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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2013-2014

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du jeudi 05 juin 2014

SOMMAIRE

Présidence de M. Christophe Sirugue

1. Prévention de la récidive et individualisation des peines

Discussion des articles (suite)

Avant l’article 5 (suite)

Amendements nos 220 rectifié , 366 rectifié , 548 rectifié , 763 rectifié

M. Dominique Raimbourg, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Amendements nos 148 , 691 rectifié , 149 , 692 rectifié , 150 , 367 , 572

Article 5

Mme Colette Capdevielle

M. Guy Geoffroy

Mme Cécile Duflot

Mme Arlette Grosskost

M. Guillaume Larrivé

Mme Marion Maréchal-Le Pen

M. Dino Cinieri

M. Georges Fenech

M. Thierry Mariani

M. Christophe Caresche

M. Éric Ciotti

M. Bernard Gérard

M. Pascal Popelin

M. Jean-Pierre Blazy

M. Jacques Alain Bénisti

M. Alain Marsaud

M. Patrick Hetzel

M. Alain Tourret

Mme Colette Capdevielle

Mme Cécile Untermaier

M. Dominique Raimbourg, rapporteur

Amendements nos 185 , 219 , 439 , 855 , 365 , 187 , 293 , 466 , 294 , 319 , 295

Article 6

Amendements nos 221 , 288 , 368 , 497 , 213 , 151 , 297 , 152 , 498 , 697 , 503 , 650 , 649 , 298 , 156 , 499 , 698 rectifié , 158 , 699 , 299 , 159 , 300 , 160 , 302 , 648 , 161 , 303 , 647

Article 6 bis

Amendements nos 222 , 846 , 775 rectifié , 796 rectifié , 886 (sous-amendement)

Suspension et reprise de la séance

Rappel au règlement

M. Patrick Hetzel

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux

M. Georges Fenech

Article 6 bis (suite)

Suspension et reprise de la séance

Article 6 ter

Amendement no 127

Article 6 quater

Amendements nos 223 , 551

Après l’article 6 quater

Amendement no 369

Article 7

M. Dino Cinieri

Amendements nos 128 , 224 , 552 , 743 , 516 rectifié , 162 , 514 , 578 , 797 , 820 rectifié , 821 , 798 , 822

Après l’article 7

Amendements nos 495 rectifié , 140 rectifié , 567 rectifié , 129 rectifié et 130 , 4

Article 7 bis

M. Dino Cinieri

Amendements nos 225 , 553 , 138 , 565 , 139 , 566 , 751 , 839 , 823

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Christophe Sirugue

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Prévention de la récidive et individualisation des peines

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, après engagement de la procédure accélérée, relatif à la prévention de la récidive et à l’individualisation des peines (nos1413, 1974).

Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de six heures trente-trois minutes pour le groupe SRC, dont 35 amendements sont en discussion ; quatre heures trente-quatre minutes pour le groupe UMP, dont 508 amendements sont en discussion ; trois heures vingt minutes pour le groupe UDI, dont 16 amendements sont en discussion ; une heure vingt-cinq minutes pour le groupe écologiste, dont 26 amendements sont en discussion ; une heure dix-neuf minutes pour le groupe RRDP, dont 11 amendements sont en discussion ; une heure dix-huit minutes pour le groupe GDR, dont 4 amendements sont en discussion ; dix minutes pour les députés non-inscrits.

Discussion des articles (suite)

M. le président. Ce matin, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant aux amendements identiques nos 220 rectifié, 366 rectifié, 548 rectifié et 763 rectifié avant l’article 5.

Avant l’article 5 (suite)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques, nos 220 rectifié, 366 rectifié, 548 rectifié et 763 rectifié, portant article additionnel avant l’article 5.

La parole est à M. Georges Fenech, pour soutenir l’amendement n220 rectifié.

M. Georges Fenech. Cet amendement vise à étendre le dispositif des peines plancher aux faits de réitération.

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n366 rectifié.

M. Éric Ciotti. En même temps que je vais défendre cet amendement, je voudrais rappeler l’éclairage apporté ce matin par M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement au sujet de la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs qui nous a occupés une partie importante de la nuit. J’ai trouvé que le secrétaire d’État avait particulièrement contredit Mme la garde des sceaux, puisqu’il n’a pris aucun engagement, et j’y vois le signe très clair de la faille, voire de la fracture qui traverse la majorité et même le Gouvernement.

Mme Elisabeth Pochon. Occupez-vous de vos affaires !

M. Éric Ciotti. Mme la garde des sceaux, même si elle n’a pris aucun engagement cette nuit, a souligné la pertinence de la proposition de loi du groupe GDR. Bien entendu, nous y sommes totalement opposés sur le fond, mais je veux signaler cette fracture béante qui divise la majorité. Beaucoup plus grave : qu’un secrétaire d’État vienne contredire dans l’hémicycle la garde des sceaux me paraît particulièrement éclairant quant à la déliquescence du pouvoir qui nous dirige.

Je veux m’associer à Georges Fenech pour proposer des peines sanctionnant mieux la réitération, qui est au cœur des phénomènes de délinquance. J’ai cité les chiffres –madame la garde des sceaux les a contestés, elle le fera sans doute de nouveau – mais selon des études scientifiques comme celle du sociologue Sébastien Roché, 5 % des délinquants commettent 50 % des délits. D’après les chiffres publiés par la préfecture de police de Paris en 2011, plus de 10 800 personnes avaient commis plus de cinquante délits chacune sur le ressort de la préfecture de police de Paris.

Il faut des moyens pour frapper d’une sanction plus ferme ces réitérants : on ne peut accepter, on ne peut supporter cette multiplicité d’actes de délinquance. Il faut que la réponse pénale soit plus ferme, plus dissuasive, pour s’attaquer à ce noyau de la délinquance.

M. Georges Fenech. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n548 rectifié.

M. Patrick Hetzel. Comme vient de le rappeler fort judicieusement notre collègue Éric Ciotti, la loi de Pareto est terrible : les enquêtes le montrent, 5 % des délinquants commettent 50 % des délits. La question de la récidive est donc bien centrale.

Pour renforcer l’efficacité de la réponse pénale, cet amendement vise à appliquer, sous certaines conditions, aux infractions commises en réitération des peines minimales. Ces dispositions sont d’ailleurs issues d’une proposition de loi de nos collègues Ciotti, Larrivé et Goujon. L’objectif est de mieux sanctionner ce qu’on appelle « les parcours délinquants », caractérisés par la multiplication des agissements venant troubler l’ordre public, qu’il s’agisse d’atteintes aux biens, d’atteintes aux personnes, d’infractions à la législation sur les stupéfiants.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement n763 rectifié.

M. Guillaume Larrivé. Nous sommes, sur ces bancs, favorables aux peines minimales privatives de liberté et nous n’avons pas l’intention de nous en excuser.

Nous y sommes favorables, parce qu’elles sont parfaitement conformes aux principes fondamentaux de notre droit et d’abord au principe de la nécessité des peines. Le Conseil constitutionnel, lorsqu’il est saisi de ces matières, veille à l’absence de disproportion manifeste entre l’infraction et la peine encourue. Il a déjà jugé, en 2007, qu’il n’y avait aucune atteinte à ce principe de nécessité des peines lorsque le dispositif des peines minimales s’appliquait à des faits extrêmement graves : les faits commis en état de récidive, les faits de violence aggravée et les faits graves commis en état de réitération.

Il y a aussi conformité à un second principe, souvent rappelé dans cet hémicycle depuis l’ouverture de ce débat : celui de l’individualisation des peines. On le sait, le Conseil constitutionnel juge que l’absence d’automaticité des peines découle de ce principe et il valide donc le dispositif des peines minimales dès lors qu’il n’y a pas d’automaticité : la juridiction conserve toujours la faculté de ne pas prononcer cette peine minimale et de préférer une peine inférieure au seuil.

Voilà pourquoi nous persistons, par ces amendements, à proposer non seulement le maintien de ce qu’il est convenu d’appeler les « peines plancher », mais leur extension au dispositif applicable à la réitération. Ce n’est pas une monstruosité juridique, mes chers collègues : c’est quelque chose de juridiquement solide, qui nous semble répondre à une vraie demande de la société. Nous regrettons de prêcher dans le désert – vox clamantis in deserto – alors que nous avons la conviction d’œuvrer dans l’intérêt général. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Raimbourg, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission sur ces amendements.

M. Dominique Raimbourg, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Avis défavorable, pour deux raisons. D’abord, nous essayons d’introduire un peu de rationnel dans ce débat. Loin de moi l’idée de me cantonner à des positions de principe, à des positions idéologiques. L’affirmation selon laquelle 5 % des délinquants commettent 50 % des crimes…

M. Georges Fenech. Des délits !

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. …des délits, excusez-moi, est une affirmation qui n’a pas à l’heure actuelle de base scientifiquement établie. En l’état, il est impossible de dire que c’est vrai. Cela ressort d’une étude anglaise et de celle d’un chercheur français qui s’appelle Sébastien Roché.

M. Georges Fenech. Ce n’est déjà pas mal !

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Certes, mais l’étude de Sébastien Roché était très particulière puisque, sauf erreur de ma part, elle se focalisait sur la délinquance auto-avouée par des mineurs. Que certains délinquants soient particulièrement productifs, c’est tout à fait exact, mais l’on ne peut pour autant affirmer que 5 % des délinquants produisent 50 % des délits. Je ne voudrais pas que l’on fonde une politique pénale sur de telles affirmations, car cela retirerait toute efficacité à cette politique.

Ensuite, si les peines minimales avaient un effet formidable, au point d’éradiquer la délinquance – rêvons un instant –, dans ce cas, pourquoi pas ? Mais, au delà des questions sur l’automaticité ou la semi-automaticité, la légitimité de la mesure et sa conformité aux principes, aucune étude ne permet de dire que les peines prononcées par les tribunaux à l’encontre des récidivistes ou des réitérants soient d’une sévérité insuffisante. La fréquentation des tribunaux démontre que ceux qui comparaissent avec un casier judiciaire chargé ont des peines beaucoup plus sévères que les primo-délinquants ou ceux qui ont un casier judiciaire peu chargé.

En l’état, la sévérité des tribunaux n’étant pas en question, je ne vois pas pourquoi alourdir le processus juridictionnel par un mécanisme dont la nécessité n’apparaît pas justifiée.

Mme Cécile Untermaier. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l’avis du Gouvernement.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. L’avis du Gouvernement est identique à celui de la commission pour les raisons qui ont été exposées. Le rapporteur vient de rappeler la source des références statistiques que les orateurs du groupe UMP citent de façon systématique. On ne peut appeler « étude scientifique » dont on pourrait extrapoler les résultats celle de Sébastien Roché, limitée géographiquement, fondée sur une base déclarative, ni faire référence à la loi de Pareto qui n’est tout de même pas identique, pardon de vous le rappeler.

On ne peut sur cette base-là généraliser ni, comme vient de le dire le rapporteur, fonder la politique publique.

S’agissant des peines plancher, je vous rappelle que l’objectif du législateur était clair : il s’agissait de dénoncer le prétendu laxisme des juges et de le combattre. Je parle de « prétendu » laxisme des juges parce que les statistiques contredisent cette idée : on a bien vu que la durée moyenne du temps d’incarcération avait augmenté, dans une fourchette de trois à six mois, ce qui a fait passer la durée moyenne d’incarcération de huit à onze mois.

M. Georges Fenech. C’était le but !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est une moyenne modérée. Après cette défiance à l’encontre des juges, nous sommes très clairement dans une philosophie et un rapport à la justice différents. Nous l’assumons : nous assumons de faire confiance aux juges, de leur restituer la totalité de leur pouvoir d’appréciation et de mettre à leur disposition les moyens qui leur permettent d’apprécier. Notre objectif, avec ce texte, est de combattre et de prévenir la récidive : c’est donc de prévoir les dispositifs qui vont permettre d’éviter de nouveaux actes de délinquance et de nouvelles victimes.

Dans cette logique-là, oui, nous faisons confiance aux juges, oui, nous mettons en place les dispositions normatives qui assurent une plus grande efficacité de la peine.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Je voudrais remercier la garde des sceaux de souligner la différence majeure qui sépare les deux parties de l’hémicycle sur cette question sensible, mais il y a au moins un aspect du débat qui devrait faire consensus : ce sont les chiffres.

En effet, cette statistique selon laquelle 5 % des délinquants sont responsables de 50 % des délits, nous l’avons trouvée aux meilleures sources : non seulement dans l’étude, bien sûr, de Sébastien Roché, mais aussi dans une source beaucoup plus importante, un livre excellent, écrit par un député du groupe socialiste à l’époque de sa parution. Un livre qui a pour titre Sécurité : La gauche peut tout changer. Un livre signé par Manuel Valls, qui reprenait à son compte ce chiffre qu’aujourd’hui vous refusez. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le chiffre lui-même n’est pas contesté : c’est l’utilisation que vous en faites qui est en cause !

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti.

M. Éric Ciotti. Notre débat a progressé puisque, madame la garde des sceaux, vous venez de reconnaître la pertinence de nos chiffres suite à la brillante argumentation de Guillaume Larrivé, ce dont je vous remercie.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous ne parlons pas la même langue. Nous disons non, ils entendent oui…

M. Éric Ciotti. Avant de nous prononcer sur ces amendements visant à s’attaquer à ce phénomène particulièrement préoccupant qu’est la multiréitération, je conforterai notre analyse en vous donnant une source assez fidèle à celle dont a fait état Guillaume Larrivé : la fameuse lettre dont nous avons déjà beaucoup parlé et dont nous reparlerons, datée du 25 juillet 2013, du même Manuel Valls, alors ministre de l’intérieur, reprochant à votre projet d’aborder le problème de la récidive et de la réitération du mauvais côté.

Je la cite : « Ce projet de loi repose sur un troisième postulat : la pertinence de traiter de la récidive en général, à charge pour le juge d’individualiser, alors que je soutiens, partant de la réalité criminologique, que nous devons traiter dans la loi plus finement des récidivistes qui obligent pour certains à une exigence accrue de prévisibilité et de fermeté de la loi pénale. Il faut en effet souligner que les prévenus qui comparaissent devant la juridiction pénale ont déjà fait l’objet de plusieurs mises en garde préalables à leur comparution, voire de plusieurs gardes à vue. Ils sont muilti-réitérants et inscrits dans des parcours délinquants. L’enquête récemment réalisée par l’Office national de la délinquance et des réponses pénales, l’ONDRP, en atteste : sur un échantillon de 1 508 personnes mises en cause pour 11 784 infractions, 54% ont été mises en cause pour cinq ou six infractions principales, soit 37% des 11 784 infractions, 18% ont été mises en cause pour dix infractions principales. »

Je crois qu’avec cet argumentaire assez pertinent de votre Premier ministre, du Premier ministre de la France, vous aurez à cœur de soutenir notre amendement.

M. le président. La parole est à M. Georges Fenech.

M. Georges Fenech. L’enquête dont, finalement, vous mettez en cause l’importance et le sérieux a été menée par un criminologue et sociologue reconnu en Grande-Bretagne, Jim Ratcliffe, qui a inspiré les travaux de Sébastien Roché.

Il est exact qu’il n’existe pas d’études conduites par les services de la Chancellerie, ce à quoi je vous invite à remédier car il serait intéressant de connaître plus scientifiquement le niveau de commission de la délinquance d’un noyau dur qui doit tourner dans ces eaux-là, soit 5 % de délinquants commettant 50 % des infractions.

Toujours est-il que vous fondez votre argumentation visant à supprimer les peines plancher en arguant de votre confiance, revendiquée, aux juges, comme si tel n’était pas notre cas. Mme Capdevielle a même parlé, ce matin, nous concernant, d’une défiance congénitale à l’endroit des juges.

M. Patrick Hetzel. En effet.

M. Georges Fenech. Il s’agit d’un procès d’intention qui ne repose strictement sur rien.

Nous pourrions d’ailleurs vous renvoyer un argument aussi fallacieux selon lequel votre projet de loi témoigne de votre défiance à l’endroit des juges un peu trop sévères puisque, nous le verrons tout à l’heure, vous voulez les obliger à examiner la libération conditionnelle au bout des deux tiers de l’exécution de la peine, à aligner le régime des récidivistes sur celui des primodélinquants et à motiver spécialement leur choix d’une peine d’emprisonnement ferme.

Ce n’est pas de confiance ou de défiance dont il est question à l’endroit des juges dès lors que tout est conforme aux règles constitutionnelles, comme le Conseil constitutionnel l’a indiqué. La vraie question est la suivante : quel message, intimidant ou non, envoyons-nous aux candidats à la récidive ? Or, leur faire savoir qu’ils encourent des peines plus sévères et que les peines encourues ou prononcées sont graduées contribue à lutter contre la récidive.

Mme Chantal Guittet. On ne l’a guère vu depuis 2007 !

M. Georges Fenech. Vous ne disposez d’ailleurs d’aucun élément statistique vous permettant d’affirmer, comme vous le faites de façon inconséquente, que les peines plancher auraient même augmenté la récidive.

M. Guy Geoffroy. Ils ne sont pas à un paradoxe près !

M. Georges Fenech. Manuel Valls, dans la lettre à laquelle nous nous référons souvent car elle est frappée au coin du bon sens, affirme qu’une telle affirmation ne repose sur rien, qu’il n’est pas possible de prétendre que le dispositif des peines plancher ait pu faire augmenter les récidives. Ce qui est en revanche certain, et que nous regrettons, c’est qu’il ne l’ait pas fait diminuer. Nous vous rejoignons sur ce point-là…

Mme Chantal Guittet. Il n’a servi à rien !

M. Georges Fenech. …puisque les récidives ont en effet augmenté de 2004 à 2011, les chiffrent en attestent.

Plutôt que de l’étendre aux faits de réitération, comme nous le proposons, vous préférez supprimer ce dispositif que les juges s’étaient approprié. Nous changeons constamment leurs modes de travail à chaque alternance et ce n’est pas rendre service à la justice. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Trois remarques rapides.

Tout d’abord, je me félicite des arguments développés par l’opposition : je suis heureux de voir tout le crédit que vous accordez à l’ancien ministre de l’intérieur. Mais celui-ci n’ayant jamais sollicité le maintien des peines plancher…

Mme Chantal Guittet. Jamais !

M. Éric Ciotti. Son argumentation prouve tout le contraire !

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. …je vous invite à être cohérents en retirant tous vos amendements visant à maintenir ou à étendre les peines plancher.

Ensuite, ne nous trompons pas sur la caractérisation des récidivistes : une grande partie des 50 000 récidives annuelles environ concerne d’abord les vols, puis les infractions routières de conducteurs sous l’emprise de l’alcool, les agressions physiques et les infractions à la législation sur les stupéfiants. Ces récidivistes troublent-ils si fortement l’ordre public ? Incontestablement, oui, mais s’agit-il de multiréitérants ?

Enfin, les études que vous mentionnez, qui sont en effet inquiétantes, concernent Paris où tombent dans les filets de la police de nombreux pickpocket, dont la délinquance est difficilement supportable pour les Parisiens, les usagers des transports en commun victimes de vols dans le métro ou le bus, mais elles ne reflètent pas forcément la situation sur le reste du territoire national.

Lorsque la réponse judiciaire – et donc la chaîne judiciaire – fonctionne, elle est satisfaisante.

La polémique sur l’augmentation ou non de la récidive du fait des peines plancher peut être tranchée par une réponse positive, ce qui n’est d’ailleurs pas infamant. Lorsque l’on parle de récidive, on mesure un phénomène très particulier : être récidiviste suppose qu’une peine ait déjà été inscrite au casier judiciaire.

M. Patrick Hetzel. C’est exact.

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Dès lors que les peines plancher existent, cela induit une impulsion en direction des parquets pour que la récidive soit visée au moment des poursuites. L’augmentation de la récidive résulte donc pour une part d’un effet statistique.

M. Éric Ciotti. Mais non ! N’importe quoi !

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Vous avez tort de contester cet argument qui conforte en partie le vôtre puisqu’il implique que l’augmentation effective de la récidive n’est pas aussi importante que vous le pensez.

Je ne sais pas si je suis suffisamment clair : l’augmentation de la récidive comporte forcément un effet statistique et c’est lui qui doit être mesuré. Mesurons donc les phénomènes avant de légiférer trop vite sur une question dont nous n’avons pas fait le tour ! Sur ce point-là, je vous rejoins.

Nous avons beaucoup légiféré ces dernières années, en particulier sous la précédente législature, mais à l’aveugle,…

M. Patrick Hetzel. C’est intéressant !

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. …sans mesurer les phénomènes que nous voulions combattre.

Nous nous proposons de faire autrement avec ce projet de loi. Ne nous aventurons pas à instaurer des dispositifs très compliqués…

M. Guy Geoffroy. Bravo ! Et l’article 4, il n’est pas compliqué ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. …qui brident la liberté des juges et qui affaiblissent la répression.

(Les amendements identiques nos 220 rectifié, 366 rectifié, 548 rectifié et 763 rectifié ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 148 et 691 rectifié.

La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n148.

M. Dino Cinieri. Après l’article 132-18-1 du code pénal, nous proposons d’insérer un article 132-18-2 disposant que pour les crimes commis par un auteur antérieurement condamné à de l’emprisonnement ferme, la peine d’emprisonnement, de réclusion ou de détention ne peut être inférieure aux seuils suivants : trois ans si le crime est puni de quinze ans de réclusion ou de détention, quatre ans s’il est puni de vingt ans, six ans s’il est puni de trente ans et neuf ans s’il est puni de la réclusion ou de la rétention à perpétuité.

Toutefois, la juridiction peut prononcer une peine inférieure à ces seuils en considération des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d’insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci.

Enfin, comme cela est reconnu dans l’étude d’impact, notamment, il n’y a pas eu de bilan des peines plancher si l’on excepte les propos du garde des sceaux considérant, à l’inverse de M. Valls, que les peines plancher seraient responsables de la surpopulation carcérale. Par conséquent, leur suppression ne répond qu’à un seul impératif : tenter par tous les moyens de supprimer tout ce qui a été fait sous la précédente majorité.

M. le président. La parole est à Mme Arlette Grosskost, pour soutenir l’amendement n691 rectifié.

Mme Arlette Grosskost. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Avis défavorable, le projet de loi ne concernant pas les crimes.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Même avis pour les mêmes raisons.

(Les amendements identiques nos 148 et 691 rectifié ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 149 et 692 rectifié.

La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n149.

M. Dino Cinieri. Dans la lignée du précédent, cet amendement vise à ce que les peines plancher concernent les réitérants afin de lutter contre l’ensemble de la récidive, non au sens juridique mais au sens où l’entendent les Français.

M. le président. La parole est à Mme Arlette Grosskost, pour soutenir l’amendement n692 rectifié.

Mme Arlette Grosskost. Il est défendu.

(Les amendements identiques nos 149 et 692 rectifié, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements identiques, nos 150, 367 et 572.

La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n150.

M. Dino Cinieri. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n367.

M. Éric Ciotti. Il convient d’élargir le principe des peines minimales aux amendes.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n572.

M. Patrick Hetzel. La discussion de cet article additionnel avant l’article 5 permet de revenir sur un point essentiel : la suppression des peines plancher à laquelle tend le projet de loi est inexplicable.

Il était extrêmement intéressant d’entendre M. le rapporteur indiquer que l’on ne disposait pas de statistiques la justifiant. Depuis le début de nos débats, nous insistons sur le fait que l’étude d’impact concernant ce texte n’est pas au rendez-vous. Quel aveu de faiblesse de votre part !

Depuis le début, l’opposition répète qu’il serait pertinent de disposer de données fiables avant de légiférer sur un sujet aussi sensible que celui-ci. Nous ne comprenons pas que vous vouliez la suppression des peines plancher parce que, encore une fois, comme vous le dites, il est possible d’en interpréter l’efficacité de diverses façons. Une étude d’impact plus sérieuse aurait permis de procéder différemment.

Notre approche est conservatoire parce que les magistrats, nous l’avons dit, ont pris des habitudes. Nous ne comprenons absolument pas pourquoi vous tenez à supprimer ces peines plancher car cela peut avoir un effet délétère sur l’évolution de la délinquance.

Ce que nous souhaitons, c’est réduire le nombre de victimes, or nous craignons justement que de telles dispositions ne le fassent augmenter, ce qui n’est ni dans l’intérêt général, ni dans celui de l’État. Et c’est pourtant bien le rôle premier du législateur que de prendre en compte l’intérêt général et celui de l’État.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Avis défavorable. Deux positions s’opposent ici : d’un côté une position idéologique qui consiste à mettre un plancher, de l’autre une position pragmatique qui consiste à instaurer un ajournement, assorti d’une consignation, pour garantir le recouvrement effectif de l’amende. Je pense que notre projet est bien plus favorable aux intérêts de tout le monde et à une répression efficace.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Avis défavorable. S’agissant de la prétendue absence totale de statistiques, vous vous accrochez désespérément à une étude, dont l’auteur demande lui-même, compte tenu de sa dimension géographiquement limitée et de sa nature déclarative, qu’elle ne soit pas interprétée de manière abusive et que l’on n’en tire pas des enseignements trop généraux. En dix ans, vous n’avez mené aucune étude ! Nous sommes en train de rattraper ce retard, puisque nous en avons fait réaliser une portant sur 500 000 personnes condamnées, qui a fait apparaître un taux de récidive de 11 % et un taux de réitération de 31 %. Nous travaillons à partir de ces données, sans extrapolations, mais avec l’idée que 500 000 personnes condamnées représentent une base statistique plus fiable, plus raisonnable, plus sérieuse et plus rigoureuse.

Vous nous dites, monsieur le député, qu’il s’agit de savoir quel message intimidant nous voulons envoyer aux délinquants. Pendant dix ans, vos messages ont consisté en des coups de menton et en une inflation législative qui a abouti à une centaine de modifications du code pénal et du code de procédure pénale.

M. Jean-Pierre Blazy. Cela n’a pas été très efficace !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le fait est que le taux de condamnation en récidive légale, durant la période où vous donniez ces coups de menton, est passé de 4,9 à 12,1 %.

M. Jean-Pierre Blazy. Quels résultats !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Notre problème, ce n’est pas le message ; c’est l’efficacité de la peine.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Exactement !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est pourquoi nous prenons toutes les dispositions pour que la peine soit adaptée et efficace, et pour que la récidive soit évitée. Il est donc bien vrai que nous sommes dans des logiques qui ne se croisent pas.

M. Matthias Fekl. Nous, nous ne faisons pas de la communication !

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Il y a un point sur lequel nous nous rejoignons : nous non plus, nous ne souhaitons pas qu’il y ait récidive. Mais l’hypothèse que nous formulons, c’est que pour qu’il n’y ait pas de récidive, un dispositif comme celui des peines plancher est parfaitement adapté.

M. Matthias Fekl. Non, la preuve ! C’est de l’idéologie !

M. Patrick Hetzel. Laissez-nous au moins exposer nos arguments !

M. Sergio Coronado. Cela ne marche pas !

M. Patrick Hetzel. Monsieur Coronado, vous nous aviez habitués à mieux ! Qu’est-ce qui vous permet de dire que cela n’a pas marché ?

M. Jean-Pierre Blazy. Les résultats !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Tout simplement !

M. Matthias Fekl. Nous sommes des gens simples.

M. Patrick Hetzel. Vous parlez de coups de menton, madame la garde des sceaux, mais le coup de menton permanent, certains le pratiquent du côté de la majorité ! L’opposition n’a pas l’exclusive de ce type d’approche et je vous invite donc à un peu plus de modestie.

M. Jean-Pierre Blazy. Nous vous renvoyons le compliment !

M. Patrick Hetzel. Mais c’est sans doute un peu difficile, à l’heure actuelle…

Je veux en tout cas insister sur le fait que les sources que nous citons sont sérieuses, et surtout sur le fait qu’elles ont été reprises par celui qui est aujourd’hui Premier ministre…

Mme Chantal Guittet. On a compris ! Cela fait dix fois que vous le répétez !

M. Éric Ciotti. Cela vous gêne, n’est ce pas ?

M. Patrick Hetzel. …lorsqu’il était ministre de l’intérieur. Il disait d’ailleurs pis que pendre, à l’époque, de ce projet de loi qu’il est aujourd’hui obligé de présenter au Parlement.

On voit bien que nous avons affaire à une majorité à géométrie variable.

Mme Chantal Guittet. Et vous, vous n’avez pas de géométrie du tout !

