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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2013-2014

Compte rendu
intégral

Première séance du lundi 09 décembre 2013

Présidence de M. Denis Baupin

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures.)

1

Consommation

Deuxième lecture

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, modifié par le Sénat, relatif à la consommation (no1357, 1574).

La Conférence des présidents a décidé d’appliquer à cette discussion la procédure du temps législatif programmé. Le temps global attribué aux groupes étant de quinze heures, chaque groupe dispose du temps de parole suivant : quatre heures et quinze minutes pour le groupe SRC, six heures et vingt minutes pour le groupe UMP, une heure et cinquante minutes pour le groupe UDI, cinquante-cinq minutes pour le groupe écologiste, cinquante minutes pour le groupe RRDP et cinquante minutes pour le groupe GDR. Les députés non inscrits disposent de vingt minutes.

Présentation

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation.

M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires économiques, madame et monsieur les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, nous sommes réunis pour la deuxième lecture du projet de loi relatif à la consommation, qui a déjà beaucoup fait parler de lui dans les médias, au sein du mouvement consumériste, parmi les organisations professionnelles et, plus généralement, parmi les Français. Ceux-ci anticipent d’ores et déjà plusieurs mesures qui changeront leur vie quotidienne. Le texte vise plusieurs objectifs, en particulier le rééquilibrage des forces entre consommateurs et entreprises et entre les entreprises elles-mêmes.

Le déséquilibre constaté sur le terrain résulte d’une protection insuffisante du consommateur, faute de loyauté et de transparence des informations dont il dispose. Nous avons donc voulu rééquilibrer les forces entre consommateurs et entreprises, sans être soupçonneux à l’égard de l’activité économique, mais en cherchant au contraire à améliorer, voire à restaurer la confiance des consommateurs à l’égard des entreprises. Les marchés seront ainsi en meilleure forme, ce qui soutiendra les politiques de croissance du Gouvernement. Nous avons aussi voulu agir sur les dépenses contraintes.

M. Frédéric Lefebvre. C’est en effet essentiel !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Le pouvoir d’achat des ménages dépend, bien sûr, de leurs revenus, ceux du travail et de l’épargne, mais aussi de leurs dépenses. Améliorer le pouvoir d’achat des ménages suppose donc d’agir sur les postes de dépenses contraintes. Plusieurs mesures importantes y contribueront, en particulier la résiliation infra-annuelle des contrats d’assurance automobile et multirisques habitation. La deuxième lecture introduira en outre une innovation importante consistant à réformer l’assurance emprunteur. Ainsi, les Français souscrivant un prêt immobilier qu’ils sont obligés d’assurer le feront dans des conditions plus favorables à leurs intérêts. Mieux faire jouer la concurrence entre les banques et entre les assureurs réduira la part du coût du crédit imputable à son assurance, ce qui contribuera grandement à améliorer le pouvoir d’achat des ménages.

De même, nous encouragerons la distribution de produits d’optique en ligne. Il devrait en résulter une redistribution de pouvoir d’achat d’un milliard d’euros.

D’autres mesures toucheront aux relations commerciales, dans le cadre de la fameuse loi de modernisation de l’économie, dont nous n’avons pas voulu modifier les équilibres fondamentaux sur ce point car ils nous semblaient garantir les intérêts de toutes les parties.

M. Frédéric Lefebvre. Il s’agit en effet d’une bonne loi !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Nous l’avons aménagée afin de renforcer le formalisme contractuel qui caractérise le travail de la DGCCRF – direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes – et de tenir compte de la volatilité du prix des matières premières. Il sera donc possible de renégocier en cours d’année les prix pratiqués par la grande distribution sur la base des conditions générales de vente, dont la loi réaffirme qu’elles sont le socle des négociations commerciales. Plusieurs mesures sectorielles, dont je dirai un mot tout à l’heure, viennent compléter tout cela.

Mais ce que l’on retiendra comme le principal acquis de la loi, et qui concentrera l’attention des commentateurs et surtout des consommateurs, c’est l’introduction de l’action de groupe dans le droit français.

M. Nicolas Bays. Très bien !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. On a beaucoup conféré, bavardé et discuté de cette mesure, qui a fait l’objet de nombreuses expertises et était attendue par tout le mouvement consumériste, lequel nourrissait à son égard d’immenses espérances. Elle constituera le moyen de réparer des préjudices de masse dus à des pratiques anticoncurrentielles dans le champ de la concurrence ou de la consommation. Elle sera adaptée tant à la tradition du droit français qu’aux besoins réels des consommateurs, et mise en œuvre de telle manière que nous pourrons juger assez rapidement de son efficacité et de son effectivité. Il s’agit de la principale innovation de la loi.

L’action de groupe n’imposera aucune contrainte supplémentaire aux entreprises, car elle ne changera rien au paysage juridique et administratif dans lequel se déploie leur activité. Elle créera simplement une nouvelle procédure permettant au consommateur d’être indemnisé du préjudice subi – et chacun ici pense à toutes les grandes affaires dans lesquelles le consommateur isolé n’a ni l’énergie ni les moyens d’obtenir réparation d’un préjudice subi, en même temps que ses voisins, de la part d’un grand groupe. La réparation du préjudice subi, voilà ce que permet la création de l’action de groupe. Je rappelle de surcroît que le Gouvernement s’est engagé à créer, après ce premier étage qu’est l’action de groupe dans le champ économique, deux étages supplémentaires.

L’action de groupe dans le domaine de la santé permettra de réparer les préjudices liés à la santé, en particulier dans le cadre d’affaires relatives à des médicaments. Le troisième étage sera l’action de groupe dans le domaine de l’environnement, qui suppose une expertise et un travail un peu plus approfondis. Il s’agit là, je le répète, de permettre au consommateur français d’obtenir réparation et d’être indemnisé du préjudice économique subi. Tel n’était pas le cas jusqu’alors ; ce le sera désormais. Nous avons tous à l’esprit un certain nombre de préjudices de masse. Demain, ils seront indemnisés, pour le plus grand bénéfice des consommateurs !

M. Nicolas Bays. Mesure de justice et de sagesse !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. À l’initiative de votre rapporteur, une procédure de liquidation accélérée de l’action de groupe est créée dès lors que le fichier des clients sera identifié à l’avance. Le débat parlementaire a également introduit son exécution provisoire dans le champ de la concurrence et la mise à disposition du juge des moyens de lutter contre la déperdition de preuves. Je tiens à remercier les parlementaires d’avoir amélioré et enrichi le dispositif.

M. Thierry Benoit. Très bien !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Si l’on ne retient qu’une seule mesure du projet de loi, ce sera probablement celle-là. C’est elle, en effet, qui affectera le plus la vie des consommateurs français dans les années à venir.

Le deuxième grand chapitre que j’évoquerai, c’est évidemment celui du pouvoir d’achat. Comme on le voit aujourd’hui, la consommation, qui est l’un des principaux moteurs de la croissance française, donne à son tour des signes de faiblesse, après l’investissement des entreprises. Il est donc indispensable de lui redonner de la vigueur, en jouant notamment sur les dépenses contraintes. Nous nous attaquons donc à plusieurs postes de ces dépenses, dont celles d’assurance, qui représentent 5 % des dépenses des ménages français. Cela méritait qu’on y regarde d’un peu plus près. Nous avons observé que, depuis plusieurs années, le prix de l’assurance multirisques habitation, comme celui de l’assurance automobile, évolue beaucoup plus vite que le rythme de l’inflation.

Les arguments avancés par les assureurs, cette année comme les précédentes, sont à peu près toujours les mêmes : l’augmentation du nombre de cambriolages et la survenue d’un certain nombre de phénomènes climatiques isolés les obligeraient à augmenter d’année en année le montant des primes. Nous jugeons indispensable, pour notre part, de fluidifier le marché en autorisant le renouvellement de l’assurance automobile et de l’assurance multirisque habitation, non plus seulement à la date anniversaire du contrat, qu’il arrive au souscripteur de laisser passer par mégarde, mais à tout moment une fois passée la première année. Cette possibilité de résiliation infra-annuelle permettra aux Français de mieux comparer les produits d’assurance afin de déterminer celui qui correspond le mieux à leurs intérêts et de choisir le moins cher.

Nous avons constaté dès le début de l’automne que certaines compagnies d’assurance avaient anticipé cette évolution en fidélisant leurs sociétaires et clients par des ristournes ou des promotions. Cela va dans le bon sens, et j’encourage les Français à utiliser la faculté de résiliation infra-annuelle pour faire jouer davantage la concurrence entre assureurs et faire ainsi baisser les tarifs. Cette mesure aura donc un impact sur les primes d’assurance et bénéficiera au pouvoir d’achat des Français.

Le deuxième domaine dans lequel nous avons décidé de faire jouer davantage la concurrence, c’est celui de la mobilité bancaire. Nous en avons abondamment discuté. Pourtant, beaucoup de Français se sentent parfois captifs de leur banque. Ce n’est pas qu’ils s’y sentent mal, mais les conditions imposées pour changer de banque leur paraissent à ce point hors d’atteinte qu’en pratique ils ne le font pas. Toutes les études tendent à montrer, en effet, qu’une part importante de la clientèle des banques, lesquelles font sans doute très bien leur travail, a le sentiment que le poids et le coût des charges administratives nécessaires pour changer de banque sont si dissuasifs qu’il est préférable de rester dans une banque, même si l’on ne s’y sent pas aussi bien qu’il le faudrait, plutôt que d’en changer. C’est pourquoi nous avons lancé le débat sur la mobilité bancaire et obligé les banques qui ne l’avaient pas encore fait volontairement à financer des services d’aide à la mobilité. Elles devront ainsi prendre en charge le transfert des virements importants, liées par exemple aux dépenses de loyer ou d’énergie, d’une banque l’autre, de façon à fluidifier le marché.

À l’initiative de Laurent Grandguillaume, nous avons également ouvert le débat sur la question – qui demandera un long travail avant d’être réglée – de la portabilité du numéro de compte. La question se pose en ces termes : peut-on, oui ou non, imaginer que, demain, il soit possible de changer d’établissement bancaire sans changer de numéro de compte ? Des obstacles techniques existent, qui nécessitent qu’une expertise soit menée, mais le fait de fluidifier le marché et de favoriser le jeu de la concurrence entre les banques ne peut, nous en sommes convaincus, que procurer des avantages au consommateur.

Comme le Gouvernement s’y est engagé à plusieurs reprises sur ces bancs – à l’occasion des débats sur la loi bancaire avec mon collègue, Pierre Moscovici, mais aussi lors des débats sur la loi relative à la consommation en première lecture –, une réforme de l’assurance emprunteur, constituant l’une des grandes nouveautés de ce texte, va vous être proposée. Bien souvent, ceux de nos concitoyens qui négocient un prêt immobilier ne font entrer dans le champ de la négociation que le montant du capital qu’ils souhaitent emprunter et le taux d’intérêt : il est rare que l’assurance associée au prêt soit évoquée. Celle-ci sécurise le prêt en prenant le relais de l’emprunteur dans l’hypothèse où surviendraient certains événements occasionnant une défaillance durable de l’emprunteur. Ce mécanisme permet d’éviter des situations très pénibles que l’on rencontre dans d’autres pays, où le décès de l’un des conjoints, ou son licenciement, peut conduire à l’impossibilité de rembourser, et parfois à l’expulsion du logement.

Si cette assurance est, donc, très utile, elle présente le défaut de coûter cher – parfois jusqu’au tiers du coût du crédit ! Nous avons donc voulu aller beaucoup plus loin que la loi Lagarde, en posant la double question des conditions de souscription et du délai durant lequel celle initialement souscrite peut être remplacée par une autre. Nous avons souhaité ouvrir une « fenêtre » d’un an à partir de la signature du prêt, durant laquelle l’emprunteur aura la possibilité, après avoir fait jouer la concurrence, de substituer à la première assurance souscrite une autre moins onéreuse mais offrant, pour la banque, des garanties équivalentes. On estime que cette mesure peut procurer au consommateur un gain de pouvoir d’achat considérable.

La deuxième mesure susceptible de permettre une amélioration notable du pouvoir d’achat – on en attend un gain de l’ordre d’un milliard d’euros – concerne l’optique. Je rappelle que 40 millions de Français portent des lunettes à verres correcteurs : les 18 millions de presbytes doivent renouveler leurs verres progressifs tous les trois ans en moyenne, tandis que les 22 millions de clients non presbytes le font tous les cinq ans. Le prix moyen d’une paire de lunettes équipée de verres ordinaires est de 300 euros, mais il atteint 580 euros quand il s’agit de verres progressifs. On estime que, du fait de ces prix élevés et du faible remboursement par leur mutuelle, près de trois millions de Français renoncent à s’équiper de lunettes de vue.

Nous avons souhaité ouvrir davantage la distribution en matière d’optique, tout en sanctuarisant, à l’initiative de votre rapporteur, un authentique parcours de soins. Nous soutiendrons donc l’amendement qui soumettra la primodélivrance des verres correcteurs et des lentilles à une prescription médicale, ainsi que l’amendement de la vice-présidente de la commission des affaires économiques, Frédérique Massat, imposant la mention de l’écart pupillaire sur l’ordonnance afin de permettre le développement de la vente de lunettes en ligne. Le gain attendu de ces mesures est, je le répète, d’un milliard d’euros. Il devrait soulager les Français dans un secteur, celui de l’optique, où l’on sait que le coût moyen est bien supérieur en France à ce qu’il est ailleurs en Europe. Si cette différence de coût se justifie en partie par la qualité du service offert par notre formidable réseau d’opticiens, nous considérons que, lorsque la vente de lunettes en ligne se sera développée, les leaders actuels du réseau physique de distribution sauront conserver leur position sur Internet. En tout état de cause, il était important de soulager les ménages d’une dépense pesant lourdement sur leur budget : ce sera chose faite avec ce qui constitue l’une des grandes innovations introduites en deuxième lecture.

Le Gouvernement espère que votre assemblée reprendra les dispositions introduites par le Sénat en ce qui concerne la suppression du monopole des pharmacies dans la distribution de certains dispositifs médicaux comme les tests de grossesses ou les produits d’entretien de lentilles. Nous estimons disposer, à l’heure actuelle, de toutes les garanties nécessaires en matière de fiabilité et de sécurité de ces produits conçus pour le grand public, et espérons que les nouvelles mesures permettront une baisse de 30 % à 40 % de leur prix. D’ores et déjà, nombre de Français s’approvisionnent sur Internet ; l’élargissement de la distribution à d’autres réseaux, notamment celui des grandes surfaces, présente l’intérêt d’être plus sûr, plus sérieux, et offrira aux consommateurs l’information qui leur est indispensable, sous la forme de notices claires et fiables – alors que l’achat sur Internet présente un certain nombre de risques, y compris sanitaires. Enfin, je mentionnerai la suppression des frais pour refus de prélèvement dans les services dits essentiels – l’énergie, l’eau, les télécommunications –, qui devrait également avoir pour effet d’améliorer sensiblement le pouvoir d’achat des Français.

Au-delà des mesures visant à la diminution des dépenses contraintes, ce projet de loi vise aussi à améliorer l’information du consommateur. J’ai eu récemment l’occasion de me rendre dans l’un de ces magasins de jouets que nous sommes nombreux à fréquenter en cette période, afin de tenter de satisfaire les envies exprimées par nos enfants dans leurs listes de souhaits. Tout au long de l’année – mais peut-être encore davantage pendant la période des fêtes, où nous sommes fortement tentés d’acheter –, chaque consommateur souhaite disposer de l’information la plus transparente et la plus loyale possible.

Nous avons souhaité améliorer cette information dans plusieurs domaines, à commencer par celui de la disponibilité des pièces détachées nécessaires à la réparation des produits. C’était l’un des engagements forts de la Conférence environnementale, discutés par l’ensemble des parties concernées, notamment les fédérations professionnelles, les organisations non gouvernementales et le mouvement consumériste. L’un des objectifs poursuivis est d’encourager les Français à faire réparer leurs produits plutôt que d’en demander le remplacement, lorsqu’ils font jouer la garantie légale de conformité. Actuellement, en effet, la plupart des grandes marques préfèrent procéder systématiquement au remplacement plutôt qu’à une réparation qui serait pourtant facile – et créerait, de surcroît, des emplois en France, plutôt que de faire travailler des pays connus pour produire en masse d’excellents fers à repasser, bouilloires ou réfrigérateurs…

En la matière, la mesure introduite au Sénat, visant à porter à 24 mois la présomption d’antériorité du défaut, constitue une garantie ; le Gouvernement y est donc attaché et espère pouvoir compter sur le soutien de l’Assemblée nationale, bien que sa commission des affaires économiques ait décidé de ramener à 12 mois la garantie légale de conformité. Le rétablissement de la durée de 24 mois garantira que le distributeur et le fabricant, dès lors qu’ils prétendent mettre à disposition des pièces détachées, le feront effectivement – ce qui nécessitera, je le répète, un développement des filières de réparation sur notre territoire et constituera un grand progrès environnemental.

La deuxième mesure importante, en matière d’information des consommateurs, est l’instauration, à l’initiative de Sylvia Pinel, ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme, et de moi-même, d’indications géographiques concernant les produits manufacturés, l’objectif étant d’étendre à ces produits la protection dont bénéficient les productions agricoles et alimentaires – je pense aux AOC, qui ont permis de protéger les productions locales. Rien ne s’y oppose, les produits manufacturés étant, eux aussi, liés à des savoir-faire associés historiquement à nos territoires.

M. Thierry Benoit. Très bien !

M. Jean-Louis Bricout. Oui, bravo !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je vous remercie de manifester ainsi votre approbation. Nous allons donc étendre le principe des indications géographiques aux produits manufacturés : ainsi, à l’instar des appellations d’origine contrôlée et des indications géographiques protégées dont bénéficient actuellement les fromages et autres produits alimentaires et agricoles, des labels qualité pourront s’appliquer aux produits manufacturés. Ces labels garantiront que les produits concernés ont été fabriqués sur un territoire donné, selon des savoir-faire et un cahier des charges établis par des professionnels et reconnus comme tels. C’est un progrès important que cette déclinaison territoriale du made in France.

M. Thierry Benoit. Eh oui ! Fabriqué en France !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Non seulement les consommateurs sauront que le produit qu’ils achètent est fabriqué en France, mais ils connaîtront même le territoire où il a été fabriqué – innovation que nous jugeons décisive pour soutenir la croissance.

Une autre initiative de ma collègue Sylvia Pinel, qui a eu un grand retentissement sur ces bancs, est celle du « fait maison » dans le secteur de la restauration.

M. Thierry Benoit. Ah !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Quand on va au restaurant, on n’est pas toujours certain que le contenu de son assiette ait été préparé en cuisine : il est possible que le plat ait été élaboré ailleurs.

M. Thierry Benoit. Cuisiné sur place, c’est mieux !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Il ne s’agit pas de montrer du doigt certains établissements en les accusant, du fait qu’ils proposent des plats cuisinés ailleurs que chez eux, de servir une mauvaise cuisine : le consommateur est parfaitement capable de juger par lui-même si ce qu’on lui sert est bon ou mauvais et de décider, dans la deuxième hypothèse, de ne plus le fréquenter. L’objet de la mesure proposée est simplement de lui permettre de distinguer les restaurants cuisinant sur place de ceux qui – pour des raisons pratiques que nous n’avons pas l’intention de critiquer – servent des plats préparés ailleurs, qu’ils se contentent de réchauffer. Dans un pays de gastronomie comme le nôtre, le « fait maison » permettra de distinguer les deux types de restaurant que je viens d’évoquer. C’est une mesure très importante, et je remercie Sylvia Pinel pour son implication en la matière. La position de votre assemblée diffère un peu de celle du Sénat, qui a souhaité revenir sur l’obligation faite de mentionner le « fait maison ». En tout état de cause, la mesure proposée constitue un progrès important quant à la loyauté de l’information donnée aux consommateurs – en l’occurrence, les clients de restaurants.

La loi relative à la consommation ne fait que s’enrichir à mesure qu’elle passe entre vos mains, mesdames et messieurs les députés…

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Nous sommes là pour ça !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Certes, monsieur le président. Ainsi, en cette deuxième lecture devant votre assemblée, un quatrième axe du texte vise à renforcer les moyens de la DGCCRF, afin de permettre à cette administration d’être le meilleur garant de l’ordre public économique. Si, à première vue, cette expression peut paraître surprenante, il est certain qu’en l’absence d’une telle notion le fort l’emporterait toujours sur le faible dans les négociations commerciales. Afin d’améliorer les choses dans ce domaine, nous avons souhaité transformer certaines sanctions pénales en sanctions administratives, afin de renforcer l’effectivité de la loi. Il n’est pas utile de bouleverser celle-ci quand il suffit de donner aux garants de son application les moyens de la rendre effective.

En matière d’ordre public économique, le respect de la loi est assuré par la police de la consommation, c’est-à-dire la DGCCRF. Or, depuis un certain temps, celle-ci n’avait plus tout à fait les moyens de conduire son action comme elle l’aurait souhaité. Nous lui redonnons donc les moyens nécessaires : disposant de davantage de pouvoirs, elle sera mieux à même de remplir sa mission. Quant à ses effectifs, ils avaient subi – ce n’est pas mon prédécesseur Frédéric Lefebvre, ici présent, qui me démentira sur ce point, car il avait plaidé en faveur de leur maintien – une érosion de 13 %. En outre, la réforme de l’administration territoriale de l’État – la REATE – a altéré la chaîne de commandement, ce qui a abouti à ce que les agents présents sur le terrain aient plus de difficulté à faire leur travail, les instructions qui leur étaient données n’étant plus aussi claires qu’auparavant.

Pour remédier à cette situation, nous avons procédé en deux temps : en 2013, alors que la plupart des directions du ministère de l’économie et des finances subissaient des réductions d’effectifs, les moyens de la DGCCRF ont été sanctuarisés ; en 2014, alors que ceux des autres directions du même ministère baisseront, elle verra ses moyens et ses effectifs augmenter. Ainsi, sur le terrain, nous aurons davantage d’agents pour garantir la loyauté de l’information communiquée aux consommateurs. Nous essayons par ces mesures de tirer les conséquences de la manière dont la REATE a pu déstabiliser cette direction dans l’exercice des missions qui lui incombent et d’appliquer les instructions qui nous ont été données à la suite du dernier Comité interministériel pour la modernisation de l’action publique, afin de rétablir la clarté de la chaîne de commandement sans remettre en cause le caractère interministériel des directions départementales.

Ces modifications visent à rendre l’action des agents de la DGCCRF sur le terrain plus efficace et plus proche de ce qu’est leur cœur de métier. Elles visent également à répondre aux inquiétudes de ceux qui m’avaient mis en garde, affirmant que le présent projet de loi n’atteindrait pas son objectif si nous ne donnions pas aux agents la capacité de faire respecter les nouvelles mesures entrées en vigueur et si nous n’éclaircissions pas les conditions dans lesquelles ils devaient exercer leurs missions. Parce que nous ferons en sorte que les effectifs de la DGCCRF soient suffisants pour permettre à cette direction de mener à bien ses missions, le texte atteindra son objectif, qui est de satisfaire les exigences des consommateurs en matière de protection.

Je souhaite aborder deux derniers sujets importants : la distribution du crédit et les relations commerciales entre fournisseurs et grande distribution.

S’agissant du crédit à la consommation, vous savez qu’aujourd’hui bon nombre de Français vous interpellent dans vos permanences car eux-mêmes, leurs proches ou leurs voisins y font appel non pas pour s’acheter un canapé ou un réfrigérateur, mais pour payer leurs factures. Or, quand on en vient à souscrire un crédit à la consommation pour payer ses factures, c’est qu’on en est déjà au crédit de trop et qu’on est dans la spirale du surendettement.

La question qui nous est posée, et qui se pose tant au Gouvernement qu’à la représentation nationale, c’est : comment éviter le crédit de trop et permettre à ceux qui ont basculé dans le surendettement d’en sortir le plus rapidement possible sans pour autant déresponsabiliser qui que ce soit ?

Une des grandes avancées du texte est la création d’un registre national des crédits aux particuliers. Ce dispositif permettra de responsabiliser tant celui qui emprunte que celui qui prête, alors que, jusqu’à présent seul l’emprunteur était jugé responsable du crédit qu’il avait souscrit.

M. Nicolas Bays. Très bien !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Nous savons en effet que les familles vulnérables, dont la situation est plus difficile encore en temps de crise, souscrivent parfois ce crédit de trop en toute connaissance de cause. Une mère seule qui a deux ou trois enfants à la maison, un travail pour lequel elle est rétribuée moins de 1,2 fois le SMIC, et qui touche une pension alimentaire de son ex-mari, voire n’en touche aucune parce que celui-ci ne la lui verse pas, souscrira un crédit même si elle sait que ce n’est pas raisonnable, parce qu’elle n’a pas d’autre choix pour payer son loyer et ses factures énergétiques.

M. Frédéric Lefebvre. Très juste !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Nous avons voulu tenir compte de ces situations en encadrant davantage le crédit, afin que le banquier ne puisse pas toujours s’abriter derrière le mensonge de son client. Certes, un emprunteur peut mentir, mais a-t-il vraiment la possibilité de faire autrement, compte tenu de sa situation ? Le banquier doit également être responsable du crédit à la consommation qu’il accorde.

M. Thierry Benoit et M. Nicolas Bays. Très bien !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Grâce au registre, celui qui prête aura l’obligation de vérifier la solvabilité de celui qui emprunte, quitte à refuser d’accorder un crédit si, par exemple, il constate que son client a déjà souscrit cinq crédits à la consommation. En outre, les conditions d’accompagnement de ces familles seront simplifiées.

Le registre national du crédit ne fera pas disparaître les 200 000 nouveaux dossiers de surendettement qui sont déposés chaque année en France. Il permettra en revanche, j’en ai la profonde conviction, de faire baisser progressivement l’encours moyen de ces dossiers, qui est de 40 000 euros en France contre 20 000 euros en Belgique, où la situation économique n’est pas meilleure qu’en France mais où il existe un registre. Et ce qui est certain, c’est que se désendetter est plus facile lorsqu’on est endetté de 20 000 euros que de 40 000 euros.

