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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session extraordinaire de 2013-2014

Compte rendu
intégral

Troisième séance du jeudi 17 juillet 2014

SOMMAIRE

Présidence de M. Christophe Sirugue

1. Hommage aux victimes du vol MH17 reliant Amsterdam à Kuala Lumpur

2. Délimitation des régions et modification du calendrier électoral

Rappels au règlement

M. Christian Jacob

M. Bruno Le Roux

M. François de Rugy

M. Philippe Vigier

M. le président

Discussion générale (suite)

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Discussion des articles

Article 1er

Amendements nos 25 , 128 , 214 , 307 , 419 , 437

M. Carlos Da Silva, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Amendements nos 38 , 405 , 157 , 418 , 487

Rappel au règlement

M. Christian Jacob

Article 1er (suite)

Amendements nos 506 (sous-amendement) , 507 (sous-amendement) , 490

Rappels au règlement

M. François de Rugy

Suspension et reprise de la séance

M. le président

M. Maurice Leroy

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois

M. Roger-Gérard Schwartzenberg

M. Laurent Wauquiez

M. le président

M. Christian Jacob

M. Philippe Vigier

M. Roger-Gérard Schwartzenberg

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois

M. Jean-Christophe Fromantin

Mme Isabelle Le Callennec

M. Éric Woerth

M. Roger-Gérard Schwartzenberg

Suspension et reprise de la séance

M. Maurice Leroy

M. Bruno Le Roux

M. Marc Le Fur

M. Marc Le Fur

M. Bernard Cazeneuve, ministre

M. Frédéric Reiss

M. Christian Jacob

M. Bernard Cazeneuve, ministre

M. Laurent Wauquiez

M. Bernard Cazeneuve, ministre

M. François de Rugy

M. Philippe Vigier

M. Éric Woerth

M. Christian Jacob

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois

M. Bernard Cazeneuve, ministre

M. Christian Jacob

Suspension et reprise de la séance

Article 1er (suite)

Amendements nos 510 (sous-amendement) , 509 (sous-amendement)

Rappel au règlement

Mme Catherine Vautrin

Article 1er (suite)

Amendements nos 442 , 253 , 70, 72 et 71 , 258 , 493 rectifié et 1 rectifié , 117 rectifié , 241 , 189 , 65 , 373 , 2 , 23 , 438 rectifié , 260 , 191 rectifié , 500 , 340 , 404 , 55 , 293 et 292 , 240 , 387 , 119 , 64 , 161 , 169 , 159 , 63 , 192 , 235 , 296 , 371 , 474 , 499 , 370 et 367 , 127 et 126 , 209 , 17 , 503 et 504 , 99 , 342 rectifié , 428 , 480 , 462 , 101 , 158 , 193 , 311 , 478 , 320 , 341 , 434 , 446 , 475 , 477 , 263 , 505 , 97 , 427 , 378 , 312 , 104 , 187 , 300 , 234 , 466 , 470 , 481

M. le président

Amendements nos 455 , 68 et 69

3. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Christophe Sirugue

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures quarante-cinq.)

1

Hommage aux victimes du vol MH17 reliant Amsterdam à Kuala Lumpur

M. le président. Je tiens à exprimer l’émotion de l’Assemblée nationale au moment où nous venons d’apprendre que 295 personnes se trouvaient à bord de l’avion de la Malaysia Airlines qui s’est écrasé aujourd’hui dans l’est de l’Ukraine.

2

Délimitation des régions et modification du calendrier électoral

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral (nos 2100, 2120, 2106).

Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de sept heures et six minutes pour le groupe SRC, sept heures et cinquante-deux minutes pour le groupe UMP, deux heures et une minute pour le groupe UDI, une heure et trente-six minutes pour le groupe écologiste, une heure et trois minutes pour le groupe RRDP, une heure et vingt et une minutes pour le groupe GDR et trente et une minutes pour les députés non inscrits.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. le président Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

M. Christian Jacob. Monsieur le président, nous avons eu une discussion générale longue qui a été, je crois, intéressante pour tout le monde. Je propose, si l’ensemble de nos collègues en est d’accord, que les orateurs renoncent à leurs interventions sur les articles afin que nous puissions passer à la discussion des amendements, ce qui nous permettrait d’avoir un échange direct avec le Gouvernement et le rapporteur. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. le président Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. Monsieur le président, cette longue discussion générale a été de qualité. Chacun a essayé d’écouter. Nous pouvons maintenant entrer dans la partie plus interactive de ce débat. Comme l’a dit Christian Jacob, il ne semble pas utile de relancer une discussion générale sur chaque article, à la condition, bien entendu, que chaque député qui souhaite s’exprimer sur telle ou telle question spécifique puisse le faire – et le temps programmé le permet. Cela posé, le groupe socialiste, radical et citoyen s’associe à la proposition de M. Jacob.

M. le président. La parole est à M. le président François de Rugy.

M. François de Rugy. Alors que tout le monde a conscience que notre discussion a déjà pris beaucoup de retard, je voudrais faire deux remarques sur le déroulement de la séance.

Premièrement, le choix a été fait d’inscrire la discussion de ce projet de loi dans une semaine où deux autres textes importants – le projet de loi de finances rectificative et la réforme pénale – étaient à l’ordre du jour. C’est cela qui nous a fait perdre beaucoup de temps mardi et mercredi.

Deuxièmement, les deux principaux groupes de la majorité et de l’opposition ont fait le choix d’inscrire un très grand nombre de leurs membres dans la discussion générale. Nous avons déjà connu une situation analogue à l’occasion d’autres textes. Je ne suis donc pas étonné qu’il soit maintenant demandé de réduire le temps dévolu aux orateurs inscrits sur les articles. Toutefois nos collègues qui ont fait le choix de ne pas s’inscrire dans la discussion générale pour ne pas l’allonger, mais qui désirent s’exprimer sur un point particulier lors de la discussion de tel amendement ou tel sous-amendement doivent pouvoir le faire – et j’ai cru comprendre que M. Le Roux s’exprimait en ce sens –, sinon il y aurait maldonne.

Notre groupe n’avait qu’une seule inscrite sur l’article 1er et nous voulons bien faire un effort. Toutefois, nous souhaiterions avoir des précisions sur l’organisation de nos débats avant de nous engager dans la voie suggérée par M. Jacob.

M. le président. La parole est à M. le président Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. La discussion générale a été extrêmement importante. D’une certaine manière, elle est venue compenser l’absence d’un débat exhaustif en commission et l’arrivée d’une carte dont nous avons pu voir que les contours s’étaient modifiés au fil du temps. Tous ceux qui ont souhaité s’exprimer dans le cadre de la discussion générale ont pu le faire. À cet égard, je rappelle qu’au nom du groupe UDI, en conférence des présidents, j’avais insisté pour que l’on puisse avoir ce mode de débat qui permettait aux membres de chaque groupe de s’exprimer.

Pour la bonne organisation des débats, nous sommes tout à fait d’accord avec la proposition de Christian Jacob.

M. le président. Pour répondre à la demande de M. de Rugy, je voudrais vous donner les précisions suivantes.

Le nombre, la nature et la complexité des amendements déposés à l’article 1er rendent difficile l’organisation d’une discussion cohérente. En outre, de nombreux amendements pourraient tomber mécaniquement et, en conséquence, ne pas être défendus.

C’est pourquoi, afin de permettre à chacun de présenter ses propositions, je vous propose de profiter de la souplesse offerte par le temps législatif programmé pour soumettre à une discussion commune l’ensemble des amendements proposant une nouvelle carte territoriale, voire parfois une modification de la liste des départements qui composent les régions.

J’inviterai chacun des auteurs à présenter en une seule fois, dans les limites du temps restant à leur groupe, l’ensemble des amendements sur ces thèmes.

Nous entendrons ensuite les avis de la commission et du Gouvernement sur ces amendements. Les députés pourront bien évidemment répondre et réagir aux différentes propositions.

Les amendements seront ensuite mis aux voix à l’issue de la discussion commune, dans l’ordre prévu par le règlement. Cette perspective vous convient-elle ? (Signes d’approbation sur de nombreux bancs.)

Discussion générale (suite)

M. le président. Cet après-midi, l’Assemblée a fini d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Comme les présidents des différents groupes l’ont indiqué, nous avons eu une discussion générale très riche. J’ai eu l’occasion d’indiquer avant qu’elle ne commence quelle était la position du Gouvernement. Chacun sera rassuré de savoir que, depuis hier, elle n’a pas changé. (Sourires.) Si je devais intervenir pour apporter des réponses aux différents orateurs, je dirais donc exactement la même chose que dans mon intervention d’hier.

Je sais qu’il est d’usage que le ministre prenne le temps de répondre à chaque orateur. Compte tenu du nombre d’orateurs qui se sont exprimés dans la discussion générale, si je le faisais, je rendrais inopérant le souhait des présidents de groupe d’entamer immédiatement la discussion des amendements à l’article 1er.

Par conséquent, je propose de m’appliquer à moi-même la discipline que vous proposez de vous appliquer collectivement : vous pouvez considérer qu’il y a dans mon intervention d’hier la réponse à toutes les interventions de la discussion générale. (Applaudissements et rires sur tous les bancs.)

Cela nous permettra d’entamer la discussion des articles dès maintenant.

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.

Article 1er

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements de suppression de l’article 1er, nos 25, 128, 214, 307, 419, 437.

La parole est à M. Hervé Gaymard, pour soutenir l’amendement n25.

M. Hervé Gaymard. Monsieur le président, cet amendement est en cohérence avec la motion de rejet préalable que nous avons défendue hier. Nous voudrions rappeler que la question du redécoupage régional n’est assurément pas une priorité quand l’on considère la nécessité, sur laquelle chacun s’accorde ici, de réformer notre organisation territoriale. Nous voyons bien que les arguments que le Gouvernement a employés – économies budgétaires, meilleure cohérence – ne résistent pas à l’examen.

Par ailleurs, il faut bien constater que le découpage initial n’a satisfait personne. La deuxième version de la carte, délivrée à travers l’amendement « tweeté » par notre rapporteur, n’a pas satisfait grand monde non plus. La troisième version, proposée lorsque la réunion du groupe SRC a fait office de commission des lois, n’a satisfait personne non plus, si j’en crois les réactions tonitruantes de Mme Aubry, membre éminent de la majorité.

J’ajoute – et mes collègues auront l’occasion aussi de le dire – qu’il y a des questions non résolues. Nous l’avons vu pour la Champagne-Ardenne, nous l’avons vu, ô combien, pour l’Alsace…

M. Patrick Hetzel. Eh oui !

M. Hervé Gaymard. …et pour beaucoup d’autres régions.

C’est la raison pour laquelle il nous semble cohérent de supprimer cet article 1er afin de nous mettre au travail pour une véritable réorganisation territoriale de notre pays.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement n128.

M. Guillaume Larrivé. J’ai déjà exposé les raisons qui motivent cet amendement de suppression dans la discussion générale. Je crois profondément que l’option proposée par le Gouvernement, qui consiste à créer d’immenses régions tout en annonçant la dévitalisation progressive des conseils généraux, n’est pas pertinente.

Sur le plan logique, deux options peuvent être soutenues : soit des grandes régions qui maintiennent les départements, soit des régions plus resserrées qui, elles, pourraient préparer l’effacement progressif des départements.

L’option retenue par le Gouvernement me semble vraiment contraire à l’intérêt général, contraire à la nécessité de rester proches des attentes de nos concitoyens, contraire aussi à l’impératif d’efficacité des dépenses publiques, autant de raisons qui motivent plus que jamais cet amendement de suppression.

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement n214.

M. Marc Dolez. Monsieur le président, notre groupe a exposé dans la discussion générale les raisons pour lesquelles nous étions opposés à ce projet de loi qui, avec celui qui suivra à l’automne, dessine une nouvelle organisation territoriale que nous refusons : de grandes régions, la suppression des départements, de grandes intercommunalités, l’asphyxie à venir des communes. Tout cela nous fait craindre une France des territoires à plusieurs vitesses et un éloignement des citoyens des lieux de décision.

C’est la raison pour laquelle il nous paraît cohérent de déposer un amendement de suppression de cet article 1er, qui est en quelque sorte la colonne vertébrale de ce projet de loi.

J’en profite, monsieur le président, pour vous préciser que, dans la mesure où nous considérons qu’il n’est pas opportun d’élaborer une nouvelle carte régionale, notre groupe ne participera pas, après le vote de ces amendements de suppression, à la discussion des autres amendements.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n307.

M. Frédéric Reiss. L’ampleur de cette réforme méritait pour le moins une étude d’impact. Nous n’avons que des affirmations déclamatoires, au doigt mouillé, comme l’ont dit certains dans la discussion générale. Une évaluation précise des conséquences économiques, financières, sociales et environnementales fait défaut. Quels sont les coûts et les bénéfices financiers attendus des dispositions envisagées pour chaque collectivité territoriale ? Surtout, quelle en sera la conséquence sur l’emploi public ?

La Cour des comptes constate que les dépenses des collectivités sont celles qui ont progressé le plus ces trente dernières années. Le Gouvernement et sa majorité répondent donc : réformons ! Mais qu’ont-ils fait du conseiller territorial voté sous la législature précédente ? Ils l’ont tout simplement abrogé dès leur prise de pouvoir ! Nous pensons pourtant que c’était la bonne réponse : nous aurons d’ailleurs l’occasion d’y revenir au cours de ce débat.

Cet article premier, qui instaure une carte datant du 15 juillet 2014 après arbitrage des députés socialistes, n’est pas acceptable en l’état. L’Alsace, d’abord annoncée dans une entité Alsace-Lorraine, puis au sein d’une région Champagne-Ardennes-Lorraine-Alsace, ne peut et ne veut pas servir de variable d’ajustement ! Annoncer qu’on fera une meilleure politique économique dans un espace du « grand Est » est pour nous tout simplement stupéfiant ! La difficulté de ces politiques régionales ne provient pas de la taille des régions, mais bien des compétences qui y sont exercées.

M. le président. Sur les amendements identiques nos 25, 128, 214, 307, 419 et 437, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n419.

M. Xavier Breton. L’article premier du projet de loi vise à redessiner la carte des régions, mais une telle réorganisation du territoire ne peut s’effectuer dans la précipitation. En effet, une réforme de cette ampleur mériterait une véritable concertation avec tous les acteurs concernés, à commencer par nos concitoyens. Une étude approfondie des conséquences financières de cette réforme aurait dû être réalisée ; or ce n’est pas le cas. Le fait régional ne peut pas s’imposer d’en haut, on ne peut pas décréter une carte : on doit la constater. Malheureusement, la méthode retenue, avec ses improvisations et ses arrangements, va à l’inverse de ce qu’il aurait fallu faire. C’est pourquoi le présent amendement vous propose la suppression de cet article premier.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour soutenir l’amendement n437.

M. Jean-Luc Laurent. L’amendement de suppression de l’article premier que je propose est motivé et justifié par le fait que ce projet de loi prévoit un redécoupage régional dont ni l’opportunité ni la pertinence ne sont à mes yeux établies. Dans le catalogue des lieux communs du « réformisme territorial », comme on dit, figurent la création de grandes régions d’échelle européenne et la suppression programmée des départements. Ces clichés constituent les deux idées directrices du futur projet de loi de réorganisation territoriale de la République, qu’on ne peut oublier au moment où nous examinons l’article premier de ce projet de loi.

M. Marc Dolez. Très bien !

M. Jean-Luc Laurent. Conçue rapidement, cette nouvelle carte régionale favorisera-t-elle les économies budgétaires ou l’efficacité publique ? Rien n’est moins sûr ! En revanche, il est certain que la nouvelle carte viendra remettre en cause trente ans de travail commun et la lente constitution d’espaces publics locaux. L’assise de cette jeune collectivité n’en sera pas confortée.

Par ailleurs, l’enchevêtrement des compétences et des interventions devrait être démêlé dans un souci de rationalisation de l’action publique, d’efficience de la dépense locale et de lisibilité et de compréhension pour le citoyen. La nouvelle carte régionale ne garantit ni la première ni la deuxième, et vient brouiller les repères des citoyens qui ont eu à peine trente ans – c’est une courte durée – pour commencer à s’approprier cet échelon local.

Par la recherche d’une improbable taille européenne, il n’est pas exclu que ces grandes régions sortent de cet épisode réformateur plus faibles qu’elles n’y étaient entrées ; c’est d’ailleurs le seul argument, un peu paradoxal, en faveur de ce projet de loi pour le jacobin et décentralisateur que je suis.

M. Marc Dolez. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Carlos Da Silva, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission sur ces amendements de suppression.

M. Carlos Da Silva, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Premier point, certains de nos collègues de l’UMP ont abondamment répété pendant la discussion générale qu’une des raisons pour lesquelles il ne faudrait pas faire cette réforme tient à ce qu’elle serait produite dans la précipitation. Puisque le général de Gaulle a été cité dans de nombreuses interventions, je rappellerai qu’il avait procédé par décret le 2 juin 1960 pour découper la carte de France en différentes circonscriptions régionales.

M. Éric Straumann. Mais il avait d’abord consulté les conseillers généraux !

M. Patrick Hetzel. Vous avez raison de citer le général de Gaulle : c’est une bonne référence !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Si cela ne vous dérange pas, mes chers collègues, et pour que le débat soit serein, je vous demande d’éviter de m’interrompre.

Cette fois-ci, le choix a été fait de consulter le Parlement. J’ai, comme rapporteur de la commission, reçu l’ensemble des conseils régionaux – quatre groupes politiques par conseil régional –, soit près d’une centaine d’élus. La commission des lois s’est réunie, beaucoup d’amendements ont été déposés ; or je n’ai entendu quasiment personne, y compris dans la discussion générale, dire que cette réforme était inutile, même si vous avez parfois dit qu’elle était maladroite ou pas exactement prévue comme il le faudrait. Je ne vais pas citer à nouveau les propos qui figurent dans le rapport de 2008 de la mission d’information mise en place par la commission des lois sur la clarification des compétences des collectivités territoriales, présidée par notre collègue Warsmann et co-rapportée par nos collègues Quentin et Urvoas, rapport qui évoquait l’insuffisance de la taille mais surtout du poids démographique et économique des régions françaises comparées à leurs homologues européennes.

Je pourrais également citer le comité pour la réforme des collectivités locales présidé en 2009 par l’ancien Premier ministre Édouard Balladur, qui proposait la réduction du nombre de régions à quinze. Plus près de nous, et tout aussi pluraliste d’un point de vue politique, en 2013, la mission commune d’information du Sénat, présidée par un autre ancien Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, et dont le rapporteur était notre collègue sénateur Yves Krattinger, militait pour la constitution de grandes régions. Bref, après les décrets du 2 juin 1960, trois rapports et des élus des conseils régionaux qui sont d’accord pour avancer dans la réforme, je pense qu’il est temps d’agir. La suppression de l’article 1er reviendrait à reculer à nouveau ; par conséquent, l’avis de la commission et du rapporteur est défavorable.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur, pour donner l’avis du Gouvernement sur ces amendements identiques.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. L’avis du Gouvernement est également défavorable à tous les amendements de suppression qui ont été présentés. Je comprends que trois idées très simples président à ces amendements de suppression, mesdames et messieurs les députés. Première idée : il ne faut pas de grande région ; deuxième idée : la carte n’est pas la bonne ; troisième idée : il faut maintenir les départements.

Mme Isabelle Le Callennec. Et quatrième idée : il faut parler des compétences !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je voudrais reprendre à mon tour, très rapidement, ces trois idées pour tenter de vous donner le point de vue du Gouvernement en même temps que j’essaierai de comprendre le vôtre. Premier point : ce n’est pas la bonne carte. Or nous avons entendu près de soixante-dix orateurs qui, tous, sont venus expliquer quelle était la carte qu’il fallait mettre en œuvre. Nous avons d’ailleurs constaté que dans toutes les familles politiques, et par-delà les différences qui peuvent séparer les parlementaires sur ces bancs, il y avait autant de positions que de regards portés sur cette carte à partir des différents territoires. Cela se comprend d’ailleurs assez bien : il peut y avoir des intérêts territoriaux ; certains notables qui parfois sont installés ont un point de vue qu’ils essayent de faire prévaloir, ce qui n’est pas choquant ; chaque individu qui a une responsabilité politique, notamment lorsqu’il est parlementaire, peut avoir une analyse qui le conduit à privilégier telle carte plutôt que telle autre.

Du reste, ce débat, à l’occasion duquel chacun a exprimé son point de vue, témoigne bien, s’il en était besoin, du fait qu’il n’existe pas de carte idéale ; or, à un moment donné, il faut bien en proposer une ! Nous avons eu l’audace de le faire, tout en restant ouverts à une modification. Par conséquent, nous vous proposons, plutôt que de supprimer l’article 1er qui propose une carte, de faire une réforme en amendant la carte que nous proposons : cela nous paraît plus constructif et plus positif dès lors que l’on veut faire une réforme, ce qui semble être le cas. Voilà pour le premier point : vous voulez une réforme, vous considérez que la carte n’est pas la bonne, nous vous proposons de nous dire quelle elle est par des amendements : c’est beaucoup plus intéressant et constructif que de supprimer l’article premier. Pour cette raison, je ne suis donc pas favorable à ces amendements.

Deuxième point : vous nous dites que les grandes régions ne sont pas souhaitables. Mais, comme l’a dit excellemment le rapporteur à l’instant, tous ceux qui, dans l’opposition d’aujourd’hui, qui était la majorité d’hier, ont réfléchi à la réforme de l’organisation territoriale et des régions, ont tous préconisé que l’on fasse des régions plus grandes ! Je comprends que lorsque l’on est dans la majorité, les régions grandes et qui ont une dimension européenne sont pertinentes, tandis que lorsque l’on est dans l’opposition, cela ne l’est plus. Mais comme il est rare en démocratie que l’on reste à tout jamais dans l’opposition, il est possible qu’un jour lointain, vous reveniez dans la majorité.

Mme Catherine Vautrin. Voilà une bonne nouvelle !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Vous nous remercierez alors d’avoir créé les grandes régions que vous souhaitiez voir venir lorsque vous étiez dans la majorité ; par conséquent, on va les créer pour vous éviter d’avoir à le faire si un jour vous revenez en situation de responsabilité, vous épargnant ainsi ce difficile travail.

M. Éric Straumann. Malheureusement, on sera obligé de tout défaire !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Enfin, troisièmement, et Hervé Gaymard ici présent s’est beaucoup exprimé sur ce sujet, il ne faut pas supprimer les départements parce que les départements sont importants, etc. Je comprends bien tout cela, mais en janvier 2014, celui qui était alors le président de votre organisation a donné une grande interview au journal Le Parisien qui s’intitulait : « Une France sans départements ».

M. Éric Straumann. C’est ce qu’on vous propose en Alsace !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Le chapeau de cette interview était ainsi rédigé : « Au moment où François Hollande lance un chantier pour réviser l’organisation territoriale de la France, le président de l’UMP appelle à supprimer les conseils généraux. »

M. Éric Straumann. On vous le propose en Alsace !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Comme il n’est pas exclu que, d’ici quelques semaines, vous soyez en situation de désirer de nouveau ce que vous désiriez il y a encore quelques mois, nous allons faire en sorte, lors de l’examen de ce texte, que vous ne puissiez en aucune manière être frustrés. Pour toutes ces raisons, nous sommes défavorables à ces amendements de suppression.

Un député du groupe UMP. Il faut supprimer les départements !

M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin.

M. Gérald Darmanin. Je voudrais faire un petit rappel au rapporteur : il se permet de convoquer le général de Gaulle aujourd’hui – nous en sommes ravis ! –, mais il fait une comparaison étonnante d’un point de vue historique en disant que le général de Gaulle était intervenu par décret, tandis que le grand rapporteur qu’il est propose, avec le ministre, une loi. Je voudrais rappeler que les décrets du 2 juin 1960, auxquels notre collègue rapporteur fait ici référence, modifiaient eux-mêmes les décrets de 1956, qui eux-mêmes modifiaient les décrets de 1946.

M. Hervé Gaymard. Ce n’était pas des collectivités territoriales !

M. Gérald Darmanin. En effet, Hervé Gaymard a tout à fait raison : la grande différence, c’est qu’il ne s’agissait pas de collectivités territoriales ! Il n’y avait d’ailleurs pas d’élus dans ces régions.

M. Maurice Leroy. Et les préfets présidaient !

M. Gérald Darmanin. Il a fallu le grand débat initié par le général de Gaulle en 1969 pour proposer non pas une loi mais, prenant en compte la réforme d’envergure que le ministre a appelée de ses vœux tout à l’heure, un référendum. Si vous voulez convoquer le général de Gaulle aujourd’hui, il est important de le rappeler ! C’était tout à fait différent à l’époque : les régions n’existaient pas, les préfets présidaient les conseils départementaux, il n’y avait pas de débat sur la régionalisation et, lorsqu’il a fallu faire cette réforme, un référendum a été proposé aux Français.

Nous entendons vos arguments, monsieur le ministre. Il se trouve que certains arguments ont été avancés lors du débat sur le conseiller territorial : nous avions déjà dit ici même, monsieur le ministre, à votre prédécesseur – il s’agissait d’un certain Manuel Valls, qui occupait les fonctions qui sont aujourd’hui les vôtres – qu’avant de supprimer le conseiller territorial, il faudrait y regarder à deux fois et fusionner d’abord les collectivités locales,…

M. Éric Straumann. C’est la meilleure solution !

M. Gérald Darmanin. …les départements au sein d’une même région, pour faire une même assemblée, avant demain pourquoi pas de l’agrandir. Nous avions un discours tout à fait cohérent, qu’aujourd’hui vous dénoncez.

Vous êtes manifestement comme les mauvais étudiants : vous révisez au dernier moment ce que vous auriez pu faire depuis deux ans, mais ce n’est pas en une nuit qu’on rattrape tout le programme de deux ans ! On aurait dû travailler tous les soirs ; vous avez pris du retard parce que, comme Pénélope, vous avez défait ce qui avait été fait par la majorité précédente, par sectarisme, par idéologie – sectarisme et idéologie dont nous sommes pour notre part dépourvus. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Maurice Leroy. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Monsieur le ministre, vous avez utilisé trois arguments. Vous affirmez tout d’abord que le seul argument de l’opposition serait de prétendre que la carte n’est pas la bonne, et que vous auriez fait preuve d’un courage extraordinaire en proposant une carte. Or ce que nous vous disons depuis le départ, c’est que vous prenez les choses à l’envers : une carte et un périmètre, pour quoi faire ? Dès lors que nous n’avons pas travaillé ni trouvé d’accord sur les compétences, il est évident qu’il n’y aura jamais d’accord sur le périmètre ! Il faut savoir ce que l’on va faire à l’intérieur de ce périmètre ! C’est le premier point sur lequel nous nous opposons : nous devons travailler sur le fond pour dire ce que nous voulons faire, comment nous voulons organiser les collectivités territoriales, sur quelles compétences ; ce n’est qu’après que l’on parle du périmètre.

Deuxième argument : les grandes régions ne seraient pas souhaitables. Or nous n’avons jamais avancé cela : nous disons simplement qu’il faut savoir ce qu’on y fait pour ensuite trouver le bon périmètre qui correspond aux objectifs. Cela présente un certain nombre de difficultés ; prenons l’exemple de la métropole de Paris. Il existe aujourd’hui une métropole parisienne à qui la région va transférer ses compétences ; ainsi, au-delà des départements que vous maintenez – je vais y venir dans un instant pour expliquer dans quelles conditions cela se fera –, il y a les communes, les intercommunalités, les départements, la région et la métropole !

L’Île-de-France sera donc une région résiduelle avec l’est de la Seine-et-Marne, le sud de l’Essonne, l’ouest des Yvelines, le nord du Val-d’Oise, c’est-à-dire une structure qui n’aura plus aucune compétence puisque les transports notamment sont transférés à la métropole de Paris. Il n’y aura plus aucune solidarité à l’intérieur de la région. Or c’est cette solidarité qui permet actuellement une certaine harmonie en matière de transports. Non seulement vous ne simplifiez rien mais vous complexifiez totalement le système.

Lorsque je vous entends dire que vous ne supprimez pas les départements, j’ai envie de rire. Vous dites aux conseillers généraux : dormez, braves gens, il ne se passe rien, on va vous maintenir en place avec un scrutin complètement hallucinant – en la matière, nul besoin de déposer un brevet car personne au monde n’essaiera de nous le copier ! Réussir à mettre en place deux élus pour une même compétence, c’est du jamais vu. Et si l’on en croit les premiers débats que vous avez eus au sein de la majorité, vous voulez supprimer au département les compétences en matière de voirie, de collèges, de transports, de tourisme, et la compétence générale. On va donc maintenir des élus juste pour le plaisir de les maintenir, puisqu’ils n’auront plus aucune compétence.

Voilà la réalité de ce débat, et voilà pourquoi nous nous opposons à vous : pas de débat sur les compétences, un périmètre incertain, des objectifs purement politiciens, un maintien illusoire des départements, qui seront en réalité des coquilles vides – tout comme les régions où il y a une grande métropole, comme la région Île-de-France avec la métropole de Paris.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Monsieur le ministre, vous nous dites qu’un texte est en préparation sur les compétences. Nous sommes tout à fait prêts à une réforme mais nous avons été très nombreux à vous dire que la méthode ne nous convenait pas. Pour notre part, nous voulons d’abord discuter des compétences, des moyens financiers, fiscaux et des services qui seront dévolus à ces nouvelles organisations. J’aimerais comprendre pourquoi vous nous proposez d’abord de redécouper les régions – alors que vous travaillez sur le sujet depuis deux ans, puisque vous nous avez même annoncé un acte III de la décentralisation. Vous voyez bien qu’il n’y a pas de consensus, et vous venez de le dire vous-même. C’est tellement délicat de redécouper des régions qu’il ne fallait pas commencer par cela, car c’est le meilleur moyen qu’il ne se passe rien.

Quant au report des élections départementales et régionales, vous vouliez le justifier en redécoupant les régions. Soyons un peu sérieux : commençons d’abord par examiner les compétences, les finances, la fiscalité, définissons qui fait quoi, pour combien. Les Français ont besoin de savoir. Là, vous allez nous amuser avec ce redécoupage, vous allez entendre des arguments de part et d’autre et, comme vous le dites vous-même, personne ne sera content alors que nous sommes tous prêts à travailler sur une nouvelle organisation des compétences dans notre pays.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin.

M. Jean-Christophe Fromantin. Nous discutons actuellement des amendements tendant à supprimer l’article 1er. Mais nous n’avons pas envie d’assister au même atterrissage que celui qui a eu lieu au Sénat, c’est-à-dire que l’article 1er soit supprimé sans que soit proposée une solution alternative. En la matière, plusieurs d’entre nous ont travaillé raisonnablement et durablement sur des alternatives, pour savoir comment aborder une carte de France avec d’autres logiques que celle qui consiste à fusionner des régions existantes. Aussi, avant de voter ou non cet amendement de suppression, j’aimerais que le Gouvernement nous dise s’il envisage des marges de manœuvre, c’est-à-dire si les solutions que nous pourrions proposer pourraient, le cas échéant, être prises en compte. Dans les semaines précédant le début de cette discussion, vous avez annoncé qu’il y aurait des ouvertures, que vous n’étiez pas tout à fait fermé à des évolutions. Quelles sont donc les marges de manœuvre qui nous permettraient éventuellement d’avancer intelligemment et de trouver d’autres solutions que celles qui nous sont proposées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je veux d’abord remercier M. Fromantin pour son intervention. Ce n’est pas la même chose que de vouloir entrer dans la stratégie du Sénat, stratégie frontale de destruction d’un projet de réforme, dans un pays qui a bien du mal à en faire, alors qu’il est urgent d’en réussir. Nous avons là un parlementaire de l’opposition qui a l’esprit de nuance, qui a témoigné dans son parcours politique de sa capacité à surmonter toutes les opérations les plus politiciennes qui peuvent parfois entraver le parcours politique d’un élu valeureux.

M. Daniel Fasquelle. Cela n’a rien à voir !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Il sait donc parfaitement ce qui est politicien et ce qui ne l’est pas. Il me demande si nous sommes ouverts et s’il n’est pas préférable de discuter d’amendements qui permettent de réussir une réforme plutôt que de la rendre impossible. Je lui confirme que nous sommes tout à fait ouverts à la discussion sur des amendements qui rendent possible une réforme plutôt que de la rendre impossible dans les jeux traditionnels et sectaires de la politique qui font que ce pays n’arrive jamais à faire de réforme.

M. Hervé Gaymard M. Maurice Leroy et M. Philippe Vigier. Très bien !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. En disant cela, je réponds aussi à M. Jacob et à vous, madame Le Callennec. Vous répétez inlassablement la même chose sans vous préoccuper – pardonnez-moi de vous parler aussi franchement que vous l’avez fait – de savoir si ce que vous dites correspond ou non à la réalité. Je vous confirme que ce que vous dites ne correspond pas à la réalité, et je vais vous redire pourquoi.

Vous dites que le Gouvernement n’a pas de vision claire sur ce qu’il entend faire s’agissant des compétences. C’est faux. Il a déposé deux textes de loi sur le bureau des deux assemblées après les avoir adoptés en conseil des ministres : un texte sur la carte territoriale et un autre sur les compétences. Par conséquent, le Parlement sait parfaitement ce qui figure dans ces textes et quelles sont les intentions du Gouvernement.

Cette réforme s’articule autour de quelques principes simples : des régions de dimension européenne, comme les ont souhaitées d’autres parlementaires ou d’autres responsables de la majorité et de l’opposition par le passé ; des intercommunalités fortes ; une administration déconcentrée de l’État qui garantit la présence de services publics sur les territoires qui ont peur de la relégation, et notamment les territoires ruraux ; la création des conditions, et je le dis à M. Jacob, une fois que cette architecture territoriale se sera stabilisée, d’une présence à inventer de la proximité, dans les territoires ruraux notamment. La question de la suppression des conseils départementaux est en débat jusqu’en 2020, ce qui nous permet vraiment de conduire toutes les études d’impact que vous demandez, toutes les réflexions que vous souhaitez.

Mme Isabelle Le Callennec. Cela fait des années qu’on réfléchit !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Madame la députée, monsieur le président Jacob, on ne peut pas à la fois souhaiter que le Parlement se saisisse de toutes les questions, demander d’avoir le temps de réfléchir ensemble, et dire que ce n’est pas opportun lorsque nous le proposons.

Voilà dans quel état d’esprit nous sommes. Nous sommes un gouvernement qui veut réussir une réforme, et qui veut le faire avec le Parlement. Un chemin existe à condition que nous dépassions les travers les plus traditionnels de la politique lorsqu’elle s’abaisse, pour essayer de réussir ensemble un grand projet, et je suis convaincu que nous y parviendrons.

M. le président. La parole est à M. le président Roger-Gérard Schwartzenberg.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. J’ai écouté avec toute l’attention requise le ministre et le rapporteur. Je me permettrai de leur faire trois brèves observations.

Premièrement, le rapporteur nous présente comme une innovation démocratique considérable le fait qu’aujourd’hui c’est la loi qui procède à la délimitation des régions. Je pense que c’est une coutume bien établie dans les décennies antérieures, notamment avec la loi du 2 mars 1982 de François Mitterrand et Gaston Defferre. Nous n’avons donc pas attendu ce jour béni du 17 juillet 2014 pour bénéficier enfin, en tant que législateurs, du droit de délimiter nous-mêmes les régions. C’est acquis depuis déjà un certain temps. C’est ce qu’on appelle la prescription acquisitive trentenaire.

Deuxièmement, je suis toujours attentif aux propos de Bernard Cazeneuve. Il dit qu’au fond ceux qui sont réservés sur ce texte sont ceux qui ne voudraient pas de grandes régions. Mais je crois que le Gouvernement veut tantôt de grandes régions, tantôt le maintien de petites régions, avec le Centre et les Pays de la Loire. C’est une sorte de courant alternatif, ce que Bergson appelait une « argumentation sautillante », consistant à utiliser successivement des arguments contradictoires. Ne reprochez donc pas à ceux qui seraient pour le maintien de telle ou telle région de l’être puisque vous l’êtes vous-même pour le maintien de certaines.

Mme Isabelle Le Callennec. Sans donner d’explications !

M. Patrick Hetzel. Très bien !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Troisièmement, je veux revenir sur un sujet cher à M. le secrétaire d’État que nous avons abordé un peu latéralement, mais sans doute pas assez, à savoir les économies à attendre de cette réforme. Il serait intéressant de demander, comme l’a fait le président socialiste d’EADS à la Cour des comptes, une étude détaillée et chiffrée sur les économies qui pourraient être éventuellement attendues de cette réforme ou sur les coûts supplémentaires qui pourraient en résulter, la seconde hypothèse étant évidemment la plus probable dans les prochaines années.

Mme Jeanine Dubié. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le président Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Monsieur le ministre, Jean-Christophe Fromantin vous a demandé si le Gouvernement était en capacité d’écouter les propositions des parlementaires et de ne pas rester figé sur la situation initiale. Cette réponse, vous venez de l’apporter en indiquant que le Gouvernement était ouvert. Dans ces conditions, nous ne participerons pas au vote sur les amendements visant à supprimer l’article 1er.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Laurent.

M. Jean-Luc Laurent. Monsieur le ministre, je voudrais répondre à votre demande de retrait de l’amendement que j’ai présenté, demande que vous ne m’avez pas adressée, et aux arguments que je n’ai pas entendus en réponse à ma défense de l’amendement n437. Je maintiens en effet cet amendement car je reste sur ma faim.

Selon quel principe fait-on une carte ? On ne le sait pas. Où est la cohérence de cet article ? Où est la logique autre que la carte « à la carte », avec des régions qui sont parfois regroupées, parfois maintenues en l’état ?

Mme Isabelle Le Callennec. Très bien !

M. Jean-Luc Laurent. Pourquoi ne pas poser, dans un article 1er, les principes généraux d’une nouvelle carte portant administration territoriale de la République ?

Mme Isabelle Le Callennec. Parce qu’il n’y en a pas !

M. Jean-Luc Laurent. Le principe pourrait être par exemple que toute région doit être regroupée au minimum avec une autre région. Ce n’est pas nécessairement ce que je pense, mais cela pourrait être la logique qui permettrait de sortir de l’entre-deux dans lequel nous sommes. En réalité, faute de principes et de règles simples, on transforme 577 députés en 577 cartographes qui débattent sur le mode du « marions-les, divorçons-les »...

Mme Isabelle Le Callennec. Exactement !

M. Jean-Luc Laurent. Eh bien non, ce n’est pas ainsi que l’on doit avancer et aborder une réforme qui peut être nécessaire, mais qui doit maintenir un État qui ne soit pas démembré, et les principes de la République.

M. Marc Dolez. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Monsieur le président, je veux répondre aux deux derniers orateurs et d’abord à M. le président Schwartzenberg parce que je suis toujours très attentif à ce qu’il dit sur ce sujet comme sur d’autres. Cela fait plusieurs années qu’il porte une parole sage et documentée sur les sujets les plus sensibles. De plus, il m’arrive d’avoir, moi aussi, l’esprit radical sur les sujets les plus importants. (Sourires.) Aussi, je convoquerais volontiers le président Edgar Faure qui fut un grand radical et qui avait écrit, à la fin de sa vie, un très joli poème intitulé On ne vit qu’un instant et le reste du temps, on attend.

Eh bien, je ne suis pas dans la posture évoquée par Bergson, ni dans celle de qui cherche le courant alternatif : je cherche simplement un chemin, pragmatiquement, comme le président Edgar Faure savait le faire quand le sujet était compliqué, et comme les radicaux aiment à s’y employer. Nous sommes dans un débat qui a apporté la démonstration, depuis maintenant de nombreuses heures, qu’il est difficile de trouver le chemin.

Mme Isabelle Le Callennec. Ce n’est pas celui-là !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Par conséquent, nous proposons une carte. Nous proposons aux parlementaires d’amender cette carte, plutôt que de supprimer cet article, de manière à ce que nous puissions trouver le bon point d’équilibre et de compromis.

Quand nous recherchons l’équilibre, nous ne rendons pas la copie parfaite. Il peut arriver, monsieur le président, que nous cherchions des concessions à faire pour essayer de trouver le chemin.

Je ne suis pas dans la critique ni dans la leçon, je suis simplement dans l’humilité de celui qui cherche avec 577 parlementaires un chemin conforme à l’intérêt général, pour la France et pour réussir cette réforme.

Monsieur le député Laurent, vous avez raison de me rappeler à l’ordre, parce que votre amendement n’est pas un amendement de suppression destiné à empêcher une réforme, mais une demande de précisions en vue de définir le cadre du débat. Il est donc infiniment plus constructif que les amendements de suppression qui ont pu être présentés par d’autres parlementaires.

Mme Isabelle Le Callennec. Alors, il fallait lui donner un avis favorable !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Mais ces principes, monsieur le député, nous les avons définis à plusieurs reprises dans le débat : lorsque la motion référendaire a été présentée et dans mon intervention d’hier. Premièrement, un nombre de régions a été défini, qui nous paraît un optimum en deçà duquel nous ne voulons pas aller. Deuxièmement, nous avons souhaité travailler dans le respect des contours actuels des régions. Troisièmement, nous souhaitons un niveau de taille qui permette d’atteindre la moyenne européenne, c’est-à-dire un peu plus de quatre millions d’habitants. Ces principes sont ceux qui guident notre démarche. Nous les avons définis hier. En réponse à l’amendement que vous présentez, je les expose de nouveau aujourd’hui. Et comme je souhaite que nous puissions entrer dans l’examen des amendements à l’article 1er, je ne suis pas favorable à la suppression de cet article, parce que si on le supprime, on ne pourra pas l’amender.

M. le président. La parole est à M. Hugues Fourage.

M. Hugues Fourage. Ce que vient de dire le ministre est tout à fait juste : on ne peut à la fois vouloir une réforme et supprimer l’article, même si les contours des régions peuvent être débattus. Peut-être y a-t-il des amendements qui feront évoluer la carte et je conçois que nos collègues de l’UDI souhaitent s’engager dans un travail constructif.

M. Maurice Leroy. Merci de le reconnaître.

M. Hugues Fourage. Pendant la discussion générale, tout le monde voulait une réforme. Il faut donc repousser ces amendements et passer au plus vite au cœur même de la discussion, en regardant comment dessiner une carte qui ne sera certes pas idéale, mais qui sera la plus pertinente possible pour tout le monde.

M. le président. La parole est à M. Hervé Gaymard.

M. Hervé Gaymard. Je ne voudrais pas allonger inutilement les débats…(Exclamations sur quelques bancs du groupe SRC.) Je n’en ai que pour une seconde.

Mme Valérie Pécresse. Et nous sommes en temps programmé !

M. Hervé Gaymard. M. le ministre a cité Edgar Faure, dont je voulais rappeler qu’il était certes radical, mais qu’il a siégé aussi sur les bancs gaullistes de l’Assemblée et du Sénat. Et vous essayez de l’imiter, avec le brio que nous vous connaissons, parce qu’Edgar disait la chose suivante : « Quand la zituazion est grave et que ze suis en difficulté, z’embrouille, z’embrouille, z’embrouille ! » Et vous essayez de nous embrouiller. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Monsieur le ministre, vous venez de répondre à notre collègue Fromantin en ouvrant des perspectives d’évolution de la carte proposée. Je veux ici vous demander des précisions, notamment pour le respect de l’identité du Languedoc-Roussillon que vous voulez fusionner avec la région Midi-Pyrénées, alors même que Christian Bourquin, président de gauche de la région, Stéphan Rossignol, président du groupe UMP de la région, Christian Assaf, député socialiste de l’Héraut, moi-même, nous vous demandons le respect du Languedoc-Roussillon.

Vous avez, monsieur le ministre, l’occasion de montrer votre volonté d’ouverture.

M. le président. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Ce sera extrêmement bref. C’est un dialogue entre personnes issues du radicalisme. La référence de Bernard Cazeneuve à Edgar Faure est touchante, bien qu’Edgar Faure ne se soit pas toujours caractérisé par une position indéfectible à gauche.

M. Alain Tourret. C’est lui qui a tué Mendès France !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Le très beau poème que vous avez cité me rappelle une citation plus souvent attribuée à Edgar Faure : « Ce ne sont pas les girouettes qui tournent, c’est le vent. » Il a tourné un certain nombre de fois et je ne voudrais pas que ce texte, dont nous ne voterons pas la suppression, tourne trop sur lui-même avant qu’on puisse en déterminer les contours exacts.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 25, 128, 214, 307, 419 et 437.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants85
Nombre de suffrages exprimés84
Majorité absolue43
Pour l’adoption22
contre62

(Les amendements identiques nos 25, 128, 214, 307, 419 et 437 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements, nos 38, 405, 157 et 418, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 157 et 418 sont identiques.

La parole est à M. Paul Molac, pour soutenir l’amendement n38.

M. Paul Molac. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n405.

M. Xavier Breton. Il vise à éviter que la réforme territoriale soit trop technocratique, en prévoyant une véritable expression des volontés locales, qui pourrait avoir lieu avant le 1er décembre de cette année avec des délibérations des régions qui souhaitent fusionner. Après cette expression qui ne viendrait pas d’en haut mais de la base, il y aurait une phase de concertation avec un débat associant les assemblées départementales, les conseils économiques, mais aussi nos concitoyens à travers un véritable débat public.

Après ce temps de la concertation viendrait celui de la décision, puisqu’au 1er mars de l’année prochaine, il y aurait une proposition de carte soumise à délibération, de sorte qu’au 1er juillet 2015, nous disposerions d’une nouvelle carte des régions. C’est un calendrier qui permettrait à la fois de concilier l’expression des volontés locales et la décision, pour aboutir à une réforme qui ne soit pas technocratique.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 157 et 418.

La parole est à M. Éric Straumann, pour soutenir l’amendement n157.