M. Patrick Hetzel. Tout cela est extrêmement inquiétant et témoigne, une fois encore, de votre amateurisme : voir un Premier ministre qui s’était d’abord opposé à un projet de loi le soutenir aujourd’hui du bout des lèvres… Je me demande vraiment de quel côté se trouve le coup de menton permanent.

Mme Chantal Guittet. C’est ce que l’on appelle parler pour ne rien dire !

M. le président. La parole est à M. Georges Fenech.

M. Georges Fenech. Vous nous renvoyez notre bilan, madame la garde des sceaux, mais, que je sache, malgré ce que l’on entend ici, vous avez échoué. Des statistiques montrent en effet qu’entre 2002 et 2012, la délinquance, sous toutes ses formes, a globalement baissé de 16 %, ce qui correspond à 500 000 victimes épargnées.

M. Matthias Fekl. On sait ce qu’il faut penser des chiffres de l’UMP !

M. Georges Fenech. Vous dîtes que ce sont les chiffres de l’UMP ?

M. Sergio Coronado. Ce sont les chiffres de Copé !

M. Alain Tourret. Ceux de Bygmalion !

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues !

M. Georges Fenech. Alors prenons les chiffres de l’Observatoire national de la délinquance : ils montrent, depuis 2012, une explosion de la délinquance ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. Matthias Fekl. Bien sûr, depuis le 7 mai 2012 précisément !

M. Georges Fenech. Je dis bien une explosion !

M. Matthias Fekl. Plus c’est gros, plus ça passe !

M. Georges Fenech. Si vous contestez ces chiffres, je prendrai le temps tout à l’heure, car je les ai avec moi, de les énumérer longuement. C’est depuis votre arrivée au pouvoir que la délinquance a explosé ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Hetzel. Excellent !

M. le président. La parole est à M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. Pour reprendre les propos de mon collègue Georges Fenech, je voudrais simplement rappeler que la gauche, qui diabolise les peines minimales pour les récidivistes, brandit la réinsertion comme un horizon, mais elle n’a pas les moyens humains et financiers d’assurer un meilleur suivi des condamnés. C’est tout le danger de sa politique, au-delà de l’idéologie.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Sur les statistiques de la délinquance, un rapport de la commission des lois établi par Didier Quentin et moi-même a démontré l’impertinence totale des chiffres utilisés pour évaluer la délinquance au cours des sept dernières années, par défaut de méthode, par incapacité à les analyser, et aussi par manipulation volontaire – le terme « manipulation » ayant été approuvé par mon collègue Quentin et moi-même.

Nous avons fait un certain nombre de recommandations, que Mme la ministre a bien voulu rappeler lors de la présentation de ce texte. Nous avons en particulier invité le ministère de l’intérieur à se doter d’un service ministériel des statistiques…

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est chose faite.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. …outil nécessaire pour que l’Observatoire ait enfin des données statistiques qui ne soient pas la seule traduction des résultats d’activité des commissariats. Je rappelle d’ailleurs que l’année dernière les chiffres de la gendarmerie ont été écartés par l’Observatoire, parce qu’ils comportaient des erreurs liées à des bugs et à des problèmes techniques. Je considère que la situation est en train de s’améliorer de manière vertueuse, puisque l’Observatoire est en train de se doter d’éléments d’analyse nouveaux.

Je rappelle enfin que proclamer un chiffre de la délinquance n’a aucun intérêt. Pour comprendre le phénomène de la délinquance, il faut inscrire les analyses dans le temps et faire des comparaisons, afin de tirer des conclusions aptes à servir l’action publique de sécurité et de prévention.

M. Georges Fenech. En somme, tout va bien !

(Les amendements identiques nos 150, 367 et 572 ne sont pas adoptés.)

Article 5

M. le président. La parole est à Mme Colette Capdevielle, première oratrice inscrite sur l’article 5.

Mme Colette Capdevielle. Contrairement à nos collègues de l’UMP, nous ne nous méfions pas des juges. (« C’est reparti ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Hetzel. C’est une lubie !

Mme Colette Capdevielle. Nous leur faisons confiance, car ce sont des professionnels qui savent dire le droit, tout le droit. Et notre rôle est justement de leur donner tous les moyens de mieux le faire encore. Nous savons précisément aujourd’hui – cela a été expliqué longuement au cours des dernières heures – ce qui peut contribuer à fabriquer ou à alimenter la récidive et la réitération de faits délictueux.

Nous ne supprimons pas de peines, bien au contraire, puisque nous en créons une nouvelle. L’arsenal répressif reste exactement le même et nous faisons confiance au juge pour choisir, dans cette panoplie, la peine la mieux adaptée. Non pas une peine d’affichage, comme l’étaient vos peines plancher, mais une peine qui tienne compte non seulement de la nature des faits, de la personnalité, du casier judiciaire – c’est-à-dire du nombre de condamnations – mais aussi, bien sûr, du projet de vie et de l’âge de la personne, de son parcours et de son histoire.

Faire confiance aux juges, c’est aussi et surtout restaurer la confiance indispensable entre la société et sa justice. Du reste, c’est sans doute ce qui importe le plus ici – nous sommes tous d’accord pour dire qu’il y a urgence en la matière.

Pendant les auditions, nous nous sommes rendu compte – et je parle en toute franchise, car il n’est pas question de prendre parti pour qui que ce soit – qu’aucun professionnel ne considère les peines plancher comme une réussite. Je n’en ai pas entendu un seul les défendre !

M. Guy Geoffroy. Vous n’écoutez que ceux que vous voulez bien entendre !

Mme Colette Capdevielle. Tous les professionnels nous ont dit qu’elles étaient un échec retentissant. Elles ont considérablement allongé les durées d’incarcération et aggravé la surpopulation carcérale…

M. Guillaume Larrivé. Quelle soupe !

Mme Colette Capdevielle. Voulez-vous que je vous parle de ces maisons d’arrêt où l’on a fermé les salles de cours et les bibliothèques pour en faire des lieux de détention, où l’on empile dans 9 mètres carrés jusqu’à trois ou quatre détenus, y compris en période estivale ?

Non seulement cela aggrave la surpopulation, mais cela ne fait pas diminuer la réitération, ce que, du reste, vous reconnaissez – car vous avez reconnu votre échec. Les choses se sont aggravées et il y a donc une réelle urgence à supprimer les peines plancher : c’est ce que nous faisons. Il s’agit là d’un acte politique fort et je remercie Mme la garde des sceaux d’avoir défendu cette mesure depuis plusieurs mois. Le groupe SRC est aujourd’hui en pleine harmonie avec la politique du Gouvernement sur ce sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Cécile Untermaier. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Nous voila donc arrivés à l’article 5, relatif aux peines plancher dont nous avons déjà beaucoup parlé lors de la discussion de précédents amendements. Vous ne serez pas surpris que je prenne le temps d’évoquer ces peines plancher. J’y reviendrai, du reste, lors de la défense de chacun des amendements déposés sur cet article, et à mesure que des arguments nous seront opposés, car j’espère en entendre, et des vrais, de la part de la majorité et du Gouvernement.

Ces peines plancher, ou peines minimales, représentent pour nous, et pour moi en particulier, qui en fut le rapporteur il y a maintenant sept ans…

Mme Colette Capdevielle M. Matthias Fekl et M. Bruno Le Roux. Un échec !

M. Guy Geoffroy. …une réelle avancée, dont vous persistez pourtant à nier la réalité, comme vous niez la différence, pourtant évidente, entre ce qu’est la première faute et ce que sont toutes les suivantes. Nous n’avons pas institué ce dispositif par une volonté aveugle de punir davantage ; nous ne cherchions pas, en punissant davantage et en emprisonnant plus longtemps, à rassasier notre envie de sanctionner durement ceux que nous ne voulions pas comprendre. Ce n’était absolument pas notre projet. Nous voulions seulement affirmer l’idée très simple qu’on ne peut pas, sans courir le risque de plonger dans l’irresponsabilité la plus absolue, dire en permanence à un délinquant : « Ce n’est pas grave, mais fais attention pour la prochaine fois ! »

L’éducation de nos enfants et de notre jeunesse a beaucoup décliné dans notre pays à partir du moment où l’on a commencé à penser qu’il ne fallait pas faire trop de peine à nos enfants en leur disant la vérité lorsqu’ils faisaient des bêtises.

M. Matthias Fekl. Un papa et une maman ! Un papa et une maman !

M. Guy Geoffroy. C’est ce que nous sommes en train de faire, à cause de vous, et c’est ce que la gauche a toujours fait dans ce pays, en privilégiant l’idée qu’il faut amender l’auteur d’une infraction plutôt que de se préoccuper de l’équilibre général de la société par rapport au phénomène consubstantiel à toute organisation sociale qu’est la délinquance.

Lorsque nous avons institué les peines plancher, nous avons bien évidemment été caricaturés, et vous reprenez aujourd’hui ces caricatures, en utilisant les arguments les plus légers, et parfois même les plus fallacieux qui soient. Vous dites qu’il n’y a pas de chiffres, pas de résultats. Je vous renvoie l’argument ! Vous dites qu’après sept ans, il n’y a aucune preuve que les peines plancher aient produit leur effet : sur quoi vous fondez-vous ?

Nous n’avons cessé de vous dire, lors des débats sur les précédents amendements, qu’il est nécessaire de vérifier plus sérieusement l’efficacité de l’aggravation de la sanction encourue en cas, non seulement de récidive, mais aussi de réitération. Il faut absolument creuser cette question !

Nous aussi, nous rencontrons des délinquants. Il n’y a pas que vous qui visitez les prisons, il n’y a pas que vous qui recevez, dans les instances auxquelles nous participons nous aussi, des enfants qui deviendront malheureusement des délinquants si on ne s’en occupe pas suffisamment tôt. Il n’y a pas que vous qui rencontrez des délinquants qui, une fois assagis, veulent rencontrer des élus locaux pour essayer d’envisager leur avenir.

Nous connaissons, nous aussi, cette réalité. Cette réalité est que la menace d’une sanction a toujours du sens, mais vous refusez de l’admettre parce que vous êtes tout prêts de la capitulation sur ces sujets. Vous en êtes toujours à dire, comme c’est le cas depuis le début de ce débat, que la personnalité de l’auteur d’une infraction, ses conditions d’existence, si l’on veut se donner la peine de les connaître, permettront de comprendre les raisons de son passage à l’acte et de les expliquer à la victime. Vous en êtes toujours à dire que, finalement, il ne faut pas trop en vouloir à l’auteur de l’infraction puisque l’on peut expliquer les raisons de son acte et que, si la société lui avait permis d’être différent de ce qu’il est devenu, il n’y aurait pas eu d’infraction. Nous sommes en total désaccord avec vous sur ce sujet. Il y a des délinquants et il faut les punir.

Vous nous avez dit que les peines plancher étaient des peines automatiques. C’est d’ailleurs ce que prétendait votre candidat devenu président lorsqu’il a pris l’engagement de les supprimer. C’était facile, rapide : il fallait supprimer les peines plancher parce qu’elles rendent la justice automatique et que cela n’est pas acceptable.

Qu’en est-il exactement ? Personne ne pourra dire le contraire : dans leur principe, de par la loi, et dans la réalité, telle qu’elle a été vérifiée, jamais les peines plancher n’ont été des peines automatiques !

J’en veux pour preuve une décision du Conseil constitutionnel, que vous avez bien évidemment saisi, et dont notre rapporteur d’aujourd’hui disait à l’époque que, sans aucun doute, il sanctionnerait cette loi. Eh bien, il a dit strictement l’inverse de ce que vous affirmez !

M. Patrick Hetzel. Très juste !

M. Guy Geoffroy. Il a d’ailleurs rappelé un certain nombre de choses, notamment à propos des arguments portant sur la nécessité de la peine. Et il a dit notamment que fixer une peine plancher, c’est déterminer une peine minimale non obligatoire pour le juge qui équivaut à un tiers de la peine maximale encourue, ce qui représente – puisque nous sommes dans le cas d’une récidive – un sixième de la peine pénale encourue pour un récidiviste. Voilà ce que sont les peines plancher : l’application, quand la personne récidive, d’un seuil minimal à partir duquel il faut construire la peine, ce seuil étant compris entre un sixième de la peine encourue et 100 % de la peine encourue.

Peut-on parler d’automaticité ? Bien sûr que non, parce que le dispositif, et vous ne pouvez pas le nier, a prévu dès l’origine que le juge pourrait déroger à ce principe législatif dès lors qu’il serait en mesure de fournir des éléments objectifs le permettant. Le juge conservait intacte la possibilité de tenir compte de la personnalité et de la situation matérielle, familiale et sociale du prévenu – je reprends les termes de votre projet de loi – pour considérer qu’il n’y avait pas matière à appliquer les peines plancher alors que la loi permettait de le faire.

Pour ce qui est de la personnalisation des peines, vous avez tout de même un sacré toupet. Je pense au titre que vous avez donné au texte initial. Vous avez annoncé à la nation que vous alliez prévenir la délinquance, la récidive, en supprimant les peines plancher. Puis, vous vous êtes aperçus, au cours des travaux de la commission des lois, que c’était peut-être un peu trop, que la provocation allait sans doute loin et vous en avez un peu rabattu. Vous avez alors proposé un amendement pour que le titre du texte de la commission, sur lequel nous travaillons dans cet hémicycle, soit désormais : « Renforcer l’efficacité des sanctions pénales ».

Vous n’en êtes plus à dire que pour limiter la récidive, il faut supprimer les peines plancher ! En revanche, dans le chapitre en question, vous avez tout de même l’audace d’inscrire qu’il faut procéder à cette suppression pour améliorer la personnalisation de la peine. Or, justement, en partant du principe qu’un récidiviste ne doit pas être traité de la même manière qu’un primo-délinquant, il était possible pour le juge de tenir compte de la personnalité de l’auteur et des conditions dans lesquelles l’infraction a été commise pour ne pas appliquer les peines plancher.

Et je ne crains pas d’affirmer que le dispositif des peines plancher permet, en toute clarté vis-à-vis de nos concitoyens, de mieux personnaliser la peine qui sera appliquée avec, comme l’a dit le Conseil constitutionnel, un minimum proposé d’un sixième du maximum encouru, jusqu’à 100 % de celui-ci.

Vous avez été, dans cette affaire, doublement malhonnêtes. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous avez été malhonnêtes intellectuellement depuis l’origine et vous le restez en prétendant que les peines plancher nuisent au principe de l’individualisation de la peine. Vous avez été malhonnêtes en affirmant qu’elles étaient automatiques, ce qui est fallacieux, scandaleusement malhonnête intellectuellement. Et vous avez été malhonnêtes factuellement. En effet – et M. Caresche pourra me contredire sur beaucoup de points, mais pas sur celui-ci –, lorsque nous avons, quelques mois après la mise en œuvre de la loi, réalisé un premier travail, qui était forcément incomplet car nous manquions de recul, pour analyser la mise en œuvre de ces peines plancher, nous avons constaté qu’à peine plus d’une situation sur deux avait donné lieu à leur mise en œuvre effective. À l’époque, c’était déjà le cas. Jamais, jamais, il n’y a eu 100 % d’application des peines plancher. Dans le meilleur ou le pire des cas, selon l’opinion qu’on en a, l’application en fut de 60 %, puis rapidement 50 %, pour tomber aujourd’hui à 37 %. Ce qui veut dire que ce n’est que dans un gros tiers des cas où elles pourraient être appliquées que les peines plancher le sont réellement.

Vous avez donc été également malhonnêtes factuellement.

Vous voulez, pour des raisons qui ne sont qu’idéologiques, mettre un terme à une production, une de plus, de la majorité précédente. Vous avez décidé de construire l’élection de votre candidat devenu Président de la République sur le mensonge permanent. Aujourd’hui, vous voulez construire la gestion de la France sur la mise en œuvre systématique et aveugle de tous les engagements de votre candidat même s’ils ne correspondent pas à l’intérêt du pays. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Mais allez-y ! Encore ! Encore !

M. Guy Geoffroy. Les peines plancher ne sont pas ce que vous décrivez. Il s’agit tout simplement d’une gradation sérieuse, responsable, honnête, de la peine encourue lorsque l’auteur de l’infraction est un récidiviste.

M. Bruno Le Roux. Sarkozy ! Guéant !Guaino !

M. Guy Geoffroy. Vous faites fausse route. Si vous nous aviez écoutés, si vous aviez accepté nos amendements, vous auriez permis aux peines plancher d’être encore plus efficaces.

M. Matthias Fekl. Occupez-vous donc de vos plafonds !

M. Guy Geoffroy. Vous ne l’avez pas fait, vous allez persister dans l’erreur, vous allez continuer à faire fausse route, vous allez décourager une fois de plus nos concitoyens et vous ne rendrez service, ni aux victimes, ni aux coupables, ni à ces magistrats que vous prétendez être les seuls à défendre, qui ont a cœur de faire le mieux possible leur travail mais auxquels vous ne rendez pas service en leur ôtant un outil qui les guidait sans les obliger. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Cécile Duflot.

Mme Cécile Duflot. Il est intéressant de parler après M. Geoffroy qui reprend ses propos de rapporteur, expliquant la grande constitutionnalité du dispositif des peines plancher. En effet, le risque majeur, si ces peines avaient été automatiques – ce que souhaitait d’ailleurs le candidat Nicolas Sarkozy pendant la campagne – était qu’elles soient reconnues totalement inconstitutionnelles.

Vous avez repris l’intégralité de votre vocabulaire, mais il y manque des éléments, monsieur Geoffroy. En juillet 2007, en tant que rapporteur, vous expliquiez l’intérêt de ce dispositif en affirmant que « cette loi produira une véritable dissuasion et donc une diminution du nombre de détenus ».

Monsieur Geoffroy, il y avait, au 1erjuillet 2007, 61 800 détenus. Il y en a aujourd’hui 68 645, soit plus de 10 % ! Votre dispositif n’a eu aucune efficacité !

M. Bruno Le Roux. Quelle malhonnêteté, monsieur Geoffroy !

Mme Cécile Duflot. Et cela pour une raison très simple : vous êtes convaincu qu’un délinquant, avant de commettre un délit, étudie le code pénal pour savoir ce qu’il risque. Et nous aurons de la même manière ce débat autour de la contrainte pénale.

Vous avez une vision extrêmement intéressante des délinquants, qui sont de grands spécialistes de la réitération ou de l’état de récidive légale et qui choisissent l’infraction qu’ils vont commettre en fonction du code pénal ! Mais ce n’est pas du tout la réalité.

Votre intervention comporte un autre élément intéressant. Vous dites que si nous connaissons l’individu, le risque est d’être amené à lui en vouloir ou pas. Mais il n’est pas question ici d’en vouloir ou non à qui que ce soit. La seule question est de savoir si cette loi est efficace ou pas, c’est-à-dire si elle permet de réduire la délinquance et surtout d’éviter la récidive et la réitération.

M. Matthias Fekl. Bien sûr !

Mme Cécile Duflot. Ce texte a fait l’objet de nombreuses études et d’un travail approfondi – j’en profite pour saluer le travail du rapporteur, de l’ensemble des membres de la commission des lois et de la ministre. Je vous ai entendu à de nombreuses reprises critiquer le fait qu’il fasse l’objet d’une procédure accélérée, mais votre texte renforçant la lutte contre la récidive a été examiné le 17 juillet et son vote définitif est intervenu le 10 août, alors que le Président de la République avait été élu le 6 mai ! En termes de procédure accélérée, nous sommes là totalement à rebours !Il est utile de conserver les mêmes positions où que l’on se trouve dans l’hémicycle, monsieur Geoffroy. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

La question est donc de savoir si, oui ou non, ce dispositif est efficace. Il ne l’est pas, cela a été démontré. Mais il été voté pour une raison très simple : il s’agissait d’un instrument de campagne du candidat Nicolas Sarkozy.

M. Matthias Fekl. Eh oui !

Mme Cécile Duflot. C’était une annonce de campagne, une option politique totalement idéologique, absolument pas opérationnelle, puisque M. Estrosi avait lui-même déposé une proposition de loi en 2004 et que la commission qui avait étudié cette proposition avait montré la faiblesse du dispositif et son inefficacité.

M. Matthias Fekl. Aucun bon sens !

Mme Cécile Duflot. Sous votre majorité, vous aviez d’abord renoncé, mais ensuite, comme il s’agissait de disposer d’un outil de campagne sur la ligne politique que chacun connaît de Nicolas Sarkozy en 2007, vous avez précipitamment mis en œuvre ce dispositif.

M. Guy Geoffroy. Et nous retombons dans l’anti-sarkozysme primaire.

Mme Cécile Duflot. Voilà où nous en sommes et voilà tout le sens du débat parlementaire que nous avons. Je veux d’ailleurs remercier la garde des sceaux d’avoir eu une approche si sérieuse de ce dossier.

M. Guy Geoffroy. Ce n’est pas ce que pense M. Valls !

Mme Cécile Duflot. S’agit-il ici, oui ou non, de voter la loi ? Et une loi efficace ? Oui ou non, s’agit-il de tenir compte, non des a priori des uns et des autres, mais simplement de la rationalité des arguments avancés ? Avec ou sans les écolos, monsieur Geoffroy, regardez simplement la vérité des chiffres. Oui ou non, les délinquants ont-ils été effrayés par les peines plancher ? Non. Les juges se sont-ils retrouvés dans des situations impossibles les ayant conduits à prononcer massivement des peines de sursis avec mise à l’épreuve parce qu’ils savaient qu’ils n’avaient plus les moyens d’incarcérer sauf à admettre des conditions de détention parfaitement inacceptables ? Oui, c’est la réalité !

M. Patrick Hetzel. Qu’en savez-vous ?

Mme Cécile Duflot. Où que l’on se situe, l’on peut avoir l’honnêteté de le reconnaître. Bien évidemment, je soutiendrai tous les articles qui conduiront à supprimer les peines plancher mais surtout, je veux vous dire que cet exercice en temps réel d’un engagement de campagne qui n’était que de la basse polémique visait à monter des citoyens de notre République les uns contre les autres,….

M. Guy Geoffroy. C’est une experte qui parle !

Mme Cécile Duflot. … caricaturer le travail des juges. Lorsque j’écoute M. Marsaud, pour lequel les juges sont de super-assistantes sociales, et certains d’entre vous pour lesquels ce sont ceux qui obtiennent les moins bonnes notes qui s’orientent vers la carrière judiciaire, je vois en quelle estime vous tenez les magistrats !

Enfin, il est évident qu’il n’y avait pas d’automaticité dans votre dispositif, monsieur Geoffroy, sinon il aurait été inconstitutionnel, mais la garde des sceaux de l’époque a multiplié circulaires, rappels à l’ordre individuels et collectifs pour essayer d’imposer, d’une manière extrêmement brutale, la mise en œuvre de ce dispositif qui se heurtait au simple principe de réalité. Les premières victimes en furent les populations les plus précarisées, les toxicomanes, les gens en grande rupture familiale.

Par ce texte, nous choisissons de favoriser la réinsertion, de lutter contre la réitération, d’être tout simplement efficaces. Voilà pourquoi je pense que vos arguments, sept ans après, sont très contestables. Je vous renvoie simplement à la réalité. C’est vraiment dommage, monsieur le député, de ne pas avoir le courage et l’honnêteté, que j’aurais salués, de le reconnaître. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Arlette Grosskost.

Mme Arlette Grosskost. Vous en conviendrez, mes chers collègues, il sera assez difficile de m’exprimer après Guy Geoffroy et Cécile Duflot ! J’essaierai d’être un peu plus calme, si vous me le permettez (Sourires), et de faire un peu de pédagogie, ni plus ni moins.

L’article 5 entend supprimer les peines plancher. La majorité prétend qu’il y a urgence. En réalité, le concept de « peine plancher » n’est pas une expression juridique : on l’utilise lorsque le juge, dans certaines situations définies par la loi et dès lors que la culpabilité du prévenu ou de l’accusé est reconnue, est tenu de prononcer une peine dont le quantum ne peut être inférieur à un seuil minimal.

Vous en conviendrez aisément, le recours aux peines plancher est assez étranger à notre culture juridique. Traditionnellement, la loi pénale française fixe pour chaque infraction la peine maximale encourue, que le juge ne peut dépasser, mais dont il est libre de faire une application très partielle, en fonction des faits, de l’espèce et de la personnalité du condamné. Notre système pénal ne connaissait en réalité qu’un seul cas de peine plancher : la cour d’assises qui reconnaît un accusé coupable d’un crime puni de la réclusion à perpétuité est tenue de prononcer contre lui une peine minimale – je ne rentrerai pas dans les détails.

La fameuse loi du 10 août 2007 relative à la lutte contre la récidive, dite « loi Dati », a instauré un système restreignant la liberté des juges dans la fixation du quantum de certaines peines d’emprisonnement ou de réclusion. Les crimes ou délits commis en état de récidive légale, c’est-à-dire commis après une première condamnation, dans un certain délai et pour des faits similaires, ne peuvent plus être punis d’une peine inférieure à certains seuils fixés par la loi et proportionnels au maximum encouru.

Toutefois, la juridiction garde la possibilité de prononcer une peine inférieure à ces seuils, par une motivation spéciale détaillant les garanties de réinsertion du condamné. La loi du 14 août 2011 a étendu ce dispositif de peine minimale à la répression des violences les plus graves, même lorsqu’elles ne sont pas commises en état de récidive.

Où est le problème ? Contrairement à ce qu’affirme la majorité, ces lois n’ont jamais créé de véritables peines plancher, puisqu’elles ne suppriment pas la faculté pour le juge d’individualiser le quantum de la peine.

M. Guy Geoffroy. Très juste !

Mme Arlette Grosskost. À mon avis, il n’y a pas lieu de les supprimer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Chers collègues de la majorité, vous avez décidé cet après-midi de jouer une espèce de requiem pour ces peines minimales privatives de liberté édictées en 2007. En réalité, ces peines ont déjà été enterrées en 2012, non pas devant la représentation nationale, mais à la Chancellerie,…

M. Patrick Hetzel. Eh oui !

M. Guillaume Larrivé. …par une dépêche adressée dès septembre 2012 aux parquets, auxquels la garde des sceaux, ministre de la justice, demandait de ne plus faire application de la loi.

M. Guy Geoffroy. Elle leur demandait de violer la loi !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais non, monsieur Geoffroy ! Vous entendez dire des choses, et vous y croyez ?

M. Guillaume Larrivé. Ce choix de renoncer aux peines plancher a été fait au tout début du quinquennat de François Hollande, alors que la loi de 2007 ne s’appliquait que depuis cinq ans.

Pourquoi ce choix ? Il faut toujours essayer de comprendre pourquoi des responsables publics, élus par le peuple français, décident de faire un choix aussi radicalement différent de celui fait par d’autres responsables publics. Y a-t-il une raison juridique ? Aucune. Lorsque vous étiez dans l’opposition – je m’adresse notamment au président Bruno Le Roux –, vous aviez saisi le Conseil constitutionnel, de manière très argumentée. Nous avons relu votre argumentation, les observations du gouvernement de l’époque, la décision du Conseil constitutionnel et le commentaire de cette décision aux Cahiers du Conseil constitutionnel. De tous les arguments que vous aviez développés, la plus haute juridiction a fait litière : ils ont tous été écartés.

M. Dino Cinieri et M. Guy Geoffroy. Exactement !

M. Guillaume Larrivé. La loi de 2007 respectait les principes de nécessité des peines et d’individualisation des peines. Tous vos arguments ont été balayés : ainsi, il n’existe aucun argument juridique dirimant qui justifierait la suppression des peines plancher,…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Si ! La Constitution !

M. Guillaume Larrivé. …lesquelles sont parfaitement conformes, telles qu’elles ont été votées, aux principes fondamentaux de notre État de droit.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Le fait qu’une loi n’ait pas été déclarée contraire à la Constitution n’en fait pas forcément une bonne loi ! Le président Debré l’a rappelé !

Mme Colette Capdevielle. Le Conseil constitutionnel ne délivre pas de bons points !

M. Guillaume Larrivé. Il ne s’agit pas, madame Capdevielle, de délivrer des bons points. Vous êtes la responsable du texte pour le groupe SRC : vous avez donc lu cette décision du Conseil constitutionnel.

Mme Colette Capdevielle. Je l’ai même apprise par cœur ! (Sourires.)

M. Guillaume Larrivé. Il s’agit d’accepter que le Conseil ait fait un raisonnement, qui n’a effectivement pas l’heur de vous plaire puisqu’il a écarté tous vos arguments. Il s’agit cependant du droit positif, et l’autorité de la chose jugée, que vous évoquez bien souvent, s’applique aussi en la matière,…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Erreur !