Pour atteindre un tel objectif, nous allons, grâce aux amendements que vous allez déposer, ramener la durée des plans de désendettement de huit à sept ans, moratoire compris. En première lecture, vous aviez souhaité que la durée passe à cinq ans hors moratoire, tandis que les sénateurs avaient souhaité porter cette durée à sept ans. En retenant une durée de sept ans incluant la période de moratoire, il me semble que nous nous approchons de votre objectif, à savoir réduire la durée des plans de désendettement pour permettre aux ménages endettés de retrouver plus vite une vie normale.

Des mesures très importantes sur le crédit ont été prises grâce à vous, mesdames et messieurs les députés, et grâce aux sénateurs. Parmi celles-ci figure, outre la réduction de la durée des plans de désendettement des ménages, le fait de considérer un crédit renouvelable comme suspendu au terme d’un an d’inactivité, alors qu’il était prévu jusqu’à présent une clôture sèche. Cette mesure est de nature à assainir le système.

Notre but n’est pas de tuer le crédit à la consommation, car une multitude d’achats ne pourraient être effectués sans l’aide de celui-ci, voire, parfois, sans l’aide de petits crédits renouvelables. Pour le dire simplement, nous souhaitons encadrer les conditions de distribution du crédit afin d’éviter que sa souscription ne précipite des familles dans le surendettement, car désendetter une famille coûte finalement beaucoup plus cher que de lui éviter le crédit de trop.

J’en viens enfin aux relations commerciales entre la grande distribution, qui offre aux Français des milliers de références dans les grandes surfaces, et les fabricants qui lui fournissent des produits.

Dans les négociations entre celui qui fabrique un produit agroalimentaire, un jouet, un vêtement, et celui qui le distribue, se joue une partie importante ; les négociations pour 2014 sont d’ailleurs en cours. L’objectif de la grande distribution est d’acheter au prix le plus bas, quand celui des fabricants et producteurs est de vendre au prix le plus haut. La relation est cependant déséquilibrée : le poids économique de la grande distribution est beaucoup plus important que celui des PME qui produisent un jambon, un vêtement ou un jouet. Il est donc important de suivre ces négociations commerciales pour rééquilibrer le rapport de force et éviter que le fort s’impose toujours face au faible.

C’est la raison pour laquelle nous avons voulu, sans en bouleverser l’équilibre d’ensemble, aménager la loi de modernisation de l’économie.

Tout d’abord, ainsi que je l’ai indiqué tout à l’heure, nous introduisons une clause de renégociation obligatoire dans le cas où la montée des prix des matières premières agricoles empêcherait un producteur de gagner sa vie compte tenu des tarifs négociés initialement avec son distributeur.

Ensuite, le formalisme contractuel est renforcé pour permettre à la DGCCRF de faire son travail dans de bonnes conditions, de repérer les déséquilibres significatifs entre les parties, les éventuels abus de position dominante, qui sont souvent le fait de la grande distribution. Je pars néanmoins du principe que tout le monde est honnête, que tout le monde sert l’intérêt général et a soi-même intérêt à ce que toutes les parties maintiennent des marges. Mais, parce qu’il y a malheureusement un écart entre ce qui est souhaitable et ce qu’on constate sur le terrain, nous devons donner à la DGCCRF les moyens de contrôler les abus ; c’est pourquoi il fallait renforcer le formalisme contractuel.

Enfin, le fait de passer d’un régime de sanctions pénales à un régime de sanctions administratives assurera un meilleur respect des délais de paiement, renforcera la trésorerie de nos entreprises et donnera ainsi à ces dernières la possibilité de continuer à investir.

Tels sont les propos que je souhaitais tenir sur les grands chapitres de ce texte. Nous arrivons en deuxième lecture, c’est donc presque la dernière ligne droite de l’examen d’un projet de loi important.

M. Frédéric Lefebvre. Très important !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Ceux qui se sont déjà frottés à ce type de texte savent que les mesures que nous allons prendre auront des conséquences immédiates sur la vie quotidienne des Français : l’assurance emprunteur, l’assurance automobile, la tarification des parkings, qui se fera non plus à l’heure mais au quart d’heure, l’optique, les tests de grossesse, l’action de groupe, le crédit à la consommation correspondent à autant de situations que chaque consommateur a l’occasion de rencontrer plusieurs fois dans l’année. C’est ce qui confère à ce texte son importance.

Pour atteindre ses objectifs, celui-ci doit mieux protéger le consommateur, mieux l’informer, mieux lui garantir la loyauté et la transparence des informations qu’il reçoit, et ce sans déstabiliser les modèles économiques, car cela pourrait entraîner des destructions d’emplois. Nous avons recherché cette voie-là, une voie qui améliore le pouvoir des consommateurs mais qui, en même temps, s’attache à soutenir la croissance et la compétitivité de nos entreprises.

J’espère que notre débat sera riche. Je sais que les rapporteurs se sont impliqués avec la même énergie en deuxième lecture qu’en première lecture. Dès les travaux en commission, j’ai pu constater la vitalité de tous les porte-parole des groupes qui composent votre assemblée, qu’ils soient dans la majorité présidentielle ou dans l’opposition, pour faire valoir leurs arguments. Je le répète : j’ai été très heureux jusqu’à présent de la qualité des échanges que nous avons eus, car ils ont toujours porté sur le fond. De manière générale, nous avons su éviter les postures, et chacun s’est attaché à défendre ses convictions. Certes, on a pu constater des différences entre droite et gauche sur les stratégies de croissance ou sur l’approche de la protection des consommateurs, mais s’il existe une droite et une gauche, c’est aussi pour représenter des positions différentes.

Ces divergences m’ont paru plutôt saines, et je crois pouvoir affirmer que nous avons jusqu’à présent honoré l’idée que l’on peut se faire d’un Parlement démocratique, d’une Assemblée nationale qui fait son travail de législateur sans considérer que le Gouvernement ait la science infuse. C’est précisément parce que le Gouvernement n’est pas omniscient qu’il accorde tant d’importance au travail accompli d’ores et déjà en première lecture, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. Les sénateurs ont parfois utilement modifié le texte, et je défendrai les compromis issus de leurs travaux, tout en tenant compte de l’ensemble de vos avis. C’est ainsi que nous améliorerons encore le projet de loi dans les heures qui viennent, et ce, si je ne me trompe, jusqu’au petit matin. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC.)

Mme Jeanine Dubié et Mme Michèle Bonneton. Très bien !

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour un rappel au règlement.

M. Frédéric Lefebvre. J’ai écouté les propos du ministre avec beaucoup d’attention, et je pense comme lui que ce texte aura des conséquences immédiates sur les consommateurs.

Si j’ai souhaité faire ce rappel au règlement, c’est parce qu’en réalité nous discutons de ce texte depuis bientôt deux ans et demi. J’avais d’ailleurs eu l’occasion d’évoquer le fait que ce texte avait « deux papas », ce qui avait fait sourire certains de mes collègues présents dans l’hémicycle. Je saisis donc la présente occasion, et je m’adresse ici à la Présidence, pour que nous réfléchissions ensemble aux conditions d’examen des textes lorsqu’il y a changement de législature.

Dès lors qu’une majorité sortie des urnes et un gouvernement qui en est issu partagent l’essentiel des éléments figurant dans un texte déposé, puis défendu par un précédent gouvernement et très largement enrichi, il serait utile que puisse se poursuivre la procédure législative entamée avant le changement de législature. Cela nous aurait permis, en l’occurrence, de gagner beaucoup de temps. Nous avions d’ailleurs évoqué cette question avec Benoît Hamon au moment de la passation de pouvoir, alors qu’il n’était pas encore chargé de ce dossier, et je lui avais dit combien celui-ci était essentiel et combien je souhaitais qu’il puisse s’y investir.

Permettez-moi, pour conclure ce propos, de constater simplement que des progrès ont été accomplis, y compris au Sénat. Bien entendu, parce que nous appartenons à des groupes de sensibilités différentes, nous ne pouvons pas être tous d’accord sur tous les sujets. Je m’étais abstenu en première lecture, mais, compte tenu de l’importance de ce texte, et malgré les désaccords qui persistent – je déposerai un amendement pour proposer une mise en œuvre de l’action de groupe différente de celle qui figure dans le projet de loi et je ne me satisfais pas, non plus, d’ailleurs, que certains membres de la majorité actuelle, du sort des dispositions relatives au logement et qui ont été inscrites dans un autre texte – je voterai en faveur du projet de loi. Il est en effet essentiel pour la vie de nos compatriotes, à un moment où ces derniers connaissent une situation difficile en matière de pouvoir d’achat et de consommation.

M. Razzy Hammadi, rapporteur de la commission des affaires économiques. Très bien !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. C’était plutôt une explication de vote qu’un rappel au règlement, monsieur le président ! (Sourires.)

M. le président. Nous aurons ainsi gagné un peu de temps… (Sourires.)

Présentation (suite)

M. le président. La parole est à M. Razzy Hammadi, rapporteur de la commission des affaires économiques.

M. Razzy Hammadi, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation, monsieur le président de la commission des affaires économiques, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les députés, nous voici de nouveau réunis pour la seconde lecture de ce projet de loi ô combien important – vous l’avez rappelé, monsieur le ministre délégué – qui changera sans nul doute la vie quotidienne de nos concitoyens.

Impressionnant par les chiffres – vingt-trois heures et quinze minutes de débats en commission, neuf séances dans l’hémicycle, 163 articles dont 52 ont été votés conformes par le Sénat –, ce texte l’est tout autant au regard des avancées considérables et des nouveaux droits qu’il offre aux consommateurs.

On rappellera ainsi que les débats relatifs à l’action de groupe datent de plus de trente ans. L’instauration d’un répertoire national des crédits aux particuliers, le désormais fameux fichier positif, est également une idée relativement ancienne qui n’avait, malheureusement, jamais trouvé de traduction législative. Voici donc deux mécanismes qui sont enfin en passe d’intégrer notre corpus juridique.

Ce texte ne permet pas seulement le rééquilibrage des relations commerciales entre professionnels et consommateurs ; il redonne également du pouvoir d’achat à ces derniers. Les consommateurs pourront, en effet – vous en avez dit un mot, monsieur le ministre délégué –, résilier plus facilement leurs contrats d’assurance. C’est là aussi une belle conquête que nous nous apprêtons à aborder dans nos débats, notamment autour de l’assurance emprunteur. Je voudrais saluer Régis Juanico, Laurent Grandguillaume et Thomas Thévenoud, avec lesquels, lors de l’examen de la réforme bancaire, nous avons abordé ce sujet. À l’époque, nous avons dû quelque peu reculer, nous accrochant à une demande de rapport. Semaine après semaine, nous avons suivi l’élaboration de ce document, lequel a maintenant été remis et donne lieu à un amendement présenté par le Gouvernement, que nous aurons l’honneur de soutenir.

Rappelons également que les députés se sont donné les moyens de lutter véritablement contre le surendettement, tant par l’introduction du fichier positif que par la modification des délais en matière de plans conventionnels de redressement, sujet qui a fait l’objet de nombreux débats qui vont, je l’espère, se poursuivre ici.

On ne peut non plus passer sous silence la volonté du législateur de rééquilibrer les rapports entre distributeurs et fournisseurs, sans pour autant remettre en cause les grands acquis de la loi de modernisation de l’économie. Je salue ma collègue rapporteure, Annick Le Loch, qui en parlera mieux que moi.

En ce qui concerne cette deuxième lecture, je tiens également à souligner qu’il aurait pu être tentant pour le Gouvernement – et cela nous renvoie, monsieur Lefebvre, au fait que le précédent gouvernement n’ait pas fait voter son projet de loi sur la consommation – de faire que ce texte soit examiné au plus vite, dans le cadre d’une procédure accélérée. Au contraire, il a choisi une procédure classique, permettant ainsi à chaque chambre d’effectuer deux lectures avant de travailler à une rédaction commune, dans le cadre d’une commission mixte paritaire. Sur de tels sujets on ne pouvait pas, selon moi, faire autrement. Il était bon, aussi bien pour les entreprises et pour les consommateurs que pour nos débats et pour la loi qui en découle, de ne pas agir autrement.

Je tiens également à saluer le travail de nos collègues sénateurs qui, sous la houlette de ses deux co-rapporteurs, Alain Fauconnier et Martial Bourquin, ont eux aussi énormément travaillé à l’amélioration du texte. Ils ont permis de l’approfondir et de le renforcer sur certains points, dans le prolongement de nos travaux ; sur d’autres, ils ont marqué des différences, voire leur opposition – nous aborderons ces sujets en séance, comme nous l’avons déjà fait en commission, notamment en ce qui concerne l’action de groupe.

Le Sénat a par ailleurs introduit dans un texte déjà très divers un certain nombre d’articles importants, traitant par exemple de la vente des produits d’entretien, des lentilles de contact oculaire correctrices ou encore des lunettes en ligne. Il a également apporté un certain nombre de précisions sur des sujets aussi cruciaux pour la sécurité du consommateur que l’étiquetage et la traçabilité de la viande et des produits carnés. À cet égard, je tiens à vous remercier, monsieur le ministre délégué, au nom des députés qui ont travaillé sur ce texte. En effet, sur la question de la traçabilité, vous vous étiez engagé ici même, devant les parlementaires de l’opposition comme de la majorité. Il arrive que les paroles prononcées dans cet hémicycle ne se traduisent pas en actes. Or vous avez bel et bien fait le voyage que vous aviez promis jusqu’à Bruxelles, accompagné notamment de parlementaires de toutes sensibilités politiques, pour voir de quelle manière on peut intégrer dans la loi le principe de traçabilité, ce qui suppose aussi, bien évidemment – nous avons discuté avec vous, entre autres, monsieur Abad – d’avancer sur les contraintes d’ordre communautaire.

Pour conclure, je voudrais, comme l’a fait M. le ministre délégué, souligner l’état d’esprit qui a présidé à nos débats, sous la houlette de François Brottes, président de notre commission. Nous n’avons jamais cherché à opposer les uns et les autres.

Lorsque l’on voyage – en Chine, par exemple –, on voit bien qu’est particulièrement appréciée la qualité sanitaire des produits français, laquelle s’explique par la sécurisation de l’ensemble de la chaîne de production. Or nous sommes en partie parvenus à ce résultat grâce à notre souci de protéger le consommateur. À travers la défense du consommateur, nous défendons donc aujourd’hui la compétitivité de notre économie.

Les débats en première lecture ont été fournis ; ils le seront aussi, je le crois, en seconde lecture, au vu de notre exigence partagée d’aller au fond des choses et de notre volonté de concilier la protection du consommateur et l’efficacité économique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Annick Le Loch, rapporteure de la commission des affaires économiques.

Mme Annick Le Loch, rapporteure de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai l’honneur d’être rapporteure de la commission des affaires économiques pour les articles 61 et 62, qui modifient quelques dispositions de la loi de modernisation de l’économie. Cette partie du projet de loi vise à renforcer l’encadrement des relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs. En effet, la LME n’est pas pleinement appliquée, ce qui crée un déséquilibre dans les relations commerciales interentreprises. Ces relations se sont dégradées et il règne un climat de défiance et de tension croissantes, de sorte que – vous l’avez dit, monsieur le ministre délégué – l’ordre économique se trouve lui aussi affaibli.

Je pense au fait que l’État ait assigné un distributeur le 20 novembre dernier – en l’occurrence, l’enseigne Leclerc – pour déséquilibre significatif dans ses relations avec ses fournisseurs. Il s’agit là, non pas d’attiser les conflits, mais de montrer qu’il n’y a pas d’impunité et que les fournisseurs sont protégés et soutenus en cas d’abus. L’État joue ainsi pleinement son rôle de régulateur entre les différentes parties puisque, depuis 2009, seize procédures de ce type ont été engagées. Les témoignages de rapports difficiles avec les distributeurs sont nombreux. Le projet de loi vise donc à renforcer l’effectivité de la loi existante en rééquilibrant les rapports entre les différentes parties.

Nous avons, sur deux points en particulier, cherché le consensus et – me semble-t-il – tenu bon pour protéger les différentes parties. Je veux parler des délais de paiement, à l’article 61, et de la clause de renégociation, à l’article 62.

L’article 61 a suscité d’importants débats, en particulier concernant les délais de paiement, et ce à juste titre, puisqu’ils sont de douze jours en moyenne et représentent un manque à gagner pour les entreprises d’environ 13 milliards d’euros. Nous avons été très sollicités sur le sujet.

Mon collègue sénateur Martial Bourquin constate dans son rapport que le dispositif législatif en vigueur depuis la LME est globalement pertinent et qu’il a permis une diminution significative des délais de paiement, mais que cette dynamique de réduction s’essouffle aujourd’hui et que le cadre juridique est parfois contourné. Il préconise donc de simplifier le décompte des délais de paiement. Le présent texte a été élaboré dans cet esprit et nous devrions être satisfaits : les délais sont de quarante-cinq jours fin de mois ou soixante jours à compter de la date d’émission de la facture. Pour les factures périodiques, un délai de paiement de quarante-cinq jours sera applicable à compter de l’émission de la facture. Le dispositif d’acompte pour le paiement des travaux privés devrait sensiblement améliorer la trésorerie pour les entreprises du bâtiment, lesquelles étaient particulièrement inquiètes et le demeurent en raison de la conjoncture. De plus, pour les filières ayant des contraintes particulières, la loi du 22 mars 2012 autorise la signature d’accords dérogatoires.

Dans le cadre de la deuxième lecture, la commission des affaires économiques a continué à travailler sur l’article 61 en renforçant les conditions générales de vente. Nous avons, par exemple, précisé que, parmi celles-ci, figure non seulement le barème des prix unitaires, mais également sa date d’entrée en vigueur, afin d’éviter que certains distributeurs ne s’affranchissent de la date convenue. De plus, nous avons renforcé les sanctions et permis la publication systématique des sanctions administratives en matière de délais de paiement. Nous devrions ainsi encourager la tendance positive, observée ces dernières années, qui se caractérise par une réduction des délais de paiement, au bénéfice de nos entreprises.

En ce qui concerne l’article 62, le texte actuel oblige les contractants à formaliser plus précisément les contrats et alourdit les sanctions en cas de manquement. L’un des grands apports de cet article est qu’il prévoit explicitement que des renégociations puissent intervenir en cas de variation importante des cours des matières premières – dans des conditions fermement définies, afin d’éviter tout abus. On sait en effet que, lorsque l’évolution des cours leur est favorable, les acteurs de la grande distribution savent rouvrir de force les relations commerciales pour renégocier certaines clauses. Désormais, que les cours soient orientés à la hausse ou à la baisse, la réouverture pourra se faire. À ce propos, où en est-on, monsieur le ministre, dans la rédaction du décret qui doit préciser la liste des produits transformés concernés par la clause de renégociation ?

Certes, aujourd’hui, la filière agroalimentaire – je pense notamment aux producteurs – est en difficulté. Je le constate chaque jour dans ma région. Mais, à la veille des négociations commerciales de 2014, je voudrais porter un message d’espoir. Le Gouvernement a beaucoup travaillé, de même, d’ailleurs, que les parlementaires. Toutes les parties ont été écoutées. Nous souhaitons tous une amélioration des relations commerciales interentreprises. Le climat tendu qui caractérise ces relations doit maintenant cesser et faire place à un climat plus apaisé. La confiance est un vrai facteur de production et ne me semble pas incompatible avec la compétition. Notre pays, notre économie, les salariés des entreprises de l’agroalimentaire – et tous les autres – ont besoin de confiance ; je me permets donc de nourrir l’espoir que nous parvenions à l’instaurer.

J’ai constaté, çà et là, des efforts et quelques exemples de bonnes pratiques ; les choses semblent bouger. Je pense en particulier au contrat de la filière alimentaire, élaboré en juin dernier par le Gouvernement et l’ensemble des acteurs de la filière. Concrètement, un label d’État « Relations fournisseurs responsables » a été mis en place qui distingue les relations commerciales durables et équilibrées. Quelques entreprises l’ont déjà obtenu ou sont en cours de labellisation. Nous n’en sommes qu’au début, mais je veux croire que, demain, les grands distributeurs participeront également à cette démarche. La filière agroalimentaire et les pouvoirs publics travaillent ensemble à la promotion de la médiation interentreprises. Ces récents accords, chartes, labels et discussions démontrent qu’une évolution est en cours et qu’un effort collectif est fait pour restaurer des liens constructifs et productifs pour les entreprises. Il n’y aura pas de développement ni de perspectives sans confiance. Il est donc nécessaire d’encourager le retour de celle-ci, afin que les relations commerciales soient apaisées, transparentes et équitables, au profit de nos fournisseurs, de nos producteurs, de nos territoires, mais aussi, bien sûr, du consommateur. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Michèle Bonneton.

Mme Michèle Bonneton. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le ministre délégué, madame, monsieur les rapporteurs, chers collègues, l’examen du projet de loi sur la consommation touche à sa fin avec cette deuxième lecture. Ce texte comble le retard de notre pays par rapport à nos proches voisins et renforce le droit des consommateurs. Il innove également, en faisant entrer dans notre droit une mesure attendue depuis longtemps, à savoir la possibilité pour les consommateurs d’organiser des actions de groupe contre certains abus en matière de consommation de biens et de services. Cependant, ce texte reste plutôt timide sur certains sujets.

Parmi les avancées qui nous paraissent les plus intéressantes, je citerai l’amélioration de l’information et le renforcement des droits contractuels des consommateurs ; le soutien à la réparabilité des produits, avec de nouvelles dispositions sur l’information précontractuelle ; une meilleure information concernant le démarchage, la vente à distance et les différents types de contrat – je pense aussi bien aux contrats conclus dans les foires et salons qu’aux contrats d’achat de métaux précieux –, sans compter d’autres mesures d’adaptation au droit de l’Union européenne.

Ce texte garantit également une meilleure information des consommateurs en ce qui concerne l’élaboration des plats proposés dans la restauration. Il donne aux vendeurs la possibilité d’afficher un double prix pour un même bien : le prix de vente et le prix d’usage. Cette mesure qui résulte d’une initiative de notre groupe est un encouragement à l’économie de la fonctionnalité et à l’économie circulaire.

Le texte introduit la notion de « fait maison », avec la possibilité d’inscrire cette mention sur les cartes des restaurants. Pour plus de clarté, nous aurions préféré qu’il s’agisse d’une obligation.

S’agissant du surendettement, le projet de loi comporte également des mesures pour protéger la maison d’habitation, notamment à l’attention des propriétaires : des mesures de rééchelonnement des dettes pourront être mises en place sans que le bien soit vendu.

Il faut aussi retenir la mise en place d’un encadrement juridique des « magasins de producteurs ».

Je tiens à souligner le travail transpartisan des parlementaires sur l’étiquetage relatif à l’origine des viandes, et la volonté dont a fait preuve le Gouvernement dans ses discussions avec la Commission européenne. Nous ne pouvons que l’encourager à rester ferme. L’initiative de M. le ministre consistant à se faire accompagner d’une délégation parlementaire pour rencontrer le commissaire Tonio Borg a permis de défendre le point de vue de la France. La traçabilité est un élément déterminant pour la sécurité et la qualité, mais aussi pour la relocalisation des productions.

Enfin, la création d’une indication géographique pour les produits manufacturés permettra d’encourager les productions locales.

Cependant, nous aurions souhaité que les dispositions adoptées aillent plus avant, notamment celles qui concernent l’action de groupe, la reconnaissance de l’obsolescence programmée ou encore la disparition des frais pour les comptes bancaires inactifs.

La mise en place de l’action de groupe pour les biens de consommation est une nouveauté et un progrès incontestable de notre droit. L’action de groupe devrait changer en profondeur les rapports entre consommateurs, vendeurs et fabricants. Son rôle n’est pas tant répressif qu’incitatif, pour s’engager vers des productions de qualité.

Toutefois, nous regrettons qu’un pas supplémentaire vers une action de groupe en matière de santé et d’environnement n’ait pas été franchi. C’est pourquoi nous avons déposé un amendement en ce sens. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous préciser quelles sont les intentions du Gouvernement en la matière ?

La suppression des frais bancaires sur les comptes inactifs serait nécessaire : le coût de la gestion de ces comptes est très faible, voire proche de zéro, alors que l’argent qui y sommeille est valorisé par les banques. C’est un point sur lequel nous continuons à proposer des avancées.

Enfin, il reste du chemin à parcourir sur les garanties et sur l’obsolescence. Le Sénat a porté le délai de conformité à vingt-quatre mois, ce qui constituait une avancée importante. Il est très regrettable, incompréhensible même, que la commission des affaires économiques de notre assemblée, contre l’avis même du Gouvernement, ait cru bon de ramener ce délai à douze mois.

Ce renversement de la charge de la preuve au profit des consommateurs permettrait pourtant de hausser le niveau général de la qualité et de la fiabilité des produits manufacturés. Le gaspillage en matières premières et en énergie, ainsi que le volume des déchets, en sont diminués d’autant. Une telle disposition serait profitable à tous, particulièrement à ceux dont les moyens sont limités.

Selon un numéro récent de la revue Que choisir, cela représenterait un surcoût de 10 à 20 euros pour un appareil de 400 euros, soit 3 à 5 % du coût. C’est peu, en regard de l’avantage que le consommateur et la société peuvent en tirer. La revue présente d’ailleurs cette mesure comme l’un des éléments phares de la loi. Il risque donc d’y avoir quelques déceptions de ce point de vue… Nous avons déposé un amendement pour rétablir le texte du Sénat.

La révision des dispositions de la loi de modernisation de l’économie relatives à la négociation entre fournisseur et distributeurs a permis d’encadrer davantage les relations commerciales dans l’agroalimentaire et de tenir compte de la forte variation du prix des matières premières. Cependant, les producteurs – éleveurs et producteurs de lait notamment – manquent encore d’outils tels que des indicateurs pertinents et incontournables pour défendre leurs intérêts.