M. Éric Straumann. Monsieur le président, je ne l’ai pas sous les yeux, mais je réitère le souhait de treize députés alsaciens sur quinze que les contours de l’Alsace soient maintenus. Nous vous proposerons, à la fin de ce débat, la fusion des conseils généraux du Haut-Rhin et du Bas-Rhin avec la région Alsace : nous allons donc plus loin que ce que propose le Gouvernement et au-delà de 2020.

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n418.

M. Xavier Breton. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Depuis la loi sur l’administration territoriale de la République de 1992, il existait un dispositif qui permettait aux conseils régionaux de demander leur fusion, moyennant un vote favorable des deux tiers dans chacun des conseils.

Depuis la loi du 16 décembre 2010, comme chacun le sait, il existe une possibilité de fusionner, après accord des collectivités concernées et des référendums. De 1992 à 2010 se sont écoulés dix-huit ans ; depuis 2010, quatre ans : chacun aura pu constater qu’aucun conseil régional n’a voulu ou pu ou souhaité finir par fusionner avec un autre conseil régional. Je ne vois pas en quoi cette nouvelle disposition permettrait de changer les choses en une année. Le Gouvernement a eu raison de prendre les choses en main et de proposer une carte, dont nous allons discuter je l’espère dans les minutes qui viennent. L’avis de la commission est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Même avis.

(L’amendement n38 n’est pas adopté.)

(L’amendement n405 n’est pas adopté.)

(Les amendements identiques nos 157 et 418 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’une série importante d’amendements, nos 487 à 481. Comme je l’ai proposé tout à l’heure, je vais appeler au fur et à mesure les différents orateurs sur ces amendements qui font l’objet d’une discussion commune.

La parole est à M. Carlos Da Silva, rapporteur, pour soutenir l’amendement n487, qui fait l’objet de deux sous-amendements.

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Cet amendement de la commission est issu tout d’abord du travail du Gouvernement et de la carte présentée en Conseil des ministres le 18 juin dernier. Elle prévoyait un certain nombre de regroupements qui ont suscité beaucoup de commentaires.

J’ai auditionné, durant une trentaine d’heures, près d’une centaine de conseillers régionaux, pour savoir ce qu’ils pensaient de la réforme et de la carte adoptée en Conseil des ministres. Il est apparu, à l’issue de ces auditions, qu’un rassemblement était évident : celui du Limousin et de la région Aquitaine. La commission des lois s’est tenue. L’amendement qui modifiait la carte du Gouvernement en ce sens a été adopté.

Naturellement, le travail des commissaires, qu’ils soient dans la majorité ou dans l’opposition, s’est poursuivi. Une analyse fine des amendements examinés, même s’ils ont été repoussés, a fait apparaître un certain nombre de convergences. Par ailleurs, le rapporteur pour avis comme les responsables du groupe qui est le mien ont eu aussi consulté très largement.

À l’issue de ces consultations, de l’analyse des amendements, mais aussi de prises de contact avec un certain nombre de collègues qui avaient fait montre d’une présence assidue lors des auditions et qui avaient assisté aux travaux de la commission des lois alors qu’ils n’en étaient pas membres, pour faire valoir certaines positions, il est apparu que de nouveaux rassemblements amélioreraient considérablement la carte, en plus de celui de l’Aquitaine et du Limousin. Mes collègues auront l’occasion de s’exprimer clairement sur ces points.

Un premier rassemblement paraissait constituer un point d’équilibre : celui de l’Alsace, de la Lorraine et de la Champagne-Ardenne (Exclamations sur certains bancs du groupe UMP.). J’ai bien entendu les treize députés alsaciens membres du groupe UMP : pour vous, ce n’est pas un point d’équilibre, cela ne m’a pas échappé.

M. Éric Straumann. Merci !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Néanmoins, vous le savez bien, nous ne votons pas dans notre hémicycle par sections départementales…

M. Éric Straumann. Vous faites une grosse bêtise !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Nous sommes tous et toutes des députés de la nation et le vote, sur cet amendement comme sur les autres et comme sur l’ensemble du texte, sera celui de tout l’hémicycle et pas uniquement celui de nos collègues alsaciens, que je respecte très sincèrement dans leurs personnes comme dans leurs convictions, même si certaines formules m’ont pour le moins étonné.

M. Éric Straumann. Lesquelles ? Lesquelles ?

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Il y a un autre rassemblement qui, sans paraître évident, s’est dessiné au stade de la réflexion dans la semaine qui a suivi la réunion de la commission : celui du Nord-Pas-de-Calais et de la Picardie. Je sais qu’il y a là aussi des débats et je ne doute pas qu’ils se poursuivent ce soir dans notre hémicycle, mais des convergences semblaient exister.

M. Daniel Fasquelle. Martine ne va pas être contente !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Un certain nombre de collègues auront l’occasion de le confirmer ; je crois d’ailleurs que ce ne sont pas seulement des collègues de la majorité. Ce rassemblement, j’ai bien entendu M. Fasquelle le dire, agrée à un certain nombre de nos collègues.

Enfin, les présidents des régions Aquitaine et Limousin, mais aussi des parlementaires dont les circonscriptions sont en région Poitou-Charentes comme Mme Batho et M. Bussereau, respectivement membres des groupes SRC et UMP, ainsi que de très nombreux collègues, ont considéré, à travers de nombreux amendements, qu’il était selon eux nécessaire ou utile – ils s’exprimeront eux-mêmes –, que ces régions soient unies. C’est donc chose faite avec l’amendement que je présente.

Certes, on peut toujours considérer que cette carte est imparfaite, comme cela a été dit lors de la présentation du texte et pendant la discussion générale, mais aucune carte ne saurait être parfaite.

M. Daniel Fasquelle. Il faut une région Alsace !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. J’estime toutefois que, telle qu’elle est présentée, elle peut constituer un point d’équilibre. Je le dis à mes collègues de l’opposition, puisque j’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer devant ceux de la majorité dans d’autres circonstances : ce point d’équilibre me semble de surcroît acceptable, et pas seulement sur les bancs de la gauche mais, aussi, pour un certain nombre de parlementaires de l’autre côté de l’hémicycle.

Ne parlons d’ailleurs pas en termes d’opposition et de majorité puisque cette carte, comme le ministre de l’intérieur l’a excellemment dit, a vocation à perdurer, quels que soient les résultats des élections du mois de décembre 2015. Si nous nous situons par rapport à l’ancienne, relative aux collectivités locales, disons qu’elle dessine notre territoire pour une trentaine d’années.

Elle me paraît donc constituer un point d’équilibre républicain, utile pour nos territoires. C’est elle que j’ai présentée en commission des lois, c’est elle que cette dernière a validée pour être discutée devant vous afin de débattre ici même, plus précisément encore que cela ne fut le cas durant la discussion générale.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

M. Christian Jacob. Que l’on se comprenne bien s’agissant du déroulement de la séance : si cet amendement était voté, tous ceux qui sont en discussion commune et qui visent à modifier la carte tomberaient.

Chacun de nos collègues qui souhaite présenter un amendement à ce propos doit pouvoir le faire.

M. Luc Belot. Nous perdons du temps !

M. le président. La précision demandée par le président Jacob me donne l’occasion de vous faire part à nouveau de l’organisation de nos débats.

Nous avons mis en discussion commune l’ensemble de ces amendements de manière à ce que toutes les présentations aient lieu. Ensuite, la commission puis le Gouvernement répondront, les collègues qui le souhaitent réagiront et, enfin, nous voterons. C’est cela même que j’avais suggéré au début de la séance.

M. Christian Jacob. Soit.

Article 1er (suite)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Allossery, pour soutenir le sous-amendement n506.

M. Jean-Pierre Allossery. Au nom des députés SRC du Nord, auxquels se sont joints un certain nombre de députés du Pas-de-Calais ainsi que d’autres parlementaires, j’indique que nous ne souhaitons pas que la région Nord-Pas-de-Calais fusionne avec la Picardie, deux régions qui connaissent de très grandes difficultés.

M. Marc Le Fur. La voix de Martine !

M. Daniel Fasquelle. Un scandale !

M. Jean-Pierre Allossery. Fusionner, en l’état, serait une aberration économique…

M. Daniel Fasquelle. Les Picards sont trop pauvres, c’est ça ?

M. Gérald Darmanin. Quelle délicatesse !

M. Daniel Fasquelle. Quel mépris !

M. Jean-Pierre Allossery. … et sociale que nous condamnons.

La création de grandes régions vise à donner à ces nouvelles collectivités tous les atouts pour que nos territoires se développent. On ne peut donc que souligner l’intérêt de cette loi.

Pour autant, il ne faudrait pas omettre certaines données. Si tel était le cas, nous ferions l’inverse de ce que nous ambitionnons : créer des territoires plus forts.

Or, le Nord-Pas-de-Calais et la Picardie, en raison même d’une situation économique et sociale particulièrement difficile, ne sont pas dans une telle configuration. Les conséquences de cette fusion seraient donc extrêmement préoccupantes pour les habitants de nos collectivités.

Nous demandons donc que les régions Nord-Pas-de-Calais et Picardie ne soient pas regroupées.

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir le sous-amendement n507.

M. Marc Le Fur. Nous débattons d’un amendement de la commission. Or, cela n’est pas tout à fait conforme à la logique de nos usages, je le précise pour chacun, selon lesquels nous commençons à discuter d’abord des amendements dont le contenu est le plus éloigné du texte. Il se trouve – j’ai du mal à comprendre pourquoi – que nous commençons par l’amendement du rapporteur.

Pourquoi la logique veut-elle que nous commencions par discuter des amendements dont le contenu est le plus éloigné du texte ? Parce que ce sont ceux qui, en quelque sorte, l’amendent le plus fortement.

M. Maurice Leroy. Il a raison.

M. Marc Le Fur. Or, j’ai déposé un amendement général qui est bien plus éloigné de la proposition de la commission à travers cet amendement 487, qui a été déposé dans le cadre de l’article 88.

En effet, sa trame est très différente de celle de l’amendement de la commission, selon laquelle il faut que de grandes régions soient constituées. Je considère que nous avons besoin de régions identitaires, que l’on s’approprie, où l’on a le sentiment de partager des choses ensemble : une histoire, un présent, une volonté d’être ensemble. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.) C’est ce que l’on appelle l’affectio societatis dans toutes les organisations sociales. C’est cela la réalité, c’est cela que nos concitoyens attendent !

Ils le manifestent peut-être plus nettement dans des régions dont les identités sont fortes mais, de fait, ils le ressentent sur tout le territoire.

C’est pourquoi l’amendement général que je propose – puisque je ne dispose, monsieur le président, que d’un temps de parole – vise à ce que l’Alsace conserve bien évidemment sa personnalité.

M. Éric Straumann. Bravo !

M. Marc Le Fur. Telle est l’opinion des populations et, à la quasi-unanimité, celle des parlementaires.

Ce n’est pas pour nous un problème que le Poitou-Charentes rejoigne l’Aquitaine et la Picardie le Nord-Pas-de-Calais. En l’occurrence, je ne vois pas comment nous pourrions obéir au diktat de Mme Aubry, à moins qu’il existe un contre-Gouvernement comme il y eut pendant ces dernières semaines deux groupes SRC, celui de Mme Aubry et celui du Premier ministre !

M. Daniel Fasquelle. Absolument !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. À propos de deux groupes, à l’UMP…

M. Dominique Raimbourg. M. Le Fur, lui, est unique !

M. Marc Le Fur. Je ne fais que poser des questions, je ne me permets pas d’affirmer quoi que ce soit, mais il se trouve que j’ai été amené à présider dans notre hémicycle, la semaine dernière, des réunions internes au Parti socialiste, la question fondamentale étant alors : qui est le président du groupe SRC bis ? L’un d’entre les deux prétendants m’avait répondu : « C’est moi », preuve que ce groupe existait bien ! (Sourires)

M. Jean Launay. Par charité, nous ne dirons rien de l’UMP !

M. Marc Le Fur. J’en reviens à la carte.

Nous avons besoin d’identité et de cohérence et nous avons bien évidemment à l’esprit la région Loire-Atlantique.

M. Luc Belot. Ce n’est pas une région mais un département !

M. Marc Le Fur. Département, en effet, qui doit être rattaché à la Bretagne afin de constituer une région forte de cinq départements. D’autres que moi – Mme Le Callennec, M. de Rugy, M. Molac, M. Benoît – se sont exprimés on ne peut plus clairement à ce propos. Les habitants des quatre départements de la Bretagne administrative partagent ce point de vue, comme le confirment tous les sondages, mais, aussi, les habitants de la Loire-Atlantique – là encore, tous les sondages l’assurent.

Lorsque le conseil général de ce département était présidé par l’excellent Patrick Mareschal, ce dernier a émis très clairement le vœu d’un tel rattachement, vœu que le conseil général n’a jamais contesté ou remis en cause par la suite.

Avec 4,5 millions d’habitants, la Bretagne disposerait de la taille critique nécessaire pour faire un travail efficace, tout en ayant une identité.

Si vous ne procédez pas à ce rattachement, vous vous heurterez à de vives oppositions dans les régions dont la personnalité est la plus affirmée et où nos débats sont les plus suivis. Ce n’est peut-être pas le cas dans la région parisienne mais il n’en est pas de même dans les régions périphériques et, en tout état de cause, j’en témoigne, en Bretagne.

Notre idée est donc de faire en sorte que la Loire-Atlantique rejoigne la Bretagne dès la constitution de la carte.

Je rappelle que les cinq départements bretons ont envoyé 30 députés socialistes au Parlement. Pour la plupart, à un moment de leur vie politique, ils ont souhaité que la Loire-Atlantique soit rattachée à la Bretagne. J’espère qu’ils se montreront fidèles à leur engagement passé et qu’ils voteront mon sous-amendement proposant un tel rattachement. Comme il sera bien évidemment mis aux voix avant l’amendement 487, nous serons tous amenés à nous prononcer sur cette idée simple.

Cela ne signifie d’ailleurs pas que nous soyons en désaccord avec nos amis du Val de Loire. J’espère, et je sais que nos amis du Centre partagent notre point de vue, qu’une belle région du Val de Loire – territoire d’ailleurs déjà reconnu par l’UNESCO – verra le jour aux côtés de la Bretagne, associant l’actuelle région Centre mais, aussi, l’Anjou et la Sarthe, formant ainsi un ensemble avec lequel nous pourrions organiser des coopérations extrêmement positives.

M. Luc Belot. Où la Loire coule-t-elle ? À Nantes !

M. Marc Le Fur. C’est d’ailleurs le point de vue que les présidents Maurice Leroy et Philippe Vigier ont défendu. Ce sont là autant de raisons pour travailler collégialement, avec la Normandie réunifiée – ce qui est très bien et dont je me félicite –, avec ce beau Val de Loire que vous avez si bien défendu, messieurs les présidents, et avec une Bretagne forte de cinq départements qui disposerait ainsi des moyens de s’affirmer, dans la République – aujourd’hui comme hier, son loyalisme républicain est patent ; elle n’a pas à se justifier car elle en a suffisamment témoigné pendant les deux guerres mondiales.

Oui, cela serait vraiment cohérent.

Dans l’hypothèse où nous procéderions au vote – mais ce ne sera pas tout de suite puisqu’il faut examiner les amendements en discussion commune – je vous engage au moins à accepter que la Loire-Atlantique soit intégrée à la Bretagne, à une Bretagne forte de cinq départements.

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour soutenir l’amendement n490.

M. Bruno Le Roux. La présentation de cet amendement, identique au 487…

M. Marc Le Fur. C’est l’amendement récup’ !

M. Bruno Le Roux. …me donne l’occasion d’apporter quelques précisions.

Afin de limiter la durée de nos débats, je ne suis pas intervenu pendant la discussion générale.

J’ai entendu qu’il a été question d’un amendement du Parti socialiste, mais je voudrais dire en quoi la façon dont il a été préparé en fait un amendement éminemment républicain.

Notre débat est important, comme l’ont montré les nombreux orateurs qui ont participé à la discussion générale et comme en témoigne la présence de nombreux collègues, mais il est également inhabituel voire inédit. Il est en effet très rare – c’est peut-être même, donc, une nouveauté – que l’on demande à une assemblée de procéder elle-même à un redécoupage qui n’est pas simplement administratif, mais électoral, puisque les régions sont aujourd’hui des instances gérées de façon démocratique, ce dont nous nous félicitons bien évidemment.

D’habitude, on laisse l’Assemblée en dehors de ces choses-là, et la transparence ne prévaut que très rarement en la matière.

Le Gouvernement aurait d’ailleurs pu emprunter une autre voie. C’est pourquoi je considère que l’exercice auquel nous nous livrons ce soir témoigne de notre maturité : il s’agit de nous montrer capables de nourrir à la fois, certes, une vision née des territoires dont nous sommes issus, mais aussi de procéder à un redécoupage administratif, et donc aussi électoral, permettant de la dépasser, parce que nous sommes aussi les députés de la nation ?

Je me félicite, monsieur le ministre, que le Gouvernement ait choisi la voie parlementaire pour faire en sorte que ce débat soit totalement transparent. Il aurait été en effet possible de procéder autrement et c’est la première fois, je le répète, que nous nous livrons ici à ce genre d’exercice, ce dont je me félicite. C’est là un premier geste de totale transparence.

Deuxième geste : les différentes cartes proposées ont été rendues publiques. Le Gouvernement en a tout d’abord déposé une, qui a été longuement discutée puis amendée par le rapporteur.

Je souhaite dire ce qui a prévalu lors du dépôt de ce que l’on a appelé la nouvelle carte issue des travaux du groupe socialiste, car nous avons travaillé et je l’assume.

Nous avons travaillé, le rapporteur l’a dit, nos responsables en ont témoigné à travers la réalisation de nombreuses auditions, qui n’ont jamais été limitées à l’expression d’un seul camp politique, chacun ayant été consulté, d’où qu’il vienne et quel qu’il soit dès lors qu’il était intéressé par ce dossier et qu’il avait accepté de discuter avec nous.

Ensuite, il a fallu apporter des améliorations. Celles-ci ne font pas l’unanimité, mais rien, pas une seule proposition, ne pourrait l’obtenir pour une carte de ce type. On doit donc à chaque fois essayer de voir quelles sont la cohérence et la dynamique supplémentaires apportées et de mesurer ce qui s’est passé sur le terrain depuis toutes ces dernières années pour savoir si l’on va dans la bonne direction, et puis d’évaluer ce que cela représente pour nous. J’ai entendu les élus d’Alsace qui se sont exprimés dans la discussion générale, mais j’entends aussi ceux de Picardie ou de Champagne-Ardenne. Je crois que dans chacune des nouvelles propositions que nous avons faite pour cette carte, c’est-à-dire ce qui concerne la région Nord-Pas-de-Calais et Picardie,…

M. Daniel Fasquelle. Très bien !

M. Bruno Le Roux. ...la région Champagne-Ardenne et Alsace-Lorraine, la région Poitou-Charentes, Limousin et Aquitaine, la somme de ceux qui considèrent cela comme une avancée est supérieure à ceux qui ne sont pas contents.

M. Éric Straumann. Pas pour l’Alsace !

M. Bruno Le Roux. Je m’exprime en cela d’un point de vue totalement républicain en ayant écouté…

M. Marc Le Fur. Il y a des Alsaciens ici ! Il faut les écouter !

M. Bruno Le Roux. … dans l’élaboration des propositions non pas seulement les représentants d’un groupe mais les représentants de tous les groupes présents dans cet hémicycle car ce sujet est absolument essentiel. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

La nouvelle carte est connue. Elle va donner lieu à un long débat, et je me félicite de la façon dont la vice-présidence et la séance l’ont organisé puisque aucun vote ne privera d’expression ceux qui ont des remarques à formuler, bien souvent contradictoires avec nos deux amendements. Je connais même au sein de mon groupe les problèmes qu’ils posent puisque nous ne sommes pas complètement unis : la carte que je défends ainsi aujourd’hui exprime la position d’un groupe, pas celle de tous ses membres. Mais je tiens à dire que la transparence, l’écoute et la recherche de l’efficacité de la réforme ont prévalu dans l’élaboration de cette carte en dehors de toute autre considération. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

M. le président. Je note bien évidemment le nom des collègues qui me demandent la parole, mais je rappelle que nous sommes en discussion commune et qu’il s’agit donc d’intervenir sur les amendements.

Pour répondre à notre collègue Le Fur, les amendements étant notoirement différents les uns des autres, je ne vois pas qui peut considérer que certains sont plus proches que d’autres de la carte proposée. S’ils n’étaient pas présentés en discussion commune, le vote des deux premiers amendements ferait par principe tomber quasiment tous les autres portant sur l’article 1er avant même que ceux-ci n’aient été débattus.

M. Maurice Leroy. Ce n’est pas vrai.

M. le président. Bien sûr que si, monsieur Leroy.

La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. S’agissant de l’amendement dont le rapporteur nous dit qu’il émane de lui alors que Bruno Le Roux déclare qu’il émane du groupe socialiste,…

M. Carlos Da Silva, rapporteur et et M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Il y en a deux !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. … j’ai tendance à considérer qu’il n’appartient pas à un groupe, si estimable soit-il, de légiférer pour l’ensemble de l’Assemblée ; mais enfin ces collègues ont une autre conception. Cela étant, je propose, le règlement le permet, que l’on vote par division car il y a trois points absolument distincts. Que l’on ne nous oblige pas à une sorte de vote bloqué en devant se prononcer sur l’ensemble des trois propositions. (« Très juste ! » sur les bancs du groupe RRDPsur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.) Ces amendements sont identiques, pour des raisons qui m’échappent, mais il faudrait donc les voter par division sur chacun des trois points.

M. Hugues Fourage. Il faut respecter les amendements tels qu’ils sont !

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour un rappel au règlement.

M. François de Rugy. J’ai dit tout à l’heure que nous acceptions, comme les autres groupes, de retirer nos inscrits sur l’article 1er pour qu’on puisse débattre de l’article lors de l’examen des amendements. Nous étions d’accord à la fin de la séance précédente pour que les propositions de modification alternative portant sur une seule région soient présentées sous forme de sous-amendements – portant par exemple sur l’amendement du rapporteur. Pourtant, je découvre avec stupeur que sur la feuille jaune ne figure aucun sous-amendement, puis on nous distribue un premier sous-amendement de nos collègues du Nord, ensuite, un deuxième de notre collègue Le Fur. C’est bien leur droit, mais cela pose un problème dans le déroulement de nos débats. Certes, j’ai bien entendu, monsieur le président, que chacun va pouvoir soutenir ses idées, mais ce qui nous intéresse, ce n’est pas de faire durer la parlote, c’est d’avoir des votes clairs sur des enjeux clairs pour nos compatriotes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

Un député du groupe UMP. Il faut voter région par région !

M. François de Rugy. Les votes doivent donc porter sur le découpage des régions. Or tous les amendements que nous avons déposés vont tomber si ceux du rapporteur et de M. Le Roux sont adoptés, et seuls deux sous-amendements auront été soumis au vote. Il n’y aura donc que deux variantes proposées à l’Assemblée. Ce n’est pas un déroulement correct des débats. Par conséquent, je demande une suspension de séance. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et UMP.)

M. Patrick Hetzel. Excellent !

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures cinq, est reprise à vingt-trois heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Quelques mots sur la façon dont nous allons procéder : afin de permettre aux collègues qui le souhaitent d’intervenir sur les amendements présentés, nous allons examiner les amendements par « paquets », si je puis ainsi m’exprimer.

Nous avons déjà examiné les deux amendements identiques de M. le rapporteur et de M. Le Roux, ainsi que deux sous-amendements. Nous allons en venir à deux autres sous-amendements, respectivement déposés par M. Straumann et M. de Rugy.

M. Maurice Leroy. Rappel au règlement !

M. le président. Permettez-moi de terminer.

Par la suite, je donnerai la parole aux orateurs inscrits, et nous poursuivrons la discussion sur les autres amendements. Nous examinerons d’abord un paquet consacré aux modifications du périmètre des régions en fonction des bassins de ville, des départements et des métropoles ; une série portant sur la modification du périmètre des régions et des départements ; une série relative au périmètre des régions et à leur nom ; un paquet consacré au grand Nord-est ; un autre au grand Ouest ; un autre encore à l’ensemble Rhône-Alpes Auvergne ; un dernier à la région Languedoc-Roussillon Midi-Pyrénées. Après l’appel de chaque paquet d’amendements, j’ouvrirai la discussion afin que chacun soit en mesure d’intervenir.

Pour ce qui est du vote, bien évidemment, puisque nous sommes dans une discussion commune, le vote se fera ensuite sur chacun des amendements qui auront été présentés.

L’adoption des amendements identiques du rapporteur et du président Le Roux fera tomber certains autres amendements. Il en restera, qui seront eux-mêmes soumis au vote ; c’est bien évident puisqu’ils ne seront pas tombés.

Je redonne ces éléments pour que chacun ait bien en tête le déroulement de nos travaux.

La parole est à M. Maurice Leroy, pour un rappel au règlement.

M. Maurice Leroy. Effectivement, je veux faire un rappel au règlement parce que ce qui se passe est quand même sérieux. Je pense que le groupe UDI a fait montre, depuis le début de l’examen de ce texte, dans la discussion générale comme dans les votes, d’une attitude tout à fait constructive.

Jusqu’à preuve du contraire, ici, nous sommes encore l’Assemblée nationale. Nous ne sommes pas encore une chambre d’enregistrement. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.) Par conséquent, monsieur le président, je conteste formellement ce que vous venez de dire. J’ai été, par deux fois, vice-président de l’Assemblée nationale. Je sais encore comment je présidais, et tous les collègues qui siégeaient déjà sur les bancs de cette assemblée se le rappellent.

M. Marc Le Fur. C’est vrai !

Mme Catherine Vautrin. Vous étiez un excellent président de séance !

M. Maurice Leroy. Je sais encore quel est le règlement de notre Assemblée nationale.

Cette discussion est importante. Je ne sais pas si le Conseil constitutionnel sera saisi mais, le cas échéant, il sera très intéressant de voir ce qu’il dira sur le droit d’amendement, mes chers collègues. Jusqu’à preuve du contraire, au Parlement, on ne fait pas un règlement en fonction de la majorité en place, quelle qu’elle soit. Le règlement est toujours fait pour préserver les droits de la minorité et le droit d’amendement. En l’occurrence, je regrette de le dire, heureusement que Marc Le Fur – il faut lui rendre cet hommage – est intervenu ! Sinon, nous n’aurions jamais saisi ce qui se passe, nous n’aurions jamais eu cette liste qui montre quels amendements seront, eux seuls, soumis au vote.

Et, pardonnez-moi de vous le dire, monsieur Le Roux : Monseigneur est trop bon ! « Mes chers collègues de l’opposition, vous allez tous pouvoir parler ! » Mais quelle chance ! C’est formidable !

Mme Catherine Vautrin. Ce serait trop beau !

M. Patrick Hetzel. Quelle mascarade !

M. Maurice Leroy. On peut vous laisser seuls entre vous, aussi ! La question, ici, ce n’est pas de parler, mes chers collègues, c’est de soumettre ses amendements au vote. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Ensuite, il y a une majorité et une opposition, c’est la démocratie, mais la moindre des choses est que les amendements soient soumis au vote. Or qu’est-ce que j’apprends ? Si seuls les amendements qui figurent sur cette liste qui vient de nous être distribuée sont appelés à être soumis au vote, alors tous les amendements appelés à tomber doivent être transformés en sous-amendements à l’amendement de la commission des lois. C’est ainsi que ça doit se passer au plan parlementaire afin qu’au moins le droit d’amendement soit préservé dans cet hémicycle, et que les amendements déposés puissent être soumis au vote !

Je demande donc solennellement, monsieur le président, que le droit d’amendement soit préservé, parce que ce qui se passe maintenant est gravissime. Nous sommes déjà en train d’examiner, en plein mois de juillet, un texte qui est tout de même fondamental. On nous a déjà saucissonné le débat hier, il n’a pu avoir lieu entre 21 heures 30 et 23 heures 30, et des collègues qui ont des engagements ne pourront pas être présents demain. Or c’est quand même un texte majeur ; on ne cesse de le dire sur les bancs du Gouvernement.

Voilà que le droit d’amendement est en cause, même si mon petit doigt me dit que cette affaire ne vise pas seulement l’opposition.

M. Philippe Vigier. En effet !

M. Maurice Leroy. Je me demande si elle ne permet pas de régler les problèmes internes du Parti socialiste :…

M. Marc Le Fur. Il y a un peu de ça !

M. Maurice Leroy. …allez, la commission dépose un amendement, on le met aux voix, et tout le reste tombe, y compris des amendements émanant de collègues socialistes.

Le droit d’amendement existe, et doit être préservé. Je demande donc solennellement, monsieur le président, que tous les collègues auteurs d’amendements appelés à tomber puissent, comme cela a toujours été le cas dans cette enceinte, transformer ceux-ci en sous-amendements. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Personne ne pouvait imaginer que cette discussion serait facile, compte tenu de la complexité des enjeux et de la difficulté de bâtir une carte, et j’entends les propos que vient de tenir notre collègue Leroy. Je voudrais lui dire comment la commission a travaillé. Les difficultés que nous évoquons à l’instant, nous les avons connues en commission, pour les mêmes raisons : chaque collègue a une carte, et il a envie d’essayer de convaincre, pour transformer ses convictions en une réalité concrète. J’ai d’ailleurs noté qu’il y avait assez peu de certitudes dans ce domaine, mais beaucoup de convictions.

Comment avons-nous procédé en commission des lois ? Nous avons suggéré à tous nos collègues, même ceux qui n’étaient pas membres de la commission, d’intervenir pour expliquer quelle était leur lecture. Nous avons eu vingt-deux interventions. Tout le monde a pu s’exprimer. Ensuite, il y a eu une proposition du rapporteur. Nous avons voté sur celle-ci, puis sur tous les autres amendements ou sous-amendements qui suivaient. Nous avons procédé exactement de la même manière pour la séance.

Tout à l’heure, Marc Le Fur ne comprenait pas pourquoi l’amendement de la commission était examiné en premier. La raison est très simple. Nous avons constaté, au sein de la commission, qu’il y avait des variétés infinies d’amendements. Certains considéraient qu’il fallait bâtir une carte totalement nouvelle, différente de celle du Gouvernement. D’autres considéraient que la base du Gouvernement était acceptable, mais voulaient modifier quelques régions, à périmètre constant. D’autres encore considéraient qu’il fallait dissocier les périmètres des régions pour travailler département par département. Il est donc difficile d’appliquer le jugement classique, de distinguer l’amendement éloigné et l’amendement proche.

M. Laurent Wauquiez. Ce n’est pas difficile, puisque vous venez de faire une classification !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Nous avons donc retenu une méthode qui avait fonctionné en commission, et ce sans contestation. Je veux répéter aussi que la capacité de chaque parlementaire à déposer des amendements ou des sous-amendements est évidemment un droit. Personne n’envisage de l’en priver.

M. Maurice Leroy. Il ne s’agit pas de les déposer, il s’agit de les soumettre au vote !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Je vais y venir, monsieur Leroy, mais, pour qu’il y ait des votes, il fallait qu’il y ait des amendements et, éventuellement, des sous-amendements.

Le texte de la commission des lois est connu depuis mardi soir. Tous les parlementaires pouvaient donc proposer des sous-amendements à l’amendement du rapporteur. (« C’est faux ! » sur de nombreux bancs des groupes UMP et UDI.) J’entends le brouhaha, mais il ne change rien à la réalité que je viens de rappeler. Vous avez présidé cette assemblée, monsieur Leroy, vous venez de le rappeler ; vous connaissez donc cela parfaitement.

Non seulement tous les parlementaires qui ont déposé des amendements mardi en commission les ont défendus mais en plus ils ont été soumis au vote. Il n’y a aucune espèce de raison pour qu’il en aille différemment dans l’hémicycle. Je ne vois pas ce qui nous priverait de procéder ainsi. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Écoutez, je veux bien qu’on ait des discussions byzantines, mais essayons de procéder de bonne foi, tout le monde y gagnera, et la clarté du débat y gagnera aussi.

M. Laurent Wauquiez. Quelle clarté ?

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Si vous ne voulez pas de la clarté, eh bien, alors, nous utiliserons d’autres arguments.

Je redis ici qu’il y a des amendements qui, évidemment, tomberont si l’amendement du rapporteur est adopté, mais c’est vrai pour tous les textes.

M. Maurice Leroy. Ce n’est pas le sujet !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Vous nous dites : « On va déposer des sous-amendements. » J’appelle votre attention sur le fait que vous ne pouvez plus, aux termes du règlement, déposer de sous-amendements sur l’amendement déposé par la commission puisqu’un autre amendement a été appelé depuis lors. Tel est le règlement de l’Assemblée nationale.

M. Laurent Wauquiez. C’est un déni de démocratie !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Je suis là pour rappeler les règles qui régissent habituellement nos échanges. Si vous estimez qu’elles ne sont pas respectées, vous déposerez un recours devant le Conseil constitutionnel, qui jugera lui-même, mais je veux dire ici que la procédure a été strictement respectée, et ce n’est pas contestable si on est de bonne foi.

M. Éric Woerth. La bonne foi, c’est de ne pas discuter ? N’importe quoi !

M. le président. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour un rappel au règlement.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. La mauvaise foi, c’est de dire ce que vous dites, monsieur le président de la commission des lois !

Je ne sais pas à quel moment interviendra le vote sur l’amendement du rapporteur – ce sera le moment central de ce débat – mais je réitère ma demande de tout à l’heure : appliquons l’article 63, alinéas 3 et 4, et procédons à un vote par division. Nous nous prononcerions sur chacun des alinéas pris un par un plutôt que par un vote bloqué sur l’ensemble de l’article. Cela respecterait la liberté d’appréciation et de vote de chaque député, quel que soit le groupe auquel il appartient.

M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez, pour un rappel au règlement.

M. Laurent Wauquiez. Le président de la commission des lois nous donne le sentiment que la séance se déroule parfaitement, que c’est absolument organisé, qu’on applique le règlement tranquillement et que tout se passe à merveille. Je voudrais quand même que l’on marque un petit temps d’arrêt pour considérer ce qui est en train de se passer.

M. Maurice Leroy. C’est hallucinant !

M. Laurent Wauquiez. Vous êtes incapables, à ce stade, de savoir de quel côté de la pièce vous faites basculer des régions entières. Vous avez été obligé de faire une suspension de séance monumentale, à vingt-trois heures, avec une masse de conseillers qui se sont groupés à la sortie de l’hémicycle en catastrophe, pour essayer de rafistoler rapidement les débris de votre majorité sur cette question. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis. Cela n’avait aucun rapport !

M. Laurent Wauquiez. Je voudrais juste que l’on puisse tenir le cap de notre débat. Pourquoi ? Parce que vous êtes incapables d’asseoir votre découpage des régions sur un minimum de critères objectifs. Est-ce que vous pensez que la Convention n’avait pas un minimum de critères objectifs ? Que François Mitterrand a découpé les régions dans un désordre tel que celui d’aujourd’hui ? Vous êtes incapables de savoir de quel côté vous faites basculer la démocratie ! La première réalité qui s’impose à nous, comme une évidence frappante, et cela peut être ressenti comme une humiliation par nos collègues picards, par nos collègues d’Alsace, par nos collègues de Lorraine, par nos collègues de Champagne-Ardenne, c’est que vous jouez leur destin à 23 heures 45, au gré de vos petits accords, en fonction de vos amendements et sous-amendements.

Deuxième chose, à cette image d’amateurisme que vous donnez, à cet abaissement du fonctionnement de la République et de la démocratie, vous ajoutez un déni de démocratie.

Mme Martine Pinville. Oh, ça suffit !

M. Laurent Wauquiez. Non, ça ne suffit pas ! L’opposition a encore le droit de s’exprimer, même si ça vous dérange.

La deuxième chose, c’est donc ce déni de démocratie. Je voudrais savoir qui, ici, préside nos débats. Le président de séance lui-même, au début, a fixé le principe…

M. le président. Monsieur Wauquiez, je vous demande de bien vouloir modérer vos propos sur ce point. Il y a un président de séance, c’est moi, et, à moins que vous ne vouliez mettre en cause le président de séance, je vous demande de faire attention à ce que vous dites.

M. Laurent Wauquiez. Monsieur le président, ce que nous faisons, c’est justement apporter un support à ce qui était le cadrage que vous-même aviez fixé à nos débats.

M. le président. Laissez-moi assumer seul la présidence, monsieur Wauquiez.

M. Laurent Wauquiez. Très bien.

M. le président. Je n’ai pas besoin de votre aide pour cela. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Laurent Wauquiez. Monsieur le président, est-ce que je me trompe ? Vous avez fixé au début de la séance le principe suivant : tous les amendements seront discutés. C’est le principe que vous-même avez fixé. Est-ce que je me trompe, monsieur le président ? Vous avez donc vous-même fixé le principe : tous les amendements seraient discutés.

M. le président. Ils le seront !

M. Laurent Wauquiez. Ce que nous apprenons là, avec cette liste… Cela ne nous est jamais arrivé, je n’ai jamais vu ça… On nous donne une liste, dans laquelle on nous explique que toute une série d’amendements, contrairement à la parole donnée par le président,…

M. le président. Non ! Non !

M. Laurent Wauquiez. …ne feront pas l’objet de discussions. (« Mais si ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Si !

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis. Il ne comprend rien !

M. Laurent Wauquiez. Alors, à propos de ces amendements, je voudrais revenir sur les propos que vous avez tenus, monsieur le président de la commission des lois. Vous-même en avez fait une classification. Vous-même avez indiqué que certains remettaient complètement en cause de la carte du Gouvernement, alors que d’autres en partaient. Vous avez donc vous-même opéré une classification selon la proximité des amendements au texte. Vous avez donc vous-même souligné que la logique de notre règlement voudrait que ces amendements soient discutés en fonction de cette catégorisation. Et vous nous expliquez ensuite qu’il est impossible de les trier en fonction de nos règles habituelles !

J’en reviens donc à un point qui est très simple. Sauf à ce que vous vouliez achever de donner une image d’immense désordre autour de la réforme que vous défendez, je vous exhorte tout simplement à suivre les règles classiques de notre droit d’amendement et à offrir la possibilité à chacun de nos collègues qui ont déposé des amendements de les transformer en sous-amendements pour qu’ils puissent être discutés. C’est la meilleure façon de faire pour que chacun puisse s’exprimer, pour que nos collègues alsaciens disent ce qu’ils ont à dire, pour que Marc Le Fur puisse dire ce qu’il souhaitait. Toute autre solution vous expose au risque de donner une image pitoyable qui ajouterait à l’amateurisme le déni de démocratie.

M. le président. Il me semble nécessaire de préciser quelques éléments. D’abord, j’ai en effet évoqué le fait que tous les amendements seraient discutés : ils le seront.

Plusieurs députés du groupe UMP. Très bien !

M. le président. Mais ils le seront évidemment dans les mêmes conditions qui s’appliquent à chaque texte que nous examinons dans cet hémicycle.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Bien sûr !

M. le président. Lorsqu’un article est modifié par un vote, les amendements suivants qui concernaient cet article tombent.

M. Maurice Leroy. L’entourloupe est là !

M. le président. Il en est ainsi pour cette discussion. Ces amendements portent sur la carte, mais formellement ils portent sur un article.

Notre collègue Maurice Leroy a en effet assumé les fonctions de vice-président de cette assemblée avec les qualités qu’on lui connaît. Il ne peut donc méconnaître le fait que l’organisation des débats est la prérogative de la présidence. Elle a été proposée par le président Bartolone ; le déroulement de nos travaux suit donc l’ordre voulu par la présidence.

M. Maurice Leroy. Oui, mais avant la suspension de séance, nous n’avions pas ce document ! (M. Leroy brandit une feuille de papier sur laquelle figure une liste d’amendements.)

M. le président. Bien évidemment, le dépôt de sous-amendements n’est soumis à aucun délai, sous réserve que la discussion de l’amendement sur lequel il porte ne soit pas achevée. Mon collègue Marc Le Fur, qui est lui aussi vice-président de notre Assemblée, ne peut l’ignorer.

M. Marc Le Fur. Exactement ! Et nous y tenons !

M. le président. Or la discussion des amendements identiques nos 487 et 490 a été achevée.

Plusieurs députés du groupe UMP. Mais non !

M. le président. Permettez que je poursuive. Elle a été achevée. Simplement, au cours de la discussion, deux de nos collègues – MM. Straumann et de Rugy – ont déposé des sous-amendements. Après avoir été examinés par le service de la séance, ils m’ont été transmis. Ce sont ces deux sous-amendements que j’ai évoqués tout à l’heure. Il est donc clair que déroulement de notre séance est correct.

La liste brandie par M. Leroy il y a quelques instants m’a été demandée au cours de la suspension de séance par les présidents de groupe, afin de faciliter le travail en séance. Elle récapitule les amendements qui, dans le cas où les amendements identiques nos 487 et 490 du rapporteur et de M. Le Roux seraient adoptés, ne tomberaient pas. J’ai fourni cette liste pour répondre à une demande des présidents de groupe.

M. le président Vigier est venu nous signaler un amendement qui, selon lui, ne devrait pas tomber. Le service de la séance est en train d’examiner ce point. Très sincèrement, mes chers collègues, je comprends tout à fait le sens des interventions des uns et des autres. Elles sont parfaitement légitimes, mais je répète que ce soir, nous suivons exactement les règles qui s’appliquent à tous les autres textes que nous examinons.

M. Maurice Leroy. C’est faux ! Je le conteste !

M. le président. Je rappelle également que le temps législatif programmé s’applique à ce débat. Ainsi, toutes les armes procédurales auxquelles vous pourrez recourir seront décomptées de votre temps de parole. Si vous voulez contester l’application de ces règles, vous pourrez le faire devant les institutions compétentes. Je répète clairement, au nom de la présidence, que les choses ont été faites dans les règles.

M. Maurice Leroy. Eh bien moi je vous dis clairement, au nom du Parlement, que vous ne respectez pas le droit d’amendement !

M. le président. Monsieur Leroy, s’il vous plaît !

Le droit d’amendement est respecté…

M. Maurice Leroy. Non, vous le bafouez !

M. le président. Vous savez très bien quelles conditions s’appliquent au dépôt de sous-amendements. Je vous propose donc d’en rester là. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

S’il vous plaît, mes chers collègues, un peu de calme ! Monsieur Hetzel, est-ce vous qui présidez ? Laissez-moi présider : j’ai très bien vu le président Jacob.

MM. Jacob, Vigier et Schwartzenberg m’ont demandé la parole pour des rappels au règlement. Avant de leur céder la parole, je vous propose de faire en sorte que ces débats soient les plus sereins possible.

M. Laurent Wauquiez. Vous faites tout pour qu’ils ne le soient pas !

M. le président. Chacun est libre de s’exprimer, mais pas de dire le contraire de la vérité à propos de la manière dont cette séance se déroule.

La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

M. Christian Jacob. Monsieur le président, vous nous avez appelés à la sérénité. Je vous rappelle donc, avec beaucoup de sérénité, ce que vous avez dit tout à l’heure ; vous avez dit que tous les amendements pourraient être présentés et débattus. Un certain nombre d’amendements vont tomber : suite à la discussion que nous avons eue, vous nous avez présenté la liste des amendements qui ne tomberont pas, et pourront donc être mis en discussion. Or le droit d’amendement n’est pas uniquement le droit de présenter un amendement, c’est aussi le droit de le soumettre au vote !

Nous avons tous intérêt à ce que cette séance se déroule correctement. Nous proposons que les amendements qui seront présentés, mais tomberont, soient soumis au vote sous forme de sous-amendements. À ce moment-là, notre débat redeviendra serein, et sera conforme à notre Règlement : les sous-amendements auront été à la fois présentés et soumis au vote. Cela ne changera pas grand-chose : cela prendra simplement le temps d’un vote ; et de toute façon, la procédure du temps programmé s’applique. Cela ne créerait donc absolument aucun risque de dérapage ou de blocage de la séance !

Nous disons simplement qu’en vertu du droit d’amendement, nous avons non seulement le droit de présenter des amendements, mais aussi celui de les soumettre au vote. C’est le sens de notre Règlement !

Acceptez donc cette suggestion : cela ne changera rien au temps que durera l’examen de ce texte, puisque ce temps est programmé, et cela permettra d’avoir un débat serein, dans lequel chacun pourra tenter de convaincre le Gouvernement et le rapporteur. Après cela, ma foi, l’Assemblée délibérera, et les amendements qui seront adoptés seront inclus dans le texte final. Ce n’est pas plus compliqué que cela !

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour un rappel au règlement.

M. Philippe Vigier. Merci, monsieur le président. Je crois que nous vivons un moment très important et très grave. J’ai en mémoire quelques débats précédents, lorsque la majorité d’aujourd’hui était l’opposition. Elle ne manquait pas, alors, une occasion de rappeler les droits fondamentaux du Parlement. Vous étiez prompt, alors, monsieur Le Roux, à vous draper dans la toge de la vertu !

La carte des régions est sortie un lundi soir à 21 heures dans les conditions que nous connaissons.

M. Marc Le Fur. C’était le 2 juin dernier. Triste journée !

M. Philippe Vigier. Elle a ensuite été modifiée une première fois, en partie, par le rapporteur de ce projet de loi. Ensuite a eu lieu une réunion de la commission des résolutions du Parti socialiste, rue de Solférino.

M. Luc Belot. Ce n’est pas un rappel au règlement !

M. Philippe Vigier. Laissez-moi m’exprimer ! Mon intervention porte sur le déroulement de nos débats !

M. le président. Poursuivez, monsieur le président Vigier.

M. Philippe Vigier. Bruno Le Roux a dit tout à l’heure quelque chose d’important. Nous travaillons en toute transparence, en essayant de faire en sorte que la représentation nationale apporte sa pierre à l’édifice. S’il y a bien un groupe politique auquel on ne peut pas reprocher de ne pas s’être montré constructif depuis le début de l’examen de ce texte, c’est l’UDI. Nous l’avons prouvé encore une fois tout à l’heure après que Jean-Christophe Fromantin a interrogé le ministre pour savoir comment nos débats seraient conduits.