M. Guillaume Larrivé. …car les décisions du Conseil constitutionnel ne sont pas susceptibles de recours. Cette décision revêt donc une autorité juridique très forte.

Deuxième série de questions : y a-t-il un argument pratique qui justifierait la suppression des peines plancher ? Pardonnez-moi de le dire, mais vous nagez là dans l’incertitude la plus complète : à aucun moment on ne nous a produit une esquisse de début de chiffres démontrant que l’augmentation des violences dans notre société serait liée, d’une manière ou d’une autre, à la promulgation de la loi de 2007. Bien au contraire !

La seule statistique dont nous disposons, madame la garde des sceaux, figure dans un bulletin Infostat de 2010 et montre que les peines plancher n’ont été appliquées que dans 38 % des cas seulement. Cela veut dire que les juges du fond ont choisi dans 62 % des cas de ne pas appliquer la possibilité qui leur était donnée de prononcer des peines minimales privatives de liberté. Cette statistique ne nous dit rien quant à l’efficacité de ce dispositif : elle montre seulement que les juges ont choisi, dans quasiment deux tiers des cas, de ne pas l’appliquer. Il n’existe donc pas vraiment d’argument pratique qui emporte la conviction.

Il y a donc sans doute un troisième et dernier argument, purement idéologique.

Plusieurs députés du groupe UMP. Absolument !

M. Guillaume Larrivé. À cet égard, l’intervention de Cécile Duflot a été absolument remarquable.

M. Patrick Hetzel. En effet, son discours était très révélateur !

M. Guillaume Larrivé. Mme Duflot est très discrète sur la scène politique depuis plusieurs mois. Elle a quitté avec fracas le Gouvernement, dont elle a refusé de devenir le numéro deux. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Son groupe vote rarement les textes que le gouvernement de Manuel Valls lui soumet (Mêmes mouvements),…

M. Matthias Fekl et Mme Elisabeth Pochon. Occupez-vous de l’UMP et de vos plafonds de dépenses ! Vous avez suffisamment à faire !

M. Guillaume Larrivé. …mais elle prend la parole aujourd’hui parce que c’est sur ce texte de renonciation aux peines plancher que la majorité est unanime. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes SRC et écologiste.) Oui, le parti socialiste et le groupe écologiste se retrouvent lorsqu’il s’agit de retirer de notre droit positif ce dispositif qui, en effet, était au cœur des mesures adoptées lors du quinquennat précédent.

M. Jean-Pierre Blazy. Avec une vision idéologique !

M. Guillaume Larrivé. En réalité, mesdames, messieurs les députés de la majorité, ce qui vous réunit et ce qui guide Mme Taubira depuis deux ans, c’est une obsession vindicative, un anti-sarkozysme purulent. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Pierre Blazy. En matière d’anti-sarkozysme, regardez du côté de Fillon !

M. Matthias Fekl. Vous avez suffisamment d’anti-sarkozystes dans votre propre parti !

M. le président. La parole est à Mme Marion Maréchal-Le Pen.

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Il est vrai que l’on peut déceler dans cette volonté de supprimer les peines plancher une espèce d’obsession compulsive de la majorité actuelle à modifier les textes de la majorité précédente. Mais, à la limite, nous pourrions presque nous en féliciter : pour une fois que la majorité tient ses promesses de campagne, cela fait plutôt plaisir !

Mme Elisabeth Pochon. Merci !

Mme Marion Maréchal-Le Pen. En tout cas, cela doit faire plaisir à ses électeurs – le peu qui lui en reste, du moins !

M. Gérard Sebaoun. Ne gonflez pas le thorax trop fort !

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Il y a un état d’esprit qui irrigue cet article, et que l’on retrouve d’ailleurs dans le dispositif de contrainte pénale : il s’agit d’une espèce de suspicion à l’égard de la prison qui serait non pas la solution, mais le problème, l’école du crime, l’école de la récidive, par principe. Je dis « par principe » parce que tout le monde s’entend sur les problèmes que peuvent engendrer la surpopulation carcérale et les conditions de détention, mais même M. Valls, dans son livre Sécurité : La gauche peut tout changer paru en 2011 et qui a déjà été largement cité, avait indiqué qu’il était nécessaire de construire des prisons. Il s’agit donc d’un autre problème. Si la prison était vraiment l’école du crime, on aurait pu s’attendre à ce que les États-Unis, qui ont massivement augmenté leur population carcérale, connaissent une explosion de la criminalité. Or il n’en est rien : depuis les années 90, les violences et les cambriolages ont été divisés par quatre dans ce pays. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Il a également été rappelé – M. Larrivé a cité le chiffre – que les peines plancher étaient peu utilisées : il est donc compliqué de mener une étude précise sur ce sujet, contrairement à ce qui a été dit.



L’argument selon lequel le nombre de détenus a augmenté depuis l’instauration des peines plancher me paraît donc un petit peu artificiel.



Il faut prendre du recul et analyser la situation générale de la France. Contrairement à ce que l’on peut parfois entendre, il n’y a pas de « tout carcéral » : la peine de prison ferme est une exception. En France, environ 4 millions de crimes, délits et contraventions de cinquième classe sont commis chaque année – 10 millions selon l’INSEE et l’Observatoire national de la délinquance, ce qui laisse déjà imaginer malheureusement l’ampleur de l’impunité. Sur ces 4 millions d’infractions, seules 1,4 million d’affaires sont élucidées, ce qui réduit encore le champ. À ce stade, la moitié des auteurs de délits bénéficient d’alternatives aux poursuites, comme des rappels à la loi ou des avertissements totalement inefficaces. Parmi l’autre moitié, une grande partie des auteurs d’infractions sont condamnés à des peines symboliques : ainsi, sur 600 000 condamnations de majeurs pour délits, 200 000 sursis sont prononcés. Il faut d’ailleurs rappeler que nous sommes, en France, les grands champions de l’empilement des sursis ! Le délinquant ordinaire est d’abord condamné à une peine de sursis, puis à une ou deux peines de sursis avec mise à l’épreuve ; éventuellement, au bout de la chaîne, il peut être condamné à une peine de prison ferme, mais pour cela, il faut quand même y aller !



En définitive, moins de 10 % des individus déférés devant la justice sont condamnés à de la prison ferme, soit 122 000 personnes sur 1,4 million de prévenus. Où est le « tout carcéral » en France ? Il est difficile, dans ces conditions, de considérer que la prison est la cause majeure de la récidive. Le problème majeur de la France est l’impunité généralisée : c’est cela qui crée la délinquance, l’augmentation du nombre de détenus et la récidive. C’est d’autant plus vrai que 45 % des personnes condamnées à des peines alternatives à la prison récidivent.



M. Matthias Fekl. Cela signifie que 55 % de ces personnes ne récidivent pas. CQFD !

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Une fois de plus, cette statistique contredit l’argumentation développée.

Tout à l’heure, l’une des députées de la majorité a fait un aveu en déclarant que la surpopulation carcérale était le problème majeur, et qu’il fallait donc gérer les flux au détriment de la sécurité des Français.

M. Gérard Sebaoun. Personne n’a dit cela !

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Tel était l’un des arguments qui motivaient la suppression des peines plancher. Pour ma part, je m’y oppose, car je pense qu’il s’agirait d’un signal désastreux envoyé aux délinquants, alors même que nous connaissons aujourd’hui une situation d’insécurité et d’impunité généralisées.

M. le président. La parole est à M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. Dans un souci d’exemplarité, et pour lutter contre le sentiment d’impunité, il est essentiel d’exécuter les décisions de justice. Au-delà d’une obligation juridique, il s’agit d’une obligation morale. Pour autant, et contrairement à ce que laissent entendre nos collègues de la majorité, cela n’implique pas une politique de « tout sécuritaire ». Même si nos besoins en places de prison sont importants, le taux de détention en France reste inférieur à la moyenne européenne.

M. Gérard Sebaoun. Tant mieux !

M. Dino Cinieri. S’engager dans la voie du « tout carcéral » n’aurait d’ailleurs aucun sens : dans un certain nombre de cas, des peines alternatives individualisées peuvent constituer de meilleures réponses,…

M. Jean-Pierre Blazy. Eh oui !

M. Dino Cinieri. …mais elles ne doivent pas être systématiques. Si la peine doit être individualisée, elle doit néanmoins être claire et connue en amont par tous. Quand quelqu’un commet un délit, il doit savoir ce qu’il risque.

Nous avons un devoir vis-à-vis des victimes, trop souvent négligées et confrontées à des procédures bien trop complexes. J’aimerais, madame la garde des sceaux, que vous engagiez une réflexion approfondie sur la simplification des procédures, afin que les victimes aient enfin le sentiment d’être prises en considération. Êtes-vous, par exemple, favorable au droit d’appel des victimes ? Si nous parvenons à lutter contre le sentiment d’impunité et si les victimes retrouvent leur juste place dans notre système pénal, alors l’exemplarité de la justice sera restaurée.

La loi du 10 août 2007 a instauré des peines d’emprisonnement minimales obligatoires en cas de récidive, dites « peines plancher ». Le juge peut toutefois, par décision spécialement motivée, s’affranchir de la peine minimale obligatoire.

Mme Arlette Grosskost. Exactement !

M. Dino Cinieri. Ces peines n’ont donc aucun caractère automatique, contrairement à ce que prétend la majorité. Ces seuils ne s’opposent pas à l’individualisation des peines : il est donc essentiel de les maintenir.

M. Guy Geoffroy et M. Jean-Frédéric Poisson. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Georges Fenech.

M. Georges Fenech. À plusieurs reprises depuis le début de nos travaux, nous avons évoqué la fameuse lettre de Manuel Valls au Président de la République.

M. Guy Geoffroy. Le juge de paix.

M. Georges Fenech. Je pense que vous l’avez tous lue. (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est dommage ! On va vous la lire !

M. Georges Fenech. Je peux vous la montrer ! (Sourires.)

M. Guy Geoffroy. On va demander une suspension de séance pour pouvoir vous la distribuer.

M. Matthias Fekl. Ce sont les comptes de l’UMP ?

M. Georges Fenech. Si nous n’étions pas en temps programmé, je la lirais intégralement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

En fait, il s’agit moins d’une lettre qu’un réquisitoire ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.) Vous avez des désaccords non seulement sur la méthode, mais également sur le fond. On ne peut être plus clair. Je comprends que Mme Duflot n’ait pas voulu faire partie du nouveau gouvernement. En effet, elle affirme exactement le contraire de ce que dit le nouveau Premier ministre, l’ancien ministre de l’intérieur qui avait meilleure grâce à mes yeux que depuis qu’il occupe l’hôtel Matignon, du moins sur ce sujet. Que dit-il ? « Ce projet de loi part d’un premier postulat que je ne peux intégralement partager. La surpopulation carcérale s’expliquerait exclusivement par le recours par défaut à l’emprisonnement et par l’effet des peines plancher. » Telle est la réponse à Mme Duflot qui considère que les peines plancher ont aggravé la surpopulation carcérale. Au demeurant, Mme Taubira dit la même chose.



Mme Cécile Duflot. Oui.

M. Georges Fenech. Certes, mais M. Valls dit le contraire. C’est tout de même embêtant ! (« En effet ! » sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Elisabeth Pochon. On ne savait pas que M. Valls était votre nouvelle égérie !

M. Georges Fenech. En réalité, dit-il, le problème, c’est le nombre de places en prison et de citer des chiffres : 57 235 places de prison en France alors que l’Espagne en compte 76 000 et le Royaume-Uni 96 200.

Mme Chantal Guittet. Votre seul argument, c’est Manuel Valls !

M. Georges Fenech. Monsieur le président, il m’est très difficile de m’exprimer compte tenu des interruptions de mes collègues de la majorité !

M. Éric Ciotti. Il faudrait un peu de calme !

M. le président. Monsieur Fenech, j’entends autant de bruit à gauche qu’à droite. Veuillez poursuivre votre intervention.

M. Georges Fenech. Nous avons également longuement évoqué la conférence de consensus. Sur ce sujet aussi, l’opinion de M. Valls est intéressante.

M. Jean-Frédéric Poisson. En effet.

M. Georges Fenech. « Pour riche et plurielle qu’elle soit, la somme de connaissances accumulées ne reflète pas tous les courants de pensée et de recherche. En outre, les conclusions du jury de consensus ont fait l’objet de fortes réserves au sein même de la magistrature. » Je vous invite vraiment, mes chers collègues de la majorité, à lire cette lettre intégralement. Et M. Valls continue : « Ce texte avance un second postulat que je partage cette fois-ci – l’efficacité de la prévention de la récidive passe par l’individuation de la sanction – mais sur lequel je diverge quant à la façon d’atteindre l’objectif poursuivi. » Autrement dit, c’est un zéro pointé sur l’ensemble du projet de loi. Rien à ses yeux ne mérite d’être conservé.

Madame la garde des sceaux, vous voulez supprimer les peines plancher. Soit, supprimez-les : dans certains quartiers, dans certaines ZSP – zones de sécurité prioritaires –, on s’en réjouira beaucoup !

M. Gérard Sebaoun. Honteux !

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. Je ne pensais pas intervenir à ce stade du débat, mais je voudrais réagir à certains propos. L’argument sur l’automaticité des peines est faux, mes collègues Geoffroy et Fenech viennent de le démontrer – les peines plancher sont appliquées dans seulement 37 % des cas où elles pourraient l’être. S’agissant de l’efficacité, la loi de 2007 ne mérite ni un excès d’honneur ni d’être qualifiée d’indigne, les statistiques sérieuses faisant défaut. Comme cela a été rappelé, vous avez demandé, dès le mois décembre 2012, par circulaire, que son application soit suspendue.

Si pour ma part, je défends un tel dispositif, c’est pour des raisons morales. Si l’on faute à plusieurs reprises, on est moins excusable la troisième fois que la première. C’est du bon sens.

M. Gérard Sebaoun. Les bons sentiments, la morale. N’importe quoi !

M. Thierry Mariani. Depuis deux ans, vous défendez le postulat désormais classique – pas vous personnellement, madame la garde des sceaux, mais votre gouvernement – qui consiste à détricoter systématiquement tout ce qu’a fait Nicolas Sarkozy. Nous sommes dans un pur débat idéologique et la conclusion de Mme Duflot m’a profondément révolté : selon elle, les victimes de la récidive sont les populations les plus précarisées, les petits délinquants, les toxicomanes. Mais, ma chère collègue, les victimes de la récidive, ce sont les personnes qui sont cambriolées, qui sont agressées !

Cette inversion des responsabilités est pour le moins stupéfiante : c’est le délinquant qui serait victime de la loi ! Vos convictions que je respecte, mais que je combats, madame Duflot, transparaissaient dans la conclusion de votre intervention. Il est évident que nous n’avons pas la même conception de la victime, et cela nous conduit à défendre le maintien des peines plancher, madame la garde des sceaux. Car il est normal, je le répète, que la personne qui a fauté à plusieurs reprises soit sanctionnée d’une manière plus dure.

M. Gérard Sebaoun. Cela n’empêchera pas la récidive.

M. Thierry Mariani. N’oublions pas l’avertissement qui nous a été envoyé à tous, il y a une dizaine de jours lors des élections européennes. Ce sont de tels de faits qui révulsent nos concitoyens. Les maires le savent. Ils sont confrontés aux réactions de leurs concitoyens qui leur demandent pourquoi telle personne qui vient d’être arrêtée pour la deuxième ou troisième fois a été relâchée ! C’est pour cette raison que nous avions adoptée la loi sur la récidive et c’est pour cela que nous demandons son maintien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. M. Guy Geoffroy a bien voulu rappeler le rapport que nous avons produit ensemble et qui visait à faire une première évaluation des peines plancher. Cela étant, il ne faut pas réécrire l’histoire. La vérité, c’est qu’à l’époque, la majorité voulait instaurer des peines automatiques.

M. Guy Geoffroy. Non.

M. Pascal Popelin. Si.

M. Christophe Caresche. Mais elle s’est heurtée au principe constitutionnel de l’individualisation de la peine. C’est ainsi que cela s’est passé.

M. Pascal Popelin. Exactement.

M. Christophe Caresche. S’il y avait eu automaticité de la peine, je me demande où l’on en serait aujourd’hui. On aurait mis en place un mécanisme infernal, qui n’aurait pas été tenable au plan politique car il aurait entraîné une explosion des peines. Les juges auraient été dans l’obligation de prononcer des peines beaucoup plus lourdes que celles qu’ils prononcent aujourd’hui. Un tel mécanisme aurait été extrêmement dangereux.

Le raisonnement de l’opposition est aujourd’hui paradoxal. Elle nous demande pourquoi nous voulons supprimer les peines plancher puisque celles-ci ne sont pas utilisées ! Ce qu’il faut se demander c’est pourquoi elles le ne sont pas. Dans notre rapport, avec M. Geoffroy, nous avions déjà pointé ce fait. Si les juges dérogent aussi massivement aux peines plancher , c’est parce qu’ils considèrent qu’elles ne sont pas adaptées.

Quel bilan pouvons-nous tirer de ce dispositif ? Outre le fait que vous vous êtes heurtés au Conseil constitutionnel…

M. Guy Geoffroy. Nous ne nous sommes pas heurtés au Conseil constitutionnel.

M. Christophe Caresche. C’est vrai : vous avez agi préventivement pour que le texte soit conforme à la Constitution. Vous avez décidé de mettre en place un système d’individualisation des peines dans la loi, je le reconnais bien volontiers.

Plusieurs députés UMP. Ah, tout de même !

M. Christophe Caresche. Mais vous savez comment cela se passe avec le Conseil constitutionnel, le Gouvernement peut avoir quelques contacts préalables.

M. Jean-Frédéric Poisson. Heureusement !

M. Christophe Caresche. J’en reviens à ma question. Pourquoi voulez-vous conserver dans la loi un dispositif qui n’est pas utilisé par les juges ? À l’évidence, ne serait-ce qu’au nom de la simplification du droit, il faut supprimer ce dispositif qui n’a fait la preuve ni de son efficacité ni de son appropriation par l’institution judiciaire.

La raison en est simple, monsieur Fenech, et vous la connaissez parfaitement : les juges sont attachés à l’individualisation de la peine laquelle, vous le savez mieux que quiconque, représente la possibilité d’adapter la peine à la circonstance et à la personnalité des individus. C’est un bien précieux. On peut ainsi avoir des peines adaptées, pertinentes par rapport à la situation des individus. Le moment est donc venu de supprimer le dispositif des peines plancher qui n’était pas pertinent au plan des principes lorsqu’il s’agissait de mettre en place des peines automatiques et qui n’a pas fait la preuve de son efficacité dans la mesure où les juges y dérogent presque systématiquement.

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti.

M. Éric Ciotti. Il y a un paradoxe profond entre l’intitulé du projet de loi qui prétend lutter contre la récidive et l’article 5 qui aboutira à une forme de désarmement pénal contre la récidive.

M. Sergio Coronado. L’intitulé a changé.

M. Éric Ciotti. Je parlais de l’intitulé initial, avant que dans un sursaut de lucidité, vous ne le modifiiez.

Pourtant, la récidive, la réitération – cela a été dit – est au cœur des préoccupations de nos concitoyens. C’est pour eux l’affirmation la plus éclatante, la plus inquiétante, la plus révoltante de cette délinquance dont on nourrit le sentiment qu’aucune action ne peut venir à bout. Il suffit de lire les rubriques de faits divers. Lorsque nos concitoyens voient le parcours de certains délinquants, leur sentiment de défiance à l’égard de la justice – que nous devons combattre – se renforce et constitue un danger pour notre démocratie.

Remontons aux sources du pacte républicain qui nous réunit, à la Révolution française. En 1791, le premier code pénal installe la notion de repris de justice et pose le principe que le repris de justice encourt le double de la peine. En dépit des habillages, des sentiments de générosité se manifestant notamment par le souci de la réinsertion, on voit bien que ce qui vous motive, c’est d’abord une approche idéologique et ensuite une approche quantitative – vider les prisons. Il aurait été plus honnête intellectuellement d’intituler ce texte : « Loi d’amnistie généralisée pour 5 000 à 6 000 détenus. » (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C’est cela la réalité. Nous y reviendrons.

Pour dénoncer le mécanisme des peines minimales privatives de liberté, vous vous fondez sur des études statistiques, madame la garde des sceaux. Lors de la campagne électorale, le Président de la République avait affirmé que la récidive avait triplé depuis les années 2000. Quant à vous, vous avez prétendu que depuis le vote de la loi de 2007, le taux de récidive avait augmenté de plus de 50 %. Permettez-moi de vous faire une réponse qui puise ses sources aux meilleures références selon vous, qui ne sont pas susceptibles à vos yeux d’une défaillance d’objectivité, à savoir le journal Libération. Sa rubrique « Désintox » intitulée « Hollande et Taubira à la peine » en date du 9 septembre 2013 mettait à mal toute votre argumentation ainsi que celle du Président de la République.

Un bulletin statistique du ministère de la justice, publié en 2013, précise ainsi clairement que « L’évolution [de la récidive légale] ne reflète pas une explosion de la récidive au sens criminologique, elle s’explique davantage par les changements législatifs ainsi que par les pratiques des juridictions » – M. Raimbourg y faisait référence – « qui enregistrent de façon plus systématique la récidive. »

Quels sont ces changements législatifs ? Les chiffres que vous citiez, madame la ministre, concernent la récidive légale, autrement dit les situations où un délinquant commet un délit identique. Or la loi a procédé à plusieurs assimilations de délits. En 2003, les délits routiers, qui constituent une part importante des cas de récidive, ont été assimilés entre eux. En 2005, les délits de violences volontaires sur personne ont été assimilés à tout délit commis avec la circonstance aggravante de violence.

Quand vous dites que la récidive a triplé depuis le début des années 2000, c’est donc faux car les références ne sont pas les mêmes. De toute façon, cela ne constitue pas un critère d’appréciation de la loi de 2007.

Et ce qui me paraît plus grave encore, car cela traduit de votre part de la mauvaise foi ou de la malhonnêteté intellectuelle, c’est d’affirmer que le taux de récidive est de plus de 57 % pour montrer que la récidive a explosé depuis la loi de 2007 sur les peines minimales. D’une part, vous vous référez en réalité à un autre indicateur qui prend en compte la récidive au sens large : le pourcentage des sortants de prison qui se retrouvent condamnés dans les cinq ans. D’autre part, le pourcentage que vous avancez se fonde sur 2002, donc cinq années avant le vote de la loi sur les peines plancher.

L’article de Libération se concluait ainsi : « Fondée sur une cohorte de sortants de prison de prison de 2002, l’étude montre que 59 % d’entre eux ont été recondamnés, dont 46 % à de la prison ferme. Mais aucune étude similaire n’ayant été réalisée depuis 2007 et l’instauration des peines plancher, on voit mal comment la ministre peut affirmer que ce taux de recondamnations a grimpé ces cinq dernières années. »

Vous êtes pris en flagrant délit d’informations erronées données à notre assemblée.

M. Jean-Frédéric Poisson. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Bernard Gérard.

M. Bernard Gérard. Après avoir entendu M. Carresche affirmer qu’il fallait supprimer les peines plancher car leur automaticité avait généré une inflation de condamnations dans notre pays, et donc une augmentation de la surpopulation carcérale, il me semble bon de revenir à l’étude d’impact du projet de loi, dont l’argumentaire me paraît particulièrement pauvre. Je la cite : « Ces dispositions, outre qu’elles portaient directement atteinte au pouvoir d’individualisation des juridictions, n’ont en effet eu aucun impact sur la prévention de la récidive et ont aggravé la surpopulation carcérale. »

Une « atteinte au pouvoir d’individualisation des juridictions » ? Les statistiques officielles du ministère de la justice, que mes collègues ont rappelées avec raison, démontrent que c’est absolument faux : les peines plancher ont été retenues pour à peine un tiers des cas qui y étaient éligibles. Ce qui fonde votre décision est donc un argument fallacieux.

Par ailleurs, sur quoi vous fondez-vous pour dire que ces dispositions n’ont eu aucun impact sur la prévention de la récidive ? À quel moment une étude sérieuse, qui s’éloignerait des simples postulats, a-t-elle pu démontrer ce que vous affirmez ? Nous ne disposons d’aucun élément en ce sens et vous seriez bien en peine d’étayer vos dires. La seule chose qui est sûre, c’est que le nombre relativement faible de peines plancher prononcées n’a pu avoir d’influence sur la surpopulation carcérale. Celle-ci est due au fait, madame la ministre, que vous avez renoncé au programme de construction d’établissements pénitentiaires voté en 2012.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. C’est faux !

M. Matthias Fekl. La différence, c’est que nous avons budgété ces constructions, pas vous !

M. Bernard Gérard. C’est un peu comme avec Mme Duflot, qui vient nous donner des conseils, alors qu’elle a fait une loi calamiteuse qui a entraîné une catastrophe en matière de logements dans notre pays. La situation dans nos prisons est la conséquence de votre politique ; la situation du logement est la conséquence de la loi de Mme Duflot.

C’est une attitude constante de votre gouvernement que de revenir systématiquement sur tout ce que l’ancienne majorité – à laquelle j’appartenais – a mis en place.

M. le président. La parole est à M. Pascal Popelin.

M. Pascal Popelin. Mes chers collègues, à chaque fois que dans cet hémicycle vous évoquez ces fameuses 20 000 places de prison que vous imaginiez construire, rappelez – et si vous ne le faites pas, nous le ferons pour vous – que vous n’aviez pas prévu le moindre euro pour financer ces projets comme tant d’autres, alors que ce gouvernement a prévu pour le financement d’un certain nombre de places de prison des euros sonnants et trébuchants.

M. Matthias Fekl. Absolument !

M. Pascal Popelin. Je préfère 6 000 places de prison, financées et construites, à 20 000 places de prison annoncées, qui n’existeront jamais sinon dans votre imagination et votre dialectique.

Et à propos de dialectique, je voulais réagir à la énième citation que votre collègue Fenech, après d’autres, a faite de la lettre du ministre de l’intérieur datant d’août 2013, moment de la préparation de ce projet de loi. Vous citez, vous citez, vous citez, mais vous oubliez à chaque fois de rappeler que ces appréciations émanant du ministre de l’intérieur d’alors étaient préalables à l’arbitrage gouvernemental et à l’établissement du projet de loi tel qu’il a été présenté en conseil des ministres le 9 octobre 2013, si ma mémoire est bonne.

Si, de ce côté de l’hémicycle, nous adoptions votre style d’argumentation, en répétant à longueur de temps des choses peu agréables, je vous citerais une énième fois les déclarations de votre collègue Jean-René Lecerf, sénateur UMP.

M. Matthias Fekl. Un honnête homme !

M. Éric Ciotti. Un marginal !

M. Pascal Popelin. « Je suis d’accord avec ce texte à 90 %. On fait un procès en sorcellerie à Christiane Taubira mais au fond, cette loi aurait pu être portée par Rachida Dati ou Michèle Alliot-Marie. Présenter cette loi comme laxiste, c’est de la folie furieuse. Il est tellement facile de dire « laxiste » en espérant toucher les électeurs égarés vers les extrêmes. »

La différence, mes chers collègues, c’est que cette déclaration de M. Lecerf porte sur le texte dont nous débattons aujourd’hui alors que les propos de Manuel Valls, alors ministre de l’intérieur, ne portaient pas sur le texte dont nous débattons aujourd’hui. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Chers collègues de l’opposition, vous nous accusez de laxisme en matière de sécurité depuis maintenant trois jours.

M. Jean-Frédéric Poisson. Pas seulement depuis trois jours !

M. Thierry Mariani. Depuis deux ans !

M. Jean-Pierre Blazy. Ce faisant, vous oubliez qu’entre 2002 et 2012, vous étiez aux commandes. Certes, il y a eu une inflation pénale mais, dans le même temps, particulièrement entre 2007 et 2012, vous avez réduit les effectifs de police et de gendarmerie à travers la RGPP, supprimant 13 700 postes. Comment voulez-vous que la justice soit plus efficace dans ces conditions ? Pour que la justice sanctionne, encore faut-il que la police et la gendarmerie puissent interpeller les délinquants.

