loi organique du 5 mars 2009.

Le dispositif envisagé est pleinement conforme aux exigences formulées par le Conseil constitutionnel, qui a constamment veillé à ce que la procédure de nomination des dirigeants des sociétés nationales de programmes garantisse l’indépendance de ces dernières. Ainsi, dans une décision du 26 juillet 1989, il a considéré que la nomination des dirigeants par le CSA permettait « d’assurer l’indépendance des sociétés nationales de programme chargées de la conception et de la programmation d’émissions de radiodiffusion sonore ou de télévision et de concourir ainsi à la mise en œuvre de la liberté de communication proclamée par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ».

Dans ces conditions, la nomination des présidents des sociétés nationales de programmes par une autorité administrative indépendante, en l’occurrence le CSA, permettra, comme par le passé, de lever tout soupçon sur une éventuelle immixtion du pouvoir exécutif dans un secteur particulièrement important au regard de la préservation de la liberté de communication et de garantir, dans le respect des exigences constitutionnelles, l’indépendance des sociétés audiovisuelles et de radiodiffusion publiques. Tirant les conséquences du nouveau mode de nomination, le projet de loi organique qui nous est soumis abroge, à son article 1er, la loi organique du 5 mars 2009 et supprime, à son article 2, les références aux présidents de France Télévisions, de Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France dans le tableau annexé à la loi organique n2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution.

M. Thierry Braillard. C’est précis !

Mme Anne-Yvonne Le Dain, rapporteure. En effet. Il est nécessaire d’être précis quand on parle de liberté, car c’est dans l’imprécision que se nichent toutes les astuces de la soumission !

M. Marcel Rogemont, rapporteur. Exactement !

Mme Anne-Yvonne Le Dain, rapporteure. Certains d’entre vous, en particulier sur les bancs de l’opposition, objecteront peut-être que la réforme de la procédure de nomination issue de la loi organique du 5 mars 2009 comportait au moins un aspect positif. Elle donnait en effet aux assemblées parlementaires la possibilité de rendre un avis sur le projet stratégique des candidats à la présidence des sociétés de l’audiovisuel public lors de leur nomination. Je précise à cet égard que la réforme envisagée entend bien conserver le principe d’une étroite association du Parlement. En effet, le projet de loi ordinaire prévoit que les présidents nouvellement désignés transmettront aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat ainsi qu’aux commissions permanentes compétentes, celles des affaires culturelles, un rapport d’orientation deux mois après le début de leur mandat.

M. Rudy Salles. C’est un peu rapide !

Mme Anne-Yvonne Le Dain, rapporteure. Les parlementaires conserveront en outre la possibilité, s’ils le souhaitent, d’auditionner les présidents après leur nomination sur la base de ce rapport. Dans le respect de la séparation des pouvoirs, une telle procédure permet de porter à la connaissance du Parlement le projet stratégique du président d’une société nationale de programme nouvellement désigné.

Pour conclure, en ma qualité de rapporteure du projet de loi organique, qui assure la coordination avec les dispositifs contenus dans le projet de loi ordinaire, je vous demande d’adopter ces deux textes. Ils renforceront l’indépendance du secteur de l’audiovisuel public tout en veillant à associer la représentation nationale dans la mise en œuvre et la protection de la liberté de communication, constitutionnellement garantie. Nous sommes dans une démocratie mature. Entre le progrès démocratique et le CSA, il y a des concepts à faire mûrir : majorité, unanimité, trois cinquièmes… C’est ainsi qu’une société progresse, avance, se régule et assume elle-même les conditions de sa régulation, au vu et au su de tous. Cet hémicycle, chers collègues, est le meilleur endroit pour raviver la flamme chaque fois qu’il le faut ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. Marcel Rogemont, rapporteur. Bravo !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. C’est un vrai plaisir politique, ne le boudons pas, que de se retrouver en cet avant-dernier jour de la présente session parlementaire. Plus que de plaisir, madame la ministre, vous avez parlé de fierté. Oui, nous partageons la fierté d’abroger par le présent projet de loi une loi de 2009 attentatoire aux bonnes mœurs démocratiques.

Comme cela a déjà été dit, cette loi qui n’aurait jamais dû être, que ne préconisaient même pas les conclusions de la commission présidée par Jean-François Copé, et qui a conduit le Président de la République de l’époque à s’arroger le pouvoir de désignation des trois présidents de l’audiovisuel public (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP)…

M. Franck Riester. Ben voyons !

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. …venait à contresens de l’histoire de la liberté d’expression et de communication dans notre pays.

M. Jean-Luc Laurent. Aberrant !

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Cette liberté d’expression, née dans les premières heures de la IIIe République en ce qui concerne la presse écrite, s’est trouvée renforcée au début des années 1980, à la suite de l’élection de François Mitterrand, avec cette grande loi de 1982 portée par un grand ministre de la République aujourd’hui disparu, Georges Fillioud, qui a permis de libérer les ondes.

M. Jean-Luc Laurent. Bon rappel !

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. La loi de 2009 a constitué un véritable contresens historique et démocratique, alors que toute l’évolution de notre législation conduisait à garantir toujours plus de pluralisme et à permettre aux médias, notamment aux chaînes publiques, de disposer de l’indépendance nécessaire dans une démocratie.

Lorsque nous en avons débattu, entre la fin de 2008 et le début de 2009, il a parfois été difficile de ne pas revoir ces images d’un autre temps, le début de la Ve République, où chaque jour le ministre de l’information faisait l’éditorial du seul journal télévisé alors diffusé.

C’est une bonne chose que nous soyons aujourd’hui amenés à redonner au Conseil supérieur de l’audiovisuel le pouvoir qu’il n’aurait jamais dû perdre, ce pouvoir de désignation des trois présidents de l’audiovisuel public.

M. Patrick Hetzel. Il y a mélange des genres : le CSA est juge et partie !

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Parce que l’objectif initial de la loi était de tenir l’engagement n51 du candidat François Hollande, devenu Président de la République, certains ont affirmé, de manière fort injuste, qu’il s’agissait d’une petite loi. Cette accusation pourrait être justifiée si la loi se limitait à cela, mais elle contient tant d’autres choses !

Il y a, d’abord, cette réforme fondamentale du Conseil supérieur de l’audiovisuel, qui n’avait jamais été entreprise jusque là et dont la nécessité était devenue criante : durant une décennie de non-alternance, jusqu’au renouvellement de janvier dernier, les neuf membres du CSA ont tous été nommés par la même majorité ! Nous fûmes nombreux à stigmatiser, dans cet hémicycle et ailleurs, ce qui a été appelé un « CSA monocolore ». C’est sans doute l’aspect le plus novateur du projet de loi que de permettre au CSA de voir la composition de son collège réformée en profondeur.

Je tiens à vous féliciter et à vous rendre hommage, madame la ministre, d’avoir emporté la conviction pour qu’au-delà du président du CSA, qui va devenir une autorité publique indépendante, les six autres membres soient nommés à terme par les commissions des affaires culturelles de l’Assemblée nationale et du Sénat à la majorité des trois cinquièmes.

Ayant travaillé avec vous depuis plus d’un an, mes chers collègues de l’opposition, et sachant dans quelles conditions nous œuvrons au sein de la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale, je ne peux que vous inviter à relever ce défi, qui se présente aussi bien à la majorité qu’à l’opposition et dont les enjeux ne sont rien de moins que la démocratie, l’indépendance et le pluralisme – bref, disons-le, la République. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Claudine Schmid. On reparlera de démocratie quand vous aurez accepté nos amendements !

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Nous devons, tous ensemble, réussir ce pari lorsqu’il se présentera, et je vous donne pour cela rendez-vous au début de l’année 2015.

Le travail que nous avons effectué en commission a été un bon travail, en ce qu’il a renforcé les pouvoirs du Conseil supérieur de l’audiovisuel. Ainsi, grâce à un certain nombre d’amendements, plusieurs avancées ont été obtenues, notamment les études d’impact économique, l’avis public annuel sur l’exécution des contrats d’objectifs et de moyens des trois entreprises de l’audiovisuel public, ou encore le pouvoir de sanction renforcé sur le plan juridique.

D’une manière générale, ce projet de loi donne au Conseil supérieur de l’audiovisuel un rôle essentiel de régulation économique qu’il n’avait pas ou n’exerçait pas jusqu’à présent. Pour garantir le pluralisme et lutter contre la concentration qui est la tendance naturelle du paysage audiovisuel français, à l’heure de la télévision connectée et alors qu’il faut relever les nombreux défis de la révolution numérique, il fallait armer le CSA, afin qu’il puisse jouer pleinement ce rôle. Le projet de loi qui vous est soumis le fait et, en cela, ne peut être considéré comme une « petite loi ».

Si nous tirons le bilan du précédent quinquennat du point de vue de l’objectif majeur qu’est l’indépendance de l’audiovisuel public, il est une indépendance qu’aucune loi, malheureusement, ne saura rétablir, ni celle-ci, ni celle que vous avez annoncée, madame la ministre, visant à régler les relations entre producteurs et diffuseurs et à tirer les conclusions de la mission Lescure : aucune loi ne permettra de redonner à l’audiovisuel public, en particulier à France Télévisions, l’indépendance budgétaire, l’indépendance financière qui était la sienne jusqu’au vote de la funeste loi de 2009. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Jacob. Funeste ? Vous n’avez pas l’impression de forcer un peu le trait ?

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Tenez-vous bien, mes chers collègues : jusqu’au coup politique fait de manière irresponsable par Nicolas Sarkozy en 2008, lorsqu’il a annoncé la fin de la publicité en soirée, une décision dont nous mesurons aujourd’hui toutes les conséquences, France Télévisions n’était financée que par la redevance, pour une part essentielle, et 800 millions d’euros de recettes publicitaires. Pour faire un coup politique censé « prendre la gauche sur sa gauche », le Président de la République a rayé d’un trait 450 millions d’euros de recettes publicitaires ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Franck Riester. Mais non !

Mme Claudine Schmid. Ça, c’est votre analyse !

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Ce faisant, il a tué l’indépendance budgétaire de France Télévisions (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC – Exclamations sur les bancs du groupe UMP) qui dépend aujourd’hui du budget de l’État. La taxe télécom, fort heureusement validée par la Cour de justice de l’Union européenne, ne rapportant que 250 millions d’euros au lieu des 450 millions que procurait précédemment la publicité en soirée…

M. Christian Jacob. Eh bien, pourquoi ne la remettez-vous pas, la publicité ?

M. Guénhaël Huet. Il faut être cohérent !

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. …il est évident que la différence est à la charge du budget de l’État. Mais, je le répète, ni la présente loi, ni la loi à venir ne pourront malheureusement rétablir cette indépendance budgétaire qu’il faut se résoudre à voir perdue pour longtemps, surtout dans le contexte d’un marché publicitaire à la baisse. De manière responsable et courageuse, notre majorité a donc dû décider, dans la dernière loi de finances, d’augmenter la redevance de manière exceptionnelle – six euros en tenant compte de l’inflation.

Pour conclure, je me félicite du travail que nous avons effectué collectivement.

M. Guénhaël Huet. Collectivement ? Ah non, je ne crois pas !

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Soyons fiers de ce que nous faisons en ce 24 juillet 2013 : nous abrogeons une mauvaise loi et, au-delà, nous permettons à l’indépendance de l’audiovisuel, au pluralisme et, de fait, à la démocratie, de franchir à nouveau un pas décisif. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologistesur quelques bancs du groupe GDR.)

Motion de renvoi en commission (projet de loi)

M. le président. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Christian Kert.

Plusieurs députés du groupe SRC. Ça ne va pas être facile !

M. Michel Françaix. Bon courage !

M. Christian Kert. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, mes chers collègues, en entendant Mme la ministre conclure son propos par une citation de Victor Hugo, je me suis dit qu’un autre auteur illustrait beaucoup mieux la solitude dans laquelle elle se trouve aujourd’hui : George Bernard Shaw, qui disait que « L’indépendance vaut bien que l’on supporte la solitude. » (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

Que faisons-nous ici, en fin de session extraordinaire – où est donc l’urgence à étudier en première lecture un projet de loi dont, convenons-en, la plupart de nos concitoyens se moquent éperdument ?

M. Stéphane Travert. C’est faux !

M. Christian Kert. Le dévoiement de notre ordre du jour est patent. Pourquoi débattons-nous de ce texte à la veille de la clôture de nos travaux, si ce n’est, comme nous l’a confirmé le rapporteur, pour satisfaire une certaine volonté d’affichage ? Pour utiliser votre propre expression, il vous faut persévérer à détricoter tout ce qui a pu être fait par la précédente majorité. Monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, nous ne sommes pas naïfs au point de croire qu’il y avait urgence sur ce texte ! En fait, il vise essentiellement à répondre à une exigence : celle de concrétiser un engagement de l’actuel Président de la République, qui voulait revenir sur la loi de janvier 2009 – une loi qui n’a rien de funeste, monsieur le président de la commission, mais qui a toutefois fait l’objet d’un étonnant rapport à charge de la part de notre collègue Marcel Rogemont.

Il est particulièrement dommageable de nous proposer un texte qui ne répond en rien aux préoccupations actuelles d’un secteur si mobile et si novateur et se concentre uniquement sur le CSA, afin certes de lui donner de nouvelles responsabilités, mais au détriment du Parlement, ce que nous avons dénoncé tout au long des travaux en commission. Pour habiller ce texte et éviter de rédiger une loi pour le seul plaisir de déconstruire la précédente, vous avez ajouté quelques mesures, l’une sur le nombre de sages amenés à siéger désormais au CSA, l’autre sur son pouvoir de sanction, afin de se mettre en conformité avec la jurisprudence constitutionnelle et européenne.

En ce qui concerne ce pouvoir de sanction, il n’y a rien de révolutionnaire : en quatre ans, de 2009 à 2012, le CSA a prononcé 14 sanctions, soit 3,5 par an – au mieux une tous les 100 jours. Que les sages soient neuf ou qu’ils soient sept, la tâche qui leur est confiée ne paraît pas insurmontable ! En revanche, on peut se féliciter qu’il y ait peu de sanctions à prononcer, ce qui montre le sens de la responsabilité dont font preuve les dirigeants de notre audiovisuel, secteurs public et privé confondus.

Vous l’aurez compris, madame la ministre, le premier argument sur lequel nous fondons cette motion de renvoi en commission est la notion d’indépendance, dont vous faites le pilier de ce texte et sur laquelle pèsent de nombreuses ambiguïtés. De quelle indépendance parlez-vous ? On dirait que vous la considérez comme une récompense à attribuer. Or, l’indépendance, ce n’est pas un hochet, c’est une responsabilité. Un auteur que nous apprécions tous, Vaclav Havel, le disait : « L’indépendance n’est pas un état de choses, c’est un devoir ».

Madame la ministre, êtes-vous persuadée que vous allez mieux assurer l’indépendance de l’audiovisuel public en changeant seulement le mode de désignation des présidents ? En vous contentant d’ailleurs de transmettre ce pouvoir de nomination à un président du CSA dont je vous rappelle – vous l’avez d’ailleurs dit – qu’il est lui-même désigné par le Président de la République ? Pensez-vous réellement assurer une meilleure indépendance de France Télévisions en essayant, il est vrai par voie d’amendement, d’imposer la présence du CSA dans l’élaboration des contrats d’objectifs et de moyens ? Madame la ministre, vous avez, à son échéance, maltraité le contrat qui liait l’État à France Télévisions au risque, d’ailleurs, en ne cessant de transférer des missions nouvelles au CSA, de dessaisir sans cesse davantage le Parlement. Pensez-vous que ce texte puisse valablement s’intituler « Indépendance de l’audiovisuel public » alors même que le nerf de l’indépendance – le financement – n’y est pas abordé ? Vous nous dites que ce sera le cas dans la grande loi : vous noterez que je ne parle pas de petite loi. Quelle en est la raison, sachant qu’il vous faudra de surcroît compléter cette loi par une autre, relative à la lutte contre le piratage, en détricotant les actions d’Hadopi – chères au rapporteur Riester – malgré le rapport favorable de Pierre Lescure ?

Dans votre élan d’indépendance, n’êtes-vous pas en train de commettre une confusion entre l’indépendance et l’autonomie ? La première, dont l’origine latine signifie « Ne pas être rattaché à », désigne l’absence de relation de cause à effet, d’influence, de contrainte ou de coordination entre différentes choses. La seconde, vers laquelle on dirait parfois que vous voulez mener le CSA, vient du grec autos – « soi-même » –nomos – « la loi » –, donne la possibilité à un territoire ou à une communauté de s’administrer librement dans le cadre prédéfini d’une entité plus large régie par un pouvoir central. On y est presque, à l’autonomie ! Pour éviter de multiples écueils engendrés par un CSA qui s’annonce protéiforme, notre collègue Franck Riester, soutenu par l’ensemble du groupe UMP, a travaillé à une solution qui avait déjà été étudiée dans le cadre de la commission Copé : la création d’un haut conseil de l’audiovisuel public. Cette solution, que vous avez repoussée en commission, permettrait de dissocier les fonctions de nomination et de régulation.

Quel objectif recherchez-vous au juste, madame la ministre ? Dans cette loi, vous voulez à la fois parfaire l’indépendance des présidents, celle des chaînes, et peut-être l’indépendance totale, sous une forme proche de l’autonomie, du CSA. Pour citer un autre auteur que Victor Hugo. Souvenez-vous du mot terrible d’Alfred Capus : « Personne n’est absolument libre, car il y a aussi les esclaves de leur indépendance » : cette crainte de l’enchaînement de l’indépendance est à méditer ensemble et justifierait – vous me l’accorderez, monsieur le rapporteur – de retourner devant notre commission, ce qui permettrait d’éclairer cette réflexion.

M. Franck Riester. Ça, c’est sûr !

M. Christian Kert. Le second argument sur lequel nous fondons ce renvoi en commission, c’est bien entendu – je l’ai déjà évoqué, et aucun d’entre nous ne peut y être indifférent –, celui de la perte d’influence du Parlement.

M. Jean-Luc Laurent. C’est faux !

M. Christian Kert. En effet, des dispositions du projet de loi, renforcées par des amendements déposés en séance, dessaisissent la représentation nationale d’un certain nombre de prérogatives. Je veux parler tout d’abord du nouveau mode de désignation des présidents des sociétés nationales de programme. Rappelons que le dispositif voté en 2009, contrairement à vos déclarations, était transparent et équilibré. Il encadrait le pouvoir de nomination du Président de la République par un pouvoir de codécision du CSA et un droit de veto du Parlement. Supprimer ce dispositif, comme vous allez le faire, ne règle en aucune manière la présomption de dépendance des exécutifs des sociétés publiques à l’égard du pouvoir en place. En revanche – et de cela, nous sommes certains –, vous priverez le Parlement de prérogatives de contrôle des nominations de ces présidents : ce sera bien au CSA, et à lui seul, que reviendra la responsabilité de ces nominations. Il me semble, monsieur le président de la commission, que nous n’avons pas suffisamment œuvré pour maintenir un véritable droit de regard du Parlement. En effet, ces nouveaux présidents auront désormais pour seule obligation de fournir aux commissions parlementaires compétentes, dans un délai de deux mois après le début de leur mandat, un rapport d’orientation. On peut même se poser la question de savoir si nos commissions auront encore la possibilité d’auditionner, comme cela se faisait régulièrement, les présidents des sociétés audiovisuelles publiques. Il me semble que notre commission aurait pu être plus attentive à la défense des prérogatives de l’Assemblée nationale. Ce n’est pas le nouveau mode de désignation des membres du CSA qui pourra compenser une telle perte.

M. Franck Riester. C’est certain !

M. Christian Kert. Il est vrai toutefois que le CSA et son président auront dorénavant l’obligation de présenter leur rapport annuel, dans le cadre d’une audition publique, devant nos commissions, mais, pour employer une expression quelque peu familière, on peut considérer qu’il s’agit là d’un « minimum syndical », surtout lorsqu’on sait que nous risquons également de ne plus avoir de droit de regard direct sur l’exécution des contrats d’objectifs et de moyens. En effet, il est proposé, alors que cela n’a pas été véritablement évoqué en commission, que le CSA examine annuellement les conditions d’exécution de ces contrats et communique lui-même son avis au Parlement. Doit-on rappeler que, jusqu’à présent, les sociétés dressaient elles-mêmes le bilan de l’exécution de ces contrats, qui était ensuite transmis directement au Parlement ? Pourquoi instituer cette étape et conférer au CSA un nouveau droit de contrôle ? Nous y voyons une nouvelle atteinte à nos prérogatives et, surtout, un mélange des genres entre régulation et tutelle. Cette question essentielle, que vous avez voulu évacuer, nécessite bien un retour devant notre commission.

Le troisième argument qui exige ce renvoi – comment le contester ? – est la situation de France Télévisions. Vous avez affirmé, madame la ministre, vouloir dissocier indépendance et financement, au mépris d’une évidence : la seule garantie effective de la liberté, c’est encore et toujours l’indépendance financière.

M. Michel Françaix. Vous auriez dû l’expliquer à Copé !

M. Christian Kert. Dans un premier temps, nous vous avons suggéré deux mesures : d’une part, la pérennisation de la publicité diurne au-delà de 2016 – vous l’avez actée, vous l’avez faite vôtre, monsieur le rapporteur et, au nom de France Télévisions, qui en avait bien besoin, nous pouvons nous en réjouir ensemble – et d’autre part cet amendement, dont nous avons parlé en commission, destiné à mieux suivre l’application de nos décisions s’agissant des versements de la redevance à ses affectataires. Après avoir voté une majoration de la redevance en 2013, le Parlement n’a été ni associé ni informé de la décision de Bercy de geler le fruit de cette augmentation. Il y a lieu pour nous tous de le regretter. Là encore, au-delà des difficultés de France Télévisions, que nous voulons résoudre, nous constatons une nouvelle perte d’influence du Parlement. Nous le disons parce que nous avons besoin d’un audiovisuel fort, et non pas pour combattre l’audiovisuel privé, comme vous l’avez fait par le passé, chers collègues socialistes.

M. Franck Riester. C’est vrai !

M. Michel Françaix. C’est nous qui l’avons créé !

M. Christian Kert. Je note avec plaisir qu’à travers certains amendements, vous venez de revoir vos positions. Nous en sommes heureux parce que nous avons besoin d’un paysage audiovisuel équilibré, et d’abord entre le public et le privé. Pour ce faire, l’audiovisuel public doit avoir une vision financière sur trois à cinq ans. Alors que la loi de 2009 voulait lui donner cette sécurité, en rabotant le contrat d’objectifs et de moyens, monsieur le président de la commission, en sabrant les dotations, c’est vous – j’y insiste – qui avez créé le doute.

M. Franck Riester. Oui, c’est scandaleux !

M. Christian Kert. Le seul argument que vous nous ayez opposé, c’est que l’abandon de la publicité nocturne avait obéré les finances de France Télévisions.

M. Marcel Rogemont, rapporteur. De l’État, à hauteur de 745 millions.

M. Stéphane Travert. C’est une réalité !

M. Christian Kert. C’est un faux argument. La loi de 2009, qui n’a rien de funeste, avait eu au moins l’avantage d’anticiper cette baisse – la baisse générale des ressources publicitaires à laquelle, monsieur le président, vous faisiez référence – et de la compenser par un engagement financier de l’État : les choses étaient clairement dites.

M. Franck Riester. C’était très clair.

M. Christian Kert. En faisant le choix de baisser de façon plus que conséquente la dotation budgétaire de France télévisions – passée de 415 millions d’euros en 2009 à 256 millions en 2013 –, c’est vous qui avez mis à mal les finances de France Télévisions.

M. Franck Riester. Eh oui, c’est la vérité.

M. Stéphane Travert. Le déficit, c’est vous !

M. Christian Kert. Vous avez également tenté d’agiter le spectre des demandes d’économies qui ne seraient pas suivies d’effets. Or, la direction de France Télévisions, sous l’impulsion de son président Rémy Pflimlin, peut afficher des économies d’échelle dans les coûts des grilles et des économies en moyens humains clairement identifiées. De fait, vous n’apportez aucune réponse aux interrogations que suscite la situation de France Télévisions, à laquelle vous demandez de nouveaux efforts dans les domaines de la production – où son rôle est essentiel –, du numérique, de l’audiodescription, tous domaines qui ont un coût non négligeable. Nous pouvons reconnaître de manière unanime, me semble-t-il, la qualité du travail fourni par le groupe France Télévisions dans le domaine de l’information. Dans ce contexte, comment invoquer l’indépendance si nous n’assurons pas la sécurité financière ? Cela nous conduit, monsieur le président, à demander à revenir devant notre commission, pour travailler avec Mme la ministre sur cet aspect essentiel que vous appelez de vos vœux.

Le quatrième et dernier argument, qui nous autorise à contester l’examen de ce texte en séance publique et à réclamer son retour devant notre commission, est celui que je nommerai le régime d’exception, que certains de nos collègues socialistes voudraient imposer – jusqu’à présent, madame la ministre, contre votre avis, mais cela durera-t-il ? À celles et ceux de nos collègues qui sont favorables à ce régime d’exception, qui consisterait à vouloir mettre un terme, avant l’heure, au mandat des présidents des sociétés publiques, je dirai qu’ils font bégayer l’histoire. À vous, monsieur le président, qui êtes un homme d’histoire et de culture, je dirai que le texte de vos amendements a en fait été rédigé il y a longtemps, il y a 220 ans précisément. Nous sommes le 17 septembre 1793 : la Convention nationale, à l’initiative de Robespierre et de Cambacérès, vote une loi – la loi des suspects –, qui s’applique à ceux qui, « par leur conduite ou leurs relations, se sont montrés ennemis de la liberté ». Mieux encore, pour l’adjoint au maire que vous êtes, monsieur le président, un mois plus tard, la Commune de Paris précise les critères de suspicion : « ceux qui, n’ayant rien fait contre la Liberté, n’ont aussi rien fait pour elle. » De fait, tout un chacun est susceptible de devenir un jour l’ennemi qu’il n’était pas la veille.

M. Yves Durand. C’est la guerre !

M. Christian Kert. Oui, ils sont suspects à vos yeux, chers collègues, ces patrons de chaînes, au seul argument qu’ils ont été nommés par d’autres que vous. Ils n’ont rien fait contre la liberté de s’exprimer, mais qu’ont-ils fait pour elle ? Alors allez-y ! Mais non, d’ailleurs, vous n’y allez plus, vous n’osez plus y aller : vous déléguez le sale boulot au CSA par un amendement que nous appellerons avec force à rejeter.