Chacun sait quel chemin a parcouru cette carte des régions. Pour ma part, je l’ai bien en mémoire. Ce n’est pas un reproche que je fais à Bruno Le Roux !

Revenons à notre débat. Tout à l’heure, la séance a été suspendue suite à l’intervention de notre collègue Marc Le Fur. J’ai été celui des présidents de groupe qui a demandé cette liste avec le plus d’acharnement. En effet, dans cette discussion, il est possible de parler, de palabrer sur tous les amendements. On peut le faire, c’est vrai : j’en donne acte à M. le président. Mais la règle fondamentale selon laquelle les amendements présentés doivent être votés n’en est pas moins valable, que ces amendements soient présentés par des membres de la majorité ou de l’opposition. Maurice Leroy l’a très bien dit tout à l’heure.

Messieurs les ministres, franchement, ce sujet est grave. C’est un projet de loi fondateur. Tous les députés, sur tous les bancs de cet hémicycle, veulent faire avancer cette question. Nous ne pouvons accepter que l’on nous interdise de nous exprimer et de voter ! Je suis parlementaire depuis plusieurs années : nous avons toujours eu le droit de déposer un sous-amendement – y compris en séance – tant que l’amendement sur lequel il porte n’a pas été voté, sauf à ce que l’on me démontre le contraire ! Je souhaite que tout cela figure au compte rendu, car le Conseil constitutionnel devra s’y intéresser.

Contrairement à ce qui s’est passé au Sénat, où je rappelle que ce texte a été complètement dénaturé, nous essayons d’avancer. Cette liste que j’ai demandée, chers collègues, reprend uniquement les amendements qui seront votés : tous les autres vont tomber. Monsieur le ministre, je tiens à vous dire la chose suivante : on nous dit que Claude Bartolone, le président de l’Assemblée nationale, aurait organisé les débats, mais je témoigne que jamais, à aucun moment, la Conférence des présidents n’a abordé cette question – vous aussi, monsieur le président, pouvez en témoigner, car vous étiez présent. Je parle là sous le contrôle de Christian Jacob, de François de Rugy et de Roger-Gérard Schwartzenberg – quant à Bruno Le Roux, peut-être était-il dans la confidence ?

Enfin, monsieur le président de la commission des lois, je tiens à vous dire que ce qui se passe en commission et ce qui se passe en séance sont deux choses complètement différentes. De grâce, ne bafouez pas ainsi les droits élémentaires du Parlement, en plein été et sur un texte aussi important : la France s’en souviendrait ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. le président. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour un rappel au règlement.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Monsieur le président, j’ai beaucoup de respect pour la manière dont vous présidez. Cependant je voudrais rectifier un point : vous avez dit tout à l’heure que les présidents de groupe ont été consultés à propos de la liste des amendements qui doivent être discutés. Or je n’ai été consulté à aucun moment !

M. le président. Pardonnez-moi de vous interrompre, mais M. Tourret est venu me voir pendant cette suspension de séance, en me disant qu’il vous suppléait pendant cette réunion.

M. Gérald Darmanin. C’est un putsch ! (Sourires.)

M. le président. Je vous prie de croire, monsieur Schwartzenberg, que ce que je vous dis est exact.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Bien, d’accord, oublions cela. Pardonnez ma spontanéité, dont les résultats sont parfois paradoxaux. (Sourires.) Abandonnons cet argument, puisque c’est vous qui avez raison sur ce point.

En revanche, je voudrais obtenir une réponse à une question que j’ai déjà posée, et que je pose pour la dernière fois. Si je n’ai pas de réponse à cette question, je demanderai une suspension de séance.

J’ai demandé à deux reprises déjà au Gouvernement, au président de la commission, et à défaut, au président de séance, de recourir, au moment où l’amendement de M. le rapporteur sera examiné, à la procédure du vote par division. Je voudrais obtenir maintenant une réponse sur ce point, qui est essentiel.

M. le président. Le vote par division n’est pas de droit, sauf demande du Gouvernement ou du président de la commission concernée.

M. Maurice Leroy. C’est le président de séance qui décide ! Relisez le Règlement !

M. le président. S’il vous plaît, monsieur Leroy, cessez de m’interrompre !

La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Vous avez rappelé que la procédure du temps législatif programmé s’applique à ce débat. Tout cela n’est donc pas très grave : le temps s’écoule, les groupes politiques l’utilisent comme ils le souhaitent. S’ils veulent consacrer du temps à parler de la procédure, on peut le faire : au bout du compte, cela ne change rien. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est lamentable ! C’est de la provocation ! Ce n’est pas digne !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Je pense, pour ma part, qu’il serait plus utile de discuter du fond. (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. S’il vous plaît, seul M. le président Urvoas a la parole.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Je ne fais que rappeler l’évidence, c’est tout !

M. Maurice Leroy. Que craignez-vous ? Vous êtes majoritaires ! Mettez donc ces amendements aux voix !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Vous m’avez posé des questions, laissez-moi y répondre !

Je répète – car à entendre vos interventions, il ne m’a pas semblé que c’était clair pour vous – que l’amendement du rapporteur est en ligne sur internet et consultable par tous depuis mardi à 21 heures. Les parlementaires qui l’ont voulu, notamment Marc Le Fur, ont déposé des sous-amendements. Tous les parlementaires pouvaient déposer des sous-amendements à l’amendement du rapporteur depuis mardi à 21 heures.

M. Maurice Leroy. C’est faux ! D’ailleurs Marc Le Fur n’a déposé son sous-amendement qu’au cours de cette séance !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Vous ne l’avez pas fait : ne nous le reprochez pas.

Ensuite, vous semblez découvrir que les amendements d’une discussion commune tombent quand un amendement précédent de la même discussion commune est adopté. Mais c’est le B-A BA du travail parlementaire : tout le monde sait cela, ne faites pas semblant de le découvrir aujourd’hui !

M. Maurice Leroy. C’est faux ! Assumez votre entourloupe !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Enfin, je répondrai au président Schwartzenberg à propos des alinéas 3 et 4 de l’article 63 du Règlement de l’Assemblée nationale. Je rappelle, à l’intention des collègues qui n’ont pas lu cet article, que le vote par division n’est pas de droit : il doit être demandé par le Gouvernement ou la commission saisie au fond.

Je suis hostile au vote par division…

M. Maurice Leroy. Au moins c’est clair !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. …au nom du principe de cohérence. L’amendement du rapporteur n’a pas été écrit de manière byzantine et aléatoire : la commission a réfléchi sereinement. Un vote par division ferait courir le risque que des régions restent en suspension, sans rattachement : ce serait absurde. Un certain nombre de vos amendements proposent même de créer des régions sans continuité géographique ! Je m’oppose donc au vote par division au nom du principe de cohérence.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin.

M. Jean-Christophe Fromantin. Je regrette que, depuis quasiment une heure et demie, on ne parle que de procédure législative ou juridique. Nous aurions pu, pendant ce temps, examiner plusieurs amendements et débattre du fond.

S’agissant du déroulement du débat en commission des lois, je vous rappelle, monsieur le président de la commission des lois, que nous débattions au même moment de ce sujet en commission du développement durable. Ceux qui, comme moi, avaient un amendement à présenter à cette commission, ne pouvaient pas le défendre également en commission des lois, de sorte qu’ils espéraient, comme l’a suggéré tout à l’heure M. le ministre, pouvoir le faire ce soir en séance.

Je trouve dommage que, s’agissant d’un débat que vous avez tous qualifié de fondateur, l’on se réfugie derrière des questions de procédures et des rappels au règlement pour gagner du temps. Il est scandaleux de nous avoir dit que, puisque nous étions en temps législatif programmé, nous pouvions continuer de parler car, de toute façon, la majorité arrivera à ses fins ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. Laurent Wauquiez. Quel mépris !

M. Jean-Christophe Fromantin. C’est faire peu de cas d’un débat fondamental ! Nous parlons de territoires comme les Pays de la Loire, l’Alsace, la Meurthe-et-Moselle, la Savoie, dans lesquels vivent des millions de Français. Ils n’accepteront pas la tournure que prend le débat de ce soir, qui se réduit à une querelle sur les articles du règlement intérieur.

M. Sébastien Denaja. Ils s’en fichent !

M. Jean-Christophe Fromantin. Si vous avez confiance en la carte que vous avez présentée, acceptez le débat et la présentation de nos amendements sous la forme de sous-amendements. Je vous assure que tout le monde y gagnera !

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, et vous connaissez la suite.

M. Marc Le Fur. Et les mots pour le dire arrivent aisément ! (Sourires.)

Mme Isabelle Le Callennec. Merci !

M. Laurent Wauquiez. C’est la solidarité bretonne !

Mme Isabelle Le Callennec. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la confusion règne. Depuis une heure, vous apportez la preuve, s’il en était besoin, que votre méthode est la pire qui soit. Lors de la discussion générale, j’ai dit que les Français souhaitaient une réforme mais ne voulaient pas qu’elle « mette le feu. » Or, c’est précisément ce que vous faites !

Je reviens à l’amendement du rapporteur, qui est le point de départ de notre discussion. Vous nous avez annoncé que, s’il était adopté, un grand nombre d’amendements tombaient.

M. Sébastien Denaja. Quelle surprise !

Mme Isabelle Le Callennec. Nous comprenons que certains d’entre eux ne pourront même pas être défendus. Or, M. Le Roux et M. le rapporteur eux-mêmes nous ont dit que cette carte était imparfaite. Selon M. Le Roux, il ne s’agit pas simplement d’un découpage administratif ou même électoral – permettez-nous d’en douter quelque peu. En effet, cet amendement modifie la nature même de notre République. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Sébastien Denaja. La forme de l’État reste identique !

Mme Isabelle Le Callennec. On ne peut pas accepter cette façon de travailler, qui voudrait que la majorité, le petit doigt sur la couture du pantalon, adopte un amendement qui ait autant de conséquences. S’il en est ainsi, arrêtez de laisser croire que l’on peut s’exprimer et que la démocratie est à l’honneur !

J’ai une seule question, monsieur le ministre : pourrez-vous dire clairement aux Français concernés, qui découvriront cette disposition demain au réveil si elle est votée, quelles seront les conséquences concrètes de cet amendement qui procède à un « ajustement du découpage » ?

On ne sait toujours pas si vous êtes pour ou contre la clause de compétence générale. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Quelles seront donc les compétences des nouvelles régions ?

On ne sait toujours pas comment vous financerez les futures régions.

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis. Vous êtes complètement à la dérive !

Mme Isabelle Le Callennec. On ne sait toujours pas quelle sera leur fiscalité. Et quid des fonctionnaires territoriaux ?

M. Marc Le Fur. Ils sont inquiets !

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis. M. Fasquelle défendait le projet de loi, tout à l’heure !

Mme Isabelle Le Callennec. Cela vous amuse de jouer aux apprentis sorciers ? Vous avez choisi la pire des méthodes. Vous ne mettrez jamais personne d’accord sur le redécoupage des régions. De grâce, reprenez l’ouvrage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth.

M. Éric Woerth. La commission des finances est plus claire que la commission des lois. Je n’ai jamais vu un débat comme celui-là sur des textes aussi importants ! C’est incroyable !

Je suis venu pour discuter du rattachement de ma région, la Picardie, au Nord Pas-de-Calais. C’est une idée saugrenue ! La semaine dernière, nous étions rattachés à la Champagne-Ardenne, qui, d’ailleurs, ne voulait pas de la Picardie ! Au demeurant, le Nord Pas-de-Calais n’en veut pas non plus !

Plusieurs députés du groupe UMP. Si, si !

M. Éric Woerth. C’est donc une vraie question, dont il me semble naturel de vouloir discuter. Or, par une sorte de coup de force, j’apprends soudainement que nous n’allons pas en discuter. C’est une sorte d’entourloupe législative !

Il n’y a pas eu de débat avant le texte, aussi important soit-il. Quels sont les parlementaires, hormis probablement ceux du groupe socialiste, qui ont été invités à en débattre avec le Gouvernement ? Pas moi, en tout cas. Je ne sais pas si certains de mes collègues ont été interrogés sur l’avenir de leur région.

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Il fallait venir en commission !

M. Éric Woerth. Donc pas de débat avant, mais pas non plus de débat pendant, ni bien sûr après ! Nous aurons transformé l’organisation administrative, politique, sociale, économique de notre pays, sans aucun débat.

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Ce n’est pas vrai !

M. Éric Woerth. Parce que le Gouvernement ou la commission des lois aura eu la lubie de déposer un amendement qui fait tomber tous les autres, nous n’aurions aucun droit à la parole ? Ce n’est pas acceptable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour un rappel au règlement.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Le président de la commission des lois a répondu, de manière antidémocratique, certes, mais c’est tout de même une réponse.

Mme Catherine Vautrin. Tout va bien dans la majorité !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Le Gouvernement, lui, n’a pas répondu. Il est un peu regrettable qu’un ministre interrogé par un président de groupe reste muet et se refuse à répondre.

M. Patrick Hetzel. Quel mépris incroyable !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Mais enfin, plus rien ne nous étonne dans le cadre de cette séance. Je demande une suspension de séance de cinq minutes, afin de revenir à des procédés plus usuels.

M. le président. Je précise simplement qu’il me revient de distribuer la parole dans l’ordre où elle m’est demandée, et que M. Leroy, M. Le Roux, M. le ministre, M. Reiss me l’ont demandée. Cependant, les rappels au règlement ont la priorité sur les prises de parole. La demande de suspension de séance est de droit et, bien évidemment, je veux bien y accéder. Cela signifie cependant que vous n’obtiendrez les réponses attendues qu’après la suspension de séance. Elle ne me semble pas forcément bonne pour le déroulement de nos travaux, mais elle est de droit. Je rappelle que les suspensions de séance sont décomptées du temps législatif programmé.

M. Marc Le Fur. Cela leur permettra de réfléchir !

M. le président. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Cette suspension de cinq minutes permettra à certains de retrouver l’usage de la parole. Par conséquent, mettons-la à profit !

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue le vendredi 18 juillet 2014 à zéro heure vingt, est reprise à zéro heure trente.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. Maurice Leroy, pour un rappel au règlement.

M. Maurice Leroy. Tout d’abord, je vais donner lecture de l’alinéa 4 de l’article 63 de notre Règlement, pour que ce que je dis là soit inscrit à notre procès-verbal, en écho à la demande du président Roger-Gérard Schwartzenberg, dont je rappelle qu’il fait partie de votre majorité – je crois bon de le repréciser ce soir...

« Le vote d’un texte par division est de droit, lorsqu’il est demandé par le Gouvernement ou la commission saisie au fond. Dans les autres cas, le président » – monsieur le président, je vous l’ai dit au banc, vous l’avez contesté, donc maintenant je vous lis le Règlement – « après consultation éventuelle du Gouvernement, ou de la commission, décide ». Vous avez consulté la commission, et c’est le président Urvoas qui a dit qu’il était contre. Vous ne vous êtes pas exprimé, on le verra au compte rendu.

Vous avez donc commencé par ne pas respecter cet article 63 du règlement. J’en redonne une nouvelle fois la lecture : « Dans les autres cas, le président, après consultation éventuelle du Gouvernement, ou de la commission, décide ». C’est le président qui décide s’il y a lieu de voter par division ou non. Et vous ne l’avez pas fait.

Donc, déjà, vous êtes pris en flagrant délit de ne pas avoir respecté le règlement.

M. Xavier Bertrand. C’est un coup de force !

M. Maurice Leroy. Oui, c’est le cas. C’est le président Urvoas qui l’a dit, et pas le président de séance, donc le règlement n’a pas été respecté.

Deuxième élément : j’ai évoqué le droit d’amendement. J’ai présidé les débats ici.

M. Jacques Valax. On le sait, vous l’avez déjà dit. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Maurice Leroy. Encore un instant, madame le bourreau, encore un instant. De toute façon, vous êtes ravis : nous consommons notre temps programmé. Donc c’est formidable : la buvette est ouverte, on peut se restaurer, on peut aller ailleurs. Ce n’est pas une obligation d’être en séance. Libérez-vous !

La question de fond qui est posée ce soir est celle du droit d’amendement.

M. Xavier Bertrand. Exactement !

M. Maurice Leroy. Et, mes chers collègues de la majorité, vous devriez être prudents, par rapport à ce qui se passe ce soir : comme l’alternance politique est inscrite dans les faits (Protestations sur les bancs du groupe SRC), notre défense des droits de l’opposition vous sera profitable un jour, à votre tour. Donc vous ne devriez pas être aussi cyniques, parce que le droit d’amendement, ça ne se divise pas, ça vaut pour toutes oppositions alternativement.

Autre élément : je ne comprends pas, effectivement, cette façon de faire – je m’adresse au président de la commission des lois. Monsieur le président, lorsqu’on préside, et tous les présidents de séance ici le savent, on reçoit régulièrement, pendant la séance, au cours des débats, des sous-amendements, parfois même sous forme manuscrite. Le propre d’un sous-amendement est précisément de trouver la solution dans la discussion.

Cela, vous ne pouvez pas le contester. Par conséquent, vous ne pouvez absolument pas dire, sauf à bafouer le droit d’amendement des parlementaires, je le dis solennellement, qu’on ne peut pas transformer nos amendements en sous-amendements. C’est absolument faux : c’est bafouer le droit d’amendement, ne vous en déplaise.

M. Xavier Bertrand. Exactement.

M. Maurice Leroy. Ces réflexions relatives à la forme et au droit étant faites, j’en viens maintenant au fond, car comme disait Victor Hugo, « la forme, c’est le fond qui remonte à la surface ». Mes chers collègues du groupe socialiste, que craignez-vous ? On n’est pas au Sénat, ici ! Au Sénat il n’y a plus un seul texte qui passe. On le comprend : si nous étions au Sénat, vous pourriez être nerveux. Ici vous avez une majorité, monsieur le président Le Roux, vous tenez vos troupes.

Le groupe socialiste est uni, rassemblé : il ne craint rien. Exclamations sur les bancs du groupe SRC) Le groupe socialiste est très uni. Très très uni. Très rassemblé…

M. Eduardo Rihan Cypel. Plus que la droite !

M. Maurice Leroy. Et par conséquent, vous ne craignez absolument rien ; vous ne craignez pas de mettre nos sous-amendements au vote. Et comme nous travaillons dans le cadre du temps programmé, il ne peut y avoir de blocage du débat, ni de formule dilatoire.

Vous ne craignez rien, donc – sauf si, peut-être, le groupe socialiste n’est pas aussi uni qu’on peut le croire, y compris sur ces choses, et si vous craignez les votes. Car si vous ne les craigniez pas, alors à ce moment-là, on respecterait le Règlement de l’Assemblée nationale, comme cela a toujours été le cas, et le droit d’amendement. Le droit d’amendement n’est pas quelque chose que l’on peut laisser bafouer.

Nous verrons effectivement, et cela sera intéressant, ce que dira le Conseil constitutionnel de nos travaux de ce soir, en ce qui concerne le droit d’amendement et les sous-amendements.

M. le président. La parole est à M. le président Le Roux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Bruno Le Roux. Je me joins à tous ceux qui viennent d’intervenir depuis de longues minutes pour regretter que, depuis presque deux heures, nous débattions de la procédure. Mais elle doit être d’importance.

M. Maurice Leroy. C’est du fond !

M. Bruno Le Roux. Je pense que le débat que nous avons eu ne reflète pas la réalité des choses. J’entendais il y a encore quelques instants madame Le Callennec ou monsieur Woerth dire : « nous ne pourrons pas voter sur tout, et nous ne pourrons même pas défendre nos amendements ».

J’ai connu, moi, puisque vous parlez de l’opposition, un certain nombre de débats législatifs au cours desquels, parce que nous avions déposé trop d’amendements (Murmures sur les bancs du groupe UMP) – laissez-moi m’exprimer –, nous voyions arriver, à la dernière minute, un amendement du Gouvernement ou du rapporteur,…

M. Éric Woerth. Non, non, non.

M. Bruno Le Roux. …non pas une fois, non pas dix fois, mais beaucoup plus encore ! Et ces amendements faisaient tomber d’un seul coup des dizaines d’amendements que nous n’avions pas discutés, pas discutés une seule seconde ! (Protestations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Xavier Bertrand. C’étaient les mêmes, photocopiés !

M. Bruno Le Roux. Ce qui est proposé dans le débat et dans la procédure, c’est non pas d’avoir des procédures particulières de vote, mais de pouvoir discuter chacun des amendements, et donc de ne pas faire ce que vous avez fait pendant des années, à savoir faire en sorte que les amendements tombent sans avoir pu être discutés.

M. Xavier Bertrand. On attendait mieux. Vous êtes en service minimum, monsieur Le Roux !

M. Bruno Le Roux. Il faut pouvoir discuter chacun des amendements en question, un par un, et avoir ensuite des votes qui soient cohérents. Je réfute l’idée qu’il y aurait des amendements qui pourraient être déposés et qui ne pourraient pas être défendus. J’ai connu cela dans tellement de textes : ce n’est pas le cas de celui que nous examinons ce soir. Tous les amendements qui ont été déposés vont, bien entendu, pouvoir être défendus. (Plusieurs députés UMP s’exclament : « Sans vote ! »)

Le temps béni que vous regrettez, lorsque vous présidiez, monsieur Leroy, ne permettait pas cela.

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour un rappel au règlement.

M. Marc Le Fur. Tout d’abord je fais confiance au président, et en particulier au vice-président en exercice, pour diriger nos débats. Je n’ai pas de problème à ce sujet.

Deuxièmement, chacun mesure la complexité, l’embrouillamini de nos débats. Ce n’est pas le fait de la présidence, ni des services de l’Assemblée, mais d’un débat qui n’a pas été préparé, ni précédé dans le pays d’un vrai débat de fond. (Protestations sur les bancs du groupe SRC)

M. François-Michel Lambert. C’était la même chose sous Sarkozy !

M. Marc Le Fur. Donc nous arrivons avec une diversité de positions (Protestations sur les bancs du groupe SRC)… Mais si, cela vous gêne, mais c’est la réalité. Chacun comprend qu’aujourd’hui, au niveau législatif, nous sommes dans la même cacophonie que le 2 juin au niveau présidentiel. C’en est le duplicata.

Je vous propose quelque chose de très simple, monsieur le président : pour organiser nos débats, il me semble indispensable qu’il y ait un vote, et non pas simplement un échange d’arguments, sur tous les grands sujets.

M. Michel Piron. C’est ça ! C’est n’importe quoi !

M. Marc Le Fur. Chacun les entrevoit, les grands sujets. Chacun les connaît : ils sont le reflet de nos débats. Cela implique, monsieur le président Schwartzenberg, un vote par division. Je partage votre sentiment : on peut être partisan du rattachement de Poitou-Charente à l’Aquitaine, sans être nécessairement partisan du rattachement de la Picardie au Nord-Pas-de-Calais. Ce sont deux choses totalement différentes.

Donc le vote par division se justifie parfaitement dans ce type de débats. Chacun le comprend : n’est-ce pas mon cher collègue Thierry Benoit ?

Il est également indispensable que, pour permettre ce vote sur chacun des grands débats, il y ait un sous-amendement voté sur chacun des sujets. C’est pourquoi je me suis permis de déposer un sous-amendement sur la Loire-Atlantique. Et c’est pour cela qu’il est indispensable que ceux qui sont partisans de la formule puissent déposer un sous-amendement portant création d’une grande région Val de Loire, puisque c’est celle que l’on voit poindre dans nos débats.

À partir du moment où chacun de ces votes – qui peut être positif ou négatif – peut avoir lieu, et c’est la logique du débat parlementaire, à ce moment-là nous aurons un vrai débat, qui nous aura permis de trancher clairement tous les éléments qui ne peuvent pas se limiter à des débats simplement verbaux, mais qui doivent se transcrire dans une décision, sous forme d’un vote.

M. le président. Pour que les choses soient claires, il n’y aura pas de vote par division. J’en ai ainsi décidé. Puisque M. Leroy a été très précis, je lui réponds de façon très précise.

M. Maurice Leroy. Ah oui, maintenant vous y êtes obligé !

M. le président. M. le ministre m’avait demandé la parole. Je ne sais pas s’il souhaite intervenir à cet instant.

M. Laurent Wauquiez. Ce n’est quand même pas mal qu’un ministre de l’intérieur s’exprime.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je n’ai pas besoin de vos injonctions pour m’exprimer, monsieur Wauquiez. J’ai demandé la parole depuis plusieurs quarts d’heure, et, étant très attaché à la courtoisie des débats parlementaires, je prends la parole quand on me la donne.

J’ai contre les vociférations de toute nature une prévention totale. Et je trouve que, quand on est dans une grande démocratie comme la nôtre, avec un Parlement qui a un règlement, il est tout à fait normal qu’on prenne la parole quand on nous l’accorde. Et comme on ne me l’a pas accordée jusqu’à présent, je ne l’ai pas prise.

Et ce n’est pas par mutisme, monsieur le président Schwartzenberg, c’est parce qu’on ne me l’a pas donnée. Si on me l’avait donnée, je vous aurais répondu au moment où vous le souhaitiez. Je ne me souviens pas que, depuis trente ans que nous nous connaissons, nous nous soyons fait des procès d’intention. Je n’ai pas l’intention de commencer après trente ans, même s’il est vrai que généralement c’est au bout de trente ans que les amitiés se dégradent en politique (Rires).

Pour ce qui concerne le débat qui nous occupe aujourd’hui, étant issu d’un département où Tocqueville a écrit, et il était violemment modéré, je vais essayer de l’être, compte tenu de la passion qui est en train s’emparer de cet hémicycle.

Nous savons tous l’exercice difficile, monsieur le député Leroy. Nous savons parfaitement, pour avoir participé ensemble à ce débat pendant de longues heures, qu’il y a autant de points de vue que de parlementaires représentants des territoires, parce qu’il y a autant de points de vue qu’il y a de territoires. Donc nous savons parfaitement – et vous êtes un sage, donc je vous le dis en étant convaincu de partager avec vous ce point de vue – que nous pourrions utiliser tous les biais de procédure pour continuer le débat que nous avons ensemble depuis plusieurs heures : à la fin, il n’y aurait pas de carte, mais la plus grande confusion.

Ce n’est pas là, monsieur Wauquiez, affaire d’amateurisme des uns et non des autres, car nous pourrions de ce point de vue nous faire mutuellement beaucoup de procès. Il y a une procédure parlementaire. Il y a un règlement de l’Assemblée nationale. Il y a des conditions qui président au dépôt des amendements et des sous-amendements. Et nous pourrions aussi instruire un procès en amateurisme contre ceux qui ont méconnu le règlement au point de passer à côté de l’opportunité de déposer des sous-amendements. Mais là n’est pas le sujet.

Le sujet, c’est qu’il nous faut sortir de cette séance avec une carte, et au terme d’un débat que je souhaite le plus serein possible. En tout cas c’est ce que je souhaite en tant que ministre de l’intérieur.

Et je sens, notamment à travers votre intervention, madame la députée, et celle, habile bien que pas toujours nuancée, de Marc Le Fur, qu’on veut utiliser la procédure pour refaire le débat que nous avons déjà eu, et encalminer ce texte.

Eh bien, ce n’est pas le souhait du Gouvernement. Le Gouvernement souhaite que nous ayons un débat de qualité, qu’à la fin il y ait une carte, et que cette carte soit celle qui permette à cette réforme de se faire.

Deuxième remarque : nous ne partons pas de rien. Le rapporteur l’a rappelé, cette carte et ces amendements n’arrivent pas en commission sans que rien se soit passé avant. Il y a eu des débats en commission, riches, qui ont permis d’examiner et de voter un grand nombre d’amendements.

M. Antoine Herth. C’est ici que le débat doit avoir lieu !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Des amendements sont ensuite présentés par le rapporteur, autour desquels nous pouvons organiser le débat.

C’est d’ailleurs en partie grâce à la réforme de 2008, que vous avez souhaitée, qu’une grande partie du travail se fait en commission.

M. Laurent Wauquiez. Il n’a pas été fait en commission.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Nous travaillons en commission de manière à ce que, en séance, les choses aient été suffisamment décantées pour qu’il n’y ait pas la confusion que vous essayez d’instaurer, et voilà que vous nous le reprochez !

M. Laurent Wauquiez. Le débat n’a pas eu lieu, vous avez fait tomber tous les amendements.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. C’est l’esprit de la réforme constitutionnelle que vous avez souhaitée et que nous essayons de mettre en œuvre. Car, quand le Parlement de la France se dote d’un règlement intérieur au terme d’une réforme constitutionnelle, il est bon que toutes les organisations politiques s’y conforment, y compris celles qui ont pu émettre à un moment des réserves, pour que le débat soit de qualité.

Troisième remarque : le Gouvernement n’a pas à intervenir dans la manière dont le Parlement organise ses débats. Le président de séance s’est exprimé au terme d’un débat entre parlementaires. Je pourrais ajouter mon grain de sel, alors que je n’ai pas à le faire constitutionnellement, institutionnellement. Je ne le ferai pas. Ce que je souhaite, c’est que nous reprenions le débat, conformément au règlement de l’Assemblée nationale.

Je souhaite moi aussi, monsieur Leroy, monsieur Schwarzenberg, que le débat ait lieu. Profitez du temps programmé, dont c’est l’intérêt et l’avantage, pour dire tout ce que vous voulez sur l’organisation des territoires que vous souhaitez voir prévaloir, et examinons les amendements, dans le respect du règlement du Parlement, pour ne pas donner une image de confusion, d’abaissement du président, que ne souhaitent pas donner tous ceux qui, dans cet hémicycle, quelle que soit leur sensibilité, préfèrent construire plutôt que polémiquer et préfèrent une réforme à l’immobilisme. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. Daniel Fasquelle. Quelle improvisation !

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour un rappel au règlement.

M. Frédéric Reiss. Comme M. le ministre, cela fait un bon moment que j’avais demandé la parole, et j’ai attendu patiemment, monsieur le président, que vous me la donniez.

Quelle improvisation et quel imbroglio dans nos débats ! En douze ans de mandat, je n’ai jamais vécu une telle situation et je n’ai fait que très rarement un rappel au règlement. Sans doute n’ai-je pas encore saisi toutes les subtilités du fonctionnement de l’Assemblée et du vote par division que nous venons d’évoquer.

Indépendamment du sous-amendement que les députés alsaciens viennent de déposer dans l’urgence, j’avais une question très simple. D’après la feuille jaune que j’ai en main, il y a de très nombreux amendements en discussion commune, de l’amendement n487 à l’amendement n481 de M. Tourret. Comme ils ont tous été déclarés recevables par la séance, les votes ne devraient-ils pas intervenir à la fin de la discussion commune, comme j’avais cru le comprendre en début de séance ?

Plusieurs députés du groupe SRC. C’est ce qu’il a dit !

M. le président. Mon cher collègue, c’est exactement ce que j’explique depuis le début de la séance. Tous les amendements sans exception seront présentés et nous passerons ensuite au vote, l’adoption de certains d’entre eux en faisant tomber d’autres, comme c’est l’habitude dans notre travail parlementaire. Excusez-moi, je ne sais pas comment le formuler autrement.

La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Monsieur le ministre, nous ne voulons absolument pas encalminer le débat. Nous sommes en temps programmé, nous savons donc quand finira le débat. Ce que nous souhaitons simplement, c’est que, comme c’est la coutume dans notre assemblée, les amendements soient présentés et soumis au vote.

Or, ce que nous avons découvert au fur et à mesure de nos discussions et de nos rappels au règlement, c’est que le Gouvernement veut arriver à un vote bloqué pour tenir sa majorité, parce qu’il sait très bien qu’un certain nombre d’amendements de l’opposition ou peut-être de quelques collègues de sa majorité vont faire bouger la carte.

M. Maurice Leroy. Eh oui !

M. Christian Jacob. Comme le Gouvernement ne le veut pas, on revient au vote bloqué. C’est ça la réalité.

M. Maurice Leroy. Exactement !

M. Christian Jacob. Pour cela, monsieur le président, et c’est là que je suis choqué, vous empêchez que des amendements soient mis aux voix.

Plusieurs députés du groupe SRC. Mais non !

M. Christian Jacob. Mais si. Vous nous répondez que tous les amendements seront débattus, mais, selon le règlement de notre Parlement, un amendement ne peut pas être débattu sans être soumis au vote.

M. Denis Baupin. Mais si !

M. Christian Jacob. Mais non. On le transforme en sous-amendement.

Il y a une façon très claire de régler ce problème – de toute façon, il est une heure moins dix et le règlement prévoit que nos travaux s’arrêtent à une heure du matin –, c’est qu’il y ait une conférence des présidents, avec le président de notre assemblée,…

Plusieurs députés du groupe UMP. Bravo !

M. Christian Jacob. … et qu’on annonce clairement qu’il y aura un vote bloqué. Il n’y aura pas d’ambiguïté et, à ce moment-là, vous l’assumerez.

Ne dites pas, monsieur le ministre, que vous êtes favorable au débat, que vous voulez que les amendements soient présentés mais pas votés. Vous trompez. On se moque de nous. Allons donc au bout des choses, demandons au président Bartolone de réunir une conférence des présidents ; assumez le fait qu’il y aura un vote bloqué, et que ce soit terminé. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Monsieur Jacob, vous ne pouvez pas faire les questions et les réponses à la place du Gouvernement. Ce que vous dites n’est pas ce que je pense ni ce que j’ai exprimé. Si le Gouvernement voulait un vote bloqué, il le dirait. Il appartient à l’Assemblée nationale de définir les conditions dans lesquelles elle applique son règlement. Ne demandez donc pas au Gouvernement, qui est très respectueux de la manière dont fonctionne le Parlement au point de ne pas vouloir s’occuper de ses affaires, de déterminer à la place des parlementaires les conditions dans lesquelles ils doivent appliquer le règlement qu’ils se sont donné à eux-mêmes.

M. Christian Jacob. Pourquoi avoir peur de soumettre les amendements au vote ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je n’ai jamais parlé de vote bloqué. C’est la présidence de la séance qui a défini, en liaison avec vous, les conditions dans lesquelles tout cela devait se passer. N’imputez pas au Gouvernement, de façon polémique, des propos qu’il n’a jamais tenus dans cet hémicycle.

M. Christian Jacob. Pourquoi avoir peur du vote ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je n’ai peur de rien !

M. Christian Jacob. Mais si, vous avez peur de votre majorité !

M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez.

M. Laurent Wauquiez. Vous avez très bien caractérisé les choses, monsieur le ministre. Oui, il y a un procès en amateurisme, mais il ne renvoie pas à notre procédure législative ou à nos débats entre les uns et les autres. Ce procès en amateurisme, c’est le vôtre, celui du Gouvernement, celui de votre projet de loi et, si nous en sommes là, ce n’est pas juste à cause de notre procédure parlementaire, c’est parce que le projet que vous nous avez soumis est frappé de ce sceau d’amateurisme et que cela ouvre donc la voie, sur un sujet fondamental, à des amendements permettant de basculer d’une carte à l’autre de façon hallucinante.

Ce procès en amateurisme, monsieur le ministre, qui vous fait détourner le regard, vous ne pouvez pas vous en dédouaner, tel Ponce Pilate, en expliquant, avec une courtoisie qui vous honore et dont, je n’en doute pas, vous faites preuve de façon très constante, y compris pendant les questions d’actualité, que tout cela ne serait dû qu’à nos débats législatifs internes. Non ! C’est en raison de trois choix que vous avez faits que nous sommes dans ce bourbier législatif dans lequel vous enfermez la discussion aujourd’hui.

D’abord, vous avez décidé que la carte de régions ne serait négociée que par blocs.

M. Marc Le Fur. Exactement !

M. Laurent Wauquiez. Vous vous êtes ainsi exposé à des découpages totalement artificiels, notamment pour un certain nombre de nos régions, en particulier à l’ouest. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et UDI.)

Ensuite, vous avez fait le choix, par volonté de faire passer à tout prix votre loi le plus vite possible, de ne pas discuter d’abord des compétences. Comment voulez-vous que l’on évalue le bon pourtour sans savoir si nous devons d’abord réfléchir à une carte éducative, à une carte économique ou à une carte concernant la recherche ?

Enfin, si nous sommes empêtrés dans cet amateurisme dans lequel vous avez enfermé le débat à l’Assemblée, qui méritait mieux, c’est qu’en plus, vous n’avez posé aucun critère sur la table. On ne sait pas si vous raisonnez par rapport à des traditions culturelles, à des infrastructures, à des bassins de vie.

Vous êtes en apesanteur, vous avez posé votre carte sur le sable et, après, tel Ponce Pilate, vous arrivez en vous étonnant que le débat parlementaire soit aussi confus : mais ce bateau ivre, c’est le vôtre ! Ce n’est pas le Parlement qui en porte la responsabilité, c’est le Gouvernement, ni plus ni moins. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Monsieur Wauquiez, vous parlez d’autant plus fort que vous venez d’arriver dans le débat. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est faux !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. J’ai été au banc du gouvernement pendant des heures depuis le début de la discussion, je ne vous ai pas vu, et vous venez expliquer ce qui s’est passé lors d’un débat auquel vous n’avez pas participé, en parlant avant d’autant plus de force que vous avez été absent.

Nous avons aujourd’hui une carte qui, nous en sommes convaincus, sera votée par une majorité d’entre vous. Si vous pensez que nous sommes particulièrement en difficulté sur ce point, acceptez que nous passions au vote et vous aurez immédiatement la démonstration que ce que vous dites ne correspond pas à la réalité.

M. Christian Jacob. Soumettez nos amendements au vote !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Enfin, vous vous exprimez de façon tellement polémique, et tellement arrogante, il faut bien le dire, que je me dois de vous rappeler que, s’il y a une organisation politique aujourd’hui qui n’est pas en état de donner des leçons de professionnalisme, c’est bien la vôtre. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Je suis intervenu tout à l’heure pour demander une clarification, et j’ai demandé une suspension de séance, car nous ne savions pas, en abordant la discussion des amendements, si ceux qui portaient sur les points controversés de la carte allaient ou non être soumis au vote.

Nous avons maintenant la liste des sous-amendements qui seront soumis au vote tout à l’heure, ainsi que celle des amendements qui ne tomberont pas si l’amendement du rapporteur et celui de M. Le Roux sont adoptés, et qui seront donc discutés mais également soumis au vote.

M. Éric Woerth. Et les autres ?

M. François de Rugy. C’est un débat difficile, mes chers collègues de l’opposition, et il faut avancer. Nous avons décidé tout à l’heure d’un commun accord qu’il n’y aurait pas d’interventions sur l’article, mais certains d’entre vous s’expriment maintenant non plus sur la procédure mais sur le fond.

S’agissant de la procédure, tous les points controversés sur la carte – et il y a, vous le savez très bien, des désaccords tant dans le groupe majoritaire que dans le principal groupe d’opposition, qu’il s’agisse du Nord-Pas-de-Calais et de la Picardie, de l’Alsace, de la réunification de la Bretagne, de la région Centre, des Pays de la Loire –, feront l’objet d’un vote, je l’ai vérifié, que ce soit sur un sous-amendement ou sur un amendement.

Je crois donc que nous pouvons reprendre la discussion afin d’avoir non seulement des débats sur le fond mais aussi des votes sur les points controversés, car c’est ce qui nous intéresse, nous les députés qui avons déposé des amendements, mais c’est aussi ce qui intéresse les Français de ces différentes régions. Chacun le sait, et chacun l’a exprimé, avec la passion qui nous anime, dans la discussion générale, comme ce sera sans doute le cas lors de l’examen des amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. L’heure avance et nous avons nous aussi envie d’en venir au fond (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC)

M. Bruno Le Roux. Tant mieux !

M. Philippe Vigier. …mais nous avons eu un problème majeur ce soir, et nous avons soulevé la question à plusieurs reprises, qui concerne les droits fondamentaux du Parlement en matière d’amendement.

Ce que je souhaite simplement, monsieur le président, je vous le dis avec beaucoup de calme, et je crois qu’une fois de plus nous avons faite preuve de retenue dans le groupe que j’ai l’honneur de présider, c’est qu’il y ait demain matin une conférence des présidents de quelques minutes sur l’organisation de ce débat, en présence du président de l’Assemblée nationale, afin que la règle du jeu soit claire pour chacun.

Peut-on toujours oui ou non sous-amender lorsqu’un amendement est en discussion et qu’il n’est pas encore voté ? (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Pardonnez-moi, mais cela me paraît essentiel. Le règlement, je le connais comme vous. C’est un droit fondamental. Je souhaiterais que le président de l’Assemblée nationale puisse nous éclairer afin que l’on puisse poursuivre les débats en toute sérénité et, comme l’a proposé le ministre à l’instant, voter sur chacun des amendements comme nous le souhaitons.

Monsieur de Rugy, j’ai moi aussi regardé la liste des amendements mais tout n’y est pas. Il y en a un certain nombre qui avaient été déposés dans un but constructif que nous ne retrouvons pas.

Enfin, un mot pour Bruno Le Roux, qui ne trouve jamais de termes assez forts pour parler de la démocratie ou de la respiration du Parlement. Je voudrais lui rappeler qu’il y a quelques jours, lors du débat sur le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale, le vote a été réservé. Nous avons assisté, puisque nous étions là tous les deux, à quelque chose d’absolument surnaturel : nous ne pouvions pas voter, l’Assemblée a été bloquée pendant trois heures, parce que les membres du Gouvernement ne disposaient tout simplement pas des consignes pour passer au vote !

Voir le Parlement bâillonné comme il l’a été à deux reprises en quinze jours, ce n’est pas acceptable.

Mme Isabelle Le Callennec. Quel amateurisme !

M. Philippe Vigier. Monsieur le ministre, je reviens au fond. Nous sommes favorables à une réforme. Il est une heure du matin et il me semble que nous pouvons reprendre les débats en toute sérénité demain matin, à condition toutefois que la règle du jeu soit claire : si, en conférence des présidents, il est décidé que, dorénavant, on ne pourra plus sous-amender un amendement tant qu’il n’est pas voté, il s’agira d’une modification substantielle du règlement de l’Assemblée nationale, qui fera date. Nos collègues jugeront. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth.

M. Éric Woerth. Le ton employé ne convient pas à un débat de cette nature. Nous devrions pouvoir travailler sereinement, être en mesure d’aller au fond des sujets ; chacun devrait pouvoir s’exprimer. Vous avez décidé de fixer un temps programmé assez court, ce qui tient au fait que vous avez voulu inscrire ce texte au cœur de l’été. Vous auriez pu choisir un autre moment, par exemple à la rentrée, avec un délai de quinze jours pour l’examiner correctement.

M. Maurice Leroy. Très bien !

M. Éric Woerth. À présent, monsieur le ministre, vous nous dites que nous avons débattu. Ah bon ? Il y a eu une discussion générale, et non un débat, qui de surcroît n’a commencé qu’hier, et nous avons encore eu un autre texte à examiner hier soir. Il faut nous laisser le temps du débat !

Des amendements ont été déposés, de tous bords. Puisque l’adoption de l’amendement de la commission ferait, paraît-il, tomber quasiment les trois-quarts des autres, j’aimerais que vous nous expliquiez précisément, amendement par amendement, pourquoi ils tombent. Il faut le faire, sans quoi nous ne pourrions pas discuter de l’organisation territoriale de notre République. Cela mérite mieux qu’un débat de commission sur ce qui est amendement ou sous-amendement ! Nous sommes à l’Assemblée, en séance publique : nous devons avoir la possibilité de nous exprimer. Si nous ne l’avons pas, compte tenu de ce calendrier de fin du mois de juillet, reportez le débat à l’automne, au début de la session extraordinaire de septembre.

M. Maurice Leroy. Très bien !

M. le président. Avant que nous ne passions à l’examen du sous-amendement n510, je donne la parole à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Monsieur le président, nos travaux doivent cesser à une heure du matin. Si l’on va au-delà, il doit y avoir une réunion de la conférence des présidents.

M. le président. Monsieur le président Jacob, je vous rappelle qu’aux termes de l’article 50 alinéa 5 du règlement, pour poursuivre nos travaux au-delà d’une heure du matin, je me dois de demander l’avis du président de la commission saisie au fond, c’est-à-dire de M. Urvoas, puis du Gouvernement, avant de mettre, le cas échéant, la proposition de prolongation au vote. Je sais que, bien évidemment, vous ne méconnaissez pas cet article.

La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Merci monsieur le président : j’avais justement l’intention de vous proposer de faire application de l’article 50 alinéa 5 du règlement et donc de poursuivre la séance.

M. Maurice Leroy. Ben voyons ! C’est un passage en force ! Hallucinant !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Je précise, pour qu’il n’y ait pas de frustrations, que nous allons discuter des amendements, et que dans l’hypothèse où l’amendement de la commission serait adopté, vingt-trois d’entre eux ne tomberont pas.

M. Éric Woerth. Vingt-trois sur combien ?

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. La liste des sujets abordés par ces vingt-trois amendements est en train d’être dressée. Vous en connaissez déjà les numéros, nous allons vous communiquer les thèmes.

M. Éric Woerth. Sans doute faut-il vous remercier ?

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Je suis certain que chacun retrouvera son calme en constatant que ces amendements recouvrent tous les thèmes sur lesquels l’un ou l’autre d’entre vous souhaite un vote. Cela nous permettra de retrouver la sérénité qui sied au sujet que nous examinons ce soir.

M. le président. Monsieur le ministre, demandez-vous également l’application de l’article 50, alinéa 5 ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Oui.

M. le président. Je soumets donc à l’Assemblée cette demande de prolongation de nos travaux au-delà d’une heure du matin, conformément à l’article précité.