Enfin, il faut retenir la mise en place d’un encadrement juridique des « magasins de producteurs ». Cependant, et cela a été reconnu lors du débat en commission, le présent texte demande à être précisé quant aux productions qui pourront y être vendues.

Au-delà de ses manques, et de sa frilosité sur certains points, ce texte demeure très appréciable et permet des avancées importantes. L’ensemble des amendements que nous avons déposés visent à l’améliorer et à le renforcer. Je tiens à remercier M. le ministre et son cabinet qui, au-delà de nos différences d’appréciation sur certains points, ont fait preuve d’une écoute attentive. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, madame et monsieur les rapporteurs, chers collègues, nous arrivons au terme de nos débats, après bientôt six mois de travail.

Au cours des examens successifs, à l’Assemblée comme au Sénat, vous avez pu vérifier, monsieur le ministre, l’intérêt suscité par votre texte chez les parlementaires. Ce projet de loi ambitieux aura des conséquences directes sur la vie quotidienne de nos concitoyens. Il sera probablement l’un des textes majeurs de la législature pour la commission des affaires économiques.

Nos séances parfois tardives, en commission et dans l’hémicycle, ont donné lieu à des échanges nourris, passionnés, parfois un peu heurtés, mais toujours courtois. Force est de constater que l’investissement des parlementaires, à gauche, au centre et à droite, a donné lieu à des améliorations significatives que les députés du groupe RRDP tiennent à saluer.

M. Thierry Benoit. Très bien !

Mme Jeanine Dubié. Pourtant, le contexte économique fortement dégradé que notre pays traverse ne nous aide pas : baisse du pouvoir d’achat, baisse de la consommation, stagnation du chômage, croissance en berne, nécessité absolue de maîtriser les dépenses publiques, hausse des prélèvements obligatoires, vent de révolte chez certains de nos concitoyens…

Dix années de politiques injustes dans la répartition des efforts, une tendance structurelle de mutation et la recomposition de l’économie mondiale ne nous aident pas à répondre aux attentes des Français ! Cette conjoncture nous impose des contraintes fortes et limite, de fait, notre marge de manœuvre.

Avec l’ensemble des mesures prises depuis un an et demi pour redresser la France dans la justice, le Gouvernement montre que cette crise doit servir de tremplin pour bousculer les corporatismes, faire bouger les lignes, réduire toutes les poches d’inefficacité économique et améliorer la régulation des rapports économiques entres les agents. C’est l’ambition de votre projet de loi ; les députés RRDP la soutiennent avec détermination.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

Mme Jeanine Dubié. Rendre du pouvoir d’achat aux consommateurs passe nécessairement par l’instauration de mécanismes de marché plus efficients, par l’adoption de règles favorisant une consommation plus durable, plus équitable et plus respectueuse des droits des consommateurs.

Être à la hauteur de ces enjeux tout en favorisant la consommation est ambitieux ; cela demande un réglage fin des mesures et une habileté parfois proche de l’acrobatie. Globalement, le projet de loi issu de nos travaux est équilibré et répond à des attentes importantes, exprimées tant par les consommateurs que par les acteurs économiques.

Pour la protection des consommateurs, vous avez décidé clairement de rompre avec les paradigmes économiques illusoires qui font du consommateur un agent économique rationnel, apte à faire valoir ses droits. Pour la régulation des acteurs économiques, vous voulez inverser la tendance en renforçant le rôle de l’État comme garant de l’ordre économique, protecteur des consommateurs comme de la compétitivité de l’économie. Vous avez fait les bons choix.

Les députés radicaux croient profondément à la liberté individuelle. Mais nous sommes conscients que la complexité croissante des sociétés contemporaines limite la rationalité des agents et exige une régulation forte.

Au final, ce texte très amendé est dense et touche à de nombreux domaines. Il instaure l’action de groupe, l’action de groupe simplifiée, le fichier positif, les indications géographiques pour les produits, le « fait maison ». Il impose la traçabilité des ingrédients des plats cuisinés, sujet sur lequel, monsieur le ministre, vous avez montré votre détermination et agi, conformément à l’engagement pris dans cet hémicycle, auprès de la Commission européenne. Je veux vous en remercier.

Le projet de loi relatif à la consommation améliore aussi l’encadrement législatif des délais de paiement, du régime des clauses abusives, du crédit à la consommation, de la résiliation des contrats d’assurance. Il allonge le délai de rétractation en matière de commerce électronique et de vente à distance, et augmente les moyens d’action et les pouvoirs de sanction de la DGCCRF – ce qui s’accompagnera, je l’espère, d’une augmentation des moyens de celle-ci. Enfin, il améliore l’équilibre des relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs.

Il s’agit donc bien d’une réforme structurelle de l’économie française, visant à rééquilibrer et à rendre plus équitables les relations économiques entre entreprises et entre entreprises et consommateurs. Cette nouvelle régulation économique renforcera la confiance et stimulera la croissance.

Cela dit, les attentes sont immenses. Pour les Français, c’est le pouvoir d’achat – qui leur permet de vivre au quotidien – qui compte vraiment. Nous y sommes attentifs et voulons agir sur les données macroéconomiques, le taux d’inflation, le taux de croissance du PIB, le taux d’emploi, le taux d’intérêt pour les emprunts d’État.

Mais au-delà des chiffres, le cœur de notre action est de rendre l’espoir à nos concitoyens, en adoptant des mesures fortes qui améliorent directement leur vie quotidienne, notamment celle des personnes les plus fragiles.

Alors que nous nous apprêtons à faire des choix définitifs sur ce projet de loi, n’oublions pas ceux qui souffrent le plus de cette crise, qui en subissent les conséquences les plus dures. N’oublions pas que c’est à eux que ce projet de loi doit s’adresser en priorité.

La consommation est, dit-on, un des seuls moteurs de la croissance qui soit encore vigoureux. Nous savons qu’il est essentiel de la protéger afin de relancer l’investissement et l’emploi. Pourtant, nous devrons faire des choix lors de l’examen des amendements.

Ce projet de loi est soumis à une double contrainte : maintenir un niveau élevé de consommation et renforcer la protection des consommateurs. Ces deux objectifs, importants pour la France, ne sont pas nécessairement contradictoires.

Mais donner la priorité à la consommation se fait parfois au détriment des consommateurs les plus défavorisés. Je pense en particulier aux dispositions relatives au crédit à la consommation et à la prévention du surendettement. Nous pensons que nous pouvons encore améliorer l’équilibre de ce texte, convaincus, comme beaucoup de collègues, sur tous les bancs, que nos débats en séance publique permettront de remédier aux lacunes persistantes.

M. Thierry Benoit. C’est vrai !

Mme Jeanine Dubié. Nous devons faire mieux sur le crédit à la consommation, notamment sur le crédit renouvelable et sur les relations fournisseurs-distributeurs. Nous l’avons dit, le contexte économique dégradé auquel la France doit faire face nous oblige à être plus audacieux. Les députés radicaux veulent être un partenaire fiable de la majorité, qui privilégie une approche lucide.

Concernant la lutte contre le surendettement et l’encadrement du crédit à la consommation, vous avez choisi de mettre en place le fichier positif pour éviter le « crédit de trop », lutter contre le surendettement et responsabiliser les prêteurs. Pour les avoir entendus à l’Assemblée et au Sénat, vous connaissez les doutes et les réserves des parlementaires radicaux et apparentés sur le fichier positif.

Ce vieux débat transcende les clivages partisans. Les partisans les plus farouches du fichier positif sont nos amis de l’UDI, qui, pour le mettre en place, ont déposé d’innombrables propositions de loi et amendements depuis 2003.

M. Thierry Benoit. C’est vrai !

Mme Jeanine Dubié. Les opposants les plus déterminés siègent sur tous les bancs.

Le fichier rationalisera la distribution du crédit. Il permettra à certains qui en sont privés aujourd’hui d’y avoir accès. Il bloquera l’accès au crédit des personnes dont la situation financière est précaire et de tous ceux pour qui ce crédit ne serait pas soutenable. Il responsabilisera les organismes prêteurs et permettra de mettre fin aux comportements irrationnels – souvent médiatisés – de ceux qui, plongés dans une situation de détresse, souscrivent dix, quinze ou vingt crédits. Ainsi, les cas très minoritaires de surendettement liés à l’excès de crédit seront théoriquement évités. Ce seront autant de drames humains en moins.

Mais à quel prix ? Posons la question. N’aurions-nous pas pu répondre à ces problématiques par d’autres moyens, plus adaptés ? Les députés radicaux sont convaincus que les mêmes réponses et les mêmes avancées positives auraient pu être données par des moyens plus simples, moins coûteux, et surtout plus proportionnés.

Le Conseil d’État l’a écrit : le fichier positif est un dispositif disproportionné. Il est lourd, complexe, long à mettre en place, potentiellement attentatoire aux libertés publiques, et d’un coût prohibitif.

Pour vérifier la solvabilité réelle de l’emprunteur et responsabiliser les établissements de crédits, d’autres possibilités plus simples, plus efficaces et moins coûteuses existaient. Pour évaluer le reste à vivre, nous aurions pu mettre en place une attestation de la banque mentionnant le delta entre les revenus et les dépenses contraintes récurrentes.

Nous aurions pu encadrer plus durement les conditions d’acceptation du crédit, par des mesures comme la déliaison entre carte de crédit et carte de fidélité, la limitation du crédit renouvelable ou l’interdiction du crédit sur le lieu de vente. Beaucoup de mesures de ce type constituaient des réponses plus simples, moins attentatoires aux libertés publiques et moins coûteuses.

Je ne peux m’empêcher de penser à tout ce que nous pourrions faire avec les 500 à 700 millions d’euros que coûtera ce fichier pour toutes les personnes en situation précaire ou surendettées. N’aurait-il pas été plus utile de dépenser cet argent pour développer des actions d’accompagnement auprès de ces personnes en grande difficulté matérielle ?

Je pense notamment aux actions déjà conduites par les associations qui accompagnent des personnes en situation de précarité. Elles en auraient bien besoin car elles sont de plus en plus sollicitées. Je pense aussi à la désignation d’un référent social en cas de dépôt d’un deuxième dossier de surendettement auprès de la Banque de France, afin de ne pas laisser ces personnes dans le désarroi, ou encore à l’ouverture de l’accès aux prêts à taux zéro qui permettraient de faire face à ces dépenses contraintes que vous avez évoquées tout à l’heure, monsieur le ministre.

Dans leur immense majorité, les personnes surendettées sont d’abord victimes d’un manque de ressources. Elles ont avant tout besoin d’aide, de pédagogie et d’accompagnement personnalisé.

Nous vous proposerons quelques amendements dans la lignée de ceux que nous avions présentés, notamment pour encadrer plus durement la distribution du crédit renouvelable, à la fois socialement toxique et économiquement inefficace.

Enfin, je tiens à aborder la question des relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs.

En instaurant en 2008 une convention annuelle et en en définissant le contenu, le législateur voulait garantir une véritable négociation commerciale qui ne favorise pas les acteurs dont la position est la plus forte. En effet, le déséquilibre des relations commerciales aboutit, ainsi qu’on le vérifie constamment, à des rentes abusives directement liées à ces positions dominantes, ce qui conduit à des déséquilibres de marché et à des poches d’inefficacité économique.

La LME était censée faire baisser de 5 % les prix mais, depuis sa mise en application, les prix ont continué d’augmenter, et les conventions annuelles ne permettent pas de caractériser la « substance » de la négociation, du fait de l’absence de contreparties réelles ou de l’impossibilité de les vérifier.

Nos travaux nous ont permis de progresser sur un certain nombre de points. Nous proposerons des amendements visant à renforcer réellement l’équilibre entre les parties, notamment en publiant les sanctions en cas de récidive.

La consommation n’est pas capable, et ne le sera jamais, de répondre aux aspirations essentielles de l’être humain et d’assurer son épanouissement, mais une régulation économique efficace et un cadre juridique clair et protecteur peuvent donner à notre pays les moyens de développer des relations commerciales apaisées.

Nous sommes convaincus que ce projet de loi apportera de nombreuses améliorations importantes et nous permettra de nous inscrire, modestement, dans la tradition française de solidarité.

Pour ces raisons, et malgré les réserves que nous avons pu émettre sur des points précis, nous abordons cette deuxième lecture dans un esprit positif. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. André Chassaigne. Très bonne intervention !

M. le président. La parole est à M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, madame et monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, nous arrivons au terme de l’examen du projet de loi relatif à la consommation, et nous commençons à avoir une vision assez précise du texte qui sera issu de nos travaux. C’est donc la dernière occasion qui nous est donnée de pouvoir débattre des sujets qui nous causent encore quelque difficulté aujourd’hui.

Nous sommes parvenus à un équilibre satisfaisant sur plusieurs parties du texte, dont certaines ont fait consensus sur tous les bancs. Le Gouvernement a su faire preuve de bienveillance à l’égard de certaines de nos propositions, mais nous devons à présent aller plus loin et profiter de cette dernière étape pour avancer dans le même esprit de consensus sur les points qui méritent encore d’être approfondis. Nous avons d’ailleurs choisi de déposer moins amendements, afin de cibler les principaux sujets sur lesquels nous ne désespérons pas de vous faire évoluer, monsieur le ministre, tout au long des travaux qui nous attendent.

Pour le groupe UDI, la bonne réforme du droit de la consommation est celle qui permet de responsabiliser l’ensemble des acteurs – producteurs, distributeurs, fabricants, mais aussi consommateurs.

Il s’agit de lever les obstacles auxquels les Français sont confrontés dans leur vie quotidienne, en sécurisant leurs achats de tous les jours, s’agissant aussi bien de prix que d’information, de transparence ou de délai de rétractation, ce qui passe notamment par l’encadrement des relations commerciales et la sanction de l’attitude déloyale de certains professionnels.

Cependant, ce texte ne saurait être étudié sous le seul prisme de la protection du consommateur. Nous devons également tenir compte de la réalité des échanges économiques et des contraintes auxquelles nos entreprises sont confrontées dans le contexte actuel. En effet, comme je l’ai dit en commission, la crise qui frappe nos compatriotes s’est encore approfondie depuis le début de nos travaux en juin dernier. Les entreprises, notamment les plus petites et les plus fragiles d’entre elles, font face à un déficit de compétitivité, encore aggravé par la pression fiscale,…

M. Damien Abad. Oui !

M. Thierry Benoit. …et sont assommées par des normes en tout genre. Monsieur le ministre, vous qui êtes Breton,…

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Il est ministre de la République !

M. Thierry Benoit. …sachez que j’ai participé à l’ensemble des réunions sur le pacte d’avenir pour la Bretagne. Les demandes des professionnels, qui valent pour l’ensemble du territoire national,…

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Ah ! Tout de même !

M. Thierry Benoit. …portent sur trois points.

Les entrepreneurs de notre pays, qu’ils dirigent une petite, une moyenne ou une grande entreprise, demandent que les charges soient allégées, qu’il soit procédé à une simplification administrative, réglementaire et normative, et que l’on mette fin aux distorsions de concurrence au niveau européen.

Le présent texte, sont les dispositions se partagent entre plusieurs codes – codes de la consommation, de l’énergie, des assurances, de la santé publique, de la propriété intellectuelle, du commerce – est important. M. le ministre et Frédéric Lefebvre l’ont dit avant moi : il aura, une fois adopté, des conséquences pour la vie quotidienne de nos compatriotes.

M. Damien Abad. Il ne changera pas grand-chose !

M. Thierry Benoit. Ce qu’il se passe pour les industriels de Bretagne vaut aussi pour l’ensemble des entrepreneurs de France. Aussi souhaiterais-je que nous gardions en ligne de mire, lors de nos débats, la nécessité de la simplification.

J’en viens aux principales mesures du texte, à commencer par l’introduction de l’action de groupe dans notre arsenal juridique, innovation que le groupe UDI a toujours soutenue.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. C’est vrai !

M. Thierry Benoit. Nous ne sommes donc pas opposés à cette procédure, à condition qu’elle soit bien encadrée.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Elle l’est.

M. Thierry Benoit. Elle ne doit pas devenir un facteur de déstabilisation permanente des entreprises. Nous ne voulons pas ouvrir la voie à une judiciarisation excessive des échanges commerciaux, à l’image des class actions qui polluent les relations économiques aux États-Unis. Nous souhaitons que soit privilégiée, durant toute la procédure, la voie de la médiation, afin d’éviter les trop longs procès, sont dommageables tant aux consommateurs qu’aux entreprises. La médiation doit devenir la règle et le procès l’exception. Aussi le groupe de consommateurs devra-t-il être régulièrement informé de sa faculté d’y recourir. Notre but ne saurait être d’encombrer encore davantage les tribunaux, mais de faire renaître la confiance entre les agents économiques et de réparer les préjudices subis par un groupe identifiable de consommateurs.

Dans le même esprit, nous défendrons à nouveau la non-rétroactivité de l’action de groupe. Le groupe UDI souhaite que l’action de groupe se limite aux faits postérieurs à la loi et ne s’applique pas aux faits antérieurs.

M. Damien Abad. C’est le bon sens même !

M. Thierry Benoit. Ce serait un non-sens économique et juridique que de rendre l’action de groupe rétroactive. Nous vous l’avons déjà dit en commission, monsieur le ministre, mais je préfère insister sur ce point.

S’agissant de l’encadrement du crédit à la consommation et de la lutte contre le surendettement, il est indispensable de répondre à la situation de ces milliers de familles plongées dans un engrenage infernal.

Nous nous félicitons de la mise en place d’un répertoire national du crédit aux particuliers, qui permettra de responsabiliser les acteurs du secteur, comme vous venez de le rappeler, monsieur le ministre, et qui fait suite à une demande de longue date du groupe centriste, et en particulier de Jean-Christophe Lagarde. Nous vous proposerons cependant de renforcer encore cette partie du texte, notamment en incluant l’ensemble des crédits renouvelables dans le dispositif.

Dans une économie de plus en plus mondialisée, il est important de réaffirmer notre soutien à la valorisation et à la protection des savoir-faire de nos terroirs. L’extension aux produits manufacturés de l’indication géographique protégée, tout comme la protection des noms des collectivités territoriales utilisés à des fins commerciales, sont autant de mesures auxquelles le groupe UDI apporte naturellement son soutien, mais je souhaiterais que nous adressions un signal plus fort au secteur de l’extraction de matériaux naturels – l’ardoise, le grès, les activités liées aux carrières.

S’agissant de la transposition de la directive européenne et du renforcement des obligations contractuelles des entreprises, nous saluons l’ensemble des progrès dans la transparence et la sincérité de l’information donnée au consommateur. Les pratiques commerciales doivent également favoriser des modes de consommation responsables et durables. Il s’agit de responsabiliser les acteurs économiques dans un monde où tout s’achète et se remplace, en luttant notamment contre l’obsolescence programmée.

Mais, une fois de plus, il faut appliquer ces nouvelles normes avec souplesse, afin de ne pas pénaliser les professionnels de bonne foi qui ne seraient pas en mesure de s’adapter rapidement.

Veillons également à ne pas en faire une application plus stricte que le texte européen lui-même, afin de ne pas créer de nouvelles distorsions de concurrence avec nos partenaires. Je pense en particulier au secteur de la vente à domicile, qui représente 480 000 emplois en France.

En ce qui concerne le renforcement des pouvoirs des agents de la DGCCRF et l’aggravation des sanctions à l’encontre des entreprises, prenons garde à ne pas jeter la suspicion sur les professionnels. Si j’approuve le renforcement des moyens de l’administration, je refuse toute démarche inquisitoriale susceptible de nourrir un climat de défiance à l’égard des producteurs, des fabricants et des commerçants de notre pays. La réglementation doit être suffisamment claire et précise pour sanctionner les malhonnêtes sans empêcher les gens honnêtes de travailler. La France et les Français sont à bout !

Sur l’indication d’origine des viandes, la balle est dans le camp du Gouvernement, que nous devons, nous, parlementaires, soutenir. Des actions ont été menées, comme vous vous y étiez engagé en première lecture, monsieur le ministre. Nous nous sommes déplacés à Bruxelles et des avancées ont pu être constatées au Sénat. Nous souhaitons, en deuxième lecture, encourager et soutenir le Gouvernement en proposant des amendements pour mettre en œuvre cette obligation sur le territoire national dès maintenant, afin que le Parlement envoie un signal fort de la volonté de la France d’aboutir au plus vite et de répondre à l’attente des éleveurs et des consommateurs européens. Nous souhaitons par ailleurs que l’indication précise si les animaux sont bien nés, élevés et abattus en France.

Avant de terminer, je saluerai au nom du groupe UDI certaines dispositions sur lesquelles nous sommes parvenus à un équilibre satisfaisant, notamment l’encadrement des contrats d’assurances et la possibilité de résilier son contrat au bout d’un an, l’allongement du délai de rétractation pour les achats sur internet, les retouches apportées aux dispositions de la loi LME relative aux délais de paiement – la loi LME n’ayant pas été remise en cause, il s’agit bien de retouches –, l’introduction d’une clause obligatoire de renégociation des prix dans les contrats sur les matières premières agricoles pour rééquilibrer les rapports commerciaux entre producteurs et distributeurs.

En conclusion, monsieur le ministre, le groupe UDI aborde une nouvelle fois ce texte dans un esprit constructif, avec la volonté de trouver ensemble un équilibre vertueux des relations commerciales, sans faire peser de nouvelles contraintes sur les acteurs économiques dans le climat que nous traversons. Concentrons-nous sur l’apaisement, sur la pacification des relations entre les entreprises et les consommateurs. Notre but ne doit pas être de donner plus de travail à la justice et aux avocats, mais bien de faire renaître la confiance.

Or, si votre texte contient des avancées bienvenues et attendues pour le consommateur, il comporte encore des dispositions potentiellement nuisibles pour les entreprises et l’activité économique. Le contenu de cette seconde lecture nous indiquera si l’on a atteint l’objectif de concilier de réels progrès pour les consommateurs de France avec le maintien de la compétitivité de nos entreprises dans un environnement réglementaire et administratif simplifié et amélioré.

M. Razzy Hammadi, rapporteur de la commission des affaires économiques. Bien !

M. le président. La parole est à M. Frédéric Barbier.

M. Frédéric Barbier. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, cette deuxième lecture est l’occasion de peaufiner le présent texte. Tel un bon vin, il s’améliore avec le temps et les examens successifs. Ses premières notes étaient déjà diverses et équilibrées ; elles ont pris de la profondeur, de la justesse, et nous allons y apporter la dernière touche.

Quelles en sont les principales caractéristiques ? Tout d’abord, il aborde une palette de sujets assez large. Il y a plusieurs raisons à cela.

Il s’agit en premier lieu de transposer en droit français la directive européenne relative au droit des consommateurs, qui regroupe des sujets aussi vastes que l’information précontractuelle, la vente à distance, la disponibilité des pièces détachées, la protection téléphonique, la garantie légale de conformité ou encore les ventes sur foires et salons.

Ensuite, il est nécessaire de répondre aux questions qui avaient été posées lors de l’examen du projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs – projet que l’ancien gouvernement n’a pas mené à son terme. Il s’y trouvait notamment des mesures sur le commerce en ligne et sur les indications géographiques pour les produits non alimentaires. Il était de notre devoir d’avancer sur ces dossiers stratégiques pour notre économie.

Enfin, nous voulons adapter le droit aux évolutions des produits, des techniques de vente et des habitudes des consommateurs, mais aussi à l’émergence de nouvelles pratiques et fraudes. Les Français attendent beaucoup du législateur en la matière et, grâce à ce texte, nous répondons largement à leurs préoccupations.

Contrairement à nos prédécesseurs, il va de soi que nous tenions aussi à respecter nos promesses, dont la plus emblématique concerne l’action de groupe. Les Français auront désormais accès à ce formidable outil juridique qui leur permettra de s’associer pour attaquer une société qui n’aurait pas respecté ses obligations légales ou contractuelles. Sans diaboliser l’entreprise, car ce n’est pas du tout l’esprit du projet de loi, il reste que nous avons tous été confrontés un jour à l’une de ces situations rageantes où nous avons manifestement affaire à une pratique illégale ou déloyale, ou à une défectuosité. Vingt appels peuvent être passés en vain à un service clients inaccessible, et nous ne pouvons rien faire : nos mains sont liées face au coût et à la difficulté d’entreprendre une action.

Dès lors, nous subissons – ou plutôt faut-il dire que nous subissions. Aujourd’hui, une entente telle que celle qui a été sanctionnée en 2005 dans le secteur de la téléphonie mobile donnerait lieu à l’indemnisation des clients des entreprises concernées pour plusieurs millions d’euros, et ce sans que le consommateur ait à effectuer des démarches compliquées. Il s’agit non seulement d’une mesure de justice, mais aussi d’une mesure d’efficacité économique, au sens où elle incitera les compagnies à fixer des prix justes et à adopter des pratiques saines.

Ce texte se caractérise également par son souci constant de trouver un bon équilibre. Nous avons souvent affaire à une opposition qui refuse de tenir des propos nuancés et constructifs,…

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Ils ne sont pas tous comme cela, à part peut-être M. Abad… (Sourires.)

M. Damien Abad. Au contraire, nous sommes constructifs et réalistes !

M. Frédéric Barbier. …une opposition, disais-je, qui n’a pas voté ce projet de loi en première lecture alors qu’il comprend des avancées majeures, dont je suis certain qu’elle est tout à fait consciente. Pourtant, notre vie politique gagnerait beaucoup à dépasser les débats manichéens et stériles, surtout concernant de tels sujets sur lesquels, disons-le en toute sincérité, les clivages idéologiques ne sont pas si nombreux.

C’est particulièrement le cas avec ce texte qui, j’en suis convaincu, trouve le juste milieu entre la défense légitime des intérêts stratégiques de certains secteurs et ce qui relève de rentes abusives qui sont néfastes à l’ensemble du marché. Il trouve le juste milieu entre la défense du pouvoir d’achat et des droits des consommateurs, et la sauvegarde de l’industrie et de l’agriculture françaises.

