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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2013-2014

Compte rendu
intégral

Première séance du jeudi 28 novembre 2013

SOMMAIRE

Présidence de M. Christophe Sirugue

Suspension et reprise de la séance

1. Reconnaissance du vote blanc

Présentation

M. François Lamy, ministre délégué chargé de la ville

M. François Sauvadet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Discussion générale

M. Michel Zumkeller

M. Sergio Coronado

M. Jacques Krabal

Mme Huguette Bello

M. Pascal Popelin

M. Lionel Tardy

M. Daniel Gibbes

M. François Lamy, ministre délégué

M. Dominique Raimbourg

M. François Sauvadet, rapporteur

Discussion des articles

Article 1er

M. Guillaume Larrivé

M. François Vannson

M. Philippe Folliot

M. Maurice Leroy

M. Jean-Louis Borloo

Amendements nos 1 , 2

Après l’article 2

Amendement no 4

Article 4

Article 5

Amendement no 3

Suspension et reprise de la séance

Explications de vote

M. Jean-Louis Borloo

M. Sergio Coronado

M. Jacques Krabal

M. Pascal Popelin

M. Guillaume Larrivé

M. André Chassaigne

Vote sur l’ensemble

2. Rétablissement des avantages liés aux heures supplémentaires

Présentation

M. Arnaud Richard, rapporteur de la commission des affaires sociales

M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation

Rappel au règlement

M. Frédéric Lefebvre

M. Benoît Hamon, ministre délégué

Discussion générale

Mme Véronique Massonneau

M. Jacques Krabal

M. André Chassaigne

3. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Christophe Sirugue

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

M. le président. La réunion que tient la commission des lois en application de l’article 88 n’étant pas terminée, je vais suspendre la séance pour attendre que nos collègues nous aient rejoints.

1

Reconnaissance du vote blanc

Deuxième lecture

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi, modifiée par le Sénat, visant à reconnaître le vote blanc aux élections (nos 768, 1563).

Présentation

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la ville.

M. François Lamy, ministre délégué chargé de la ville. Monsieur le président, monsieur le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, mesdames, messieurs les députés, reconnaître le vote blanc dans la pratique du suffrage universel, c’est aussi reconnaître une démarche d’importance car elle est intimement liée à la notion même de démocratie représentative.

La reconnaissance du vote blanc n’est pas une question nouvelle, loin s’en faut. Elle est ainsi régulièrement évoquée par les associations comme par de nombreux citoyens intéressés, qui s’étonnent que leurs bulletins blancs ne soient pas distingués des votes nuls. Un sondage récent indique d’ailleurs que pas moins de 69 % des Français estimeraient nécessaire de reconnaître le vote blanc aux élections. À une époque où l’on scrute de plus en plus finement l’état de l’opinion comme les comportements électoraux, il peut apparaître en effet surprenant que nous ne puissions pas connaître l’ampleur exacte du phénomène du vote blanc, ainsi que l’a souligné M. le rapporteur dans ses travaux.

La reconnaissance du vote blanc n’est pas une question nouvelle, elle plonge ses racines dans l’histoire institutionnelle de notre pays. Les débats ici même il y a un an furent l’occasion de le rappeler. Dès, le 18 ventôse an VI, ce qui, comme chacun le sait, correspond au 6 mars 1798, fut votée une loi autorisant le vote blanc, au moment même où le vote par bulletin était systématisé. Comme le soulignait le président Urvoas dans son intervention en séance l’année dernière, depuis le décret impérial pris le 2 février 1852, qui est, en un sens, l’ancêtre de l’article L. 66 du code électoral aujourd’hui applicable, des dizaines d’initiatives, tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale, ont été déposées.

Cette question trouve également un écho en dehors de nos frontières. En Europe, trois pays reconnaissent ce bulletin vierge. La Suisse comptabilise les bulletins blancs au premier tour des élections au scrutin majoritaire. L’Espagne, si elle considère les votes blancs comme valides à tous les scrutins, refuse que ces votes soient traduits en sièges. Enfin, la Suède ne reconnaît le vote blanc que dans certaines élections, notamment les référendums.

Monsieur le rapporteur, vous avez souligné à juste titre que le vote blanc et l’abstention ne se confondent pas, même s’ils se superposent parfois. Le vote blanc n’est pas uniquement l’expression de gens indécis, indifférents ou sans opinion. Il n’est pas non plus confondu avec les erreurs matérielles, volontaires ou involontaires, qui caractérisent le vote nul. Le message formulé par des concitoyens qui se sont déplacés pour accomplir leur devoir électoral ne peut être considéré comme négligeable. Une élection démocratique n’est pas une simple mesure de l’opinion. Un scrutin n’est pas un sondage, car on vote non pas pour soi, mais dans l’intérêt de la société. La finalité des consultations demeure la désignation d’un ou de plusieurs représentants ou la réponse à une question, ainsi que vos échanges en commission l’ont relevé.

Mesdames, messieurs les députés, le vote blanc a également une valeur contestataire, et sa croissance inquiète. Il heurte la conception traditionnelle du suffrage selon laquelle des élections doivent permettre de sélectionner les responsables publics. Dans ce contexte, vaut-il mieux reconnaître le vote blanc comme une forme d’exutoire civique et élargir ainsi l’offre politique ou bien encourager une expression protestataire nettement plus périlleuse pour notre démocratie représentative ?

La proposition de loi débattue aujourd’hui vise donc à organiser la reconnaissance du vote blanc aux élections après une première lecture intervenue à l’Assemblée puis au Sénat. Ce texte rend justice aux électeurs qui se déplacent pour aller voter et manifestent à cette occasion une opinion qui doit être respectée. Ce fut, je crois, l’appréciation de l’Assemblée nationale en première lecture. C’est également la conviction du Gouvernement.

À ce stade, il me semble que les travaux de la Haute assemblée rejoignent ceux de l’Assemblée pour considérer qu’il n’est pas concevable de prévoir la reconnaissance du vote blanc comme suffrage exprimé. Une telle disposition aurait des conséquences que le Gouvernement ne peut accepter et que je ne crois pas nécessaire de rappeler. Il y aurait ainsi une difficulté juridique incontestable pour l’élection présidentielle, puisque l’article 7 de la Constitution dispose que « le Président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés ». C’est un point qu’a d’ailleurs relevé M. Sergio Coronado en commission.

Qu’il me soit également permis ici d’évoquer le souvenir du regretté Guy Carcassonne, qui, tout en estimant qu’il serait temps de reconnaître le vote blanc, jugeait également que « ces votes blancs devraient continuer à ne pas être considérés comme suffrages exprimés, sauf à contraindre accidentellement à des seconds tours superflus ».

Lors de sa séance du mercredi 20 novembre 2013, votre commission des lois a modifié sur deux points le texte adopté par le Sénat. Sur proposition de M. Coronado et de M. Popelin, vous avez rétabli la disposition adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale puis supprimée par le Sénat, selon laquelle une enveloppe vide introduite dans l’urne est assimilée à un vote blanc. Également sur proposition de M. Popelin, vous avez, en outre, reporté au 1er avril 2014, soit postérieurement aux prochaines élections municipales, la date d’entrée en vigueur de la réforme, qui avait été fixée au 1er mars lors de la lecture au Sénat en début d’année. Ces modifications ont le soutien du Gouvernement.

Sur le premier point, il ne faudrait pas qu’une initiative mal appréhendée soit le prélude à la nécessité d’imprimer et de distribuer des bulletins blancs. Cette orientation mériterait, à tout le moins, une évaluation particulière. Convenez qu’à l’heure où l’on supprime nombre de documents pour économiser le papier, il peut paraître étonnant d’obliger à envoyer des bulletins blancs et à les disposer sur des tables. Cette charge publique nouvelle peut légitimement nous interroger en ces temps d’extrême attention à l’évolution de la dépense publique. Une telle orientation mériterait par ailleurs une évaluation politique, car le sens et la portée de la proposition de loi s’en trouvent profondément altérés. Songez ainsi à l’effet d’entraînement de millions de bulletins blancs lors des dernières grandes consultations, élections présidentielles ou référendums.

S’agissant de la date d’application de la loi, nous savons tous que, comme l’a rappelé M. Popelin en commission, l’organisation logistique des élections municipales est lourde, et l’administration ne peut la préparer que dans le cadre d’une législation stable. Or, à ce jour, certains éléments de cette préparation ont déjà été mis en œuvre sans tenir compte de ce texte, qui, je le rappelle n’est pas encore applicable, car le Sénat sera amené à son tour à l’adopter, voire à le modifier. Il convient donc de trouver une date qui permette une entrée en vigueur dans le courant de l’année 2014. Les premières propositions de loi remontant déjà à 1880, je ne vois aucune urgence à déstabiliser les services comme les électeurs en adoptant une entrée en vigueur trop rapprochée.

Dans un même souci de transparence, je vous proposerai en outre un amendement de coordination précisant que les bulletins blancs ne sont pas des bulletins nuls lors des élections municipales.

Mesdames, messieurs les députés, le Gouvernement est favorable à cette initiative, qui permet d’apprécier dans de plus justes proportions le phénomène d’abstention et de vote blanc, qui n’est pas limité à la France et qui touche des États de tradition démocratique ancienne comme des démocraties plus jeunes. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. François Sauvadet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. François Sauvadet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Je tiens d’abord à vous saluer, monsieur le ministre de la ville,…

M. François Lamy, ministre délégué. Merci.

M. François Sauvadet, rapporteur. …qui êtes venu au nom du Gouvernement participer à ce débat. Je regrette que le ministre de l’intérieur ne soit pas venu. Je sais bien, monsieur le ministre, que vous êtes un expert électoral puisque vous l’avez été au parti socialiste. Je ne suis pas sûr, cependant, que ce soit la première spécialité d’un ministre de la ville. Mais bon, le Gouvernement choisit ses représentants.

J’attendais M. le ministre de l’intérieur. J’attendais, ensuite, M. Vidalies, puisque c’est lui qui a répondu hier, de manière, passez-moi l’expression, un peu oiseuse à la question que j’ai posée sur la date d’entrée en vigueur de la présente proposition de loi. Mais enfin, vous vous êtes exprimé au nom du Gouvernement, et j’aurai l’occasion de répondre à vos arguments.

Nous sommes en deuxième lecture. Je rappelle que la première lecture a eu lieu le 22 novembre 2012, il y a plus d’un an. Plus d’un an que nous avons voté ici à l’unanimité un texte prévoyant de reconnaître le vote blanc, c’est-à-dire le droit pour nos compatriotes d’exprimer le fait qu’ils ne se retrouvent pas dans l’offre politique qui leur est proposée, sans que ce soit considéré comme un vote nul. Cette reconnaissance existe dans un certain nombre de pays. Je comprends ce que vous avez voulu dire en disant, en substance, que la proposition de reconnaître le vote blanc « remonte à tant d’années ». Mais après tout, puisque nous avons l’occasion de faire en sorte que ce texte puisse entrer en vigueur, faisons-le. Je rappelle que c’est l’UDI qui en a pris l’initiative, avec Jean-Louis Borloo – je tiens à saluer également Rudy Salles, qui a beaucoup porté ce sujet par le passé. Nous pouvons donc, aujourd’hui, faire œuvre utile ensemble, dans des temps particulièrement troublés, et de prévenir la tentation, chez nos compatriotes qui ne se reconnaissent pas dans l’offre politique, de voter pour les extrêmes ou de ne pas voter. Voilà l’enjeu. Et c’est pour cela qu’il y a urgence. La société est très crispée. Elle l’est à un point tel qu’il faut adresser des signaux. Je vois bien que cela dérange certains élus, qui considèrent que, quand on est appelé à se prononcer, ce doit être pour un candidat. Simplement, quand des électeurs ne se reconnaissent pas dans les candidats, il faut accepter l’idée qu’il puisse y avoir un thermomètre.

Nous sommes d’accord sur les principes. Ils devraient dépasser les clivages politiques. Il y a déjà eu plusieurs propositions de loi allant dans le même sens, et je sais que le président de la commission des lois est très attaché à ce texte. Nous sommes cependant un an après la première lecture, j’y insiste : il a fallu attendre cette journée d’initiative parlementaire du groupe UDI pour qu’on reparle à nouveau d’une mesure dont le Gouvernement dit qu’il est nécessaire de l’adopter, mais sans avoir pris aucune initiative en la matière, si ce n’est de soutenir celle que nous avons prise nous-mêmes.

Concrètement, qu’est-ce qui fait aujourd’hui consensus dans cette proposition de loi déposée par l’UDI ? D’abord, que les bulletins blancs doivent désormais être décomptés séparément des autres bulletins, c’est-à-dire ne plus être considérés comme des votes nuls mais comme une expression politique de nos compatriotes. C’est le souhait d’un grand nombre d’entre eux, qui aspirent à disposer d’une autre forme d’expression politique.

La proposition de loi prévoit également que le nombre de votes blancs sera spécifiquement mentionné dans les résultats des scrutins. Tout le monde pourra donc – enfin ! – connaître le pourcentage des électeurs qui ont choisi de glisser un bulletin blanc dans l’urne.

Au départ, je ne vous le cache pas, monsieur le ministre, monsieur le vice-président de la commission des lois, la proposition prévoyait de prendre en compte les bulletins blancs pour la détermination des suffrages exprimés. J’ai beaucoup travaillé avec Guy Carcassonne, et je veux ici évoquer la mémoire de ce grand constitutionnaliste, qui m’a aidé dans l’élaboration de cette proposition de loi. J’ai entendu ses réticences, ainsi que celles de beaucoup de groupes, devant une disposition qui pourrait poser un problème constitutionnel, notamment du fait que le Président de la République doit être élu à la majorité absolue des suffrages exprimés. J’en ai pris acte et, par souci de consensus, j’ai accepté que le vote blanc ne soit pas reconnu comme suffrage exprimé.

Je le dis à M. Coronado, dont je connais l’engagement en faveur de cette proposition de loi : ne remettons pas cela sur le tapis, car nous n’y arriverons pas, il n’y a pas de convergence sur les bancs de cette assemblée, ni au Sénat. Si nous voulons avancer, il faut rechercher la convergence des points de vue, pour adresser un signal avant les élections municipales. C’est pourquoi, monsieur Coronado, si je suis en phase avec vous, j’émettrai un avis défavorable à votre amendement, car si nous voulons aboutir il faut rechercher les voies de convergence.

Restent, en revanche, deux questions. La première, que vous avez évoquée, monsieur le ministre, c’est de savoir comment on exprime un vote blanc. En première lecture, sur ma proposition – c’était aussi le vœu de Guy Carcassonne –, l’Assemblée nationale avait prévu qu’une enveloppe vide glissée dans l’urne serait assimilée à un vote blanc. Cela avait le mérite de la simplicité et de l’efficacité. Cela évitait également – vous l’avez dit, nous sommes dans des temps d’économies, en tout cas d’économies présumées – tout débat sur le coût qu’entraînerait la nécessité de mettre à disposition des bulletins blancs dans les bureaux de vote.

Le Sénat, à majorité de gauche – je le rappelle à l’attention de M. Popelin et des porte-parole du parti socialiste –, n’a pas suivi ce raisonnement. Il a considéré qu’une enveloppe vide pouvait aussi bien résulter d’une erreur et qu’un tel vote pouvait être considéré comme nul. J’en prends acte. Le Sénat a également rejeté toute idée de mise à disposition de bulletins blancs dans les bureaux de vote. Ce qui signifie, en termes clairs, que le vote blanc ne pourra s’exprimer que par le dépôt dans l’enveloppe d’un bulletin blanc apporté par l’électeur lui-même.

J’indique à M. Popelin, qui pense, ainsi qu’il l’a dit en commission, qu’il faudrait préciser la taille du bulletin, que cela ne relève pas du domaine législatif mais du domaine réglementaire.

M. Pascal Popelin. Le préciser simplifierait quand même les choses !

M. François Sauvadet, rapporteur. Cela se règle par voie de circulaire. Le législateur n’a pas à fixer la taille du bulletin de vote, du moins pas à ma connaissance. Monsieur le ministre, vous qui êtes un grand spécialiste de la carte électorale, vous pourrez peut-être nous le préciser. En tout cas, j’ai eu l’occasion d’exprimer en commission ma position à ce sujet.

Même si ma préférence allait au texte que notre assemblée a adopté à l’unanimité en première lecture, je prends acte de la position du Sénat et je ne souhaite pas que cette question des enveloppes vides nous empêche d’aboutir à un accord avec la Haute assemblée. Je n’ai pas été suivi, la semaine dernière, par notre commission des lois, puisque deux amendements identiques de M. Coronado et de M. Popelin ont été adoptés, revenant au texte de l’Assemblée nationale, c’est-à-dire à l’assimilation entre enveloppe vide et vote blanc. Je ne m’en réjouis pas, parce que je pense qu’il serait dommage que la discussion parlementaire achoppe sur ce point.

Je le dis très simplement, et très solennellement à chacun des députés ici présents, si nous n’adoptons pas ce texte dans la version du Sénat, je ne vois pas comment nous pourrions l’appliquer, même pour les élections européennes – celles-ci auront lieu, je le rappelle, huit semaines après les élections municipales –, avec un calendrier est particulièrement contraint. Sauf si le Gouvernement annonce à la représentation nationale qu’il prendra des initiatives en ce domaine pour que la loi soit applicable au moins pour les élections européennes. S’il ne le fait pas, elle ne pourra pas s’appliquer pour ces élections. En effet, s’il n’y a pas de vote conforme aujourd’hui, le texte ne sera examiné à nouveau par le Sénat qu’en février 2014, lorsque le groupe de l’Union centriste aura l’occasion de l’inscrire à l’ordre du jour. Et si la Haute assemblée n’adopte pas dans les mêmes termes le texte que nous aurons adopté aujourd’hui, il devra encore y avoir une commission mixte paritaire. Je crains même, d’ailleurs, que celle-ci n’aboutisse pas. Je souhaite donc que l’on sorte des hypocrisies et des postures, et vous invite à un vote conforme ce matin.

La seconde question qui reste en suspens, outre celle des enveloppes vides, peut-être importante mais subsidiaire, c’est de savoir à partir de quand cela doit s’appliquer. Vous avez confirmé, monsieur le ministre, que le Gouvernement était en phase avec le porte-parole du groupe socialiste, et cela me réjouit car c’est plutôt rassurant. Je pense même que le Gouvernement a inspiré le porte-parole du groupe socialiste, lui fournissant des arguments, dont je m’étonne seulement que le rapporteur n’ait pas eu à en connaître : personne ne m’a appelé de la part du Gouvernement, alors que je rapporte le texte, pour me dire que l’application de cette loi dès les élections municipales pouvait poser problème, par exemple pour la rédaction des procès-verbaux.

La proposition de loi, dans sa version initiale, était muette sur la question de sa date d’application, mais il était convenu, dans l’esprit de tous, qu’elle devait s’appliquer aux élections municipales. Le Sénat, au mois de février 2013 – je rappelle encore une fois que notre assemblée a examiné le texte en novembre 2012, il y a un an ! –, avec l’accord du Gouvernement, indiquait qu’elle devrait s’appliquer au 1er mars 2014, c’est-à-dire avant les élections municipales. Et voilà que, par un amendement, nous découvrons que ce serait au 1er avril, c’est-à-dire après les élections. Non mais franchement, c’est un gag, ou un poisson d’avril, que vous nous faites là !

M. Maurice Leroy. Eh oui !

Vous nous dites que vous êtes d’accord avec nous pour reconnaître le vote blanc, mais que cette reconnaissance ne s’appliquera pas aux prochaines élections, qui sont des élections majeures, qui concernent 36 000 communes de France. C’est tout simplement ubuesque !

Très bien !

M. François Sauvadet, rapporteur. Nous sommes aujourd’hui, au mois de novembre, en deuxième lecture, appelés à adopter un texte largement consensuel sur le fond mais dont on voit bien que vous cherchez à ce qu’il ne s’applique pas. Voilà la réalité. Encore une fois, si nous n’adoptons pas conforme le texte adopté par le Sénat, rien ne garantit que cela s’appliquera un jour.

M. Maurice Leroy. Pour une fois que le Sénat adopte un texte, suivez-le !

M. François Sauvadet, rapporteur. D’abord, parce qu’il y a un désaccord de fond avec le Sénat. Ensuite, qui nous dit que la date ne sera pas de nouveau repoussée ?

Je crains que la position du Gouvernement soit assez hypocrite. Il affirme être d’accord pour la reconnaissance du vote blanc mais ne peut se départir de certains réflexes, soulevant des interrogations sur telles ou telles conséquences. La société est aujourd’hui extrêmement tendue. Que vont faire ceux de nos compatriotes qui sont mécontents de la politique du Gouvernement et qui ne se reconnaissant pas non plus dans l’offre politique ? Ils n’iront pas voter ou ils se tourneront vers les extrêmes.

De deux choses l’une : ou nous adoptons le vote blanc et cela permettra à nos compatriotes d’exprimer un point de vue, ou nous laissons la situation en l’état et il ne faudra pas vous étonner de voir gonfler les votes extrêmes dans notre pays. Je souhaite lutter contre cela, clairement, et je demande à chacun de nos collègues, même si cela ne me satisfait qu’à moitié, d’adopter le texte tel qu’il nous est arrivé du Sénat, parce que si nous ne le faisons pas, je le dis solennellement, le vote blanc est mort. En tout cas, le texte ne sera pas promulgué avant les prochaines échéances électorales. Et cela, je n’en porterai pas la responsabilité ; il appartiendra au parti socialiste et au Gouvernement, et à eux seuls, de l’assumer. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Michel Zumkeller, pour le groupe UDI.

M. Michel Zumkeller. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur – l’excellent François Sauvadet –, mes chers collègues, le vote blanc n’est pas un vote nul. Il ne résulte pas d’une simple maladresse ou d’une erreur de manipulation. C’est une volonté délibérée de l’électeur de ne pas se soumettre aux règles régissant le scrutin. Après la brillante intervention de notre rapporteur, on voit bien que le fond du sujet, ce n’est pas de savoir si l’on est pour ou contre le vote blanc. Nous sommes manifestement tous pour, même si nous avons remarqué, tout à l’heure, le peu d’empressement du groupe socialiste à se mobiliser, puisqu’un seul de ses membres était présent en commission. Il y a une vraie gêne dans votre groupe, chers collègues. Nous sommes tous d’accord mais…nous butons sur une date.

On essaie de nous expliquer que c’est parce que tout – les PV, les formulaires – est déjà prêt pour les prochaines élections, et que l’application de la réforme dès le mois de mars aurait un coût très important. L’UDI ne peut laisser cet argument sans réponse, car vous savez combien elle a le souci de la maîtrise des dépenses publiques. Je me suis donc procuré un PV d’élection classique. Nous savons tous à quoi cela ressemble, car nous avons tous dépouillé, mais je doute que M. Popelin en ait souvent vu…

M. Pascal Popelin. Ce n’est pas convenable ! C’est petit et inconvenant !

M. Michel Zumkeller. Vous pourrez vous exprimer tout à l’heure : un peu de calme !

Un PV d’élection comporte très exactement vingt-six colonnes pour répertorier les résultats des candidats. Je n’ai pas souvent vu des élections avec vingt-six candidats ! Qu’est-ce qui empêche donc l’administration de réserver la vingt-sixième colonne à la matérialisation du vote blanc ? Rien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. François Lamy, ministre délégué. Vous n’avez jamais assisté à un dépouillement ?

M. Michel Zumkeller. Je ne suis maire que depuis six ans, monsieur le ministre, et d’ailleurs je ne pourrai pas continuer, car ce ne sera plus possible. Nous avons tous dépouillé : rien n’empêche de procéder de la sorte. Il suffit d’alerter les préfectures, qui alerteront les maires. Si vous ne voulez pas du vote blanc aux élections municipales, dites-le, mais ne vous réfugiez pas derrière des prétextes futiles.

Je crois que nous avons tous intérêt à ce que nos concitoyens puissent s’exprimer par le vote blanc. On sent bien que des tensions existent et l’on peut comprendre que l’offre politique ne corresponde pas ; or chacun doit pouvoir s’exprimer. Qu’allons-nous faire ? Nous n’appliquerons pas la loi pour les élections qui auront lieu en mars, si telle est votre volonté. Mais comme l’a dit François Sauvadet, nous ne l’appliquerons pas non plus pour les européennes. Le problème dure depuis 1798 et, manifestement, il peut encore durer des années ! On pourrait pourtant citer toutes les propositions de loi signées et cosignées. Monsieur le ministre, comme moi, vous en avez d’ailleurs cosigné une en 2003 : celle de Laurent Fabius, qu’avaient également signée François Hollande et Jean-Marc Ayrault. Cela fait des années que l’on travaille sur ce sujet.