L’Assemblée s’étant prononcée favorablement, nous poursuivons nos travaux.

La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Nous nous trouvons dans une situation véritablement ubuesque. Non seulement le droit d’amendement est bafoué, objectivement – on voit bien de quelle façon vous essayez de le présenter – mais en outre, vous refusez les sous-amendements, vous faites en sorte que des amendements soient défendus sans être soumis au vote, vous refusez la réunion de la conférence des présidents et vous refusez d’appeler le président Bartolone pour demander qu’elle se tienne, afin d’ordonner les débats ! Je vous demande une suspension de séance d’un quart d’heure.

M. le président. La séance est suspendue.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à une heure cinq, est reprise à une heure vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 1er (suite)

M. le président. Nous en venons à l’examen des sous-amendements à l’amendement n490. La parole est à M. Éric Straumann, pour soutenir le sous-amendement n510.

M. Éric Straumann. Comme je l’ai déjà dit en discussion générale, ainsi que plusieurs collègues alsaciens, il faudrait maintenir le contour de la région Alsace et la faire fusionner avec les deux départements du Rhin. Avec cette collectivité unique, qui serait le Conseil d’Alsace, nous allons plus loin que ce que prévoit la réforme du Gouvernement.

Un certain nombre d’entre nous, sur l’ensemble des bancs, ont évoqué la question de l’Alsace. Ils ont une grand-mère alsacienne et comprennent bien les particularités historiques et géographiques de notre région. Je sais que le Gouvernement est également à l’écoute. Il nous a expliqué qu’il était prêt à faire évoluer sa carte. Nous sommes treize députés alsaciens sur quinze à soutenir ce sous-amendement. L’immense majorité de la population attend que les contours de la région Alsace soient maintenus dans le périmètre actuel, qui date de la Révolution française et auquel on n’a même pas osé toucher au cours de la période d’annexion allemande, à l’exception des années 1940 à 1944. Je compte sur le sens de l’histoire de nos collègues pour accepter ce sous-amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir le sous-amendement n509, à l’amendement n490.

M. François de Rugy. Cette intervention vaudra également défense des amendements qui portaient sur des sujets voisins. Il s’agit de la réunification de la Bretagne, qui est une revendication extrêmement ancienne puisqu’elle remonte au découpage technocratique des années 1959 et 1960, qui a séparé la Loire-Atlantique du reste. Je qualifie ce découpage de technocratique car c’était un découpage interne aux services de l’État, et non un découpage politique.

M. Marc Le Fur. Tout à fait !

M. François de Rugy. Il n’était pas destiné à créer des collectivités locales ni des conseillers régionaux élus par le peuple français pour gérer des budgets ou lever l’impôt.

Depuis que ce changement a été opéré par les décrets de 1959 et 1960, il y a en Bretagne une revendication de redécoupage régional et de réunification et les Bretons ne comprennent pas que, à l’heure de ce projet de loi, la Bretagne soit l’une des seules régions à ne pas être redessinée. C’est incompréhensible ! La revendication de réunification de la Normandie, moins vive, a pourtant été satisfaite dès la première mouture de la carte du Gouvernement !

M. Alain Tourret. Oui !

M. François de Rugy. Selon notre logique, de manière générale, les nouvelles régions devraient rassembler des habitants qui ont un sentiment d’appartenance, une identité et une culture régionale communes. Nous avons bien compris que telle n’était pas la logique du Gouvernement, et nous le regrettons. Pour autant, sa logique est celle du redécoupage et des regroupements. Or, dans la carte qui serait issue de l’adoption de l’amendement du rapporteur, un secteur ne connaîtrait pas de regroupement. La Bretagne resterait toute seule dans son coin avec ses quatre départements, séparée de Nantes et de la Loire-Atlantique. La région des Pays de la Loire, celle qui suscite le moins d’attachement parmi toutes les régions de France, resterait également toute seule dans son coin, de même que la région Centre, alors que beaucoup de nos collègues, de gauche comme de droite, souhaiteraient que les choses évoluent vers une région Centre-Val de Loire renforcée. (« Oui ! » sur divers bancs.)

Notre sous-amendement propose d’aller en ce sens. S’il faut de trois régions en faire deux, il n’y a qu’une solution : subdiviser l’une des deux, qui doit être la région artificielle des Pays de la Loire, ce qui permettra aux Bretons de se retrouver dans une seule et même région. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, RRDP et UDI.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les quatre sous-amendements nos 506, 507, 510 et 509 ?

M. Carlos Da Silva, rapporteur. À cette heure tardive, je dirai simplement que le fil directeur du projet de loi est justement de ne pas dépecer les régions existantes. Certes, elles peuvent résulter d’un découpage administratif, mais entre-temps ces régions sont devenues des collectivités, dont les élus ont bâti des projets, comme nous l’ont dit tous les conseillers régionaux auditionnés, quel que soit leur groupe politique. S’agissant des Pays de la Loire, je me souviens d’un conseiller régional de l’UDI, si ma mémoire est bonne, qui disait qu’après trente ans de vie politique et de projets soutenus en commun, la région avait fini par émerger comme collectivité.

Par souci de cohérence générale de l’objectif et de respect de l’équilibre du pays et des cartes, ma réponse est la même concernant la région Alsace. En effet, modifier un morceau de région ou une région entraînerait d’autres modifications. Il est évident que rattacher la Lorraine à la seule Champagne-Ardenne n’offrirait pas la cohérence nécessaire.

Plusieurs députés du groupe UMP. Ah bon ?

M. Carlos Da Silva, rapporteur. L’avis de la commission est donc défavorable.

M. Laurent Furst. Ce n’est pas une réponse !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces sous-amendements ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Même avis. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Laurent Wauquiez. Il nous faut une réponse !

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Je suis un peu surpris de votre silence, monsieur le ministre…

M. Laurent Wauquiez. Ce n’est pas possible… Sur une question pareille !

M. Patrick Hetzel. Je voudrais revenir sur le sous-amendement n510, qui concerne l’Alsace. Nous ne disposons malheureusement pas d’étude d’impact, et donc il est deux points que vous avez mésestimés dans votre approche.

L’Alsace, ou plus précisément l’Alsace-Moselle, a une histoire singulière, directement liée au Traité de Versailles de 1919. Des traités internationaux ont été ratifiés par la France, et vous sous-estimez l’importance qu’a eue la signature de la nation française pour ces territoires très spécifiques.

M. Marc Le Fur. Très bien !

M. Patrick Hetzel. La manière dont vous traitez cette question n’est pas digne de la nation. Nos aînés, qui siégeaient à l’Assemblée nationale à cette époque, se sont battus entre 1919 et 1924 pour obtenir que le droit français intègre un certain nombre de droits spécifiques à l’Alsace-Moselle. Et vous, vous faites comme si cela n’avait pas eu lieu.

M. Sébastien Denaja. Nous sommes au XXIsiècle !

M. Patrick Hetzel. Il s’agit par ailleurs d’une terre concordataire et ce droit local a, lui aussi, un certain nombre de conséquences tout à fait spécifiques.

Les explications du rapporteur sont assez hallucinantes.

M. Maurice Leroy. Il n’a développé aucun argument !

Il n’y avait en effet pas véritablement d’argument.

M. Patrick Hetzel. Notre région a une véritable cohérence historique, économique et culturelle, que mésestimez en prétendant que la cohérence se trouvera dans le nouvel ensemble.

J’aimerais entendre de véritables arguments. Pouvez-vous en avancer, de nature linguistique, économique, culturelle, qui justifieraient ce nouveau découpage ?

M. Éric Straumann. Aucun !

M. Patrick Hetzel. Il n’y en a pas !

Plus globalement, je regrette la manière dont ce débat a été engagé. Procéder à de nouveaux découpages, pourquoi pas ? Mais ils n’ont de sens que s’ils s’inscrivent dans un véritable projet. Or ce n’est pas le cas à l’heure qu’il est, et je le regrette. Nous ne parlons que de redécoupages. Nos concitoyens méritent mieux que cela. Quoi qu’il en soit, comme nous l’avons dit lors de la discussion générale, nous sommes treize députés alsaciens sur quinze à estimer que le droit spécifique qui s’applique en Alsace doit être pris en compte. Cela n’a été le cas à aucun moment du débat, ce qui est fort regrettable. J’espère que nous aurons l’occasion, dans la suite de la discussion, d’échanger de vrais arguments.

Notre démarche, je l’ai dit, est très constructive, puisque nous souhaitons réformer. Nous ne sommes pas hostiles par principe à toute réforme, mais nous voulons que les deux conseils généraux du Rhin et le conseil régional d’Alsace deviennent une seule et même entité : le Conseil d’Alsace. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Straumann. Ah ! Tout de même !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Pourquoi opposer l’identité d’une région à l’opportunité de modernisation qu’offre la coopération approfondie et renforcée qu’elle aurait avec d’autres ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Marc Le Fur. Il ne s’agit pas de cela !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Vous nous demandez quels sont nos arguments linguistiques, culturels et économiques. Mais, en matière linguistique, personne n’imagine que la présente réforme puisse remettre en cause, dans aucune région de France, même si elle a une identité culturelle forte, l’usage de la langue de la République, qui est le français, même si nous sommes attachés au développement des langues régionales là où cela est possible ! Il n’y donc a pas d’enjeu linguistique.

Il n’y a pas davantage d’enjeux historiques et culturels : ce n’est pas parce que l’Alsace ira, dans le but de développer son économie, articuler ses atouts à ceux d’autres territoires qu’elle cessera d’être l’Alsace !

M. Laurent Furst. C’est incroyable d’entendre des choses pareilles ! Quel mépris !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. On ne peut pas dire que l’Alsace, parce qu’elle s’enracine dans une histoire tellement ancienne, a tellement de caractéristiques tellement originales et prétendre en même temps que le fait de la marier avec d’autres régions pour lui donner la possibilité de développer son économie lui fera perdre cette identité ! Soit son identité est profondément ancrée et ce ne sont pas ces mariages qui viendront remettre en cause son histoire,…

M. Laurent Furst. C’est sûr qu’elle vous survivra !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. …soit son histoire est fragile et dans ce cas…

M. Laurent Furst. Vous la tuez !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. …le fait de la laisser seule ne suffira pas à la maintenir ! Je pense que l’histoire de l’Alsace, que sa culture et ses traditions sont extrêmement puissantes, et que son inscription dans un ensemble plus vaste n’effacera pas tout ce que l’histoire a cristallisé et sédimenté, et que vous avez parfaitement bien exprimé. Et c’est parce que j’ai tout à fait confiance dans la puissance de cette identité que je ne redoute pas de la voir remise en cause dès lors qu’elle viendrait à épouser la modernité.

Je pense que l’on a tort d’opposer identité et modernité, que l’on a tort de considérer que les régions qui ont une identité forte, parce qu’elles viendraient s’intégrer dans des ensembles plus vastes, perdraient ce qui les caractérise. Je pense le contraire : je pense que ces identités fortes, dans des ensembles plus vastes, s’épanouiront davantage et qu’elles donneront naissance à des ensembles plus forts.

M. Éric Straumann. Malheureusement, c’est faux !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je ne partage pas l’approche qui est la vôtre.

Je comprends très bien que des parlementaires alsaciens souhaitent que l’Alsace reste seule, même si je pense que ce n’est pas opportun. Mais je voudrais revenir sur la question de l’identité, que vous avez soulevée, monsieur Hetzel, ainsi que Marc Le Fur, qui s’est dressé à plusieurs reprises dans cet hémicycle pour défendre l’idée de régions identitaires, en disant que l’on ne peut accepter des régions que dès lors que ceux qui vivent en leur sein ont envie de vivre ensemble.

M. Laurent Furst. Bien sûr !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Cela signifierait donc qu’il existe des liens plus forts encore que ceux qui nous réunissent dans la République ?

M. Marc Le Fur. Ce n’est pas contradictoire !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Mais c’est justement parce que ce n’est pas contradictoire que vous n’avez pas à avoir peur de voir des espaces plus vastes se constituer.

M. Hervé Gaymard. Et réciproquement !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Par ailleurs, s’agissant des arguments juridiques que vous avez développés tout à l’heure, monsieur Hetzel, la Moselle est bien concordataire, et pourtant elle fait partie de la Lorraine !

Mme Marie-Françoise Bechtel. C’est vrai !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. A-t-elle cessé d’être concordataire parce qu’elle a été intégrée dans un ensemble plus vaste ? Absolument pas ! Et je ne vois pas pourquoi l’Alsace perdrait ses spécificités juridiques si elle était intégrée à un ensemble plus vaste. Cela ne tient pas la route en droit, vous agitez des peurs qui n’ont pas lieu d’être.

On ne modernise pas un pays avec des peurs, mais avec des ambitions.

M. Laurent Furst. C’est sûr !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. On ne doit pas opposer l’identité et la modernité. Prétendre que l’identité de l’Alsace est si forte qu’on ne pourrait pas la marier avec d’autres régions sans la lui faire perdre est une illusion et, à mon avis, une idée fausse. La modernité et l’identité doivent pouvoir marcher ensemble. Et des populations qui ont une identité forte doivent pouvoir se sentir bien dans des ensembles plus vastes, dès lors qu’ils favorisent le développement économique. C’est cela, la modernité ! Il n’y a pas à opposer la modernité à l’identité, ce sont deux choses qui marchent ensemble.

Vous proposez, enfin, la fusion des départements et de la région. Mais cela n’est pas incompatible avec l’existence d’une région plus vaste ! Qu’est ce qui empêcherait l’Alsace, au sein d’une région plus vaste, de se réduire à une seule et unique collectivité, pour affirmer davantage son identité ?

M. Éric Straumann. Ce serait ingérable !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Pourquoi ? En aucune manière ! La seule chose qui est ingérable, ce sont nos obstacles mentaux qui s’opposent à la modernité. Rien ne s’oppose à ce que l’Alsace se réduise à une collectivité plus forte dans un ensemble plus vaste, où se marieront identité et modernité. Et sur des chemins de ce type, vous trouverez toujours le Gouvernement à vos côtés, parce que le Gouvernement croit aux identités et qu’il est moderne. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin.

M. Gérald Darmanin. Je voudrais revenir sur le sous-amendement n506 de nos collègues socialistes, dont M. Allossery est le premier signataire et qui concerne le Nord-Pas-de-Calais et la Picardie. Je voudrais redire combien je soutiens l’amendement du rapporteur qui, si j’ai bien compris l’intervention lapidaire mais néanmoins efficace du ministre de l’intérieur, a reçu l’avis favorable du Gouvernement.

Tout plaide pour ce rapprochement : la géographie – jusqu’à la côte d’Opale que nous partageons – le climat, le patois, que nous avons évoqué sur le ton de l’humour mais qui est une réalité, la sociologie, l’art culinaire,…

M. Hervé Gaymard. La frite !

M. Daniel Fasquelle. Et la bière ! (Sourires.)

M. Gérald Darmanin. …l’architecture, l’histoire, les souffrances des deux guerres mondiales, que nos populations ont supportées avec le même courage.

Je suis très choqué. Je peux entendre les arguments qui ont pu être développés, par Éric Woerth ou vous-même, monsieur Allossery, au sujet de cette fusion mais je suis choqué par la méthode, par les sous-entendus et par certains propos.

Pour ce qui est de la méthode, c’est une question très sérieuse. Le ministre l’a dit, le rapporteur l’a dit, nous l’avons tous dit : nous ne sommes pas ici pour régler les problèmes internes du parti socialiste. Or il suffit de regarder la liste des cosignataires de cet amendement pour comprendre que se joue là une bataille orchestrée par Mme Aubry, qui n’a pas modéré ses pressions sur un certain nombre d’élus de la nation et d’élus locaux pour faire valoir ses vues. Celles-ci sont d’ailleurs extrêmement éloignées de celles de l’homme qui a véritablement transformé la ville, Pierre Mauroy, qui indiquait, le 27 février 2009, dans La voix du Nord, qu’il avait toujours milité pour des régions plus grandes et plus fortes, et y compris pour une fusion du Nord-Pas-de-Calais avec la Picardie. Les méthodes employées ne sont donc pas dignes du débat qui traverse aujourd’hui la France concernant la fusion de nos régions, qui doit se faire en vue non pas des prochaines élections mais des prochaines générations.

J’en arrive aux sous-entendus distillés par la presse – ce qui m’amène à signaler que la Picardie et le Nord-Pas-de-Calais ont le même groupe de presse, puisque La voix du Nord est aussi propriétaire du Courrier picard. Argument supplémentaire en faveur de la fusion…

Mme Marie-Françoise Bechtel. C’est un argument de raccroc !

M. Jean-Luc Laurent. Si c’est les groupes de presse qui font la carte…

M. Gérald Darmanin. Ces sous-entendus donc, que nous n’avons pas entendus dans cet hémicycle mais qui ont été largement développés dans la presse ces derniers jours, y compris ce matin, portent sur le fait qu’une région réunissant le Nord-Pas-de-Calais et la Picardie risquerait de basculer du côté du Front national. C’est la thèse de Martine Aubry, que manifestement vous faites vôtre. Mais quoi qu’il arrive, je crains qu’en décembre 2015 les choses ne soient difficiles, dans le Nord-Pas-de-Calais comme en Picardie, pour les partis républicains et pour le parti socialiste en particulier. Je ne suis pas certain que cet argument électoral, qui trahit plus la peur que l’ambition, parviendra à donner espoir à des régions qui ont connu des difficultés. Il me semble que pour mettre à bas un parti d’extrême-droite, il vaut mieux avoir des projets et donner de l’espoir aux populations en leur indiquant les voies du développement, comme l’ont fait les grands hommes et les grandes femmes du Nord-Pas-de-Calais, à commencer par Guy Mollet bien sûr, mais aussi le général de Gaulle ou Maurice Schumann.

Ce qui m’a le plus choqué, c’est que vous avez dit qu’il s’agissait finalement d’une fusion de régions pauvres, qui avaient de graves difficultés – qu’on allait, comme je l’ai entendu tout à l’heure sur les ondes, rajouter de la misère à la misère. Ce n’est pas la vision que j’ai de ma région. Le Nord-Pas-de-Calais est la première région automobile, la première région ferroviaire, la plus grande métropole au nord de Paris, entre Londres et Bruxelles, qui sera demain à l’origine d’un développement économique considérable. La métropole lilloise, qui connaît désormais la richesse, pourra rayonner demain vers le Pas-de-Calais et la Picardie.

Le canal Seine-Nord nous fournira par ailleurs une ouverture sur la mer et l’État nous tendra la main. Le ministre Frédéric Cuvillier, comme Daniel Fasquelle, qui sont deux personnalités du Pas-de-Calais, ont dit qu’ils étaient favorables à la fusion. Celle-ci va nous permettre de faire grandir nos populations. Ce n’est pas en disant aux Picards qu’ils n’en sont pas tout à fait dignes parce qu’ils n’ont pas le même PIB que le Nord-Pas-de-Calais, pas tout à fait dignes parce qu’ils n’ont pas de métropole comparable à Lille, pas tout à fait digne parce qu’ils ont encore quelques poches de difficultés sociales, ce n’est pas en les repoussant sur les bas-côtés pour laisser passer notre autoroute et notre TGV que nous arriverons à faire avancer les populations.

Les habitants de Picardie, du reste, sont souvent issus du Nord-Pas-de-Calais : ils sont venus pour faire leurs études, pour travailler ou pour développer leurs activités touristiques et commerciales. Je souhaite donc que l’avis du rapporteur et du Gouvernement soit suivi. Je voterai contre le sous-amendement, et je remercie Hervé Gaymard et Christian Jacob d’avoir fait droit à notre demande de scrutin public pour que nul n’ignore où se trouvent la solidarité et l’ambition pour la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je voudrais réagir aux propos tenus à l’instant par Gérard Darmanin. Je ne m’exprimerai pas sur leur dimension politique, je n’ai pas à le faire, mais il vient de démontrer très efficacement que l’amendement n487 présenté par le rapporteur et soutenu par le Gouvernement ne correspond pas du tout à la présentation que certains en ont faite. Il ne répond pas aux seules vues du parti socialiste. M. Darmanin vient de montrer qu’on trouve sur tous les bancs de cet hémicycle des parlementaires qui ont un point de vue conforme à son objet.

Cela vaut pour la fusion Nord-Pas-de-Calais-Picardie, pour l’union de Poitou-Charentes à l’Aquitaine et au Limousin, ainsi que pour la création d’une grande région Est – je connais la position de MM. Warsmann et de Courson. Si la démonstration devait être faite en quelques minutes que notre proposition est le résultat de la connexion de tous les cerveaux sur tous les bancs de cet hémicycle afin d’arriver au bon équilibre, elle vient de l’être par M. Darmanin qui a ainsi remis la vérité à l’honneur, je l’en remercie du fond du cœur.

M. le président. La parole est à Mme Pascale Boistard.

Mme Pascale Boistard. Je souscris entièrement aux propos du ministre. Les auditions qui ont eu lieu ont permis de discuter sereinement de l’avenir de nos territoires, de l’avenir de la France et des Français qui vivent sur ces territoires, et je tiens à en remercier le rapporteur ainsi que tous ceux qui l’ont accompagné dans ce travail.

Je suis à la fois heureuse et choquée de voir que la Picardie est un enjeu majeur. J’aurais préféré qu’elle le soit en d’autres temps, plus difficiles, notamment lors du conflit Goodyear : nous aurions aimé, au-delà de l’investissement du Gouvernement, recevoir plus de soutien de la part de ceux qui siègent sur d’autres bancs.

Je tiens à dire, au nom des députés de Picardie du groupe SRC, que nous sommes un peu surpris par ce sous-amendement, car nous n’avons jamais eu connaissance de cette démarche. Je le dis nettement, afin que les choses soient parfaitement claires pour tout le monde.

Nous n’avons peur de rien, nous avons envie d’avancer vers l’avenir. Avec les habitants que nous rencontrons chaque jour dans nos permanences et sur le terrain, sur ce territoire rempli de richesses humaines et de pôles industriels de haute qualité, riche aussi d’une filière agroalimentaire qui travaille déjà avec le Nord-Pas-de-Calais et d’autres régions, nous avons envie d’aller plus loin et d’être encore plus forts, ensemble. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Je voudrais m’exprimer essentiellement sur le sous-amendement n509 de M. de Rugy. Je saisis cette occasion pour me féliciter de l’argumentaire particulièrement convaincant de M. le ministre à propos de l’Alsace : j’avais l’impression de l’entendre parler de la Bretagne ! (Sourires.)

Je voudrais dire d’un mot à quelques-uns, et notamment à M. de Rugy, que l’idée de considérer les régions en se fondant sur le thème identitaire me paraît un peu courte, plus encore lorsqu’ils en arrivent à décrire les Pays de la Loire comme une région n’ayant aucune identité. Je le dis très clairement : il est vrai que les Pays de la Loire ne se sont pas construits sur une identité au sens où l’entend M. de Rugy. C’est une construction éminemment volontaire, qui a pris plus de quarante ans et qui s’est faite sur la recherche de complémentarités.

M. Hugues Fourage. C’est vrai !

M. Michel Piron. Depuis Olivier Guichard jusqu’à Jacques Auxiette, les choses se sont toujours faites de la même manière, en considérant que le caractère industrieux de la Loire-Atlantique pouvait être parfaitement complémentaire avec le caractère industrieux de la Vendée. Et il existe des filières industrielles extraordinairement imbriquées, pour les deux tiers de la Vendée, avec Nantes et Saint-Nazaire.

M. Hugues Fourage. Exactement !

M. Michel Piron. Il en va de même pour le Choletais et le Segréen en Maine-et-Loire, qui représentent deux tiers du tissu industriel et de la richesse de ce département, ainsi que pour le numérique à Laval et la mécanique au Mans.

M. Luc Belot. Tout à fait !

M. Michel Piron. La région des Pays de la Loire est d’abord une extraordinaire réussite, fondée sur un métissage des activités, sur la complémentarité, et non sur la quête exacerbée d’identités passées. (Applaudissements sur divers bancs.)

M. Luc Belot M. Hugues Fourage et Mme Sylvie Tolmont. Bravo !

M. Philippe Vigier et M. Maurice Leroy. Très bien !

M. Michel Piron. Cela s’est traduit par un développement économique exceptionnel. Il s’agit de la troisième région industrielle de France. Cela ne s’est pas fait tout seul ! Il a fallu trente ou quarante ans, et des choix régionaux forts et solidaires. Il s’agit de la deuxième région agricole de France, et cela non plus ne s’est pas fait tout seul. Il a fallu organiser des filières, j’insiste sur ce point, qui comprennent aussi bien des chercheurs que des exploitations spécialisées. Ces filières ainsi constituées vont bien au-delà des Pays de la Loire : les cinq cents chercheurs du pôle de compétitivité du végétal angevin travaillent d’abord avec l’INRA, qui est à Rennes !

Ce succès s’est aussi bâti sur des constructions dans le domaine de la santé, telles qu’un pôle de cancérologie de niveau européen, voire mondial, que l’on doit à un ancien président de région, grand professeur de médecine, qui résulte de la collaboration et du rapprochement entre Angers et Nantes et qui se rapproche aujourd’hui de structures situées à Rennes.

C’est cela les Pays de la Loire. C’est une construction de filières industrielles et agricoles. C’est aussi l’un des plus forts taux d’apprentissage de France, ce qui s’est fait par une politique de formation professionnelle maillée sur l’ensemble des cinq départements de la région. Il ne s’agit pas seulement de Nantes, Angers ou La Roche-sur-Yon, mais bien de l’ensemble des Pays de la Loire, incluant la Mayenne et la Sarthe.

Il en va de même dans le domaine culturel. Lorsque j’entends aujourd’hui parler des Pays de la Loire, du Val-de-Loire et des châteaux de la Loire, je tiens à dire que nous n’avons pas pour seule ambition d’être une région dont on visite les châteaux.

M. Daniel Fasquelle. Le tourisme, c’est une ambition !

M. Michel Piron. Nous avons aussi pour ambition l’emploi et la formation des jeunes, la formation des chercheurs et la complémentarité. Et si aujourd’hui nous savons entretenir l’abbaye de Fontevraud, monument exceptionnel sur le plan architectural et culturel visité par 180 000 personnes par an, dont plus de la moitié vient de l’étranger, c’est grâce à la solidarité des Pays de la Loire dans leur ensemble, permettez-moi de le rappeler.

La région Pays de la Loire, c’est d’abord le pari d’un développement basé sur la complémentarité. Et pour cette raison, je suis en parfait accord avec Yannick Favennec pour défendre l’existence des Pays de la Loire dans leur intégralité, sauf à vouloir démembrer une réussite exceptionnelle, peut-être une des plus belles réussites régionale de ces trente ou quarante dernières années. Est-ce cela que l’on voudrait défaire ? Est-ce là le message que l’on voudrait envoyer aux régions ?

Pour nous, une région est d’abord un outil de développement. On ne construit pas les régions de demain uniquement sur de la nostalgie.

M. Marc Le Fur. Ce n’est pas de la nostalgie !

M. Michel Piron. Mon souhait, Yannick Favennec et moi avons déposé un amendement à ce sujet, c’est un rapprochement de la région Pays de la Loire tout entière avec la région Bretagne, parce que là aussi des complémentarités exceptionnelles se sont nouées au cours des dernières années. Voulez-vous que je cite l’une des dernières ? Il existait un ensemble universitaire complètement atomisé entre la Bretagne et les Pays de la Loire, dont les universités et les centres de recherche étaient en concurrence. Depuis la réforme menée de main de maître par Valérie Pécresse, ces universités ont pris conscience qu’elles ne pouvaient plus se faire concurrence, à l’échelle de l’Europe et du monde. Une université Bretagne-Pays de la Loire est donc en cours d’achèvement, qui concerne la totalité des deux régions. Quand des universitaires font ce choix, sont-ils inconscients des enjeux sur leur territoire ? Quand des chercheurs font ce choix, méconnaissent-ils à ce point leur territoire ? Quand le CESER des Pays de la Loire fait ce choix à l’unanimité, n’est-il pas représentatif de l’ensemble des acteurs sociaux et économiques ? N’en va-t-il pas de même des CCI ?

Je terminerai en citant des sondages, même si ce n’est pas cela qui guide ma politique : certes, 70 % des Bretons souhaitent voir la Loire-Atlantique rejoindre la Bretagne, mais on oublie de dire que 61 % d’entre eux se prononcent également en faveur d’une région Bretagne-Pays de la Loire. (Applaudissements sur divers bancs.)

M. Dominique Raimbourg M. Luc Belot et M. Hugues Fourage. Bravo !

M. Marc Le Fur. Ce n’est pas vrai !

M. Michel Piron. Monsieur le ministre, nous sommes d’accord : la modernité n’est pas l’ennemie de l’identité. Je tiens à dire clairement aux Bretons que j’adore la Bretagne, que nous aimons la spécificité bretonne, que nous savons la force des marques bretonnes, mais que nous saurons aussi porter tout cela ensemble si nous savons conjuguer modernité et culture, sinon identité. (Applaudissements sur divers bancs.)

M. Dominique Raimbourg. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Monsieur le président, rassurez-moi, je ne pense pas avoir de sous-amendement à défendre ? (Sourires.) Le déroulement de la séance est tellement complexe que je ne suis plus sûr de bien savoir de quoi il s’agit…

Un député. De l’Alsace !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Non, plutôt de la Bretagne, ou de Midi-Pyrénées…

M. le président. Nous débattons de l’amendement n487 du rapporteur, du n490 identique et des quatre sous-amendements dont ils font l’objet.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. S’il s’agit de l’amendement du rapporteur, il y a en effet matière à parler ! Mais je l’ai déjà beaucoup fait, je ne voudrais pas lasser... (Sourires.)

Je garde hélas les mêmes sentiments. D’abord, cette carte aurait gagné à faire l’objet d’une concertation. Étant donné que l’on nous assure que la majorité se compose de plusieurs partis, et même de plusieurs groupes parlementaires, il n’aurait pas été tout à fait inconcevable, au lieu de présenter cette carte émanant d’un seul groupe, qu’elle fasse l’objet d’une discussion commune.

Mais enfin, ce qui nous pose problème, sur le fond, c’est la délimitation des régions. Certaines nous paraissent bien délimitées, d’autres mal. Parfois, le Gouvernement et la commission plaident pour de grandes régions de dimension européenne, et parfois pour le maintien de petites régions traditionnelles, comme pour le Centre. Tantôt pour le mariage forcé, tantôt pour le célibat imposé. Je ne pense donc pas qu’il y ait une doctrine très fixe.

En tout état de cause, il paraît difficile de se prononcer globalement sur l’amendement du rapporteur, ceci dit sans méconnaître le travail de synthèse qu’il a essayé de faire. L’on peut avoir des opinions différentes sur chacune des trois régions proposées. Voter de manière bloquée, car c’est cela, sur des éléments auxquels on est favorable et sur d’autres auxquels on l’est moins serait dommage.

L’exercice de la liberté parlementaire nous étant cher, il serait bon que nous puissions voter par division. Cela peut être demandé non seulement par le président de la commission des lois, dont je pressentais la réponse, mais aussi par le président de séance, dont je ne pressentais pas la réponse, et par le Gouvernement, qui a donné la sienne tout à l’heure. Mais le Gouvernement a le droit de changer d’avis, tout comme nous. Si le Gouvernement, dans son immense bonté, dans sa miséricorde, qui est infinie… j’en fais peut-être un peu trop…(Rires.)

M. Maurice Leroy. Infinie, ce n’est pas certain !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Alors je retire infinie ! Bref, si le Gouvernement acceptait que nous votions par division, comme le règlement le permet et comme c’est de droit dès lors qu’il le demande, ce serait de meilleure méthode pour chacun.

Cela étant dit, ce n’est pas une Saint-Barthélemy qui a lieu ici. Mais autant faire les meilleurs choix de délimitation possibles, avec une liberté qui ne soit pas trop restreinte.

M. le président. La parole est à Mme Barbara Pompili.

Mme Barbara Pompili. Je voudrais m’exprimer sur le sous-amendement n506, qui repousse la fusion entre la Picardie et le Nord-Pas-de-Calais.

Il est important, lorsque l’on dessine ce type de carte, de penser aux territoires, aux gens qui y habitent, et de recueillir autant que possible les opinions de chacun, sans se limiter aux élus. En effet, comme nous en avons malheureusement l’illustration ce soir, ils ne sont pas toujours les mieux placés pour organiser le changement : beaucoup d’élus souhaitent, pour diverses raisons, que l’on ne touche surtout à rien…

La première version de la carte prévoyait une fusion de la Picardie et de la Champagne-Ardenne, preuve d’un grand manque de concertation, en tout cas sur ce point, puisque personne ou presque n’avait demandé une telle fusion. Je suis heureuse que nous revenions à la raison en essayant de travailler à un schéma caractérisé par une véritable cohérence en termes de projets de territoire, en matière culturelle, d’infrastructures ou de développement économique.

L’amendement n487 de la commission propose de fusionner la Picardie avec la région Nord-Pas-de-Calais. C’est un premier pas, dont je me réjouis. À la perspective de cette fusion, il semble cependant se profiler une sorte de fronde, de la part notamment de députés du Nord – je fais bien la différence avec le Pas-de-Calais.

M. Gérald Darmanin et M. Daniel Fasquelle. Pas tous les députés du Nord !

Mme Barbara Pompili. Des députés socialistes du Nord.

M. Gérald Darmanin. C’est mieux !

Mme Barbara Pompili. Ces députés semblent remettre en cause le bien-fondé de cette fusion.

M. Daniel Fasquelle. Ils sont aux ordres ! Allô, Martine ?

Mme Barbara Pompili. Fallait-il créer des grandes régions ? Nous pourrions en débattre, mais ce choix a été fait. Dont acte.

Ayant moi-même grandi dans le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, ayant fait mes études à Lille, vivant maintenant à Amiens depuis presque dix ans, j’ai une bonne vision de la cohérence de ce territoire et de ce que la Picardie et le Nord-Pas-de-Calais peuvent s’apporter mutuellement. Avec ses infrastructures, avec le pôle lillois, le Nord-Pas-de-Calais peut apporter beaucoup à la Picardie. Mais la Picardie peut aussi apporter beaucoup au Nord-Pas-de-Calais ! Pascale Boistard a parlé tout à l’heure de l’agriculture, mais je pense aussi, dans le domaine énergétique, au service public de l’efficacité énergétique que nous avons mis en place, aux énergies renouvelables et au travail sur le stockage de l’énergie : ce sont des richesses que nous avons et que nous pouvons partager. J’aurais aimé que nous puissions discuter de tout cela, voir comment créer ces synergies dans un territoire où nous pourrions, enfin, contribuer à nos développements respectifs.

Malheureusement, et je le regrette, l’opposition frontale de certains députés du Nord, frontale et insultante…

Mme Pascale Boistard. Tout à fait !

M. Daniel Fasquelle. Les députés socialistes du Nord méprisaient déjà le Pas-de-Calais, ils méprisent maintenant aussi la Picardie !

Mme Barbara Pompili. …me fait douter du bien-fondé de cette fusion. Je cite le président du conseil régional du Nord-Pas-de-Calais : « Pouvons-nous dire que Saint-Quentin est au cœur de nos préoccupations ? La réponse est non. » (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Gérald Darmanin. Quel mépris !

Mme Barbara Pompili. « Senlis ne peut rien pour Fourmies. On ne prendra jamais le TER à Beauvais pour venir travailler à Lille. »

Mme Pascale Boistard. La classe !

Mme Barbara Pompili. « Notre intérêt est vital, nous devons rester entre nous. » Quelle honte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur de nombreux bancs des groupes UMP et UDI.) Quel repli sur soi ! Quel manque total d’esprit républicain de solidarité entre les territoires ! Et tout cela venant d’élus de gauche (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI)

M. Gérald Darmanin. C’est incroyable !

Mme Barbara Pompili. …qui donnent des leçons aux maires de droite qui refusent de construire des logements sociaux !

M. Philippe Vigier et M. Maurice Leroy. Hé oui !

Mme Barbara Pompili. Je suis absolument scandalisée.

M. Daniel Fasquelle. Nous aussi !

Mme Barbara Pompili. Je parle de la Picardie parce qu’il s’agit de mon territoire, mais aussi parce que cette région est symptomatique des problèmes que pose cette réforme. Dès qu’une région connaît un problème de développement économique, on essaie de se la refiler comme une patate chaude. C’est inacceptable.

Je veux aussi dire quelques mots sur la question du Front national. Certains prétendent que la fusion de la Picardie avec le Nord-Pas-de-Calais va donner une région à Marine Le Pen. Mais ça, c’est ce qu’on fait quand on n’entend pas les problèmes des gens, quand on ne parvient pas à les résoudre ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.) C’est à cela que nous devons nous atteler. Jamais nous n’arrêterons le Front national avec des bidouillages institutionnels. Il en va de même pour d’autres questions, comme l’introduction du scrutin proportionnel par exemple.

Ne nous trompons pas de problème : le problème du Front national est dû, notamment, à la crise économique…

M. Xavier Bertrand. À l’absence de réponse face à la crise économique !

M. Marc Le Fur. Et au débat sur le droit de vote des étrangers !

Mme Barbara Pompili. …et au repli sur soi de gens à qui l’on vient donner des leçons. Mais les donneurs de leçons, ce sont des élus qui se replient aussi sur eux-mêmes, qui disent à ceux qui sont en train de traverser des difficultés économiques qu’ils peuvent toujours aller crever !

Du coup, par une forme de hasard, je me trouve à défendre un amendement identique à celui de ces députés du Nord. En effet, il faudra bien les persuader de se rallier à ce mariage forcé avec nous, et je me demande bien à quelles tractations nous allons assister au sein du groupe socialiste ! Cela m’inquiète. Cela m’inquiète que l’on essaie de nous vendre, il faut bien le dire, pour un plat de lentilles. Je sais bien ce qu’on va entendre, dans les couloirs : ne vous inquiétez donc pas, la capitale régionale sera forcément Lille, le chef-lieu aussi, et d’abord toutes les structures déconcentrées seront à Lille…

Je suis une élue d’Amiens. Je tiens à vous citer quelques noms : Honeywell, Valeo, Whirlpool, Magneti Marelli, Curver, Goodyear. Ces entreprises représentent des milliers d’emplois, privés, créés depuis quinze ans à Amiens. Amiens et sa région essaient de se reconstruire et font un très gros travail pour se redresser économiquement. Mais tout cela tient aussi grâce à l’emploi public, à la présence de services déconcentrés et décentralisés dont pour l’instant, nous n’avons absolument aucune garantie qu’ils n’aient pas été vendus à Lille pour faire passer la pilule de la fusion à nos amis du Nord.

M. Daniel Fasquelle. Martine Aubry fait monter les enchères !

Mme Barbara Pompili. Je ne peux pas prendre cela à la légère, d’autant que des décisions ont déjà été prises au niveau national qui ont durement pénalisé la Picardie et qui expliquent notre situation actuelle. Je pense par exemple au TGV, qui a soigneusement évité Amiens.

M. Philippe Vigier. C’est vrai !

M. Daniel Fasquelle. Absolument !

Mme Barbara Pompili. De ce fait, Amiens, dont la situation géographique est pourtant stratégiquement très intéressante, se trouve aujourd’hui pénalisée. La ville est desservie par des lignes de train abominables…

M. Daniel Fasquelle. Absolument !

Mme Barbara Pompili. …qui nuisent à son attractivité. Les décisions prises au niveau national ont des conséquences à l’échelle locale. Même si je suis une élue nationale, j’ai une responsabilité en tant que représentante d’une circonscription et je dois travailler à la solidarité.

N’oublions pas non plus le projet de canal Seine-Nord, ce serpent de mer, que le journal local vient de ressortir – je vais me mettre beaucoup de monde à dos, car beaucoup d’entre vous êtes favorables à ce projet. On a fait valoir aux élus du Nord-Pas-de-Calais – cette fois, je ne fais pas de différence entre les deux – que la fusion avec la Picardie permettrait de réaliser le canal Seine-Nord, mais je tiens à rappeler que cela nous privera de plus de 5 milliards d’euros d’investissements publics, notamment européens, qui pourraient nous permettre de développer le fret ferroviaire, d’entretenir enfin nos lignes de chemin de fer – ce qui s’est passé aujourd’hui semble dû, encore, à un problème d’entretien – et de financer les transports du quotidien, bref, de financer des mesures qui contribueraient bien plus au développement de notre économie que ce canal.

Je ne sais pas si tout cela n’a pas été évoqué, dans les couloirs. Comment voulez-vous que j’aie envie de voter cette fusion, de me jeter dans le vide sans un minimum de garanties ?

M. Gérald Darmanin. C’est une question de respect !

Mme Barbara Pompili. C’est pourquoi j’ai déposé trois amendements. Le premier, que je viens d’évoquer, est donc le même que celui des députés du Nord.

M. Gérald Darmanin. Les députés socialistes du Nord !

Mme Barbara Pompili. L’idée, compte tenu du contexte, est de laisser la Picardie toute seule pour le moment, afin de nous laisser le temps de la discussion avec nos partenaires et les élus des autres régions en vue d’une éventuelle fusion en 2016, selon les différents moyens qui nous seront donnés. Cette fusion ultérieure serait travaillée, recherchée par tous, et elle reposerait sur des bonnes bases.

J’ai aussi déposé un amendement de repli, qui reprend la proposition du rapporteur de fusionner le Nord-Pas-de-Calais et la Picardie. En effet, je serais prête à y consentir si j’obtiens un minimum de garanties et si je suis assurée que nous ne serons pas sacrifiés sur l’autel d’une négociation avec des gens qui ne pratiquent pas la solidarité territoriale.

J’ai enfin déposé, en clin d’œil à Jacques Krabal, un troisième amendement qui me paraît le plus logique en termes de territoire. Il consiste à fusionner non seulement le Nord-Pas-de-Calais et la Picardie, mais aussi les deux départements des Ardennes et de la Marne. Cette option permettrait de réunir enfin la Champagne et de créer une vraie région équilibrée, qui aurait un sens en termes économiques et de territoire. Certes, il s’agit plutôt d’un amendement d’affichage, pour lancer des réflexions… peut-être en vue de l’exercice futur d’un droit d’option ? Il s’agit donc d’une invitation à la réflexion adressée à nos amis de Champagne-Ardenne.

M. Maurice Leroy. Une invitation au voyage !

Mme Barbara Pompili. En effet ! (Sourires.)

Enfin, je suggère à nos amis députés du Nord d’exercer eux aussi leur droit d’option, s’ils le souhaitent, pour se retrouver tout seuls par exemple, ou avec la Wallonie. (Sourires.) En Picardie, nous regarderions alors le Nord-Pas-de-Calais d’un œil nouveau… Ce serait très bien comme cela !

M. Gérald Darmanin. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Christophe Léonard.

M. Christophe Léonard. Mon propos va légèrement détonner, mais permettez-moi tout d’abord, à cette heure avancée, de dire, en forme de clin d’œil, en ma qualité de député de Champagne-Ardenne, qu’il est heureux que le ridicule ne tue pas car ce soir, au vu de nos échanges entre vingt et une heures quarante-cinq et une heure du matin, l’Assemblée nationale a risqué de s’auto-dissoudre !

M. Gérald Darmanin. Applaudissements nourris.

M. Christophe Léonard. Je tenais à le dire, et cela sera inscrit au procès verbal.

M. Paul Molac. Bravo !

M. Christophe Léonard. L’article 1er et les amendements y afférant visent à mieux armer la France face aux défis de la mondialisation, en s’appuyant sur la diversité de ses territoires dans une géographie renouvelée.

M. Patrick Hetzel. Dans une géographie en lévitation, car elle ne repose sur rien.

M. Christophe Léonard. À ce propos, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous nous avez indiqué hier que vos propositions étaient perfectibles. Dans cet objectif, vous nous avez invités à suivre un impératif d’intérêt général et à sortir des logiques politiciennes. Vous nous avez appelés à approfondir les pôles de compétitivité et le travail de la commission Balladur.

À ce stade de nos débats, permettez-moi cependant de regretter que ma région, dont le produit, le champagne, véhicule un image positive de la France aux quatre coins de la planète, soit la variable d’ajustement de celles et ceux qui menacent de casser la vaisselle. Chaque député détient une part égale de la souveraineté nationale. C’est pourquoi je souhaite affirmer que la volonté initiale du Gouvernement de rapprocher la Picardie et la Champagne-Ardenne en allant au-delà du scénario Balladur, loin d’être une chimère, permettait de manière certaine de créer des synergies nombreuses.

Au-delà des conformismes, je souhaite donc nous inviter à oser discuter de l’idée neuve, qui n’a pas encore alimenté le débat public, d’un rapprochement dynamique entre la Picardie, la Champagne-Ardenne et la Lorraine.

M. Jacques Krabal et M. Éric Straumann. Bravo !

M. Christophe Léonard. Dynamique car, outre une identité historique commune, cet arc nord-est constituera demain le premier territoire européen agro-industriel,…

M. Jacques Krabal. C’est vrai !

M. Christophe Léonard. …le premier pôle de sous-traitance métallurgique et mécanique français,…

M. Jacques Krabal. C’est vrai !

M. Christophe Léonard. …le premier parc éolien de France,…

M. Jacques Krabal. C’est vrai !

M. Christophe Léonard. …le troisième producteur national d’énergie nucléaire, mais aussi un poids lourd de la filière bois et un leader en matière de culture et de diffusion artistique. Fort de 5,6 millions d’habitants, 150 000 étudiants, 210 000 entreprises et 140 milliards d’euros de produit intérieur brut, territoire industriel parmi les plus structurés de France, cet arc nord-est Picardie-Champagne-Ardenne-Lorraine porte en lui les ferments de la nouvelle France industrielle…

Mme Bérengère Poletti. Ce ne sont que des mots !