M. Franck Riester. C’est une honte !

M. Christian Kert. Ce n’est plus 1793, ce n’est plus un retour en arrière de 220 ans mais de 2 000 ans, c’est Ponce Pilate (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) : « Je m’en lave les mains ». Votre projet d’amendement, monsieur le président, est peut-être pire que le précédent.

M. Franck Riester. Funeste amendement !

M. Christian Kert. Il donne tout son sens à la riposte de l’UMP : si vous remettez en cause la légitimité des présidents des sociétés audiovisuelles, pour notre part, nous remettons en cause la légitimité des membres du CSA à le faire, tant que ce CSA ne se présentera pas dans sa nouvelle composition.

Vous voulez appliquer ce que l’on a appelé la loi des suspects. Et que dire de la situation ubuesque d’un CSA qui, sans avoir été remodelé conformément à l’article 1erde votre projet, madame la ministre, pourrait s’ériger en censeur de la désignation des présidents de sociétés audiovisuelles, sans avoir pour cela la légitimité que vous ne cessez d’invoquer ! Madame la ministre, vous m’accorderez qu’il y a là matière à renvoyer ce texte en commission.

En fin de compte, mon message est le suivant : vous nous laissez quatre interrogations. Premièrement, quel type d’indépendance souhaitez-vous pour l’audiovisuel public ? Et surtout, quel rôle exact voulez-vous pour ce CSA remodelé, dont la mission s’égare entre des rôles de régulation, de nomination, de contrôle et de tutelle ? Tous ces rôles différents, cela fait beaucoup ! Deuxième interrogation : garantirez-vous les droits et compétences du Parlement, alors même que le renforcement des pouvoirs du CSA semble lui faire perdre de l’influence ?

Troisième interrogation : resterez-vous fidèle à l’esprit de la loi – non funeste ! (Sourires sur les bancs du groupe SRC) – de 2009 dans ce qu’elle a de fondamental : la défense d’un audiovisuel public fort, dont la mission apparaît de plus en plus régalienne dans une société médiatique en révolution permanente ? Je crois, madame la ministre, que nous pouvons nous accorder sur ce point. Enfin, quatrième interrogation : céderez-vous à la volonté des héritiers de 1793, pour qui la loi des suspects est toujours d’actualité ?

Mme Marie-George Buffet. Ce sont les hommes de 1793 qui ont créé la République !

M. Christian Kert. Madame la ministre, dans ce climat assez tendu, vous avez conduit les présidents des sociétés d’audiovisuel public, en philosophes qu’ils sont, à lire et relire chaque matin en se rasant…

M. Marcel Rogemont, rapporteur. Il y a aussi des femmes !

M. Christian Kert. …Marc-Aurèle, qui écrivait : « Développe en toi l’indépendance en tout moment avec bienveillance, simplicité et modestie ». Madame la ministre, vous reconnaîtrez qu’ils font preuve de simplicité et de modestie. Ils sont donc en droit d’attendre un peu de bienveillance de votre part. Il n’y en a pas dans ce texte. Voilà pourquoi le groupe UMP souhaite en reparler devant la commission des affaires culturelles et de l’éducation. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

M. Christian Jacob. Madame la ministre, vous ne pouvez pas vous opposer à la démonstration de M. Kert !

Mme Aurélie Filippetti, ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je vais essayer de faire le tri dans les propos de M. Kert, pour m’y retrouver dans la multiplicité des métaphores et des références historiques qu’il a convoquées. Vous avez parlé, monsieur le député, de 1793 ; je préfère pour ma part faire référence à 1789, à la Révolution française, et à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Son article 11 proclame que « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme ». Avec l’évolution des technologies, et depuis la grande loi de 1982, c’est en matière d’audiovisuel, et notamment d’audiovisuel public, que nous devons asseoir, par la loi, des garanties d’indépendance.

Quelle que soit la qualité des personnes, en effet, une suspicion entache leur nomination ; d’ailleurs, certains dirigeants aujourd’hui en poste s’en plaignent. Ils disent qu’ils voudraient passer par ce que l’on pourrait appeler, en quelque sorte, l’ordalie de la légitimation par le CSA, pour être lavés de la suspicion qui pèse sur leurs épaules depuis quatre ans, depuis 2009.

M. Franck Riester. Parler de suspicion, c’est très exagéré !

Mme Aurélie Filippetti, ministre. Cela me permet, M. Kert, de répondre à votre dernière interrogation.

C’est donc pour assurer les conditions formelles de l’indépendance que nous devons rétablir, au moyen de ce projet de loi, un mécanisme de nomination par l’autorité chargée de veiller à cette indépendance, à savoir le CSA. Ce sera une grande avancée. Cela permettra à ce système de revenir dans la norme. D’ailleurs, monsieur le député, je remarque que vous n’avez pas demandé à revenir à la situation telle qu’elle découle de la loi du 5 mars 2009. Vous ne demandez pas que l’on revienne à une nomination par le Président de la République : vous savez donc bien, vous-même, que c’était une mauvaise réforme !

M. Yves Durand. C’est un aveu ! C’est l’hommage que le vice rend à la vertu !

Mme Aurélie Filippetti, ministre. Vous savez très bien que cela a jeté la suspicion sur les présidents de l’audiovisuel public ainsi nommés ! À présent, vous inventez – vous imaginez – une autre solution, mais vous ne demandez pas un retour au système issu de la loi du 5 mars de 2009. C’est la preuve que ce système ne vous satisfaisait pas. D’une certaine manière, c’est tout à votre honneur.

M. Franck Riester. Celui que vous proposez ne nous satisfait pas non plus. Il faut encore travailler !

Mme Aurélie Filippetti, ministre. Vous m’avez posé une question sur le rôle du CSA. Il est renforcé, sécurisé, car il doit aujourd’hui – si l’on veut éviter qu’il soit complètement dépassé par les évolutions technologiques – pouvoir se saisir d’enjeux tels que le développement du numérique. Nous avons donc besoin, pour cela, d’en renforcer considérablement la légitimité. Grâce au mode de nomination que je vous propose, sa légitimité sera plus forte que celle de tout autre autorité indépendante. En effet, le vote conforme des commissions parlementaires à la majorité des trois cinquièmes est une procédure inédite.

Cela nous permettra de transcender les clivages partisans, ce dont nous sommes capables. Je ne crois pas un seul instant – je ne vous ferai pas cet affront – que vous puissiez comparer M. le président de la commission des affaires culturelles avec un responsable de la Convention montagnarde à l’époque de la Terreur, en 1793 ! Nous pouvons donc travailler ensemble, comme Patrick Bloche l’a dit tout à l’heure. Dès lors qu’il s’agit de sujets aussi importants que l’indépendance de l’audiovisuel public, nous devons le faire. Pourquoi cela ? Parce qu’en la matière, nous ne travaillons pas à court terme, mais à moyen et long terme. Je parie, d’ailleurs, que vous ne remettrez pas en cause ce mode de nomination des membres du CSA si d’aventure vous revenez au pouvoir. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C’est une garantie importante d’indépendance.

Vous nous reprochez également le fait que le Parlement serait dessaisi,…

M. Christian Kert. Il l’est !

Mme Aurélie Filippetti, ministre. …raison pour laquelle vous demandez le renvoi de ce texte en commission, pour continuer à le travailler. Je trouve pour ma part que nous avons déjà fort bien travaillé ensemble, notamment en commission. J’ai accepté un certain nombre d’amendements : je crois qu’ils ont enrichi le texte, qu’ils l’ont fait progresser. J’accepterai d’autres amendements qui seront examinés tout à l’heure. La compétence professionnelle, le devoir de réserve, le régime des incompatibilités, les études d’impact économiques que doit réaliser le CSA avant d’attribuer de nouvelles fréquences, le secret des affaires – qui est aussi très protecteur –, le rapport annuel du CSA – rapport enrichi, qui sera présenté devant les commissions – : tout cela vient du travail qui a été mené en commission. Nous avons donc assez travaillé en commission.

Vous dites que le Parlement est dessaisi de son rôle : ce serait à rire, si ce n’était à pleurer ! Le Président de la République s’est dépouillé du pouvoir de nommer deux membres du CSA. Le nombre de ses membres passera donc de neuf à sept : c’est une avancée majeure qu’il a consentie. Deuxièmement, les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat se sont eux-mêmes dépouillés de leur pouvoir de nommer seuls, sans avis conforme des commissions des affaires culturelles, les six autres membres du CSA. Au profit de qui ont-ils abandonné cette compétence ? Au profit des parlementaires, justement ! Ce que nous vous proposons, c’est de désigner ces six membres par un vote conforme des commissions des affaires culturelles. Cela ne s’est jamais vu. Vous ne pouvez pas dire qu’il s’agit d’un recul pour le Parlement : au contraire, c’est une grande avancée !

Quant au président du CSA, sa nomination sera elle-même contrôlée, validée par les commissions des affaires culturelles du Parlement. Là encore, c’est une grande avancée par rapport à la situation antérieure, dans laquelle les commissions compétentes n’étaient pas saisie de la nomination des membres du CSA. C’est donc une immense avancée pour le Parlement.

M. Franck Riester. Si c’est une avancée, elle est bien petite !

M. Patrice Martin-Lalande. Dites plutôt que c’est un grand recul !

Mme Aurélie Filippetti, ministre. Je pense que c’est aussi une grande avancée pour entamer un dialogue fécond entre l’opposition et la majorité. En tout cas, ce dialogue ne fait que commencer : plutôt que de le renvoyer à la commission, je préfère le renvoyer au travail que nous allons commencer dans quelques instants.

Je vous en prie, cessez donc de faire la fine bouche ! La solitude de George Bernard Shaw, dont vous parliez tout à l’heure, n’est pas toujours bonne conseillère. Nous sommes assez nombreux ici cet après-midi, bien que ce soit la veille de la clôture de la session extraordinaire du Parlement, pour vous aider à affiner votre réflexion, monsieur le député. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

M. Marcel Rogemont, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Je dirai simplement quelques mots. Tout d’abord, je remercie notre collègue Christian Kert de nous avoir invités – et d’avoir invité toute la commission des affaires culturelles – à méditer un certain nombre de citations, notamment celle d’Albert Camus.

M. Christian Kert et M. Patrice Martin-Lalande. Pas Albert Camus, Alfred Capus !

M. Marcel Rogemont, rapporteur. Je lui signale que la période du baccalauréat est terminée, et qu’il n’est plus nécessaire de disserter à coups de citations !

Je reviendrai plus précisément sur deux ou trois points que vous avez évoqués, notamment au sujet de l’indépendance financière de l’audiovisuel public. Il faut rappeler qu’avant la loi de 2009, son financement reposait à la fois sur la redevance et les recettes de publicité, sans dotation budgétaire supplémentaire.

M. Christian Kert et M. Patrice Martin-Lalande. C’est faux !

M. Marcel Rogemont, rapporteur. La distance nécessaire entre le fonctionnement des sociétés et leur financement était respectée.

Deuxièmement, vous avez créé des taxes – vous qui dites en permanence que c’est la gauche qui crée des taxes – pour essayer de récupérer 450 millions d’euros. Or on constate aujourd’hui que cela n’a pas été le cas ! Comme je l’ai dit tout à l’heure, le budget de l’État a malheureusement été obligé de financer l’audiovisuel public au cours des cinq dernières années pour financer le manque à gagner en termes de recettes publicitaires. Le déficit s’en est accru d’autant.

Je reviens sur ce point, car il faut aborder la question de l’indépendance financière. Nous l’abordons quand nous examinons la question de la publicité diurne. Vous n’avez eu de cesse, au moyen de trois lois successives, de vouloir la supprimer, tout en reportant cette suppression au 1er janvier 2016. À présent, vous vous rangez à notre position, qui est de mettre définitivement fin à cette mesure d’interdiction de la publicité sur France Télévisions pendant la journée : très bien, c’est une bonne chose. Nous aurions en effet accru les dotations budgétaires de 360 millions : je pense qu’en l’état actuel des finances de l’État, il y a d’autres priorités.

C’est d’ailleurs au nom de ces priorités que dès décembre 2008, mes collègues et moi avons lutté contre votre mesure de suppression de la publicité après vingt heures. Nous pensions en effet que le budget de l’État devait servir à autre chose. Il y a d’autres priorités : Yves Durand pourrait parler de l’éducation, par exemple, comme Martine Faure, qui était d’ailleurs, en juillet 2012, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation sur le volet du projet de loi de finances rectificative portant sur l’enseignement scolaire. Tout cela montre que nous n’avons pas les mêmes priorités que vous. Nous en tirons donc les conclusions pour ce qui concerne la publicité.

Vous demandez quel rôle doit jouer le CSA. Nous pensons que le texte adopté par la commission renforce son rôle économique. Nous sommes conscients, les uns et les autres, que chaque décision prise par le CSA – qu’elle touche le domaine privé ou le domaine public – a des conséquences économiques. Il est dès lors important que des études d’impact soient réalisées, grâce auxquelles les décisions du CSA seront plus affirmées. Elles seront, en tout état de cause, plus efficaces sur le plan économique.

Je tenais à donner ces quelques éléments. À présent, il revient à l’Assemblée nationale de se prononcer sur la motion de renvoi en commission de nos collègues de l’UMP. Je pense que le travail que nous avons réalisé, en commission est suffisant. Chacun des groupes politiques a également travaillé : la preuve, c’est que nous avons discuté de votre proposition d’un Haut conseil de l’audiovisuel. Je pense donc que le travail en commission a été fait : il n’est nul besoin de prolonger ces discussions. Venons-en au fait, venons-en aux décisions.

Vous parliez d’urgence, monsieur Kert. À cet égard, le seul reproche que l’on peut faire au Gouvernement et à la majorité, c’est de ne présenter ce texte qu’au mois de juillet 2013, alors qu’il aurait éventuellement pu être présenté au mois de juillet 2012 ! Je suis d’accord avec vous sur ce point : l’urgence est réelle. Je remercie donc par avance l’Assemblée nationale de ne pas adopter cette motion de renvoi en commission, et de passer directement à la discussion générale, avant d’entamer la discussion des articles et l’examen des amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à M. Stéphane Travert, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Stéphane Travert. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, madame, monsieur les rapporteurs, préparer l’avenir du service public, c’est bien évidemment être ambitieux pour le service public de l’audiovisuel, auquel les Françaises et les Français sont très attachés. C’est le sens de ce texte dont nous commençons la discussion et que vous venez de vouer aux gémonies – nous n’en sommes d’ailleurs pas surpris. Vous avez même évoqué la Terreur. Il nous semblait pourtant que nous en étions sortis depuis un an,… (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Franck Riester. C’est lamentable !

M. Stéphane Travert. …mais vous avez souhaité la convoquer de nouveau.

Nous voyons bien que l’opposition est embarrassée par ce texte que nous portons parce qu’il répond à un engagement du Président de la République.

Ce projet répond à l’irresponsabilité de l’ancien président et de son Gouvernement.

M. Guénhaël Huet. On croirait entendre Robespierre !

M. Stéphane Travert. Chacun ici se souvient encore de Nicolas Sarkozy, qui voulait être le président de tout et partout. Il voulait être à la fois celui qui nomme les présidents de chaîne – une lubie dont on devine les enjeux –, le directeur des programmes, le présentateur – certainement – et toujours – assurément – son propre spectateur et contemplateur.

Les engagements que nous prenons à travers ce texte sont clairs : il s’agit de supprimer les dérives et de donner au CSA l’impartialité et la neutralité qui conviennent dans une démocratie rénovée et transparente comme l’est la nôtre aujourd’hui.

Le CSA, à travers ce texte, devient une véritable autorité indépendante et impartiale, en lien avec le Parlement, lequel retrouve ici toute sa légitimité par le mode de désignation de ses membres aux trois cinquièmes des membres des commissions des affaires culturelles de l’Assemblée et du Sénat.

Ce projet de loi renforce la cohérence de l’action du CSA et vise à garantir la qualité des programmes que le service public doit toujours à l’ensemble de nos concitoyens. C’est parce que nous sommes attachés au service public de l’audiovisuel que nous repousserons sans hésiter, d’une main ferme, votre motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. Guénhaël Huet. Monsieur Travert, vous êtes affligeant !

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Patrick Hetzel. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, madame, monsieur les rapporteurs, nous ne partageons évidemment pas le point de vue de M. Travert – mais cela ne vous surprendra pas – sur ce texte relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public.

Nous avons déjà eu l’occasion de vous le dire, madame la ministre, et notre collègue Christian Kert l’a rappelé, ce texte témoigne d’une très grande impréparation. Il suffit de voir le nombre d’amendements déposés – y compris par votre majorité – pour se convaincre que ce texte est très imparfait.

Vous nous avez dit qu’il témoignait d’un projet. Ce que nous avons surtout noté, c’est qu’il détricote le précédent texte sur l’audiovisuel public. Or le détricotage n’est pas un projet en soi.

En ce qui concerne le contexte dans lequel ce projet est discuté, il y a un décalage énorme entre ce que vous déclarez, madame la ministre, et les objectifs affichés dans le texte. Vous nous parlez de droits de l’opposition, de respect et de valeurs. Or, ce matin même, dans un grand quotidien, vous avez vous-même mis de l’huile sur le feu en utilisant des termes qui sont indignes d’un ministre de la République. En effet, vous avez parlé de « Radio Sarkozy ». (« C’est vrai ! » sur les bancs du groupe SRC.)Si vous voulez créer un minimum de consensus autour des questions ayant trait à l’audiovisuel, la moindre des choses est d’éviter d’utiliser des expressions comme « Radio Sarkozy » ou encore « Télé Élysée ». Mais on voit bien que, en réalité, tout ce que vous voulez faire, c’est détricoter. Or, encore une fois, ce n’est pas un projet en soi.

De même, vous nous dites qu’il n’y a pas de perte d’influence du Parlement. Or tel est bien le cas, car notre droit de regard sera limité. De ce point de vue non plus ce texte ne rendra donc pas service au Parlement. Vous n’avez d’ailleurs que peu d’arguments à ce sujet.

Le CSA – il s’agit là d’un point extrêmement important – sera juge et partie. Voyez-vous d’autres autorités indépendantes où l’on aurait à la fois un rôle de nomination et de régulation ?

M. le président. Merci de conclure, monsieur Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Pour toutes ces raisons, nous soutenons évidemment cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Rudy Salles, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Rudy Salles. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, madame, monsieur les rapporteurs, je crois pour ma part, après avoir entendu la démonstration brillante de notre collègue Christian Kert, qu’il est utile de renvoyer ce texte en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Il a en effet montré que, malgré le travail qui a été fait, et bien fait, en commission – je remercie d’ailleurs Mme la ministre d’avoir assisté à nos réunions –, les choses ont évolué.

Je ne répéterai pas l’argumentaire développé par Christian Kert. En revanche, je voudrais évoquer – c’est là un exemple parmi d’autres et vous me direz même que c’est presque du détail – un amendement que j’avais déposé en commission afin d’instaurer la parité au sein du CSA. Le Gouvernement, le rapporteur et le président de la commission l’ont repoussé au motif qu’il était prévu d’inscrire une disposition semblable dans un prochain texte de loi.

Je dois d’ailleurs dire que le groupe écologiste m’avait soutenu dans cette démarche…

M. Noël Mamère. Comme quoi tout arrive !

M. Rudy Salles. …qui me paraissait aller dans le sens de l’histoire, mais aussi de ce que vous souhaitez tant.

Eh bien, alors même que vous m’aviez répondu que ce n’était pas possible, le Gouvernement a déposé un amendement, n106, qui permet de satisfaire ma demande. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Patrick Gille. Vous devriez être content !

M. Rudy Salles. C’est très bien, mes chers collègues ! Cependant, alors que l’on parle en permanence de revaloriser le travail du Parlement, je constate, en l’espèce, une forme de mépris envers les parlementaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Je dirais même que la méthode est fort inélégante, parce que jamais l’on ne procède de la sorte : lorsqu’il existe un amendement d’origine parlementaire, on lui donne éventuellement une nouvelle chance en séance, mais on ne vient pas le doubler par un amendement du Gouvernement

M. Patrick Hetzel. Eh oui ! C’est du mépris envers les parlementaires !

M. Rudy Salles. On a beaucoup parlé également de l’indépendance de l’audiovisuel public.

Madame la rapporteure a fait un exposé TGV ; nous n’avons d’ailleurs rien compris à la fin tant elle lisait vite. Si j’ai compris, malgré tout, ce qu’elle disait, il semble que, selon elle, l’indépendance ait été mise en cause, notamment avec la suppression de la publicité le soir à partir de vingt heures.

Mme Anne-Yvonne Le Dain, rapporteure. Je n’ai rien dit de tel !

M. Rudy Salles. Je vous le demande : pensez-vous que la BBC ne soit pas une télévision indépendante ? Lancez une enquête sur le sujet ; je pense que vous aurez très vite la réponse.

Nous avons demandé également l’élargissement du CSA à des professionnels. L’amendement a été repoussé. Nous avons ensuite proposé de l’élargir aux membres de l’Institut, à des journalistes ou bien à des sociétés d’auteurs. Toutes ces avancées ont été refusées.

C’est la raison pour laquelle, dans le but de faire avancer la transparence, la démocratie et l’indépendance de l’audiovisuel, je considère qu’il serait très utile de renvoyer ce texte en commission. Cela permettrait de travailler sur ce texte de façon plus approfondie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère, pour le groupe écologiste.

M. Noël Mamère. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, madame, monsieur les rapporteurs, les explications embarrassées de nos collègues Hetzel et Salles…

M. Patrick Hetzel et M. Rudy Salles. Pas du tout !

M. Stéphane Travert. Exactement !

M. Noël Mamère. …prouvent qu’ils sont gênés de mettre en cause ce projet de loi qui vise tout simplement à remettre la pyramide de l’audiovisuel public sur sa base.

Oui, monsieur Hetzel, la ministre a eu raison de parler de « Radio Sarkozy » ; elle aurait pu parler également de « Télé Sarkozy ». (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Hetzel. Ben voyons !

M. Noël Mamère. Je remarque d’ailleurs qu’il n’a pas été très utile à l’ancien président de tenir les médias, puisqu’il a été battu aux élections présidentielles.

Il vaut mieux s’inspirer de ce qui existe en Grande-Bretagne ou en Allemagne, à savoir un audiovisuel public indépendant. Même si, en Grande-Bretagne, le président du Board of Governors est nommé par le Premier ministre, et même si les partis politiques ont leur mot à dire dans la composition du conseil chargé de la surveillance de l’audiovisuel public, cela n’empêche pas ce dirigeant de conduire une administration particulièrement indépendante.

Ce que nous faisons là n’est donc qu’un petit pas vers ce qui devrait être – on l’a dit à plusieurs reprises depuis le début de cette discussion – une grande réforme de l’audiovisuel public, que nous appelons de nos vœux.

Les écologistes voteront donc bien évidemment ce projet de loi, même s’il y manque encore beaucoup de choses.

M. Guénhaël Huet. Il faut donc le renvoyer en commission !

M. Noël Mamère. Ce n’est qu’un premier pas, qui était nécessaire pour corriger le recul, la régression démocratique qui consistait à ce que le Président de la République s’arroge le droit de nommer et de révoquer les responsables de l’audiovisuel public.

Comment pouvez-vous, mes chers collègues de l’opposition, avoir le culot de venir défendre un renvoi en commission alors que vous avez accepté que le Président de la République décide du destin des sociétés de l’audiovisuel public et qu’il puisse même – pardonnez-moi cette expression – couper la tête de ses responsables ? Un peu de décence et acceptez l’idée que nous vous soumettons. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Yves Durand. Très bien !

M. Noël Mamère. Savez-vous quel est le seul pays d’Europe où le Président s’arroge le droit de nommer et de révoquer les responsables de l’audiovisuel public ? La Hongrie de M. Victor Orbán, ce populiste absolument insupportable.

Sortons de cet archaïsme, revenons au droit commun et travaillons à ce que ce projet de loi sur l’audiovisuel soit conforme à ce que doit être une grande démocratie du XXIsiècle. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Braillard, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Thierry Braillard. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, madame, monsieur les rapporteurs, j’avoue que, pour une fois, j’ai apprécié l’exposé de notre collègue Kert.

En effet, l’UMP nous fait le plaisir de déposer sur tous les textes des motions de renvoi ou de rejet, dont certaines sont assez creuses. J’avoue que celle-ci était argumentée. Elle était même étayée de citations.

En ce qui me concerne, je me contenterai d’une seule. Revenons, pour cela, non pas à l’époque de Maximilien de Robespierre, mais au 2 août 1989. La gauche au pouvoir décida alors la fusion d’Antenne 2 et de FR 3. Le groupe RPR, devenu depuis lors UMP, réagit très vivement et déposa même un recours devant le Conseil constitutionnel.

En voici un extrait : « l’indépendance des présidents de chaînes publiques est évidemment une exigence de caractère constitutionnel » ; « d’une part, ces présidents sont nommés par une autorité indépendante : le CSA, et, d’autre part, seule cette autorité indépendante peut mettre prématurément fin à leur mandat ». Ils étaient bien, les parlementaires RPR de l’époque !

M. Stéphane Travert. Cela a bien changé !

M. Thierry Braillard. « Le législateur, poursuivaient-ils, supprime cette garantie puisque ce n’est plus l’autorité indépendante, mais le pouvoir politique qui intervient dans un domaine où il ne peut que définir les règles, mais en aucun cas prendre des mesures ad hominem. »

Voilà, mes chers collègues, ce que vous écriviez en 1989. Pour information, le recours devant le Conseil constitutionnel avait été rejeté. C’est la raison pour laquelle je pense que cette motion de renvoi en commission connaîtra le même sort. En tout cas, les députés du groupe RRDP voteront contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(La motion de renvoi en commission sur le projet de loi, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Discussion générale commune

M. le président. Dans la discussion générale commune, la parole est à Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, madame, monsieur les rapporteurs, nous examinons aujourd’hui un projet de loi et un projet de loi organique relatifs à l’indépendance de l’audiovisuel public.

Le projet de loi, largement amendé par la commission, instaure un nouveau mode de désignation des responsables de l’audiovisuel public et modifie ou précise le statut, la composition et les missions de l’autorité.

Lors de notre discussion sur le mode de désignation des responsables des grandes institutions culturelles, j’avais souhaité que nous puissions aussi changer le mode de désignation des responsables des télévisions et radios publiques. Je suis donc satisfaite que cette proposition voie le jour.

Il était grand temps, en effet, d’en finir avec le fait du prince dans la nomination des présidents des sociétés audiovisuelles. La démocratie, mais aussi l’efficacité – vous l’avez souligné, madame la ministre – l’exigeaient, car ce mode de nomination faisait peser la suspicion sur des personnes nommées, alors même qu’elles étaient capables d’exercer correctement leurs responsabilités.