Au-delà du nombre de sujets traités et de l’acuité du projet de loi, nous pouvons nous prévaloir d’un texte pragmatique et efficace. En donnant davantage de pouvoir aux agents de la DGCCRF, en mettant en place des sanctions administratives et en renforçant l’échelle des sanctions, par exemple, nous augmentons la portée du texte dans son ensemble puisque nous lui donnons les moyens d’une plus grande effectivité. Les mesures relatives au registre national des crédits aux particuliers, à la clause de renégociation commerciale en cas de fluctuations significatives des cours des matières première agricoles ou encore au « fait maison », auront à court terme des effets très concrets.

Nous espérons également que ses effets en termes de pouvoir d’achat se feront rapidement sentir.

M. Damien Abad. Il serait temps !

M. Frédéric Barbier. De nombreuses dispositions vont dans ce sens : tarification des parkings par tranche de quinze minutes, résiliation des contrats d’assurance à tout moment après la première année, service gratuit de mobilité bancaire, facilitation de la résiliation des abonnements aux chaînes cryptées, libéralisation de la vente des tests de grossesse, encadrement de la distribution de crédit renouvelable, lutte contre les clauses abusives, mesure de protection des ménages les plus modestes s’agissant des services essentiels de l’électricité, du gaz, de l’eau, de la téléphonie et de l’internet grâce à l’interdiction des frais de rejet de paiement, entre autres. D’autres dispositions importantes devraient à leur tour voir le jour dans les discussions qui vont suivre.

Mes chers collègues, s’agissant d’un texte sur la consommation, je souhaite que nos débats à venir soient du même tonneau, afin que nous obtenions un cru exceptionnel à utiliser sans modération ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Damien Abad.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Ça va être nuancé…

M. Damien Abad. En toute franchise, monsieur le ministre, nous ne vivons pas dans le même monde ! Que le contraste est saisissant entre ce gouvernement qui, par les dispositions contenues dans ce projet de loi sur la consommation, prétend augmenter le pouvoir d’achat de nos concitoyens, et la réalité dure et cruelle d’une France qui ne cesse de rétrograder et des Français qui n’ont de cesse d’être asphyxiés par le matraquage fiscal indécent que leur fait subir ce même Gouvernement !

M. David Douillet. C’est vrai !

M. Damien Abad. J’en veux pour preuve la colère que manifestent aujourd’hui les professions libérales. De même, que le contraste est saisissant entre les intentions, les effets d’affichage et les effets de manche qui, il est vrai, sont légion dans ce projet de loi sur la consommation, et la réalité de dispositifs à la mise en œuvre complexe, aux contours imprécis et à l’efficacité limitée !

Ce projet de loi, comme tant d’autres que porte ce gouvernement, est une nouvelle fois l’histoire d’un rendez-vous manqué : avec les consommateurs eux-mêmes, qui attendaient autre chose qu’une simple loi bavarde, mais aussi avec les entreprises, à qui l’on a promis un choc de confiance et de simplification, et qui ne trouvent dans ce texte qu’un nouveau choc de défiance et de complexification, tant les outils que vous créez sont complexes, inefficaces et inadaptés à la réalité actuelle. Le matraquage administratif vient compléter et durcir le matraquage fiscal.

Le rendez-vous est manqué aussi avec les Français, qui espéraient que l’on aborde enfin l’économie, la consommation et le pouvoir d’achat, après avoir perdu tant de temps avec des questions de société qui n’ont pour seul effet que de fracturer encore un peu plus une société française déjà bien vacillante. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

L’examen du texte au Sénat, puis en deuxième lecture par la commission, n’a malheureusement ni changé la donne ni rectifié le tir, et n’apporte aucune solution digne de ce nom aux enjeux centraux auxquels notre pays, la France, est confronté : la préservation du pouvoir d’achat, la compétitivité des entreprises et la confiance du consommateur.

Je vous ai beaucoup écouté discourir, monsieur le ministre, sur la préservation du pouvoir d’achat. Vous prétendez alléger la charge que font peser les dépenses contraintes : j’approuve l’objectif, mais de quelle manière le ferez-vous ? Concernant les assurances, je prends le pari que vous allez aboutir à l’effet inverse de celui que vous recherchez.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Vous risquez de perdre !

M. Damien Abad. Concernant la mobilité bancaire, nous ne devons pas avoir lu le même texte ! Votre projet ne contient que des pétitions de principe et est dépourvu de toute mesure concrète et efficace. Enfin, sur les lunettes, vous prenez certes une mesure, mais au détriment de la protection médicale.

Il y a bien, ici ou là, quelques mesures positives pour la protection du consommateur, comme le renforcement du dispositif Pacitel, les meilleures garanties entourant les achats en ligne ou à distance, ou la prise en compte de l’épineux sujet de l’obsolescence programmée. Pourtant, le compte n’y est pas, et ces quelques mesurettes ne sont qu’une infime goutte d’eau dans un océan d’incertitudes fiscales, économiques et budgétaires. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Pis encore, certaines dispositions de votre projet de loi pourraient être contreproductives et créer l’effet inverse de celui qui est recherché. J’en veux pour preuve les trois réformes clé proposées par votre texte sur les actions de groupe, le fichier positif et la réforme des assurances.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Heureusement pour vous, M. Lefebvre est sorti !

M. Damien Abad. Je vous ai entendu dire, monsieur le ministre, que l’action de groupe allait révolutionner le monde, que les consommateurs l’attendaient depuis des années et que le pouvoir d’achat des ménages en serait amélioré. La modestie et l’humilité obligent à dire que l’outil peut certes être utile, mais encore faut-il en examiner les modalités pratiques d’application. Telle que vous l’avez décidée, cette action de groupe ne marchera pas.

M. David Douillet. Et ce n’est ni la première, ni la dernière mesure du genre !

M. Damien Abad. Vous le savez vous-mêmes : elle ne marchera pas car les associations de consommateurs n’auront pas les moyens d’indemniser les préjudices subis par les consommateurs. Elle ne marchera pas car ces mêmes consommateurs seront soumis au bon vouloir desdites associations, qui décideront seules d’engager ou non une action en justice.

M. Nicolas Bays. Il n’a pas compris le texte !

M. Damien Abad. Elle ne marchera pas car vos procédures – en effet, vous en prévoyez deux, et non une seule – coûteront trop cher aux associations, et parce qu’elles seront trop complexes pour les consommateurs et trop risquées pour les entreprises.

M. David Douillet. C’est vrai !

M. Damien Abad. Enfin, elle ne marchera pas car vos actions de groupe seront censurées par le Conseil constitutionnel pour non-respect des principes de liberté d’accès à la justice, d’égalité devant la justice et de non-rétroactivité de la loi.

Quant au fichier positif, nous doutons fortement de son efficacité à lutter contre le surendettement et de l’opportunité qu’il y a à le mettre en œuvre, tant le coût pour les finances publiques sera élevé et les risques en matière de respect de la vie privée seront nombreux.

Enfin, la réforme des assurances, parce qu’elle est plus idéologique qu’efficace, ne produira pas la baisse des prix escomptée et comporte de réels risques que bon nombre de nos concitoyens se retrouvent sans assurance.

Comme je vous le disais en préambule, l’examen du texte au Sénat et la deuxième lecture en commission des affaires économiques n’ont pas permis d’apporter de véritables améliorations à ce texte. Hormis la consécration du dispositif Pacitel, le retour à douze mois pour la présomption de défaut de conformité – que nous confirmerons en séance, je l’espère – et la limitation de la clause de solidarité entre époux, force est de constater qu’il n’y a pas de changements majeurs.

J’irai même plus loin : sur les principaux enjeux du texte que sont l’étiquetage de l’origine de la viande et le « fait maison », qui sont autant de sujets concrets pour les Français, c’est l’UMP qui doit vous pousser dans vos retranchements, monsieur le ministre, pour obtenir des avancées plus importantes. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Lefebvre, reviens !

M. Damien Abad. Vous savez bien, monsieur le rapporteur, que, sur ces sujets-là, vous avez besoin d’une opposition constructive…

M. Razzy Hammadi, rapporteur. C’est vrai !

M. Damien Abad. …pour vous faire avancer et pour faire avancer l’administration centrale.

M. Thierry Benoit. Oui, vous avez besoin d’un aiguillon !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. L’opposition est constructive à la baisse… Et même au marteau !

M. Damien Abad. Au cours de cette deuxième lecture, les membres du groupe UMP – de même que le groupe UDI – auront des amendements à vous proposer afin d’aller plus loin que le texte que vous nous soumettez. Nous allons dans le même sens, mais nous souhaitons vous donner davantage d’outils et d’éléments pour que vous puissiez faire face à cette Commission européenne que vous combattiez tant autrefois.

Enfin, le groupe UMP souhaite vous alerter sur la question des lentilles de contact qui doivent, au même titre que les lunettes, faire l’objet d’une prescription médicale. En outre, prolonger de trois à cinq ans la durée de validité des ordonnances pour les lunettes ou lentilles comporte, vous le savez, un risque médical réel.

Mme Edith Gueugneau. Voilà le lobby des ophtalmologistes !

M. Damien Abad. Le débat que nous avons eu en commission démontre l’incohérence totale du dispositif qui a été proposé à l’Assemblée.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Ce n’est pas le texte !

Mme Chantal Guittet. Vous avez mal lu le projet de loi !

M. Damien Abad. À cet égard, le fait que vous ayez consacré la moitié de votre intervention, monsieur le ministre, à expliquer que la libéralisation allait redonner du pouvoir d’achat aux Français ne manque pas de sel, venant de vous qui étiez naguère vent debout contre la libéralisation et le dogme concurrentiel de Bruxelles ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Que de reniements ! Ouvrez les yeux, monsieur Abad ! (Sourires.)

M. Damien Abad. Pour conclure, l’UMP vous a proposé et continuera de vous proposer tout au long de nos débats une feuille de route qui vise à concilier la protection du consommateur et la compétitivité de nos entreprises. S’agissant de consommation, nous pensons que le pragmatisme, la volonté et les convictions valent mieux que l’esprit partisan, le renoncement et les tâtonnements. Je vous le dis comme je le pense : nous regrettons que, par pur dogmatisme, vous brisiez le consensus politique qui existait traditionnellement sur les lois relatives à la consommation. C’est à cause de ce biais idéologique que vous ne défendez pas les entreprises, que vous ne défendez plus les commerçants, encore moins les avocats ou les huissiers, que vous considérez comme des nantis – sans parler des pharmaciens et des opticiens. (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Ce projet de loi, c’est le symbole d’une gauche qui, au lieu de s’attaquer au pouvoir d’achat des Français,…

M. Razzy Hammadi, rapporteur. S’attaquer au pouvoir d’achat, vous l’avez déjà fait !

Mme Chantal Guittet. Nous, nous le défendons !

M. Damien Abad. …veut s’attaquer aux prétendues rentes de situation, qui n’existent plus en période de crise.

L’opposition, monsieur le ministre, s’est voulue constructive tout au long de ces débats.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. On l’a vu !

M. Damien Abad. Pourtant, vous ne l’écoutez point, même si l’envie ne doit parfois pas vous en manquer.

Avec cette deuxième lecture, vous avez une dernière chance de rééquilibrer ce texte. Monsieur le ministre,…

M. Thierry Benoit. Écoutez bien !

M. Damien Abad. …saisissez cette chance ! Il est grand temps que vous écoutiez l’opposition et, surtout, que vous entendiez les Français. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Pour une intervention au couteau !

M. André Chassaigne. Comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, madame et monsieur les rapporteurs, ce texte est important. Je salue d’ailleurs, en introduction, votre engagement mêlant la vision des objectifs à atteindre, une forme d’humilité de bon aloi et, il faut le reconnaître, un vrai travail de préparation.

Pourtant, à l’occasion de la deuxième lecture sur ce projet de loi relatif à la consommation, les députés du Front de gauche regrettent l’ambition limitée du texte. On pourrait parler d’une forme de « consommation frugale ». (Sourires.) Mais sans doute avez-vous fait le choix d’une loi qui n’est pas un couteau suisse, ce couteau qui veut répondre à tout par son usage multiple. Vous avez plutôt privilégié la beauté et la simplicité du Laguiole, qu’il soit fabriqué en Aubrac ou en pays thiernois ! (Même mouvement.)

Ce texte sur la consommation était attendu depuis plusieurs années. Il n’atteint cependant que quelques-unes des cibles potentielles. Ne pouvant être exhaustif, je n’aborderai que certains points du texte.

L’action de groupe qui nous est présentée est une avancée. Elle est cependant très filtrée, s’agissant, d’une part, du champ des délits couverts, d’autre part, des instances autorisées à saisir la justice.

Nous souhaitons toujours que les délits liés à la santé, à l’environnement, ou encore au logement, puissent faire l’objet d’une action de groupe. Par ailleurs, la disposition qui vise à rendre irrecevable une action de groupe se fondant sur les mêmes faits et les mêmes manquements que ceux ayant fait l’objet d’un accord homologué par le juge suite à une médiation, est dommageable. En effet, si une ou plusieurs des associations agréées ne sont pas parties au litige, elles n’auront pas la possibilité de participer à la médiation, alors même que celle-ci ne reflétera pas nécessairement leur point de vue. Pourquoi une association ne pourrait-elle plus saisir la justice dès lors qu’une autre l’a fait ? N’y a-t-il pas là un vrai problème démocratique ?

De plus, lors de nos débats en première lecture, Mme la ministre de la santé avait déclaré qu’une action de groupe dans le domaine sanitaire était en préparation. Monsieur le ministre, nous souhaitons en savoir plus sur cette promesse. Savez-vous où en est le dossier ? Les consultations ont-elles été réalisées ? Quand pouvons-nous nous attendre à un texte de loi en bonne et due forme sur cette question ? Je pense que vous répondrez après la discussion générale.

À mettre à votre crédit, monsieur le ministre – si toutefois l’on peut parler de crédit à l’occasion d’un texte sur la consommation ! (Sourires) –, l’accroissement des pouvoirs d’enquête de la DGCCRF, ainsi que des sanctions encourues en cas de pratiques anticoncurrentielles. Nous y sommes favorables. Cependant, nous demandons une nouvelle fois que des moyens financiers et humains réels soient mis sur la table. Nous pouvons voter des dispositions qui durcissent les contrôles, mais si ceux-ci ne sont pas effectifs, faute de contrôleurs, ce projet de loi ne servira à rien.

Cible privilégiée de la droite, la DGCCRF a subi des baisses d’effectifs considérables : 15 % en six ans, soit une perte de 561 emplois. Elle ne compte plus désormais que 3 000 agents, dont à peine 2 000 enquêteurs ! À ce jour, quarante-huit départements comptent moins de douze agents, vingt-huit départements moins de huit agents !

Nous savons que cette régression de la puissance publique est éminemment politique. Ne pas augmenter les moyens de la DGCCRF et, de surcroît, les réduire, était un choix délibéré de la droite,…

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Bien sûr !

M. André Chassaigne. …qui participait du même mouvement que la dépénalisation progressive du droit des affaires et de la délinquance en col blanc.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Absolument !

M. André Chassaigne. Il s’agissait de protéger, voire d’assurer l’impunité de certaines entreprises en matière de pratiques anticoncurrentielles et de fraudes diverses.

Malheureusement, il nous faut en faire le constat, monsieur le ministre, les moyens de la répression des fraudes n’ont pas été accrus par la présente majorité. Pour le moment, me direz-vous. Sans doute me répondrez-vous tout à l’heure sur ce point.

M. Thierry Benoit. Il l’a dit dans son propos…

M. André Chassaigne. Je vois que le centre vient à la rescousse de la social-démocratie ! (Rires.)

L’annonce récente de l’aggravation de la saignée budgétaire par réduction des dépenses publiques à hauteur de 15 milliards par an jusqu’à la fin du quinquennat n’est pas pour nous rassurer sur ce point. Comme tous les services publics, la DGCCRF est victime de la politique d’austérité sans précédent décidée par le Gouvernement – vous avez affirmé le contraire, mais vous y reviendrez sans doute dans votre réponse. Aussi puis-je employer, avec beaucoup de plaisir, l’expression « politique d’austéritude » ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Valérie Boyer. Jolie expression !

M. André Chassaigne. Pourtant, ce projet de loi prévoit le renforcement des pouvoirs de la DGCCRF. C’est un premier pas, un pas appréciable. Cela revient à reconnaître qu’il est nécessaire de procéder à des contrôles, à des inspections, avec des sanctions à la clé, pour assurer que le fonctionnement du marché ne soit pas trop défavorable au consommateur. Autrement dit, l’autorégulation ne saurait suffire.

Il devrait d’ailleurs en être de même s’agissant des salaires, des bonus et des retraites chapeaux des grands patrons et des mandataires sociaux. Ici aussi, un contrôle et une régulation sont plus que nécessaire ! C’était d’ailleurs une promesse de campagne du candidat Hollande. Le cas de Philippe Varin, président du directoire du groupe PSA, auteur de plans de licenciements mettant à la porte des salariés par milliers, mais obtenant 21 millions d’euros de retraite chapeau, devrait nous faire réfléchir. En matière de salaire comme de régulation, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit.

Je voudrais aussi revenir sur le volet relatif à l’identification de l’origine des produits agricoles et alimentaires, qui était quasiment absent du texte en première lecture. Il a fait, depuis, l’objet d’un large débat, prolongé au Sénat avec la reprise de nos amendements, qui avaient aussi été présentés par d’autres groupes,…

M. Thierry Benoit. Tout à fait !

M. André Chassaigne. …concernant l’étiquetage obligatoire de tous les produits agricoles, ainsi qu’une disposition plus spécifique concernant l’origine pour la viande. Si je me félicite, bien entendu, de ces ajouts qui prévoient de rendre obligatoire l’étiquetage de l’origine de tous les produits agricoles et alimentaires, je fais le constat que ces dispositions ont une nouvelle fois été quasiment vidées de leur contenu. Comment ? Par un simple renvoi à l’arbitrage de la Commission européenne, une fois que celle-ci aura déclaré compatible avec le droit de l’Union européenne l’obligation prévue par les articles L. 112-11 et L. 112-12 du code de la consommation.

Monsieur le ministre, en première lecture, vous aviez rejeté ces propositions en arguant qu’il fallait attendre le rapport européen sur la mise en œuvre de l’étiquetage. Cependant, vous avez fait preuve d’un réel volontarisme en prenant l’initiative du déplacement d’une délégation de parlementaires à Bruxelles pour y voir clair et mesurer le niveau du blocage européen.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. C’est fait !

M. André Chassaigne. Vous nous avez ensuite assuré que la négociation était en bonne voie avec nos partenaires européens et la Commission. Puis, vous avez opté pour une inscription dans le texte au Sénat… tout en renvoyant à l’arbitrage européen. Cela me rappelle un peu – François Brottes va sans doute s’en souvenir – la tournure des débats que nous avions eu sur le projet de loi sur les OGM et le fameux amendement n°252, appelé « amendement Chassaigne », que j’avais fait adopter et qui, en fait, était soumis, pour être effectif, à une définition européenne ! Attendre… Toujours attendre que la Commission donne un feu vert qu’elle a bien du mal à donner ! Elle vient d’ailleurs de reporter la remise de son rapport sur l’étiquetage obligatoire des viandes, faute d’accord entre ses commissaires.

Quant à la proposition législative qui devait suivre, elle n’est tout simplement plus à l’ordre du jour. La pire des choses serait que, le scandale de la viande de cheval passé, il ne se passe plus rien. Au regard des reports multiples et du peu de transparence concernant les échanges en cours au niveau européen sur ce sujet, c’est pourtant ce qu’il faut craindre. Et je ne doute pas des trésors d’imagination des commissaires pour produire, au final, des propositions a minima, comme celle qui consisterait à un simple étiquetage volontaire ! C’est aussi désastreux pour l’image de l’Europe que pour la santé du consommateur…

Mme Jeanine Dubié. Absolument !

M. André Chassaigne. Monsieur le ministre, le volontarisme de la France dans ce domaine est bien réel. Il est relayé par vos efforts, il ne s’agit pas pour moi de le nier. Ce volontarisme répond à la demande légitime des consommateurs, échaudés par les scandales sur l’origine et la qualité des produits qu’ils consomment, comme à celle des producteurs agricoles, victimes du dumping social, environnemental et sanitaire.

Nous le savons, par cet étiquetage obligatoire, d’abord des viandes à l’état brut ou transformé, mais aussi de l’ensemble des produits alimentaires, nous touchons directement au « grisbi » des intermédiaires multiples et aux stratégies de marges de la grande distribution. (« Oui ! » sur les bancs du groupe SRC.) Soyons réalistes, nous savons bien que la Commission aura du mal à mettre des bâtons dans les roues des traders en « minerai de bœuf » ou des spécialistes du dumping social agricole sur les cultures légumières ou fruitières, pour ne citer que ces dérives.

Il faut donc bousculer la Commission européenne, la pousser dans ses retranchements, en faire une question d’intérêt général. Le Gouvernement doit être à l’initiative d’un grand mouvement populaire à l’échelle européenne pour appuyer la position française, en associant parlementaires européens et gouvernements attachés à cette avancée.

C’est en toute conscience de l’importance et de la portée de ces dispositions que je souhaite que la représentation nationale fasse un choix de clarté et de respect des consommateurs et des agriculteurs français. Nous ne pouvons nous arrêter là où la Commission souhaite que nous nous arrêtions. Nous ne pouvons pas légiférer le doigt sur la couture du pantalon, en nous soumettant aux bonnes grâces des technocrates libéraux de Bruxelles, qui placent dans leur hiérarchie des valeurs la concurrence libre et non faussée bien au-dessus de la juste information des consommateurs et de la juste rémunération des producteurs agricoles.

Ne nous arrêtons pas en chemin ! Nous mesurons les dégâts pour l’emploi du laisser-faire en matière de commercialisation des denrées alimentaires. Nous mesurons les effets de la concurrence déloyale des productions des pays tiers, que subissent les producteurs. Nous mesurons le besoin d’agir pour une réorientation de notre modèle agricole et alimentaire vers des productions relocalisées et de qualité. Nous mesurons l’opacité volontaire entretenue envers les consommateurs, notamment sur les produits transformés. Ne refusons pas de prendre dès maintenant une mesure de transparence, d’une efficacité redoutable si elle s’accompagne des moyens humains de contrôle : l’obligation de la mention du pays d’origine sur tous les produits agricoles et alimentaires, en commençant, s’il le faut, par la viande.

Pour pousser le rapport de force jusqu’au bout, je propose que nous adoptions ces dispositions concernant l’obligation d’étiquetage sans restriction ni limitation aucune. C’est l’objet des amendements que j’ai déposés sur l’article 4. J’aurai l’occasion d’y revenir dans le débat. Les adopter, ou d’autres similaires, sera de la responsabilité de nous tous, ici, quelles que soient nos sensibilités politiques respectives.

M. Thierry Benoit. Très bien !

M. André Chassaigne. Il nous faut émettre un vote de combat, un vote citoyen, un vote pour l’intérêt général, un vote qui nous grandira, un vote qui vous aidera, monsieur le ministre, quel que soit l’avis que vous serez contraint d’émettre.

Je souhaite également revenir brièvement sur le chapitre IV du projet de loi, qui concrétise la volonté d’aboutir à la création d’indication géographique protégeant les produits industriels et artisanaux.

La question n’est pas nouvelle. Elle était au cœur du projet de loi Lefebvre, qui s’est d’ailleurs malheureusement essoufflé avant d’arriver au terme de la procédure. Depuis, les échanges se sont poursuivis, notamment durant l’examen du présent projet de loi en première lecture, au sujet des critères à prendre en compte pour que cette extension des indications géographiques soit la plus favorable aux productions françaises de qualité. Mme la ministre Pinel a multiplié les auditions et concertations autour de ce bel ouvrage – je tiens à l’en remercier.

Je le répète, nous touchons potentiellement des centaines, voire des milliers d’artisans et d’industriels dont les savoir-faire et les produits manufacturés font partie intégrante de notre patrimoine culturel. Vous l’avez d’ailleurs dit lors de la présentation du texte, monsieur le ministre, en ouvrant les indications géographiques au-delà du secteur agricole et alimentaire, nous abordons directement plusieurs enjeux : la protection et la valorisation de nos productions nationales, l’information des consommateurs sur la qualité et l’origine des produits, le développement industriel et artisanal, et l’emploi dans notre pays. J’ajoute que nous lançons une dynamique nouvelle pour nos exportations.

Cette avancée législative doit être la plus aboutie possible, afin que nos productions nationales puissent en tirer le meilleur avantage. C’est l’intérêt général qui doit nous guider, excluant tout clientélisme et toute position rabougrie. Pour aller dans ce sens, je propose de préciser une nouvelle fois par amendement les contours de l’homologation des indications géographiques par l’INPI. J’y reviendrai dans la discussion des articles.

J’en viens maintenant à la question tout à fait centrale du crédit. Sur ce point, ce projet de loi n’est pas sans nous inquiéter : vous savez, monsieur le ministre, que nous avons une divergence sur cette question. Le Gouvernement entend instaurer un fichier des détenteurs de crédit ; c’est une vieille demande de l’UDI, notamment – M. Benoît écoute, c’est bien !

Mme Pascale Got. Il n’est pas le seul ! (Sourires.)

M. André Chassaigne. Nous ne sommes pas favorables à ce dispositif…

M. Thierry Benoit. Vous avez tort, monsieur Chassaigne !

Mme Arlette Grosskost. Absolument ! Sur ce point, je rejoins l’UDI !

M. André Chassaigne. Nous sommes ici pour échanger !

Ce dispositif revient en effet, à notre avis, à pénaliser les familles et à garantir l’impunité des banques pourvoyeuses de crédits.