M. Christophe Léonard. …avec le pôle de compétitivité à vocation mondiale Industrie et agro-ressources et les pôles Materalia et Fibres, mais aussi avec la vitrine de tradition et de modernité qu’est le champagne. Ces éléments de cohérence sont compris de nos concitoyens et doivent bien évidemment s’enrichir dans le cadre du droit d’option des départements, qu’il est urgent d’approfondir et de mettre en œuvre.

M. Marc Le Fur. On ne peut pas l’arrêter, monsieur le président ?

M. Christophe Léonard. Le département des Ardennes incarne d’ores et déjà la porosité naturelle entre ces trois régions, puisqu’il est frontalier de l’Aisne, donc de la Picardie, et de la Meuse, donc de la Lorraine.

Il nous appartient par conséquent, à l’occasion de cette première lecture, non comme porte-voix des conservatismes et des schémas anciens mais en qualité de députés de la nation tout entière, d’en débattre avec ambition, ici et maintenant.

M. Jacques Krabal et Mme Marie-Anne Chapdelaine. Très bien !

M. Éric Straumann. Merci pour l’Alsace !

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Nous discutons du redécoupage élaboré par le Président de la République et par quelques-uns. Chacun vous fait part, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, de sa carte idéale et il apparaît clairement que l’on est très loin du consensus. Cela me fait dire que ce n’était certainement pas la bonne méthode. Les règles que vous avez édictées, monsieur le ministre, ne sont pas claires, elles restent floues. C’est ce qui apparaît à la lumière de ce qu’on vient d’entendre. Il y a deux poids et deux mesures. D’une région à l’autre vous n’appliquez absolument pas les mêmes règles.

M. Laurent Furst. Bien vu.

Mme Isabelle Le Callennec. Je vous écoute attentivement et j’essaie de comprendre votre logique. Dans un premier temps, pour nous faire avaler cette réforme, c’est l’argument des économies qui a été mis en avant : 10 à 12 milliards d’euros, aviez-vous dit, monsieur Vallini.

M. Laurent Furst. On a même parlé de 25 milliards !

Mme Isabelle Le Callennec. On attend toujours des certitudes. Notre collègue d’Orléans nous a expliqué tout à l’heure que selon ses calculs, on n’arrivait pas du tout à un tel montant. Alors je vous pose la question : l’objectif est-il toujours de faire des économies ?

Deuxièmement, Mme Lebranchu a écrit à tous les fonctionnaires territoriaux, sans même parfois en prévenir le président de l’exécutif, méthode pour le moins hasardeuse, pour leur assurer que cela ne changerait rien à leur vie. Permettez-nous d’en douter.

Troisièmement, en réponse à nos collègues alsaciens, vous avez, monsieur le ministre, déclaré que l’addition de l’Alsace, de Champagne-Ardenne et de la Lorraine, contribuerait à développer l’économie. Puis, à court d’argument, vous avez parlé de modernité. Le redécoupage, le nouveau, que vous proposez est censé nous apporter de la modernité. Je ne sais pas ce que c’est. Nous avons besoin d’une définition, nous avons besoin de comprendre, sinon les débats seront sans fin.

M. Laurent Wauquiez. Très bien.

Mme Isabelle Le Callennec. Et je souhaiterais aussi que le débat revienne dans les régions. Nous sommes là quelques-uns à décider pour la France entière !

M. Marc Le Fur. Exactement.

Mme Isabelle Le Callennec. À un moment donné, il faudra tout de même que la voix du peuple puisse se faire entendre. (« Elle a raison » sur certains bancs du groupe UMP.)

Concernant la Bretagne et les Pays de la Loire, pouvez-vous, monsieur le ministre, nous redire si vous êtes favorable ou non au droit d’option ? Tout à l’heure, alors que vous rappeliez les règles qui ont présidé au redécoupage, l’un de vos arguments était qu’il s’opérait à l’intérieur des régions actuelles. Ayant entendu cela, je ne suis pas certaine que vous soyez favorable au droit d’option.

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Il existe.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Cottel.

M. Jean-Jacques Cottel. Je suis peut-être le premier député socialiste du Pas-de-Calais à m’exprimer sur ce projet de loi. Pour ma part, je suis favorable à la carte présentée par le rapporteur…

M. Gérald Darmanin. Très bien.

M. Jean-Jacques Cottel. …même si l’on peut comprendre les interrogations qui se font jour. Je m’exprime car la situation a évolué depuis le projet initial où la région Nord-Pas-de-Calais devait garder son autonomie. Le projet de loi est ambitieux et il faut se donner les moyens de ses ambitions avec des régions fortes aux plans démographique, économique, stratégique, et capables de trouver une identité et de peser.

L’article 1er peut aboutir à une nouvelle carte qui corresponde aux souhaits du plus grand nombre, avec des régions plus grandes et plus puissantes, moins nombreuses que dans la première mouture de la carte. C’est ainsi que l’on peut arriver, et c’est ce que je souhaite, à la fusion des régions Nord-Pas-de-Calais et Picardie dont je souhaite souligner la cohérence.

Dès le départ, j’ai plaidé pour ce scénario, au regard de plusieurs facteurs. Tout d’abord, je veux rappeler les liens forts qui nous unissent : notre histoire, notre culture, notre patois en l’occurrence, nos littoraux, nos infrastructures communes, actuelles et à venir. Contrairement à Mme Pompili, j’espère la réalisation du canal Seine-Nord Europe. Avec tous les avantages qu’il présente, il peut être un trait d’union vers l’Europe du nord et nous unir dans cette grande région.

S’agissant de nos similitudes en matière environnementale et économique, je citerai deux exemples. Nous sommes dans un secteur où l’agriculture est très riche. Le secteur agro-alimentaire est extrêmement développé et peut être valorisé. Nous disposons également d’une façade maritime et nous avons en commun un espace d’aire marine protégée avec la Somme.

Je n’oublie cependant pas les problématiques sociales. Même si nos régions ont des atouts, il faut bien constater des problèmes sociaux, en raison d’une certaine pauvreté, que ce soit en milieu rural ou urbain. Après l’adoption de cette loi, il faudra mettre en place une politique de solidarité et d’équité entre nos territoires pour que nos régions puissent jouer dans la même cour.

La future grande région du nord de la France a de nombreux atouts, à commencer par sa situation incontournable entre Paris, Londres et Bruxelles. Il faut se tourner vers l’avenir, anticiper les besoins de nos territoires à long terme. À nous de saisir les opportunités que nous offre un tel rapprochement, et pourquoi pas autour de Lille, qui est une véritable métropole et qui a tout son rôle à jouer dans cette belle et grande région en devenir que pourrait être le Nord-Pas-de-Calais-Picardie.

Mme Barbara Pompili. Quelle erreur !

M. Jean-Jacques Cottel. Pour toutes ces raisons, je suis extrêmement favorable à la nouvelle carte présentée par le rapporteur.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Bricout.

M. Jean-Louis Bricout. En bon Picard qui se respecte, je vais défendre l’amendement déposé par le rapporteur et nos collègues du groupe et qui présente une évolution de la carte proposée initialement par le Gouvernement, avec notamment le rattachement de la Picardie au Nord-Pas-de-Calais.

M. Daniel Fasquelle. Très bien.

M. Jean-Louis Bricout. J’estime que cette proposition est raisonnable, car elle a le mérite de conjuguer toutes les forces en vue d’un avenir prometteur pour nos deux régions. Notre sentiment d’appartenance commune est fort. Nous partageons la même culture, tant d’un point de vue linguistique qu’historique. Mais la pertinence de cette alliance trouve sa force dans un ensemble cohérent au plan économique, plus déterminant selon moi que les questions d’identité.

Personne ne pourra nier les projets économiques et les investissements d’avenir que nous menons ensemble : le canal Seine-Nord, Jean-Jacques Cottel vient de l’évoquer, même s’il est contesté par certains élus picards ; la remise en navigation du canal de la Sambre à l’Oise pour le développement du tourisme fluvial ; des pôles de compétitivité majeurs, comme I-Trans pour les transports durables ou encore UP-TEX pour les textiles de demain. Nous avons des filières agricoles et agro-alimentaires communes ainsi que notre façade maritime.

Et n’oublions pas le Maroilles (« Ah ! » sur divers bancs), certainement le meilleur fromage au monde ! (Sourires.) Maroilles est dans le Nord, la production se fait en Thiérache, dans ma circonscription. Nous disposerions de la continuité pour l’AOC. Je vous conseille de goûter, si vous ne connaissiez pas !

Nous avons également des infrastructures communes : l’A1, l’A2, l’A16, l’A29, ou la RN2 qui fait l’objet de toutes nos attentions en matière de réhabilitation et de sécurisation, et nous pourrions trouver bien d’autres exemples de synergie entre nos régions, comme notre collègue maire du Touquet Daniel Fasquelle l’a rappelé. Des entreprises privées ont le même périmètre, comme Colas par exemple, ou l’agence de l’eau Artois-Picardie, France 3 ou encore les journaux.

M. Daniel Fasquelle. C’est vrai.

M. Jean-Louis Bricout. Bref, tout rassemble la Picardie et le Nord-Pas-de-Calais pour envisager une belle prospérité sociale et économique commune. Culture commune, similitudes, complémentarités, projets d’avenir : tout nous rassemble. Par ailleurs, cela n’enlève rien à nos bonnes relations avec la Champagne-Ardenne. Ce qui nous a liés à cette région, notamment les filières agricoles et agroalimentaires, n’a aucune raison de disparaître demain. Bien au contraire, les coopérations inter-régionales doivent encore se renforcer.

M. Jean-Luc Warsmann. Très bien.

M. Jean-Louis Bricout. Bref, vive la Picardie, vive le Nord-Pas-de-Calais et vive la France, bien sûr !

S’agissant du sous-amendement de Jean-Pierre Allossery, comme beaucoup de Picards, je suis déçu et même choqué par l’argumentation qui a été développée.

M. Xavier Bertrand. Exactement.

M. Daniel Fasquelle. Il a fait preuve de mépris.

M. Jean-Louis Bricout. Je ne reconnais pas la solidarité et l’accueil légendaires de nos cousins du Nord-Pas-de-Calais. Je suis d’ailleurs convaincu qu’il y a un profond décalage entre les Ch’tis et les élus cosignataires du Nord.

M. Daniel Fasquelle. Absolument.

M. Jean-Louis Bricout. Si ce sous-amendement se fonde sur une certaine iniquité territoriale et des difficultés particulières dont nous souffrons notre territoire, il existe un outil simple pour y remédier : la péréquation.

Mme Isabelle Le Callennec. Cela serait bien d’en parler, c’est un vrai sujet.

M. Jean-Louis Bricout. C’est cela que j’attends de la part de mes amis socialistes, plutôt qu’une argumentation choquante. Pour ma part, je crois aux hommes de Picardie, aux hommes du Nord. Ils ont une culture commune, des complémentarités, des similitudes et beaucoup d’énergie pour réussir ensemble. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Beaubatie.

Mme Catherine Beaubatie. Dans quelques heures, nous devrons nous prononcer sur la délimitation des régions, et ce sera un moment de satisfaction. Avec la proposition de fusion Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes, nous avons su prendre en compte des critères objectifs : liens historiques et culturels certes, mais surtout flux de population, infrastructures de transport et coopérations économiques existantes.

M. Patrick Hetzel. Eh oui !

M. Dominique Bussereau. Très bien.

M. Maurice Leroy. Après le Maroilles, on attaque le Cantal ! (Sourires.)

Mme Catherine Beaubatie. La création de cette grande région va renforcer les partenariats, en lancer de nouveaux et permettre la poursuite du développement de ma région actuelle, le Limousin, et de mon département, la Haute-Vienne. Cette nouvelle dynamique était indispensable pour notre avenir.

En conclusion, la proposition de réorganisation Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes recueille l’adhésion des acteurs économiques, sociaux, touristiques et d’une très large majorité des Limousins.

M. Dominique Bussereau. Très bien.

Mme Catherine Beaubatie. Elle devra s’accompagner, monsieur le ministre, de moyens…

M. Patrick Hetzel. Curieusement, on n’en parle pas.

Mme Catherine Beaubatie. …pour permettre l’aménagement de nos infrastructures, tant pour le rail, avec la LGV, que pour la route ou le très haut débit, afin de nous inscrire durablement dans une dynamique de progrès. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Bies.

M. Philippe Bies. Je ne voudrais pas laisser croire qu’il n’y a que des conservateurs en Alsace.

M. Claude Sturni. Oh !

M. Philippe Bies. Le sous-amendement de M. Straumann ne peut en aucun cas être représentatif et les fameux treize députés alsaciens sur quinze en aucun cas s’exprimer au nom des Alsaciens ni de l’Alsace.

M. Éric Straumann. Vous verrez lorsque vous aurez perdu le siège du Parlement à Strasbourg !

M. Philippe Bies. Je les ai écoutés attentivement et je déplore l’image qu’ils ont donnée de notre région. Ils se complaisent dans une attitude victimaire qui donne une impression erronée de l’Alsace, je suis au regret de le dire. Par ailleurs, je souhaite que chacun, eux y compris, fassent preuve de retenue. L’on a entendu parler de « l’Alsace aux Alsaciens », rappelant un slogan de triste mémoire.

M. Éric Straumann. Personne n’a dit cela.

M. Philippe Bies. Monsieur Straumann, laissez-moi parler. Vous vous êtes déjà beaucoup exprimé. L’on a aussi entendu parler du redécoupage comme d’un viol fait à l’Alsace. De tels propos desservent ceux qui croient défendre une cause.

Ce sous-amendement est porteur d’une idée que je refuse absolument, à savoir l’isolement de l’Alsace.

M. Éric Straumann. C’est la région la plus ouverte !

M. Philippe Bies. L’Alsace est une région dynamique, une région ouverte, au cœur de l’Europe, qui ne doit pas avoir peur, comme l’a rappelé à juste titre le ministre de l’intérieur, des autres régions, notamment de la région Lorraine.

M. Éric Straumann. Vous allez perdre Strasbourg comme capitale régionale !

M. Philippe Bies. M. Hetzel a invoqué l’argument du droit local. Mais le droit local existe, en Moselle ! C’est donc un argument de mauvaise foi, un argument du passé. L’Alsace ne veut pas, ne peut pas vivre dans le passé.

Il faut que nous soyons en mesure de conjuguer notre identité et la modernité que propose ce projet de loi.

Mme Isabelle Le Callennec. Qu’est-ce que cela veut dire ?

M. Philippe Bies. S’agissant de l’amendement du rapporteur, permettez-moi d’utiliser un passage de la lettre que Jean-Pierre Masseret, président socialiste de la région Lorraine, a adressée au Premier ministre aujourd’hui. Si je me permets de l’évoquer, c’est qu’il l’a rendue publique. Il cite un ministre du Gouvernement : « Les futures régions doivent être porteuses d’avenir. Dans certains cas, des fusions s’imposent ; dans d’autres, non…

M. Éric Straumann. C’est le cas de l’Alsace !

M. Philippe Bies. Si l’on veut donner de la force aux régions, il faut une capacité collective des habitants à tracer leur avenir, à s’appuyer sur leurs racines pour se projeter. Une région n’est pas seulement une administration ». Ces mots sont ceux de Jean-Yves Le Drian dans Le Monde daté des 13 et 14 juillet.

C’est exactement dans cet état d’esprit que nous nous sommes engagés, avec mon collègue strasbourgeois Armand Jung, mes collègues lorrains, dont Paola Zanetti ici présente, le maire de Strasbourg et beaucoup d’autres en faveur de la fusion de l’Alsace et de la Lorraine. Cette fusion nous paraît être le moyen de conforter et d’approfondir les coopérations déjà engagées, comme dans le domaine de la santé, des universités, de la transition énergétique ou encore des transports.

Savez-vous, monsieur Straumann, vous qui avez raconté beaucoup de bêtises ce soir, que près de 100 000 Alsaciens et Lorrains traversent ce qui constitue encore une frontière…

M. Claude Sturni. Une frontière ! N’importe quoi !

M. Philippe Bies. …pour aller travailler dans la région voisine ? Non, apparemment. vous devriez un peu travailler la question.

Aujourd’hui, le rapporteur nous propose d’ajouter la Champagne-Ardenne. Nous sommes un certain nombre à considérer que c’est amener de la dilution là où il faut de la force.

M. Éric Straumann. Cela signifie encore la perte de Strasbourg !

M. Philippe Bies. C’est aussi amener des divisions, de la confusion là où étaient en train de se former, n’en déplaise à certains ici présents, un consensus et une dynamique transpartisane. J’en veux pour preuve le travail remarquable qui a été engagé par Philippe Richert, président UMP de la région Alsace, et Jean-Pierre Masseret, président PS de la région Lorraine.

Vous l’aurez compris, nous considérons que cette nouvelle proposition n’est pas acceptable en l’état. Elle l’est d’autant moins que le rôle des métropoles, qu’il s’agisse, bien sûr, de celles de Strasbourg et de Lille, mais aussi de toutes celles que nous avons créées dans la récente loi qui leur est consacrée, n’est ni bien défini, ni suffisamment articulé avec les nouvelles régions.

Je conclurai en disant qu’il n’y a sans doute pas de bonne carte ni de bonne méthode…

M. Laurent Wauquiez. Si, il y a une bonne méthode !

M. Philippe Bies. …mais que rien n’interdit un peu de bon sens. Le bon sens, la cohérence, dans l’Est, ce sont l’Alsace et la Lorraine qui aujourd’hui incarnent une même ambition, un même chemin.

Compte tenu de l’esprit d’ouverture du Gouvernement, qu’a rappelé à plusieurs reprises le ministre de l’intérieur, j’ai bon espoir que d’ici à la deuxième lecture, ce bon sens et cette cohérence prévaudront. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth.

M. Éric Woerth. Monsieur le ministre, vous disiez tout à l’heure qu’il ne fallait pas avoir peur. Nous n’avons pas peur. Personne ici n’a peur. Nous avons juste des opinions différentes et nous les exprimons. En revanche, le Gouvernement, lui, a peur de beaucoup d’autres types de réforme. Il évite ainsi consciencieusement de s’attaquer à des réformes structurelles qui concernent directement les populations. La peur n’est donc peut-être pas dans le camp que vous croyez.

Je note aussi qu’il existe de grandes différences d’appréciation, au sein du parti socialiste comme au sein de l’UMP : ce débat est transpartisan, et c’est tant mieux. Il y a des convergences géographiques, des opinions, des convictions qui s’expriment, avec raison. Tout cela est parfaitement estimable.

Je constate que la Picardie a beaucoup voyagé : elle est partie en Champagne-Ardenne, puis en est revenue assez vite. D’après les journaux, c’est la Champagne-Ardenne qui ne souhaitait pas accueillir la Picardie, alors que celle-ci n’était pas contre. Cela fonctionne souvent dans un seul sens, comme s’il s’agissait de fusions-absorptions : la Picardie disparaît en se fondant soit dans la Champagne, soit dans le Nord-Pas-de- Calais, dont les élus pourtant, à l’exception de Gérald Darmanin, ne sont pas prêts à l’accueillir avec plaisir et bonté, comme on le voit dans certains sous-amendements.

Je regrette que ce texte n’ait pas été accompagné d’une étude impact sérieuse. Pourtant, nous disposons de services administratifs puissants en ce domaine. Nous sommes l’un des pays qui travaille le plus à son aménagement du territoire, et ce depuis de très nombreuses années, que les gouvernements soient de droite ou de gauche. Les administrations qui en ont la charge ont perduré, parfois en changeant de nom. Il est dommage qu’elles n’aient pas fourni une telle étude.

Nous aurions dû avoir dès le départ une discussion plus objective que celle que nous avons aujourd’hui, une discussion portant sur les réseaux de transport, sur l’économie, sur la valeur ajoutée que représente la fusion de telles ou telles région, dans le domaine de l’enseignement supérieur ou de la recherche par exemple. Il est bien dommage qu’il n’en ait pas été ainsi, c’est sur cette base que nous aurions dû construire cette réforme.

Pour en revenir à la Picardie, comme si peu de monde a envie de fusionner avec elle, d’autres solutions auraient dû être envisagées. La première aurait consisté à la laisser dans ses propres frontières, comme vous l’avez fait pour la région Centre. Nous aurions pu aussi avancer plus vite, faire disparaître les trois départements picards et les fusionner dans une seule entité, à l’instar de ce que veulent la Bretagne et l’Alsace. Outre de la cohérence, cela aurait permis des économies.

À propos d’économies, je n’entends rien de bien sérieux. Vous nous donnez des chiffres, qui évoluent au gré des articles de journaux et des déclarations ministérielles. Nous devrions au moins avoir une fourchette, accompagnée d’explications sur la façon dont ces calculs sont établis. En réalité, votre chiffrage n’a pas de fondements réels : il vous arrange d’un point de vue budgétaire, domaine auquel vous lient vos anciennes fonctions. Les ayant exercées aussi, je partage votre souci d’économies, mais encore faut-il qu’elles soient sous-tendues par des hypothèses crédibles, ce qui n’est pas le cas. Le fait de supprimer des départements au profit d’une seule entité, régionale, aboutira forcément à des économies qu’il aurait été judicieux d’évaluer.

Si vous ne vouliez pas d’une Picardie qui reste seule après disparition des départements qui la composent, il existait une deuxième solution, qui consiste à démembrer les régions en suivant une logique parfois départementale. Certes, cela ne fonctionne pas pour la Loire-Atlantique mais cela aurait pu pour la Picardie. Au nord, elle a un attachement pour la Somme ; plus à l’est, pour une partie du département de l’Aisne – Xavier Bertrand me corrigera s’il le faut ; l’Oise, quant à elle, est davantage tournée vers l’Île-de-France.

On ne redécoupe pas les territoires sans prendre en compte la vie quotidienne de leurs habitants. Ce sont des bassins de vie, ce sont des bassins d’emploi, ce sont des trains qu’on emprunte quotidiennement, ce sont des enfants qui partent faire leurs études. La plateforme de Roissy se situe à une quarantaine de kilomètres de Creil : les gens de Creil travaillent là-bas, se plaignent évidemment des problèmes de transports, qu’ils prennent tous les matins en direction du sud et non du nord !

Ce qui compte, c’est la vie des gens, pas des découpages technocratiques ou purement politiques. Il n’y a rien d’illogique à penser que tel département peut se voir rattaché à une autre région tout simplement parce qu’économiquement, sociologiquement, culturellement voire historiquement, il entretient un lien avec elle.

Il est regrettable que vous soyez passé à côté de cela. Vous auriez pu aller dans ce sens. C’est une bonne idée de vouloir réformer les territoires régionaux, de modifier les frontières, et de mettre fin au mille-feuilles territorial que nous avons tous dénoncé. Malheureusement, le Gouvernement ne s’est pas donné les moyens de cette réforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Le Roch. (Exclamations et applaudissements sur plusieurs bancs.)

M. Jean-Pierre Le Roch. Le sentiment d’appartenance à un territoire reconnu, cohérent, riche de sa culture et de son histoire, la volonté commune de ses habitants de partager une même ambition sont facteurs de dynamisme et de confiance dans l’avenir. (« Bravo ! » et applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.) Voilà ce qui motive depuis des décennies l’attente très forte d’une réunification de la Bretagne à cinq départements.

Que de vœux unanimes en ce sens, votés à maintes reprises par le conseil régional de Bretagne, par des conseils généraux, dont celui de Loire-Atlantique, par des communes par centaines, de toutes sensibilités politiques, notamment celle dont j’ai eu l’honneur d’être maire, Pontivy, ville à la confluence du canal reliant Nantes à Brest et du Blavet canalisé. Ces vœux répétés montrent que le rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne répond tout à fait à l’exigence de proximité des élus et des administrés.

Les sondages successifs convergent tous. Ils confirment ce fort sentiment d’appartenance, cette forte volonté de construire notre avenir dans une Bretagne réunifiée, indissociable de notre attachement à la République française.

C’est pourquoi je suis favorable à une Bretagne à cinq départements. Je voterai donc pour le sous-amendement présenté par François de Rugy. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur divers bancs.)

M. Thierry Benoit. Très bien !

M. Jean-Pierre Le Roch. C’est dans cette perspective que je défendrai deux amendements assouplissant le droit d’option. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Buisine.

M. Jean-Claude Buisine. Je voudrais me joindre à mes collègues du Nord-Pas-de-Calais, ou de la Somme, comme Pascale Boistard, pour dire combien je me réjouis de la proposition de fusion de la région Nord-Pas-de-Calais avec la Picardie. Cela formera une région d’avenir. Je ne vais pas reprendre les arguments déjà développés par mes collègues. Aujourd’hui, plus de 60 % des Picards et des habitants du Nord-Pas-de-Calais y sont favorables.

J’ai confiance dans le dynamisme de cette nouvelle région, dynamisme porté par sa population déjà mobilisée par ce projet. Avec ses 6 millions d’habitants, cette nouvelle région sera de taille européenne, notamment au plan agricole, industriel ou agroalimentaire. Elle bénéficiera également d’une situation stratégique intéressante entre Bruxelles et Paris, ce qui la rendra plus attractive encore.

Ces nouvelles activités pourront lui permettre de soutenir le projet de canal Seine-Nord Europe que nous attendons tous.

Mme Barbara Pompili. Non, pas tous !

M. le président. La parole est à M. Laurent Furst.

M. Laurent Furst. Il y a une chose extraordinaire dans cet hémicycle, c’est l’amour que portent l’ensemble des élus de notre pays à leurs territoires et à leurs régions. Dans cette perspective, toutes les interventions apparaissent légitimes. Elles n’ont pas besoin d’être caricaturées au-delà du raisonnable.

Oui, la France est multiple, elle compte des régions très différentes les unes des autres. Certaines, au fil des générations, ont su garder une identité particulière. Et ce serait aujourd’hui un handicap, une caractéristique méprisée, presque méprisable ! Eh bien non, monsieur le ministre ! Je crois que les Bretons ont raison d’être fiers d’être bretons, les Corses, épargnés, ont raison d’être fiers d’être corses, et les Alsaciens ont raison d’être attachés à leur région.

M. Marc Le Fur. Très bien !

M. Laurent Furst. Tout à l’heure, l’un de nos collègues alsaciens a exprimé un point de vue parfaitement légitime. Cela dit, quand treize des quinze députés alsaciens expriment une opinion sur le devenir de leur région, on peut dire qu’ils représentent la majorité de la population de leur région !

M. Éric Straumann. Il faut les écouter !

M. Laurent Furst. Par ailleurs, une chose me paraît importante : nous sommes dans un pays qui connaît des difficultés, qui est confronté à une forme de déclin. Nos concitoyens ont besoin de références, et leur région reste une référence. Il est peut-être nécessaire que certaines régions s’unissent pour tracer un nouveau chemin et construire un nouveau destin. À titre personnel, j’aurais beaucoup de mal à exprimer une opinion sur l’évolution de la Picardie et du Nord-Pas-de-Calais : je me contente d’écouter les arguments échangés. Mais en tout cas, pour notre région, profondément tournée vers l’Allemagne, profondément tournée vers la Suisse, avec des investissements internationaux si importants, pour cette région où le bilinguisme est une notion essentielle, je sais que ces vertus, ces caractéristiques, forgent une part majeure de l’avenir. Et ce n’est pas faire injure à nos voisins et amis que de dire que nous souhaitons garder et construire une part de notre avenir sur ces spécificités.

Je vais vous dire ce que je regrette le plus : je comprends que l’on puisse nous dire que là n’est pas l’essentiel, qu’il y a peut-être une autre route, mais j’aimerais entendre des explications. Or je n’en entends pas. Je n’entends aucun argument, sinon qu’il faut des grandes régions et par conséquent faire fi de la tradition, de la culture et du passé. Il faut de grandes régions : mais pour qui, pour quoi ?

M. Laurent Wauquiez. Même ça, ils ne feront pas !

M. Laurent Furst. Ce qui compte, ce n’est pas l’efficacité ? C’est de fixer un objectif politique, pour un semblant de réforme ? J’imagine mes concitoyens qui, se réveillant demain ou après-demain, apprendront que leur région va disparaître : quelles explications leur donnerez-vous ? Aucune ! C’est comme ça et ce n’est pas autrement !

J’aimerais simplement vous dire ceci, messieurs les ministres : pour qu’une réforme s’inscrive dans le temps, pour qu’elle passe le cap des alternances, car nous sommes dans un pays où il y a des alternances, il faut un minimum de consensus avec les élus, avec les territoires. Il faudra peut-être attendre mille jours, et nous saurons attendre, mais nous aurons raison ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP et quelques bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Il y a deux questions : l’une sur le Nord et la Picardie, et je fais confiance à Gérald Darmanin et Éric Woerth pour avancer sur ce sujet, et l’autre sur la Bretagne et l’Alsace, que je me permets d’associer.

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Ah non ! Aucun amendement ne fusionne l’Alsace et la Bretagne ! (Sourires.)

M. Marc Le Fur. Sur ces deux régions, je voterai l’amendement d’Éric Straumann et celui de M. de Rugy, puisque c’est le duplicata du mien. J’imagine donc qu’il votera pour le mien ! J’ai bien noté que M. Le Roch fera de même, ce dont je le remercie…

J’associe volontairement l’Alsace et la Bretagne, parce qu’il s’agit de deux régions à forte identité,…

Plusieurs députés du groupe SRC. Et les autres régions, alors ?

M. Marc Le Fur. …deux régions qui se sentent meurtries par ce projet, l’une, l’Alsace, parce qu’elle est complètement banalisée, intégrée dans un ensemble anonyme, et l’autre parce qu’elle se voit confirmer l’amputation de Nantes et de tout le département de Loire-Atlantique.

M. Thierry Benoit. Tout à fait !

M. Marc Le Fur. Ce sont deux régions qui pouvaient pourtant raisonnablement espérer beaucoup de ce projet. Et croyez-moi, en politique, la déception, l’espérance déçue est ce qu’il y a de pire ! On a le sentiment, dans ces régions, que Paris a peur de nos identités.

M. Denis Baupin. Oh que non !

M. Marc Le Fur. Et parce que Paris a peur de nos identités, il faut en quelque sorte nous museler, nous banaliser, nous restreindre ! Bref, ce sont deux régions qui ont le sentiment d’être oubliées. Je le dis avec une certaine solennité, messieurs les ministres : quand, à l’occasion d’un texte comme celui-ci, risque de se former un divorce entre Paris et deux belles provinces, il y a une vraie difficulté.

M. Denis Baupin. Rien à voir !

M. Marc Le Fur. Chacun comprendra le sens de « Paris », mon cher collègue ! Il y a une vraie difficulté, un vrai risque, et je vois très concrètement ce divorce s’esquisser. On l’a vu lors de l’affaire de l’écotaxe,…

Mme Pascale Boistard. C’est vous qui l’avez votée !

M. Marc Le Fur. …on l’a vu sur la situation économique. Des entreprises défaillantes, Doux, Tilly-Sabco, Gad – n’ont jamais reçu de concours de l’État.

Plusieurs députés du groupe SRC. Ce n’est pas vrai ! Vous racontez n’importe quoi !

M. Marc Le Fur. Voilà ce que nos compatriotes constatent, et avec d’autant plus d’amertume que, pour 56 % d’entre eux en Bretagne, ils ont voté pour François Hollande ! Ce que je redoute, c’est ce divorce.

Je vous invite donc, messieurs les ministres, à utiliser ce texte pour valoriser au contraire ces régions, qui ne demandent qu’à être pionnières. L’Alsace peut être pionnière en fusionnant avec les deux départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin : elle anticiperait la réforme que vous prétendez porter puisque, à partir de 2020, il n’y aura plus de département. Laissez-les donc anticiper ! La Bretagne aussi pourrait être pionnière dans la coopération, avec une belle région du Val-de-Loire,…

M. Luc Belot. Il va pleuvoir sur l’estuaire ! Bravo la cohérence !

M. Marc Le Fur. …une région déjà reconnue par l’UNESCO, une région dans laquelle l’Anjou, cher à Michel Piron, aurait tout lieu de s’intégrer et de s’associer.

Vous avez dit aux Alsaciens, monsieur le ministre, mais vous auriez pu le dire aux Bretons, qu’ils ne devaient pas s’inquiéter, que leur culture, leur identité linguistique ne souffriraient pas de cette confusion dans une grande région. Ce n’est pas vrai ! Pour nous, la culture et l’économie sont associées et c’est sur ce socle culturel, qui est une occasion de cohérence, de réseaux, d’appropriation, que se bâtit un développement économique. La culture, ce n’est pas la cerise sur le gâteau, les costumes que l’on revêt le dimanche ! C’est un comportement qui irrigue l’ensemble de nos attitudes, y compris en matière sociale et en matière économique ! C’est pour cela que je m’inscris en faux contre votre raisonnement, pardonnez-moi, monsieur le ministre.

M. Laurent Furst. Mais il ne s’agit pas de cela ! On ne vous retire rien !

M. Marc Le Fur. Et pardonnez-moi, mon cher Michel Piron, mais quand on interroge les Bretons des cinq départements sur les trois hypothèses qui leur sont proposées – la Bretagne à quatre, la Bretagne à cinq, que je défends, et le grand ensemble, au sens des HLM, d’ailleurs, puisqu’on associe des tas de gens – seulement 6 % d’entre eux se prononcent pour le Grand Ouest. Ils n’aspirent pas à la confusion mais à la coopération avec nos voisins, qu’ils soient Normands ou du Val-de-Loire !

M. Luc Belot. C’est la France de Pompidou qu’il vous faut !

M. Marc Le Fur. Si nous savons entendre ce type de propos, si nous votons les amendements Straumann, de Rugy et Le Fur, nous rectifierons dans un sens très positif votre texte ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Antoine Herth.

M. Antoine Herth. Si je m’exprime pour la première fois dans ce débat, c’est pour apporter mon soutien à l’amendement d’Éric Straumann. Je ne vais pas, monsieur le ministre, vous parler de géographie, vous asséner des chiffres, vous parler de culture ou encore de langue. Je vais vous parler de la seule chose qui distingue l’Alsace du point de vue du thème de la loi que nous examinons, à savoir la réforme des collectivités. C’est la seule région de France métropolitaine qui, dans un passé récent, a pris des initiatives sur ce sujet, a exploré des possibilités, a pris des risques, en organisant un référendum qui, malheureusement, a été négatif. Si vous nous aviez d’ailleurs un peu aidés à l’époque, monsieur Bies, peut-être n’en serions-nous pas à nous arracher les cheveux sur une carte ; peut-être en serions-nous déjà au deuxième texte, à nous poser la question des compétences. Mais là n’est pas le sujet.

Ce que je veux dire, monsieur le ministre, c’est que la seule raison de distinguer l’Alsace dans la discussion de ce soir, c’est que l’Alsace est volontaire pour faire une expérimentation, pour atteindre en définitive le but que vous-même poursuivez, à savoir supprimer un niveau de collectivité entre région et département. Nous sommes prêts à le faire, mais pour avancer sur ce sujet, par exemple pour créer une collectivité à statut particulier, puisque c’est possible, il faut ce soir décider de laisser l’Alsace dans ses contours actuels. Ce n’est pas une finalité, c’est un point de départ que nous vous proposons.

Par ailleurs, je voulais vous dire, monsieur le ministre, que je suis d’accord avec vous sur deux points essentiels. D’abord, nous sommes ici pour servir d’abord la République ; et pour servir la République, il faut que nous soyons capables de moderniser son architecture institutionnelle. L’Alsace veut le faire, veut contribuer à cet effort, en suivant une trajectoire particulière certes, mais avec la même finalité. Et deuxième point d’accord : je ne parle pas du passé, je regarde, comme vous, vers l’avenir. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. Serge Grouard.

M. Serge Grouard. Nous l’avons bien compris, dans ce débat, chacun défend avec passion le territoire qu’il pense représenter. C’est fort juste. Mais je ne voudrais pas que l’on en vienne à amalgamer deux régions et deux propositions qui n’ont selon moi rien à voir l’une avec l’autre. La proposition de nos collègues alsaciens a toute sa cohérence et nous avons senti que l’on ne pouvait pas procéder à un découpage administratif dans un cas où la force et la spécificité de l’histoire, souvent troublée, sont si prononcées. La proposition qu’ils font aujourd’hui est résolument moderne, puisqu’elle suppose cette expérimentation d’un regroupement de départements avec une région dont il avait été question lors de la discussion générale. C’est la logique que chacun recherche, dans le prolongement de ce que vient de développer Antoine Herth.

Mais une autre proposition cherche à y être comparée : la proposition bretonne. La différence, pardonnez-moi de le dire, est qu’elle comporte un élément qui pourrait être perçu comme quelque peu choquant. Chacun peut comprendre que la Loire-Atlantique doive venir se regrouper avec la Bretagne, mais on ne peut pas ensuite laisser le reste des Pays de la Loire se débrouiller comme il peut, ou l’envoyer se regrouper avec la région Centre, puisque de toute façon on ne sait pas trop ce que c’est !

M. Luc Belot. Eh oui ! Quel mépris !

M. Serge Grouard. La région ainsi créée en viendrait à s’appeller « Val-de-Loire », car on ne sait pas trop en fait de quoi il s’agit, et inclurait la Mayenne, si vous avez la carte de la France en tête à cette heure avancée. Mais expliquez-moi en quoi la Mayenne constitue un département du Val-de-Loire ! Retournons tous à nos chères études de géographie, voire d’histoire !

M. Yannick Favennec et M. Michel Piron. Nous sommes d’accord !

M. Serge Grouard. Je suis confus de dire à nos collègues que dire qu’ils veulent une région bretonne découpée d’une certaine manière et que les autres n’ont qu’à s’en débrouiller n’est pas recevable. Non, ce n’est pas recevable.

M. Yannick Favennec. Exactement !

M. Serge Grouard. Ainsi que je l’ai dit dans la discussion générale, le cœur de France qu’est la région Centre a aussi son identité, aussi sa cohérence. Je respecte chacun dans ses propos, et je souhaiterais que chacun en fasse de même pour ce qui concerne nos régions. Je répète donc que la région Centre n’a pas vocation à servir de variable d’ajustement des choix et des démêlés bretons !

M. Yannick Favennec. Il a raison !

Mme Marie-Françoise Bechtel. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss.

M. Frédéric Reiss. Je veux, à mon tour, revenir sur le sous-amendement n510 et rassurer le rapporteur, qui pense que les treize députés alsaciens ne sont pas des députés de la nation à part entière.

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Je n’ai jamais dit ça !

M. Frédéric Reiss. Nous sommes là parce que nous pensons que nous sommes dans le vrai.

Vous avez dit, monsieur le rapporteur, que le rattachement de la Champagne-Ardenne à l’Alsace et la Lorraine vous semblait évident.

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Cohérent !

M. Frédéric Reiss. Or nous avons constaté que ce rassemblement n’est intervenu que lors de la dernière mouture, après d’autres propositions de modification de la carte de France.

M. Carlos Da Silva, rapporteur. C’est vrai !

M. Frédéric Reiss. Donc l’évidence n’est pas si grande que cela.

Personne ne peut nous reprocher notre forte identité régionale, une culture vivante, une langue régionale pratiquée par un tiers de la population, un droit local et un régime concordataire qui n’empêche d’ailleurs pas une laïcité de bon aloi. Ce sont des réalités du quotidien dans une Alsace qui affiche un dynamisme économique incontestable. De grandes entreprises, mais aussi des PME contribuent non seulement à la richesse nationale mais pèsent aussi favorablement dans la balance du commerce extérieur de la France.

Il ne s’agit pas du tout d’un repli sur soi, mais bien d’une volonté d’aller de l’avant. Nous n’avons pas réussi, certes, à être pionniers en matière de collectivité unique en fusionnant les deux départements et la région. Sans doute n’avons-nous pas été assez persuasifs et n’avons-nous pas su motiver davantage les Alsaciens lors du référendum. Il est vrai aussi que les tergiversations des socialistes strasbourgeois ne nous ont pas aidés.

M. Marc Le Fur. C’est vrai !

M. Frédéric Reiss. Monsieur le ministre, depuis le début de la soirée, vous dits avec le président du groupe socialiste que vous êtes prêts à faire évoluer la carte proposée en commission. Vos arguments, en reconnaissant la puissance de l’identité alsacienne, vont d’ailleurs dans notre sens. La collectivité unique, une Alsace alsacienne, sera capable, je vous rassure, de marier modernité et tradition.

M. Patrick Hetzel. Bien sûr !

M. Frédéric Reiss. Or force est de constater que tout semble verrouillé. Nous pensons que la solution n’est pas dans l’uniformité de vos réponses. Monsieur le ministre, vous n’avez pas dit un mot de Strasbourg capitale européenne. Pourtant, cela fait aussi que l’Alsace soit une région à part entière. Le siège de la région est d’ailleurs un enjeu majeur, et c’est vrai ailleurs, car la puissance d’une région et son rayonnement sont directement fonction de la synergie entre son principal pôle urbain et le reste de son territoire. Or Strasbourg ne sera jamais capitale pour les Meusiens ou les Champenois et Nancy, Metz ou Reims ne seront pas capitale pour les Alsaciens. Quel que soit le compromis, Strasbourg sera perdante, avec un scénario identique à la contestation du siège du Parlement européen.

La coopération transfrontalière, très présente, se fait sur des espaces concrets. Comment un même service basé à Strasbourg, à Nancy ou à Reims s’occupera-t-il demain du Rhin supérieur, de PAMINA ou de Saar-Lor-Lux ? Pour l’Alsace, les perspectives d’emplois et d’innovation sont avec la Suisse, le Bade-Wurtemberg et le Palatinat. La solution qui nous est proposée perturbera nos partenaires étrangers et dispersera les efforts transfrontaliers, ce que nous regrettons. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Monsieur le député, un mot sur Strasbourg capitale européenne. Lorsque j’étais ministre des affaires européennes, j’ai eu à plusieurs reprises, aux côtés des élus strasbourgeois, toutes tendances confondues, à contrer les velléités d’un certain nombre de parlementaires européens non Français…

M. Laurent Wauquiez. Comme vos prédécesseurs !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Certes, monsieur Wauquiez mais je l’ai quand même fait ! C’est pourquoi lorsqu’un député de votre groupe prétend que cette question ne nous a jamais préoccupés, je me permets simplement de lui dire que ce n’est pas exact. Plusieurs exemples témoignent de cet engagement.

Par ailleurs, on ne peut pas être une région d’accueil d’une capitale européenne et vouloir rester seul, alors que ce qui caractérise une capitale européenne est précisément sa puissance d’ouverture. Strasbourg rayonne suffisamment au plan européen pour ne pas avoir peur de perdre son identité, qui est aussi éminemment européenne, dans un ensemble plus large. Il y a une forme d’incohérence entre le fait d’appartenir à une région qui est une capitale européenne éminente, qui veut le rester et qui dispose pour cela de tout le soutien du gouvernement français et du pays tout entier et le fait d’avoir peur de s’inscrire dans un ensemble plus large. On ne peut pas à la fois revendiquer Strasbourg comme capitale européenne et ne pas avoir l’idée que ce statut de capitale européenne la protège de son statut régional, quel que soit le périmètre de la région à laquelle elle appartient.

M. Éric Straumann. Le centre de gravité passe à Nancy !

M. le président. La parole est à M. Jacques Krabal.

M. Jacques Krabal. Monsieur le ministre, je ne commencerai pas par une fable de Jean de La Fontaine car je n’ai pas trouvé de vers en patois ou en picard. Je suis un homme de Champagne, mais au vu de la façon dont sont organisés les débats, je vois qu’il n’y a pas de concession à attendre.

À défaut de La Fontaine, pensons à Danton : il nous faut de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace et la France sera sauvée. La France n’est pas menacée, les Autrichiens ne sont pas là, mais je considère que le Président de la République a fait preuve, avec la première carte, d’une certaine audace, même si la Picardie a été depuis un peu ballottée. Il fallait vraiment mettre le problème sur la table comme il l’a fait.

Vous, monsieur le rapporteur, avez fait également preuve d’audace en souhaitant, quelles que soient les conditions, modifier cette carte par un amendement. Bien évidemment, ça coince. Pour la Champagne-Ardenne, la Lorraine, l’Alsace, vous ne trouvez pas les arguments qui vont ont été opposés cohérents. Je trouve votre réponse un peu légère. On ne peut pas dire qu’il n’y a pas de cohérence sans donner d’explication. Dans votre proposition, le Nord-Pas-de-Calais est intégré à la Picardie,vice versa... À ce propos, les règlements de comptes auxquels nous avons assisté, y compris au sein de la majorité, récupérés d’une façon un peu grotesque par l’opposition, ne sont pas très dignes compte tenu d’un sujet qui engage vraiment l’avenir de la France.

Le président de Champagne-Ardenne a fait voter son conseil régional, qui s’est prononcé majoritairement pour la fusion avec la Picardie. Il l’a fait voter non sur des bases politiques mais sur un vrai projet de développement économique.

M. Jean-Luc Warsmann. C’est faux !

M. Jacques Krabal. Monsieur le rapporteur, nous tenons ce projet à votre disposition. J’aimerais que vous me disiez très précisément quel est l’argument qui a fait que la Picardie quitte la Champagne-Ardenne pour rejoindre le Nord-Pas-de Calais, en dehors de quelques kilomètres de côtes en commun, du même patois et de l’AOC Maroilles ? Quels sont les arguments de fond qui vont donner de la force au développement économique et faire reculer le chômage ? Pour ce qui est des pôles de compétitivité, la Champagne-Ardenne travaille avec la Picardie et la Lorraine depuis longtemps. Vous aviez là un véritable projet structurant pour l’arc nord-est. Et je pourrais multiplier les arguments.