Toutefois, j’hésiterai à parler d’une réforme révolutionnaire comme vous l’avez fait dans la presse, madame la ministre. Je parlerai pour ma part d’un premier acte symbolique et important car il vient abroger une loi antidémocratique. Cela dit, les révolutions naissent parfois d’actes symboliques comme celui-là. Nous espérons donc que cette révolution de l’audiovisuel se produira.

Le retour à la désignation des présidents des sociétés de l’audiovisuel public par le CSA est un progrès. Mais, tout de suite, une question se pose : quelle démocratisation du CSA lui-même ? La composition de l’autorité indépendante aurait mérité un peu plus d’audace.

Le président est nommé par le Président de la République et les six autres membres par les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, avec un vote conforme des commissions culturelles des deux chambres à une majorité des trois cinquièmes. Vous avez vous-même observé qu’il est quasiment impossible d’atteindre cette barre des trois cinquièmes. C’est mieux qu’avant ; mais le politique n’est pas si loin.

L’article 5, qui modifie le mode de nomination des présidents des sociétés nationales de programme, outre le fait qu’il ne prend pas en compte les administrateurs, notamment les représentants des salariés, aurait dû mieux associer le Parlement. Or nous en restons à une simple information de notre institution sur les projets des futurs présidents.

Le fait que le Conseil constitutionnel ait rappelé récemment que « le principe de la séparation des pouvoirs fait obstacle à ce que, en l’absence de disposition constitutionnelle le permettant, le pouvoir de nomination par une autorité administrative ou juridictionnelle soit subordonné à l’audition par les assemblées parlementaires des personnes dont la nomination est envisagée » n’aurait pas dû, à nos yeux, stériliser la réflexion sur la manière de mieux associer le Parlement, et, à travers lui, les citoyens, usagers et acteurs de la télévision publique.

Par ailleurs, nous avons des questions sur quelques points du projet, à commencer par les pouvoirs du futur rapporteur permanent auprès du CSA, chargé des fonctions de poursuites et d’instruction préalable, prévus par l’article 3, lequel modifie en profondeur l’article 42-7 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ? Ce rapporteur aurait seul autorité pour décider si les faits portés à sa connaissance, ou dont il aurait décidé de se saisir, justifient l’engagement d’une procédure de sanction.

Nous nous interrogeons aussi sur la transformation du CSA en autorité publique indépendante – API. À moins de faire preuve d’une grande naïveté, personne sur ces bancs ne pense que l’indépendance de l’audiovisuel public puisse se résumer aux nouveaux modes de nomination de ses présidents et à l’indépendance du CSA, même si cela constitue un progrès. N’est-ce pas plutôt la question cruciale des moyens qui se pose derrière ce changement de statut ?

À cet égard, le rapport n’est pas de nature à nous rassurer. Nous y lisons en effet que, « loin d’exonérer le CSA de la contrainte budgétaire globale, les souplesses de gestion dont bénéficient les API lui permettraient d’assurer une meilleure maîtrise de ses moyens ». Dans un contexte de réduction des dépenses publiques, ce sont encore une fois les personnels qui risquent de se trouver réduits au statut de variable d’ajustement.

Au-delà de ces questions sur le CSA et sur la nomination des présidents des sociétés nationales de programme, ce projet de loi, madame la ministre, ouvre des perspectives sur l’ambition que nous avons pour l’audiovisuel public lui-même. Comment, en effet, traiter de l’indépendance de l’audiovisuel public sur les bancs de notre assemblée sans aborder la question de ses missions et des moyens dont il dispose pour les accomplir ?

Monsieur le rapporteur, vous dites de la suppression de la publicité après 20 heures décidée par Nicolas Sarkozy – autre fait du prince – que «la réforme a déstabilisé le service public sans conduire à une rénovation de son modèle culturel. » Je partage cette opinion. Vous indiquez qu’il en a coûté 746 millions d’euros à l’État. Vous avez raison. Mais nous devons aussi déplorer le fait que France Télévisions ait dû subir une réduction de sa dotation budgétaire.

Aussi, si nous pensons qu’il faut maintenir la publicité durant la journée, nous appelons de nos vœux une tout autre politique en matière budgétaire, afin que le service public de l’audiovisuel ait les moyens de fonctionner au service de la nation. L’État ne peut avoir des exigences – aussi justes soient-elles – en matière de création, de production, d’information, qu’il formalise dans le contrat d’objectifs et de moyens, tout en exigeant des économies. À moins que, là aussi, ce soit les salariés qui doivent payer la note, eux qui ont fait preuve, jour après jour, de la qualité de leur travail !

La qualité demande des moyens. Prenons le sport : la réduction des moyens dédiés à l’acquisition par France Télévisions des droits sportifs menace – vous le savez, madame la ministre – le libre accès des téléspectateurs aux grands événements sportifs. À ce propos, je souhaite que l’élargissement de la taxe sur les droits télévisés, l’une des préconisations du rapport de la mission sur le sport professionnel et amateur, ne se traduise pas par une pénalisation des chaînes de l’audiovisuel public. Il serait dommage qu’à terme, l’on soit obligé de payer pour pouvoir regarder les événements sportifs les plus populaires !

Nous savons aussi que la Commission européenne prépare un Livre vert sur la télévision connectée, qui pourrait aboutir à la révision de la directive Services médias audiovisuels, qui fixe le cadre communautaire en ce domaine. Heureusement, le principe de l’exception culturelle à l’échelle européenne veut que l’audiovisuel ne soit pas une marchandise comme les autres. Mais nous devons rester mobilisés.

On le voit, beaucoup de questions restent posées. Elles méritent une grande loi sur l’audiovisuel public. Lors des assises de l’audiovisuel, madame la ministre, vous avez laissé entendre qu’une loi plus globale pourrait voir le jour en 2014 ; nous l’attendons !

Nous aurons alors des propositions à faire, comme la création d’un conseil supérieur des médias, qui contrôlerait réellement le respect des obligations, assurerait les fonctions actuelles du CSA, du Bureau de vérification de la publicité – BVP – et de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes – ARCEP –, un conseil dont la composition pourrait être tripartite, partagée entre les syndicats, les usagers et les parlementaires.

Je pense aussi à la création d’un grand pôle de l’audiovisuel public, comprenant France Télévisions, Radio France, l’audiovisuel extérieur de la France et l’Institut national de l’audiovisuel – INA –, un pôle permettant à l’audiovisuel public de lutter à égalité avec le privé, notamment en renforçant les synergies. Il s’agit de l’un des grands défis démocratiques de notre siècle.

La procédure accélérée a été engagée sur ce projet. C’est un choix qui vous appartient, madame la ministre ; mais, comme dans d’autres projets soumis à notre assemblée, on peut s’interroger sur les urgences qui n’ont pas été traitées. Les députés du Front de Gauche s’abstiendront donc sur ce texte, tout en restant disponibles pour concourir à la construction de votre loi sur l’audiovisuel public annoncée pour 2014.

M. le président. La parole est à Mme Colette Langlade.

Mme Colette Langlade. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les présidents de commission, monsieur et madame les rapporteurs, les députés socialistes sont très fiers de porter le projet de loi relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public aux côtés du Gouvernement, car il renforcera le rôle du CSA et le rendra plus indépendant.

Le CSA a vu en effet son statut modifié en commission : il devient une autorité publique indépendante, ce qui lui confère une personnalité morale et de nouvelles responsabilités juridiques et financières. Il retrouve aussi le pouvoir, qui n’aurait jamais dû lui être retiré, de nommer les patrons des entreprises publiques de l’audiovisuel, confortant ainsi son rôle de garant de l’indépendance de ces médias.

Le CSA ne sera plus le reflet de la famille politique au pouvoir : le Président de la République ne nommera plus de membres, la totalité de ceux-ci sera nommée par les commissions compétentes du Parlement. Cette nomination se fera avec l’opposition, dans le dialogue, dans la concertation, afin de déterminer ceux qui, en raison de leur compétence et de leur expérience, seront le plus à même d’y siéger. Je regrette que l’opposition ne reconnaisse pas cela comme un progrès et, pour des raisons partisanes peut-être, refuse de jouer le jeu de la démocratie.

Ce texte améliorera aussi le fonctionnement du CSA. Il modifie la procédure de sanction, pour se mettre en conformité avec la jurisprudence européenne. Il s’agit de séparer clairement l’instruction du prononcé de la sanction. Un rapporteur, nommé par le Conseil d’État – encore un gage d’indépendance –, instruira les dossiers et décidera si les faits dont il a connaissance justifient de saisir le collège du CSA, afin que celui-ci prononce une sanction.

Je tiens aussi à saluer les progrès réalisés sur la question de la déontologie des membres du CSA, pour mettre fin aux conflits d’intérêts.

Enfin, ce projet de loi remet le Parlement au centre du jeu. Les commissions des affaires culturelles de l’Assemblée et du Sénat ne seront plus les chambres d’enregistrement des volontés d’un omni-président, ce à quoi la loi de 2009 les avait réduites. Elles pourront désormais interroger le président du CSA et émettre un avis public pouvant comporter des suggestions au Conseil ; un rapport sur l’exécution des contrats d’objectifs et de moyens leur sera présenté.

Enfin, des parlementaires siégeront à la commission de la modernisation de la diffusion audiovisuelle, afin de connaître à tout moment ses observations et ses recommandations sur les mesures nécessaires à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et sur leur mise en œuvre. Ils pourront notamment se prononcer sur la réaffectation des fréquences de la bande des 700 MHz au secteur des télécom.

Bien entendu, le renforcement du rôle du Parlement passe par la nomination de la totalité des membres du collège du CSA, par un vote des trois cinquièmes des commissions compétentes. Ce mode de désignation n’est pas anecdotique : il donne au Parlement – opposition comme majorité – les pleins pouvoirs sur cette nomination.

En guise de conclusion, j’aimerais formuler plusieurs souhaits : que l’opposition sorte de sa posture dogmatique pour saisir la main que lui tendent la majorité et l’exécutif…

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Absolument !

M. Franck Riester. Ben voyons !

Mme Colette Langlade. … ; que ce texte, qui restaure l’indépendance de l’audiovisuel, ne soit qu’une première étape dans le long travail de réforme de l’audiovisuel que nous devrons mener ces prochaines années, pour réparer les erreurs de la précédente majorité mais aussi, et surtout, pour répondre aux défis que devront relever bientôt nos médias audiovisuels. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Franck Riester.

M. Franck Riester. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur et madame les rapporteurs, chers collègues, je suis sidéré qu’en dix ans d’opposition et plus d’un an aux responsabilités, la majorité et le Gouvernement aient été incapables de définir un projet global pour l’audiovisuel. Force est de constater que le texte sur lequel nous sommes amenés à voter aujourd’hui n’aborde aucun des grands enjeux économiques et techniques de ce secteur.

Preuve en est le nombre d’amendements traitant de sujets essentiels pour l’audiovisuel, dont certains semblent pertinents, mais qui ne peuvent raisonnablement être votés à la sauvette, en fin de session extraordinaire, sans étude d’impact ni travail de fond préalable. Tout cela reflète bien l’impréparation générale du Gouvernement, sur ce secteur comme sur bien d’autres, et nous regrettons qu’une loi d’envergure n’ait pas été encore présentée.

M. Patrice Martin-Lalande. Il a raison !

M. Franck Riester. Alors oui, comme l’ont dit Christian Kert et Rudy Salles, il ne s’agit là que d’un texte d’affichage, une toute petite loi qui vise seulement à détricoter, une fois de plus, les mesures de l’ancien gouvernement, et qui prétend se préoccuper de l’audiovisuel, alors que la majorité et le Gouvernement ne cessent d’enchaîner les décisions néfastes pour ce secteur.

Je pense en particulier aux décisions désastreuses pour les finances du groupe France Télévisions. Garantir ces ressources a pourtant été une préoccupation constante de l’ancienne majorité, n’en déplaise au président de la commission des affaires culturelles. À ce titre, la suppression en 2009 de la publicité après 20 heures sur les chaînes du service public non seulement a permis aux Français d’avoir accès à un service public de télévision de meilleure qualité, avec des programmes dont la ligne éditoriale ne dépend plus de la pression des annonceurs, mais elle a également protégé le financement de France Télévisions des revirements du marché de la publicité – nous avons pu constater ces dernières années quelles ont pu être ces vicissitudes.

Qui plus est, nous nous étions engagés à compenser la diminution des ressources de France Télévisions liée à l’arrêt de la publicité. Nous avons notamment introduit une taxe sur les opérateurs de télécom, et même si cette dernière n’a pas atteint le rendement escompté, nous avons compensé budgétairement, à l’euro près, la différence. Ce choix politique, vous ne l’avez pas fait, madame la ministre. Vous avez tranché brutalement dans le budget de France Télévisions, sans discussion, en diminuant la subvention de l’État de plus de 150 millions d’euros en 2013.

M. Patrice Martin-Lalande. C’était la pire des décisions !

M. Franck Riester. Après avoir affaibli financièrement France Télévisions, c’est la qualité des services de télévision que le Gouvernement semble prêt à hypothéquer. Je veux parler du projet de réaffectation des fréquences, destinées à l’origine à la TNT, vers les opérateurs de télécom. Cette réaffectation aurait un impact désastreux sur le développement de la TNT car elle mettrait un coup d’arrêt sérieux au déploiement de la haute définition et à sa généralisation à l’ensemble des chaînes. J’espère que notre action commune avec les parlementaires de la majorité empêchera le pire.

Ce texte prétend aussi se préoccuper d’indépendance. Madame la ministre, il faut vraiment ne pas avoir froid aux yeux pour se prévaloir d’un quelconque souci de préserver l’indépendance des dirigeants nommés par le Gouvernement, alors même que la politique des nominations dans le secteur de la culture, comme dans les autres secteurs, ne respecte absolument pas ce principe. Pire : tout est fait pour nommer à la tête des administrations et des établissements publics les amis du pouvoir.

Je pourrais aussi parler des Assises de l’audiovisuel, que vous avez évoquées tout à l’heure, madame la ministre, et auxquelles vous n’avez pas pris la peine de convier les parlementaires de l’opposition. On est vraiment loin d’une République irréprochable !

Qui plus est, chers collègues, que ce soit au plan financier ou institutionnel, ce projet de loi ne comporte aucune avancée en matière d’indépendance pour l’audiovisuel public parce que transférer le pouvoir de nomination des présidents des sociétés nationales de programmes au CSA – dont les membres continueront d’être nommés par le Parlement, et le président par le Président de la République – ne rompt en rien le lien entre pouvoir politique et nominations dans l’audiovisuel public.

Ne vous en déplaise, chers collègues de la majorité, le système actuel de nominations par le Président de la République, qui assume la dimension politique des nominations et prévoit des garde-fous efficaces, droit de veto étant donné au Parlement, a au moins le mérite de la transparence. Votre projet de loi, au contraire, ce n’est pas plus d’indépendance, mais plus d’hypocrisie !

J’en veux pour preuve l’amendement déposé en commission par les députés de la majorité, qui – tenez-vous bien – visait à mettre fin aux mandats des présidents des sociétés nationales de programmes, dans un projet de loi prétendant justement se préoccuper de leur indépendance ! L’opposition a contraint sur ce point la majorité à revenir en arrière, mais un nouvel amendement de la majorité prévoit de se réfugier derrière les membres du CSA pour mettre fin à ces mandats. Christian Kert a raison, c’est Ponce Pilate ! C’est l’illustration parfaite de ce que nous dénonçons : avec la réforme que vous proposez, les nominations resteront politiques, mais perdront en transparence. On voit mal en quoi elles seront alors plus légitimes qu’aujourd’hui, si tant est qu’elles ne le soient pas.

Vous voulez l’indépendance ? Noël Mamère veut l’indépendance ? Eh bien, réalisons-la vraiment ! Suivez-nous lorsque nous proposons un mode de nomination des dirigeants de l’audiovisuel public réellement indépendant du pouvoir politique. Nous soutenons la création d’un Haut Conseil de l’audiovisuel public, garant de l’indépendance du secteur public de la communication audiovisuelle et du respect de ses obligations fondamentales devant la société. Cela permettrait d’éviter que le CSA soit à la fois le régulateur et celui qui nomme les présidents de l’audiovisuel public, ce qui constitue un mélange des genres, que nous dénonçons.

M. Patrice Martin-Lalande. Tout à fait ! C’est une confusion !

M. Franck Riester. Nous proposons donc, en nous inspirant d’un modèle qui a déjà fait ses preuves au Royaume-Uni et en Allemagne, que ce Haut Conseil soit chargé de nommer les responsables de l’audiovisuel public. Sa composition serait représentative des territoires et de la société française – avec des représentants des salariés, de la vie associative, des associations de consommateurs –, afin de permettre aux Français de se réapproprier leur service public de l’audiovisuel.

La création de ce Haut Conseil permettrait également d’éviter que le CSA, régulateur du secteur de l’audiovisuel, devienne responsable de la nomination des dirigeants de certains opérateurs de ce même secteur, fussent-ils des opérateurs publics. Ce lien objectif entre régulateur et opérateurs constitue un conflit d’intérêts en contradiction totale non seulement avec les principes de l’Union européenne mais également avec notre Constitution.

M. Patrice Martin-Lalande. Et avec le bon sens !

M. Franck Riester. Nous avions mis fin, par la réforme de 2009, à ce mélange des genres inacceptable, à cette anomalie inimaginable, en Europe ou en France, dans n’importe quel autre secteur, qu’il s’agisse des télécommunications, des transports ou de l’énergie. Pouvez-vous imaginer une seconde que l’ARCEP puisse nommer le président d’Orange ou de La Poste ? Pouvez-vous imaginer une seconde que la Commission de régulation de l’énergie puisse nommer le président d’EDF ? Pouvez-vous imaginer une seconde que l’Autorité de régulation des activités ferroviaires puisse nommer le président de la SNCF ? Vous n’avez cessé de parler de démocratie mature, de démocratie moderne, madame la ministre, mais on en est loin, avec ce mélange des genres, qui peut être lourd de conséquences.

Nous souhaiterions donc avoir une explication précise sur ce point que vous ne cessez d’esquiver depuis le départ. Certes, vous nous avez dit en commission que le pouvoir de désignation du CSA préexistait à la loi de 2009. Mais répéter les erreurs du passé n’est pas une solution, c’est même une faute. Une faute lourde.

Ce mélange des genres, vous le pratiquez également avec la nouvelle procédure de sanction du CSA. L’intervention d’un rapporteur indépendant, introduite par le projet de loi, ne semble pas suffisante pour que l’objectif d’une stricte séparation de la fonction de poursuite et de celle de jugement soit atteint, puisque le même collège qui a engagé la poursuite sera amené à statuer sur la sanction, ce qui méconnaît vraisemblablement la jurisprudence la plus récente du Conseil constitutionnel.

Chers collègues, si l’on prétend fonder une réforme de l’audiovisuel public sur le principe d’indépendance, il ne faut pas se contenter d’une loi d’affichage, comme le fait le Gouvernement aujourd’hui, il ne faut pas faire le choix de l’hypocrisie, du retour en arrière, de l’erreur. Il faut avoir un vrai projet de fond.

C’est le sens de ce que nous proposons aujourd’hui avec mes collègues du groupe UMP, au travers des amendements que nous allons défendre : définir une nouvelle procédure de nominations garantissant réellement l’indépendance de l’audiovisuel public, recentrer le CSA sur ses missions de régulation et l’audiovisuel public sur ses missions de service public ; en un mot, promouvoir une réforme ambitieuse pour un service public au cœur de la vie des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Braillard.

M. Thierry Braillard. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, en septembre 2012, avec mes collègues radicaux de gauche et sous l’impulsion de notre président, Roger-Gérard Schwarzenberg, nous avions déposé deux propositions de loi visant à abroger le mode de nomination des présidents des sociétés de France Télévisions, de Radio France et de la société chargée de l’audiovisuel extérieur de la France. Vous comprendrez donc, madame la ministre, pourquoi vous pouvez compter sur notre soutien sans faille sur votre projet de loi.

M. Marcel Rogemont, rapporteur. Merci !

M. Thierry Braillard. Nous n’avons jamais accepté la décision politique de Nicolas Sarkozy de retransférer du CSA à l’Élysée le pouvoir de nommer les présidents de l’audiovisuel public. Comme je l’ai expliqué en commission, ce fut un véritable retour vers le passé, un bond en arrière de trente ans, puisque nous revenions à la situation antérieure à 1982.

Et l’argument selon lequel la loi organique du 5 mars 2009 mettait fin à une hypocrisie est inacceptable et insultant, compte tenu des efforts qui ont été faits pendant des années pour couper le fameux cordon ombilical qu’était cette ligne téléphonique directe entre l’Élysée ou le ministère de l’information et la télévision publique – l’Office de radiodiffusion télévision française, l’ORTF, alors sous la tutelle du ministre de l’information.

M. Michel Françaix. Bravo !

M. Thierry Braillard. Si la loi du 7 août 1974 a mis fin à l’ORTF, divisé en six organismes dont une société de radiodiffusion, Radio France, et trois sociétés de télévision – TF1, Antenne 2 et FR 3 –, chacune d’entre elles restait dirigée par un président nommé en conseil des ministres. Ainsi, sous la droite, les responsables de l’audiovisuel public dépendaient pour leur nomination du pouvoir politique et apparaissaient vulnérables à ses pressions.

Faisons un peu d’histoire… La loi Fillioud du 29 juillet 1982 institue la Haute Autorité de la communication audiovisuelle, chargée de nommer les présidents des chaînes publiques et de veiller à l’indépendance de l’information. Pour la première fois, la nomination des présidents de chaîne échappe au pouvoir exécutif. Cela a constitué une étape très importante vers l’indépendance, et cette situation durera vingt-sept ans, de 1982 à 2009, même si, au cours de la période, différentes autorités de régulation de l’audiovisuel se sont succédé : la Commission nationale de communication et des libertés en 1986 ; le Conseil supérieur de l’audiovisuel en 1989, autorité indépendante garantissant l’impartialité du secteur public de la radio et de la télévision.

Et puis tout ce travail a été mis à mal par M. Sarkozy, toujours attentif aux médias publics…et privés, et ayant du mal à accepter l’indépendance des médias. Ce qui s’est passé en matière d’audiovisuel sous le précédent quinquennat m’amène à dire : plus jamais ça ! Plus jamais ça, car la liberté d’information est trop importante.

La multiplicité des moyens d’informations, à travers le numérique, nous amène à penser qu’il était vain de croire qu’on pouvait « museler » la télé par cette reprise en mains de l’Élysée et un CSA que l’on souhaitait aux ordres.

C’est pourquoi, outre le pouvoir de nommer les présidents, il fallait également modifier le mode de désignation des membres du CSA pour le rendre encore plus autonome. Le fait de faire désigner les membres du CSA par le Parlement, à une majorité qualifiée des trois cinquièmes des commissions des affaires culturelles, est donc une excellente chose.

J’ai déjà eu l’occasion de rappeler ce que je considère comme un scandale, à savoir la manière dont ont été attribuées les six nouvelles chaînes de télévision en haute définition sur la TNT, à la suite du fameux – ou plutôt du fumeux – appel à candidatures du 18 octobre 2011, impliquant pour tout candidat un passage obligatoire par l’Élysée.

Si d’aucuns jugent grave l’accusation selon laquelle tout cela était « pipé » et les choix opérés d’avance – je me souviens à ce propos de l’interpellation de M. Riester en commission –, je les invite à lire le dossier extrêmement fourni sur le projet D-Facto, qui n’a pas été retenu. Ce dossier, très complet, est lisible sur le site Lyon Capitale ; d’une plume teintée d’amertume – et on le comprend – M. Didier Maïsto y explique comment il a été contraint d’utiliser les services de spécialistes de l’audiovisuel ayant leurs entrées à l’Élysée, pour avoir éventuellement la chance de se voir attribuer, sous certaines conditions naturellement, une des six chaînes de la TNT. Plus jamais ça, madame la ministre ! Et je vous parle d’un temps qui n’est pas si lointain qu’on veut bien le penser. Nul besoin de remonter à Maximilien Robespierre : c’était il y a deux ans. Plus jamais ça !

M. Michel Françaix. Bravo !

M. Thierry Braillard. Ces pratiques, nous n’en voulons plus. Le projet de loi va donc dans le bon sens, puisqu’il modifie en profondeur le mode de nomination des membres du collège du CSA, chargés de désigner les présidents des trois sociétés nationales de programmes.

Il donne aussi au CSA un rôle de contrôle de l’exécution des contrats d’objectifs et de moyens, ce qui semble logique dans le souci d’harmoniser les relations entre les chaînes publiques et les chaînes privées.

Les radicaux de gauche sont aussi très attachés à l’existence pérenne, au sein du Conseil supérieur de l’audiovisuel, d’un médiateur pour la circulation des œuvres. Nous avions déposé un amendement en ce sens qui a été retoqué au titre de l’article 40, comme beaucoup d’amendements, semble-t-il, mais nous soumettrons à nouveau cette proposition de légaliser cette fonction essentielle pour le devenir de la production française.

De plus, le rôle du Parlement sort renforcé de ce projet de loi, puisque, en plus de nous prononcer sur les candidatures du CSA, nous aurons à apprécier un rapport d’orientation des présidents de France Télévisions, de Radio France et de la société chargée de l’audiovisuel extérieur de la France.

Un mot, enfin, sur la procédure de sanction mise en place par le présent projet, qui, enrichie par les amendements acceptés en commission, apparaît efficace et respectueuse du principe du contradictoire.

C’est donc avec une ferme détermination que nous soutenons ce projet loi, sur lequel la commission a effectué un bon travail. J’en profite d’ailleurs pour remercier notre excellent rapporteur.

Pour conclure, j’aimerais dire à mes collègues de l’opposition que je nourris peu d’espoirs quant à leur changement de mentalité sur l’indépendance de l’audiovisuel. J’entendais, l’autre jour, un jeune représentant d’un des courants de l’UMP, la Droite forte – ce qui me rappelle d’ailleurs un slogan qui ne vous a pas porté chance.

M. Franck Riester. Ne fanfaronnez pas !

M. Thierry Braillard. Ce représentant de la droite forte voulait instaurer un quota de journalistes de droite dans le service public de l’audiovisuel !

M. Marcel Rogemont, rapporteur. Ce serait avantageux pour la gauche !

M. Thierry Braillard. Comment peut-on, en 2013, dire des choses pareilles ? Comment peut-on, en 2013, penser que la télévision publique a pour vocation d’irriguer politiquement les téléspectateurs ? Cela me fait penser aux équipes de foot qui, après avoir perdu un match, justifient leur défaite par les erreurs de l’arbitre. Si Nicolas Sarkozy a perdu en 2012, ce n’est pas à cause de l’arbitre. En revanche, c’est l’honneur de ce projet de loi de renforcer l’indépendance et l’impartialité de cet arbitre. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Attard.