M. François Lamy, ministre délégué. Et pendant dix ans, rien ne s’est fait !

M. Michel Zumkeller. Tout à fait ! Nous le reconnaissons bien volontiers. Mais ne pourrions-nous pas nous dire aujourd’hui que, même si ce texte n’est pas parfait – nous en sommes bien conscients –, il peut être appliqué aux élections municipales qui auront bientôt lieu dans un climat très particulier ?

M. Maurice Leroy. Très bien !

M. Michel Zumkeller. Cela ne changera pas foncièrement le résultat du scrutin, mais cela permettrait que nos concitoyens sachent que l’on tient compte de ce qu’ils pensent. J’avais préparé tout un descriptif sur le vote blanc, mais ce n’est pas nécessaire, car le fond du sujet est là. Regardez cela en face : si nous voulons le faire, nous pouvons le faire. Faisons-le tous ensemble maintenant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. François Sauvadet, rapporteur. Oui, puisque nous sommes tous d’accord !

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour le groupe écologiste.

M. Sergio Coronado. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, le fonctionnement de notre démocratie est perfectible et il nous appartient de le rendre plus légitime et plus respecté. Le pas, certes timide, que nous allons faire aujourd’hui y contribue. Il ne s’agit pas, comme on a pu le dire et l’écrire, d’une reconnaissance totale et entière du vote blanc, mais d’une prise en compte des bulletins blancs. Ce texte permettra pour la première fois de dénombrer les électeurs insatisfaits devant l’offre politique et qui expriment cette insatisfaction. Je forme le vœu que les débats concernant la reconnaissance du vote blanc ne s’achèvent pas définitivement aujourd’hui. Nous, élus écologistes, nous continuerons à œuvrer pour sa reconnaissance pleine et entière, comme je l’ai déjà dit en commission.

Le vote de cette proposition de loi est néanmoins l’aboutissement d’un long parcours pour une plus grande démocratisation dans la prise en compte des suffrages et d’une controverse qui dure depuis déjà trop longtemps. Pas moins de vingt-six propositions de loi demandant la reconnaissance du vote blanc ont été enregistrées sous les quatre dernières législatures. Cette prolifération de textes illustre bien l’importance accordée à ce sujet enfin porté au débat législatif cette année. La mobilisation citoyenne pour la reconnaissance du vote blanc, qui s’exprime dans de nombreuses associations, a également participé à l’arrivée du débat dans cet hémicycle.

Si, à une autre époque, le sujet du vote blanc a pu paraître intéressant d’un point de vue intellectuel mais anecdotique d’un point de vue politique, ce n’est plus le cas aujourd’hui, dans un contexte de défiance à l’égard du personnel politique et d’insatisfaction à l’égard de l’offre électorale. On ne peut plus continuer à considérer que celles et ceux, parmi nos concitoyens, qui ne s’accommodent pas de l’offre électorale se désintéressent de la politique, et les mettre devant l’alternative suivante : voir leurs votes rangés dans les bulletins nuls, ou rejoindre cette abstention qui croît et doit à juste titre nous inquiéter et nous mobiliser toutes et tous. Ce que l’on omet souvent de dire, c’est que les poussées d’abstention électorale s’accompagnent également de fortes proportions de votes blancs.

L’analyse politique doit donc être différente. Contrairement à ce que l’on prétend parfois, l’abstention non plus n’est pas le signe du désintérêt des électeurs pour le vote et le fait politique. Les citoyens dans leur ensemble sont au contraire très attentifs. L’abstention, tout comme le vote blanc, est le signe d’un mécontentement face à l’offre politique. L’argument qui consiste à affirmer que toute personne qui veut contester l’offre politique peut contribuer à l’améliorer en se présentant lui-même comme candidat ou en militant au sein d’un parti ne tient pas. Dans une France qui connaît de fortes inégalités sociales, où la reproduction des élites va de pair avec une panne de l’ascenseur social et où l’on assiste à une ghettoïsation croissante de certains territoires, cette argumentation méconnaît les difficultés de l’engagement. Qui plus est, nos processus électoraux, avec les investitures internes des partis, toujours perfectibles aussi, peuvent être un frein à la candidature de ceux qui souhaiteraient proposer une offre différente.

Aux élections présidentielles de 1995 et de 2002, le vote blanc et nul représentait environ 2 millions de suffrages. Le record de 6,32 % a été atteint au second tour des législatives de 1997. Pouvons-nous laisser de côté l’expression de 2 millions d’électeurs ? Il nous appartient donc, en tant qu’élus en premier lieu et en tant que citoyens responsables ensuite, de prendre la pleine mesure de cette désaffection.

M. Maurice Leroy. Mais oui !

M. Sergio Coronado. Chaque avancée en matière de procédure électorale et chaque progression démocratique de nos modes de suffrage se sont accompagnées de longues hésitations, de peurs et de rejets de la part de la classe politique. Le suffrage universel direct, l’isoloir ou le vote des femmes sont autant d’avancées qui ont été considérées, en leur temps, comme contestables. Il n’y a pas à avoir peur du vote blanc.

M. Maurice Leroy. Bien sûr que non !

M. Sergio Coronado. C’est une plus grande transparence, mais c’est aussi un signe de considération et de respect adressé à nos électeurs. Actuellement, l’article L. 66 du code électoral français assimile le vote blanc à un vote nul. Pourtant, la différence entre les deux est essentielle. Le vote blanc exprime un refus, une réaction négative peut-être, qui manque sans doute de données interprétatives, mais une réaction tout de même : c’est un acte citoyen de vote. L’électeur que nous ne voulons pas entendre s’exprime pourtant. Nous aimerions trouver une solution idéale, durable et solide, qui mettrait fin au phénomène de l’abstention. J’ignore si la prise en compte du vote blanc en est une, ou si elle peut contribuer à une plus forte mobilisation électorale, mais je sais qu’elle garantit à tous les citoyens la possibilité de manifester, par ce vote, qu’ils n’ont aucun représentant ou que leur volonté politique n’est pas présente dans l’offre électorale.

M. Maurice Leroy. Très bien !

M. Sergio Coronado. Le président de la commission des lois, auteur d’une proposition de loi à ce sujet, écrivait que « la reconnaissance du vote blanc […] peut permettre une forme d’expression de défiance vis-à-vis de l’offre politique proposée, qu’il est utile et juste de prendre en considération ». Nous partageons ce point de vue. Si le groupe écologiste compte voter ce texte – et j’entends l’appel à la modération que nous a adressé ce matin notre rapporteur, M. Sauvadet –, comme nous l’avions fait en première lecture, nous voulons aussi manifester une forme d’insatisfaction face à la timidité de l’avancée proposée.

M. François Sauvadet, rapporteur. Je vous comprends !

M. Sergio Coronado. Nous avons déposé plusieurs amendements au texte. L’un deux portait sur la question des enveloppes vides glissées dans l’urne, qui fait débat avec le Sénat. Cette pratique est en effet considérée par le législateur comme un vote nul. La commission des lois, heureusement, a bien voulu adopter cet amendement. Nous savons qu’il existe un obstacle constitutionnel à la prise en compte, dans toutes les élections, du vote blanc dans les suffrages exprimés. En effet, selon l’article 7 de la Constitution, le Président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés. À moins de modifier l’article 7, il faut donc exclure les votes blancs des suffrages exprimés au second tour de l’élection présidentielle et des référendums. C’est aussi le sens de l’amendement que nous avons déposé. Pour les autres élections, je ne crois pas que les problèmes soulevés soient d’une très grande gravité, même si j’entends l’argument sur l’affaiblissement de la représentation.

De nombreux arguments contre la reconnaissance du vote blanc ont été invoqués au cours des débats. En réalité, des solutions existent pour parfaire nos modes de scrutins et elles sont déjà mises en œuvre dans certains pays. Permettez-moi de vous parler un peu de ma circonscription, car j’observe dans de nombreux pays d’Amérique latine et des Caraïbes des solutions démocratiques plus satisfaisantes, dont nous devrions peut-être nous inspirer. La Colombie, l’Uruguay, le Brésil et le Pérou comptabilisent les votes blancs. Pour ce dernier pays, lorsque les deux tiers des électeurs votent blanc, le scrutin est annulé, ce qui leur confère en quelque sorte un droit de veto. Les amoureux de la démocratie directe, du référendum à tout va sauront reconnaître l’intérêt d’un tel dispositif.

L’un des arguments souvent invoqués contre le vote blanc est la crainte que celui-ci ne devienne majoritaire ou trop important et qu’il ne fausse ainsi la répartition des voix et le scrutin. Là encore, cette crainte peut être évacuée par des dispositifs innovants. La Colombie a ainsi trouvé une réponse pour parer à cette hypothèse : sa législation prend en compte le vote blanc dans le calcul des seuils, mais non dans la répartition des sièges. En vérité il existe fort peu d’arguments valables pour s’opposer à la reconnaissance du vote blanc.

M. Maurice Leroy. Très bien !

M. Sergio Coronado. Les écologistes, en matière électorale, ont beaucoup expérimenté et nous intégrons le vote blanc, en le comptabilisant et en le considérant comme un suffrage exprimé. Nous pensons qu’il doit en être de même à l’échelle de la nation. Ce qui fait aujourd’hui consensus, c’est le fait de dénombrer à part les bulletins blancs, sans pour autant les inclure dans le calcul des suffrages exprimés. Les bulletins blancs seront comptés parmi les votants, mais il n’y aura pas de graphique, le soir d’une élection, avec le pourcentage des votes blancs inclus dans le résultat obtenu par les candidats. La proposition de loi examinée en première lecture suggérait que les votes blancs entrent en compte pour la détermination des suffrages exprimés et c’est aussi ce que mon groupe aurait souhaité. À défaut de consensus sur cette question, nous soutenons l’avancée, en espérant que le texte, puisqu’il ne semble pas pouvoir être appliqué, selon la volonté du Gouvernement, pour les prochaines élections municipales, le soit néanmoins un jour. Il faut sur cette question un engagement clair de la part du Gouvernement.

M. François Sauvadet, rapporteur. Oh oui !

M. Sergio Coronado. Le plus tôt sera le mieux. C’est tout ce que je souhaite. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Krabal, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Jacques Krabal. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je ne veux pas m’engager dans la polémique sur les délais d’application du texte, même si c’est un sujet important. Je voudrais parler du fond, voire aller au-delà du fond de cette réflexion sur le vote blanc qui nous occupe aujourd’hui. Pour notre part, la réflexion que nous devons avoir doit concerner également deux points supplémentaires : le droit de vote et, d’une manière générale, l’obligation de vote.

S’agissant du vote blanc, la discussion sur sa reconnaissance n’est pas récente. Sans refaire son historique, je veux seulement rappeler que ce sujet a été abordé plus de vingt fois dans l’hémicycle. Même si nos propos peuvent paraître décalés et dérisoires vis-à-vis des problèmes que rencontre notre pays à l’heure actuelle, le sujet n’est pas si anodin que cela. Il est même important. L’accroissement régulier du nombre de bulletins blancs et nuls ne constitue-t-il pas l’indice d’une imperfection du système électoral et d’un malaise de nos électeurs ? La réponse est très certainement affirmative, si l’on associe à la réflexion l’augmentation conséquente de l’abstention et du nombre de non-inscrits qui, ensemble, portent à 50 % la part de la population qui n’exerce plus son droit de vote. Certes, disposer d’un droit, c’est aussi reconnaître le droit de ne pas s’en servir – je reviendrai sur ce sujet tout à l’heure –, mais cette faible participation conduit à transformer le droit électoral en une mécanique dont l’objectif, qui est la légitimité des élus, se fragilise.

Pourtant, la question de l’autorisation du vote blanc est ancienne dans notre pays : elle est apparue dès la Révolution française, puis en 1913, en 1983 ou en 2003. Nous, élus, nous devons montrer et démontrer qu’il ne faut pas avoir peur de l’électeur. L’électeur n’est pas notre ennemi, il est notre partenaire.

M. Maurice Leroy. Excellent !

M. Jacques Krabal. Nous le représentons et, dès lors, il doit être totalement libre d’exprimer son opinion. Or le vote blanc est une opinion. C’est une opinion forte – d’ailleurs défendue par plusieurs associations –, bien au-dessus de l’abstention puisque l’électeur a déjà fait le choix de se déplacer, ce qui n’est pas anodin. Le vote blanc n’en constitue pas moins un signe de défiance vis-à-vis de l’offre électorale : en votant blanc, l’électeur manifeste qu’il refuse d’adhérer à l’un des choix qui lui sont proposés. C’est d’ailleurs pour toutes ces raisons que le nombre de bulletins blancs ou nuls est souvent plus élevé au second tour d’un scrutin, du fait de la réduction de l’offre politique. En ces temps grandissants de rejet de la politique et du politique, le choix de comptabiliser le vote blanc peut également être un rempart contre l’attirance du vote populiste ou extrémiste. C’est pourquoi il faut quand même aller assez vite, monsieur le ministre.

M. François Sauvadet, rapporteur. Très bien !

M. Jacques Krabal. Lors de la dernière élection présidentielle, plus de 2 millions d’électeurs se sont déplacés dans les urnes sans choisir de candidats, d’après le ministère de l’intérieur. C’est un record en nombre de bulletins – mais pas en pourcentage. Au-delà des échéances électorales nationales ou locales, je souhaitais également vous rappeler qu’au sein même de notre assemblée, nous avons la possibilité de nous abstenir et que ce vote est même publié au Journal officiel.

M. Maurice Leroy. Eh oui !

M. Jacques Krabal. Pourquoi en serait-il autrement pour les scrutins nationaux et locaux ?

Le vote blanc demeure également un objet flou parce que le législateur n’en a donné aucune définition précise. Ce dernier ne le considère d’ailleurs pas comme une expression politique réelle au même titre qu’un vote pour un parti, un candidat ou pour une liste. Le vote blanc appartient en effet à la catégorie des suffrages dits « non exprimés », tout comme le vote nul. D’ailleurs, le code électoral ne précise pas la différence qui existe entre un bulletin blanc et un bulletin nul. L’article L. 66 de ce code établit seulement qu’ils constituent tous deux des suffrages non exprimés. Je me satisfais donc de l’adoption en commission des amendements des groupes écologiste et SRC visant à mieux définir ce vote blanc en reconnaissant les enveloppes vides comme bulletins blancs. En effet, se déplacer dans un bureau de vote muni soi-même d’un papier blanc n’est pas sans poser certains problèmes. Aussi cette nouvelle définition proposée par le nouveau texte de loi va-t-elle clarifier la pratique du vote blanc, comme le réclament de nombreuses associations, le Parti du vote blanc, le Vote blanc ou encore Blanc c’est exprimé.

Mais au-delà de ce texte que nous soutenons, la notion du droit de vote devrait être indissociable de celle du devoir de vote. Pour nous, un droit, c’est aussi un devoir. Oui, le droit de vote est partout dans le monde un symbole de conquête démocratique et une formidable victoire pour la liberté. Toutefois, en s’érodant, ce droit devient alors une arme qui se retourne contre la démocratie et contre la liberté. Mettons tout en œuvre pour éviter ce risque grandissant en associant au droit de vote le devoir de vote !

Mais l’obligation de vote ne peut être mise en œuvre qu’après la reconnaissance du vote blanc. Parce que mettre en œuvre l’obligation de vote pour tous les citoyens, c’est également renforcer la citoyenneté, aujourd’hui fortement ébranlée. Les critiques du politique se font de plus en plus nombreuses, les Français sont désabusés. Mais le rejet politique est souvent accompagné du rejet de l’autre. L’origine de ces attitudes est confuse et multiple, mais elle comprend, entre autres, le repli sur soi, la montée des égoïsmes dus à la fois à la crise et au chômage. Si nous, les élus, avons notre part de responsabilité dans la situation de notre pays, n’hésitons pas non plus à interpeller la responsabilité de chacun des habitants ; rappelons-nous ce que déclarait John Fitzgerald Kennedy : « Avant de demander ce que le pays fait pour toi, pose-toi la question de savoir ce que tu fais pour le pays ». Aujourd’hui, certains de nos concitoyens sont complètement déresponsabilisés et ne se sentent plus appartenir à la communauté citoyenne. De ce fait, ils ne font preuve d’exigence que vis-à-vis des autres et certainement plus à leur égard. Il faut absolument retisser le lien citoyen, de nos jours pour le moins distendu. C’est la responsabilité accrue des habitants qui pourra reconstruire de la citoyenneté. L’obligation de vote pourrait être un des outils pour atteindre cet objectif. Oui, monsieur le ministre, le groupe RRDP tient à cet engagement qui contribuerait à refaire une citoyenneté pour tous. Obliger à participer aux opérations de vote de son pays ne serait-il pas un signe fort d’appartenance à la communauté nationale ? Droit de vote, vote blanc mais aussi devoir de vote sont liés à la notion de responsabilité de l’être humain. Abraham Lincoln écrivait même qu’« un bulletin de vote est plus fort qu’une balle de fusil ».

Le devoir de vote devrait s’accompagner de la simplification de la procédure d’inscription sur les listes électorales, inscription qui devrait être systématisée.

Enfin, l’obligation de vote doit être l’occasion d’une décision politique majeure : celle d’étendre le droit de vote aux citoyens étrangers – sous réserve du respect de quelques règles à définir – comme l’ont déjà fait de nombreux pays. Permettre le droit de vote à celles et à ceux qui vivent chez nous dans notre pays sans en partager la nationalité est un engagement que nous devons honorer.

M. Sergio Coronado. Très bien !

M. Jacques Krabal. Sans polémiques, reprenons ensemble la réflexion sur ces deux sujets.

Tout ce que nous proposons ne réglera certes pas tous les problèmes, mais vote blanc comptabilisé, droit de vote pour les étrangers et inscription facilitée sur les listes électorales seraient autant d’actions qui contribueraient à rassembler, à responsabiliser et à développer le vivre ensemble. Voilà des valeurs auxquelles le groupe RRDP tient particulièrement, et je sais que beaucoup parmi vous les partagent.

Des goûts et de couleurs on ne discute pas. Qu’il en soit de même pour les élections. Le choix doit appartenir aux électeurs. Jean de la Fontaine écrivait dans la fable Le cierge : « Tout en tout est divers : ôtez-vous de l’esprit / Qu’aucun être ait été composé sur le vôtre. ».

Le groupe RRDP, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, votera en faveur de ce texte, estimant qu’il apporte une première pierre à la modernisation de la vie politique que nous appelons de nos vœux. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDPSRC.) 

M. Sergio Coronado et M. Michel Piron. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Huguette Bello, pour le groupe GDR.

Mme Huguette Bello. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, cette proposition de loi visant à reconnaître le vote blanc aux élections a été votée à l’unanimité par les deux chambres en première lecture. D’une part, elle répond à une attente de nos concitoyens dont une large majorité – 69 % selon un récent sondage, vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur – estime qu’il est nécessaire de reconnaître le vote blanc, et, d’autre part, elle s’inscrit dans la continuité de nombreuses propositions de loi déposées, législature après législature, par des parlementaires de divers groupes politiques.

Le texte opère une distinction claire entre l’abstention, le vote nul et le vote blanc. Ces trois comportements électoraux méritent en effet une reconnaissance spécifique.

L’abstention est incontestablement l’un des symptômes les plus caractéristiques de la profonde crise de la représentation politique. Ce refus de participer à un scrutin électoral revêt plusieurs visages. En effet, l’abstention ne marque pas seulement un désintérêt, une indifférence à l’égard de la politique ou encore un sentiment d’incompétence en la matière : pour de nombreux électeurs, elle est aussi utilisée comme une réponse électorale à part entière. Elle peut servir à exprimer leur malaise à l’égard d’une offre politique jugée insatisfaisante, incapable de répondre à leurs attentes. Elle peut encore constituer une sanction à l’encontre des gouvernements sortants pour la politique menée ou leurs promesses non tenues. Une meilleure reconnaissance du vote blanc pourrait donc contribuer à lutter contre le développement de l’abstention en offrant à l’électeur un nouveau moyen pour faire entendre son insatisfaction à l’égard de l’offre politique et pour appeler au renouvellement de celle-ci.

Considérer un vote blanc comme nul ne traduit pas le sens réel du choix qui a été fait. En effet, le vote nul constitue une irrégularité. Il résulte soit de la maladresse de l’électeur, soit de la volonté de ne pas se soumettre aux règles régissant le scrutin. Le vote blanc, lui, exprime le refus de l’électeur à l’égard du choix qui lui est proposé. Il s’agit donc bien d’un acte citoyen qui mérite d’être reconnu comme tel.

M. Maurice Leroy. Eh oui !

Mme Huguette Bello. Il témoigne d’un intérêt pour la chose publique tout en traduisant une insatisfaction à l’égard de l’offre politique. Le vote blanc est une expression démocratique en soi.

M. François Sauvadet, rapporteur. Très bien !

Mme Huguette Bello. La reconnaissance du vote blanc est donc tout à fait légitime. Non seulement il est normal et justifié de décompter séparément les votes blancs et les votes nuls, mais surtout, nous estimons que les bulletins blancs devraient être pris en compte dans le calcul des suffrages exprimés. Ceux-ci seraient alors calculés en déduisant du nombre de votants les seuls votes nuls, permettant ainsi une réelle prise en compte de ce mode d’expression qu’est le vote blanc. Il s’agirait alors d’une véritable avancée démocratique. En revanche, reconnaître le vote blanc tout en refusant d’en faire mention parmi les suffrages exprimés réduirait cette nécessaire reconnaissance à une mesure symbolique.

Certes, nous avons noté les préoccupations des uns et des autres quant aux conséquences politiques et juridiques de la comptabilisation des votes blancs dans les suffrages exprimés. Mais aucune des difficultés soulevées n’est appelée à rester durablement sans solution.

Ainsi, s’agissant du référendum, la prise en compte des votes blancs permettrait d’exprimer le caractère inopportun de la question. Il semble en outre logique que, pour que le oui l’emporte, il obtienne plus de voix que le total des non et des votes blancs, c’est-à-dire qu’il obtienne la majorité des votes.

S’agissant des élections, l’intégration des votes blancs dans les suffrages exprimés n’aurait sans doute pas de conséquence majeure lorsque le scrutin a lieu à la représentation proportionnelle. Reste la question des seuils, qu’il faudrait sans doute traiter dans le cadre des réformes sur les modes de scrutin.

C’est donc principalement pour les élections au scrutin majoritaire que la prise en compte des votes blancs aurait des conséquences. La seule réelle difficulté juridique se pose pour l’élection présidentielle puisque l’article 7 de la Constitution dispose : « Le Président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés. » En intégrant les votes blancs aux suffrages exprimés, il serait possible qu’un candidat arrivé en tête au second tour ne dispose pas de la majorité absolue. Mais cette difficulté, notre rapporteur l’a rappelé, n’aurait rien d’insurmontable puisqu’elle pourrait être levée lors d’une prochaine réforme constitutionnelle.

En tout état de cause, reconnaître le vote blanc comme un suffrage exprimé contribuerait à prendre en compte ce qui est aussi un choix démocratique, un choix politique, et permettrait d’offrir au citoyen électeur l’outil démocratique le plus adapté pour qu’il puisse exprimer son désaccord sur le choix qui lui est proposé, qu’il puisse signifier que l’offre politique ne lui convient pas. Distinguer le vote blanc et le prendre en compte parmi les suffrages exprimés apparaît donc indispensable.

S’agissant des modifications adoptées par la commission des lois de notre assemblée, nous approuvons qu’elle ait rétabli la disposition adoptée en première lecture mais supprimée par le Sénat, selon laquelle une enveloppe vide introduite dans l’urne est assimilée à un vote blanc. En effet, cette disposition permet, d’une part, d’éviter d’engager des dépenses supplémentaires pour l’État – qui n’aura pas à procéder à la mise en place de bulletins blancs mis à la disposition des électeurs –, et, d’autre part, de simplifier la procédure pour les électeurs qui souhaitent voter blanc, puisqu’ils ne seront pas dans l’obligation de se munir d’un papier blanc à mettre dans l’enveloppe au moment du vote. En revanche, nous regrettons le report de l’entrée en vigueur de la loi du 1er mars 2014 au 1er avril 2014. Nous ne voyons pas bien ce qui ferait obstacle à l’application de ce texte dès les municipales des 23 et 30 mars 2014.

M. François Sauvadet, rapporteur et M. Maurice Leroy. Très juste !

Mme Huguette Bello. Pour conclure, aux termes de la proposition de loi de nos collègues UDI, une distinction claire sera enfin établie entre l’absence de vote, le vote nul parce qu’irrégulier, et le vote blanc du citoyen qui considère ne pouvoir retenir aucune des options qui lui sont proposées. Il s’agit là, je l’ai dit, d’une avancée attendue par nos concitoyens et d’un moyen qui peut contribuer à lutter contre la montée de l’abstention. On peut certes regretter que le texte originel ait été minoré pour aboutir finalement à une avancée essentiellement symbolique. Mais les députés du groupe GDR soutiendront tout de même cette petite avancée qui constitue un premier pas vers une reconnaissance pleine et entière du vote blanc. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.) 