Je vous disais de faire preuve d’audace. Vous ne trouvez pas de solution sans cela. Je voudrais reprendre les arguments qui ont été avancés par M. Woerth tout à l’heure : vous vous êtes trouvés bloqués par le fait qu’il ne fallait pas procéder à un découpage à l’intérieur des régions, ni toucher à la région Île-de-France. Mais si l’on veut vraiment aller au fond des choses pour ne pas avoir à y revenir, il faut tout mettre sur la table. La région Picardie ne se résume pas au département de la Somme, elle comprend deux autres départements. Je ne sais pas si l’on parle le picard ou le ch’ti à Chantilly, mais j’ai le regret de vous dire qu’on ne le parle pas à Château-Thierry.

Il faut aller au fond des choses, et prendre en compte la vie quotidienne des gens. Je rappelle que Saint-Quentin est attiré par le Nord et que Jean-Pierre Balligand, qui a été député de la Thiérache, a milité pour sa part pour que la Thiérache aille vers Reims. La vie des gens dans le sud de l’Aisne est déjà très engagée avec le G10, un groupement autour de Reims, Laon, Soissons et Château-Thierry. Toutes les communautés de communes et d’agglomération se sont prononcé contre cette proposition, et le conseil régional de Picardie s’est abstenu. Il ne suffit pas de dire qu’il y a un « mouvement » pour que cela soit vrai !

La vie quotidienne des gens, c’est important. On me dit que des coopérations interrégionales pourront continuer, comme dans la santé, mais ce n’est pas possible. Et les jeunes qui habitent Château-Thierry vont poursuivre leurs études à Reims. Quant aux axes de communication… Arrêtez ! Pour aller à Lille en train, on est obligé de passer par Paris !

On nous dit encore qu’il s’agira d’une grande région. Mais quand on est une petite ville, rurale, moyenne, on doit savoir que les métropoles vont nous aspirer et qu’elles vont contribuer à l’accroissement de déserts territoriaux. Sans parler de la zone AOC, qui va être scindée : cela représente un chiffre d’affaires de 4,5 milliards, dont plus de la moitié à l’extérieur ! La véritable force, cela consiste à donner de la cohérence à ce qui est une plus-value, pas seulement pour le territoire mais pour la France !

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, il faut faire preuve d’audace et aller jusqu’au bout afin de trouver une solution. Bien sûr, le droit d’option en est une mais il faudra pour cela attendre 2016. Il aurait été bon de tout mettre sur la table pour mieux prendre en compte les attentes de nos habitants, y compris dans le département de l’Aisne.

M. le président. La parole est à Mme Marietta Karamanli.

Mme Marietta Karamanli. Je ne parlerai pas d’une région en particulier, parce que certaines interventions m’ont fait penser à des débats que nous avons eus ici sur l’identité nationale et que j’ai trouvé certains propos choquants. Je reviendrai plutôt sur l’amendement du rapporteur et sur la réflexion que le Gouvernement a portée à travers les trois principes qui ont guidé la redéfinition des limites des régions : la contiguïté, une taille et une richesse suffisante, et enfin une histoire commune, fondée sur des coopérations réelles et des infrastructures existantes.

La question, depuis plusieurs heures ici, est de savoir si une configuration plus large est possible. Ces critères la permettent, mais il ne saurait toutefois être question de démembrer des régions existantes. Prendre deux, trois ou quatre départements pour les recoller dans de nouvelles régions reviendrait à renoncer aux principes.

L’article 1er doit aussi s’apprécier à la lumière de l’article 3. Le texte ne prévoit pas de limites au nombre de départements d’une même région qui, simultanément ou successivement, rejoindraient d’autres régions. Les majorités requises peuvent en effet être atteintes non dans un objectif de cohérence, mais pour des raisons d’opportunité. Ce mouvement d’ensemble priverait les régions d’origine de ce qui a fondé leur création et a autorisé leur maintien en 2014.

La stabilité recherchée par le regroupement ou le maintien de régions existantes ne peut permettre ce mouvement diffus et centripète de départements quittant une région au risque de la déséquilibrer économiquement. Il appartient donc au Gouvernement de faire en sorte que la possibilité de modifier les limites des régions dans les années à venir soit limitée et ne puisse porter atteinte à l’équilibre économique trouvé par la réforme. C’est ainsi que nous garantirons une certaine cohérence au plan national, à travers la carte de M. le rapporteur.

M. le président. La parole est à M. Claude Sturni.

M. Claude Sturni. À mon tour, je voudrais défendre les amendements que nous avons cosignés, nous, les fameux treize députés alsaciens. Nous défendons un projet qui est tout sauf conservateur : comme cela a été dit avant moi, nous avons été en Alsace les seuls à oser un projet novateur, un projet courageux. Ne nous taxez surtout pas de conservatisme, sinon il faudra reprendre les éléments de ce débat d’il y a à peine un an. On pourra alors constater qui a pris la défense d’un projet de progrès pour nos collectivités territoriales.

Je voudrais, monsieur le ministre, revenir sur les objectifs mêmes de cette réforme. La priorité pour notre pays étant le développement économique et l’emploi, à travers la réforme de l’État et l’amélioration des comptes publics, votre projet sera-t-il pour l’Alsace porteur de progrès ?

Pour ce qui est du développement économique, vous le savez, nous sommes une région frontalière. J’ai la chance d’être le député d’un bassin d’emploi où le taux de chômage est faible, autour de 7 %, grâce à un atout fondamental : la présence des entreprises allemandes. Nous avons près de cinq mille emplois industriels dans des entreprises à capitaux allemands. J’ai fait l’effort de rencontrer chacun de leurs dirigeants en prévision de ce débat. Je leur ai demandé ce qu’ils attendaient du travail que nous avons à faire ensemble et comment la réforme pourrait améliorer leur perception de leur implantation sur le sol français, en l’occurrence alsacien. Ils m’ont cité trois atouts : le bilinguisme, le droit local et les infrastructures.

Voilà ce que le monde économique attend de nous. J’ai rencontré également des responsables syndicaux : ils sont sur la même longueur d’onde. C’est peut-être un des éléments de notre culture : nous sommes capables de créer du consensus dans nos entreprises et d’analyser leurs problèmes et ceux de nos territoires, en vue de les résoudre ensemble.

J’ai entendu tout à l’heure, et cela m’a fait de la peine, des commentaires de collègues qui visiblement ne connaissent pas le droit local alsacien-mosellan. J’ai entendu des moqueries, des ricanements, j’ai même entendu dire que ce droit local remontait à très loin. Moi, j’affirme ici que ce droit local, nous en sommes fiers. Ce droit local est performant, ce droit local nous donne des atouts dans la compétition économique et ce droit local, nous voulons le défendre. Il n’est pas ringard. Ce droit local, il est du XXIe siècle et s’il y a quelque chose à faire, c’est essayer de s’en inspirer.

M. Laurent Furst. Mais oui !

M. Claude Sturni. Juste un exemple, pour l’information de certains qui ne connaîtraient pas nos particularités : nous avons un régime local d’assurance maladie.

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis et , M. Philippe Bies. Sauvé par les socialistes !

M. Claude Sturni. Figurez-vous que ce régime local est équilibré, en Alsace, au point que nous avons réduit le taux de cotisation !

Mon premier constat est donc que nous avons des atouts. Pourquoi voulez-vous casser ce qui fonctionne ? Pour quoi affaiblir ces particularismes alsaciens dans une très grande région ? Je cherche, comme d’autres, vos motivations.

Et puis, monsieur le ministre, vous avez parlé d’identité et de modernité. Je ne peux imaginer que l’identité ne soit pas un élément de cette modernité. Nous voulons développer cette identité. Ce n’est pas pour nous singulariser : nous sommes Français, nous sommes Européens en Alsace. Mais en même temps, donnez-nous la possibilité de garder, voire de développer cette identité alsacienne ! Cette identité, ce n’est pas qu’un mot, un discours sur notre passé : c’est des outils pour l’avenir.

Comment ne pas imaginer que certaines organisations, certains médias, vont s’articuler autour de cette très grande région ? Où va passer France 3 Alsace ? Où va passer France Bleu Elsass ? Nous avons la chance d’avoir ces médias publics qui font un travail tout à fait intéressant, mais vous savez bien qu’ils se sont organisés autour des régions.

Un dernier point concernant l’identité : c’est la politique éducative. Nous avons en Alsace développé le bilinguisme, fruit d’un consensus entre tous les élus et avec les services de l’État. Je voudrais à ce propos saluer M. le recteur, parce qu’il a compris quel atout représentait ce bilinguisme. Ce n’est pas faire injure à qui que ce soit de penser que dans une très grande région, ces questions-là seraient diluées parmi d’autres priorités. Les élus alsaciens voudront continuer à peser pour soutenir budgétairement le bilinguisme, par exemple, mais force est de constater que tel n’a pas été le cas dans les régions auxquelles vous souhaitez nous associer. Ce n’est pas un procès d’intentions, c’est un hommage au travail qui a été fait depuis des années par les Alsaciens dans un consensus très large.

Je finirai avec les infrastructures. En Alsace, région frontalière, nous avons le Rhin. Les questions de franchissement du Rhin sont cruciales : pour nous, et pour la coopération avec nos voisins allemand et suisses. Dans une très grande région, comment allons-nous faire ? D’autant que vous allez attendre des collectivités qu’elles réduisent la voilure, qu’elles améliorent les comptes publics. Sauf à croire que nous allons réduire les services à la population, tout cela se traduira nécessairement par une réduction des investissements.

La modernité, c’est de pouvoir aller vite, c’est de pouvoir décider. Eh bien, je ne crois pas que la très grande région, en ce qui nous concerne, soit synonyme d’efficacité ni de rapidité de décision.

M. Marc Le Fur. Très bien !

M. Claude Sturni. C’est pour cela aussi que je soutiens l’amendement d’Éric Straumann.

Nous avons énormément travaillé dans le passé sur ce qui est bon pour l’Alsace. Nous avons démontré que cette région pouvait servir de laboratoire pour d’autres territoires en France. Je voudrais appeler votre attention, à cette heure de la nuit, sur l’importance de ne pas casser ce qui fonctionne. Donnons-nous de l’air, donnons-nous la possibilité d’aller plus loin. C’est le sens de l’amendement que nous avons déposé. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez.

M. Laurent Wauquiez. Avant tout, je signale qu’il est 3 heures 25. Il me semble que sur de tels sujets, un minimum de décence ne serait pas de trop dans le travail parlementaire, mais je laisse la question ouverte.

Pour répondre à M. Cazeneuve, rendons à César ce qui est à César : la bataille que nous avions menée contre les nouveaux agendas Strasbourg capitale européenne l’a été à l’initiative des parlementaires alsaciens, et les ministres MM. Lellouche et Léonetti avaient pris le risque d’aller devant la Cour de justice pour faire sanctionner les propositions qui avaient été faites. C’est grâce à tout ce travail, notamment des parlementaires, dont certains sont présents ici, que la France avait obtenu gain de cause.=

Sur le fond, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, j’ai juste une question : pourquoi ? Juste : pourquoi ? Ce qu’on attend de votre part, c’est une réponse précise. Quels sont les critères de choix ? Sur quoi se fonde votre décision ? Sur quelles bases faites-vous basculer un bloc de région vers un autre ? Tout se résume à cela. Mais ce qui est frappant, je pense que Serge Grouard le reconnaîtra, c’est que nous n’avons aucune réponse.

Personnellement, je me réjouis que l’Auvergne se rapproche de Rhône-Alpes. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Cela me convient très bien : nous pourrons jouer de nos complémentarités et nous y serons très bien. Mais en tant que député de la nation, ce que je dois examiner, c’est la cohérence de l’ensemble de l’édifice. Les interpellations de nos collègues bretons, du Nord ou de l’Ouest posent d’abord la question de la rationalité de votre travail. Avez-vous cherché à faire de grandes régions ? Non, puisque vous en laissez subsister un certain nombre de petites. La taille n’était donc pas un critère commun de rationalité dans votre carte.

Vous êtes-vous êtes fondés sur des identités régionales fortes ? Parfois oui, mais ce que vous octroyez à la Corse, vous le contestez à la Bretagne et à l’Alsace : ce n’est donc pas un critère commun. L’objectif était-il de changer, puisque le changement vaut chez vous principe de réforme ? Pour certaines régions, il le fallait visiblement : le Limousin était sommé de bouger dans tous les cas. Mais dans d’autres cas, vous vous contentez de l’existant.

Et puis il y a eu des mouvements perpétuels, ce qui mine la cohérence de votre projet. Cela a été extrêmement humiliant pour les élus de Champagne-Ardenne, par exemple : avant la fameuse réunion d’arbitrage à l’Élysée, ils allaient dans une certaine direction, à 20 h 10, ils allaient dans une autre et dans le cadre du travail parlementaire, vous leur en proposez maintenant une troisième ! Il n’y a donc aucune rationalité. On ne peut dégager de votre travail aucun principe commun. Pourquoi ? Pourquoi ?

Nous avons écouté le rapporteur avec intérêt. Il nous a dit que vous veilliez à la cohérence de votre travail. Pardonnez-moi, mais c’est un peu faible. Il nous a dit que vous faisiez en sorte de suivre vos objectifs. Pardonnez-moi, mais c’est une justification un peu faible pour des millions d’habitants.

Je me tourne, plein d’espoir, vers M. le ministre, qui invoque la modernité. Voilà qui est extraordinaire… Mais cela ne veut rien dire, monsieur le ministre. L’Alsace n’est-elle pas moderne ? (Applaudissements sur divers bancs des groupes UMP et RRDP.)

M. Laurent Furst. Non !

M. Laurent Wauquiez. La Bretagne ne l’est-elle pas ? Le Nord-Pas-de-Calais avec la Picardie l’est-il ? (Mêmes mouvements.) Qu’est-ce que cela signifie, monsieur le ministre ?

La question que nous vous posons tous, je le répète, c’est le pourquoi. Quels sont vos critères ?

M. Patrick Hetzel. Il n’en a pas.

M. Laurent Wauquiez. Vous êtes-vous appuyé sur les bassins de vie de l’INSEE ? Sur des critères économiques ? Sur des critères universitaires et scientifiques ? Géographiques ? Élu de la montagne, j’aurais aimé, mais vous avez massacré les massifs montagneux. Vous avez massacré les Pyrénées, vous avez massacré le Massif central. Seules les Alpes ont été un peu préservées, mais c’était déjà le cas auparavant.

Vous êtes-vous fondé sur l’avis des populations comme certains, parmi les Verts, vous y invitaient ?

Votre travail ne contient aucun critère objectif, aucun dénominateur commun. Vous devez vous en expliquer devant la représentation nationale. Qu’est-ce qui justifie l’association de la Champagne-Ardenne avec telle ou telle région ? Nous sommes prêts à l’entendre. Qu’est-ce qui justifie votre approche sur la région Centre ou les Pays de la Loire ? Comment le Limousin, qui, dans votre travail, penchait dans une direction, peut-il maintenant basculer dans une autre ? Pourquoi ?

Il y a quelque chose qui devrait constituer pour vous un point d’alerte : les interventions des uns et des autres, Laurent Furst l’a très bien souligné, montrent beaucoup de passion, mais témoignent également que nombre de plaies sont à vif, que les habitants de certains territoires éprouvent le sentiment d’être outragés dans leur identité.

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Oh !

M. Laurent Wauquiez. En effet, la seule réponse que vous avez donnée à nos interrogations, c’est l’arbitraire. Jusque-là, vous n’avez fourni que des explications en creux, sans dégager le moindre critère d’appréciation.

M. Marc Le Fur. Exactement.

M. Laurent Wauquiez. Vous devriez prendre garde, parce que le Premier ministre, qui visiblement vous inspire ou inspire en tout cas le rapporteur qui lui a succédé au sein de l’Assemblée nationale…

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Il y a pire, comme succession.

M. Laurent Wauquiez. …a Clemenceau comme modèle. Il y a de très belles choses dans l’action de Clemenceau, mais d’autres le sont beaucoup moins, notamment lorsqu’il a manié la paire de ciseaux pour massacrer l’Europe au traité de Trianon, de façon extrêmement arbitraire, sans qu’aucun critère ne soit mis sur la table.

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis. Mais sans excès, lui !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Ces propos, monsieur Wauquiez, ne vous grandissent pas.

M. Laurent Wauquiez. C’est exactement de la même violence que vous faites preuve en agissant sans rationalité et sans critères objectifs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.– Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Monsieur Wauquiez, je ne suis pas votre élève.

M. Laurent Wauquiez. Moi non plus. Je demande simplement une réponse claire.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Justement, vous pourriez poser vos questions autrement ! D’où vient pareille arrogance ? Sans doute du fait que vous n’avez participé à aucun débat. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Monsieur Wauquiez, vous n’avez été présent…

M. Laurent Wauquiez. Répondez, cela sera plus courtois !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Vous me permettrez de vous répondre comme je l’entends. Vous êtes maître de votre question et je le suis de ma réponse.

M. Laurent Wauquiez. Qui est arrogant ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Vous m’interrogez comme un professeur exigeant une réponse immédiate avec d’autant plus d’arrogance que vous n’avez été présent à aucun moment du débat.

M. Laurent Wauquiez. Je suis présent depuis le début de l’après-midi !

M. Patrick Hetzel. Les propos du ministre sont indignes !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Vous êtes arrivé comme jaune d’œuf sur toile cirée en début de soirée, alors que l’on ne vous avait pas vu une seule fois depuis le début de ce débat.

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est faux !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. J’ai demandé au rapporteur si l’on vous avait vu une fois en commission des lois, et ce n’est pas le cas. Vous avez été le grand absent de ce débat. Sans doute parce que vous êtes candidat à quelque responsabilité dans votre parti et que vous tenez à donner des gages à vos parlementaires, vous arrivez avec le verbe haut et une arrogance sans limite (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) comme pour faire oublier que, sur ce sujet, vous n’avez rien dit ni rien fait.

M. Laurent Wauquiez. Ce que vous dites est inacceptable.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Permettez-moi de vous rappeler, monsieur le député Wauquiez, que lorsque l’on pose des questions dans l’hémicycle avec autant d’arrogance, il faut pouvoir assurer ses arrières. Premier point.

Second point : vous avez parlé de Strasbourg, mais, monsieur Wauquiez, pourquoi n’avez-vous pas expliqué devant l’Assemblée nationale aux députés d’Alsace que lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, ni vous ni les ministres des affaires européennes dont vous avez cité les noms n’avaient été capables de signer le contrat triennal garantissant à Strasbourg les moyens dont elle a besoin pour assurer sa vocation de capitale régionale ?

M. Laurent Furst. Ils sont en forte baisse !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Qui a signé ce contrat triennal, en y mettant les moyens ? C’est le gouvernement de Jean-Marc Ayrault. C’est lui qui a honoré les engagements que vous aviez pris et que vous n’avez jamais tenus.

M. Laurent Wauquiez. C’est vous qui devriez écouter les députés alsaciens. Cela vous éviterait d’être aussi prétentieux !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Il l’a fait en présence des parlementaires d’Alsace et du président du conseil régional, lequel s’est réjoui de l’action du gouvernement Ayrault tout en regrettant que vous n’ayez tenu aucun des engagements que vous aviez pris devant lui à Strasbourg. Je me permets de vous rappeler cet épisode.

Pourquoi ? me demandez-vous. Je vais vous répondre.

M. Laurent Wauquiez. Quels sont donc les critères ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je vous vois bien énervé. Lorsque l’on se propose de vous répondre vous devenez subitement fébrile !

Pourquoi donc, monsieur Wauquiez, proposons-nous de rassembler l’Aquitaine, le Poitou-Charentes et le Limousin ? Exactement pour les mêmes raisons, avec la même rationalité que le député Bussereau, qui a lui-même demandé ce rassemblement ; avec les mêmes arguments et la même volonté de faire des choix rationnels que lui.

Pourquoi avons-nous proposé une grande région Est, monsieur Wauquiez ? Peut-être parce que nous ne sommes pas plus absurdes ou moins rationnels que M. Warsmann et d’autres, ou bien M. de Courson.

M. Jean-Luc Warsmann. Neuf des treize députés de la région ! Neuf des treize !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Nous avons les mêmes raisons : des relations existent en termes de transport ou de pôles de compétitivité, et il y a une certaine logique à rassembler une région agricole ayant des atouts, qui s’appelle la Champagne, avec une région de services qui dispose aussi de quelques atouts industriels, qui s’appelle l’Alsace, et enfin une grande région industrielle qui s’appelle la Lorraine.

M. Laurent Wauquiez. Où est la cohérence ? Vous vous moquez du monde !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. C’est pour ces raisons-là, monsieur Wauquiez, qu’un certain nombre de parlementaires de l’opposition, qui n’ont pas votre sectarisme, ont proposé cet amendement que nous faisons nôtre, avec les parlementaires de la majorité. Nous, nous ne souhaitons pas détruire, nous ne sommes pas des représentants de partis songeant d’abord à faire prévaloir les intérêts de leur groupe. Nous sommes soucieux de construire des logiques d’intérêt général.

M. Laurent Wauquiez. Vous proposez l’inverse !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Pourquoi soutenons-nous la fusion de la Picardie avec le Nord-Pas-de-Calais proposée par le rapporteur ? Pour les mêmes raisons que celles qui conduisent M. Darmanin et des parlementaires de la majorité à la proposer aussi : pour des raisons industrielles, pour des raisons de transports, pour des raisons… de rationalité !

Pourquoi ne proposons-nous pas de rassembler la Bretagne avec les Pays de la Loire et pourquoi voulons-nous associer l’Alsace à une grande région ? Parce que, pour répondre à la demande de M. Le Fur et d’un certain nombre de parlementaires ici présents, nous souhaitons que les conditions soient réunies et que le temps nécessaire soit pris ; parce que nous, monsieur Wauquiez, nous ne recherchons pas la polémique mais les compromis et les consensus.

Vous demandiez pourquoi. Désormais, vous avez la réponse et vous auriez pu la trouver sur tous les bancs de votre groupe si vous aviez fait montre de plus d’ouverture et de moins de sectarisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Laurent Furst. L’Alsace n’a pas droit au compromis !

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à Mme Catherine Vautrin, pour un rappel au règlement.

Mme Catherine Vautrin. Je formule un rappel au règlement sur la base de l’article 58, alinéa 1 concernant le déroulement de nos débats.

Je rappelle, monsieur le président, que ces débats sont entachés d’un certain nombre de scories depuis le début. Ils ont commencé mardi en fin de soirée. Hier, mercredi, nous avons débattu en fin d’après-midi puis en fin de soirée. Nous sommes là depuis jeudi matin, neuf heures et demie ; nous sommes maintenant vendredi et il est quatre heures moins vingt-cinq. Et le ministre commence à critiquer la présence des uns ou des autres !

M. Laurent Wauquiez. C’est surréaliste, alors que je suis présent dans l’hémicycle depuis une quinzaine d’heures !

Mme Catherine Vautrin. C’est en effet totalement surréaliste ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Nous ne pouvons que déplorer l’absence du secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, le grand absent de cette soirée. Nous avons eu deux heures difficiles s’agissant de l’organisation de la séance. Nous avons demandé la présence du président Bartolone, qui n’est pas plus venu que le secrétaire d’État.

Force est de constater que nous serons bientôt bloqués puisque, c’est bien normal, les personnels de l’Assemblée doivent se reposer, que la séance devra être interrompue durant huit heures et que nous ne reprendrons pas nos travaux avant quinze heures cet après-midi.

Si c’est cela, la méthode de travail, elle est totalement inacceptable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Article 1er (suite)

M. le président. La parole est à M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Comme Mme Vautrin, je regrette la tournure qu’a pris cette soirée. Moi, messieurs les ministres, j’ai participé au débat en commission des lois, quoique je n’en sois pas membre, et j’ai pu m’y exprimer. J’ai également suivi l’ensemble des travaux dans l’hémicycle, et je regrette que nous nous retrouvions à trois heures trente-huit du matin autour d’un texte aussi important. Cela montre tout de même que les conditions ne sont pas totalement réunies pour appréhender ce sujet avec sérénité.

Laurent Wauquiez a bien posé les questions qui soulèvent un certain nombre de difficultés pour nombre d’entre nous. En effet, messieurs les ministres, le seul paramètre connu, à ce jour, c’est l’objectif du Président de la République et du Gouvernement de faire passer le nombre de régions en France de vingt-deux à treize ou quatorze. Ça, c’est un élément connu. Comme on dit chez nous en gallo, dans la langue du pays des marches de Bretagne, y faut qu’ça musse ! Par la porte ou par la fenêtre, y faut que ça rentre !

Messieurs les ministres, bien que les critères de choix ne soient pas connus, vous avez fait le choix du gigantisme territorial. Vous voulez redécouper les régions de France, procéder à des fusions et aboutir à de grandes régions. Dans le même temps, le Premier ministre a annoncé la suppression des conseils généraux. C’est ce que vous avez appelé en son temps, monsieur Vallini, la dévitalisation des conseils généraux, lesquels, selon moi, constituent des échelons de proximité. On ne peut pas annoncer dans le même temps la construction de méga-régions et la suppression de cet échelon de proximité qu’est le conseil général, notamment, dans les territoires ruraux !

Je le dis sans ambages : ce que je crains, c’est que ces grandes institutions territoriales soient administrées par des fonctionnaires territoriaux et non plus par les élus. Je me méfie du gigantisme, qu’il soit institutionnel, métropolitain ou en l’occurrence régional. J’aurais souhaité que l’élaboration de la carte se fonde sur des critères et des paramètres permettant de reconfigurer les régions à taille humaine et de préserver un équilibre entre les métropoles, le réseau de villes moyennes et les territoires ruraux.

À cette heure très tardive, je soutiens les sous-amendements nos507 de M. Le Fur et 509 de M. de Rugy, qui ont trait à la réunification de la Bretagne. Au passage, je soutiens également le sous-amendement n510 d’Éric Straumann puisque les éléments que nos amis alsaciens ont mis en évidence valent aussi pour la Bretagne. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Les faits historiques, géographiques, culturels et économiques sont autant d’éléments que le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement oppose à Mme Aubry pour justifier la fusion des régions Nord-Pas-de-Calais et Picardie. Ce qui prévaut pour ces dernières régions pourrait valoir pour l’Alsace et la Bretagne !

Sans vouloir être trop long à cette heure, je rappelle à certains collègues qu’il faut connaître l’histoire pour regarder vers l’avenir. Un fait historique importe à l’ensemble des Bretons : c’est qu’en 1941, pendant ces heures qui sont parmi les plus sombres de notre histoire, un décret sépara la Loire-Atlantique, ou Loire-Inférieure, de la Bretagne. Cela a marqué les Bretons et depuis plus de quarante ans, nombre d’entre eux revendiquent, militent, travaillent et oeuvrent pour obtenir une réunification.

Lorsque Jean-Christophe Fromentin, député-maire UDI de Neuilly-sur-Seine, vous a interrogé, monsieur Cazeneuve, sur les perspectives d’évolution de la carte des régions, vous avez fait montre d’un intérêt et d’une volonté d’ouverture manifestes quant aux ajustements que pourraient apporter les parlementaires.

Je pense que le travail des géographes, historiens, élus et populations bretonnes en vue de la réunification de la Bretagne peut se concilier avec vos propres travaux, monsieur le ministre de l’intérieur, sur la réduction du nombre de régions.

Un autre point nous importe aussi, et qui n’est que très peu évoqué : ce sont bien sûr les économies engendrées par votre projet, et surtout les moyens qui seront octroyés aux diverses régions de France, sachant qu’aujourd’hui, elles disposent en moyenne de 345 euros par habitant, à comparer aux 4 000 euros par habitant pour les länder.

Voilà autant d’éléments qui me conduisent à soutenir les sous-amendements de Marc Le Fur et de François de Rugy en faveur de la réunification de la Bretagne, ce qui permettra à nous autres de concilier des faits d’histoire et de géographie, mais aussi des faits de culture parce que la culture est pour nous un élément de cohésion, ce sentiment du vivre ensemble qu’ont décrit Marc Le Fur, Isabelle Le Callennec et François de Rugy. J’ai une pensée amicale pour le député socialiste Jean-Pierre Leroch et je veux lui rendre hommage car ce sentiment du vivre ensemble que nous défendons dans l’Ouest et en Bretagne nous importe.

M. Marc Le Fur. Il était bien le seul chez les socialistes !

M. Thierry Benoit. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, nous vivons ce sujet à cœur ! Les députés des cinq départements bretons ici présents à trois heures quarante-sept du matin vivent la réforme de la carte des régions au plus profond d’eux-mêmes et veulent saisir l’opportunité unique et historique de réunification de leur région !

M. Marc Le Fur. Très bien !

M. Thierry Benoit. Je termine mon propos en rappelant à votre bon souvenir, monsieur le ministre, que vous avez répondu à Jean-Christophe Fromantin qu’il était envisageable d’accepter des évolutions possibles de cette carte des régions. Je serai présent et vigilant jusqu’à la fin des débats pour voir si vous tenez parole. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Vigier. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Sébastien Denaja.

M. Sébastien Denaja. Nous sommes, à ce stade du débat, amenés à discuter de quatre sous-amendements – on espère d’ailleurs vivement, à cette heure tardive, se rapprocher de l’instant du premier vote. Je tiens à rappeler que le groupe SRC s’opposera à ces sous-amendements,…

M. Marc Le Fur. Les Bretons apprécieront !

M. Sébastien Denaja. … par souci de cohérence avec l’amendement déposé par le président Le Roux et l’ensemble des députés du groupe SRC, et ce d’autant plus qu’il est en convergence totale avec celui déposé par le rapporteur. Notre groupe se félicite, comme le ministre, que la carte proposée par le président Le Roux et le rapporteur recueille une approbation bien au-delà de nos bancs.

Parmi ces sous-amendements, il en est un qui tendrait à laisser la Picardie dans une position d’isolement. Or cette position, même si elle est d’attente à lire l’exposé des motifs, trouvera la plus large réprobation sur les bancs du groupe SRC, d’abord parce que la Picardie, seulement composée de trois départements et de moins de deux millions d’habitants, n’a pas la taille critique,…

M. Claude Sturni. Qu’est-ce à dire ?

M. Sébastien Denaja. … et qu’elle se trouverait dans une situation de particulier déséquilibre par rapport aux grands ensembles régionaux appelés à se former partout ailleurs et même par rapport aux régions restant seules – je pense notamment à la région Centre, mais qui compte bien davantage d’habitants et le double de départements. Des personnalités politiques importantes et éminemment respectables ont encore récemment fortement marqué leur scepticisme – c’est un euphémisme – quant au rapprochement entre le Nord-Pas-de-Calais et la Picardie, au motif notamment que la Picardie serait une région en grande difficulté.

M. Daniel Fasquelle. Il y en a qui n’aiment pas les pauvres !

M. Sébastien Denaja. C’est un constat qui mériterait d’être relativisé parce que la Picardie a aussi des réussites, je pense en particulier à l’agroalimentaire. Mais appelons un chat, un chat : d’aucuns considèrent que la situation y est celle d’une région pauvre. Mais c’est justement au regard de ses difficultés qu’il apparaît impérieux que s’exerce à son égard la plus grande solidarité. C’est presque une forme de care régional entre le Nord-Pas-de-Calais et la Picardie que les socialistes appellent de leurs vœux. Le socialisme, c’est la solidarité, le care diraient d’aucuns. Au groupe SRC, nous souhaitons que la solidarité la plus large puisse s’exercer entre les deux régions. C’est par une solidarité plus grande à l’égard des territoires les plus fragiles que nous apporterons une réponse durable à ceux qui prospèrent politiquement sur la misère des populations. Le Nord-Pas-de-Calais et la Picardie formeront une belle et grande région. C’était le souhait de Pierre Mauroy : on a rappelé sa déclaration de 1969, et les députés socialistes seront fidèles à sa pensée.

Mme Patricia Adam. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Bleunven.

M. Jean-Luc Bleunven. Je m’associe aux collègues bretons qui se sont exprimés et je veux à mon tour donner mon sentiment sur le rapprochement de la Loire-Atlantique et de la Bretagne. Il ne faut pas donner l’impression qu’il existe deux France, l’une qui décentralise d’en haut et l’autre, celle des régions, qui considère qu’on ne tient pas compte de son avis. La très forte attente qui s’est exprimée de différentes façons – manifestations, sondages – est une vraie réalité locale. La région Bretagne est très internationalisée, très ouverte comme le montrent les scrutins européens, et résiste à la poussée du Front National, contrairement à d’autres. Il n’y a donc pas de crainte à avoir sur un repli identitaire qui n’est pas le sujet du moment. Par contre, il faut entendre cette forte demande que tous les Bretons soient une fois pour toutes réunis. Le débat sur cette question n’est pas clos, il va se poursuivre pendant longtemps, mais je suis fier de faire partie de cette majorité qui s’est attaquée à une réforme difficile. Nous avons la chance de débattre de la décentralisation, une politique que la gauche a lancée, et nous devons manifester notre solidarité avec les populations qui sont, elles aussi, en grande demande d’une telle décentralisation.

M. François de Rugy et M. Jean-Pierre Le Roch. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. Je tiens tout d’abord à rappeler que nous ne sommes pas dupes des vraies raisons de cette réforme. Est-ce pour apporter des solutions concrètes aux Français ? Non. Va-t-elle permettre de résoudre les problèmes de chômage et de pouvoir d’achat par lesquels sont hantés nombre de nos concitoyens ? Évidemment non. Nous pourrions utiliser notre temps en ce mois de juillet pour nous attaquer aux vrais problèmes, ceux auxquels sont confrontés les Français. Mais est-elle une façon d’apporter des solutions aux problèmes de la France, en particulier à ses graves déficits ? La réponse est, là aussi, non puisque aucune preuve n’a été apportée qu’elle permettra de réduire la dépense publique. On pense même que celle-ci pourrait en être aggravée.

M. Éric Straumann. Eh oui !

M. Daniel Fasquelle. La vraie raison du projet de loi, c’est que ce gouvernement veut se donner des allures de réformateur alors qu’en réalité, il ne réforme rien. Il fallait faire diversion, donner l’impression aux Français que l’on faisait œuvre utile. Après avoir, pendant deux ans, démoli tout ce que nous avions mis en place pendant le quinquennat précédent, virage à 360 degrés : on nous propose une réforme qui cache surtout l’absence d’une réforme de fond, économique et sociale, celle dont notre pays a absolument besoin. L’autre vraie raison du projet de loi, c’est surtout de repousser la date des élections : puisque vous les perdez les unes après les autres, il fallait trouver un prétexte pour repousser encore les élections départementales et régionales.

Nous ne sommes pas dupes, disais-je, et je veux aussi, à mon tour, exprimer quelques regrets quant à la méthode et à l’improvisation, et quant à l’absence de critères. On peut regretter également que vous n’ayez pas accepté la possibilité de détacher des départements de leur région, parce que cela aurait permis d’apporter des réponses concrètes à plusieurs de nos collègues ; je pense notamment à nos amis bretons, mais aussi à Éric Woerth parce que la Picardie aurait pu, s’agissant de l’Aisne, se tourner vers Champagne-Ardenne, vers le Nord-Pas-de-Calais pour la Somme – j’ai déposé un amendement en ce sens – et vers l’Île-de-France pour l’Oise. On aurait donc pu s’approcher de ce consensus que vous jugez impossible, mes chers collègues de la majorité, alors qu’il serait tout à fait possible à trouver. Je regrette également un manque d’écoute à l’égard de nos amis alsaciens : treize députés sur quinze, cela représente pour moi l’avis des Alsaciens,…

Un député du groupe SRC. Les Alsaciens ont voté !

M. Daniel Fasquelle. … qui méritaient, eux aussi, d’être entendus. Il y a eu énormément d’absence d’écoute dans toute cette affaire.

En ce qui concerne la fusion Nord-Pas-de-Calais et Picardie, je plaide en sa faveur depuis très longtemps, et je suis heureux que le rapporteur propose un amendement qui vise à la permettre. Mais j’ai entendu certains responsables éminents du parti socialiste, je pense notamment à Martine Aubry, dire qu’une telle fusion serait une aberration économique et sociale. Il faut vite que quelqu’un lui achète un manuel d’histoire-géographie et qu’elle sorte des limites de Lille, qu’elle aille au-delà des remparts pour aller voir les réalités : la réalité historique, la langue, la tradition, les beffrois, la géographie, les structures administratives – j’ai été surpris d’en découvrir autant se déployer à l’échelle du Nord-Pas-de-Calais et de la Picardie, comme la chambre régionale de la Cour des comptes qui couvre les deux régions –, mais aussi les entreprises, dont au moins une trentaine très importantes ont déployé leurs activités à l’échelle des deux régions, de même que nombre de syndicats professionnels – j’en tiens la liste très impressionnante à votre disposition – et les infrastructures que nous avons en commun – le canal Seine-Nord, la ligne de chemin de fer Paris-Amiens-Boulogne-sur-Mer. Et puis il y a aussi la presse, car elle cherche à se caler sur les attentes de nos concitoyens : aujourd’hui, par exemple, la structure locale de France 3 couvre Nord-Pas-de-Calais et Picardie.

Il y a donc un grand nombre de raisons qui plaident en faveur de cette fusion. Dès lors pourquoi Martine Aubry s’y oppose-t-elle ?

M. Luc Belot. Elle n’est pas là pour vous répondre !

M. Daniel Fasquelle. Certes, mon cher collègue, mais certains se font ses porte-parole, on les a entendus et je pense aussi à un certain sous-amendement, que je combats bien évidemment comme mon ami et collègue Gérald Darmanin. La vraie raison de l’opposition de Martine Aubry, c’est la crainte du Front National. Il s’agit de l’empêcher de prendre la tête de cette grande région Nord-Pas-de-Calais-Picardie en maintenant les deux régions dans leurs limites actuelles. Un tel argument est affligeant, et il prouve que vous êtes d’ores et déjà sur la défensive puisque vous risquez bien évidemment de perdre les élections. La solution pour repousser le Front National ne réside ni dans le redécoupage ni dans le maintien des délimitations actuelles, elle est dans la politique nationale que vous devez changer – puisque depuis que vous êtes là, il ne cesse de progresser –, et aussi dans la reconnaissance de l’échec des politiques régionales que vous avez menées. Les socialistes sont à la tête de la région Nord-Pas-de-Calais depuis sa création ; or le Front National, élection après élection, progresse dans la région. C’est à condition de changer de politique au niveau national et au niveau régional que vous pourrez le faire reculer. Plus grave encore, le refus de la fusion des deux régions empêcherait de créer une dynamique nouvelle et de redonner de l’espoir à nos concitoyens, ce qui contribuerait également à le faire reculer.

Et puis il y a une forme de mépris à l’égard de la Picardie, Barbara Pompili l’a relevé et je le ressens moi aussi. Il y a déjà parfois beaucoup de mépris à l’égard du Pas-de-Calais et de ses pauvres… S’il faut en plus supporter les pauvres de Picardie, rendez-vous compte ! Restons entre nous dans le Nord et surtout à Lille ! Tout cela est absolument affligeant et je dénonce cette forme de mépris avec au moins autant de force que d’autres collègues du Pas-de-Calais ou de Picardie.

Je prends acte de l’amendement du rapporteur et de cette volonté de fusionner les deux régions. C’est une bonne chose – même si je regrette qu’il n’y ait pas de réponse concrète à nos amis alsaciens et bretons –, mais je vais vous demander, monsieur le rapporteur, de vous engager sur trois points.

Le premier, c’est de faire cesser les pressions que Martine Aubry exerce sur un certain nombre de députés socialistes, en particulier du Pas-de-Calais. Ils sont très courageux de se positionner en faveur de la fusion, car on sait très bien qu’ils sont assaillis de messages. Je veux leur apporter ce soir un message, mais de soutien : tenez bon, ne cédez pas à ces pressions. Il faudrait qu’elles cessent parce que les députés doivent pouvoir librement prendre position sur ce débat de fond dans l’hémicycle.

Deuxième engagement que je vous demande : vous devez dénoncer l’argument lamentable de la lutte contre le Front national, mais aussi le mépris manifesté à l’égard du Pas-de-Calais et de la Picardie.

Enfin, nous savons bien que les pressions de Mme Aubry vont continuer à s’exercer cet été, puisque le projet de loi sera examiné en deuxième lecture par l’Assemblée nationale en octobre. Pour que je puisse me rallier à votre amendement, monsieur le rapporteur, j’ai donc besoin que vous et M. le ministre vous engagiez à ne pas céder à ces pressions, afin que soit maintenu le projet de fusion entre le Nord-Pas-de-Calais et la Picardie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Bechtel.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Je crains d’ajouter à la cacophonie picarde dont résonne depuis un instant cet hémicycle, et qui contraste avec les symphonies bretonne et alsacienne, incontestablement plus harmonieuses. Je ne parle ici, bien sûr, que de la forme, et non du fond.

Pour ma part, je n’approuve ni l’amendement du rapporteur, ni le sous-amendement qui tente de préserver, au bénéfice de la Picardie, une autonomie qui ne tardera pas à devenir superficielle et artificielle.

En réalité, le cas picard, quoiqu’un peu extrême, illustre les apories de la réforme. Il est en effet quasiment sans solution si l’on considère l’ensemble des intérêts en jeu, et non pas seulement les intérêts propres à son petit territoire.

Il en est ainsi pour deux raisons. Tout d’abord, la Picardie est par nature une région centrifuge, car chacun des trois départements qui la constituent regarde dans une direction différente : l’Oise vers l’Île-de-France, la Somme vers le Nord-Pas-de-Calais et l’Aisne vers Champagne-Ardenne. Cette situation est typique du siphonnage exercé par l’Île-de-France, dont notre collègue Piron a bien parlé hier.

Ensuite, la Picardie est une région qui n’est pas totalement picarde, tant s’en faut. C’est avec grand plaisir que nous avons entendu nos collègues d’Amiens juger agréable de se rapprocher du nord de leur territoire ; mais ont-ils bien réfléchi à ce qui se passe dans d’autres parties de la région ? Seule la Somme peut se dire totalement picarde. Il m’étonnerait que l’on puisse soutenir la même affirmation s’agissant de l’Oise. Et il est incontestable qu’il y a très peu de Picardie dans l’Aisne. Chateau-Thierry est-il picard ? Notre collègue Krabal a déjà répondu. Villers-Cotterêt, Soissons, Laon même sont-ils picards ? En résumé, le Chemin des dames est-il picard ?

M. Jacques Krabal. Non !

Mme Marie-Françoise Bechtel. Jamais on ne l’envisage de cette manière.

On nous parle d’une identité linguistique, mais celle-ci n’existe pas, je puis en témoigner, à Soissons. En réalité, la plus grande partie de l’Aisne regarde plus naturellement vers Champagne-Ardenne, grande région agricole comme elle. Les études universitaires se font à Reims. Rejoindre Amiens depuis Soissons demande deux heures de route ; ou alors, il faut retourner à Paris pour prendre le train. Ainsi « périphérisée », une région comme le Soissonnais le deviendrait doublement avec le rattachement de la Picardie au très lointain Nord-Pas-de-Calais.

Mais je ne veux pas plaider pour une solution qui ne concernerait que mon territoire. Je comprends très bien que des arguments symétriques puissent être opposés à ceux que j’avance ; je demande seulement que les autres élus picards prennent conscience que ces arguments sont réversibles. Je comprends, de même, que la Somme voie les plus graves inconvénients, pour des raisons tenant notamment à la distance, mais aussi à sa vocation, à se rapprocher de Champagne-Ardenne. C’est pourquoi je disais que la situation picarde illustre un cas d’aporie et montre les limites de la conception que le Gouvernement a de la réforme territoriale.

Je suppose qu’en définitive, la nouvelle région formée avec la Picardie comprendra aussi le Nord-Pas-de-Calais, et je le regrette. Mais même en cas de fusion avec Champagne-Ardenne, un problème se serait de toute façon posé, qui concerne d’ailleurs l’ensemble de la réforme : celui du destin des territoires périphériques, c’est-à-dire des territoires déjà situés à la périphérie d’une région et qui se retrouveront, je l’ai dit, doublement « périphérisés ». Il faudra bien traiter cette question, et cela risque de coûter cher.

L’alternative, je l’avais proposée en discussion générale : elle réside non dans des découpages plus ou moins arbitraires – et parfois extrêmement difficiles, comme dans le cas picard –, mais dans une vraie coopération interrégionale. Trouvez-nous des projets, monsieur le ministre, et nous définirons, grâce à la coopération interrégionale, les bons périmètres pour les réaliser. Mais de grâce, ne définissons pas de périmètres sans avoir construit les projets.

Mme Isabelle Le Callennec. Voilà !

M. le président. La parole est à Mme Catherine Vautrin.

Mme Catherine Vautrin. Mme Bechtel a raison de qualifier certaines régions de périphériques, en particulier par rapport à l’Île-de-France. Si nous prenons le cas de Champagne-Ardenne, cette région fait l’objet de nombreuses attentions : en une semaine, en effet, nous sommes passés d’un mariage forcé avec la Picardie à une alliance sans consentement avec l’Alsace-Lorraine.

Qu’elle soit sans consentement, nous l’avons tous constaté ce soir. Les Alsaciens ont détaillé leurs spécificités locales, sur lesquelles je n’ai pas à me prononcer, sauf à constater qu’elles n’empêchent pas leur région de connaître un développement économique et un rayonnement international que beaucoup lui envient. On voit bien que c’est une région qui innove ; pourquoi, dès lors, lui imposer cette alliance ?

C’est pourquoi je considère avec beaucoup d’intérêt le sous-amendement présenté par nos collègues alsaciens. Car il n’y a pas non plus de consentement de la part d’un certain nombre d’élus de la Marne, et particulièrement des maires de Reims et de Châlons-en-Champagne.

La Marne représente 600 000 habitants sur les 1,2 million qui peuplent la région Champagne-Ardenne. Cette dernière est d’ailleurs la seule, dans l’Hexagone, à perdre des habitants. C’est dire si elle a besoin de se dynamiser, de se moderniser ! Mais en aucun cas elle ne veut être éliminée. C’est pourquoi nous sommes inquiets à l’idée de voir son barycentre se déplacer vers l’est.