Vous rappeliez certains chiffres, monsieur Fenech. La mission relative à la lutte contre l’insécurité sur tout le territoire, dont vous êtes membre, mène depuis le mois de novembre 2013 un travail sérieux qui aboutira à un rapport à l’automne, comportant évaluation de la situation et préconisations. Et vous savez très bien que les chiffres de la délinquance que vous évoquez portent sur la délinquance générale : vous mélangez les choux et les carottes, voire les navets.

En matière de sanctions pénales, il faut prendre des exemples précis d’infractions qui concernent au premier chef nos concitoyens. S’agissant des atteintes aux personnes, votre bilan a été catastrophique : de 372 263 en 2002, on est passé à 468 012 en 2011. Quant aux cambriolages, qui touchent de près nos concitoyens et retiennent à juste titre leur attention, ils augmentent depuis cinq ans – et non pas seulement depuis 2012 comme vous l’avez dit tout à l’heure de façon caricaturale.

M. Éric Ciotti. Et pourquoi ne pas parler de 1997 et du bilan de M. Jospin : 20 % d’augmentation par an !

M. Jean-Pierre Blazy. C’est pourquoi l’ancien ministre de l’intérieur, avec le Gouvernement, a établi un plan anti-cambriolage, mis en œuvre partout sur le territoire, et particulièrement dans les zones de sécurité prioritaire.

Je vous poserai maintenant une question : si les peines plancher – qui procèdent d’une vision idéologique, il est bon de vous le rappeler à vous qui nous accusez d’idéologie – étaient aussi efficaces que cela, ne pensez-vous pas qu’il y aurait eu de meilleurs résultats en matière d’atteintes aux personnes ?

Le projet de loi que nous examinons a un objectif très important : prévenir les sorties sèches de prison. Car vous savez très bien que la réitération se produit principalement tout de suite après ces sorties sèches. Or vous n’avez pas su les prévenir et c’est la raison pour laquelle nous n’avons pas encore pu apporter toutes les réponses qu’attendent nos concitoyens en matière tant d’atteintes aux personnes que de cambriolages.

M. Matthias Fekl. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jacques Alain Bénisti.

M. Jacques Alain Bénisti. Depuis le début de nos débats, nous n’avons cessé d’évoquer ce qui se passait dans les tribunaux, mais à aucun moment nous n’avons parlé de ce qui se passe à l’extérieur, là où sont commis les délits, là en somme où l’on doit affronter la réalité du terrain. Loin de l’Assemblée, loin des cabinets ministériels, loin des commissions, je voudrais, si vous me le permettez, vous ramener à la raison et à la réalité de ce qui se passe concrètement dans nos quartiers, dans nos rues, dans nos transports en commun.

Ce projet de loi vise à repenser le droit de la peine, de son exécution, autour de la question centrale de la prévention de la récidive. Cela passe irrémédiablement par des solutions alternatives à la prison qui permettent l’insertion ou la réinsertion du condamné – contrôle judiciaire, aménagement de peine … Donc, la solution pour vous, c’est de faire revenir le délinquant dans son milieu délictuel où, au sein de son quartier, il va passer pour un héro, un « caïd ». Il va ainsi, grâce à vous, hériter d’un statut d’intouchable et il va expliquer à d’autres délinquants, ou à de futurs délinquants, que malgré les faits graves qu’il a accomplis, il est aujourd’hui libre.

Non seulement cet individu va réitérer, récidiver, mais il va inciter les autres à ne surtout pas se gêner à continuer à effectuer des actes de délinquance, puisqu’ils bénéficieront eux aussi de ce statut d’impuni. Je ne dis pas que la prison est la panacée, mais je pense que toutes ces peines de substitution à la prison doivent vraiment empêcher le délinquant de revenir sur son lieu délictuel.

Je vais défendre par la suite un amendement proposant une alternative sensée. L’établissement public d’insertion de la défense a en effet largement apporté la preuve de son efficacité et surtout de la réussite des contrats d’insertion et de réinsertion : 93 %, ce n’est pas rien !

M. Jean-Pierre Blazy. En effet ! Voilà un bon exemple !

M. Jacques Alain Bénisti. Cela fait 7 % d’échec, me direz-vous, mais cela représente tout de même 93 % de réussite pour ces jeunes qui étaient passés du statut de désœuvré au statut de délinquant. Je proposerai donc tout à l’heure cet amendement, que je vous demanderai d’accepter, madame la garde des sceaux. Il propose certes une substitution à la prison ; c’est vrai !

M. Jean-Pierre Blazy. Vous l’admettez !

M. Jacques Alain Bénisti. Il s’agit d’un lieu militaire, puisque ce sont des militaires retraités qui tiennent cet établissement, associés à des éducateurs spécialisés, donc des professionnels. Les jeunes, après y avoir séjourné deux ans, parviendront à ne pas retourner dans leur cité sensible ou dans leur quartier sensible et seront ainsi véritablement sauvés de cette délinquance.

Nous avons lu tout à l’heure la lettre de Manuel Valls : j’ai travaillé pendant cinq ans sur divers textes avec celui qui n’était pas encore Premier ministre, au sein de la commission des lois, avec un certain nombre de parlementaires ici présents, de la majorité comme de l’opposition. Nous avons beaucoup travaillé, visité les centres d’éducation fermés ainsi que l’ensemble des établissements publics d’insertion de la défense ; nous sommes allés dans les commissariats, dans les quartiers sensibles. Pendant cinq ans, avec Manuel Valls, nous avons préparé des propositions réelles de prévention de la délinquance. Je vous demande donc, madame la ministre, de bien vouloir accepter cet amendement que je présenterai tout à l’heure.

M. le président. La parole est à M. Alain Marsaud.

M. Alain Marsaud. Je vais vous parler de justice pendant deux minutes.

Mme Colette Capdevielle. Nous sommes là pour ça !

M. Alain Marsaud. C’est de la justice américaine que je voudrais vous parler : je souhaite informer mes collègues que M. Obama vient d’infliger un camouflet à la France, ou du moins à M. Hollande, en refusant d’intervenir dans le dossier de la BNP.

Mme Colette Capdevielle. Vous êtes hors sujet !

M. Jean-Pierre Blazy. Cela n’a rien à voir !

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est un simple point d’information !

M. Alain Marsaud. Je sais que cela n’a rien à voir : c’est un point d’information, chère madame ! Comme vous manquez d’informations, je vous en livre une !

Il est grand temps de sortir de l’idéologie – je rejoins en cela ce que disait M. Blazy tout à l’heure. S’il n’est pas exclu que l’idéologie ait dicté la démarche de la précédente majorité lorsqu’elle a créé les peines plancher, vous êtes vous-mêmes en pleine idéologie lorsque vous voulez les supprimer. C’est finalement l’application d’une des promesses de M. Hollande, et Dieu sait qu’elles furent nombreuses ! Certaines sont plus faciles à tenir que d’autres : c’est le cas de celle-ci.

Vous allez donc supprimer les peines plancher. Pour être honnête, elles furent peu appliquées, et ce pour une bonne raison : il existe deux conceptions de la fonction du juge. La première, qui peut être la vôtre – et encore, parfois cela vous gêne ! –, est celle du juge en totale liberté, le juge lâché en liberté qui fait à peu près ce qu’il veut. La seconde, qui est la nôtre, est la conception du juge encadré par la loi. Or les peines plancher n’encadraient pas le juge de manière extrême, car celui-ci avait la possibilité, à condition de motiver sa décision, de sortir de ces peines plancher – ce qu’il a fait, du reste. Ce texte ayant été peu appliqué, je ne me battrai donc pas pour le défendre.

M. Jean-Pierre Blazy. Très bien !

M. Alain Marsaud. Vous savez, cher collègue Blazy, ce n’était pas forcément le meilleur texte adopté par la précédente majorité !

Mme Colette Capdevielle. C’est bien de le reconnaître !

M. Alain Marsaud. Cela dit, ce qui vous pousse à venir ici aujourd’hui débattre pendant quelques heures, c’est défaire ce que la précédente majorité a fait. Nous aurions pu gagner quelques heures et cela nous aurait permis d’examiner avec un peu plus d’attention la contrainte pénale et tout ce qui s’ensuit.

M. Pascal Popelin. Vous gérez votre temps de parole comme vous le voulez !

M. Alain Marsaud. Absolument, cher collègue ! Mais sincèrement, si ces peines plancher ne méritent pas tant d’opprobre, peut-être ne méritent-elles pas non plus la défense que nous lui consacrons !

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Il est intéressant d’écouter Mme Duflot : plus nous l’écoutons, plus nous nous rendons compte combien ce projet de loi est contraire à ce que nous souhaitons ! Merci, madame, de nous éclairer, parce que la majorité socialiste ne s’exprime manifestement pas et ne veut pas expliciter les choses : au moins, avec vous, les choses sont claires et je te tiens à vous remercier pour cela.

M. Pascal Popelin et M. Jean-Pierre Blazy. Bavardage !

M. Patrick Hetzel. La justice est aussi une question d’équilibre. Or, ainsi que vient de le rappeler fort judicieusement Alain Marsaud, il est surprenant de n’avoir pour tout logiciel que la volonté de défaire de manière méthodique tout ce qui a été fait lors du quinquennat précédent – c’est votre point focal depuis deux ans puisqu’il en allait de même avec le précédent gouvernement. C’est tout de même très pauvre comme vision politique, et c’est surtout très grave pour notre pays ! En réalité, vous n’avez pas de politique : votre seule politique consiste à faire le contraire de ce qui avait été fait précédemment.

M. Jean-Pierre Blazy. Ce n’est pas vrai ! C’est une caricature !

M. Patrick Hetzel. Cela n’assure pas la pertinence d’une politique, bien au contraire ! C’est du reste très intéressant parce que, à force de vous observer, nous pouvons tirer un certain nombre de leçons sur ce qu’il ne faudra surtout pas faire lorsque nous reviendrons au pouvoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Venons-en à la question des peines plancher. Vous voulez les remplacer par la contrainte pénale : la belle affaire ! Il s’agit en fait d’un de ces leurres idéologiques dont Mme Taubira est coutumière : cela va à l’encontre du rôle fondamental de la justice, qui est de protéger la société.

M. Jean-Pierre Blazy. C’est aussi d’assurer son équilibre !

M. Patrick Hetzel. Ce que nous n’entendons pas dans les propos de Mme la garde des sceaux, c’est justement cette dimension : que met-on véritablement en œuvre pour protéger la société ?

Ce faisant, vous avez la volonté de gonfler les statistiques d’application des peines, parce que vous savez qu’elles sont catastrophiques ; il s’agit donc d’un artifice, dont nous devrions prendre acte aujourd’hui. En effet, peut-être nous présenterez-vous dans deux ans des statistiques nouvelles ; mais elles seront en réalité artificielles.

En opérant ce glissement des peines plancher vers la contrainte pénale, vous pourrez en effet afficher des statistiques en total décalage avec la perception de nos concitoyens. Vous devriez pourtant examiner ce que disent ces derniers : plus de 70 % d’entre eux sont hostiles à ce texte !

M. Guy Geoffroy. Ils sont même 75 % !

M. Patrick Hetzel. Persévérer est donc véritablement une erreur.

Autre point concernant cette politique publique, la mise en place de tous ces dispositifs sera extrêmement coûteuse. Mme Capdevielle avait d’ailleurs raison sur un point : le nombre de conseillers d’insertion et de probation est aujourd’hui insuffisant. Même si votre volonté législative est manifeste avec ce texte, les contraintes qui pèseront sur le ministère de la justice seront de plus en plus fortes ; or on ne voit pas comment les objectifs fixés pourront être atteints. Cela va encore creuser les écarts ! Tout cela démontre que votre obsession de défaire tout ce qui a été réalisé au cours du quinquennat précédent vous amène à faire fausse route : ce projet de loi en est la preuve magistrale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Gérard Sebaoun. Pour ce qui est de faire fausse route, vous en connaissez un rayon !

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret. L’accusation qui est portée et répétée contre nous est de nous montrer laxistes. J’aimerais que l’on réfléchisse un peu à la proposition faite par un député UMP consistant à supprimer la prison ferme pour les délits financiers, fiscaux et économiques, et à réserver la prison aux seules atteintes contre les personnes, en excluant les atteintes contre les biens.

M. Alain Marsaud. De qui s’agit-il ?

M. Alain Tourret. Il s’agit d’un député UMP de la Manche – par charité pour ma propre région, je ne donnerai pas son nom ! Ainsi, en matière de surfacturation – je comprends que cela vous intéresse actuellement ! –, il n’y aurait bien évidemment pas de possibilité de prison ferme !

En matière d’abus de biens sociaux, il n’y aurait bien évidemment pas de possibilité de prison ferme ! On me dit que ce député aurait été recadré ; mais je constate qu’il s’exprime toujours au nom de l’UMP. Cela signifie-t-il qu’il y a une volonté de votre part de vider les prisons de tous ceux qui ont commis des délits économiques ? Dire que l’on m’a accusé de justice de classe : en l’occurrence, je la revendique, la justice de classe !

M. Gérard Sebaoun. Très bien !

M. Marc Dolez. Parfait !

M. le président. La parole est à Mme Colette Capdevielle.

Mme Colette Capdevielle. Chers collègues de l’UMP, je souhaite vous aider à sortir de votre schizophrénie : vous pourriez vraiment voter cet article 5 ! Certes, je vois bien votre gêne : vous reconnaissez, monsieur Marsaud, que la loi sur les peines plancher n’était pas la meilleure loi que vous ayez votée – nous vous en donnons acte !

M. Guy Geoffroy. Il a dit que ce n’était pas la pire non plus !

Mme Colette Capdevielle. Certains parmi vous, qui ont un peu de talent, tentent de défendre ces peines plancher, sans toutefois y parvenir. Mais, après vous avoir observés avec un peu de recul et écoutés avec attention, je dresse le bilan du dernier quinquennat : Mme Dati tenait beaucoup à ses peines plancher, ainsi que je l’ai rappelé hier ; elle y tenait même tellement que quand ses procureurs généraux ne demandaient pas leur application dans leurs réquisitions, elle les faisait convoquer illico presto à la Chancellerie ! Cela se passait ainsi !

Mme Cécile Untermaier. Vive l’indépendance de la justice !

Mme Colette Capdevielle. Mme Michèle Alliot-Marie, qui lui a succédé, n’a pas été touchée par la grâce, mais par le réalisme !

M. Guy Geoffroy. Voilà qui est délicat !

M. Georges Fenech. Ce n’est pas correct !

Mme Colette Capdevielle. Qu’a-t-elle fait ? Étant beaucoup plus modérée, elle s’est dit que c’était tout de même très ennuyeux ; c’est alors que l’on a voté – en douce – les dispositions de la loi de 2009 dont nous allons parler.

Pour ma part, j’aime bien précisément en revenir au réalisme de la situation. Le résultat de l’application de ces peines plancher, c’est que cela nous coûte sacrément cher aujourd’hui ! Les maisons d’arrêt sont aujourd’hui surpeuplées, et quand je dis que cela coûte cher…

M. Guy Geoffroy. Ce n’est pas vrai !

Mme Colette Capdevielle. Alors expliquez-moi pourquoi notre pays est condamné par la Cour européenne des droits de l’homme !

M. Guy Geoffroy. Construisez des places de prison !

Mme Colette Capdevielle. Par dignité, je n’ose pas lire ce qui figure dans ces condamnations, notamment l’une, datant de 2013, sur l’état de nos lieux privatifs de liberté : promiscuité, vétusté des locaux, inadéquation de la cour de promenade, six détenus dans moins de dix-sept mètres carrés…

M. Guy Geoffroy. Il faut rénover et construire !

Mme Colette Capdevielle. Nous sommes condamnés par l’Europe mais, aujourd’hui – je vous renvoie aux contribuables et à l’état de nos finances publiques –, ce sont aussi les juridictions administratives – les tribunaux administratifs comme les cours administratives d’appel – qui condamnent l’État sur demande des requérants, par des décisions très motivées ! Qu’avez-vous à dire à ce sujet ? C’est la justice administrative qui condamne aujourd’hui l’administration, parce que justement nous en sommes arrivés à cette situation. Camus disait qu’une société se juge à l’état de ses prisons ; j’ai bien peur que, dans ce jugement, nous ne soyons condamnés à une très forte peine plancher !

M. Georges Fenech. Combien vous avez raison ! Construisez donc des prisons !

M. le président. La parole est à Mme Cécile Untermaier.

Mme Cécile Untermaier. Je voulais conclure sur ce thème en rappelant que, derrière ces peines plancher, c’est en fait le statut du juge que vous voulez encadrer. Un député de l’opposition a d’ailleurs parlé d’un « juge lâché en liberté ».

M. Alain Marsaud. C’était moi !

Mme Cécile Untermaier. Oui, c’était vous, monsieur Marsaud ! Vous voulez donc des juges tenus en laisse, des magistrats mis au pas !

M. Guy Geoffroy. Pas tenus en laisse : encadrés par la loi !

Mme Cécile Untermaier. Le discours que vous avez tenu est déflagrateur, il a blessé les magistrats au point que vous connaissez l’amour qu’ils vous portent désormais ! Votre comportement vis-à-vis d’eux a également, et je le regrette vraiment, accéléré un processus de division entre police, justice et pénitentiaire.

M. Alain Marsaud. Quel est le rapport ?

Mme Cécile Untermaier. Sur le terrain, on en souffre beaucoup. Il nous faut donc, et c’est tout le mérite de cette loi, travailler au rassemblement de la police, de la justice et du pénitentiaire.

Ce texte permettra également de recoller les morceaux. De 2007 à 2012, des lois successives sont venues complexifier le travail des magistrats, à tel point que pour un acte simple il leur fallait aller sur internet pour savoir quel changement était intervenu la veille. Nous devons donc donner aux magistrats les outils qui leur permettront d’accomplir un travail de qualité.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Monsieur le président, je tiens à intervenir à ce moment du débat, ce qui me permettra de ne pas avoir à répéter la même argumentation sur chaque amendement.

J’exposerai les six raisons qui nous conduisent à supprimer les peines planchers.

Premièrement, comme l’a dit Mme Duflot, le texte créant les peines planchers a été élaboré dans la plus grande impréparation et a été voté très rapidement, sans apporter la preuve qu’il était nécessaire de fixer des planchers, c’est-à-dire des peines minimales eu égard à la trop faible sévérité des magistrats. Ce texte a été élaboré après un fait divers criminel dont on ne voit pas très bien pourquoi il a eu une application en matière délictuelle. Ce fut la première loi d’une longue série de textes législatifs.

Ma deuxième observation concerne l’automatisme. Vous avez raison, monsieur Geoffroy : les peines ne sont pas automatiques pour les raisons qui ont été rappelées par Christophe Caresche. Toutefois, on peut dire qu’elles sont semi-automatiques.

M. Guy Geoffroy. Non !

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. En effet, pour la deuxième récidive, on s’approche très fort de l’automatisme parce qu’il est difficile alors d’échapper au plancher.

M. Guy Geoffroy. La deuxième récidive, ce n’est pas rien !

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. C’est d’ailleurs si vrai que, pour y échapper, les magistrats prononcent des peines d’emprisonnement avec sursis et mise à l’épreuve qui s’allongent et se multiplient.

Troisièmement, ces peines planchers sont rejetées par les magistrats. Le Syndicat de la magistrature les rejette, de même que l’Union syndicale de la magistrature qui est largement majoritaire dans la profession. Quant à Force ouvrière magistrats qui n’est pas majoritaire, il ne les défend pas sans pour autant les rejeter, arguant qu’elles sont très peu appliquées. Si l’on met des outils à la disposition des praticiens et que ceux-ci vous disent qu’ils sont inutiles, c’est bien qu’il y a un problème.

M. Guy Geoffroy. C’est le juge en liberté !

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Le juge est toujours en liberté !

Quatrièmement, l’appréciation des praticiens est confortée par l’échec statistique des peines planchers. Rappelons que 42 000 peines planchers ont été prononcées sur cinq années quand, dans le même temps, les tribunaux correctionnels prononçaient 3 millions de condamnations. Cela veut dire que, statistiquement, nous avons affaire à une opération marginale qui ne peut pas tenir lieu de politique pénale.

Cinquièmement, permettez-moi de dire que le concept de récidive est tordu.

M. Guy Geoffroy. On est tous d’accord sur ce point !

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Ce concept juridique ne peut pas fonder une politique pénale. Vous savez bien que la récidive n’existe que si les délits sont les mêmes et que dans le cas contraire c’est d’une complexité phénoménale. Le rapport donne l’exemple d’un homme condamné pour trafic de stupéfiants. Si, après sa condamnation, il porte des coups, il est en état de récidive. Si l’ordre des délits est inversé, il n’est pas en état de récidive. Dans certains cas, l’ordre des faits commis détermine ou non la récidive.

Sixième et dernier point : il y a quelque chose de très aléatoire dans la récidive. C’est un peu difficile à expliquer parce que, dans l’esprit du public, après une première condamnation s’il y a récidive il y a une deuxième condamnation. Or dans la pratique, cela ne se passe pas de cette manière.

Pour que la récidive puisse s’appliquer, il faut qu’il y ait une inscription au casier judiciaire. Or celle-ci peut largement varier dans le temps en fonction de divers éléments. Premier élément : la rapidité avec laquelle la première juridiction inscrit la condamnation au casier. Cette condamnation varie énormément d’un tribunal à l’autre. Deuxième élément : les faits doivent être jugés dans l’ordre chronologique dans lequel ils ont été commis. Or ce n’est pas le cas. En conséquence, échappent à la récidive des personnes qui, en réalité, ont commis des faits qui auraient dû relever de la récidive. Troisième élément : l’inscription dépend aussi du mode de poursuite choisi. Si ce sont des poursuites rapides, l’inscription l’est aussi. Si, au contraire, les dossiers sont traités sur le mode de l’instruction, l’inscription est lente parce que la condamnation l’est aussi.

Nous avons donc affaire à un concept qui ne fonctionne pas et qui ne permet pas de fonder une politique pénale. Par conséquent, il faut abandonner les peines planchers.

M. le président. Nous en venons aux amendements sur l’article 5.

Je suis d’abord saisi de quatre amendements identiques, nos 185, 219, 439 et 855, visant à supprimer l’article 5.

La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n185.

M. Dino Cinieri. L’article 5 témoigne du laxisme dont le Gouvernement fait preuve en matière de délinquance. La récidive est une atteinte intolérable à la sécurité des personnes et des biens. Elle doit être combattue et mérite un traitement sévère à la hauteur de sa gravité. La suppression des peines planchers rendra non seulement la sanction de la récidive trop permissive eu égard à sa gravité, mais enverra un message d’impunité totale aux délinquants qui seront moins dissuadés de récidiver. L’objet de ce projet de loi est pourtant de prévenir la récidive. Aussi mon amendement vise-t-il à supprimer l’article 5 pour conserver le dispositif des peines planchers.

M. le président. La parole est à M. Georges Fenech, pour soutenir l’amendement n219.

M. Georges Fenech. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Bernard Gérard, pour soutenir l’amendement n439.

M. Bernard Gérard. Il est défendu.

M. le président. La parole est à Mme Marion Maréchal-Le Pen, pour soutenir l’amendement n855.

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Avis défavorable également.

Il me paraît utile de répondre à certains propos qui ont été tenus tout à l’heure par les députés du groupe UMP.

M. Larrivé a affirmé avec cette espèce de force définitive qu’utilisent les députés du groupe UMP pour dire des choses inexactes depuis le début de la discussion de ce texte…

M. Guy Geoffroy. Vous nous avez montré l’exemple !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Si c’était le cas vous n’étiez pas tenu de le suivre. Mais ce n’est même pas le cas !

M. Guy Geoffroy. On est faible parfois !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Fréquemment, même ! (Sourires.)

M. Larrivé, disais-je, affirme que la circulaire du 19 septembre 2012 invite les magistrats à ne pas appliquer la loi. Je ne sais pas dans quel pays il croit vivre, et je ne sais pas dans quel pays nous vivrions si une circulaire qui a été déférée devant le Conseil d’État appelait les magistrats à ne pas appliquer la loi. Compte tenu de la hiérarchie des normes dans notre démocratie, dans notre État de droit, cette circulaire serait nulle. Si elle avait échappé à tout le monde, on aurait pu penser que…, mais elle a été déférée à plusieurs reprises devant le Conseil d’État. Donc le Conseil d’État, puisqu’il ne l’a pas annulée, serait complice d’une circulaire qui appelle les magistrats à ne pas respecter la loi. Voilà le genre d’affirmation que vous faites régulièrement. Il est difficile d’avoir un débat avec vous car depuis le début vous nous faites des procès d’intention. Nous ne parvenons pas à discuter du fond de ce texte.



M. Mariani est favorable au maintien des peines planchers pour des raisons morales. D’accord, mais ici le législateur fait du droit. M. Mariani évoque la situation des récidivistes. J’ai déjà eu l’occasion de rappeler que, depuis 1791, le code pénal prévoit le doublement des peines en cas de récidive. Personne n’a touché à cette mesure. On peut discuter de la question de morale, de la question philosophique, mais en l’occurrence, nous sommes dans le droit qui répond déjà à la préoccupation de punir plus sévèrement les récidivistes.



Vous nous accusez de détricoter systématiquement ce qui a été fait par l’ancienne majorité.



M. Guy Geoffroy. Non, c’est un constat !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est un slogan que vous avez établi depuis 2012 et que vous répétez à l’envi. Mais lorsque nous décidons de modifier une disposition législative, nous expliquons les raisons pour lesquelles nous le faisons et les objectifs que nous visons. En l’occurrence, nous ne cessons de répéter qu’il s’agit de prévenir et de lutter contre la récidive.

Je vais vous donner un exemple qui montre que, contrairement à vous, nous ne sommes pas des dogmatiques, comme vous le prétendez. Vous dites que nous défaisons, mais vous n’êtes pas en mesure de citer des exemples.

Je vous ai reproché d’avoir mis en place, lors du précédent quinquennat, seulement 50 bureaux d’aide aux victimes en trois ans. Pour notre part, en une seule année, en 2013, nous en avons créé et consolidé 100. Je vous le dis puisque vous nous faites, à longueur de temps, le procès indécent, injuste et inexact de ne pas prendre soin des victimes. Vous aviez pris une bonne initiative ; elle était tellement bonne qu’au lieu de créer 50 bureaux en trois ans, nous en avons créé 100 en une année. Nous les avons équipés, nous les accompagnons, nous les suivons. C’est bien la démonstration que nous ne détricotons pas ce que vous avez fait.

Nous considérons qu’il faut faire des enquêtes de personnalité pour que le magistrat soit éclairé, que la juridiction dispose d’éléments pour prononcer la peine la plus adaptée. Si nous lui fournissons des éléments, c’est pour qu’il puisse apprécier, outre la gravité de l’acte, la personnalité, le parcours, l’attitude de l’auteur. Ces éléments peuvent desservir l’auteur du délit et le magistrat peut être amené à prononcer une peine plus lourde. Vous prétendez que nous voulons ces enquêtes de personnalité pour pouvoir dire à la victime que le pauvre auteur est malheureux et vous dites être en grand désaccord avec nous. Non, c’est un désaccord entre vous et votre imagination.

M. Hetzel nous accuse de ne rien avoir mis en œuvre pour protéger la société. Mais si nous voulons combattre la récidive, c’est précisément pour protéger la société.

Vous vous bloquez sur une lettre qui vous aveugle…

M. Guy Geoffroy. Au contraire, elle nous éclaire !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …bien que M. Popelin ait pris la peine de vous expliquer le séquentiel qui devrait vous aider à comprendre. Nous n’avons pas d’illusion ; vous ne nous en laissez pas le privilège.

Je vous rappelle ce que déclarait, en 2004, un ancien garde des sceaux et président de la commission des lois, à propos des peines minimales : « Le deuxième écueil que nous avons évité est celui des peines automatiques. Au terme de notre travail, nous sommes tous convenus qu’une justice automatique est une justice aveugle qui frappe tout le monde avec la même violence. Or nous savons qu’on ne lutte pas contre la délinquance en commettant des injustices ». Cet ancien garde des sceaux, c’est M. Pascal Clément.

Qu’en pensait M. Jean-Luc Warsmann, éminent président de la commission des lois et de votre sensibilité, messieurs de l’opposition ? « Un débat très fort s’est déroulé en commission sur le bien-fondé des peines plancher automatiques que certains de nos collègues souhaiteraient voir instaurées. Le débat a été tranché par les deux tiers des membres de la commission. Un tel dispositif est totalement étranger à la culture juridique française, je tiens à le rappeler. Il s’inspire d’une tradition américaine que, pour ma part, je ne souhaite pas voir adopter par mon pays. Une politique pénale efficace ne consiste pas à multiplier par sept le nombre des détenus, mais à garantir l’exécution de la peine et à assurer le suivi des sortants de prison. » Voilà ce que déclarait M. Jean-Luc Warsmann en 2004 !