Mme Isabelle Attard. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, chers collègues, la question centrale de nos débats d’aujourd’hui est la suivante : quel audiovisuel public voulons-nous ? Derrière chaque article de loi, derrière chaque amendement, ce sont deux conceptions différentes qui s’opposent. Il y a, d’un côté, une vision que je qualifierai de libérale, qui consiste à voir l’audiovisuel comme un secteur purement marchand…

M. Patrice Martin-Lalande. C’est complètement faux !

Mme Isabelle Attard. …au sein duquel il se trouve que l’État est propriétaire de quelques chaînes de télévision et de quelques stations de radio. L’objectif, dans cette vision des choses, est d’avoir un secteur audiovisuel homogène, dans lequel l’argent serait le seul critère de contrôle.

M. Franck Riester. Les bons contre les méchants !

Mme Isabelle Attard. Il y a, d’un autre côté, une vision de service public, qui consiste à voir au-delà de la rentabilité financière, pour se pencher sur un service rendu aux citoyens. Par définition, le service public ne peut pas être immédiatement rentable. Ses effets sont trop diffus et variés pour être mesurables par une simple comptabilité à court terme.

M. Patrice Martin-Lalande. Vous êtes en train de le mettre en danger !

Mme Isabelle Attard. Cela est d’ailleurs vrai de toute activité culturelle. Dans la vision libérale, la publicité est une source de revenus comme les autres. Vendre le DVD d’une émission ou vendre un espace publicitaire à un annonceur aboutit au même résultat : un gain d’argent. Dans la vision de service public, il en va autrement. Vendre un espace publicitaire, cela consiste à imposer à des téléspectateurs ou à des auditeurs, à travers des messages répétitifs, attrayants et jouant énormément sur l’émotion et l’inconscient, un conditionnement psychologique. Cela n’est absolument pas neutre, contrairement à ce que prétendent certains publicitaires. De nombreuses études ont montré l’efficacité considérable de la publicité sur le comportement conscient et inconscient lors de l’acte d’achat. Il ne faut pas oublier que chaque année, annonceurs et publicitaires dépensent, tous médias confondus, près de 32 milliards d’euros pour la publicité, dont 4,3 millions pour les publicités à la télévision. Ce sont les consommateurs qui paient ce prix, puisque 5 à 25 % du prix d’achat des biens servent à financer la publicité. Il s’agit donc d’un impôt caché, que paye le consommateur. Cela est trop rarement signalé : le financement de l’audiovisuel public par la publicité entraîne un coût caché pour les citoyens.

M. Patrice Martin-Lalande. C’est vrai.

Mme Isabelle Attard. Ce financement par la publicité n’est pas généralisé chez tous nos voisins européens. En comparaison, le budget de la BBC est deux fois plus important que celui de France Télévisions. La redevance est d’environ 180 euros et la publicité est totalement absente. Il faut également rappeler que la BBC est financée à 96 % par les contribuables, qui s’enorgueillissent d’ailleurs de leur audiovisuel national.

Faire le choix politique d’un service public de qualité totalement indépendant des financements privés, tel est le modèle que nous proposons de suivre, en l’adaptant à France Télévisions, pour que la diffusion de la culture française se fasse à travers un audiovisuel national de qualité, au service de ses citoyens contributeurs ; un service de proximité, à la hauteur des ambitions culturelles de la France. Nous souhaitons donc qu’à l’avenir, la redevance audiovisuelle soit réformée et augmentée de manière significative. Oh, j’entends déjà un chœur s’élever sur les bancs de l’opposition : « Voilà la solution systématique de la gauche : toujours augmenter les impôts ! »

M. Christian Kert. Il y a un risque !

M. Franck Riester. Eh oui !

Mme Isabelle Attard. Heureusement qu’on vous réveille ! Et pourtant, augmenter la redevance pour diminuer la publicité à la télévision, c’est agir en faveur du pouvoir d’achat.

M. Patrice Martin-Lalande. C’est ce que nous avons fait autrefois, madame, et sans vous !

Mme Isabelle Attard. On estime en effet qu’un couple avec deux enfants dépense en moyenne 2 000 euros par an pour la publicité dans ses actes d’achat. Augmenter la redevance de quelques dizaines d’euros pour diminuer cette taxe cachée serait plus que profitable. Mais peut-être l’opposition pense-t-elle que la mission de l’audiovisuel public est d’être un pourvoyeur de temps de cerveau disponible auprès des marchands.

M. Patrice Martin-Lalande. Caricature !

Mme Isabelle Attard. La gouvernance de l’audiovisuel public doit aussi revenir à une vision de service public. Il est temps de sortir de la politique schizophrène menée depuis des années. Il n’est plus possible de demander à l’audiovisuel public de poursuivre ses missions à l’identique en réduisant ses crédits. Il n’est plus possible non plus de vouloir accroître l’indépendance de l’audiovisuel public sans lui accorder l’autonomie stratégique. Il n’est plus possible, enfin, de dénoncer la course à l’audience, tout en définissant, dans les contrats d’objectifs et de moyens, des objectifs d’audience chiffrés.

Cette façon de faire asphyxie le service public de l’audiovisuel. Nous nous sommes donc retrouvés dans la plupart des constats et des propositions qu’a faits Martine Martinel dans son rapport pour avis sur le budget de l’audiovisuel. Elle y écrivait notamment : « Le service public traverse une double crise : crise financière, mais aussi crise d’identité. » La rapporteure estime que l’on ne pourra faire l’économie d’une réflexion sur ce que l’on attend du service public avant de lui donner les moyens adaptés à des missions définies.

M. Patrice Martin-Lalande. Elle a raison.

Mme Isabelle Attard. La réflexion sur les missions doit donc précéder la réflexion sur les ressources. Force est de constater que l’État ne sait pas ce qu’il attend du groupe. Il ne cesse de multiplier ses missions, tout en lui demandant de réaliser des économies. Il lui demande de se défaire de la contrainte de l’audience, tout en exigeant de ses programmes qu’ils fédèrent le public le plus large.

Ce projet de loi comporte deux avancées majeures : la réforme du mode de nomination des présidents de l’audiovisuel public français et la réforme des nominations au CSA. Le Parlement aura un rôle nouveau et important dans la nomination des membres du CSA. À l’exception de son président, qui sera nommé par le Président de la République, ses membres seront nommés par les présidents des deux chambres, trois pour l’Assemblée nationale, trois pour le Sénat, après avis conforme de leur commission des affaires culturelles à la majorité des trois cinquièmes. L’opposition aura donc un rôle accru dans ces nominations, puisqu’elle pourra en théorie bloquer un candidat. Le président du CSA reste nommé par le Président de la République, conformément à l’article 13 de la Constitution.

Il s’agit donc bien d’une démocratisation de la nomination des membres du CSA et des dirigeants de l’audiovisuel, et c’est une excellente chose. Alors que le Président Sarkozy avait décidé de renforcer son pouvoir, au nom de « la fin de l’hypocrisie », ce projet de loi propose exactement l’inverse, conformément aux promesses de François Hollande. Ces changements sont d’autant plus importants que le CSA pourrait bientôt avoir des pouvoirs accrus et prendre en charge la régulation d’internet, comme le préconisait le rapport Lescure. Cette évolution, je me permets de le rappeler, porte en elle de nombreux dangers. Les écologistes seront très attentifs à ce qu’une loi modifiant les missions du CSA ne vienne pas restreindre indûment les libertés individuelles des citoyens qui utilisent internet. N’oublions pas, en effet, que ce moyen de communication est le premier à rendre effectif le principe de liberté d’expression.

Enfin, l’amendement écologiste adopté en commission, qui contraint le CSA à présenter un rapport d’activité annuel au Parlement, est une garantie importante pour le respect du pluralisme politique dans les médias. Souvenons-nous qu’en janvier dernier, le CSA avait décidé d’octroyer un temps d’expression direct à une seule organisation syndicale agricole, la FNSEA. La mission de contrôle du respect du pluralisme n’était donc pas respectée. Cette décision était aggravée par son timing, car les temps d’antenne d’expression directe de la FNSEA devaient avoir lieu quelques jours avant les nouvelles élections dans les chambres d’agriculture. Ainsi, alors que la campagne battait son plein, un seul syndicat aurait eu une expression médiatique, ce qui aurait posé de sérieux problèmes en termes d’équité, de pluralisme et de démocratie.

En conclusion, le groupe écologiste tient à féliciter Mme la ministre pour ce projet de loi et espère qu’il sortira encore meilleur des débats d’aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

M. le président. La parole est à M. Rudy Salles.

M. Rudy Salles. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, quelle est la véritable question qui sous-tend notre débat ? C’est, nous a-t-on dit, la liberté de l’audiovisuel public. En réalité, l’intitulé flatteur du projet de loi est peu révélateur ; il n’en est pas pour autant trompeur. Disons qu’entre l’intitulé et le contenu, il existe une sorte de hiatus, qui correspond au sens à donner à la réforme engagée. Parce qu’au fond, la liberté n’est pas une fin en soi pour une institution, mais une méthode et un moyen pour faire mieux, pour répondre, dans le cas d’espèce, à de nouveaux enjeux. Et ces enjeux sont déjà d’actualité.

La question fondamentale est donc bien de savoir quel est le dessein de ce projet de loi. Selon nous, la liberté ne peut viser ici qu’un seul et unique objet : la bonne régulation d’un secteur qui se transforme et se développe comme une supernova. Pourquoi ? Parce que ce qui compte, c’est tout simplement la création. Et le match se joue dans la confrontation entre deux mondes virtuels, celui, hexagonal et régulé, de la télévision hertzienne, et celui, dérégulé et surpuissant, de l’IPTV. C’est le passage d’une société en images à une société de l’image. C’est le risque que le développement n’empiète sur la création, la civilisation sur la culture. Voilà la question, et voilà aussi le chemin pour trouver des réponses durablement pertinentes.

D’emblée, le fait qu’un projet de loi constitué de dix articles seulement prétende embrasser ces vastes horizons a quelque chose de surprenant. Mais après tout, nous avions reproché à des lois précédentes, relatives à l’éducation et à l’enseignement supérieur notamment, d’être bavardes. Nous n’allons pas maintenant tenir le discours inverse, par simple esprit de contradiction. Pourquoi ne ferions-nous pas crédit au Gouvernement d’écouter son opposition ? Nous n’avons pas pour habitude, en ce qui nous concerne, de dire tout et son contraire.

De fait, le premier texte qui nous a été soumis avait sa cohérence. Il plaçait d’abord, et légitimement, le CSA au cœur du dispositif, en introduisant une évolution majeure : la validation de ses membres par les commissions chargées des affaires culturelles de l’Assemblée nationale et du Sénat, à la majorité qualifiée des trois cinquièmes. On pourrait évidemment craindre qu’un tel système ne favorise des arrangements de couloirs, une sorte de diplomatie secrète. Mais on ne peut pas dire, en tout cas, que l’opposition n’y serait pas associée. Tout tient donc à la moralité et à l’éthique des représentants de l’intérêt général que nous sommes. Pour notre part, nous considérons qu’il s’agit là d’un progrès de la démocratie, qu’on ne saurait nier en arguant des turpitudes des uns et des autres. Quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage.

Pour autant, la nomination des membres du CSA obéit toujours à une logique purement institutionnelle ; elle dépend toujours des pouvoirs en place, ceux qui jusqu’ici faisaient la décision, et qui la feront encore demain. Autrement dit, les mêmes causes produisant les mêmes effets, ce progrès partiel qui vise à l’impartialité des membres du CSA ne la garantit pas tout à fait.

C’est la même logique qui préside à la création d’un rapporteur indépendant, qui doit permettre de distinguer clairement la mission d’enquête et celle de la sanction. Mais comment postuler d’emblée ce qui nous est présenté comme un gage d’impartialité, quand les moyens de ce rapporteur sont directement dépendants de l’administration du CSA, hiérarchiquement soumis au collège des membres ?

En vérité, la solution réside dans le choix strictement encadré d’une compétence incontestable. De ce point de vue, la discussion en commission a permis une avancée, mais dans des termes si génériques et si vagues que chacun peut y trouver son compte. Il faut donc aller plus loin, en visant non pas à représenter des catégories ou à établir des quotas dans la composition de ce qui est désormais une autorité publique indépendante, mais à imposer des compétences qui signeraient indubitablement une véritable exigence d’excellence.

Qu’entendons-nous par excellence dans ce cas précis, si ce n’est la confrontation des points de vue de personnalités qui incarnent la plus haute qualité possible de l’offre culturelle ? C’est la raison pour laquelle le groupe UDI souhaiterait que la composition du CSA soit radicalement repensée autour des seules compétences utiles : l’exigence culturelle, représentée par un membre de l’Institut de France, la création, avec un représentant des sociétés d’auteurs, le journalisme, avec un représentant de la Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels, et la connaissance transversale des enjeux de la société civile, avec un représentant du Conseil économique, social et environnemental.

Ce qui est vrai pour le CSA l’est également pour les dirigeants des sociétés publiques audiovisuelles. C’est ce qui conduit par exemple le groupe UDI à demander que le choix de ces personnalités soit exclusivement fondé sur leur compétence, sans laisser la moindre place possible au reproche de favoritisme lié à des convergences politiques avec le pouvoir en place. Au fond, il n’y a pas d’impartialité possible sans l’autorité de ceux qui l’incarnent. Cela passe nécessairement par cette exigence d’excellence. C’est là la clé de voûte de l’édifice, qui permettrait de renforcer l’autorité du CSA autrement qu’en en modifiant le statut juridique ou en surajoutant ici ou là quelques gages relatifs au risque de conflits d’intérêts ou à la confidentialité des délibérations. Mais, une fois encore, on privilégie le cadre institutionnel, au sens de la mission.

Vous-même vous êtes interrogée sur le sens à donner à la mission de régulation, madame la ministre. Nous n’en voyons aucune trace dans ce projet, c’est regrettable.

Vous disposiez pourtant d’une formidable occasion de renforcer le rôle du CSA : autorité, partenaire, régulateur et défenseur de la diversité. Il fallait résolument se donner les moyens de s’extraire du feuilleton législatif des changements de format, pour redessiner en profondeur le visage de cette institution, et à travers lui, du paysage audiovisuel, pour un temps aussi long que possible. Cet édifice-là ne naîtra pas du dispositif tel qu’il se présente à ce moment de la discussion parlementaire.

La logique eût été que ce projet de loi posât les bases politiques, économiques et financières d’une nouvelle étape de la régulation audiovisuelle élargie aux communications institutionnelles. Alors, pourquoi ce qui n’a pas été réalisé à l’occasion de ce rendez-vous législatif, le plus opportun qui soit, le serait-il ultérieurement ?

À moins, bien sûr, que partis d’un texte présenté par le Gouvernement, nous n’aboutissions, en réalité, à un nouveau texte tout entier remanié par ce même Gouvernement, relayé par le rapporteur. Avouez, au stade où nous en sommes, que cela traduirait plus une sorte d’impréparation – là où nous attendions une démarche refondatrice – qu’une capacité à écouter vos contradicteurs, dans la mesure où les modifications ne viendraient que de vous-mêmes.

N’est-ce pas d’ailleurs ce que vous avez fait quelques heures à peine avant la réunion de notre commission chargée d’examiner le projet de loi ?

Quelques heures à peine avant, vous avez en effet tout simplement changé le statut du CSA.

Quelques heures avant, vous avez totalement bouleversé l’économie générale de son rapport annuel d’activité en y ajoutant ici une étude d’impact économique de ses décisions d’autorisation, là un point sur l’évolution de la concentration et du pluralisme dans le secteur privé de l’audiovisuel, ailleurs encore un bilan de la situation financière des services de télévision à vocation locale.

Quelques heures avant, vous avez pensé à la lutte contre la fracture numérique.

Quelques heures avant, il vous est apparu que le CSA pourrait se voir attribuer la mission de réserver un appel à candidatures pour le lancement d’un service national de télévision haute définition à des chaînes existantes en définition standard.

Quelques heures avant, vous vous êtes dit qu’il ne serait sans doute pas inutile que le CSA puisse retirer des autorisations en cas de modifications substantielles des données au vu desquelles elles ont été délivrées.

Et quelques heures avant, vous êtes même allés jusqu’à créer une commission de la modernisation de la diffusion audiovisuelle chargée de gérer le spectre hertzien.

Comment peut-on sérieusement penser que ce texte – dont vous dites être particulièrement fière – ne s’est pas transformé en poupée gigogne faute de travail préalable, faute d’une ambition claire, faute de respect de la représentation nationale, qui se transforme, pour le Gouvernement, en session de rattrapage ? C’est la raison pour laquelle la demande de réexamen par la commission me paraissait tout à fait fondée.

Notre seule crainte, maintenant, c’est que de nouveaux amendements viennent définitivement bouleverser votre texte initial.

Pourquoi cette crainte ? Parce que nous ne pouvons croire que vous ayez oublié tant d’éléments à ce point fondamentaux dans le projet initial. Ce que nous craignons, c’est qu’une fois encore, votre démarche ne soit que de déconstruire ce que vos prédécesseurs ont réalisé. Ce que nous craignons, c’est que cette stratégie constante de la table rase vous ait fait oublier l’essentiel et vous conduise, dans l’urgence, à colmater les brèches d’un édifice qui en réalité n’est qu’un leurre.

M. Stéphane Travert. Du passé, faisons table rase !

M. Rudy Salles. Pour tout vous dire, ce que nous craignons, au fond, c’est que la grande réforme attendue et annoncée sur l’audiovisuel et l’après-HADOPI n’ait, en fait, jamais lieu.

Je dois vous confier, madame la ministre, que nous étions d’emblée bien disposés à l’égard de ce texte. J’ai d’ailleurs tenu à vous le dire en commission à deux reprises. Mais vous nous avez fourni toutes les raisons de revenir sur cette intention initiale.

Voilà donc un texte qui est passé en quelques heures du statut de grande loi d’indépendance à celui de boîte à outils de fortune. Si j’osais, madame la ministre – et je vous demande de m’en excuser –, je dirais que vous semblez avoir manqué de pif sur le PAF !

M. Marc Goua. Quel esprit ! Digne de l’almanach Vermot !

M. Rudy Salles. J’espère au moins que vous n’en rajouterez pas, si ce n’est – et ce serait un moindre mal – pour retenir les propositions que nous vous présenterons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Stéphane Travert. Et la remarque a fait « flop » !

M. le président. La parole est à M. Michel Françaix.

M. Michel Françaix. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, j’ai envie de dire à nos collègues de l’opposition que nous pouvons profiter d’être entre nous, entre spécialistes qui connaissons ces dossiers depuis longtemps. Je voudrais faire table rase d’un certain nombre de discours, et que vous disiez vraiment la vérité, ce que vous ressentez.

Vous ressentez tellement de choses que vous n’avez pas envie de revenir en arrière. Vous n’avez pas envie de vous lever dans cinq minutes pour dire : « Il faut absolument que le Président de la République choisisse les responsables de l’audiovisuel. »

Je m’étonne que ce débat se cantonne à deux idées. La première consiste à nous faire croire que l’indépendance de l’audiovisuel est mieux garantie par le choix d’un Président de la République, quel qu’il soit, qui prend sa décision sans concertation, à la hussarde, dans la tradition bonapartiste.

C’est, comme beaucoup de nos collègues l’ont dit, un retour à la grande époque. On peut revenir au temps de M. Peyrefitte, qui contrôlait toutes les informations télévisuelles.

M. Franck Riester. Mais non !

M. Patrice Martin-Lalande. C’est de la caricature !

M. Franck Riester. Le monde a changé !

M. Michel Françaix. Justement, cher collègue, le monde a changé et je voudrais que vous changiez en même temps. N’ayez pas l’œil rivé au rétroviseur pour prévoir le passé.

Oui, le monde a changé depuis M. Peyrefitte, mais il a aussi changé depuis la Haute autorité de François Mitterrand, qui avait installé la première instance de régulation.

M. Franck Riester. Il était très bien conseillé !

M. Marcel Rogemont, rapporteur. Exact !

M. Michel Françaix. Il a changé aussi depuis la CNCL voulue par M. Léotard. Il a changé depuis la création du CSA.

Tout le monde comprend que les pouvoirs du CSA doivent s’élargir, et que le Conseil supérieur de l’audiovisuel doit devenir cette autorité publique indépendante incontournable, comme l’a très bien dit M. Rudy Salles.

M. Franck Riester. Mais pas une autorité de régulation !

M. Michel Françaix. Car sans découvrir un nouveau monde par jour, sans se griser d’ébriété technologique, il y aurait de la cécité à ne pas voir ce qui émerge de neuf. Toute barrière érigée à l’encontre du numérique prendrait les allures de la ligne Maginot.

M. Patrice Martin-Lalande. Là-dessus, nous sommes bien d’accord !

M. Michel Françaix. Internet doit rendre notre vie plus intéressante, mais grâce à notre imagination, plus intéressante qu’internet lui-même.

Le rôle d’un système de régulation va s’en trouver amplifié. Il se doit d’accompagner la transition en évitant la rupture. L’image du CSA lui-même va changer lorsqu’il sera confronté à des dossiers qui nécessitent non plus la mise en scène, mais la mise en perspective. Quel délai entre la sortie d’un film en salle et sa disponibilité en vidéo ? Quel agrément pour le passage d’une chaîne TNT de la diffusion payante à la diffusion gratuite ? Et quid des attributions de fréquences, qui doivent évidemment être précédées d’études d’impact permettant d’en apprécier l’opportunité économique, et ne plus être décidées sur un coin de table, fût-ce une table de l’Élysée ?

La deuxième idée, c’est que ce texte ne règle pas tout, que c’est une « petite loi ». Il est vrai, chers collègues, que nous en avons connu, des ministres qui voulaient tout régler, mais dont les lois n’ont pas résisté à l’épreuve du temps et ont été balayées par les faits. Car en trente ans, nous sommes passés d’un service public omniprésent à de nouveaux espaces de liberté.

M. Patrice Martin-Lalande. C’est un constat d’évidence que nous partageons tous !

M. Michel Françaix. Certains collègues semblaient dire que c’était eux qui défendaient les télévisions privées. En fait, les premières télévisions privées sont apparues en 1982.

En trente ans, nous sommes passés de la pénurie à l’abondance, de la gratuité à la diffusion payante, des chaînes généralistes aux chaînes ciblées. Il est temps d’avoir un peu de stabilité et un peu moins d’immédiateté. Voyez ce qui se passe lorsque l’on est dans l’immédiateté : voyez les dégâts de la loi Copé qui proposait d’interdire toute publicité sur le service public après vingt heures, puis avant vingt heures, et qui proposait de ne plus jamais augmenter la redevance.

M. Patrice Martin-Lalande. C’était un changement de système !

M. Michel Françaix. Plus de redevance, plus de publicité ! N’est-ce pas cela, l’étouffement du service public ? Chers camarades, pardon, chers amis (Rires),…

Mais il y a ici des camarades, aussi.

M. Patrice Martin-Lalande. D’excellents camarades !

M. Michel Françaix. Cela étant, je suis prêt à dire : « Chers collègues ».

Bien sûr, chers collègues, il faudra une autre loi au début de l’année prochaine afin de prendre en compte l’évolution du comportement des citoyens face à l’audiovisuel.

Oui à l’indépendance du CSA, dont les membres devront voir leur nomination approuvée, à la majorité des trois cinquièmes, par les commissions parlementaires.

Oui à un mode de nomination des membres du CSA moins médiatisé, qui prenne en compte la technicité et les enjeux économiques.

Oui à la pub avant vingt heures pour sauver le service public.

Oui à la désignation des présidents de Radio France, de France Télévisions, de France Médias Monde, par le CSA.

Chers collègues de l’opposition, faites avec nous l’apprentissage de l’indépendance de la justice. Faites l’apprentissage de l’indépendance du Conseil constitutionnel. Et faites, évidemment, l’apprentissage de l’indépendance de l’audiovisuel public. Pour cela, il ne faut pas des radios et des télévisions-Élysée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’indépendance de l’audiovisuel repose sur un certain nombre de conditions, nous le savons tous. Mises à part quelques améliorations de détail, qui sont bonnes à prendre, le projet de loi que vous nous proposez me semble doublement dangereux pour l’audiovisuel public, car non seulement il ne traite qu’une partie de la question de l’indépendance, mais il la traite mal !

Il est illogique et, à mes yeux, hypocrite de ne traiter que de la procédure de nomination des présidents de l’audiovisuel public et des membres du CSA, tout en faisant totalement l’impasse sur la condition majeure de l’indépendance de l’audiovisuel public, qui est de disposer d’un financement solide.

Contrairement à tout ce que les socialistes ont affirmé au moment du vote de la réforme de l’audiovisuel dans la précédente législature – certains s’en souviendront –, cette réforme a apporté un réel progrès puisque la nomination des présidents de France Télévisions, de Radio France et de l’Audiovisuel extérieur de la France devenu depuis France Médias Monde n’était plus décidée par une seule autorité mais codécidée par trois autorités. L’exécutif, c’est-à-dire le Président de la République élu par tous les Français et qui nomme tous les chefs d’entreprises publiques, propose la nomination. L’autorité administrative indépendante, c’est-à-dire le CSA, a un pouvoir de veto puisqu’il doit donner un « avis conforme ». Et enfin le Parlement, c’est-à-dire les trois cinquièmes des commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat, doivent donner leur accord – il s’agit donc d’un second veto.

En 2008, les députés socialistes avaient déjà essayé de nous faire croire qu’une nomination co-décidée par trois autorités était moins démocratique qu’une nomination par une seule autorité ! Chapeau !

Mme Colette Langlade. Et vous nous avez crus ?

M. Patrice Martin-Lalande. Non, sûrement pas ! Pas plus qu’en 2013, où le pouvoir socialiste essaie à nouveau de nous faire croire que la nomination par une autorité serait plus démocratique que la nomination par trois autorités. Ou alors, c’est freudien : dans la situation actuelle, les socialistes se méfient du Président de la République et du Parlement, et leur méfiance est si grande qu’ils ne peuvent pas attendre la loi annoncée pour l’an prochain. Ils veulent délibérer dès maintenant.

Ce projet de loi est non seulement un retour en arrière, donc réactionnaire au sens étymologique du terme, mais il est aussi dangereux car il ne tient pas compte de l’expérience que nous avons aujourd’hui en matière de régulation par une autorité indépendante.

