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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2013-2014

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 27 novembre 2013

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Questions au Gouvernement

Fiscalité

M. Hervé Mariton

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances

Directive européenne sur le détachement des travailleurs

M. Gilles Savary

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Reconnaissance du vote blanc

M. François Sauvadet

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

Exploitation des gaz de schiste

M. Denis Baupin

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement

Relations franco-chinoises

M. Jean-Marie Le Guen

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances

TVA applicable à la filière équine

M. Jacques Myard

Mme Valérie Fourneyron, ministre des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative

Filière avicole

M. Gwenegan Bui

M. Guillaume Garot, ministre délégué chargé de l’agroalimentaire

Industries de santé

M. Jean-Pierre Door

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Retraite chapeau d’un dirigeant de PSA

M. Joaquim Pueyo

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances

Rythmes scolaires

Mme Marie-Jo Zimmermann

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative

Fermeture de l’usine Colgate-Palmolive à La Réunion

Mme Huguette Bello

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique

Insécurité en milieu rural

M. Franck Gilard

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique

Accueil du jeune enfant

Mme Chaynesse Khirouni

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille

Calendrier scolaire et économie touristique

M. Joël Giraud

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative

Accord sur le nucléaire avec l’Iran

M. Jacques Alain Bénisti

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement

Suspension et reprise de la séance

Présidence de Mme Catherine Vautrin

2. Ville et cohésion urbaine

Explications de vote

Mme Laurence Abeille

M. Thierry Braillard

M. François Asensi

M. Yves Blein

M. Jean-Marie Tetart

M. Arnaud Richard

Vote sur l’ensemble

Suspension et reprise de la séance

3. Programmation militaire 2014-2019

Discussion générale (suite)

M. Yves Foulon

M. Christophe Guilloteau

Mme Sylvie Pichot

M. Alain Marty

M. Jean-Michel Villaumé

M. François Cornut-Gentille

M. Jean-David Ciot

M. Jacques Lamblin

M. Guy Delcourt

Mme Marianne Dubois

M. François André

M. Nicolas Dhuicq

M. Gwendal Rouillard

M. Frédéric Lefebvre

M. Eduardo Rihan Cypel

M. Serge Grouard

M. Alain Rousset

Mme Edith Gueugneau

M. Sylvain Berrios

M. Nicolas Bays

M. Joaquim Pueyo

M. Jean-François Lamour

M. Pierre Lellouche

Mme Émilienne Poumirol

M. Henri Guaino

Mme Danièle Hoffman-Rispal

Mme Nicole Ameline

4. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Fiscalité

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Hervé Mariton. Ma question s’adresse au Premier ministre. Nos concitoyens, en matière d’impôts, ne nous disent pas « comment », mais demandent : combien ? L’urgence n’est pas de rendre l’impôt plus lisible, mais de le réduire !

L’économie a besoin de confiance, mais lorsque vous semez l’inquiétude, comment vous croire ? Le Premier ministre annonçait, il y a quelques mois, que neuf Français sur dix ne subiraient en aucune façon les augmentations d’impôts ; les faits ont démontré le contraire. Le Gouvernement prétendait faire 15 milliards d’économie ; la Commission européenne vient de démontrer que c’était faux.

Où allez-vous ? L’imagination est au pouvoir ! Vous proposez une CSG progressive, qui aura un impact important sur les classes moyennes et sur les retraités. Certains d’entre vous suggèrent un impôt sur le revenu local. Le conseil d’analyse économique auprès du Premier ministre imagine un impôt sur le loyer virtuel que les propriétaires ne paient pas. Beaucoup proposent aussi la suppression du quotient familial.

Nous assumons qu’une longue histoire, dont nous prenons notre part, a pu conduire au trop-plein d’impôts. Mais les choses sont claires désormais et la situation du pays le commande : nous souhaitons baisser les impôts, pour donner plus de liberté aux Français et un surcroît de compétitivité en Europe aux entreprises. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

En toute cohérence, nous voulons faire des économies : cela suppose de supprimer le mille-feuille territorial, d’imposer des contreparties aux aides sociales, d’instaurer un régime unique des retraites.

Soyez précis sur un point. Persistez-vous dans votre projet, assommer certaines catégories de la population ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Mariton, le Premier ministre, qui assiste avec le Président de la République et certains membres du Gouvernement au 23e sommet franco-espagnol à Madrid, a ouvert avec les partenaires sociaux des concertations pour remettre à plat notre fiscalité.

Je voudrais commencer par corriger une contre-vérité que vous avez formulée, de façon sans doute involontaire : la Commission européenne n’a en rien remis en cause le programme de finances publiques de la France. Au contraire, elle l’a validé, sans aucune observation, la semaine dernière, lors de l’Eurogroupe, acceptant ainsi notre trajectoire de redressement des finances publiques, pour 2013 et 2014.

M. Lionnel Luca. C’est faux !

M. Pierre Moscovici, ministre. Les 15 milliards d’économies ont ainsi été validés. Le Gouvernement a fait le choix de faire porter l’effort de réduction des déficits à partir de 2014 essentiellement sur les économies, après une hausse des prélèvements les trois années précédentes. Cela signifie que la remise à plat de la fiscalité, comme l’a expliqué le Premier ministre, se fera à prélèvements constants.

Il convient de rendre notre fiscalité plus lisible, car il arrive que nos concitoyens ne se retrouvent pas dans ce qu’ils perçoivent comme un maquis. Il faut la rendre plus transparente, plus juste et préserver dans le même temps ce qui a déjà été accompli en matière de justice fiscale et de compétitivité.

L’ensemble des partenaires sociaux se sont montrés intéressés par l’exercice. Tous les groupes parlementaires seront reçus par le Premier ministre et les ministres concernés. Je vous invite à prendre votre part de cet exercice, dont la finalité est de rendre à l’impôt son sens, sa lisibilité et sa stabilité. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Directive européenne sur le détachement des travailleurs

M. le président. La parole est à M. Gilles Savary, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Gilles Savary. Ma question, à laquelle j’associe ma collègue Chantal Guittet, s’adresse au ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Notre Assemblée a adopté à l’unanimité, le 11 juillet 2013, une résolution européenne sur la proposition de directive d’application de la directive dite « détachement des travailleurs », en cours de discussion à Bruxelles.

Les travaux que nous avons menés ont mis en évidence l’ampleur des abus du détachement et leurs développements considérables ces dernières années. Depuis 2006, le nombre de travailleurs détachés en France est passé de 38 000 salariés à 144 000 en 2011. Aujourd’hui, entre 220 000 et 300 000 salariés low cost ne sont pas déclarés et ne sont donc pas identifiés par l’inspection du travail.

La France est, de son côté, le deuxième pays « détacheur » d’Europe. Nous envoyons environ 135 000 ouvriers, ingénieurs, commerciaux, en mission temporaire pour représenter nos intérêts économiques en Europe.

Ce n’est donc pas le détachement qui est en cause, mais son détournement désormais massif et systématique à des fins d’optimisation et de dumping social, permis par l’absence d’harmonisation sociale européenne.

Depuis 1996, date de la directive initiale, ni la Commission, ni la France, n’ont pris la moindre initiative pour prendre la mesure de ce phénomène.

La majorité libérale de l’Union européenne fait aujourd’hui obstacle à un durcissement de la directive. Vous avez adopté, monsieur le ministre, une position très ferme au Conseil qui vous est reprochée, ici ou là, dans les rangs de l’opposition, mais nous vous encourageons, de notre côté, à ne rien lâcher. Après celle du 6 novembre dernier, vous avez fait ce matin en conseil des ministres une communication sur ce dossier particulièrement sensible. Quel est votre état d’esprit à quelques jours du conseil Emploi, politique sociale, santé et consommateurs, dit « EPSCO », quelle position comptez-vous y défendre et quelles hypothèses de travail envisagez-vous pour l’avenir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le député, c’est un dossier dont vous connaissez tous les aspects car vous avez pu l’examiner aussi bien en tant que député de la République, ici même, qu’en tant que député européen. En cinq ans, lors de la dernière législature, le nombre de salariés détachés a été multiplié par quatre tandis que les fraudes se multipliaient de manière insupportable, conduisant à des situations humaines inadmissibles, à l’exploitation de salariés venus d’ailleurs dans des conditions qu’aucun d’entre nous ne peut accepter.

La fraude au détachement signifie aussi la mise en œuvre d’une concurrence déloyale extrêmement préjudiciable à notre tissu économique. Dans le secteur du bâtiment, les grandes ou les petites entreprises sont ainsi soumises à une concurrence ravageuse dont les conséquences peuvent être terribles pour notre territoire.

Nous devons lutter par tous les moyens possibles contre ces fraudes. Nous allons renforcer les contrôles en France et nous vous proposerons de modifier notre législation. Surtout, nous devrons mettre en place au niveau européen une règle qui soit la même pour tous car si nous voulons lutter contre les grands réseaux, contre ces cascades de sous-traitance qui partent d’un donneur d’ordre français et passent par cinq, six, sept voire huit autres entreprises en Europe, nous devons pouvoir agir partout ensemble. Là est l’enjeu du prochain conseil des ministres du travail.

Je serai d’une grande fermeté. Là où nos prédécesseurs n’ont jamais rien obtenu, nous parviendrons à renforcer les moyens de lutter contre la fraude ! (Vifs applaudissements continus sur les bancs du groupe SRC.) Et nous ne sommes pas isolés : l’Allemagne est avec nous ! L’Espagne est avec nous ! L’Italie est avec nous ! L’ensemble de cette Europe qui tient à préserver un socle social se battra à nos côtés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.– Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Reconnaissance du vote blanc

M. le président. La parole est à M. François Sauvadet, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. François Sauvadet. Monsieur le président, au nom du groupe UDl, je voudrais saluer la décision de la Cour d’appel de Paris qui confirme le licenciement de la salariée voilée de la crèche Baby-Loup,…

M. Jacques Myard. Très bien !

M. François Sauvadet. …réaffirmant ainsi que la laïcité n’est pas négociable dans la République que nous aimons et que nous avons en partage. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMPsur plusieurs bancs du groupe RRDP.)

Monsieur le Premier ministre, demain, à l’initiative du groupe UDl, nous examinerons trois propositions de loi et j’aimerais que le Gouvernement s’explique devant la représentation nationale sur la question du vote blanc que nous souhaitons voir reconnaître aux élections.

Ce que nous voulons, c’est donner à chaque citoyen le droit, par un vote blanc, d’exprimer qu’il ne se reconnaît pas dans l’offre politique qui lui est proposée et que ce vote soit comptabilisé.

Il y a tout juste un an, le Gouvernement donnait son accord pour que ces bulletins blancs soient effectivement comptabilisés dès les prochaines élections municipales. Le texte a été adopté à l’unanimité à l’Assemblée, puis au Sénat. Et voilà que cette semaine, le parti socialiste vient de décider, un an après, que cette mesure ne pourrait pas s’appliquer aux prochaines municipales en donnant des arguments techniques incompréhensibles !

Monsieur le Premier ministre, comment allez-vous expliquer aux Français que vous acceptez en février de reconnaître le vote blanc mais qu’il n’est pas possible de l’appliquer aux municipales de mars prochain !

Je vous le dis franchement, avec beaucoup d’engagement, soit c’est de l’amateurisme, soit c’est de l’hypocrisie ! En tout cas, ce n’est pas sérieux.

Vous le savez, mes chers collègues, notre pays traverse une période de profond mécontentement. Reconnaître le vote blanc, c’est permettre à nos compatriotes d’exprimer ce mécontentement en évitant de faire monter les votes extrêmes. Je veux croire que nous partageons cet objectif.

Monsieur le Premier ministre, je vous demande solennellement au nom du groupe UDI de tout mettre en œuvre pour que le vote blanc soit reconnu et comptabilisé dès les prochaines élections municipales. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. Monsieur Sauvadet, j’ai du mal à comprendre votre courroux. C’est vrai, ce texte est important, mais la première proposition de loi ou les premiers textes relatifs au vote blanc remontent à 1798. Depuis, vous vous êtes parfois retrouvés au pouvoir et si ce sujet vous tenait tant à cœur, vous auriez pu le faire avancer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

La question de fond est intéressante et vous avez su trouver les mots qui touchent. Nombre de nos concitoyens ne trouvent plus normal, en effet, que leurs bulletins blancs ne soient pas pris en compte comme une démarche particulière et qu’ils soient assimilés à des votes nuls ou des enveloppes vides. Le sujet fait débat et le Gouvernement a accepté d’engager avec vous une réflexion sur ce qui pourrait être considéré comme une amélioration démocratique.



Je souhaite écarter d’emblée une question que vous n’avez pas évoquée. Certains militent pour que le vote blanc soit considéré comme un suffrage exprimé. Le Gouvernement n’y est pas favorable, d’autant plus que cette disposition poserait problème au niveau des élections présidentielles.



Il faut par ailleurs savoir ce que l’on fait des enveloppes vides et la question n’est pas tranchée entre l’Assemblée et le Sénat dont les positions divergent. Enfin, devons-nous mettre des bulletins blancs à la disposition des intéressés et quelle date d’entrée en application choisir ?



M. Rudy Salles. Nous y voilà !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. À ce jour, le Gouvernement a établi les procès-verbaux pour les élections municipales et, vous sachant très attentifs à la limitation des dépenses publiques, je pense que vous serez d’accord avec nous pour décider qu’il n’est pas nécessaire de les refaire.

Nous sommes favorables à cette mesure, mais nous étudierons ensemble sa date d’entrée en application. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Exploitation des gaz de schiste

M. le président. La parole est à M. Denis Baupin, pour le groupe écologiste.

M. Denis Baupin. J’associe M. Jacques Krabal à cette question qui s’adresse au ministre de l’écologie.

La Conférence de Varsovie a confirmé le caractère alarmant du dérèglement climatique ; elle a aussi montré combien les États traînent à prendre leurs responsabilités. Les générations futures nous jugeront gravement d’avoir perdu autant de temps pour agir, alors même que nous avons tous les éléments en main.

Dans ce contexte, la France a une responsabilité exceptionnelle. Elle organisera la conférence cruciale de 2015, qui doit aboutir à un accord général. Comme l’a déclaré M. le ministre, la France se doit d’être exemplaire dans sa transition énergétique. Or, la presse se fait l’écho de tentatives en cours de remise en service des permis dits Hess Oil de pétrole et de gaz de schiste. Nous avons dénoncé l’organisation en Pologne d’un sommet pour le charbon pendant la Conférence de Varsovie. Comment pourrions-nous à notre tour envoyer un signal aussi contradictoire ?

Les huiles de schiste sont émettrices de gaz à effet de serre. L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, l’OPECST, a d’ailleurs adopté hier un rapport très criticable qui tente, sous couvert de recherches, de banaliser la fracturation hydraulique alors même que notre pays l’a interdite. Au moins ce rapport a-t-il un mérite : il démontre qu’il n’existe aucune technologie propre permettant d’exploiter ces gaz. Il confirme aussi que leur exploitation ne réduirait pas le prix du gaz en France.

Au contraire, la transition énergétique est une chance formidable pour notre pays, pour notre économie, pour l’emploi et pour le pouvoir d’achat. Elle s’appuie sur les énergies du futur – les énergies renouvelables, économes et intensives en emploi, et l’efficacité énergétique – et non pas sur les énergies du passé, fossiles et fissiles, polluantes et dangereuses.

Notre message est donc clair : monsieur le ministre, respectez l’engagement du Président de la République et ne signez pas ces permis ! (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et RRDP.)

Mme Delphine Batho. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement. Veuillez excuser, monsieur le député, l’absence de M. Philippe Martin, retenu cet après-midi à Madrid avec le Premier ministre. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Permettez-moi d’emblée de revenir sur le rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, et de rappeler brièvement les décisions du Conseil constitutionnel relatives aux huiles et aux gaz de schiste. Comme vous le savez, le 11 octobre dernier, le Conseil a validé sans aucune réserve la loi qui interdit la fracturation hydraulique et du même coup, puisque la fracturation est la seule technique actuellement disponible, l’exploitation des gaz et des huiles de schiste sur tout le territoire national.

Reconnaissant l’existence des risques avérés que cette technique fait peser sur l’environnement, cette décision ôte tout caractère nécessaire à l’évaluation de l’impact qu’entraîne la fracturation hydraulique : nous pouvons nous mettre d’accord sur ce point.

S’agissant des sept permis de recherche d’hydrocarbures en Seine-et-Marne, dans l’Aisne ou ailleurs dans le bassin parisien, dont la société Hess Oil a demandé la mutation à son profit…

M. Christian Jacob. Pourquoi n’appliquez-vous pas la loi ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. …et a obtenu du juge des référés qu’il ordonne à l’État de prendre une décision sous astreinte pour ces mutations…

M. Christian Jacob. Pourquoi refusez-vous d’appliquer la loi ? (Exclamations sur divers bancs.)

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. …permettez-moi de rappeler l’histoire récente, qui vous concerne, monsieur Jacob, puisque les sept permis initiaux avaient été délivrés par votre Gouvernement sans la moindre consultation et sans la moindre information préalable ni des élus, ni des habitants. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.) C’est d’ailleurs ce qui a conduit à l’adoption de la loi de juillet 2011 prévoyant une meilleure information des habitants. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Christian Jacob. Votre réponse est sans intérêt !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. M. Martin a désormais repris ce dossier dans une plus grande transparence, une meilleure concertation et avec davantage de respect des citoyens. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Il a rencontré les collectifs de citoyens concernés par ce dossier et prendra sa décision en ayant en tête le respect de l’État et du droit, ainsi que le respect de l’environnement ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Relations franco-chinoises

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le ministre de l’économie et des finances, vous revenez ce matin même de Pékin, où s’est tenue une réunion très importante du dialogue stratégique économique et financier entre la France et la Chine. La tenue de ce type de réunions a été décidée à la suite du voyage du Président François Hollande en avril dernier, afin d’aborder la question du rééquilibrage à la fois commercial et en termes d’investissement entre nos deux pays.

Cette visite intervenait par ailleurs dans un contexte très particulier : la Chine a tenu une réunion politique majeure ces dernières semaines, qui programme pour les dix années à venir le fonctionnement de son économie et, plus largement, de sa société. D’autre part, nous sommes à la veille de la célébration du cinquantenaire de la reconnaissance de la Chine par le gouvernement français, et donc au cœur d’une série d’échanges importants entre les responsables politiques des deux pays.

Dans ce contexte, mes questions, monsieur le ministre, portent sur trois sujets. Tout d’abord, quels éléments avez-vous bien voulu communiquer aux autorités chinoises et que vous ont-elles répondu sur la place des investissements chinois dans notre pays ? Ensuite, où en est-on de l’internationalisation du yuan et tout particulièrement du rôle que peut jouer la place de Paris dans ce processus, car nous savons tous qu’il y a là un enjeu majeur pour l’économie française ? Enfin, nous savons aussi combien la Chine s’investit depuis plusieurs années en Afrique : comment pourrons-nous jouer un rôle positif de sorte qu’une coopération franco-chinoise se noue sur ce continent ? Je vous remercie, monsieur le ministre, de nous éclairer sur ces trois questions importantes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Je viens en effet, monsieur le député, de passer 48 heures en Chine où se réunissait pour la première fois le dialogue de haut niveau institué par les deux présidents lors de la visite à Pékin du Président Hollande. À ce jour, un tel mécanisme n’existait qu’avec les États-Unis et le Royaume-Uni ;…

M. Philippe Cochet. Et l’Allemagne ?

M. Pierre Moscovici, ministre. …il s’agit donc d’une élévation du niveau de notre coopération et de notre dialogue. (« Ça vous grandit ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Meunier. Vous parlez d’aéroport ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Je m’y suis rendu avec les responsables des grandes institutions françaises et les principaux représentants de mon administration, et j’ai rencontré sur place deux vice-premiers ministres. (« Toujours plus haut ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Yves Censi. Le haut niveau, ça l’intéresse !

M. Pierre Moscovici, ministre. La réunion avait en effet pour thème le rééquilibrage de nos relations, à la fois en termes de commerce et en termes d’investissements. En effet, les investissements français en Chine représentent quinze milliards d’euros, contre 3,5 milliards seulement pour les investissements chinois en France. Je crois que nous avons bien avancé sur les thèmes en discussion. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) N’aimez-vous pas vraiment la Chine, mesdames et messieurs de l’opposition, et ne souhaitez-vous pas que nous puissions échanger avec ce grand pays, qui est la deuxième puissance économique du monde ? (Même mouvement.)

Poursuivons donc. S’agissant de l’internationalisation du yuan, j’ai expliqué à nos amis chinois combien la place de Paris, parce qu’elle est technologiquement avancée, parce qu’elle est dans la zone euro et parce qu’elle est en lien avec l’Afrique, pouvait être le leader en la matière, et ils en conviennent.

Ensuite, nous avons aussi avancé sur les questions de gouvernance mondiale, et notamment sur le souhait de la Chine de pouvoir organiser un sommet du G20. Enfin, pour ce qui concerne le rééquilibrage des investissements, nous avons exploré toutes les possibilités, avec l’idée que les investissements chinois en France étaient et seraient les bienvenus, dès lors que nous y trouverions un intérêt en termes de création d’emplois et que nous préserverions nos intérêts stratégiques ainsi que notre souveraineté.

M. Pierre Lellouche. Il n’y a pas d’investissements chinois en France !

M. Pierre Moscovici, ministre. C’est ainsi que nous avons bien préparé la visite du Président Xi Jinping, qui aura lieu pour le cinquantenaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la Chine et la France : ce sera un grand moment ! (Applaudissements sur certains bancs du groupe SRC.)

M. Claude Goasguen. Et l’Afrique ?

TVA applicable à la filière équine

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jacques Myard. Ma question s’adresse à M. le ministre du budget et à M. le ministre de l’agriculture, et j’y associe tous les membres du groupe d’études Cheval, qui siègent sur tous les bancs.

Le monde hippique est en colère. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. S’il vous plaît, chers collègues, on écoute la question !

M. Jacques Myard. Le 8 mars 2012, la Cour de justice de l’Union européenne a jugé que la France manquait à ses obligations en appliquant des taux réduits de TVA aux opérations relatives aux équidés, sauf s’ils étaient destinés à l’alimentation. Puis, en décembre 2012, la Commission a notifié un manquement à la France, ce qui vous a amené à renoncer au maintien du taux minoré de 7 % et à appliquer le taux normal de 20 %.

Il y a deux façons de juger cette affaire.

Le point de vue juridique de la Commission, que vous appliquez, met tout le secteur hippique dans une situation catastrophique : suppression de 5 000 emplois, envoi à l’abattoir de dizaines de milliers de chevaux, faillite de nombreux clubs. Dans les courses, la hausse de la TVA provoque le renoncement de nombreux propriétaires, alors qu’ils sont le cœur du système.

J’ai ici la lettre du commissaire à la fiscalité qui m’informe que le champ des taux réduits va encore être restreint. Qui commande ? La Commission ou les États ? (« Bravo ! » et applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Une autre solution doit prévaloir. Il convient de dire à la Commission que sa position conduit à la catastrophe et que nous devons en conséquence adopter un moratoire.

Ma question est simple. Allez-vous demander à la Commission de renoncer à son juridisme étroit et de prendre en compte les réalités économiques ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

S’il vous plaît, on écoute la réponse de la ministre !

Mme Valérie Fourneyron, ministre des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative. Monsieur Myard, le cheval, en France, ce sont 700 000 licenciés, des dizaines de millions d’amateurs et des dizaines de milliers d’emplois. Depuis 2004, c’est une TVA à taux réduit qui s’applique à l’ensemble de la filière équestre. Mais, depuis mars 2012, effectivement, à la suite d’une décision de la Cour de justice de l’Union européenne, cette exception a été condamnée.

Cette condamnation datait d’un contentieux avec la France en 2007. De 2007 à 2012, vous avez été incapables de trouver une solution pérenne concernant l’application d’un taux de TVA réduit pour la filière équestre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Un peu de calme !

Mme Valérie Fourneyron, ministre. Depuis un an et demi, nous bataillons pour obtenir le réexamen de cette directive TVA. Nous avons ainsi pu obtenir que les centres équestres continuent à bénéficier d’un taux réduit pendant un an.

M. Philippe Meunier. Vous ne servez à rien !

Mme Valérie Fourneyron, ministre. Malheureusement, la Commission européenne a décidé de déposer devant la Cour de justice une procédure pour manquement, ce qui signifie plusieurs dizaines de millions d’euros, plus des prestations journalières qui auraient pesé autant sur la filière que sur les contribuables. (« Mensonges ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Nous avons donc décidé, en entretenant un dialogue constant avec l’ensemble de la filière, une feuille de route claire : obtenir un réexamen, avec une directive TVA à taux réduit pour la filière équestre. Hier, j’étais à Bruxelles pour plaider une nouvelle fois ce dossier. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)



Nous voulons aussi obtenir un accompagnement de la filière pendant cette période, avec un fonds Cheval et la possibilité d’avoir une TVA à taux réduit pour les contrats déjà signés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)



Filière avicole

M. le président. La parole est à M. Gwenegan Bui, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Gwenegan Bui. Ma question s’adresse à M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. (« Il n’est pas là ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Le 1er juin 2012, le groupe Doux, géant de la volaille, était placé en redressement judiciaire, entraînant avec lui près de 3 500 salariés dans la tourmente. Les mois suivants, plus d’un millier d’emplois étaient supprimés à travers toute la France, dans le Finistère, dans le Morbihan, dans le Vaucluse et jusque dans le Pas-de-Calais, à Graincourt.

Le 18 juillet dernier, la Commission européenne décidait de supprimer les aides à l’exportation de la volaille française, après les avoir déjà diminuées de 50 % en octobre 2012. C’était le coup de grâce : l’ensemble du modèle économique de la filière s’effondrait. Conséquence immédiate : le groupe Tilly-Sabco, à son tour, se déclarait en difficulté. Au total, la fin des restitutions européennes allait supprimer près de 5 000 emplois d’ouvriers et d’éleveurs dans la région.

Si cela était annoncé il y sept ans, cela aurait dû être planifié dans le temps, pour permettre aux mutations de la filière de s’opérer sereinement. Mais rien n’a été fait. C’est votre gouvernement qui a dû se battre dans l’urgence pour préserver la filière et les emplois concernés.

Vendredi, nous étions à Bruxelles, mon collègue Richard Ferrand et moi-même, pour accompagner le ministre Stéphane Le Foll, les dirigeants de Doux et de Tilly-Sabco, ainsi que les représentants de la filière, pour rencontrer le commissaire européen chargé de l’agriculture. Cette rencontre a été décisive et permet de redonner espoir.

Monsieur le ministre, pouvez-vous indiquer, devant la représentation nationale, les avancées significatives qui en sont ressorties et préciser concrètement les modalités d’accès aux financements en question ?

L’annonce a certes apaisé les craintes et les doutes dans nos territoires. L’urgence est maintenant de dire aux destinataires de ces aides quand, comment, combien et par quel canal ils peuvent y accéder. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’agroalimentaire.

M. Guillaume Garot, ministre délégué chargé de l’agroalimentaire. Je veux d’abord excuser l’absence du ministre de l’agriculture qui est en déplacement à l’étranger. (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Monsieur le député, je vous remercie de votre question qui témoigne de votre engagement inlassable sur ce dossier.

D’abord, il nous faut collectivement saluer les grandes avancées qui ont été obtenues vendredi dernier par Stéphane Le Foll, qui était en effet accompagné par vous, monsieur Bui, par M. Ferrand et par des représentants de l’ensemble de la filière avicole.

Vendredi dernier, nous avons fait bouger les lignes pour conforter une filière, la filière avicole grand export, qui compte des milliers d’emplois, principalement en Bretagne.

Je veux le dire ici très simplement, oui, cette filière a un avenir. Vous l’avez dit dans votre question, monsieur Bui, le secteur a été fragilisé par la décision brutale de la Commission de mettre fin aux restitutions sur l’ensemble de la filière grand export.

Le Gouvernement a d’abord traité l’urgence et nous avons, au mois de septembre dernier, débloqué 15 millions d’euros pour les éleveurs et pour les abattoirs. Mais nous sommes allés plus loin. Vendredi dernier, nous avons obtenu du concret à Bruxelles : d’abord, un programme de promotion de nos produits pour les entreprises Doux et Tilly-Sabco ; ensuite, la possibilité de créer un fonds de stabilisation pour le revenu des éleveurs, afin de contrer la volatilité des prix sur les marchés internationaux ; enfin, une enveloppe exceptionnelle de 15 millions d’euros pour améliorer la qualité de nos produits.

Nous avons agi pour consolider le plan de continuation de Doux et nous travaillons à un nouveau modèle de développement qui concilie qualité, compétitivité et emploi dans l’ensemble de la filière grand export. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Industries de santé

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Pierre Door. Ma question s’adressait à M. le Premier ministre ou à M. le ministre du redressement productif. En raison de leur absence, elle s’adressera à Mme la ministre de la santé. Avez-vous oui ou non, madame, conscience de l’état et de la situation des industries de santé en France ?

M. Bernard Accoyer. Très bien !

M. Jean-Pierre Door. Elles constituent un enjeu stratégique et sont aujourd’hui sinistrées. Les plans sociaux se succèdent et des centaines d’emplois disparaissent.

M. Bernard Accoyer. Des milliers !

M. Jean-Pierre Door. Vous avez réuni au mois de juillet dernier le comité stratégique des industries de santé et un comité de filière santé et déclaré vouloir que la France reste une terre d’innovation et de développement des industries de santé. Mais avec vous, l’espoir est toujours un risque à courir ! Le pacte de confiance est passé à la trappe ! J’oserai même dire que le tremplin est devenu plongeoir !

M. Bernard Accoyer. Eh oui !

M. Jean-Pierre Door. M. le ministre du redressement productif lui-même a été récemment confronté au mécontentement des industriels du G5 qui réunit les groupes de santé. Le PLFSS, l’avalanche de taxations diverses et de stigmatisations permanentes entretiennent l’inquiétude et condamnent leur développement. Vous mettez le secteur à genoux ! Un rapport de l’IGF et de l’IGAS publié au mois de mars dernier a mis en évidence le niveau exceptionnellement élevé de la fiscalité qui le frappe.

La France est aujourd’hui dernière au classement de l’attractivité. Nos voisins européens, eux, consolident leur position au moyen d’une fiscalité incitative. Les industriels de santé français ne sont pas même dix. Les industriels étrangers installés en France s’interrogent, doutent et envisagent de quitter le pays, qui devient celui de l’incertitude juridique, fiscale et économique, bref de l’instabilité. Le secteur, madame le ministre, court au désastre et votre politique lui donne le coup de grâce. Il est urgent d’engager un chantier d’allégement et de simplification de la fiscalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Jean-Pierre Door, les industries de santé, dont l’industrie pharmaceutique, font partie des atouts de l’économie française. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a engagé une politique de filières et rassemblé les industries de santé. Cela permet de mener un dialogue et une concertation constructifs, ce que la majorité dont vous faisiez partie n’a jamais fait. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Nous avons mis en place quarante-quatre mesures qui visent à développer le secteur industriel en encourageant la simplification et en accélérant la mise sur le marché non seulement des médicaments mais aussi des dispositifs médicaux. Tous les acteurs du secteur industriel que vous évoquez, monsieur le député, en conviennent. Ils sont aujourd’hui pleinement engagés dans un travail constructif avec le Gouvernement.