M. Guy Geoffroy. Il n’était pas président de la commission des lois à cette époque !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il se réclamait de ce succès, confirmé d’ailleurs par M. Dominique Perben, ancien garde des sceaux de votre sensibilité. Toutefois, nous devons reconnaître que ce succès remporté par MM. Clément, Warsmann et Perben en 2004 s’est par la suite transformé en échec, lorsque, en 2007, vous avez adopté cette loi instaurant des peines minimales. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Nous avons dit ce que nous avions à dire dans le détail…

M. Jean-Pierre Blazy. Il me semble en effet ! Largement dans le détail !

M. Guy Geoffroy. …et nous ne reviendrons pas très longuement sur tout cela. Malgré tout, je voudrais revenir sur quelques propos tenus par nos collègues de la majorité, M. Caresche et M. Blazy en particulier.

M. Caresche a dit deux choses intéressantes. La première était l’affirmation pratiquement dans la même minute d’une chose et de son contraire : il a affirmé que les peines plancher, telles que nous les avions conçues et décidées, permettaient une individualisation de la peine, avant de dire que si elles n’étaient pas appliquées par les magistrats, c’était précisément parce qu’elles étaient contraires à l’individualisation de la peine. Cela démontre qu’il y a beaucoup d’idéologie derrière ce qui est en train de se passer.

La deuxième chose qu’il a dite, et qui est diablement intéressante, c’est que les magistrats ne veulent pas appliquer cette disposition. J’ai dit en commission combien j’avais été choqué par de tels comportements, en particulier sur la loi de juillet 2010 relative aux violences faites aux femmes.

Avec Mme Bousquet, j’ai participé à une action de formation continue à l’ENM auprès de juges d’application des peines qui nous disaient tout bonnement qu’ils ne voulaient pas de notre ordonnance de protection. Nous avions alors été obligés de dire que ce qu’ils affirmaient posait un léger problème. De fait, comment voulez-vous que, dans un pays de droit comme le nôtre, les citoyens respectent la loi, lorsque les magistrats censés l’appliquer répugnent à le faire ? C’est un vrai souci ! Notre collègue Marsaud dénonçait tout à l’heure, avec ses termes et la faconde qu’on lui connaît, le juge en liberté, et je voudrais ajouter que le juge n’est pas un agent de l’autorité judiciaire totalement libre. Il est indépendant, ce qui est différent. Sa dépendance est totalement fixée par la loi : il a une obligation, celle d’appliquer la loi.

Si vous estimez qu’il est normal qu’un magistrat puisse s’arroger le droit de ne pas appliquer la loi, il y a un vrai problème dans notre système judiciaire.

Je veux aborder un troisième point, en écho aux propos de M. Blazy, et être bien compris. Tout le monde sait que depuis plus de dix ans, un phénomène nous inquiète tous : l’augmentation des violences aux personnes.

M. Jean-Pierre Blazy. Alors il faut enfin le reconnaître !

M. Guy Geoffroy. Laissez-moi mettre la virgule, monsieur Blazy, et écoutez la phrase qui va venir ! Je ne doute pas que vous y adhériez. Nous avons tous dit que parmi les éléments qui fondent l’augmentation des violences aux personnes, il y a toutes les dispositions que nous avons prises depuis 2000, et en particulier depuis les lois de 2006 et de 2010, contre les violences faites aux femmes. La parole s’est libérée et un nombre important de plaintes peuvent dorénavant être déposées, puisque les délits existent et qu’ils sont bien sanctionnés.

M. Jean-Pierre Blazy. Ça ne change pas les chiffres !

M. Guy Geoffroy. Je ne vous dis pas que cela constitue l’intégralité des plaintes – et c’est pour cela que je vous ai demandé de bien m’écouter –, mais c’est une part importante des violences qui s’accumulent depuis quelque temps. Ce ne sont pas des violences nouvelles en tant que telles ; ce sont des violences nouvellement révélées, ce qui est en soi positif puisque cela témoigne d’une libération de la parole des femmes victimes de violences. Il faut penser à ces femmes, au regard de ce que vous allez faire dans quelques minutes en votant l’article 5.

M. Jean-Pierre Blazy. En quoi les peines plancher ont-elles été efficaces ?

M. Guy Geoffroy. Pour travailler sur ce sujet depuis plus de dix ans, je rencontre beaucoup de ces femmes. Lorsqu’elles sont victimes de ces violences et qu’elles essaient de s’en sortir, elles font valoir combien elles sont victimes de la récidive des coups et des violences. Vous allez maintenant leur annoncer que l’auteur des violences, qui est un pervers, qui va s’ingénier à tout faire pour les détruire, ne risquera pas plus, que le juge ne sera pas invité à faire plus, ne serait-ce qu’un minimum de peine supplémentaire en cas de récidive ! Notre rapporteur disait tout à l’heure qu’à la seconde récidive, la liberté d’utiliser les dispositions prévues par la loi de 2007 se réduit, et je prends cet exemple : vous êtes, sans le vouloir, en train d’adresser aux femmes victimes de violences un signal terrible.

M. Gérard Sebaoun. Quel est le rapport avec les peines plancher ?

M. Guy Geoffroy. Demain, elles ne seront pas plus protégées lorsqu’elles seront victimes une deuxième, une troisième ou une quatrième fois des violences de leur conjoint, et c’est dramatique.

M. Pouria Amirshahi. Vous êtes le parti de la peur ! Vous n’avez que cela à proposer !

M. Guy Geoffroy. Cela aurait mérité que l’on donne plus de temps à l’observation statistique et fouillée de la mise en application de ces dispositions. La loi concernant les violences psychologiques ne date que de 2010 et vous auriez été bien avisés de donner un peu plus de temps aux dispositions de la loi de 2007 pour pouvoir en mesurer l’efficacité en matière de violences faites aux femmes. Je crains que vous n’adressiez un signal particulièrement désastreux à toutes ces victimes qui attendent beaucoup de nous et qui seront très déçues.

M. Pouria Amirshahi. Vous abîmez le pays à force de tenir de tels propos !

M. le président. La parole est à Mme Cécile Duflot.

Mme Cécile Duflot. Il va sans dire que je vais voter contre l’ensemble des amendements de suppression de l’article 5, mais j’en profite pour répondre aux remarques que l’on m’a adressées. Sachez que je suis moi aussi ravie d’être ici, messieurs les députés de l’opposition, puisque cela vous permet de décocher quelques flèches principielles à mon égard. Ne vous gênez pas, j’y suis désormais habituée ! Mais vous n’avez pas écouté ce que j’ai dit tout à l’heure et vous avez préféré choisir une lecture idéologique.

Les faits sont têtus. Or il se trouve que cette question, qui intéresse nombre de parlementaires présents ici mais également bien d’autres personnes qui ne sont pas dans cet hémicycle, est essentielle. En effet, elle implique des milliers de personnes incarcérées, des familles et des victimes. Vous pourrez dire à M. Mariani qu’il ne peut pas transformer mes propos. Le magistrat et enseignant Jean-Paul Jean a en effet écrit que les peines plancher ont essentiellement durci la répression contre les toxicomanes, les alcooliques et les victimes de troubles psychiatriques.

M. Guy Geoffroy. Et un alcoolique qui tape sa femme ?

Mme Cécile Duflot. L’impact le plus fort a été sur les vols et les recels, sur les destructions et les dégradations et sur la législation relative aux stupéfiants, mais aucun impact n’a été relevé sur les violences aux personnes.

M. Guy Geoffroy. Donnez-vous du temps pour faire un vrai bilan !

Mme Cécile Duflot. C’est la réalité, monsieur Geoffroy, même si elle vous déplaît ! J’ai été bénévole pendant plus de quatre ans à la maison d’arrêt de la Santé, je me suis, comme d’autres, impliquée sur ces questions et je sais qu’il faut dire la vérité sur l’efficacité ou non de la prison. En réalité, les victimes dont vous parlez, messieurs les parlementaires de l’opposition, souhaitent seulement ne pas être cambriolées, ne pas être agressées. En tant que législateur, nous devons prévoir ici les meilleurs moyens pour que, quand une infraction a été commise, non seulement la sanction soit prononcée, mais pour qu’elle soit efficace, c’est-à-dire qu’elle ne conduise en aucun cas à la réitération. Or l’incarcération répétée pour des petites peines ne fonctionne pas.

M. Guy Geoffroy. Comment peut-on s’en sortir avec de pareils arguments ?

Mme Cécile Duflot. Ces gens sortent plus désocialisés, avec un risque de réitération supérieur. C’est un fait établi. Il ne s’agit donc pas d’un débat idéologique ; c’est d’efficacité qu’il est question.

M. Éric Ciotti. Vous êtes pleinement dans l’idéologie !

Mme Cécile Duflot. Le rapporteur a parfaitement expliqué les conditions dans lesquelles la loi sur les peines plancher a été adoptée. Je veux le redire – et ne vous en déplaise, ce sera inscrit au compte rendu – : mon intervention se fonde sur le principe d’efficacité et sur le pragmatisme, comme l’a dit le garde des sceaux. Si cela vous fait plaisir de tout ramener à un débat médiocrement politicien ou à ma personne, je trouve cela plutôt faiblard au regard des enjeux du travail législatif.

Plusieurs députés du groupe UMP. Mais non !

M. Jean-Frédéric Poisson. Vous ne méritez pas tant !

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Geoffroy, vous avez évoqué un sujet extrêmement sérieux, difficile et douloureux. Je connais votre implication depuis très longtemps sur le sujet des violences faites aux femmes et sur celui de l’égalité des femmes et des hommes. Lorsque vous réduisez les choses, vous diminuez…

M. Guy Geoffroy. Je ne les réduis pas, c’est un exemple !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Si, vous les réduisez,vous diminuez les mérites mêmes de tout ce travail que vous avez accompli avec Mme Danielle Bousquet, comme vous avez eu la grande honnêteté de le rappeler. Vous avez produit un rapport qui a servi de référence et qui a été beaucoup étudié, y compris en dehors de l’Assemblée nationale. Vous réduisez une partie de vos mérites en vous contentant de dire que les dispositions de notre texte vont exposer davantage les femmes aux violences.

M. Guy Geoffroy. C’était un exemple !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je ne sais comment le dire une fois encore : le code pénal prévoit le doublement de la peine en cas de récidive.

M. Jean-Pierre Blazy. Depuis 1791 !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous auriez dû avoir le temps de vous habituer à cette idée et à la disposition contenue dans le code pénal, monsieur Geoffroy. De plus, vous savez bien que nous avons pris un certain nombre de dispositions ces deux dernières années et que celles-ci l’ont été avec pertinence, précisément parce qu’elles ont profité des travaux menés toutes ces dernières années et auxquels vous avez participé avec tant de constance et d’assiduité. Concernant les violences faites aux femmes, nous avons, dans le texte de loi relatif à l’égalité femmes-hommes, accru la possibilité de prononcer une ordonnance de protection et doublé sa durée. Vous avez d’ailleurs commis un lapsus tout à l’heure en parlant des juges d’application des peines, car ce sont les juges aux affaires familiales qui prononcent l’ordonnance de protection.

M. Guy Geoffroy. Tout à fait ! C’était une erreur de ma part.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous ne pouvez pas prendre comme référence le fait qu’un ou deux juges vous disent qu’ils ne veulent pas de l’ordonnance de protection.

M. Guy Geoffroy. C’était scandaleux !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Absolument ! Si des juges décident de ne plus appliquer la loi, nous ne sommes plus dans une démocratie. Je suis entièrement de votre avis. C’est le législateur qui établit les normes et une fois que celles-ci sont adoptées, après un débat contradictoire où chacun fait valoir ses arguments, elles s’appliquent et le juge doit se référer à la loi.

Le problème principal, concernant cette ordonnance de protection, résidait dans une connaissance inégale, sur l’ensemble du territoire, de ce qu’elle était vraiment et des situations dans lesquelles elle pouvait être prononcée. Nous avons voulu corriger cette inégalité entre des ressorts où l’ordonnance de protection était bien prononcée et où elle était un instrument servant à protéger les femmes et les familles et des ressorts où il en était peu fait usage.

Nous avons corrigé cette situation grâce à plusieurs moyens. D’abord, nous avons allongé la prorogation en la faisant passer de quatre mois à six mois, et nous avons permis qu’elle soit prononcée deux fois. Ensuite, nous avons fait en sorte, par circulaire, que l’ensemble des ressorts aient connaissance de ce qu’est l’ordonnance de protection. L’École nationale de la magistrature a également, à ma demande, conçu des modules de formation initiale sur ces instruments de protection des femmes contre les violences. En juin 2013, nous avons ouvert le cycle de formation aux magistrats, aux policiers, aux gendarmes et aux avocats. Nous avons en outre introduit dans la loi des dispositions relatives à l’expulsion du conjoint hors du logement commun. Vous êtes certainement sensible, monsieur Geoffroy, au fait que nous avons aussi ajouté des obligations de stage chez le conjoint, parce que les histoires amoureuses et familiales sont compliquées.

Nous connaissons des cas, y compris dramatiques, de séparation difficile où la femme porte plainte et, sans qu’il y ait forcément eu des pressions, revienne sur sa plainte ; elle peut être dans une attitude d’hésitation, tout simplement parce que c’est la réalité des sentiments humains. Par conséquent, nous introduisons la sanction pour l’auteur des violences, mais aussi des dispositions permettant qu’il soit contraint de suivre des stages contre les violences faites aux femmes. Vous savez que j’ai lancé en janvier 2014 un marché public pour la généralisation, sur l’ensemble du territoire, de l’opération « Téléphone, femmes en grand danger », et ce sera mis en place dès le mois de juillet de cette année. Je voulais absolument revenir là-dessus, d’abord parce que c’est un sujet très sérieux et très douloureux, ensuite parce que je sais que vous y avez beaucoup travaillé et que vous le connaissez vraiment très bien, monsieur Guy Geoffroy, et que vous ne pouvez pas prétendre que la suppression des peines plancher est de nature à punir moins sévèrement les récidivistes de violences commises contre les femmes.

M. Guy Geoffroy. Mais si !

(Les amendements identiques nos 185, 219, 439 et 855 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n365.

M. Éric Ciotti. Il est défendu.

(L’amendement n365, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n187.

M. Dino Cinieri. Le présent amendement vise à étendre les peines plancher à la réitération, c’est-à-dire aux auteurs de crimes ou de délits répétés mais différents. Selon le code pénal, « il y a réitération d’infractions pénales lorsqu’une personne a déjà été condamnée définitivement pour un crime ou un délit et commet une nouvelle infraction qui ne répond pas aux conditions de la récidive légale ». Commettre des délits différents doit être réprimé aussi sévèrement que la commission répétée du même délit.

(L’amendement n187, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n293.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il est défendu, monsieur le président.

(L’amendement n293, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Alain Bénisti, pour soutenir l’amendement n466.

M. Jacques Alain Bénisti. Je voudrais rappeler un élément important du débat : toutes les études montrent aujourd’hui qu’approximativement 70 % des personnes incarcérées récidivent dans les deux mois suivant leur sortie. La raison en est très simple : le détenu renvoyé dans son milieu délictueux se retrouve évidemment au sein de son quartier, avec sa bande, et rien ne l’empêche de récidiver, sans être freiné par toutes les mesures de substitution qu’on a pu lui proposer.

L’objet de l’amendement est donc de donner la possibilité au juge d’envoyer le jeune dans un établissement public d’insertion de la défense pour lui permettre de ne pas retourner dans son lieu de vie délictuel et d’aller dans un espace parfaitement bien encadré. Il pourra ainsi s’insérer ou se réinsérer dans la société grâce, évidemment, à l’encadrement, à toutes les formations, à la reconstruction sociale qu’on va lui apporter pour lui permettre de quitter ce milieu délinquant.

Je propose par conséquent, après l’alinéa 8, d’insérer les deux alinéas suivants :

« 1° A Après le cinquième alinéa de l’article 16 [de l’ordonnance de 1945], est inséré un alinéa ainsi rédigé :

"4° bis Accomplissement, lorsque le mineur est âgé de plus de seize ans, d’un contrat de service en établissement public d’insertion de la défense mentionné aux articles L. 130-1 à L. 130-5 du code du service national. " ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Avis défavorable. Le projet de loi ne concerne pas les mineurs, en dehors d’un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Avis défavorable pour plusieurs raisons. La première vient d’être indiquée par M. le rapporteur, à savoir qu’en effet, le projet de loi ne concerne pas les mineurs – normalement, nul ne l’ignore depuis la séance de la nuit dernière.

Cela étant, vous soulevez un sujet extrêmement important, monsieur le député, mais l’exécution de telles mesures éducatives prononcées par la juridiction à l’encontre de mineurs ne correspondrait pas à l’article 24-6 de l’ordonnance de 1945, lequel dispose que toute mesure éducative doit être exécutée dans le cadre d’un accompagnement éducatif spécialisé, ce qui n’est pas le cas dans un EPID.

Certes, un EPID est un établissement, vous l’avez souligné, très encadré et rigoureux, et je peux vous dire que cela fonctionne bien pour les jeunes majeurs suivis par la protection judiciaire de la jeunesse, mais cela ne présenterait pas d’intérêt pour les mineurs parce que, indépendamment de l’argument précédent, le non-respect d’une mesure éducative n’est pas sanctionné en tant que tel. Ce point fait partie des modifications de l’ordonnance de 1945 auxquelles la Chancellerie travaille. Les professionnels nous disent que les trente-sept modifications successives de l’ordonnance ont eu notamment comme effet de brouiller les choses, d’introduire de l’incohérence : par exemple, il est possible de prononcer des mesures ou des sanctions éducatives, mais le régime des mesures éducatives n’est pas celui des sanctions éducatives, et en l’état actuel de l’ordonnance, le non-respect des mesures éducatives n’est pas sanctionné. Il faut sortir d’une telle situation. Ce n’est pas acceptable. Dans les travaux que nous conduisons sur la modification de l’ordonnance de 1945, nous tiendrons évidemment compte le mieux possible de la proposition que vous faites dans cet amendement.

(L’amendement n466 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n294.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il est défendu, monsieur le président.

(L’amendement n294, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement n319.

M. Philippe Vitel. Il est défendu, monsieur le président.

(L’amendement n319, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n295.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il est vigoureusement défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable, tout aussi vigoureusement. C’est le parallélisme des formes (Sourires.)

(L’amendement n295 n’est pas adopté.)

(L’article 5 est adopté.)

Article 6

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 221, 288 et 368, tendant à supprimer l’article 6.

La parole est à M. Georges Fenech, pour soutenir l’amendement n221.

M. Georges Fenech. Cet article supprime l’automaticité de la révocation d’un sursis simple. Cela correspond à la logique qui est la vôtre, madame la garde des sceaux. Nous, nous croyons qu’un sursis prononcé par un tribunal, cela a un sens. Je suis heureux, d’ailleurs, qu’un amendement visant à rétablir l’avertissement donné à un prévenu de ce qu’il peut encourir s’il récidive provienne de votre majorité.

Je ne crois pas opportun de supprimer la révocation automatique du sursis. Un sursis, c’est fait pour être révoqué si on récidive dans un délai prévu par la loi. Cette automaticité a un sens, elle permet de dissuader de recommencer. Sa suppression, que vous le vouliez ou non, sera, elle aussi, interprétée comme une forme de laxisme et d’encouragement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n288.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n368.

M. Éric Ciotti. L’article 6 est au cœur de cette logique quantitative que j’évoquais, qui vise à diminuer à tout prix la population carcérale. Vous avez contesté que tel soit l’objectif premier de votre texte, madame la garde des sceaux, mais cet article participe de notre démonstration sur ce que seront les conséquences de l’addition des différentes mesures prises, notamment l’abandon de l’automaticité de la révocation du sursis pour toute nouvelle condamnation intervenue au cours des cinq années suivant la première condamnation avec sursis.

Votre étude d’impact montre très clairement que l’abrogation des peines plancher va faire diminuer de 4 000 le total des années d’emprisonnement à exécuter, et la suppression de la révocation automatique du sursis simple le fera diminuer de 3 000. Ainsi, le nombre total d’années d’emprisonnement devrait baisser de 7 000. On voit donc bien que nous sommes dans une logique purement quantitative. Il y a les bons sentiments – la lutte contre la récidive –, il y a l’idéologie – l’affaiblissement de la portée de la sanction, la culture de l’excuse – et puis cette logique quantitative qui conduit, je l’ai dit et cela vous a fait réagir, à transformer ce texte dans l’esprit des lois d’amnistie qui, pendant longtemps, ont existé dans notre pays, par exemple à l’occasion de la fête nationale. Cette loi est finalement une super-loi d’amnistie, et la mesure prévue à l’article 6 est peut-être celle qui y participe le plus fortement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements de suppression ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Avis défavorable. Cet article ne relève ni de la culture de l’excuse ni de la volonté de faire une loi d’amnistie, mais de la volonté de donner du sens aux décisions de justice.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Tout à fait !

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Le sursis est souvent révoqué sans que celui qui le décide le sache, parce qu’il y a un long délai d’inscription au casier judiciaire et lorsque quelqu’un comparaît une deuxième fois devant le tribunal correctionnel, le juge qui le condamne de nouveau ne sait pas toujours qu’il y avait eu une condamnation avec sursis auparavant. C’est vrai si l’intéressé ne le rappelle pas ou s’il ne se présente pas. En conséquence, le but de cet article, c’est que le régime du sursis simple soit aligné sur celui du sursis avec mise à l’épreuve et que, comme le souhaite M. Fenech, la révocation du sursis prenne tout son sens. Elle n’a pas de sens si le juge qui révoque ne sait pas qu’il révoque.

M. Sergio Coronado. Eh oui !

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Cette disposition sera très salutaire à cet égard.

Elle permettra aussi d’éviter des situations très dommageables dans lesquelles, en fin de peine, certains détenus ont prévu leur libération, travaillé avec le juge d’application des peines, avec les services pénitentiaires d’insertion et de probation pour la mettre en œuvre et être accompagnés à la sortie, et puis, à quelques semaines de la sortie, arrive, de façon impromptue, une nouvelle condamnation qui anéantit tous les efforts consentis. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Il s’agit de donner du sens à la peine, du sens à l’application de la loi ; ce n’est pas la posture idéologique de nos contradicteurs, mais une posture pragmatique qui vise à rendre les peines efficaces. C’est d’ailleurs le titre de notre projet de loi.

M. Matthias Fekl. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Sur ce point, il y a une double cohérence : celle de l’opposition et la nôtre. Nous, nous ne croyons pas, et nous l’assumons, à une justice automatique, mécanique, à l’aveugle. C’est dans cette logique que nous sommes, parce que nous croyons que l’efficacité est liée au fait que les juridictions prononcent des décisions en toute connaissance de cause. C’est totalement éclairées qu’elles peuvent prononcer la peine la plus adaptée pour que celle-ci soit le plus efficace et éviter la récidive.

Je vous rappelle, puisque vous faites comme si vous l’ignoriez, que les peines sont prononcées pour une certaine durée qui, un jour, arrive à échéance. Les personnes qui ont été condamnées reviennent dans le corps social. Ce n’est pas une volonté, ce n’est pas une lubie, ce n’est pas une espérance, ce n’est pas un fantasme, c’est une réalité de droit : la peine est prononcée pour une durée. Les personnes vont donc revenir dans le corps social.

Jusqu’à maintenant, avec les sorties sèches, c’est-à-dire la non-préparation de la sortie, il n’y avait pas de contraintes, pas d’encadrement, pas d’accompagnement. Nous savons que ce sont des facteurs qui aggravent la récidive. Ces personnes reviennent de toute façon dans le corps social, et quand elles reviennent dans le corps social, elles sont potentiellement plus dangereuses que si elles ont été prises en charge, accompagnées, encadrées, contraintes.

Avec le mécanisme de révocation automatique du sursis, les magistrats eux-mêmes nous disent qu’ils ont souvent découvert après coup que des sursis avaient été révoqués. Nous ne croyons ni à la justice mécanique et automatique, ni à la justice à l’aveugle. Il faut que le magistrat sache qu’il y a un sursis. Il peut le révoquer, ce n’est pas interdit. Nous supprimons seulement le caractère automatique de la révocation.

D’ailleurs, le sursis avec mise à l’épreuve – une disposition plus lourde que le sursis simple, convenez-en – n’est pas révoqué automatiquement. Si vous êtes logiques et cohérents, vous devez convenir qu’il vaut mieux que la juridiction connaisse l’existence de ces sursis simples et qu’elle décide éventuellement, si elle l’estime justifié, de les révoquer puisqu’elle peut le faire. Ce que nous supprimons, c’est tout simplement l’automatisme de la révocation.

M. le président. La parole est à M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. S’agissant de cette demande de suppression de l’article 6, je voulais vous rappeler, madame la garde des sceaux, les mots de votre ami magistrat Serge Portelli.

Dans un rapport intitulé La récidive, mobiliser l’intelligence, non la peur, il expliquait que la meilleure arme contre la récidive est la peine avec sursis, un sursis qui est révoqué automatiquement en cas de nouvelle peine ferme et qui ne peut, c’est logique, être accordé lorsque la personne a déjà été condamnée au cours des cinq années qui précèdent une peine d’emprisonnement.

Alors que l’automatisme de la révocation de sursis en cas de nouvelle condamnation relève du bon sens, vous voulez complexifier le travail des juges en les obligeant – et la logique est absurde – à motiver la révocation alors qu’auparavant, c’est le maintien du sursis qu’ils devaient motiver.

Quel message, madame la garde des sceaux, pensez-vous envoyer ainsi aux victimes ? Pensez-vous vraiment que récidiver n’est pas plus grave que de commettre un délit pour la première fois ?

(Les amendements identiques nos 221, 288 et 368 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n497.

M. Jean-Frédéric Poisson. Défendu.

(L’amendement n497, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n213.

M. Dino Cinieri. Défendu.

(L’amendement n213, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n151.

M. Dino Cinieri. Défendu.

(L’amendement n151, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n297.

M. Jean-Frédéric Poisson. Défendu.

(L’amendement n297, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 152, 498 et 697.

La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n152.

M. Dino Cinieri. L’article 132-35 dispose de la durée de validité d’une condamnation à un sursis simple. Le présent amendement vise à porter ce délai de cinq à dix ans afin de permettre de mieux sanctionner la récidive réelle.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n498.

M. Jean-Frédéric Poisson. Défendu.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement n697.

M. Philippe Vitel. Défendu.

(Les amendements identiques nos 152, 498 et 697, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 503 et 650.

La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n503.

M. Jean-Frédéric Poisson. Défendu.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement n650.

M. Philippe Vitel. Défendu.

(Les amendements identiques nos 503 et 650, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement n649.

M. Philippe Vitel. Défendu.

(L’amendement n649, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n298.

M. Jean-Frédéric Poisson. Défendu.

(L’amendement n298, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 156, 499 et 698 rectifié.

La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n156.

M. Dino Cinieri. L’article 132-35 dispose de la durée de validité d’une condamnation à un sursis simple. Le présent amendement vise par conséquent à allonger ce délai afin de mieux sanctionner la récidive réelle.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n499.

M. Jean-Frédéric Poisson. Défendu.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement n698 rectifié.

M. Philippe Vitel. Défendu.

(Les amendements identiques nos 156, 499 et 698 rectifié, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 158 et 699.

La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n158.

M. Dino Cinieri. Défendu.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement n699.

M. Philippe Vitel. Défendu.

(Les amendements identiques nos 158 et 699, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n299.

M. Jean-Frédéric Poisson. Défendu.

(L’amendement n299, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 159 et 300.

La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n159.

M. Dino Cinieri. Défendu.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n300.

M. Jean-Frédéric Poisson. Défendu.

(Les amendements identiques nos 159 et 300, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 160, 302 et 648.

La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n160.

M. Dino Cinieri. Défendu.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n302.

M. Jean-Frédéric Poisson. Défendu.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement n648.

M. Philippe Vitel. Défendu.

(Les amendements identiques nos 160, 302 et 648, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 161, 303 et 647.

La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n161.

M. Dino Cinieri. Défendu.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n303.

M. Jean-Frédéric Poisson. Défendu.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement n647.

M. Philippe Vitel. Défendu.

(Les amendements identiques nos 161, 303 et 647, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

(L’article 6 est adopté.)