M. Thierry Benoit et M. Nicolas Bays. C’est l’inverse !

M. André Chassaigne. Je vais donc essayer de m’expliquer, si vous me le permettez, dans le temps qui m’est imparti.

M. Thierry Benoit. Nous vous écoutons avec grand plaisir !

M. Nicolas Bays. Vous êtes président de groupe : vous disposez donc d’une heure !

M. André Chassaigne. En l’espèce, malgré les apparences, il ne s’agit pas d’une mesure favorable aux consommateurs, mais bien aux entreprises. Nous pensons que ce fichier comporte de très nombreux risques de dérives. La CNIL s’en est d’ailleurs fait l’écho.

M. Damien Abad. Voilà !

M. André Chassaigne. C’est la généralisation du contrôle de la solvabilité des familles par les entreprises qui est en jeu. Prenons le cas du logement, où la pénurie fait rage. Aujourd’hui, les bailleurs n’hésitent plus à appeler les employeurs pour vérifier la nature des contrats de travail et le montant des salaires des candidats. Les agences immobilières font appel à des intermédiaires dans les banques, afin de contrôler – tout à fait illégalement, d’ailleurs – le niveau des encours bancaires des impétrants. Avec ce fichier, ce type de détournement risque de se banaliser. Sa conséquence principale sera d’enfoncer les familles les plus en difficulté en leur coupant tout accès au logement, au crédit et à la consommation. Rien ne permettra de garantir la confidentialité des informations obtenues. Les entreprises concernées, amenées à payer pour consulter le fichier, archiveront les données obtenues afin de réduire leurs coûts.

Certes, une disposition du projet de loi prévoit d’interdire aux bailleurs de demander à un candidat à la location la copie des informations contenues dans le registre national des crédits aux particuliers ou la preuve qu’il n’est pas inscrit dans ce registre. Cette disposition peut paraître séduisante – elle l’est, d’ailleurs ! Pourtant, ainsi que le signale la Confédération nationale du logement, comme pour la liste des clauses réputées non écrites, il va de soi que les bailleurs ne se gêneront pas pour demander la transmission de ces informations. Dans la spirale infernale de l’offre et de la demande, il est à craindre que beaucoup de locataires se sentiront contraints de les transmettre, comme ils transmettent parfois, sous contrainte, leurs relevés de comptes et autres renseignements privés. Je suis sûr que peu d’entre nous n’ont pas eu connaissance, dans leur entourage, de ce type d’agissements.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. C’est vrai, mais ce n’est pas le sujet !

M. André Chassaigne. Dans nos familles, pour nos enfants, pour nos voisins, c’est une réalité concrète mais tout à fait illégale. Peut-être même que certains d’entre vous ont pu produire, pour permettre à leurs enfants d’obtenir un logement, leur bulletin de salaire mentionnant leur indemnité de député – ce qui donne, d’ailleurs, quelques garanties !

Mme Arlette Grosskost. Cela ne suffit pas toujours !

M. Jean-Louis Bricout. Nous sommes en CDD, quand même ! (Sourires.)

M. André Chassaigne. Ainsi, ce fichier se retournera contre les consommateurs. D’ailleurs, les banques ne sont en rien hostiles à cette mesure, alors même qu’elles sont à l’origine du problème, puisque ce sont ces établissements qui, par des filiales, proposent aux ménages en difficulté des produits financiers toxiques comme le crédit revolving.

M. Damien Abad M. David Douillet et Mme Arlette Grosskost. C’est vrai !

M. André Chassaigne. Ainsi, le projet de loi ne prévoit rien pour limiter la multiplication des crédits nocifs,…

M. Dino Cinieri. Nous sommes d’accord !

M. André Chassaigne. …mais il autorise une forme de fichage de la population.

M. Damien Abad. Vous êtes l’avenir de la gauche, monsieur Chassaigne !

M. André Chassaigne. Je m’attendais à ce que certains me traitent de stalinien, comme cela arrive parfois. Mais je constate que cela ne s’est pas produit : tant mieux !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Nous ne sommes pas en Ukraine !

M. Damien Abad. Vous ne réagissez pas, monsieur Hammadi ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Je ne comprends plus rien !

M. David Douillet. Ça, c’est normal !

M. André Chassaigne. Cela m’amène à l’une des revendications que les députés du Front de gauche portent vigoureusement en matière de consommation : je veux parler de l’interdiction du crédit revolving. Mon cher collègue président François Brottes, lors de la précédente législature, Jean-Marc Ayrault,…

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Excellent président de groupe !

M. André Chassaigne. …et l’ensemble des députés socialistes demandaient à cor et à cri l’interdiction du crédit revolving, jusque dans leurs niches parlementaires.

M. Damien Abad. M. Ayrault ne savait pas encore qu’il deviendrait Premier ministre !

M. André Chassaigne. Nous les avons soutenus dans ce combat où ils se heurtaient aux arguments du lobby bancaire, relayés en particulier par Mme Lagarde. Aujourd’hui, quelle surprise de constater que ces mêmes arguments sont repris par la nouvelle majorité ! Pourtant, le crédit revolving est une véritable machine de guerre contre les familles populaires. Les personnes les plus modestes sont celles qui sont les plus exposées à la violence des mécanismes de recouvrement, qui les mettent dans l’incapacité de rembourser.

Mme Jeanine Dubié. C’est vrai !

M. André Chassaigne. C’est en interdisant ces produits financiers que nous contribuerons à prévenir le surendettement, et non en donnant quitus aux banques à travers un fichier positif, alors qu’elles sont les principales responsables du surendettement !

Mme Jeanine Dubié. Très juste !

M. André Chassaigne. Soyez attentif, monsieur Hammadi. Lorsque nous avons défendu cet amendement en première lecture, vous m’aviez répondu ceci : « Je veux vous rappeler qu’aucune association de consommateurs ne propose la suppression du crédit revolving. »

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. C’est « Hammadi m’a dit » ! (Sourires.)

M. André Chassaigne. J’ai été très surpris et, pour tout dire, un peu choqué, au-delà de l’amitié qui nous unit, d’apprendre quelques jours plus tard que la Confédération nationale du logement réclamait au contraire avec force et depuis très longtemps la suppression du crédit revolving. Sur cette question, elle vous avait d’ailleurs sollicité bien avant le débat en tant que rapporteur, monsieur Hammadi, mais vous n’aviez pas pu la rencontrer pour évoquer ce sujet.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Sur ce sujet, en effet.

M. André Chassaigne. Il s’agit pourtant d’une association de consommateurs que nous ne pouvons pas ignorer, puisqu’elle fait partie des seize agréées par le présent projet de loi pour conduire une action de groupe. Pourquoi avoir refusé de rencontrer ses représentants sur ce point ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Mais nous les avons rencontrés par ailleurs !

M. André Chassaigne. J’espère que vous n’avez pas cherché à travestir la vérité, dans cet hémicycle, pour masquer le renoncement du parti socialiste sur l’interdiction du crédit revolving !

M. Dino Cinieri. Oh !

M. André Chassaigne. J’espère que cette accusation ne serait absolument pas fondée !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Ce n’est pas honnête intellectuellement, monsieur Chassaigne. Cette question doit être liée au fichier positif !

M. André Chassaigne. Quoi qu’il en soit, le parti socialiste a renoncé à l’interdiction du crédit revolving.

M. Damien Abad. Il y a beaucoup d’autres renoncements !

M. André Chassaigne. Les députés du Front de gauche portent fièrement cette revendication, qui était celle de toute la gauche il y a encore quelques mois.

M. David Douillet. Ça, c’était avant que le parti socialiste accède au Gouvernement !

M. André Chassaigne. Nous invitons nos collègues de gauche à nous soutenir lors de l’examen de nos amendements.

Nos collègues sénateurs du groupe communiste, républicain et citoyen avaient également repris nombre de propositions jadis portées par toute la gauche, et qui ont pourtant été refusées, en matière de réduction de la durée d’engagement des abonnements téléphoniques, d’encadrement des prix agricoles, sur les cartes de paiement, sur le taux d’usure, ou encore sur le service bancaire de base. Nous ne nous résolvons pas à ces renoncements, que j’espère provisoires. Je prendrai un autre exemple concernant le blocage des sites internet : hier opposée à cette mesure quand elle était portée par M. Lefebvre, la majorité y est aujourd’hui favorable, sans que l’on comprenne bien son cheminement intellectuel.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Nous vous expliquerons !

M. André Chassaigne. Nous comprenons d’autant moins l’attitude de la majorité que des nouveautés sont apparues dans le projet de loi. Il en est ainsi de l’autorisation de vente des tests de grossesse et des produits d’optique en supermarché ou en ligne. Lors de la présentation du texte, monsieur le ministre, il me semble que vous avez parlé uniquement de la vente en ligne, mais je crois que la vente en supermarché est également prévue – vous y reviendrez sans doute. Pour notre part, nous sommes dubitatifs – admirez le choix de l’adjectif ! (Sourires) – quant à ces libéralisations, car de tels produits doivent demeurer dans le giron des professionnels de la santé.

Mme Valérie Boyer et Mme Arlette Grosskost. Très bien !

M. André Chassaigne. Certes, vous évaluez le gain potentiel de cette mesure sur les produits d’optique à 1 milliard d’euros pour les consommateurs. Dans ce domaine comme dans d’autres, je crains que l’estimation ne soit plus belle que le résultat : 1 milliard d’euros, c’est quand même beaucoup !

Vous le voyez, les députés du Front de gauche sont quelque peu déçus par ce projet de loi qui manque d’ambition pour les consommateurs et ne suscite d’ailleurs aucun enthousiasme particulier. Que dire ? Je pourrais qualifier ce projet de loi de « globalement positif », mais compte tenu de la référence historique, cette expression n’est pas la meilleure ! Je pourrais dire : « Peut mieux faire », mais quand j’étais principal de collège et que des professeurs notaient cette expression sur une copie d’élève, je me mettais en colère en disant qu’elle n’était pas correcte. Il me revient à l’esprit cette belle phrase d’Antonio Machado : « Il n’y a pas de chemin, le chemin se fait en marchant. » C’est pour cette raison que les députés du Front de gauche voteront ce texte, comme ils l’ont fait en première lecture,…

M. Damien Abad. Tout ça pour ça !

M. André Chassaigne. …en espérant que les évolutions permettront aux sénateurs communistes de voter eux aussi ce projet de loi, sur lequel ils se sont abstenus en première lecture au Sénat. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme Jeanine Dubié. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Pascale Got.

Mme Pascale Got. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je concentrerai mon intervention sur l’action de groupe, puisqu’il s’agit d’une mesure phare de ce projet de loi. Cette action de groupe « made in France » nous éloigne un peu des dérives du dispositif américain : elle est mieux équilibrée et plus responsable.

Il est vrai qu’au XXIsiècle, la consommation n’oppose pas les bons et les méchants, mais reconnaissons qu’elle a considérablement évolué, tant sur le plan sociétal que dans les pratiques commerciales et dans les exigences des consommateurs, sans parler d’Internet qui est également entré dans le bal. Il était pour le moins nécessaire de progresser dans l’instauration de droits et de devoirs.

De retour du Sénat, les dispositions consacrées à l’action de groupe ont subi quelques modifications. Nous serons amenés à revenir sur certaines d’entre elles : c’est d’ailleurs ce que nous avons déjà fait en commission des affaires économiques. Cependant, il faut bien reconnaître que la procédure conserve les mêmes fins, notamment la réparation du préjudice économique, tant en matière de consommation que de pratiques anticoncurrentielles. Le Sénat a également confirmé la nécessité de saisir l’association nationale de consommateurs agréée pour intenter l’action en justice. Le travail parlementaire des deux chambres a permis d’améliorer l’efficacité de l’action de groupe, s’agissant notamment des voies de liquidation accélérées, et de réduire le risque de déperdition des preuves.

Aussi, à l’issue de cette deuxième lecture à l’Assemblée nationale, les conditions applicables au dispositif permettront-elles de l’étendre au champ de la santé et, progressivement, à celui de l’environnement. C’est votre engagement, monsieur le ministre, et je crois qu’il va dans le bon sens.

Pour le plus grand plaisir du rapporteur, je souhaite revenir sur le sujet de la restauration et de l’obligation du « fait maison ». Je suis à l’origine de l’introduction dans le texte, en première lecture, de cette obligation, sur laquelle le Sénat est revenu, sans motivation ni proposition pertinente.

La commission des affaires économiques a rétabli le caractère obligatoire de cette mention,…

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

Mme Pascale Got. …plébiscitée, je vous le rappelle par les consommateurs et un très grand nombre de professionnels. Le caractère obligatoire induit le contrôle et freinera surtout l’envie de tricher quand le « fait maison » n’est en réalité que de l’assemblage de produits industriels. Il est évident que cette mention ne règle pas tous les problèmes en matière de transparence, laquelle peut être encore renforcée. Néanmoins, cette mention est un début d’avancée et je sais que la ministre de l’artisanat, Mme Sylvia Pinel, continue de travailler en ce sens.

Enfin, qu’il s’agisse de l’action de groupe ou du « fait maison », ces sujets qui a priori nont aucun rapport entre eux révèlent la nécessité d’un texte sur la consommation. Celle-ci est peut-être l’un des champs qui évoluent le plus vite ; de nouvelles failles apparaissent et il est indispensable que le législateur intervienne pour les combler.

Grâce à ce texte, monsieur le ministre, nous repositionnons le consommateur au centre du dispositif et nous faisons progresser la législation française. Nous encourageons donc des changements, comme vous êtes en train de le faire avec votre projet de loi sur l’économie sociale et solidaire. C’est prendre une bonne direction que de faire avancer des pratiques économiques plus vertueuses, plus respectueuses et plus protectrices des personnes plutôt que de promouvoir des intérêts purement matériels. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. David Douillet.

M. David Douillet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances rectificative pour 2013, qui sera soumise au vote de notre assemblée demain, a fait apparaître un décalage abyssal entre les prévisions de recettes fiscales du Gouvernement, faites il y a un peu plus d’un an, et ce qui devrait finalement atterrir dans les caisses de l’État.

Mme Arlette Grosskost. C’est vrai !

M. David Douillet. Pas moins de 11 milliards d’euros d’écart, qui s’expliquent, d’une part, par la baisse du pouvoir d’achat de nos concitoyens en raison du matraquage fiscal opéré par le Gouvernement depuis maintenant dix-huit mois, qui, fatalement, a porté un coup de massue sans précédent à la consommation – la baisse des recettes de TVA attendues s’élevant ainsi à 5,6 milliards d’euros – et, d’autre part, par l’insupportable agonie de notre économie,…

M. Damien Abad. Eh oui !

M. Nicolas Bays. À qui la faute ?

M. David Douillet. …qui ne peut décemment survivre avec une telle pression fiscale, les recettes d’impôt sur les sociétés ayant un rendement inférieur de 3,8 milliards à ce qui a été voté en décembre 2012.

Permettez-moi à cet égard de relayer dans cette assemblée l’appel au secours que j’ai reçu la semaine dernière d’une entreprise située dans ma circonscription, aux Alluets-le-Roi – très joli village – et dont la cotisation foncière des entreprises a quasiment triplé, passant de 817 euros à 2 268 euros. La valeur locative a été augmentée par l’État.

Je trouve donc très malvenu de présenter un projet de loi relatif à la consommation qui ne traite pas du pouvoir d’achat et encore moins du soutien à nos entreprises.

À ce stade du débat, puisque je suis le huitième orateur intervenant dans la discussion générale, je ne reviendrai pas sur tout ce qui a déjà été dit. Je m’associerai à mes collègues Thierry Benoit et Damien Abad, pour vous faire observer que vous auriez pu ordonner aux différentes administrations de cesser d’étouffer nos entreprises, d’entrer dans une ère de simplification des démarches et des normes.

M. Damien Abad. On attend toujours le « choc de simplification » !

M. Thierry Benoit. Il a raison !

Mme Arlette Grosskost et M. Dino Cinieri. C’est vrai !

M. David Douillet. Les entreprises n’en peuvent plus.

M. Dino Cinieri. Comme les Français !

M. David Douillet. Elles vous le demandent, monsieur le ministre. Elles le crient très fort : « Laissez-nous travailler ! Arrêtez de nous faire perdre du temps ! » Voilà ce qu’elles disent chaque jour.

M. Dino Cinieri. C’est vrai !

M. David Douillet. Or, vous faites l’inverse, en proposant une myriade de dispositions contraignantes et de sanctions pour nos entreprises. Avec l’ensemble de mes collègues du groupe UMP qui ont travaillé sur ce texte en première lecture, et dont je salue le travail, nous avons formulé des propositions constructives qui vont dans le sens d’un meilleur équilibre des relations commerciales, sans stigmatiser l’entreprise.

La relance de la consommation par l’économie, en garantissant un meilleur niveau de protection aux consommateurs, doit être un objectif poursuivi par tous. Je trouve donc dommage que le Gouvernement ne profite pas de l’expertise qui peut être la nôtre, en rejetant systématiquement les propositions d’amélioration que nous lui soumettons.

À cet égard, monsieur le ministre, je souhaite revenir sur notre amendement relatif à l’étiquetage des produits carnés que mon collègue Marc Le Fur et moi-même avions déposé en première lecture. Vous aviez rejeté ces amendements qui vont dans le sens d’une meilleure information des consommateurs – on se rappelle tous le scandale de la viande de cheval estampillée « pur bœuf » – en annonçant qu’un code des usages serait rendu public cet automne à l’initiative des professionnels de l’agroalimentaire. Force est de constater, hélas ! que rien n’a été fait dans ce domaine. J’avais donc raison. Je rappelle que ce scandale a suscité chez bon nombre de consommateurs le souhait de pouvoir vérifier la composition des viandes qui entrent dans la composition des plats cuisinés. Nous en reparlerons.

Aujourd’hui, les professionnels de la filière agroalimentaire n’ont donné aucun signe suffisamment fort pour nous convaincre de leur faire confiance. Aussi, j’attends de votre part que vous fassiez preuve de courage en adoptant les amendements qui vous seront proposés. Défendre l’ensemble des consommateurs, dont nous faisons partie, contre ces pratiques frauduleuses relève de notre responsabilité d’élus. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Thierry Benoit. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Bricout.

M. Jean-Louis Bricout. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons aujourd’hui la deuxième lecture du projet de loi relatif à la consommation, dont j’avais eu l’honneur d’être nommé rapporteur pour avis de la commission du développement durable en première lecture.

Si cette commission n’intervient plus directement dans la procédure à ce stade de nos débats, j’ai néanmoins suivi les travaux de la commission des affaires économiques sur les points examinés dans le rapport que j’avais rédigé. J’ai relu ma première intervention et j’ai pu constater que j’avais tenu un discours de vérité, en mettant l’accent sur certains points qui faisaient l’objet d’avancées plus timides que les ambitions fortes affichées clairement par le Président de la République lors de la conférence environnementale.

La constance étant une nécessité pour assurer la bonne clarté et la bonne lisibilité de nos travaux, c’est avec le même souci de la vérité que je vous dis combien je suis heureux de constater les progrès qui ont été accomplis depuis la première lecture, en juin dernier. Je dresserai rapidement la liste de ces avancées.

La première concerne la pierre angulaire de ce texte, à savoir la création tant attendue de la future action de groupe. Si son périmètre n’évolue pas par rapport à nos débats d’avant l’été, nous conservons néanmoins l’avancée voulue pas nos collègues sénateurs concernant la remise au Parlement par le Gouvernement d’un rapport revenant sur les conditions de mise en œuvre de la procédure d’action de groupe et la possible extension de son champ aux domaines de l’environnement et de la santé. M. le ministre l’a rappelé, mais nous aurons peut-être davantage de précisions quant au calendrier.

Ce rapport interviendra deux ans et demi après la promulgation de la loi, et non plus quatre ans après comme prévu initialement. Nous pourrons donc plus rapidement réfléchir au cadre précis dans lequel pourront s’inscrire les dommages liés à l’environnement. Il ne s’agit pas d’une lubie, mais d’une nécessité et d’une attente exprimée par nos concitoyens, qui savent que la protection de notre environnement constitue l’une des conditions de la préparation de notre pays aux enjeux d’avenir. L’importance que notre majorité accorde à ces questions, dont témoignent la conférence environnementale et le suivi annuel de ses objectifs, en est d’ailleurs la meilleure preuve.

La deuxième avancée dont je me réjouis concerne la mise en place, à titre expérimental, de l’affichage d’un double prix pour un même bien, afin de favoriser de nouvelles pratiques de production et de consommation. Ceux de nos collègues qui ont suivi nos débats se souviennent sûrement que ceux-ci ont été animés et riches en commission. Ils témoignaient sans aucun doute d’un réel intérêt pour la démarche et d’une ouverture possible vers cette expérimentation. Nos collègues sénateurs ont su saisir cette opportunité en proposant une période d’expérimentation de deux ans, entre 2015 et 2017.

L’évolution des débats montre que notre commission du développement durable a eu raison de porter cette proposition d’amendement, puisqu’elle a été reprise. Cette expérimentation fera elle aussi l’objet d’un rapport. Je souhaite qu’il soit l’occasion aussi bien pour le Gouvernement que pour nous d’informer la population de nos territoires et de la sensibiliser aux perspectives d’avenir que constitue le développement de l’économie de la fonctionnalité.

Il en va d’ailleurs de même pour l’économie circulaire, dont nous pourrons très vite, avant le 1er janvier 2015, dresser l’état des lieux afin d’en tracer les perspectives de développement. Oui, assurément, on ne le répétera jamais assez, ces nouveaux modèles que nous avons à inventer ensemble constituent la clé de voûte d’un nouveau système économique dont nous devons poser les bases, celles d’un développement harmonieux, car plus écologique et moins énergivore. Ce système économique implique pour nos entreprises de trouver de nouvelles façons de produire. Non pas pour produire moins, mais pour produire mieux. C’est aussi là que réside une source non négligeable d’emplois : la filière de gestion des déchets d’équipements électriques et électroniques a abouti à la création d’une trentaine de sites industriels de traitement et mobilise déjà 3 500 emplois sur le territoire.

Sur ces deux derniers points – l’économie circulaire et l’économie de la fonctionnalité –, il n’y a pas d’ambiguïté possible. Oui, ce texte est une avancée en ce qu’il nous permet de poser les fondements de l’édifice que nous devrons construire d’ici à la fin du quinquennat. Sur ce point, je vous renvoie aux propos tenus par M. le ministre de l’écologie et du développement durable, lequel nous rappelait, le 30 août dernier, lors d’un déplacement en Gironde que, « pour les besoins de son économie, la France à elle seule utilise un milliard de tonnes de matières par an, alors que le taux d’utilisation de matières premières de recyclage dans l’économie productive française se limite aujourd’hui à 40 % […] Nous devons organiser la récupération et l’exploitation de ce que l’on appelle désormais la "mine urbaine", c’est-à-dire nos déchets de téléphones portables, d’électroménager, de piles, de véhicules hors d’usage ».

C’est pour cette raison que le Gouvernement, avec le soutien de notre majorité, a décidé, lors de la dernière conférence environnementale, de lancer le chantier de l’économie circulaire, en en faisant une priorité. J’espère de tout cœur que cela permettra de faire éclore, dans notre hémicycle, un débat plus spécifique sur le développement d’ici à la fin de cette législature.

Dans le même mouvement, qui consiste à impulser de nouvelles pratiques plus vertueuses dans notre société, le texte tend à améliorer l’information du consommateur sur la garantie légale et la disponibilité des pièces détachées nécessaires à la réparation d’un produit. L’information concernant la durée de disponibilité des pièces détachées figurera désormais clairement sur l’emballage du produit.

Au sujet de la durée légale de conformité, le texte tel qu’issu du Sénat comportait de réelles avancées en la ramenant à deux ans avec avis favorable du Gouvernement, conformément à ce qui est ressorti de la dernière conférence environnementale. Ce délai correspondait à un compromis satisfaisant, compte tenu de ce que nous proposions en première lecture, à savoir un délai de cinq ans. Sur ce point, en revenant à un an, la commission des affaires économiques est en retrait ; nous aurons l’occasion d’en rediscuter au cours de nos débats.

Je suis particulièrement attaché à ces dispositions que nous nous sommes efforcés d’améliorer avec mon collègue Jean-Jacques Cottel, que je veux d’ailleurs remercier. Nous présenterons encore des amendements aujourd’hui, dans la perspective de susciter le débat dont on voit bien qu’il a pu progresser.

Si nous sommes particulièrement convaincus du bien-fondé et de la nécessité de ces mesures, c’est bien parce que nous voulons favoriser et accélérer la structuration des filières de recyclage et de réemploi et, dans le même temps, mener une lutte claire, nette et précise contre l’obsolescence programmée, sur laquelle certaines marques bien connues ont bâti leur modèle économique. Ce modèle montre aujourd’hui clairement ses limites. C’est pourquoi, si nous en décidons ainsi, le rapport que nous remettra le Gouvernement dans l’année suivant l’entrée en vigueur de la loi sur la définition et les enjeux entourant l’obsolescence programmée sera particulièrement bienvenu. Nous pourrons ainsi je l’espère tracer d’utiles pistes de travail et de réflexion que nous devrons envisager là aussi de façon totalement transversale avec les différents ministres concernés.

On le voit, et les différentes avancées dont je viens de parler le confirment, ce projet de loi est pleinement conforme à l’ambition qui est la sienne et que nous avons défendue. Il s’agit d’améliorer l’information du consommateur, laquelle est une condition sine qua none pour que ce projet atteigne son ambition principale : rééquilibrer les relations entre producteurs et consommateurs pour replacer ces derniers en position d’acteurs. Cette idée, présente tout au long du texte, se traduit par des mesures plus ou moins visibles, mais réelles.

À ce propos, je présenterai à l’article 11 un amendement visant à encadrer les contrats de chauffage au gaz de pétrole liquéfié en citerne. Ceux-ci ne sont pour l’instant pas encadrés dans le code de la consommation, alors que ceux qui ont le plus recours à ce type de chauffage sont nos concitoyens les plus isolés qui vivent en zone rurale, souvent de manière subie – je les connais bien à travers ma circonscription.