M. Daniel Gibbes et M. Sergio Coronado. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Pascal Popelin, pour le groupe SRC.

M. Pascal Popelin. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, les membres du groupe SRC sont favorables à la reconnaissance du vote blanc aux élections. Il ne s’agit pas, pour ce qui nous concerne, d’une conversion de fraîche date ou de circonstance, les archives parlementaires de la dernière décennie sont là pour en attester.

Voilà sans doute pourquoi, pour la première fois de cette législature, et une fois n’est pas coutume, je me retrouve en unité de pensée avec M. Sauvadet sur le fond d’un texte qui propose une évolution de notre droit électoral. Sur le principe, en effet, il n’y a pas le début d’un commencement de divergence entre sa proposition et notre approche de la question. Nous aurions donc pu trouver, mon cher collègue, d’autres occasions de croiser de nouveau le fer, mais j’observe, pour le déplorer, que par posture ou par nature, en l’absence de divergence de fond, vous recherchez la différence sur la forme.

M. François Sauvadet, rapporteur. Pas du tout !

M. Pascal Popelin. En outre, je tiens à dire à M. Zumkeller qu’il ne me semble pas opportun, sur un tel sujet comme sur tout autre, de faire preuve de condescendance ou d’un certain mépris à l’égard de ses collègues.

Les faits sont là, je viens de le rappeler, pour attester la volonté des socialistes que le vote blanc soit spécifiquement pris en compte dans les résultats des scrutins organisés au sein de la République française. Nous considérons que le vote blanc traduit la démarche réfléchie d’un citoyen qui souhaite accomplir son devoir civique, mais qui ne se retrouve pas dans l’offre politique du moment ou du lieu, telle qu’elle lui est proposée.

Nous pensons que le vote blanc se distingue du vote nul, qui est davantage la manifestation soit d’une étourderie, soit d’une manipulation prenant la forme d’un signe distinctif qui peut être imposé, ou bien encore d’une forme de mépris à l’égard de la démocratie et de l’exercice électoral qu’elle requiert.

Nous estimons que le vote blanc diffère aussi de l’abstention, c’est-à-dire du refus ou de l’impossibilité de s’associer au processus démocratique.

Nous jugeons donc qu’une place particulière doit lui être accordée dans la présentation des résultats électoraux, et qu’une telle évolution sera de nature à constituer un progrès pour notre démocratie.

Voilà pourquoi les socialistes ont été, lors des précédentes législatures, à l’initiative de plusieurs propositions de loi dont l’objet était en tout point similaire à celui visé par le texte que nous examinons en deuxième lecture aujourd’hui.

Leurs auteurs n’étaient pas les membres les moins illustres de nos rangs : Laurent Fabius et Jean-Marc Ayrault, d’abord, en 2003, puis notre honorable président de la commission des lois, Jean-Jacques Urvoas, à la fin de la précédente législature, dans des versions plus ou moins audacieuses.

Vous me permettrez de rappeler que leurs initiatives se sont alors heurtées à l’absence d’intérêt, pour ne pas dire au refus de la majorité d’alors qui – il faut bien que j’exprime ce sentiment – n’a jamais montré beaucoup d’appétence pour la rénovation de nos pratiques démocratiques.

Ni le temps ni la distance que nos concitoyens expriment chaque jour davantage à l’égard de l’exercice civique ne semblent avoir fait leur œuvre dans ce domaine. Certains paraissent toujours aussi interdits quand il est question de rechercher les voies permettant de redonner du souffle à nos institutions.

Et si ce texte a fait l’objet d’une unanimité suffisamment rare pour devoir être saluée lors du vote en première lecture, la teneur des débats en commission des lois, la semaine dernière, a permis de mesurer les réticences qui demeurent parmi certains de nos collègues de l’UMP, même sur ce modeste sujet.

Ceux dont vous semblez appeler de vos vœux, en particulier vous, cher collègue Sauvadet, qu’ils soient vos partenaires naturels au sein de l’opposition, ne semblent pas être complètement vos meilleurs soutiens s’agissant de la reconnaissance du vote blanc. Je vous renvoie sur ce point au compte rendu des débats en commission des lois de la semaine dernière.

Pour notre part, sans autre préoccupation que celle de l’intérêt général, parce que nous pensons que votre proposition de loi est pertinente dans son objet et qu’elle va dans le sens que nous avons nous-mêmes souhaité, nous avons voulu, dès le départ, contribuer à lever tous les obstacles qui auraient pu entraver son adoption.

Lors de son examen en première lecture, nous sommes ainsi parvenus collectivement à emprunter la voie du compromis et du pragmatisme. Nous avons alors débarrassé le texte de ce qui pouvait l’affaiblir, ou ne pas rassembler, pour nous concentrer sur les éléments qui recueillaient l’adhésion du plus grand nombre.

De cette méthode de travail est sorti un dispositif, simple dans sa forme et bon sur le fond, qui répond avec précision à l’objectif que ses auteurs lui avaient assigné. Celui-ci avait été adopté à l’unanimité le 22 novembre 2012, à la faveur de quelques modifications, d’ailleurs suggérées par notre groupe.

Ainsi avons-nous exclu de comptabiliser les bulletins blancs parmi les suffrages exprimés…

M. Jean-Louis Borloo. À tort !

M. Pascal Popelin. …pour éviter de devoir modifier la Constitution et en particulier l’article 7, relatif à l’élection du Président de la République, mais aussi parce que nous avons jugé qu’une telle disposition aurait pu être de nature à altérer la légitimité de tous les candidats élus lors des autres scrutins, ce qui ne nous semble pas devoir constituer un objectif prioritaire dans le contexte actuel.

En introduisant une comptabilisation des votes blancs distincte de celle des bulletins valides et des bulletins déclarés nuls, en faisant apparaître cet indicateur de manière claire dans la présentation des résultats électoraux, nous répondons, je crois, aux attentes des citoyens qui souhaitent voter, sans pour autant porter leur voix sur l’un des candidats déclarés.

Enfin, pour rendre cette capacité d’expression plus opérationnelle, nous avions acté le principe clair et de bon sens selon lequel une enveloppe sans bulletin devait être assimilée à un vote blanc.

Le Sénat n’a pas souhaité retenir cette modalité pratique de prise en compte du vote blanc. En lieu et place, il a préféré s’en tenir à une formule qui contrait l’électeur à se munir par ses propres moyens d’un morceau de papier blanc qu’il devrait impérativement glisser dans l’enveloppe pour manifester son intention de voter blanc, une enveloppe vide continuant d’être considérée comme un vote nul.

Nous estimons que cette exigence, peu lisible pour nos concitoyens, va à l’encontre de l’objectif de simplicité que nous recherchons ici et qu’elle dénature la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui. Ses auteurs n’en disconviennent pas.

Si le groupe UDI était prêt à s’en satisfaire, nous n’avons pas estimé opportun d’adopter conforme cette version « moins-disante » du travail que nous avions mené ensemble sur ce texte.

Voilà pourquoi, nous nous en sommes tenus au compromis sur lequel nous nous étions accordés à l’unanimité en première lecture, en rétablissant, sur ma proposition et par voie d’amendement lors de l’examen de ce texte par la commission des lois la semaine dernière, ce que le Sénat avait, de notre point de vue, détricoté.

Il ne m’a pas échappé que cette absence de vote conforme repousse quelque peu les échéances de mise en œuvre de ces dispositions nouvelles.

M. François Sauvadet, rapporteur. Ah oui !

M. Pascal Popelin. J’entends les impatiences, même si, pour les relativiser sur l’échelle du temps, je veux rappeler que la reconnaissance du vote blanc n’est finalement en débat parmi les parlementaires que depuis l’année 1798.

Je pense toutefois que nous aurions grand tort d’en faire un point de crispation entre nous et que la recherche du compromis, qui a prévalu jusqu’ici tout au long de nos débats, doit pouvoir perdurer aujourd’hui.

Avant d’en terminer, je souhaiterais d’ailleurs revenir sur deux points relatifs à la date de mise en œuvre de cette proposition de loi.

Appliquer ce texte dès les prochaines élections municipales n’est tout simplement pas tenable, compte tenu du calendrier de préparation de cette importante échéance. Non pas parce que nous y opposerions une quelconque mauvaise volonté, mais tout simplement parce que des raisons d’ordre technique, logistique et financier – ce n’est pas accessoire – nous en empêchent, compte tenu de l’état d’avancement de la préparation des nombreux documents nécessaires à l’organisation d’un tel scrutin dans les quelque 36 700 communes de France.

En revanche, il est encore techniquement possible de mettre en œuvre ces dispositions pour les élections européennes de mai prochain, mais à condition de ne pas tarder. Il s’agit là d’une question d’organisation du calendrier parlementaire.

Le groupe SRC, je le dis clairement, n’est pas défavorable à ce que des solutions soient recherchées en ce sens, en cohérence avec son soutien à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour le groupe UMP.

M. Lionel Tardy. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le vice-président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le discours que je m’apprête à tenir sur cette proposition de loi du groupe UDI est radicalement différent de celui que j’avais tenu ici même en première lecture, il y a maintenant un an.

Et pour cause : depuis l’examen en séance en première lecture puis au Sénat, le principal point qui me posait problème a été revu. Je parle bien sûr, monsieur le rapporteur, du décompte des suffrages exprimés.

M. François Sauvadet, rapporteur. Bien sûr !

M. Lionel Tardy. La reconnaissance du vote blanc n’est pas un souci, c’est même une intention louable. Mais le fait qu’un vote blanc pouvait être considéré comme un suffrage exprimé en faisait une fausse bonne idée et me posait un certain nombre de problèmes, sur lesquels je m’étais exprimé en première lecture.

Le danger était de donner une dimension consumériste à l’élection, avec toutes les dérives que cela aurait pu entraîner, qui aurait sérieusement entamé la légitimité des élus : avec ce décompte, les hommes et femmes désignés se seraient retrouvés affaiblis dans leur fonction.

Or mes chers collègues, il ne faut pas perdre de vue que l’élection est faite avant tout pour désigner un élu. Avec un vote blanc compté comme suffrage exprimé, on aurait pu, dans certains cas, ne pas parvenir à un résultat mais à des situations saugrenues et bancales qui, au final, auraient discrédité la démocratie.

Rien de tout cela dans cette proposition de loi remodelée.

Cette réserve évacuée, autant le dire tout de suite, il n’y a plus aucune raison de ne pas soutenir notre collègue François Sauvadet dans sa démarche.

M. François Lamy, ministre délégué. Enfin !

M. Lionel Tardy. Il ne s’agit bien sûr pas d’une révolution mais d’une modification à la marge, malgré tout importante, que sauront saluer ceux qui militent pour la reconnaissance du vote blanc.

La première étape de la reconnaissance est bien souvent la visibilité. Et cette proposition de loi offre justement cette visibilité au vote blanc. En effet, elle prévoit que ces suffrages soient annexés au procès-verbal et surtout mentionnés dans les résultats de l’élection. Cela a son importance, car le message envoyé est triple.

Premièrement, les chiffres de l’abstention sont toujours cités avant les autres. Pourquoi ne pas aussi citer les votes blancs, dont les émetteurs se sont déplacés pour aller voter ?

Deuxièmement, le vote blanc n’est pas forcément un vote de pur rejet. Parfois, il est utilisé pour montrer qu’aucun candidat ne correspond à son positionnement, ce qui peut arriver. C’est le cas d’un électeur qui voterait blanc au premier tour avant de choisir un candidat pour le faire gagner au second tour, par exemple.

Enfin, lorsque le vote blanc est un vote « de rejet », il est toujours préférable à un vote pour les extrêmes. Je le dis d’autant plus volontiers étant donné le contexte actuel. Si le vote blanc était plus visible, peut-être les électeurs auraient-ils moins tendance à se tourner vers l’abstention ou vers les extrêmes, lorsqu’il ne s’agit pas d’un vote d’adhésion.

M. François Sauvadet, rapporteur. Mais oui !

M. Lionel Tardy. Dans la même logique, le plus satisfaisant dans ce texte est sans doute que les votes blancs soient distingués des nuls. Il m’a toujours paru aberrant, en effet, qu’une enveloppe vide soit considérée de la même façon qu’un bulletin gribouillé ou sur lequel il serait écrit « Tous pourris », par exemple.

Tous les votes se valent et doivent être respectés. Cependant, la logique n’est pas la même lorsque l’on vote blanc ou nul et cela va mieux en le disant enfin.

Ma seule divergence avec le rapporteur, ou plutôt avec les sénateurs, concerne la définition du vote blanc. Il me paraît beaucoup plus pratique de considérer qu’une enveloppe vide est un vote blanc plutôt que de commencer à créer des bulletins vierges et donc à instaurer une pratique qui n’existe pas.

M. François Lamy, ministre délégué. Mais oui !

M. Lionel Tardy. En revanche, concernant la date d’application de cette proposition de loi, je partage l’objectif de mise en œuvre dès les municipales de 2014. Le groupe UMP soutiendra donc l’amendement n3.

Ce petit changement d’un mois en termes d’application veut en réalité dire beaucoup. Repousser l’application de ce texte après les municipales, inutile de se le cacher, et le rapporteur l’a parfaitement dit, ne serait pas un bon signe.

J’ai le sentiment que la majorité et le Gouvernement ne sont pas spécialement à l’aise sur la date d’entrée en vigueur de ce texte et sur le texte en lui-même, et l’on se demande bien pourquoi. Aucun argument sérieux ne suggère ce report ni un éventuel ajournement de ce texte.

M. François Sauvadet, rapporteur. Absolument !

M. Lionel Tardy. Sur le fond, à l’heure où l’on sonne le clairon de la transparence à tous les étages, rejeter ce texte serait incohérent. L’objectif de cette petite avancée est justement d’instaurer une transparence supplémentaire et bienvenue.

Bienvenue, car elle pourra avoir de fortes conséquences, comme le recul de l’abstention ou des extrêmes. Sur la forme, qu’est-ce que cela peut bien coûter de mettre en œuvre cette réforme dès les municipales, qui sont dans quatre mois ?

Que l’on ne vienne pas nous dire que les listes sont imprimées et les urnes déjà installées dans les bureaux de votes ! Nous sommes dans un pays où le Premier ministre peut annoncer une réforme fiscale décidée le matin même, sans en informer ses ministres, et mettre en marche les concertations dès la semaine suivante, tâche autrement plus ardue.

M. François Lamy, ministre délégué. Je ne vois pas le rapport : organiser un scrutin c’est quand même autre chose !

M. Lionel Tardy. Rajouter une ligne, une case ou que sais-je encore sur les feuilles d’émargement et adapter les logiciels du ministère de l’intérieur devrait être largement plus facile si l’on s’y prend dès maintenant.

Pour prendre un exemple plus similaire encore, je rappelle que le projet de loi de finances pour 2014 prévoyait, dans sa version initiale, la dématérialisation de la propagande électorale dès les élections européennes.

Une telle dématérialisation, à laquelle je m’étais opposé, aurait demandé largement plus de temps que les modifications pouvant être induites par la mention explicite du vote blanc.

Pour entériner la fin de l’envoi papier des documents électoraux, il faudrait certainement plusieurs années, le temps de s’assurer que l’accès à internet tend vers 100 % des électeurs, que le processus est bien huilé, qu’il n’y a pas de raté, etc. Cette complexité et cette anticipation nécessaire n’ont évidemment pas d’équivalent ici.

Je rappelle également que ce texte est à l’étude depuis exactement un an. Que l’on ne vienne pas me dire que le ministère de l’intérieur n’a pas eu le temps de le voir venir, sans compter que la version initiale prévoyait un décompte particulier qui, je le rappelle, a disparu et qui, en termes de calcul, aurait pu être plus compliqué.

Ici, l’argument ne tient clairement pas. Les prétendus problèmes techniques que l’on oppose à la représentation nationale sont une moquerie pure et simple, un alibi pour éviter de se mouiller sur une question qui n’a pourtant rien de délicat ou de polémique. De plus, en termes budgétaires, le coût est a priori nul, ce qui est une raison de plus pour l’instaurer dès les prochaines élections municipales.

Il faut ajouter qu’un consensus se dégage largement au sein de cette assemblée pour la reconnaissance du vote blanc. Le rejet de ce texte, par quelque artifice que ce soit, y compris le report, serait donc difficilement compréhensible. Ce serait d’autant plus surprenant, qu’en février, au Sénat, le Gouvernement avait dit oui à une application dès mars prochain.

M. François Sauvadet, rapporteur. C’est vrai !

M. Lionel Tardy. Un retournement serait pour le moins suspect et incohérent, mes chers collègues. Ce serait tout simplement une énième manœuvre politique.

Que le Gouvernement, avec l’aide de la majorité, s’applique à détricoter ou faire rejeter des propositions de loi de l’opposition est plus ou moins logique quand il s’agit de sujets économiques, par exemple, sur lesquels un désaccord idéologique existe. Encore une fois, rien de tout cela ici.

Que le Gouvernement avec l’aide de la majorité s’applique à détricoter ou faire rejeter des propositions de loi de l’opposition est plus ou moins logique quand il s’agit de sujets économiques, par exemple, sur lesquels un désaccord idéologique existe.

Encore une fois, rien de tout cela ici.

Les réserves que j’ai pu émettre en première lecture n’ont plus lieu d’être. Quand je vois que ce texte pourrait être ajourné sans raison, par pure tactique, je le soutiens d’autant plus volontiers. Ce n’est certes pas une révolution, ce n’est pas non plus une priorité absolue, mais cette mesure aura une utilité, car elle permettra à tous de connaître le nombre d’électeurs qui ont choisi de glisser un bulletin blanc dans l’urne. Finalement, elle se résume à une distinction nette des votes blancs et des votes nuls, inscrite sur les procès-verbaux. Elle mérite donc d’être appliquée à toutes les élections, ce qui devrait être le cas depuis longtemps, à bien y réfléchir.

Faisons attention au signal que nous enverrions par un rejet ou un report de ce texte. Le contexte actuel, cela a été souligné par beaucoup d’orateurs, marqué par la contestation et la méfiance grandissantes envers les partis et les hommes politiques, nous oblige encore plus que d’habitude. Le refus de faire apparaître le vote blanc d’électeurs comme un vote à part entière leur apparaîtra tout simplement comme un refus d’entendre leur mécontentement. Ce serait les mener tout droit vers les extrêmes.

Je préfère cette forme de contestation par les urnes à d’autres formes de contestation, plus violentes, dans un pays que l’on sent parfois au bord de l’implosion. Bien sûr, le vote blanc n’est pas la solution. C’est aux candidats de porter un projet, bien évidemment, qui puisse répondre aux préoccupations du plus grand nombre de citoyens. Si tel n’est pas le cas, alors rien n’empêche certains électeurs de se retrousser les manches et d’aller au combat, ce que certains font d’ailleurs.

Les partisans les plus vifs de la reconnaissance du vote blanc demandent sa reconnaissance au sein des suffrages exprimés, ce qui n’est, disons-le encore une fois, pas souhaitable. En revanche, le petit pas démocratique qui nous est présenté ici ne mange pas de pain et a son importance. Cette proposition de loi mérite donc le consensus de l’ensemble des députés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Marie-Françoise Bechtel. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Daniel Gibbes.

M. Daniel Gibbes. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le vice-président de la commission des lois, monsieur le rapporteur François Sauvadet, mes chers collègues, notre assemblée est réunie ce matin pour examiner, en deuxième lecture, la proposition de loi, modifiée par le Sénat, de M. le député François Sauvadet, visant à reconnaître le vote blanc aux élections. C’est un texte court, certes, pour des débats sur une question qui est loin d’être nouvelle, vous l’avez déjà tous dit.

Ce sujet délicat de la dissociation entre votes nuls et votes blancs agitait déjà notre hémicycle sous la IIIRépublique et, législature après législature, des parlementaires de sensibilités diverses ont régulièrement déposé des propositions de loi visant à reconnaître le vote blanc. Pour les seules deux dernières décennies, ce sont ainsi quelque trente textes qui ont été déposés sur le sujet. Un seul, finalement, a été adopté, en 2003, vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, mais on se souvient que la navette s’était interrompue au Sénat, comme vous l’avez précisé, monsieur le ministre. Si le sujet n’est pas nouveau, l’attente de nos concitoyens, en revanche, portée par des associations militantes dédiées, est forte. L’illustrait, dans le rapport Pour un renouveau démocratique de la commission Jospin, ce sondage de LH2Le Nouvel Observateur selon lequel quelque 69 % des Français se disaient favorables à la reconnaissance du vote blanc.

Concrètement, le présent texte, qui a fait l’objet de modifications au Sénat et en commission des lois de notre assemblée, ne propose plus une reconnaissance juridique du vote blanc au sein des suffrages exprimés dignes de ce nom, mais un décompte séparé des bulletins blancs et des bulletins nuls. La part des bulletins blancs, annexée au procès-verbal, établie dans chaque bureau de vote, sera en outre mentionnée dans les résultats de l’élection.

Le texte peut sembler quelque peu dénaturé, mais il reste à mon sens un premier pas appréciable. Je suis de ceux qui pensent qu’une distinction claire doit être établie entre un bulletin nul, parce qu’irrégulier, et un bulletin blanc, expression d’une décision politique du citoyen. Un électeur qui fait le chemin vers l’isoloir pour voter blanc, quelles que soient ses motivations, doit voir reconnue l’expression de sa volonté politique. Il ne peut plus être confondu avec celui qui s’abstient et qui s’exclut de ce fait de toute participation à la vie politique de son pays. Qu’il intervienne comme une sanction ou qu’il soit l’expression d’un désarroi, le vote blanc reste une réponse électorale que nous, élus parlementaires, qui avons à prendre à bras-le-corps la réconciliation de nos concitoyens avec la chose politique, nous devons d’entendre et de respecter.

Dans un contexte de crise économique, de crise de sens, de crise de la représentation politique, on ne peut pas non plus, à mon sens, aborder la question de la reconnaissance du vote blanc sans évoquer la question de l’abstention, ces deux phénomènes étant, selon moi, imbriqués. La réconciliation de nos concitoyens avec la chose politique s’impose quand 2,1 millions de Français ont voté blanc ou nul au deuxième tour de la présidentielle de 2012, atteignant un taux record, qui égale quasiment celui de 1969, lorsque les communistes avaient refusé de choisir entre Poher et Pompidou. La réconciliation de nos concitoyens avec la chose politique s’impose quand ce sont près de quatre millions de citoyens qui ne sont tout simplement pas inscrits sur les listes électorales.

Alors, certes, le renouveau démocratique passe par des réformes bien plus ambitieuses, certes, le texte qui nous revient ce matin semble altéré en ce sens qu’il ne reconnaît pas le vote blanc comme un suffrage exprimé, mais il reste un premier pas dans la bonne direction, et c’est pour cette raison que je voterai, à titre personnel, en faveur de cette proposition de loi.

Cela dit, mes réserves, tout comme celles du rapporteur, portent naturellement sur l’entrée en vigueur de ce texte après les municipales de 2014. Les précisions apportées hier par M. le ministre Vidalies lors de la séance de questions au Gouvernement ne sont pas faites pour rassurer. Elles mettent au contraire en exergue l’impréparation du Gouvernement en la matière.

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre délégué.

M. François Lamy, ministre délégué. Tout d’abord, je voudrais excuser Manuel Valls, le ministre de l’intérieur, qui est retenu, ce matin, comme vous le savez, par la remise du rapport sur la réforme du droit d’asile. Mais comme vous l’avez souligné, monsieur Sauvadet, j’ai été un expert électoral, s’il en fut. Par ailleurs, j’ai moi-même été maire et j’ai organisé de nombreux scrutins.

M. Maurice Leroy. C’est vrai !

M. François Lamy, ministre délégué. De plus, je suis un homme de consensus.

M. François Sauvadet, rapporteur. Ça, c’est en construction !

M. François Lamy, ministre délégué. Je semble donc tout à fait adapté à la situation. M. Leroy pourrait le démontrer. (Sourires.)

Voilà qui me permet justement de reprendre l’une de vos formules, monsieur le rapporteur : il faut sortir de l’hypocrisie et des postures,…

M. François Sauvadet, rapporteur. Ça, c’est vrai !

M. François Lamy, ministre délégué. …parce que, finalement, si on a bien écouté cette discussion générale, on a compris que nous étions d’accord sur le fond. Le Gouvernement, la majorité, le groupe UDI et, si j’ai bien compris, l’ensemble des membres de cette assemblée sont d’accord sur la comptabilisation des bulletins blancs à part des bulletins nuls et sur le fait qu’ils ne soient pas pris en compte dans le calcul des suffrages exprimés. Il nous reste donc finalement un seul problème : celui de la date à partir de laquelle appliquer ces dispositions.

Je vous ferai simplement remarquer – comme je suis un homme de consensus, ce sera très court – que la méthode la plus simple pour que la reconnaissance du bulletin blanc soit mise en œuvre aurait été, quand même, quelque part, de l’adopter au cours des cinq dernières années. Aujourd’hui, nous n’en serions pas là.