Article 6 bis

M. le président. La parole est à M. Georges Fenech, pour soutenir l’amendement n222.

M. Georges Fenech. Je demande également la suppression de cet article 6 bis, qui prévoit la fin de la limitation du nombre de SME qui peuvent être octroyés aux récidivistes.

Actuellement, le cumul de SME pour un délinquant en récidive légale est limité à deux au maximum. Quant aux auteurs de violences à la personne ou de violences sexuelles, ils ne peuvent bénéficier que d’un seul SME. Avec ce texte, ils pourront cumuler les probatoires à loisir.

Cet article abolit purement et simplement la différence de traitement entre délinquants violents sexuels, récidivistes et primodélinquants en matière de SME.

À quoi sert-il d’accorder des SME à répétition ? Ce n’est même plus la peine à partir du moment où les obligations ne sont pas respectées. Un SME, ça va ; deux SME, bonjour les dégâts ! Alors trois, quatre, cinq, six… Allons-y !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Sans vouloir allonger les débats, je pense qu’il serait assez utile que sur ces amendements, le rapporteur et la ministre nous donnent un minimum d’explications sur les raisons de leur refus. La question, telle qu’elle est évoquée, n’est quand même pas neutre.

Après le sursis simple, nous parlons d’une autre disposition. Tout cela tombe en cascade. À chaque fois, nous attirons votre attention sur le fait que le risque d’aggravation du sentiment d’impunité est bien là, et vous ne répondez rien d’autre que : « Avis défavorable ».

Il serait assez utile que vous nous éclairiez, au minimum au début de l’examen des amendements visant à la suppression de chacun des articles, sur les raisons structurées et profondes qui vous font vous y opposer.

M. le président. Souhaitez-vous intervenir, monsieur le rapporteur, madame la garde des sceaux ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Non. Ce qui tombe en cascade, ce sont les amendements de l’opposition. Les dispositions du texte, quant à elles, sont très stables.

(L’amendement n222 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, pour soutenir l’amendement n846.

M. Dino Cinieri M. Guy Geoffroy et M. Jacques Alain Bénisti. Oh non, ce n’est pas la peine de le présenter !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 2, suite à une modification qui a été introduite de façon tout à fait logique et cohérente par la commission, à l’initiative du rapporteur.

Compte tenu d’un amendement qui doit venir plus tard, cet alinéa 2 n’a plus de raison d’être dans sa formulation actuelle. Pour cette raison, nous proposons de supprimer cette possibilité de prononcer des obligations dans le cadre d’un SME.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Je me range à l’avis du Gouvernement.

(L’amendement n846 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement n775 rectifié.

M. Marc Dolez. Cet amendement reprend une proposition de l’Association nationale des juges de l’application des peines qui tend à modifier le régime d’autorisation de déplacement à l’étranger des personnes placées sous le contrôle du juge de l’application des peines, afin de tenir compte de la décision de la Cour de cassation du 16 mars 2011.

Actuellement, l’article 132-44 du code pénal dispose en son cinquième alinéa que le condamné doit « obtenir l’autorisation préalable du juge de l’application des peines pour tout déplacement à l’étranger. »

Il s’agit là d’une disposition générale commune à l’ensemble des mesures : sursis avec mise à l’épreuve, travail d’intérêt général, suivi sociojudiciaire, libération conditionnelle et surveillance judiciaire.

Ni le code pénal, ni le code de procédure pénale ne prévoient les modalités de mise en œuvre de cette disposition. En pratique, les juges de l’application des peines statuent sans forme particulière, cette décision n’étant pas susceptible de recours et s’analysant en un acte d’administration judiciaire.

La Chambre criminelle de la Cour de cassation a rendu le 16 mars 2011 un arrêt modifiant sensiblement le cadre juridique de ce régime d’autorisation. En application de l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme, elle estime que la législation nationale doit garantir un recours effectif contre la décision refusant d’accorder à un probationnaire l’autorisation de se rendre à l’étranger.

Ce faisant, elle ne précise pas les règles procédurales à mettre en œuvre pour garantir ce recours effectif.

Il nous apparaît dès lors indispensable d’adapter notre droit interne à cette exigence. Par cet amendement, nous proposons donc, premièrement, que la demande d’autorisation suive le régime procédural prévu à l’article 712-8 du code de procédure pénale pour la modification des obligations particulières – ordonnance motivée prise après avis du ministère public, qui peut demander un débat contradictoire, et avec appel possible des parties dans un délai de vingt-quatre heures – et, deuxièmement, que l’interdiction de quitter le territoire national sans autorisation du juge devienne une obligation particulière afin d’éviter l’asphyxie des services d’application des peines ; nous proposons de prévoir au titre des obligations générales une simple obligation d’information.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Défavorable. Le système envisagé, même s’il est intéressant, paraît trop complexe.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Même avis.

(L’amendement n775 rectifié n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n796 rectifié qui fait l’objet d’un sous-amendement n886.

La parole est à M. Dominique Raimbourg, rapporteur, pour soutenir l’amendement.

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. C’est un amendement de cohérence. Il s’agit de permettre le maintien d’un certain nombre d’obligations dans le cadre d’un sursis avec mise à l’épreuve partiel, avec une partie ferme.

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, pour donner l’avis du Gouvernement sur cet amendement et pour soutenir le sous-amendement n886.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. L’amendement n796 rectifié complète l’article 6 bis. Il s’agit de prévoir que les obligations du SME ne peuvent être prononcées que si la juridiction décide de prononcer une peine mixte. Cela me conduit à préciser, à propos de l’amendement que le Gouvernement vous a proposé tout à l’heure, qu’il conduit en substance, compte tenu d’une disposition qui avait été introduite par la commission des lois, à revenir au droit pénal actuel, et donc au régime du sursis avec mise à l’épreuve prononcé de manière limitée pour les personnes récidivistes.

Quant au sous-amendement n886, il a pour but de prévoir les obligations du SME qui sont prévues aux 1°, 2° et 8° de l’article 132-45 du code pénal.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ce sous-amendement ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Ce sous-amendement n’a pas été examiné par la commission, mais, à titre personnel, j’exprime un avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Georges Fenech.

M. Georges Fenech. Je pense qu’il faudrait quand même que nous passions un peu de temps là-dessus. Nous sommes passés très rapidement, avec des explications sommaires, sur un dispositif qui remet en cause, lui aussi, les grands principes.

Nous parlons bien du sous-amendement n886, monsieur le président ?

M. le président. Tout à fait, il s’agit du sous-amendement n886 du Gouvernement à l’amendement n796 rectifié.

M. Georges Fenech. Très bien. Si je comprends bien, à la lecture de l’exposé sommaire, parce que nous n’avons pas vu tout cela en commission,…

M. Guy Geoffroy. Eh non !

M. Georges Fenech. …je découvre à l’instant même que certaines dispositions ne seront applicables qu’à partir du 1er janvier 2017 ; du moins en ai-je la confirmation, puisque je l’ai lu dans Le Figaro, qui est mieux informé que nous.

De quoi s’agit-il ? Vous prévoyez de sortir du champ du sursis avec mise à l’épreuve un certain nombre d’obligations, et vous les énumérez, c’est-à-dire qu’un juge, quand il prononcera un SME, ne pourra désormais plus, dans le cadre de ce SME, obliger à exercer une activité professionnelle, à suivre un enseignement ou une formation professionnelle, à recevoir des soins ou à accomplir un stage de citoyenneté. On se demande pourquoi vous donnez de telles limites au juge, pourquoi vous lui tenez la main, alors que, depuis le début de ce débat, vous nous parlez de liberté, de liberté, de liberté. C’est le juge en liberté. Voici que tout d’un coup, il n’est plus du tout en liberté. Vous lui retirez la possibilité d’imposer ces obligations tout à fait justifiées dans le cadre d’un SME, qui visent à sortir de la délinquance et à ramener dans le bon chemin. Je me suis interrogé.

En fait, la réponse vient juste après. La contrainte pénale ne sera, dans un premier temps, applicable qu’aux délits punis d’une peine pouvant aller jusqu’à cinq ans de prison, et ce n’est qu’en 2017 qu’elle sera applicable à tous les délits, la durée de la peine d’emprisonnement encourue pouvant alors atteindre dix ans.

L’explication que je trouve, que vous démentirez sans doute, à moins, peut-être, que vous ne me donniez raison, est la suivante : vous voulez contraindre, non, le mot est trop fort, vous voulez inciter le juge à prononcer des contraintes pénales, puisque ces dispositifs d’interdiction et d’obligation ne pourront être ordonnés que dans le cadre de la contrainte pénale. Il s’agit donc de l’inciter à prononcer cette contrainte pénale.

Et puis, je me demande – puisque nous n’avons pas eu le temps, ni même l’occasion d’examiner tout cela –, si ce n’est pas, peut-être, pour contourner un problème de constitutionnalité que nous avions soulevé, à savoir qu’il n’existe aucun critère objectif, comme vous le reconnaissez d’ailleurs dans le rapport, pour savoir quoi choisir entre un sursis avec mise à l’épreuve et une contrainte pénale. Vous ne donnez pas de critères objectifs au juge. Pourquoi devrait-il choisir un SME et pourquoi devrait-il choisir une contrainte pénale ? Cela pose un problème au regard de l’égalité des citoyens devant la loi, cela expose au risque d’un certain arbitraire du juge, qui n’a aucun critère pour choisir entre les deux.

Voici que, tout à coup, vous lui donnez un critère. S’il veut obliger à faire une formation professionnelle, il faudra qu’il prononce une contrainte pénale. Tout cela, vraiment, me paraît un peu à l’emporte-pièce ! Franchement, monsieur le rapporteur, je voudrais que vous donniez des explications.

Mais c’est autre chose qui me paraît le plus grave. J’insiste sur ce point, et je prends un ton solennel pour le dire. Si j’en crois Le Figaro, il y a eu une discussion très serrée, hier soir, avec le rapporteur, l’Élysée, etc. Il fallait que le Président de la République, évidemment, ait satisfaction, puisqu’il ne voulait pas que la possibilité de la contrainte pénale soit étendue à tous les délits, donc jusqu’à des délits passibles de dix ans d’emprisonnement – et donc vingt ans, je le rappelle, en cas de récidive. En même temps, il fallait que la garde des sceaux et vous-même, monsieur le rapporteur, ainsi qu’une majorité du groupe socialiste et de la commission des lois, sauviez la face, puisque vous teniez à cet amendement. Vous auriez donc trouvé cet arrangement – car il s’agit bien d’un arrangement –, pour faire en sorte que l’extension du champ de la contrainte pénale à tous les délits, jusqu’à ceux passibles de dix ou vingt ans de prison, ne s’applique qu’à partir du mois de janvier 2017.

Alors là, madame la garde des sceaux, j’aimerais vraiment que vous nous rassuriez sur la constitutionnalité de ce report d’application de l’amendement à 2017. Je voudrais rappeler une grande règle du droit pénal, que vous connaissez tous : la règle de l’application de la loi la plus douce. Il n’y a pas de rétroactivité de la loi plus sévère, il y a rétroactivité de la loi plus douce. Or vous allez nous proposer, tout à l’heure, de glisser la contrainte pénale, dans la hiérarchie des peines, entre l’amende et l’emprisonnement, pour bien montrer qu’elle est plus sévère qu’une amende et moins sévère que l’emprisonnement. La contrainte pénale est donc moins sévère que l’emprisonnement… et vous êtes en train de nous proposer de reporter l’application d’une loi plus douce après 2017.

Qu’en sera-t-il le jour où, avant 2017, un prévenu sera jugé et ne pourra bénéficier de ce dispositif, alors que les faits auront été commis avant 2017 ? Il dira : « Je n’ai pas bénéficié de la loi la plus douce, qui doit rétroagir. » Cette loi la plus douce doit en effet rétroagir jusqu’au moment de la commission des faits ; c’est un principe admis en droit.

Je ne sais pas si je suis assez clair ; peut-être que je m’embrouille, mais, en tout cas, il s’agit bien de cela : l’application de la loi plus douce est immédiate. La contrainte pénale est plus douce que l’emprisonnement, et vous voudriez la reporter après 2017, mais, pour les faits commis avant cette date, le prévenu pourra s’en prévaloir, en disant que c’est un principe général, un principe constitutionnel.

J’ai retrouvé, d’ailleurs, de très vieilles décisions. Voici ce que disait déjà au dix-neuvième siècle la Cour de cassation : « Lorsque dans l’intervalle d’un délit au jugement il a existé une loi pénale plus douce que celle qui existait soit à l’époque du délit soit à l’époque du jugement, c’est cette loi plus douce qui doit être appliquée. » J’ai retrouvé également l’article 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui le proclame en ces termes, assez différents, d’ailleurs : « Si, postérieurement à l’infraction, la loi prévoit l’application d’une peine plus légère, le délinquant doit en bénéficier. » Je voudrais, à l’appui de ma démonstration, vous citer également le propos d’un garde des sceaux. C’était en 1992, ici même. Voici ce qu’il déclarait le 16 décembre 1992 : « Nul n’ignore ici que la jurisprudence du Conseil constitutionnel s’oppose à ce que l’entrée en vigueur d’une loi pénale plus douce soit différée dans le temps. » Vous êtes en train, manifestement, de ne pas respecter la Constitution, puisque vous reportez dans le temps une loi plus douce.

Le résultat de tout cela, monsieur le rapporteur, est catastrophique. Vraiment, ce projet de loi ne respecte aucun principe général du droit.

Enfin, monsieur le rapporteur, pardonnez-moi, je me force un peu pour vous dire ceci, mais c’est mon devoir de vous le dire. À propos de ce dispositif qui étend la contrainte pénale à tous les délits, jusqu’à ceux passibles de dix ans de prison, vous avez commis une énorme maladresse. Et je voudrais sincèrement qu’ici, dans l’hémicycle, soit vous retiriez ces propos, soit vous les expliquiez. Il faut vraiment que vous donniez une explication à la représentation nationale, et pas uniquement aux journaux. Je rappelle, à l’attention de nos collègues, que vous avez dit que la contrainte pénale pourra donc concerner « un oncle qui, à la fin d’un repas de famille un peu alcoolisé, a un geste déplacé envers sa nièce ». Et vous avez ajouté : « Des personnes qui agressent sexuellement des femmes la nuit, c’est grave, et cela peut alors justifier l’incarcération. » Monsieur le rapporteur, est-ce que vous retirez ces propos ? « Un oncle qui, à la fin d’un repas de famille un peu alcoolisé, a un geste déplacé envers sa nièce » pourra bénéficier d’une contrainte pénale.

Mme Colette Capdevielle. Lamentable !

M. Georges Fenech. C’est lamentable ? Mais ce n’est pas moi qui invente cela, madame Capdevielle. J’offre l’occasion à notre rapporteur ou d’assumer ou de retirer ces propos, parce que nous pouvons tous avoir un propos maladroit et, croyez-moi, ça fait beaucoup de mal. Voilà où on en est.

Mme Marie-Françoise Bechtel. C’est médiocre !

M. Georges Fenech. J’ai soulevé plusieurs questions. Comment pouvez-vous, juridiquement, reporter à 2017 l’application d’une loi pénale plus douce ? Comment justifier tout cela ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Il y a plusieurs questions.

Premièrement, sur la spécificité de la contrainte pénale, vous avez parfaitement compris. La contrainte pénale est spécifique, mais seulement il se posait une difficulté, en cas de sursis avec mise à l’épreuve partiel. Nous sommes, dans ce cas, obligés d’adopter l’amendement prévu, avec son sous-amendement.

Quant à l’extension de la contrainte pénale, nous pourrons en discuter quand le moment sera venu. On verra alors si ce dispositif est ou n’est pas constitutionnel, mais je sais d’ores et déjà qu’il est prévu pour les faits qui seront commis après le 1er janvier 2017.

Quant au dernier point, et à la polémique qui est intervenue, j’ai été victime d’un travestissement de mes propos. J’ai simplement essayé de rappeler un fait. Cette polémique est stérile et à mon avis politiquement orientée, suscitée non par l’organe de presse mais par le journaliste, ce qui a valu à ce dernier quelques remarques acerbes de ses confrères, qui ont dit ne pas avoir entendu de ma bouche les mêmes propos que lui.

J’ai expliqué qu’un voleur arrêté pour un vol à l’étalage – infraction dont on considère qu’elle est certes grave, mais moins grave que d’autres –, avait pu faire l’objet d’une condamnation assez sévère à cause d’une circonstance très particulière : dans la voiture qui lui avait servi à s’échapper, il y avait une cagoule et des gants, qui suggéraient un ancrage extrêmement sérieux dans la délinquance.

J’ai ensuite évoqué le nombre de condamnations prononcées chaque année pour des agressions sexuelles, au-delà de la gravité de la qualification. Je voudrais citer les chiffres exacts, que je vais retrouver d’ici quelques secondes dans mes papiers…

M. Jean-Frédéric Poisson. Nous vous faisons grâce des chiffres exacts, monsieur le rapporteur.

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Il est important d’être très précis. En 2012, 5 098 agressions sexuelles ont été jugées, dont 692 ont donné lieu à des peines d’emprisonnement ferme, et 2 614 à des peines avec sursis total. L’argumentation que vous avez utilisée à de nombreuses reprises, qui consiste à dire « avec ce projet de loi, les agresseurs sexuels seront remis en liberté », est donc sans fondement ! En effet, d’ores et déjà, sur les 5 098 agressions sexuelles jugées en 2012, avant l’entrée en vigueur de ce texte, 692 peines d’emprisonnement fermes ont été prononcées, et 1 056 sursis partiels. La peur que vous essayez de susciter n’a donc pas de fondement !

M. Jean-Frédéric Poisson. Pour les 692 victimes d’une agression sexuelle ayant entraîné une peine de prison ferme, si !

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. J’ai été pris à partie par un journaliste qui a travesti mes propos pour essayer de me faire dire que je soutenais les crimes d’inceste et de pédophilie, ce qui n’était pas du tout le sens de mes propos.

M. Guy Geoffroy. Quel était le sens de vos propos, alors ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Je voulais, au contraire, décrire la réalité au-delà du fantasme.

Plusieurs députés du groupe UMP. Quel était le sens de vos propos ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Je regrette que vous ayez repris cet événement, mais enfin peu importe. L’organe de presse concerné s’est trouvé tellement gêné que j’ai finalement été invité à participer à un talk, qui s’est assez bien passé.

Je voulais simplement montrer la complexité de la réalité. J’ai mesuré, à mes dépens, les conséquences de ce travestissement ; beaucoup de lecteurs de bonne foi m’ont interpellé et m’ont dit, en substance : « vous ne vous rendez pas compte de la légèreté de vos propos ; moi-même, j’ai été victime de tels actes, et en disant cela, vous les légitimez ». Ce n’est pas du tout ce que j’ai dit ! Je ne cherche pas du tout à les légitimer, au contraire !

Je voulais démontrer deux choses. D’une part, il n’y a pas à l’heure actuelle une répression telle que vous la décrivez. D’autre part, ce projet de loi ne mettra pas en liberté tous les agresseurs sexuels. Dernier point – c’est sans doute le plus important : la contrainte pénale est une peine plus sévère que le sursis avec mise à l’épreuve. Elle permettra donc, au contraire, d’encadrer plus sévèrement tous ceux qui se rendent coupables de ces gestes que j’ai qualifiés maladroitement de « déplacés » parce que, dans le feu de la conférence de presse, je ne trouvais pas d’autre mot.

Ne me cherchez donc pas une querelle qui ranimerait ce qui s’est dit sur les réseaux sociaux : je voulais simplement démontrer cela, rien d’autre ! (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Marie-Françoise Bechtel. Ce procédé ne vous grandit pas, monsieur Fenech !

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Rien d’autre, mes chers collègues ! Je ne souhaite pas ranimer cette querelle. En aucun cas, et d’aucune manière, je ne veux porter préjudice à ceux qui ont eu le grand malheur d’avoir été victimes de gestes incestueux dans leur jeunesse, dans leur enfance, quelle que soit la nature de ces gestes. J’ai rencontré beaucoup de ces victimes, dans une existence passée, et je mesure le traumatisme que cela peut représenter. Parce que cette phrase-là a été isolée du reste de mes propos, j’ai reçu beaucoup de courriels, beaucoup de lettres me demandant des explications : j’ai pris la précaution de répondre à chacun d’entre eux.

Voilà les explications que je voulais vous donner. Je n’irai pas plus loin. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur le rapporteur, je vous remercie pour ces explications. Je vous connais un peu, car ce n’est pas la première fois que nous échangeons des arguments dans cet hémicycle – les rôles étaient parfois inversés, comme lors de la dernière législature.

Premièrement, nous sommes nombreux à avoir été surpris de cette déclaration. J’apprends aujourd’hui – comme mes collègues, d’ailleurs – qu’elle ne reflétait pas ce que vous souhaitiez dire : je m’en réjouis, et pour tout dire cela ne m’étonne pas.

Deuxièmement, je rappellerai des choses assez simples concernant le débat parlementaire. L’hémicycle n’est pas une salle de conférences de presse. Monsieur Raimbourg, vous êtes le rapporteur, c’est-à-dire celui qui porte le texte au nom de la commission saisie au fond, et qui est le garant de son interprétation. Vous avez tenu des propos publics à propos de ce texte : c’est votre droit le plus strict, et cela fait partie de votre mission. Dès lors que ces propos suscitent une incompréhension, un étonnement, un rejet énergique voire violent – vous avez été destinataire de messages à ce sujet : nous aussi, figurez-vous –, il est normal que l’opposition vous demande de vous expliquer !

M. Jean-Pierre Blazy. Jusqu’à un certain point !

M. Jean-Frédéric Poisson. Il n’y a là rien de scandaleux ! Il faut quand même revenir à un certain nombre de notions, ce qu’a fait M. Fenech (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC)

Mes chers collègues, je vous renvoie au compte rendu. Je peux comprendre qu’après quelques heures de débat, vous voyiez les choses à travers un prisme qui les rend plus floues. Vous relirez donc l’intervention de notre collègue Georges Fenech : vous ne verrez pas, dans ses propos, d’accusation, mais simplement une demande d’explication que je crois légitime.



Il faut accepter l’idée que même des faits gênants puissent être évoqués ici. Avec Mme la ministre et M. le rapporteur, nous avons eu un échange en commission des lois au sujet de l’évocation de faits graves, qui méritaient aussi d’être interprétés dans le cadre du projet de loi que vous nous présentez. Cela fait partie des règles du jeu parlementaire ! Ne pas l’accepter, d’une certaine façon, c’est ne pas reconnaître que l’opposition a droit, dans cet hémicycle, à toutes les explications nécessaires à une bonne compréhension du texte. Nous y avons droit parce que le peuple français lui-même y a droit, un point c’est tout !



Je tenais à rappeler cela parce que l’étonnement d’un certain nombre de mes collègues de la majorité m’a étonné à mon tour. Dans cette affaire, on va d’étonnement en étonnement ; j’espère que nous en sortirons dans quelques minutes.



Vous dites, monsieur le rapporteur, avec justesse, qu’aujourd’hui tous les délinquants sexuels ne sont pas enfermés. C’est vrai, bien sûr : personne ne l’ignore. Pour ma part je n’ai pas, comme vous, été avocat dans une vie antérieure, mais j’ai rencontré dans ma permanence des personnes qui ont subi ce genre d’agressions – nous en croisons tous, malheureusement, dans nos permanences. Personne n’ignore qu’une minorité seulement de ces agresseurs est incarcérée.



Vous nous dites que l’amendement que nous défendons et l’argumentation que nous développons ne valent pas, au motif qu’une minorité seulement des délinquants sexuels est enfermée. Mais les 692 personnes incarcérées en 2012 pour agression sexuelle seront-elles concernées ou non par l’application de votre projet de loi ?



Vous nous dites aussi que la contrainte pénale est d’une sévérité supérieure au sursis avec mise à l’épreuve. Soit, très bien, mais ces 692 personnes qui ont été enfermées, le seront-elles demain ? Vous ne le savez pas, moi non plus. Mais lorsque ce texte sera appliqué, les possibilités de les laisser libres seront sans doute plus grandes, plus souples. C’est ce qui inquiète l’opposition : acceptez-le. Je crois que beaucoup de nos concitoyens s’interrogent aussi à ce sujet.



M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Je donnerai quelques éléments de réflexion à M. le rapporteur.

Premièrement, monsieur le rapporteur, je rends hommage à l’évidente honorabilité de vos propos. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme Nathalie Nieson. Vous trouvez ses propos honorables, à présent !

Mme Elisabeth Pochon. Salissez, il en restera toujours quelque chose !

M. Guy Geoffroy. Vous êtes un collègue honorable : nous le savons tous. Nous étions très perplexes… (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. S’il vous plaît, s’il vous plaît !

M. Guy Geoffroy. Permettez, mesdames, que nous nous exprimions !

Mme Elisabeth Pochon et Mme Nathalie Nieson. Vous avez cherché à salir M. le rapporteur, et à présent vous le dites honorable !

M. le président. Il me semble que sur ce sujet, il serait bon que chacun puisse s’exprimer. Ce serait la meilleure manière de traiter le problème dont nous parlons à cet instant. M. Geoffroy a la parole, et lui seul !

M. Guy Geoffroy. Merci, monsieur le président.

Nous étions très perplexes, disais-je, et très inquiets, mais les propos que vient de tenir M. le rapporteur nous amènent à être moins perplexes et moins inquiets.

Il reste, malgré tout, une interrogation. Il a été fait référence à un « oncle alcoolisé » ; comme si, finalement, il y avait une excuse d’alcoolémie. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Une députée du groupe SRC. Vous recommencez !

M. Guy Geoffroy. Je me permets de dire qu’il faut être très prudent avec ce genre de choses. Je souhaite, monsieur le rapporteur, que vous nous confirmiez non seulement que vos propos ont été mal interprétés, mais qu’ils étaient de nature à être éventuellement mal interprétés, et qu’il aurait été plus pertinent de ne pas les tenir de cette manière !

Mme Marie-Anne Chapdelaine et M. Gérard Sebaoun. Ça suffit, arrêtons là !

M. Guy Geoffroy. L’interprétation des propos que l’on tient sur ces sujets très sensibles ne doit prêter à aucune contestation. Cela dit, comme la plupart de mes collègues, je suis satisfait par votre réponse. Cependant, comme M. le président l’a dit, qu’il nous soit permis de nous exprimer et de donner notre sentiment ! Vous n’allez quand même pas nous reprocher de reconnaître que la position de M. le rapporteur sur cette affaire malencontreuse nous convient !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Monsieur Geoffroy, vous nous avez accusés de malhonnêteté intellectuelle à plusieurs reprises depuis le début de l’après-midi. Vous venez d’exprimer un point de vue un petit peu différent – quoique…

Je m’exprime à titre personnel, mais je suis convaincu que mes collègues du groupe socialiste et au-delà seront d’accord avec ce que je vais dire. Je crois que M. Fenech a eu raison d’interroger M. le rapporteur, mais certainement pas de mettre en doute sa grande honnêteté intellectuelle et morale dans le travail de préparation qu’il a accompli au cours de ces derniers mois. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Exactement !

M. Jean-Pierre Blazy. Je veux lui dire qu’il a tout notre soutien car il a été mis en accusation de manière un peu honteuse. Monsieur Fenech, vous ne deviez pas ignorer tous les éléments de cette affaire ! (Applaudissements sur les mêmes bancs.)

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Notre collègue Guy Geoffroy nous a intimé de l’autoriser à s’exprimer. Mais depuis neuf mois, vous vous êtes tout autorisé : les attaques, les outrances, les mensonges, les indignations feintes, les accusations injustifiées… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Et dans ce débat, quels torrents de fiel, chers collègues, quand vous avez interrogé notre rapporteur, dont personne ici ne met en doute la droiture ni l’honnêteté !

M. Philippe Vitel. Des torrents de fiel ! Mais arrêtez de jouer les victimes !

M. Sergio Coronado. Vous n’avez pas cessé, dans ce débat, de naviguer entre l’hypocrisie, le mensonge, et les attaques ad hominem.

Je veux dire à Dominique Raimbourg qu’effectivement, j’ai été indigné, non par ses propos, mais par le traitement qui leur a été réservé par l’organe de presse qui les a publiés, les a déformés, les a utilisés. J’ai été indigné aussi par vos doubles standards. Depuis le début de ce débat parlementaire, il y a eu des déclarations scandaleuses, qui n’ont jamais été assumées par qui que ce soit.