M. Franck Riester. Eh oui !

M. Patrice Martin-Lalande. Cette expérience nous montre qu’il ne faut pas mélanger les rôles. Le CSA doit se consacrer exclusivement à sa mission de régulateur, et ne doit pas intervenir dans la gouvernance d’une partie des sociétés de l’audiovisuel.

M. Marcel Rogemont, rapporteur. Pourquoi, dans ce cas, avoir prévu en 2009 l’avis conforme du CSA ?

M. Patrice Martin-Lalande. C’est à l’État actionnaire de choisir le président des entreprises publiques et l’audiovisuel doit être traité comme tous les autres intérêts stratégiques de l’État, sauf à créer le Haut Conseil proposé par Franck Riester et un certain nombre de nos collègues.

Le pire pour l’audiovisuel public, c’est que pendant que vous faites diversion avec ce projet de loi, vous mettez en danger son indépendance financière. France Télévisions est ainsi menacée de ne plus avoir les moyens de remplir sa mission, parce que votre gouvernement, madame la ministre, ne respecte pas les engagements de l’État et réduit brutalement la dotation budgétaire.

Il faut rappeler que la réforme tant combattue par les socialistes en 2008 et 2009 a permis d’assurer plus solidement que jamais le financement de France Télévisions, devenue entreprise unique.

En effet, notre réforme a permis à France Télévisions de remplacer une recette publicitaire aléatoire et en régression, comme l’expérience l’a montré, par une recette certaine, prévue, apportée et normalement garantie par l’État puisque gagée par l’ensemble des recettes du budget général, et non pas par telle ou telle taxe affectée.

France Télévisions remplace aussi une recette publicitaire – qui, quoi qu’on en dise, pèse sur les choix de programmation – par une recette de l’État qui libère la programmation. Jamais le financement de France Télévisions n’avait donc été aussi solidement assuré puisqu’il était en très large majorité couvert par deux ressources publiques garanties.

La première ressource garantie par l’État est la redevance qui, après l’adoption de l’amendement que j’avais présenté dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2008, bénéficie enfin du maintien de sa valeur, grâce à une indexation annuelle en fonction du taux de l’inflation. La deuxième ressource dont bénéficie France Télévisions est la compensation intégrale de la perte de recettes publicitaires. Cette compensation est garantie par l’ensemble des recettes du budget général de l’État – j’insiste sur ce point –, et non par une taxe affectée. En effet, elle est assurée pour peu que le Gouvernement et le Parlement le décident – ce n’est plus le cas et nous le regrettons, madame la ministre –, puisqu’elle n’est pas liée aux produits des deux nouvelles taxes que nous avions créées.

Par ce véritable leurre législatif, le Gouvernement et la majorité se donnent bonne conscience à peu de frais – je suis désolé d’être obligé de le dire – en agitant le thème de l’indépendance de l’audiovisuel public, qui fait en réalité l’objet d’un retour en arrière. Pendant ce temps, le Gouvernement nous fait attendre encore un an pour apporter les réponses engageant l’avenir de cet audiovisuel.

Parce que ce texte est davantage contre la précédente majorité qu’il n’est pour l’audiovisuel public, ce dernier et les téléspectateurs français sont finalement les nouvelles victimes de l’obsession gouvernementale à détruire ce qui a été fait pendant la précédente législature. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à Mme Martine Martinel.

Mme Martine Martinel. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui n’est pas, comme le disent les députés de l’opposition, d’un mince intérêt, si l’on en croit leurs outrances de langage.

M. Guénhaël Huet. Des outrances ?

Mme Martine Martinel. Depuis le début de ce débat, nos collègues les plus modérés ont utilisé les mots « tragédie », comme l’a fait Christian Kert. On a pu relever les qualificatifs de « funeste », ou de « néfaste ». Le mot « hypocrisie » est revenu je ne sais combien de fois. M. Martin-Lalande, quelqu’un de modéré, qui connaît le sujet, n’a pas hésité à parler de « leurre ». M. Riester ou M. Kert – je ne sais plus de qui il s’agissait – a assimilé Patrick Bloche à Ponce Pilate ou à Robespierre – l’une de ces deux références est sans doute plus flatteuse que l’autre !

M. Patrice Martin-Lalande. Je préférerais Ponce Pilate ! (Sourires.)

Mme Martine Martinel. Monsieur Riester, vous avez dit que Mme la ministre n’avait pas froid aux yeux. Je me demande si l’on ne pourrait pas vous retourner ce compliment un peu familier : ne peut-on dire que vous n’avez pas froid quand vous déclarez que c’est le Gouvernement et la gauche qui sont en train de porter tort à France Télévisions ?

M. Franck Riester. C’est le cas !

Mme Martine Martinel. N’est-ce pas la gestion même de France Télévisions qui contribue à ses déboires financiers ? Le Gouvernement n’en est aucunement responsable, et n’a pas à compenser.

M. Luc Belot. L’opposition est amnésique !

M. Franck Riester. Vous allez loin !

Mme Martine Martinel. J’en reviens au texte que nous examinons. C’est un texte qui « tricote » – puisque vous employez sans cesse le verbe « détricoter ».

Mme Martine Faure. Ce n’est pas très élégant !

Mme Martine Martinel. La gauche tricote, et elle tricote activement, notamment pour rétablir l’indépendance de l’audiovisuel public que le Président Sarkozy, avec ses lois faites à la hâte et sans s’embarrasser de manières, avait supprimée. Il s’était arrogé, sans manières, le pouvoir de nommer et de révoquer les présidents des sociétés publiques audiovisuelles. Ce faisant, il a rétabli des pratiques en cours il y a plus de trente ans, lorsque l’ORTF était supposée être la voix de la France. Non content de s’en tenir aux nominations, il a décrété l’arrêt de la publicité sur les chaînes publiques en soirée, au point que celles-ci se sont trouvées, plus que jamais, dans la plus grande dépendance de la manne financière que l’État pourrait leur concéder. Je ne citerai pas Camus mais une formule employée à l’époque par Libération, où l’on pouvait lire que ce Président expéditif et décomplexé avait « refermé un à un tous les verrous de ce qui ressemble fort à un piège pour le service public ».

Durant sa campagne, François Hollande s’est engagé à modifier rapidement plusieurs dispositions de la loi sur l’audiovisuel, la mesure la plus symbolique étant la fin du pouvoir de nomination et de révocation des présidents de l’audiovisuel public. C’est pourquoi, madame la ministre, nous nous réjouissons tous ici – y compris les membres de l’opposition, je crois –, que le Gouvernement et vous-même proposiez un projet de loi ambitieux.

M. Franck Riester. Ah non !

Mme Martine Martinel. Ce projet de loi rend au CSA le pouvoir de nommer les présidents de l’audiovisuel public. Il garantit des procédures de nomination en toute indépendance, transparence et collégialité. Cette indépendance sera d’autant mieux garantie que les membres du CSA – hormis le président – devront voir leur nomination approuvée par une majorité des trois cinquièmes de notre Parlement. Qui se plaindra que le rôle de l’opposition soit désormais renforcé dans cette procédure de nomination ?

Le CSA disposera par ailleurs d’un pouvoir de contrôle de l’économie de l’audiovisuel accru. Il délivrera ainsi un rapport annuel d’activité, qui comportera notamment un volet analysant l’exécution des contrats d’objectifs et de moyens, un volet établissant l’impact économique des décisions d’autorisations d’émettre, un volet mesurant l’évolution de la concentration et du pluralisme au sein du secteur privé de l’audiovisuel, ainsi qu’un volet restituant le développement et les moyens de financement des télévisions locales. Le CSA disposera également de moyens d’action juridiquement incontestables.

Ce texte est très ambitieux, et les travaux de la commission effectués avec vous, chers collègues de l’opposition, sous la présidence de Patrick Bloche, ont conforté ces ambitions.

En outre, il nous appartient collectivement de veiller à l’indépendance des médias, à la stabilisation des moyens accordés à l’audiovisuel public et à l’équilibre global du secteur audiovisuel.

Je veux encore évoquer deux points, parmi d’autres. D’une part, il est évident que le CSA ne doit plus, comme ce fut le cas pour les six chaînes de la TNT, accorder des fréquences en toute partialité. D’autre part, le Parlement ne saurait se désintéresser de la bande de 700 mégahertz. À ce sujet, je veux soutenir l’initiative du président de notre commission, Patrick Bloche, qui a demandé la mise en place d’une commission majoritairement composée de parlementaires sur cette question.

L’indépendance du secteur audiovisuel, nécessaire à la démocratie, a besoin de règles claires pour que le pluralisme soit garanti. Sur ce point, je pense que tout le monde sera d’accord.

M. Patrice Martin-Lalande. En effet !

Mme Martine Martinel. Avec ce projet de loi, le CSA pourra mener à bien son activité de régulation d’un secteur appelé à se complexifier et se diversifier. Le Parlement verra son rôle accru et les droits de l’opposition seront renforcés, ne vous en déplaise, chers collègues – ou est-ce le manque d’habitude ?

Pour toutes ces raisons, je sais que notre assemblée, même si les députés présents ne sont pas très nombreux, adoptera avec enthousiasme…

Mme Valérie Corre. Ça, c’est sûr !

Mme Martine Martinel. …un texte qui permettra d’aborder sereinement les défis que rencontrera l’audiovisuel de demain et que nous connaissons tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Marcel Rogemont, rapporteur. Excellent !

M. le président. La parole est à M. Guénhaël Huet.

M. Guénhaël Huet. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, voici, avec ce projet de loi relatif à l’indépendance de l’audiovisuel, un texte à la fois très étrange et très décevant.

Très étrange et très décevant, car les enjeux de ce sujet méritent à l’évidence beaucoup plus et beaucoup mieux qu’une petite dizaine d’articles présentés et discutés la dernière semaine de notre session extraordinaire, en plein cœur de l’été.

Très étrange et très décevant, car l’affirmation, par le Gouvernement et la majorité, d’une volonté d’indépendance et de transparence s’accorde mal avec les critiques, les mises en cause et les anathèmes que nous avons entendus tout au long du travail en commission et tout à l’heure, tant dans les interventions de la ministre que dans celles des députés de la majorité.

De surcroît, si l’indépendance et la transparence étaient les vrais fondements de ce texte, pourquoi les parlementaires de l’opposition ont-ils été écartés des réflexions menées sur ce sujet ? Pourquoi aucun parlementaire de l’opposition ne participait-il au groupe de travail chargé de repenser la contribution à l’audiovisuel public ? Pourquoi aucun parlementaire de l’opposition n’a-t-il été invité aux assises de l’audiovisuel ? Vous voyez, madame la ministre : il ne suffit pas de citer Victor Hugo pour garantir les droits et libertés fondamentaux.

En réalité, ce projet de loi n’est qu’un prétexte pour abroger une réforme menée par le précédent gouvernement. Depuis juillet 2012, il s’agit d’une attitude constante du Gouvernement et de la majorité parlementaire, une attitude qui ne trompe plus personne et qui ne rencontre plus aujourd’hui que la désapprobation et le mécontentement d’une large fraction de l’opinion publique.

La réalité de ce projet de loi est bien différente des intentions proclamées : il s’agit en fait d’un texte en trompe-l’œil. En effet, comment peut-on parler d’indépendance alors que les présidents des sociétés de l’audiovisuel seront nommés par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, dont les membres sont eux-mêmes nommés par le pouvoir politique, notamment par le Président de la République ? De la même manière, comment peut-on parler d’indépendance alors que le service public de l’audiovisuel s’est vu priver de son indépendance financière par la baisse très importante de la dotation de l’État décidée par ce gouvernement et par cette majorité parlementaire ?

Je voudrais enfin, madame la ministre, à l’aune de ce texte minimaliste et très décevant, évoquer le sujet de la diffusion des compétitions sportives sur les chaînes publiques.

M. Patrice Martin-Lalande. En effet, c’est important !

M. Guénhaël Huet. Si nous n’y prenons garde, madame la ministre, aucun grand événement sportif ne sera plus, à court ou moyen terme, diffusé sur le service public.

M. Patrice Martin-Lalande. C’est une vraie menace !

M. Guénhaël Huet. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel a clairement pris position sur ce sujet, en s’exprimant publiquement et en s’inquiétant d’une évolution récente et continue au profit des seules chaînes payantes. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé, avec plusieurs de mes collègues du groupe UMP, deux amendements visant à protéger les chaînes gratuites. Je conviens, madame la ministre, qu’il s’agit de cavaliers législatifs, mais je souhaitais appeler votre attention sur ce sujet, comme je l’ai déjà fait auprès de votre collègue Mme Valérie Fourneyron. J’espère que vous serez sensible à cette préoccupation et qu’elle sera transcrite dans notre droit, soit dans ce texte, soit dans un texte que vous nous présenterez ultérieurement, comme vous l’avez promis devant la commission.

Dans cette attente, nous ne pouvons, sur les bancs de l’UMP, que regretter l’étrangeté, la bizarrerie et l’insuffisance de votre projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Le Roch.

M. Jean-Pierre Le Roch. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, la rapporteure, monsieur le rapporteur, chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui définit les frontières d’un audiovisuel public renforcé dans les garanties de son indépendance et la réforme en profondeur de l’institution chargée de la régulation du secteur.

En premier lieu, la loi organique du 5 mars 2009, adoptée par l’ancienne majorité, a retiré au Conseil supérieur de l’audiovisuel son pouvoir de nomination des dirigeants des sociétés nationales de programme pour le confier au Président de la République. C’est l’illustration d’une conception passéiste de l’audiovisuel public : cette procédure, issue de l’époque de l’ORTF, dessinait les contours d’un contrôle politique potentiel des chaînes publiques.

M. Marcel Rogemont, rapporteur. Exactement !

M. Jean-Pierre Le Roch. Cette vision surannée avait pourtant été enterrée dès 1982 par la loi du 29 juillet créant une Haute autorité de la communication audiovisuelle. Instaurée sous la présidence de François Mitterrand, elle sanctuarisait alors le principe d’un « corps de sages chargés de constituer un écran entre les pouvoirs publics, d’un côté, la télévision et la radio, de l’autre ».

C’est pourquoi, en rupture avec la politique défendue ces dernières années et conformément à l’engagement du Président de la République François Hollande, le projet de loi présenté par le Gouvernement rend au CSA sa compétence de nomination des présidents des trois sociétés nationales de programme, principe qui prévalait jusqu’en 2009. Il substitue enfin au choix d’une personnalité une logique de projet, en requérant des candidats la présentation d’un programme formalisé assorti d’une stratégie de moyens.

En second lieu, le projet de loi s’applique à garantir la légitimité de cette institution en renforçant son indépendance dans la nomination des membres du collège, dans l’exercice de ses missions et en favorisant la cohérence de son action.

Tout d’abord, ce projet prévoit de réduire l’effectif du CSA de neuf à sept membres, six d’entre eux étant désignés dans le cadre d’une procédure inédite dans laquelle les commissions parlementaires compétentes devront rendre un avis conforme. La majorité requise des trois cinquièmes, en associant l’opposition dans les choix opérés, est un gage supplémentaire d’expertise, d’indépendance et, in fine, de légitimité pour l’instance de régulation.

De plus, l’article 3 du projet de loi instaure un rapporteur indépendant du collège du CSA. Cette mesure, qui tient compte de l’évolution de la jurisprudence européenne comme de la jurisprudence constitutionnelle, sépare strictement les titulaires des fonctions de poursuite et d’instruction d’une part, et de prononcé de la sanction d’autre part.

M. Patrice Martin-Lalande. Nous ne pouvons que l’approuver !

M. Jean-Pierre Le Roch. Enfin, outre l’indépendance et l’impartialité, ce projet de loi ajoute de la cohérence à l’action du CSA. En effet, les amendements adoptés en commission ont permis une meilleure prise en compte par l’autorité de régulation de la dimension économique de son action. Par exemple, le CSA pourra dorénavant différer un appel à candidatures pour l’attribution de fréquences si la consultation publique ou l’étude d’impact nouvellement instaurées fait apparaître que la conjoncture n’est pas favorable au lancement de nouveaux services.

En définitive, ces trente dernières années, en abolissant le monopole de l’État, en autorisant les radios libres à émettre, en créant une institution de régulation dont l’indépendance sera restaurée et renforcée par ce texte, la gauche et elle seule a bâti l’édifice d’une liberté d’expression qui s’inscrit dans le prolongement de la liberté de la presse obtenue il y a plus de cent ans.

Concrétisant l’ambition de réforme profonde du cadre juridique du secteur audiovisuel, ce projet de loi constitue, pour reprendre vos propos en commission, madame la ministre, un « socle », une première étape essentielle pour adapter l’audiovisuel public aux mutations du secteur, notamment au développement du numérique.

Ce projet de loi contribue, chers collègues, à la protection de la liberté d’expression, liberté fondamentale face à la transformation permanente des pratiques de communication que connaît notre société. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Léautey.

M. Pierre Léautey. Madame la ministre, je voulais tout d’abord vous remercier pour ce projet de loi attendu par nombre d’entre nous, qui a pour objectif le renforcement de l’indépendance de l’audiovisuel public de la France.

Il marque ainsi la fin des dérives de la loi de 2009 voulue par Nicolas Sarkozy, alors Président de la République. Dérives, car le principe même de la loi était en contradiction avec les principes et les exigences démocratiques de la France. Comment garantir l’indépendance de l’audiovisuel public lorsque le pouvoir de nomination de ses dirigeants est confié au Président de la République ?

M. Michel Françaix. Très juste !

M. Pierre Léautey. Ce qui est vrai, et on le constate encore aujourd’hui, c’est que l’indépendance des différents pouvoirs face à l’exécutif est l’une des valeurs fortes de la gauche, elle constitue l’un de nos marqueurs : indépendance de la justice et des magistrats, indépendance de la presse et des journalistes, et aujourd’hui, indépendance de l’audiovisuel public et de ses présidents.

Le mode de nomination prévu par la loi de 2009 jetait d’office une suspicion sur les possibles collusions entre les dirigeants de l’audiovisuel public et le pouvoir exécutif. Et cela à juste titre, puisque les présidents de l’audiovisuel public étaient désignés par le chef de l’État et que seule une majorité des trois cinquièmes des commissions des affaires culturelles, à travers un vote conforme à l’Assemblée nationale et au Sénat, pouvait s’y opposer. Cette majorité était bien entendu un leurre. Dans la pratique, et de l’avis de tous d’ailleurs, ce n’était que de la poudre aux yeux. Ce système n’était en fait qu’une mise sous tutelle de l’audiovisuel public.

M. Patrice Martin-Lalande. Pas du tout ! S’il y avait eu un problème, la procédure aurait joué.

M. Pierre Léautey. Ainsi, cette loi tant décriée marqua aussi un recul démocratique dans notre pays : pour preuve, en 2009, dans le classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières, la France a chuté au quarante-troisième rang, entre le Surinam et le Cap-Vert, en raison notamment de la faible intensité de son respect de la liberté d’informer. À titre de comparaison, elle occupait en 2002 la onzième place de ce même classement.

M. Patrice Martin-Lalande. Cela n’a rien à voir !

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Bien sûr que si !

M. Pierre Léautey. Or, la liberté de l’audiovisuel est vitale pour un pays démocratique et c’est pourquoi nous pouvons être fiers de cette loi simple,…

M. Guénhaël Huet. Simpliste !

M. Pierre Léautey. …claire et précise, qui fera partie, nous n’en doutons pas, des grandes réformes de la législature.

C’était un engagement de campagne de François Hollande et nous l’assumons pleinement aujourd’hui. Cette loi restitue au CSA sa mission originelle, en lui confiant la désignation des dirigeants des entreprises de l’audiovisuel.

Pour cela, l’indépendance des membres du CSA est garantie, puisqu’il faudra obtenir aux commissions des affaires culturelles de l’Assemblée nationale et du Sénat une majorité des trois cinquièmes pour valider les propositions. C’est là toute la différence. Le Parlement se trouve renforcé par le rôle prépondérant qui lui est donné dans la désignation des membres et bénéficie d’un véritable transfert de responsabilité, que je veux saluer.

Ces désignations ne pourront donc se faire sans un consensus entre la majorité et l’opposition. Rassembler au-delà de la majorité est un gage d’indépendance et de pluralisme, mais pas seulement : c’est aussi la certitude de nommer des membres du CSA compétents et expérimentés.

Le Parlement aura ainsi un vrai rôle à jouer et c’est là un pas décisif dans le renforcement de la protection des libertés publiques, qui permettra d’éviter que les nominations n’apparaissent comme le fait du prince, comme c’est le cas depuis la loi de 2009.

Le CSA retrouve le rôle historique qu’il détenait depuis 1982. Ses membres désormais pleinement indépendants, personne ne doutera que leurs choix le seront également lorsqu’il s’agira de désigner les présidents de l’audiovisuel public. Cette indépendance des membres du CSA entraînera de fait, c’est évident, celle des présidents.

La loi met donc fin à cette présomption de dépendance à l’égard du pouvoir exécutif des présidents des sociétés nationales, qui relèveront désormais d’une autorité publique indépendante.

Le travail en commission a permis une nouvelle fois d’enrichir le texte et d’aller plus loin dans cette indépendance retrouvée : elle a, à l’unanimité, décidé de modifier le statut du CSA en autorité publique indépendante. Disposant de la personnalité morale, le Conseil supérieur sera dès lors responsable juridiquement et financièrement.

L’indépendance de ses membres a par ailleurs été confortée par un amendement de la commission qui, pour éviter tout conflit d’intérêts, prévoit que le maintien d’un contrat de travail, et donc d’un lien de subordination, avec une entreprise du secteur régulé sera désormais interdit.

La gauche peut être fière de renforcer et de redonner du sens à la démocratie. Rappelons-nous le tollé provoqué par la décision de l’ancien Président de la République de nommer et de démettre à sa guise les présidents de l’audiovisuel public.

Lorsque l’on sait l’importance de la place qu’occupe 1’audiovisuel dans notre société, il convient de mettre en lumière cette excellente loi qui assure à nos concitoyens son indépendance, garantie de la confiance qu’ils peuvent lui accorder ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La discussion générale commune est close.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Aurélie Filippetti, ministre. Mesdames, messieurs les députés, merci pour vos riches contributions au débat.

Je voudrais remercier Pierre Léautey d’avoir rappelé certains des principes qui ont présidé à l’élaboration de ce texte. Il s’agit tout d’abord d’un principe de responsabilité, celle de rétablir une liberté fondamentale, allié à la volonté d’approfondir les pouvoirs du Parlement.

Comme la majorité des trois cinquièmes a souvent été évoquée, j’aimerais revenir sur ce point. Cette majorité, en cas de vote conforme, que va-t-elle impliquer ? Eh bien, elle va amener la majorité à devoir dépasser ses propres rangs pour aller trouver un accord avec des parlementaires de l’opposition sur le choix des personnes. Celles-ci seront donc nommées en fonction de leurs compétences et de leur expérience. Voilà qui répond à une exigence accrue d’indépendance, conformément aux vœux de Mme Buffet et de M. Salles. Cette procédure vient, bien sûr, renforcer le pouvoir du CSA.

Je note toutefois que Marie-George Buffet a fait une confusion autour du droit de veto qui existait auparavant. Jamais un droit de veto effectif à une majorité des trois cinquièmes n’aurait pu s’exercer. Le Président de la République n’aurait jamais été contredit par sa propre majorité dans ses choix pour la nomination du président de l’audiovisuel public.

M. Patrice Martin-Lalande. Pourquoi pas ?

M. Franck Riester. Les parlementaires, même de la majorité, peuvent se montrer indépendants !

Mme Aurélie Filippetti, ministre. Sans l’appui de la majorité, impossible de réunir la majorité de trois cinquièmes nécessaire au veto. Désormais, il y aura une obligation de résultat pour l’approbation du candidat, dont la légitimité se verra renforcée.

Sur les questions de l’indépendance financière, c’est l’opposition qui fait une confusion entre indépendance et autonomie, ou tout simplement capacité à exercer ses missions. Grâce au texte, l’indépendance est organique et formelle : il s’agissait de couper le plus possible le lien entre l’exécutif et l’audiovisuel. Nous sommes allés au bout de cette démarche comme le Président de la République est allé au bout de cette démarche en se dépouillant d’une large partie de ses pouvoirs.

Concernant l’indépendance financière, le Gouvernement a pris ses responsabilités. La seule source de financement qui garantisse une véritable indépendance à l’audiovisuel public, monsieur Martin-Lalande, monsieur Riester, c’est la redevance.

M. Marcel Rogemont, rapporteur. Exactement !

Mme Aurélie Filippetti, ministre. C’est la seule source de financement qui soit à la fois moderne, car elle s’adapte aux évolutions technologiques, juste, car elle donne lieu à des exonérations en fonction du handicap, du niveau des revenus, de l’âge, et pérenne, car elle n’est soumise ni aux aléas du marché publicitaire, ni aux aléas des contraintes budgétaires.

Vous évoquez notre sens des responsabilités en matière financière, messieurs les députés de l’opposition, mais c’est vous qui nous avez légué une situation des finances publiques catastrophique, qui a nécessité que nous fassions des économies. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Les économies qui sont demandées à l’ensemble des opérateurs de l’État, et par voie de conséquence aussi aux opérateurs de l’audiovisuel public, sont le fruit de la politique que vous avez menée, qui conduisait le pays à la catastrophe

M. Franck Riester. Arrêtez avec ça !

Mme Aurélie Filippetti, ministre. Aujourd’hui, nous demandons à France Télévisions des économies, des économies limitées – 2 % sur trois ans entre 2012 et 2015. Mais inversement, l’année dernière, nous avons pris nos responsabilités en loi de finances – parce que c’est dans ce cadre que ces questions se discutent et non dans celui d’une loi sur l’indépendance –, lorsque nous avons augmenté la redevance. Je me souviens encore des paroles de Jean-François Copé : « Moi vivant, jamais on n’augmentera la redevance ». Nous, nous l’avons augmentée, parce que là réside l’indépendance financière du service public.

M. Franck Riester. Et les 150 millions de dotations budgétaires en moins ?

Mme Aurélie Filippetti, ministre. Par ailleurs, s’agissant de l’avancée en parallèle de divers chantiers, oui, c’est ma méthode et je l’assume. Cela va permettre de donner un socle au CSA pour lui confier ensuite des missions nouvelles concernant notamment le numérique et la télévision connectée, tout en faisant avancer d’autres chantiers parallèlement.