M. François Sauvadet, rapporteur. Voilà une remarque qui n’est vraiment pas polémique ! Vous êtes vraiment un homme de consensus !

M. François Lamy, ministre délégué. Non, ce n’est pas polémique, c’est un constat de fait.

Par ailleurs, en ce qui concerne le calendrier, vous savez que le calendrier parlementaire a été chargé cette année. D’ailleurs, votre assemblée s’en est souvent plainte.

Restent, à propos de l’application de ces dispositions, des questions qui sont plus d’ordre matériel. J’ai bien entendu ce qui a été dit ce matin par M. Zumkeller sur l’organisation : il suffirait simplement, selon lui, d’ajouter une colonne au procès-verbal, ou de gribouiller, de bidouiller, la dernière colonne.

M. Michel Zumkeller. Non, pas de gribouiller, ni de bidouiller !

M. François Lamy, ministre délégué. Comme vous l’avez dit, vous avez été organisateur de scrutins, monsieur le député. Vous savez donc, et je l’ai moi-même vécu en tant que maire, que même lorsqu’il n’y a pas de changement, il faut de nouveau réunir les présidents de bureau de vote, leur rappeler les règles d’organisation des bureaux de vote.

Or, je vous le rappelle, des changements assez profonds interviendront lors des prochaines élections municipales. Dans de nombreuses communes, il n’y aura plus de panachage et il y aura l’élection des conseillers communautaires au suffrage direct. Et, si on veut mettre en œuvre la reconnaissance du bulletin blanc, il y a une nécessité absolue d’informer les électeurs. Or nous ne sommes plus dans les délais raisonnables pour informer les électeurs, ni pour former l’ensemble des personnels, que ce soit dans les préfectures ou dans les mairies, ni pour former les présidents de bureau de vote, qui, eux-mêmes, je vous le rappelle, seraient appelés à former les scrutateurs. Vous le savez : ceux qui dépouillent sont des citoyens qui, le jour même de l’élection, se portent volontaires, et à qui il faut expliquer l’ensemble des règles. (Exclamations sur les bancs du groupe UDI.)

M. Maurice Leroy. Ça rame !

M. François Lamy, ministre délégué. Enfin, dernier élément, vous savez qu’un logiciel centralise au niveau du ministère de l’intérieur l’ensemble des résultats électoraux. Ce n’est pas un logiciel qu’on peut modifier en une minute, comme on convoque une réunion. Il est chargé de comptabiliser l’ensemble des résultats des 100 préfectures et des 67 900 bureaux de vote. Cela ne se change pas comme ça, à la va-vite.

Si cette proposition de loi est adoptée ce matin, le Gouvernement fera tout pour qu’elle revienne au Sénat dans les meilleurs délais, afin qu’elle puisse effectivement être mise en application dès les élections européennes.

M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Dominique Raimbourg. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je dirai quelques mots, d’abord pour excuser M. Jean-Jacques Urvoas, le président de la commission des lois, qui est actuellement en déplacement pour la délégation parlementaire au renseignement.

Je veux vous dire trois ou quatre choses.

La première, c’est que la commission des lois, réunie en application de l’article 86 du règlement de l’Assemblée nationale, avait soutenu le compromis, comme l’a expliqué M. Popelin. Cela démontre que, sur le fond, nous sommes unanimes, comme l’a rappelé M. le ministre.

M. Lionel Tardy. Eh bien, allons-y !

M. Dominique Raimbourg. La deuxième, c’est que, vous avez raison, monsieur le rapporteur, il faut sortir de la crispation qui étreint ce pays. Sortir de la crispation, c’est, me semble-t-il, faire état de cette unanimité, sans nous diviser, sans nous disputer, comme d’habitude, sur la procédure, sur la date, parce que, fondamentalement, un mode de scrutin a besoin de temps pour s’imposer. Pour produire de l’effet, il aura besoin de temps. Cela n’a rien à voir avec je ne sais quelle arrière-pensée du groupe majoritaire s’agissant des municipales, ou avec je ne sais quelle stratégie secrète.

En conséquence, ne nous disputons pas sur ce point. Envoyons un message de décrispation, dont, effectivement, monsieur le rapporteur, nous avons bien besoin,…

M. Lionel Tardy. Vous allez la voir, la décrispation !

M. Dominique Raimbourg. …et disons que, pour une fois, nous savons nous mettre tous d’accord pour essayer d’améliorer les modes de représentation.

M. le président. J’appelle maintenant…

M. François Sauvadet. Je souhaite réagir, monsieur le président.

M. le président. Normalement, ce n’est pas permis par le règlement. Seuls peuvent répondre la commission et le ministre. Mais bon, vous avez la parole, monsieur le rapporteur.

M. François Sauvadet, rapporteur. Je vais rapporter au nom de la commission, si vous le voulez bien !

D’abord, monsieur le ministre, je vous savais expert, mais je vous découvre expert en langue de bois. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.) Il y a exactement un an, le 22 novembre 2012, nous étions unanimes à considérer que la reconnaissance du vote blanc était une nécessité démocratique, que l’occasion s’en présentait et que l’état de crispation de la société nous obligeait à reconnaître tout simplement le vote blanc comme un mode d’expression politique de citoyens qui font l’effort d’aller voter et qui ne se reconnaissent pas dans l’offre politique telle qu’elle est proposée. Par cette reconnaissance, nous encourageons à participer à un scrutin démocratique, et nous n’imposons pas à ceux qui ne se reconnaissent pas dans l’offre politique de choisir entre les deux seules solutions de l’abstention et du vote pour les extrêmes. Il y avait une unanimité sur ces bancs.

Mme Sophie Dessus. Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis !

M. François Sauvadet, rapporteur. Au mois de février dernier, j’appelle votre attention sur ce point, monsieur le ministre, au Sénat, sur proposition du groupe socialiste, le Gouvernement accepte d’inscrire dans la loi que cette reconnaissance s’appliquera à compter du 1er mars.

M. Maurice Leroy et M. Lionel Tardy. Eh oui !

M. François Sauvadet, rapporteur. Évidemment, le temps passe, et il a fallu attendre que le groupe UDI ait la possibilité d’inscrire ce texte à l’ordre du jour de notre assemblée pour que l’on en débatte à nouveau. Et à quatre mois des élections, vous nous dites que ce n’est simplement pas possible, qu’on ne peut plus, que c’est techniquement impossible ! C’est vraiment prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages ! Mais enfin, de qui se moque-t-on ?

Vous me parlez d’arrêter l’hypocrisie.

M. François Lamy, ministre délégué. D’arrêter les postures !

M. François Sauvadet, rapporteur. Je vous ai demandé d’arrêter l’hypocrisie : vous m’avez répondu que vous y êtiez prêt, comme vous étiez prêt à rechercher le consensus. Moi, j’ai une question très précise à vous poser : selon quel calendrier cette proposition de loi visant à reconnaître le vote blanc pourrait-elle s’appliquer aux élections européennes ? Vous n’allez pas nous refaire le coup !

En l’état actuel des choses, si nous ne votons pas aujourd’hui ce texte dans les mêmes termes que le Sénat, si nous ne faisons pas un vote conforme, cette proposition de loi ne s’appliquera pas plus aux élections européennes qu’aux municipales, sauf si le Gouvernement prend l’initiative de poursuivre la procédure législative (« Très juste ! » sur les bancs du groupe UDI.)

M. Maurice Leroy. Bien sûr, il a raison !

M. François Sauvadet, rapporteur. Monsieur le ministre, le Gouvernement est-il prêt à prendre l’initiative d’inscrire cette proposition de loi à l’ordre du jour du Sénat ?

Sans cela, que se passera-t-il ? Le prochain examen de ce texte d’initiative parlementaire ne pourra avoir lieu, au Sénat, que lorsqu’il sera possible au groupe UDI-UC de l’inscrire à l’ordre du jour,…

M. Lionel Tardy. Dans un an !

M. François Sauvadet, rapporteur. …soit le 12 février 2014.

Par ailleurs, s’il y a désaccord entre l’Assemblée nationale et le Sénat, quid de la commission mixte paritaire ? Je crains même qu’au terme du processus législatif d’initiative parlementaire – j’allais dire : du processus législatif normal –, la loi sur le vote blanc ne puisse s’appliquer qu’après les élections départementales et régionales.

Nous voulons envoyer un signal à l’opinion : nous prenons conscience de son état de crispation, et en conséquence, nous prenons en compte ceux qui ne se reconnaissent pas dans l’offre politique. Et vous dites, monsieur le ministre : « Tout cela est très bien, nous sommes tous d’accord, le Parlement est d’accord, Sénat et Assemblée, mais cela ne s’appliquera qu’après les élections » ! Franchement, ce n’est pas le bon message.

M. Lionel Tardy. Ils ont fait la même chose pour l’interdiction du cumul des mandats !

M. François Sauvadet, rapporteur. Dans cet esprit, je vais à présent répondre aux orateurs qui se sont exprimés. Je vais d’abord dire deux mots à M. Coronado et à Mme Bello : je suis tout à fait en phase avec ce que vous avez dit tout à l’heure, notamment sur…

M. le président. Monsieur le rapporteur, vous ne pouvez pas répondre à l’ensemble des orateurs.

M. François Sauvadet, rapporteur. Je termine, monsieur le président.

M. le président. Notre règlement ne vous permet absolument pas de le faire : je vous demande de bien vouloir conclure votre intervention.

M. Arnaud Leroy. Le règlement a changé ? Il faut respecter réellement le règlement !

Mme Marie-Françoise Bechtel. Le règlement ne permet pas au rapporteur de prendre la parole à ce stade de la discussion !

M. François Sauvadet, rapporteur. Mon rôle de rapporteur, c’est de rapporter, madame la députée : il va falloir vous y faire !

M. le président. Non, non !

M. François Sauvadet, rapporteur. Mon rôle de rapporteur est de rapporter l’opinion de la commission des lois. Si vous aviez participé à la réunion de la commission des lois qui a eu lieu ce matin, vous sauriez que les amendements que j’ai déposés en commission ont été adoptés.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Et alors ? Cela devient grotesque !

M. François Sauvadet, rapporteur. Je suis donc tout à fait dans mon rôle en rapportant et en commentant l’expression…

M. le président. Monsieur le rapporteur, s’il vous plaît, je vous demande de bien vouloir conclure votre intervention !

M. François Sauvadet, rapporteur. Je voulais simplement dire que je suis tout à fait d’accord avec M. Coronado et Mme Bello à propos des suffrages exprimés. Je pense qu’il serait bon que le vote blanc soit reconnu au titre des suffrages exprimés. Simplement, j’ai constaté qu’il n’y avait pas d’accord sur ce point entre les différents groupes de cette assemblée. Il m’a donc semblé que, si nous voulions avancer, il valait mieux y renoncer, et entendre les arguments qui ont été développés dans le sens inverse. C’est dans cet état d’esprit que je suis aujourd’hui, et c’est pourquoi je vous invite à voter le texte dans la rédaction adoptée par le Sénat. De cette manière, il pourra entrer en application avant les élections municipales. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant dans le texte de la commission des lois les articles de la proposition de loi sur lesquels les deux assemblées n’ont pu parvenir à un texte identique.

Article 1er

M. le président. Nous en venons à l’article 1er, sur lequel plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Mes chers collègues, je pense que nous vivons tous, dans nos circonscriptions, un grand sentiment de défiance de nos concitoyens vis-à-vis des responsables politiques. Dans ce contexte, il faut de la clarté. Il est donc utile de mieux reconnaître le vote blanc, non pas en le prenant en compte parmi les suffrages exprimés, mais en différenciant le vote blanc du vote nul. Cette proposition de loi, présentée par François Sauvadet et le groupe UDI, va, j’en suis convaincu, dans le bon sens. Pour ma part, je voterai pour.

Puisqu’il faut de la clarté, il faut en effet que cette proposition de loi soit appliquée tout de suite. Je ne comprends pas les arguties du Gouvernement : si nous sommes tous d’accord pour faire ce pas, alors faisons-le dès maintenant, comme la majorité sénatoriale l’a également souhaité. Appliquons ce texte dès les élections municipales.

M. Daniel Boisserie. Vous auriez pu faire cela bien avant !

M. Guillaume Larrivé. Nous avons besoin de dire les choses aux Françaises et aux Français de manière directe, franche, claire et transparente.

M. le président. La parole est à M. François Vannson.

M. François Vannson. Monsieur le président, mes chers collègues, je m’exprimerai un peu à contre-courant. Mon argumentation ira dans le même sens que celle que j’ai développée devant la commission des lois. J’émets, pour ma part, les plus grandes réserves sur ce texte.

Je considère que la globalisation des votes blancs et des votes nuls est une source de confusion. Pour moi, un vote blanc, ce n’est pas un vote nul. On ne peut pas fusionner ces deux formes d’expression d’un coup baguette magique !

Je suis par ailleurs convaincu que l’exercice d’un mandat, quels que soient les élus, sera à l’avenir de plus en plus dur. En effet, la situation de notre pays est compliquée. Le vote est synonyme de choix et de décisions assumés par les élus.

M. Daniel Boisserie. Eh oui !

M. François Vannson. On sait que ces décisions seront dures, et que demain, elles devront être courageuses. Eu égard à ces décisions qu’ils devront prendre, nos élus – quels qu’ils soient – devront rassembler un maximum de soutien et d’adhésion, pour faire les choix qui s’imposent.

Cette proposition de loi revêt donc pour moi un caractère artificiel. Disons-le : elle permet d’éviter soigneusement d’aborder les vrais sujets du moment, qui sont l’économie, le climat social, la dette, etc. D’ailleurs, dans ma circonscription, je ne suis pas souvent interpellé à ce sujet. On ne me dit pas : « quand allez-vous reconnaître le vote blanc ? » Pour toutes ces raisons, je voterai contre cette proposition de loi, et donc contre cet article.

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Monsieur le président, mes chers collègues, je crois qu’en fin de compte, ce texte révèle la constance de quelques-uns et l’incohérence de certains autres.

La constance, c’est celle de notre groupe, et plus particulièrement de notre collègue François Sauvadet, rapporteur sur ce texte. Au moins, on ne peut pas nous reprocher d’être inconstants : cela fait une dizaine d’années que nous défendons régulièrement des propositions de loi pour concrétiser cette avancée, qui correspond à une aspiration profonde de nombre d’habitants de notre pays, de nombre d’électrices et d’électeurs.

Par ailleurs, nous assistons à un jeu de dupes. Quand le PS est dans l’opposition, il est favorable à la reconnaissance du vote blanc, et quand il est dans la majorité, il trouve toujours des arguments à nous opposer : « Le texte n’est pas tout à fait prêt, il faut encore le modifier à la marge, changer ceci, cela. On le fera, mais plus tard ». Oui, plus tard, toujours plus tard !

M. Yannick Favennec. C’est vrai !

M. Philippe Folliot. Du reste, on pourrait dire la même chose de l’UMP. Je crois qu’à un moment donné, ce jeu doit s’arrêter. Ce texte ne va certes pas aussi loin qu’on pourrait le souhaiter, mais il faut mener une politique des petits pas. Aujourd’hui, nous avons l’occasion de réaliser un acte symboliquement fort, et d’avancer sur ce sujet. Le vote blanc ne doit pas être l’Arlésienne de la République : on en parle toujours, mais on trouve toujours une bonne raison de ne pas le reconnaître comme un vote à part entière. C’est assurément dommage. Voilà pourquoi j’espère que chacune et chacun d’entre nous se ressaisira et suivra les recommandations de notre éminent rapporteur, que je salue.

M. le président. La parole est à M. Maurice Leroy.

M. Maurice Leroy. Monsieur le président, j’irai dans le même sens que mon collègue et ami Philippe Folliot. Monsieur le ministre, je ne comprends pas bien l’argument que vous avez avancé tout à l’heure en réponse à François Sauvadet. Sincèrement, nous sommes tous d’accord, à part notre collègue François Vannson. Nous ne devons pas rencontrer les mêmes électeurs :…

M. François Vannson. Ça c’est sûr !

M. Maurice Leroy. …ce sont des choses qui arrivent, et c’est d’ailleurs en cela que les circonscriptions sont diverses. Mis à part cette exception, il y a unanimité. Il ne reste donc qu’un sujet à traiter : la mise en application de cette mesure.

D’abord, le Gouvernement est constitutionnellement maître de l’ordre du jour des travaux de notre assemblée. Il lui appartient donc de faire en sorte que ce texte puisse être mis en œuvre le plus rapidement possible.

M. Dominique Raimbourg. Nous ferons tout pour !

M. Maurice Leroy. Notre rapporteur, François Sauvadet, a parfaitement raison. Monsieur le ministre, aujourd’hui, le 28 novembre 2013, vous nous dites – et vous le dites au nom du Gouvernement, qui est un et indivisible – que ce texte sera appliqué aux élections européennes.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Et c’est très bien !

M. François Lamy, ministre délégué. Je n’ai pas dit cela.

M. Maurice Leroy. Si, vous l’avez dit : nous pourrons le vérifier en lisant le compte rendu. Vous avez dit tout à l’heure à François Sauvadet que le texte serait appliqué aux élections européennes. Eh bien je rappelle, après François Sauvadet, que le Gouvernement avait prévu, dans un amendement que le Sénat a adopté, l’application de cette loi aux élections municipales

Vous nous dites qu’il faut du temps. Mais enfin, sincèrement, vous verrez bien que cela sera compliqué pour les communes de moins de 1 000 habitants, dans lesquelles s’appliquera le scrutin plurinominal majoritaire à deux tours avec panachage. Je le dis à l’attention de ceux qui, dans cet hémicycle, sont encore maires : vous allez aimer le dépouillement ! On verra bien, effectivement, quel sera le nombre de bulletins nuls.

Or excusez-moi, mais le vote blanc a au moins une vertu que n’a pas le panachage : il n’est pas compliqué. Les électeurs ont déjà l’habitude de voter blanc : ils n’auront pas besoin de s’habituer à une nouvelle procédure, pas besoin d’y être instruits. On n’aura pas besoin de former les scrutateurs, de leur donner des cours du soir pour leur expliquer comment recenser à part les votes blancs ! On voit bien, par conséquent, que vos arguments n’en sont pas.

Dernier point : je ne comprends pas bien votre démarche sur le plan politique. Vous avez tenu un grand meeting hier…

M. le président. Merci…

M. Maurice Leroy. …contre l’extrémisme. Or nous savons tous, ici, que le vote blanc vaut mieux que les votes extrémistes. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. Lionel Tardy. Eh oui, ça c’est concret ! Cela ne sert à rien, les grands meetings comme ça !

M. Maurice Leroy. Par conséquent,…

M. le président. Merci, monsieur le député.

M. Maurice Leroy. …si vous avez réellement, comme nous, la volonté de vous battre contre les votes extrémistes, vous devriez accepter que cette proposition de loi sur le vote blanc soit appliquée rapidement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Borloo.

M. Jean-Louis Borloo. Une phrase, monsieur le président : ce sera ma seule intervention. Il y a 46 millions d’électeurs en France, dont 36 millions d’électeurs s’expriment. La prochaine échéance électorale, ce sont les élections municipales. Je ne comprends pas pourquoi, sans aucune raison, vous interdiriez à ces 36 millions d’électeurs d’exprimer un vote blanc. Cette proposition de loi doit forcément être d’application immédiate ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Plusieurs députés du groupe UDI. Eh oui ! Forcément !

M. le président. Nous en venons aux amendements à l’article 1er.

La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n1.

M. Sergio Coronado. Monsieur le président, cet amendement vise à reconnaître réellement le vote blanc, non seulement en les distinguant des votes nuls, mais en les comptabilisant parmi les suffrages exprimés. Il écarte cependant l’application de cette disposition pour le second tour de l’élection présidentielle et pour les référendums, étant donné la difficulté que cela poserait.

Cela étant, je suis assez sensible aux arguments de M. le rapporteur : je l’ai dit en commission, je tiens à le redire ici. Cet amendement est donc plutôt un amendement d’appel. Il ne fait pas consensus : je vais donc le retirer. Mais avant cela, j’insiste sur un point qui me paraît important. Comme je l’ai dit tout à l’heure à la tribune, nous ne sommes pas d’accord sur la date d’entrée en vigueur de la loi. Je pense qu’il faut que le Gouvernement s’engage clairement sur la manière dont il entend mettre en application cette réforme. Le reste des divergences, c’est anecdotique.

M. Maurice Leroy. Très bien !

M. Sergio Coronado. Plusieurs orateurs l’ont dit à la tribune : nous sommes tous d’accord pour compter séparément les votes blancs. C’est un premier pas dans la reconnaissance du vote blanc. J’attends donc de la part du Gouvernement qu’il prenne un engagement concret, qu’il nous présente un calendrier d’application de cette proposition de loi. Cela déterminera le sens de mon vote, car si le Gouvernement ne prenait pas un tel engagement, cela signifierait qu’au-delà des déclarations, il veut offrir à ce texte un enterrement de première classe !

M. Gérald Darmanin. Eh oui, comme d’habitude !

M. Sergio Coronado. Je ne suis pas d’accord avec cette attitude.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Sauvadet, rapporteur. M. Coronado a retiré cet amendement. Il l’avait également retiré lors de l’examen du texte par la commission des lois. Pour le reste, je suis tout à fait d’accord avec ce que vient de dire M. Coronado.

(L’amendement n1 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. François Sauvadet, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 2.

M. François Sauvadet, rapporteur. Cet amendement, je le dis notamment à l’attention de Mme Bechtel, a fait l’objet d’un accord ce matin même en commission des lois.

Je suis évidemment de ceux qui considèrent que si un citoyen veut voter blanc, il doit pouvoir le faire en glissant simplement dans l’urne une enveloppe vide. C’est une façon de régler le problème de la définition du vote blanc. Cela permet aussi de ne pas avoir à disposer des bulletins vierges sur les tables qui se trouvent à l’entrée des bureaux de vote.

J’étais en accord avec cette vision. J’observe, monsieur Popelin, que vos amis socialistes du Sénat ne partagent ni votre point de vue ni le mien : ils ont considéré qu’une enveloppe vide pouvait s’apparenter à une erreur de vote, et donc qu’on ne pourrait pas le qualifier de bulletin blanc. Dès lors, ils ont suggéré qu’on écarte les enveloppes vides de la comptabilisation des votes blancs.

La question qui nous est posée est très simple. Même si je pense que c’est une avancée encore timide, je suis de ceux qui croient que si l’on ne vote pas en l’état le texte du Sénat, la loi ne pourra pas s’appliquer, non seulement pour les municipales – alors même que le Gouvernement en avait pris l’engagement aussi bien au Sénat qu’à l’Assemblée –, mais aussi pour les élections européennes.

M. Maurice Leroy. Bien sûr !

M. François Sauvadet, rapporteur. À défaut, il faudra que le Gouvernement s’engage sur le calendrier, comme cela a été demandé à l’instant par M. Coronado dont je partage tout à fait le point de vue.

La commission des lois est donc ce matin revenue sur sa position de la semaine dernière et a considéré qu’adopter le texte en l’état, même s’il comporte des insatisfactions et des insuffisances, était la seule façon d’installer la reconnaissance du vote blanc dans notre démocratie.

Je souhaite simplement que la sagesse l’emporte, que l’esprit de consensus se manifeste, sachant que la recherche d’un nouveau compromis avec le Sénat impliquerait des délais très longs. Nous nous retrouverions finalement dans une situation paradoxale : nous serions dans l’incapacité de mettre en œuvre la reconnaissance du vote blanc, pourtant voulue par tous, pour les prochaines élections.

M. Maurice Leroy. Eh oui !

M. François Sauvadet, rapporteur. On ne pourrait trouver démonstration plus éclatante de l’incapacité du Parlement à se mettre d’accord sur des modalités d’application d’une loi. Tout cela ne serait pas sérieux. Voilà pourquoi, chers collègues, je vous conjure de ne pas adopter d’amendements qui reviendraient sur le texte du Sénat : ce serait la meilleure façon d’enterrer le vote blanc,…

M. Jean-Louis Borloo. C’est précisément ce qu’ils veulent faire !

M. François Sauvadet, rapporteur. …ce que je ne souhaite pas et visiblement vous non plus.

M. le président. Quel est votre avis, monsieur le rapporteur ?

M. François Sauvadet, rapporteur. Je l’ai indiqué dans mon propos puisque j’ai dit que la commission avait émis un avis favorable ce matin, démentant l’avis défavorable sur cet amendement qui avait été émis la semaine dernière.

M. le président. La parole est à M. Dominique Raimbourg, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Dominique Raimbourg. Une petite précision : durant sa réunion tenue en application de l’article 86, le commission avait émis un avis défavorable ; et si, réunie ce matin dans le cadre de l’article 88, elle a émis un avis favorable, c’est par trois voix contre deux.