Nous aussi, nous avons besoin d’obtenir des réponses concrètes. Que se passera-t-il demain entre Paris et Strasbourg ? Qu’en est-il des administrations déconcentrées ? Quid des directions régionales des entreprises privées, qui seront tentées de calquer leur modèle de développement sur celui de l’administration ? Pourquoi, en définitive, tourner vers l’est un territoire qui, pour une bonne partie, regarde vers la Région parisienne ?

Nous savons que des liens forts existent entre la Champagne-Ardenne et la Lorraine – on a parlé de l’agro-industrie et de la métallurgie. Les deux régions partagent des infrastructures majeures comme l’autoroute A4 ou le TGV est. Mais n’oublions pas que l’autre côté regarde vers l’ouest. Dans la Marne, et notamment à Reims, on se trouve à 45 minutes de Paris et à 30 minutes de Roissy, mais à 2 heures 45 de Strasbourg. C’est un modèle totalement différent.

L’enjeu pour nous, aujourd’hui, est d’être, à l’est, la porte d’entrée du Grand Paris. Il est incontestable que notre bassin de vie rassemble le sud de l’Aisne, c’est-à-dire une partie de la Picardie, et la région Champagne-Ardenne. On a parlé des complémentarités en matière agricole, mais parlons aussi des services : que serait le CHU de Reims, par exemple, sans la patientèle des Ardennes ou axonaise ? En revanche, il faut être lucide : quand on habite à Chaumont, aucun train ne peut nous mener à Châlons-en-Champagne. On regarde alors vers la Lorraine ou la Bourgogne. C’est pourquoi le droit d’option a autant d’importance.

Réformer la carte, il faut évidemment le faire : c’est sans doute le plus petit dénominateur commun de nos débats de cette nuit. Nous sommes tous d’accord pour réformer, pour gagner en modernité, mais nous souhaitons le faire en respectant la cohérence de chacun des territoires. Tout à l’heure, notre collègue Serge Grouard, député-maire d’Orléans, disait que la région Centre n’avait pas vocation à être une variable d’ajustement. Il en est de même de la région Champagne-Ardenne, dont le sort n’a pas vocation à changer chaque semaine au gré des accords politiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Je démarrerai mon propos par une petite parenthèse sur le magnifique 14 juillet 2014 que nous venons de vivre, avec défilé et feux d’artifice, en écho au drame qu’a connu il y a cent ans notre continent européen lors de la Grande Guerre. La jeunesse de plus de 80 pays a dansé sur la Place de la Concorde, cette bien nommée concorde de paix que notre France républicaine construit, jour après jour, et parfois vaille que vaille, en Europe, avec l’Europe, dans un monde qui change.

Car tel est l’enjeu de cette loi aujourd’hui : changer la France politique et administrative, parce que le monde change. L’économie est mondiale, l’action est locale : assumons-le donc pleinement. Notre débat « territorial » montre combien il est nécessaire de faire évoluer notre dispositif politique démocratique, pour ne pas enfermer, non la France, mais les Français dans de petites histoires de territoires qui seraient un « patrimoine » intouchable.

La France est une République, une et indivisible. Le besoin d’une démocratie plus forte, d’une efficacité plus visible, est là, oui. Évidemment. Toutes les élections le montrent, depuis longtemps. Entre espoir et inquiétudes. Ne touchons pas trop aux ressorts de la terre, des territoires et des histoires, car être efficace n’implique pas d’affirmer des frontières ou des ravines, des histoires historiques, que tel ou tel historien ou géographe pourrait d’ailleurs confirmer ou infirmer à volonté.

C’est le rôle de la politique, de l’action politique, que de décider et d’avancer, et donc de faire des propositions et de faire des choix. Car sinon, que serions-nous, sinon des « colonels Pichegru » disant : « je suis leur chef, donc je les suis » ? Bien des débats, des analyses, des prises de parole, des prises de position historiques, culturelles, géographiques, territoriales voire « racinaires » se sont déployées depuis que le Premier ministre, Manuel Valls, a annoncé dans cet hémicycle le projet de réforme territoriale. Mais bien peu d’arguments touchant à l’économie ont été avancés, alors que c’est tout l’enjeu de cette réforme : donner de la force à l’économie et aux entreprises, partout en France, ne pas considérer que nos « territoires » sont gravés dans le marbre pour l’éternité, le marbre des pierres tombales, de granit ou de calcaire.

L’être est dans le mouvement, disait Hegel, comme l’a rappelé à l’instant notre collègue Piron. Alors bougeons ! La croissance de notre PIB, partout sur le territoire national, nécessite une redéfinition des fonctions et des rôles de chaque échelon politique et administratif. Entre le Gouvernement, ici à Paris, et le niveau local, la mairie – deux siècles d’âge –, sont apparus départements, Europe, régions et intercommunalités. C’est un fait. Hier, l’an dernier, nous avons fait les « métropoles », une réforme nécessaire, car il fallait affirmer le « fait urbain », dans toute la France. Le texte que nous examinons ose donc aller plus loin, au-delà des larmoiements convenus sur le « mille-feuille territorial » et les enchevêtrements de compétences. Ce texte, cette réforme majeure définit tout simplement de nouvelles forces politiques, les régions, et affirme leur légitimité. C’est bien.

C’est donc l’enjeu d’une réforme qui, pour certains, semble s’apparenter à une Révolution. Que nenni ! Cette réforme est certes forte – tant mieux –, mais c’est tout.

M. Olivier Carré. Elle se croit toujours en discussion générale !

M. Serge Grouard. Nous en sommes aux amendements !

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Elle crée de la nouveauté – la preuve, elle clive, et le débat fait rage –, au point de nous faire oublier que nos régions actuelles ne ressortent finalement que de décisions administratives ou politiques datant de 1955, de 1960 – malgré l’échec du référendum décidé en 1969 par le général de Gaulle –, de 1972, avec la création de « conseils régionaux » auprès des préfets, de 1982 – avec le transfert des pouvoirs aux élus.

M. Laurent Furst. Nous en sommes à la discussion des articles !

Mme Anne-Yvonne Le Dain. C’est ce que l’on a appelé la décentralisation, par opposition à la déconcentration des services de l’État qui était la réalité d’avant : des régions politiques gérant en direct et assumant leurs choix et leurs décisions devant le peuple au moment des élections. De la démocratie, tout simplement !

Ce n’est donc pas à une révolution que nous sommes conviés aujourd’hui, mais à une importante évolution. Les contours de nos régions ne datent finalement que des années cinquante, et leur existence politique n’a que trente ans, tout juste. Une toute petite génération ; l’âge de la maturité. Or, que fait-on à la maturité ? On s’engage dans une vie nouvelle, avec son histoire et ses « racines », avec des traditions et des filiations, avec des alliances et des combats. Eh bien, c’est ainsi : la France se construit en se changeant elle-même. La France n’hérite pas de son histoire institutionnelle, elle la construit en temps réel, pour plus d’efficacité, avec plus de lisibilité.

Quelques exemples ? En 1982, avec bon sens et pragmatisme, l’État a transféré aux collectivités les bâtiments des lycées et collèges, et l’on a vu les élèves entrer enfin dans des bâtiments neufs, souvent beaux. Jusqu’alors, surtout en banlieue et dans les petites villes, ils étudiaient dans des préfabriqués.

M. Laurent Furst. Il est plus de quatre heures du matin !

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Récemment encore, l’État a transféré aux conseils généraux – à l’initiative de la droite – les quelques rares routes qu’il maîtrisait encore, celles, bien cabossées, qui étaient auparavant qualifiées « d’intérêt national ». Les départements ont assumé ce transfert et font le travail, ils réparent et rénovent.

Vaut-il mieux des préfabriqués dans les lycées et collèges, et des routes dangereuses dans nos campagnes ? Non ! Vaut-il mieux faire semblant de croire que la centralisation administrative nationale assurerait l’égalité des territoires ? Non ! Vaut-il mieux voir la réalité des politiques publiques assumées par des élus, au plus près des besoins des populations ? Oui ! Et si les inaugurations effectuées par les élus locaux font parfois sourire, ici à Paris, il n’en demeure pas moins que ce qui est inauguré est bien utile, et généralement de haut et bon niveau. À l’évidence, la décentralisation a été efficace pour aménager et équiper le territoire national.

Eh bien, maintenant, il faut continuer et accentuer, pour la croissance économique. C’est ce que nous faisons avec ce texte et avec cette carte, tous deux âprement disputés. C’est de l’innovation, institutionnelle et politique certes, mais de l’innovation. Dont acte.

Une première étape a été franchie l’an dernier avec la loi MAPAM, qui a affirmé les métropoles, assumant de fait la réalité de ce que vivent les gens au quotidien dans nos grandes villes. Elle a affirmé aussi que, dans une Europe, qui se cherche – avouons-le –, il convient que la France assume en son sein cette transformation du monde, d’un monde qui vit massivement dans les villes, grandes ou petites, et dans des villages du monde rural qui veulent les mêmes aménités qu’en ville, les mêmes aménités et des perspectives économiques et d’emploi dans un monde qu’ils savent mondial, interconnecté, plein d’enjeux et d’opportunités, plein de vitesse et de réactivité, tout à la fois transparent et angoissant.

Il faut donc que, partout, l’économie et les entreprises puissent se développer, au bénéfice de chacun et de notre pays. Non, Paris n’est pas la France et le reste n’est pas une vaste province, qui vivrait de la redistribution nationale, ce modèle qui, de fait, s’épuise. Les Trente Glorieuses, c’est terminé ; les trente ans du millefeuille, c’est terminé. Nous passons à autre chose. Dont acte. C’est bien. On verra dans trente ans, mais en attendant c’est ici et maintenant.

C’est donc une nouvelle économie que nous construisons : des métropoles et des villes visibles et actives, et de futures régions puissantes, tandis que le débat se poursuit pour l’échelon départemental. C’est bien, mais il est vrai que nous savons bien que nous sommes un pays mi-révolutionnaire mi-réformiste, qui fait soit tout, tout d’un coup, soit un peu, tout doucement. Dont acte. Alors, lorsque j’entends les références culturelles régionalistes poindre ici et là, j’ai envie de souligner que les provinces de notre histoire française sont faites, comme nos clochers, pour devenir des œuvres d’art, littéraires et poétiques, en nos fors intérieurs, et des atouts culturels et culinaires, touristiques et paysagers…, tandis que la France que nous construisons ce jour est celle de l’économie, du travail, de l’innovation, de l’interconnexion, une France qui vit dans un monde mondial qui ne nous attend pas. Il est temps que nous changions, pour nos soixante-cinq millions d’habitants. Notre organisation territoriale doit changer, nous le savons au fond, car il y a une sorte de fatigue démocratique dans notre pays inquiet. Alors, oui au changement, mille fois oui.

M. le président. La parole est à Mme Bérengère Poletti.

Mme Bérengère Poletti. Notre pays, on le voit encore ce soir, est très riche de sa grande diversité, et, malheureusement, très pauvre, parfois, de ses égoïsmes. Certaines régions déjà existantes ont une forte identité territoriale, d’autres moins, voire beaucoup moins. Certains départements de nos régions actuelles se situent en périphérie, entre deux territoires, ce qui ne leur donne pas le droit de parler pour les autres ; d’ailleurs, je pense que personne n’a vraiment le droit de le faire, mais, malheureusement, nous allons devoir nous y contraindre demain, je pense. Les régions à forte identité se projettent difficilement au-delà de leur territoire. On le voit avec la Bretagne et l’Alsace.

En revanche, bâtir une grande région, s’agrandir, ne pose pas de problème à Rhône-Alpes, qui est une région qui réussit. L’argument de qualité identitaire, pour nos nouvelles régions, est essentiel.

C’est précisément ce qui manque à la région Champagne-Ardenne, depuis bien longtemps, petite région de 1,3 million d’habitants, pour laquelle on a additionné quatre départements tout en longueur, le sud étant fortement attiré par la Lorraine et la Bourgogne, la Marne étant pour sa part très proche de l’Aisne et posant la question des liens avec la Picardie. Le département des Ardennes, à lui seul, a une très forte identité départementale, qui ne s’est pas dissoute dans la région Champagne-Ardenne. Ses habitants se sentent ardennais et, malheureusement, peu champardennais.

La région Champagne-Ardenne travaille depuis de nombreuses années dans un grand ensemble, qu’on appelle le Grand Est : Alsace, Lorraine, Champagne-Ardenne, Bourgogne et Franche-Comté. La Bourgogne et la Franche-Comté ont décidé, déjà, de se marier. Reste, à mon avis, un ensemble très cohérent, dans lequel une majorité des habitants de mon département se reconnaissent. Chez nous, nous nous sentons de l’Est. L’autoroute de l’Est nous traverse. Le TGV Est nous irrigue.

Je redoute qu’un mariage entre les régions Picardie et Champagne-Ardenne ne reproduise ce défaut d’identité qui nous nuit depuis longtemps dans la région Champagne-Ardenne. Sans vouloir décider du destin des autres régions, j’affirme que je suis ici pour exprimer une intime conviction, étayée par l’histoire et la géographie – tout le monde l’a dit ici ce soir – mais aussi par la vie quotidienne de mes concitoyens et les arguments d’une élue membre du conseil régional de Champagne-Ardenne depuis 1998. C’est la raison pour laquelle je voterai l’amendement qui redonne une cohérence, à mon avis, à mon territoire et à l’ensemble de la région Champagne-Ardenne, en la rapprochant de la Lorraine et de l’Alsace.

Le pire me semblerait de plaider pour une région Picardie-Champagne-Ardenne-Lorraine dont presque personne ne veut, sauf quelques élus de la Marne. Je ne les blâme pas : ils ont leurs intérêts, mais je pense que ce n’est pas l’intérêt d’une grande région. Une grande région doit être à la hauteur de nombreux enjeux, notamment de développement économique, de formation, d’éducation, d’offre universitaire, d’offre de soins, de transport des personnes et aussi des marchandises, d’échanges transfrontaliers, et une grande région ne me semble pas du tout compromettre les identités des territoires.

Non, monsieur Krabal, nous n’avons eu aucun débat au conseil régional de Champagne-Ardenne sur un projet d’union régionale, juste un petit débat au cours duquel l’unanimité ne s’est pas faite, un petit débat qui fut malheureusement bien tardif. Je regrette simplement que mes concitoyens n’aient pas eu la parole dans cette histoire, d’autant qu’ils auraient vraiment exprimé ce même sentiment d’appartenance que j’éprouve pour une région Grand Est.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Gagnaire.

M. Jean-Louis Gagnaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, on a entendu beaucoup de choses, notamment des déclarations un peu navrantes, mais aussi d’autres qui donnent envie d’être dans une région riche, qui attire les autres. Heureusement qu’il y a des dispositions qui font que les territoires, pour pouvoir fusionner, doivent être contigus : j’ai le sentiment que la région Rhône-Alpes aurait pu être étendue vraiment très loin, tellement elle fait envie ! En tout cas, il est vrai que l’alliance avec l’Auvergne ne fait pas débat.

Et, je vous le dis, chers collègues, la région Rhône-Alpes, c’est une création arbitraire, dès l’origine. Il n’y a aucune mystification du passé, chez nous, puisque certains territoires sont attirés par l’Italie, par la Suisse, par l’Auvergne, par la région PACA et que cet ensemble assez baroque, finalement, dans les décennies qui nous ont précédés a assez bien fonctionné. Ce n’est donc absolument pas une construction sur une base identitaire, comme j’ai pu l’entendre – l’idée est assez affligeante, me semble-t-il, et dangereuse pour le futur. La région ne s’est pas non plus construite sur un sentiment fort d’appartenance.

Et, pourtant, ça n’interdit pas aux Savoyards d’avoir une identité forte. Il y a même un hymne savoyard, et les drapeaux sont assez abondamment répandus dans notre région. Cela est parfaitement toléré par tous. Dans le sud de notre région, certains parlent franco-provençal, d’autres, ailleurs, l’occitan, et tout cela marche bien. En fait, ce qui a fait l’unité de la région, c’est sa capacité à développer un écosystème, des projets, à faire en sorte qu’on se batte ardemment pour développer notre industrie, non pas seulement la sauver, c’est qu’on investisse collectivement énormément de moyens et d’énergie pour développer la recherche et se placer non parmi les quelques régions françaises de tête mais plutôt parmi les quelques régions européennes de tête. Et lorsque le Gouvernement a fait la proposition d’une fusion ou d’une alliance avec la région voisine de l’Auvergne, ce n’était pas l’option de départ de nos voisins auvergnats. Pourtant, l’alliance s’est faite naturellement. Aujourd’hui, sans ce débat, j’aurais dû me rendre à Clermont-Ferrand, à l’invitation du président de la région Auvergne, pour développer des réseaux scientifiques dès à présent, parce qu’on ne va pas attendre que la loi soit définitivement votée pour se développer au-delà des frontières.

Notre expérience devrait quand même un peu renseigner notre collègue Le Fur, qui se replie de manière prudente…

M. Marc Le Fur. Pas du tout !

M. Jean-Louis Gagnaire. Si, bien sûr que si. Vous vous repliez sur un modèle qui est quand même ancien. Je vous le dis, ce n’est pas l’avenir, mais c’est votre choix, il vous appartient. Et je voterai l’amendement du rapporteur tel qu’il est proposé. On voit bien où sont les clivages – l’Alsace, la Picardie, la Bretagne – mais je pense qu’on est arrivé à un compromis. On peut penser que nos collègues sénateurs pourront améliorer cette carte s’ils le veulent bien, en deuxième lecture, mais il faut qu’on avance, parce que le reste du monde n’attend pas. Il faut qu’on sache nouer des alliances fructueuses, parce qu’aujourd’hui, je suis désolé de le dire à certains collègues, en tant que vice-président de notre région, je regarde ce qui se passe de l’autre côté de nos frontières, pour qu’on puisse enfin mobiliser de l’argent européen, et on en a bien besoin. Quand on voit l’état de la France, notre incapacité à mobiliser des moyens européens, alors que tous les autres pays y arrivent… Pour nous, c’est toujours trop compliqué, il y a toujours trop de papiers, trop de dossiers à remplir ; les autres y arrivent, mais, pour notre part, nous nous privons de moyens assez considérables. Pourtant, nous avons les nôtres, parce que sur les derniers pôles de compétitivité des appels à projets, on a fait plus de 50 % des FUI français. Eh bien, ça ne nous satisfait pas encore, parce qu’on a la prétention de tirer notre région et l’ensemble de notre territoire, le sud de l’Ardèche comme la Haute-Savoie, et, bien sûr, à l’avenir, l’ensemble de la région Auvergne, avec le Puy-de-Dôme.

En ce qui concerne plus spécifiquement la Haute-Loire, il est clair que si nous suivions une démarche identitaire, je me sentirais assez peu de points communs avec ce territoire, mais, malgré M. Wauquiez, je pense qu’on peut quand même admettre que la Haute-Loire a toute sa place dans une grande région réunie.

Mme Catherine Vautrin. C’est ridicule !

M. Jean-Louis Gagnaire. Je tiens à le dire parce que voilà ce qu’est l’identité réelle.

M. Philippe Vigier. Vous nous avez habitués à mieux !

M. Jean-Louis Gagnaire. Voilà ce qu’est le projet. Il faut aller vite. On n’a plus le temps de perdre du temps. Allons-y donc. Je pense que le débat est maintenant mature. On a fait le tour de toutes les questions. On peut continuer jusqu’à huit heures, neuf heures ou dix heures du matin, mais tous les éléments sont maintenant connus, et je pense qu’il serait sage que nous prenions enfin nos responsabilités et que nous statuions sur la proposition du rapporteur et de quelques autres. De toute façon, on n’arrivera pas à un consensus absolu, mais il m’a semblé qu’entre les nostalgiques et ceux qui veulent aller de l’avant, ça coupe les frontières de nos partis politiques respectifs. Allons-y et nous verrons bien ce que feront les sénateurs, et ce que nous ferons ensuite en deuxième lecture.

M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Gille.

M. Jean-Patrick Gille. Souvent, je me dis que, si nous étions un Parlement moderne, du point de vue de l’organisation, on pourrait projeter des documents. En l’occurrence, on pourrait projeter la carte de l’amendement du rapporteur, mais on l’a tous eue, et nous l’avons sur nos tablettes. Sincèrement et objectivement, elle est assez équilibrée, avec neuf grandes régions de plus de quatre millions d’habitants chacune, auxquelles s’ajoute la Corse.

Et puis, comme dans un album d’Astérix le Gaulois, on pourrait regarder un coin de cette carte et, avec une loupe, on verrait la Bretagne. On n’y verrait pas le petit village gaulois, quoique nos discussions, notamment sur les fromages, puissent y faire penser, mais on se rendrait compte qu’il y a une particularité qui affaiblit un peu l’ensemble : un chapelet de trois régions qui ne bougent pas, qui sont plus petites, en tout cas en nombre d’habitants, et qui pourtant souhaiteraient bouger. Il y a donc ici une situation de blocage, qui remonte au soir du geste élyséen. On a bien compris qu’il y avait eu une hésitation, que ça s’est bloqué et que ça le reste.

Il s’agit bien de la question de la Bretagne, qui a déjà été évoquée. Je pense pour ma part – c’est mon point de vue – que nous irons vers la réunification de la Bretagne. C’est un mouvement profond.

M. Thierry Benoit et M. Marc Le Fur. Très bien !

M. Jean-Patrick Gille. Telle est notre démarche. La question est de savoir si nous ferons cela ce soir, en adoptant l’un des amendements qui nous sont proposés, ou si cela se fera plus tard, par l’exercice du droit d’option. J’ai bien compris, d’ailleurs, que certains cherchent à restreindre ce droit d’option, précisément pour éviter cette réunification. Je crois cependant qu’elle est inévitable : cette discussion doit aller jusqu’au bout.

Cela rendrait nécessaire une autre évolution – c’est là où je voulais en venir, en tant que représentant de la région Centre – : la création d’une région Val-de-Loire. Il y a là une logique historique ; ce serait même une sorte de réunification. Cette nouvelle région serait tout à fait cohérente.

On voit bien que l’Élysée a eu du mal à trancher, et que le Gouvernement a du mal à mener cette réforme – le ministre l’a d’ailleurs reconnu tout à l’heure. Beaucoup d’entre nous savent que c’est vrai. Eh bien, si c’est le cas, si le Gouvernement a du mal à faire ce geste, à construire ces deux régions, alors c’est au Parlement de le faire : c’est son rôle. À mon avis, ces deux nouvelles régions ne présenteraient que des avantages : elles seraient d’une grande cohérence géographique – la Loire unirait la future région Val-de-Loire, quant à la Bretagne, son unité géographique n’est pas à démontrer –, d’une grande cohérence historique – il n’est pas besoin d’insister sur ce point – et même d’une grande cohérence économique.

J’ajoute que la région Val-de-Loire aurait une visibilité mondiale. Cela n’a pas été assez souligné. En effet, elle tirerait une grande renommée de ses sites classés au patrimoine mondial de l’UNESCO. M. Piron avait l’air de dire que de cette nouvelle région, on ne connaîtrait que les châteaux de la Loire. Mais les châteaux de la Loire ne sont pas les seuls à être classés au patrimoine mondial de l’UNESCO ; le paysage construit est aussi concerné, de même que le patrimoine immatériel, c’est-à-dire l’art de vivre.

M. Paul Molac. Exactement !

M. Jean-Patrick Gille. Ce dernier point est partagé par toutes les régions de France, évidemment, car nous avons construit ensemble l’art de vivre à la française.

J’ajoute encore que cela serait conforme à ce que la commission spéciale du Sénat a adopté, même si ensuite les travaux de cette commission n’ont pas été adoptés en séance par le Sénat. De plus, nos débats montrent que cette évolution est prônée par des élus de tous bords de ces régions, avec des exceptions, comme notre collègue Michel Piron.

M. Michel Piron. L’ensemble des élus des Pays de la Loire fait exception !

M. Jean-Patrick Gille. Nos collègues orléanais aussi font de la résistance – on les comprend, puisqu’ils défendent la place d’Orléans comme capitale régionale. C’est une position légitime, que je respecte. Je crois cependant qu’une telle région permettrait de construire une sorte de métropole multipolaire à partir de ses grandes villes.

M. Serge Grouard. C’est déjà le cas, nous sommes totalement multipolaires !

M. Jean-Patrick Gille. Si nous n’adoptons pas dès maintenant la réunification de la Bretagne, il est évident que nous examinerons plus tard des amendements allant dans ce sens. (Applaudissements sur divers bancs.)

M. le président. La parole est à M. François Lamy.

M. François Lamy. Mes chers collègues, je n’avais pas l’intention d’intervenir dans ce débat, pour ne pas le complexifier ni l’alourdir à cette heure tardive. Cependant, je ne peux pas manquer de réagir aux propos tenus par mon collègue Sébastien Denaja au sujet du sous-amendement n506. Je les trouve regrettables et inutiles. Ce sous-amendement concerne la fusion des régions Nord-Pas-de-Calais et Picardie.

Je connais bien ces deux régions. Je l’ai démontré il y a quelques mois, quand j’étais encore ministre de la ville du gouvernement Ayrault : je connais bien les difficultés qu’elles rencontrent, je sais l’importance des poches de pauvreté qui y persistent. Je connais aussi le combat des élus et du monde associatif pour soutenir ces deux régions. J’ai essayé, à mon échelle, de soutenir ces élus, et de faire de la Picardie un espace dynamique en matière de politique de la ville. Je n’ai donc rien contre la Picardie : je ne veux pas qu’elle soit rejetée, qu’elle soit laissée seule avec ses difficultés.

Le problème n’est pas là. Nous devons faire en sorte qu’au cours des années à venir, les mariages de régions que nous proposons réussissent – c’est valable pour l’ensemble des mariages, plus ou moins forcés, qui sont proposés par le Gouvernement. Il faut pour cela veiller à ce qu’il y ait des projets communs, à ce qu’un consensus se forme, à ce que des habitudes de travail en commun sur des politiques communes soient prises. Or nous voyons qu’il n’y a pas de consensus pour marier la Picardie et la région Nord-Pas-de-Calais ! Il y a même là beaucoup d’arrière-pensées politiques ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

La manière dont MM. Darmanin et Fasquelle abordent ce débat laisse penser qu’il ne s’agit pas uniquement d’un problème de développement économique, et qu’il y a des sous-entendus politiques.

M. Gérald Darmanin. C’est vrai ! Vous en avez parlé à Martine Aubry ?

M. François Lamy. Barbara Pompili a évoqué les propos tenus par le président de la région Nord-Pas-de-Calais, Daniel Percheron, avec lesquels je ne suis pas non plus d’accord. Les signataires du sous-amendement auquel j’ai fait référence proposent donc de nous donner les quelques mois nécessaires pour que ce mariage réussisse. Je rappelle qu’il y a encore quelques semaines, dans le projet initial, ce mariage n’était pas envisagé.

M. Daniel Fasquelle. Il aurait dû l’être !

M. François Lamy. Il convient donc de prendre quelques mois pour que ce mariage réussisse. Mieux encore, l’objectif des signataires de ce sous-amendement – qui viennent du Nord, du Pas-de-Calais, mais pas uniquement – est de créer un bloc plus important, plus cohérent socialement et économiquement, qui puisse mener des projets communs. Sur ce point, je vous renvoie à l’exposé sommaire du sous-amendement. Ce bloc comprendrait le Nord, le Pas-de-Calais, la région Picardie, mais aussi – pourquoi pas ? – la Haute-Normandie et la Basse-Normandie.

À ce stade de nos débats, je pense que ces précisions étaient nécessaires. Je pense que ce débat est important pour nos régions et nos populations. Je souhaite que la réforme proposée par le Président de la République et le Premier ministre réussisse. Ce débat ne mérite pas de caricatures.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Très bien !

M. Daniel Fasquelle. Martine sera contente !

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Je ne reviendrai pas sur les conditions dans lesquelles nous travaillons. Ceux qui, un jour ou l’autre, examineront les conditions dans lesquelles nous aurons redessiné la carte des régions françaises, ne seront pas très rassurés à la lecture de nos travaux : je voudrais que nous y réfléchissions un instant.

Deuxièmement, vous avez choisi, en quelque sorte, de bloquer cette discussion : certes, nous pouvons intervenir tout au long de la nuit, mais nous terminerons par un vote. Là encore, une fois que chacun aura présenté ses arguments – ce qui est bien normal –, une fois que la représentation nationale sera, selon la formule consacrée, suffisamment éclairée par les réponses des ministres, aura-t-on fait œuvre utile ?

Une carte territoriale, l’organisation d’un territoire, ce n’est pas rien ! Nous avons tous le mot compétitivité à la bouche, en particulier ces dernières semaines. À cet égard, je suis un peu déçu que nous ne discutions pas des compétences et de la puissance que nous voulons donner aux nouvelles régions. Ces aspects devraient être au cœur de nos débats. Il ne s’agit pas seulement de prendre un crayon pour dessiner de telle ou telle manière la carte des territoires de demain.

Le Président de la République et le Premier ministre ont présenté cette réforme comme la mère de toutes les réformes. Pourtant, j’ai vraiment le sentiment que nous arriverons à une carte à treize ou quatorze régions. Je vous ai interrogé, monsieur le ministre, dans mon intervention au cours de la discussion, sur la place de l’État dans tout cela. Que deviendront les compétences de l’État ? Prenons l’exemple de la formation professionnelle et de l’apprentissage. Dès 2004, la loi a confié cette compétence aux régions. Y aura-t-il des évolutions significatives pour que les régions montent en puissance dans le domaine économique ? Oui ou non, l’État sera-t-il au rendez-vous, et sous quelle forme ? Vous le savez très bien : les compétences en matière de formation professionnelle, d’apprentissage, sont émiettées.

Une autre compétence n’est pas assez assumée : le développement économique. Je le vois pour la région Centre, que je connais bien. Sur 1 milliard d’euros de budget, 50 millions d’euros seulement sont consacrés au développement économique, c’est-à-dire le dixième du montant consacré au même objectif par l’ensemble des collectivités du territoire régional. C’est là qu’il faut essayer de rassembler les forces, de créer des synergies. Ces forces, ces synergies, pourront apparaître dans des régions si l’État leur transfère beaucoup plus de pouvoirs.

Certains disent : il faut agrandir les régions pour qu’elles soient fortes. C’est faux. D’ailleurs, selon la carte que vous nous présentez, certaines régions ne changeront pas de taille tandis que d’autres s’agrandiront. Jean-Patrick Gille l’a très bien dit il y a quelques instants.

Pour ma part, je trouve que la carte dont nous discutons – je l’ai d’ailleurs dit à M. le rapporteur – a plus de sens que la première qui a été publiée. Chacun est d’accord sur ce point ! Il reste quelques anomalies : c’est le rôle du Parlement de les corriger, Jean-Patrick Gille a eu raison de le dire. Notre travail de parlementaire est de réaliser ces modifications, car nous aussi nous représentons les territoires, nous connaissons le monde de l’entreprise et les forces vives de l’économie locale. Nous sommes capables de porter, tous ensemble, une ambition.

Ce projet de loi suscite en moi une certaine déception, au-delà des conditions dans lesquelles se déroulent nos travaux et au-delà des incertitudes quant aux transferts de compétences de l’État. Il faut poser la question du financement des nouvelles régions. En effet, c’est bien beau de parler de tout cela, mais avec quels financements nos régions pourront-elles relever les défis et devenir plus puissantes, alors que la compétition fait rage avec les pays qui nous entourent ?

Je m’interroge sur un troisième sujet, qui a été évoqué tout à l’heure par Barbara Pompili : le sentiment des populations. Attention à la frustration qu’elles peuvent ressentir au moment où les cartes sont publiées ! Dans ma région, le Centre, cela a été la stupeur. Au début, on voulait nous marier avec les régions Poitou-Charentes et Limousin : vous imaginez quelle fut la déflagration ! Nous avons commencé à corriger cela, mais les citoyens continuent à nous interpeller en nous disant : « On nous prend pour qui ? Avec qui veut-on nous mettre ? On ne nous consulte en rien ! »

Je ne suis pas favorable à ce que l’on consulte les populations des différentes régions les unes après les autres pour définir les nouvelles régions, mais il faut au moins que la copie soit présentable ! Sinon, elle ne peut même pas être corrigée.

Pour terminer, je ferai un plaidoyer pour le Val-de-Loire. Michel Piron a très bien expliqué tout à l’heure comment les Pays de la Loire se sont constitués seuls. Il a tenu un discours très structuré, comme à son habitude.

M. Michel Piron. Merci !

M. Philippe Vigier. Mais la région Centre, elle aussi, s’est composée à partir de six départements composites – j’utilise ce mot à dessein. Or la région Pays de la Loire s’est créé une identité. On voit bien, cependant, qu’elle incline naturellement vers le fleuve ligérien, le fleuve royal. Je ne voulais pas d’une union royale vers le sud, mais d’une union en direction du fleuve royal.

Si l’on examine la place de ce fleuve, il faut examiner celle de son embouchure. Moi aussi, je crois que les Bretons ont le droit d’attendre que cette loi corrige des erreurs qui n’ont jamais été corrigées.

M. Marc Le Fur. Exactement !

M. Thierry Benoit. C’est une réparation !

M. Philippe Vigier. C’est ce qu’ont dit François de Rugy et notre camarade Marc Le Fur. Corriger, réparer, c’est important, c’est même essentiel. Le jour où nous ne le ferons plus, à quoi servirons-nous, mes chers collègues ?

Cette grande région Val-de-Loire peut être notre ligne de vie, avec la ville d’Orléans pour capitale régionale. Depuis des années, cette ville explose et son rayonnement s’accroît, avec Tours, Le Mans, Angers, toutes ces villes qui sont structurées mais sont liées par de vraies coopérations – voyez, cher Michel Piron : je n’ai pas inclus Nantes. Tout cela est formidable.

Cette nouvelle région ne serait pas simplement touristique. Il ne s’agit pas de la réduire aux châteaux de la Loire. Ne compterait-elle pas des parcs naturels, comme le parc naturel régional Loire-Anjou-Touraine ?

Mme Sylvie Tolmont. La région Pays de la Loire a déjà tout cela !

M. Philippe Vigier. Absolument, ma chère collègue, il existe un parc naturel régional Loire-Anjou-Touraine. Je le connais, pour y être allé plusieurs fois.

Elle serait surtout structurée par la Loire, et ces villes que j’ai mentionnées, qui peuvent constituer un vrai réseau de villes. Elle serait, de plus, ouverte sur des ports. En effet, comme l’a dit très justement Jean-Christophe Fromantin, sans des métropoles ouvertes directement sur le monde, le développement est entravé.

C’est pour toutes ces raisons que nous menons ce combat, qui est transpartisan. Nous voulons faire monter en puissance une grande région Val-de-Loire, qui améliorerait l’architecture de la France et permettrait de répondre à tous les enjeux que j’ai mentionnés. J’espère que nous pourrons avancer sur ce point à l’issue de ce débat, car c’est indispensable à l’avenir de notre pays. (Applaudissements sur divers bancs.)

M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin.

M. Gérald Darmanin. À cette heure tardive, je voudrais faire remarquer à l’Assemblée nationale et à M. le ministre que nos débats sont d’autant plus intéressants, peut-être, qu’ils n’ont pas eu lieu au Sénat. C’est bien la première fois que les représentants de la Nation discutent de la carte territoriale ! C’est pourtant le Sénat qui aurait dû en débattre en premier, car comme je l’ai appris pendant mes premiers cours de droit, il est censé représenter les collectivités territoriales.

Plusieurs députés du groupe SRC. Qui a voté contre le projet de loi au Sénat ? C’est l’UMP !

M. Gérald Darmanin. Cela ne sert à rien de crier. La majorité du Sénat est du même bord que celle de l’Assemblée nationale. Vous feriez donc mieux, mes chers collègues, de vociférer contre vos propres camarades.

Deuxièmement, malgré l’heure tardive – ou très matinale, c’est selon – à laquelle nous sommes, je ferai remarquer à notre collègue François Lamy qu’il s’est exprimé juste après que M. Denaja a commis un crime de lèse-majesté. Ce dernier a en effet ironisé sur la politique du care chère à Martine Aubry. Ce n’est pas tant le sort de la région Nord-Pas-de-Calais qui vous préoccupait, cher monsieur Lamy, que la politique du care !

Il s’agit donc plutôt d’un débat interne au parti socialiste.

Il est intéressant de noter que M. Lamy a évoqué les « cosignataires » de l’amendement. Parlons-en ! Où sont les députés du Nord ? Je ne vois que M. Allossery, dont je salue l’engagement tardif et la conviction avec laquelle il a défendu son amendement. Mais où sont ceux qui s’épanchent dans la presse pour prêcher la parole de Mme Aubry ? Ils ne sont pas là lorsque l’on parle de la fusion du Nord Pas-de-Calais avec la Picardie ? Point de Bernard Roman, point d’Audrey Linkenheld !

Il a aussi dit que M. Fasquelle et moi-même aurions des arrière-pensées politiques. Mais, monsieur Lamy, nous remarquons simplement que figure parmi les cosignataires M. Borgel, qui est secrétaire national du parti socialiste chargé des élections ! C’est d’ailleurs l’un des seuls signataires, avec vous-même et M. Dussopt, qui avez quelque affection pour la maire de Lille me semble-t-il.

M. François Lamy. Ce n’est pas la raison !

M. Gérald Darmanin. Il s’agit donc d’un sous-amendement politique qui vise à régler vos problèmes internes. Vous vous souciez comme d’une guigne de la fusion entre le Nord-Pas-de-Calais et la Picardie, comme en atteste le caractère dédaigneux de vos propos sur ces deux régions. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Hetzel. Exactement !

M. Gérald Darmanin. En réalité, vous essayez de rétropédaler, car la future grande région va devenir un désastre pour le parti socialiste. À cet égard, nous saluons le courage du Gouvernement et du rapporteur. S’agissant de ces deux régions, ne confondez pas, monsieur Lamy, l’intérêt général et la chapelle que vous défendez dans votre parti.

M. le président. La parole est à M. David Habib.

M. David Habib. Monsieur le ministre, lorsque le Premier ministre est venu dans cet hémicycle demander un vote de confiance sur sa déclaration de politique générale, j’étais de ceux qui, avec beaucoup d’enthousiasme et de conviction, en ont applaudi le volet territorial. Pour dissiper toute confusion, j’indique que je reste convaincu qu’il restera de cette législature cette réforme de nos différentes strates territoriales. Cette loi s’imposait au regard des enjeux économiques et sociaux et des attentes des populations.

J’ai d’ailleurs bien davantage applaudi Manuel Valls que Dominique Bussereau, à l’époque.

M. Dominique Bussereau. C’est normal !

M. David Habib. Lorsque j’ai appris que l’Aquitaine allait s’allier avec Poitou-Charentes et le Limousin, j’ai eu du mal à en comprendre les raisons, alors qu’il y avait d’autres possibilités. On pouvait notamment envisager la constitution d’une grande région Sud-Ouest alliant Aquitaine et Midi-Pyrénées, nous avons été plusieurs à déposer un amendement en ce sens, ou même avoir l’ambition encore plus poussée d’une grande région Sud-Pyrénées, pour reprendre une expression de Mme Dubié, qui aurait associé Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées et Aquitaine.

J’ai donc essayé de comprendre pourquoi ces possibilités n’étaient pas examinées, alors que chacun connaît les liens historiques, géographiques, économiques et sociaux qui se sont développés. Puisque l’on a parlé de pôles de compétitivité, il me semble qu’il y en a un, Aerospace Valley, qui associe Midi-Pyrénées et Aquitaine. Dans le domaine hospitalier ou universitaire et dans celui des infrastructures de communication, nous avons multiplié les échanges et les partenariats. J’ai essayé de comprendre pourquoi l’on dessinerait une région qui associerait Hendaye à Châtellerault, de sorte que moi, qui suis à quarante kilomètres de San Sebastián, j’appartiendrais à une région frontalière de la région Rhône-Alpes !

J’ai entendu tout à l’heure Dominique Bussereau expliquer que c’était le bon choix. Permettez-moi, monsieur le ministre, de dire, avec beaucoup d’amitié et de respect, que nous aurons à l’issue de ce débat le sentiment qu’une grande occasion a été manquée dans le sud du pays. Il était possible de proposer, à côté de nos amis espagnols, une grande région qui aurait pu développer à la fois une culture et un art de vivre communs, mais surtout une grande ambition économique et sociale. Toulouse, Bordeaux et Montpellier auraient pu trouver dans ce partenariat régional la possibilité d’exprimer leur ambition sans se concurrencer. Je regrette que le sud de l’Aquitaine, composé du département des Landes, des Pyrénées-Atlantiques, mais aussi du Lot-et-Garonne et de la Dordogne, n’ait pas été suffisamment entendu dans ce débat.

Pour l’heure, nous en venons à nous interroger sur ce que pourrait être le droit d’option. Entre l’ensemble constitué autour de Bordeaux, qui ne nous semble pas pouvoir affirmer une stratégie de territoire, et celui organisé autour de Toulouse, les Pyrénées-Atlantiques auront à choisir. Je souhaite, monsieur le ministre, que des éclaircissements nous soient donnés en la matière et que nous puissions concevoir un destin démocratiquement, avec l’ensemble des forces politiques et des habitants de ce département, car nous ne nous reconnaissons pas dans l’organisation territoriale qui nous est proposée à la faveur de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Yannick Favennec.

M. Yannick Favennec. J’ai eu l’occasion d’évoquer cet après-midi l’attachement des Ligériennes et des Ligériens à leur région des Pays de la Loire et leur souhait de ne la voir ni démantelée, ni dynamitée. J’ai également indiqué que tout nous rapproche et nous tourne légitimement et naturellement au quotidien vers la région Bretagne : nos relations, nos réseaux, nos coopérations, nos actions dans le domaine économique, social, associatif et culturel et dans celui des infrastructures ferroviaires et routières.

Nos deux régions sont fortes d’un maillage territorial qui s’appuie sur un réseau de villes moyennes où il fait bon vivre, animé par un tissu de PME, d’artisans, de commerçants créateurs de richesse et d’emploi. Nos agricultures sont elles aussi très complémentaires. Elles s’appuient sur un savoir-faire hors du commun, tourné vers une industrie agroalimentaire de renom, définitivement ancrée à l’ouest. Je pourrais aussi parler de nos infrastructures ferroviaires, avec la future ligne à grande vitesse, ou routières, avec la route nationale 12, chère à Thierry Benoit autant qu’à moi, et nos chambres d’agriculture, nos chambres de commerce et d’industrie, nos chambres de métiers et de l’artisanat, nos universités travaillent ensemble depuis déjà des années, dans l’intérêt des habitants de nos deux régions.

Aujourd’hui, nous souhaitons profiter de cette réforme territoriale pour créer encore davantage de synergies grâce à la fusion de nos deux régions, sans modification des départements qui les composent.

Nous voulons le faire dans le respect de l’identité bretonne, que nous aimons et souhaitons promouvoir. Vous l’avez dit, monsieur le ministre, rien n’oppose identité et modernité. Un mariage des Pays de la Loire avec la Bretagne permettrait de constituer une région d’une dimension européenne acceptable, peuplée de sept millions d’habitants. C’est de bon augure pour mutualiser les charges et nous donner les moyens de préparer l’avenir avec un maximum de garanties, d’opportunités, de créativité, de savoir-faire et de dynamisme.

Quant à la Mayenne, elle a bien sûr toute sa place dans cet ensemble. En aucun cas elle ne peut être une variable d’ajustement. Les Mayennais ont le cœur à l’ouest. Lorsqu’on les interroge, ils disent vouloir d’abord rester dans la région des Pays de la Loire et, le cas échéant, se rapprocher de leurs voisins bretons. À titre d’exemple, les migrations des Mayennais se font essentiellement vers Nantes et Rennes. Géographiquement, économiquement et culturellement, la Mayenne se tourne avec enthousiasme vers la région Bretagne.

M. Michel Piron. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Xavier Bertrand.

M. Xavier Bertrand. Ce débat nous a permis d’obtenir plusieurs confirmations. Je n’avais pas l’intention de m’exprimer sur la situation du Nord-Pas-de-Calais et de la Picardie. Je vais pourtant le faire, car les propos qui ont été tenus tout à l’heure, notamment dans le camp de la majorité, sont particulièrement révélateurs – je m’adresse à vous, chers collègues de la majorité, car c’est vous qui déciderez de l’adoption ou non de ce texte.

En définitive, différentes factions et divisions sont apparues très clairement. L’intervention de François Lamy a été particulièrement révélatrice. Il s’intéressait à cette région en raison, selon lui, de son passé ministériel. Nous savons bien qu’il n’en est rien. Sur ce dossier, nous avons vu clairement quelles étaient les motivations d’une bonne partie de la gauche du Nord-Pas-de-Calais. C’est au nom du conservatisme et des intérêts politiques qu’elle refuse la fusion entre le Nord-Pas-de-Calais et la Picardie.

M. Daniel Fasquelle. C’est scandaleux !

Mme Bérengère Poletti. Quel égoïsme !

M. Xavier Bertrand. Les propos du président du conseil régional, M. Percheron, ont été particulièrement clairs, et scandaleux : il refuse la fusion au motif qu’il ne faudrait pas livrer cette région au Front national. Mais qui donc a permis que le Front national obtienne de tels scores dans cette région, alors que, depuis des décennies, c’est la gauche qui y détient tous les leviers de pouvoirs ?

M. Daniel Fasquelle. Évidemment !

M. Xavier Bertrand. Ils en sont donc responsables !

De la même façon, Mme Aubry a tenu des propos particulièrement méprisants sur l’ensemble de la région et surtout sur les Picards. Comment se fait-il que ces responsables n’aient pas mis en avant les potentialités, notamment de l’agroalimentaire et de la troisième révolution industrielle chère à M. Rifkin ? Le conseil régional du Nord-Pas-de-Calais et la chambre de commerce régionale les avaient pourtant mises en avant !