Pour conclure, monsieur le président, je souhaiterais redire que les motifs de satisfaction sont réels s’agissant des sujets liés à l’environnement et à sa préservation. Si nous avons pu parvenir à ce résultat, c’est bien parce que les commissions du développement durable de nos deux assemblées n’ont eu de cesse d’approfondir et d’enrichir un travail constructif, mené aussi bien avec les rapporteurs de la commission saisie au fond qu’avec le Gouvernement, sur des sujets majeurs qui concernent déjà nos enfants.

En somme – et c’est ce que je souhaite retenir –, ce projet de loi est un projet d’avenir et d’espoir. C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je vous invite à l’adopter afin qu’il puisse se concrétiser le plus rapidement possible dans l’intérêt de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Arlette Grosskost.

Mme Arlette Grosskost. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la consommation constitue, avec l’investissement, un moteur puissant de notre économie. Afin de contribuer au retour de la confiance, gage d’une consommation plus dynamique, ce projet de loi ambitionne d’améliorer la protection des consommateurs au prix, malheureusement, d’une extrême complexification.

M. Damien Abad. Eh oui !

Mme Arlette Grosskost. Nous sommes bien loin du choc de simplification que nous appelons tous de nos vœux.

Sans relance de l’investissement, il est vain d’espérer celle de la consommation. Nous savons bien qu’une reprise durable de la croissance repose aussi sur la compétitivité de nos entreprises et leur capacité à investir et à innover. Nous devons donc trouver le point d’équilibre entre davantage de protection pour les consommateurs et un environnement de contraintes réglementaires raisonnables pour les entreprises.

Malheureusement, ce projet de loi ne renforce pas la compétitivité des entreprises, et il n’améliore en rien le pouvoir d’achat des Français. (Approbations sur les bancs du groupe UMP.)

L’une de ses dispositions phares, l’action de groupe, qui vise notamment à assurer une réparation des dommages subis par les consommateurs du fait de pratiques illicites de professionnels, a été complétée par des amendements de l’UMP. Ces derniers visent à donner la possibilité au juge d’ordonner des mesures de conservation des preuves dans le cadre des procédures et à rétablir une disposition supprimée en première lecture par les sénateurs prévoyant que des tribunaux de grande instance spécialisés traitent le contentieux des actions de groupe.

Néanmoins, cette action de groupe « à la française » sera très difficile à mettre en œuvre, …

M. Damien Abad. Impossible !

Mme Arlette Grosskost. …et vous le savez bien, monsieur le ministre, puisque vous prévoyez déjà une version dite simplifiée, ce qui ne fait que souligner la complexité des dispositions proposées. Vous avez écarté du dispositif les avocats, ces spécialistes du droit : ils auront uniquement la faculté de plaider pour les associations et non de coordonner une action de groupe.

Autre mesure phare : la résiliation infra-annuelle des contrats d’assurance automobile, habitation et affinitaire et la lutte contre la multi-assurance. Un amendement à l’article 20 bis est venu restreindre l’obligation de motivation de la résiliation par l’assureur des contrats souscrits par les particuliers, ce que je regrette. Nous aurons l’occasion d’y revenir lors de la discussion des amendements déposés par certains de mes collègues.

Pour ma part, je défendrai avec d’autres des amendements ayant pour objet la santé publique.

Le premier concerne la vente en libre-service des tests de grossesse à laquelle nous sommes nombreux à nous opposer considérant que ce ne sont pas des produits de consommation comme les autres.

Le deuxième concerne l’allongement de trois à cinq ans de la durée de validité des ordonnances pour verres correcteurs, que vous avez décidé contre l’avis des spécialistes, alors que les consultations régulières chez l’ophtalmologiste sont la seule manière de détecter des pathologies graves comme les glaucomes. La prévention joue un rôle important, vous en conviendrez.

Ces mesures de santé publique n’ont rien à faire dans un projet de loi sur la consommation, monsieur le ministre ; c’est pourquoi nous sommes plusieurs à avoir déposé des amendements de suppression de ces dispositifs.

J’en viens à ce qui est désormais l’un des principaux chantiers de votre réforme, même si la mesure a été introduite assez maladroitement via un amendement gouvernemental de dernière minute : la création du fichier positif.

En 2010, j’ai été nommée par Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, pour représenter l’Assemblée nationale au sein du Comité de préfiguration du registre national des crédits aux particuliers. Au cours de ses travaux, j’ai pris conscience de la nécessité d’adopter un tel registre.

Un dossier de surendettement est déposé toutes les deux minutes à la Banque de France avec des conséquences économiques et sociales difficilement réversibles. La meilleure façon de lutter contre le surendettement, c’est la prévention, qui a là aussi son importance. Le fichier positif permettra de responsabiliser à la fois les prêteurs et les emprunteurs. La connaissance de l’endettement réel d’un consommateur lors d’un refus de crédit permettra un accompagnement qui lui évitera de sombrer dans le surendettement. La distribution de crédits grâce à ce système serait plus saine et responsable.

En Alsace, M. Jean-Louis Kiehl, président de l’Association CRESUS auditionné par la commission des affaires économiques, est un ardent défenseur du fichier positif. Il affirme à bon droit que des dossiers traités en amont auraient pu éviter bien des situations désastreuses.

Comment peut-on tolérer que des ménages en arrivent à déposer des dossiers de 35 000 euros de dettes en moyenne avec sept crédits au minimum ? J’ajoute que le phénomène touche de plus en plus les classes moyennes et les seniors, dommages collatéraux dus à la crise actuelle.

Malheureusement, le dispositif que vous proposez est incomplet. C’est pourquoi je défendrai deux amendements tendant à intégrer les crédits immobiliers et les opérations de rachat et regroupement de crédits dans le fichier positif afin que le niveau d’endettement réel soit évalué. J’espère que le Gouvernement les soutiendra.

Encore quelques efforts, monsieur le ministre, et nous saurons nous rapprocher. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Damien Abad. La liberté de parole, ça fait du bien : ça change du PS !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Lou Marcel.

Mme Marie-Lou Marcel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet relatif à la loi consommation proposé par le Gouvernement, débattu, amendé et adopté ici même en première lecture revient en deuxième lecture après avoir fait l’objet d’un vote favorable au Sénat, qui a largement dépassé les frontières partisanes.

Je ne reviendrai pas sur la question majeure de l’action de groupe, qui constitue à elle seule une avancée historique pour le droit des consommateurs dans notre pays au même titre que la création d’un fichier positif dans le domaine du crédit, lequel permettra de lutter efficacement contre ce drame économique, social et humain qu’est le surendettement. Mon intervention portera plus spécifiquement sur une autre mesure phare de ce projet : la labellisation des produits manufacturés, désormais protégés par une indication géographique et la protection des noms de nos collectivités territoriales.

Ces dispositions, figurant à l’article 23 du projet de loi, sont de toute première importance. Elles protègent les noms de collectivités locales contre toute entreprise visant à en faire des noms de marques commerciales. Elles protègent aussi les produits de nos territoires, issus de nos traditions locales artisanales, contre toute forme de dévoiement par des entrepreneurs indélicats qui trompent les consommateurs en leur proposant des produits qui ne sont que de pâles copies des produits artisanaux.

Aveyronnaise, je ne peux m’empêcher de citer l’exemple de la commune de Laguiole dépossédée de son nom par un homme d’affaires qui a fait de son nom une marque sous laquelle il commercialise, au mépris des règles les plus élémentaires d’éthique, toutes sortes de produits, dont des couteaux bas de gamme fabriqués dans des pays émergents. Songez à ces couteliers de Laguiole qui fabriquent dans leur commune des couteaux de grande qualité et de belle facture et qui voient tous les jours des couteaux vendus à bas prix dans des commerces ou sur internet sans pouvoir dire : « Ces couteaux ne sont pas des couteaux de Laguiole ! ». Eh bien, ce texte de loi rendra ce droit-là à ces professionnels scrupuleux qui se sentent aujourd’hui dépossédés, démunis et impuissants.

Grâce à ce projet de loi, monsieur le ministre, les produits emblématiques de nos savoir-faire seront désormais protégés par le label « Indication géographique », à l’instar des produits agricoles et de la mer qui bénéficient de plusieurs labellisations.

Dans le domaine alimentaire, la labellisation permet, nous le savons tous, d’informer, de rassurer et de protéger le consommateur en lui garantissant la provenance et la qualité des produits, ce que visent les certifications IGP, AOC et AOP. Elle permet une montée en qualité et tire vers le haut l’ensemble de la production. En outre, elle contribue à une meilleure tenue de nos produits à l’exportation : elle est synonyme d’excellence française et les consommateurs étrangers sont sensibles à l’image de produits de qualité. Enfin, elle correspond à une exigence en matière de réussite économique.

Pourquoi ce que l’on a fait pour les produits alimentaires ne serait pas valable pour le couteau de Laguiole, la porcelaine de Limoges, le savon de Marseille, le granit breton ou la dentelle de Calais ? Ce texte comble un vide juridique.

Midi-Pyrénées, dont je suis une élue, est terre d’ovalie. Pour reprendre une expression du rugby, je dirai qu’en matière de produits manufacturés, il faut savoir garder ses fondamentaux. Ces fondamentaux, quels sont-ils ? La tradition, les valeurs de nos terroirs, le savoir-faire local, l’authenticité du produit et le lien qu’il entretient avec son territoire d’origine. La labellisation des produits manufacturés permettra de rassurer les consommateurs en leur garantissant un produit qui repose sur ces fondamentaux-là.

Grâce à cet article 23, nous disposerons d’une quadruple protection : protection des noms des communes, protection des consommateurs, protection des industriels et protection de l’emploi dans nos territoires.

À travers cette labellisation, c’est la recristallisation de l’emploi sur nos territoires qui est en jeu. Elle empêchera la délocalisation d’emplois et par là même la désertification de nos campagnes. Ainsi, elle participera au développement rural.

Comme l’a dit l’un de nos collègues sénateurs, cette disposition sera plus que le « Made in France », ce sera le « Made in Territoires de France ».

Compte tenu des enjeux attachés à ce projet de loi et des attentes des consommateurs, je vous invite, chers collègues, à voter ce texte. C’est un texte d’intérêt général, qui devrait recueillir l’assentiment de notre assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Jeanine Dubié. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me souviens de nos débats sur la loi Chatel, sur la loi Lagarde ou encore sur le texte que nous avons examiné en première lecture et qui aurait pu devenir la loi Lefebvre. Je me souviens qu’alors, nous pouvions débattre sereinement et que la majorité savait écouter les groupes minoritaires afin d’enrichir un texte sans arrière-pensées politiciennes. Mais ça, c’était avant le changement !

En 2011, notre excellent collègue Frédéric Lefebvre, alors ministre, avait accepté vingt-deux amendements du groupe socialiste en commission et en séance publique, sans compter ceux proposés par le groupe communiste. J’espère, monsieur le ministre, que vous ferez preuve d’autant d’ouverture d’esprit !

Ce texte est l’occasion pour la représentation nationale de débattre de sujets qui intéressent à la fois l’avenir de notre pays et la réalité quotidienne des Français. Il ne suscite malheureusement pas un grand enthousiasme, car les Français ne sont pas dupes : il n’améliorera en rien leur pouvoir d’achat. Les entreprises sont déçues également, car il est bien loin de la simplification promise, de la respiration fiscale et de la stabilité normative tant attendues !

Votre projet de loi fleuve a été largement amendé au Sénat. À l’issue de la première lecture dans les deux chambres, il compte près de 170 articles.

Le dispositif d’action de groupe doit permettre de lutter contre de nombreux abus. Néanmoins, nous devons rester vigilants afin qu’il ne devienne pas un facteur de déstabilisation des entreprises.

Comme pour tout ce qui est nouveau, nous devons observer la plus grande prudence afin de ne pas tomber dans les dérives constatées aux États-Unis, par exemple. En outre, l’action de groupe ne doit bien évidemment viser que les pratiques postérieures à l’entrée en vigueur de la loi.

M. Damien Abad. Bien sûr !

M. Dino Cinieri. La lutte contre les clauses abusives, la prévention contre la multi-assurance ou encore le renforcement des pouvoirs des agents de la DGCCRF sont de bonnes mesures, mais elles ne doivent pas pour autant créer un climat de suspicion à l’égard des entreprises.

Mme Arlette Grosskost. C’est tout à fait vrai !

M. Dino Cinieri. Ce projet de loi tente également d’améliorer les relations interentreprises, notamment entre la grande distribution, les industries agroalimentaires et les agriculteurs, qui paraissent en effet très dégradées. Cette année, par exemple, nous avons vu les difficultés rencontrées par les producteurs de lait. Parce que ces relations sont difficiles et qu’elles peuvent avoir des conséquences sur le consommateur, je soutiens l’obligation de renégociation en cas de variation importante des prix des matières premières agricoles.

Je me réjouis par ailleurs de l’extension des indications géographiques aux produits industriels et artisanaux. Cette mesure ne remet pas en cause le droit des marques mais propose uniquement de rééquilibrer les moyens des entreprises et des collectivités territoriales pour régler au mieux les conflits de dénomination de marques. Il est en effet essentiel de valoriser les productions nationales en s’appuyant sur des savoir-faire existants afin de promouvoir et de développer les produits dont la qualité est reconnue.

Je rappelle que, le 6 décembre 2012, nous avons discuté une proposition de loi UMP visant à mieux protéger les indications géographiques et les noms des collectivités territoriales pour les produits non alimentaires, comme dans le cas des couteaux Laguiole. Nos collègues socialistes ne l’ont pas votée, par opportunisme politique :…

M. Damien Abad. Et voilà !

M. Dino Cinieri. …vous leur aviez en effet promis, monsieur le ministre, que cette mesure figurerait dans votre projet de loi. Vous avez certes tenu parole, mais les chefs d’entreprise ont perdu un an !

Un mot enfin sur les articles 17 quater B et 17 quater, lesquels j’aurai l’occasion de revenir tout à l’heure : libéralisation de la vente de tests de grossesse et de produits pour lentilles, délivrance de lentilles de contact avec ou sans ordonnance, validité des ordonnances de trois ou cinq ans…Franchement, mes chers collègues, je ne comprends pas pourquoi la commission des affaires sociales ne s’est pas saisie de ces dispositions, au moins pour avis !

Tout cela relève plus d’un projet de loi de santé publique que d’un projet de loi consommation ; j’aurais aimé avoir l’avis de la ministre de la santé sur ces questions, en particulier sur la prise de mesures à distance pour la vente sur internet de verres correcteurs ou de lentilles.

Monsieur le ministre, madame et monsieur les rapporteurs, j’espère que, cette fois-ci, vous nous écouterez un peu plus ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voici une loi singulière qui nous instruit sur la loi en général. Il s’agit en somme de protéger les plus fragiles, de protéger nos biens communs, de se libérer des rapports léonins, de faire valoir le droit et de donner la force du collectif à des citoyens consommateurs atomisés.

Oui, cette loi, par son esprit même, dit deux réalités indissociables : la liberté créatrice du commerce et la liberté créatrice du sens commun, garant de l’égale dignité. Action de groupe, amorce de lutte contre l’obsolescence programmée, cadre contractuel rénové pour plus d’équité, registre national du crédit : ces capacités nouvelles offertes par la loi ne sont pas des entraves, mais des balises qui sont de nature à nous prémunir contre les dérives et parfois les naufrages d’une économie sans boussole.

Les questions du crédit revolving m’ont passionné : comment éclairer le consommateur et éviter ce qu’on appelait au Moyen Âge l’usure ? Comment moraliser ce service de prêt si particulier, sans repousser vers un marché parallèle et sordide ceux qui ont un besoin urgent de liquidités ? Pour séparer le bon grain de l’ivraie, nous avons fait un pas vers plus de clarté.

Autre sujet passionnant : la durée des plans conventionnels de redressement, sujet sur lequel il nous fallut faire preuve d’un délicat discernement pour trouver le point d’équilibre entre une générosité fondée sur le droit à une deuxième chance et le principe de responsabilité. Entre le Sénat et nous, il n’y a pas un fleuve mais un ruisseau, que nous pourrons allégrement franchir. En effet, si nous intégrons le fait que la proposition sénatoriale de sept ans intègre et prend en compte les périodes de moratoire, évaluées à dix-huit mois pour 60 % des 410 000 ménages surendettés qui font l’objet d’un plan, il existe peu de différences avec notre proposition initiale de cinq ans. Je souhaite néanmoins que, sur ce point, une fenêtre reste ouverte, car les effets conjugués du registre national du crédit et des mesures de lutte contre la pauvreté permettront, je l’espère, des étapes nouvelles.

Combattre la pauvreté, c’est combattre les préjugés. Je voudrais, en incise, saluer les trois chiffres véhiculés avec force par ATD Quart Monde ces derniers mois : la fraude aux prestations sociales coûte 3 milliards d’euros ; la fraude aux prélèvements sociaux coûte 9 milliards d’euros ; enfin, la fraude fiscale est évaluée en France à 50 milliards d’euros.

Autre attente, du moins je l’espère : un rendez-vous annuel sous la forme d’un dialogue entre le Gouvernement et le Parlement, pour mesurer si les évolutions réglementaires sont au bon niveau pour combattre les ruses du mauvais commerce. En effet, à la diversité des mauvaises pratiques s’ajoute la rapidité avec laquelle elles sont générées par une minorité d’acteurs économiques. C’est le cas, par exemple, des nouvelles fraudes liées au numérique.

Enfin, chers collègues, trois jalons pour le futur ; s’ils ne relèvent pas du strict périmètre de cette loi, ils ne lui sont pas pour autant étrangers. Tout d’abord, nous devrons à terme nous affranchir d’une forme de désinvolture, propre à l’épuisement actuel de nos ressources comme de notre pouvoir d’achat, à laquelle l’économie circulaire et l’éco-recyclage doivent apporter une alternative. Par ailleurs, nous devons peut-être avant tout nous libérer de deux esclavages contemporains : le premier est un consumérisme parfois ubuesque, dont les relais médiatico-financiers sont surpuissants, et générant autant de frustration chez les repus que chez les exclus. Nos sociétés sont fatiguées de l’austérité, mais elles manifestent aussi une lassitude du gaspillage, d’un consumérisme sans fin. Ici et là s’exprime le désir de consommer et de produire autrement, de vivre mieux, de redonner du sens et des valeurs à nos vies. Il est temps, car certains vont jusqu’à imaginer qu’en travaillant le dimanche, la société progresserait – alors que cela serait au contraire la marque d’une régression considérable.

L’autre esclavage, plus important peut-être, est celui des chaînes de fabrication des nouvelles usines du monde. Nous devons aux damnés de la terre, du Rana Plaza et d’ailleurs, des lois qui contribuent à réguler et donc à humaniser la mondialisation. Impossible ? Certainement pas pour l’homme auquel nous rendons hommage aujourd’hui et qui, contre d’autres esclavages, a osé dire : « Invictus ! » (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Jeanine Dubié. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, légiférer sur la consommation requiert de trouver un juste et délicat équilibre entre protection des droits des consommateurs et relance de la croissance économique. Cet équilibre est d’autant plus précaire dans le contexte actuel de crise économique et de crise de la consommation qui entraîne une perte de recettes fiscales. Cela a été excellemment rappelé par les collègues qui m’ont précédée, Arlette Grosskost, Damien Abad, David Douillet et, à l’instant, Dino Cinieri.

Je regrette par conséquent que ce texte dédié à la consommation n’affiche pas l’ambition d’une relance de la consommation grâce à un choc de simplification, mais prévoit au contraire de rajouter de nouvelles procédures et de complexifier celles existant déjà.

Je voudrais m’attacher à développer quelques points concrets. Concernant le rachat des métaux précieux, traité à l’article 11, la hausse spectaculaire du cours de l’or a entraîné la multiplication des points de rachat. La crise économique actuelle et l’attrait suscité par des cours très hauts, dont de nombreux médias se sont fait l’écho, ont créé un véritable engouement pour la revente de bijoux précieux et un essor de ces commerces dont les pratiques ne sont pas réglementées. Certains abus ont ainsi été constatés à l’encontre de consommateurs, bien évidemment les plus vulnérables, ainsi qu’une recrudescence des vols à l’arraché. Ces points de vente doivent donc faire l’objet d’exigences et d’une réglementation stricte avec un encadrement de la publicité, dans le but de protéger le consommateur et même le vendeur particulier. C’est pourquoi j’ai déposé un amendement en ce sens reprenant le dispositif de ma proposition de loi. Je pense qu’il y a urgence à légiférer en la matière ; ce n’est pas parce que le cours de l’or a récemment baissé qu’il faut laisser passer cette occasion de protéger les consommateurs.

Je défends également l’extension des indications géographiques protégées aux produits manufacturés. La seule protection existant à ce jour est l’appellation d’origine, dite « AO », accordée aux seuls produits dont la qualité ou les caractères sont essentiellement liés au milieu géographique. Seuls l’émail de Limoges, la poterie de Vallauris, la dentelle du Puy et les mouchoirs et toiles de Cholet en bénéficient à ce jour.

Pourtant, il est un produit cher à mon cœur et cher au cœur des Marseillais et de toute la Provence, car il en constitue une partie de l’identité, en France et à l’étranger, qui mériterait une protection adaptée : il s’agit du savon de Marseille, dont l’appellation est, hélas ! galvaudée. Ce produit emblématique est un produit spécifique et non générique, qui ne bénéficie pour autant d’aucune protection, laissant ainsi le champ libre aux industries concurrentes qui vendent des produits sous l’appellation « savon de Marseille » de façon totalement usurpée, sans respecter ni sa composition, ni sa méthode de fabrication, ni son origine géographique.

Ainsi, ces industries bénéficient indûment de l’image de marque et de la réputation d’un produit qu’elles n’égalent en rien. De ce fait, la concurrence déloyale de la part des industries du savon et du détergent porte préjudice non seulement aux savonneries traditionnelles, mais aussi aux consommateurs qui ne disposent pas de l’information adéquate et sont trompés par une appellation abusive.

Cette absence de toute protection légale explique en grande partie les difficultés de la filière marseillaise du savon de Marseille artisanal, qui s’appuie sur son histoire ancestrale et constitue un bassin d’emplois dans la région. À ce propos, en protégeant le savon de Marseille, c’est aussi le métier de savonnier que nous protégeons, de même que le savoir-faire de la saponification, bien éloigné de la simple « transformation » réalisée par la plupart des industries, qui utilisent une base de savon importée de l’étranger. On est loin du savon de Marseille, mais le consommateur est berné et l’opération marketing fonctionne.

M. Damien Abad. Exactement !

Mme Valérie Boyer. Ce type d’abus ne concerne pas exclusivement le cas du savon de Marseille, même si ce produit est emblématique : partout en France, l’absence d’encadrement de l’indication géographique pour les produits non alimentaires donne lieu à des abus et contribue à mettre en péril à la fois le savoir-faire français et l’information des consommateurs. Il y a donc là une double peine.

Afin de soutenir l’économie locale et le succès des produits locaux, je suis favorable à une extension de l’indication géographique protégée, l’IGP, à des produits comme le savon de Marseille, qui valorisent nos savoir-faire locaux. Le cahier des charges auquel les producteurs devront se conformer pour obtenir l’IGP existe depuis l’édit de Colbert de 1688 qui définit les conditions de fabrication de ce produit. L’aire géographique est limitée à la région de Marseille, étendue au département des Bouches-du-Rhône qui en est sa région historique.

J’ai ainsi déposé des amendements afin de garantir au consommateur l’origine géographique du produit. Je propose que la procédure de consultation de l’INAO ne soit déclenchée que lorsqu’il existe un risque de confusion entre les indications géographiques industrielles et les IGP et AOP agricoles. Je suggère également que les éléments notamment financiers qui n’ont pas à figurer dans un cahier des charges IG soient supprimés.

La visibilité, la traçabilité et l’information sont des éléments essentiels des droits des consommateurs, ceux-ci affichant de plus en plus leur volonté de consommer local. Ces éléments permettent également de sauvegarder des filières d’excellence, reflet des savoir-faire locaux et de l’excellence française.

L’importance des décrets d’application est à souligner : le savon de Marseille est en avance sur ce point, le cahier des charges ainsi que la charte étant déjà élaborés. Aussi, une fois que le projet de loi aura été voté, il conviendra de mettre en œuvre ces décrets rapidement, de façon à sauver les industries restantes, qui sont en difficulté.

Enfin, je voudrais insister sur les produits médicaux. Arrêtons le yo-yo législatif avec les pharmaciens, les industriels et les malades !

M. Dino Cinieri. Absolument !

Mme Valérie Boyer. Le projet de loi sur la consommation est là pour protéger le consommateur comme le vendeur et comme la filière, et non pour les déstabiliser.

M. Dino Cinieri. Très bien !

Mme Valérie Boyer. Les dispositions concernant les produits pour lentilles et les tests de grossesse sont des cavaliers, symbole de l’errance législative facteurs d’insécurité.

Mme Arlette Grosskost. Parfaitement !

Mme Valérie Boyer. Nous allons à l’encontre de la santé publique en traitant de ces produits dans la loi sur la consommation. Vendre les tests de grossesse dans les supermarchés, c’est tout sauf protéger les jeunes filles ! Quand une jeune femme rencontre une difficulté pour savoir si elle est enceinte ou non, la personne qui pourra l’aider, c’est le pharmacien, qui saura lui dire si le test qu’elle a réalisé est un faux positif ou un faux négatif – et seulement le pharmacien : pas la caissière du supermarché !

M. Dino Cinieri. Tout à fait d’accord !

Mme Valérie Boyer. Il nous faut protéger ces personnes en détresse : quand on achète un test de grossesse en supermarché, ce n’est pas par romantisme, c’est parce que l’on rencontre vraiment une difficulté et que l’on veut vraiment savoir si on est enceinte ou pas. Ce n’est sûrement pas à la caisse d’un supermarché qu’on va trouver l’information nécessaire pour décider ou non de poursuivre cette grossesse !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Vous disiez la même chose pour les préservatifs ! Ce sont exactement les mêmes arguments !

Mme Valérie Boyer. C’est entièrement différent !

Je suis totalement opposée à la vente de ces produits médicaux dans les supermarchés : arrêtons de déstabiliser les pharmaciens ! (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Nous y voilà ! C’est un tout autre sujet !