Plusieurs députés du groupe UDI. Eh oui !

M. Dominique Raimbourg. Il n’est pas impossible que certains de nos collègues, faisant preuve de l’esprit de décrispation auquel je faisais allusion, aient pensé qu’un compromis allait être élaboré et qu’il n’était pas tout à fait utile de venir.

M. François Sauvadet, rapporteur. Un compromis par l’absence !

M. Gérald Darmanin. Un peu de respect pour le Parlement !

M. Dominique Raimbourg. Voilà la situation dans laquelle nous sommes. Il convenait d’éclairer parfaitement les votes des uns et des autres.

M. le président. L’avis de la commission est donc défavorable…

Plusieurs députés des groupes UDI et UMP. Non !

M. François Sauvadet, rapporteur. Non, il est favorable !

M. Gérald Darmanin. C’est une conspiration !

M. le président. Avis favorable de la commission, pardon !

Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Lamy, ministre délégué. Avis défavorable du Gouvernement, pour ne pas contredire M. Sauvadet, qui avait lui-même déposé un amendement l’année dernière, après avoir rencontré plusieurs constitutionnalistes pour lesquels cette précision était nécessaire ; rien n’obligeant à mettre des bulletins blancs à la disposition des électeurs, vous aviez considéré alors que l’enveloppe vide serait en pratique plus commode pour l’électeur, qui n’aura pas à se munir d’une feuille blanche…

M. François Sauvadet, rapporteur. Mais le Gouvernement ne répond pas sur le calendrier !

M. François Lamy, ministre délégué. Je pense que cette démonstration suffit à rejeter cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Pascal Popelin.

M. Pascal Popelin. Le président Sauvadet a reconnu qu’il était d’accord avec l’amendement que j’avais déposé et qui a été adopté la semaine dernière en commission des lois, avant de lui-même proposer ce matin un amendement qui revenait sur cette disposition, à laquelle il croit pourtant, comme vient de le dire le ministre en rappelant sa position.

M. Maurice Leroy. C’est compliqué !

M. Pascal Popelin. Sur le fond, que voulons-nous ? Il m’avait semblé que cette proposition de loi avait pour objectif, non seulement de reconnaître, mais aussi de favoriser l’exercice du vote blanc.

M. Jean-Louis Borloo. Vous voulez enterrer le vote blanc pour les municipales !

M. Pascal Popelin. Or obliger l’électeur à venir voter avec son papier qu’il aura au préalable découpé chez lui – un décret devra en conséquence définir la taille et la couleur exactes du papier pour que cela ne redevienne pas un vote nul –,…

M. Jean-Louis Borloo. C’est la couleur du cheval blanc d’Henri IV !

M. Philippe Folliot. N’oubliez pas le grammage du papier !

M. Maurice Leroy. Demandez à François Lamy : quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup !

M. Pascal Popelin. …ou bien demander à l’administration d’en mettre à disposition dans chaque bureaux de vote, sans se soucier du coût que cela représente, c’est pour moi une manière d’encourager le vote blanc qui confine plus à la posture qu’à une intention réelle et sincère !

Nous sommes donc défavorables à l’amendement tel qu’il a été déposé,…

M. Jean-Louis Borloo et M. Maurice Leroy. Défavorables pour les municipales !

M. Pascal Popelin. …et le groupe socialiste souhaite que l’on s’en tienne à la version qui avait fait l’unanimité en première lecture dans cet hémicycle, et qui avait été adoptée la semaine dernière en commission.

M. Maurice Leroy. Vous avez compris quelque chose ?

M. Lionel Tardy. Vous ramez !

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Vous nous parlez de posture, monsieur Popelin : très franchement, si vous vouliez donner aux Français la possibilité de voter blanc, vous accepteriez l’amendement et la discussion avec le Sénat.

Nous préférions, c’est vrai, qu’une enveloppe vide vaille vote blanc, mais le Sénat ne le veut pas. Et vous faites maintenant semblant de vous attacher à cette partie du texte pour renvoyer la proposition de loi au Sénat et garantir qu’aux élections municipales, les électeurs soient privés du vote blanc !

M. Maurice Leroy. Bien sûr !

M. Jean-Christophe Lagarde. Cela relève bien du calcul politique ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Pascal Popelin. C’est impossible au regard du calendrier !

M. François Lamy, ministre délégué. Il fallait le faire avant !

M. Jean-Christophe Lagarde. Si tel n’est pas le cas, monsieur le ministre, il y a quelque chose de très simple à faire : puisque vous avez la majorité, vous allez refuser cet amendement, et vous pouvez vous engager à le soumettre à nouveau au Sénat rapidement, avant la fin de l’année. La loi sera donc votée fin 2013, et applicable en mars 2014. Tout autre argumentation relève de la posture politique.

M. Denys Robiliard. Et la vôtre de l’imposture !

M. Jean-Christophe Lagarde. Vous dites vouloir décrisper les positions, mais la vôtre vise, en l’occurrence, à interdire le vote blanc aux élections municipales parce qu’il vous dérange, et à le permettre aux européennes parce qu’alors, il vous arrangera.

M. Pascal Popelin. Arguties politiciennes !

Plusieurs députés du groupe SRC. Vous savez que c’est inapplicable !

M. Jean-Christophe Lagarde. Franchement, appliquer la loi en fonction des élections et des intérêts de vos candidats n’est pas une bonne façon de légiférer. Il serait préférable de souscrire à la position du Sénat, quitte à élargir plus tard le vote blanc aux enveloppes vides si cela est nécessaire. Vous êtes en train de vouloir retarder cette loi qui fait l’unanimité en comptant sur la navette parlementaire pour éviter de proposer ce choix aux élections municipales. Au moins, ils auront l’occasion de le voir !

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. J’avais effectivement, à l’instar de mon collègue Pascal Popelin, déposé un amendement rétablissant la position de la commission en première lecture. L’État ne fournissant pas de bulletins blancs – il semblerait que nous nous pouvons nous permettre une telle dépense –, il revenait à l’électeur de découper un bulletin blanc pour pouvoir exprimer son refus de l’offre électorale. nous considérions, à l’instar du rapporteur, qu’il fallait donner corps à ce vote blanc en permettant que les enveloppes vides soient considérées comme tel ; malheureusement, Le Sénat n’en a pas voulu ainsi.

Je ne ferai pas, moi, de discours accusatoire contre l’évolution du rapporteur. Dans un débat parlementaire, on pèse le pour et le contre pour aboutir à un compromis.

M. François Lamy, ministre délégué. Bien sûr ! Je suis complètement d’accord !

M. Sergio Coronado. C’est ce qu’on a d’ailleurs fait : en première lecture, la volonté du rapporteur était beaucoup plus franche et nette. Nous étions d’ailleurs assez d’accord. Cela étant, je trouve légitime, quand on a le souci de l’application d’un texte, de se demander ce qui la garantit. Et si le Sénat, qui joue un rôle important dans ce débat, est opposé à cette disposition, on se dit finalement que l’application rapide du texte oblige à un compromis, et que si ce compromis passe par un abandon de cette disposition, on peut le considérer comme acceptable.

M. Jean-Christophe Lagarde. C’est acceptable !

M. Sergio Coronado. Quand on souhaite sortir des postures, il faut être logique jusqu’au bout. Or, pour l’heure, nous n’avons aucune garantie que ce texte puisse être adopté dans le cadre d’une « navette de niche » et qu’il devienne rapidement effectif. L’Assemblée aura beau émettre un vote unanime, nous n’aurons pour autant aucune garantie d’application de la reconnaissance – déjà bien partielle et timide – du vote blanc. De ce point de vue, je partage la préoccupation du rapporteur. Tant que le Gouvernement ne s’explique pas précisément sur le calendrier qu’il souhaite voir appliquer et ne manifeste pas sa volonté d’accélérer les choses, puisqu’il s’appuie sur une majorité au Sénat, en inscrivant rapidement ce texte à l’ordre du jour, je ne trouve pas totalement illégitime l’évolution du rapporteur.

(L’amendement n2 n’est pas adopté.)

(L’article 1er est adopté.)

Après l’article 2

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l’amendement n4, portant article additionnel après l’article 2.

M. François Lamy, ministre délégué. Il s’agit d’un amendement de coordination. Une disposition spécifique aux élections municipales dispose que les bulletins sur lesquels ne figure pas une liste complète sont considérés comme nuls. Il importe donc de rectifier l’article L. 268 de façon à ce que le vote blanc puisse être comptabilisé au moment des élections municipales, dès que la loi sera adoptée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Sauvadet, rapporteur. La commission a émis ce matin un avis défavorable à l’amendement. Elle a d’ailleurs rejoint en cela la position de la commission des lois du Sénat, qui avait rejeté votre amendement, considérant qu’il était difficile d’en percevoir le motif et l’utilité. Sur ce point, je suis en total accord avec le président de la commission des lois du Sénat – voyez que nos positions arrivent à converger ! Je constate d’ailleurs, monsieur Popelin, que vous avez beaucoup plus de mal que moi à trouver une position convergente avec les sénateurs socialistes. C’est plutôt ce sujet que je vous invite à creuser !

Plusieurs députés du groupe UDI. Eh oui !

M. François Sauvadet, rapporteur. Toujours est-il que notre commission des lois, tout comme celle du Sénat, a eu du mal à percevoir le motif et l’intérêt de cet amendement. Sachant qu’il a déjà été rejeté par le Sénat, et que je ne souhaite pas complexifier mais bien favoriser la reconnaissance du vote blanc dès les municipales, j’invite naturellement l’Assemblée, en pleine cohérence avec la commission des lois du Sénat, à rejeter votre amendement, comme l’a fait la commission des lois.

M. le président. La parole est à M. Pascal Popelin.

M. Pascal Popelin. Je propose un peu de cohérence. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

Plusieurs députés du groupe UDI. Excellent !

M. Pascal Popelin. Au départ, vous étiez prêts à adopter un texte mal fichu juridiquement afin qu’il s’applique immédiatement. Et de toute façon, compte tenu de l’amendement que nous venons d’adopter, il ne nous est plus possible d’aboutir à un texte conforme.

Plusieurs députés du groupe UDI. Mais c’est vous qui l’avez voté !

M. Gérald Darmanin. Ah, il est très fort !

M. Denys Robiliard. Reste qu’il a été adopté par l’Assemblée !

M. Pascal Popelin. Nous l’avons voté, nous l’assumons, et nous sommes en situation d’expliquer pourquoi. Mais dès lors que cet amendement a été adopté, je crois qu’on peut se préoccuper de bien faire la loi. Et bien faire la loi…

M. Maurice Leroy. C’est ne pas l’appliquer ?

M. Pascal Popelin. Vous voulez faire reconnaître le vote blanc dès les élections municipales, sur lesquelles vous êtes particulièrement mobilisés. Or l’article L. 268 du code électoral dispose que toute liste qui n’est pas complète est nulle. Cela veut dire que tout vote blanc exprimé lors des élections municipales en l’état actuel de l’article L. 268 du code électoral serait déclaré nul, et non pas blanc. L’amendement proposé par le Gouvernement nous propose donc que le vote blanc soit aussi reconnu lors des élections municipales. (Exclamations sur les bancs du groupe UDI.) Nous sommes donc contre votre argument.

(L’amendement n4 est adopté.)

Article 4

(L’article 4 est adopté.)

Article 5

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n3.

Je vous indique d’ores et déjà que sur cet amendement, je suis saisi par le groupe de l’Union des démocrates et indépendants d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. François Sauvadet, rapporteur. Ne considérez pas que c’est une perte de temps, car vous aurez des comptes à rendre devant l’opinion publique, qui attend cette loi. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Maurice Leroy. Il a raison !

M. François Sauvadet, rapporteur. Vous ne pourrez pas durablement rester dans cette posture, et dire que vous voulez adopter cette loi, mais pas l’appliquer – ou alors il y a d’autres enjeux que ceux que vous exprimez ici.

Monsieur le ministre, je vais m’adresser très directement au Gouvernement : il y a un an, vous nous disiez, la main sur le cœur, qu’il fallait reconnaître le vote blanc comme un mode d’expression de nos compatriotes.

Au mois de février, à la demande du parti socialiste au Sénat, j’insiste sur ce point, vous inscrivez dans le texte que cette loi devait s’appliquer au 1er mars 2014, c’est-à-dire pour les élections municipales.

M. Maurice Leroy. Oui, ce sont les premières élections prévues !

M. François Sauvadet, rapporteur. Au mois de novembre, le même parti socialiste, sur les bancs de l’Assemblée nationale, nous dit que cela ne pourra pas s’appliquer avant le 1eravril. Franchement, cela vire au gag ! C’est un poisson d’avril !

M. Jean-Louis Borloo. C’est vidéo gag !

M. François Lamy, ministre délégué. Vous l’avez déjà dit, et je vous en ai expliqué la raison.

M. François Sauvadet, rapporteur. Monsieur le ministre, vous ne m’avez pas précisé le calendrier que le Gouvernement allait s’engager à respecter devant la représentation nationale pour que ce texte visant à reconnaître le vote blanc s’applique aux élections européennes. Vous n’avez toujours pas répondu à cette question : cela montre bien qu’il y a beaucoup de duplicité dans votre attitude. En vérité, vous ne tenez pas à ce qu’un certain nombre de nos compatriotes aient une autre possibilité de voter que de se réfugier dans les extrêmes pour provoquer des triangulaires. Si c’est cela, je le dis devant vous tous et je prends l’opinion à témoin, c’est le degré zéro de la politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Lamy, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. J’ai rappelé précédemment toutes les raisons pour lesquelles les dispositions de cette proposition de loi ne pourront pas s’appliquer dès des prochaines élections municipales.

M. François Sauvadet, rapporteur. Et quels sont les engagements pour les élections européennes ?

M. Thierry Benoit. Bonjour la transparence !

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. J’ajouterai quelques observations pour que nos idées soient le plus claires possible. L’amendement présenté tend à ce que les dispositions de cette proposition s’appliquent dès le mois de mars, donc à l’occasion des élections municipales, lesquelles sont fixées les 23 et 30 mars prochains. À vous entendre, il ne sera pas possible de reconnaître le vote blanc dès ce moment, mais ça le sera deux jours plus tard, le 1er avril – tout un symbole ! Il est tout de même assez étonnant qu’un texte qui sera voté d’ici à la fin décembre ne permette pas de reconnaître le vote blanc dès le 23 et le 30 mars, mais seulement à compter du 1er avril ! Vous disiez avoir des arguments à avancer aux Français, monsieur Popelin : pensez-vous réellement qu’ils seront assez stupides pour ne pas comprendre la manipulation politicienne qui vise, en réalité, à favoriser un vote extrême en cas de triangulaires, dans le seul but de sauver des candidats socialistes en mal d’électeurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Telle est la réalité ! Que coûtera ce dispositif ?

Le Sénat et l’Assemblée pouvaient s’accorder facilement en la matière. Nous savons que ce n’est pas ce qui empêchera à ce texte d’être adopté. Au nom de quoi ce qui serait valable le 1er avril ne le serait pas le 30 mars, donc trois mois après le vote de cette proposition de loi ? Vous devrez vous en expliquer devant les Français, devant la presse et devant les candidats aux élections ! Je tenais à démasquer l’hypocrisie dont certains font preuve à propos de ce texte. Ne pas voter cet amendement, cela revient à dire : « Le vote blanc ne sera pas reconnu aux élections municipales. Circulez, il n’y a rien à voir. Vous pourrez vous défouler lors des élections européennes, on s’en fout ! » Voilà ce vous dites clairement aux Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin.

M. Gérald Darmanin. Je tiens à vous faire part du soutien du groupe UMP à l’amendement du rapporteur et de nos collègues du groupe UDI. Vous avez oublié deux arguments, monsieur le ministre. Premièrement, la politique de la gauche – et je profite de la présence de M. Borgel dans cet hémicycle – c’est de dire oui aux réformes institutionnelles, mais pas maintenant : on l’a vu avec le non-cumul des mandats qui devait s’appliquer dès 2014 et qui a été finalement reporté en 2017.

M. Christophe Borgel. Il fallait voter pour !

M. Gérald Darmanin. Détendez-vous, monsieur Borgel ! Les élections municipales vont très mal se passer, vous le savez, cela ne sert ne sert à rien de s’énerver.

Deuxième argument, monsieur le ministre : comme l’a très justement remarqué notre collègue Lagarde, le Front national vous arrange bien.

M. Maurice Leroy. Eh oui ! C’est fait pour cela !

M. Gérald Darmanin. On dit souvent que la gauche socialiste – M. Hollande notamment – se situe dans la suite logique de M. Mitterrand : c’est une longue tradition socialiste que de faire monter le Front national grâce à des magouilles au niveau du code électoral et de la Constitution ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christophe Borgel. C’est honteux !

M. Gérald Darmanin. Qui a décidé d’opter pour la proportionnelle en 1986 pour faire entrer ici trente députés du Front national ? C’était bien le gouvernement socialiste. Lorsqu’il a vu qu’il allait perdre les élections nationales, il a changé le mode de scrutin. Si vous ne voulez pas reconnaître le vote blanc avant le 1er avril, date qui, malheureusement, nous fait tous rire, c’est parce que vous avez bien compris, monsieur le ministre et mes chers amis du groupe socialiste, que les électeurs socialistes seront de moins en moins nombreux. Même si vous ne m’écoutez pas, monsieur le ministre…

M. François Lamy, ministre délégué. Je suis parfaitement capable de faire deux choses à la fois !

M. Gérald Darmanin. …je suis sûr que les électeurs, eux, nous écouteront ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Popelin.

M. Pascal Popelin. Je pense très franchement, mes chers collègues, que l’examen de cette proposition de loi potentiellement consensuelle aurait mérité mieux que les polémiques, les procès d’intention et les dérapages que nous venons d’entendre ! (Protestations sur les bancs du groupe UDI.)

M. Maurice Leroy. Vous parlez d’or !

M. Pascal Popelin. Je déplore, pour ma part, que l’on ait une posture lorsqu’on est dans la majorité et une autre lorsqu’on se retrouve dans l’opposition : lorsque l’on est dans la majorité, on fait en sorte que, pendant dix ans, des propositions de loi de l’opposition traitant de cette question ne soient pas inscrites à l’ordre du jour. Et lorsque l’on se retrouve dans l’opposition, on déplore alors que cela n’aille pas assez vite.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Absolument !

M. Pascal Popelin. À vous entendre, ce texte a doit à tous les messages d’amour possibles de la part du groupe UMP. Mais nous avons entendu notre collègue Vannson donner son opinion, et elle ne semble pas isolée, puisque certains députés UMP, qui ne sont pas présents ce matin, ont tenu les mêmes propos en commission des lois.

M. François Vannson. En démocratie, la pluralité des opinions, cela existe !

M. Pascal Popelin. Mais surtout, au-delà de cela, on se moque totalement de l’intendance. Quand on est dans l’opposition, la manière dont il faut organiser les élections, on n’en a visiblement rien à faire !

M. Maurice Leroy. Poisson d’avril ! (Sourires.)

M. Pascal Popelin. Pour bien se dérouler, une élection doit se préparer convenablement, mes chers collègues !

M. Maurice Leroy. Vous ramez !

M. Pascal Popelin. En l’état actuel de la préparation des élections municipales, je le maintiens, il n’est plus possible de mettre en œuvre le principe de reconnaissance du vote blanc pour les deux tours de scrutin. C’est encore envisageable pour les élections européennes, si le processus parlementaire avance rapidement. Le groupe SRC votera naturellement contre cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Borloo.

M. Jean-Louis Borloo. Je me suis longuement interrogé sur la question de savoir s’il était finalement raisonnable de soutenir un texte adopté par la majorité de gauche du Sénat. Mais pour que ce texte, même s’il est perfectible, soit adopté immédiatement et soit utile aux Français, nous avons décidé, sur les conseils de François Sauvadet, de le voter en l’état.

Mais je me suis alors posé une seconde question : qu’y a-t-il entre le 1er mars et le 1er avril ?

M. Michel Issindou. Un mois !

M. Jean-Louis Borloo. Il m’est brutalement apparu une évidence : il y a les élections municipales !

M. Maurice Leroy. Incroyable !

M. Jean-Louis Borloo. C’est totalement extravagant : vous êtes en train d’expliquer aux Français que vous soutenez un texte, mais vous prévoyez une rédaction particulière pour qu’il ne s’applique pas à la prochaine échéance électorale française… Avouez que c’est du jamais vu sous cette République !

J’aimerais enfin que l’on réécoute les propos tenus ce matin par le ministre de l’intérieur sur une radio périphérique. Je les ai trouvés tellement surprenants que je ne suis pas sûr d’avoir bien entendu. J’ai ainsi cru comprendre qu’il considérait que ce texte serait « peut-être » en place pour les élections européennes ! Peut-être !

Planté aux municipales, peut-être planté aux européennes et une navette incertaine : j’ai rarement vu pareille hypocrisie dans la vie politique française ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Chers amis, ce texte, que vous devez considérer comme secondaire alors que nous le trouvons majeur, est en réalité un véritable poisson d’avril pour les Français ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n3.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants78
Nombre de suffrages exprimés77
Majorité absolue39
Pour l’adoption38
contre39

(L’amendement n3 n’est pas adopté.)

(L’article 5 est adopté.)

M. le président. Je vous informe d’ores et déjà que, sur l’ensemble de la proposition de loi, je suis saisi par le groupe de l’Union des démocrates et indépendants d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

M. Jean-Louis Borloo. Monsieur le président, je demande une suspension de séance.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures quarante, est reprise à onze heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Louis Borloo, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Jean-Louis Borloo. Mes chers collègues, nous sommes extrêmement déçus…

M. Jean-Patrick Gille. Nous aussi !

M. Jean-Louis Borloo. …de constater que, sur un texte dont le principe qui semblait acquis pour tout le monde, on en arrive à une telle mascarade ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UDI.)

M. Maurice Leroy. Absolument !

M. Jean-Louis Borloo. Je suis désolé de vous le dire, monsieur le ministre, mais j’ai du mal à comprendre l’absence du ministre en charge des élections, autrement dit le ministre de l’intérieur, qui a pourtant eu le temps ce matin de s’exprimer sur une radio périphérique.

M. Jean-Patrick Gille. C’est bas !

M. Jean-Louis Borloo. Je suis un peu surpris que le président de la commission des lois, qui a tenté depuis des semaines un certain nombre de manœuvres, n’ait pas cru devoir être présent lors de ce débat.

M. Jean-Christophe Lagarde. Il n’assume pas !

M. Jean-Louis Borloo. Je suis navré d’entendre au ministère de l’intérieur un certain nombre de vos collaborateurs parler d’ordinateurs qui auraient sérieusement tourné ces derniers temps. Je suis navré de constater qu’un Sénat dit de gauche se soit ingénié à organiser une situation plus complexe, puisque non conforme au souhait général.

M. Rudy Salles. Très juste !

M. Jean-Louis Borloo. Nous aurions donc pu le perfectionner, mais nous avons fait grâce d’éventuelles modifications au Sénat, puisque nos deux assemblées forment ensemble le Parlement et que nous voulons aller vite.

Monsieur le ministre, l’amendement n3 de M. Sauvadet a été rejeté par scrutin public par trente-neuf voix contre trente-huit ; c’est dire dans quel embarras se trouvent vos amis ! Tout le monde le sait : les Français vont parfaitement comprendre que vous avez refusé la prise en compte du vote blanc aux prochaines élections municipales. Prenez à tout le moins l’engagement, puisque vous maîtrisez l’ordre du jour, que le Sénat sera amené à se prononcer dans les semaines qui viennent. Au demeurant, je n’imagine pas une seconde, à moins que le ministre de l’intérieur ne gère tout cela seul, que vous ne disposiez pas déjà de la date du débat au Sénat. J’ai entendu parler du 5 décembre, ce qui me paraît un peu court. Vous engagez-vous sur cette date ? À défaut, sur quelle autre date vous engagez-vous ?

Monsieur le ministre, dans le cas d’un vote non conforme, à quelle date pensez-vous que la commission mixte paritaire sera réunie pour que le texte puisse entrer en vigueur au minimum lors des élections européennes ? On ne peut pas dire aux Français vouloir reconnaître le vote blanc et, dans le même temps, refuser que cela s’applique aux prochaines élections municipales. Vous courez dans cette affaire le risque d’être incompris, et je préfère ne pas imaginer ou entendre ce qu’en diront « les GG », comme on dit maintenant, sur RMC.

M. Jean-Patrick Gille. « Les Grandes gueules », quelle référence !

M. Jean-Louis Borloo. Le caractère ridicule de cette position est proprement inacceptable. Cela étant dit, parce que nous tenons à la reconnaissance du vote blanc, malgré les imperfections du texte et parce que je suis convaincu que vous allez prendre l’engagement solennel qu’il sera applicable au minimum aux élections européennes, le groupe UDI, à l’exemple d’autres collègues qui auraient préféré un texte différent et comportant plus d’engagements, votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. Daniel Gibbes et M. Lionel Tardy. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour le groupe écologiste.