Ainsi, en ce qui concerne la situation financière et les missions de France Télévisions, un avenant au contrat d’objectifs et de moyens pour la période 2013-2015 a été présenté au conseil d’administration le 11 juillet dernier, alors que tout le monde disait qu’il y avait un blocage entre l’État et France Télévisions. Cela permet d’inscrire France Télévisions dans une trajectoire budgétaire tout en rappelant ses missions essentielles : l’information et le soutien à la création tout d’abord. Malgré les difficultés budgétaires, j’ai en effet veillé à ce que soit maintenue l’obligation de financement à hauteur de 20 % de la création audiovisuelle et de 3,5 % pour le financement du cinéma car c’est le cœur de mission du service public. À cela s’ajoutent la jeunesse, la proximité avec les régions autour de France 3, avec les outre-mer, l’ouverture au monde et, bien sûr, la connaissance. Ces missions ne sont pas multipliées, elles sont au contraire rationalisées et pensées en fonction de priorités.

Nous avons fait des choix – et cela me permet aussi de répondre à Isabelle Attard –, des choix de responsabilité qui, s’ils s’inscrivent dans une trajectoire budgétaire effectivement difficile, n’entament pas le cœur du métier de France Télévisions. Martine Martinel l’a bien dit, il y a aussi un travail de réorganisation à mener, qui doit permettre de dégager des économies pour l’entreprise sans que cela affecte ses missions indispensables.

Enfin, j’en viens au sport évoqué par Guénhaël Huet. C’est une mission importante de l’audiovisuel et nous veillons à son bon accomplissement. Nous sommes favorables, Valérie Fourneyron et moi-même, à ce qu’un groupe de travail soit mis en place pour formuler des propositions sur la très importante question de la place du sport dans l’audiovisuel public.

M. Patrice Martin-Lalande. Il y a urgence !

Mme Aurélie Filippetti, ministre. Il y a urgence, oui, mais il y a suffisamment d’aspects ayant besoin d’être précisés pour que l’on prenne le temps de la concertation.

Je me suis expliquée sur l’indépendance financière comme sur la méthode. Le reste des chantiers avancera, ce qui donnera lieu à un deuxième temps législatif.

Aujourd’hui, nous avons la fierté de travailler sur une loi qui ancrera le service public dans l’indépendance et le CSA dans une légitimité nouvelle, qui ne sera plus jamais remise en cause et qui lui permettra d’assumer toutes ses missions. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Colette Langlade.

Mme Colette Langlade. Monsieur le président, je vous demande une suspension de séance de cinq minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-huit heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.

Article 1erA

(L’article 1erA est adopté.)

Article 1er

M. le président. La parole est à M. Avi Assouly, inscrit sur l’article 1er.

M. Avi Assouly. Je souhaite rappeler que plusieurs rapports parlementaires en 2006 et 2010, ainsi qu’un rapport du Conseil d’État en 2001, ont conclu à la nécessité de renforcer l’indépendance organique et fonctionnelle des autorités de régulation.

Ces textes ont également souligné que cette indépendance passe nécessairement par une intervention accrue du Parlement, dont le rôle dans la désignation des membres des autorités administratives indépendantes doit être renforcé.

Le présent article traduit ces recommandations et permettra au CSA de remplir encore mieux sa mission.

M. le président. La parole est à M. Hervé Féron.

M. Hervé Féron. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel a pour mission de garantir la liberté de communication audiovisuelle en France. En renforçant son indépendance par le mode de désignation de ses membres, ce projet de loi dans son article premier représente l’acte fort du Gouvernement en faveur de la liberté de communication et de la modernisation du modèle audiovisuel français.

Vous l’avez dit, madame la ministre, l’audiovisuel a trop souvent été considéré en France comme un jouet entre les mains du pouvoir. L’État s’engage ici dans une démarche de démocratisation de l’audiovisuel public en associant l’opposition parlementaire à la désignation des membres du CSA.

Toute suspicion sur la nomination des membres du CSA, qui devront satisfaire à des règles de compatibilité et de déontologie renforcées et jouir de compétences particulières, est ainsi écartée.

À l’heure où la télévision prend une place de plus en plus importante pour les citoyens au cœur de notre quotidien, il est indispensable d’assurer l’indépendance de l’audiovisuel. C’est un gage de qualité pour les programmes télévisés, c’est un gage d’impartialité et c’est l’assurance que notre culture, notre histoire et la création garderont une place prééminente dans notre société.

Qui plus est, la télévision n’est plus l’apanage du poste récepteur de salon : l’accès aux communications audiovisuelles se diversifie en s’étendant aux nouveaux supports. L’audiovisuel public est le diffuseur qui investit le plus dans la « web-création » ; les nouvelles technologies lui donnent les conditions d’une nouvelle libération.

La révolution numérique, qui renouvelle nos pratiques et nos mentalités, concerne aussi la communication audiovisuelle. Cela nécessite un réexamen de la mission de régulation du CSA, et en particulier de sa méthode. L’indépendance de l’autorité en charge de cette mission est ainsi une question fondamentale.

La France doit se doter d’un service public audiovisuel capable d’informer, d’éduquer, de divertir, et de proposer une offre cohérente, tout en contribuant notamment à la qualité du produit mis sur les antennes. Il doit permettre l’accès et la transmission de la culture et des valeurs de notre société.

L’existence d’un régulateur indépendant de la communication audiovisuelle est fondamentale pour le rayonnement de nos œuvres, pour la défense du pluralisme et de la diversité culturelle. L’indépendance du CSA, c’est la force du paysage audiovisuel français.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss.

M. Frédéric Reiss. La majorité, dans sa soif d’exercer tous les pouvoirs,…

M. Marcel Rogemont, rapporteur. Seulement d’assumer le pouvoir qu’elle a !

M. Frédéric Reiss. …continue à bouleverser le paysage politique et la société française. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Hervé Féron. Vous ne croyez pas vous-même à ce que vous êtes en train de dire, monsieur Reiss !

M. Frédéric Reiss. Après la « refondation » précipitée de l’école, où nous sommes passés à côté de l’essentiel, comme l’a démontré magistralement la Cour des comptes, après la régression en matière d’autonomie de l’enseignement supérieur et de la recherche, voilà la procédure accélérée d’un projet de loi relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public.

Le Gouvernement, dans son entreprise de nettoyage des écuries d’Augias,…

M. Marcel Rogemont, rapporteur. Ça, c’est vrai. Il y a de quoi faire. Et ce n’est pas terminé !

M. Frédéric Reiss. …veut abroger radicalement la loi organique du 5 mars 2009.

Il est vrai qu’en 2010, cher Pierre Léautey, la France a rétrogradé de manière incroyable, au quarante-quatrième rang, en matière de liberté de la presse, jusqu’à perdre son image de pays respectueux de la liberté d’information. Tout cela parce que le Président de la République avait proposé les noms des présidents des sociétés de l’audiovisuel public, alors que le Parlement avait un droit de veto !

M. Marcel Rogemont, rapporteur. Pas seulement pour cette raison !

M. Frédéric Reiss. Soyons sérieux : la liberté d’information n’a jamais été menacée en France !

Aujourd’hui, sous couvert de transparence, de parité, de laïcité, d’indépendance, valeurs chères à l’UMP, la majorité détricote tout ce que la droite avait réalisé, n’est ce pas, monsieur le rapporteur ?

M. Marcel Rogemont, rapporteur. C’est vrai, il y a de quoi faire ! Et ce n’est pas terminé !

M. Frédéric Reiss. L’improvisation est malheureusement de mise. En effet, la commission a modifié significativement le périmètre insatisfaisant de cette loi. Le rapporteur et le président de la commission ont déposé des amendements donnant de nouveaux pouvoirs au CSA : attribution de nouvelles fréquences, saisine sur les contrats d’objectifs et de moyens, possibilité d’accorder le passage en clair des chaînes payantes et inversement, pouvoir de mettre un terme au mandat des présidents actuels des sociétés nationales de programme. De beaux mélanges de genre en perspective, comme l’ont signalé Christian Kert et Franck Riester !

Ce projet de loi n’est qu’un texte d’affichage. La nouvelle désignation des sept membres du CSA par les institutions de la République ne suffit malheureusement pas à garantir de réelles avancées d’indépendance de l’audiovisuel public.

M. le président. La parole est à M. Michel Ménard.

M. Michel Ménard. Le texte que nous examinons est le fruit d’un vrai travail en commission que je tiens à saluer. Il a d’ailleurs été largement enrichi par nos débats.

Qualifiés, à juste titre, de quatrième pouvoir, la presse et les médias jouent un rôle crucial dans nos démocraties contemporaines. Du fait de son statut, l’audiovisuel public occupe une place tout à fait particulière. Il est donc indispensable de redonner à l’audiovisuel public les moyens de mener à bien ses missions en s’assurant de son indépendance et de son impartialité. Et c’est bien l’objet de l’article 1er qui modifie la composition du CSA ainsi que le mode de désignation de ses membres. Le passage de neuf à sept membres facilitera la prise de décisions au sein du collège en lui donnant plus d’efficience sans neutraliser les débats qui l’animent et doivent l’animer. De même, le nouveau mode de désignation des membres renforcera l’indépendance de ces derniers à l’égard de la majorité en place.

Comme l’a rappelé Mme la ministre tout à l’heure, la règle des trois cinquièmes n’est plus du tout la même que celle qui avait été adoptée en 2009 puisqu’il faudra désormais une majorité des trois cinquièmes qui valide les propositions des présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, alors que jusqu’à présent il fallait que trois cinquièmes du Parlement s’oppose à la proposition du Président de la République. Une lecture attentive montre bien qu’il y a une différence fondamentale.

Enfin, je veux insister sur l’amendement proposé par le rapporteur de ce texte, Marcel Rogemont, et adopté en commission, qui est venu compléter utilement cet article : Les membres du CSA « sont désignés en raison de leurs compétences en matière économique, juridique ou technique ou de leur expérience professionnelle dans le domaine de la communication ». Cela ne peut que concourir à renforcer la qualité des décisions rendues par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, garant et gardien de la liberté audiovisuelle de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Virginie Duby-Muller.

Mme Virginie Duby-Muller. Madame la ministre, le présent texte, débattu in extremis et en urgence au terme de notre session extraordinaire, est au fond très décevant, au point que l’on peut parler d’une petite loi.

M. Marcel Rogemont, rapporteur. Il n’y a pas de petite loi, il n’y a que des lois !

Mme Virginie Duby-Muller. Il n’aborde ni le rapprochement avec l’ARCEP, ni le mode de financement de l’audiovisuel public.

L’article 1er modifie la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication en réduisant le nombre de membres du CSA. Vous cherchez à justifier ce texte au nom de l’indépendance. Pourtant, l’article 1er se borne à diminuer le nombre des membres du CSA, sans rien innover dans le mode de désignation. Loin d’une révolution, il s’agit à peine d’une évolution. Six d’entre eux seront toujours désignés par les présidents des assemblées ; autrement dit, la suspicion politique demeure et n’est pas levée.

De même, le président du CSA sera toujours nommé par le Président de la République. C’est ainsi que le 9 janvier, M. Olivier Schrameck a été nommé par François Hollande. Si personne ne conteste ni sa compétence ni sa probité, M. Schrameck a néanmoins pour antécédent la fonction éminemment politique d’avoir été le directeur de cabinet de Lionel Jospin. Du coup, son indépendance n’est pas réelle, mais apparente. Cette nomination montre une contradiction entre volonté affichée et réalité.

S’agissant de l’avis conforme des commissions permanentes chargées des affaires culturelles qui devront désormais statuer à la majorité des trois cinquièmes, vous évoquez le rôle de l’opposition, considérant qu’elle sera désormais associée au choix des membres du CSA. Or ce rôle sera limité car les deux commissions ne feront en réalité qu’entériner le choix des présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat. Par conséquent, cet article n’est pas une avancée en matière d’indépendance, comme ce texte en général. Il s’agit d’un reniement supplémentaire, à la fois à la proposition 51 du candidat Hollande et au « Moi, Président de la République, je n’aurai pas la prétention de nommer les directeurs des chaînes de télévision publique, je laisserai ça à des instances indépendantes ». L’amendement guillotine déposé par Patrick Bloche tend d’ailleurs à le confirmer.

M. Patrice Martin-Lalande. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Franck Riester.

M. Franck Riester. Nous avons dit, lors de la discussion générale, que ce texte ne nous semblait pas mettre un terme au lien qui existe entre le pouvoir politique et la nomination des présidents de l’audiovisuel public. Pire, nous pensons que ce lien est maintenu, avec de surcroît avec beaucoup d’hypocrisie, puisque le Parlement se retrouve dessaisi d’un droit de veto. Et ce n’est pas la modification présentée à l’article 1er qui changera en quoi que ce soit les choses.

Madame la ministre, nous avons avancé une série d’arguments sur le risque de conflit d’intérêts entre les missions de régulation du CSA et ses missions nouvelles de nomination. Vous fuyez cette question alors qu’elle nous paraît majeure. En commission, vous nous avez répondu que cela s’était déjà fait par le passé… Ce n’est pas parce qu’une erreur a été commise dans le passé que nous devons la maintenir, car cela devient une faute. Vous devez éclairer dès à présent la représentation nationale sur ce point particulier et nous donner une réponse sur ce risque de conflit d’intérêts, qui nous semble criant.

M. le président. Nous en venons aux amendements à l’article 1er.

La parole est à M. Rudy Salles, pour soutenir l’amendement n79.

M. Rudy Salles. Depuis le début, le groupe UDI propose que le CSA ne soit pas simplement l’émanation du pouvoir politique – pouvoir exécutif pour le président du CSA et pouvoir législatif pour ce qui concerne les membres. Il nous paraîtrait intéressant, dans un souci de transparence et d’efficacité, que le CSA soit plus représentatif. Nous avons fait des propositions dans ce sens, qui ont fait l’objet d’une longue discussion en commission.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marcel Rogemont, rapporteur. Avis défavorable.

Monsieur Salles, je vous livre quelques arguments qui vaudront pour d’autres amendements que vous avez présentés.

Il importe de faire en sorte que le CSA puisse fonctionner ni trop, ni pas assez. En l’occurrence, ce ne serait pas assez. D’autres amendements proposent d’augmenter le nombre de membres du CSA tandis que vous suggérez de le diminuer. Nous souhaitons qu’il soit composé de sept membres pour nous rapprocher du mode de fonctionnement de l’ARCEP. Par ailleurs, cela le forcera à rationaliser son travail, qui pâtit à nos yeux d’un fort émiettement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Aurélie Filippetti, ministre. Monsieur le député, je constate que vous avez défendu un autre amendement que l’amendement n79, qui propose de réduire le nombre des membres du CSA de sept à cinq membres.

Je suis défavorable à cet amendement car il faut une cohérence avec les autres autorités administratives indépendantes, l’ARCEP et l’ARJEL, elles-mêmes composées de sept membres. Ce chiffre permet de concilier efficacité et collégialité. C’est à nos yeux un bon chiffre.

M. le président. La parole est à M. Rudy Salles.

M. Rudy Salles. Je vous remercie d’avoir corrigé mes propos, madame la ministre : dans ma précipitation, j’ai interverti les amendements…

Le nombre de membres du CSA va passer de neuf à sept. Dès lors que ceux-ci ne se voient pas attribuer de spécialisation, ramener leur nombre de sept à cinq ne changerait pas grand-chose en termes d’efficacité. Qui plus est, cela permettrait au CSA de réaliser des économies de fonctionnement.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Mes chers collègues, permettez-moi de féliciter Mme la ministre de la culture et de la communication pour l’humour dont elle a fait preuve ce matin dans un entretien au journal Le Parisien, sous le titre : « Radio Sarko et la Télé Élysée, c’est fini ». (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Colette Langlade. Cela a déjà été dit !

M. Yves Durand. Il fallait arriver plus tôt !

M. Guillaume Larrivé. Voilà un signal d’humour extraordinaire ! Cela voudrait dire que France Inter, France Info, France Bleu, France 2 et France 3 étaient jusqu’alors, avant votre arrivée miraculeuse, la télévision et la radio officielles de l’UMP. Je vous avoue que cela nous avait complètement échappé, comme cela avait échappé à la moitié de Français qui, le 6 mai 2012, ont voté pour Nicolas Sarkozy.

M. Marcel Rogemont, rapporteur. Vous n’êtes pas là depuis cinq minutes que vous faites votre numéro !

M. Guillaume Larrivé. Pour le reste, que d’hypocrisies ! Si c’était M. Schrameck qui nommait aujourd’hui les présidents des radios et des chaînes de télévision, pensez-vous qu’il ne passerait pas immédiatement un coup de téléphone à l’Élysée ou à Matignon pour avoir les instructions du pouvoir socialiste ? La vérité, c’est que sur ce texte comme sur les autres, vous péchez par hypocrisie !

M. Yves Durand. Maintenant que vous avez fait votre cirque, vous pouvez repartir !

M. Stéphane Travert. Bonnes vacances !

(L’amendement n79 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Rudy Salles, pour soutenir l’amendement n80.

M. Rudy Salles. Monsieur le président, la liasse des amendements est quelque peu en désordre. C’est pourquoi j’ai tendance à me mélanger les pinceaux.

Nous proposons qu’un membre du CSA soit désigné par l’Institut de France, un deuxième par les sociétés d’auteurs, un troisième par le président de la commission de la carte d’identité des journalistes professionnels et un quatrième par le président du Conseil économique, social et environnemental. Il est absolument nécessaire de ne pas faire du CSA une émanation du Parlement.

M. le président. Dont acte, mon cher collègue : une réorganisation des amendements a été nécessaire du fait du dépôt tardif de certains d’entre eux.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Marcel Rogemont, rapporteur. Avis défavorable. Nous n’avons pas à adresser tel ou tel membre du Conseil supérieur de l’audiovisuel par rapport à telle ou telle responsabilité. Nous devons faire confiance à l’Assemblée nationale comme au Sénat pour choisir ou donner un avis conforme pour que des personnalités suffisamment diverses puissent être désignées au sein du Conseil supérieur de l’audiovisuel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Aurélie Filippetti, ministre. Défavorable.

Effectivement, la représentation nationale est la mieux à même d’assurer l’intérêt général que poursuit ce texte pour renforcer l’indépendance du CSA.

M. le président. La parole est à M. Rudy Salles.

M. Rudy Salles. Il ne s’agit pas de ne pas faire confiance au Parlement. Nous serions mal placés pour le faire ! Je trouve seulement regrettable que le CSA ne soit pas davantage ouvert et qu’il soit seulement l’émanation du pouvoir politique, législatif ou exécutif.

(L’amendement n80 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n30.

M. Lionel Tardy. Comme ce débat a déjà eu lieu en commission, je serai bref.

La règle de la validation des nominations à une majorité des trois cinquièmes des voix est une fausse bonne idée. On transfère de fait le pouvoir de nomination aux commissions parlementaires. Si cette règle est étendue partout, c’est un changement beaucoup plus profond que ce qu’on croit qui va se produire. Le pouvoir de nommer aux principaux postes est un levier de pouvoir très important. Nous allons bouleverser un équilibre fondamental sans y avoir réfléchi en profondeur.

Le deuxième problème qui va se poser est celui des copinages et des petits arrangements qui ne vont pas manquer de se produire. Il faut être lucide, on va assister à un vaste marchandage entre la majorité et l’opposition avec un véritable troc où l’opposition aura une part du gâteau. Elle aura intérêt à se taire et ne jouera donc plus son rôle démocratiquement, ce qui me pose problème.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marcel Rogemont, rapporteur. Actuellement, ce sont les présidents de l’Assemblée et du Sénat qui nomment les membres du CSA. Nous proposons que les commissions permanentes des affaires culturelles des deux assemblées valident ces propositions à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. Quoi de plus démocratique que cela ?

Quant aux petits arrangements dont vous parlez, je ne crois pas que les nominations aient jusqu’à présent donné lieu à beaucoup de tergiversations dans les couloirs du côté du président du Sénat, du président de l’Assemblée nationale ou du Président de la République.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Aurélie Filippetti, ministre. Avis défavorable. C’est une des grandes avancées démocratiques de ce texte. C’est un pari sur la confiance qu’on peut avoir en l’esprit de responsabilité des parlementaires. Une majorité des trois cinquièmes impliquera de nommer des personnes qui auront su rassembler, par leur compétence, par leur expérience, au-delà des clivages traditionnels.

(L’amendement n30 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Rudy Salles, pour soutenir l’amendement n82.

M. Rudy Salles. Mon amendement vise à faire en sorte que les membres du CSA soient reconnus dans le secteur audiovisuel et dans celui des communications électroniques. Il me semble absolument nécessaire qu’y siègent des personnalités qui sachent de quoi on parle et qui aient une véritable expérience dans ce domaine. Du reste, lorsque M. Schrameck a été nommé à la présidence du CSA, on a regretté, malgré ses compétences administratives reconnues, en tant qu’ancien directeur de cabinet d’un Premier ministre, son manque total d’expérience dans le domaine de l’audiovisuel : cela nous paraît inacceptable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marcel Rogemont, rapporteur. La commission a déjà amendé le texte initial : dans chaque assemblée parlementaire, les membres du CSA seront désignés « en raison de leur compétence en matière économique, juridique ou technique, ou de leur expérience professionnelle dans le domaine de la communication ». Moins on mettra d’adjectifs derrière « communication », plus on embrassera de possibilités. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Aurélie Filippetti, ministre. Avis défavorable pour les mêmes raisons. Le rapporteur a défendu en commission un amendement sur la diversité des profils et la compétence.

Votre amendement, monsieur Salles, peut être interprété de deux manières. Exiger que les personnalités nommées soient « reconnues dans le secteur audiovisuel et dans celui des communications électroniques » pourrait, si ce « et » était entendu de manière restrictive, empêcher la nomination de gens très compétents, comme des journalistes, des professeurs d’université ou des producteurs.

(L’amendement n82 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Attard, pour soutenir l’amendement n66.

Mme Isabelle Attard. Mon amendement n66 vise à inclure parmi les membres du CSA un représentant des usagers. Comme je m’en suis expliqué assez longuement en commission, je soutiens que c’est là une demande logique et juste. Je ne parle pas d’experts en communication, ni de juristes, ni de techniciens, ni de producteurs : je parle seulement des usagers. C’est pour les défendre que le CSA a été créé, pour veiller à ce qu’ils aient accès à des émissions offrant toutes garanties en termes de pluralisme et d’équité. Cela aussi relève du CSA.

Cette notion d’usager n’est pas négligeable. Certains diront qu’il est difficile de trouver quelqu’un pour remplir ce rôle. Je ne le pense pas : on trouve dans nombre d’instances des représentants des usagers, à la SNCF, à la RATP, par exemple. Malheureusement, on les traite souvent par le mépris dans notre pays : les usagers sont souvent déconsidérés, à l’inverse des « experts » – entre de gros guillemets. Le CSA ayant été créé pour les usagers, on ne peut pas seulement tabler sur le fait que ses membres regardent suffisamment la télévision pour être avertis.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marcel Rogemont, rapporteur. Je comprends le souci de Mme Attard, mais rien n’empêche le Sénat ou l’Assemblée nationale de désigner des personnes qui pourraient être représentatives des téléspectateurs. En l’occurrence, il s’agirait de responsables d’association, je suppose ; car s’il fallait désigner un représentant des téléspectateurs parmi les soixante-cinq millions de Français, je ne sais pas comment on y arriverait… Il est également permis d’espérer que, parmi les sept membres du CSA, on en trouvera probablement quelques-uns qui regardent la télévision ! Rappelons enfin qu’en application de la loi de 1986, l’intérêt du téléspectateur doit être pris en compte dans l’ensemble des aspects de l’action menée par le CSA. Il serait dès lors regrettable de n’assigner ce rôle qu’à un membre en particulier. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Aurélie Filippetti, ministre. Défavorable, même si je comprends bien le souhait de Mme Attard. Comme l’a dit le rapporteur, rien n’interdit de choisir des représentants des téléspectateurs, à ceci près que, à partir du moment où ceux-ci intégreront le CSA, ils se professionnaliseront : ils deviendront des professionnels de l’audiovisuel et ne seront donc plus vraiment dans la situation du citoyen téléspectateur.

Cette mesure présenterait aussi une difficulté de mise en œuvre : quelle association représentative serait retenue ? Mais rien n’empêche, dans les faits, de choisir un téléspectateur.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Attard.

Mme Isabelle Attard. Je fais juste le même petit rappel qu’en commission : en 2004, Jean-Marc Ayrault et François Hollande avaient signé le texte « Un citoyen au CSA ». Certains y verront peut-être un détail anecdotique, mais sûrement pas moi. Je persiste à croire qu’il n’est pas impossible de trouver un représentant des usagers. Je ne vois pas pourquoi nous n’y arriverions pas puisque d’autres institutions et d’autres pays y parviennent.

Je ne pense pas non plus qu’un usager nommé au CSA se professionnalise ; pour moi, ce n’est pas un argument. Je le répète, on a toujours traité par le mépris la présence d’un usager au motif qu’il n’aurait pas les compétences requises. Mais il a la spécificité de l’usager, point !

M. Patrice Martin-Lalande. Qu’est-ce qu’un usager ? Un téléspectateur payant la redevance ?

M. le président. La parole est à M. Rudy Salles.

M. Rudy Salles. Je remercie Mme Attard de nous avoir rappelé la déclaration de François Hollande, qui m’avait échappé, mais qui a une certaine résonance dans cet hémicycle cet après-midi. (Sourires.)

Je suis totalement d’accord avec ce que propose notre collègue ; du reste, s’il n’est pas possible de trouver un représentant des téléspectateurs, il existe des associations de consommateurs qui représentent très souvent les téléspectateurs dans un certain nombre d’instances.

Je n’accepte pas qu’on nous réponde que les assemblées choisiront un téléspectateur, un producteur et que sais-je encore. Elles ne pourront nommer que six membres ; du coup, le choix sera très limité et on a tout lieu de croire qu’il n’y aura pas de représentant des téléspectateurs, malgré le soutien que mon groupe va apporter à l’amendement de Mme Attard.

(L’amendement n66 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 106, 68 rectifié et 88, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement n106.

Mme Aurélie Filippetti, ministre. L’amendement n106 du Gouvernement a pour objet d’instaurer le principe de parité dans la composition du CSA. C’est tout à la fois le fruit de la discussion en commission et une ouverture que je fais en direction des parlementaires. Plusieurs groupes ont déposé des amendements que je ne peux qu’approuver en faveur de la parité au CSA – à noter que celle-ci existe déjà de fait, puisque cinq femmes et quatre hommes siègent actuellement au CSA. Néanmoins, les rédactions que vous avez proposées posent un problème de formulation, c’est pourquoi le Gouvernement a déposé cet amendement qui prévoit que la composition du CSA respecte le principe de parité. Cette question sera traitée dans le cadre du projet de loi relatif aux droits des femmes, présenté par Najat Vallaud-Belkacem le 3 juillet dernier en conseil des ministres. Il faut préciser que les autorités de nomination veilleront à favoriser l’égal accès des hommes et des femmes aux fonctions de membres du CSA dans des modalités de mise en œuvre qui seront fixées par ordonnance. Or, vous proposez de procéder par décret, ce qui ne correspond pas au projet de loi du ministère aux droits des femmes. Je vous propose donc d’adopter cet amendement, qui prend en compte votre demande dans une rédaction compatible avec celle du projet de loi plus général de Najat Vallaud-Belkacem.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Attard, pour soutenir l’amendement n68 rectifié.