J’ai coutume de jeter un regard aux déclarations des uns et des autres sur les réseaux sociaux. J’ai lu lundi dernier une déclaration qui, depuis, n’a été ni assumée, ni expliquée, ni justifiée : « Avec la réforme pénale, les candidats au djihad seront éligibles à la contrainte pénale ».

M. Georges Fenech. Je la maintiens.

M. Sergio Coronado. J’espère bien, car cette déclaration est de vous. Vous l’avez publiée le 1er juin 2014 à dix-neuf heures cinq sur votre compte Twitter, et vous ne l’avez pas supprimée. L’obscénité de tels propos, vraiment, l’instrumentalisation des victimes… (Exclamations persistantes sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Vitel. Mais où est-on ?

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est hallucinant !

M. Philippe Vitel. Pauvre France ! Pauvre France !

M. Sergio Coronado. On pouvait penser, chers collègues, que vous aviez changé, que vous ne céderiez plus à la tentation d’utiliser à chaque fois, dans chaque débat, l’actualité la plus dramatique de manière si politicienne. Il n’en est rien, et c’est dommage !

M. le président. La parole est à M. Georges Fenech.

M. Georges Fenech. Je veux d’abord remercier Dominique Raimbourg pour ses explications, qui représentent pour moi, comme pour l’ensemble de mes collègues, un soulagement. À vrai dire, ce n’est pas une surprise.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Ah ! On pouvait en douter !

M. Georges Fenech. À mon tour, je salue le travail important qu’il a accompli, et lui témoigne à nouveau toute l’estime que nous lui portons. Le débat sur ce point est clos, mais il fallait crever l’abcès, et il fallait le faire ici, dans l’hémicycle. Nous l’avons fait, et je vous remercie des explications que vous nous avez fournies.

Mme Nathalie Nieson. Tout cela, c’est du temps de parole perdu !

M. Georges Fenech. Je voudrais répondre à Sergio Coronado. À partir du moment où vous étendez la contrainte pénale à toutes les infractions passibles d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à dix ans, vous incluez l’infraction d’association de malfaiteurs en vue de commettre des entreprises terroristes. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Vitel. Eh oui !

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Ça y est, ça recommence !

M. Georges Fenech. C’est un constat objectif : un candidat au djihad qui encourt dix ans d’emprisonnement pourrait bénéficier d’une mesure de contrainte pénale.

M. Guy Geoffroy. Et voilà !

Mme Nathalie Nieson. Vous êtes des manipulateurs !

M. Georges Fenech. C’est un constat juridique objectif, que je maintiens. Je ne dis pas que votre intention et celle de Mme Taubira est, au moyen de ce projet de loi, de couvrir les djihadistes. Ce sont les conséquences de votre projet de loi que je dénonce : ne faites pas d’amalgame ! Ne m’accusez pas d’être quelqu’un d’obscène, monsieur Coronado ! Est-ce que je vous injurie de cette façon-là, moi ?

Madame la garde des sceaux, en commission des lois, a dit que mes propos étaient abjects.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je confirme ! Je l’ai dit parce qu’ils l’étaient !

M. Georges Fenech. Aujourd’hui, monsieur Coronado, vous me dites que je tiens des propos obscènes.

Vous confirmez que mes propos sont abjects !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Oui, ils étaient odieux et abjects, je le confirme ! Nous pourrons le vérifier dans les comptes rendus !

M. Georges Fenech. Je demande une suspension de séance ! La garde des sceaux qualifie mes propos d’abjects, c’est quand même extraordinaire !

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est scandaleux !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous pensez avoir tous les droits depuis deux ans ! Vous avez même recours à des attaques ad hominem !

M. Georges Fenech. Pourquoi avez-vous traité mes propos d’abjects ? Je profite de cette occasion, madame la garde des sceaux,…

M. le président. Mes chers collègues, je propose de suspendre maintenant.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures trente, est reprise à dix-huit heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour un rappel au règlement.

M. Patrick Hetzel. Je souhaite faire un rappel au règlement au titre de l’article 58, alinéa 1. Il s’agit du bon déroulement de notre séance. J’ai été extrêmement surpris du déroulement des débats juste avant la suspension de séance. Madame la ministre, nous sommes ici à l’Assemblée nationale. Nous sommes dans la séparation des pouvoirs : il y a, d’un côté, un pouvoir législatif et, de l’autre, un pouvoir exécutif.

Votre emportement de tout à l’heure montre qu’il faut le rappeler clairement : en raison de la séparation des pouvoirs, le Gouvernement n’a pas à juger un parlementaire quand il s’exprime.

Vos propos étaient parfaitement scandaleux, madame la ministre.

Traiter M. Fenech comme vous l’avez fait, en disant qu’il était abject,…

M. Matthias Fekl. Pas lui ! Ses propos ! Ce n’est pas pareil !

M. Patrick Hetzel. Oui, ses propos ! Eh bien, encore une fois, vous n’avez pas à juger les propos prononcés par les parlementaires, madame la ministre !

Lorsque vous êtes ici, vous êtes au service du Parlement.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais pas à vos pieds !

M. Patrick Hetzel. Nous avons déjà rencontré ce problème avec vous, madame la garde des sceaux, à d’autres moments. C’est manifestement quelque chose que vous souhaitez réitérer, mais c’est franchement inacceptable ! Avoir ce type de comportement avec des parlementaires alors que vous êtes ministre montre que vous perdez très facilement votre sang-froid.

M. Matthias Fekl. Allez, on passe à autre chose !

M. Patrick Hetzel. Cela mérite surtout a minima que vous présentiez vos excuses à notre collègue Fenech, lequel s’est comporté avec beaucoup de dignité. Votre façon de procéder est inacceptable. Nous attendons donc de votre part des excuses. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Matthias Fekl. Et puis quoi encore ?

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Avant la suspension de séance, M. le député Fenech a dit au micro que je l’avais traité d’abject.

M. Dino Cinieri. Oui !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Sans doute étiez-vous présent. Je vous invite, en tout cas, à vous référer au compte rendu. Je vais rappeler ce qui s’est passé et ce que j’ai dit exactement. Lors de l’examen de ce projet par la commission des lois, M. le député Fenech, porte-parole du groupe UMP sur ce texte, a dit, avec ce ton équanime qu’il prend pour formuler ses agressions : « Madame la ministre, vous avez dit que les faits divers sont inévitables. Je vais vous dire quels sont les faits divers. » Il a alors cité trois crimes, odieux en effet.

M. Gérard Sebaoun. Absolument !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je lui ai répondu qu’il avait accolé un morceau de phrase, dont je ne sais d’ailleurs même pas où il l’avait pris, à trois crimes odieux, sans respect pour les familles, lui qui parle sans cesse des victimes ! Le président de la commission des lois lui a rappelé que deux de ces crimes avaient été commis sous le précédent quinquennat. J’ai ajouté que, mêmes s’ils avaient été commis sous l’ancien quinquennat, il ne me venait pas un quart de seconde à l’esprit d’en rendre responsable l’ancien gouvernement.

M. Matthias Fekl. Bien sûr !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je lui ai dit que prendre ainsi un morceau de phrase et l’accoler à trois crimes odieux était un procédé abject et odieux ! Je réitère ici que c’est un procédé odieux et abject ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Marc Dolez. Très bien !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Voilà deux ans que vous me faites des procès insupportables ! J’ai effectivement ajouté que vous n’aviez pas de crédibilité pour nous donner des leçons sur les victimes. Depuis quelques jours, je crois que tout le monde dans le pays commence à savoir que vous n’avez pas de crédibilité, puisque nous sortons les chiffres ! Vous avez donc travesti la vérité pendant deux ans. Je vous le répète, votre procédé a consisté à accoler ce morceau de phrase dont, pas plus que moi, vous ne sauriez dire où vous l’avez pris.

Comme je l’ai dit à la tribune, il y a du cynisme à vouloir faire croire aux gens que qui que ce soit pourrait leur garantir une société de sécurité totale. Notre responsabilité, en tant que représentants de l’État, est de veiller à réduire ces actes de délinquance, c’est d’accompagner les victimes, c’est d’éviter la récidive, donc de nouveaux actes de délinquance ! Même dans les dictatures, hélas, on n’arrive pas à supprimer la totalité de la délinquance ! On ne doit donc pas avoir le cynisme de faire croire aux victimes qu’on va leur apporter une sécurité totale ! Mais on doit les respecter, et c’est ce que fait ce gouvernement. Je répète donc que le procédé que vous avez utilisé est un procédé odieux et abject. En sus du compte rendu de la commission, ce sera inscrit au Journal officiel ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Marc Dolez. Très bien !

M. Patrick Hetzel. Monsieur le président ! …

M. le président. Laissez-moi administrer le déroulement de la séance, monsieur Hetzel, ce sera parfait !

Je donne la parole à M. Georges Fenech, après quoi nous poursuivrons nos travaux.

M. Georges Fenech. Je tiens à dire à Mme la garde des sceaux que les propos extrêmement excessifs et désagréables qu’elle vient de tenir à mon égard ne m’atteignent absolument pas.

M. Matthias Fekl. M. Fenech n’est pas une victime !

M. Georges Fenech. Les Français qui nous écoutent seront les juges de ses propos. Je tiens simplement à préciser, puisque cela vient d’être rappelé, ce qui s’est passé en commission des lois. J’ai effectivement fait état de trois faits criminels très graves, dont l’affaire Tony Meilhon qui, on s’en souvient, avait assassiné et démembré la jeune Laetitia. J’ai fait référence à ces crimes, madame la garde des sceaux, non pas pour vous en faire porter la responsabilité – je n’ai jamais dit que vous étiez ni de près ni de loin responsable de ces crimes –,…

M. Jean-Frédéric Poisson. Tout à fait !

M. Georges Fenech. …mais parce que Tony Meilhon, lorsqu’il a commis son crime atroce, se trouvait sous le régime du sursis avec mise à l’épreuve. J’ai voulu montrer, par cet exemple flagrant, que le sursis avec mise à l’épreuve ne marchait pas. Ce sont d’ailleurs vos services qui ont écrit, dans l’exposé des motifs du texte, que le sursis avec mise à l’épreuve n’avait, aujourd’hui, plus de lisibilité et qu’il était prononcé pour des motifs divers, afin d’éviter l’incarcération. Or, alors que nous n’avons pas les moyens de surveiller tous ces délinquants en régime probatoire, vous ajoutez une contrainte pénale qui est une mesure probatoire.

Vous aggravez donc la situation. Avec une telle loi, il y aura encore plus de probationnaires et toujours moins d’éducateurs, car on compte un éducateur pour environ 120 probationnaires.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. La faute à qui ? Vous, c’était zéro !

M. Georges Fenech. Cela ne marchera pas, même avec le recrutement des mille SPIP que vous nous promettez. Il est donc normal que je cite des exemples pour étayer mes craintes. Quand j’ajoute que la contrainte pénale pourra s’appliquer aux associations de malfaiteurs, c’est pour vous expliquer quelles seront les conséquences de ce qui est en train d’être voté.

M. Jean-Pierre Blazy. Mais non !

M. Georges Fenech. C’est tout ! Ce n’est pas une attaque personnelle. Vous estimez, que mes propos sont abjects. Je suis navré de constater la tournure que prend ce débat (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), mais vous ne m’atteignez pas, madame la garde des sceaux.

Article 6 bis (suite)

M. le président. Je vous propose de revenir à l’examen de l’amendement n796 rectifié et du sous-amendement n886.

M. Patrick Hetzel. Je demande une suspension de séance, monsieur le président. Elle est de droit.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue pour deux minutes.

(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante-deux, est reprise à dix-huit heures cinquante-quatre.)

M. le président. La séance est reprise.

Les échanges ayant eu lieu sur les amendements, je vais, tout d’abord, mettre aux voix…

M. Georges Fenech. Je demande la parole, monsieur le président.

M. le président. Est-ce un rappel au règlement, monsieur Fenech ?

M. Georges Fenech. Je n’ai pas obtenu de réponse de Mme la garde des sceaux sur son sous-amendement.

M. le président. Il me revient d’administrer la séance, monsieur Fenech.

M. Jean-Frédéric Poisson. Nous sommes d’accord !

M. le président. Les échanges ont eu lieu sur l’amendement et le sous-amendement. Les propositions ont été faites. Chacun répond, s’il le souhaite, comme le veut la règle de cette assemblée. Je ne suis saisi d’aucune demande de prise de parole. Je vais donc directement passer au vote.

(Le sous-amendement n886 est adopté.)

(L’amendement n796 rectifié, sous-amendé, est adopté.)

(L’article 6 bis, amendé, est adopté.)

Article 6 ter

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n127.

M. Sergio Coronado. Cet amendement vise à compléter l’obligation prévue à l’article 132-45 du code pénal de « ne pas fréquenter les débits de boissons ». Nous en avons discuté en commission, cette obligation est manifestement mal rédigée ou inadaptée, et mal comprise par les personnes condamnées à des délits commis du fait de leur addiction à l’alcool. Cette question n’est pas anodine. Nous savons que l’addiction à l’alcool est souvent présente dans les faits divers et dans de nombreuses condamnations pour délits routiers, violences intrafamiliales ou violences conjugales.

Il serait, en effet, plus pertinent de compléter le 11° de l’article 132-45 par les mots « et ne pas acheter ou consommer de boissons alcoolisées ». Cela répondrait à une réalité. M. le rapporteur nous a dit que le respect d’une telle obligation serait difficilement contrôlable. Cela dit, les obligations actuellement prévues dans cet article se heurtent également à des difficultés de contrôle. Le complément que nous proposons permettrait au juge d’être plus clair, notamment dans le cas où il déciderait une obligation de soins, pour permettre que la personne condamnée s’attaque véritablement à l’addiction dont elle est victime.

Au regard de la santé publique et au regard de la place que prend cette addiction dans les délits et les condamnations, il serait sage, raisonnable, d’adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Avis défavorable. Nous nous en sommes déjà expliqués en commission. Il est plus facile de contrôler la présence de quelqu’un à l’intérieur d’un débit de boissons, parce que c’est un fait objectif. Le contrôle de la consommation d’alcool sera plus difficile, car il est possible de consommer de l’alcool dans des lieux privés, sachant qu’il est impossible d’y entrer. Par ailleurs, sauf erreur de ma part, il est possible de décider une obligation de soins ou une injonction de soins. Cet amendement part d’un souci légitime, mais son application serait trop difficile.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je fais miens les arguments développés par M. le rapporteur et je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement. Il y aurait, de plus, une restriction aux libertés. On interdirait par là même, du coup, à une telle personne d’acheter de l’alcool pour des tiers, pour des membres de sa famille par exemple. En outre, on ne peut pas empêcher la consommation d’alcool en famille. Il est effectivement plus important que le juge puisse prononcer une obligation ou une injonction de soins parce qu’il s’agit d’un véritable fléau et qu’il faut aider les personnes à s’en sortir. La sanction elle-même n’a pas cette vertu.

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Je retire mon amendement.

(L’amendement n127 est retiré.)

(L’article 6 ter est adopté.)

Article 6 quater

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 223 et 551, tendant à supprimer l’article 6 quater.

La parole est à M. Georges Fenech, pour soutenir l’amendement n223.

M. Georges Fenech. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n551.

M. Patrick Hetzel. L’article 6 quater supprime l’article 132-49 du code pénal, aux termes duquel la révocation partielle du sursis ne peut être ordonnée qu’une fois, pour prévoir des révocations partielles sans aucune limite. Ce n’est pas pertinent.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Défavorable. La rédaction actuelle permet de la souplesse dans le suivi de gens parfois un peu difficiles pour qui plusieurs révocations peuvent être utiles.

(Les amendements identiques nos 223 et 551, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

(L’article 6 quater est adopté.)

Après l’article 6 quater

M. le président. La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n369.

M. Dino Cinieri. Le présent amendement vise à renforcer la protection des victimes. Il est proposé que la peine complémentaire d’interdiction de séjour à proximité de sa victime devienne automatique pour tous les criminels et les délinquants sexuels condamnés sur le fondement des articles 222-22 à 222-27.

Par dérogation aux dispositions des articles 131-31 et 131-32 du code pénal, pour les agressions sexuelles ou viols, cette interdiction est d’une durée minimale de quinze ans à compter de son prononcé. Les magistrats peuvent accroître ce délai pour des raisons inhérentes à la personne de la victime ou à la dangerosité de l’auteur.

(L’amendement n369, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Article 7

M. le président. La parole est à M. Dino Cinieri, inscrit sur l’article 7.

M. Dino Cinieri. Vous êtes très complaisants avec les récidivistes, sur les bancs de la gauche. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Nous, nous pensons aux victimes.

M. Matthias Fekl. Argument nouveau !

M. Dino Cinieri. Les récidivistes ont des conditions d’accès limitées aux aménagements de peine prévus par les lois des 12 septembre 2005 et 24 novembre 2009 et par la LOPPSI. Le premier de ces textes avait instauré la diminution du crédit de réduction des peines pour les récidivistes ainsi que l’allongement de la durée du délai d’admissibilité à la libération conditionnelle pour les peines de réclusion criminelle à perpétuité, pour les peines de trente ans de réclusion criminelle et pour les condamnations en état de récidive. La loi du 24 novembre 2009, dite loi pénitentiaire, a porté à deux ans le seuil des peines ou des reliquats de peine permettant de bénéficier d’un aménagement de peine en milieu ouvert mais, pour les condamnés en état de récidive légale, le seuil de l’aménagement a été maintenu à un an, comme dans le régime antérieur.

Il existe d’autres dispositifs qui aggravent le régime d’exécution de la peine pour les condamnés en état de récidive, comme la limitation de l’accès aux permissions de sortir aux deux tiers de la peine, même en régime de centre de détention. En cas de condamnations multiples, le condamné en état de récidive est soumis au régime le plus restrictif d’accès aux aménagements de peine.

Vous trouvez sans doute cela sévère, mais la justice doit aussi être dissuasive. Le message que vous envoyez aux délinquants en laissant entendre que l’on peut commettre des délits sans que cela ait des conséquences est une faute grave.

M. Alain Tourret. C’est exactement le contraire !

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements, nos 128, 224, 552 et 743, tendant à supprimer l’article 7.

La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n128.

M. Sergio Coronado. Je crois que nous nous soucions les uns et les autres des victimes. Lorsque l’on décide de s’attaquer à la réitération et à la récidive, c’est justement parce que l’on veut éviter qu’il y ait des victimes, qui sont les principales personnes concernées.

Vous avez tort de simplifier ce débat. Il y a ainsi des amendements intéressants de certains membres de l’opposition, comme celui d’Hervé Gaymard, qui propose non pas d’ouvrir grand les portes des établissements pénitentiaires mais tout simplement, en s’inspirant d’exemples étrangers, de faire bénéficier d’une réduction de peine les condamnés qui lisent. C’est une proposition intéressante, que nous allons étudier, j’espère, et il ne me viendrait pas à l’idée d’accuser M. Gaymard de vouloir vider les prisons. Je crois qu’il se soucie aussi des victimes.

Nous divergeons simplement sur la manière dont on doit s’attaquer à la réitération et à la récidive, et nous aurions intérêt, devant le public qui nous écoute, à ne pas caricaturer les positions des uns et des autres.

L’amendement n128 tend à supprimer l’article 7, qui abaisse de deux ans à un an le seuil d’emprisonnement permettant d’aménager la peine avant incarcération – ce seuil étant ramené d’un an à six mois pour les récidivistes.

Comme je l’avais indiqué en commission à M. le rapporteur, cet article est contraire à l’objet du projet de loi, qui est de permettre une meilleure prévention de la réitération et une individualisation des peines. Les courtes peines de prison sont en effet inefficaces pour prévenir la récidive et la réitération.

Cécile Duflot a insisté tout à l’heure sur le fait qu’elles coupent le condamné de l’emploi, du logement, des liens familiaux, et j’ai rappelé mardi dans la discussion générale que, lors de notre visite à la maison d’arrêt de Villepinte, les personnels pénitentiaires avaient souligné le fait que tout projet de sortie, tout accompagnement était impossible, et qu’ils ne connaissaient même pas ceux qui étaient là pour deux, trois ou quatre mois. C’est une simple privation de liberté sans aucun projet de réinsertion ou de réhabilitation, et c’est ce qui pèche aujourd’hui dans le système pénitentiaire français, puisque c’est l’une des causes, finalement, de la réitération et de la récidive.

M. le président. La parole est à M. Georges Fenech, pour soutenir l’amendement n224.

M. Georges Fenech. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n552.

M. Patrick Hetzel. Dans sa version initiale, l’article 7 se contentait d’abaisser les quantums de peine ouvrant droit à l’aménagement de peine, au placement sous surveillance électronique et au fractionnement de la peine. Cette modification avait pour but de restreindre les possibilités d’aménagement.

Mais la commission des lois l’a réécrit, et les quantums de peine ouvrant droit à aménagement sont désormais les mêmes pour les récidivistes et les non récidivistes, ce qui est assez surprenant. On gomme dangereusement, même si ce n’est que symbolique, le distinguo entre les primo-condamnés et les délinquants récidivistes. C’est pour nous une ligne rouge que nous ne souhaitons pas voir franchie. Ainsi, les condamnés pourront voir leur peine d’emprisonnement aménagée dès lors que celle-ci sera d’une durée égale ou inférieure à un an ou que son reliquat sera égal ou inférieur à cette durée. C’est la raison pour laquelle nous proposons la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, pour soutenir l’amendement n743.

M. Alain Tourret. Pour avoir bien su dans une vie antérieure comment s’appliquait la loi, je voudrais rappeler comment cela se passait.

Jusqu’à un an ferme, on pouvait aménager la condamnation. Puis est arrivée l’ineffable Mme Dati, qui, dans la loi de 2009, a fait passer ce seuil d’un à deux ans. Voilà la réalité. Je me présente ici comme le défenseur de la politique de Mme Dati en la matière, et je suis très surpris que mes collègues de droite ne la soutiennent pas.

Lorsque l’on a demandé à Mme Dati, qui n’était pas du tout une laxiste, pourquoi elle avait fait cela, elle a expliqué que ce n’était pas pour vider les prisons. C’était parce qu’elle considérait que, comme l’a très bien rappelé Sergio Coronado, il ne pouvait pas y avoir de véritable projet pour les courtes peines, et qu’il était indispensable, pour qu’un projet à l’intérieur de la prison puisse vraiment permettre à la personne incarcérée de sortir en ayant un avenir, qu’il y ait une durée minimale.

Il faut donc absolument supprimer l’article 7 qui, paradoxalement, ramène le seuil de deux ans à un an alors que l’on prononce énormément de peines entre un an et deux ans.

Je voudrais vous donner l’exemple de quelqu’un que j’ai connu, qui avait été condamné à cinq ans, dont un an ferme, pour crime sexuel. Il avait vingt-deux ans et avait monté une petite entreprise de peinture. Au lieu de purger sa peine en prison, il a été condamné à porter un bracelet électronique. Pendant la journée, il travaillait dans l’entreprise, où il avait embauché deux jeunes apprentis, et, le soir, il rentrait chez lui. C’est du vécu.

J’ai voulu savoir si, oui ou non, il se sentait condamné. Oui, il se sentait condamné, il effectuait une véritable peine. Il allait travailler pendant la journée, ce qui était une véritable réinsertion, et le soir, à partir de dix-sept heures, il avait l’obligation d’être chez lui. C’est un véritable projet qui a pu être mené, et cette personne, qui avait commis un crime affreux, a pu s’en sortir et se réinsérer vraiment.

N’était-il pas possible de faire de même pour un condamné à deux ans de prison ferme ? C’est la seule question qui se pose. Pouvait-on passer d’un à deux ans ? C’est ce qu’a estimé Mme Dati et c’est ce que j’estime aussi parce qu’il faut une durée minimale, il est impossible de monter une telle affaire sur deux, trois, quatre ou six mois. Avec mon expérience et avec toute la bonne foi qui peut être la mienne, je crois qu’il faut laisser le seuil à deux ans.

Je sais bien que M. le rapporteur va nous proposer un système un peu différent, mais on voit bien que ce que l’on veut démontrer, avec cet article 7, c’est que la majorité est moins laxiste que l’opposition, en abaissant le seuil de deux ans à un an. Il s’agit de pouvoir dire : « Les laxistes, c’est vous. Plus laxiste que vous, je meurs. ». Moi, je veux au contraire qu’il puisse y avoir une durée minimale afin qu’un aménagement puisse être décidé, qui puisse être considéré comme une peine, tout en assurant aussi l’indemnisation de la victime. Être obligé de rentrer chez soi tous les soirs à dix-sept heures, quand vous avez vingt-deux ans et que vous n’avez pas de week-end, croyez-moi, c’est une sanction.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements de suppression ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. C’est un texte d’équilibre, qui doit se défendre contre deux critiques, une venant de l’opposition et une de certains partis de la majorité.

Ce texte vise à laisser les récidivistes dans l’état dans lequel ils se trouvent après l’application de la loi de 2009, dite loi Dati. Il vise par ailleurs à aligner tout le monde sur le même régime, les non récidivistes – j’emploie ce terme à dessein, parce qu’il ne s’agit pas, en général, de « primo-délinquants » – et les récidivistes. Ceux-ci ont déjà été condamnés plus sévèrement, le maximum de la peine encourue ayant été doublé. Par conséquent, la sanction suffit. C’est une espèce d’extension de la règle non bis in idem, c’est-à-dire qu’on ne condamne pas deux fois pour les mêmes faits. On n’a pas à aggraver le régime de détention, la gravité de la situation liée à la récidive ayant d’ores et déjà été prise en considération.

Comme l’objectif est d’essayer de remplacer l’enfermement par le contrôle, il est important de mettre en place diverses mesures d’exécution de la peine à l’extérieur, de façon à mettre en place ce contrôle. Dans un premier temps, on fixe le seuil d’un an, pour tous ceux qui sont libres.

Et puis, nous essayons de prendre en compte le réel : il y a malheureusement de la lenteur dans l’exécution des peines. Il y a parfois des condamnés à qui l’on demande de purger de très vieilles condamnations, qui ont pu s’accumuler et qui peuvent être très anciennes, et remonter à plusieurs années. J’avais donné en commission l’exemple de cet homme condamné à plusieurs reprises, que j’ai croisé dans le cabinet d’un juge d’application des peines qui m’avait accueilli pendant une matinée, et à qui, en janvier 2014, on demandait de purger une condamnation avec sursis prononcée en 2006, le sursis ayant été révoqué en 2009.

Ce genre de situation arrive, et les juges d’application des peines sont confrontés à la question de savoir que faire en cas de cumul de peines. La loi pose une règle simple : en cas de cumul de peines, sur décision motivée du juge d’application des peines, eu égard à la gravité, à l’ancienneté des faits, à la situation psychologique, matérielle et morale de l’intéressé, il sera possible d’aller au-delà du plafond d’un an, sans dépasser un second plafond de deux ans. Tel est l’équilibre du texte. Je donne donc un avis défavorable à l’ensemble des amendements qui touchent à cet équilibre, c’est-à-dire à tous les amendements qui viennent d’être présentés.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable. Dans son texte initial, le Gouvernement avait souhaité revenir au délai de la loi de juin 2000 pour les non-récidivistes et abaisser à six mois le délai pour les récidivistes. Les magistrats ont fait valoir que ce délai de six mois n’était absolument pas opérationnel. Le Gouvernement a donc choisi un alignement sur un an. La loi, comme l’a rappelé le rapporteur, conduit à punir déjà plus sévèrement les récidivistes, qui subissent ainsi une sanction plus lourde. La position du Gouvernement est donc d’en rester à ce délai d’un an, compte tenu du caractère parfois insatisfaisant du délai d’aménagement prévu par la loi pénitentiaire de 2009.

M. le président. La parole est à Mme Cécile Duflot.

Mme Cécile Duflot. Je soutiens l’amendement de suppression qui a été défendu par mes collègues Coronado et Tourret. J’entends le mot « équilibre », monsieur le rapporteur, madame la garde des sceaux, mais en l’occurrence ce qui est à rechercher ici n’est pas tant un équilibre que l’efficacité. La question est de savoir si une peine de dix-huit mois peut être utilement aménagée. La réponse est oui. Le gouvernement précédent avait d’ailleurs pris une telle décision. De la même manière que j’ai dit tout à l’heure que je recherchais l’efficacité, je peux dire, comme Alain Tourret, que la disposition proposée par Mme Dati était pertinente, parce qu’elle donne la faculté au juge, selon l’argument que nous avons utilisé précédemment, de décider si c’est opportun ou non. Il n’y a aucune automaticité ; simplement, il n’y a pas l’automaticité inverse, à savoir l’impossibilité. Or il y aura désormais une telle impossibilité pour des peines de treize, quatorze mois. Vous avez dit à quel point l’alternative était pertinente ; dans le cas présent, vous empêchez l’alternative, et c’est pourquoi je crois vraiment utile de supprimer cet article.

(Les amendements identiques nos 128, 224, 552 et 743 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 516 rectifié, 162 et 514, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 162 et 514 sont identiques.

La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n516 rectifié.

M. Jean-Frédéric Poisson. Ayant écouté la discussion générale, notamment concernant la question du statut particulier de la violence physique, sur laquelle nous avons été plusieurs à nous exprimer à la tribune, attirant utilement, je crois, l’attention de l’Assemblée, et concernant le souhait de prévoir un régime particulier pour les faits de violence, j’aurais dû scinder cet amendement en deux, avec, d’une part, le raccourcissement du délai, que je propose de faire passer d’un an à six mois, et, d’autre part, l’exclusion du régime prévu par l’article de ceux qui ont été condamnés pour violences physiques. La discussion générale se déroulant, comme c’est l’habitude, après le dépôt des amendements, cela ne m’a malheureusement pas été possible ; je ne mets personne en cause, c’est le règlement de la maison.

Cela étant dit, c’est pour moi l’occasion de redire qu’il faut s’interroger sur un régime particulier, qui devrait à notre avis être adapté de manière plus fine, dans le cadre des condamnations prononcées pour des faits de violence, compte tenu de la dangerosité des personnes. Telle est la raison du dépôt de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n162.

M. Dino Cinieri. Cet amendement vise à revoir entièrement la rédaction de l’article 7 du projet de loi. Cet article propose de réduire le quantum des peines susceptibles de bénéficier d’un aménagement. Si la volonté de réduire ce quantum est louable, il convient d’aller plus loin en le réduisant non à un an mais à six mois. Ces aménagements, cependant, ne devraient pas être possibles pour les récidivistes, les peines alternatives ayant une faible efficacité pour les personnes installées dans la délinquance. Les récidivistes ont très souvent eu l’opportunité de bénéficier, à un moment ou à un autre de leur parcours carcéral, d’un aménagement de peine, qui, semble-t-il, ne s’est pas révélé efficace.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n514.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable, pour les raisons que j’ai avancées tout à l’heure.

(L’amendement nos 516 rectifié, ainsi que les amendements identiques 162 et 514, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n578.

M. Patrick Hetzel. Cet amendement vise à revoir entièrement la rédaction de l’article 7 du projet de loi. Ce dernier propose de réduire le quantum des peines susceptibles de bénéficier d’un aménagement. Si la volonté de réduire ce quantum est louable, on peut aller plus loin, en le réduisant non à un an mais à six mois.

(L’amendement n578, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n797.

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Rédactionnel.

(L’amendement n797, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n820 rectifié.

M. Patrick Hetzel. Il est défendu.

(L’amendement n820 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n821.

M. Patrick Hetzel. Il s’agit de supprimer l’alinéa 13. L’article 474 du code de procédure pénale dispense de présentation pour des peines alternatives, pour les délits ayant conduit à moins de deux ans de prison. Le projet propose de ramener la durée de ce délai à un an : c’est aller encore plus loin dans le laxisme, comme nous l’avons déjà expliqué.

(L’amendement n821, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n798.

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Cela ne me paraît pas simplement rédactionnel, monsieur le rapporteur. Je prends acte que telle est votre intention, mais cela dit, la matière de cet amendement semble contredire un peu le commentaire que vous en faites.

(L’amendement n798 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n822.

M. Patrick Hetzel. Il s’agit de compléter l’alinéa 15 de l’article 7 par la phrase suivante : « Par ailleurs, ces dispositions spéciales devront prendre en compte l’état de la victime et ne pas contraindre son indemnisation. ». Nous avons déjà eu l’occasion de nous exprimer sur le sujet. La défense des victimes reste l’un des objectifs du prononcé de la peine. Il est important de le prendre en considération. Nous avons constaté à plusieurs reprises que la question des victimes n’était pas toujours traitée de la même manière. C’est pourquoi nous proposons cet amendement.

(L’amendement n822, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 7, amendé, est adopté.)

Après l’article 7

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements portant article additionnel après l’article 7.

La parole est à M. Matthias Fekl, pour soutenir l’amendement n495 rectifié.

M. Matthias Fekl. Le Gouvernement et la majorité ont fait le choix de renforcer l’individualisation du prononcé des peines en supprimant le caractère automatique de la révocation du sursis et en abrogeant les peines plancher. Dans un souci de cohérence, cet amendement propose la suppression du prononcé automatique de la période de sûreté. Le mécanisme actuel met à mal le principe de libre détermination de la peine par la cour d’assises, qui est pourtant une juridiction populaire. Le condamné n’est pas informé de son prononcé et il arrive souvent qu’il n’apprenne l’existence de cette période de sûreté qu’à l’occasion de sa première demande de permission de sortie, des années après sa condamnation. Par son caractère automatique, la mesure frappe sans discernement. Le principe n’est pas en cause, mais l’automaticité. Compte tenu de ces éléments, il convient de laisser aux juridictions criminelles le choix de se déterminer librement, par une décision souveraine, après que la question a fait l’objet d’un débat lors de l’audience.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Défavorable, quant à l’opportunité d’inscrire cet amendement dans ce texte, à ce moment-là. Pour ce projet de loi, le choix a été fait de ne pas s’intéresser aux questions criminelles et de se concentrer sur les délits et donc sur la délinquance au sens strict. En revanche, plusieurs choses sont en cours. Notre collègue de l’opposition Étienne Blanc avait rédigé un excellent rapport sur cette question, soulignant l’entrelacs des dispositions – de surveillance, d’application… – qui se mélangent, se percutent, se contredisent parfois. Il y a un immense travail à faire. La Chancellerie a créé un groupe de travail qui est en train d’examiner la question très complexe de l’exécution des peines. Ce groupe de travail est présidé, sauf erreur de ma part, par M. Cotte.

Le toilettage devra porter sur les questions de rétention de sûreté, sur l’exécution, sur les prémisses d’un code de l’exécution, sur l’aménagement des longues peines – l’accumulation de dispositions diverses a rendu quasiment impossible aujourd’hui l’aménagement des longues peines –, sur les expertises psychiatriques, avec la difficulté de trouver des experts : l’obligation pesant sur les juges d’application des peines fait que, parfois, aucunes mesures ne sont possibles, alors qu’elles seraient souhaitables et qu’elles sont même souhaitées par le JAP.

Nous pourrons nous pencher sur ces questions soit à une échéance soit à une autre. Il conviendra ainsi d’examiner les conclusions de la commission Cotte. Ensuite, si, compte tenu de l’encombrement des travaux, cette commission ne pouvait produire ses conclusions dans des délais permettant l’adoption d’une loi avant la fin du quinquennat, la commission des lois pourrait prendre l’initiative d’une proposition de loi faisant le point au sujet des aménagements qui seraient possibles le plus rapidement sur ces questions de longues peines, que ce soit l’application automatique des périodes de sûreté, l’aménagement des longues peines ou encore la rétention de sûreté.

Même si j’ai le sentiment que la proposition de Matthias Fekl et des autres signataires est intéressante, j’émets un avis défavorable, pour ces raisons d’opportunité, et non pas en vertu d’une opposition sur le fond.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Même avis, pour des raisons d’opportunité également, compte tenu du périmètre retenu pour ce texte de loi, mais aussi parce que ces dispositions, comme l’a souligné le rapporteur, appellent un travail d’écriture.

La période de sûreté est dans notre droit pénal depuis le nouveau code pénal de 1994 : cela fait une vingtaine d’années. Entre-temps, d’autres dispositions ont été introduites. La mission Cotte est justement chargée de ce travail de réflexion et de réécriture du droit des peines. Ses travaux seront remis fin 2015. Je gage qu’il seront de grande qualité. Il s’agit de personnalités absolument incontestables : elles vont échapper, je l’espère et je le crois, à toute mise en cause, à toute polémique.

Je leur ai demandé de voir s’il y avait lieu d’envisager la rédaction d’un code de l’exécution des peines. Sinon, elles réécriront des dispositions. De toute façon, elles vont procéder à une simplification et à une clarification. Cette commission nous fournira un matériau de très grande qualité pour repenser de manière profonde, cohérente et durable le droit des peines et de l’exécution des peines.

M. le président. La parole est à M. Matthias Fekl.

M. Matthias Fekl. J’ai écouté attentivement M. le rapporteur et Mme la garde des sceaux. Je sais les efforts déployés par tous pour aboutir à un texte cohérent et équilibré. Je ne nie pas du tout cela ; nous avons simplement un problème, et nous avons eu ce débat hier soir, c’est l’absence d’engagement du Gouvernement sur un texte et une date pour transposer ces principes. Cela vaut pour des débats que nous avons eu hier, cela vaut pour ce débat, cela vaudra encore pour d’autres. En l’absence d’engagement, je maintiendrai cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Colette Capdevielle.

Mme Colette Capdevielle. Compte tenu des explications très précises, très complètes, qui viennent d’être données, le groupe SRC suivra l’avis de M. le rapporteur et de Mme la garde des sceaux, qui nous paraît raisonnable.

(L’amendement n495 rectifié n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 140 rectifié et 567 rectifié.

La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n140 rectifié.

M. Dino Cinieri. Dans le cas exceptionnel des crimes de sang ou des crimes sexuels particulièrement odieux, il est avéré, selon les experts, que la dangerosité des auteurs de ces actes est permanente. Ces criminels particuliers, véritables prédateurs, ne sortiront jamais de leur activité criminelle et toute remise en liberté aboutira de manière certaine à un nouveau crime. Les condamnés eux-mêmes font d’ailleurs l’aveu qu’ils recommenceront dès leur libération.

Cela ne concerne que quelques individus chaque année, mais est-il seulement imaginable de laisser l’opportunité à des récidivistes incarcérés la possibilité de tuer ou de violer sauvagement à nouveau ?

Il est du devoir du législateur d’offrir la possibilité au juge de protéger la société de ces quelques individus d’une dangerosité extrême.

Mme Elisabeth Pochon. Le texte ne vise pas les crimes !

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n567 rectifié.

M. Patrick Hetzel. Un certain nombre d’experts s’accordent pour dire que dans le cas de certains détenus très dangereux, compte tenu de leur profil psychologique très particulier, la dangerosité ne s’atténue pas au cours de la détention. Les risques de récidive sont donc extrêmement élevés. Aussi convient-il que la loi protège la société de ces quelques individus, heureusement rares, d’une dangerosité extrême, en prévoyant que lorsqu’une condamnation à perpétuité a été prononcée, la peine de sûreté s’applique pour la durée totale d’incarcération, sans aménagement de peine possible.

Cet amendement vise à protéger la société de ces profils tout à faits atypiques.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Avis défavorable. Ce texte ne concerne pas les crimes.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Avis défavorable.

(Les amendements identiques nos 140 rectifié et 567 rectifié ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis de deux amendements, nos 129 rectifié et 130, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Sergio Coronado, pour les soutenir.

M. Sergio Coronado. Je me souviens que dans sa circulaire pénale, Mme la garde des sceaux insistait beaucoup sur l’individualisation des peines et sur le temps nécessaire pour cette individualisation. C’est même le sens du texte que nous étudions aujourd’hui et de la césure du procès pénal. Il s’agit d’éviter les automatismes. La conjugaison des peines plancher et de la comparution immédiate a été désastreuse et j’ai déjà, en commission, rappelé une recherche menée par la Ligue des droits de l’homme sur une centaine d’audiences en comparution immédiate, qui conduisait à ce constat alarmant d’une justice d’abattage, pour utiliser une expression répandue.

Selon cette enquête, les affaires sont en moyenne jugées en trente-six minutes, mais seulement 2 % des affaires jugées font l’objet d’une relaxe, alors que 57 % aboutissent à une peine de prison ferme, et dans 80 % des cas, les juges suivent les réquisitions du parquet.

Il y a tout de même une forme de brutalité dans cette justice-là. Actuellement, trop de délits sont jugés en comparution immédiate, nous le savons. Il apparaît indispensable que les affaires les plus graves puissent être jugées dans les meilleures conditions : c’est le sens de l’individualisation de la peine comme de la césure du procès pénal. Il faut prendre le temps de voir le parcours, la situation, la personnalité.

C’est pourquoi mon amendement n129 rectifié vise à revenir à la situation qui prévalait avant la loi de 2002 et à limiter la comparution immédiate aux délits pour lesquels la peine encourue est inférieure à sept ans de prison. Mon amendement n130 vise, lui, à aligner les conditions d’incarcération des personnes condamnées en comparution immédiate sur le droit commun : un mandat de dépôt, hors cas de récidive, ne pourrait être délivré que pour les peines d’au moins un an de prison.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. La commission a rendu un avis défavorable en se ralliant à l’idée que cette justice, parfois extrêmement rapide, débouchait bien souvent sur des incarcérations, mais qu’il s’agit d’une justice rapide qui juge des faits à la fois d’une certaine gravité et d’une certaine simplicité. Compte tenu de l’encombrement de la justice, aussi insatisfaisantes que peuvent parfois être ces audiences de comparution immédiate, dans l’état actuel de nos moyens, il ne me semble pas que nous ayons de quoi modifier beaucoup le dispositif. Dans ces conditions, tant que la gestion des flux judiciaires n’est pas meilleure, tant que d’autres contentieux ne sont pas traités à l’extérieur des tribunaux, cette justice visible – alors que les délais sont très longs quand il s’agit de comparutions sur convocation par un officier de police judiciaire –, cette justice qui a le mérite d’être commentée, d’être relatée dans la presse locale, je crois qu’il faut la conserver, avec les regrets qu’on peut émettre sur la rapidité de certaines audiences.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. L’avis du Gouvernement aussi sera défavorable. Vous proposez l’interdiction d’utiliser cette procédure pour les délits passibles de plus de sept ans d’emprisonnement. Cela exclurait des délits pour lesquels la comparution immédiate est vraiment une procédure judicieuse, pertinente, efficace : je pense par exemple au trafic de stupéfiants ou à certains vols avec circonstances aggravantes.

Ce que je vous propose, c’est de faire vraiment confiance aux magistrats et aux juridictions. Je comprends la réticence, car ces dernières années, il y a eu, et même de la part du législateur, une incitation à recourir de façon presque systématique et en tout cas incontestablement excessive à la comparution immédiate. On a vu qu’un certain nombre de juridictions s’étaient quasiment spécialisées. En tout cas, elles utilisent la comparution immédiate de façon disproportionnée.

Sinon, quand il n’y a pas cette pression, et sachant que la comparution immédiate est lourde, notamment pour les petites juridictions, puisqu’il s’agit d’une formation collégiale, les magistrats apprécient. Et ils apprécient à partir de plusieurs critères. Si on l’interdisait de façon aussi tranchante que vous le proposez, on risquerait d’avoir un effet pervers, que probablement vous ne recherchez pas : dans certaines situations, la décision prise débouchera sur une détention provisoire qui risque d’être longue.

Ensuite, on sait bien que la comparution immédiate peut être fortement préjudiciable aux victimes, qui n’ont pas le temps de rassembler les différents éléments qui permettent d’estimer convenablement le préjudice subi. Dans ce cas, il vaut mieux avoir un peu de temps.

Par ailleurs, dans la mesure où ce texte lui-même améliore la procédure par la césure possible du procès pénal, on disposera d’un temps qui permettra de décider de façon plus judicieuse.

Comme vous êtes toujours très impliqué dans les débats sur la justice, je vous rappelle qu’à l’occasion de la transposition de la directive B relative au droit à l’information, nous avons introduit une disposition contenue dans la directive C sur la présence de l’avocat en cas de comparution immédiate : vous avez autorisé la présence de l’avocat lorsque le prévenu est déféré au procureur. Compte tenu de ces dispositions, je vous propose le retrait de ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. La présence de l’avocat en comparution immédiate n’est pas encore l’accès aux pièces de la garde à vue. C’était, rappelez-vous, le débat qui nous a occupés, madame la garde des sceaux.

Pour revenir sur les propos de M. le rapporteur, nous pouvons être d’accord pour reconnaître que la comparution immédiate est assez insatisfaisante. Je concède les effets pervers que pourraient avoir mes amendements, même si je pense qu’ils sont fondés. Mais la question ne peut se résumer à une gestion des flux. M. le rapporteur a invoqué l’encombrement des tribunaux pour dire qu’on ne pouvait supprimer une procédure insatisfaisante. Je voudrais tout de même m’arrêter sur l’accord qu’il peut y avoir entre nous : on ne peut pas juger satisfaisante, en effet, une procédure qui peut aboutir à envoyer quelqu’un en prison pour sept ans au terme d’une audience de trente minutes. On ne peut pas considérer que c’est une procédure satisfaisante, surtout quand on défend l’individualisation, la prise en compte du parcours et de la situation. Il est important que nous soyons d’accord sur ce point.

Je retire mes amendements.

(Les amendements nos 129 rectifié et 130 sont retirés.)

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n4.

M. Sergio Coronado. Il vise à préciser le point de départ de la période de sûreté. Il fait suite à deux arrêts du 28 février 2014 de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Lyon, qui a donné une nouvelle interprétation de la computation des périodes de sûreté. Elle diffère de la jurisprudence, pour laquelle la période de sûreté débute dès le placement en détention provisoire. Or, les deux arrêts du 28 février ne la font partir qu’au prononcé de la condamnation.

Je l’ai dit en commission, ce serait une remise en cause importante pour de nombreuses personnes condamnées. Ce revirement de jurisprudence en défaveur des personnes condamnées pourrait nous exposer à une condamnation de la Cour européenne des droits de l’homme. C’est pourquoi cet amendement vise à consolider la jurisprudence existante en précisant la loi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Avis défavorable. La jurisprudence de la cour d’appel de Lyon est effectivement en décalage avec la jurisprudence existante. La Cour de cassation est saisie. Je propose qu’on attende l’arrêt de la Cour de cassation pour voir s’il est besoin de légiférer.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il y a déjà un principe : c’est que la durée de la détention provisoire est déduite. La contestation porte sur le point de départ. Vous savez que deux pourvois en cassation ont été introduits : la décision va intervenir dans les prochaines semaines, peut-être pendant la navette parlementaire. Nous serons éclairés à ce moment-là.

Vous avez probablement compris que je suggère un retrait.

M. Sergio Coronado. Je retire l’amendement.

(L’amendement n4 est retiré.)

Article 7 bis

M. le président. Nous en venons à l’examen de l’article 7 bis.

La parole est à M. Dino Cinieri, inscrit sur l’article.

M. Dino Cinieri. Même si aucune réduction de peine n’est accordée automatiquement, ces réductions de peine elles sont aujourd’hui largement octroyées dans notre pays, ce caractère quasi-automatique leur faisant perdre toute utilité et constituant une atteinte au principe de justice.

Il en existe deux catégories.

Le crédit de réduction de peine accordé aux détenus – retiré seulement en cas de mauvaise conduite – et la réduction de peine supplémentaire pour les détenus qui fournissent des efforts sérieux de réadaptation sociale.

Le crédit de réduction de peine ne peut excéder trois mois la première année et deux mois les années suivantes. Initialement, ce mécanisme visait à inciter à une bonne conduite en prison, laquelle s’entend en théorie comme un bon comportement général du condamné, une assiduité et une application au travail.

Cependant, dans les faits, le juge de l’application des peines se fonde essentiellement sur l’existence de sanctions disciplinaires prises à l’encontre du détenu afin de déterminer s’il mérite des réductions de peine. Sans sanction, le crédit de réduction de peine est donc accordé et devient quasi-systématique.

Nous avons ainsi atteint une situation dramatique où la réduction de peine qui, hier, était l’exception, est devenue la règle dans notre système pénitentiaire actuel.

La réduction de peine supplémentaire pour effort sérieux de réadaptation, comme la réussite à un examen par exemple, est de trois mois par an et de deux mois seulement si le condamné est en état de récidive légale. Un prisonnier modèle peut donc cumuler cinq mois de remise de peine par an, 26 mois en cinq ans, 51 mois en dix ans, et ce, indépendamment des aménagements de peine.

Par ailleurs, ce double mécanisme ne prend aucunement en compte la dangerosité présumée des condamnés, même pour les récidivistes. Les délinquants sexuels, par exemple, se comportent en général très bien en prison bien que cela n’enlève malheureusement rien à leur éventuelle dangerosité lorsqu’ils sortent.

C’est pourquoi, plutôt que d’aligner le régime des récidivistes sur celui des primodélinquants, il faudrait supprimer les crédits de réduction de peine ainsi que la réduction de peine supplémentaire pour les détenus condamnés pour des faits graves et qui se trouvent en situation de récidive.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 225 et 553, tendant à supprimer l’article 7 bis.

La parole est à M. Georges Fenech, pour soutenir l’amendement n225.

M. Georges Fenech. Je reprends à mon compte toutes les explications fournies par notre collègue Dino Cinieri pour demander la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n553.

M. Patrick Hetzel. Il convient en effet de supprimer cet article 7 bis qui aligne le droit d’octroi des crédits de réduction de peine et des réductions supplémentaires de peine des récidivistes sur celui des délinquants de droit commun.

Or, cette suppression de la distinction entre délinquants de droit commun et récidivistes aura un effet détestable sur l’évolution de notre justice, puisque nous enverrons ainsi un message d’impunité, ce que nos concitoyens ont d’ailleurs parfaitement bien compris.

En effet, demain, commettre deux fois le même crime n’aura plus aucune incidence sur les réductions de peine. Considérer qu’on a affaire à un même ensemble là où, précédemment, il y avait un distinguo témoigne bien d’une volonté de réduire les distinctions entre les catégories en présence.

Le même raisonnement nous a amenés à dire à l’occasion de l’examen d’articles précédents, notamment lorsqu’il s’agissait de définir les missions de la peine, qu’aucune hiérarchie n’avait été établie. En l’occurrence, c’est la même chose, et c’est assez dangereux parce que l’on assiste à une dérive déniant aux aspects de nature symbolique toute leur importance alors même que l’on rédige le code pénal.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Avis défavorable. Le système est ainsi pensé : les crédits de réduction de peine et les réductions de peine spéciales sont alignés tant pour les non-récidivistes que pour les récidivistes.

Nous nous apprêtons à modifier l’article 721-1 du code de procédure pénale afin de rendre les crédits de réduction de peine et les réductions de peine spéciales révocables à travers une procédure particulière à l’issue de laquelle le juge de l’application des peines, lors de la libération, en fin de peine, pourra subordonner au respect d’une interdiction ou, éventuellement, d’une obligation les crédits de réduction de peine. En cas de non-respect, il pourra révoquer les crédits de réductions de peine et les réductions de peine spéciales. Ce contrôle s’exercera évidemment pendant la durée desdites réductions et permettra, dans la pratique, de mettre fin à toute sortie sèche puisqu’il s’appliquera à des détenus qui sont en fin de peine.

J’ajoute que cette procédure n’est pas liberticide puisqu’elle s’appuie sur une période de peine qui a été réduite en raison de ces mécanismes.

Le système mis en place vise donc à mettre fin aux sorties sèches, y compris lorsqu’il n’a pas été possible de mettre en place une libération sous contrainte ou une libération conditionnelle pour des raisons de durée, et y compris, également, lorsque nous avons affaire à des détenus qui ne souhaiteraient pas du tout bénéficier d’un aménagement de peine, qui auraient envie de l’accomplir jusqu’au bout parce qu’ils ne voudraient surtout pas être contrôlés à la sortie, ce qui est en général un très mauvais signal. L’outil que nous proposons permettra donc un contrôle à la sortie.

Une fois encore, nous visons le pragmatisme…

M. Jean-Pierre Blazy. Et l’efficacité !

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. En effet : pragmatisme et efficacité, je vous remercie de votre aide !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Avis défavorable. Je rappelle que le crédit de réduction de peine a été instauré par la loi du 9 mars 2004, que le président Warsmann y avait beaucoup œuvré, qu’ils sont imputés d’emblée et que ce régime est en vigueur depuis dix ans. Je ne vois donc pas en quoi ces amendements seraient utiles. L’avis du Gouvernement, je le répète, est défavorable.

Bien entendu, nous discuterons tout à l’heure de la question qu’a évoquée le rapporteur tout à l’heure, qui a mis un verrou sur l’exécution de ces crédits de réduction de peine.

Je précise que ces derniers visent à réduire les risques de récidive et à encourager la préparation à la sortie. Il ne s’agit pas d’un bonus, d’un cadeau, d’une facilité. Ils font partie des mécanismes qui conduisent à impliquer le détenu dans la préparation de sa sortie. Nous savons que ce sont des éléments qui comptent pour que cette préparation soit prise au sérieux, et donc dans la perspective de la réduction de la récidive.

Nous essayons d’additionner l’ensemble des éléments qui peuvent contribuer à réduire les facteurs de récidive ou d’aggravation de la récidive. C’est ce que nous faisons dans ce texte.

(Les amendements identiques nos 225 et 553 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 138 et 565.

La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n138.

M. Dino Cinieri. L’objet de cet amendement est de mettre fin aux crédits de réduction de peine. Ceux-ci rendent plus difficile la lisibilité de la durée d’exécution de la peine pourtant indispensable pour faire du temps de détention un temps utile. Les différentes formations ne peuvent être dispensées aux détenus volontaires qu’à compter du moment où leur durée d’incarcération est déterminée. Une activité professionnelle ne peut également être efficacement réalisée en milieu carcéral qu’en s’appuyant sur cette inflexibilité.

Le présent amendement vise par conséquent à donner à l’administration pénitentiaire les moyens de préparer la sortie des détenus et leur réinsertion dans la société.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n565.

M. Patrick Hetzel. L’objet de cet amendement est de mettre fin aux crédits de réduction de peine.

Initialement, ce mécanisme visait à inciter la bonne conduite en prison. Cependant, dans les faits, s’il n’existe pas de sanction disciplinaire prise à l’encontre du détenu, le juge de l’application des peines accordera de façon quasi-systématique ces réductions. Ainsi, l’octroi de crédits de réduction de peine est devenu la règle au lieu d’être l’exception – c’est le sens dans lequel ils avaient été élaborés.

Par ailleurs, ce mécanisme ne prend pas en compte la dangerosité des condamnés, même pour les récidivistes.

Enfin, la suppression des crédits de réduction de peine favoriserait la bonne conduite des détenus et encouragerait la réinsertion future des détenus qui, si leur comportement le permet, continueraient de bénéficier de réductions de peine supplémentaire et d’aménagement de peine.

(Les amendements identiques nos 138 et 565, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 139, et 566.

La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n139.

M. Dino Cinieri. La réduction de la peine ne doit en aucun cas être un dû mais une récompense pour le détenu travaillant à sortir de la délinquance. Il est intolérable que les détenus de bonne volonté, préparant leur sortie afin de se réinsérer dans la société, soient considérés de la même manière que ceux qui sont résignés à rester dans la délinquance.

C’est pourquoi le présent amendement propose d’inciter un nombre grandissant de détenus à se tourner vers une vie respectueuse des règles communes.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n566.

M. Patrick Hetzel. Il est défendu.

(Les amendements identiques nos 139 et 566, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 751 et 839.

La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n751.

M. Patrick Hetzel. L’objet de cet amendement est de mettre fin aux crédits de réduction de peine. Ceux-ci rendent plus difficile la lisibilité de la durée d’exécution de la peine pourtant indispensable pour faire du temps de détention un temps utile.

Cet amendement vise à donner à l’administration pénitentiaire les moyens de préparer la sortie des détenus et leur réinsertion dans la société.

M. le président. La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n839.

M. Dino Cinieri. L’objet de cet amendement est de mettre fin aux crédits de réduction de peine. Je ne répète pas ce que j’ai dit tout à l’heure et je précise seulement, comme mon collègue Hetzel, qu’il vise à donner à l’administration pénitentiaire les moyens de préparer la sortie des détenus et leur réinsertion dans la société.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable, en rappelant que les crédits de réduction de peine sont plus faibles pour les récidivistes.

(Les amendements identiques nos 751 et 839 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n823.

M. Patrick Hetzel. Il est défendu.

(L’amendement n823, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 7 bis est adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite du projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l’individualisation des peines.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Nicolas Véron