M. Sergio Coronado. J’ai exprimé tout au long des débats en commission et en séance un double souci. Mon premier souci, encouragé par les invitations du rapporteur et les différents intervenants, était celui du compromis, qui doit permettre de voter un texte le plus proche possible de celui du Sénat afin de faciliter la navette malgré les oppositions que certains de nos collègues sénateurs peuvent avoir.

Le second souci, que je partage avec les trente-huit personnes qui ont voté l’amendement présenté par le groupe UDI, est celui de l’application effective de ce texte. Constater comme nous l’avons fait ce matin qu’il existe un consensus presque unanime sur cette proposition de loi – ce fut d’ailleurs le cas en première lecture – n’aurait pas de sens si celle-ci connaissait le même enlisement que toutes les autres initiatives d’origine parlementaire.

M. Lionel Tardy. Eh oui !

M. Sergio Coronado. Les écologistes sont payés pour le savoir : à chaque niche parlementaire, nous avons vu nos propositions renvoyées en commission ou amendées de façon à être vidées de leur contenu.

M. Lionel Tardy. Comme la proposition de loi sur les ondes électromagnétiques !

M. Sergio Coronado. Je pense par conséquent que nous n’avons pas intérêt à jouer la montre. Il y va du respect des pouvoirs du Parlement. À cet égard, il faut que le Gouvernement s’engage très clairement et très précisément. J’ai annoncé que je voterais ce texte, j’ai fait les pas nécessaires pour que ce compromis puisse être acceptable par la majorité ; il appartient maintenant au Gouvernement de s’engager clairement sur son application, sans quoi tout cela n’aurait aucun sens et relèverait de la pure posture, voire de la simple manœuvre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. Daniel Gibbes. Très bien !

M. Sergio Coronado. Je ne fais aucun procès d’intention : je ne crois pas que ce soit la volonté du Gouvernement de jouer à ce jeu-là.

M. le président. La parole est à M. Jacques Krabal, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Jacques Krabal. Monsieur le ministre, je pensais, il est vrai, que les débats seraient beaucoup plus sereins et que nous n’aurions pas à entendre ces accusations, ces critiques très fortes. Je tiens à l’affirmer ici avec tout mon engagement : tout cela ne nourrit pas bien la politique.

M. Rudy Salles et M. Yannick Favennec. Très bien !

M. Jacques Krabal. Sur un texte comme celui-ci, qui doit recueillir le consensus, je suis convaincu que le Gouvernement n’est pas guidé par des attentes politiciennes ou électoralistes.

M. Jean-Louis Borloo et M. Thierry Benoit. Mais non !

M. Jean-Christophe Lagarde. Ce n’est pas le genre de la maison !

M. Jacques Krabal. Chers collègues, veuillez ne pas m’interrompre, car je vous ai laissés vous exprimer. Ayant été récemment élu, je ne pense pas que ce soit le genre de la maison, mais je ne sais pas ce qui s’est passé au cours des années antérieures. Pour ma part, je ne veux pas m’engager dans cette voie-là. Comme tout un chacun, je pense que le plus tôt sera le mieux, et c’est dans ce sens que j’ai voté tout à l’heure.

Pour autant, le plus important n’est pas là. Ce qui importe, c’est que nous ayons la certitude que cette reconnaissance du vote blanc entre en vigueur prochainement, car si elle est attendue pour les prochaines municipales, combien d’élections se sont déjà déroulées sans qu’elle soit appliquée alors même qu’elle était souhaitée ?

Le vote blanc doit être pris en considération, et cet engagement me tient à cœur parce que les habitants de nos circonscriptions le méritent. Après tous les arguments que j’ai pu développer sur la responsabilisation et la volonté de redonner des forces à la démocratie, je n’imagine pas un seul instant qu’il n’en soit pas ainsi.

Bien évidemment, le groupe RRDP soutient plus que d’une seule voix cette proposition de loi, avec la certitude qu’elle pourra être appliquée. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Popelin, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Pascal Popelin. Dans tout débat parlementaire, il semble qu’il doive toujours y avoir le fond et la forme. Je déplore certains excès aujourd’hui sur la forme, mais je ne veux retenir, au terme de ce débat, que le fond.

Sur le fond, en deuxième lecture comme en première lecture, ce texte recevra le soutien du groupe SRC et sera sans doute adopté à l’unanimité ou à la quasi-unanimité de l’Assemblée nationale. Je forme à présent le vœu qu’il achève rapidement son cheminement parlementaire…

M. Rudy Salles. « Achever », c’est bien le mot !

M. Pascal Popelin. …pour que la reconnaissance du vote blanc devienne effectivement la loi de la République.

M. Jean-Christophe Lagarde. Un jour ou l’autre !

M. Lionel Tardy. Un jour peut-être !

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Guillaume Larrivé. Mes chers collègues, même si cette proposition de loi est extrêmement imparfaite, le groupe UMP la votera, et ce pour une raison simple : nous souhaitons voir progresser la reconnaissance du vote blanc.

Mais enfin, mesdames, messieurs les députés de la majorité, messieurs les ministres, quel festival d’hypocrisie de votre part ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Vous nous expliquez depuis ce matin que vous êtes bien sûr pour la reconnaissance du vote blanc, mais que, comme vient de le dire Pascal Popelin à l’instant, cette disposition ne doit surtout pas s’appliquer au moment où les électeurs vont se prononcer, c’est-à-dire lors des prochaines élections municipales.

M. Jean-Patrick Gille. Au final, ce sera tout de même nous qui l’aurons fait, pas vous !

M. Guillaume Larrivé. Vous nous expliquez qu’il faut enjamber les élections municipales, mais que craignez-vous ? Que cherchez-vous à faire ? C’est très simple : vous préférez que les électeurs les plus contestataires, les Français les plus désespérés par votre politique accordent leur suffrage à des partis extrémistes plutôt qu’ils ne votent blanc. Vous cherchez en effet pour les municipales à multiplier sur l’ensemble du territoire national des triangulaires qui, croyez-vous, pourraient vous favoriser.

M. Lionel Tardy. Absolument !

M. Guillaume Larrivé. Vous êtes dans l’hypocrisie, vous êtes dans le mensonge, vous êtes aux abois. La vérité, c’est qu’il y a aujourd’hui à l’échelle nationale un accord tacite entre l’appareil du parti socialiste, que vous représentez, et l’appareil du Front national. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Lionel Tardy. Bien sûr !

M. Guillaume Larrivé. Et cette imposture, cette alliance implicite, nous voulons la dénoncer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. André Chassaigne. Comme sans doute beaucoup d’entre vous, chers collègues, je fais partie de ceux qui pendant des décennies se sont opposés au vote blanc.

M. Gérald Darmanin. Parce que vous préfériez le vote rouge !

M. André Chassaigne. Du reste, au cours de la précédente législature, cette position était partagée par la majorité des élus du groupe auquel j’appartenais. Cette opposition tenait à des raisons culturelles : nous considérions que le vote blanc était le constat d’une mauvaise expression politique, une sorte de constat d’échec marquant le fait que la parole politique, les propositions des partis n’étaient plus entendues par le peuple. Reconnaître le vote blanc revenait à admettre qu’il n’y avait pas de proposition suffisamment crédible ou suffisamment audible pour emporter l’adhésion de la population.

Aujourd’hui, après de nombreuses discussions, la position de notre groupe a changé. Nous nous sommes mis d’accord sur le fait que nous voterions cette proposition de loi, car nous pensons qu’elle répond à la situation actuelle.

M. François Sauvadet, rapporteur. Eh oui ! Très bien !

M. André Chassaigne. Reconnaissons donc le vote blanc mais, surtout, faisons en sorte qu’il se réduise rapidement à sa plus simple expression et que nous soyons à même de redonner à la politique ses lettres de noblesse.

M. Rudy Salles. Très bien !

M. André Chassaigne. Car si nous y parvenons, le vote blanc sera de fait amené à disparaître. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme Chaynesse Khirouni. Très bien !

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants87
Nombre de suffrages exprimés87
Majorité absolue44
Pour l’adoption87
contre0

(La proposition de loi est adoptée à l’unanimité.)

2

Rétablissement des avantages liés aux heures supplémentaires

Discussion d’une proposition de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Jean-Louis Borloo visant à rétablir les avantages liés aux heures supplémentaires (nos 1469, 1559).

Présentation

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard, rapporteur de la commission des affaires sociales.

M. Arnaud Richard, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation, mes chers collègues, je prends la parole sur un sujet relatif à l’emploi quelques heures après la douche froide qu’a apportée le Président de la République en venant avec sa méthode à lui, c’est-à-dire sans dire les choses mais tout en les disant, nous annoncer que la courbe du chômage ne se retournerait pas avant la fin de l’année.

Nous sommes réunis pour examiner la proposition de loi déposée par le groupe UDI visant à rétablir les avantages sociaux et fiscaux liés aux heures supplémentaires. Ce texte devrait recueillir le consensus sur tous les bancs de cette assemblée.

M. Jean-Patrick Gille. Çà, sûrement pas !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous commencez en disant des bêtises !

M. Arnaud Richard, rapporteur. Un certain nombre de nos collègues ici présents ont d’ailleurs signé des propositions de loi tout à fait proches de la nôtre : ainsi Xavier Bertrand et Frédéric Lefebvre.

Comme vous le savez, la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat permettait une exonération d’impôt sur le revenu et une réduction des cotisations sociales au titre des heures supplémentaires. Cette mesure visait à défendre le pouvoir d’achat des salariés et la compétitivité des entreprises ; elle répondait à un véritable besoin.

Dès juillet 2012, le Gouvernement socialiste, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, a décidé d’abroger le dispositif dans son intégralité, alors même que le candidat Hollande avait promis de le maintenir pour les TPE ; c’est bien cela, monsieur le ministre ? Seuls les allégements de cotisations patronales ont été maintenus, la défiscalisation et les allégements de cotisations salariales ayant été purement et simplement supprimés.

M. Rudy Salles. C’est bien cela !

M. Arnaud Richard, rapporteur. Cette suppression, mes chers collègues, fut une double erreur.

En premier lieu, ce dispositif avait permis aux entreprises de mieux répondre aux variations d’activité imposées par la crise et avait constitué un facteur de compétitivité. Il avait été utilisé massivement par les PME – entre autres.

M. François André et M. Denys Robiliard. Un tiers seulement !

M. Arnaud Richard, rapporteur. Ainsi, selon les données de l’ACOSS, 35,6 % des entreprises ayant déclaré une exonération au deuxième trimestre 2012 comprenaient moins de dix salariés. On constate que les heures supplémentaires sont particulièrement fréquentes dans des secteurs comme la métallurgie, la construction, l’hébergement et la restauration, sans oublier les transports, autant de secteurs particulièrement touchés par la crise.

Par ailleurs, la réforme menée par l’actuelle majorité relève à notre sens d’une logique malthusienne dépassée. La France est l’une des grandes économies avancées où la durée de travail est la plus faible. Ainsi, en 2012, la durée moyenne annuelle de travail des actifs occupés était de 1 479 heures en France. Au sein de l’OCDE, seuls trois autres grands pays, l’Allemagne, les Pays-Bas et la Norvège, avaient une durée de travail inférieure.

Comme le montrent les témoignages de nombreux chefs d’entreprise, certains secteurs d’activité connaissent des tensions et des difficultés à recruter. Le rétablissement de cette mesure constituerait pour eux une véritable bouffée d’oxygène. La suppression des avantages fiscaux et sociaux liés aux heures supplémentaires a indéniablement pesé sur la compétitivité des entreprises françaises, sans pour autant – malheureusement – créer des emplois comme vous vous y étiez engagés.

M. Maurice Leroy. Eh oui !

M. Arnaud Richard, rapporteur. Au nom de l’idéologie aujourd’hui dépassée et même dangereuse selon laquelle il faut partager le temps de travail, vous avez supprimé ce dispositif en espérant qu’un nombre d’heures supplémentaires moindre créerait des emplois.

M. Jean-Patrick Gille. Pas du tout !

M. Arnaud Richard, rapporteur. Cette politique s’est manifestement révélée erronée, la montée du chômage depuis 2012 en témoigne : 368 000 chômeurs de plus depuis l’arrivée de François Hollande à l’Élysée…

Seconde erreur, le dispositif de 2007 sur les heures supplémentaires avait permis d’augmenter le pouvoir d’achat des salariés.

M. François André. Seulement de 40 % d’entre eux !

M. Arnaud Richard, rapporteur. Près de 40 % des salariés en ont effectivement bénéficié. La rémunération totale résultant des heures supplémentaires exonérées d’impôt s’élevait en 2008 et 2009 à 11,6 milliards d’euros.

M. Jean-Patrick Gille. Que faites-vous du coût ?

M. Arnaud Richard, rapporteur. Les fonctionnaires étaient eux aussi concernés, en particulier les enseignants du secondaire. Au cours de l’année scolaire 2010-2011, dans l’enseignement public, ce sont plus de 500 000 heures supplémentaires qui ont été effectuées par 232 000 enseignants du secondaire, autrement par plus d’un professeur sur deux.

Contrairement à ce qui a souvent été dit par la majorité, cette mesure a surtout bénéficié aux ménages modestes. Ainsi, 35 % des ménages imposables ayant déclaré des heures supplémentaires en 2009 avaient un revenu fiscal de référence inférieur à 19 700 euros. Selon le rapport du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques publié en 2011, les avantages sociaux et fiscaux sur les heures supplémentaires représentaient un gain annuel moyen par salarié ou agent public d’environ 500 euros, soit 42 euros par mois. Le rapporteur général du budget de l’époque, M. Gilles Carrez, estimait quant à lui que, sur la base de quatre heures supplémentaires par semaine, le gain mensuel pour un salarié variait entre 46 euros et 113 euros. La suppression de ces avantages sociaux et fiscaux représente donc une diminution du pouvoir d’achat pour près de 40 % des salariés de 500 euros en moyenne.

Pour illustrer mon propos, je prendrai le cas très commun d’une garde d’enfants employée à domicile par des parents n’ayant pas trouvé de place en crèche. Cette personne travaille quarante-huit heures par semaine, ce qui est normal dans ce métier, soit cent soixante-treize heures par mois plus trente-cinq heures supplémentaires par mois rémunérées au SMIC horaire. La suppression des aides fiscales et sociales à compter du 1er septembre 2012 a représenté pour cette femme une baisse de son pouvoir d’achat de 465 euros en 2012, soit 2,5 % de ses revenus nets, madame la présidente de la commission.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’est au ministre qu’il faut vous adresser !

M. Arnaud Richard, rapporteur. Pour 2013, malgré la revalorisation du SMIC, le relèvement de la décote et des seuils des tranches du barème, prévus par l’article 2 du projet de loi de finances pour 2014, son pouvoir d’achat devrait baisser de 725 euros supplémentaires par rapport à celui de 2012, ce qui représente 4 % des revenus nets perçus en 2013.

La réforme conduite par l’actuelle majorité aura donc amputé le pouvoir d’achat de cette salariée de 1 190 euros en seize mois, du 1er septembre 2012 au 31 décembre 2013. Autant dire que c’est un véritable coup dur pour le pouvoir d’achat des Français, déjà fragilisé par la crise économique et diminué par la politique fiscale du Gouvernement actuel.

M. Gérald Darmanin. Exactement !

M. Arnaud Richard, rapporteur. Dans sa note de conjoncture sur l’année 2012, l’INSEE souligne que la baisse du pouvoir d’achat des Français est due « en grande partie au regain d’inflation », mais surtout « à la vigueur des impôts sur le revenu et le patrimoine » imputable au Gouvernement. Les Français ressentent cette baisse de leur pouvoir d’achat ; tous les sondages le montrent. Ce coup de pouce que nous avions donné à l’époque…

M. François André. À crédit !

M. Arnaud Richard, rapporteur. …fait vraiment défaut aujourd’hui aux Français.

Les membres du groupe UDI ne sont d’ailleurs pas les seuls à avoir fait ce constat : un certain nombre de parlementaires importants de la majorité que j’ai eu l’occasion de croiser dans les couloirs de l’Assemblée – je pense en particulier à Thierry Mandon qui est une personnalité distinguée du groupe socialiste –, ont regretté…

M. Jean-Patrick Gille. Venez-en au sujet !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous n’êtes pas là pour distribuer les bons et les mauvais points !

M. Arnaud Richard, rapporteur. Je pourrais aussi évoquer Gérard Bapt, madame la présidente de la commission, qui a parlé des plans d’épargne. Vous auriez vraiment dû écouter ses arguments.

Certains membres éminents de la majorité, disais-je, ont regretté cette suppression pure et simple et ont proposé de revenir sur la réforme de 2012.

Deux critiques avaient été alors adressées au dispositif : La première portait sur l’absence de plafonnement du gain fiscal qui pouvait, il est vrai, favoriser les ménages aisés.

La seconde pointait le coût important du dispositif pour les finances publiques. De fait, il représentait un coût de 4,5 milliards d’euros pour le budget de l’État.

M. Jean-Patrick Gille. Par an !

M. Gérard Sebaoun. Non financés !

M. François André. Payés à crédit !

M. Arnaud Richard, rapporteur. Pour répondre à ces critiques, le groupe UDI vous propose, mes chers collègues de la majorité, de limiter le rétablissement des avantages sociaux et fiscaux aux rémunérations n’excédant pas deux fois le SMIC. Nous voulons donc, à travers cette proposition de loi, augmenter le pouvoir d’achat des travailleurs modestes et améliorer la compétitivité des entreprises tout en préservant les finances publiques.

M. Maurice Leroy. Très bien !

M. Arnaud Richard, rapporteur. À un moment où la reprise est espérée, les instruments de flexibilité que nous vous proposons nous semblent constituer un atout pour les entreprises comme pour les salariés.

M. Gérald Darmanin. Très bien !

M. Arnaud Richard, rapporteur. Bref, il s’agit de redonner de la confiance aux Français. Vous savez que, en matière d’économie, la confiance n’a pas de prix : c’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je vous invite à adopter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. Frédéric Lefebvre. Excellente intervention !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation.

M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, je vais essayer de répondre le plus simplement possible à l’invitation qui est la vôtre de revenir sur la mesure prise par le Gouvernement, laquelle revenait elle-même sur la décision prise dans la loi TEPA de défiscaliser les heures supplémentaires.

Pour commencer, je considère qu’un tel débat a le mérite de mettre en regard des options politiques différentes et d’argumenter sur ces options. La vôtre consiste à donner du pouvoir d’achat aux salariés par la défiscalisation des heures supplémentaires et par des exonérations de cotisations sociales : ces mesures, à vous entendre, soutiendraient l’activité, en particulier des TPE et des PME.

Ce débat permet ensuite, évidemment, d’expliquer comment on finance de telles mesures, ce qui est essentiel si l’on considère la situation des comptes publics,…

M. François André. Eh oui !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. …et les engagements pris, aussi bien par le gouvernement que vous souteniez que par le nôtre, en matière de réduction des déficits publics.

Ce débat permet enfin d’évaluer les différentes mesures que l’on peut préconiser en matière de durée légale du travail et de soutien à la compétitivité de nos entreprises, notamment les exonérations de charges et les crédits d’impôt. On ne saurait, me semble-t-il, isoler une mesure et lui attribuer certains mérites sans observer ce qui est proposé par ailleurs.

Le choix du Gouvernement est différent du vôtre. S’il est vrai que la défiscalisation des heures supplémentaires a incontestablement – et heureusement, d’ailleurs – donné du pouvoir d’achat aux personnes qui en ont bénéficié…

M. Maurice Leroy. C’est bien de le reconnaître !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Pourquoi « heureusement » ? Parce que c’eût été un comble de consacrer 20 milliards d’euros, et peut-être même 25 milliards, à une telle mesure pour constater qu’elle n’avait même pas redonné du pouvoir d’achat ! Incontestablement, disais-je, les salariés qui ont bénéficié de cette mesure ont vu leur pouvoir d’achat augmenter. Mais nous considérons pour notre part que cet argent eût été mieux utilisé à faire en sorte de lutter plus efficacement contre la montée du chômage… (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Gérald Darmanin. Ça marche très bien !

M. Arnaud Richard, rapporteur et , M. Xavier Bertrand. Quel échec !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. …comme les Allemands ont choisi de le faire, par exemple en finançant le chômage partiel.

Monsieur Bertrand, vous qui aimez les comparaisons avec l’Allemagne, vous auriez mieux fait de regarder la façon dont ils ont procédé en la matière. Force est de reconnaître que, de ce point de vue, ils ont franchi le cap de la crise beaucoup mieux que nous.

Notre pari est donc de mobiliser l’argent public en faveur des créations d’emplois. À cet égard, je tiens à dire tout de suite que nous maintenons, comme le Président de la République l’a rappelé ce matin, l’objectif d’inverser la courbe du chômage à la fin de l’année 2013…

M. Xavier Bertrand. Il a dit le contraire !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. …ou au début de l’année 2014, si vous préférez. Il faut savoir lire jusqu’au bout…

M. Arnaud Richard, rapporteur. Ce n’était pas très clair !

M. Gérald Darmanin. Avec lui, rien ne l’est jamais !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. J’aimerais que vous vous réjouissiez que cet objectif ambitieux soit celui du Gouvernement plutôt que de souhaiter notre échec sur le chômage.

M. Xavier Bertrand. Il y a 400 000 chômeurs supplémentaires depuis dix-huit mois !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je regrette, monsieur Bertrand, vous qui êtes un ancien ministre du travail, que vous en soyez réduit à souhaiter que notre gouvernement échoue dans ce domaine.

Nous sommes ici réunis pour examiner la proposition de loi du groupe UDI visant à rétablir la défiscalisation au titre de la rémunération des heures supplémentaires. Ce texte reprend largement les dispositions prises dans le cadre de la célèbre loi TEPA dont le paquet fiscal intégrait également le fameux « bouclier fiscal » – mesure sur laquelle vous étiez revenus –, ainsi que des allégements en matière d’ISF et de droits de succession.

M. François André. Payés par la dette !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Ces dispositions sur la défiscalisation des heures supplémentaires ont été abrogées par la seconde loi de finances rectificatives pour 2012.

Votre assemblée a déjà abondamment débattu de ce sujet et nous avons d’ores et déjà pu en tirer un certain nombre d’enseignements. L’un d’entre eux en particulier ne me semble pas prêter à contestation : la loi TEPA n’a pas contribué à soutenir l’activité et à augmenter le nombre d’heures travaillées. Nous savons en effet que, pour l’essentiel, la défiscalisation des heures supplémentaires a concerné, dans 80 % des cas, des heures supplémentaires qui existaient déjà. Sur les 20 % restants, c’est-à-dire les heures supplémentaires faites en plus, toutes les études montrent que plus de la moitié est liée à un surcroît d’activité, l’autre petite moitié étant directement liée à la loi TEPA. Il est donc incontestable que la loi sur la défiscalisation des heures supplémentaires n’a pas eu pour conséquence de soutenir et d’améliorer l’activité des entreprises concernées.

C’est d’ailleurs ce que concluait très bien le rapport confié à MM. Jean-Pierre Gorges et Jean Mallot, selon lequel la mesure n’avait « pas produit une augmentation mesurable significative du nombre total d’heures travaillées », tout en donnant lieu à des pratiques d’optimisation, à la régularisation d’heures supplémentaires non déclarées mais rémunérées sous forme de primes…

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’est vrai !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. …et, dans un certain nombre de cas, à des arbitrages, au sein des entreprises, au détriment de l’intérim.

Je note d’ailleurs, monsieur le rapporteur – c’est un aveu en soi et une manière de tirer les leçons de l’expérience – que votre proposition de loi ne se place pas sur ce terrain : selon vous, il s’agit d’abord de soutenir le pouvoir d’achat. Vous ne considérez plus, comme le faisait l’UMP à une certaine époque, que la défiscalisation des heures supplémentaires est une mesure de soutien à l’activité. Ce faisant, vous avez tiré les conséquences du rapport de MM. Gorges et Mallot. Dont acte. Vous considérez que, pour l’essentiel, cette disposition a pour objectif de soutenir le pouvoir d’achat des ménages.

M. Arnaud Richard, rapporteur. Pas seulement !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. C’est sans doute l’avantage d’une proposition de loi que de permettre d’isoler ainsi cette mesure sans avoir à l’inscrire dans une politique plus globale.

M. Maurice Leroy. Commencez par l’accepter, nous verrons ensuite pour le reste !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Or la cohérence de vos propositions et de celles de l’UMP qui soutient votre proposition de loi doit être interrogée.

M. Maurice Leroy. Cela vous va bien de parler de cohérence !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je voudrais vous poser plusieurs questions à cet égard.