Mme Isabelle Attard. Compte tenu de ce que vient de dire Mme la ministre, je vais retirer mon amendement, mais je reviens sur ce qu’a dit mon collègue Rudy Salles sur la manière dont cela se passe en commission. Nous étions deux à avoir déposé un amendement sur la parité. Certes, nous avions prévu de procéder par décret et non par ordonnance, mais nous savons que des rectifications peuvent être apportées en commission : il suffisait de demander aux rédacteurs de ces amendements d’en modifier la rédaction en conséquence. Il est dommage d’en passer par là aujourd’hui.

(L’amendement n68 rectifié est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Rudy Salles, pour soutenir l’amendement n88.

M. Rudy Salles. Madame la ministre, je partage le point de vue de Mme Attard. Je vais retirer, bien entendu, mon amendement, puisque celui que vous proposez va dans le même sens. Mais si vous nous aviez donné cette explication en commission, nous aurions immédiatement rectifié nos amendements, ou bien nous les aurions retirés au profit de celui que vous auriez présenté un amendement au nom du Gouvernement. Or la réponse qui nous avait alors été faite n’était pas du tout celle que nous venons d’entendre. Pour commencer, on nous a dit que la parité existe déjà : si c’est effectivement le cas aujourd’hui au CSA, aucun texte ne l’impose. Ensuite, on nous a expliqué qu’il était impossible d’évoquer la parité dans ce texte, que ce serait fait ultérieurement et que le Gouvernement en prenait l’engagement. On nous a opposé une fin de non-recevoir et nous avons été très surpris, et même choqués, de cette réponse sur une rédaction qui correspondait parfaitement à l’esprit de tous les réflexions que nous menons dans cette assemblée sur les nominations.

Bien sûr, je vais retirer mon amendement dans la mesure où, sur le fond, nous sommes d’accord ; mais, sur la forme, convenez que ce n’est pas très respectueux des parlementaires que nous sommes, ni conforme à la façon dont nous travaillons en commission, où nous avons l’habitude de rectifier des amendements.

(L’amendement n88 est retiré.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Aurélie Filippetti, ministre. Je ne peux pas laisser dire que notre amendement n’est pas respectueux du travail en commission. Si le Gouvernement l’a déposé, c’est précisément pour tenir compte de la discussion que nous avons eue en commission. Mais dans la mesure où Najat Vallaud-Belkacem a présenté un projet de loi général sur l’égalité entre les femmes et les hommes et l’égal accès aux fonctions dans différentes autorités, il fallait que j’aie le temps d’organiser un minimum de concertation avec la ministre chargée des droits des femmes pour la prévenir que j’allais introduire cet amendement dans un texte qui n’a pas la parité pour objet. Qui plus est, le CSA est déjà dans une situation de parité : il n’y avait donc pas urgence à amender le texte aujourd’hui, mais je le fais pourtant parce que le principe est bon. Il nous a seulement fallu prendre le temps de la concertation interministérielle : c’est exactement ce que je vous ai dit en commission, en vous expliquant qu’un texte de portée plus générale avait été présenté en conseil des ministres et allait être examiné au mois de septembre.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marcel Rogemont, rapporteur. Je plaide dans les mêmes termes que Mme la ministre : on ne peut considérer que cet amendement du Gouvernement méconnaît le travail parlementaire. Au contraire, il va dans le sens du travail parlementaire. C’est pourquoi j’émets un avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Rudy Salles.

M. Rudy Salles. Monsieur le rapporteur, vous êtes trop fin parlementaire pour penser ce que vous venez de dire… Si Mme la ministre avait effectivement tenu compte de nos amendements déposés en commission, si elle avait considéré que le Parlement était bien inspiré, il aurait suffi de nous demander aujourd’hui de procéder, sur mon amendement par exemple, à une rectification en séance ; nous aurions alors adopté amendement d’origine parlementaire et non plus d’origine gouvernementale. Ce faisant, on aurait respecté les droits du Parlement, comme on le fait très souvent. Seulement, comme c’est nous qui avons pris l’initiative et que le Gouvernement n’était pas content de ne pas avoir lui-même défendu la parité, il a tenu à signer cet amendement aujourd’hui. Cette explication me paraît plus conforme à la réalité. (« Bravo ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Franck Riester.

M. Franck Riester. Je ne peux que souscrire à ce que vient de dire M. Salles. Le groupe UMP a totalement soutenu les amendements déposés par nos collègues du groupe UDI et par Mme Attard. Le Gouvernement, lors de nos discussions, a opposé une fin de non-recevoir. Même s’il est vrai que, sur le fond, sa position a changé et que l’on peut comprendre la nécessité de discuter avec la ministre chargée des droits des femmes, il aurait été beaucoup plus respectueux du travail parlementaire de faire en sorte que l’amendement de M. Salles puisse être rectifié, ce qui aurait permis l’adoption d’un amendement de l’opposition.

Et quand on voit ce qui s’est passé à quatorze heures trente, lors de la réunion de la commission au titre de l’article 88 du règlement, où, systématiquement, à une exception près, les amendements proposés par l’opposition ont tous été rejetés, vous avez raté là une belle occasion de reconnaître le travail de l’opposition.

M. Avi Assouly. Ils étaient mauvais, vos amendements !

(L’amendement n106 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Franck Riester, pour soutenir l’amendement n73.

M. Franck Riester. Cet amendement, également examiné par la commission, vise à faire en sorte que les nominations garantissent une certaine diversité professionnelle parmi les membres du CSA. On peut aujourd’hui constater une forte représentation de journalistes ; il est bon qu’il y en ait, mais il est important que ce principe de diversité des professions soit inscrit dans le texte.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marcel Rogemont, rapporteur. Avis défavorable. Le texte adopté en commission prévoit que les membres du CSA sont nommés en raison de leurs compétences – une liste de compétences a été du reste prévue. Si nous ajoutons la notion de diversité des acteurs, nous retrouvons la question du téléspectateur de tout à l’heure : il faudrait donc un producteur, un auteur, un acteur, un distributeur, un annonceur, un éditeur…

M. Franck Riester. Il ne s’agit pas de dresser une liste exhaustive !

M. Marcel Rogemont, rapporteur. J’entends bien, mais comment les choisir ?

Ensuite, il n’est pas sain de nommer tel ou tel membre en fonction de telle ou telle profession. Notre souci est de nommer des personnes qui ont une vision large des problèmes à traiter par le CSA. En l’occurrence, c’est la compétence qui doit être mise en avant et non, je le répète, telle ou telle profession.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Aurélie Filippetti, ministre. Défavorable pour les mêmes raisons. Le mot « acteurs » est imprécis. De plus, il reviendra aux commissions des affaires culturelles de faire ce travail.

(L’amendement n73 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Rudy Salles, pour soutenir l’amendement n83.

M. Rudy Salles. Le risque existe que les nominations du CSA ne recueillent pas l’avis conforme des commissions, le seuil requis pouvant être source de conflit. Nous proposons dans ce cas que, si l’avis des commissions chargées des affaires culturelles n’est pas conforme, les présidents des dites commissions proposent conjointement une nouvelle liste soumise à leur avis conforme à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marcel Rogemont, rapporteur. Je crains qu’il n’y ait une confusion dans la rédaction de l’amendement. Il appartiendra au président du Sénat et au président de l’Assemblée de présenter – chacun de façon distincte – une personne aux commissions compétentes pour recevoir de leur part un avis conforme. En conséquence, au cas où le candidat du président de l’Assemblée n’obtiendrait pas l’avis conforme de la commission, cela n’engage absolument pas le Sénat qui peut, lui, donner un avis conforme à la nomination de la personne qu’il lui revient de nommer. Il n’y a donc pas de confusion possible entre l’Assemblée et le Sénat. Ces deux procédures parallèles ne se recoupent pas, par le fait précisément qu’elles sont parallèles.

M. Jean-Patrick Gille. Nous ne sommes pas dans la géométrie de Riemann !

M. Marcel Rogemont, rapporteur. En effet !

Dès lors, les présidents du Sénat et de l’Assemblée ne peuvent pas se rencontrer, sinon le Sénat empiéterait sur le pouvoir de l’Assemblée, ou vice-versa. C’est pourquoi la rédaction de votre amendement m’interroge au point de vous demander, mon cher collègue, de le retirer.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Aurélie Filippetti, ministre. J’ai les mêmes interrogations sur l’application de cet amendement tel qu’il est rédigé. De toute façon, encore une fois, la procédure envisagée est inédite et il n’y a aucune raison pour qu’elle soit vouée à l’échec. En cas d’échec d’un candidat, le président de l’Assemblée en présentera un autre jusqu’à ce qu’une majorité de trois cinquième soit réunie.

(L’amendement n83 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Rudy Salles, pour soutenir l’amendement n84.

M. Rudy Salles. Il s’agit d’un amendement de repli.

(L’amendement n84, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Rudy Salles, pour soutenir l’amendement n85.

M. Rudy Salles. Il s’agit d’un amendement de conséquence : s’il est admis que la configuration d’action la plus cohérente, la plus efficace et la moins coûteuse pour le CSA s’organise autour de cinq membres.

(L’amendement n85, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Rudy Salles, pour soutenir l’amendement n86.

M. Rudy Salles. L’amendement n86 vise à empêcher que l’on nomme des membres du CSA à la veille de leur départ à la retraite ; faute de quoi, on pourrait imaginer que le membre ainsi nommé exercera la quasi-totalité de son mandat alors qu’il devrait être retraité. C’est pourquoi nous souhaitons que le mandat d’un membre cesse d’office sitôt que celui-ci atteint l’âge de la retraite.

M. Jean-Patrick Gille. Mais quel est cet âge ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marcel Rogemont, rapporteur. Bonne question, monsieur Gille ! La commission émet un avis défavorable : le texte prévoit déjà qu’il ne peut être procédé à la nomination d’une personne âgée de plus de soixante-cinq ans. Cela nous paraît tout à fait suffisant.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Aurélie Filippetti, ministre. Défavorable pour les mêmes raisons.

(L’amendement n86 n’est pas adopté.)

(M. Marc Le Fur remplace M. Denis Baupin au fauteuil de la présidence.)

Présidence de M. Marc Le Fur

vice-président

M. le président. La parole est à M. Rudy Salles, pour soutenir l’amendement n87.

M. Rudy Salles. Il s’agit d’un amendement de repli.

(L’amendement n87, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 1er, amendé, est adopté.)

Article 2

M. le président. Sur l’article 2, je suis saisi d’un amendement n89.

La parole est à M. Rudy Salles, pour le soutenir.

M. Rudy Salles. Cet amendement vise à ramener d’un an à six mois la durée pendant laquelle un membre du CSA continue de percevoir sa rémunération après la cessation de ses fonctions. Cette proposition nous paraît d’autant plus importante que je crois savoir, madame la ministre, que les membres du Gouvernement eux-mêmes, lorsqu’ils quittent leur poste, ne bénéficient d’une rémunération que pendant six mois et non un an, ce qui leur laisse néanmoins le temps de se retourner.

M. Lionel Tardy. Très juste !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marcel Rogemont, rapporteur. Je comprends le souci de notre collègue Rudy Salles de faire faire des économies au Conseil supérieur de l’audiovisuel. Si nous convenons que, sur un budget de l’ordre d’un peu moins de 40 millions d’euros, tout effort de diminution des dépenses est important, il faut tout de même rappeler que, pendant un an, ses membres qui quittent le CSA sont soumis à des astreintes qui leur interdisent de présenter leur candidature pour exercer certains métiers. Dès lors, il n’est pas choquant que, pendant un an, ils perçoivent une rémunération qui compense cette astreinte, sachant que s’ils retrouvaient un travail dans une entreprise dont l’activité ne sera pas concernée par le régime des incompatibilités prévu par le texte, la rémunération naturellement s’interromprait. Je tiens donc à rassurer notre collègue sur ce point. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Aurélie Filippetti, ministre. Défavorable en raison, précisément, de ce régime d’incompatibilités très strict qui va bien au-delà du régime de droit commun puisqu’il impose aux anciens membres du CSA de ne pas travailler dans un certain nombre d’entreprises pendant un an. Il est bien entendu que s’ils retrouvent un emploi, cette rémunération n’est plus perçue.

M. le président. La parole est à M. Rudy Salles.

M. Rudy Salles. Que la rémunération s’arrête si l’ancien membre du CSA trouve un emploi est tout de même la moindre des choses. Qu’ils soient soumis à des astreintes, certes, mais six mois me paraissent suffisants et un an me paraît excessif. S’il s’agit, pour vous, de renforcer l’indépendance des membres du CSA, je ne suis pas sûr que les six mois de différence changent grand-chose.

J’appelle toutefois votre attention sur le fait qu’il s’agit tout de même de rémunérations importantes alors que nous traversons une période de crise. Aujourd’hui même, nous apprenons qu’il y a 14 900 chômeurs de plus ! Franchement, croyez-vous qu’une telle disposition peut être bien perçue et comprise par nos concitoyens ?

Mme Brigitte Bourguignon. Ça n’a rien à voir !

(L’amendement n89 n’est pas adopté.)

(L’article 2 est adopté.)

Article 3

M. le président. Nous en arrivons à l’article 30.

La parole est à M. Christian Kert, pour soutenir l’amendement n37.

M. Christian Kert. Madame la ministre, nous en venons aux pouvoirs de sanction des autorités administratives et mon amendement n37 vise à élargir le champ d’application de la nouvelle procédure contentieuse devant le CSA à la mise en demeure. En fait, le but est de rendre effective la conformité avec les principes de la garantie des droits et de la séparation des pouvoirs, ainsi que rappelée par le Conseil constitutionnel dans sa récente décision sur les pouvoirs de sanctions des autorités administratives. Nous avons observé que ni la mise en demeure prévue à l’article 42 de la loi de 1986 ni les pénalités conventionnelles ne devraient être tenues hors du champ de cette avancée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marcel Rogemont, rapporteur. Je suis réservé sur cet amendement. Je comprends bien sûr votre intention. Cependant, convenons d’une chose : le CSA a dû, ces trois dernières années, émettre seize sanctions – retenez bien ce chiffre – et plus de 340 mises en demeure, à savoir un peu plus d’une centaine par an. Il ne faut pas confondre les deux dispositions dans leurs effets ; il vaut mieux être touché par la plus simple des deux : la mise en demeure qui permet de rappeler à l’ordre les différents acteurs. Il s’agit de garder le dispositif prévu par le texte, pour ce qui concerne uniquement les sanctions ; rappelons par ailleurs que le dispositif des sanctions n’intéresse pas automatiquement les mêmes que la mise en demeure. Voilà pourquoi la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Aurélie Filippetti, ministre. Défavorable. Les mises en demeure ne sont pas une sanction, mais un dispositif qui entre dans le rôle de régulateur du CSA et dont l’effet est également de nature pédagogique : il s’agit d’éduquer avant de sanctionner. Ensuite, en cas de réitération d’un comportement fautif, à la suite d’une mise en demeure, la procédure de sanction va garantir la séparation stricte entre la phase de déclenchement des poursuites et d’instruction et le prononcé de jugement entre le rapporteur et le collège du CSA.

La procédure de sanction qui sera mise en œuvre se fonde sur des faits différents de ceux qui avaient initialement justifié la mise ne demeure. Il n’y a donc pas de préjugement au stade de la mise en demeure. Nous ne nous trouvons donc pas dans le champ de la sanction, mais bien dans celui du travail pédagogique du CSA.

C’est donc ce mécanisme qui permet à la fois de respecter l’impartialité qui était au cœur de ce que nous avons voulu faire avec la création de ce rapporteur qu’exigeait la jurisprudence constitutionnelle et européenne, mais aussi de conserver pour le CSA une capacité d’action quelque peu pédagogique par ces mises en demeure.

Quant aux pénalités conventionnelles, elles résultent de conventions signées entre le CSA et les chaînes. Ces conventions stipulent systématiquement que les pénalités sont mises en œuvre dans le cadre des procédures de sanction. Aussi la précision que vous entendez apporter apparaît-elle inutile.

(L’amendement n37 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n59 de M. Braillard, repris par la commission.

M. Marcel Rogemont, rapporteur. Cet amendement de M. Braillard, que reprend la commission, est tout à fait utile. Il conviendrait qu’à l’article 3, l’alinéa 15 soit rédigé comme suit : « Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article. » Il s’agit donc bien de substituer cette phrase à l’alinéa 15 de l’article 3.

Cette disposition a un effet sur la protection du secret des affaires dans le cadre des procédures de sanction ; d’où l’utilité d’un décret en Conseil d’État pour en préciser les conditions.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Aurélie Filippetti, ministre. Sur le fond, c’est une très bonne idée : cela permettrait de renforcer encore l’étanchéité entre les fonctions de rapporteur et les missions plus générales du CSA, à une réserve près mais l’alinéa tel que proposé cet amendement devrait se substituer à l’alinéa 15 de l’article 3 et non le compléter. Moyennant cette rectification, j’y suis donc favorable sous cette réserve.

M. le président. Êtes-vous d’accord avec cette rectification, monsieur le rapporteur ?

M. Marcel Rogemont, rapporteur. Oui, monsieur le président.

(L’amendement n59, tel qu’il vient d’être rectifié, est adopté.)

(L’article 3, amendé, est adopté.)

Après l’article 3

M. le président. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande, pour soutenir l’amendement n102, portant article additionnel après l’article 3.

M. Patrice Martin-Lalande. Madame la ministre, on constate aujourd’hui une disparité dans la numérotation des chaînes gratuites de la TNT selon les offres de service, ce qui est source de confusion pour les téléspectateurs comme l’a montré un récent sondage d’opinion. Je voudrais insister sur plusieurs points qui me semblent importants.

Tout d’abord, l’identité des chaînes est très fréquemment confondue avec leur numéro logique. Mon amendement tend à sanctuariser les vingt-cinq premiers numéros afin qu’ils soient dédiés à l’offre télévisuelle de base à laquelle ont accès tous les Français.

On peut, par ailleurs, modifier la numérotation avec sa télécommande. Par conséquent, si un téléspectateur veut absolument avoir ses chaînes organisées selon l’ordre thématique, rien ne l’empêche de programmer sa télécommande à sa guise. Mais il le fait en connaissance de cause.

La numérotation logique est certes un avantage, mais c’est un avantage légitime puisque ces chaînes, nous le savons tous et nous en sommes heureux, sont soumises à des obligations particulières de production et de programmation. La télévision connectée nous permettra d’accéder à un univers de plus en plus envahi par des tas de contenus. Si nous n’essayons pas de mettre en valeur les vingt-cinq chaînes qui forment le socle de régulation audiovisuel français, nous allons amoindrir les chances de maintenir ce socle, le rendre moins visible, moins facilement accessible. Ce serait une faute de ne pas voter cet amendement qui vise à avantager ce socle face à la multitude de contenus à laquelle la télévision connectée nous permettra d’accéder. Attention à ne pas affaiblir, diluer, laisser au gré des supports se disperser des chaînes qui font notre fierté, avec une régulation à laquelle nous sommes attachés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marcel Rogemont, rapporteur. Les inquiétudes de notre collègue ne sont pas sans fondement et nous aurons probablement à réfléchir à ces questions lors du prochain projet de loi. Nous devrons prendre en compte cette réalité, peut-être par le biais d’un amendement différemment rédigé. À titre personnel, j’y serais plutôt favorable, mais dans la mesure où nous aurons l’occasion de revoir ce sujet en temps voulu, je vais pour le moment donner un avis défavorable.

M. Patrice Martin-Lalande. Pourquoi attendre ?

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Aurélie Filippetti, ministre. Voilà typiquement le genre de sujet sur la régulation lié à l’arrivée de la télévision connectée et des nouveaux services numériques, qui présente beaucoup d’intérêts et qu’il sera important de traiter, mais dans le cadre de la loi sur la régulation, d’ici à la fin de l’année.

M. le président. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. Je comprends les arguments de Mme la ministre et du rapporteur, mais il y a tout de même urgence. Nous renforçons les pouvoirs du CSA et cette disposition ferait partie de celles qui les modifient. Certes, le CSA perdrait le pouvoir de définir cet ordre, mais nous gagnerions de plein droit un bloc de vingt-cinq chaînes auxquelles nous sommes attachés. Il serait dommage d’attendre six mois ou un an cette amélioration.

(L’amendement n102 n’est pas adopté.)

Article 4

(L’article 4 est adopté.)

Article 5

M. le président. La parole est à M. Avi Assouly, inscrit sur l’article 5.

M. Avi Assouly. La loi de 2009 a fait peser sur les présidents des sociétés nationales de programmes et leurs équipes une défiance due à une présomption de dépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif. Leurs nominations par le Président de la République représentaient un handicap pour l’exercice de leurs missions si essentielles à l’égard de leurs concitoyens et privaient de surcroît le CSA d’une de ses compétences historiques qu’il détenait depuis 1982. La modification du mode de nomination opéré en 2009 n’est donc pas satisfaisante et ne permet pas aux présidents de ces sociétés d’exercer leur mandat dans de bonnes conditions, ce qui réduit l’efficacité de leur action. Nous allons donc rendre à ces sociétés la légitimité qu’elles méritent afin qu’elles puissent remplir leurs missions sereinement et en toute indépendance.

M. le président. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. Madame la ministre, nous n’avons pas encore obtenu votre réponse sur le conflit de compétences, de plus en plus visible au niveau du CSA, entre la compétence « régulation » et la compétence « nomination ». Au moment où nous renforçons les pouvoirs du CSA, ce conflit va forcément s’envenimer. Il me paraît choquant que le CSA régule l’ensemble des sociétés audiovisuelles privées et publiques tandis que son pouvoir de nomination pourrait, dans le même temps, engager sa responsabilité. En nommant les présidents de l’audiovisuel public, le CSA choisit un patron pour mettre en œuvre un projet qu’il devra ensuite juger dans le cadre de son pouvoir de régulation, lequel doit s’exercer en toute équité entre le secteur public et le secteur privé. Le conflit de compétences – je n’ose parler de conflit d’intérêts – est tout à fait possible et la loi doit permettre de l’éviter.

M. Franck Riester. Eh oui, évidemment !

M. Patrice Martin-Lalande. Il faudrait que vous répondiez à cette question, madame la ministre. Plus nous renforçons les pouvoirs du CSA, plus le problème de l’exercice impartial du pouvoir de régulation et de sanction se pose. Il ne faudrait pas que l’on se retrouve face à deux catégories de dirigeants des sociétés audiovisuelles : ceux que l’on nomme, que l’on choisit et dont les choix, les programmes, les actions impliquent, et les autres. Il est impossible de rester neutre en la matière. Ce sont ceux que l’on a choisis qui commettent des fautes ou qui sont l’objet d’une régulation. Le problème est réel et n’est toujours pas résolu.

L’article 5 dispose que les nominations font l’objet d’une décision motivée. Cette précision est intéressante et permettrait sans doute d’y voir plus clair mais pourrions-nous avoir des explications sur les critères qui guideront le CSA ?

J’en viens aux candidatures. Jusqu’à présent, les patrons de l’audiovisuel public étaient tous des personnalités de qualité mais je me demande si, en obligeant les candidats à faire acte de candidature, nous ne risquons pas de dissuader des candidatures de personnes grande qualité, qui pourraient avoir des difficultés à revenir à leur poste initial en cas d’échec.

Enfin, la présentation dans les deux mois par les présidents de société, au président de chaque assemblée parlementaire, d’un rapport d’orientation est une maigre compensation par rapport à la perte du pouvoir de nomination du Parlement.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre.

M. Frédéric Lefebvre. Madame la ministre, permettez-moi de profiter de ce texte sur l’audiovisuel public qui traite du CSA et qui concerne la société nationale de programmes responsable de l’audiovisuel extérieur de la France, récemment renommé France Médias Monde, pour aborder un enjeu majeur pour nos compatriotes établis hors de France : l’accès aux programmes des télévisions françaises à l’étranger.

Ce débat a souvent malheureusement lieu dans le cadre restreint de l’examen des crédits de l’audiovisuel extérieur, qui se tient entre spécialistes, alors qu’il concerne de très nombreux Français – que ce soit nos 2 millions et demi de compatriotes qui vivent à l’étranger, ceux qui y passent leurs vacances, ceux qui y travaillent, ou encore les enseignants qui veulent appuyer leurs cours sur les programmes français.

Cet enjeu pourrait nous rassembler, sur l’ensemble des bancs de cet hémicycle, d’autant plus que beaucoup de députés de la majorité ont eux-mêmes déjà fait savoir combien il était indispensable de régler un certain nombre de ces questions.

Les amendements que je défendrai sont, pour le plupart, le fruit d’échanges avec nos compatriotes établis en Amérique du Nord. Ils sont issus d’une proposition de loi que j’ai tenu à déposer dans les meilleurs délais, comme je m’y étais engagé au cours de ma campagne électorale. Dès que les services de l’Assemblée l’auront mise en ligne, cette proposition de loi sera accessible à tous nos compatriotes.

La nécessaire promotion de la francophonie, la modernisation du réseau de diffusion de notre langue et de notre culture doivent être au cœur des missions de l’audiovisuel public. J’ai d’ailleurs remarqué, madame la ministre, que vous y aviez fait référence tout à l’heure. C’est pour cette raison que je défendrai une série d’amendements tendant à modifier la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication pour contribuer au développement de l’audiovisuel extérieur de la France, ou adapter votre projet de loi aux contraintes spécifiques de l’audiovisuel extérieur.

J’évoquerai notamment la question de la télévision de rattrapage, Catch-up TV, qui, on le sait aujourd’hui, ne permet pas à nos compatriotes, au-delà de nos frontières, d’accéder aux programmes, en particulier ceux du service public. J’espère que notre débat permettra d’enrichir votre texte et d’envoyer ce message fort aux Français de l’étranger.

M. le président. La parole est à M. Hervé Féron.

M. Hervé Féron. Cet article, en modifiant le mode de nomination des présidents des sociétés nationales de programmes, permet à nouveau au CSA et non plus au Président de la République, de choisir les patrons des entreprises publiques – Radio France, France Télévisions et l’audiovisuel extérieur de la France.