M. Nicolas Bays. Les lobbies s’expriment !

Mme Valérie Boyer. Arrêtons de déstabiliser les consommateurs ! Arrêtons de déstabiliser les filières !

M. Dino Cinieri. Très bien !

Mme Valérie Boyer. Vraiment, s’il est bien un domaine où l’on doit être vigilant, c’est celui-là ! On ne joue pas avec la santé publique ; or c’est exactement ce que nous sommes en train de faire. Puisque notre collègue, avec beaucoup d’humour, a cité Lacordaire tout à l’heure, notre illustre prédécesseur, je vais à mon tour le citer : « Entre le fort et le faible, […] c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit. » Vendre des produits médicaux en supermarché de cette façon, c’est tout l’inverse de la santé publique, c’est tout l’inverse de la protection du consommateur. Aussi, mes chers collègues, ne voterai-je pas cette disposition, qui doit être supprimée. J’espère que raison sera gardée dans ces deux domaines. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Clotilde Valter.

Mme Clotilde Valter. Monsieur le ministre, ce texte soulève une question centrale, celle de l’efficacité des dispositions législatives que vous nous proposez. En effet, nous voulons, cette fois, une loi efficace, c’est-à-dire une loi qui soit effectivement appliquée, des infractions effectivement sanctionnées. Et pour que la loi ne reste pas lettre morte, comme le réclament nos rapporteurs, il est capital que l’administration puisse exercer ses missions. Il y a là des dispositions à prendre, et une vigilance à exercer.

La loi précédente avait déjà prévu de renforcer les contrôles. Or, plusieurs années après, force est de constater que le Gouvernement précédent n’a pas donné à l’administration les moyens nécessaires. Les effectifs de la DGCCRF ont été fortement amputés et, comme si cela n’était pas suffisant, la réforme de l’administration territoriale les a complètement désorganisés.

Il faut donc stabiliser les effectifs de la DGCCRF. En la matière, vous avez obtenu leur maintien en 2013 et leur augmentation pour 2014. Dans le contexte actuel, c’est un signe fort de la détermination de l’actuelle majorité à donner à votre administration les moyens d’agir. Il faudra absolument poursuivre en ce sens ; vous aurez, monsieur le ministre, notre soutien.

Mais il faut également revoir l’organisation des services territoriaux de la DGCCRF. Il s’agit aujourd’hui de rendre à l’organisation territoriale son efficacité et sa visibilité afin que le consommateur et les acteurs économiques puissent identifier le service concerné. Cela passe par la confirmation des agents de terrain affectés dans les départements dans leurs tâches de contrôle sur l’ensemble du champ de compétence de la DGCCRF et par l’affirmation de l’échelon régional comme entité légère d’animation et de pilotage chargée de définir les priorités.

Monsieur le ministre, vous avez obtenu la stabilisation puis l’augmentation des effectifs de la DGCCRF. Le projet de loi que nous examinons donne à l’administration des pouvoirs supplémentaires. Mais ce n’est pas suffisant. Pour que le service public fonctionne, il est vital de faire évoluer l’organisation territoriale afin que l’État puisse être, comme vous le souhaitez, le garant de l’ordre public économique assurant la protection des consommateurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Monsieur le président, je veux tout d’abord remercier M. Hammadi, qui a contribué à enrichir le présent projet de loi en proposant une procédure de liquidation accélérée pour améliorer le service aux consommateurs. Je regrette que M. Abad se soit livré à une caricature en considérant que c’est une deuxième procédure. Connaître à l’avance le fichier des consommateurs qui peuvent être lésés permet d’aller plus vite, et je regrette qu’il n’ait pas vu là, au contraire, un élément de simplification d’une procédure qui va dans l’intérêt des consommateurs.

Mme Le Loch a beaucoup travaillé, en tant que rapporteure, sur le dossier – très complexe parce qu’il est au croisement d’intérêts contradictoires – des négociations commerciales entre les fabricants, les fournisseurs, les producteurs, d’une part, et la grande distribution, d’autre part, les uns étant tentés de dénoncer les autres comme de grands méchants loups. Nous avons essayé de travailler en respectant l’équilibre indispensable à la mise en œuvre de ces négociations qui avait été trouvé par la LME, tout en l’aménageant pour améliorer l’effectivité de la loi. Quant au décret qui précise notamment les conditions de la renégociation en raison de la volatilité des prix des matières premières, il sera bientôt soumis à la consultation. Dans le compte rendu de renégociation seront mentionnés la date à laquelle la clause est activée par la partie qui prend l’initiative de la renégociation en raison de la volatilité, le calcul des fluctuations qui déclenchent la clause, les arguments avancés par la partie qui demande l’application de la clause, la réponse de l’autre partie et la conclusion, qui devra faire mention de la signature des deux parties.

Mme Bonneton a évoqué la question de l’action de groupe dans le domaine de la santé et de l’environnement. Je lui rappelle que, pour ce qui est de la santé, un engagement a été pris dans le cadre du troisième pilier de la stratégie nationale de santé, qui concerne les droits des patients. Bien entendu, l’action de groupe en matière de santé sera une procédure différente, car on ne traite pas les préjudices économiques de la même façon que les préjudices de santé et corporels : ils nécessitent une expertise individuelle. Cette priorité inscrite par le Gouvernement dans sa stratégie nationale de santé trouvera, nous le souhaitons, une traduction législative courant 2014 – cela dépendra du calendrier parlementaire.

S’agissant de l’action de groupe en matière environnementale, à ma connaissance, le ministre de l’environnement a saisi le Conseil général de l’environnement et du développement durable pour faire des propositions en ce sens, afin que ce fameux troisième étage de la fusée puisse faire l’objet de propositions concrètes et que l’on ne se contente pas de déclarations de principe dans ce domaine.

Nous avons essayé d’avancer dans le domaine de l’obsolescence programmée en faisant le choix de la durabilité, de la réparabilité des produits. Là encore, beaucoup de choses peuvent être faites. En tout cas, le Gouvernement avance dans ce domaine, comme sur les frais de comptes inactifs puisqu’une proposition de loi consacrée à ce sujet a été déposée par M. Eckert.

Mme Dubié et M. Chassaigne ont évoqué les moyens de la DGCCRF. J’indique que ceux-ci augmentent cette année. Nous avons donc inversé la courbe du recul de ses effectifs. M. Chassaigne a rappelé à juste titre qu’elle compte 3 000 agents, dont 2 000 enquêteurs sur le terrain. Encore une fois, ces effectifs, qui avaient été stabilisés l’année dernière, augmentent cette année. Je reconnais que l’augmentation est modeste, mais ce n’est pas l’évolution suivie par d’autres administrations. Cet effort est destiné à faire en sorte que les nouveaux pouvoirs donnés par la loi à la DGCCRF se traduisent par des moyens supplémentaires sur le terrain, et je me réjouis que nous soyons parvenus à les obtenir. Mais nous ne nous en contentons pas, puisque nous essayons de tenir compte des critiques qui avaient pu être légitimement portées sur les conséquences de la mise en œuvre de la réforme de l’administration territoriale de l’État. Sans remettre en cause le caractère interministériel des directions départementales, nous allons rétablir ou restaurer la chaîne de commandement qui avait permis à la DGCCRF de mener des actions efficaces, lorsque ses effectifs étaient plus nombreux et surtout lorsque l’entité métier était mieux préservée.

Je veux remercier Mme Dubié pour les commentaires extrêmement positifs qu’elle a émis sur le travail que nous avons réalisé ensemble, puisque ce texte est le fruit d’une coproduction – j’aurai l’occasion d’y revenir, non sans indiquer à M. Abad que je le trouve assez injuste envers M. Lefebvre. Le Conseil d’État n’a pas jugé disproportionné le registre national du crédit – et Mme Grosskost a raison sur ce point. Pour ma part, je souhaitais qu’il y ait un registre national du crédit aux particuliers. Je craignais par-dessus tout qu’à vouloir à tout prix un registre qui intègre et le rachat de crédit et le crédit immobilier, nous prenions le risque que ce fichier soit disproportionné par rapport à son objectif, à savoir la lutte contre le surendettement, le mal-endettement et l’exclusion, comme l’ont fait remarquer Mme Dubié et M. Chassaigne. Tenant compte des remarques du Conseil d’État et de la CNIL, nous avons donc réduit la portée de ce registre, après avoir consulté à nouveau ses partisans historiques, que sont M. Kiehl et l’association CRESUS, le Secours catholique et le Secours populaire, afin que le fichier ait une taille qui lui permette de passer le cap du Conseil constitutionnel.

Le Conseil d’État, madame Dubié, n’a donc pas jugé que le registre était disproportionné, puisque l’amendement gouvernemental se fonde sur son avis, qui a du reste été sollicité par le Gouvernement lui-même.

Monsieur Benoit, je me contenterai de commenter nos points de désaccord. Incontestablement, le groupe UDI a une antériorité sur la question du registre national du crédit aux particuliers. C’est une bataille qu’il mène depuis de nombreuses années, bien avant même que certains, y compris moi, soient convaincus de sa pertinence. Lorsque j’ai été nommé ministre de la consommation, j’étais très réservé à l’égard de ce registre et c’est après avoir participé à de nombreuses discussions sur le sujet que j’y suis devenu favorable. Je crois d’ailleurs que c’est également le cas de Mme Grosskost, dont la position a évolué, a-t-elle dit, lorsqu’elle a été nommée par Mme Lagarde au comité de préfiguration du registre.

L’action de groupe n’est pas une charge pour l’entreprise, c’est une procédure nouvelle. Dès lors, je ne vois pas bien pourquoi elle ne pourrait pas s’appliquer à un dossier d’entente anticoncurrentielle qui serait instruit actuellement. Il n’y a pas de problème de rétroactivité dans ce cas-là, puisqu’il s’agit d’une procédure nouvelle.

S’agissant des indications géographiques protégées, vous avez évoqué, monsieur Benoit, l’extraction du granit. Le dossier est assez compliqué ; je m’y suis impliqué aux côtés de Mme Pinel. Je comprends – et cela n’a rien à voir avec nos origines communes – vos préoccupations. Ce problème se pose depuis longtemps et mérite d’être encore discuté.

En ce qui concerne les pouvoirs de la DGCCRF, ce que nous voulons c’est sanctionner les tricheurs. Il en existe, hélas ! et la crise invite parfois à arbitrer en faveur du non-respect de la loi. Je crois au caractère dissuasif de la pénalité. Au reste, nous avons vu, dans l’affaire de la viande de cheval, que le montant des pénalités qui pouvaient être payées par les entreprises était assez peu dissuasif et que les arbitrages étaient très vite rendus en faveur du non-respect de la loi.

Cela me permet de revenir un instant sur cette affaire. Je suis d’accord avec les uns et les autres : il ne faut pas se contenter des premiers résultats que nous avons pu obtenir. C’est le Conseil européen qui se tiendra en janvier, et non celui qui aura lieu en décembre, qui traitera de ces questions. Qu’avons-nous fait depuis le vote de ce texte par le Sénat ? La semaine dernière encore, nous avons organisé, avec mon collègue Stéphane Le Foll, une conférence de presse avec la presse allemande et la presse britannique, pour rappeler aux opinions publiques de ces pays que leurs gouvernements avaient pris position en faveur d’un avancement de la remise du rapport sur l’étiquetage de l’origine de la viande, notamment, pour ce qui est des Allemands, de la viande utilisée dans les plats préparés.

Je me réjouis qu’en Allemagne, ce point soit au cœur de l’accord de coalition entre les chrétiens-démocrates et les sociaux-démocrates, car cela confirme qu’elle soutient la France en ce domaine. Quant aux Britanniques, on ne les entend plus beaucoup, alors qu’à l’origine, ils étaient favorables à l’accélération de la remise du rapport. Vous avez entièrement raison lorsque vous dites que la Commission, qui avait pris cet engagement, a pris ensuite prétexte d’un désaccord entre les commissaires pour retarder une fois de plus le moment de rendre public le rapport.

Là encore, la France prend ses responsabilités en disant que la Commission ne tient pas ses engagements sur ce point. Le Sénat a voté une mesure législative, tout en précisant que nous attendons que la législation européenne évolue. Sinon, nous ferions l’objet d’une procédure de contentieux et nous nous exposerions à des pénalités. Or, il serait tout de même curieux que nous affirmions une volonté politique, que nous la traduisions dans la loi et que nous payions des amendes parce que nous serions ainsi en infraction avec le droit européen.

Nous pouvons être en désaccord sur bien des sujets, mais je pense que sur ce point, il faut poursuivre dans la même voie. Je ne peux pas garantir le résultat – il serait absurde et prétentieux de dire que nous aurons gain de cause –, mais je crois que la France a beaucoup pesé en montrant qu’exécutif et législatif agissaient de concert.

M. Thierry Benoit. Tout à fait !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. De même, il était bien que ce soit une délégation parlementaire transpartisane qui vienne demander au commissaire européen de tenir les engagements qu’il a publiquement pris devant le consommateur européen ; je rappelle au passage que la protection des consommateurs relève des compétences de l’Union européenne. Sinon, nous ne nous trouverions pas dans la situation de devoir attendre que la législation européenne évolue sur l’étiquetage de l’origine de la viande.

J’en profite pour dire que nous avons pointé des reculs potentiels sur l’étiquetage de la viande fraîche. Outre le bœuf, des engagements avaient été pris concernant la volaille, le porc, le mouton…Or, nous observons un comportement quelque peu hésitant de la part de la Commission européenne et de certains États membres. Nous continuons à faire pression et, je le redis, je suis attaché à ce que celle-ci puisse être exercée collectivement.

Par ailleurs, je crois, monsieur Benoit, que nous convergeons sur l’assurance et sur la LME.

Monsieur Abad, il faut écouter M. Lefebvre, qui a annoncé qu’il voterait ce texte. Pourquoi le votera-t-il ? Parce que, contrairement à ce qu’a dit M. Cinieri, nous avons, quant à nous, pris acte d’un certain nombre de progrès qui avaient pu être réalisés lors de l’examen, auquel plusieurs d’entre vous ont participé, du texte qu’il a présenté lorsqu’il était ministre de la consommation. Nous avons repris un certain nombre de dispositions qui figuraient dans ce texte, auxquelles nous avons ajouté le registre national de crédit aux particuliers, voulu par M. Sarkozy…

M. Thierry Benoit. Très bien !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. …et l’action de groupe, voulue également par M. Sarkozy.

M. Damien Abad. Pas comme ça !

M. Dino Cinieri. Quelle référence !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je me trouve dans l’embarras de devoir vous confesser, monsieur Abad, que je suis presque plus sarkoziste que vous ! (Sourires.) Et cela me gêne…En êtes-vous arrivé à un tel droit d’inventaire que celui que vous aviez défendu ne serait plus défendable ?

M. Damien Abad. Vous êtes libéral et sarkoziste !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je plaisante un tout petit peu, mais vous conviendrez que la situation est assez amusante. En tout état de cause, j’ai plus confiance en l’avis éclairé de M. Lefebvre qu’en le vôtre sur ce point, vous me pardonnerez.

M. Damien Abad. Vous avez tort !

M. Lionel Tardy. En effet !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Monsieur Tardy, j’ai bien le droit de faire quelques commentaires. Votre tour n’est pas arrivé, vous n’avez pas encore parlé : ce sera pour plus tard.

M. Damien Abad. Il se réserve…

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Mais réjouissez-vous, cela va venir.

Sur la mobilité bancaire, ce que vous n’avez pas fait, nous le faisons. Sur la résiliation des assurances, pardon de le dire, mais vous reprenez mot pour mot le point de vue des assureurs eux-mêmes : il s’agit pourtant d’une mesure plébiscitée par huit Français sur dix !

Il en va de même du registre national de crédit aux particuliers. J’entends dire par M. Chassaigne que beaucoup de banques approuvent cette mesure : qu’il me donne leurs noms ! À part la Banque postale, je n’en ai trouvé aucune. Au contraire, celles qui détiennent des établissements faisant du crédit à la consommation se sont manifestées pour dire que ce registre n’était pas une bonne chose.

Je crois qu’il faut faire confiance au mouvement consumériste. Vous voyez, c’est là une différence entre nous. Le mouvement consumériste, sur la résiliation infra-annuelle des assurances, est d’accord depuis très longtemps.

M. Damien Abad. Vous légiférez sous la pression !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Nous avons travaillé sur cette question – comme j’imagine que vous l’auriez fait si vous aviez été à ma place, monsieur Abad – et nous avons constaté qu’il s’agissait d’une mesure favorable qui, comme la mesure que nous prenons sur l’assurance emprunteur, redonnera, j’en suis sûr, du pouvoir d’achat aux Français.

M. Damien Abad. On verra !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je veux vous dire un dernier mot sur la concurrence, car vous m’avez amusé et vous m’avez stimulé.

M. Lionel Tardy. Nous sommes là pour ça. L’opposition stimule la majorité !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je pense que la concurrence a du bon dans certains secteurs, quand il s’agit pour nous de combattre la rente économique. La rente, aujourd’hui, c’est l’adversaire du pouvoir d’achat. Il est des secteurs dans lesquels la concurrence est souhaitable parce qu’ils en manquent et que cela fait baisser le pouvoir d’achat. Il est d’autres secteurs – et c’est pourquoi je ne suis pas un dogmatique – dans lesquels la concurrence affecte la manière dont nous nous protégeons et dont nous protégeons notamment les acquis de notre modèle social. Dans un souci d’équilibre, je m’attache à avoir sur la concurrence une position différente selon que je la juge bonne ou mauvaise. En l’occurrence, dans un certain nombre de secteurs caractérisés par des rentes économiques colossales, il me semble que la concurrence est bonne parce qu’elle redistribuera du pouvoir d’achat.

Vous faites le pari que nous échouerons là-dessus ; je vous fais le pari que nous réussirons.

Monsieur Chassaigne, vous avez évoqué la contrainte : pour ma part, je ne connais de contrainte que celle qu’on accepte ou qu’on choisit. S’agissant de l’étiquetage des viandes, ce ne sont pas pour moi des contraintes : il y a une règle du jeu, un chemin qu’on prend. En matière d’étiquetage, nous avons suivi le bon sillon et je souhaite que nous poursuivions dans cette voie ensemble.

J’ai entendu vos remarques sur le registre national de crédit aux particuliers. C’est un des points sur lesquels nous sommes en désaccord. Il m’est difficile d’attaquer frontalement sur ce sujet, car certains arguments peuvent se retourner, et il y en a de bons sur tous les bancs. Je le reconnais depuis le début, en concédant que j’avais moi-même mûri, mon avis ayant changé après de longues hésitations. Mais je reste convaincu que l’argument le plus fort en faveur de ce registre est celui qui insiste sur la nécessité d’une détection plus précoce de la famille surendettée afin de la sortir plus vite du surendettement. Dans ce domaine, nous espérons obtenir des résultats, modestes, mais réels.

Mme Pascale Got a évoqué le « fait maison » et elle a raison sur un point : s’il y a une obligation, il faudra prévoir des contrôles adéquats. Cette loi va confier des tâches nouvelles à la DGCCRF, compte tenu des compétences nouvelles et des nouveaux pouvoirs que vous lui donnez : les règles, que vous modifiez, amèneront les enquêteurs, sur le terrain, à devoir assurer demain toute une série de missions nouvelles. C’est pourquoi il est important que, les uns et les autres, vous rappeliez – et je ne vous cache pas que le soutien de l’Assemblée m’est précieux – l’importance d’avoir des effectifs et des moyens à la hauteur de ces compétences nouvelles. Si le Premier ministre a jugé important que les effectifs de la DGCCRF augmentent l’année prochaine, c’est aussi, et je veux vous en remercier, grâce à vos interventions répétées en faveur de cette très belle administration dont je suis très fier.

Quelques mots sur la question de l’optique. Peut-être n’avais-je pas été clair : nous sommes d’accord sur le fait que la prescription de verres correcteurs et de lentilles nécessite une ordonnance et pour porter le délai de validité de celle-ci de trois ans à cinq ans, mais nous disons qu’il faut faire mention sur l’ordonnance de l’écart pupillaire, afin de faciliter la délivrance de lunettes et de verres correcteurs par le commerce en ligne, et donc de faire baisser les prix.

L’étude d’impact estime à 1 milliard d’euros le transfert vers le consommateur, en gains de pouvoir d’achat, que permettra cette mesure.

M. Damien Abad. Ça évolue !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. On en pense ce qu’on veut, mais le gain sera incontestable : les prix seront orientés à la baisse. Certes, nous avons un excellent réseau d’opticiens physiques, mais ces acteurs ont vocation à se diversifier, comme ils le font déjà, en développant le commerce par Internet.

M. Douillet évoquait la cotisation foncière des entreprises. Je lui rappelle qu’il s’agit d’une réforme de Nicolas Sarkozy. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Je m’adresserai volontiers à l’entreprise qu’il a évoquée pour lui rappeler que nous sommes là devant les conséquences d’une réforme mise en place par Nicolas Sarkozy, conséquences manifestement négatives pour la fiscalité de cette entreprise. Attention de ne pas nous faire porter la responsabilité de ce dont nous ne sommes pas responsables !

M. Damien Abad. Vous serez ministre d’ouverture en 2017 !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Mais M. Douillet a posé une question sur un dossier dont il avait été un des défenseurs les plus vigoureux au Parlement : le code des usages de l’agroalimentaire, s’agissant en particulier du minerai de viande dont il avait évoqué les caractéristiques en première lecture.

Je veux lui dire que ce code des usages, sur lequel la profession a travaillé, est en cours de validation par la DGCCRF et sera publié au début de l’année prochaine. Ce code supposait une implication des professionnels, pour faire en sorte que le consommateur sache de quoi il retourne quand il mange des plats préparés. La préoccupation de M. Douillet était légitime, les professionnels y ont répondu et nous avons veillé à ce que cette réponse soit véritablement suivie d’effets.

De l’intervention de Mme Grosskost, j’ai envie de ne retenir que la fin. Au début, elle n’était pas d’accord sur l’action de groupe et les pouvoirs de sanction de la DGCCRF. S’agissant du registre national de crédit aux particuliers, je comprends les amendements qu’elle a déposés, mais je préfère m’en tenir au crédit à la consommation, pour éviter que l’argument de la proportionnalité ne soit opposé à la mise en œuvre de ce registre. C’est un risque trop important, compte tenu de l’expertise rendue par le Conseil d’État. Sinon, sur le fond, j’aurais signé la totalité de son argumentation, qui est frappée au coin du bon sens.

Mme Marcel s’est exprimée sur les indications géographiques, sujet éminemment important. Il faut s’entendre sur ces indications et sur la construction du cahier des charges, qui dépendra des professionnels – ce qui me permet de répondre en même temps à Mme Boyer. C’est là une des belles avancées de ce texte.

Mme Valérie Boyer. Oui !

M. Damien Abad. C’est sous notre inspiration !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je regrette qu’on n’en parle pas davantage. Quand on parle du « made in France », on a parfois tendance à caricaturer. En l’occurrence, vous l’avez très bien dit, madame Marcel, nous allons valoriser l’excellence de nos territoires, les savoir-faire, une tradition, en justifiant la différence de prix auprès du consommateur. Aujourd’hui, on peut légitimement contester la loyauté de l’information : quand certains consommateurs pensent acheter un produit fabriqué localement, ils n’achètent qu’une marque. Il suffit d’écouter certains professionnels de la grande distribution : ce qu’ils valorisent, ce sont les produits de terroir, qui suscitent l’intérêt du consommateur. Il y a là un beau moyen de concilier compétitivité et identité des territoires, de démontrer qu’on peut être compétitif en valorisant un savoir-faire, une tradition et l’identité des territoires.

S’agissant de l’intervention de M. Potier, je ne dirai que deux choses.

Comme il l’a souhaité, nous lui confirmons que le Gouvernement viendra rendre compte tous les ans, devant le Parlement, du baromètre des réclamations de la DGCCRF. C’est en effet ce baromètre administratif qui permet de jauger ce qui va un peu moins bien et qui justifie la réorientation d’une politique de contrôle en fonction de ce que les consommateurs nous disent eux-mêmes des pratiques, parfois trompeuses ou déloyales, qu’ils constatent. Nous viendrons donc en rendre compte et la DGCCRF sera très heureuse de le faire – en tout cas, je l’imagine car de toute façon la loi le lui demandera, qu’elle en soit ou non heureuse, mais je gage qu’elle le sera forcément (Sourires). Quoi qu’il en soit, ce compte rendu annuel me paraît aller dans le bon sens.

Nous émettrons également un avis favorable à l’amendement qu’il défend avec M. Noguès concernant la responsabilité sociale en matière internationale. Je salue d’ailleurs sa très belle et très juste intervention à ce propos. Nos grandes entreprises, certes, mais également les législateurs que nous sommes doivent faire preuve de sens des responsabilités vis-à-vis des chaînes de sous-traitance. Des personnes payées quelques euros ou quelques miettes de pain y fabriquent du prêt-à-porter que nous nous empressons d’acheter, parfois à des prix extrêmement élevés. Elles travaillent dans des conditions de précarité, de pauvreté et, même, d’exploitation qui sont tout à fait inacceptables.

Madame Boyer, vous souhaitez un encadrement de la publicité en ce qui concerne les points de rachat d’or. Nous proposons quant à nous un encadrement du contrat et l’extension du droit de rétractation.

Vous avez entièrement raison : les points de rachat d’or se développent et le nombre de personnes qui vont y vendre des bijoux ayant une valeur marchande, certes, mais aussi sentimentale, augmente. Si, de surcroît, elles se font avoir, on ne peut que partager votre légitime préoccupation. Nous essayons d’en tenir compte dans le texte.

S’agissant des IG, je me suis efforcé de répondre clairement.