Première question : l’opposition souhaite-t-elle, oui ou non, remettre en cause la durée légale du travail, fixée à trente-cinq heures ? François Bayrou, par exemple, répond oui.

M. Maurice Leroy. En effet.

M. Gérald Darmanin. François Bayrou est dans l’opposition, maintenant ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Il en va de même pour François Fillon. D’autres, au contraire – je regarde Frédéric Lefebvre, avec lequel j’ai désormais l’habitude de travailler – répondent non.

M. Frédéric Lefebvre. En effet.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Vous risquez d’avoir du mal à expliquer aux salariés qu’avec vous les heures supplémentaires seraient défiscalisées tout en disant aux employeurs que, en allongeant la durée légale du travail, il n’y aura plus d’heures supplémentaires ou presque, ce qui aura pour conséquence qu’ils pourront faire travailler leurs salariés trente-neuf ou quarante heures sans avoir à les rémunérer sous forme d’heures supplémentaires. Il me semble difficile de soutenir simultanément les deux positions, sauf à se moquer des uns ou des autres, voire des uns et des autres !

M. Maurice Leroy. Et si vous parliez du texte ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Monsieur Leroy, quand je m’exprime au sujet des heures supplémentaires, je parle de ce que je veux.

M. Jean-Louis Borloo. Nous sommes au Parlement, ici !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Deuxième question de cohérence : l’opposition souhaite-t-elle, oui ou non, rétablir les comptes publics ? En clair, comment finance-t-elle une mesure comme celle-là ?

M. Gérald Darmanin. Qui est aux responsabilités ? Vous n’êtes plus dans l’opposition, monsieur le ministre !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Les avantages fiscaux et sociaux des heures supplémentaires résultant de la loi TEPA représentaient, en 2012, un coût en année pleine de 5 milliards d’euros, dont 1,5 milliard au titre des exonérations fiscales et 3,5 milliards au titre des réductions de cotisations sociales. De 2007 à 2012, cette mesure a représenté un coût cumulé d’environ 25 milliards d’euros pour les finances publiques.

Les députés du groupe UMP, qui ont présenté un contre-budget à l’occasion de la discussion du PLF pour 2014, ont admis que ce coût était insoutenable, puisqu’ils n’ont pas proposé de rétablir cette mesure qu’ils n’étaient pas capables de financer, révélant ainsi le caractère assez démagogique des postures publiques prises sur le sujet.

L’UDI a quant à elle toujours réclamé la plus grande rigueur budgétaire. Elle a soutenu, si ma mémoire est bonne, le principe de la golden rule, la fameuse règle d’or interdisant l’endettement pour financer des dépenses de fonctionnement, proposant même de l’inscrire dans le marbre afin que nous ne puissions pas la remettre en cause demain en nous endettant et en creusant les déficits publics.

M. Gérald Darmanin. Vous avez voté le traité européen de Mme Merkel, monsieur Hamon !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Vous me permettrez donc de poser, là encore, une question simple : qui va payer ? Ce pouvoir d’achat que vous prétendez donner aux salariés, d’où vient-il ? Est-ce à nouveau par la dette que vous continuerez à financer ce surcroît de pouvoir d’achat ?

M. François André. Eh oui !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Comment allez-vous payer ? Entendez-vous que ce coût ne soit pas compensé, c’est-à-dire qu’il alimente directement la dette ? C’est évidemment ce qui s’est passé au cours du précédent quinquennat.

M. Gérald Darmanin. N’étiez-vous pas keynésien ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Chaque année, vous avez distribué aux salariés un pouvoir d’achat payé par la dette de leurs enfants.

M. Gérald Darmanin. Vous défendez le libéralisme ! C’est incroyable !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. J’imagine que ce n’est pas la position que vous assumeriez aujourd’hui. Entendez-vous alors que le coût de cette mesure soit compensé par une hausse d’impôts à due concurrence ? Lesquels, et payés par qui ? Voulez-vous faire payer les entreprises, dont vous affirmez vouloir défendre la compétitivité ? Je suppose que non, et que vous feriez donc payer les ménages, mais quels ménages ? Les salariés qui font des heures supplémentaires eux-mêmes ? Les autres salariés qui n’ont pas la chance d’en faire ? Les indépendants ou les retraités qui, eux, n’ont naturellement pas d’heures supplémentaires ? Qui paierait ?

M. Gérald Darmanin. Il faudrait faire des économies sur la dépense !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. J’ai lu que M. Borloo s’opposait à toute nouvelle hausse d’impôt. Je suppose donc que vous vous refusez à compenser la perte de recettes résultant de la mesure. L’opposition nous dira donc, sans doute, qu’elle financerait cette mesure par les économies : je crois que c’est véritablement là qu’est le cœur de l’opposition politique entre nous. Nous essayons d’argumenter, d’étayer, d’expliquer la manière dont nous finançons nos propositions. Votre avantage, mesdames et messieurs de l’opposition, c’est de pouvoir aujourd’hui ne rien dire.

M. Denys Robiliard. Ou dire n’importe quoi !

M. Gérald Darmanin. Vous savez de quoi vous parlez, monsieur Robiliard !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. J’espère en tout cas que le débat d’aujourd’hui nous éclairera sur vos intentions réelles. Vous voulez alléger les prélèvements de certains salariés qui ont aujourd’hui l’opportunité – je ne parlerai pas de chance – de réaliser des heures supplémentaires.

M. Gérald Darmanin. Cela concerne 9 millions de personnes !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Mais ne confondons pas une mesure fiscale avec ce qui relève du droit du travail : vous savez comme moi que la responsabilité de donner des heures supplémentaires incombe à l’employeur.

M. Gérald Darmanin. Notamment l’employeur public, c’est-à-dire l’État ! Le Gouvernement emploie des fonctionnaires qui font des heures supplémentaires !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. C’est l’employeur qui choisit de donner des heures supplémentaires, et à qui il propose de faire des heures supplémentaires. Si cette mesure de défiscalisation des heures supplémentaires était à nouveau adoptée, elle permettrait à des salariés qui ont un emploi de réaliser des heures supplémentaires, donc de bénéficier d’un surcroît de pouvoir d’achat, quand d’autres, pour le même travail au même endroit, pourraient ne pas bénéficier du même avantage. À nos yeux, une telle mesure présente donc un certain caractère d’injustice.

Certes, vous tirez des leçons du dispositif passé en proposant de limiter le bénéfice de la mesure de défiscalisation à des salariés payés plus ou moins modestement, à hauteur de deux SMIC. Vous rompez avec le caractère assez inégalitaire de la mesure précédente, puisque 30 % des bénéficiaires en tiraient un gain moyen d’environ 200 euros par an, quand 1 000 d’entre eux en bénéficiaient à hauteur de 12 000 euros par an, puisque cette défiscalisation était une exonération proportionnelle au salaire.

Je le rappelle : la majoration des heures supplémentaires demeure, évidemment. Elle est naturellement intégralement maintenue, à hauteur de 25 %, et nous ne la remettons pas en cause. Ce que nous remettons en cause, c’est l’utilité et l’intérêt d’une défiscalisation des heures supplémentaires, dont nous maintenons qu’elle contribue à des arbitrages défavorables à l’emploi et favorables au chômage, et que son impact à moyen et long termes est négatif pour notre économie et pour l’emploi. Le choix de la majorité est donc tout autre que le vôtre.

M. Xavier Bertrand. Il est idéologique !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Notre choix est celui de mesures de pouvoir d’achat justes et de la priorité absolue accordée à la bataille pour l’emploi, notamment l’emploi des jeunes. Les mesures de pouvoir d’achat ont été discutées dans le cadre du projet de loi de finances : c’est le cas, après la revalorisation de la décote de 9 % l’année dernière, de la réindexation du barème de l’impôt sur le revenu cette année et de la revalorisation exceptionnelle supplémentaire de 5 % de la décote, qui permettront un allégement de l’impôt sur le revenu de près de 900 millions d’euros. Je pense également à la revalorisation de 4 %, décidée à l’initiative du groupe socialiste, du seuil de revenu fiscal de référence ouvrant droit à des allégements en matière d’impôts locaux, de contribution sur l’audiovisuel public et de prélèvements sociaux, pour un gain global de 450 millions d’euros pour les contribuables.

J’en viens à l’essentiel : c’est là que nous avons deux options politiques en débat, et c’est sur ce point que je souhaiterais discuter. Nous préférons consacrer ces milliards d’euros à des mesures de soutien à l’emploi,…

M. Gérald Darmanin. Et ça marche ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. …en particulier à l’emploi des jeunes. Je me tourne vers deux anciens ministres qui connaissent bien ces questions. Vous savez comme moi que les contrats aidés et les dispositifs que nous mettons en place en faveur de l’emploi des jeunes permettent de soutenir la demande, en faisant passer les jeunes des listes de Pôle Emploi à l’emploi. Mais, au-delà, l’impact de ces mesures en termes de confiance, pour ces jeunes et leurs familles, et de consommation est bien plus important que celui d’une mesure de défiscalisation des heures supplémentaires.

M. Xavier Bertrand. Les salariés qui font des heures supplémentaires ne prennent le travail de personne !

M. Gérald Darmanin. C’est incroyable de dire cela !

M. Xavier Bertrand. Je suis sûr que vous ne le croyez même pas !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Notre choix politique, ce n’est pas les heures supplémentaires et le chômage, mais l’emploi. Nous avons mis en œuvre des mesures de relance de l’économie par le choix de l’emploi : nous devons faire en sorte que les jeunes quittent les listes de Pôle Emploi.

Vous le reconnaîtrez comme moi, monsieur Leroy : je ne sais pas si vous avez recruté des emplois d’avenir dans votre département…

M. Maurice Leroy. L’un et l’autre ne s’opposent pas : l’UDI a voté en faveur de ce dispositif !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. …mais, grâce aux 100 000 emplois d’avenir, nous avons commencé à inverser la courbe du chômage des jeunes, et nous inverserons à la fin de l’année la courbe du chômage tout court.

M. Gérald Darmanin. Êtes-vous devenu directeur du Trésor, monsieur Hamon ?

M. Xavier Bertrand. Vous vous croyez proche des ouvriers ?

M. Gérald Darmanin. Il faut arrêter de fréquenter les inspecteurs des finances !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Le choix politique de ce Gouvernement n’est pas de consacrer des milliards d’euros à une mesure sans doute justifiée pour certains salariés qui ont vu augmenter leur pouvoir d’achat, mais de faire en sorte que tout le monde puisse consommer, en quittant les listes du chômage pour trouver un emploi. Nous avons choisi de mener la bataille de l’emploi, tandis que l’ancienne majorité avait choisi les heures supplémentaires et le chômage. Notre choix à nous, c’est d’abord l’emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. François André. Avec quel succès !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. J’illustrerai mon propos en décrivant les mesures que nous avons prises.

M. Bertrand Pancher. Vos mesures n’ont pas empêché l’augmentation du chômage. Cherchez l’erreur !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je l’ai dit : le coût de ce dispositif de défiscalisation des heures supplémentaires s’élevait à près de 5 milliards d’euros par an, soit 25 milliards sur cinq ans. Je n’aurai pas l’audace de vous rappeler les déficits que vous nous avez laissés ni le niveau d’endettement de notre pays, monsieur Bertrand, quand j’écoute vos petites leçons sur les comptes publics.

M. Gérald Darmanin. C’est Friedmann qui parle !

M. Arnaud Richard, rapporteur. On ne vous reconnaît plus, monsieur le ministre !

M. Xavier Bertrand. On attendait Keynes, on a eu Friedmann !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. J’aimerais vous rappeler ce que nous faisons : nous avons décidé de consacrer, dans le cadre du PLF, 2,3 milliards d’euros à des mesures pour soutenir les emplois d’avenir – 150 000 emplois sur deux ans –, mais aussi la signature de plusieurs dizaines de milliers de contrats de génération. Par ailleurs, j’aimerais vous rappeler que ce Gouvernement prévoit dans le budget 2014, avec 1,8 milliards d’euros, la création de 340 000 contrats aidés non marchands de durée allongée – alors que vous en aviez diminué le nombre, monsieur Bertrand. Le Gouvernement a aussi créé 2 000 ETP pour renforcer les effectifs de Pôle Emploi en 2013…

M. Xavier Bertrand. Des ETP ? Vous parlez maintenant comme les fonctionnaires de Bercy, monsieur le ministre ! Vous parlez comme les technocrates !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Ces recrutements supplémentaires seront financés par une majoration de 107 millions d’euros de la subvention versée par l’État à cet opérateur, que vous aviez vous-même asphyxié.

M. Gérald Darmanin. C’est M. Hamon qui parle ? On dirait M. Moscovici !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Ce gouvernement est aussi celui qui réforme le financement de l’insertion par l’activité économique. Réjouissez-vous : 10 millions d’euros ont été provisionnés en 2013, et 15 millions le seront en 2014 pour revaloriser l’aide au poste, ce que vous n’aviez pas fait non pendant plus de dix ans, messieurs de l’opposition.

M. Maurice Leroy. Donc tout va bien ? C’est un peu facile !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Nous prenons donc des mesures de soutien à l’économie – de vraies mesures keynésiennes, en quelque sorte, puisque vous êtes des néo-convertis,…

M. Gérald Darmanin. Et vous, vous êtes un néo-libéral !

M. Xavier Bertrand. Un faucon libéral !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. …qui consistent à soutenir l’emploi. Nous pensons qu’il vaut mieux faire en sorte qu’un jeune qui ne travaillait pas puisse travailler, par des mesures de soutien budgétaire public à l’emploi, plutôt que de donner un peu de pouvoir d’achat à des salariés.

M. Maurice Leroy. Vous leur direz !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Cette mesure était parfaitement légitime dans le cadre de votre politique, messieurs de l’opposition.

M. Xavier Bertrand. Changez de politique !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Quant à nous, nous rendons un arbitrage différent et prenons des options différentes.

J’insiste sur ce point : arrêtons d’opposer la notion de pouvoir d’achat avec les questions de chômage et d’emploi. Vous aviez choisi le pouvoir d’achat pour certains salariés ; je regrette que vous n’ayez pas choisi, quand vous étiez aux responsabilités, de donner la priorité aux politiques d’emploi, notamment d’emploi des jeunes.

M. Maurice Leroy. Vos propos sont ridicules : nous avons maintenu l’emploi des jeunes !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Nos choix sont tout à fait différents ; j’espère que notre débat se concentrera sur cette alternative. La gauche, qui dirige aujourd’hui le pays, a décidé de mobiliser l’argent public, quand elle le dépense, en faveur de l’emploi plutôt que pour des mesures qui concernaient une minorité de salariés français. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Gérald Darmanin. Où est Benoît Hamon ? Bravo, monsieur Cazeneuve !

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour un rappel au règlement.

M. Frédéric Lefebvre. Monsieur le président, mon rappel au règlement porte sur l’organisation de nos travaux, compte tenu du vote par le Sénat, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014, d’un amendement identique à la proposition de loi dont nous débattons – je remercie le président Borloo et Arnaud Richard de l’avoir défendue. Je l’ai d’ailleurs rappelé tout à l’heure : Xavier Bertrand, Bruno Le Maire et moi-même avons déposé une proposition de loi identique.

M. Jean-Patrick Gille. C’est rassurant !

M. Christian Paul. Vous avez donc refait l’unité de l’UMP !

M. Frédéric Lefebvre. Un amendement, déposé par une partie de la gauche du Sénat, a été adopté grâce à une quinzaine de sénateurs de gauche.

M. Xavier Bertrand et M. Gérald Darmanin. Eh oui !

M. Frédéric Lefebvre. Il existe un débat à l’intérieur même du groupe socialiste sur la question des heures supplémentaires – je pense à la position de M. Mandon et d’autres sur ce sujet. Compte tenu de l’adoption de cet amendement au Sénat dans le projet de loi de finances pour 2014 et de la discussion de la proposition de loi du groupe UDI, je veux demander au Gouvernement de quelle façon nous allons traduire, ensemble, cette volonté de réforme dans notre législation. J’ai bien compris que tout le monde ne partageait pas cette position, mais une majorité peut visiblement se dessiner au Parlement, droite et gauche confondues, pour défendre ce qui est aujourd’hui un acquis social pour nos compatriotes.

M. Jean-Patrick Gille. Non, il n’y a pas de majorité !

M. Denys Robiliard. Ce n’est pas un rappel au règlement !

M. Frédéric Lefebvre. C’est un acquis social ! Je le dis sans esprit polémique.

M. Jean-Patrick Gille. Vous racontez votre vie, monsieur Lefebvre ! Vous intervenez ce matin parce que vous ne serez plus présent cet après-midi !

M. Frédéric Lefebvre. Je n’aborderai pas le fond du débat : j’aurai l’occasion de le faire tout à l’heure.

M. Christian Paul. Halte au feu !

M. Frédéric Lefebvre. Je ne vais pas non plus répondre à la question tout à fait légitime soulevée par Benoît Hamon sur les 35 heures et les heures supplémentaires. Je fais partie de ceux qui pensent que les heures supplémentaires sont en réalité un moyen de supprimer les 35 heures : elles ne servent donc pas uniquement à augmenter le pouvoir d’achat. Je le revendique, même si ce n’est pas la position de toute ma famille politique.

Si je pose cette question, c’est parce que nous avons aujourd’hui, avec un certain nombre de parlementaires de gauche et de droite, au Sénat et à l’Assemblée nationale, une position commune sur ce qui constitue un acquis social. Nous avons donc besoin d’une clarification de la part du Gouvernement quant à l’organisation de nos travaux dans les semaines qui viennent, sur une question essentielle pour nos compatriotes.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je vais répondre clairement à M. Lefebvre : le Gouvernement est contre cette mesure. Il était contre au Sénat,…

M. Frédéric Lefebvre. Une partie de la gauche était pour !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. …il est contre à l’Assemblée nationale dans le cadre de l’examen de cette proposition de loi.

Vous connaissez la situation comme moi, monsieur Lefebvre : cet argent public, qui se fait rare aujourd’hui, est mieux utilisé à créer des emplois d’avenir qu’à défiscaliser des heures supplémentaires. C’est cette option que nous garderons. Je ne dis pas que les choses n’évolueront pas demain, mais c’est la position du Gouvernement aujourd’hui. Nous étions contre à l’Assemblée nationale, nous étions contre au Sénat, je viens de me déclarer contre à cette tribune et nous resterons contre jusqu’au bout, indépendamment de ce que vous pouvez dire.

M. Frédéric Lefebvre. Que faites-vous des membres de la majorité qui sont pour ?

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Louis Borloo.

M. Jean-Louis Borloo. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, il est toujours un peu surprenant de voir des gens refuser des cadeaux.

M. Gérald Darmanin. C’est vrai !

M. Jean-Louis Borloo. Nous vous en offrons un aujourd’hui, monsieur le ministre : nous voulons vous sortir du mauvais pas dans lequel vous vous êtes mis en début de quinquennat.

M. Maurice Leroy. C’est vrai !

M. Jean-Louis Borloo. Tous les gouvernements font des erreurs.

M. Jean-Patrick Gille. Parole d’expert !

M. Jean-Louis Borloo. Vous avez le sparadrap du capitaine Haddock : retirez-le le plus vite possible, car il finira par vous planter à un moment ou un autre. Pourquoi le sparadrap du capitaine Haddock ? Parce qu’il s’agit d’abord d’une erreur idéologique.

M. Yannick Favennec. Eh oui !

M. Jean-Louis Borloo. Vous pensez toujours que moins longtemps les gens travailleront, plus il y aura de travailleurs : c’est la théorie de la répartition du temps de travail. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. Arnaud Richard, rapporteur. Excellent !

M. Jean-Louis Borloo. C’est une idée que j’apprécie sur le plan de la morale, mais qui n’en reste pas moins un non-sens économique. Seuls la compétitivité, la performance et le dynamisme économique créent de l’emploi ; ce n’est pas le cas de la répartition de la rareté.

M. Gérald Darmanin. Tout à fait !

M. Jean-Louis Borloo. « Laissez-nous réduire les heures supplémentaires, nous allons créer de l’emploi », dites-vous.

M. Gérard Sebaoun. Quel est le rapport ?

M. Jean-Louis Borloo. Eh bien non, ce n’est pas ainsi que cela se passe, monsieur le ministre. Il n’y a que la rue de Solférino qui croit cela ! Je pensais que vous en étiez revenus ; mais lorsque le programme socialiste a été rédigé, vous n’étiez pas encore aux responsabilités, c’est-à-dire dans la perception véritable de l’économie.

Votre deuxième erreur est une erreur de confiance. Vous avez trahi 9,5 millions de salariés du public et du privé, qui avaient cru, ou cru entendre qu’avec vous, le pouvoir d’achat serait préservé.

La réalité est que cette mesure a entamé le pouvoir d’achat des salariés qui en bénéficiaient de 5 à 10 %. Cela aura été la plus grande attaque contre le pouvoir d’achat des Français puisqu’il aura baissé cette année-là, pour la première fois depuis trente ans, de 0,9 %. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

C’est une erreur en termes de pouvoir d’achat, en termes de dynamisme économique. Et pour poursuivre la logique jusqu’au bout, je vais vous faire un deuxième cadeau : vous devriez aussi revenir sur les 100 % d’augmentation de la TVA – l’augmentation Fillon plus la vôtre – sur les services à la personne, le bâtiment et les transports publics. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UDI.) Imaginez le salarié qui fait des heures supplémentaires, qui non seulement a perdu ses 500 euros mais qui verra en plus son ticket de métro augmenter : je peux vous assurer qu’il aura un réel problème de confiance avec vous !

Vous avez dit, monsieur le ministre, qu’il y avait sur nos bancs deux anciens ministres de l’emploi. Oui, j’ai été ministre de l’emploi, oui, je souhaite que le chômage baisse, évidemment. Croyez-moi, j’en serais le premier satisfait. Oui, je suis inquiet de l’absence de réforme de structure, oui, je suis inquiet que vous ne compreniez pas que vous tuez le secteur des services à la personne, du bâtiment, des travaux de l’habitat avec cette augmentation de 100 % ! Redonnez de la souplesse à l’activité économique ! Nous vous faisons ce cadeau !

Lisez les blocs de M. Mandon, de M. Valax : ils vous demandent de revenir sur cette disposition relative aux heures supplémentaires. Pas totalement, mais au moins pour ceux qui touchent deux fois le SMIC. Très franchement, les infirmières, tous ces gens qui sont des bosseurs méritants, méritent que vous fassiez cet effort. Si vous ne le faites pas, vous serez rattrapé par la patrouille de la méfiance : ce n’est pas moi qui ai prétendu que les augmentations de prélèvement ne toucheraient pas neuf Français sur dix ! C’est vous, c’est le candidat à la présidence de la République et le Premier ministre. Ce n’est pas de ma faute si la confiance a été rompue. Ne vous y trompez pas, je suis déçu sur l’affaire du vote blanc, mais je le suis encore plus que vous ne compreniez pas. Nous avons tous commis les mêmes erreurs : cela s’appelle des marqueurs ! On croit au début que l’on se déjugerait si l’on évoluait, mais c’est faux. La démocratie implique de savoir évoluer. Je vous supplie de me croire.

Voulez-vous savoir où se trouve l’argent, monsieur le ministre ? Savez-vous combien coûtent 100 000 chômeurs de plus dans le bâtiment ? 2,7 milliards d’euros !

M. Maurice Leroy. Parfaitement !

M. Jean-Louis Borloo. Voilà le résultat auquel vous aboutiriez ! Savez-vous ce que c’est, la vie ? C’est un bloc de travail et des variations d’activités ; ce n’est pas un CDD ou un CDI à temps plein et rien d’autre ! Ces secteurs fragiles, que vous massacrez par cette hausse massive de TVA, ont en plus besoin de souplesse car ils sont soumis à des variations d’activités, des variations saisonnières, des variations hebdomadaires. L’évolution et les variations, c’est cela, la vraie vie !

Nous avons essayé de vous proposer une solution nuancée, en nous montrant compréhensifs. C’est vrai qu’il est difficile pour vous de changer d’avis à ce point, mais faites-le au moins pour ceux qui touchent moins de deux fois le SMIC.

Monsieur Hamon, il est difficile de gouverner, je le sais, mais il y a de quoi se mettre en colère lorsqu’on voit de telles erreurs. Au fond, vous êtes d’accord avec nous, mais vous êtes confrontés à ce problème de posture, et vous n’êtes pas les seuls. Je vous le dis du fond du cœur : on m’a confié le ministère de l’emploi avec un taux de chômage à 10,2 % ; je l’ai rendu à 7,7 %. Comment avions-nous fait ? La croissance n’était pas élevée mais nous avons essayé de redonner confiance à l’économie de notre pays.

Si vous adoptiez ce texte, ou si du moins vous vous en remettiez à la sagesse de cette Assemblée, je vous assure que cet après-midi, à seize heures ou dix-sept heures, des millions de Français qui font des heures supplémentaires reprendront confiance. À la veille de Noël, pourquoi se priver de ce cadeau ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à Mme Véronique Massonneau.