En effet, rompant avec un système de nomination vieux de trente ans et dont les différentes instances administratives en charge de la régulation de l’audiovisuel qui se sont succédé depuis la loi du 29 juillet 1982 ont eu la responsabilité, la loi organique du 5 mars 2009 a modifié le mode de nomination des présidents des sociétés nationales de programmes en le confiant au Président de la République.

Cependant, la présomption de dépendance que faisait peser la nomination de ces dirigeants d’entreprise à l’endroit du pouvoir politique a rendu inévitable l’engagement de notre Gouvernement de modifier l’actuel système afin de renforcer l’indépendance de l’audiovisuel public.

Ce nouveau mode de nomination, plus serein et détaché du pouvoir politique en place, offrira aux dirigeants de l’audiovisuel public plus de stabilité afin de mener leur action sur le long terme. Il permettra d’éviter des dérives comme la volonté de contrôler les médias, l’intervention excessive dans le choix des contenus, des animateurs ou des cadres de sociétés de programmes, la défense d’intérêts privés.

C’est dans cet esprit que nous pourrons appréhender les nouveaux défis liés à l’arrivée du numérique, tenir compte de la spécificité de l’audiovisuel, notamment dans sa dimension culturelle, respecter le rôle du service public et l’indépendance des autorités de régulation. Les précédents gouvernements avaient programmé le déclin de l’audiovisuel en France ; nous préparons son avenir.

M. le président. La parole est à M. Michel Ménard.

M. Michel Ménard. Cet article rend au CSA le pouvoir de nommer les présidents des sociétés d’audiovisuel publiques ainsi que s’y était engagé François Hollande pendant sa campagne présidentielle. Le CSA retrouve ainsi une compétence qui n’aurait jamais dû lui être enlevée. Cette mesure, qui mettra fin aux nominations présidentielles, n’est pas que symbolique. Pour en saisir toute la portée, il faut la placer en perspective avec l’article 1er de ce même projet de loi. C’est en effet parce que nous garantissons l’indépendance et l’impartialité du CSA, grâce à un mode de désignation exemplaire de ses membres, que nous pouvons également renforcer ses prérogatives.

La loi de 2009 jetait systématiquement le doute sur la moindre action des dirigeants de l’audiovisuel public nommés par le Président. Or pour relever les nombreux défis qu’il traverse actuellement, c’est bien de confiance dont l’audiovisuel a besoin : confiance pour que France Télévisions trouve enfin son rythme de croisière et la maîtrise des dépenses qui l’accompagnera ; confiance pour que France Médias Monde soit mieux identifié à l’étranger et prenne toute sa place dans le paysage médiatique mondial ; confiance enfin pour que Radio France continue à proposer à nos concitoyens des programmes d’information et de divertissement de qualité.

Pour terminer, je rappelle que cet article participe pleinement à la refondation du CSA rendue possible par ce projet de loi, plus démocratique, plus transparent, plus indépendant. La majorité donne dès aujourd’hui au CSA les moyens d’assumer sereinement les nouvelles missions qui lui seront confiées par d’autres textes en 2014. C’est une première étape essentielle dans la réforme ambitieuse du secteur de l’audiovisuel que nous comptons mener.

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Avec l’article 5, nous sommes dans le pur affichage politique. C’est pourtant le cœur de ce texte.

Vous souhaitez revenir à une situation ancienne, celle où les responsables de l’audiovisuel public étaient nommés par le régulateur. Je conçois que le sujet soit sensible et que l’on puisse avoir des préventions sur le fait que les responsables de l’audiovisuel soient nommés par des responsables politiques. C’est pourtant la situation de droit commun.

Nulle part ailleurs, dans aucun secteur, les responsables d’entreprises publiques ne sont nommés par le régulateur. Vous viendrait-il à l’esprit, mes chers collègues, que le président de La Poste soit nommé par l’ARCEP ? Que le patron d’EDF soit nommé par la CRE ? Pourquoi donc faire nommer les responsables de France Télévisions par le CSA ?

M. Hervé Féron. C’est une redite !

M. Lionel Tardy. Le vrai sujet, mes chers collègues, est d’éviter l’immixtion des politiques dans la gestion de l’audiovisuel public. Nous sommes tous d’accord sur ce point. Je ne vois pas en quoi la nomination par le CSA y change quelque chose. Cela vous empêchera-t-il, madame la ministre, d’intervenir auprès du président de France Télévisions pour le maintien d’une émission de variétés ? Je ne le pense pas.

M. Stéphane Travert. C’est du passé !

M. Lionel Tardy. Cette réforme, pour moi, n’est que de la poudre aux yeux pour faire croire que vous rendez à l’audiovisuel public une indépendance qu’il aurait perdue. Rien n’est plus faux. Il y aura toujours des pressions politiques sur les présidents de chaînes publiques. La vraie question est là, et ce texte n’y répond absolument pas.

M. le président. La parole est à M. Franck Riester, pour soutenir l’amendement n74.

M. Franck Riester. Cet amendement vise à supprimer l’article 5. Ce texte, on l’a dit, ne modifie en rien le lien entre le pouvoir politique et la nomination des présidents de l’audiovisuel public. Pis encore, il le maintient d’une manière hypocrite. Il y aura en réalité moins de transparence. Qui plus est, ce dispositif dessaisit le Parlement de sa prérogative de contrôle des nominations.

Nous avions, chers collègues, le pouvoir de mettre un veto aux nominations décidées par le Président de la République. Ce pouvoir, nous ne l’aurons plus. Nous serons devant le fait accompli d’une décision qui dépendra d’une autorité administrative indépendante. Le lien entre le pouvoir politique – qui continuera de nommer les membres du CSA – et la nomination des présidents sera maintenu.

Nous l’avons dit en commission et tout à l’heure dans la discussion générale : si vous voulez l’indépendance de l’audiovisuel public, alors, chiche, faisons comme en Grande-Bretagne et en Allemagne ! Créons un Haut conseil de l’audiovisuel public qui permettra une véritable indépendance de l’audiovisuel public concernant la façon dont seront nommés les présidents de ces entreprises, puisque ce Haut conseil sera une émanation de la société française dans son ensemble et dans sa diversité, une émanation des territoires, comme c’est le cas en Grande-Bretagne et en Allemagne.

Ajoutons, comme l’ont fait Patrice Martin-Lalande et Lionel Tardy tout à l’heure, que cela permettrait de clarifier qui fait quoi dans l’audiovisuel, de recentrer le CSA sur sa mission de régulation et de casser un conflit d’intérêts patent. Vous ne pouvez pas continuer, madame la ministre, dans un débat sur l’audiovisuel public, à refuser d’intervenir sur ce point. Nous vous demandons de répondre à notre question, qui est claire : oui ou non, estimez-vous qu’il y a conflit d’intérêts entre le pouvoir de régulation et le pouvoir de nomination ?

Comme l’a très bien expliqué Patrice Martin-Lalande, dès lors que vous augmentez les pouvoirs du CSA, que vous élargissez les domaines de régulation du CSA, que vous renforcez les pouvoirs de sanction, vous ne pouvez pas, en même temps, donner un pouvoir de nomination qui ferait revenir notre paysage audiovisuel à une époque révolue. Avec la loi de 2009, nous avions effectivement cassé ce conflit d’intérêts en donnant le pouvoir de nomination au Président de la République.

C’est la raison pour laquelle nous voulons supprimer ce funeste article 5 – pour reprendre un adjectif que chérit le président de la commission des affaires culturelles – et nous appelons nos collègues à voter notre amendement n°74. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marcel Rogemont, rapporteur. Monsieur le président, vous me permettrez de répondre en même temps sur l’amendement n74 et sur l’amendement n° 75 rectifié. Car c’est la danse de saint Guy : d’un côté, on défend la loi de 2009 et de l’autre, on ne la défend pas !

Je reviens d’abord sur la notion de conflit d’intérêts. C’est votre nouvelle marotte, chers collègues de l’opposition, un argument que vous sortez de votre chapeau…

M. Franck Riester. Non !

M. Marcel Rogemont, rapporteur. …comme s’il y avait un problème nouveau.

Le Conseil constitutionnel s’est déjà prononcé sur la question des nominations par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, sachant que le CSA nomme et assure la régulation. Si, d’aventure, il y avait un problème de conflit d’intérêts, il aurait déjà été soulevé par le juge constitutionnel.

M. Patrice Martin-Lalande. Ce n’est pas ce qu’il a jugé !

M. Marcel Rogemont, rapporteur. Non. Le Conseil a rappelé que, en procédant à cette nomination, le CSA participait à la garantie de l’audiovisuel public, consacrée par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Bref, sur cette question du conflit d’intérêts que vous semblez découvrir aujourd’hui, je vous encourage à lire les conclusions du Conseil constitutionnel plutôt qu’Albert Camus ou Victor Hugo !

Vous m’avez demandé pourquoi l’ARCEP ne nommerait pas le président de La Poste. Ce n’est pas du tout la même chose ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Il s’agit en l’occurrence de l’indépendance des médias, il s’agit de donner des garanties à chaque citoyen et de concourir à la liberté de communication. C’est totalement différent. Dès lors, je ne vois pas comment vous pouvez vous permettre une telle comparaison.

J’en viens maintenant à vos deux amendements, monsieur Riester. Le premier indique simplement que la loi de 2009 est bonne et qu’il n’est pas nécessaire de revenir sur un mode de désignation à vos yeux transparent… Transparent pour le Président de la République, certes, qui, à lui seul, assurait la transparence !

M. Lionel Tardy. C’est faux !

M. Marcel Rogemont, rapporteur. Vous n’allez tout de même pas me dire qu’il était possible de trouver au sein de l’Assemblée nationale, voire du Sénat, une majorité des trois cinquièmes qui s’oppose à la nomination souhaitée par le Président de la République ! C’est très peu probable !

M. Patrice Martin-Lalande. Une majorité des trois cinquièmes qui s’oppose au président de l’Assemblée nationale, c’est pareil !

M. Marcel Rogemont, rapporteur. L’actuel président de Radio France s’est exprimé devant notre commission. Il a dit être allé à l’Elysée sans vraiment savoir pourquoi. Le Président de la République l’a reçu et lui a annoncé qu’il serait nommé président de Radio France, mais ne lui a donné aucune consigne. Quand on est actionnaire, la moindre des choses, c’est de donner une lettre de mission pour que le président sache ce que les actionnaires pensent d’une orientation ! Là, voilà quelqu’un qui n’avait pas de projet, et qui est allée voir une personne qui l’a nommé sans lui confier de projet ! En matière de transparence, si l’on réduit à ce point la capacité que nous avons, les uns et les autres, à regarder les actes publics, il y a vraiment un problème.

Le Parlement, et donc l’Assemblée nationale, exerceront une fonction de contrôle de l’audiovisuel public. C’est une bonne chose. Il ne s’agira pas d’une participation de pure forme à une décision.

J’en viens à mon amendement n75 rectifié, qui vise, lui, à créer un Haut conseil de l’audiovisuel public… C’est donc que vous vous êtes certainement rendu compte qu’il y avait un problème. Vous ne pouvez pas défendre la loi de 2009 qui laisse le pouvoir de nomination au Président de la République, tout simplement parce que ce n’est plus le même Président et que vous ne voudriez pas que l’actuel Président de la République, un socialiste, ait à nommer les présidents de l’audiovisuel public !

M. Franck Riester. Qu’est-ce que vous allez chercher…

M. Marcel Rogemont, rapporteur. Eh bien, vous êtes satisfait par le texte même. Effectivement, le nouveau Président de la République n’aura pas l’occasion de nommer les présidents de l’audiovisuel public. Voilà ma réponse à votre question posée par l’amendement n75 rectifié.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Aurélie Filippetti, ministre. Ces amendements, comme les interventions sur l’article, concernent le conflit d’intérêts du CSA.

Le CSA a exercé ses missions pendant vingt-sept ans. Il a d’abord eu pour mission de nommer les présidents de l’audiovisuel. Il a ensuite exercé des missions de régulation.

Vous semblez ne pas faire de distinction entre le champ de l’audiovisuel public et le champ des entreprises publiques ou privées, et donc, du monde marchand – l’électricité, La Poste etc. Il y a sur ce point une divergence extrêmement profonde entre nous, que j’assume. Le rôle du CSA est d’assurer la liberté de communication qui est une valeur fondamentale de toute société démocratique. Il assure des missions essentielles, des missions de service public, bien sûr, mais aussi du pluralisme, du soutien à la création. Sans indépendance, de la presse comme de l’audiovisuel, il n’y a pas de société démocratique.

Le rôle des instances de régulation que vous avez évoquées – l’ARCEP, la CRE – est d’assurer l’ouverture à la concurrence et son bon fonctionnement, alors que le rôle du CSA est de garantir la liberté de communication.

En outre, je ne vois pas en quoi il y aurait conflit d’intérêts lorsque, par exemple, le CSA se prononce sur le respect de la dignité de la personne humaine sur les chaînes de télévision, ou sur la place de la création sur les chaînes de télévision. Je ne vois pas en quoi il y aurait un conflit d’intérêts avec le pouvoir de nommer les présidents de l’audiovisuel public. Il est indispensable d’avoir une autorité indépendante et à l’indépendance incontestée – c’est le but de ce projet de loi – qui puisse assurer cette fonction de nomination, importante, mais qui ne représente qu’une part de son activité, le reste de son temps étant occupé à des fonctions éminentes de régulation dans le but bien précis de préserver la démocratie.

Ensuite, vous nous présentez des amendements qui sont en contradiction avec ce que vous avez dit sur l’article 5. Ils sont d’ailleurs en contradiction avec eux-mêmes : tantôt vous voulez revenir à la procédure de nomination par le Président de la République, tantôt vous nous proposez une sorte de grand comité fourre-tout de cinquante membres qui représenteraient toute la société française. Pourquoi alors ne pas envisager plutôt l’Assemblée nationale ? C’est non seulement incompatible, mais totalement incohérent !

Le système de 2009 concentrait tous les pouvoirs dans les mains du Président de la République.

M. Patrice Martin-Lalande. C’est faux !

Mme Aurélie Filippetti, ministre. Aujourd’hui, vous voulez créer un comité de cinquante membres, au prétexte qu’il représentera toute la société française et que ce sera une garantie d’indépendance.

La loi doit fixer des principes simples et stables pour assurer l’indépendance de l’audiovisuel. Il y a une autorité qui garantit cette indépendance : c’est le CSA. C’est au CSA d’assumer cette mission, mais un CSA – cela montre que j’ai davantage confiance que vous dans les institutions – sur lequel il y aura un pouvoir de nomination beaucoup plus fort confié au Parlement, aux assemblées, aux commissions, avec une très large majorité des trois cinquièmes. Et c’est ce CSA renforcé, relégitimé qui assumera ces fonctions. Il n’y a donc absolument aucun conflit d’intérêts, bien au contraire : le CSA sera une autorité dont l’indépendance sera inégalée par rapport à toutes les autres autorités indépendantes en France.

M. le président. La parole est à M. Franck Riester.

M. Franck Riester. Je voudrais quand même répondre à M. le rapporteur. Il n’y a absolument pas d’incohérence ! Dans la loi de 2009, nous avions assumé clairement le lien politique entre la nomination et le pouvoir politique. Nous l’assumions, d’une façon claire, parce que c’était la façon de travailler du Président de la République. Là, vous maintenez clairement ce lien politique, mais d’une façon hypocrite, vous revenez à davantage d’hypocrisie. (Exclamations sur quelques bancs du groupe SRC.) En outre, vous dessaisissez le Parlement. Vous maintenez une relation entre pouvoir politique et nomination mais d’une façon hypocrite et en écartant le Parlement des nominations. Voilà ce que nous contestons. Prenons de la hauteur ensemble, regardons ce qui se passe ailleurs, en Grande-Bretagne, en Allemagne 

M. Stéphane Travert. Il radote !

M. Franck Riester. Ce qui s’y passe, madame la ministre, n’est pas du tout incohérent et ne ressemble en rien à une espèce de comité fourre-tout. Prenons l’exemple de ce comité de 77 membres en Allemagne : il s’agit véritablement de la création d’une autorité sur l’audiovisuel public distincte de l’autorité de régulation, qui représente la société allemande et représenterait en l’occurrence la société française, les territoires, les professions, bref la diversité de notre société française et qui permettrait en outre de recentrer l’autorité de régulation sur ses missions de régulation. Oui à la liberté de communication, mais pour tous les acteurs de l’audiovisuel, privés ou publics ! Oui au pluralisme, mais pour le privé et le public ! Oui à la liberté d’expression, mais pour le privé et le public ! Oui à l’attribution des fréquences d’une manière indépendante et autonome par l’autorité de régulation, mais pour tous les acteurs quelles que soient leurs spécificités, privés ou publics, mais sans regard particulier sur le public ! La concurrence existe, madame la ministre, entre le privé et le public, par exemple en matière de publicité dans la journée ou d’attribution des fréquences, au point de donner lieu à des contentieux entre chaînes publiques et chaînes privées.

M. Lionel Tardy. Eh oui !

M. Franck Riester. L’autorité disposant du rôle d’arbitrage portera nécessairement sur le pouvoir de nomination un regard déformé !

M. Patrice Martin-Lalande. Elle sera juge et partie !

M. Franck Riester. Elle sera juge et partie, nommant les patrons de l’audiovisuel public tout en étant amenée à arbitrer entre les différents opérateurs, y compris ceux dont elle aura la responsabilité de nommer les dirigeants.

(L’amendement n74 n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n75 rectifié a déjà été défendu.

(L’amendement n75 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Rudy Salles, pour soutenir l’amendement n92.

M. Rudy Salles. La loi de finances pour 2013 a enregistré un repli de 1,6 % du total des dotations à l’audiovisuel public. Il apparaît vital pour le secteur de l’audiovisuel public d’élaborer un projet cohérent. Or, la France dispose de plusieurs chaînes publiques à vocation internationale : France 24, RFI, Euronews, Arte et TV5 Monde en lien avec l’OIF. En France, Médias Monde s’engage dans un nouveau projet de développement qui appelle une contribution supplémentaire de l’État de 8 millions d’euros, sur une dotation globale qui atteint 238,7 millions d’euros en 2013. Malgré ces investissements très lourds, la France n’est pas en situation de concurrencer les grandes chaînes d’information internationales comme Deutsche Welle, BBC Worldwide, CNN International ou Al-Jazeera. Nous essayons, par cet amendement, de contribuer au renforcement de l’audiovisuel public à l’étranger.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marcel Rogemont, rapporteur. Je rappelle tout d’abord que redéfinir le champ de l’audiovisuel extérieur n’est pas tout à fait l’objet du projet de loi.

M. Lionel Tardy. C’est bien dommage !

M. Marcel Rogemont, rapporteur. La société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France, qui porte désormais le nom de France Médias Monde, a beaucoup souffert sous la présidence de M. Alain de Pouzilhac, comme l’ont montré plusieurs rapports successifs, dont celui de Martine Martinel qui ne me contredira pas à ce propos. France Médias Monde bénéficie aujourd’hui du travail extrêmement satisfaisant des équipes menées par Marie-Christine Saragosse, dans un cadre bien défini. Votre amendement, cher collègue, n’améliorerait pas la situation, bien au contraire ; il créerait même un vide juridique pour la nomination du président d’une entreprise qui se remet sur les rails et se porte beaucoup mieux qu’il y a un an. Notons qu’elle a désormais un projet stratégique et je suis intimement persuadé, madame la ministre, qu’un contrat d’objectifs et de moyens sera présenté prochainement – on l’attend depuis très longtemps ! Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Aurélie Filippetti, ministre. Défavorable. France Médias Monde, qui assume la politique audiovisuelle extérieure de la France, est une société qui, depuis un an et à la suite du travail et du rapport demandé par le Gouvernement à Jean-Paul Cluzel, a retrouvé une cohérence et travaille désormais autour de Marie-Christine Saragosse avec un vrai projet englobant France 24, RFI et Monte-Carlo Doualiya. Nous devons encourager, stabiliser et sécuriser les équipes d’une entreprise qui est sur la bonne voie. En outre, votre amendement, monsieur le député, supprimerait le pouvoir de nommer le président de la société et créerait un vide juridique, ce qui ne serait source que d’instabilité.

(L’amendement n92 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 91 et 1, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Rudy Salles, pour soutenir l’amendement n91.

M. Rudy Salles. C’est un amendement de cohérence. Le texte modifie le nom de l’entité, il conviendrait donc d’inscrire « France Médias Monde » dans le texte.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour soutenir l’amendement n1.

M. Frédéric Lefebvre. J’y ai fait allusion tout à l’heure, pour les raisons qui viennent d’être exposées. Vous-même d’ailleurs, madame la ministre, employez à juste titre le nom « France Médias Monde ». C’est donc en réalité un amendement purement rédactionnel. D’autres tout à l’heure viseront à donner une place importante à l’audiovisuel extérieur de la France, mais celui-ci ne devrait pas souffrir de discussion entre nous tous car il me paraît assez évident et cohérent.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marcel Rogemont, rapporteur. Ces deux amendements ont été repoussés par la commission. En effet, il ne s’agit pas de nommer dans le texte de loi telle ou telle société, il s’agit simplement d’évoquer la société qui est en charge de l’audiovisuel public, France Médias Monde en l’espèce, qui pourra éventuellement changer de nom sans que pour autant ses attributions soient modifiées. Par ailleurs, je vois que vous êtes très attentif, monsieur Frédéric Lefebvre, à évoquer fréquemment France Médias Monde dans vos amendements. Je suis intimement persuadé que vos nouvelles fonctions de député des Français de l’étranger vous conduisent naturellement à être très attentif à France Médias Monde. Cela me fait d’ailleurs penser à ce proverbe chinois : lorsqu’on n’a qu’un marteau pour outil, tout vous semble clou… (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Lionel Tardy. Quelle culture !

M. Marcel Rogemont, rapporteur. Tout d’un coup, vous découvrez le monde et France Médias Monde et cela nous vaut toute une série d’amendements sur France Médias Monde, belle découverte ! Nous vous accompagnons dans cette découverte mais pas dans cet hémicycle ni bien sûr dans le fonctionnement même de France Médias Monde. Nous aurons probablement l’occasion de recevoir ses dirigeants dans le cadre de notre commission. Il vous sera alors tout à fait loisible, cher collègue, de poser un certain nombre de questions, soulevées pas certains amendements qui vont être discutés ultérieurement, en particulier la couverture de France Médias Monde dans le monde.

Vous avez parlé de la télévision de rattrapage et d’autres aspects, mais ce sont là des questions d’argent et de stratégie. Mme Saragosse a mis en place un plan stratégique que nous aurons à connaître prochainement au sein de la commission. C’est à ce moment-là, monsieur Lefebvre et madame Schmid, qu’il conviendra de nourrir le débat de la commission et du Parlement, au moment où nous recevrons Mme Saragosse pour le contrat d’objectifs et de moyens ou pour son plan stratégique. Nous disposerons alors de toutes les données pour délibérer dans un environnement propice à de bonnes décisions.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Aurélie Filippetti, ministre. Je vois que M. le rapporteur est très ouvert à l’international, au point d’invoquer des proverbes sino-bretons (Sourires), et je l’en remercie ! Nous sommes restés, dans le texte du projet de loi, extrêmement prudents et généraux : il se borne à faire état de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France. Ces amendements ne sont donc absolument pas nécessaires, d’autant moins que le changement de dénomination n’est pas encore totalement terminé. Des décrets restent à prendre pour actualiser les statuts et il est donc plus prudent de conserver la formulation du projet de loi.

M. le président. La parole est à Mme Claudine Schmid.

Mme Claudine Schmid. Je m’étonne, monsieur le rapporteur, des propos que vous avez tenus à l’endroit de notre collègue, qui a été élu il y a six semaines et n’est pas membre de notre commission. Je vous ai trouvé sévère, pour rester aimable, mais n’insiste pas là-dessus et garde mon temps de parole pour défendre l’amendement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Luc Belot. Le rapporteur a été sévère mais juste !

M. Patrice Martin-Lalande. Sévère et injuste !

Mme Claudine Schmid. Vous partez du principe, monsieur le rapporteur, qu’aucune société ne doit être nommément citée. Je lis pourtant dans ce même alinéa de l’article 5 « les présidents de la société France Télévisions, de la société Radio France ». Certaines sociétés sont donc nommées, ce qui contredit l’argument que vous avez avancé.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre.

M. Frédéric Lefebvre. J’entends, madame la ministre, l’argument selon lequel le nom peut encore évoluer. En fin de compte, vous nous déconseillez de le fixer dans le texte aujourd’hui car il n’est toujours pas stabilisé.

M. Marcel Rogemont, rapporteur. Il n’est pas officiel !

M. Frédéric Lefebvre. J’avais compris pour ma part que les discussions ont eu lieu et en particulier que le conseil d’administration s’est réuni et a adopté la dénomination « France Médias Monde » de façon définitive. Nous sommes dans le temps du débat et j’espère que vous vous accueillerez plus favorablement des amendements qui ont un peu plus d’impact que celui-ci, purement rédactionnel. Cela montre en tout cas que lorsque le législateur se préoccupe des textes, il ne traite pas de la même façon les sociétés publiques qui diffusent sur le territoire national et la société qui a pour mission de représenter les intérêts de notre pays, la culture française et la francophonie à l’intention des Français de l’étranger, que je suis très fier de défendre…

M. Stéphane Travert. La francophonie de la droite !

M. Frédéric Lefebvre. … mais aussi à l’intention des étrangers. Vous-même l’avez dit à plusieurs reprises depuis votre prise de fonctions, madame la ministre : la culture française doit rayonner dans le monde.

M. Hervé Féron. Zadig et Voltaire !

M. Frédéric Lefebvre. C’est donc un sujet majeur, mais nous y reviendrons tout à l’heure. En tout cas, j’ai bien compris, madame la ministre, que le nom de la société pouvait encore évoluer, c’est bien ce que vous avez dit tout à l’heure.

Mme Aurélie Filippetti, ministre. Non, j’ai dit qu’un décret est en cours de préparation.

M. le président. La parole est à M. Rudy Salles.

M. Rudy Salles. Je ne veux pas en rajouter sur un amendement rédactionnel, mais enfin, le nom de la société a été donné, il est définitif !

M. Marcel Rogemont, rapporteur. Il n’est pas encore officiel !

M. Rudy Salles. Aucun décret n’y changera quoi que ce soit, la société ne changera pas de nom puisqu’elle a été nommée « France Médias Monde ». Franchement, je ne comprends pas bien ce débat et regrette que l’on refuse un amendement rédactionnel de cette nature.

(Les amendements nos 91 et 1, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

suite de la discussion des projets de loi ordinaire et organique relatifs à l’indépendance de l’audiovisuel public.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Nicolas Véron