Je suis en désaccord avec vous en ce qui concerne les tests de grossesses, mais nous aurons l’occasion d’y revenir. Je ne partage pas vos arguments, ni sur le fond, ni sur la forme, car je pense qu’il est important de diversifier leurs points de vente…

Mme Valérie Boyer. C’est une fausse bonne idée !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. …de façon à ce que des jeunes femmes, notamment, qui n’iraient pas en acheter en pharmacie…

Mme Valérie Boyer. Où ils sont moins chers !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. …par peur que cela se sache puissent en obtenir ailleurs. J’ajoute que ce type de produit relève de textes communautaires nous obligeant à accompagner leur vente des informations relatives à leur utilisation les plus fiables, les plus claires et les plus sûres qui soient. Là encore, nous aurons l’occasion de débattre de cette question un peu plus tard, tout comme d’ailleurs sur les produits nettoyants des lentilles de contact.

Je remercie Mme Clotilde Valter pour son engagement répété et constant, ici, en faveur de la DGCCRF. Nous en parlons souvent et je vous remercie donc de vos interventions renouvelées, tout comme je salue le soutien que vous apportez à cette administration.

J’ai répondu à grands traits…

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. De façon exhaustive !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. …à vos interventions mais nous aurons l’occasion de revenir point par point sur les thèmes abordés.

Comme nous avons déjà beaucoup discuté,…

M. Lionel Tardy. Nous discuterons encore !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. …je me montrerai parfois bref dans mes interventions ultérieures.

M. Damien Abad. Plus précis !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. En conclusion, je fais confiance à la capacité du groupe UMP, notamment, de suivre la voie qui lui a été montrée par l’ancien secrétaire d’État à la consommation lorsqu’il a annoncé qu’il voterait ce texte. C’est pour moi une façon de vous dire que ce qui pourrait être une forme de compromis vertueux commence à se dégager.

M. Damien Abad. Il n’y a rien de nouveau ! C’était déjà le cas en première lecture !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Si, d’aventure, mesdames, messieurs de l’opposition, vous ne le suiviez pas, lui qui dispose d’une expertise en matière de consommation, peut-être votre opposition serait-elle alors motivée par des raisons qui ne seraient pas dicibles dans cet hémicycle ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. Damien Abad. Préoccupez-vous de votre majorité !

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi sur lesquels les deux assemblées n’ont pu parvenir à un texte identique.

Article 1er

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, inscrit sur l’article.

M. Lionel Tardy. Nous sommes partis pour discuter un moment, monsieur le ministre !

Comme prévu, ce projet de loi a été largement étoffé par les sénateurs, cela a été dit, et il ressemble désormais – je suis désolé de le dire – à un véritable fourre-tout, ce que nous ne pouvons que regretter.

Dans l’intervalle, si beaucoup de sujets ont été ajoutés, beaucoup de questions n’ont pas été réglées, des doutes subsistent sur certains points et, ce, depuis la version initiale, monsieur le ministre. Je pense, notamment, à l’action de groupe, dont la procédure simplifiée n’est pas satisfaisante – mais nous y reviendrons.

Avant de commencer l’examen des amendements, j’aimerais évoquer un point saillant de cet article de même que de nombreux autres.

De façon générale, j’ai compté en l’état pas moins de neuf demandes de rapports qui sont loin d’être toutes justifiées et, tenez-vous bien, mes chers collègues, au moins cinquante décrets d’application. Il faudrait presque une commission à elle seule pour s’assurer qu’ils seront tous pris ! Les articles 1er et 2 en comptent un certain nombre mais l’exemple-type est celui du fichier positif, dispositif tellement incertain que de nombreux décrets, rapports et autres comités de suivi devront l’encadrer.

Des améliorations doivent être apportées et beaucoup de questions traitées, mais elles seront encore nombreuses après l’adoption de la loi.

M. le président. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Je rassure M. le ministre : le groupe UMP est uni vis-à-vis de ce texte sur lequel il ne trouve malheureusement pas toujours des motifs de satisfaction. Non seulement nous sommes unis mais, cela peut vous paraître paradoxal, nous respectons aussi la liberté de parole de chacun. C’est ce que l’on appelle la démocratie et cela permet d’éviter un Parlement croupion,…

M. Lionel Tardy. Godillot !

M. Damien Abad. …aux ordres et godillot, en effet, pour appliquer les mesures du Gouvernement. Cela vous choque peut-être, mais telle est la réalité des faits. La position de M. Lefebvre est personnelle et celle de M. Abad celle du groupe UMP.

Nous aurons l’occasion d’en parler lors de la discussion des amendements, mais vous avez fait état d’une procédure d’action de groupe dite principale et d’une procédure de liquidation simplifiée alors que le texte dispose que cette dernière est bien une action de groupe simplifiée et non une procédure de liquidation en tant que telle. Si tel était le cas, il conviendrait de l’appeler ainsi à travers un amendement gouvernemental. Force est de constater, à la lecture du texte – comme les autres parlementaires peuvent le vérifier eux-mêmes – que ce sont là deux actions de groupe qui se font concurrence.

C’est parce que l’action de groupe principale ne répond pas aux attentes des Français en matière de réparation des préjudices que vous avez été contraint de créer une action de groupe visant à simplifier et à faciliter la procédure afin d’éviter que votre action de groupe ne soit inefficace.

Enfin, je voudrais dire un mot sur cet article 1er puisque vous avez dit qu’il était fondamental et structurait ce projet.

Selon nous, l’action de groupe telle que vous la concevez comporte cinq erreurs : elle laisse le monopole aux seules associations de consommateurs, elle instaure la rétroactivité, elle consiste en un dispositif complexe avec deux actions de groupe concurrentes, elle ne permet pas la liquidation par les associations de consommateurs, enfin, elle pose le problème du recensement des victimes a posteriori.

Autant de raisons qui font que l’action de groupe à la Benoît Hamon, ce n’est pas l’action de groupe voulue par Nicolas Sarkozy.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. En effet, c’est mieux !

M. le président. Nous en venons aux amendements à l’article 1er.

La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n134.

M. Damien Abad. Cet amendement vise à reprendre la proposition de loi qui avait été présentée par notre collègue Luc Chatel – vous constaterez combien l’inventivité en matière d’action de groupe, au sein de notre groupe, était importante. Nous proposons une autre procédure, plus appropriée, en particulier dans le domaine de la reconnaissance des victimes qui sont regroupées au préalable de la décision du juge.

Cet amendement tend donc à instaurer un recours collectif pour les consommateurs. Il propose de réécrire l’article 1er, comme nous avions eu l’occasion de le dire lors de la première lecture.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour donner l’avis de la commission.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Avis évidemment défavorable.

S’agissant de la cohérence dont il faudrait faire preuve, je n’ai pas quant à moi à évoquer l’unité de tel ou tel groupe politique. Mais, en première lecture, nous avons discuté de deux amendements du groupe UMP proposant la mise en place de deux actions de groupe différentes, l’un que vous avez signé, monsieur Abad, avec Mme Vautrin ou M. Fasquelle, me semble-t-il, l’autre qui était signé par M. Lefebvre et Mme Vautrin. Nous avons donc eu l’occasion de débattre, de discuter, d’échanger.

Je ne sais pas si, in fine, le groupe UMP est pour ou contre l’action de groupe ou s’il est favorable à une autre conception de l’action de groupe, sachant que l’un des deux amendements que vous avez défendus tendait à aller beaucoup plus loin et que l’autre tendait à restreindre sa portée. Je vous prie de m’excuser si je m’y perds un peu mais, contrairement à ce que vous tentez de dire, y compris en deuxième lecture, je ne crois pas que nous soyons confrontés à un clivage politicien. En ce qui me concerne, en matière d’action de groupe, je pense que plus on est rassemblés, plus on est forts et il y a des gens qui, à droite, à l’UMP, pensent la même chose. L’action de groupe simplifiée est dite telle dans un cas particulier. Pourquoi voulez-vous faire croire le contraire ? J’entends très bien le « gimmick » tel que vous l’avez joué en première lecture mais il n’y a pas d’opposition ici.

Il existe un cas très simple, sur lequel je reviens pour la dernière fois : lorsque l’on dispose d’un fichier, que l’on connaît le dommage causé à chacun, que l’ensemble des contenus permettant réparation est disponible. Pourquoi s’enfermer de façon kafkaïenne alors que l’exigence de résultat ne l’exige pas, monsieur Abad ?

Je ne reviendrai donc pas sur cette question car, entre la première lecture et le travail en commission, nous avons répondu, fait des rappels, répondu à nouveau à l’ensemble des arguments possibles et imaginables. Je souhaitais tout de même dire cela pour que la posture que vous adoptez ne se confonde pas tout à fait avec la caricature et que notre débat demeure fondé sur des exigences essentielles et seulement des exigences essentielles. Comme celles-ci ont toutes été rappelées, je ne reviendrai donc pas sur l’action de groupe.

J’ai rappelé l’avis que nous avons formulé en commission et en première lecture. En l’occurrence, il est défavorable.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Même avis.

(L’amendement n134 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 54 et 221, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n54.

M. Damien Abad. Les deux amendements que vous avez évoqués, monsieur le rapporteur, avaient été déposés par deux députés UMP, en l’occurrence, deux anciens secrétaires d’État à la consommation.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. C’était encore plus inquiétant !

M. Damien Abad. Je ne vois pas en quoi cela n’engagerait pas le groupe UMP. Comme je vous l’ai dit – mais peut-être est-ce particulièrement compliqué, en ce moment, de votre côté –, nous sommes libres et chacun avance comme il l’entend.

Sur le principe, nous sommes favorables à l’action de groupe mais nous ne sommes pas d’accord sur les modalités pratiques que vous proposez. J’ai rappelé les cinq erreurs que vous avez faites et qui expliquent notre attitude.

Cet amendement de mon collègue Le Fur vise à permettre aux associations d’usagers représentatives au niveau national d’exercer des actions de groupe à l’encontre des services publics, industriels et commerciaux, les SPIC, de manière à donner à l’action de groupe toute sa portée et d’éviter une interprétation restrictive qui exclurait ces derniers – même si, monsieur le ministre, vous avez dit en commission qu’ils sont inclus dans le champ ; ce serait donc bien de le rappeler dans l’hémicycle.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. C’est superfétatoire ! Retirez cet amendement inutile !

M. Damien Abad. Le présent texte vise donc à préciser que les associations d’usagers des SPIC représentatives au niveau national disposent d’un intérêt à agir dans le cadre de l’action de groupe.

M. le président. La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n221.

M. Damien Abad. Il convient d’ouvrir les possibilités de déclenchement de l’action de groupe en précisant que le monopole donné aux associations de consommateurs ne permettra pas à cette dernière de fonctionner. Nous voulons que les associations ad hoc puissent également s’y engager.

Vous le voyez, monsieur le ministre, nous vous aidons ! Il s’agit de rendre votre procédure d’action de groupe plus efficace et, surtout, de redonner la première place aux consommateurs. En effet, ces derniers dépendent de la volonté que les associations de consommateurs auront, ou non, d’intenter une action en justice. Nous pensons que le consommateur ne doit pas être en deuxième position mais qu’il doit être en première ligne. À cette fin, l’action de groupe doit donc être ouverte aux associations ad hoc.

En outre, nous pensons que le fait de donner l’exclusivité aux associations de consommateurs contrevient à un certain nombre de principes constitutionnels, notamment le principe d’égalité devant la justice, le principe de liberté dans l’accès à la justice, le droit à un recours juridictionnel effectif ainsi que le principe de liberté d’association.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements en discussion commune ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Avis défavorable. En effet, nous avons débattu du premier en commission et en première lecture. Nous avons rappelé maintes et maintes fois que les SPIC sont concernés, comme les autres services. Je ne demande même pas le retrait de cet amendement. Avis défavorable

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je vous rappelle, monsieur Abad, que la Fédération nationale des associations d’usagers des transports est l’une des quinze associations de consommateurs agréées, ce qui satisfait, à mon sens, votre amendement n54.

Avis défavorable sur les deux amendements.

(Les amendements nos 54 et 221, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 289 et 393.

La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n289.

M. Damien Abad. Cet amendement tend à ce que les consommateurs victimes soient identifiés avant la saisine du juge. Pour éviter toute dérive, il faudrait que le recensement des victimes soit effectué par le juge, or ce n’est pas ce que prévoit le projet de loi. Le principe d’un recensement des victimes a posteriori peut d’ailleurs poser un problème financier aux entreprises, qui ne savent pas exactement combien de victimes elles vont devoir indemniser, mais également un problème procédural, relatif au rôle du juge et à la conservation de la preuve.

Il se pose également un problème de reconnaissance des victimes. Je note que dans l’action de groupe simplifiée, les choses ne se passent pas de la même façon, puisque les victimes ne sont pas recensées a posteriori, mais en amont – c’est bien la preuve qu’il y a deux actions de groupe. Cet amendement propose donc que les consommateurs soient identifiables pendant la procédure.

M. le président. La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n393.

M. Dino Cinieri. Pouvez-vous nous préciser, monsieur le ministre, combien il faudra de consommateurs pour agir en action de groupe ? La rédaction actuelle du sixième alinéa étant très floue, je suggère de substituer à l’expression « des consommateurs », qui est très vague, l’expression : « un groupe significatif et identifiable » de consommateurs.

(Les amendements identiques nos 289 et 393, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n53.

M. Damien Abad. Il s’agit d’un amendement similaire à l’amendement n54 : défendu.

(L’amendement n53, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n222.

M. Damien Abad. Cet amendement vise à élargir le champ de l’action de groupes aux préjudices liés au droit financier et au droit boursier. Nous pensons que ces droits-là doivent être intégrés dans le champ de l’action de groupe.

(L’amendement n222, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Michèle Bonneton, pour soutenir l’amendement n436.

Mme Michèle Bonneton. Le texte crée l’action de groupe à la française, ce que nous saluons. En faisant masse, les consommateurs pourront obtenir réparation d’un préjudice matériel subi, mais aussi influencer en amont les pratiques malveillantes des entreprises. C’est d’ailleurs l’aspect le plus intéressant de l’action de groupe.

Cependant, avec le Syndicat des avocats de France, nous regrettons que le Gouvernement se soit arrêté au milieu du gué et nous proposons, par cet amendement, qu’un groupe de personnes puisse faire un recours collectif pour un préjudice environnemental ou sanitaire. Ce type d’action existe déjà dans un certain nombre de pays : aux États-Unis, bien sûr, même si nous ne proposons pas d’adopter tout ce qui existe là-bas, en Angleterre, au Pays de Galles, en Suède, ou encore au Québec. Notre amendement a pour objet de faire évoluer le droit pour renforcer l’accès à la justice et pour faire gagner du temps aux tribunaux, sans pour autant favoriser les recours abusifs à but purement lucratif.

Je rappellerai qu’un rapport a été remis à Mme la garde des sceaux le 17 septembre 2013, portant sur la réparation du préjudice environnemental. Ce rapport confirme la nécessité et l’urgence d’inscrire ce préjudice environnemental dans le code civil. Une proposition de loi, qui va dans le même sens, a été votée à l’unanimité au Sénat en mai 2013.

En ce qui concerne la santé, plusieurs scandales sanitaires récents ont révélé les lacunes du droit français – tout le monde se souvient des prothèses PIP. Il est impossible de se faire rembourser les préjudices relevant de la santé dans notre droit actuel, et toutes les victimes ont beaucoup de difficultés à faire reconnaître le préjudice subi. En effet, les coûts individuels sont élevés, particulièrement en ce qui concerne l’expertise et la contre-expertise. L’action de groupe, en permettant une certaine mutualisation, facilitera donc l’action des victimes et la réparation du préjudice. Elle aura, en outre, un rôle préventif, en ce qu’elle responsabilisera les entreprises peu scrupuleuses. C’est pour ces raisons que je vous invite à voter notre amendement, qui se propose d’élargir l’action de groupe à l’environnement et à la santé.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je me suis déjà exprimé sur ce point, dans ma réponse aux orateurs inscrits dans la discussion générale. Avis défavorable.

(L’amendement n436 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n199.

M. Lionel Tardy. Cet amendement, cosigné par les députés du groupe UMP, vise à préciser que l’introduction d’une action de groupe ne peut se fonder que sur des préjudices survenus après la promulgation de la loi. Il s’agit d’appliquer le principe constitutionnel de non-rétroactivité de la loi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Je veux bien que l’on aille vite parce que nous sommes en deuxième lecture, mais il s’agit tout de même d’un vrai sujet, sur lequel nous avons des positions nettement différentes. Vous voyez, monsieur le rapporteur, que sur les grands principes, l’UMP est rassemblée : nous pensons que l’application de la loi après sa promulgation est un non-sens complet.

Non seulement la loi n’est pas rétroactive par principe, mais il faut prendre en compte ce que l’on appelle le principe d’effet immédiat de la loi, qui permet de l’appliquer à des litiges antérieurs à sa promulgation. Or nous pensons que cela représente un risque d’instabilité économique et juridique très fort pour les entreprises.

M. Lionel Tardy. Bien sûr !

M. Damien Abad. Vous n’entendez pas ce que les entreprises françaises et les Français vous disent : qu’ils en ont assez de l’instabilité fiscale, de l’instabilité juridique et de l’instabilité économique permanentes. C’est un vrai sujet !

Vous appelez, monsieur le ministre, à un consensus politique large autour de ce texte sur la consommation, un texte sympathique que nous devrions tous voter en chœur. Mais il y a une vraie différence entre nous. Nous, nous pensons que la loi ne doit s’appliquer qu’aux faits qui sont postérieurs à son adoption. Il faut prendre en compte ce principe d’effet immédiat de la loi, au nom de la stabilité économique, fiscale et juridique de l’environnement économique dans lequel nous sommes.

M. Lionel Tardy. Eh oui !

M. le président. La parole est à M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Je voudrais apporter mon soutien à cet amendement. Nous avons déjà eu cette discussion en commission et je pense, moi aussi, qu’il serait de bon aloi, pour éviter tout litige, d’indiquer que, s’agissant des actions de groupe, la loi ne concerne que les faits postérieurs à son adoption.

M. Lionel Tardy. Bien sûr ! Monsieur le président de la commission, dites quelque chose !

M. Thierry Benoit. Je suis en effet convaincu que les entreprises font avec les règles du moment et qu’elles peuvent adapter certaines dispositions, selon qu’existe ou non la possibilité d’engager des actions spécifiques, comme l’action de groupe.

M. Nicolas Bays. Vous voulez dire que certains fraudent volontairement ?

M. Thierry Benoit. Pour éviter toute source de contentieux, il serait bon de dire clairement dans le texte à partir de quand cette loi s’applique, de préciser que la loi s’applique aux faits postérieurs au vote…

M. Damien Abad. Très bien !

M. Thierry Benoit. …et de renoncer définitivement à la rétroactivité de cette loi, qui serait dangereuse. Je suis convaincu qu’on nous le reprocherait sur le terrain.

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Sur un sujet aussi important, j’aimerais avoir l’avis du président de notre commission. En commission, nous parlons à longueur de journée d’économie, d’emploi, de protection des entreprises. Je ne suis pas contre l’idée d’adopter de nouvelles règles, sur lesquelles les entreprises seraient parfaitement informées. Mais appliquer des dispositions de façon rétroactive, je pense que ce n’est pas adapté dans le contexte actuel.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Monsieur Tardy, nous parlons ici de préjudices subis par les consommateurs, et je n’ose imaginer que les entreprises dont vous parlez commettent volontairement des actes préjudiciables aux consommateurs. À propos de la rétroactivité, je vais faire un parallèle avec le permis à point : selon votre logique, les automobilistes qui ont passé le permis avant l’instauration du permis à points pourraient multiplier les infractions sans aucune limite, au prétexte que ce permis n’existait pas quand ils ont passé le leur.

M. Damien Abad et M. Lionel Tardy. Non ! Ce n’est pas la même chose !

M. Thierry Benoit. Les délits antérieurs au permis à point n’étaient pas concernés !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Peu importe que la faute ait été commise avant ou après l’adoption de la loi ; ce qui compte, ce qui est actuel, c’est la constatation du préjudice. Ne seront concernés par ce texte que les préjudices constatés. Le fait générateur de la loi, c’est le préjudice subi par les consommateurs.

Nous sommes ici pour défendre les faibles, les consommateurs auxquels des entreprises – et elles ne sont pas si nombreuses que cela – ont fait subir un préjudice par le biais des produits qu’elles mettent sur le marché.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Vous faites délibérément une confusion : nous ne créons pas d’obligations nouvelles pour les entreprises, ni en matière de pratiques commerciales, ni en termes d’obligations contractuelles. Cette procédure nouvelle ne changera rien aux conditions dans lesquelles des entreprises peuvent être punies pour pratique commerciale trompeuse. Nous créons une procédure nouvelle sur la réparation du préjudice à l’égard des consommateurs.

C’est cette confusion qui vous amène aujourd’hui à contester la disposition, qui fait que toute faute non prescrite pourra donner lieu au déclenchement d’une action de groupe. Par ailleurs, monsieur Abad, il peut y avoir des désaccords entre nous, mais cessez de nous dire que les Français veulent ceci ou cela ; les Français veulent obtenir réparation des préjudices qu’ils ont subis. Or ils observent que vous êtes du côté de ceux qui préservent la rente et que vous ne défendez pas la réparation des préjudices.

M. Damien Abad. C’est faux !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. J’espère que les Français sauront que l’UMP s’est opposée à cela. Nous, nous voulons qu’ils obtiennent réparation des préjudices qu’ils ont subis, en matière d’ententes anticoncurrentielles ou de litiges de consommation de masse. Vous ne le voulez pas : dont acte !

M. Lionel Tardy. Nous sommes d’accord sur le principe, mais arrêtons de changer les règles sans arrêt !

(L’amendement n199 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n535.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Cet amendement porte sur la possibilité de confier à une seule association la représentation de l’ensemble du groupe.

Après discussion, et en me fondant notamment sur les arguments échangés au Sénat, où le texte n’a pas été modifié sur ce point, j’ai voulu déposer un amendement qui laisse aux différentes associations qui décideraient de représenter les consommateurs sur un même cas la possibilité d’aller ensemble devant le juge. C’est ensuite au juge qu’il incomberait, dans le cadre de la procédure, de définir laquelle de ces associations porterait la réparation.

Plutôt que d’encadrer cela dans la loi, nous avons voulu que la manière dont sera organisée la réparation se décide au niveau du juge.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Favorable.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. Pardonnez-moi d’intervenir un peu tardivement, mais je suis très surprise de la décision portant sur la rétroactivité de la loi. Si je peux en comprendre le principe, je ne comprends pas, en revanche, pourquoi on ne précise pas dans le texte que les faits doivent être postérieurs à l’adoption de celui-ci. Si ce texte est bon, pourquoi s’exposer à une censure du Conseil constitutionnel, à cause de sa rétroactivité ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Ce n’est pas l’objet de cet amendement !

Mme Valérie Boyer. On ne peut pas travailler comme cela ! L’instabilité, ce yo-yo législatif permanent est vraiment dangereux pour la compétitivité française.

M. le président. L’amendement dont vous parlez a déjà été rejeté.

Mme Valérie Boyer. Je suis désolée, mais j’étais tellement abasourdie que j’ai réagi trop tard.

(L’amendement n535 est adopté et l’amendement n225 tombe.)

M. le président. La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n228.

M. Damien Abad. Monsieur le ministre, vous avez su garder vos nerfs en première lecture, je ne voudrais pas qu’il en aille autrement en deuxième lecture et que vous teniez des propos aussi caricaturaux que ceux que vous venez d’avoir. Dans votre discours introductif, vous avez salué le travail de l’ensemble des groupes, notamment de l’opposition. J’aimerais que vous gardiez cette ligne, pour la bonne tenue de nos débats. Je vous y aide en essayant de travailler sur le fond.

M. Thierry Benoit. Gardez la ligne, monsieur le ministre !

M. Damien Abad. Nous avons une vraie divergence sur ce sujet, et je pense qu’en bon démocrate et républicain que je ne doute pas que vous êtes, vous pouvez accepter cette différence.

L’amendement n228 a pour objet de clarifier la procédure s’agissant des compétences du juge de la mise en état. En effet, la procédure d’action de groupe ne prend pas en compte son existence alors qu’il est compétent pour ce type de litiges. Il nous paraît donc nécessaire d’encadrer ses pouvoirs et de lui donner une feuille de route claire.

(L’amendement n228, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Michèle Bonneton, pour soutenir l’amendement n437.

Mme Michèle Bonneton. Par cet amendement, nous proposons que le juge fixe un délai aux parties pour la communication des pièces et la remise de leurs conclusions. En effet, il ne faudrait pas que les délais d’instruction conduisent à retarder la reconnaissance de la responsabilité du dommage et son indemnisation.

Puisque nos débats avancent très vite, je me permets de redemander au ministre de préciser les engagements du Gouvernement sur l’action de groupe en matière de santé et d’environnement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Comme je l’ai dit dans ma réponse aux orateurs inscrits dans la discussion générale, Mme la ministre de la santé a annoncé que, dans le cadre du troisième pilier de la stratégie nationale de santé, qui concerne les droits des patients, l’extension du principe de l’action de groupe au champ de la santé serait proposée sous une forme législative adéquate. Le terme d’extension est en fait impropre : une procédure spécifique d’action de groupe pour la santé tenant compte de l’expertise du préjudice corporel et individuel qui sera nécessaire sera mise en œuvre de façon à ce que, sur des dossiers comme nous avons pu en connaître en matière de médicaments, nous puissions avoir des réponses qui permettent d’indemniser le consommateur, mais aussi le patient qui subit les conséquences défavorables de l’absorption d’un médicament.

S’agissant de l’environnement, le ministre en charge des questions environnementales, Philippe Martin, a saisi le Conseil général de l’environnement et du développement durable d’une demande en ce sens. Ainsi, dans le champ de l’environnement, qui embrasse une réalité encore plus complexe comprenant le préjudice économique, les préjudices portant sur la santé et le préjudice écologique, le CGEDD pourra soumettre des propositions pour préparer une action de groupe.

Sur l’amendement, avis défavorable.

(L’amendement n437 n’est pas adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

suite de la deuxième lecture du projet de loi relatif à la consommation.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Nicolas Véron