Faut-il pour autant continuer à subventionner massivement des médicaments qui ne sont pas directement nécessaires ou dont l’efficacité n’est pas démontrée ? Faut-il continuer à affecter l’argent public non pas à l’innovation mais aux médicaments dont le brevet a expiré ? La volonté du Gouvernement, dont nous avons débattu à l’occasion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, est d’encourager l’innovation, soutenir la recherche-développement et faire en sorte que chacun participe à l’effort de redressement de nos comptes sociaux demandé à l’ensemble des professionnels, y compris l’industrie pharmaceutique, dans l’intérêt des patients. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)



M. Bernard Accoyer. Le PLFSS aboutit à l’exact contraire !

Retraite chapeau d’un dirigeant de PSA

M. le président. La parole est à M. Joaquim Pueyo, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Joaquim Pueyo. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie et des finances. C’est avec stupéfaction que les Français ont appris que M. Philippe Varin, P.-D.G. de PSA, est l’heureux bénéficiaire d’une provision de retraite complémentaire d’un montant de vingt-et-un millions d’euros. Alors que PSA, fleuron de notre industrie automobile, est aujourd’hui en difficulté et que le site d’Aulnay a récemment produit sa dernière voiture, le montant de la provision destinée à couvrir le complément de retraite de M. Varin annoncé par la CGT est totalement disproportionné.

M. Bruno Le Roux. Scandaleux !

M. Joaquim Pueyo. Rien ne justifie un tel montant. Il était difficilement compréhensible lorsque l’entreprise était en bonne santé, il l’est encore moins maintenant, au cœur des difficultés. Disons les choses clairement : nous souhaitons que le P.-D.G. de PSA renonce à sa retraite chapeau et perçoive une retraite de droit commun correspondant à ce à quoi la durée et le niveau de cotisation versées sur ses salaires donnent droit. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Afin d’engager une nouvelle dynamique industrielle, l’État est venu au secours de PSA, de ses salariés, de ses fournisseurs, de sa direction et des territoires qui en dépendent en apportant une garantie de sept milliards d’euros à PSA-banque. Le gouvernement de la France a donc son mot à dire dans cette affaire. Le Gouvernement a pris de bonnes décisions pour limiter la rémunération des dirigeants d’entreprises publiques. Le MEDEF, pour sa part, s’est engagé à revoir les modalités de rémunération des dirigeants de grandes entreprises privées.

Le haut comité du gouvernement d’entreprise créé dans ce cadre est en cours d’auto-saisine pour examiner le bien-fondé de la provision de vingt-et-un millions d’euros. Nous plaçons le redressement de PSA et de la filière automobile au-dessus de toute autre considération. Le retour du succès et de la prospérité d’une industrie qui a marqué notre histoire économique est vital pour la France. L’attribution de privilèges extravagants ne sert en rien un tel objectif. Pouvez-vous nous préciser, monsieur le ministre, les démarches qui seront entreprises par le Gouvernement pour faire revenir à la raison la direction de PSA ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP, écologiste et GDR.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. La politique du Gouvernement en matière de rémunérations, monsieur le député Joaquin Pueyo, a toujours visé à limiter les excès. Ainsi, nous avons réduit les écarts de rémunération au sein des entreprises publiques, appliquant la règle de façon extrêmement stricte. Vous avez légiféré, mesdames et messieurs les députés, instaurant dans le PLF pour 2014 une taxe de 75 % pesant sur l’entreprise et frappant les rémunérations supérieures à un million d’euros. En l’espèce, je m’associe pleinement à votre émotion, monsieur le député.

J’ai eu l’occasion de m’exprimer ce matin à ce sujet, avec Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Nous avons dit tous deux que de telles conditions de rémunération et de retraite nous paraissent absolument inappropriées alors même que la situation de l’entreprise est difficile, que les salariés ont fait des sacrifices, – et je vous parle en tant qu’élu d’un grand territoire automobile, le pays de Montbéliard – et que l’État a accordé une garantie de sept milliards d’euros.

M. Philippe Meunier. Halte à la démagogie !

M. Pierre Moscovici, ministre. Dès lors, qu’allons-nous faire ? D’abord, je demande ici tout à fait officiellement au groupe Peugeot, au nom du Gouvernement, de faire toute la lumière sur les conditions du départ programmé de son P.-D.G. et sur les conditions financières de sa retraite. En outre, le haut comité du gouvernement d’entreprise que vous évoquez, monsieur le député, est saisi. Il a pour objet de faire naître de bonnes pratiques. Il lui appartient maintenant de se prononcer. Il s’agit d’une expérience tout à fait décisive que nous observerons avec beaucoup de vigilance.

Enfin, nous avions fait préciser, lors de l’octroi de la garantie, qu’aucune rémunération exceptionnelle des futurs membres du directoire n’est envisageable sans accord de l’État. Notre démarche reposera donc sur la vigilance, la fermeté et l’exigence. Dans le contexte actuel, il est hors de question que l’État donne son accord à la moindre rémunération exceptionnelle des dirigeants d’un groupe qui est dans la situation que nous connaissons. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et écologiste.)

Rythmes scolaires

M. le président. La parole est à Mme Marie-Jo Zimmermann, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Monsieur le Premier ministre, vous lancez un grand débat sur la fiscalité car vous êtes confronté au spectre du matraquage fiscal. Espérons qu’il n’aboutira pas à une nouvelle augmentation d’impôts !

Dans de nombreux domaines, votre souhait le plus cher est de permettre la concertation et le dialogue entre les différents acteurs : on ne peut que s’en satisfaire. Mais aujourd’hui, une réforme cristallise l’opinion contre elle : celle des rythmes scolaires. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Enseignants, psychologues, parents d’élèves, élus locaux : tout le monde est vent debout contre cette réforme ; les manifestations n’en finissent plus de se développer, commune après commune ; 70 % des Français sont favorables à sa suppression. (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Le premier syndicat d’enseignants du primaire appelle à la grève le 5 décembre prochain.

Alors que les parents d’élèves continuent d’exprimer leur mécontentement, alors que les maires vous ont fait part de leur colère d’être taxés de délinquants civiques, ne trouvez-vous pas qu’il est urgent que vous preniez cette affaire en main, et qu’un vrai débat s’instaure sur cette question ?

Aucune loi n’a été votée : c’est un décret ministériel qui impose une réforme préjudiciable à l’intérêt des enfants – les rapports de nombreux psychologues le prouvent –, qui entraîne un bouleversement de la vie familiale et qui aura aussi un impact inévitable sur tous les contribuables. En effet, vous ne pourrez pas subventionner à l’infini les communes qui ont choisi de mettre en œuvre la réforme : elles seront donc obligées d’augmenter les impôts locaux.

Ma question est très simple et constitue un appel urgent : quand allez-vous reprendre les choses en main et organiser la remise à plat de la réforme des rythmes scolaires avec tous les acteurs, dans le respect de chacun et avec comme seul objectif l’intérêt supérieur de l’enfant ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la réussite éducative.

M. Philippe Meunier. M. Peillon est en vacances !

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative. Madame la députée Marie-Jo Zimmermann, nous avons réalisé cette réforme parce qu’elle est, vous le savez, dans l’intérêt de l’enfant. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Veuillez écouter la réponse !

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. C’est absolument dans leur intérêt : vous verrez que les résultats de notre pays en matière d’éducation, tels qu’ils vont prochainement apparaître dans le classement Pisa, seront, une fois encore, en baisse.

M. Jean Leonetti. Ça n’a rien à voir !

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. Il faut donc impérativement faire quelque chose.

Nous avons entendu toutes les difficultés qui nous ont été soumises par les élus. À l’occasion du congrès des maires, nous avons travaillé étroitement avec l’AMF et nous nous sommes efforcés d’adopter des mesures permettant de répondre aux arguments que vous avez avancés.

Nous avons ainsi, pour la première fois, prorogé le fonds permettant de financer le périscolaire, qui, auparavant, n’existait pas : 370 millions d’euros ont été débloqués à cet effet.

Nous avons engagé un travail avec la CNAF, qui a recentré ses aides aux enfants sur les activités périscolaires. Vous savez également que la CNAF a décidé de prolonger les aides sur trois ans, de sorte que les élus seront aidés lorsqu’ils mettront en place ces nouveaux rythmes pour les enfants.

Nous avons aussi décidé de prolonger les aides aux communes et d’assouplir les taux d’encadrement.

Les inquiétudes ont donc véritablement été entendues. (« C’est faux ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Serge Grouard. Non !

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. D’ailleurs, à l’occasion du congrès des maires, l’AMF – et non pas le Gouvernement – a fait paraître une étude montrant que 80 % des maires qui avaient mis en place ces nouveaux rythmes en étaient satisfaits. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Je vous prie d’écouter la fin de la réponse !

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. Pour ma part, je vais régulièrement dans les établissements et j’y vois des enfants heureux. Les maires réalisent de très belles choses. Continuons donc à travailler pour mettre en place cette réforme : c’est l’intérêt des enfants. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.– Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe UMP.))

M. le président. Il ne sert à rien, mes chers collègues, de crier ainsi, sinon à dégrader notre image !

Fermeture de l’usine Colgate-Palmolive à La Réunion

M. le président. La parole est à Mme Huguette Bello, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Huguette Bello. Ma question s’adresse à M. le ministre du redressement productif. Elle porte sur la fermeture annoncée, il y a quelques jours, de la filiale réunionnaise de la compagnie américaine Colgate-Palmolive. Spécialisée dans la fabrication de produits ménagers d’entretien, la Société industrielle de Bourbon, la SIB, créée il y a trente-cinq ans, a décidé de cesser son activité de production dans l’île, au motif du niveau trop élevé des coûts de fabrication et d’une moindre compétitivité du site. De confortables dividendes ont toutefois été versés, y compris en 2012.

Au nom des économies d’échelle, les produits destinés au marché réunionnais devraient désormais être fabriqués dans la plus importante usine d’Europe du groupe, située à Compiègne, avant d’être exportés à plus de 10 000 kilomètres, en dehors de toute considération relative aux circuits courts de distribution et aux bilans carbone.

Cette délocalisation devrait s’opérer au détriment des trente-deux salariés de l’usine, dont les deux tiers ont plus de 45 ans, et des nombreux sous-traitants. Sur un marché du travail où le taux de chômage atteint 30 %, il est facile d’imaginer que leurs perspectives de réinsertion locale sont plus que limitées.

Cette décision remet également en cause le modèle d’import-substitution développé avec succès à la Réunion durant ces dernières décennies. Elle pose la question des stratégies des multinationales dans les régions d’outre-mer, surtout lorsqu’elles bénéficient des dispositifs publics de soutien à l’emploi. De fait, la Société industrielle de Bourbon a perçu 320 000 euros au titre des exonérations de cotisations sociales.

La sauvegarde de l’emploi et la préservation de l’outil de production sont au cœur des préoccupations du ministère du redressement productif. L’un et l’autre sont en danger dans cette usine. Les salariés de la Société industrielle de Bourbon sont les premières victimes des restructurations du géant américain. Seront-ils les premiers bénéficiaires de votre intervention directe à La Réunion ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique.

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique. Madame la députée, avec Victorin Lurel, actuellement en déplacement en Polynésie, et Arnaud Montebourg, qui se trouve au sommet franco-espagnol (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), nous sommes particulièrement attentifs à la situation de la Société industrielle de Bourbon. Le groupe Colgate-Palmolive, actionnaire unique, a annoncé, le 21 novembre, qu’il envisageait d’arrêter la production à la Réunion et de fermer la société dans les tout prochains mois. Ce projet de cessation d’activité est ainsi motivé par l’actionnaire : « Dans le but de sauvegarder la compétitivité du secteur d’activité du groupe, auquel appartient la Société industrielle de Bourbon, il serait envisagé de cesser toute production à La Réunion et de fermer l’usine à la fin du premier semestre 2014 au plus tard ». Cela a été dit, la production serait transférée vers d’autres usines du groupe, à savoir les usines de Compiègne et de Rillieux.

La direction annonce que l’hypothèse d’investissements productifs dans la SIB a été envisagée : je peux vous assurer que les services de l’État vont vérifier ce point important. En effet, tant les salariés du groupe que les élus ou l’État ont été très surpris d’apprendre cette décision de fermeture de l’entreprise, puisque que celle-ci n’avait pas rencontré de difficultés significatives. Elle n’est pas connue des services pour des retards de paiement ou des dettes fiscales. Cette décision de fermer une usine apparemment viable ne peut manquer de susciter des réactions vives des élus et des salariés, alors même que La Réunion, vous l’avez rappelé, est confrontée à un chômage important.

À la brutalité de l’annonce de cette décision, dans un contexte économique dégradé, s’ajoute l’étrangeté des motifs développés par le groupe Colgate-Palmolive pour justifier l’inadaptation de l’outil industriel. Ces motifs, ce sont des contraintes structurelles propres à une petite économie insulaire, l’absence d’économies d’échelle et le manque de profondeur du marché. Comme ces contraintes ne sont pas nouvelles, l’État sera très attentif aux motivations réelles qui ont conduit à cette annonce, et nous serons mobilisés pour assurer la pérennité d’une activité industrielle sur le site et l’accompagnement des salariés. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme Huguette Bello. C’est tout ?

Insécurité en milieu rural

M. le président. La parole est à M. Franck Gilard, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Franck Gilard. Ma question s’adresse à un ministre absent, Monsieur Valls, ministre de l’intérieur. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Monsieur le ministre, vols de cuivre sur les chantiers, vols de plaques d’égouts en fonte, vols de matériels agricoles dans les fermes, attaques contre des distributeurs automatiques de billets, profanations de sépultures pour récupérer des métaux précieux : tel est le lot désormais courant des habitants de nombreux territoires ruraux, notamment le Vexin français et le Vexin normand. Encore n’ai-je pas évoqué les cambriolages, dont la recrudescence impressionnante est attestée par les chiffres, certains territoires faisant même l’objet, en quelques heures, de véritables razzias conduites par des bandes organisées qu’a bien identifiées la gendarmerie nationale.

M. Pascal Terrasse. Qu’a fait M. Sarkozy ?

M. Franck Gilard. Alors, monsieur le ministre, de grâce, ne me répondez pas qu’il s’agit là d’un « sentiment d’insécurité », comme lorsque vous ripoliniez la parole de Lionel Jospin à Matignon ! On sait où ce déni a conduit : au 21 avril 2002 !

M. Jean-Luc Laurent. Affabulation !

M. Franck Gilard. C’est la réalité, cher monsieur ! Après vos dix-huit mois d’exercice du pouvoir, votre action peut désormais être jugée par les Français sur votre absence de résultats.

M. Antoine Herth. 14 % !

M. Franck Gilard. Il est temps, monsieur le ministre, de faire votre examen de conscience. Demandez-vous ce qui a pu donner des ailes aux auteurs de ces méfaits. Il faut sûrement chercher du côté du laxisme pratiqué par le Gouvernement, qui se situe à des années-lumière de vos déclarations martiales. Les délinquants ne voient qu’une chose : il y a chaque mois moins de personnes incarcérées dans les prisons françaises, comme l’a relevé la semaine dernière l’administration pénitentiaire.

Monsieur le ministre, vous venez à juste titre de rendre hommage au vendéen Georges Clemenceau, républicain enraciné et grand flic s’il en fut. Ne craignez-vous pas de n’être qu’un tigre en papier en restant ainsi dans une posture, sans inquiéter les délinquants ni rassurer les citoyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. François Sauvadet. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur le député, je ferai abstraction des éléments choquants de votre question, car nous sommes dans une enceinte républicaine. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Je vous prie tout d’abord d’excuser le ministre de l’intérieur, qui est au sommet franco-espagnol, à Madrid.

Vous avez raison d’évoquer l’insécurité en milieu rural, en particulier le problème des cambriolages. Le ministre de l’intérieur a d’ailleurs rappelé récemment que le phénomène n’est pas nouveau, puisqu’entre 2007 et 2012 le nombre de cambriolages a connu une hausse de 18 %. Nous comprenons donc votre inquiétude.

M. Patrice Verchère. Ce n’est pas une réponse !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. L’inversion de cette tendance est une priorité du ministre de l’intérieur, même si nous sommes naturellement encore loin des niveaux de 2002-2003. Il nous faut porter une attention particulière non seulement aux zones périurbaines mais aussi aux zones rurales, qui sont très touchées par ce phénomène.

C’est pourquoi le ministre de l’intérieur a annoncé le 25 septembre dernier le lancement d’un plan ambitieux et offensif de lutte contre les cambriolages et les vols à main armé qui se décline en quatre volets essentiels : la redéfinition d’une stratégie de police judiciaire ciblée sur les délinquants d’habitude et les filières structurées,…

M. Bernard Accoyer. Que faites-vous contre les récidivistes ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. …l’occupation renforcée de la voie publique, la protection des commerçants, la mobilisation des acteurs locaux.

Ce plan instaure de nouvelles méthodes de travail. En particulier, les forces de l’ordre se mobilisent pour aider les agriculteurs à faire de la prévention. Vous avez en effet constaté comme nous une augmentation très forte – plus 33,5 % – des vols de matériels. Il faut aussi lutter contre les trafiquants des matériels en question, renforcer la prévention et renforcer la présence de l’État sur les territoires ruraux.

M. Claude Goasguen. Faites-le !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Monsieur le député, c’est ce que nous faisons, et nous constaterons ensemble l’augmentation des effectifs.

Accueil du jeune enfant

M. le président. La parole est à Mme Chaynesse Khirouni, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Chaynesse Khirouni. Ma question s’adresse à Mme la ministre déléguée chargée de la famille.

Madame la ministre, je profite de l’occasion qui m’est offerte pour saluer ici, au nom de mes collègues, le courage et la détermination avec lesquels vous menez tous vos combats. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Madame la ministre, la vitalité démographique de la France est l’un de ses atouts majeurs. Avec 822 000 naissances en 2012, la France a le second taux de fécondité d’Europe après l’Irlande. Notre dynamisme démographique est évident. Chacun, sur ces bancs, en a pleinement conscience.

C’est pourquoi le Gouvernement a mobilisé avec détermination des moyens très importants en faveur de la petite enfance. Oui, l’accueil du jeune enfant est au cœur de la politique familiale du Gouvernement, une politique moderne et ambitieuse menée en faveur de toutes les familles.

Il est indispensable de toujours mieux soutenir les parents de jeunes enfants dans l’accomplissement de leur mission éducative. Le Gouvernement engage ainsi un effort de 17 milliards d’euros sur cinq ans pour la petite enfance dans le cadre de la nouvelle convention d’objectifs et de gestion signée entre l’État et la caisse nationale d’allocations familiales pour la période 2013-2017.

Avec ces nouveaux moyens pour l’accueil des enfants âgés de zéro à trois ans, nous allons ainsi créer 275 000 nouvelles solutions d’accueil sur cinq ans. Ces places en crèches, ces postes d’assistantes maternelles vont nous permettre de réduire les inégalités sociales et territoriales dans l’accès au service public de la petite enfance dont souffrent notamment certaines zones rurales. Cette carence sera corrigée.

Madame la ministre, vous vous êtes assignée une belle ambition pour renforcer et accompagner les familles, toutes les familles. Pouvez-vous nous rappeler les actions que vous souhaitez mettre en œuvre en la matière ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la famille.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille. Madame la députée Chaynesse Khirouni, vous avez parlé de combats ; je vous en remercie infiniment. Je souhaite rappeler que lorsqu’on mène un combat, quel qu’il soit, on le fait pour que ce soit utile à tous. Je voudrais à cette occasion remercier tous ceux et toutes celles qui, au-delà des choix partisans qu’ils ont faits, m’ont exprimé leur soutien, car je suis convaincue qu’ainsi, tous ensemble, quelles que soient nos opinions politiques, nous permettrons de faire changer le regard de la société sur cette maladie et aiderons tous ceux qui en sont atteints. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Sur la question de la petite enfance, le Gouvernement a en effet une politique volontariste et s’est fixé des objectifs quantitatifs ambitieux ; vous avez notamment fait référence aux 275 000 places qui seront créées. Mais s’il s’est fixé de tels objectifs, il veut aussi se donner les moyens de les réaliser.

J’ai eu l’occasion lors du dernier congrès des maires d’expliquer la façon dont nous allions procéder avec l’ensemble des collectivités territoriales : nous nous appuierons sur la mise en place de schémas territoriaux à l’échelle du département en associant étroitement les communes, qui sont les premières concernées. Ces schémas permettront précisément, en s’appuyant sur la définition des objectifs qualitatifs et quantitatifs, de corriger les inégalités territoriales et sociales qui sont insupportables.

Je sais pouvoir compter sur les territoires, qui comprennent combien, grâce à ces objectifs, ils pourront retrouver leur attractivité et permettre aux femmes de concilier vie professionnelle et vie familiale. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Calendrier scolaire et économie touristique

M. le président. La parole est à M. Joël Giraud, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Joël Giraud. Ma question, initialement adressée à M. le Premier ministre en sa qualité de président du Conseil national de la montagne,…

M. Alain Marty. Il est en voyage !

M. Joël Giraud. …concerne la compatibilité entre le futur calendrier scolaire et l’économie touristique. J’associe à cette question mes collègues Bernadette Laclais et Béatrice Santais, députées de Savoie, Marie-Noëlle Battistel, députée de l’Isère, Frédérique Massat, présidente de l’Association nationale des élus de la montagne et Jeanine Dubié, membre du comité directeur de l’association (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC), et plus généralement celles et ceux qui, issus de tous les bancs de l’Assemblée, siègent au CNM.

Il s’agit non pas d’opposer le bien-être des enfants et l’économie des territoires, mais bien de les rendre compatibles. Pour ce faire, il faut en revenir à une concertation qui n’a pas eu lieu. Nous attendons depuis plus de trois mois un rendez-vous avec le ministère de l’éducation nationale (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. Christian Jacob. Eh oui !

M. Joël Giraud. J’ai demandé en vain audience au président du CNM en ma qualité de président de la commission permanente de ce conseil, lequel associe élus, syndicats de salariés et professionnels et associations. Vous avouerez que, avant que soient prises des décisions qui touchent des territoires entiers, les institutions représentatives doivent être reçues, entendues et écoutées.

M. André Schneider. Eh oui !

M. Joël Giraud. Hier, à l’occasion du lancement des assises nationales du tourisme, voulues par le Président de la République, nombreux ont été ceux qui ont lancé des cris d’alarme. Dans un esprit constructif et afin de faire converger les intérêts de tous, nous voulons faire entendre notre attachement à des semaines de vacances pleines, les départs en milieu de semaine ayant démontré leur totale inefficacité, pour ne pas dire plus. Nous voulons redire également l’importance de faire à nouveau des mois de février et avril des mois de vacances, avec l’avancement des départs en vacances pour ces périodes. Nous sommes aussi attachés au zonage, avec notamment quatre semaines au cœur de l’hiver, mais nous souhaitons l’expérimentation du zonage d’été.

M. Bernard Accoyer. Très bien !

M. Joël Giraud. Tout cela doit se faire dans le respect du rythme des enfants, avec sept semaines de classe au plus alternant avec deux semaines de vacances.

Il faut mener rapidement une réelle concertation au niveau interministériel, car la fixation du calendrier scolaire doit associer l’éducation nationale, l’économie, l’emploi et le tourisme. Je vous demande également de penser aux saisonniers pluriactifs qui constituent 80 % de l’emploi dans certains départements de montagne et pour qui le fait de travailler une à deux semaines de moins par an représente un surcroît de précarisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur de nombreux bancs des groupes UDI et UMP.)

M. Bernard Accoyer. Eh oui ! Peillon, étrangleur de la montagne !

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la réussite éducative.

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative. Monsieur le député, vous posez la question ô combien importante du calendrier des vacances. Celui-ci doit évidemment prendre en considération l’intérêt des enfants, auxquels il faut deux semaines de vacances après sept semaines de classe, tout en tenant compte d’autres impératifs, dont l’économie touristique. Comme vous le savez, ce calendrier est arrêté après consultation de diverses instances. Pour l’instant, il a été défini pour les trois prochaines années,…

M. Hervé Gaymard. Vous faites mourir la montagne !

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. …mais il est toujours possible de tenir compte de difficultés particulières. Ainsi, on peut prendre un arrêté modificatif s’il apparaît que ce qui a été décidé par les différentes instances pose trop de difficultés, notamment aux zones de montagne.

M. Bernard Accoyer. Il faut sauver la montagne !

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. En ce qui concerne le fait que vous n’ayez pas été reçus, il y a eu une concertation approfondie sur beaucoup de sujets l’année dernière.

M. Christian Jacob. Pas sur la montagne !

M. Bernard Accoyer. Vous méprisez la montagne !

M. Yves Censi. Vous écrasez les minorités !

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. L’Association nationale des élus de montagne, représentée notamment par M. Wauquiez, a été reçue. Si le Conseil national de la montagne ne l’a pas été, croyez bien que nous le déplorons et cet oubli sera réparé très prochainement.

Nous voulons agir dans l’intérêt des enfants. Or il y a besoin, en la matière, d’un rattrapage, car leur niveau scolaire n’est pas suffisant. Cela dit, nous voulons aussi préserver l’économie de la montagne, laquelle, pour l’instant, se porte bien : la dernière saison a été assez remarquable puisque la fréquentation a connu une forte progression et la France reste le leader mondial en la matière.

M. Yves Censi. Ce n’est pas grâce à vous !

M. Hervé Gaymard. Et le chômage, qu’en faites-vous ?

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. Vous avez raison, il faut des réunions interministérielles, à l’image de celle qui a eu lieu récemment à Matignon. Nous continuerons ce travail avec vous pour réussir à concilier des intérêts tout à fait légitimes, même s’ils sont divergents. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Accord sur le nucléaire avec l’Iran

M. le président. La parole est à M. Jacques Alain Bénisti, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jacques Alain Bénisti. Ma question s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères, qui malheureusement n’est pas là. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Denis Jacquat. Lui non plus !

M. Jacques Alain Bénisti. En ce qui concerne l’accord avec l’Iran, que s’est-il donc passé entre samedi dernier et aujourd’hui ? Hier, vous avez parlé d’un « accord intérimaire » alors que vous aviez précédemment évoqué un « accord historique ». Après avoir parlé d’une « avancée certaine », vous avez appelé à une « vigilance accrue ». Alors que le Guide suprême était selon vous à l’écoute, on apprend maintenant qu’il a tenu des propos inadmissibles.

M. Christian Jacob. Pendant ce temps-là, les ministres quittent l’hémicycle !

M. Jacques Alain Bénisti. Même pour la presse internationale, la fermeté dont vous nous avez parlé pour qualifier votre intervention est devenue une abdication devant les gouvernants iraniens, lesquels vous auraient en fait imposé leur vision.

Mais le pire, c’est que le Guide suprême, en s’adressant aux mollahs, n’a fait que ridiculiser la diplomatie française. Il a en effet réaffirmé qu’il avait tenu bon et que l’Iran continuerait quand même à enrichir son uranium et à développer les installations existantes – sous-entendu l’arme nucléaire –, ce qui a d’ailleurs été confirmé il y a quelques jours par la révélation de l’existence d’un site caché dans une base militaire au sud de l’Iran.

M. Christian Jacob. Où est passé le Gouvernement ? C’est vraiment la fuite en avant ! (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Accoyer. Il n’y a plus personne au banc du Gouvernement !

M. Sylvain Berrios. Il est où le Gouvernement ?

M. Jacques Alain Bénisti. Une première question, à laquelle vous n’avez jamais répondu, s’impose à nous : pourquoi défendez-vous autant la nécessité pour l’Iran de posséder l’énergie nucléaire pour assurer sa production, alors que tout le monde sait que ce pays pourrait subvenir intégralement à ses besoins durant au moins trois siècles grâce à son potentiel gazier et pétrolier – le plus important du monde ?

Ne pensez-vous pas que la diplomatie française apparaît, une fois de plus, à la remorque des États-Unis ? En effet, nous savons désormais qu’un accord a été conclu en septembre, faisant état d’une fenêtre de tir de six mois pour finaliser des accords commerciaux sans précédents entre les deux pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement. Monsieur le député Jacques-Alain Bénisti, Laurent Fabius, qui ne peut être présent aujourd’hui, a eu l’occasion de vous le dire hier : il n’y a pas lieu de polémiquer sur l’accord qui a été obtenu à Genève. Nous parlons d’un sujet grave.

Un grand pas a indéniablement été accompli pour la paix et pour la sécurité dans le monde grâce à cet accord. Ce n’est évidemment pas fini, mais la réalité est que, depuis des années, l’Iran progressait vers la bombe atomique. Or les négociations étaient arrêtées. Ce que nous avons obtenu dimanche dernier à Genève, c’est-à-dire des engagements concrets et vérifiables qui permettent certes à l’Iran de poursuivre en matière de nucléaire civil, mais en l’empêchant de progresser vers l’arme nucléaire, est extrêmement important. C’est la fermeté de la France, en particulier, qui a permis d’obtenir ce résultat. Ce pas en avant, si important qu’il soit, ne suffit pas ; ce n’est qu’un pas. Tout va dépendre maintenant du respect par l’Iran de ses obligations.

Nous devons donc nous atteler – c’est ce que nous faisons déjà – à la négociation d’un règlement définitif, puisque celui-ci n’est que transitoire, démontrant que l’Iran renonce bel et bien à toute ambition nucléaire militaire.

M. Franck Gilard. Ben voyons !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Sur cette question, je voudrais vous préciser que, dans cette première étape, nous allons non pas lever les sanctions, mais les suspendre pour une durée de six mois. Cette suspension sera mise en œuvre lorsque l’AIEA aura pu témoigner de l’application par l’Iran des mesures prévues dans l’accord concernant le nucléaire. L’ensemble des sanctions adoptées dans le cadre du Conseil de sécurité resteront donc en vigueur. Nous sommes vigilants ; nous allons contrôler que ce qui a été acté à Genève sera réellement mis en application. C’est le travail qui a été engagé par les États du cinq plus un, dont la France. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Catherine Vautrin.)

Présidence de Mme Catherine Vautrin

vice-présidente



Mme la présidente. La séance est reprise.

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Ville et cohésion urbaine

Vote solennel

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur l’ensemble du projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine (nos 1337, 1554, 1542, 1545).

Explications de vote

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Abeille, au nom du groupe écologiste.

Mme Laurence Abeille. Nous savons depuis des années qu’une réforme de la politique de la ville est nécessaire, à cause de financements mal ciblés et trop émiettés, d’une géographie des quartiers prioritaires mal ficelée et d’un enchevêtrement de dispositifs qui rendait le tout complètement illisible et trop souvent inefficace.

La réforme proposée était attendue et va dans le bon sens. Sur la forme, il est néanmoins dommage que ce projet soit examiné en urgence, avec un passage en commission en pleine période budgétaire et un examen en séance qui a débuté un vendredi.

Sur le fond, nous pouvons regretter trois manques dans ce projet de loi. Le premier concerne la participation du public. Si les dispositions de ce texte, sur ce point, vont clairement dans le bon sens, les écologistes auraient souhaité aller plus loin et introduire avec plus de force les propositions faites par Mohamed Mechmache et Marie-Hélène Bacqué dans leur rapport remis récemment. La politique de la ville ne se fera pas sans les habitants, sans les citoyens, rappelons-le. Et ces habitants ne doivent pas être seulement consultés, mais clairement associés à l’élaboration des décisions les concernant, que ce soit pour les contrats de ville ou pour les projets de rénovation urbaine.

Aussi est-il dommage que nous n’ayons pas pu avoir de débat sur certaines modalités de cette participation : je pense notamment à l’idée d’un référendum d’initiative local sur les contrats de ville, l’amendement proposé par le groupe écologiste ayant malheureusement été balayé pour irrecevabilité financière…

Organiser un référendum d’initiative locale sur le contrat de ville – ou sur certaines modalités du contrat de ville – permettrait aux habitants de réellement s’approprier cette démarche de co-construction, puisqu’ils seraient décisionnaires au final. Il ne s’agit pas de remplacer la démocratie participative par la démocratie directe, mais de réussir la politique de la ville et de recréer de la citoyenneté dans les quartiers. Ce n’est qu’avec des mesures fortes de ce type qu’on réussira la politique de la ville.

Notre deuxième préoccupation est une inquiétude sur le financement : il ne faudrait pas que le recentrage des crédits sur deux fois moins de quartiers débouche sur une baisse globale de la dotation allouée à la politique de la ville.

Enfin, le développement économique des quartiers prioritaires aurait pu faire l’objet de davantage de dispositions dans ce texte. L’objectif final de la politique de la ville n’est pas de rendre supportable la vie dans les quartiers, mais de favoriser un développement économique et social durable, afin que ces quartiers sortent de la géographie prioritaire. Le critère économique est le seul utilisé pour distinguer ces quartiers prioritaires, mais au final, l’action ne porte pas sur ce critère, ce qui peut sembler paradoxal.

Ces trois manques sont compensés par un texte qui va dans le bon sens sur de nombreux points. Je pense notamment à la diminution du nombre de quartiers prioritaires, qui est nécessaire. Cela pose la question de la gestion des territoires qui sortent de la géographie prioritaire…

M. Martial Saddier. La liste !

Mme Laurence Abeille. …mais l’introduction dans le débat en commission de la notion de « territoires de veille » répond en grande partie à cette inquiétude.

Je pense également au lancement du nouveau programme de rénovation urbaine, doté de 5 milliards d’euros et très attendu, au critère unique de délimitation de la géographie prioritaire, à savoir le revenu, ou encore à la prise en compte de la transition écologique et énergétique dans les opérations de l’ANRU – même si, sur ce point, nous aurions aussi souhaité aller plus loin.

Ce texte permettra d’amorcer une nouvelle phase de la politique de la ville, plus ambitieuse, plus lisible, mieux partagée avec tous. Il était attendu, il est nécessaire et le groupe écologiste le votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur quelques bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Braillard, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Thierry Braillard. Monsieur le ministre, la réforme que vous nous proposez n’est pas une énième réforme de la politique de la ville, qui superposerait, une nouvelle fois, un dispositif à des actions existantes et qui ajouterait à la confusion par des soutiens financiers qui perdraient leur cohérence,donc leur efficacité.

C’est tout le contraire et c’est, pour les députés radicaux de gauche et apparentés, l’apport essentiel de ce projet de loi : concertation, simplification et efficacité.

Il est vrai que, sous l’ancienne législature, le plan « Espoir banlieue » n’en est resté qu’au stade des intentions et le bilan dressé ne peut être que négatif : la pauvreté en banlieue a augmenté, le chômage aussi et rien ne s’est amélioré, bien au contraire.

M. Serge Grouard. C’est faux !

M. Thierry Braillard. Le présent projet de loi a été produit à l’issue d’une réelle concertation. Vous avez su répondre avec beaucoup de courage politique aux critiques sur l’extension et de l’enchevêtrement des zonages, l’organisation dispersée de la gouvernance, l’évaluation peu fiable et l’éparpillement des moyens ainsi que, parfois, leur affectation partiale.

Nous avons apprécié votre méthode, avec une longue et vaste concertation nationale, la visite de nombreux quartiers pour mieux appréhender la nécessité d’améliorer l’efficacité de la politique de la ville, un dialogue fécond avec la représentation nationale, les élus locaux et les responsables associatifs. Il est certain que les progrès de la politique de rénovation urbaine ne peuvent produire des effets positifs sans la mobilisation de tous les acteurs : les collectivités bien sûr, les habitants et les élus.

La réussite de la politique de la ville passe par l’emploi et les contrats d’avenir sont une réponse adaptée à ces quartiers prioritaires.

La réussite de la politique de la ville passe également par le logement et le projet de loi pour l’accès au logement et à un urbanisme rénové, en cours de discussion, est également une réponse adaptée.

La réussite de la politique de la ville passe aussi par l’éducation et la loi de refondation de l’école de la République du 8 juillet 2013 apporte des réponses en moyens et objectifs pour lutter contre l’échec scolaire, afin que l’école reste un vecteur de mobilité sociale.

La réussite de la politique de la ville passe enfin par la sécurité, liberté publique essentielle pour le « vivre ensemble », et les zones de sécurité prioritaires mises en place par le ministre de l’intérieur en sont une expression rassurante, qui donne déjà des résultats tangibles.

C’est bien l’assemblage de toutes ces initiatives qui montre que le Gouvernement agit, dans le droit fil des priorités fixées par le Président de la République.

Et je ne veux pas oublier le rôle crucial joué par les collectivités territoriales et les élus locaux qui, dans des conditions parfois difficiles, maintiennent le lien républicain, restent à l’écoute, au contact de la population, pour qu’elle ne se sente pas trop exclue.

Concertation et simplification, disais-je.

Le projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine que vous présentez veut clarifier et rendre plus lisible l’action de l’État dans les territoires concernés par la politique de la ville – avec une dotation spécifique « politique de la ville » à partir de 2015, afin de préparer au mieux le fléchage le plus adéquat de cette dotation.

Nous soutenons la mise en place d’une géographie prioritaire unique avec un critère objectif, indiscutable, transparent et je dirai même impartial qui est le revenu des habitants. Cette géographie nous permettra de concentrer les efforts sur les poches de grande pauvreté et fixera les zones véritablement prioritaires avec un critère simple mais terriblement réaliste et efficace. Et puis, nous aurons l’occasion de réviser ces zones afin d’apprécier les évolutions urbaines.

Monsieur le ministre, vous vous êtes engagé à trouver des moyens pour que la phase de transition vers la nouvelle géographie prioritaire soit lissée sur plusieurs années en prorogeant notamment le terme fixé pour le Programme national de rénovation urbaine, ce dont nous nous félicitons.

Concertation, simplification et efficacité.

À côté des dotations spécifiques, vous proposez de mettre en œuvre des contrats de ville « nouvelle génération » d’une durée de six ans. Il vous appartiendra de créer les conditions d’une bonne articulation entre les différents dispositifs. Avec le conseil citoyen, vous démontrerez que cette instance sera utile pour dialoguer sans concurrencer la représentation locale qui reste à nos yeux essentielle.

Le projet de loi s’adapte également à l’évolution intercommunale de nos territoires en renforçant les EPCI pour mettre en œuvre une meilleure solidarité urbaine avec un mécanisme de péréquation financière.

Pas d’angélisme, ni de cynisme. Le mal-être dans ces quartiers résulte de causes sociales et d’un processus de stigmatisation, puis, de dévalorisation, enfin de marginalisation provoquant le désespoir, la révolte et, parfois, la haine.

La solidarité nationale doit nourrir ce projet de loi qui est à la hauteur de l’ambition partagée pour le mieux vivre ensemble.

Vous l’avez compris, le groupe RRDP soutient ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, écologiste et sur quelques bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Asensi, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. François Asensi. Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, chers collègues, en 1992, nous avions lancé avec Jack Ralite, ancien maire d’Aubervilliers, et le regretté Guy Hermier, député de Marseille…

M. Jean Glavany. Deux hommes remarquables !

M. François Asensi. …une grande campagne qui s’intitulait : « Que veulent les banlieues ? Tout ! ».

Cette exigence n’a pas changé. Tout, c’est-à-dire l’égalité réelle, la reconnaissance et le respect, un autre projet de société rompant avec les logiques de ségrégation urbaine pour faire de ces quartiers des villes à part entière et de ses habitants des citoyens comme les autres. Car soit on s’attache à supprimer ces inégalités – c’est le combat des députés du Front de gauche – soit on se contente de vouloir les réduire et c’est malheureusement encore dans cette logique que vous vous situez, monsieur le ministre.

Plus de quarante années de politique de la ville ont échoué à mettre fin à ces discriminations territoriales insupportables pour notre République. Exclusion économique, sociale, culturelle, urbaine, symbolique : les difficultés vécues par ces territoires ont de multiples facettes, dont la pauvreté et le chômage sont évidemment les aspects les plus saillants.

La poursuite des politiques libérales, caractérisée par un désengagement croissant de l’État, a renforcé la précarité dans ces quartiers, qui ont toujours moins de services publics, de professeurs, de policiers, de médecins. Dans ce contexte, la politique de la ville est un outil utile mais terriblement insuffisant.

Ce nouveau projet de loi ne fait pas exception, même si les députés du groupe GDR ont apprécié, monsieur le ministre, votre volonté de dialogue et de concertation.

L’essentiel de la loi repose sur la mobilisation de moyens de droit commun très malmenés en cette période d’austérité budgétaire. Avec 10 milliards de coupes dans les dépenses publiques en 2014, comment comptez-vous mobiliser ce droit commun pour les quartiers prioritaires ? Tous les services publics de ces quartiers sont déjà à saturation et manquent cruellement d’effectifs.

Le nombre de quartiers éligibles à la politique de la ville passera de 2 400 à 1 300 sans que l’on connaisse pour l’instant les villes concernées. L’argumentaire sur le saupoudrage ne masque pas la préoccupation de réduire le nombre de quartiers aidés pour en réduire le coût.

Le Gouvernement, à mon sens, se trompe de priorité. Quel gâchis d’accorder 20 milliards de crédit impôt compétitivité aux grandes entreprises alors que seulement quelques milliards auraient pu redynamiser l’économie des quartiers et créer des milliers d’emplois !

Par ailleurs, si vous renforcez les mécanismes de solidarité intercommunale, vous vous exonérez de tout mécanisme de péréquation verticale permettant à la solidarité nationale de s’exprimer pleinement.

En outre, la réduction drastique des dotations aux collectivités – 4,5 milliards en trois ans – asséchera leurs finances, tandis que le projet de loi sur les métropoles semble annoncer le retour de la politique des grands ensembles.

Enfin, il est regrettable que nos propositions en faveur de plus de mixité sociale n’aient pas été retenues.

M. François Lamy, ministre délégué chargé de la ville. Oh !

M. François Asensi. Je pense à l’interdiction des surloyers ou à la limitation des relogements DALO dans les quartiers populaires. La ghettoïsation des territoires se poursuivra par manque de volonté politique.

Certes, votre projet de loi, monsieur le ministre, comporte un certain nombre de points positifs tels que la géographie prioritaire calculée sur le revenu par habitant, la promotion de la participation des citoyens au contrat de ville ou le lancement d’un deuxième plan de renouvellement urbain, qui était une nécessité absolue.

Je me félicite également que la représentation nationale ait voté notre amendement permettant d’aider à l’installation de commerces, de services et de professions libérales dans les quartiers en difficulté.

M. François Lamy, ministre délégué. Avec l’accord du Gouvernement…

M. François Asensi. C’est à mon avis une avancée très importante.

Enfin, les élus locaux disposeront de moyens d’intervention pour que ces territoires deviennent des lieux de vie attractifs.

La grande avancée de ce texte, c’est la reconnaissance des discriminations territoriales. Je me suis battu depuis plusieurs années avec les élus communistes des banlieues en difficulté pour que ces discriminations « à l’adresse » soient sanctionnées. J’avais déposé une proposition de loi à ce sujet dès 2010, avec le concours de l’Académie des Banlieues, association créée pour lutter contre ces discriminations et valoriser les quartiers populaires. Les citoyens de quartiers populaires pourront enfin faire valoir leurs droits.

Mais, malgré ces mesures, ce projet de loi reflète la persistance d’une politique au fil de l’eau. Son objectif n’est pas d’éradiquer les inégalités territoriales mais, simplement, d’en contenir les effets. Cette loi est prisonnière de la politique d’austérité choisie par votre Gouvernement, laquelle accentuera les inégalités sociales et territoriales et aggravera le chômage dans des quartiers déjà sinistrés.

C’est pourquoi, monsieur le ministre, comme je vous l’avais dit, nous ne voterons pas contre ce texte mais nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, je fais d’ores et déjà annoncer le scrutin dans l’enceinte de notre Assemblée.

La parole est à M. Yves Blein, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Yves Blein. Monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, c’est aujourd’hui qu’arrive sur les écrans le film de Nabil Ben Yadir, La Marche, retraçant le défi lancé il y a trente ans par quelques jeunes du quartier des Minguettes, à Vénissieux : traverser la France à pied pour exprimer leur malaise face aux inégalités et à la montée du racisme dans notre pays.

Ce mouvement, que je tiens à nouveau à saluer, donnera naissance plus tard à la politique de la ville, expression de la volonté de l’État de concentrer ses efforts sur les quartiers réputés défavorisés.

Trente ans plus tard, celle-ci n’a pas donné tous les résultats espérés. La rénovation urbaine a certes progressé mais les inégalités territoriales, sociales et économiques sont toujours aussi criantes et les habitants des quartiers défavorisés restent particulièrement touchés par le chômage, les discriminations, les difficultés d’accès aux soins, à l’éducation et, plus généralement, à la qualité de vie. Est notamment en cause une géographie prioritaire devenue trop complexe, donc peu efficace.

Ce projet de loi constitue le véritable symbole du ressaisissement de l’État dans ces quartiers. Quelles en sont les qualités essentielles ?

La précision, tout d’abord, avec l’instauration d’un critère unique de sélection des quartiers prioritaires fondé sur le revenu de leurs habitants – simple, lisible, que ne l’avait-on imaginé avant ? – ainsi que la méthode du carroyage, non moins précise.

Ensuite, la recherche d’une meilleure efficacité puisque cette nouvelle géographie prioritaire permet de concentrer les moyens sur les zones les plus en difficultés et sur lesquelles les efforts de tous doivent être conjugués.

Je songe, également, à la véritable mise en synergie des intercommunalités et des communes, où chacun est à sa place et face à ses responsabilités, avec des rôles et des attributions visibles et complémentaires.

Le texte, enfin, ne serait pas complet sans l’inscription dans la loi du rôle éminent des citoyens et la prise en compte effective de l’expertise d’usage. Le projet crée pour cela un conseil citoyen dans chacun des quartiers prioritaires. Ce nouvel espace généralisé d’implication des habitants leur permettra de participer à la conception des actions à mener, de comprendre et de porter les changements nécessaires à leur cadre de vie. C’est un premier pas – là où il existait déjà beaucoup d’initiatives – qui devra en appeler d’autres.

Un des articles du texte invite d’ailleurs le Gouvernement à réfléchir notamment à la création d’une fondation des quartiers pour aider à la formation et au soutien des initiatives des habitants.

Ce projet est le signe d’une mobilisation générale.

Je parlais d’un texte de ressaisissement. Plusieurs éléments vont dans ce sens : lancement d’un Nouveau programme national de renouvellement urbain, avec un concours financier de 5 milliards apporté à l’ANRU ; en ce qui concerne l’Éducation nationale, abandon de la règle « un prof, une classe » et volonté d’affecter les enseignants les plus expérimentés dans ces quartiers ; en ce qui concerne l’emploi, avec la pleine et entière mobilisation de Pôle Emploi, affectation d’effectifs renforcés et ciblage d’emplois d’avenir ; la création des Zones de sécurité prioritaire, les ZSP, relève quant à elle du ministère de l’intérieur.

Je n’ai ainsi cité que les principaux acteurs.

Texte de ressaisissement, cette loi est donc l’expression de la solidarité dont les Français sont capables, en ce sens qu’il identifie clairement les priorités et décrète la mobilisation de l’ensemble des moyens de l’État. Il met également ces derniers en mouvement pour servir cet objectif non négociable qu’est le rétablissement, pour tous, de l’égalité des chances. Ce principe qui est dans les gênes de la politique de la ville avait été perdu de vue : le voilà réveillé !

Vous l’aurez compris, c’est avec force et conviction que nous voterons ce projet de loi, source d’un nouvel espoir pour les quartiers concernés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Dominique Baert, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Tetart, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Marie Tetart. Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, chers collègues, ce projet de loi a été adopté en conseil des ministres le 2 août. Quatre mois plus tard, c’est l’urgence et vous avez décidé de le faire examiner en procédure accélérée, vraiment accélérée pour l’Assemblée nationale puisque vous n’y avez consacré qu’une semaine entre la commission et la séance.

M. François Pupponi, rapporteur de la commission des affaires économiques. Nous sommes bons et rapides !

M. Jean-Marie Tetart. Pourtant, votre texte n’était pas prêt et a donné lieu à de nombreux amendements du Gouvernement, en commission comme en séance. Mais je dois reconnaître que vous avez confirmé l’intérêt de la politique de la ville menée dans les dix dernières années.

Les opérations de rénovation conduites par l’ANRU dans le cadre de la politique nationale de rénovation urbaine ont en effet montré des résultats certains pour le cadre de vie, l’habitat, l’appropriation des quartiers par leurs habitants et l’offre de meilleurs services.

Vous proposez de prolonger le PNRU et de renforcer l’ANRU qui, ensemble, ont permis de rénover près de 600 quartiers. Nous nous en réjouissons ! Vous souhaitez passer de la rénovation au renouvellement urbain. Pourquoi pas ? Mais pourquoi vouloir en faire un renouvellement fourre-tout qui vise à tout faire dans les quartiers prioritaires, de la lutte contre les inégalités à la recherche de la réussite éducative, de la valorisation de l’histoire et la mémoire des quartiers à l’accessibilité aux transports en commun ? Il n’y manque que la biodiversité, l’économie circulaire, et bien d’autres choses !

M. François Lamy, ministre délégué. Elles y sont !

M. Jean-Marie Tetart. Nous le regrettons d’autant plus vivement que le développement économique et l’emploi ne sont pas affirmés comme principaux objectifs de cette politique de renouvellement. Nous regrettons cette position car ce ne sont pas les emplois d’avenir que vous réservez aux habitants de ces quartiers qui leur assureront un emploi pérenne : c’est le retour de la croissance et de vraies mesures favorables à l’emploi dans les entreprises.

La priorité au développement économique et à l’emploi serait d’autant plus pertinente que le critère unique retenu pour la sélection des quartiers prioritaires est celui du revenu des habitants.

M. Jean-Luc Laurent. Un bon critère, juste et sain.

M. Jean-Marie Tetart. Nous ne contestons pas l’idée d’un critère unique, et de celui-là en particulier, qui peut favoriser l’impartialité dans la sélection des quartiers prioritaires qui donneront lieu à la signature de contrats de ville. Mais c’est aussi un tel critère qui sortira certains quartiers du dispositif : ils seront alors bénéficiaires d’un dispositif de veille qui ne leur ouvrira que les portes des crédits classiques dont on ne sait s’ils seront abondés à une hauteur suffisante.

C’est sans doute la grande inquiétude des maires quant à l’avenir de leurs quartiers qui vous a conduit, monsieur le ministre, à ne pas tenir les engagements pris au début du mois d’octobre dans votre discours devant l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, l’ACSé, où vous assuriez que la liste des communes éligibles à la nouvelle PNRU serait donnée avant les débats en commission. Vous ne l’avez pas donnée…

M. François Pupponi, rapporteur. Elle est sur le site de l’INSEE !

M. Jean-Marie Tetart. …et vous avez réservé l’annonce d’un certain nombre d’entre elles au Journal du Dimanche du 10 novembre. Pendant la séance, vous avez pu résister aux demandes insistantes mais pertinentes de mon collègue Saddier.

M. Jean-Luc Laurent. Ah ça ! On l’a entendu !

M. Jean-Marie Tetart. Sans résultat ni explication, nous ne pouvons que vous demander : que craignez-vous, monsieur le ministre ? Qu’avez-vous à cacher ? Pourquoi voulez vous repousser après les élections municipales l’annonce de cette liste ?

La démarche de renouvellement urbain vous a conduit à créer des conseils citoyens alors que toutes les opérations de rénovation urbaine s’appuyaient déjà sur des comités de quartiers que l’on pouvait compléter et faire évoluer. Vous avez refusé cette dernière perspective. En créant une nouvelle structure, vous alourdissez la concertation locale, vous rendez plus complexes les opérations et vous les fragilisez juridiquement.

On superpose, on complexifie et on rend plus fragile.

Enfin, vous donnez aux intercommunalités l’obligation de piloter la politique de la ville et de signer le contrat de ville si des quartiers prioritaires se trouvent sur l’une de leurs communes membres. Une fois encore, pourquoi donc contraindre l’intercommunalité, comme s’il suffisait de recourir à l’obligation et à l’amende pour faire de bonnes politiques et avoir de bonnes pratiques ? Pourquoi ne pas laisser le pouvoir de décision au niveau local, qui est le plus pertinent ? Pourquoi ne pas laisser la chance à la négociation locale ?

À votre tour, vous réduisez les libertés des communes et des intercommunalités. Pire, vous les soumettez à des mesures de rétorsion sans proposer de dispositif d’arbitrage en cas de blocage. Les petites communes vont désormais hésiter à demeurer dans des intercommunalités à dominante urbaine, mais sans doute avez-vous déjà pensé aux moyens de les y contraindre !

Monsieur le ministre, le passé a montré notre engagement sur la politique de la ville et nous partageons bien des propositions de votre projet de loi. Mais cela ne peut équilibrer le manque de transparence avec lequel vous étalonnez les modalités de sélection des futurs quartiers prioritaires. Cela ne peut compenser la complexité que vous apportez aux incontournables nécessités de la consultation. Cela ne peut, enfin, faire admettre les atteintes que vous voulez porter à la liberté des communes, ni l’habitude que vous avez d’assortir ces restrictions de liberté de sanctions et d’amendes.

Pour toutes ces raisons nous ne voterons pas votre projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Dominique Baert, rapporteur pour avis. C’est bien dommage ! Vous ratez là une belle occasion !

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Arnaud Richard. Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je ne peux monter à cette tribune sans me féliciter de la décision prise ce matin par la cour d’appel de Paris au sujet de l’affaire Baby Loup, qui est une victoire pour le principe de la laïcité. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Monsieur le ministre, nos quartiers sont autant de parcelles d’espoir pour la République, et la politique de la ville est le moteur de cet espoir. Je tiens à rendre hommage au travail réalisé par Jean-Louis Borloo à travers le plan de rénovation urbaine, voté il y a un peu plus de dix ans dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur quelques bancs du groupe UMP.) À l’époque, monsieur le ministre, la nation a fait le choix historique d’investir 42 milliards d’euros dans ces quartiers, ce qui s’est traduit par 300 000 réhabilitations, 130 000 constructions, 12 millions d’heures d’insertion et plus de 150 000 emplois créés, directement ou indirectement.



Ce programme majeur a été un succès, grâce à l’implication de tous les acteurs : État, collectivités locales, partenaires sociaux. Vous savez, monsieur le ministre, combien le groupe UDI est sensible à ces sujets, et nous sommes fiers de ce qui a été réalisé pendant ces années. Votre responsabilité est donc très grande aujourd’hui, car si la situation des habitants de nos quartiers s’est améliorée au cours des dernières années, un grand nombre d’entre eux a encore besoin de la plus grande attention de la part de la puissance publique.



Dans ces quartiers, que chacun d’entre vous connaît bien, l’explosion du chômage, l’insalubrité encore trop grande de l’habitat et la tentation du repli communautaire sont autant de symptômes de notre difficulté collective à proposer un nouveau chemin. Cette situation de rupture, sociale et territoriale, est porteuse de risques lourds pour la cohésion nationale. Votre projet de loi, monsieur le ministre, s’attache à y répondre, et nous ne doutons pas de votre détermination. Mais, au terme de ces longs débats, qui ont été sérieux, le groupe UDI reste très partagé sur votre texte : il contient certes de bonnes choses, mais ne constitue à nos yeux qu’une première étape. Certains points doivent encore être précisés, notamment la manière dont seront identifiés les nouveaux quartiers prioritaires, mais aussi les moyens réellement attribués à la politique de la ville.



S’agissant du cœur de votre projet, l’instauration d’un critère unique pour déterminer les quartiers prioritaires, nous sommes bien conscients de la nécessité de recentrer la politique de la ville, donc son zonage. L’identification de ces quartiers, à travers le seul prisme de la pauvreté, devrait d’ailleurs nous prémunir de toute subjectivité.



M. François Lamy, ministre délégué. Tout à fait !

M. Arnaud Richard. Nous comprenons donc d’autant moins, monsieur le ministre, votre volonté farouche de ne pas donner la liste des quartiers où cette politique publique va s’appliquer. Un tel revirement suscite de nombreuses interrogations, d’autant plus que, dans un discours prononcé le 3 octobre devant tous les acteurs de la politique de la ville, vous aviez dit que cette liste de quartiers prioritaires serait rendue publique avant l’examen du texte à l’Assemblée nationale.

La fusion de l’ensemble des dispositifs, qui se sont empilés ces dernières années, est une bonne chose : elle donnera plus de cohérence à l’action publique. Mais cette simplification, monsieur le ministre, ne doit pas être synonyme de désengagement de l’État : ce sont 1 300 quartiers qui sortiront demain des radars gouvernementaux, et ils ne sauraient être abandonnés. La mise en œuvre du dispositif de veille active, qui est assez habile, je vous l’accorde, exige à notre sens une période transitoire.

Par ailleurs, la suppression des zones franches urbaines suscite des inquiétudes très fortes quant à l’activité économique dans ces territoires déjà fragilisés. Nous sommes convaincus, au sein du groupe UDI, que l’emploi, et surtout l’éducation, constituent les clés de voûte d’une politique de la ville efficiente. Nous regrettons que votre texte ne parle pas suffisamment de ces deux objectifs, au sujet desquels nous avons fait, tout au long de ces travaux, des propositions constructives, dont un certain nombre a été retenu, je vous l’accorde.

S’agissant de l’articulation entre l’intercommunalité et la commune dans la conduite de la politique de la ville, nous sommes satisfaits d’avoir fait évoluer votre texte vers une plus grande solidarité territoriale et une meilleure cohérence entre le programme local de l’habitat et le programme de rénovation urbaine, et d’avoir réussi à réaffirmer le rôle du maire sur le territoire de sa commune, celui-ci étant le seul à bien connaître les difficultés et les attentes de ses territoires.

Je ne dis pas, monsieur le ministre, que vous faites des phrases, loin de moi cette idée. Pour autant, ce texte est somme toute assez bavard, je pense notamment à la notion de co-construction des projets de rénovation urbaine. Il est certes essentiel de faire participer les habitants à ces projets, mais je crains que cette notion juridique fragile, si ce n’est inexistante dans notre droit, ne soit demain la source de nombreux contentieux.

Enfin, monsieur le ministre, la question du financement inquiète beaucoup les acteurs de la politique de la ville, vous le savez. Trop d’imprécisions entourent les moyens financiers qui seront effectivement mobilisés pour la mise en œuvre de votre loi. Le groupe UDI rappelle que seule la mobilisation de l’ensemble des acteurs locaux permettra de mener une politique de la ville cohérente et porteuse d’avenir pour les millions de Françaises et de Français qui ne doivent pas se sentir abandonnés par la République. Vous y contribuez, monsieur le ministre, en vous inscrivant dans la lignée de vos prédécesseurs, que sont Jean-Louis Borloo, Catherine Vautrin et Maurice Leroy. Pour autant, devant l’absence de clarté, les nombreux flous et bavardages que comporte ce texte, le groupe UDI décide de s’abstenir, en espérant qu’il soit largement amélioré au Sénat. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants530
Nombre de suffrages exprimés490
Majorité absolue246
Pour l’adoption302
contre188

(Le projet de loi est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

3

Programmation militaire 2014-2019

Suite de la discussion d’un projet de loi adopté par le Sénat

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du sur le projet de loi, adopté, par le Sénat, relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale (nos 1473, 1551, 1540, 1537, 1531).

Discussion générale (suite)

Mme la présidente. Hier soir, l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à M. Yves Foulon.

M. Yves Foulon. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues : Afghanistan, Libye, Mali, et demain Centrafrique, nos soldats volent d’un engagement à un autre, heureux et fiers de servir leur patrie. Dans l’ardeur des opérations, ils font abstraction des perspectives moroses de la loi de programmation militaire que nous examinons aujourd’hui et de la révolution silencieuse qui va bouleverser l’organisation de la défense nationale et qui risque d’ébranler les fondements de notre armée.

En effet : baisse des dépenses, diminution des effectifs, fermetures de casernes et de bases aériennes, voilà comment le Gouvernement prépare la défense de demain. Il va donc affaiblir un pilier de notre République avec cette loi de programmation militaire.

Nous le savons tous, l’élaboration d’un tel texte est un exercice difficile, particulièrement dans un contexte financier tendu. Monsieur le ministre, vous avez obtenu des arbitrages moins défavorables que ceux que Bercy prônait, mais c’est malheureusement insuffisant. Au terme de la loi de programmation précédente, le report de charges budgétaires atteignait 3 milliards d’euros. Au titre du seul exercice 2013, il s’élève déjà à 760 millions.

La situation est donc mauvaise, et il n’est pas anecdotique de rappeler que la gendarmerie, qui n’achète plus ni véhicules ni ordinateurs depuis plusieurs mois, se trouvait il y a quelques jours à court de carburant.

Les objectifs du dernier Livre blanc sont ambitieux. Votre discours est volontariste et optimiste, monsieur le ministre, mais sa traduction budgétaire est malheureusement peu réaliste et n’est pas à la hauteur des ambitions affichées. Le constat est clair : ce n’est pas en diminuant les effectifs de 34 000 soldats que nous pourrons continuer demain à intervenir sur des opérations extérieures afin de protéger les populations locales, nos ressortissants, nos valeurs et nos intérêts.

Le gouvernement précédent avait certes réduit fortement les effectifs de nos armées, mais cet effort s’inscrivait dans une politique générale de réduction des coûts demandée à l’ensemble des ministères.

M. Serge Grouard. Exact !

M. François André. Le rabot !

M. Yves Foulon. Aujourd’hui, vous faites le choix de supprimer 23 500 postes supplémentaires dans les armées et d’en créer 60 000 au même moment dans l’éducation nationale. Nous pensons qu’il y avait un meilleur équilibre à trouver, de meilleurs choix à faire. Ce n’est pas en diminuant nos achats d’équipements et d’armements que nous aiderons à créer des emplois et de la richesse dans l’industrie de la défense, qui a pourtant besoin d’être soutenue dans le contexte économique que nous connaissons.

Fixé à 31,4 milliards d’euros par an entre 2014 et 2019, le budget de la défense permet théoriquement, d’après vous, de conserver un modèle d’armée crédible. Mais il repose sur plusieurs hypothèses à haut risque comme le retour à la croissance ou le financement des équipements par la suppression de ces 23 500 postes.

Nous ne croyons pas en ces hypothèses. Souvenons-nous par exemple qu’entre 2008 et 2012, alors que les effectifs diminuaient de 8,6 %, les rémunérations ont pourtant augmenté de 5,5 %.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Et oui !

M. Serge Grouard. C’est l’augmentation du pouvoir d’achat !

Mme Émilienne Poumirol. Quel beau résultat !

M. Yves Foulon. Vous êtes pourtant encore et toujours optimiste monsieur le ministre, et vous misez sur des recettes exceptionnelles provenant notamment de cessions, à hauteur de 6,1 milliards d’euros, dont 1,8 milliard en 2014 et 2015.

Plus précisément, dans le secteur de l’armée de l’air, vous prévoyez l’acquisition de seulement vingt-six avions de combat Rafale en six ans. Nous aurons donc bien deux cent vingt-cinq avions de combats, mais nous n’aurons pas les deux cent vingt-cinq Rafale initialement prévus pour l’armée de l’air à l’horizon 2020. Par ailleurs, cette commande largement diminuée sera loin d’être suffisante pour assurer la cadence de production chez Dassault aviation, qui ne doit pas descendre en dessous de onze appareils par an. Vous minimisez cet écart en estimant qu’il devrait pouvoir être comblé grâce à l’exportation du Rafale, notamment au Qatar, au Brésil ou en Malaisie. Toutefois, si aucun de ces marchés ne devait aboutir, une renégociation de la dotation française devra être envisagée, mais avec quel argent, avec quel budget ?

Mes chers collègues, il ne faut pas se mentir : la pérennité du pôle d’excellence français qu’est l’industrie de la défense est menacée par ce texte qui place notre stratégie sur le fil du rasoir. Il est improbable que cette programmation préserve une armée et une industrie de la défense à la hauteur des ambitions et des responsabilités internationales de notre nation. Et ce d’autant plus que le gel des reports et les incertitudes sur les recettes exceptionnelles remettent fortement en question les investissements dans le renseignement, le cyberespace, les drones et le spatial.

La réduction drastique des commandes va aboutir à la suppression de plusieurs milliers d’emplois dans les 4 000 entreprises du secteur de la défense si de nouveaux débouchés à l’export ne sont pas trouvés rapidement.

Cet objectif s’annonce difficile à atteindre car ce secteur connaît les mêmes difficultés que l’ensemble de l’industrie française : les commandes ont reculé de 26 % en 2012.

Monsieur le ministre, nous pensons que notre défense doit être une priorité, nous pensons que nos soldats méritent le soutien de la nation sur tous les plans, y compris financier, nous pensons que ce texte n’est pas à la hauteur des ambitions qui doivent être celles de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Serge Grouard. Bravo !

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Guilloteau.

M. Christophe Guilloteau. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission de la défense, madame et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, mon intervention portera sur l’industrie de défense.

Selon la presse allemande du 20 novembre dernier, les trois filiales d’un grand groupe européen d’aéronautique et de défense pourraient supprimer 20 % de leurs effectifs, soit près de 8 000 postes.

Malheureusement, d’autres entreprises de défense suivront peut-être. Membre de la commission du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, comme Mme Patricia Adam, j’ai milité pour que le modèle d’armée issu de nos réflexions réponde pleinement à la nécessité de conserver notre autonomie stratégique, gage de notre indépendance.

Et parce qu’elle est une composante incontournable de cette autonomie stratégique et qu’elle conditionne notre capacité à intervenir sur la scène internationale, j’ai travaillé dans mes fonctions de président du groupe d’études sur l’armement de défense à ce que soit pris en compte, au-delà de l’argument de souveraineté, le rôle majeur de notre industrie de défense compétitive et vecteur d’emplois.

Rappelons en effet la diversité de ce tissu industriel qui produit un chiffre d’affaires de 15 milliards, dont un tiers à l’export. C’est un réseau riche de plus de 4 000 PME qui accompagne les grands donneurs d’ordre. Il génère plus de 165 000 emplois directs et indirects peu délocalisables et à forte valeur ajoutée. Soulignons également l’importance de l’activité en matière de recherche et d’innovation dans les hautes technologies : c’est de l’aéronautique, du nucléaire, des missiles et de leurs applications civiles dont nous parlons.

Oui monsieur le ministre, nous pouvons être fiers que le poids économique de l’industrie de défense en France soit considérable. Cependant, à la lecture de votre texte, qui se veut le reflet des bonnes intentions contenues dans le Livre blanc, permettez-moi d’émettre quelques doutes et interrogations.

Rapporteurs de la mission Serval au Mali, nous avions mis en évidence, avec Philippe Nauche, un certain nombre de trous capacitaires et les limites de certains matériels, les plus anciens. Je veux parler entre autres de l’hélicoptère Gazelle, qu’il est impossible de faire évoluer pour recevoir des kits de protection. Je veux parler du Puma, dont le rayon d’action est trop faible et qui impose de disposer de points de ravitaillement au sol. Je veux encore parler du drone Harfang, qui, avec des vols réduits, ne permettait pas de remplir des missions de façon permanente. Enfin, n’oublions pas nos vieux VAB, dont le niveau de protection balistique est faible et les pannes nombreuses.

Afin de répondre aux objectifs définis par le Livre blanc, cette LPM aurait dû dépasser l’impératif budgétaire de court terme et fixer un cadre structurant à long terme à la fois pour nos armées, mais aussi pour notre industrie de défense. À partir de la fin des années cinquante, lorsque le Général de Gaulle a mis en œuvre notre politique industrielle de défense, il l’a orientée vers l’autonomie stratégique et technologique autour de grands projets, comme la dissuasion nucléaire. Il a permis à la France d’être au premier rang de toutes les négociations internationales. Pour cela, il s’est appuyé sur de grands groupes, fruits de notre histoire, qui aujourd’hui encore restent des acteurs majeurs de notre industrie de défense.

Je ne perçois pas dans ce texte une telle volonté cohérente et structurante pour nos armées et notre industrie de défense, adaptée aux nouveaux risques et menaces auxquels nous sommes aujourd’hui confrontés. De trop nombreuses incertitudes pèsent sur cette LPM. La politique de défense de la France ne peut se résumer à la juxtaposition de programmes dont la viabilité sera déterminée par nos performances à l’export. Si ces dernières restent essentielles, elles ne doivent pas nous faire oublier le rôle majeur de l’investissement public, garant de la pérennité de nos industries.

Je vous rappelle, monsieur le ministre, que onze Rafales devaient être livrés chaque année, soit cinquante-cinq pour la durée de la LPM, or seuls vingt-six le seront. Nous attendons les commandes de l’Inde pour maintenir la fabrication de nos canons Caesar. Vous avez acheté douze drones aux Américains. La livraison du nouveau SNA de type « Barracuda » a été repoussée. Nous n’avons aucune visibilité sur la livraison des A400M qui nous ont fait cruellement défaut au Mali. De plus, j’aimerais que vous nous précisiez si ce sont deux ou quatre MRTT qui sont en commande, et si vous confirmez bien la livraison d’une FREMM par année de LPM.

Selon le Général de Gaulle, la France s’est construite par l’épée, j’aurais tant souhaité que notre armée ne soit pas déconstruite par Bercy ! Par respect pour notre armée et nos soldats, par respect pour notre industrie de défense et son personnel, chers collègues, je voterai contre ce projet de loi de programmation militaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Pichot.

Mme Sylvie Pichot. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la Présidente de la commission, madame la rapporteure, chers collègues, le projet de loi de programmation militaire 2014-2019 a pour objet une traduction concrète et réaliste des objectifs de protection, de dissuasion et d’intervention de notre armée tels qu’ils ont été fixés dans le Livre blanc avec, dans un contexte budgétaire très contraint, un budget global préservé à hauteur de 190 milliards d’euros.

L’enjeu est majeur : renforcer et optimiser, au cours des cinq prochaines années et pour préparer l’après 2019, un modèle d’armée républicain efficace et reconnu.

Reconnue l’armée française l’est comme l’une des plus performantes en Europe et à l’international. Pourtant, elle voit dans le même temps – et un sondage récent nous le rappelle – de trop nombreux Français se désintéresser de l’enjeu de défense et considérer que le budget de ce ministère pourrait servir de variable d’ajustement de la politique budgétaire du pays. Cette réalité, il est de notre devoir de l’entendre et de la comprendre.

Les actions de nos armées, menées sous l’autorité du Président de la République au nom de la France, de notre sécurité, de nos valeurs profondes, se situent désormais loin de notre sol et, par-là même, sont peu lisibles pour une partie de nos concitoyens. Le lien entre l’armée et la jeunesse est distendu, existant désormais au travers de la seule « Journée Défense Citoyenneté » et, de façon trop marginale, au travers du service civique.

L’éloignement physique de nos forces armées, dans certains départements et territoires, est encore plus criant quand seuls restent le délégué militaire départemental, l’ONAC, les réservistes et, au sein des conseils municipaux, les correspondants défense trop rarement au fait du rôle qu’ils pourraient tenir dans la préservation et le renforcement du lien entre l’armée et la nation.

Pour répondre à l’ensemble de ces problématiques le projet de loi préconise de renforcer l’implication de la représentation nationale dans le suivi et l’actualisation des grands choix de la programmation militaire.

La pleine association des élus aux décisions concernant la politique de défense est effectivement un élément essentiel pour rapprocher l’armée de sa nation. Nous l’avons vu lors de l’intervention au Mali puis, lorsque la question d’une intervention en Syrie s’est posée, le rôle des parlementaires a représenté un temps important du débat public.

Le fait que, dans le cadre de l’exécution de la LPM, les parlementaires soient associés à un contrôle plus grand, marque un pas de plus vers une information plus importante des élus, et à travers eux, des citoyens qu’ils représentent.

Les travaux de nos collègues sénateurs et ici, en commission, ont d’ailleurs permis d’accroître les moyens d’information et les pouvoirs de contrôle du Parlement sur l’exécution de cette loi de programmation militaire.

Un article 4 bis a été inséré. Il prévoit que la loi fera l’objet d’actualisations – dont la première avant fin 2015 – qui devront permettre, notamment au Parlement, de vérifier si les objectifs fixés dans la loi sont atteints.

Un chapitre sur le contrôle parlementaire de l’exécution de la loi a également été introduit. Les quatre articles qui le composent prévoient, parallèlement aux dispositions existantes relatives au rapporteur général et aux rapporteurs spéciaux de la commission des finances, que les présidents et rapporteurs budgétaires pour avis des commissions de la défense de l’Assemblée nationale et du Sénat se voient conférer des pouvoirs d’investigation sur pièces et sur place, pour suivre l’exécution de la LPM dans le respect du secret-défense. Ces articles prévoient également que le ministre de la défense présente chaque semestre un bilan détaillé de l’exécution de la LPM et des crédits de la mission « Défense » aux commissions compétentes du Parlement, que la Cour des comptes transmette ses communications aux commissions de la défense pour ce qui les concerne, et que le Gouvernement présente chaque année un rapport sur l’exécution de la LPM éventuellement suivi d’un débat au Parlement.

S’agissant du développement de notre politique mémorielle, le renforcement du lien entre le peuple et son armée et l’éclosion d’une citoyenneté assumée passent par la connaissance et la compréhension des enjeux de la défense – ceux du passé, ceux du présent et ceux de l’avenir.

Le rapport annexé à la LPM fixe plusieurs axes : la rénovation du parcours de citoyenneté – notamment au travers de l’enseignement de défense et d’une refonte des protocoles existant entre la défense, l’éducation nationale et la recherche –, l’amélioration de l’impact de la journée défense et citoyenneté, la valorisation du patrimoine des armées, le développement la politique mémorielle dans toutes ses composantes, le renforcement de la communication sur l’action de la défense en faveur des citoyens, pour expliquer nos forces, nos engagements et le rôle de la défense dans notre société.

Mes chers collègues, alors que des signes d’irrespect absolu se sont exprimés récemment, traduisant une profonde ignorance du sens même de la notion de commémoration, le devoir de mémoire et le devoir de transmission des valeurs qui fondent notre République doivent être des objectifs qui nous rassemblent et nous obligent au-delà de nos divergences, donnant ainsi tout son sens à notre action. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marty.

M. Alain Marty. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, la LPM que nous examinons montre les limites de la gestion comptable de la politique de défense. Ce mode de gestion fut aussi à l’origine du report de certains programmes dans la précédente LPM : il ne s’agit donc pas d’un reproche partisan, mais d’un constat qui conduira inéluctablement à l’obsolescence des matériels et à la rupture capacitaire. Nos chefs militaires sont aussi dans cette logique : lors de leur audition par la commission, ils ont expliqué qu’ils s’efforçaient de faire au mieux en fonction des crédits disponibles, sans évoquer les moyens nécessaires pour assurer leurs missions.

L’exercice a évidemment ses limites. Il est difficile de faire entrer l’édredon dans une valise trop petite. Si nous ne changeons pas de méthode, nous connaîtrons les mêmes difficultés, quelle que soit la majorité au pouvoir.

Je prends quelques exemples. Nous affichons un budget sanctuarisé mais, du fait de l’inflation, il ne fait que se réduire, sans parler des gels et autres arbitrages de Bercy qui réduisent nos ambitions.

La conséquence de cette gestion comptable est l’étalement des programmes avec un renouvellement insuffisant des matériels. Pour l’armée de terre, par exemple, le programme Scorpion, attendu, est à peine amorcé et reporté à la prochaine LPM. J’en veux pour preuve la commande de 92 véhicules blindés multi-rôles sur une cible de 2 000 véhicules. Que dire des engins blindés de reconnaissance et de combat ? Monsieur le ministre, je souhaite bien du courage à votre successeur, en 2019,…

M. Jean Launay, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Non, ce sera toujours le même ministre !

Mme Émilienne Poumirol. M. Le Drian sera encore en fonction ! (Sourires.)

M. Alain Marty. …pour réussir le bouclage de la future LPM, devant le nombre important de matériels à renouveler.

Je prends un autre exemple : celui des hélicoptères. L’acquisition de 16 exemplaires de Tigres est prévue dans la LPM. À la fin de l’année 2019, par manque de moyens financiers, nous compterons 59 Tigres et toujours 81 Gazelles, qui coûtent moins cher en heures de vol.

L’évolution de nos ambitions affichées s’étiole au fil des LPM. Je connais la différence entre ces ambitions et la réalité. Néanmoins, avant 2008, nous étions supposés engager dans une coalition 50 000 hommes et une centaine d’avions. Dans le livre blanc de 2008, notre participation est passée à 30 000 hommes et 75 avions. En 2013, nous affichons l’objectif de 15 000 hommes et 45 avions, soit l’équivalent de la division Daguet en 1990, lors de la guerre du Golfe.

M. Pierre Lellouche. En effet !

M. Alain Marty. Souvenons-nous des critiques formulées à l’époque !

Je mentionne aussi les conséquences sur l’industrie d’armement, qui perdra des savoir-faire et des emplois : MBDA et Safran annoncent des réductions d’effectifs.

Quelle est l’alternative à cette gestion comptable ? C’est, bien évidemment, faire de la défense la priorité de notre pays ; l’État a la responsabilité d’assurer cette fonction régalienne. Il est impératif d’assurer la sécurité des Français, de notre territoire, de nos voies d’approvisionnement, et de défendre nos intérêts dans le monde. Vous reconnaissez vous-même, monsieur le ministre, que le rythme des crises internationales crée des obligations pour la France.

La défense n’est pas un ministère comme les autres : c’est un ministère régalien, avec des fonctions essentielles. C’est aussi un ministère qui embauche, avec 17 000 jeunes qui s’engagent, suivent une formation exigeante, partagent des valeurs et sont prêts à aller jusqu’au sacrifice de leur vie : cela mérite respect et reconnaissance ! La défense n’est pas uniquement une charge. C’est aussi, vous le soulignez, monsieur le ministre, une industrie motrice pour notre économie, créatrice d’emplois et d’innovation. Elle peut être encore plus créatrice de richesses.

Partons des analyses stratégiques énoncées dans les livres blancs de 2013 et 2008, et donnons les moyens à notre politique de défense sans brider nos ambitions. N’est-il pas temps de sortir les budgets de la défense du pacte de stabilité budgétaire ?

M. Nicolas Dhuicq. Très bien !

M. Alain Marty. Sans cela, les pays de l’Union européenne poursuivront la pente dangereuse de la réduction des crédits de défense. Ailleurs dans le monde, la plupart des pays augmentent leurs crédits militaires.

Chers collègues, je propose une approche nouvelle : faire de la défense notre priorité. Monsieur le ministre, malgré tous vos efforts que je salue, la gestion comptable nous conduira à des renoncements dangereux pour la France. L’effort de défense n’est-il pas la première raison d’être de l’État ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Villaumé.

M. Jean-Michel Villaumé. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, madame et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, ce projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 tend à mettre en œuvre les orientations de la politique de défense pour les six prochaines années.

Avant de débuter mon propos, je tiens à saluer l’engagement tenu par le Gouvernement de maintenir un budget ambitieux et réaliste : en effet, 190 milliards d’euros constants seront dévolus à la défense au cours de cette période. Ainsi, conformément aux propos du Président de la République en mars dernier, l’effort consacré par la nation à sa défense sera maintenu. En ces périodes de restrictions budgétaires marquées par une situation financière difficile et un environnement stratégique incertain, la clarté du choix opéré par l’exécutif mérite d’être saluée, notamment en matière de cyberdéfense, de renseignement militaire, de préparation opérationnelle et d’équipement de nos forces armées.

Ces choix permettront de maintenir notre position actuelle sur la scène internationale et de pouvoir répondre aux différentes menaces qui planent sur les théâtres géopolitiques. Nous pouvons saluer particulièrement l’action et la détermination du ministre, qui n’a pas ménagé ses efforts pour obtenir des arbitrages favorables. Nous pouvons en être fiers, car nous sommes l’un des seuls pays européens – si ce n’est le seul – à avoir fait un tel choix stratégique. Je veux également remercier Mme la présidente de la commission de la défense car, même si le rythme des différentes auditions a parfois été très soutenu, elle a convié séparément, pour la première fois depuis longtemps, les représentants des personnels qui servent chaque jour la nation. Ces auditions nous ont permis de comprendre et, ainsi, de mieux appréhender les craintes, les attentes et les ressentis de nos personnels.

Pour l’armée, cette loi de programmation militaire sera l’occasion d’engager une véritable rénovation de la concertation et du dialogue social. Le 14 juillet dernier, nous avons vu les prémices de cette volonté nationale : le Président de la République a fait part de sa volonté de rencontrer les membres du Conseil supérieur de la fonction militaire, afin d’échanger sur leurs interrogations. Ce fut chose faite le 1er octobre dernier : pour la première fois dans l’histoire de notre République, un entretien de concertation entre l’exécutif et les forces militaires a eu lieu afin d’aborder l’avenir de cette institution.

À cette occasion, François Hollande s’est engagé à revenir sur une iniquité qui figurait dans la loi de 2010, et qui prévoyait que les militaires qui quittaient l’uniforme sans avoir atteint quinze ans de service n’avaient pas droit à une pension militaire. Il a annoncé que cette injustice sera réparée pour tous ceux qui s’engageront à compter du 1er janvier 2014. Désormais, les militaires bénéficieront d’une ouverture des pensions dès deux ans de présence : c’est une réelle avancée dans la politique sociale de nos armées.

A travers ce texte, nous pourrons également proposer une modification du mode de désignation des membres des instances locales et nationales que sont le Conseil de la fonction militaire et le Conseil supérieur de la fonction militaire, véritables moteurs de la concertation entre nos forces armées et l’État. Une telle réforme permettra de renforcer leur légitimité et d’améliorer leur fonctionnement. Même si le syndicalisme n’a pas lieu d’être dans nos armées, l’échange d’informations est important afin de corriger des dysfonctionnements notoires. L’obéissance est le devoir des engagés, mais elle ne s’oppose en rien à l’instauration d’un dialogue : c’est même la condition de la confiance dans l’autorité ! Le dialogue est fait d’information, d’adhésion, d’écoute, de respect, mais aussi de légitimité. Les dysfonctionnements liés au système Louvois auraient pu être pris en compte plus rapidement si les informations étaient remontées en amont.

D’autres nouveautés feront leur apparition afin de nourrir le dialogue social. Le CSFM pourra être reçu et entendu par le ministre, en dehors de ses traditionnelles sessions annuelles, sur tout sujet de préoccupation. Ainsi, monsieur le ministre, les problèmes organisationnels ou administratifs pourront vous être remontés le plus rapidement possible.

Enfin, je tiens à aborder la problématique de l’accompagnement des militaires et des civils à la sortie de leur période dans l’institution militaire. Un effort particulier sera réalisé par les services du ministère dans les prochaines années. Il comprendra deux volets : le premier se traduira par des mesures financières d’incitation au départ, et le second sera axé sur des mesures d’incitation à la mobilité. Le reclassement et l’accompagnement personnalisé pour la sortie du monde militaire est également une avancée pour des centaines de volontaires souhaitant quitter l’institution pour retrouver des emplois réservés dans l’administration.

Du fait de la rétractation du volume de postes, des officiers et sous-officiers ne pourront pas obtenir le niveau de responsabilité qu’ils auraient pu espérer. Une nouvelle mesure permettra donc à un officier d’occuper un poste de colonel ; en contrepartie, il devra quitter le service au bout de deux ou trois ans.

Le ministère de la défense a également créé la pension afférente au grade supérieur : le militaire ne changera pas de grade, mais sa pension passera, au moment de son départ, à l’équivalent de celle du grade supérieur.

Enfin, une rénovation du dispositif de disponibilité, peu utilisé jusqu’à présent, est en cours. Il s’agit de réduire sa durée maximale à cinq ans, mais en augmentant la rémunération dès la première année. Ce dispositif est particulièrement adapté aux personnes intéressées par la reprise d’entreprise ou la création d’activité : il leur offrira un filet de sécurité, puisque ceux qui le désirent pourront réintégrer les effectifs en fin de disponibilité.

Pour l’ensemble de ces motifs, monsieur le ministre, je voterai cette loi de programmation militaire qui rénove en profondeur le dialogue social dans nos forces armées. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Cornut-Gentille.

M. François Cornut-Gentille. Madame la présidente, monsieur le ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, si nous voulons que ce débat sur la loi de programmation militaire soit utile à notre pays et à notre défense, il nous faut sortir, pour la majorité, de la complaisance d’usage, et pour l’opposition, de la critique stérile.

M. Marc Le Fur. Très bien !

M. François Cornut-Gentille. En effet, la complaisance masque l’extrême difficulté de la situation actuelle, tandis que la critique relance de vaines discussions sur le bilan de l’ancienne majorité.

M. Jean Launay, rapporteur pour avis. On n’en a pas abusé.

M. François Cornut-Gentille. Aussi, quoique membre de l’opposition, je ne m’exprimerai ni comme avocat du passé, ni comme procureur du présent, mais en député convaincu que notre défense constitue pour la France un atout majeur que nous devons nous efforcer de préserver. C’est dans cet esprit que je souhaite nous inviter à réfléchir quelques instants sur deux réalités gênantes pour nous tous. J’insiste sur le « nous tous » car il ne s’agit pas de mettre en cause particulièrement le gouvernement actuel, les responsabilités étant anciennes et partagées.

Il s’agit encore moins de vous mettre en cause, monsieur le ministre, car chacun reconnaît et apprécie votre compétence et votre engagement personnel. Il s’agit plutôt de mettre le doigt sur une mécanique inexorable qui a enfermé, enferme et continuera d’enfermer, si rien ne change, les majorités qui se succèdent.

La première réalité que nous refusons de voir est que cette loi de programmation militaire, qui n’est pas encore votée, est déjà lettre morte. Certes, l’opposition le dit, mais elle est peu crédible ayant elle-même engagé une réduction significative de notre outil de défense et n’étant pas parvenue à respecter scrupuleusement sa propre loi de programmation. Quant à la majorité, comme c’est la tradition, elle souligne sa volonté de le faire et ses bonnes intentions. Mais vous reconnaissez vous-même, monsieur le ministre, que cela suppose de gagner plusieurs paris qui sont loin d’être assurés, notamment la réalisation des recettes exceptionnelles, les ventes de Rafale et la solidarité interministérielle sur les OPEX.

Admettons, cependant, que ces trois paris soient gagnés. Il reste alors deux données supplémentaires qui entament gravement la crédibilité de la trajectoire financière qui nous est proposée. Tout d’abord sur le plan macroéconomique, la faiblesse de la croissance, les moindres rentrées fiscales ainsi que la dérive naturelle de certaines dépenses auront vite fait, dès 2014, de rendre caduc le cadre général dans lequel s’inscrit cette loi de programmation.

En second lieu, au sein de la mission défense, le dérapage ou la sous-estimation chronique des dépenses de personnel vont rapidement peser négativement sur les dépenses d’équipement. Il ne s’agit pas seulement d’une crainte pour l’avenir, mais d’une réalité avérée : les annulations de crédit en cours sur le programme 146 – qui s’élèvent à plus de 700 millions d’euros – détériorent singulièrement les conditions d’entrée dans la loi de programmation et, d’emblée, fragilisent ainsi l’ensemble de la construction.

Cela m’amène à la seconde réalité qu’il nous faut regarder en face. Au fond, que ce soit avec un milliard de plus ou de moins, nous sommes d’ores et déjà parvenus à un seuil où il devient dangereux de repousser à demain des questions essentielles et même existentielles pour notre défense. Aujourd’hui, notre budget se situe au niveau de celui de l’Allemagne. Avec cette différence majeure que, dans cette enveloppe, l’Allemagne n’a pas à prendre en charge le nucléaire et les opérations extérieures. Je crois qu’il n’est plus possible de continuer à faire comme si cette situation n’était pas problématique. Et je ne dramatise pas. C’est à juste titre que vous avez vous-même souligné à plusieurs reprises, monsieur le ministre, la nécessité d’être extrêmement vigilant et surtout que vous avez nettement indiqué, et je vous cite, « que si une seule brique est absente, c’est l’ensemble de l’édifice qui tombe ».

Aujourd’hui nous y sommes. C’est même assurément plusieurs briques qui manquent. Grâce à l’étalement des programmes, nous pouvons encore faire mine de ne pas le voir. Le problème, hélas, n’est pas nouveau. Lorsque l’ancienne loi de programmation militaire prévoyait une augmentation du budget à partir de 2011, c’était faire à demi l’aveu d’une impasse budgétaire. De même, cette nouvelle loi de programmation militaire envisage une clause de revoyure en 2015.

Ainsi, pour tous ceux qui veulent prendre du recul, le mur financier est bien là, à échéance de trois ou quatre ans, peut-être moins. Si rien ne change, qu’on le souhaite – c’est le cas de certains – ou non, le risque est extrêmement fort de devoir bientôt renoncer dans la précipitation à des pans entiers de notre défense. L’important, toutefois, n’est pas de désigner des responsables. Il faut, en effet, refuser d’entrer dans ce jeu qui nous empêche de proposer des solutions.

À ce stade, je vois trois points d’appui pour essayer de remonter la pente. Le premier, c’est de ne pas cacher et même de dénoncer la situation critique où nous nous trouvons. Ainsi, vous avez raison, monsieur le ministre, de ne pas accepter les lourdes coupes imposées par la loi de finances rectificative.

Inscrire dans ce projet 500 millions d’euros supplémentaires dès 2014 est assurément une action positive. Mais les obstacles à franchir sont encore nombreux pour que ces millions deviennent réalité. S’il s’agit de recettes budgétaires, sont-elles compatibles avec la stratégie globale de réduction de nos déficits ? S’il s’agit de recettes extrabudgétaires – comme je crois le comprendre –, les menaces sont d’une autre nature : il faudra impérativement sécuriser un montage juridique délicat et par ailleurs largement dépendant du bon vouloir de Bercy. C’est dire combien la prudence s’impose…

Le deuxième point d’appui réside dans le renforcement du contrôle parlementaire. En effet, son insuffisance, notamment sur la défense, et sa faiblesse sont au cœur du système qui a permis, depuis des années, le développement des politiques de guichet sans analyse précise de leur efficacité et, concomitamment, l’affaiblissement des missions centrales de l’État sans en mesurer les conséquences. Un contrôle plus approfondi rendrait assurément plus difficiles les arbitrages et coupes qui se font invariablement, et en catimini, au détriment de la défense et de l’investissement en général.

Le troisième point d’appui consiste à bâtir un véritable projet pour notre défense. Vous allez me répondre : Livre blanc. Il s’agit certes d’un exercice institutionnel indispensable, mais insuffisant. Car, comme pour celui de 2008, continuer toutes les missions avec des moyens de plus en plus contraints ne peut créer une dynamique de projet. Aujourd’hui les structures anciennes pèsent trop fortement sur les objectifs, nous entraînant dans un piège sans issue. Et l’on se situe dans une démarche défensive de maintien ou de sauvegarde.

Bâtir un véritable projet impose de faire des choix stratégiques et d’exprimer des orientations fortes ; d’ouvrir des débats délicats sur ce que veut la France dans l’Europe et dans le monde, sur nos alliances, sur nos objectifs industriels, sur la place et le rôle du nucléaire. Bref, des débats délicats, mais qui sont indispensables pour redéfinir une ambition. Car sans ambition renouvelée, il est acquis depuis longtemps que les arbitrages à venir se feront au détriment de la défense.

La tentation pour tout gouvernement est de faire de la loi de programmation militaire une opération d’affichage et de communication. D’abord, en direction de nos partenaires pour affirmer notre puissance. Ensuite, en direction des militaires pour les rassurer. Quelques années plus tard, est-il bien certain que notre image en sorte renforcée ? Et le scepticisme n’a-t-il pas progressé dans nos armées ?

Monsieur le ministre, vous savez bien que les intentions n’ont jamais fait une politique. Aussi, je vous invite à rompre avec ce rituel vide de sens. Dites simplement la vérité ; ne cachez pas les risques qui pèsent sur notre défense alors que certains misent précisément sur votre silence pour poursuivre les coupes, faisant fi des engagements pris devant le Chef de l’État. Il faut très rapidement sortir de l’ambiguïté.

L’amendement que vous nous proposez ne vaut pas engagement budgétaire. Exigez donc de Bercy un dispositif totalement fiabilisé et transparent pour récupérer les 500 millions d’euros manquants. Votre autorité au sein du Gouvernement vous le permet. Votre crédibilité au sein des armées l’exige. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-David Ciot. Très bien.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-David Ciot, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Jean-David Ciot. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission de la défense et des forces armées, mes chers collègues, prolongeant en partie l’analyse développée par la précédente édition, le nouveau Livre blanc qualifie avec précision les menaces entourant notre territoire et nos intérêts. Il en établit le caractère sournois, diffus, rendu encore plus immatériel par l’arrivée de nouvelles technologies, dévoyées et mises au service de la destruction et du chaos.

Les États démocratiques ont certes su déployer de puissants moyens pour contrer ces forces qui conspirent à l’instabilité du monde, mais les nombreux conflits qui embrasent des régions entières de la planète sont là pour nous rappeler la persistance de ces éléments de déséquilibre.

La réponse de la France réside dès lors dans l’usage du droit et de la force, une force qui ne pourra s’appuyer que sur un arsenal capacitaire technologiquement innovant. Ce défi, notre pays le relève avec le vote de cette loi de programmation militaire qui traduit un engagement résolu pour la pérennité d’une industrie de défense d’excellence.

En effet, seule une force armée moderne et puissante sera susceptible de garantir notre souveraineté nationale et notre autonomie stratégique et militaire. Or les avantages comparatifs qui font aujourd’hui de notre tissu industriel l’un des plus performants du monde ne peuvent perdurer que grâce aux investissements sur l’intelligence, c’est-à-dire sur la recherche technologique et la recherche et développement.

L’année passée, le budget de la défense avait déjà consacré un effort conséquent en faveur des dépenses de prospective stratégique. L’enveloppe consacrée aux « études amont » avait ainsi bénéficié d’une augmentation de près de 12 %.

Cette impulsion est aujourd’hui confirmée par cette loi qui prévoit de consacrer 730 millions d’euros, soit 30 millions de plus par an aux dépenses de recherche et technologie, notamment sur la modernisation de la dissuasion nucléaire, la question des drones, la cyberdéfense ou encore les missiles de dernière génération. Tout retard pris dans le processus d’innovation induit implacablement le risque de déclassement par l’obsolescence et la perte de compétences. En effet, quels que soient nos territoires d’élection, nous constatons l’effet d’entraînement des projets de recherche militaire, en particulier sur les compétences civiles. Élu dans la circonscription d’ITER et de Cadarache, où est développé le RES – réacteur d’essais à terre de dernière génération permettant la qualification des technologies pour les chaufferies nucléaires embarquées sur les bâtiments de la marine nationale –, je mesure la nécessité de poursuivre nos efforts de recherche pour terminer ce projet fondamental garantissant l’autonomie de certains de nos navires. J’en profite pour vous remercier, une nouvelle fois, monsieur le ministre, d’avoir sauvé et assuré le bouclage financier du RES et sa mise en place.

Au total, comme vous l’avez annoncé, monsieur le ministre, les dépenses pour cette année de R

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Lamblin, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jacques Lamblin. Madame la présidente, monsieur le ministre, hier, François Fillon, dans sa motion de rejet, a souligné les faiblesses de la loi de programmation militaire, à l’instar de nombreux orateurs. Je n’y reviendrai donc pas. Je préfère user d’un autre registre, assez proche de celui de François Cornut-Gentille.

Quelle est la situation ? Pour les uns dont vous faites partie, j’en suis certain, monsieur le ministre, préserver notre capacité de défense est essentiel. Pour d’autres, qui constituent hélas une bonne partie de la majorité, se contenter d’un service minimum en la matière serait bien suffisant.

Le nœud du problème est là : comment, dans les six années à venir, préserver les moyens programmés dans cette loi des appétits sournois du ministère des finances ?

Permettez-moi de vous proposer quelques idées.

Première idée : il faut répéter partout, et nous le ferons avec vous, que les dépenses d’armement sont des dépenses économiquement vertueuses.

Établir le budget de la défense selon une vision excessivement, voire exclusivement, comptable est une faute économique. C’est oublier l’essentiel. En effet, ces dépenses d’équipement, vitrine de la haute technologie Made in France, sont quadruplement vertueuses : elles génèrent de l’investissement productif, de la recherche et développement, de l’emploi industriel ainsi que des recettes fiscales et sociales. Elles ont donc globalement, pour la nation, un coût net bien plus modeste que le coût brut apparent. Or, de toute évidence, le ministère des finances ne s’intéresse qu’au coût brut et au court terme.

Posons-nous la bonne question. En matière d’industrie de défense, la France excelle, elle est technologiquement en pointe. Elle exporte beaucoup. Est-il bien raisonnable de compromettre le développement de cette filière d’avenir et de nos capacités sur un marché porteur au moment où tous les pays émergents s’équipent ? Je pense que non.

D’ailleurs, ne doit-on pas s’interroger sur les motivations réelles des Allemands ? Ils augmentent, eux, leur budget de la défense et passent devant nous au moment précis où la demande internationale en produits de haute technologie s’accroît ? Curieux hasard. Ensemble, ouvrons les yeux !

J’en viens à ma deuxième idée.

Monsieur le ministre, puisque vos prédécesseurs ont fait le nécessaire, est-il raisonnable de continuer à supprimer des postes de militaires du rang au risque de se trouver en rupture capacitaire en cas de crise ?

Hier vos amis ont bien à tort brocardé François Fillon, lorsqu’il faisait un parallèle entre militaires du rang et emplois d’avenir. Et pourtant ! Où est la logique de ce gouvernement dont un ministre crée des emplois, fort improprement dits d’avenir, pris en charge désormais à 95 % par l’État, …

M. Pierre Lellouche. C’est-à-dire par la dette publique !

M. Jacques Lamblin. …pour résorber très artificiellement le chômage pendant qu’un autre ministre de ce même gouvernement, vous en l’occurrence, est sommé de supprimer 20 000 postes fort utiles de militaires du rang ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Ne cherchez pas une réponse satisfaisante, il n’y en a pas. Quel dommage de se priver de la formidable efficacité de tels postes en matière de formation, d’éducation, d’instruction et d’intégration.

M. Philippe Meunier. C’est incompréhensible !

M. Jacques Lamblin. Pourquoi ne pas, à budget constant – et surtout pour un meilleur résultat ! –, diminuer les crédits consacrés aux emplois d’avenir et augmenter les vôtres pour mettre fin à cette dangereuse déflation d’effectifs ?

M. Frédéric Lefebvre. C’est très juste !

M. Jacques Lamblin. En résumé, l’armée, par les qualités intrinsèques qui sont les siennes, pourrait à budget constant pour l’État créer d’immenses services à notre économie et à notre société. Ce serait gagnant-gagnant. Il vous reste à convaincre le Gouvernement et, pour cela, il vous faudra de la persuasion et du bon sens. Vous ne manquez ni de l’une ni de l’autre, monsieur le ministre. Cela tombe bien car, désormais, vous allez devoir en permanence défendre la défense.

Sachez-le, l’opposition participera à cette démarche, à vos côtés s’il le faut ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Delcourt.

M. Guy Delcourt. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi d’introduire mon propos en rappelant que l’ouverture des discussions sur cette loi de programmation militaire s’inscrit dans une année législative chargée en matière de défense. Elle intervient après les discussions sur le Livre blanc de la défense et de la sécurité nationale et les débats sur l’opération Serval et la Syrie : c’est la première fois que le Parlement est à ce point consulté sur les questions de défense. Je me réjouis que ces débats soient ainsi portés au niveau de la représentation nationale, notamment parce qu’ils contribuent à sensibiliser nos concitoyens aux enjeux attachés à la défense en elle-même mais aussi aux valeurs qui fondent notre armée et ses interventions.

Je tiens également à saluer la méthode qui a présidé aux discussions préparatoires à l’élaboration de ce texte : la concertation qui s’est opérée tant au niveau du ministère que de l’Assemblée nationale est aussi révélatrice du respect et de l’intérêt que le Gouvernement et les parlementaires portent à ceux qui œuvrent quotidiennement au sein de ce ministère régalien.

En tant que membre de la commission de la défense, ce dialogue je l’ai eu moi aussi avec plusieurs délégations régionales afin de mieux appréhender les réalités locales et les préoccupations concrètes des acteurs concernés. Je tiens d’ailleurs à saluer ici leur sens des responsabilités et leur souci de prise en compte du contexte budgétaire dont hérite le Gouvernement, contexte qui nécessite de concilier l’impératif d’une armée performante, à la hauteur des enjeux nationaux et internationaux, et la gestion raisonnée des comptes publics.

Nous avons beaucoup évoqué les personnels de l’armée et c’est fort de ces échanges que j’aimerais aborder ici la question du reclassement des personnels civils issus des unités restructurées. Sur les 285 000 personnes qui composent les effectifs du ministère de la défense, ils sont 66 000 civils reconnus pour la sélectivité de leur recrutement, la qualité et la diversité de leurs compétences et des métiers qu’ils exercent.

Certes les baisses d’effectifs devraient concerner très largement les personnels militaires – 78 % contre 22 % – mais les personnels civils sont déjà depuis quelques années confrontés à des difficultés liées à la refonte de la carte militaire de 2008 et aux réorganisations-restructurations sans précédent qui ont eu lieu. Ces décisions ont été fondées sur la révision générale des politiques publiques alors qu’aujourd’hui le Gouvernement et la majorité recherchent l’optimisation du fonctionnement de notre armée en prenant en compte l’humain, sans s’en tenir aux seuls critères de l’économie budgétaire.

Toujours est-il que nombre de ces personnels civils sont confrontés à des risques psycho-sociaux en raison des difficultés de mobilité dont ils sont victimes. Après restructuration, de nombreux agents ne trouvent plus d’emploi dans leurs secteurs géographiques en raison des fermetures de bases que j’évoquais. Dans le Nord-Pas-de-Calais par exemple, ce sont 600 civils qui, touchés par les restructurations, se trouvent en sureffectif ou dans une situation de distorsion d’emploi.

Face aux baisses répétées des crédits de fonctionnement destinés aux bases de défense intervenues ces dernières années, baisses dénoncées à juste titre par ces personnels car elles entraînent une dégradation de leurs conditions de travail, vous avez annoncé un plan d’urgence de 30 millions d’euros en faveur de ces bases.

Par ailleurs, les mesures d’accompagnement spécifiques liées aux suppressions de postes programmées – dont 10 000, je tiens à le rappeler, étaient déjà prévues en 2008 – sont le signe d’une volonté de réorganisation qui garde au cœur de ses priorités l’humain – valeur qui vous est chère, monsieur le ministre : retraite au grade supérieur, promotion fonctionnelle, aménagement des statuts, aide à la reconversion accompagnée par un renforcement du dialogue social.

Comme l’a très justement rappelé le Livre blanc, les personnels civils du ministère de la défense ne sont pas des civils comme les autres. Sans les opposer aux personnels militaires, il convient bien au contraire de souligner leur complémentarité. Du fait des missions qui leur sont confiées, ils sont aux côtés des personnels militaires, second pilier indispensable à la performance de notre armée.

Si j’ai souhaité me faire ici le porte-parole de ces personnels, c’est pour qu’au cours de nos débats, nous gardions en tête, derrière les chiffres et les données qui seront au cœur de nos échanges, les situations concrètes qu’ils vivent chaque jour.

C’est sans regret et avec beaucoup de conviction que je vous assure, monsieur le ministre, de mon entier soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marianne Dubois.

Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées. Enfin une femme parmi les orateurs de l’UMP !

Mme Marianne Dubois. Madame la présidente, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, après l’examen du budget de la défense, le temps est venu de se pencher sur la loi de programmation militaire qui, telle qu’elle est présentée, suscite des inquiétudes considérables quant à la capacité de la France à faire face aux enjeux géostratégiques du monde contemporain, à donner à nos soldats les moyens et l’environnement nécessaires à leurs missions, au maintien de leur moral et à assurer la pérennité de la puissance de notre industrie de défense, composante à part entière de notre souveraineté.

Pourtant – et bien que des voix se soient élevées, y compris dans votre propre majorité, pour demander que la défense reste un sanctuaire épargné par les coupes budgétaires de Bercy –, vous avez annoncé, monsieur le ministre, des perspectives inquiétantes pour nos armées avec notamment 23 500 suppressions de postes supplémentaires pour la période 2014-2019.

Des fermetures de bases et des redéploiements ont été annoncés, ce qui a d’ores et déjà provoqué de réels traumatismes pour les villes concernées car ces mesures créeront des déserts militaires risquant de desserrer le lien entre la population et son armée. Vous refusez de citer la liste complète des sites de défense que vous prévoyez de fermer, préférant les annonces au fil de l’eau.

Le 15 novembre dernier, vous avez annoncé des mesures pour améliorer le quotidien des soldats pour lesquels vous avez déclaré vouloir être aux petits soins car, selon vous, « un ministre, ça s’occupe aussi des matelas ».

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Absolument !

Mme Marianne Dubois. Au-delà du bon mot, c’est une réalité insupportable que nombre de nos militaires vivent au quotidien et je rappellerai que les dépenses de fonctionnement et d’équipement – couchage, bureaux, ordinateurs, tenue, véhicules – ont été le déclencheur de la grogne des gendarmes en 2001.

À cela s’ajoute la situation inquiétante de la direction générale de l’armement : d’ici à 2019, il va lui manquer chaque année 2 milliards pour honorer toutes ses factures, ce qui signifie qu’au moindre gel de crédits, elle basculerait dans la cessation de paiements, comme l’a déclaré au Sénat le délégué général pour l’armement. Ceci mettrait en péril le tissu des PME sur lequel repose largement notre industrie de défense sachant que cette base industrielle fournit aussi une grande partie de la capacité d’innovation du pays à destination des marchés civils.

Avec le franchissement programmé à la baisse des seuils capacitaires en équipements, en moyens, en maintien de la condition opérationnelle de ces équipements et en budget pour les fonctions de soutien, il est à craindre, monsieur le ministre, que notre armée ne devienne chaque année un peu plus dépendante de pays tiers pour assurer la défense de notre territoire et de notre population, alors même que les États-Unis se désengagent peu à peu de l’Europe.

Dans le département du Loiret, nous nous sommes félicités de l’arrivée de l’A400 M sur la base 123 de Bricy. Vous aviez déclaré que cet avion était « le premier d’une série qui devrait en compter cinquante » mais la loi de programmation militaire n’en budgétise que 15 !

Qu’il s’agisse des budgets de fonctionnement ou d’investissement, nous sommes loin du compte : le projet de loi ne reflète pas les besoins et les attentes nés de la volonté de garantir à nos armées les moyens de leurs actions.

Dans un contexte économique et budgétaire difficile, une fois de plus la défense est considérée par votre gouvernement comme une des premières variables d’ajustement budgétaires,..

M. François André. C’est faux !

Mme Marianne Dubois. …alors que notre défense a déjà beaucoup donné en termes de réformes et de restructurations.

Il ne faudrait pas que les sacrifices consentis deviennent insupportables, à l’instar du Portugal où les soldats ont protesté contre les mesures inscrites dans le budget pour 2014.

S’agissant de l’économie de la défense, dans votre récent discours prononcé à l’occasion du deuxième forum innovation de la DGA à l’École Polytechnique, vous vous êtes félicité, monsieur le ministre, du lancement du pacte Défense-PME, qui vient selon vous concrétiser un engagement fort de votre ministère en faveur des PME et des entreprises de taille intermédiaire.

Vous avez cité des exemples et je n’en prendrai qu’un : celui des 100 ex-employés de la société Steco Power à Outarville dans le Loiret. Cette centaine d’employés est aujourd’hui au chômage, en partie parce que la DGA leur a fermé ses marchés. C’est la dernière entreprise française de fabrication de batteries qui disparaît avec son outil industriel et ses savoir-faire. Avec l’arrêt définitif de cette activité, ce sont nos armées que nous mettons sous tutelle des approvisionnements étrangers.

Autre exemple du chemin qu’il reste à parcourir : la pharmacie centrale des armées, près d’Orléans. Elle constitue l’un des plus importants sites de production en volume et technologie associée, et ses produits sont reconnus de par le monde. Or, ce formidable outil technologique est aujourd’hui sous-exploité car nous n’avons pas les moyens de déployer une véritable politique commerciale. Elle présenterait pourtant de multiples avantages : amortir des investissements dans les meilleurs délais, dégager des moyens complémentaires pour la recherche, développer des marchés et un volume de travail pour des sous-traitants.

Monsieur le ministre, j’ai l’honneur et la fierté d’appartenir à la promotion 2013 de l’Institut des hautes études de défense nationale – et je salue au passage son comité 3 : en qualité d’auditrice, je rencontre chaque semaine nos militaires sur l’ensemble du territoire national.

Grâce à de nombreux échanges, je ne peux que constater le décalage entre la voie suivie par le Gouvernement et votre ministère et la réalité de la situation au sein de nos forces armées ainsi que chez nos industriels. L’avenir tel que vous nous le présentez n’est pas celui que nos armées perçoivent. Pour toutes ces raisons et parce que je souhaite que notre défense, qui fait notre fierté nationale, ne devienne pas un soldat aux pieds d’argile, je ne peux, avec regret, voter en faveur de cette loi de programmation militaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. François André.

M. François André. Madame la présidente, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, chers collègues, avec cette loi de programmation militaire pour les années 2014-2019, nous complétons l’entrée dans un nouveau cycle pour nos armées. Au printemps dernier, le nouveau Livre blanc est venu présenter notre vision du monde contemporain et établir la stratégie qui sera la nôtre pour les prochaines décennies. Avec la loi de programmation militaire, nous allons fixer la trajectoire qui permettra de mettre en œuvre cette stratégie dans les prochaines années.

Je ne vais pas m’attarder sur la portée générale et les grands enjeux de cette loi, qui ont déjà été largement évoqués par mes collègues, et qui le seront très certainement par les suivants. Je souhaite, pour ma part, insister sur l’importance de la sincérité budgétaire de la loi de programmation militaire et de sa réalisation au travers des lois de finances annuelles.

J’ai été chargé par la commission de la défense, avec notre collègue Philippe Vitel, de réaliser un état de l’exécution des crédits de la défense pour les exercices 2011 et 2012 et, au-delà, pour dresser un bilan de la précédente loi de programmation militaire.

Au cours de notre travail, nous avons pu, de façon détaillée et, je l’espère, objective, relever l’écart progressif qui s’est produit entre les prévisions de la loi de programmation et l’exécution des lois de finances successives. Ce constat, qui n’est pas nouveau et qui n’étonnera donc pas les membres de la représentation nationale, nous a conduits à nous montrer très attentifs tant à la rédaction de la loi de programmation militaire qu’à celle de la loi de finances 2014.

Force est de constater que le Livre blanc, la loi de programmation militaire et la loi de finances 2014 sont parfaitement cohérents. En cela, nous pouvons vous féliciter, monsieur le ministre, d’avoir su défendre les enjeux et les forces de nos armées et mesuré l’importance de leur assurer le soutien nécessaire pour cette année et les années à venir.

En effet, après avoir souhaité sanctuariser la dissuasion nucléaire, outil majeur de notre souveraineté, le Président de la République s’est engagé dans un contexte budgétaire très contraint à maintenir en valeur le budget de notre défense jusqu’en 2016, puis à l’augmenter en valeur et en volume. La présentation du projet de loi de finances 2014 nous a permis de constater que les arbitrages présidentiels ont fixé les crédits de la mission « Défense » pour 2014 à 31,4 milliards d’euros, soit le même niveau que l’année qui vient de s’écouler.

Du point de vue du financement, nous pouvons relever qu’environ 1,8 milliard d’euros en 2014 proviendront de recettes exceptionnelles identifiées. Sur ces 1,8 milliard d’euros, 1,5 milliard est issu du programme des investissements d’avenir à destination des domaines de la recherche et de l’innovation spatiales et nucléaires. Cela permet une bonne garantie de nos crédits et réduit d’autant le risque d’écart important avec la programmation. Ces recettes ont été au rendez-vous en 2013 ; elles le seront manifestement en 2014. Nous savons pouvoir compter sur vous pour qu’elles le soient également dans le futur.

Si j’insiste sur l’importance de la sincérité budgétaire, c’est qu’elle est au cœur de la crédibilité de nos travaux. Rien n’est pire qu’une loi de programmation militaire irréaliste : elle décrédibiliserait la France sur sa capacité à appliquer la stratégie qu’elle s’est elle-même fixée et démoraliserait nos militaires à qui l’on donnerait moins que ce que l’on promet.

À l’inverse, avec la revue de notre stratégie militaire, des priorités claires et assumées et la volonté de garantir une stabilité dans le financement, nous assurons le maintien d’un outil de défense cohérent et, ce faisant, le renforcement de notre pays.

Monsieur le ministre, vous aviez affirmé lors du débat sur le Livre blanc que vous aviez l’ambition d’être le Premier ministre de la défense à faire en sorte que la loi de programmation militaire soit respectée scrupuleusement : comptez sur les députés socialistes pour vous y aider.

M. Jean Launay, rapporteur pour avis. Nous vous y aiderons, monsieur le ministre !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je vous remercie !

M. François André. De ce point de vue, un contrôle régulier et renforcé de l’exécution budgétaire sera nécessaire. Notre commission doit y jouer tout son rôle.

Puisque nous parlons de crédibilité, il est un autre sujet sur lequel notre action se veut sincère et crédible : il s’agit de l’indemnisation des victimes des essais nucléaires. En 2010 a été promulguée une loi, couramment appelée « loi Morin » : cette loi, qui prétendait réduire la complexité des demandes d’indemnisation des vétérans des essais nucléaires ayant contracté une maladie radio induite, a en fait créé un nid à contentieux.

Face au constat d’échec de ce dispositif, nous avons donc entamé, dès le changement de majorité, un travail de réflexion et d’étude des différentes options envisageables afin de rendre ce dispositif plus accessible, mieux compris par tous et surtout plus efficient.

Après une réflexion et des échanges fournis entre les parlementaires, les associations et le Gouvernement, il a été proposé plusieurs modifications dont nous devons nous féliciter. Désormais, le Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires, le CIVEN, aura le statut d’autorité administrative indépendante, et ses crédits seront directement inscrits au budget des services généraux du Premier ministre. C’est pourquoi, avec plusieurs collègues, nous avons souhaité mettre en place la publication annuelle d’un rapport d’activité du CIVEN qui permettra au Gouvernement comme au Parlement d’avoir une meilleure visibilité de son action.

Nous avons également travaillé à un renforcement de l’encadrement juridique de la motivation des rejets d’indemnisation par le CIVEN, qui constituait l’attendu récurrent des annulations de décision par les tribunaux administratifs. Cela permettra, nous l’espérons, de faire baisser le nombre de contentieux, qui sont toujours lourds et douloureux pour les victimes ou leurs ayants droit, et qui pourraient finir par coûter cher à l’État en cas de condamnation finale.

Enfin, nous avons souhaité travailler à une meilleure compréhension mutuelle entre les victimes, les associations et le CIVEN. Afin de mener un examen plus éclairé des dossiers et d’apporter le maximum d’échanges entre les deux parties, nous proposons d’instaurer une procédure garantissant le contradictoire à travers la possibilité pour le requérant de venir, seul ou accompagné, exposer sa demande devant le CIVEN. Nous irons donc vers un renforcement des droits d’information des citoyens, sans remettre en cause la qualité du travail du CIVEN, notoirement satisfaisante.

À ce stade, je souhaite vous remercier, monsieur le ministre, pour le travail que nous avons pu mener ensemble, avec vous-même et les membres de votre cabinet, afin de contribuer à une amélioration de ce dispositif dont nous espérons tous qu’elle puisse conduire à une meilleure application de la loi.

Vous l’avez compris, je pense, mon intervention se place sous le signe de la responsabilité et de la cohérence. Il est essentiel aujourd’hui, et cela est également vrai lorsque nous nous attelons au redressement de nos finances publiques, d’assurer une cohérence entre la programmation de nos politiques publiques et leur exécution.

C’est pourquoi, monsieur le ministre, chers collègues, je suis convaincu que ce projet de loi de programmation militaire constitue un chemin étroit mais cohérent avec une stratégie nationale de défense ambitieuse et crédible. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Nicolas Bays. Excellente intervention !

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers compagnons, chers camarades,…

Mme la présidente. Nous sommes tous collègues, ici, mon cher collègue ! (Sourires.)

M. Nicolas Dhuicq. …au moment où nous allons commémorer les sacrifices de toute la paysannerie française, à Verdun, au Bois-des-Caures, à Mort-Homme, pendant quatre années de guerre – et même plus, pour l’armée d’Orient –, pour quoi sommes-nous ici, représentants de la nation ?

Nous sommes ici pour servir le pays et la patrie ; nous sommes ici pour dire non aux capitulations, aux renoncements – comme dans les années 1930 ! – que le Gouvernement prépare insidieusement par des artifices budgétaires.

M. Nicolas Bays. Toujours dans la mesure !

M. Nicolas Dhuicq. Nous sommes ici pour dire combien, sans défense nationale et sans armée, il n’existe pas d’État libre et indépendant. Nous sommes ici pour rappeler combien le niveau de vie des Françaises et des Français, nos compatriotes, dépend du niveau de dépenses budgétaires que la nation est capable de consacrer à ses armées. Voilà les raisons pour lesquelles nous sommes ici !

Quel est l’état du pays, mes chers collègues ? Le pays est fracturé, morcelé ; il est fracturé entre ses zones rurales et urbaines, il est fracturé socialement, parce que, depuis des années, la classe politique est incapable de parler de la nation et de la patrie, parce qu’elle a oublié la transcendance, parce qu’aujourd’hui nos compatriotes, réduits à l’état de consommateurs atomisés, ne savent plus qu’il est des choses plus importantes que nos destinées individuelles.

M. Jean Launay, rapporteur pour avis. La transcendance ne suffira pas !

M. Nicolas Dhuicq. Nous sommes dans un État fracturé non seulement économiquement, mais aussi ethniquement. Or que faites-vous face à la situation de la France ? Moins de dépenses, avec la suppression de 34 000 postes dans nos armées, alors que, dans le même temps, vous dépensez 1,8 milliard d’euros supplémentaires pour la contribution de la France à l’Union européenne ! L’Italie et la France sont les derniers États de l’Union européenne à être contributeurs nets ; l’Allemagne, mes chers amis, bénéficie aujourd’hui d’un rabais, tout comme le Danemark, la Grande Bretagne et d’autres. Est-il logique que, dans le même temps – je parlais de la fracture territoriale – vous diminuiez accessoirement de 1,5 milliard d’euros les dotations aux collectivités territoriales ?

Quel est l’état du monde aujourd’hui ? Les États-Unis d’Amérique abandonnent largement l’Europe pour se consacrer à leur lutte monétaire, financière et peut-être à terme militaire avec la Chine. Aujourd’hui, ce grand État qu’est la Chine préempte toutes les matières premières de la zone Pacifique. Et que fait la France ? Elle abandonne la Nouvelle-Calédonie, le Pacifique Sud, car votre seule vision est de faire de notre pays une puissance régionale limitée au bassin méditerranéen – et encore : limitée au seul bassin méditerranéen occidental –, à une partie de l’Afrique, où nous devenons les vélites des États-Unis d’Amérique qui, eux, récupèrent les dividendes de la paix et implantent leurs entreprises pendant que nos soldats meurent au combat.

M. Philippe Meunier. Il a raison !

M. Nicolas Dhuicq. Quel est l’état du monde, mes chers collègues ? C’est un monde violent, chaotique ; or le Livre blanc ne mène aucune réflexion sur les questions fondamentales relatives à ces guerres terribles qui soulèvent le monde musulman entre chiites et sunnites. Personne ne s’émeut des positions de l’émir du Qatar, qui lutte à mort avec l’Arabie saoudite pour la domination du monde sunnite. Aucune réflexion sur ces sujets pointus dans le Livre blanc de la défense nationale, qui frappe une fois de plus par son aboulie et par son atonie !

Que proposez-vous, monsieur le ministre ? Vous proposez une désespérance humaine : 34 000 postes en moins, je l’ai dit ; mille officiers que vous mettrez au chômage car, dans une France où l’économie ne fonctionne pas, vous ne reclasserez pas ces officiers, monsieur le ministre. C’est un gâchis humain terrible !

Vous allez limiter les recrutements alors que certains de nos compatriotes ne parlent pas français chez eux. Les armées sont un facteur d’assimilation et d’intégration majeur : vous l’avez oublié !

Mme Émilienne Poumirol. Alors il ne fallait pas supprimer le service militaire !

M. Nicolas Dhuicq. Au lieu de cela, vous proposez à la jeunesse de France un avenir moribond ! Vous leur proposez des emplois aidés pour seule solution ! Une fois de plus, comme dans les années 1930, vous capitulez devant les pouvoirs de l’argent que vous étiez si prompts à dénoncer pendant la campagne électorale ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous capitulez devant la doxa de Bruxelles ! Vous capitulez tout en nous disant que nous serons la première armée d’Europe ; mais à quoi sert-il d’être un nain au royaume des nabots ?

Mme Émilienne Poumirol. Allez donc chez Le Pen !

M. Nicolas Dhuicq. Il ne restera plus que le Royaume-Uni, avec un désastre humain terrible : la réduction des forces dans ce pays engendre une terrible souffrance psychique chez les soldats de Sa Majesté ! Plus de 17 % des soldats britanniques souffrent d’un stress post-traumatique que nous, Français, appelions névrose de guerre quand nous osions encore parler français, monsieur le ministre !

Voilà le désastre humain terrible que vous préparez ! Qu’allez-vous dire aux ouvriers et aux ingénieurs de nos arsenaux et de nos entreprises qui verront à terme leurs emplois pris par les Allemands de Krauss-Maffei ? Un directeur général de l’armement a osé proposer que l’on vende aux Allemands certaines de nos entreprises pour récupérer des capitaux et se payer des véhicules blindés : que ferions-nous alors dans dix ou vingt ans ?

Ici ou là, déjà, des voix s’élèvent pour réclamer que nous partagions notre siège au Conseil de sécurité des Nations unies avec l’Allemagne et d’autres ou pour supprimer la dissuasion nucléaire. Nous ne nous posons aucune des véritables questions sur la dissuasion.

Première question, à laquelle le Livre blanc ne répond pas : cette dissuasion a été pensée entre Occidentaux, or jamais personne ne s’interroge sur le point de savoir si elle peut continuer à opérer avec des citoyens d’autres nations et d’autres cultures, qui ne sont pas formatés de la même manière que les Occidentaux. Deuxième point : la dissuasion nucléaire repose sur la crédibilité du chef de l’État. Sans crédibilité du chef de l’État, la dissuasion nucléaire n’est pas opérante !

Aujourd’hui, je ne veux pas participer au déclassement de mon pays, je ne veux pas dire à mes enfants que je n’aurai rien fait. C’est pourquoi, avec mes camarades et mes compagnons du groupe UMP, nous voterons résolument contre votre projet de loi délétère, quels que soient vos habillages, par ailleurs habiles ! (« Très bien ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme Émilienne Poumirol. Vos propos sont scandaleux !

Mme la présidente. La parole est à M. Gwendal Rouillard.

M. Gwendal Rouillard. Madame la présidente, monsieur le ministre – cher Jean-Yves –, madame la présidente de la commission, mesdames et messieurs les rapporteurs, ce projet de loi de programmation militaire affirme selon nous l’ambition politique de la France, qui donne son sens à notre droit de veto à l’ONU. Il réaffirme l’autonomie stratégique de la France, en intégrant par exemple la véritable dimension maritime de notre pays. Il précise les missions de nos armées, avec comme fondement le concept de différenciation des forces, que nous approuvons. Il marque notre confiance envers nos militaires et nos civils pour relever les nouveaux défis de la protection de notre pays sur le théâtre extérieur.

Monsieur le ministre, le projet de loi de programmation militaire, qui répond à ces quatre enjeux, et, plus globalement, votre politique de défense permettent de relever plusieurs défis. Au reste, votre volonté politique, que je connais bien, peut être illustrée par un verbe, accélérer, que vous me permettrez de décliner sur plusieurs points.

La France doit d’abord accélérer la production de technologies nouvelles au travers des programmes existants – A400M, MRTT, frégates multi-missions, programme COMSAT, programme SCORPION, etc. –, au travers des programmes du futur – drones, nouvelle génération de sous-marins nucléaires lanceurs d’engins, capacité critique, etc. – et par l’augmentation du budget des études amont, dont je me félicite et dont nous avons largement parlé depuis le début de la discussion.

Il faut également accélérer la mise en synergie dans les territoires. À cet égard, le pacte PME porte ses fruits, en particulier avec le programme RAPID, avec le développement de la cyberdéfense en Bretagne, en particulier le pays de Lorient, et avec le développement de l’aéronautique en Aquitaine – je pense à nos camarades Alain Rousset et Marie Récalde, car j’ai pu visiter, vendredi dernier, à Mérignac, Bordeaux Aéroparc.

Nous devons accélérer le développement international de nos entreprises. Ce projet de loi de programmation militaire comporte d’une certaine manière un risque parce qu’il comprend la capacité de nos entreprises à se développer à l’international. Et je vous invite, chers collègues de l’opposition, à le regarder différemment : c’est surtout pour notre pays un beau défi à relever au Brésil, en Inde, au Qatar, à Abou-Dabi, en Arabie. Au reste, je salue, monsieur le ministre, les beaux contrats que vous avez ramenés récemment, si je puis me permettre cette expression. Le développement à l’international représente un tiers du chiffre d’affaires des entreprises de défense par an, qui s’élève à 16 milliards. C’est pour nous un enjeu très important et je considère que ce projet de loi de programmation militaire participe au renforcement de l’action internationale de nos grands groupes et surtout de nos PME, notamment en favorisant notre capacité à mieux appréhender les transferts de technologie.

Il convient également d’accélérer la mise en œuvre de l’Europe de la défense. Passons de l’Europe puissance, qui ne convainc guère nos partenaires, à l’autonomie stratégique de l’Union européenne. S’agissant des missions, je salue votre volonté de voir l’Union européenne s’impliquer en Afrique, particulièrement au Sahel. Je sais que le Conseil européen des 19 et 20 décembre abordera ce sujet. S’agissant des capacités, je suis heureux de constater que nous progressons enfin sur la voie d’un drone MALE tant attendu par nos armées.

Nous devons accélérer les évolutions au sein de l’OTAN. Dans un contexte de désengagement financier et opérationnel des États-Unis, je forme le vœu que nous puissions approfondir le cheminement de « Berlin plus » qui doit permettre de construire de nouvelles complémentarités entre l’OTAN et l’Union européenne, de continuer à soutenir nos industriels dans la conquête des marchés de l’OTAN – 1 milliard d’euros par an – et de veiller activement – et je sais que ce sera le cas, monsieur le ministre – à la nomination du nouveau Secrétaire général de l’OTAN, qui sera un enjeu très important des mois à venir.

Ce projet de loi de programmation militaire traduit la volonté de la France de rester ambitieuse dans le monde, de disposer d’un outil de défense crédible, de construire des cohérences ; il est le fruit d’une volonté politique que je salue. Je formerai un dernier vœu : que la défense nationale puisse continuer à rassembler les parlementaires que nous sommes et, à travers nous, bien évidemment, l’ensemble des Français et l’ensemble de la nation. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Lefebvre.

M. Frédéric Lefebvre. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le présent projet de loi de programmation militaire est le reflet fidèle du Livre blanc. Il nous est présenté dans un contexte particulier, voire paradoxal puisque, si les menaces sont plus précises, les incertitudes sont plus grandes. On peut, en particulier, citer l’évolution du monde arabo-musulman, la crise économique et la nécessité de maîtriser les finances publiques, la question du leadership américain. Ces questions peuvent inciter les démocraties à baisser la garde.

Dans ces conditions, il importe que la trajectoire des dépenses de défense ne descende pas en dessous de 1,5 % du PIB. Nous devons veiller à ce que ce projet de loi de programmation militaire soit effectivement exécuté, sinon à l’euro près, du moins dans le respect de cette exigence, notamment au cours des deux premières années, qui sont celles qui définissent la trajectoire.

M. Gilbert Le Bris. Très bien !

M. Frédéric Lefebvre. En ce qui concerne le dispositif, permettez-moi de préciser – et j’exprime ici une position personnelle – que ce texte comporte des points positifs.

La politique de défense de la VRépublique n’est pas remise en cause, les alliances demeurent les mêmes ainsi que les priorités, avec un renouvellement de la doctrine sur l’Afrique. Le modèle militaire reste le même – dissuasion, interventions extérieures –, le déclassement est modéré. Si la loi de programmation est appliquée, la France restera, si ce n’est la première, la seconde armée d’Europe et la troisième au sein de l’OTAN. Les orientations retenues garantissent le maintien de notre pays comme membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU. Des efforts louables sont en cours pour développer les drones et la cyberdéfense. Par ailleurs, l’avenir n’est a priori pas sacrifié, les crédits de recherche étant maintenus à hauteur de 700 millions d’euros.

Mais je me dois de souligner que le texte comporte également des points négatifs et des éléments d’inquiétude.

Dans le domaine de l’équipement, en l’absence de choix sur les priorités des programmes, on constate une réduction homothétique de l’ensemble et un étalement coûteux des programmes en cours. Il convient de souligner, et vous le savez monsieur le ministre, que le parc matériel est vieillissant et que son renouvellement n’est pas assuré. Cela peut apparaître inquiétant quand on sait que les véhicules de l’avant blindés engagés au Mali avaient en moyenne trente ans et les Transall cinquante. De plus, les orientations retenues vont entraîner une hausse du coût du maintien opérationnel, notamment du fait des coûts liés à l’entretien de l’existant. Toutes ces questions ont déjà été évoquées longuement ici.

Le taux moyen de disponibilité des équipements de nos armées est inquiétant : 50 % pour les véhicules blindés de l’infanterie, 40 % pour les Transall, 60 % pour les avions de combat, 30 % pour les chars AMX, 50 % pour les frégates. Notre disponibilité en termes d’équipements est donc très faible. Je vous le concède, monsieur le ministre, c’est un phénomène général dans les armées modernes, comme l’atteste la situation de l’armée britannique. Les conséquences sont connues : usure prématurée du matériel, soutien logistique trop centré sur les opérations, mauvaise organisation des chaînes de soutien.

Autre sujet qui ne manque pas d’inquiéter nos armées : la trajectoire prévue par le projet de loi de programmation militaire en termes d’effectifs. Vous le savez, monsieur le ministre, les armées ont consenti depuis 2002 un lourd tribut : 82 000 hommes en dix ans, dont 23 000 hommes entre 2008 et aujourd’hui. Les effectifs de l’armée ont ainsi représenté le quart des effectifs supprimés dans la fonction publique : c’est la défense qui a consenti l’effort le plus important, tous ministères confondus. J’ajoute que les armées subissent les dysfonctionnements du système Louvois pour les soldes. Vous avez annoncé la mise à l’écart de ce système ; les militaires et leurs familles sont très attentifs aux solutions que vous proposerez pour le remplacer.

Je veux par ailleurs souligner que la suppression de la conscription a considérablement affaibli la capacité d’intégration des jeunes issus de milieux défavorisés. Alors que près de 50 % des nouveaux engagés, à qui l’on offre ainsi de vrais emplois d’avenir, proviennent des quartiers, la réduction des effectifs accentuera le déclin de la capacité d’intégration de l’armée. C’est un problème qui se pose à la société française tout entière et qui doit tous nous faire réfléchir.

Ce projet de loi de programmation est également l’occasion de se poser la question de la place et du rôle de la France dans un XXIsiècle caractérisé par une internationalisation poussée à l’extrême dont, j’en suis convaincu, nous ne devons pas avoir peur. La France, puissance moyenne selon certains – je préfère, quant à moi, parler d’une puissance entreprenante –, doit avoir une vision stratégique et développer une vision militaire et économique.

Le rayonnement de notre pays est assuré, je le mesure chaque jour outre-atlantique, par l’immatériel, l’intelligence, l’innovation, la culture, nos savoir-faire. Notre industrie décline, à l’exception de notre industrie de défense et de l’industrie civile qui lui est liée. Nous devons la soutenir et investir dans ce domaine.

La question posée aujourd’hui est donc celle de l’exécution de la loi de programmation militaire. Nous le savons tous, aucune loi de programmation militaire n’a jamais été exécutée parfaitement. Nous savons également que les deux premières années de chaque loi de programmation militaire ont, jusqu’à présent, été exécutées au plus près des orientations fixées par le Parlement.

Lors de la présentation de ce projet de loi, le Président de la République et vous-même, monsieur le ministre, avez déclaré qu’il était souhaitable d’y inscrire une clause de revoyure. L’amendement adopté en ce sens au Sénat, à l’initiative de Jacques Gautier, avec l’assentiment du Gouvernement représente un net progrès. Je m’en suis déjà ouvert à vous en commission, cette disposition mérite d’être complétée, s’agissant du calendrier comme du rôle du Parlement. Par un amendement, je vous proposerai un rendez-vous annuel autre que celui de l’examen du projet de loi de finances, car nous savons bien que ce dernier ne peut être l’occasion d’un débat de fond sur la stratégie de défense et l’exécution de la loi de programmation militaire.

Si cet amendement vous semble trop ambitieux – j’ai cru comprendre en commission que c’était le cas –, j’ai rédigé un amendement de repli qui vise à rendre ce débat obligatoire et indépendant de la discussion du projet de loi de finances, alors que l’alinéa 1 de l’article 4 sexies prévoit que ce rapport « peut » faire l’objet d’un débat au Parlement. Je sais que vous avez bien saisi l’intérêt d’une telle démarche pour notre défense, pour nos armées. Vous avez vous-même annoncé en commission, et cela a été rappelé tout à l’heure par M. Cornut-Gentille, que vous aviez dû batailler dans le cadre du projet de loi de finances rectificative et que cela nous incite à amender le texte qui vient en discussion. Je vous le dis avec solennité, la déconnexion entre le projet de loi de finances et la loi de programmation militaire, y compris dans l’exécution, est vitale pour notre stratégie de défense ; cette péripétie de la loi de finances rectificative en est une nouvelle preuve.

Nous devons être vigilants, car beaucoup de risques pèsent sur l’exécution de la loi de programmation militaire. D’abord, les recettes exceptionnelles seront-elles au rendez-vous ? Ensuite, la hausse des crédits est renvoyée, on le sait, au prochain quinquennat. Enfin, à mon sens ce projet de loi de programmation compte trop sur la réduction des effectifs pour atteindre la maîtrise de la masse salariale. On sait en effet que la réorganisation a toujours un coût, que ce soit dans l’administration ou dans les entreprises.

Pour ce qui concerne l’investissement, le projet de loi de programmation fait le choix d’une limitation volontaire à trois Rafale par an. Mais cette hypothèse ne tient que si l’Inde achète effectivement les Rafale à Dassault : dans le cas contraire, notre pays devra au minimum doubler son investissement.

De manière plus factuelle, la question qu’il convient de se poser, dans le cadre des lois de finances pour 2013 et 2014, est celle des crédits, des gels, des reports de charges. De plus, le projet de loi de finances initial pour 2014 est lapidaire sur les suites de ces gels de crédits et le surcoût des OPEX.

Les incertitudes nous obligent.

Nous devons, droite et gauche, Gouvernement et opposition, nous donner rendez-vous, car c’est l’intérêt national qui est en jeu.

Avant de conclure, je voudrais évoquer le moral des troupes. Il devient préoccupant : les dissolutions de régiments ont accru la mobilité, le manque de moyens se traduit par une baisse du niveau d’entraînement. L’accompagnement des soldats de retour des OPEX, et l’appréhension du phénomène de stress post-traumatique doivent être améliorés. Le taux de militaires diagnostiqués dans l’armée française – 1 % – reste très inférieur à celui qui prévaut dans l’armée américaine – 20 %.

Monsieur le ministre, vous avez déclaré que la levée des tabous et l’accessibilité des services d’écoute permettraient une meilleure connaissance du syndrome, ajoutant que c’était là un service que le ministère devait rendre à ses agents et à leurs proches. Vous avez mis en place un numéro d’appel national, « Écoute Défense », ouvert 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Mais permettez-moi de vous faire part de l’inquiétude exprimée par les militaires et leurs familles après l’annonce, hier, de la réorganisation des services de santé des armées. L’ampleur de la crise d’amaigrissement n’est pas précisée. J’espère que vous pourrez accepter la mise en place du dispositif de suivi que je proposerai par voie d’amendement.

Le général de Gaulle affirmait il y a soixante ans : « La défense ! C’est la première raison d’être de l’État ». J’ai déposé deux amendements majeurs, relatifs à la clause de revoyure, qui devraient nous rassembler ; je déterminerai mon vote en fonction du sort qui leur sera réservé.

Mme la présidente. La parole est à M. Eduardo Rihan Cypel.

M. Eduardo Rihan Cypel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, je suis particulièrement fier de m’exprimer à cette tribune sur le projet de loi de programmation militaire 2014-2019. Membre de la commission du Livre blanc, de la défense et de la sécurité nationale, j’ai participé à l’élaboration de ce texte. Nous avons effectué ainsi un travail important, à la demande du Président de la République.

Le Livre blanc de 2008 était de grande qualité. Il identifiait de manière claire les nouveaux risques, comme ceux provenant du cyberespace. Mais la loi de programmation militaire qui en est sortie, affectée par la réduction générale des politiques publiques, a été en réalité une loi d’austérité pour les armées. Le travail que nous avons effectué a consisté, à partir des éléments particulièrement positifs du Livre blanc de 2008, à dessiner l’armée française du XXIsiècle, afin qu’elle soit la première armée d’Europe, objectif en passe d’être atteint.

Il a fallu faire des choix pour organiser cette défense du XXIsiècle. Elle doit être en mesure de relever de nombreux défis, dans un monde complexe, changeant, tant du point de vue de la géopolitique que des nouvelles technologies.

Je veux évoquer la question cybernétique. Le Livre blanc de 2008 avait déjà identifié la cyberdéfense comme un enjeu majeur pour la souveraineté nationale, en termes de sécurité, mais aussi en termes économiques. Conscient de l’ampleur de cette question, vous avez décidé, monsieur le ministre, d’augmenter les moyens dévolus à la cyberdéfense.

Entre 2014 et 2019, 350 recrutements seront affectés à la cyberdéfense, notamment au sein de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, l’ANSSI, née du Livre blanc de 2008, dont les effectifs seront portés à 500 personnes dès 2015. Pas un jour ne se passe sans qu’une administration, une entreprise, des intérêts français ne soient touchés par une cyberattaque, dont le but peut être de déstabiliser les infrastructures, introduire le cyberespionnage ou favoriser la cybercriminalité.

Vous avez fait les bons choix, en prévoyant également de consacrer 4,4 milliards de fonds courants entre 2014 et 2019 à des travaux de recherche, de technologie, d’innovation, menés par les centres de recherche et par l’industrie. Nous avons en effet été attentifs à préserver l’industrie de la défense, un atout pour le pays, puisqu’elle représente des centaines de milliers d’emplois, en rompant avec certains choix de la LPM précédente, qui menaçaient ces emplois, et en poursuivant les programmes.

Je souhaite que nous puissions nous rassembler sur ces objectifs. Les moyens alloués à la cyberdéfense ne permettent pas seulement de faire face à une attaque par-ci par-là, mais de garantir la souveraineté nationale, en investissant notamment dans les moyens de lutte contre le cyberespionnage, un sujet d’actualité.

C’est un honneur de débattre de ce projet de loi, monsieur le ministre. Nous sommes en train de relever le défi, celui de faire de notre défense la future première armée d’Europe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Grouard.

M. Serge Grouard. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi en préambule de rendre hommage à nos soldats, qui portent avec fierté, partout dans le monde, les trois couleurs de la France.

Des erreurs d’appréciation sont régulièrement commises, mais, pour répétées qu’elles soient, elles ne valent pas vérité. J’ai parlé dans les débats précédents de basculement de la puissance et de déclassement stratégique de la France et de l’Europe. Je persiste et je signe : au début des années 1980, la France consacrait à peu près 3 % de son PIB à l’effort de défense ; ce chiffre est passé en 2010 à 1,5 % ; à l’issue de la loi de programmation militaire telle qu’elle est proposée, il sera de 1,2 %. En l’espace d’une trentaine d’années, l’effort que nous consacrons à la défense aura été divisé par trois.

M. Pierre Lellouche. Exact !

M. Serge Grouard. On se réjouit de voir l’armée française devenir la première armée d’Europe. Cette comparaison n’a guère de sens, tout simplement parce que l’Europe elle-même est en voie de déclassement stratégique. Pour l’année 2012, les États-Unis ont consacré exactement 583 milliards d’euros à leur défense, tandis que l’Union européenne, tous pays confondus, consacrait 181 milliards d’euros à la sienne. Les dépenses chinoises, d’ailleurs, s’approchent des dépenses cumulées de l’Union européenne.

De surcroît, dire de l’armée française qu’elle deviendrait la première armée d’Europe, outre que cela peut être désobligeant pour nos amis européens, est contestable. Pour l’année 2012, et je cite des chiffres extraits des documents du ministère de la défense, la Grande-Bretagne a consacré à sa défense 45 milliards d’euros, l’Allemagne 32 milliards d’euros et la France 31,4 milliards d’euros.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Ce n’est pas comme ainsi que cela se passe !

M. Serge Grouard. Il est vrai que ces chiffres ne peuvent à eux seuls traduire la capacité militaire des pays. L’Allemagne, comme la Grande-Bretagne sont sur la voie de la diminution de leur effort de défense. Je le regrette, mais cela confirme mes propos sur le basculement de la puissance.

Notre collègue Alain Marty en a remarquablement montré les conséquences en termes de capacité opérationnelle et d’intervention. En quelques années, nous passerons d’un format de 30 000 hommes et 75 avions sur une projection dans un conflit de moyenne ou forte intensité à un format de 15 000 hommes et 45 avions, soit moitié moins.

Surtout, et j’en appelle à votre lucidité, mes chers collègues, regardons l’évolution du reste du monde. Si les comparaisons sont parfois critiquables, elles ont le mérite de nous inciter à la réflexion. En 2012, le Japon, dont on dit qu’il n’a pas de défense, lui a consacré 51 milliards de dollars. La Corée du Sud, un pays en développement dont la population est comparable à celle de la France, possède 500 avions de combat. À l’issue de la LPM, en dépit d’une légère hausse que nous espérons, nous en aurons 215 !

M. Alain Rousset. Ce n’est pas la même situation !

M. Serge Grouard. Je suis d’accord pour dire que la qualité de nos avions permet de compenser une relative faiblesse numérique. Mais tout de même, l’armée de terre de la Corée du Sud comptabilise 500 000 hommes, alors que les effectifs de l’armée de terre française atteindront à peine 100 000 hommes !

M. Nicolas Bays. Le contexte géopolitique est bien différent !

M. Serge Grouard. Telle est la réalité, il faut la regarder avec lucidité. Ces tendances reflètent de manière plus générale le basculement de la puissance vers l’Asie, au détriment, peut-être pour la première fois dans l’histoire du monde, de l’Europe et de l’ensemble du monde occidental.

Par ailleurs, je voudrais rétablir quelques inexactitudes concernant la loi de programmation militaire précédente. L’on dit et répète qu’elle n’a pas été véritablement appliquée. Je me suis permis de reprendre les chiffres cités par M. Jean-Louis Carrère, président de la commission de la défense du Sénat et éminent membre du parti socialiste, que l’on ne peut donc taxer de partialité : entre 2009 et 2012, le montant de la loi de programmation était de 128,67 milliards d’euros, avec un écart par rapport à la tendance initiale de 3,92 milliards, soit 3,22 %. La LPM a donc été exécutée à 96 %. En 2013, cet écart, par rapport non pas à la révision de 2010 mais à la tendance initiale – que je retiens pour être le plus objectif possible – est de 1,84 milliard d’euros.

Il faut donc cesser d’accréditer l’idée fausse selon laquelle tout allait mal précédemment et qu’aujourd’hui, tout serait formidable. Mais ce n’est pas votre propos, monsieur le ministre.

M. Nicolas Bays. Et Louvois, ça n’a jamais existé ?

M. Serge Grouard. Si vous contestez ces chiffres, dites-le moi, je suis à votre disposition.

D’ailleurs, monsieur le ministre, vous avez trouvé une armée en bon état et opérationnelle, comme en témoignent les récentes opérations Serval et Harmattan, même si celles-ci souffraient d’un certain nombre de points faibles que nous connaissons bien.

Votre projet de loi de programmation prévoit un effort de 190 milliards d’euros courants, revalorisé à mi-parcours. Vous l’aurez compris, nous n’y croyons guère, d’autant que les trois conditions que chacun s’est plu à rappeler – une bonne entrée dans la loi de programmation militaire, des recettes exceptionnelles et des exportations satisfaisantes – sont quasiment impossibles à réunir. Les exportations, que nous avons le devoir de soutenir, et que nous soutenons, sont bien parties mais elles ne sont pas encore totalement assurées.

Il en résulte une baisse des effectifs – 34 000 si l’on ajoute 10 000 aux 24 000 –, et, comme toujours depuis trente ans, des étalements, des retards de programme voire des baisses de cible. Marianne Dubois s’est ainsi inquiétée de l’A400M. Nous devrions en recevoir quinze d’ici à la fin de la loi de programmation militaire sur les cinquante prévus et il en restera donc trente-cinq à acquérir.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Quinze, ce n’est déjà pas si mal !

M. Serge Grouard. Enfin, il faudra répondre à un certain nombre de problèmes, concernant notamment les radars – mais je n’en dirai pas plus, monsieur le ministre, car vous connaissez la situation.

S’agissant du moral des troupes, la solution était simple : le renouvellement urbain, dont il a d’ailleurs été question tout à l’heure, devait intégrer le casernement militaire. Cela n’aurait été que justice pour nos soldats qui ne gagnent pas des mille et des cents et qui sont éligibles au logement social ! Je ne comprends pas ce refus du Gouvernement alors que la mesure n’aurait pas eu de conséquences sur les crédits qui s’en seraient au contraire trouvés confortés. J’espère qu’il sera encore possible de revenir sur cette décision.

L’alternative est difficile mais possible, à condition de faire une pause dans la déflation des effectifs le temps de stabiliser la situation. Nos militaires ont déjà fait beaucoup d’efforts depuis dix, quinze ou vingt ans : ils sont les meilleurs de la classe ! Il n’est pas normal que les meilleurs de la classe soient toujours pénalisés alors qu’il n’en va pas de même dans les autres administrations de l’État. Si encore la réduction des effectifs concernait tout le monde ! Mais ce n’est pas le cas et ce n’est pas juste.

M. Pierre Lellouche. C’est même dangereux !

M. Serge Grouard. Exactement, monsieur Lellouche. L’on aurait pu maintenir, non pas en euros courants mais en euros constants, le budget de la défense de notre pays. Cela aurait été un effort mais aussi un choix politique. Il aurait fallu pour cela créer les conditions fondamentales pour constituer les bases d’une véritable Europe de la défense, plus que jamais nécessaire car chacun de nos pays, pris isolément, ne pèsera plus rien à l’échelle du monde. Nous devons réunir nos forces pour continuer à compter sur la scène internationale.

Dans les années 1930, la France a été aveugle. C’est aujourd’hui l’Europe tout entière qui l’est. Quelques-uns d’entre nous qui portent encore une ambition pour la France ont le devoir d’alerter, de nous placer face à nos responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Rousset.

M. Nicolas Bays. L’excellent président Rousset !

M. Alain Rousset. Je voudrais tout d’abord saluer et féliciter le ministre. Chacun sait les liens qui m’attachent à lui mais, pour avoir connu plusieurs ministres de la défense – je ne les nommerai pas –, je pense que nous serons tous d’accord, mes chers collègues, pour rendre hommage à sa disponibilité pour les parlementaires et pour les forces, notamment lors de son déplacement au Mali en zone dangereuse, ainsi qu’à la bataille qu’il a menée pour le maintien du budget de la défense. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Pierre Lellouche. Il a été meilleur au Mali !

M. Alain Rousset. Je voudrais plus particulièrement insister sur les aspects industriels, non pas simplement pour critiquer mais pour approfondir la réflexion, dans le monde contraint qui est le nôtre, dans une opérationnalité différente. L’on ne saurait comparer, comme je l’ai entendu, la France à la Corée puisque nous sommes dans des dispositifs d’alliances ; ce serait incompréhensible.

Je commencerai par un sujet qui me tient particulièrement à cœur – le ministre le sait –, le maintien en condition opérationnelle – MCO –, qui est essentiel mais coûte de plus en plus cher. Nous pouvons le constater en Aquitaine, à Toulon ou en Bretagne, ce secteur devient une filière industrielle à part entière. Je vous propose que nous travaillions sur ce sujet, afin de baisser les coûts et de créer un écosystème de maintenance, constitué des grands groupes constructeurs, de nos services industriels de maintenance – AIA ou autres arsenaux – et de nos établissements publics industriels, en donnant à ces derniers la souplesse nécessaire pour développer des réseaux de PME sur les territoires. Pour l’avoir expérimenté en Aquitaine avec l’arrivée de la SIMMAD, je peux vous assurer que les résultats sont intéressants et que la disponibilité du matériel, en dehors de l’exemple du C130, est assurée.

Par ailleurs, il faut être attentif, monsieur le ministre, au cahier des charges du matériel que l’on commande. En comparaison des États-Unis, nos cahiers des charges sont trop sophistiqués sur nos matériels et le coût de la maintenance est énorme. Nous devons préférer la robustesse à la sophistication.

Autre réflexion sur l’innovation et les enjeux technologiques. Nous savons le prix d’un déclassement technologique, même si je ne connais pas, pour le moment, de zones qui seraient concernées. Vous avez rattrapé notre retard opérationnel en achetant « sur étagère » des drones MALE. Beaucoup d’entre nous auraient préféré qu’un consortium industriel soit constitué. Attention aux drones tactiques ! Nous avons du matériel franco-anglais, le watchkeeper ; je me permets de citer cet exemple, et je ne comprends pas certaines réflexions qu’un collègue du Sénat, qui vient pourtant de Gironde, vous a faites visant à nous retarder dans ce domaine.

Nous avons besoin de drones tactiques : nous en avons dans les écrans radars, nous en avons équipé les plates-formes. Nous devons aller de l’avant, car il s’agit d’un enjeu industriel, opérationnel et technologique.

Pour ce qui est des PME, vous avez relancé la dynamique. Nous avons en Aquitaine, mais aussi en Bretagne ou en Midi-Pyrénées, la chance extraordinaire d’avoir des PME duales. Confortons, comme les grands groupes, cette dualité. Poursuivons les bourses de thèse, étendons la contractualisation avec les régions. L’innovation se trouve d’abord au sein des PME. Il en est du monde de la santé comme du domaine technologique militaire. Vous avez inauguré l’année dernière un salon Forces spéciales-PME, extraordinairement performant en ce domaine.

Nous avons tout de même une condition à remplir : que vous organisiez une meilleure relation entre le grand groupe et son réseau de sous-traitance. La sous-traitance est trop émiettée et nous manquons d’entreprises de taille intermédiaire. En la matière, la puissance industrielle du ministère de la défense serait intéressante.

Deux points, enfin, quant à la dissuasion. Je crois que l’Assemblée partage la nécessité de la deuxième composante. L’historien Jean-Noël Jeanneney, dans son ouvrage sur la commémoration de 1914, considère que cette deuxième composante permet à la diplomatie d’éviter de basculer dans la guerre. Regardons l’enchaînement des faits en 1914 à partir de l’attentat de Sarajevo. En la matière aussi, nous avons besoin d’une vigilance technologique. Un essai du M51 s’est soldé par un échec, cela peut arriver.

Un dernier mot sur les années 1930, puisqu’elles ont été évoquées à deux reprises. J’ai passé beaucoup de temps à consulter les archives de la bibliothèque de l’Assemblée nationale pour approfondir des recherches sur le Conseil national de défense, présidé par un homme de gauche très célèbre, le maréchal Pétain. Je vous conseille de vous y replonger, chers collègues de l’opposition : vous verrez qui, de la gauche ou de la droite, a essayé de réarmer la France dans les années 1930 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Pierre Lellouche. Ce n’est pas la droite qui a voté les pleins pouvoirs !

M. Philippe Meunier. C’est honteux !

M. Eduardo Rihan Cypel. Relisez l’Histoire !

Mme la présidente. La parole est à Mme Edith Gueugneau et à elle seule, mes chers collègues.

Mme Edith Gueugneau. Monsieur le ministre, beaucoup de mes collègues – et je tiens à me joindre avec sincérité à leurs propos – ont souligné le tour de force réalisé par ce projet de loi de programmation militaire aussi réaliste qu’ambitieux, tour de force auquel vous n’êtes pas étranger.

Parmi les grands enjeux que recouvre ce texte, l’un d’entre eux a, pour moi, une résonance toute particulière. Garante de notre autonomie stratégique, notre industrie de défense incarne l’excellence de nos savoir-faire industriels, avec 20 000 femmes et hommes occupant des emplois hautement qualifiés ; la diversité de ses activités la place parmi les premières sur les marchés mondiaux, de l’aéronautique au nucléaire en passant par l’espace. Elle est un atout considérable pour notre compétitivité, comme en témoignent des chiffres que beaucoup de pays nous envient : 4 000 entreprises, 165 000 emplois, près de 15 milliards d’euros de chiffre d’affaires et une exportation qui représente un tiers de la production.

Cette dynamique économique irrigue aujourd’hui nos territoires, grâce à ces fleurons que nous connaissons tous – EADS, Dassault, Safran, Nexter, MDBA – et aux PME et entreprises de taille intermédiaire dans l’industrie de défense, implantées sur nos territoires. Dans ma circonscription, l’entreprise Amefo, spécialisée dans le blindage en conception et en fabrication, sous-traitant de Nexter, incarne ce savoir-faire et cette très grande qualité qui participe de notre industrie de défense.

En écho au Livre blanc de la défense, le Président de la République a justement souligné la nécessaire prise en compte de l’impératif industriel. Ce projet de loi de programmation militaire la traduit bien : les industriels la reconnaissent comme la meilleure au vu de nos contraintes budgétaires et les spécialistes s’accordent à reconnaître que l’armée française sera, en 2019, la première armée d’Europe.

Comment ? Par l’engagement de plus de 102 milliards d’euros, soit un budget annuel de 17 milliards d’euros courants, qui permettront de préserver l’ensemble de nos programmes d’équipement, d’assurer tous nos secteurs industriels, mais aussi de lancer de nouvelles commandes, comme celle du très attendu Airbus MRTT ou encore du sous-marin Barracuda.

Les principaux programmes d’équipement réalisés en coopération européenne – A400M, Frégates multimissions, TIGRE, notamment – sont préservés, et de nouveaux seront même lancés, comme les missiles anti-navires légers.

Enfin, il serait impossible d’évoquer l’avenir de nos équipements sans mentionner la politique globale d’acquisition des drones prévue par cette LPM.

L’attachement à notre industrie de défense, qui se traduit dans cette LPM, se retrouve également dans la très grande attention portée aux PME et ETI. Cette attention, c’est le pacte défense PME, dont vous avez présenté, monsieur le ministre, un premier bilan pas plus tard que la semaine dernière, dans les locaux de l’école Polytechnique.

Même si vous inscrivez votre action en faveur des PME et des ETI dans la durée, ce pacte a déjà porté ses fruits. C’est une nouvelle manière de travailler. Vous l’avez dit jeudi dernier : « Aujourd’hui, le ministère de la défense pense PME ».

Cette attention systématique portée aux PME dans la commande publique a permis à des sociétés de décrocher des appels d’offres qu’elles n’auraient pas obtenus sans le pacte. C’est la consolidation du vivier de fournisseurs, avec 3 500 nouvelles PME inscrites, et l’attribution prioritaire des contrats de moins de 15 000 euros. C’est aussi l’attribution de certificats de bonne exécution qui permettent aux PME de conquérir de nouveaux marchés, notamment à l’international. C’est enfin la proximité et l’écoute de notre tissu de PME-ETI, avec la mise en place de 23 pôles régionaux à l’économie de défense.

Pour soutenir les PME, la LPM favorise aussi l’innovation. Dans un contexte budgétaire contraint, 4,4 milliards d’euros courants sont attribués aux laboratoires et à l’industrie pour conduire des travaux de recherche technologique, soit une moyenne de 730 millions d’euros par an pour les études amont. Si l’on y ajoute la R

Mme la présidente. La parole est à M. Sylvain Berrios.

M. Sylvain Berrios. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de programmation militaire soumise à l’examen du Parlement fixe les grandes orientations de défense pour les cinq prochaines années en matière stratégique, budgétaire, politique et industrielle, pour un montant total de 190 milliards d’euros. Or, le contenu de cette LPM suscite dès à présent bien des inquiétudes. Sa trajectoire financière repose en partie sur un financement aléatoire issu de recettes exceptionnelles très incertaines de près de 6,6 milliards d’euros, que le Gouvernement, par essence, ne peut garantir.

Par ailleurs, les taux de disponibilité de nos matériels sont alarmants : 49 % pour les matériels terrestres, 45 % pour les hélicoptères de manœuvre, 56 % pour les frégates, 30 % pour le porte-avions, 50 % pour les Rafale Marine et 60 % pour les avions de l’armée de l’air. Pour la seule maintenance du parc aérien, le déficit est estimé à un milliard d’euros !

Dans l’armée de terre, les réserves de munitions sont si faibles que des exercices d’entraînement, pourtant indispensables, sont purement et simplement supprimés ! Ajoutons-y la sous-estimation du coût des futures OPEX et le gel des reports, et l’on constate de réels motifs d’inquiétude.

M. Jean Launay, rapporteur pour avis. Non, vous n’avez pas compris le dispositif financier des OPEX !

M. Sylvain Berrios. Cette LPM recèle donc originellement une insincérité coupable.

M. Jean Launay, rapporteur pour avis. Répéter des erreurs ne donne pas raison !

M. Sylvain Berrios. On l’a dit et redit sur tous les bancs : le ministère de la défense est celui qui a fait le plus d’efforts ces vingt-cinq dernières années, pour se restructurer sans rien abandonner de ses missions stratégiques, pour répondre à la contrainte budgétaire sans obérer ses capacités opérationnelles. À cet égard, il faut rendre hommage aux personnels civils et militaires pour leur action en ce sens.

Pourtant, nous devrions savoir tirer les enseignements du passé et de notre histoire, comme on vient de le dire. Lorsque des gouvernements ont renoncé à moderniser nos armées, de grandes désillusions sont venues nous rappeler à nos devoirs. Aujourd’hui, le monde change, les menaces qui pèsent sur nous évoluent et les technologies révolutionnent l’armement. La guerre dans le Sahel qui s’annonce incertaine et longue, la lutte contre le terrorisme, la guerre du renseignement et les cyberattaques, les risques de conflits aux frontières de l’Europe, les menaces sur l’approvisionnement en matières premières et sur nos intérêts industriels et économiques sont autant d’exemples qui montrent que nos besoins sont grands et divers. Les transformations liées à la fin de la guerre froide – par exemple le rééquilibrage de la politique américaine vers l’Asie – et l’émergence d’un terrorisme international n’ont pas encore de traductions totalement satisfaisantes dans notre doctrine et dans nos choix stratégiques.

Cela étant, l’une de nos plus fortes inquiétudes porte sur l’autorité de l’engagement pris par le Président de la République le 14 juillet dernier de sanctuariser le budget de la défense. En effet, malgré cet engagement, monsieur le ministre, vous vous trouvez aujourd’hui dans l’obligation de présenter un amendement dit de « sécurisation des investissements » pour vous mettre à l’abri de Bercy.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Il porte sur 2013 !

M. Sylvain Berrios. Certes, mais les conséquences s’en feront sentir sur la suite. Que peut-on en déduire de l’autorité du Président de la République, et même de celle du ministre si, pour vous prémunir de Bercy, vous êtes contraints d’en passer par un amendement de « sécurisation » dont, par ailleurs, on mesure mal la portée ? Cela démontre malheureusement que certains, y compris les membres les plus puissants du Gouvernement, considèrent encore nos armées comme une variable d’ajustement budgétaire.

M. François André. « Encore » ?

M. Sylvain Berrios. Si des programmes d’armements venaient à être sacrifiés, les conséquences sur notre industrie de défense seraient dramatiques en termes d’emplois et de croissance. L’ensemble de la filière représente en effet 165 000 emplois, et un euro investi dans l’industrie de défense en rapporte trois au PIB national. II convient donc de respecter nos engagements vis-à-vis de ces industriels et de nos armées.

Nous avons besoin d’un matériel technologiquement performant. Nous devons en finir avec nos carences capacitaires dans le transport stratégique et améliorer la maintenance de nos matériels.

Nous devons en terminer avec les baisses d’effectifs, qui ne sont plus tenables. Il faut donc aller au terme de la déflation proposée dans la précédente LPM et nous en tenir là. La révision générale des politiques publiques conjuguait le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux avec des réformes structurelles et une redistribution des économies en faveur de l’effort d’investissement. La LPM, quant à elle, dessine le non-remplacement de trois fonctionnaires sur quatre : voilà la réalité !

L’idée du désarmement défendue par une partie de la majorité – je pense notamment aux écologistes – doit être combattue à tout prix. Nos besoins sont certes coûteux, mais ils sont vitaux pour notre capacité à rester libres de notre destin. C’est une question de volonté politique, de respect vis-à-vis de l’ensemble des femmes et des hommes qui défendent ce pays au péril de leurs vies, et aussi de respect vis-à-vis de tous ceux qui sont tombés au combat pour que vive notre nation.

Enfin, pour répondre à la conclusion polémique de M. Rousset, permettez-moi de vous livrer cette réflexion inspirée du général de Gaulle : à aucun prix, le peuple français ne doit sombrer dans l’illusion que l’immobilité militaire actuelle serait conforme au caractère des guerres futures. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Bays.

M. Nicolas Bays. Madame la présidente, chers collègues, je tiens avant toute chose à saluer le travail accompli par M. le ministre et ses équipes afin d’élaborer ce projet de loi de programmation militaire, ainsi que le travail réalisé en amont par la commission du Livre blanc à laquelle nos collègues Patricia Adam, Eduardo Ryhan Cipel et Christophe Guilloteau représentaient l’Assemblée nationale. C’est grâce à ces travaux que nous examinons aujourd’hui un texte équilibré qui fixe des priorités opérationnelles réalistes pour nos armées.

À l’heure où beaucoup de pays européens réalisent d’importantes coupes budgétaires dans leurs crédits de défense et où plusieurs d’entre eux risquent de perdre certaines capacités opérationnelles mais également leurs capacités industrielles nationales, affaiblissant ainsi les capacités de défense globalisées du territoire européen, la France, quant à elle, maintient son appareil militaire en l’état et affirme, via cette LPM, sa volonté de demeurer une grande puissance, une puissance qui pèse et pèsera sur la scène internationale, capable d’intervenir seule sur un théâtre d’opération.

En matière de diplomatie, on a coutume de dire qu’un pouvoir perçu est un pouvoir reconnu. C’est pour cela, monsieur le ministre, que vous avez eu à cœur d’assurer notre maintien capacitaire. On peut aujourd’hui compter sur les doigts d’une main les armées qui, dans le monde, sont capables d’intervenir seules et de manière aussi efficace, professionnelle et complète que la nôtre. Aussi, en dépit des critiques, le texte présenté aujourd’hui est-il le meilleur auquel notre défense puisse prétendre en cette période de crise globalisée.

M. Pierre Lellouche. Mais non ! Vous n’en pensez pas un mot !

M. Nicolas Bays. Je le disais, la LPM que nous discutons est réaliste et volontaire et cela mérite, me semble-t-il, d’être souligné sur l’ensemble de nos bancs. À ceux qui incriminent le manque d’ambition de la LPM pour 2014-2019 et qui crient au déclassement stratégique de la France, je veux répondre que j’ai pour habitude de préférer les actions modestes aux grandes promesses. Vous êtes breton, monsieur le ministre, et non ch’ti – on ne peut pas avoir toutes les qualités. (Sourires.) Vous comprendrez sûrement cette phrase : « Mieux vaut un tiot faiseux qu’un grand diseux ! »

M. Pierre Lellouche. Ce n’est pas avec des phrases comme celle-ci que l’on gagne les guerres !

M. Nicolas Bays. Une bonne LPM est avant tout une LPM dont on peut honorer tous les engagements. L’existence d’une forte contrainte financière, aggravée par la précédente majorité, était une donnée d’entrée dont il aurait été irresponsable de ne pas tenir compte la part du Gouvernement. Aucun pays au monde ne peut se targuer de construire sa défense de manière abstraite et sans égard pour les moyens effectivement disponibles. À ce sujet, rappelons simplement que le Gouvernement précédent a enregistré un décalage de trois milliards d’euros entre les prévisions de la LPM pour 2008-2013 et le bilan constaté.

En 2008, compte tenu du changement radical de contexte économique et financier, le courage politique aurait peut-être commandé de redresser la trajectoire du ministère et de renégocier à la baisse les objectifs industriels et capacitaires.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Eh oui !

M. Nicolas Bays. Vous nous avez affirmé, monsieur le ministre, que tous les engagements inscrits dans cette LPM seraient tenus. Beau joueur, vous tiendrez même certains engagements pris mais non tenus par la précédente majorité.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Exact !

M. Jean-François Lamour. Vous voulez rire ?

M. Nicolas Bays. Je sais l’attachement que vous portez à notre industrie de défense, une industrie d’excellence qui pourvoit des centaines de milliers d’emplois directs et indirects sur l’ensemble de notre territoire. Je partage cet attachement tout comme nos collègues, particulièrement le président Rousset. Aussi est-ce avec une immense satisfaction que je constate que le texte que nous discutons, loin d’affaiblir le potentiel industriel français en matière de défense, le préserve et le renforce.

M. Pierre Lellouche. Changez de lunettes !

M. Nicolas Bays. Il le préserve grâce à une augmentation manifeste de notre budget d’équipement, qui passera de 16,4 milliards d’euros à 18,2 milliards entre 2014 et 2018, soit un rythme plus rapide que celui de l’inflation. Il le renforce grâce à une augmentation des crédits de recherche amont qui permet de financer l’activité de recherche de nos industriels.

Pour conclure, je tiens à aborder un sujet plus spécifique qui me tient particulièrement à cœur : la réserve.

Étant moi-même commandant de réserve opérationnelle au CRRFR de Lille (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. François André. Respect !

M. Nicolas Bays. … et ayant participé dernièrement avec d’autres camarades réservistes à l’exercice « Steadfast Jazz » de l’OTAN qui a eu lieu pendant trois semaines à Drawsko, en Pologne,…

M. Philippe Meunier. Le pauvre !

M. Nicolas Bays. …j’ai pu me réjouir de l’importance accordée aux réserves opérationnelle et citoyenne, d’abord dans le Livre blanc puis dans cette LPM.

Le fait qu’il soit mentionné dans le rapport annexé que les réserves constituent une partie intégrante du nouveau modèle d’armée traduit une double intention de la part du Gouvernement. D’une part, il réaffirme l’appui indispensable qu’elles représentent pour nos forces armées, car elles sont un complément de force qui, avec la professionnalisation, est devenu essentiel et stratégique. D’autre part, il souligne leur rôle prépondérant dans la construction du lien entre l’armée et la nation, dont il rappelle à quel point il est important de le maintenir et de le nourrir. C’est ce lien qui fait que les Français aiment et soutiennent leur armée, même s’il a, hélas ! été détendu avec la fin de la conscription.

Il existe aujourd’hui deux catégories de personnel dans la réserve opérationnelle : les anciens militaires qui, par ce biais, continuent d’apporter savoir-faire et expérience, et les jeunes, salariés ou étudiants qui, dans cet engagement, trouvent un moyen de marquer leur attachement à l’armée de la République tout en se réalisant.

Toutefois, je n’ai pu que constater ces dernières années la diminution continue de la part du budget allouée à la réserve opérationnelle : 78 millions en 2010, 74 millions en 2011 et 71 millions en 2012. Cette amputation entraîne des conséquences négatives sur la formation et l’entraînement de nos réservistes, alors même que ces derniers se voient parfois confier les mêmes missions que les militaires d’active.

Le Livre blanc préconise un renforcement du rôle des réserves militaires pour les quinze années à venir. Je sais tout l’attachement que vous portez à ce renforcement. Vous êtes et vous serez, j’en suis convaincu, le ministre des réservistes ! À vos côtés, je serai vigilant afin que, comme le précise le rapport annexé à la LPM, les budgets consacrés à la réserve soient stables, voire en hausse, pour assurer la formation et l’entraînement des réservistes, mais aussi pour franchir une nouvelle étape en augmentant leur nombre. Mes camarades et moi-même comptons sur vous, monsieur le ministre, pour relever ce défi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Joaquim Pueyo.

M. Joaquim Pueyo. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à la veille du Conseil européen de décembre qui sera consacré aux questions de défense, j’aimerais mettre en perspective ce projet de loi de programmation militaire à l’échelle de l’Union européenne, c’est-à-dire établir une comparaison sommaire, mais probante, avec les trajectoires adoptées par nos principaux voisins.

Sur le plan du dimensionnement, si notre effort de dépense nous placera, à l’issue de cette LPM, à la deuxième place derrière le Royaume-Uni – 32,5 milliards, contre 50,4 milliards –, les forces françaises seront les plus nombreuses d’Europe, avec 187 000 militaires, contre 185 000 en Allemagne et 145 000 au Royaume-Uni. La priorité donnée à la préparation opérationnelle, l’expérience des déploiements en OPEX ainsi que le spectre de compétences le plus large d’Europe confirment l’excellence du niveau d’entraînement de nos forces.

Sur le plan capacitaire, les forces françaises seront les seules, aux côtés des forces britanniques, à vouloir et à pouvoir remplir, en permanence et simultanément, des missions de protection, de dissuasion nucléaire et d’intervention. La France demeure le seul pays d’Europe disposant d’une dissuasion nucléaire souveraine, moderne et à deux composantes. Son contrat opérationnel d’intervention extérieure sera ainsi l’un des plus ambitieux d’Europe.

Quand de nombreux États européens, nous le savons tous ici, ont réduit leur effort de défense en sacrifiant une ou plusieurs capacités – la capacité blindée, pour les Pays-Bas, par exemple, mais d’autres pays y pensent, comme la Suède –, en France, grâce à vous, monsieur le ministre, nous avons décidé de refuser ces abandons.

De plus, cette LPM fait résolument le choix de l’autonomie stratégique. Les capacités clés sont préservées et renforcées par les technologies de pointe. D’importants crédits, supérieurs depuis 2009 à ceux du Royaume-Uni, sont ainsi consacrés aux équipements, notamment le sous-marin nucléaire d’attaque, qui peut faire partie intégrante du groupe aéronaval, le satellite Helios, le drone MALE, l’avion Rafale, les chars lourds, les hélicoptères de combat, l’avion A400M, et l’avion de ravitaillement MRTT. Tous ces outils performants sont développés par une industrie de défense de premier plan. Grands groupes d’envergure internationale ou PME structurées en réseau, tous investissent considérablement dans la recherche et le développement, conférant une fois de plus à la France un premier rang européen.

Ainsi, cette LPM nous donne les moyens de nos ambitions internationales. La présence militaire de la France dans le monde est unique au niveau européen, il faut le reconnaître, notamment grâce aux territoires ultramarins, mais aussi aux bases de défense étrangères. Ce sont ces postes avancés qui donnent à nos forces une agilité et une réactivité exceptionnelles.

Les récentes opérations conduites en Libye et au Mali traduisent cette volonté d’assumer nos responsabilités internationales, alors que l’Europe réduit globalement son effort de défense. J’ai d’ailleurs déposé un amendement au rapport annexé, visant à prendre en compte cet effort particulier de notre pays au sein de l’Union européenne. Cet amendement reprend la proposition 23 de la résolution européenne pour la relance de l’Europe de la défense, adoptée à l’unanimité par les commissions de la défense nationale et des affaires européennes. Je souhaite qu’une part des crédits affectés par certains États à la sécurité de l’Europe ne soit pas prise en compte dans le calcul des déficits budgétaires des États, plafonnés à 3 % – je sais, monsieur le ministre, que ce sera difficile. À défaut, je propose que soit étendu le mécanisme européen Athena, qui permet le financement en commun d’une partie des dépenses relatives à des opérations militaires menées dans le cadre de l’Union européenne.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Ça me va !

M. Joaquim Pueyo. Cette position, loin d’être un vœu pieux, est un engagement fort pour la relance de l’Europe de la défense, qui permet d’aller au-delà des réussites des coopérations industrielles que je viens de citer.

Enfin, le texte que nous examinons renouvelle la volonté de voir la France jouer un rôle moteur au sein de l’Union européenne, mais aussi de l’OTAN. D’ailleurs, je signale que notre pays était le premier » contributeur – avec 1 200 Français sur 6 000 hommes déployés, dont un prestigieux commandant, également député – lors de l’exercice « Steadfast Jazz », qui a eu lieu en Pologne, le 7 novembre dernier.

Le projet de loi de programmation militaire conforte les capacités d’initiative, d’influence et d’entraînement de notre pays à l’horizon 2020, notamment vis-à-vis de ses partenaires européens.

En conclusion, par le nombre et l’excellence de nos militaires, par l’importance du budget consacré à la défense malgré les contraintes budgétaires, par les capacités renforcées et le choix de l’autonomie stratégique qu’elle confirme, enfin par le rôle moteur au sein de l’Union européenne et la place qu’elle pourra ainsi tenir dans le monde, nous pouvons affirmer que la France sera la première puissance militaire de l’Union européenne. Cette perspective doit conduire tous les députés à voter ce projet de loi de programmation militaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Lamour.

M. Jean-François Lamour. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui d’un projet de loi de programmation militaire censée fixer les moyens de notre défense pour les cinq prochaines années. Je dis bien « censée », monsieur le ministre parce qu’en réalité, malgré ce texte, l’armée française n’est toujours pas fixée sur son sort.

Nous pouvons craindre en effet que les 190 milliards d’euros qui lui ont été promis sur cinq ans rétréciront, budget après budget, quitte à mettre à mal la cohérence de notre outil militaire. Car, nous le savons, si un seul euro fait défaut en 2019 par rapport aux engagements pris solennellement par le Président de la République et renouvelés par la majorité dans cet hémicycle – je reprends vos propos, monsieur le ministre –, alors, la défense sera dans l’incapacité, à moyen et long terme, d’affronter les défis qui l’attendent.

Or je vous le dis, chers collègues socialistes, vous vous apprêtez à voter un texte qui est loin d’être intégralement financé. D’une part, le ministère de la défense n’échappera pas aux annulations et gels de crédits dans le cadre des futurs collectifs budgétaires.

M. Jean Launay, rapporteur pour avis. On se battra !

M. Jean-François Lamour. Je rappelle que le projet de loi de finances rectificative de fin d’année – que nous sommes en train de discuter – prévoit d’ores et déjà 650 millions d’euros d’annulations de crédits, dont vous nous annoncez, monsieur le ministre, sans trop y croire vous-même, la compensation.

D’autre part, nous avons toutes les raisons de craindre que les ressources exceptionnelles, sur lesquelles repose plus de 3 % du budget de la défense pour les cinq prochaines années, ne seront pas au rendez-vous. À titre de comparaison, la précédente loi de programmation, qui, elle non plus, je le reconnais, n’a pas été exécutée en totalité, reposait pour 1 % seulement sur des ressources exceptionnelles. La défense subit donc une débudgétisation particulièrement sensible de ses moyens, qui met en péril l’exécution annuelle de ses crédits.

Pour préciser les choses – car c’est là le nœud de l’opérabilité de ce texte –, le rapport annexé au projet de loi de programmation prévoit cinq types de ressources exceptionnelles : le produit de cession d’emprises immobilières du ministère de la défense ; un nouveau plan d’investissement d’avenir ; les cessions de fréquences ; les redevances dues par les opérateurs pour les fréquences déjà cédées ; le produit de cessions additionnelles, autrement dit la vente des « bijoux de famille ».

Or, monsieur le ministre, si l’on fait l’effort d’examiner attentivement et une par une ces ressources, on voit bien que le compte n’y est pas. Si, pour 2014, je le reconnais, le PIA est au rendez-vous, à hauteur de 1,5 milliard d’euros, auxquels s’ajoutent les 200 millions d’euros de cessions immobilières, c’est le flou complet pour les exercices 2015 et 2016.

Comment, en effet, pouvons-nous raisonnablement espérer atteindre respectivement 1,77 et 1,25 milliard d’euros de ressources exceptionnelles pour ces deux exercices, c’est-à-dire 5,6, puis 4 % des moyens globaux de la défense sur chacune de ces deux années, alors que nous savons premièrement, que le produit de cession d’emprises immobilières représentera au mieux 200 millions d’euros par an – vous l’avez confirmé lors de votre audition en commission –, deuxièmement, que le programme d’investissement d’avenir sera sollicité uniquement pour l’exercice 2014 et enfin, que le produit de la vente aux enchères de fréquences hertziennes n’est pas attendu avant fin 2016 ou début 2017, dans le meilleur des cas ? Il y a là, monsieur le ministre, un gap vous êtes dans l’incapacité de combler.

Le Gouvernement nous explique sans plus de précisions que si ces ressources exceptionnelles n’étaient pas au rendez-vous, d’autres recettes seraient mobilisées. Mais cette option n’est pas crédible, alors même que l’on s’apprête à ponctionner la défense de plus d’un demi-milliard d’euros pour renflouer d’autres missions apparemment considérées comme plus prioritaires.

Chers collègues, je vous pose la question au passage : a-t-on jamais vu une administration accepter, sans sourciller, qu’il manque à son budget, avant même son exécution, plusieurs centaines de millions, voire plusieurs milliards d’euros ? Franchement, je ne le crois pas.

À cet égard, il n’est pas inutile de rappeler que l’armée française s’est réformée, ces dernières années, plus rapidement et plus efficacement que n’importe quel autre secteur ministériel. Je souligne également le caractère somme toute paradoxal de cette situation, où la compétence régalienne ultime, garante de nos intérêts et de notre sécurité, est peu à peu dégagée du champ fiscal pour être soumise à l’incertitude de ressources exceptionnelles, lesquelles nous conduiront tôt ou tard à brader certains éléments stratégiques de notre patrimoine.

Nous sommes tous conscients de la nécessité de réduire rapidement et massivement la dépense publique. À l’occasion de l’examen du budget 2014, avec Gilles Carrez, président de la commission des finances, et nos collègues de l’UMP, nous avons justement proposé 5 milliards d’euros d’économies supplémentaires, notamment via des réformes de structure.

Mais la réalité est que les exercices budgétaires qui se préparent conduisent nos armées dans l’impasse. Or, dans un monde instable, qui réarme, où la France sera de plus en plus sollicitée sur le plan militaire, le ministère de la défense devrait voir son budget sécurisé. La sécurisation de ce projet de loi de programmation nécessite avant tout le tuilage des deux exercices budgétaires les plus périlleux, 2015 et 2016, où les ressources exceptionnelles pourraient bien faire substantiellement défaut.

L’argent existe ; il faut aller le chercher où il se trouve. Pourquoi, par exemple, ne pas consacrer au renforcement de notre défense le produit des dividendes des participations de l’État ? Ces recettes sont estimées à 4,5 milliards d’euros pour 2013, c’est-à-dire exactement ce que le Gouvernement est prêt à dépenser pour faire gagner le candidat socialiste à Marseille, ou encore ce qu’il est prêt à emprunter sur les marchés financiers pour solder la dette du Crédit lyonnais. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-David Ciot. Ce que vous dites n’a aucun sens !

M. Jean-François Lamour. Vous n’aimez pas ces comparaisons, mais elles sont de bon sens : elles démontrent que vous êtes capables de dépenser beaucoup pour des résultats purement aléatoires. Mais revenons à notre sujet.

Cet effort, monsieur le ministre, permettrait de financer deux actions – il faut être pragmatiques pour ce qui est des objectifs à atteindre.

D’une part, nous pourrions « prioriser » plusieurs programmes d’armement indispensables à notre défense, tels que l’accélération du calendrier de livraison des avions de ravitaillement en vol – je sais que vous avez débloqué la situation, mais il faut aller vite en la matière –, la rénovation complète des Mirage 2000, l’acquisition immédiate du véhicule blindé multirôles ou encore la construction de trois navires de commandement ravitailleurs.

D’autre part – ce serait un signal envoyé à nos soldats, et surtout à leurs familles –, il me semble important de mettre en œuvre une véritable « ANRU militaire » pour rénover l’ensemble des casernes et bases aériennes, navales et aéronavales, car les 30 millions d’euros annoncés cet automne permettront tout juste de payer les factures, sans améliorer le cadre de vie et de travail des hommes et des femmes qui servent la France.

En fin de compte, monsieur le ministre, chers collègues, la seule chose dont nous soyons sûrs, parmi toutes les incertitudes qui entourent l’avenir, c’est que si cette LPM n’est pas complètement exécutée, en mettant l’accent sur les programmes indispensables, nous aurons atteint, en 2019, un véritable point de non-retour. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche. Je commencerai, monsieur le ministre, par une citation : « Je maintiendrai une ambition nationale élevée pour notre outil de défense, et je serai très vigilant dans l’action contre le terrorisme. Je fixerai un cap à nos forces armées, en conservant les deux composantes de notre dissuasion nucléaire et en resserrant les liens entre l’armée et la nation ».

Mme Émilienne Poumirol. C’est fait !

M. Pierre Lellouche. « Je veillerai à ce que les armées disposent des moyens de leur mission et d’une organisation performante. Je relancerai une politique industrielle de défense ambitieuse. Je m’attacherai à ce que l’OTAN retrouve sa vocation initiale : la préparation de la sécurité collective. »

M. Jean Launay, rapporteur pour avis. Tout y est !

M. Pierre Lellouche. Cela vous rappelle sans doute quelque chose, monsieur le ministre ? Je précise, à l’attention de mes collègues qui ne l’ont pas lu, qu’il s’agit du soixantième engagement, sur soixante, de votre candidat, devenu Président de la République.

M. Philippe Meunier. C’est donc le dernier !

M. Pierre Lellouche. En effet, c’était le dernier. Tout est dit ! En soixantième position, telle est la mesure exacte de la priorité que le Gouvernement dont vous êtes membre, monsieur le ministre, entend accorder à la défense de la nation, en un temps d’une gravité sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale en matière de dégradation de l’environnement géopolitique en Europe. C’est un difficile métier que le vôtre ! Nous nous connaissons et vous savez l’estime que je vous porte. Nous faisons la même analyse des basculements géopolitiques.

Vous avez prononcé hier des phrases très fortes, dont celle-ci : la France, avez-vous dit, « n’a plus de menaces à ses frontières mais il n’y a plus de frontières aux menaces ». C’est juste et nous sommes d’accord. Hélas, vous n’avez pas les moyens de votre politique, ce qui vous amène, faute de courage du Président de la République et de M. le Premier ministre, à tenter de démontrer que votre projet de loi tient la route, ce qui n’est malheureusement pas le cas. Mais avant d’en parler plus avant, comme je dispose de très peu de temps, je rappellerai en style télégraphique où nous en sommes vingt-cinq ans après la chute du Mur de Berlin.

Nous sommes à l’aube de ce qu’il faut bien appeler un immense chaos géopolitique, fait de globalisation du terrorisme et des diverses formes de criminalité tout autour de l’Europe, d’un véritable continuum de crises extrêmement inquiétant de l’ouest africain à l’Asie centrale en passant par la Syrie, du risque de dislocation d’États tout autour du cratère à ciel ouvert que celle-ci est devenue et qui met en cause les frontières héritées de la Première Guerre mondiale, de la prolifération accrue de missiles balistiques capables de délivrer en Europe même des charges nucléaires, et enfin des risques de conflits ouverts en Asie alimentés par la montée en puissance de la Chine et la multiplication des conflits territoriaux. Aujourd’hui même, des B-52 américains survolent un périmètre exclusif décrété par la Chine au-dessus des îles Senkaku. Face à tout cela, un véritable vide stratégique se dessine du côté des démocraties.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je suis d’accord !

M. Pierre Lellouche. L’Amérique, fatiguée par douze années de guerre, stérile pour l’essentiel, en Irak et en Afghanistan et tentée par un glissement stratégique vers l’Asie, engage un changement de cap majeur, convaincue qu’elle a désormais les moyens de se retirer du Moyen-Orient en raison de l’indépendance énergétique que lui confère le gaz de schiste que nous nous refusons à exploiter en France. Ce vide est encore aggravé par la réduction au minimum des politiques d’intervention, ce qu’exprime superbement l’expression du président Obama : « Leading from behind », le leadership par l’arrière, ce qui est nouveau. Cela signifie que les Américains interviennent très vite et de très loin. Comme ils disent, « no footprint », « no boots on the ground » : pas de soldats au sol, des drones et des opérations spéciales aussi rapides que possible.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. On est en France, ici !

M. Jean-François Lamour. Il faut donc acheter français, en particulier des drones !

M. Pierre Lellouche. C’est exactement l’inverse, soit dit en passant, monsieur le ministre, de ce que nous faisons au Mali. L’intervention est longue, difficile et s’inscrit dans la durée, car nous essayons d’y reconstruire un État, ce qui était la politique américaine il y a une dizaine d’années. On en connaît les résultats et je vous incite à y réfléchir. Si nécessaires que soient les opérations de ce genre, je doute qu’elles soient tenables à long terme. Le vide américain, ironie de l’Histoire, remet en question l’existence même de l’alliance atlantique alors même que la France en réintègre le commandement intégré, selon un processus que vous avez d’ailleurs poursuivi, monsieur le ministre. Un vide européen vient, hélas ! s’y ajouter.

On parle depuis longtemps de défense européenne. Nous approchons du fameux sommet européen de décembre et, au fond, trois mots caractérisent l’Europe de la défense aujourd’hui, comme nous le disions ce matin en commission des affaires étrangères : dénucléarisation, désarmement budgétaire unilatéral – car tous les pays sont en dessous ou autour de 1 % du PIB, sauf la Turquie – et tentation de la neutralité. En effet, quel est le rêve secret des Européens ? Pendant la Guerre froide, comme l’a dit Kissinger, c’était de voir passer les missiles américains et soviétiques au-dessus de leurs têtes. Aujourd’hui, le rêve des Européens, c’est simplement qu’on les oublie ! C’est la neutralité ! Nous voulons devenir suisses, gros et gras, et qu’on nous laisse tranquilles !

M. Yves Foulon. Ce n’est pas très gentil pour les Suisses ! (Sourires.)

M. Pierre Lellouche. Le problème, c’est que le monde ne nous laisse pas tranquilles. Le contexte est extrêmement difficile et nous avons tous une responsabilité en tant qu’élus de la nation. Je ne fais pas partie de ceux qui mènent des batailles idéologiques à ce sujet et m’abstiens de toute référence historique douteuse, comme celle de M. Rousset tout à l’heure. Il nous faut préparer le pays à ce qui l’attend le moins mal possible. Ce qui nous attend, c’est une série de crises extrêmement sérieuses.

Or, alors que les dépenses publiques ne cessent d’augmenter – elles s’élèvent à 57 % du PIB, soit quinze points de plus que nos voisins –, que les dépenses sociales explosent – elles comptent pour 33 % de notre PIB contre 21 % en moyenne dans les pays de l’OCDE –, que les impôts ne cessent d’augmenter – le taux de prélèvement obligatoire atteint 47 % du PIB et cinquante milliards d’euros d’impôts supplémentaires seront prélevés –, c’est sur les budgets régaliens que le Gouvernement réalise les économies : sur le minuscule budget du Quai d’Orsay et sur celui du ministère de la défense. Les comparaisons formulées hier par François Fillon prennent ici toute leur force. En détruisant 34 000 emplois de soldat dans nos armées et en créant 60 000 postes d’enseignants supplémentaires et 150 000 emplois publics à durée déterminée financés par la dette, vous appauvrissez la défense de la France, chers collègues socialistes !

M. Guy Chambefort. Vous aviez prévu d’en supprimer 54 000 !

M. Pierre Lellouche. Le drame, c’est que tout cela commence à peser fortement sur les équipements. Je ne m’étendrai pas sur la question, car mes collègues l’ont dit tout à l’heure, et me contenterai d’un exemple. Vous prévoyez de commander vingt-six avions Rafale en cinq ans, monsieur le ministre. Mais pendant trois années, entre 2017 et 2019, aucun avion ne sera construit. C’est pire que sous Jospin ! Comment financerez-vous des chaînes de montage ne produisant aucun avion pendant toute une année aux frais du contribuable ?

Mme la présidente. Merci de conclure, cher collègue.

M. Pierre Lellouche. Je conclurai par une réflexion sur les OPEX. Leur coût cette année s’élève à 1,2 milliard d’euros. Nous entamons une nouvelle intervention en Centrafrique, d’ailleurs nécessaire et dont je ne discute pas le bien-fondé, qui n’est pas budgétée ! La LFR vous a privé de 580 millions d’euros en cours d’exercice, monsieur le ministre, pour 450 budgétés pour les OPEX dont le coût s’élève à 1,2 milliard d’euros ! Avant même que la loi n’entre en vigueur, elle est déjà grevée de trous de plus d’un milliard d’euros ! C’est gravissime !

Au cours de son examen, nous trouverons donc des trous qui s’ajouteront aux trous. Malheureusement, il en résultera des équipements de plus en plus pauvres et une préparation opérationnelle de plus en plus problématique. Nous sommes d’accord sur le constat et la nécessité, monsieur le ministre, mais j’ai le regret de vous dire que selon moi vous ne faites pas le travail de fond. Le job ’un ministre de la défense, c’est d’abord de protéger son budget ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Yves Foulon. Excellent !

Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol.

Mme Émilienne Poumirol. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les récents bouleversements internationaux que constituent les révolutions arabes, le terrorisme sahélien, la piraterie maritime ou encore l’espionnage informatique prouvent que la France ne peut se couper d’un monde où elle doit chaque jour assurer sa capacité à garantir sa souveraineté et ses responsabilités internationales. Depuis le 6 juin 2012, le Gouvernement est mobilisé pour amener notre outil de défense au meilleur niveau, à la fois ambitieux et réaliste.

Le niveau visé est ambitieux en raison de la trajectoire arrêtée par le Président de la République d’un budget constant en période de désendettement puis en augmentation progressive à partir de 2016. Un tel arbitrage est une décision politique forte prise par la nation pour sa propre sécurité.

Il s’agit également d’un niveau réaliste car la programmation n’est pas une liste de promesses irréalisables ou impossibles à financer, ce à quoi nous avait habitués la LPM précédente. Elle est sincère. Ainsi, la défense participe comme tous les ministères au redressement des comptes publics. Cela passe en partie par un pilotage au plus près des effectifs. J’insisterai sur ce point et rappellerai par là même quelques vérités.

La première, c’est que les mesures prévues par la LPM ne mènent pas aux destructions capacitaires que certains voudraient y voir. En 2019, les effectifs du ministère de la défense s’élèveront à près de 242 300 agents, formant la première armée d’Europe. Vous vouliez supprimer, chers collègues de l’opposition, 54 000 postes, la nouvelle loi en concerne deux fois moins. En outre, les suppressions de postes que vous avez effectuées sans concertation ni discernement se sont accompagnées des succès que l’on sait : désastre du dispositif « Louvois », dérive à la hausse de la masse salariale, reports de charges cumulés de trois milliards d’euros, désorganisation des soutiens et sous-dotation des bases de défense.

Le résultat de la précédente LPM tient en deux chiffres : chaque année, 7 500 emplois en moins et, paradoxalement, 200 millions d’euros dépensés en plus. Aujourd’hui, si rien n’est fait, l’État dépensera 4,4 milliards d’euros supplémentaires pour payer les personnels de la défense entre 2014 et 2019. Il était donc primordial que la nouvelle programmation corrige les carences de la précédente. Les hommes et les femmes du ministère de la défense, quel que soit leur statut, ont choisi de protéger leur pays. À ce titre, nous avons envers eux un devoir de solidarité.

C’est pourquoi le nouveau plan de pilotage prévoit de déterminer la juste place de chaque catégorie de personnel. Nous avons fait le choix d’éviter autant que faire se peut les dissolutions et de préserver les unités opérationnelles, qui ne représenteront pas plus du tiers des suppressions de postes. Un effort de dépyramidage sera mené afin de réduire le pourcentage d’officiers, que la précédente LPM avait fait exploser. La programmation tient également compte des impératifs d’aménagement du territoire et de cohérence des forces dans leur ensemble.

Pour accompagner une telle consolidation des effectifs, des mesures d’aide ont été mises en place afin que celles et ceux qui souhaitent quitter les armées puissent le faire dans de bonnes conditions. Ne pas consentir un tel effort met en danger notre modèle d’armée, celui d’une armée qui protège et soutient ceux qui l’ont servie. Comment ne pas voir là aussi un point de rupture avec le précédent gouvernement, qui avait supprimé toutes les aides sauf le pécule, dont on sait qu’il est le dispositif au coût unitaire le plus élevé ? La nouvelle loi consiste donc en un travail pragmatique, concerté et respectueux du dialogue social, caractéristique de l’actuel gouvernement.

Enfin, la droite tient un discours paradoxal, réclamant toujours moins de dépenses publiques comme seul remède à la crise mais rejetant, avec une mauvaise foi frisant parfois l’inconséquence, nos propositions pourtant responsables et conformes aux recommandations du Livre blanc. Elle oppose, depuis plusieurs mois, les femmes et les hommes de l’éducation nationale à ceux de la défense, comme si les déflations de l’armée servaient de gage aux postes de l’éducation nationale !

M. Philippe Meunier. C’est la réalité !

Mme Émilienne Poumirol. L’ancien Premier ministre a encore fustigé hier les créations de poste dans l’éducation. Mais avec lui, on comptait à la fois moins d’enseignants et moins de militaires !

M. Gilbert Le Bris. Exactement ! La double peine !

Mme Émilienne Poumirol. En supprimant 80 000 postes en cinq ans, M. Fillon a fait de la France le pays de l’OCDE où le taux d’encadrement des élèves est le plus faible, derrière la Grèce et le Portugal. Si le déclassement de l’armée française est une hypothèse que vous vous plaisez à souligner, le déclassement de notre éducation nationale est, hélas ! bien réel. Or l’éducation nationale, comme la défense, est notre avenir. « Vous croyez que l’éducation coûte cher, essayez donc l’ignorance », disait Lincoln.

M. Gilbert Le Bris. Excellente citation !

Mme Émilienne Poumirol. À quoi bon une armée s’il n’y a dans le pays plus rien à défendre, ni richesse, ni culture, ni futur ?

M. Philippe Meunier. Et cela justifie que l’on sacrifie l’armée ? C’est incroyable !

Mme Émilienne Poumirol. Nos forces, contrairement à la droite, l’ont bien compris. En effet, elles constituent l’un des premiers recruteurs de nos jeunes diplômés : ingénieurs, linguistes, techniciens ou juristes. Le projet de loi de programmation que vous nous présentez, monsieur le ministre, est un texte tourné vers l’avenir, un investissement équilibré et cohérent accompagnant notre nouveau modèle de défense. Il devrait donc être l’occasion de nous rassembler derrière notre armée, derrière les femmes et les hommes qui la composent et plus largement derrière les valeurs de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Henri Guaino.

M. Henri Guaino. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est des sujets qui dépassent le clivage entre la droite et la gauche. Sur tous les bancs de cette assemblée, la plupart d’entre nous partagent la conviction que la défense en fait partie.

Si j’ai souhaité prendre la parole aujourd’hui, c’est parce que je crois le moment venu de dépasser ce débat qui, à chaque loi de programmation militaire, nous conduit à nous affronter sur quelques centaines de millions de plus ou de moins pour nos armées, avec, néanmoins, la certitude que les engagements pris ne seront, de toute façon, pas respectés parce que le ministère des finances s’efforcera, comme chaque année, de récupérer ce qu’il aura dû concéder.

Aussi, monsieur le ministre, ne prenez pas mon propos ni, d’ailleurs, mon vote, comme une critique particulière vis-à-vis de votre projet de loi, mais comme une critique de la manière dont, depuis longtemps, nous élaborons nos lois de programmations militaires. Quand je dis « nous », entendez toutes les majorités qui se succèdent depuis plusieurs décennies.

Celui qui s’exprime devant vous le fait après une réflexion sur cette question entamée depuis longtemps et avec l’expérience qu’il a acquise en suivant tous les travaux du précédent Livre blanc.

Je veux m’adresser dans cet hémicycle à tous ceux pour lesquels la défense nationale est, pour une nation, la volonté de se défendre.

Je veux m’adresser à tous ceux, sur tous les bancs de cette assemblée, qui perçoivent le lien profond et mystérieux qui rattache cette volonté de se défendre à la conscience d’une destinée commune, qui est le fondement même de la nation.

Ceux qui veulent en finir avec la nation, avec ce seul bien de ceux qui n’ont rien, comme disait Jaurès ; ceux qui n’éprouvent pas une sourde angoisse en découvrant cette lente dérive collective de la raison, qui conduit à ne plus accorder aucune valeur à ce sur quoi on ne peut pas mettre un prix ; ceux qui ne perçoivent pas ce qui distingue profondément le soldat du mercenaire ; ceux pour lesquels cette parole d’un jeune soldat mort au combat en 1915 n’a aucune signification : « Auparavant, j’aimais la France d’un amour sincère, encore qu’un peu dilettante. Il a fallu cette horreur pour sortir tout ce qu’il y a de filial et de profond dans les liens qui m’unissent à mon pays » ; ceux qui ne voient dans toute chose que son utilité immédiate ; ceux dont le raisonnement est borné par ce qui est tout de suite mesurable, ceux-là, je le sais, ne m’entendront pas.

À tous les autres, à droite et à gauche, je demande, face à ce texte, de prendre conscience de la nécessité vitale que nous avons de penser autrement.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, je sais ce que pensent beaucoup d’entre vous : au fond, l’essentiel est préservé. J’ajouterai : une fois de plus, car c’est ce que l’on a pensé de toutes les lois de programmation précédentes, et de tous les gels, de toutes les annulations de crédits qui ont suivi leur adoption. Nous avons, une fois de plus, préservé l’essentiel : il faut regarder cette pensée résignée, non comme le signe d’une victoire arrachée in extremis, mais comme celui d’une défaite de la politique devant la comptabilité. Nulle part mieux que dans la politique de défense, l’ampleur de ce triomphe désastreux sur tout le reste n’apparaît aussi clairement.

On fait toujours semblant de prendre comme point de départ de la réflexion les besoins de la défense. En vérité, le point de départ est toujours l’exigence comptable, de sorte que ce qui devrait être le point d’arrivée est le point de départ. Il en résulte immanquablement que l’on joue avec les chiffres un jeu de faux-semblants et d’artifices qui se payent toujours, ou plutôt que l’on finit toujours par faire payer aux armées d’abord, à tous les Français ensuite.

Certes, vous n’êtes pas le premier pris au piège de cette surréalité comptable. Je ne reviens pas sur les ressources exceptionnelles ou sur le financement des opérations extérieures : tous vos prédécesseurs, monsieur le ministre, ont fait la même chose avec d’autres chiffres. Mais peut-être est-il temps d’en finir avec tout cela.

M. Jean Launay, rapporteur pour avis. Vous auriez dû le faire avant, ça nous aurait aidés !

M. Henri Guaino. Il résulte aussi immanquablement de la priorité donnée à la comptabilité que l’on dépense toujours trop. C’est vrai de toutes nos politiques, mais, plus encore que des autres, de la politique de défense. Un budget de 31,5 milliards d’euros par an, c’est évidemment beaucoup d’argent ; 1,29 % du PIB à l’horizon 2019, c’est un effort encore considérable. Mais 30 milliards, ou même 25 milliards, ou 20, ce serait encore une somme énorme ; à 1 % du PIB, on dirait encore que c’est un très grand effort pour la défense.

Mes chers collègues, continuons à raisonner ainsi, si l’on peut appeler cela raisonner, et ce sera toujours trop. On continuera de diminuer l’effort, tout en se disant à chaque fois, comme nous le faisons depuis vingt ans : nous avons échappé au pire.

Monsieur le ministre, vous nous dites, comme l’ont dit vos prédécesseurs, comme le diront vos successeurs, si nos pensées ne changent pas : le budget de la défense est le second budget de l’État et nous conservons la première armée d’Europe. Et vous savez bien que cela ne veut absolument rien dire.

Ce qui vaut pour les masses budgétaires, vaut pour les effectifs. « L’efficacité de nos armées n’est pas qu’une question d’effectifs » avez-vous déclaré, un peu pour vous réconforter vous-même. J’aurais envie de vous répondre que ce n’est pas non plus qu’une question de drones.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Ce sont les deux !

M. Henri Guaino. Mais je voudrais surtout vous dire que si cette remarque peut être exacte un temps, elle finit par devenir absurde quand on la répète durant quarante ans. Dans l’enveloppe de plus en plus serrée que l’on attribue à la défense, l’arbitrage entre la technologie et les personnels finit par prendre un tour tout à fait injustifiable.

La valeur de notre armée est conditionnée par la qualité de son équipement, soit. Mais elle l’est aussi, elle l’est d’abord, par la valeur de ceux qui ont choisi de servir. Le soldat obéit et risque sa vie ; c’est le destin qu’il s’est choisi. Pour ce destin, il mérite un respect particulier. Une grande nation, une vieille nation comme la nôtre, qui s’est construite sur tant de sang versé, ne peut mépriser ses soldats sans se déshonorer. Et que reste-t-il d’une nation qui n’a plus d’honneur, qui n’a plus la fierté d’elle-même ?

Après les saignées précédentes dans les effectifs, qui ne sont même pas achevées, comment expliquer à ces femmes et à ces hommes qui, si nécessaire au péril de leur vie, ont la charge de défendre notre honneur et notre indépendance, qu’on les tient pour de simples variables d’ajustement budgétaires et comptables, tout en sachant que l’on peut leur demander un jour l’ultime sacrifice, auquel ils ont par avance consenti ?

Car la question est toujours la même : jusqu’où ira-t-on ? Où s’arrêtera-t-on ?

Bien sûr, après la décolonisation, une longue période de reconfiguration de notre appareil de défense s’imposait. Mais ce que nous faisons est-il encore raisonnable ? Est-il respectueux de nos soldats ? Le comptable qui raye d’un trait de plume, sans état d’âme, un régiment, mesure-t-il la perte que cela représente ? Mesure-t-il ce qu’un régiment recèle de traditions, de valeurs et de mémoire ? Mesure-t-il l’atteinte portée à l’identité et à l’équilibre d’un territoire, d’une ville ? Le comptable qui juge que le défilé du 14-juillet ou la garde républicaine coûtent trop cher a-t-il bien conscience de ce que ferait perdre leur suppression ? Quel prix accorde-t-il à l’âme d’un peuple ? Comprend-il même ce que cela signifie ?

Quand on a supprimé le service militaire, le comptable s’est réjoui de ce qui, à ses yeux, représentait une économie considérable. Y a-t-il depuis plus d’argent pour les militaires professionnels ? Il y en a moins. L’État est-il plus riche ? La société va-t-elle mieux ? Le comptable n’avait pas mesuré ce que la suppression du service militaire allait coûter à notre cohésion sociale. Il mesure l’économie immédiate et directe, il ne compte jamais les coûts futurs et diffus.

Quand on réduit les commandes de matériel, quand on revoit à la baisse les engagements pris envers les industriels, le comptable a le sentiment du devoir accompli : il a encore réussi à réduire le budget. Mais a-t-il compté le coût pour l’industrie ? S’est-il seulement posé la question de savoir comment espérer vendre à l’étranger des technologies que nous répugnons à acheter pour nous-mêmes ? Comment les efforts de recherche et de conception pourraient-ils rester soutenus lorsqu’ils sont confrontés à une telle incertitude sur les débouchés futurs ? Le comptable en a-t-il mesuré les effets négatifs sur l’innovation technologique, qui dépassent largement le périmètre de nos industries de défense ?

Certes, les experts répondent à ces inquiétudes par les perspectives ouvertes par la coopération internationale, et d’abord européenne. Mais combien de programmes de ce genre ont-ils réellement porté leurs fruits ? Qui ne voit que l’Europe n’a pas la volonté de se défendre ?

Le budget de la gendarmerie n’est pas inclus dans notre discussion, mais je ne peux pas m’empêcher de penser, à cet instant, à ces colonels de gendarmerie qui, dans toute la France, m’expliquent qu’ils sont obligés de cannibaliser la moitié de leur parc de véhicules pour faire rouler l’autre moitié, parce qu’on ne leur permet plus d’acheter de nouveaux véhicules. Jusqu’où allons-nous descendre ?

Nous sommes arrivés à un point critique où nous ne pouvons plus éluder cette question : quand nous aurons tout liquidé, les bateaux, les avions, quand nous aurons fermé les bases et les régiments, serons-nous plus riches, plus prospères, nos finances publiques seront-elles rétablies ? La réponse est non, car l’économie et la société n’obéissent pas à une arithmétique comptable. Depuis que nous taillons aveuglément dans les budgets de la défense, nos déficits publics se sont-ils réduits ? Non, ils ont augmenté.

Le problème, jamais vraiment posé, jamais vraiment étudié, parce qu’il est à l’opposé de la logique comptable, et qu’il est pourtant désormais vital de résoudre si nous voulons continuer d’avoir une défense nationale, une armée capable de remplir toutes les missions d’une armée digne de ce nom, si nous voulons, plus généralement, ne pas nous condamner à devenir un pays en voie de sous-développement, ce problème, comme l’ont dit nos collègues Alain Marty et François Cornut-Gentille tout à l’heure, peut être formulé ainsi : comment rendre la dépense de défense productive ? Comment la rendre davantage créatrice de richesses au lieu de ne la regarder que comme un coût ?

Nous n’avons pas les moyens d’un effort de défense à la hauteur de nos ambitions si le budget de la défense est considéré isolément. Comment en faire un outil de politique de recherche, d’innovation, de politique industrielle, de politique commerciale, de politique d’aménagement du territoire ? Comment en faire un instrument de formation, de cohésion et d’influence ? Comment la faire participer à la productivité et à la compétitivité globale de la nation ? Voilà le problème.

La plus grave erreur, monsieur le ministre, celle qui nous conduit dans l’impasse et que vous devez, comme vos prédécesseurs, au règne sans partage de l’administration du budget, c’est d’isoler la défense de tout le reste, c’est d’isoler l’armée de la nation, de la société, de l’économie. C’est une vieille histoire. C’est un vieux dilemme. L’armée comme un monde clos ou comme un monde ouvert, l’armée repliée sur son métier ou l’armée assurant aussi un rôle social reconnu et valorisé. Ce n’est pas nouveau, c’était déjà Lyautey défendant le rôle social de l’officier.

Monsieur le ministre, je ne peux pas terminer sans rappeler quelques leçons du passé, qui devraient tous nous faire réfléchir. Souvenez-nous de ce que répondit Pierre Laval, alors président du Conseil, en 1935, à la commission de la défense du Sénat, qui lui demandait d’augmenter les crédits de la défense : « Je le voudrais bien mais la situation financière de la France ne le permet pas ». Rappelez-vous la lutte acharnée de Churchill contre toute la classe politique britannique, à une époque où personne d’autre que lui ne voyait la montée des périls. Souvenons-nous que les décisions que nous prenons dans le domaine de la défense nous engagent toujours à long terme. Aucun d’entre nous, aucun expert ne sait ce que seront les menaces de demain.

Voulons-nous continuer dans l’avenir à nous défendre contre ce qui pourrait nous menacer, menacer notre indépendance, l’idée que nous nous faisons de la civilisation, de l’homme, du rôle de la France et de l’Europe dans le monde ?

Si nous voulons conserver ce rôle, l’Histoire nous l’a appris, nous n’avons moralement pas le droit de nous donner bonne conscience à bon compte. Si je dis « à bon compte », c’est évidemment à dessein, car nous ne serons à la hauteur de cette exigence morale que si nous nous donnons les moyens de nous défendre et de défendre nos valeurs.

Monsieur le ministre, vous avez accepté – mais pouviez-vous faire autrement ? –, comme vos prédécesseurs, d’entrer dans la logique budgétaire et comptable par laquelle, depuis des décennies, le ministère des finances impose son pouvoir à tous les gouvernements. Cette logique, dans laquelle l’Europe a sa part de responsabilité, est suicidaire. Elle l’est dans tous les domaines, mais plus encore pour la défense, car les militaires ne protestent jamais et l’on peut donc aller plus loin avec eux qu’avec tous les autres.

Quand aurons-nous, gauche et droite confondues, le courage et la lucidité de remettre en cause cette manière de voir les choses ?

Monsieur le ministre, vous avez, comme vos prédécesseurs, perdu cette bataille. C’est la raison pour laquelle je voterai contre votre projet de loi. Ce n’est pas la défaite d’un camp, c’est une défaite de tous ceux qui se font une haute idée de la France et de leurs devoirs vis-à-vis des générations futures. Mais si, demain, vous réengagez le combat contre cette funeste dérive…

M. Jean Launay, rapporteur pour avis. C’est ce texte, le début du combat !

M. Henri Guaino. …vous me trouverez à vos côtés, comme, j’en suis sûr, beaucoup de mes collègues du groupe UMP, qui ne se sentent pas les héritiers – je veux le dire à M. Rousset qui, tout à l’heure, s’est laissé aller – de ceux qui ont jadis conduit le pays au désastre et au déshonneur, mais plutôt de ceux qui en ont maintenu l’honneur. Ils savent que dans la France libre et dans les maquis, il y avait des Français de droite et des Français de gauche. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Meunier. Très bien !

M. Gwenegan Bui, rapporteur pour avis. C’est Tanguy-Prigent !

Mme la présidente. La parole est à Mme Danièle Hoffman-Rispal.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, contrairement à ce que je viens d’entendre, il me semble que ce projet de loi de programmation militaire permettra à la France de rester une puissance forte, avec une armée efficace, tout en faisant contribuer la défense nationale à l’effort de redressement des comptes publics. La France est membre du Conseil de sécurité des Nations unies, puissance nucléaire, leader en Europe, présente sur tous les continents de notre planète. Comment imaginer que notre grandeur stratégique puisse exister sans souveraineté budgétaire ?

Certains, ici, ne cessent de dire que la défense a déjà beaucoup payé et qu’il faut mettre un terme aux déflations d’effectifs. Mais ce sont les mêmes qui, par la précédente loi de programmation militaire, ont supprimé plus de 50 000 postes, des régiments entiers, et qui ont bouleversé la vie économique et sociale de régions entières. Surtout, ils n’ont mis en œuvre aucune mesure réelle d’accompagnement. Ils voudraient à présent nous donner des leçons, comme je l’entends depuis six ou sept heures, alors que la loi de programmation militaire de 2008 n’a pas même permis de faire des économies sur les frais de personnel.

En écoutant les critiques de M. Lellouche, il m’est revenu ce mot de Jean Jaurès : « L’armée française a une admirable tradition intellectuelle. » Pour la conserver, il faut que nos enfants soient formés. La RGPP étant passée par là, si nous voulons garantir à nos jeunes un avenir, il est évident que nous avons besoin de recréer des postes dans l’éducation nationale. Je ne pense donc pas qu’il faille opposer défense et éducation, comme vient de le faire M. Lellouche.

Si mon intérêt pour les questions sociales n’est plus à démontrer, celui pour la défense est plus récent.

M. François Cornut-Gentille. Ça se voit !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Je vais m’efforcer de mêler les deux sujets en évoquant les déflations d’effectifs. Bien sûr, nous devons supprimer 23 500 postes, mais il ne s’agit pas de laisser des femmes et des hommes sans soutien, sans emploi, sur le bord de la route, alors qu’ils ont servi la nation. Cela a été dit, un plan d’accompagnement sera mis en place et va permettre le développement de mesures d’aide au départ et de recherche d’emploi. À cet effet, nous renforçons les moyens de l’Agence de reconversion de la défense, qui permet aux trois-quarts des personnes qui s’adressent à elle de retrouver un emploi.

Alors oui, ces choix seront difficiles à mettre en œuvre, mais ils auront été faits sans aveuglement, en conscience. Il est exclu, comme cela a pu être constaté ces dernières années, de procéder à des coupes claires, de fermer arbitrairement ici une base, là un régiment, sans prendre compte ni ceux qui les composent ni les régions où ils se trouvent. Je félicite le Gouvernement pour ces mesures sociales courageuses.

Monsieur le ministre, je tiens à vous rendre hommage, vous qui êtes le premier à inclure pleinement la dimension de l’aménagement du territoire dans la réorganisation de nos armées. Des études fonctionnelles ont été lancées pour établir les territoires où vous pourrez alléger les effectifs, afin que cela soit fait de manière préparée, réfléchie et en toute transparence.

L’armée, nous le pensons tous, a une place particulière dans notre pays. Alors que nous nous apprêtons à célébrer l’année prochaine deux anniversaires éminemment importants, ce projet de loi de programmation militaire met en valeur le lien indispensable entre l’armée et la nation. Je le constate depuis que je siège au sein de la commission de la défense et des forces armées : nous sommes nombreux et passionnés dans cette commission. J’en profite pour saluer ici le travail de Mme Patricia Adam, notre présidente de commission : sous son égide, chacun est libre de s’exprimer lors de nos réunions et le travail est fait.

Enfin, ce projet de loi renforce réellement le contrôle que les députés et les sénateurs exerceront sur le renseignement ou les opérations extérieures, cela a déjà été dit. Nous avons d’ailleurs pu constater, pendant les événements qui ont eu lieu au Mali, à quel point vous étiez présent chaque semaine pour nous tenir informés, monsieur le ministre. Nous ne pouvons là aussi que vous en remercier. Tous ces éléments sont autant d’améliorations et de grandes avancées pour notre démocratie.

Je conclurai mon propos en évoquant deux derniers sujets.

La Journée défense et citoyenneté est tout d’abord indispensable pour établir une relation entre nos enfants et l’armée, pour apprendre aux jeunes citoyens qu’ils sont protégés et insister auprès d’eux sur l’importance de la défense nationale. Elle crée aussi des vocations, qui sont indispensables à une armée de métier. C’est pourquoi il faut en moderniser les outils : la jeunesse doit y être plus réceptive.

J’en viens à mon dernier point – cinq minutes, c’est toujours trop court –, qui me tient particulièrement à cœur et qui figure dans le rapport annexé à la LPM : la politique mémorielle. Celle-ci est mise en valeur et renforcée pour que personne n’oublie les guerres passées, les atrocités du XXsiècle, les nombreux Français qui ont fait don de leur vie et qui, aujourd’hui ou hier, sont tombés au champ d’honneur pour notre patrie. J’espère que la jeunesse de France ne connaîtra pas des horreurs similaires. Il faut toutefois qu’elle se souvienne des événements d’hier pour ne pas reproduire les mêmes erreurs demain. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Ameline.

Mme Nicole Ameline. Monsieur le ministre, l’honneur de la France se défend partout, notamment sur les théâtres d’opérations militaires.

Quitte à être un peu en dehors du sujet que nous abordons aujourd’hui, je voudrais revenir sur l’Afghanistan où, comme vous le savez, douze ans après la chute des Talibans, il est aujourd’hui envisagé de rétablir la peine de mort par lapidation. L’honneur de la France est là aussi en jeu. Puisque nous nous sommes engagés à verser à ce pays une aide sous certaines conditions, je vous demande solennellement de veiller à ce que cette aide soit conditionnée par le respect des droits de l’homme.

J’en viens au sujet qui nous intéresse ce soir pour rappeler, comme beaucoup de mes collègues l’ont fait à cette tribune, que nous ne savons pas ce que sera le monde dans quinze ou vingt ans. Ce que nous savons en revanche, c’est que son évolution dépendra de ce que nous déciderons ou non aujourd’hui. Or, alors que les enjeux de sécurité collective s’affirment partout de manière croissante, le signal et les garanties que la France, au travers de ce projet de loi de programmation, et plus largement l’Europe – j’y reviendrai – donnent ne paraissent pas à la hauteur.

Je ne sous-estime pas vos efforts, monsieur le ministre ; ils sont tout à fait réels, et chacun le reconnaît. Nous vivons cependant dans un monde dangereux, paradoxal, qui voit de très nombreux pays, dont les États émergents, se réarmer massivement face à la démobilisation croissante et chronique de l’Europe.

Si nous connaissons les raisons, essentiellement économiques, de cette asymétrie, force est de constater que cette évolution est particulièrement inquiétante au moment où nous sommes confrontés à de nouveaux enjeux stratégiques dont la gravité s’affirme aux portes de l’Europe.

Je ne les passerai pas tous en revue, car vous les connaissez parfaitement : du Mali au Proche-Orient, des menaces du cyberterrorisme à la piraterie en passant par la difficile transition arabe, ces nombreux exemples appelleraient de la part de l’ensemble des pays européens une conscience plus aiguë de leur sécurité, une nécessité d’ailleurs renforcée par la décision américaine de se tourner davantage vers l’Asie et le Pacifique sur le plan stratégique.

Dans ce contexte, votre proposition peine à afficher un chiffre consolidé de 190 milliards d’euros pour les cinq ans à venir. Chacun le reconnaît, c’est une limite minimale dont dépend en réalité notre crédibilité. Nous avons tous le sentiment que c’est peut-être moins le chiffre annoncé que le respect de son exécution qui peut susciter de légitimes et graves interrogations.

En effet, ce seuil plancher ne laisse en réalité aucune marge de manœuvre à la France et nous engage de manière irréversible pour les vingt prochaines années, au prix sans aucun doute de renoncements importants au moment où les défis globaux appellent une réactivité et une capacité optimales.

Je reviendrai simplement sur les quelques questions qui ont été souvent posées : la question des ressources exceptionnelles et des moyens de les garantir, la question des OPEX, si importante au moment où nous sommes sur le point d’intervenir en République Centrafricaine, mais aussi la question de nos forces, de nos sites et de nos emplois industriels, affectés par des réductions drastiques. Quelle que soit la volonté affirmée, tout cela nous paraît aujourd’hui compromis.

La réponse à ces défis globaux passe aussi, je voudrais y insister, par le renforcement de notre architecture de sécurité collective. Il faut le rappeler : la défense nationale n’est pas qu’une question de souveraineté, c’est aussi une question d’autorité politique dans le monde. Notre siège au Conseil de sécurité de l’ONU est un élément fondamental de cette autorité politique ; nous devons donc le renforcer. Nous devons aussi tirer toutes les conséquences de notre retour dans le commandement intégré de l’OTAN. Enfin, nous devons renforcer le pilier européen de la défense et consolider l’Europe pragmatique, celle des partenariats, à l’image du bon exemple des accords de Lancaster House signés avec le Royaume-Uni. Il faut cependant aller plus loin dans ce domaine. À cet égard, j’aimerais que vous nous précisiez les projets de coopération que la France souhaite développer avec l’Allemagne ou la Pologne dans ce nouveau champ de l’intelligence et de l’innovation.

Je voudrais également insister sur l’importance du partenariat transatlantique, essentiel pour l’avenir de notre sécurité collective. La perspective ouverte par le pivot américain nous impose de le repenser, de le réorienter, de lui redonner un contenu et de le partager. La nécessité rendra peut-être intelligent ; il faut en tout cas le souhaiter.

Je conclurai en évoquant le Conseil européen de décembre 2013 consacré aux questions de défense et de sécurité, qui doit lui aussi servir une prise de conscience nouvelle de nos partenaires européens. La France a une responsabilité particulière à assumer dans ce cadre. L’Europe ne saurait être tentée par une forme de neutralité qui ferait d’elle une grande ONG, marginalisée sur le plan stratégique.

Quels sont, monsieur le ministre, les engagements et les objectifs que vous pouvez poursuivre à très court terme dans la réévaluation de cette politique de défense collective ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je l’ai déjà dit en introduction !

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

4

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale ;

Discussion de la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures dix.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Nicolas Véron