Mme Véronique Massonneau. Monsieur le président, monsieur la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, sept ans après sa création, un an et demi après sa suppression, le dispositif de défiscalisation et d’exonération de charges des heures supplémentaires fait son retour dans notre Assemblée.

Pourtant, sa suppression, actée lors de la loi de finances rectificative pour 2012, était une mesure de bon sens. Bon sens économique au vu du coût du dispositif : un manque à gagner de 4,5 milliards d’euros pour l’État. Si l’on tient compte du coût de la dégradation du marché du travail – 30 000 emplois en moins –, elle a creusé le déficit public de 6,8 milliards d’euros en 2011.

Alors que le chômage peine à diminuer, réintégrer ce dispositif serait une ineptie et aurait comme unique conséquence la dégradation des finances publiques, tout en allant à l’encontre de la politique menée par la majorité en faveur de l’emploi.

Bien sûr, la volonté affichée est celle d’augmenter le pouvoir d’achat des Français. Je ne doute pas de votre sincérité, mais vous savez pertinemment que la réponse que vous voulez apporter à cette problématique du pouvoir d’achat, qui est un vrai problème, n’est pas adaptée.

Ce dispositif n’a pas fonctionné durant cinq ans. Les bénéfices pour les salariés étaient plus que minimes – pour ceux qui avaient la chance d’en bénéficier, d’ailleurs ! Il est de votre devoir de reconnaître qu’il n’aura finalement pas concerné tant de salariés que cela ; dès lors, il est ainsi difficile de vanter les mérites d’une loi en faveur du pouvoir d’achat quand il ne concerne qu’une minorité de personnes.

M. Maurice Leroy. Qu’en savez-vous ?

Mme Véronique Massonneau. De surcroît, ce dispositif crée une nouvelle niche fiscale, bien malvenue en période d’effort économique, qui aura un effet pervers sur l’emploi.

L’exonération des cotisations patronales serait un nouveau cadeau consenti aux employeurs qui les conduirait à privilégier le recours aux heures supplémentaires par rapport au recrutement, comme ce fut le cas lorsque le dispositif était en vigueur.

Pour ne favoriser qu’une partie des salariés, et de façon marginale, on prendrait ainsi le risque d’ajouter un nouveau frein à la politique en faveur de l’emploi.

Si j’entends la déception des salariés ayant bénéficié des mesures dont nous parlons, les enjeux me semblent trop importants et la réponse mal appropriée. La période est compliquée, et la politique économique menée a pour objectif de réduire les déficits, ce qui implique un effort collectif. En ce sens, la création, ou le rétablissement, d’une niche fiscale inspirerait un nouveau sentiment d’injustice à ceux qui n’en bénéficient pas.

M. Maurice Leroy. Vous en avez créé vingt-deux !

Mme Véronique Massonneau. Au contraire, il faut faire preuve de plus d’inventivité. Les économies réalisées par la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires ont permis de financer des mesures très intéressantes en faveur de l’emploi. C’est le cas notamment avec les emplois d’avenir qui, eux, apportent une réponse concrète à des jeunes sortis du système, leur offrant une véritable avancée en matière de travail et de pouvoir d’achat.

Une autre réponse serait de repenser le modèle fiscal français. Les écologistes soutiennent depuis longtemps l’idée d’une véritable réforme fiscale, qui remettrait à plat les impôts, et qui intégrerait la fusion de l’impôt sur le revenu et la contribution sociale généralisée afin de créer une nouvelle imposition progressive, juste socialement et fiscalement. Une imposition dont les taux seraient en réelle adéquation avec le quotidien et le pouvoir d’achat de nos concitoyens. Ce serait alors une vraie réponse à ces problématiques.

Je le disais, la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires était une mesure de bon sens, mais pas uniquement de bon sens économique : c’est également du bon sens eu égard à la réflexion portée sur le travail. La précédente mandature a été marquée du sceau du « Travailler plus pour gagner plus », dont l’illustration la plus symbolique fut la loi TEPA, dont est issu le dispositif que l’on nous propose de remettre en place. Outre le fait que ce slogan ne se sera jamais avéré, bien au contraire, il est nécessaire de penser le travail autrement. Les écologistes sont attachés à une nouvelle modulation du temps de travail, une articulation bien différente de cette punch line mensongère.

Plutôt que de s’imaginer toujours travailler plus, le principal défi à l’avenir sera de travailler mieux et moins, pour travailler toutes et tous. Mieux, par la réduction de la souffrance au travail et l’extension de la démocratie au sein des entreprises ; mieux également par la nature des activités, la reconquête de leur sens et de leur utilité, l’extension du troisième secteur d’utilité sociale et écologique. Moins par une nouvelle réforme du temps de travail, ce qui s’oppose à une valorisation des heures supplémentaires par un trompe-l’œil qui ne favorise, au final, que les plus aisés. Toutes et tous enfin, par la nécessaire transition écologique de l’économie, la création de milliers d’emplois dans les énergies renouvelables, dans le secteur environnemental, dans le secteur de l’économie sociale et solidaire ou par l’économie circulaire.

Ainsi, et seulement ainsi, nous nous donnerons les moyens de relancer notre économie, nous créerons de l’emploi, et redonnerons à nos concitoyens les moyens de recouvrer un pouvoir d’achat qui a diminué dans une crise systémique.

À cet égard, ce n’est plus un différend politique qui nous oppose à cette proposition de loi. Non, vouloir revenir à une disposition de la loi TEPA montre la fracture idéologique, l’opposition de paradigmes qui existe entre l’opposition et nous. M. Barbier parlait en commission d’une « méconnaissance de notre système économique » ; force est de constater que nos collègues de l’opposition ont surtout une méconnaissance des enjeux d’avenir.

La politique menée durant cinq ans n’a pas fonctionné et nos concitoyens l’ont fait savoir. Il faut l’entendre. Vous essayez de remettre en place des mesures purement libérales, qui auront pour seule conséquence de mettre sous pression des salariés contraints d’accepter des heures supplémentaires qui arrangeront principalement les employeurs.

M. Gérald Darmanin. N’importe quoi !

Mme Véronique Massonneau. Vous l’avez compris, ce n’est clairement pas notre vision du travail et nous considérons que ce n’est pas une réponse au problème du pouvoir d’achat de nos concitoyens aussi sommes-nous résolument opposés à cette proposition de loi.

M. le président. La parole est à M. Jacques Krabal.

M. Jacques Krabal. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de m’adresser tout d’abord au ministre Jean-Louis Borloo qui nous proposait un cadeau. S’il y a eu un cadeau ce matin, monsieur Borloo, c’est celui qui vous a été fait par ce gouvernement, grâce au ministre de l’environnement, Philippe Martin qui, courageusement, n’a pas signé, lui, les droits de mutation à travers les permis d’exploitation du gaz et huile de schiste.

M. Gérald Darmanin. Quel rapport ?

M. Jacques Krabal. Je voudrais, monsieur le ministre, que vous transmettiez mes remerciements au Gouvernement et en particulier au ministre de l’environnement, Philippe Martin, pour sa décision excellente et très courageuse.

La défiscalisation des heures supplémentaires a été abrogée mais il faut se rappeler pourquoi cette majorité a pris cette décision qui s’inscrit dans un objectif de redressement des comptes publics. C’est pourquoi, avant d’aborder le sujet qui nous réunit ce matin, je voudrais également saluer l’initiative du Premier ministre d’entreprendre une réforme fiscale dont les règles seraient plus justes, plus efficaces et plus lisibles, même si nous aurions souhaité que cette proposition intervienne plus tôt.

Les Français attendent une complète remise à plat de la fiscalité.

M. Gérald Darmanin. C’est vrai.

M. Jacques Krabal. Ils attendent plus de transparence et l’évaluation effective et indiscutable de tous les dispositifs qui forment un véritable dédale dans lequel l’intérêt général se perd et les intérêts particuliers prospèrent. Souvenons-nous des exonérations d’impôts, trop nombreuses, qui ont conduit à des déficits de plus en plus importants : de 2007 à 2012, la dette de la France est passée de 1 211 milliards à 1 833 milliards d’euros, tandis que le taux de prélèvement obligatoire passait de 42,1 % à 45 %. Ce n’est pas de la polémique, ce sont des chiffres, ce sont des faits.

Chacun sait que les niches fiscales permettent d’octroyer des avantages à des publics restreints et souvent privilégiés, même si ce n’est pas le cas des heures supplémentaires. Au nombre d’environ 300 en 1981, il est bien de rappeler qu’il y en avait 500 en 2011, même si nous en avons créé quelques-unes.

M. Maurice Leroy. Vingt-deux !

M. Jacques Krabal. Au nom de la transparence, dans le contexte qui est le nôtre et dont il est si difficile de sortir, n’est-il pas temps d’en faire l’inventaire exhaustif pour établir la valeur sociale de tous ces dispositifs ? Le chiffre est là : 150 milliards d’euros !

Qui plus est, ces réductions ne bénéficiaient pas à tous mais seulement à certains. Il en va ainsi du bouclier fiscal qui ne profitait qu’aux plus aisés et qui plafonnait l’impôt à 50 % du revenu fiscal et non à 50 % du revenu total. Là encore, il est bien de rappeler que selon les années, entre 14 000 et 20 000 personnes étaient concernées. Lorsque cet indécent dispositif a fini par être supprimé, je me souviens qu’on avait dans le même temps procédé à une réduction de l’ISF, amputant les recettes fiscales de près de 2 milliards d’euros par an.

En vérité, la baisse des prélèvements obligatoires n’a généré aucun gain de croissance. Les réductions fiscales ciblées par le dispositif des niches n’ont rien produit des effets escomptés. Elles ne se soldent la plupart du temps que par des effets d’aubaine : le bénéficiaire se contente d’empocher une réduction d’impôts, et au diable les baisses des prix, le surcroît de compétitivité et les créations d’emplois !

Du côté des entreprises, la réduction des cotisations patronales sur les heures supplémentaires a été supprimée, d’où un avantage de 1,3 milliard au bénéfice des employeurs. Depuis, toutefois, notre Assemblée a voté la mise en place du crédit d’impôt compétitivité emploi, qui entraîne une baisse des charges sociales pesant sur les entreprises pour un montant de 20 milliards d’euros. L’avantage précité est donc largement compensé, même si je souhaiterais que le CICE puisse être étendu à toutes les entreprises,…

M. Gérald Darmanin. Vous préférez aider les patrons que les salariés !

M. Jacques Krabal. Je vais y venir !

…d’autant que certains préconisaient dès 2011 la suppression des avantages bénéficiant aux employeurs au titre des heures supplémentaires.

Du côté des ménages, la réduction des cotisations sociales a été supprimée et les heures supplémentaires sont de nouveau éligibles à l’impôt sur le revenu ; c’est une réalité.

M. Gérald Darmanin. Vous devriez être heureux que les gens paient des impôts !

M. Jacques Krabal. Je reviendrai sur les conséquences de cette mesure car il ne faudrait pas les sous-estimer ; de ce point de vue, nous n’avons aucune leçon à recevoir !

Toutefois, nous devons examiner en toute responsabilité les problèmes engendrés par la refiscalisation des heures supplémentaires.

M. Gérald Darmanin. Ah !

M. Jacques Krabal. On l’observe tous les jours dans nos circonscriptions : cette mesure s’est traduite par une baisse évidente des revenus nets d’impôts chez nombre de nos concitoyens.

M. Gérald Darmanin. Eh oui !

M. Jacques Krabal. Cette baisse est d’autant plus remarquée que ses effets sont progressifs dans la durée. Ainsi, depuis le 1er septembre 2012, les salariés qui effectuent des heures supplémentaires ont pu constater que le montant net de leur feuille de paie avait diminué.

M. Gérald Darmanin. C’est vrai, grâce à vous !

M. Jacques Krabal. Puis il y a eu l’avis d’imposition sur les revenus de 2013, dont le montant à acquitter a augmenté pour ces mêmes salariés. Et surtout, il y aura l’avis d’imposition sur les revenus de 2014, qui risque d’être tout aussi douloureux.

M. Gérald Darmanin. Grâce à vous !

M. Jacques Krabal. La différence entre vous et moi, c’est que je considère les choses sous tous leurs aspects !

M. Maurice Leroy. C’est un vrai centriste !

M. Jacques Krabal. Par ailleurs, la suppression des avantages fiscaux et sociaux en faveur des heures supplémentaires a pu conduire certains foyers à payer l’impôt sur le revenu, alors qu’ils ne le payaient pas auparavant.

Quoi qu’il en soit, c’est donc bien l’absence de données qui fait le plus défaut et qui alimente de nombreuses craintes. Il semble donc indispensable, monsieur le ministre, que le Parlement puisse disposer d’informations détaillées sur les conséquences de la fiscalisation des heures supplémentaires. Sans ces données, il sera impossible de dresser un véritable bilan.

Si l’on ignore les effets exacts de la suppression de ces mesures, on connaît en revanche le bilan de la défiscalisation, qu’ont montré plusieurs rapports, au premier rang desquels le rapport parlementaire coécrit par le député UMP Jean-Pierre Gorges, chers collègues de l’opposition, dont vous me permettrez d’extraire une autre citation que la vôtre : il y était indiqué que le nombre annuel d’heures supplémentaires n’avait pas connu « de hausse significative », et « qu ’aucune des personnes entendues par les rapporteurs n’a pu démontrer que le dispositif avait suscité directement la réalisation d’heures supplémentaires "supplémentaires" ».

Au-delà de cette analyse, la défiscalisation des heures supplémentaires est un sujet qui doit être examiné sans polémique et sans esprit partisan. Pourquoi ? Parce que les études disponibles nous enseignent que l’exonération de cotisations sociales des heures supplémentaires a eu un impact négatif sur l’emploi. Pour faire simple, elle a consisté à détruire des emplois aux frais du contribuable. Quant au coût de la défiscalisation des heures supplémentaires au titre de l’impôt sur le revenu, il s’élevait à 1,4 milliard d’euros. Au total, la loi TEPA a donc coûté 4,5 milliards à la Sécurité sociale et à l’État.

Par ailleurs, l’exonération d’impôt ne bénéficiait réellement qu’aux ménages qui payaient effectivement l’impôt sur le revenu. La moitié des ménages, qui en sont déjà exonérés, ne tiraient donc aucun avantage de cette mesure.

Rappelons pourtant que les heures supplémentaires ont offert une véritable bouffée d’oxygène pour nombre de foyers noyés dans les incertitudes de leur avenir. Aussi, pour ces foyers, la refiscalisation des heures supplémentaires, loin de n’avoir représenté qu’un manque à gagner, a plus souvent représenté une perte sèche de revenus.

Je suis un élu de terrain et de proximité qui arpente journellement et depuis longtemps sa commune et, désormais, sa circonscription. J’ai toujours pris soin d’être à la disposition et à l’écoute de mes concitoyens. C’est donc en leur nom que je vous tiens ces propos et que je vous rapporte leurs questions, leurs doutes et leurs incompréhensions. Toutes celles et tous ceux qui se sont plaint à moi de la refiscalisation des heures supplémentaires sont issus de catégories à revenus moyens et faibles qui ne s’en sortent pas, bien qu’ils soient en emploi. Pour eux, il serait juste que la réforme fiscale envisagée leur permette de compenser leurs pertes. S’il parait peu raisonnable en l’état de réintroduire le même dispositif, nous ne devons en revanche pas non plus nous interdire de réfléchir à un système qui serait moins coûteux, plus efficace et plus juste…

M. Arnaud Richard, rapporteur. C’est précisément l’objet de notre proposition de loi !

M. Jacques Krabal. …en conduisant par exemple une réflexion sur les salariés ayant de faibles revenus, les petites entreprises, les agriculteurs, les artisans du bâtiment ou encore les ateliers mécaniques.

C’est pourquoi il est indispensable que, pour s’assurer de la tenue d’une telle réflexion, toutes les données soient transmises à notre Assemblée, comme je l’ai déjà demandé plusieurs fois. Cela permettrait d’y voir plus clair et de rejeter un grand nombre de contrevérités.

Vous l’aurez compris, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste est défavorable à la proposition de loi visant à rétablir les avantages liés aux heures supplémentaires…

M. Maurice Leroy. Hélas !

M. Jacques Krabal. …même s’il souhaite que le Parlement puisse disposer d’un rapport indiquant les conséquences de la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires et les perspectives de soutien à la compétitivité des petites entreprises et du pouvoir d’achat des salariés.

M. Maurice Leroy. Pour avoir ce rapport, il faut voter la proposition de loi !

M. Jacques Krabal. Jean de la Fontaine écrivait ce vers dans La lice et sa compagne : « Ce qu’on donne aux méchants, toujours on le regrette ». En revanche, nous devons nous réjouir de donner aux plus nécessiteux lorsqu’ils peuvent en profiter.

M. Maurice Leroy. Voilà pourquoi il faut voter ce texte !

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, la question du sens et de la valeur du travail est centrale dans notre société. Elle l’est encore davantage en période de chômage de masse, de généralisation de la précarité et d’augmentation de ce qu’il convient désormais d’appeler la pauvreté laborieuse. Cette question ne saurait être réduite à des slogans aussi simplistes que populistes, comme le fit le Président Sarkozy, autoproclamé « Président du pouvoir d’achat » ! Il nous faut dénoncer ce cynisme qui pousse à faire croire aux travailleurs qu’ils sont seuls responsables de leurs conditions de vie et d’emploi et qu’il ne tient qu’à eux de travailler davantage. Il est temps de tourner la page du « travailler plus pour gagner plus », de tourner la page de l’opposition entre les méritants et ceux qui ne le seraient pas.

M. Maurice Leroy. Il y a du pain sur la planche !

M. André Chassaigne. Pour autant, il ne s’agit bien évidemment pas de blâmer ceux de nos concitoyens qui furent séduits par le slogan « gagner plus ». Comment ne pas comprendre leur adhésion à ce système lorsqu’il est de plus en plus difficile, tout en travaillant dur, de se loger, de se nourrir et, tout simplement, de vivre dignement ? Comment ne pas comprendre ces salariés occupant des emplois de plus en plus précaires, cumulant parfois deux ou trois boulots et qui ont l’ambition de mieux vivre ? Vivre, tout simplement vivre !

La proposition de loi que nous examinons ce matin vise à rétablir quelques-unes des dispositions votées en 2007 dans la loi TEPA, à savoir celles qui consistaient à exonérer les heures supplémentaires et complémentaires d’impôt sur le revenu et à réduire les cotisations sociales salariales et patronales qui s’y appliquaient.

Vous prétendez ainsi qu’encourager les heures supplémentaires revient à valoriser le travail, et que c’est là la seule manière d’augmenter le pouvoir d’achat des salariés. Bien évidemment, les heures supplémentaires sont un « marqueur », pour reprendre le terme employé par M. Borloo. Je dirai tout simplement que ce marqueur révèle qu’aujourd’hui, nombre de salariés ne peuvent pas subvenir par leur seul travail à leurs besoins ni à ceux de leur famille, qu’il s’agisse de besoins en matière d’éducation et de santé ou des besoins de la vie quotidienne.

Nous sommes donc en désaccord profond avec la philosophie de ce texte. Faut-il en effet rappeler que c’est l’employeur et lui seul qui décide et propose les heures supplémentaires, et que c’est souvent sous la pression et faute d’être protégé en cas de refus que le salarié accepte ? En second lieu, même s’ils le voulaient, tous ne peuvent pas travailler plus, sauf à sacrifier leur santé et leur vie de famille. Je pense ici aux pluriactifs, dont 80 % sont des femmes, qui jonglent péniblement dans le secteur des services et qui cumulent les heures pour gagner à peine l’équivalent d’un SMIC. Pensez-vous vraiment que les ouvriers annualisés subissant de plein fouet l’intensification du travail, la pénibilité, l’exposition à des produits chimiques, cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques, ont envie de travailler plus et qu’ils en sont capables physiquement ? Pour beaucoup, se faire rémunérer des heures supplémentaires signifie travailler plus de quarante-huit heures hebdomadaires.

Par ailleurs, l’article 1er de votre proposition de loi instaure de fait une inégalité entre les salariés devant les heures supplémentaires. Encore faut-il en effet être imposable pour que votre dispositif présente un intérêt, puisque vous proposez, comme en 2007, une défiscalisation et non un crédit d’impôt.

L’essentiel, pourtant, n’est pas là. Non, la défiscalisation des heures supplémentaires n’est pas le moyen permettant d’augmenter le pouvoir d’achat de tous les salariés. Le Conseil d’analyse économique avait d’ailleurs épinglé cette option retenue en 2007 dans la loi TEPA. Selon lui, en effet, si un allégement des prélèvements obligatoires sur les heures supplémentaires accroît le pouvoir d’achat de ceux qui travaillent au-delà de la durée légale, alors en contrepartie, le financement de cet allégement, comme l’a dit M. le ministre, réduit le revenu des salariés qui ne font pas d’heures supplémentaires – car, in fine, il faut bien financer la mesure ! Dès lors, les salariés exclus du dispositif paient à la place des employeurs.

Ce dispositif, coûteux pour nos finances publiques et surtout pour notre régime de protection sociale solidaire, a en effet conduit au gel des salaires pour tous, et d’abord pour les quinze millions de salariés qui, eux, n’effectuent pas d’heures supplémentaires ou sont à temps partiel.

Écueil supplémentaire : les mêmes causes induisant les mêmes effets, le régime fiscal et social des heures supplémentaires que vous proposez de rétablir a eu un impact négatif sur l’emploi – oui, j’insiste, un impact négatif – puisqu’il incitait les entreprises à substituer des heures de travail à de nouveaux salariés. Cette mesure a simplement eu comme effet pervers de mettre un frein à la création d’emplois ! La question de l’emploi et de la croissance ne peut se concevoir sans cesse à l’aune des allégements et régimes dérogatoires divers. À notre sens, il s’agit de remettre du carburant dans le moteur par la relance du pouvoir d’achat et de l’investissement.

Faut-il rappeler par ailleurs qu’avec le dispositif d’exonération et de défiscalisation des heures supplémentaires, il ne s’agissait pas d’encourager le travail mais de contourner les trente-cinq heures ? Faut-il rappeler que cette mesure a d’abord constitué une formidable aubaine, puisqu’un certain nombre d’heures supplémentaires effectuées mais non déclarées comme telles avant la réforme ont profité de ce régime dérogatoire ? Faut-il rappeler que nombre d’employeurs ont profité du dispositif que vous souhaitez rétablir pour frauder, en supprimant des éléments de rémunération tout en gonflant le volume d’heures supplémentaires ?

M. Jean-Patrick Gille. Il a raison !

M. André Chassaigne. Toute heure travaillée, qu’il s’agisse de la première, de la dixième ou de la trente-sixième, doit faire l’objet de prélèvements sociaux et doit être intégrée dans le revenu fiscal de référence. C’est cela l’équité !

M. Gérard Sebaoun et M. Jean-Patrick Gille. Très bien !

M. André Chassaigne. En réalité, cette mesure est l’exemple emblématique de l’échec de la baisse du coût du travail comme solution appliquée depuis trente ans au problème de la compétitivité. Si nos TPE et nos PME, qui constituent l’un des plus importants viviers d’emplois, ont des difficultés à conduire des politiques salariales ambitieuses, ce n’est pas en raison du coût du travail mais – leurs dirigeants nous le disent – parce qu’elles sont étranglées par les donneurs d’ordre et par les banques ! Aussi sommes-nous favorables à la mise en place d’un impôt sur les sociétés progressif, afin que ces entreprises ne soient pas traitées comme les grands groupes ou pire encore.

Cependant, il faut aussi développer le service public bancaire et responsabiliser les banques pour mettre fin à la situation de restriction du crédit qui pénalise lourdement les PME industrielles, en particulier dans l’industrie manufacturière. Rappelons, par exemple, que l’encours des crédits a reculé de 5,1 % entre février 2012 et février 2013.

Les Français sont parmi les plus productifs au monde et leur durée du travail se situe dans la moyenne européenne. Pour redonner au travail toute sa valeur il faut faire d’autres choix : lutter contre toutes les formes d’emploi précaire, répartir plus justement les richesses par un transfert des revenus financiers vers les salaires, revaloriser les salaires et le SMIC.

Si nos collègues centristes ne sont évidemment pas réceptifs à nos arguments, c’est pour des raisons culturelles et politiques. Nous continuons de penser qu’il est de la responsabilité du Gouvernement, qui se dit porteur du changement, d’engager des réformes dans le sens que je viens d’indiquer.

Vous l’aurez compris mes chers collègues, les députés du Front de gauche ne voteront pas ce texte.

M. Thierry Benoit. Ce n’est qu’une demi-surprise !

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Suite de la discussion de la proposition de loi visant à rétablir les avantages liés aux heures supplémentaires ;

Discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, autorisant l’expérimentation des maisons de naissance.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Nicolas Véron