Comment se fait-il que M. Pauvros, par exemple, ou que le secrétaire d’État chargé des transports M. Cuvillier n’aient pas montré tout l’intérêt du projet de canal à grand gabarit dont on parle depuis des décennies et qui aurait ainsi une chance de sortir de terre ? Comment se fait-il que ces projets vitaux d’intérêt général ne soient pas mis en avant ?

Au contraire, on reste sur des réflexes politiciens de boutiquiers conservateurs. J’avais dénoncé, lors d’une question au Gouvernement, un risque de conservatisme – car il y a davantage de conservateurs dans votre camp que dans le nôtre.

Ce qui m’inquiète particulièrement, c’est que de tels réflexes risquent de nous empêcher d’avancer sur le deuxième texte, relatif aux compétences. Vous êtes en train de dépasser les divisions locales et régionales – peut-être en raison d’anciennes rivalités au sein du parti socialiste. Une chose est certaine : vous n’aurez pas la possibilité d’aller au bout de cette réforme que nous appelons de nos vœux et la montagne finira par accoucher d’une souris.

Voilà ce qu’ont révélé les débats de tout à l’heure. Les procédés utilisés eux-mêmes sont détestables. Nombre de députés du Pas-de-Calais pourraient témoigner des pressions, pour ne pas dire autre chose, qu’ils ont subies depuis quelques jours.

M. Daniel Fasquelle. C’est scandaleux ! Assumez, monsieur Lamy !

M. Xavier Bertrand. Le débat a eu lieu dans la presse, à l’initiative de Mme Aubry. Où est l’intérêt général ? Où est l’intérêt de la réforme ? Si cette seule question de la fusion entre le Nord-Pas-de-Calais et la Picardie est la démonstration évidente de ce que le parti socialiste est capable de faire, j’émets les plus grandes réserves sur votre capacité à conduire votre majorité à adopter cette réforme indispensable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. Les choses vont plus vite que l’on pourrait le croire. Nous parvenons doucement à une majorité pour redessiner la France. Aucune carte des régions ne sera bonne car, on le sait, de la même façon que les Français sont tous des sélectionneurs de leur équipe de foot, tous ont une opinion en la matière.

M. Daniel Fasquelle. Qui l’a réveillé ?

M. François-Michel Lambert. Merci de l’avoir fait ! J’ai été secoué par certains propos que j’ai entendus.

Je voudrais revenir sur un sujet qui a peu été abordé pendant ce débat : la vision que peuvent apporter ceux que certains appellent les technocrates, les techniciens déconnectés, les consultants qui consultent. Oui, il y a des experts qui travaillent et réfléchissent à l’aménagement du territoire, tirent les leçons de l’histoire, apportent des réponses à certaines questions : d’où vient-on ? où en est-on ? où va-t-on ? comment faire avancer un territoire, comment créer des dynamiques ?

Modeste, je ne parlerai que de ce que j’ai pu étudier dans mon métier : l’arc méditerranéen. J’entends certains de mes amis proposer d’allier Beaucaire et Bordeaux, le Rhône et l’Atlantique, pour constituer une très grande région. Mais à quel équilibre parviendrions-nous ? Un équilibre existe déjà : il s’agit de la région Méditerranée. C’est d’un littoral homogène que nous avons besoin, où nous partageons les mêmes cultures – pas que la vigne ! – mais aussi d’autres approches, d’autres climats, d’autres enjeux face au réchauffement climatique.

Deux territoires, pourtant, à cause de choix politiques, s’ignorent depuis quelques dizaines d’années. Quand je vois qu’il est plus facile, en partant de Marseille, d’aller en train à Paris qu’à Montpellier, qui est situé à 170 kilomètres, je commence à me poser des questions ! Et quand je vois que l’on propose de rattacher le Languedoc-Roussillon à Midi-Pyrénées sans se préoccuper de cette région Provence-Alpes-Côte-d’Azur qui n’est il est vrai quasiment pas représentée ici ce soir, ses responsables pensant sans doute que pour vivre heureux, il faut vivre caché… Non, ce n’est pas conforme à notre histoire que de rester cachés ! Nous devons penser le territoire.

Je vous invite donc à prendre connaissance de ces travaux qui ont traité de l’arc méditerranéen et de cette nécessité de se connecter. Il faut aussi se pencher sur ce territoire. Voilà qui complète d’autres interventions : vous m’avez réveillé, j’ai découvert d’où venait le Maroilles, je vous ai fait grâce des diverses spécialités de la région méditerranéenne que je voudrais voir naître…(Sourires.) J’espère donc que le droit d’option nous permettra de créer cette connexion sans qu’une région ne tourne le dos à une autre.

Nous avons déjà la démonstration, dans la gestion portuaire de ce bassin méditerranéen, de notre défaillance collective. Combien de dizaines, de centaines de millions d’euros perdons-nous parce que deux régions se tournent le dos ? Et cela risque de continuer longtemps, alors qu’elles baignent depuis toujours, depuis les Grecs, dans un bassin, dans une mer intérieure qui s’appelle la Méditerranée.

M. le président. Mes chers collègues, il reste deux intervenants. Je vous propose, si nous voulons finir par parvenir au vote, qu’ensuite nous examinions les amendements qui restent sur l’article 1er de manière assez rapide. Il en reste un peu moins de quatre-vingt-dix.

Si tout le monde en est d’accord, cela me semble être raisonnable.

La parole est à M. Olivier Falorni.

M. Olivier Falorni. À cinq heures du matin, je ne voudrais pas, mes chers collègues, abuser de votre patience. Je souhaite simplement dire que malgré l’heure, on peut avoir des satisfactions. Je crois pouvoir dire maintenant que nous sommes particulièrement heureux de voir le Poitou-Charentes rejoindre l’Aquitaine et je voudrais apporter quelques éléments de réponse à notre camarade et néanmoins ami David Habib.

Dans tous les groupes, sur tous les bancs, nous avons défendu cette idée d’union. Delphine Batho, ici présente, Dominique Bussereau également, moi-même, nous avons déposé des amendements similaires, tout simplement parce qu’ils se sont imposés comme des vecteurs de cohérence et de bon sens.

David Habib nous demandait quel sens il y a à aller d’Hendaye à Châtellerault. D’abord, un peu d’histoire. Dois-je parler de ce remarquable personnage qu’était Aliénor d’Aquitaine, dont le royaume s’étendait de la Loire jusqu’aux Pyrénées ? Dois-je rappeler qu’Henri IV se baptisait lui-même le meilleur ami des Rochelais ? Dois-je rappeler également que cette grande région Limousin-Aquitaine-Poitou-Charentes qui va se former s’inscrit dans la réalité d’un territoire évidemment constitué autour de l’arc atlantique, avec son économie tournée vers la mer, ses deux grands ports maritimes, Bordeaux et La Rochelle, ses grandes industries de plaisance, sa conchyliculture, son tourisme ? Autant de cohérences qui scellent le destin de nos territoires.

Je veux dire à David Habib que nous lisons le même journal, Sud-Ouest, pas la Nouvelle République du centre ou Ouest-France.

M. Michel Piron. Ouest-France, c’est nous !

M. Olivier Falorni. Et enfin, pourquoi faire se retrouver Aquitaine et Poitou-Charentes ? Parce que déjà toutes les administrations l’ont fait ! Toutes les grandes entreprises nationales, toutes les administrations, toutes les juridictions dont dépend aujourd’hui le Poitou-Charentes n’ont pas attendu la réforme pour s’inscrire dans cette carte que nous allons bien sûr voter. RFF, SNCF, les fédérations professionnelles, la chambre régionale des comptes, la cour administrative d’appel, les consulats de Poitou-Charentes ont déjà choisi Bordeaux.

Pour toutes ces raisons, j’ai déposé cet amendement, comme d’autres collègues ici présents, et nous voyons avec satisfaction cette proposition retenue dans la carte que nous aurons à voter.

M. le président. La parole est à M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Je vais en profiter pour défendre mon amendement n38 concernant la fusion entre les Pays de la Loire et le Centre. Contrairement à d’autres, il n’est pas tombé…

J’ai entendu beaucoup de choses sur la modernité, même si je ne sais pas exactement la définir. Et je suis sûr que nous n’avons pas tous la même définition. Pour moi, la modernité, c’est de l’économie, avec la marque Bretagne et le label « produit en Bretagne ». C’est aussi des bons produits, que l’on vend avec une image, celle de la Bretagne, ou encore le tourisme.

La modernité, c’est aussi à mon sens la diversité, des identités multiples, et pas forcément une identité qui serait exclusive. La modernité, c’est aussi des cultures différentes, populaires, pas seulement la culture bourgeoise. Mais ces cultures ont besoin de politiques publiques, faites par la collectivité Bretagne.

J’entends des propos peu amènes, de la part de certains qui voudraient fusionner mais en même temps ne nous aiment guère, comme MM. Auxiette et Raoul, voire certains députés. La fusion n’est donc pas nécessairement une bonne chose. Par ailleurs, il y a des logiques d’aménagement du territoire, des logiques maritimes, des logiques terrestres qui ne sont pas les mêmes entre la Bretagne et les Pays de la Loire.

Monsieur Piron, vous avez cité un sondage. Je ferai de même. Certes les Pays de la Loire sont la région à laquelle les habitants se sentent le moins attachés. Selon le même sondage, c’est aussi une région dont les habitants conçoivent bien qu’elle soit divisée en deux, car ils sentent bien finalement ces deux pôles qui existent. Mais nous avons réalisé un autre sondage, publié le 11 juillet dernier, pour savoir ce que voulaient les Bretons. Il en ressort que 55 % veulent une Bretagne à cinq départements, c’est-à-dire la Bretagne historique, 35 % veulent la Bretagne à quatre départements, l’actuelle… et que 6 % sont pour la fusion avec les Pays de la Loire. C’est ce que pensent les Bretons, c’est ce qu’ils me disent, dans les mails qu’ils m’envoient en nombre ou lorsqu’ils m’interpellent dans la rue.

Vous avez dit que les Pays de la Loire n’avaient rien d’identitaire, que vous aviez produit du lien pendant trente ans et que vous vouliez continuer. Pas de problème ! Il existe de multiples partenariats avec la région Bretagne. Il existe des conventions, qu’on fera perdurer. Si vous voulez créer du lien, vous pouvez très bien le faire aussi avec le Val de Loire ! Je ne comprends pas, d’ailleurs, que vous ne le fassiez pas. On voit bien que le centre de gravité est là.

Je vous apprécie beaucoup, et vos produits, et un certain nombre de vins, mais cela ne veut pas dire que je veux me marier avec vous. Je vous respecte, et c’est pour cette raison que je vois bien qu’il y a, à l’intérieur des Pays de la Loire, des logiques qui ne vont pas vers la Bretagne. C’est pour cela que je suis opposé à la fusion et que j’ai proposé, comme Jean-Patrick Gille, une fusion entre les Pays de la Loire et le Centre.

M. le président. La parole est à Mme Jeanine Dubié, dernière oratrice.

Mme Jeanine Dubié. Compte tenu de l’heure très avancée, je serai brève, mais je ne peux laisser croire à mon ami et collègue Olivier Falorni que l’Aquitaine se résumerait à la Gironde et à Bordeaux. L’Aquitaine, c’est aussi les Landes, les Pyrénées-Atlantiques, et également des départements, comme le Lot-et-Garonne, tournés vers Midi-Pyrénées, avec qui nous développons des coopérations et des actions en commun dans les domaines économique et administratif, sans compter des relations quotidiennes entre les gens, car certains habitants des Hautes-Pyrénées vont travailler régulièrement à Pau.

Je veux donc apporter tout mon soutien à David Habib. Je veux lui dire que tous les Haut-Pyrénéens partagent son point de vue, que nous sommes solidaires et que nous continuerons à nous battre pour que le Béarn et la Bigorre puissent être réunis dans le même territoire. J’ai déjà développé mon argumentaire au cours de la discussion générale, je n’y reviendrai pas.

En revanche, une fois encore, je regrette que les collectivités locales n’aient pas été consultées, et notamment les conseils généraux. Je pense que des solutions intelligentes auraient pu émerger. Il est dommage que le Gouvernement ait posé initialement comme principe la fusion de régions entières. Cela a été dit et redit dans cet hémicycle par le Premier ministre. Laisser les départements choisir aurait peut-être pris plus de temps, mais était sûrement la garantie d’une meilleure acceptation. Il faut savoir perdre du temps sur l’instant pour en gagner demain. Nous aurions ainsi pu satisfaire à la fois Olivier Falorni, David Habib et Jeanine Dubié.

M. le président. Je vais donc maintenant appeler tous les amendements restants, puis le rapporteur et le ministre donneront leur avis.

La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour soutenir l’amendement n442.

M. Jean-Christophe Fromantin. Cet amendement est à contre-pied de cette approche qui s’est exprimée depuis plusieurs heures dans laquelle on prend des départements, on les décolle et on les recolle pour constituer tel ou tel territoire. L’idée est de partir d’un autre thème, d’une autre approche qui a d’ailleurs sous-tendu plusieurs de nos débats, certains d’entre nous évoquant les flux, les tensions naturelles entre villes moyennes et métropoles, les véritables dynamiques sociales et économiques qui sont à l’œuvre.

Cet amendement vise donc à composer la carte en fonction de ces flux, de ces tensions naturelles entre les villes moyennes et zones rurales et les métropoles. La carte de France serait ainsi élaborée autour des métropoles, avec le souci de désenclaver toutes les zones qui ont besoin de s’en rapprocher, les métropoles étant des territoires de croissance, des locomotives qui participeront demain à la reconfiguration de nos territoires et donnent à nos zones rurales, artisanales et touristiques leur capacité à se connecter avec le monde.

C’est une approche différente, construite à partir de huit métropoles qui ont cette fonction de plus en plus forte de croissance dans notre pays. Elle vise aussi à désenclaver les villes moyennes de façon à ce que chaque Français soit à moins d’une heure trente d’une métropole connectée au monde.

C’est une approche différente, innovante, qui rejoint plusieurs études, plusieurs opinions, plusieurs dynamiques qui sont aujourd’hui je crois nettement reprises et qui pourraient donner à cette configuration territoriale une véritable dynamique de croissance.

M. le président. La parole est à M. Hervé Gaymard, pour soutenir l’amendement n253.

M. Hervé Gaymard. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Serge Grouard, pour soutenir l’amendement n70.

M. Serge Grouard. Il est défendu, de même que les amendements 72 et 71.

M. le président. L’amendement n258, monsieur Molac ?

M. Paul Molac. Défendu.

M. le président. L’amendement n493 rectifié ?

M. Marc Le Fur. Défendu, ainsi que l’amendement n1 rectifié.

M. le président. L’amendement n117 rectifié ?

M. Éric Straumann. Défendu.

M. le président. L’amendement n241 ?

M. Jacques Krabal. Défendu.

M. le président. L’amendement n189 ?

M. Éric Straumann. Défendu.

M. le président. L’amendement n65 ?

M. Serge Grouard. Défendu.

M. le président. L’amendement n373 ?

Mme Barbara Pompili. Défendu.

M. le président. L’amendement n2 ?

M. Marc Le Fur. Défendu.

M. le président. L’amendement n23, monsieur Vigier ?

M. Philippe Vigier. Nous demandons simplement que la région Centre s’appelle Val-de-Loire, avec exactement la même configuration et les mêmes six départements.

M. le président. L’amendement n438 rectifié ?

M. Jean-Luc Bleunven. Défendu.

M. le président. L’amendement n260 ?

M. Paul Molac. Défendu.

M. le président. L’amendement n191 rectifié ?

M. Daniel Fasquelle. Défendu.

M. le président. L’amendement n500 ?

M. Gérald Darmanin. Très bien défendu.

M. le président. L’amendement n340 ?

M. Thierry Benoit. Défendu.

M. le président. L’amendement n404 ?

M. Xavier Breton. Cet amendement vise à donner la possibilité de constituer des régions à partir de parties des régions existantes, ce qui permettrait de procéder à l’échelon départemental, voire infradépartemental, de façon à mieux respecter la réalité et la diversité des territoires.

M. le président. L’amendement n55 ?

M. Philippe Vigier. Défendu.

M. le président. L’amendement n293 ?

M. David Habib. Défendu, ainsi que le n292.

M. le président. L’amendement n240 ?

M. Jacques Krabal. Défendu.

M. le président. L’amendement n387 ?

Mme Catherine Vautrin. Défendu avec conviction ! (Sourires.)

M. le président. L’amendement n119 ?

M. Éric Straumann. Défendu.

M. le président. L’amendement n64 ?

M. Serge Grouard. Défendu.

M. le président. L’amendement n161 ?

M. Alain Tourret. Défendu.

M. le président. L’amendement n169 ?

M. Daniel Fasquelle. Défendu.

M. le président. L’amendement n159 ?

M. Alain Tourret. Défendu.

M. le président. Les amendements nos 63, 192, 235, 296, 371 et 474 sont identiques.

L’amendement n63 est-il défendu ?

M. Serge Grouard. Oui.

M. le président. L’amendement n192 ?

M. Daniel Fasquelle. Défendu.

M. le président. L’amendement n235 ?

Mme Pascale Boistard. Défendu.

M. le président. L’amendement n296, monsieur Warsmann ?

M. Jean-Luc Warsmann. Nous avons tous été stupéfaits quand nous avons appris le projet de fusion entre la Picardie et Champagne-Ardenne. Dix-neuf des vingt-deux parlementaires de Champagne-Ardenne ont expliqué publiquement que ce projet de fusion n’avait pas d’avenir. Nous avons alors essayé d’avoir une démarche constructive, respectant les principes posés par le Gouvernement : des fusions de régions entières, sans option immédiate des départements.

Nous sommes neuf des treize parlementaires de Champagne-Ardenne appartenant aux groupes d’opposition à avoir signé cet amendement, qui dit simplement que si vous voulez une région Grand Est, une région Alsace-Lorraine n’a pas de sens mais qu’une région Alsace-Lorraine-Champagne-Ardenne est par contre entièrement logique. Neuf des treize parlementaires soutiennent donc ce projet et voteront l’amendement du rapporteur, qui leur semble aller dans le bon sens.

M. le président. L’amendement n371 ?

Mme Barbara Pompili. Défendu.

M. le président. L’amendement n474 ?

M. Dominique Bussereau. Défendu.

M. le président. L’amendement n499 ?

M. Gérald Darmanin. Défendu.

M. le président. L’amendement n370 ?

Mme Barbara Pompili. Défendu, ainsi que le n367.

M. le président. L’amendement n127 ?

M. Guillaume Larrivé. Cet amendement, comme le n126, monsieur le président, lui aussi cosigné par M. Sauvadet, propose une vision tout à fait différente de ce qui a prévalu depuis plusieurs heures. Il s’agit dans notre esprit de fédérer dès 2016 les quatre départements bourguignons de l’Yonne, de la Nièvre, de la Côte-d’Or et de la Saône-et-Loire dans une collectivité unique, le Conseil de Bourgogne. J’en ai présenté l’économie générale, les principes et l’ambition lors de la discussion générale.

Notre regret, à François Sauvadet et à moi, c’est que la réforme engagée par le Gouvernement freine au fond une intégration régionale et départementale qui aurait pu se faire, mais selon une tout autre voie de réforme que celle que vous privilégiez.

M. le président. L’amendement n209 est-il défendu ?

M. Marc Le Fur. Oui.

M. le président. L’amendement n17 ?

M. Marc Le Fur. C’est l’amendement qui permet de rattacher la Loire-Atlantique et Nantes à la Bretagne, donc de mettre un terme à ce funeste décret de 1941. J’ai déjà défendu cette idée dans mon sous-amendement à l’amendement de la commission, qui sera soumis au vote. J’espère que l’Assemblée réfléchira et comprendra que cette blessure qui affecte tous les Bretons depuis de trop longues années serait cicatrisée par la création d’une Bretagne à cinq départements ayant un avenir solidaire.

M. le président. Les amendements no503 et 504, monsieur Molac ?

M. Paul Molac. L’amendement n503 propose une Bretagne à cinq départements plus une région Val-de-Loire, le n504 une Bretagne à cinq départements, avec la Loire-Atlantique, en gardant les deux autres régions telles qu’elles sont. Le premier a ma préférence.

M. le président. L’amendement n99 ?

M. Dominique Bussereau. Il est défendu.

M. le président. Les amendements nos 342 rectifié, 428 et 480 sont identiques.

L’amendement n342 rectifié est-il défendu ?

M. Philippe Vigier. Oui.

M. le président. L’amendement n428, monsieur Beffara ?

M. Jean-Marie Beffara. Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps l’amendement n505, qui viendra par la suite. Je ne suis pas encore intervenu dans le débat et je voudrais profiter de cet amendement pour dire quelques mots sur la région Centre.

J’ai entendu beaucoup de choses sur cette belle région. Je partage le constat qu’à sa création, l’identité régionale n’était pas une évidence puisque, comme l’ont dit Philippe Vigier ou Jean-Patrick Gille, cette région s’est créée à partir d’un territoire très hétérogène, allant des franges franciliennes au nord de l’Eure-et-Loir au sud de Châteauroux en passant par le Berry et le Val de Loire, Tours ou Blois.

Nous avons su non pas fusionner ces territoires, qui ont gardé chacun leur identité, le Berry, la Touraine, l’Orléanais, mais faire émerger une appartenance régionale à partir des politiques publiques que nous avons développées.

L’identité d’une région, et M. Piron disait des choses assez semblables d’ailleurs – ce qui rapproche peut-être déjà nos deux régions ! – ou en tout cas l’appartenance à un territoire commun, un territoire de projets, se crée avant tout à partir des politiques publiques qui y sont menées. En région Centre, c’est par la gratuité des manuels scolaires, les transports en commun, la conditionnalité des aides accordées aux entreprises et un certain nombre d’autres dispositifs que les habitants se sentent appartenir à un territoire de projets car, avant d’être des territoires identitaires, les régions sont avant tout des territoires de projets.

En région Centre, ce qui constitue aussi notre sentiment de cohésion, et sa réalité, c’est, beaucoup l’ont dit, le fleuve Loire. Le classement de la Loire au patrimoine mondial de l’humanité, de Sully-sur-Loire dans le Loiret à Chalonnes-sur-Loire dans le Maine-et-Loire, est sans doute la résultante de cette cohésion autour de ce beau fleuve. C’est donc vers les pays de la Loire que l’ensemble des habitants, des élus de ce territoire de la région Centre veulent demain bâtir leur avenir.

M. Marc Le Fur. Très bien !

M. Jean-Marie Beffara. L’ADN du Centre est en effet profondément ligérien. Des actions comme « la Loire à vélo » sont aujourd’hui emblématiques de ce que nous pouvons faire avec une autre région, notamment les Pays de la Loire – 1 million de visiteurs sur les 6 millions qu’accueille chaque année la région Centre ! Laquelle, monsieur Piron, n’a pas seulement vocation à les accueillir dans ses châteaux. C’est aussi la sixième région industrielle de France, la première pour l’agriculture céréalière. Il y a donc avec les qualités de votre région que vous avez énoncées un certain nombre de points communs qui, demain, deviendront des réalités et des atouts pour notre territoire.

M. Philippe Vigier. Très bien !

M. Jean-Marie Beffara. Un mot enfin sur la question, qui a été parfois abordée, des territoires périphériques des régions. Les régions ne sont pas aujourd’hui des territoires fermés. Elles ne le seront pas plus demain même si elles sont plus grandes, et les coopérations interrégionales continueront à exister. Aujourd’hui, on peut aller faire ses courses, étudier ou travailler dans la région voisine. Si demain nous ne fusionnons pas avec elle, rien ne nous empêchera de continuer à le faire ! Le Centre a pour les transports des coopérations avec l’Île-de-France, destination importante dans les trajets domicile-travail de notre territoire. Nous avons aussi des coopérations avec les facultés de Limoges ou de Poitiers pour que nos jeunes puissent y étudier, parce que nous avons le devoir d’ouvrir nos territoires. Demain, la fusion des régions n’empêchera pas, au contraire, de poursuivre ces coopérations.

L’amendement que nous proposons avec l’ensemble des députés socialistes de la région n’a pas seulement pour objectif de définir, préserver ou améliorer l’avenir de deux régions, les Pays de la Loire et le Centre. Il tend à améliorer la carte proposée par le rapporteur, et cela bien au-delà de ces deux régions, car chacune d’entre elles pourrait demain continuer à vivre seule avec ses habitants, ses entreprises et ses universités.

Il n’est donc pas question de l’avenir de deux régions, mais de permettre à la France de passer de treize régions à douze, une douzième région forte qui pèsera demain dans la volonté que nous avons de redynamiser l’ensemble de l’économie nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. L’amendement n480est-il défendu ?

M. Alain Tourret. Oui.

M. le président. L’amendement n462 ?

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Défendu.

M. le président. Les amendements nos 101, 158, 193, 311 et 478 sont identiques.

Qu’en est-il de l’amendement n101 ?

M. Dominique Bussereau. Il est défendu.

M. le président. L’amendement n158 ?

M. Alain Tourret. Défendu.

M. le président. L’amendement n193 ?

M. Olivier Falorni. Défendu.

M. le président. L’amendement n311 ?

Mme Delphine Batho. J’assiste depuis vingt-deux heures à cette discussion qui nous a fait faire un voyage magnifique dans toute la France. J’en retire la conviction que notre pays a besoin de se projeter dans l’avenir, d’être plein d’espérance, d’avoir moins de peurs, de faire preuve de moins d’égoïsme et de plus de solidarité territoriale.

Cet amendement n311 est présenté également par un certain nombre de collègues qui sont présents, Martine Pinville, Suzanne Tallard, Marie-Line Reynaud, Catherine Quéré et d’autres collègues du Limousin et de la région Aquitaine. Je le retire au profit de celui du rapporteur, que je remercie de son écoute, de même que Bernard Cazeneuve. Il est vrai que la région Poitou-Charentes avait mal vécu la première carte, et nous avons été entendus. Je suis donc maintenant pressée que cet amendement soit voté.

(L’amendement n311 est retiré.)

M. le président. L’amendement n478, monsieur Grouard ?

M. Serge Grouard. Il est défendu.

M. le président. Les amendements nos 320, 341, 434, 446, 475 et 477 sont identiques.

L’amendement n320 est-il défendu ?

Mme Françoise Dubois. Il s’agit de plaider pour la constitution d’une nouvelle région Bretagne-Pays de la Loire, entière et sans modification des départements qui les composent.

Cet amendement se fonde sur des réalités qui démontrent déjà de fortes interactions entre ces régions. Les deux conseils régionaux ont entrepris depuis plusieurs années des coopérations très étroites, qui lient les deux territoires dans de nombreux domaines. Je ne reviendrai pas sur les réalisations exposées en détail avec beaucoup de talent par le député du Maine-et-Loire Michel Piron, mais il y a bien sûr le projet de constitution d’une université Bretagne-Loire, ou la création du pôle agronomique de l’ouest, qui concerne l’agriculture et l’agroalimentaire de ces deux régions. En matière de transports, elles se sont engagées aussi dans le projet de nouvelles liaisons afin d’améliorer l’accessibilité à l’ouest de l’Europe.

Les Bretons revendiquent, à raison, leur périphéricité, mais une fusion avec les Pays de la Loire ne peut-elle pas favoriser leur désenclavement ? Comme vous, monsieur le ministre, je défends l’intérêt général au travers de cette réforme et plus particulièrement de cet amendement. (Applaudissements sur divers bancs.)

M. le président. La parole est à M. Michel Piron, pour soutenir l’amendement n341.

M. Michel Piron. Cet amendement, que je présente avec Yannick Favennec, a pour objet de fusionner la Bretagne et les Pays de la Loire. Ce projet est soutenu à l’unanimité par le conseil régional des Pays de la Loire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et divers bancs des groupes UMP et SRC.)

M. Yannick Favennec. Excellent !

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour soutenir l’amendement n434.

M. Jean-Luc Laurent. Pour avoir été très attentif à l’ensemble de cette discussion, j’en arrive à la conclusion que la fusion ne s’impose vraiment pas spontanément. La réforme que je souhaitais, comme mes collègues du MRC, aurait consisté à voir naître des régions sans régionalisme, en conservant les départements.

En effet, mes chers collègues, la France n’est pas un État fédéral comme l’Allemagne ni une république régionalisée comme l’Italie.

M. Michel Piron. On est d’accord !

M. Jean-Luc Laurent. Chaque nation a son histoire, son identité et des principes politiques différents.

M. Claude Sturni. Et ses échecs !

M. Jean-Luc Laurent. La France, je le rappelle parce qu’on l’oublie un peu trop dans cette discussion, s’identifie à un État central puissant. La France républicaine repose sur quelques principes qu’il ne faut pas mettre à bas : l’unité de la République, une loi égale pour tous, mais aussi un pouvoir local reconnu depuis la République avec la création des communes et des départements, puis avec la décentralisation en 1982 et l’apparition d’un pouvoir local divisé.

Monsieur le ministre de l’intérieur, en présentant votre projet et tout au long de cette discussion de plusieurs heures, vous avez parfaitement clarifié le débat sur l’identité et la modernité. Ce que vous avez dit au sujet de l’Alsace, que vous proposez de regrouper, doit s’appliquer à la Bretagne. Dans la logique du Gouvernement, où la taille est l’enjeu principal, il n’est pas souhaitable que la Bretagne soit à l’écart. C’est la raison pour laquelle l’amendement n434 vise à regrouper la Bretagne et les Pays de la Loire, afin que la création de régions de grande taille puisse au moins permettre de se prémunir durablement contre un régionalisme identitaire résiduel qui est étranger à la tradition républicaine. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Laurent Furst. Vous devriez revoir votre histoire !

M. le président. La parole est à M. Christian Assaf, pour soutenir l’amendement n446.

M. Christian Assaf. Si vous m’y autorisez, monsieur le président, je défendrai en même temps les amendements nos 378 et 466. Ces amendements, auxquels j’associe nos collègues Mesquida, Dupré et Dombre Coste, ne visent pas à contester le bien-fondé de la réforme proposée : chacun sait que l’architecture institutionnelle et territoriale de notre pays doit se moderniser, comme cela a été dit à plusieurs reprises au cours des dernières heures. Nul n’ignore non plus que cela passe avant tout par les compétences et le fonctionnement de nos collectivités mais que cela peut aussi concerner les territoires, que ce soit par une évolution de leur périmètre, par des absorptions ou par des fusions. Or, pour donner une chance de réussite à ces modifications, il faut qu’elles correspondent à des réalités territoriales et qu’elles entrent en synergie avec des volontés locales.

Par ces amendements, nous souhaitons que chacune et chacun d’entre nous perçoive que ces conditions ne seront pas réunies dans le cas d’une fusion entre Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon, deux régions qui, si elles ont une histoire occitane commune, se sont, ces dernières décennies, développées l’une à côté de l’autre, parfois en se tournant le dos mais jamais dans une même direction pour envisager une vie commune. Les infrastructures les desservant le démontrent, car elles n’assurent quasiment aucun lien entre elles. Le Languedoc-Roussillon a développé une stratégie forte pour désenclaver, irriguer et relier son territoire : TER cadencé à un euro, dédoublement de l’autoroute, contournement ferroviaire, ligne LGV. Par la suite, il a choisi de miser sur sa viticulture et d’opter pour une économie présentielle ainsi que pour un tourisme de masse, aidé en cela par sa façade maritime, alors que Midi-Pyrénées est une région céréalière et industrielle, au tourisme vert et patrimonial.

Pour devenir une entité une et indivisible, le Languedoc-Roussillon a choisi de bâtir une véritable capitale, tout en permettant l’existence d’entités urbaines significatives, séparées d’une cinquantaine de kilomètres les unes des autres : Alès, Nîmes, Montpellier, Béziers, Narbonne, Carcassonne, Perpignan. Ce développement urbain contraste avec la situation du Midi-Pyrénées. Il y a une réalité évidente à prendre en compte : celle de la construction du Languedoc-Roussillon et de l’importance prise par Montpellier. Cette réalité n’appelle ni une fusion, ni une dissolution.

Mes chers collègues, le Languedoc-Roussillon, ce n’est pas le Sud-Est. Le Languedoc-Roussillon, ce n’est pas le Sud-Ouest. Le Languedoc-Roussillon, c’est le Sud : telle est la raison pour laquelle je vous invite à adopter cet amendement.

M. le président. L’amendement n475 est-il défendu ?

M. Dominique Bussereau. Oui.

M. le président. L’amendement n477 ?

M. Serge Grouard. Défendu.

M. le président. L’amendement n263 ?

M. Paul Molac. Défendu.

M. le président. L’amendement n505 ?

M. Jean-Marie Beffara. Je l’ai déjà défendu.

M. le président. L’amendement n97 ?

M. Dominique Bussereau. Défendu.

M. le président. L’amendement n427 ?

Mme Jeanine Dubié. Défendu.

M. le président. M. Christian Assaf a déjà défendu l’amendement n378.

Qu’en est-il de l’amendement n312 ?

M. Jean-Louis Gagnaire. On ne pensait pas, en écrivant cet amendement, qu’il serait examiné à six heures du matin…Le sujet est d’importance, car le fait de fusionner des régions ne préjuge pas du nom de la région nouvelle. Comme l’on peut déjà considérer que l’alliance de l’Auvergne et de Rhône-Alpes est chose faite, un travail a été effectué sur la question et nous souhaitons que les noms soient replacés dans l’ordre habituel plutôt que dans celui fixé aux articles 1er et 6.

M. le président. L’amendement n104 ?

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Défendu.

M. le président. L’amendement n187 ?

M. Hervé Gaymard. Défendu.

M. le président. L’amendement n300 ?

M. François-Michel Lambert. Christian Assaf a parfaitement décrit la future région Méditerranée que propose cet amendement. Quelle réalité caractérise la façade méditerranéenne ? Au-delà de la culture de la vigne et de l’olivier ou de l’homogénéité du climat, comme cela a été dit, il est un autre élément important : c’est qu’elle constitue la plus grande continuité urbaine d’Europe. La zone allant de Nice à Perpignan est parcourue par les capitales que sont Toulon, Marseille, Aix-en-Provence, Nîmes ou Montpellier. Il suffit de regarder une carte satellitaire de l’Europe de nuit pour voir que toutes ces villes sont réunies par un continuum de lumière.

Cette continuité territoriale appelle aussi une gouvernance stratégique partagée de la région Méditerranée, autour de notre mer, berceau de notre civilisation. Tel est l’objet de cet amendement. Un jour, nous y viendrons, à cette région Méditerranée tellement plus logique que la région PACA !

M. le président. Les amendements nos 234, 466 et 481 sont identiques.

L’amendement n234 est-il défendu ?

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Défendu.

M. le président. L’amendement n° 466 ?

M. Christian Assaf. Défendu.

M. le président. L’amendement n470 ?

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Je le défends en mon nom et en celui de Robert Olive, Pierre Aylagas et Jacques Cresta. La carte qui nous est proposée prévoit neuf régions au nord de la Loire et quatre régions au sud. Ainsi le nombre des futures régions s’accroît-il à mesure que la distance avec la capitale se réduit. Nous avons été saturés de discussions sur la réunification ou non de la Bretagne, sur l’âme picarde, les talents bourguignons, les yeux bleus des gens du Nord et la culture alsacienne. Dont acte.

Il me paraît nécessaire de proposer une cinquième région au sud de la France, par le maintien du Languedoc-Roussillon en l’état, en bord de Méditerranée, entre Rhône et seuil de Naurouze, entre Pyrénées et Massif central, entre canal du Midi et canal du Rhône à Sète, avec sa capitale régionale, la métropole de Montpellier. Tel est le sens de cet amendement.

Le rapporteur propose treize régions. Le Gouvernement en proposait quatorze. Il y a donc une place libre, que nous voudrions tout simplement occuper, monsieur le ministre, en exerçant une sorte de droit d’option…

Nous aurions donc cinq grandes régions romaines, de langue d’oc, de ce Sud qui a construit la France et la République, de ce Sud qui a donné son hymne national à la France…

M. Laurent Furst. Et à Strasbourg !

Mme Anne-Yvonne Le Dain. …et qui lui a donné son nom, la Marseillaise, après qu’un médecin montpelliérain, François Mireur, eut nommé ce feuillet musical et patriote. Il l’a écrit à Strasbourg, monsieur Furst, bien que n’étant pas Alsacien mais originaire de Lons-le-Saunier.

La Marseillaise a été apportée de Marseille à pied par les Fédérés, et ce médecin montpelliérain, pour sauver la République. En ce sens, je rejoins ce que vient de dire notre collègue. Alors, oui, ayant été saturés de langue d’oïl, nous faisons parler la langue d’oc, avec un Languedoc-Roussillon qui permettrait de rééquilibrer le sud de la future carte régionale de la France. Au lieu de quatre régions au sud et de neuf régions au nord, on passerait à cinq au sud et huit au nord, ce qui constituerait un petit mieux et instaurerait une situation plus équilibrée par exemple à l’occasion des réunions des présidents de région dans la capitale.

Pour en revenir à l’ambition économique de cette réforme territoriale, je souligne que le Languedoc-Roussillon se situe au dixième rang des PIB des régions françaises. À peine 15 milliards d’euros nous séparent de Midi-Pyrénées– 65 milliards contre 80 – alors que cette dernière atteint cette prospérité avec une capitale, Toulouse, ville talentueuse et chanceuse, où l’État a concentré tout le secteur spatial français – Aérospatiale, CNES, Météo France – ce qui est une source évidente de richesse locale.

D’ailleurs, à bien y regarder, il apparaît que la réalité économique française est bien souvent le fruit de décisions nationales : le Parlement européen à Strasbourg, les télécoms en Bretagne, le spatial à Toulouse, le synchrotron à Grenoble, pour ne citer que ces exemples…

Pourtant, notre petit Languedoc-Roussillon n’est pas si mal placé sur la carte des ressources. Elle n’est pas une terra incognita comme on a parfois tendance à le croire à Paris. D’ailleurs, pour mémoire, le PIB par emploi de notre région est supérieur à celui de Midi-Pyrénées : 66 752 euros par emploi, contre 66 361 ! (Exclamations sur divers bancs.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Mais arrêtez-la !

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues !

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Certes, il est tard, mais nous avons beaucoup parlé de toutes les autres régions, notamment de langue d’oïl, alors laissez les langues d’oc s’exprimer ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.– Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

J’ai bien écouté les propos talentueux développés en tribune, emprunts d’un art oratoire qui a permis de rappeler les attaches historiques et culturelles des pays de langue d’oïl, qui m’ont néanmoins bien souvent semblé antérieures à la Renaissance. Bref, et pardon de le dire ainsi, le royaume de Normandie et le duché de Bretagne, cela commence à bien faire ! Et ces réformes ont eu lieu antérieurement à la Renaissance, dont je vous rappelle qu’elle est arrivée en Val de Loire de Florence, ville jumelée avec Montpellier : la Renaissance est donc arrivée du Sud !

Bien que d’origine bretonne (« Ah ! »rires sur divers bancs), j’ai été accueillie, il y a un peu plus de trente ans, à Montpellier, dans une ville qui m’a acceptée…

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues !

Mme Anne-Yvonne Le Dain. …et qui a accepté que, n’étant pas née là, j’en sois néanmoins l’élue locale et nationale. C’est de ce pays de langue d’oc que je veux parler, qui enchante par son immense aptitude à accueillir et à gérer l’absorption culturelle et humaine, une région qui est depuis toujours terre d’échanges et de migration. Telle est sa force et, puisque l’on a beaucoup parlé d’identité territoriale, son identité.

M. Daniel Fasquelle. Très bien, mais à présent, terminez !

Mme Anne-Yvonne Le Dain. C’est, en d’autres mots, une région ouverte. Je vous rappelle qu’elle a été construite par des réfugiés de la guerre d’Espagne et des rapatriés d’Algérie, des ouvriers agricoles marocains, des ingénieurs ou des scientifiques d’ici et d’ailleurs, qui, tous, ont trouvé pas à pas et peu à peu leur place.

Parmi nos entreprises, je voudrais citer, comme d’autres l’ont fait à propos de leur région, Bell, IBM, Arjomari, Cemoi, Lafarge,…

Plusieurs députés du groupe UMP. Olé !

Mme Anne-Yvonne Le Dain. …Urbasolar, Royal Canin, Dyneff,…

Plusieurs députés du groupe UMP. Olé ! Olé !

Mme Anne-Yvonne Le Dain. ...Horiba, Vitembal, Ubisoft, Perrier, Rhodia, Well et Éminence, pour ne mentionner que celles-ci. (Rires.) Pas si petites !

C’est une région belle et toute simple, où l’on n’est jamais très loin du bord de mer, amphithéâtre de la Méditerranée, terre de romanité, de culture et de renaissance constante dans le mistral de la modernité, appuyée sur la devise de la République : liberté, égalité, fraternité. Sous le soleil des gens du Sud, debout ! (Vifs applaudissements.)

M. le président. L’amendement n481 est-il défendu ?

M. Alain Tourret. Oui !

M. le président. Mes chers collègues, avant de demander l’avis de la commission et du Gouvernement, je vous informe que sur le sous-amendement n506, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Sur le sous-amendement n507, je suis saisi par le groupe écologiste et le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Sur le sous-amendement n510, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Sur le sous-amendement n509, je suis saisi par le groupe écologiste d’une demande de scrutin public.

Sur les amendements identiques nos 487 et 490, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Sur l’article 1er, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. le rapporteur pour donner l’avis de la commission sur l’ensemble des amendements.

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Ce débat, peut-être plus encore que la discussion générale, aura permis de démontrer combien cet exercice était complexe et passionnant, mais également dans quelle mesure la carte proposée en commission des lois représentait un point d’équilibre. Il ne s’agit pas d’un point d’équilibre pour le groupe socialiste ou pour le Parti socialiste. Au contraire les avis favorables que j’ai reçus, voire les marques d’affection témoignées à mon endroit, sur tous les bancs de cette assemblée, prouvent que cette carte permettra d’avancer.

Ce point d’équilibre a été trouvé grâce au travail d’un grand nombre de parlementaires et à l’audition de nombreux conseillers régionaux. Nous verrons, dans les prochains articles, que cette carte est destinée à évoluer dans le temps. Mais à cette étape, c’est une carte d’équilibre qui répond aux exigences fixées par le Président de la République et par le Gouvernement et posées par un certain nombre de rapports, dont des passages très intéressants ont été abondamment cités.

Pour toutes ces raisons, je vous propose d’adopter l’amendement n487 de la commission et de rejeter tous les amendements concurrents ou de correction qui viendraient rompre l’équilibre obtenu. Par ailleurs, j’invite tous mes collègues à retirer les amendements concurrents.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je suis exactement du même avis. Je vais d’ailleurs profiter de ce moment du débat pour remercier le rapporteur et l’ensemble des parlementaires qui, autour de lui et du président de la commission des lois, ont contribué à un bon travail préparatoire. Je veux remercier aussi l’ensemble des orateurs qui se sont exprimés et qui ont défendu avec beaucoup de sincérité leurs amendements. Je propose que nous passions aux votes.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n506.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants82
Nombre de suffrages exprimés81
Majorité absolue41
Pour l’adoption9
contre72

(Le sous-amendement n506 n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n507.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants77
Nombre de suffrages exprimés74
Majorité absolue38
Pour l’adoption27
contre47

(Le sous-amendement n507 n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n510.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants82
Nombre de suffrages exprimés79
Majorité absolue40
Pour l’adoption21
contre58

(Le sous-amendement n510 n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n509.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants80
Nombre de suffrages exprimés78
Majorité absolue40
Pour l’adoption25
contre53

(Le sous-amendement n509 n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 487 et 490.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants83
Nombre de suffrages exprimés75
Majorité absolue38
Pour l’adoption57
contre18

(Les amendements identiques nos 487 et 490 sont adoptés et tous les amendements compris dans la discussion commune tombent, à l’exception des amendements nos 70, 72, 71, 404, 127, 126, 504, 320, 341, 434, 446, 475, 477, 263, 505, 312, 104, 187, 300, 234, 466, 470 et 481.)

M. le président. Une liasse comprenant les amendements qui ne sont pas tombés est en train d’être distribuée dans l’hémicycle. Nous en venons au vote sur ces amendements.

(Les amendements nos 70, 72, 71, 404, 127, 126, 504, 320, 341, 434, 446, 475, 477 et 263, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Souhaitez-vous retirer votre amendement n312, monsieur Gagnaire ?

M. Jean-Louis Gagnaire. Je le retire, monsieur le président.

(L’amendement n312 est retiré.)

(Les amendements nos 104, 187, 300, 234, 466 et 470, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Retirez-vous votre amendement n481, monsieur Tourret ?

M. Alain Tourret. En effet, monsieur le président.

(L’amendement n481 est retiré.)

M. le président. Nous en venons à plusieurs amendements qui n’ont pas encore été présentés.

La parole est à M. Carlos Da Silva, rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 455.

M. Carlos Da Silva, rapporteur. C’est un amendement de précision.

(L’amendement n455, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 68 et 69, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Serge Grouard, pour les soutenir.

M. Serge Grouard. Ils sont défendus.

(Les amendements nos 68 et 69, repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Nous en venons au vote de l’article 1er par scrutin public. Je vous propose de bien vouloir regagner vos places.

M. Jean-Patrick Gille. L’amendement n505 n’a pas été appelé !

M. le président. Il a été rejeté en même temps que le n263.

Je mets aux voix l’article 1er, tel qu’il a été amendé.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants87
Nombre de suffrages exprimés75
Majorité absolue38
Pour l’adoption52
contre23

(L’article 1er, amendé, est adopté.)

3

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Suite de la discussion du projet de loi relatif à la délimitation des régions.

La séance est levée.

(La séance est levée, le vendredi 18 juillet 2014, à cinq heures cinquante-cinq.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly