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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du jeudi 30 octobre 2014

SOMMAIRE

Présidence de M. Denis Baupin

1. Projet de loi de finances pour 2015

Seconde partie (suite)

Enseignement scolaire

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Mme Colette Langlade

M. Xavier Breton

M. Philippe Gomes

Mme Barbara Pompili

M. Stéphane Claireaux

Mme Huguette Bello

M. Stéphane Travert

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Mme Valérie Corre

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Mme Annie Genevard

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre

M. Paul Molac

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Mission « Enseignement scolaire » (état B)

Amendement no 236

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

M. Alain Fauré, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

Amendement no 204

Article 55

Amendement no 333

Rappel au règlement

M. Xavier Breton

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

Article 55 (suite)

Amendements nos 221 , 228 , 347

Rappel au règlement

M. Xavier Breton

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre

M. Alain Fauré, rapporteur spécial

Article 55 (suite)

Amendement no 362

Suspension et reprise de la séance

Sécurités

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

M. Guy Geoffroy

Mme Maina Sage

M. Paul Molac

M. Stéphane Claireaux

M. Gabriel Serville

M. Yves Goasdoué

M. Philippe Goujon

M. Bernard Cazeneuve, ministre

Mme Anne-Yvonne Le Dain

M. Bernard Cazeneuve, ministre

Mission « Sécurités » (état B)

Après l’article 59

Amendement no 307

M. Romain Colas, suppléant M. Yann Galut, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

M. Daniel Boisserie, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées

M. Pascal Popelin, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » (état D)

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Denis Baupin

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Projet de loi de finances pour 2015

Seconde partie (suite)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2015 (nos 2234, 2260).

Enseignement scolaire

M. le président. Nous abordons l’examen des crédits relatifs à l’enseignement scolaire (n2260, annexe 25 ; n2261, tome IV).

La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, monsieur le rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, madame la rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, mesdames, messieurs les députés, le projet de budget pour 2015 que je vous présente aujourd’hui est un budget important : il constitue un véritable marqueur de la politique de ce gouvernement, un marqueur de la priorité que nous avons voulu donner à la jeunesse et un marqueur de l’importance que nous accordons à l’éducation comme levier de progrès, de croissance et de réussite dans notre pays.

Ce budget 2015 donne en effet au ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche tous les moyens nécessaires pour garantir aux élèves les meilleures conditions d’apprentissage.

Premier élément qui mérite d’être souligné : l’éducation nationale redevient le premier poste budgétaire de l’État, devant la charge de la dette.

En 2015, ce sont 65,02 milliards d’euros qui seront ainsi investis dans l’éducation des enfants de ce pays, en augmentation de plus d’un milliard d’euros par rapport à 2014, soit une hausse de 2,4 % du budget, supérieure à celle de l’exercice précédent puisque, dans le projet de loi de finances pour 2014, l’augmentation du budget de l’éducation nationale par rapport à l’année précédente s’élevait à 1,18 %. À quoi est consacré cet effort budgétaire ?

Cet effort permet avant tout de poursuivre la création des 60 000 postes supplémentaires qui doivent voir le jour à l’horizon 2017, dont 54 000 pour l’éducation nationale, 5 000 pour l’enseignement supérieur et 1 000 pour l’enseignement agricole. Ainsi, en 2015, ce sont 10 421 postes nouveaux qui seront créés au sein de mon ministère. Là où, jusqu’à 2012, les moyens humains consacrés à l’éducation étaient en réduction, ils sont aujourd’hui clairement en augmentation, parce que nous estimons que l’éducation est une priorité.

Cet effort budgétaire permet également de renforcer le plan en faveur de l’éducation prioritaire, à hauteur de 352 millions d’euros.

Ces crédits permettront de créer non seulement des postes d’enseignants dans le premier et le second degré, mais aussi des postes d’assistants d’éducation et de personnels de santé et sociaux, de mettre en place la scolarisation des enfants avant l’âge de trois ans, le fameux « plus de maîtres que de classes » dans le premier degré, et de dégager du temps pour la formation et le renforcement des actions de coordination pédagogiques dans le primaire et le secondaire.

Les indemnités des personnels seront également revalorisées, à hauteur de 100 millions d’euros à la rentrée 2015 car, faut-il le rappeler, exercer son métier de professeur peut être plus difficile à certains endroits qu’à d’autres. Ces indemnités sont donc méritées, en particulier les augmentations que nous avons décidées pour l’éducation prioritaire.

Dès la rentrée 2014, des moyens avaient été dégagés pour la première phase de la réforme de l’éducation prioritaire. Cent trois établissements situés en éducation prioritaire ont été choisis pour préfigurer les réseaux d’éducation prioritaire – REP. À la rentrée 2015, 1 081 collèges et 8 000 écoles en tout formeront la nouvelle carte de l’éducation prioritaire, qui collera au plus près de la réalité sociale.

En matière de handicap, aussi, ce gouvernement se donne les moyens d’agir. Ce budget permettra ainsi de développer et de professionnaliser l’accompagnement des élèves en situation de handicap, notamment grâce à la création de 350 emplois d’accompagnants pour ces élèves et par la CDIsation progressive de ces accompagnants. En effet, à partir de cette rentrée, 28 000 auxiliaires de vie scolaire en contrat à durée déterminée bénéficieront progressivement d’un contrat à durée indéterminée et seront ainsi sécurisés dans leur parcours professionnel.

Par ailleurs, ce budget permettra de poursuivre les engagements plus généraux du Gouvernement pour la refondation de l’école.

Afin de former des enseignants qui ne l’étaient plus sous la majorité précédente, dès la rentrée 2013, les écoles supérieures du professorat et de l’éducation – ESPE – ont été mises en place, rétablissant une formation des enseignants à la hauteur des exigences de ce métier. Un an plus tard, l’ensemble des académies compte une ESPE.

Depuis la rentrée scolaire 2014, les enseignants stagiaires consacrent la moitié de leur temps suivi en formation à l’ESPE et l’autre moitié à de l’enseignement aux élèves. Au total, il est prévu d’ouvrir près de 25 000 postes aux concours d’enseignants en 2015.

Les moyens utilisés au titre de la réforme de la formation initiale en 2015 représentent plus de 700 millions d’euros.

Mais ce budget octroie également de nouvelles indemnités pour tous les professeurs des écoles. Nous avons en effet un retard à rattraper pour les enseignants du premier degré. Une prime de 400 euros par an est donc prévue pour les enseignants. Quant aux directeurs d’école, ils toucheront une prime de 100 à 400 euros par an. Les maîtres formateurs bénéficieront de 321 euros par an et les conseillers pédagogiques de 1 000 euros par an.

Enfin, des moyens nouveaux seront alloués pour continuer à aider les collectivités locales à organiser des activités périscolaires, activités que nous avons voulu introduire dans ce pays lors de la réforme des rythmes scolaires.

Le Fonds d’amorçage pour la réforme des rythmes scolaires a fait l’objet de nombreux débats : j’ai rencontré un grand nombre d’élus, de parlementaires, pour décider si le FARRS devait être reconduit l’année suivante, après l’effort important – plus de 400 millions d’euros – consenti en 2014-2015. Il y a eu un consensus, je veux le dire ici.

J’ai entendu très largement les parlementaires, notamment ceux de la majorité,…

Mme Annie Genevard. Ah !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. …qui ont voulu déposer un amendement sur cette question.

Le Premier ministre a réservé un accueil favorable à cet amendement, décision qu’il a confirmée avant-hier dans son discours au Sénat : c’est un soutien prolongé, mais avec une responsabilisation des communes, de sorte que l’on garantisse que les moyens versés par l’État accompagnent une démarche partenariale au service d’activités périscolaires de qualité et au bénéfice des enfants.

M. Xavier Breton. Vous instaurez une école à deux vitesses !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Il ne peut s’agir, comme on a pu le voir ici ou là, d’une aide qui serait affectée à d’autres finalités que celle des activités périscolaires et de l’intérêt des enfants.

C’est à ce titre que l’amendement qui a été déposé par la majorité sera accepté : il vise à prolonger pour 2015-2016 le Fonds d’amorçage au même niveau que ce qui est prévu pour cette année, soit 50 euros par élève et 40 euros supplémentaires pour les communes en difficulté.

Cet effort très important, qui bénéficiera à 23 000 communes, devrait représenter 300 millions d’euros. Le versement de cette aide, je l’ai dit, sera conditionné à l’établissement par les communes d’un projet éducatif territorial – PEDT.

Ainsi, on passe d’une démarche d’amorçage à une démarche d’accompagnement que l’État souhaite mettre en œuvre pour aider, en lien avec les communes, au développement d’activités périscolaires de qualité.

M. Stéphane Travert. Bravo !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. En votant ces crédits, mesdames, messieurs les députés, vous donnerez à la France les moyens de mettre en œuvre la loi pour la refondation de l’école et la priorité de ce gouvernement qu’est la jeunesse et la réussite de tous les élèves. Vous nous aiderez à faire un grand pas et je vous en remercie par avance. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et écologiste.)

M. le président. Nous en venons aux interventions des porte-parole des groupes.

La parole est à Mme Colette Langlade, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Colette Langlade. Monsieur le président, madame la ministre, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui les crédits consacrés à l’enseignement scolaire. Ce budget est porteur d’une double ambition.

La première est de remettre l’école de la République à la place qu’elle n’aurait jamais dû quitter : en tête des priorités budgétaires de notre pays.

Au nom des députés socialistes, républicains et citoyens, je souhaiterais exprimer, comme je l’ai déjà fait en commission, notre satisfaction de voir l’éducation nationale redevenir le premier poste de dépense de notre pays. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Xavier Breton. Elle l’était déjà !

Mme Colette Langlade. Pour nos écoles, il faut le répéter, cette hausse de 2,4 % par rapport à 2014, se traduira, entre autres, par la création de plus de 10 400 postes, soit de nombreux enseignants au service de la réussite de nos élèves.

Mais il serait simpliste de résumer les efforts budgétaires à davantage d’enseignants devant nos jeunes. Cette augmentation du budget permet aussi de répondre à une seconde ambition : faire de la loi de refondation de l’école, que nous avons votée ici même, une réalité dans les établissements scolaires de notre République.

Les crédits que nous voterons dans quelques minutes permettront de poursuivre la réforme de la formation initiale des enseignants, via les nouvelles écoles supérieures du professorat et de l’éducation, de continuer à donner la priorité au premier degré ou de revaloriser les indemnités des enseignants.

Nous soutenons aussi les choix en faveur de la nouvelle éducation prioritaire, plus juste mais aussi plus ambitieuse, pour un meilleur accompagnement des élèves en situation de handicap.

Madame la ministre, le 21 octobre, lors de la discussion de cette mission, j’avais appelé votre attention et fait part des inquiétudes des députés socialistes sur la question du Fonds d’amorçage de la réforme des rythmes scolaires.

Notre préoccupation était simple : que la réforme des rythmes scolaires, qui s’est réalisée avec succès dans la plupart des communes de France, soit pérennisée et que sa réussite se confirme.

Pour cela, il faut accompagner les communes et pas seulement celles qui bénéficient de la dotation de solidarité urbaine cible, de la dotation de solidarité rurale cible ou appartenant à des départements d’outre-mer : il faut accompagner toutes les communes.

Les députés du groupe SRC ont donc déposé un amendement visant à rétablir le bénéfice de l’aide forfaitaire de base à l’ensemble des communes, tout en le conditionnant à l’établissement d’un projet éducatif territorial.

Sans anticiper sur les débats qui auront lieu dans quelques minutes, je voudrais dire notre satisfaction d’avoir votre soutien, madame la ministre, et celui du Premier ministre dans cette démarche.

Je parlais en introduction d’une double ambition, et je voudrais conclure mon propos en vous faisant part de notre double satisfaction : celle, d’abord, de voir que ce budget confirme l’engagement que nous avons pris de redonner à l’école de la République les moyens de remplir la mission – ô combien noble ! – qui lui a été confiée ; celle, ensuite, de constater, contrairement à ce qui a pu être dit sur les bancs de l’opposition, que les parlementaires ont été entendus lorsqu’ils ont demandé que soit maintenu le soutien aux communes pour la mise en place de l’accueil périscolaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Xavier Breton. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, nous nous accordons tous sur l’importance de l’éducation : importance pour chacun d’entre nous, et pour l’ensemble de la société.

Nous savons bien que l’enseignement scolaire est le premier budget de l’État, et ce n’est pas nouveau. L’année dernière, lors de l’examen des crédits relatifs à l’enseignement scolaire, le ministre de l’éducation nationale de l’époque – mais il est vrai que beaucoup de changements ont eu lieu depuis – disait déjà de ce budget qu’il demeurait le premier poste de dépenses de l’État. Mais, alors que nous abordons l’examen de la mission « Enseignement scolaire » dans le projet de loi de finances pour 2015, nous savons aussi que notre système scolaire coûte cher, plus cher en moyenne que celui des autres pays de l’OCDE, et qu’il obtient malgré tout de moins bons résultats. C’est donc bien que l’argent public n’est pas dépensé de manière efficiente et qu’il existe des marges de manœuvre.

Or, votre budget, madame la ministre, nous propose de rester dans une logique purement quantitative. Vous vous obstinez à ignorer l’analyse du rapport de la Cour des comptes intitulé « Gérer les enseignements autrement » selon lequel « les résultats insatisfaisants de notre système scolaire ne proviennent ni d’un excès, ni d’un manque de moyens budgétaires ou d’enseignants, mais d’une utilisation défaillante des moyens existants ».

En créant 9 561 postes en 2015, vous vous obstinez dans une logique purement quantitative, qui n’assure absolument pas la réussite de tous les élèves. Et, alors que notre situation budgétaire est aujourd’hui très critique, vous grevez encore le budget de notre pays avec ces créations de postes, et ce pour de nombreuses années. Par ailleurs, alors qu’il est urgent d’engager une réforme d’ensemble des modalités de gestion et de revalorisation des personnels enseignants, rien n’est prévu en ce sens dans le projet de loi de finances pour 2015.

Et pourtant, les problèmes sont nombreux ! Les enseignants français sont moins payés que ceux des autres pays, surtout les enseignants du primaire, pour lesquels l’écart est de plus de 16 %, ce qui représente une différence de 430 euros par mois. Cet écart doit d’autant plus nous interroger que les systèmes performants sont aussi, comme chacun sait, ceux qui offrent des salaires élevés à leurs enseignants.

Autre problème : celui des remplaçants. Nous avons tous connaissance, dans nos circonscriptions, de dysfonctionnements durables en termes de remplacement, ce que confirme le rapport annuel de performance, selon lequel le taux de remplacement dans le premier degré est passé de 91,5 % en 2011 à 88 % en 2013. Je pourrais encore évoquer l’importante question des directeurs d’école, qui attendent toujours les propositions de votre ministère quant à une véritable réforme de leur statut.

Alors, madame la ministre, que toutes ces questions sont restées sans réponse ou n’ont reçu que des réponses nettement insuffisantes, vous continuez de suivre la méthode de vos deux prédécesseurs, cette méthode qui consiste à faire des annonces et à lancer des chantiers, comme ceux de la notation ou du redoublement, qui ont certes un intérêt, mais dont on sait qu’ils n’apporteront aucune réponse de fond, aucune réponse à la mesure des enjeux. On peut même s’interroger sur la pertinence de ces annonces, en l’absence d’une véritable réforme qualitative de notre système éducatif.

J’aborderai, pour finir, la question des rythmes scolaires. Alors que des rapports sur le sujet avaient fait consensus, votre majorité a réussi à mécontenter tout le monde : enseignants, parents, élus locaux. Objectivement, il faut reconnaître que de nombreuses communes rencontrent de réelles difficultés pour organiser et financer cette réforme. Et, comme l’année dernière, la majorité exécute un pas de deux à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances, mais surtout à l’approche du traditionnel congrès des maires. Le Gouvernement annonce dans un premier temps qu’il supprimera le Fonds d’amorçage pour la prochaine rentrée scolaire puis, devant les protestations unanimes, il rétablit plus ou moins ce fonds lors de l’examen du projet de loi de finances à l’Assemblée nationale !

Mais ces gesticulations ne sauraient masquer l’essentiel, à savoir qu’il n’est toujours pas envisagé de couvrir de façon intégrale et pérenne les dépenses lourdes engagées par les communes. Le Fonds d’amorçage est en effet notoirement insuffisant, puisqu’il ne représente que 50 à 90 euros par élève, alors que l’Association des maires de France estime qu’il faudrait dépenser entre 180 et 200 euros par élève. Ce fonds, en outre, n’est pas pérenne, et les communes savent qu’elles n’auront d’autre choix, pour financer cette réforme, à l’heure où les dotations de l’État connaissent une baisse drastique, que de solliciter soit les contribuables, à travers une hausse des impôts locaux, soit les parents, à travers une participation supplémentaire aux frais engendrés.

Enfin, en proposant de conditionner le bénéfice de ce fonds à la mise en œuvre d’activités périscolaires de qualité, dans le cadre de projets éducatifs territoriaux, vous accentuez les inégalités entre les communes qui ont les moyens et celles qui, malheureusement, n’ont objectivement pas les moyens suffisants pour engager cette réforme.

Madame la ministre, l’attente des élus locaux de toutes tendances est simple, et toutes les gesticulations visant à supprimer, puis à rétablir un fonds d’amorçage, de toute façon insuffisant, n’y changeront rien : le fonds pour les rythmes scolaires doit être augmenté et pérennisé.

Au vu de ces éléments, le groupe UMP votera contre les crédits de la mission « Enseignement scolaire ». (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Gomes, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Philippe Gomes. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à ce stade de la discussion du budget de la nation, nous vivons ensemble un moment important, celui de l’examen de la mission « Enseignement scolaire », qui représente 88 milliards d’euros, ce qui n’est pas rien. Comme cela a été rappelé à satiété, cette mission représente le premier budget de l’État. Un agent public sur deux est payé sur le budget de l’État pour assumer cette mission, ce qui représente 50 milliards d’euros de rémunérations. Ces chiffres nous rappellent à quel point les moyens que la puissance publique consacre à sa mission première, la mission éducative, sont importants.

Pour autant, les résultats sont-ils à la hauteur de cet investissement ? Je reviens brièvement sur ce qui a déjà été dit : les tests PISA qui ont été rendus publics récemment nous placent au dix-huitième rang de l’ensemble des pays de l’OCDE et nous sommes hélas sur un toboggan, puisque nous ne cessons de descendre dans le classement, année après année. Dans un autre classement, relatif à l’équité scolaire, nous nous situons au vingt-septième rang des trente-quatre pays de l’OCDE, ce qui est un exploit, puisque l’école française ne fait que renforcer les inégalités, au lieu de corriger les déterminismes géographiques ou sociaux.

Quand on se rend aux Journées défense et citoyenneté, on se rend compte que 20 % de nos jeunes sont des lecteurs inefficaces. Il n’y a rien là de surprenant, puisque le Programme international de recherche en lecture scolaire, qui analyse l’apprentissage de la lecture dans quarante-neuf pays, nous classe en dessous de la moyenne européenne, derrière la Lituanie.

Tels sont les résultats de l’école de la République, de l’école française ! On comprend pourquoi, après avoir été longtemps le creuset de la nation, elle ne l’est plus aujourd’hui. Les problèmes que nous rencontrons dans beaucoup de nos quartiers, et dans notre société d’une manière plus générale, résultent de cette inefficacité de notre système éducatif.

À cela, quelle est la réponse du Gouvernement ? C’est celle qui a été formulée lors de la campagne présidentielle : une réponse quantitative, fondée sur un chiffre magique, qui a probablement été très productif d’un point de vue électoral : celui des 60 000 postes.

M. Xavier Breton. Une réponse purement quantitative !

M. Philippe Gomes. Il y avait les 75 % pour l’impôt sur le revenu, et les 60 000 postes pour l’éducation nationale. Dès ce moment-là, ce chiffre est devenu une sorte de pierre philosophale : avec ces 60 000 postes, les problèmes de l’école française allaient être réglés !

Mon excellent collègue Xavier Breton l’a rappelé : le rapport de la Cour des comptes sur ce sujet est d’une cruauté infinie. Il met d’ailleurs sur le même plan la droite et la gauche, au-delà des divergences partisanes. Ce rapport montre que les réductions d’effectifs survenues dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, comme les augmentations de postes qui sont prévues pour les cinq prochaines années, ne changeront rien à l’inefficience de notre système éducatif. Il montre aussi que notre système éducatif est miné par une gestion uniforme et égalitaire des enseignants. Il montre enfin que notre système éducatif ne manque ni d’enseignants ni de moyens.

La réponse, ou du moins l’une des réponses, au problème de l’inefficience de notre système éducatif, consisterait à changer le fonctionnement interne de l’éducation nationale et à adopter une gestion plus ajustée, plus affinée, plus pertinente, en un mot plus efficace de l’ensemble des personnels enseignants et, d’une manière générale, de l’ensemble des personnels qui contribuent à notre système éducatif.

Mme Annie Genevard. Très juste !

M. Philippe Gomes. Doit-on, pour autant, avoir un jugement totalement négatif sur ce budget ? Non, car il y a bien sûr quelques lueurs dans l’obscurité. Le rétablissement de la formation des enseignants était effectivement indispensable, et s’il est un domaine où les créations de postes sont justifiées, c’est bien celui-là – la loi pour la refondation de l’école avait prévu la création de 27 000 postes pour la formation initiale. L’idée selon laquelle il faut davantage de maîtres que de classes est également une bonne idée pour mettre en œuvre des pédagogies différenciées, là où le besoin s’en fait sentir.

Au total, néanmoins, tout cela est largement insuffisant, et c’était selon moi manquer d’humilité que d’intituler la loi qui a été votée l’année dernière « Loi pour la refondation de l’école de la République ». Car, madame la ministre, estimez-vous vraiment que les propositions contenues dans votre budget contribueront réellement à la refondation de l’école de la République ? Le groupe UDI, lui, ne le croit pas, et c’est pourquoi il votera contre ces crédits. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Barbara Pompili, pour le groupe écologiste.

Mme Barbara Pompili. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, madame, monsieur les rapporteurs, chers collègues, comme j’ai eu l’occasion de l’indiquer la semaine dernière, l’augmentation du budget dédié à l’enseignement scolaire prolonge avec cohérence la refondation de l’école.

Cet effort budgétaire, les écologistes le saluent, d’autant plus qu’il s’agit là d’un secteur clé pour l’avenir de notre société. Investir pour notre jeunesse, c’est se donner les moyens de construire les contours d’une société plus égalitaire, dans laquelle chacun disposerait des mêmes droits et des mêmes chances de réussite. Investir pour notre jeunesse, c’est redonner espoir en notre pacte républicain. Et, au vu des derniers résultats des enquêtes PISA ou de l’OCDE, un changement de paradigme dans notre conception de l’éducation s’impose.

La loi sur la refondation de l’école votée en 2013 portait justement cette ambition. Je pense à la priorité donnée à l’école primaire, à la restauration de la formation des enseignants, aux créations de postes, à la scolarisation des enfants dès deux ans, ou encore au renforcement des dispositifs de l’éducation prioritaire. Et les budgets qui nous sont présentés depuis illustrent la volonté de concrétiser ces priorités.

Mais, pour atteindre véritablement les objectifs d’un système scolaire qui ne serait plus élitiste et qui n’aggraverait plus les inégalités sociales, il faut aller encore plus loin. C’est pourquoi nous attendons beaucoup des réflexions en cours sur les programmes et sur l’évaluation. Vous le savez, nous plaidons pour plus d’innovation et de liberté pédagogique, pour un système qui rende l’élève acteur de son parcours et qui prenne en compte les besoins de chacun, pour une ouverture de l’école sur l’extérieur et, d’une façon plus globale, nous souhaitons avancer vers l’éducation partagée.

Une avancée significative, qui marque un premier pas vers cette éducation partagée que nous appelons de nos vœux, était menacée par ce projet de loi de finances. Je parle, vous le savez, de la décision de ne reconduire que partiellement le Fonds d’amorçage, essentiel pour le déploiement de la réforme des rythmes scolaires. Alors même que nous traversons une période de crise économique et que les dotations aux collectivités s’apprêtent à baisser, supprimer ces aides était plus qu’un mauvais signal envoyé aux communes. Cela risquait aussi de mettre en échec cette réforme, au détriment des élèves eux-mêmes. Vous le savez, les écologistes souhaitent une pérennisation entière de ce fonds. Il y va de l’équité territoriale.

Et les récentes annonces gouvernementales vont dans le bon sens, tout comme la volonté de conditionner cette aide à la réalisation d’un projet éducatif de territoire. C’est un point sur lequel j’avais particulièrement insisté en commission le 21 octobre, et j’avais déjà déposé un amendement en ce sens. Je suis heureuse d’avoir été entendue sur ce sujet essentiel. En effet, c’est lorsque toutes les parties prenantes se mettent autour de la table pour définir ensemble des activités pour les élèves que les résultats sont les plus probants en termes d’intérêt pédagogique. C’est ce que montrent les retours de terrain que nous avons, et il importe de le souligner.

Les projets éducatifs territoriaux sont des outils simples à mettre en œuvre, y compris pour les petites communes. Ils sont aussi un excellent moyen d’ouvrir l’école sur l’extérieur, sur son environnement, sur les associations qui s’y déploient, et pour dépasser la segmentation qui n’a plus lieu d’être entre temps scolaire, périscolaire et extrascolaire.

Conditionner l’aide à la réalisation un PEDT permettra ainsi de mieux garantir l’intérêt pédagogique des activités proposées et d’avancer vers l’éducation partagée, tout en mettant fin aux dérives de certaines communes, heureusement minoritaires – j’ai en tête une grosse commune de ma circonscription – qui empochent l’argent public sans rien proposer d’autre aux enfants qu’une simple garderie !

Autre point important : la réforme des rythmes ne sera vraiment un levier de démocratisation de l’accès à la culture et au sport que si les activités périscolaires présentent un intérêt pédagogique et sont gratuites. En effet, seule la gratuité garantit l’accessibilité de ces activités à toutes et à tous, quels que soient les moyens des parents.

Toujours concernant les rythmes, un autre aspect doit être pris en compte : seuls 35 % des élèves en situation de handicap auraient accès aux activités périscolaires. L’inclusion doit se faire à tous les niveaux, scolaire, périscolaire et extrascolaire. Un effort budgétaire encore plus important nécessiterait d’être dévolu à cet impératif d’inclusion.

Enfin, l’année dernière, j’avais indiqué nos attentes relatives au comité de suivi de la loi pour la refondation de l’école. Une analyse des conditions de mise en place des dispositifs doit permettre de les adapter, si besoin, et de déterminer les financements nécessaires à la concrétisation des politiques publiques. Je pense notamment à l’ouverture des ESPE à l’ensemble des acteurs œuvrant dans le champ de l’éducation, mais aussi à la question de la place du concours et à celle d’un pré-recrutement allant au-delà des emplois d’avenir professeur.

Dans d’autres domaines, nous aurions aussi besoin de retours sur les crédits alloués et les dispositifs liés à l’innovation pédagogique, sur la scolarisation effective des élèves handicapés, ou encore sur la mise en œuvre de la réforme de l’éducation prioritaire qui fait craindre, à certains endroits, une diminution des aides alors que les besoins demeurent.

Nous voterons évidemment les crédits de la mission « Enseignement scolaire » qui, comme je l’ai dit, vont dans le bon sens, mais je ne doute pas, madame la ministre, que vous saurez être attentive à ces différents enjeux. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et RRDP, et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Claireaux, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Stéphane Claireaux. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je veux affirmer d’emblée que, malgré les déconvenues ou certaines désillusions d’un quinquennat agité, abîmé par une crise économique et financière sans précédent, le Gouvernement tient le cap, avec courage, quant à la politique qu’il mène dans le domaine de l’éducation nationale.

Ainsi, le budget attribué à la mission « Enseignement scolaire » augmentera de façon constante jusqu’en 2017. Il sera de 47,43 milliards d’euros dès 2015, soit une progression de 2,4 % par rapport au budget 2014. D’une manière générale, le budget consacré à l’éducation nationale en 2015 atteindra 66,3 milliards d’euros, soit 2,31 % de plus qu’en 2014. Enfin, la part du budget de l’éducation nationale dans le budget total de l’État sera de 16,15 % en 2015, en augmentation significative par rapport à 2014. Cette année encore, le budget prévu pour l’éducation nationale traduit donc budgétairement une ambition qui s’était elle-même traduite, dès le début du quinquennat, par l’adoption de la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République.

Ainsi, madame la ministre, vous n’avez pas renoncé à poursuivre le mouvement engagé par cette loi en ce qui a trait à la création de postes. Pour la rentrée 2015, le schéma d’emploi prévoit la création de 9 421 postes, dont 5 734 d’enseignants titulaires et stagiaires. En outre, puisqu’il s’agit aussi de recruter des enseignants qualifiés, 3 138 postes participeront à la rénovation de la formation initiale et continue des enseignants. Il faut le rappeler : sous l’ère Sarkozy, la formation professionnelle avait été tout simplement retirée non seulement aux enseignants, mais aussi aux élèves, car ce sont ces derniers qui ont pâti in fine de l’incurie d’une politique qui considérait que l’école pouvait se passer de la pédagogie. La pédagogie revient ainsi au cœur de l’enseignement scolaire, et le groupe RRDP ne peut que s’en féliciter. Un effort accru est accordé à la formation des enseignants : une enveloppe de 1,34 milliard d’euros y sera consacrée en 2015, contre 874 millions en 2014.

Chacun en conviendra, l’éducation nationale est une institution essentielle au sein de la République. Au-delà de l’enseignement des matières fondamentales, c’est à l’école que se construit l’attachement citoyen aux valeurs de la République chères aux radicaux que sont l’humanisme, la fraternité et la laïcité. Dans un pays qui glisse vers l’intolérance, le rejet de l’autre, la xénophobie, l’hostilité à l’Europe et le repli sur soi, il est aujourd’hui plus que nécessaire d’offrir aux élèves des perspectives pour bâtir une société apaisée, plus humaine, empreinte de fraternité et de tolérance. Former les professeurs, c’est ouvrir aux élèves les portes de la connaissance, de l’esprit critique et de l’action citoyenne éclairée.

À côté du nécessaire retour de la pédagogie au cœur de l’enseignement scolaire, je souhaiterais, madame la ministre, aborder la question du statut des assistants d’éducation employés par l’éducation nationale dans le cadre de contrats à durée déterminée d’un an, renouvelables six fois maximum. À l’issue de leur sixième reconduction, ces contrats ont vocation à être transformés en contrats à durée indéterminée. Or, force est de constater que cette pérennisation est loin d’être automatique.

Il s’agit là d’une difficulté à laquelle il semble utile de réfléchir, pour au moins deux raisons. D’une part, il paraît peu compréhensible de se séparer d’un personnel ayant six ans d’ancienneté. D’autre part, ce personnel remplit une mission éducative qui s’inscrit dans une démarche d’individualisation de l’aide scolaire et qui, par conséquent, constitue assurément un moyen efficace pour lutter contre le décrochage scolaire. Or, bien que des progrès aient été constatés depuis 2012, 9,7 % des jeunes âgés de 18 à 24 ans ne possédaient en 2013 ni CAP, ni BEP, ni un diplôme plus élevé, et ne poursuivaient pas d’études ou de formation. Certes, ce pourcentage est inférieur à celui constaté en moyenne au sein de l’Union européenne – 11,9 % –, mais il reste préoccupant eu égard aux chiffres du chômage dans notre pays.

La lutte contre le décrochage scolaire est un enjeu majeur, qui correspond en tout point à la volonté affichée du Gouvernement d’œuvrer en faveur de la réussite scolaire. L’individualisation de l’aide pédagogique est un moyen efficace pour répondre à cette préoccupation, que partage pleinement le groupe RRDP. Permettre aux élèves de se sentir soutenus par des équipes formées et connaissant au plus près leurs difficultés, c’est leur redonner confiance en l’école et leur offrir des perspectives d’avenir. Madame la ministre, nous ne doutons pas que votre engagement dans la lutte contre le décrochage scolaire vous amènera à étudier cette question.

En espérant une action de votre part sur ce point, en adéquation globale avec la politique que vous menez et les crédits de cette mission, sachez, madame la ministre, que vous pouvez compter sur le soutien des députés du groupe RRDP. Nous voterons bien évidemment les crédits de la mission « Enseignement scolaire ». (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Huguette Bello, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Huguette Bello. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avec un budget en augmentation qui s’établit, pour 2015, à plus de 66 milliards d’euros, l’enseignement scolaire redevient le premier poste de dépenses de la nation. Au-delà de ce classement, il faut surtout être attentif aux enjeux qui sous-tendent cette volonté politique et aux perspectives qu’elle dessine.

Les évaluations internationales sont claires et confirment une évolution que tous les acteurs du monde éducatif avaient perçue depuis plusieurs années : la France est devenue la championne des inégalités scolaires. La promesse républicaine d’une école offrant les mêmes chances à tous les enfants est progressivement devenue un vœu pieux, tant le système éducatif renforce les inégalités qu’il devrait résorber. Plus qu’ailleurs, et sans doute même plus que par le passé, les origines sociales et les déterminismes territoriaux pèsent sur la réussite scolaire. Quand on retrouve des niveaux d’inégalité semblables à ceux du XIXsiècle, si l’on en croit notamment Thomas Piketty, c’est une véritable course contre la montre que l’on doit engager si l’on veut sortir de la dangereuse corrélation qui s’est établie entre difficultés sociales et résultats scolaires.

Je suis évidemment très attentive à ce combat contre les déterminismes sociaux. Dans l’académie de La Réunion, le taux de sortie sans qualification à l’issue de la scolarité obligatoire est deux fois plus élevé que la moyenne métropolitaine ; l’échec scolaire concerne 30 % des enfants. Dans la région Réunion, plus de 40 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté.

En même temps qu’elle traduit une prise de conscience des pouvoirs publics, la loi pour la refondation de l’école que nous avons votée a posé les bases d’une nouvelle ambition.

M. Philippe Gomes. Ce n’est pas vrai !

Mme Huguette Bello. Le budget pour 2015 s’inscrit dans cette logique. Mais entre les objectifs de la loi et les moyens budgétaires surgissent des interrogations.

La première concerne l’éducation prioritaire. Une réforme est en cours, mais nous donnera-t-elle les moyens de résoudre le problème de la pénurie d’enseignants que subissent certaines académies et certaines disciplines ? En Seine-Saint-Denis, dans la circonscription de ma collègue Marie-George Buffet, la dernière rentrée a été catastrophique en matière de présence effective des enseignants. Une fois de plus, Pôle Emploi a été appelé à la rescousse et les candidats ont été sollicités par des démarchages téléphoniques. Le dispositif « plus de maîtres que de classes » n’a donc pas trouvé sa pleine application sur tout le territoire, y compris dans le primaire. Il serait intéressant de disposer d’un premier bilan de son déploiement.

La pré-scolarisation des enfants de moins de 3 ans figure parmi les actions privilégiées, mais sa mise en œuvre est encore bien trop timide.

Sans doute faudrait-il considérer davantage, dans les prochaines années, le critère du taux d’illettrisme. Si ce phénomène est généralement constaté en dehors de l’institution scolaire, les risques peuvent être prévenus dès les premières années de scolarisation.

La recherche, voire la traque dans le moindre détail de toutes les causes des échecs, en vue d’y remédier, est une démarche que nous soutenons. Mais nous sommes également attentifs à ce que n’apparaissent pas de nouvelles inégalités. À cet égard, le temps périscolaire doit donner lieu partout à de véritables activités culturelles, sportives et artistiques. Il doit aussi bénéficier de financements correspondants. La récente déclaration du Premier ministre en faveur du maintien du Fonds d’amorçage en liaison avec un projet éducatif territorial ne peut que nous rassurer.

De même, il faudra veiller à l’égale déclinaison du plan numérique sur l’ensemble du territoire. Le plan d’envergure qui vient d’être annoncé ne portera tous ses fruits que s’il intègre la réalité numérique des régions et celle de l’équipement des établissements.

La formation initiale, mais aussi continue, des enseignants, dont chacun a souligné l’importance pour le bon fonctionnement du système scolaire, mérite également la plus grande attention. Les écoles supérieures du professorat et de l’éducation sont en place, leurs crédits sont en forte augmentation, mais l’absence de cadrage national, tant pour les contenus de formation que pour les volumes d’heures, conduit à des différences notables entre les différents masters « Métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation ».

S’agissant de l’enseignement technique et professionnel, l’objectif de 500 000 apprentis d’ici à 2017 est ambitieux. Il risque toutefois de se heurter aux difficultés que rencontrent les jeunes pour trouver des entreprises qui acceptent de les accueillir, surtout en l’absence de toute contrepartie dans le pacte de responsabilité. À cet égard, nous souhaiterions avoir des informations sur la deuxième vague des campus des métiers et des qualifications, dont le développement doit participer à la valorisation de la formation professionnelle.

Je vous remercie, madame la ministre, d’apporter des réponses à nos questions. Pour ma part, je voterai en faveur de votre budget, tandis que mes collègues du Front de gauche s’abstiendront. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. Nous en venons aux questions.

Je vous rappelle que la durée des questions et des réponses est fixée à deux minutes.

Les deux premières questions sont posées par le groupe socialiste, républicain et citoyen.

La parole est à M. Stéphane Travert.

M. Stéphane Travert. Madame la ministre, permettez-moi de me réjouir à nouveau de voir le budget du ministère de l’éducation nationale redevenir le premier budget de notre pays et de la République pour 2015. La priorité donnée à la jeunesse et à notre ambition pour la réussite de tous les enfants de la République et l’égalité des chances trouve ainsi sa pleine traduction.

M. Guy Geoffroy. C’est ce que l’on appelle des éléments de langage !

M. Stéphane Travert. Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur l’objectif du ministère en matière de scolarisation des enfants en milieu rural et la volonté de rééquilibrage au profit des zones les moins favorisées, pour permettre à tous les enfants, où qu’ils grandissent, d’avoir les mêmes chances dans la vie.

Dans les départements ruraux et dans nos communes, l’école constitue l’un des piliers du service public, indispensable non seulement à la vie quotidienne des familles, mais aussi à la vie quotidienne et sociale de nos territoires. Aussi les petites structures scolaires permettent-elles de créer un lien plus étroit entre l’école et les familles, mais aussi entre les enfants et les enseignants. L’école rurale est un modèle, non parce qu’elle est rurale, mais parce que sa structure même permet de favoriser la proximité et la coordination entre tous les acteurs. Ces écoles doivent pouvoir bénéficier des mêmes outils innovants.

Malgré un contexte de baisse des effectifs scolaires en milieu rural, un effort sans précédent est réalisé pour améliorer le réseau scolaire et la qualité des projets scolaires et périscolaires proposés dans nos territoires, notamment à travers le numérique, afin de lutter contre les inégalités. À ce titre, le ministère s’est doté d’une nouvelle direction chargée de mettre en synergie tous les acteurs et partenaires du numérique éducatif au service de la refondation de l’école. De plus, l’éducation aux médias et à l’information, inscrite dans la loi d’orientation et de programmation du 8 juillet 2013, doit être repensée en fonction des supports et outils numériques.

Ma question est la suivante : quelles mesures peuvent être prises pour garantir l’égalité républicaine, pour une école rurale performante et ouverte aux nouveaux outils pédagogiques et innovants ? Quelles sont vos ambitions pour l’école rurale de demain, pour garantir l’égalité des chances et le succès de l’école publique, laïque et républicaine ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Au nom de l’équité territoriale et de la lutte contre les inégalités, je porte, monsieur le député, une grande attention aux départements ruraux. Vous avez raison de souligner que le numérique constitue un formidable potentiel, notamment pour l’école en milieu rural. Il va en effet apporter de nouveaux outils, de nouvelles pratiques pédagogiques, de nouveaux objets de savoir qui possèdent en eux-mêmes, intrinsèquement, la capacité à rétablir l’équité entre les élèves, de lutter contre les difficultés scolaires et de permettre aux élèves de s’adapter aux besoins du monde qui est le nôtre, aux besoins économiques et culturels de notre société.

En faisant le choix, comme nous l’avons fait, d’un grand projet pour le numérique à l’école et dans les collèges en particulier, le Président de la République a souhaité que cela profite à tous les enfants de la République, aussi bien dans les petites communes que dans les zones urbaines. Sachez, monsieur le député, que tous les établissements disposeront à la rentrée de 2016 d’infrastructures numériques adaptées aux besoins de l’école, c’est-à-dire un raccordement de l’établissement avec un débit suffisant pour permettre à tous les élèves de se connecter facilement, un réseau Wifi permettant aux élèves et enseignants de consulter, de partager des contenus pédagogiques, des surfaces interactives pour un usage collectif.

Le plan répond particulièrement à deux enjeux majeurs s’agissant des zones rurales : la fracture numérique, d’une part, et l’isolement, d’autre part. Le numérique permet en effet de s’ouvrir vers l’extérieur à travers l’accès aux ressources innombrables d’internet. Il favorise la découverte de la société civile et des métiers. Voilà pour le premier point, monsieur le député. Je souhaitais vous dire que nous nous attacherons à faire en sorte que l’ensemble des communes puissent en bénéficier.

Le deuxième point concerne la carte scolaire en milieu rural. Je connais les difficultés et je souhaite vous dire que mon ministère y sera attentif. Nous avons engagé une démarche partenariale que nous avons proposée aux départements ruraux dans lesquels les baisses d’effectifs scolaires laissent craindre des fermetures d’écoles. Nous ne voulons plus de cette situation où les élus sont livrés à eux-mêmes, ne sachant pas ce qu’il va leur advenir d’une année sur l’autre.

Nous souhaitons nous engager dans une contractualisation sur trois ans, sur le modèle de qui a été fait dans le département du Cantal ou, plus récemment, dans celui des Hautes-Pyrénées. Chacun de nous, élus locaux d’une part et ministère de l’éducation de l’autre, prenons des engagements : les élus locaux, à reconfigurer le réseau scolaire vers des regroupements pédagogiques ; le ministère de l’éducation à faire en sorte que les postes continuent à être affectés dans ces départements, le temps de la réorganisation afin de ne pas se retrouver sans solutions.

J’espère, monsieur le député, vous avoir rassuré sur ce point. Sachez que vous pouvez compter sur nous.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Corre.

Mme Valérie Corre. Madame la ministre, permettez-moi de me réjouir des moyens alloués à la mission « Enseignement scolaire » qui conforte une nouvelle fois la priorité donnée par le Président de la République à la jeunesse et en particulier à l’éducation. Je ne peux résister au plaisir de souligner que le budget de l’éducation est de nouveau le premier budget de la nation devant les intérêts de la dette. Il était grand temps. Au-delà de ce classement, ce budget traduit la conscience que nous avons de l’importance d’investir dans l’éducation pour préparer un avenir à nos enfants, un avenir à notre pays.

Je me réjouis donc pleinement non seulement des moyens accordés à la priorité au premier degré, à la réforme de l’éducation prioritaire, à la formation, mais également des moyens donnés pour scolariser mieux et plus les élèves en situation de handicap. Oui, l’école inclusive est garantie dans la loi de la refondation de l’école de la République de 2013.

Madame la ministre, la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a favorisé le développement rapide de la scolarisation en milieu ordinaire des enfants et adolescents en situation de handicap, élan qui ne s’est pas démenti depuis.

J’en veux pour preuve l’évolution des effectifs d’enfants en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire ; ces effectifs ont augmenté de plus de 100 % sur les huit dernières années et cette progression a été constatée en premier et en second degré. Mais il ne s’agit pas uniquement d’accueillir ces enfants, encore faut-il les accueillir dans de bonnes conditions.

Madame la ministre, mes questions seront très précises. Combien d’enfants sont accueillis en classe ordinaire ou dans des dispositifs particuliers d’accueil ? Peut-on attendre de nouvelles ouvertures de classes pour l’inclusion scolaire – CLIS – ou d’unités localisées pour l’inclusion scolaire – ULIS – pour les prochaines rentrées ?

Quelle formation initiale et continue pour les enseignants et les équipes éducatives ? Combien d’enseignants spécialisés ou en cours de spécialisation ? Où en est-on du nouveau statut d’accompagnant d’élève en situation de handicap ? Combien en avez-vous recruté et quelle formation peuvent-ils espérer ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Madame la députée, vous avez raison de souligner que, depuis quelques années maintenant, l’école est de plus en plus inclusive, ce dont il faut nous réjouir. Vous avez rappelé que 240 000 élèves en situation de handicap étaient scolarisés dans les établissements du ministère de l’éducation nationale. Cela représente en moyenne une augmentation de 11 % par an.

Au cours de l’année scolaire 2013-2014, c’est en tout 310 900 enfants qui ont été scolarisés à la fois dans des établissements ordinaires et des dispositifs particuliers. Les trois quarts de ces enfants – les 240 000 que j’ai évoqués – le sont dans des établissements ordinaires, et le dernier quart dans des établissements sanitaires ou médico-sociaux. Par ailleurs, 7 500 d’entre eux ont une scolarité partagée entre le milieu ordinaire et un établissement spécialisé.

Environ un tiers des élèves en situation de handicap sont inscrits au sein d’une CLIS pour ce qui est du premier degré ou d’une ULIS pour ce qui est du second degré. Le nombre de CLIS et d’ULIS est en augmentation constante et régulière depuis 2012. Nous allons poursuivre cette augmentation en fonction des besoins réels, tels qu’ils se traduisent par les notifications des maisons départementales des personnes handicapées – MDPH.

Je veux insister aussi sur l’accent que nous mettons sur la formation initiale et tout au long de la vie pour les enseignants et les équipes éducatives. Vous l’avez dit, il ne suffit pas d’accueillir des enfants, ils doivent être entourés d’adultes formés. Aujourd’hui, le handicap est pris en compte dans le tronc commun des écoles supérieures du professorat. Tous les enseignants nouvellement recrutés, de la maternelle à l’université, reçoivent une formation à la scolarisation des élèves en situation de handicap.

En ce qui concerne la formation continue, une formation professionnelle spécialisée est organisée chaque année à l’intention des enseignants qui exercent dans les écoles, les collèges, les lycées qui accueillent des élèves présentant des besoins éducatifs particuliers. Nous y avons ajouté une plate-forme numérique de formation continue, magistère, qui depuis 2013 offre un module général de formation consacré à la scolarisation des enfants en situation de handicap.

Depuis 2012, des ressources sont proposées sur Éduscol à destination des enseignants non spécialisés. C’est important car cela leur permet une connaissance rapide des troubles et des aménagements ou adaptations à mettre en œuvre pour les élèves qui ont des troubles spécifiques.

S’agissant des postes, dans l’enseignement public, il existe aujourd’hui 14 000 équivalents temps plein de postes d’enseignants spécialisés pour les enfants en situation de handicap.

Enfin, le nouveau statut des accompagnants des élèves en situation de handicap – AESH – offre aux personnels concernés une vraie reconnaissance de leurs compétences, des garanties professionnelles sur le long terme, avec un échelonnement indiciaire et une continuité de l’accompagnement tout au long du parcours de l’élève.

Les contrats des AESH qui ont exercé six ans pourront désormais être transformés en CDI. Par ailleurs, nous créons des postes supplémentaires : 350 en cette rentrée 2014 et 350 en 2015. Quant aux contrats aidés, on dénombre 43 000 contrats uniques d’insertion au 1er octobre 2014 pour des fonctions d’accompagnement des élèves en situation de handicap.

M. le président. En tant que gestionnaire du temps de la séance, je me permets, de rappeler que les questions et les réponses ne doivent pas dépasser deux minutes.

Nous en venons maintenant à une question du groupe UMP.

La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Madame la ministre, en commission élargie et aujourd’hui encore, les députés de la majorité se sont plu à rappeler à chacune de leurs interventions que le budget de l’éducation nationale était redevenu le premier budget de la nation, cap hautement symbolique à leurs yeux (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) oubliant au passage de préciser que cela était aussi dû à l’effet mécanique de la baisse des taux d’intérêt de la dette. (Exclamations sur les mêmes bancs.)

Mais mon propos n’est pas là. Oui, la France dépense beaucoup d’argent pour l’éducation de ses enfants…

Mme Sophie Dessus. C’est vrai !

Mme Annie Genevard. …et nul ne contestera la force, l’importance et la légitimité de ce choix politique.

M. Pascal Popelin. Vous l’avez contesté pendant des années !

Mme Annie Genevard. La question qui se pose est celle de l’efficience de cet effort budgétaire, car celui-ci est en fait celui des Français et cela nous oblige. Lorsque votre majorité a décidé de recruter 60 000 fonctionnaires de plus dans ce ministère, c’est une faute de ne pas avoir concomitamment pensé les réformes structurelles dont cette grande maison trop immobile aurait besoin.

Ni le dispositif quantitatif « plus de maîtres que de classes », ni la création des ESPE, qui ne semblent pas différer fondamentalement des IUFM et dont les premiers retours ne sont pas très encourageants, ni la réforme des programmes ou celle de l’évaluation, démarche récurrente, ni même celle des rythmes scolaires ne constituent des éléments qui modifient en profondeur la maison Éducation nationale.

J’ai eu l’occasion de vous le dire en commission, madame la ministre, le métier est à réformer. Du reste, je crois que vous y viendrez, car ce beau métier est tellement dévalué aujourd’hui qu’il n’attire plus, et c’est désolant. À quoi sert-il d’ouvrir des postes si on ne peut pas les pourvoir avec des candidats de qualité ? Où est-il le temps où l’on se battait pour décrocher les postes aux concours si convoités, si espérés ? Cette situation est presque plus préoccupante que nos médiocres résultats aux évaluations internationales.

Madame la ministre, une gestion différente des ressources humaines, quasi inexistante dans votre ministère, est un impératif, de même que la question de l’autonomie des établissements, voie dans laquelle se sont engagés d’autres grands pays qui ont vu s’améliorer la qualité de leur système éducatif.

M. Xavier Breton. Très juste !

Mme Annie Genevard. Il y a là des ferments de progression dans la confiance que les enseignants et les parents doivent retrouver en leur école. J’aimerais avoir votre sentiment sur ces deux points. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Madame la députée, merci de votre question. Nous sommes tous attachés à l’autonomie, qui est du reste reconnue depuis 1985 dans le décret relatif aux établissements publics locaux d’enseignement. De fait, on le constate dans l’organisation des établissements, en classe, en groupes d’élèves, dans l’utilisation des dotations, en heures d’enseignement, sur l’organisation du temps scolaire, les modalités de la vie scolaire. Cette autonomie existe bel et bien et elle se justifie quand il s’agit de donner des marges de manœuvre pédagogiques aux acteurs locaux pour mieux faire face aux situations.

L’autonomie, c’est un moyen de faire réussir les élèves et de faire progresser le système éducatif, je vous rejoins sur ce constat, madame la députée. On la retrouve notamment dans les lycées généraux ou professionnels qui bénéficient d’une large part d’autonomie lorsqu’ils décident de leur volant d’heures ou d’un type d’organisation différencié.

En revanche, je ne suis pas très favorable à une conception libérale de l’autonomie, c’est-à-dire une conception non régulée qui vise à mettre les établissements publics en concurrence les uns avec les autres. Si nous voulons que l’école innove, nous devons piloter cette innovation, c’est-à-dire veiller à ce que les belles innovations changent d’échelle et se généralisent et non pas laisser chacun libre de conduire les expériences sans lendemain qu’il souhaite.

C’est pourquoi dans les réformes que nous conduisons, notamment celle du collège prévue pour l’année prochaine et que vous suivrez de près, je n’en doute pas, nous voulons donner davantage d’autonomie, sortir d’une certaine uniformité et en même temps permettre que l’éducation soit à un même niveau d’exigence et de qualité sur l’ensemble du territoire.

Je vous invite à nous accompagner dans ce travail, car la réforme du collège va nous permettre de mettre en place des approches pédagogiques différenciées, des enseignements complémentaires au tronc commun, qui dépendront en grande partie des projets des équipes pédagogiques dans les établissements. Je crois, madame la députée, que cela va dans le sens que vous évoquiez.

M. le président. Nous en venons à une question du groupe écologiste.

La parole est à M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Je souhaite d’abord exprimer ma satisfaction devant la décision du Gouvernement de maintenir le Fonds d’amorçage pour les rythmes scolaires à son niveau actuel. En effet, la limitation de l’aide de l’État aux seules communes en difficulté pour 2015-2016 à un niveau de 200 millions d’euros au lieu des 400 millions de l’année précédente était très mal vécue par l’ensemble des communes de France.

Les communes qui se sont engagées dans l’accompagnement des nouveaux rythmes scolaires vont pouvoir utiliser l’expérience de l’année en cours pour améliorer le dispositif mis en place parfois rapidement.

Par ailleurs, madame la ministre, vous avez décidé que la reconduction de l’aide de l’État serait désormais limitée aux seules communes engagées par un projet éducatif territorial, excluant de fait une aide financière pour les collectivités qui ne font que de la garderie.

Il n’est pas normal, en effet, que toutes les communes soient traitées de la même façon lorsque certaines ont un vrai projet pédagogique tandis que d’autres n’en ont pas, car les difficultés ne sont absolument pas les mêmes. J’ai été informé par un certain nombre de communes rurales de ma circonscription des difficultés rencontrées pour recruter des animateurs et trouver des directeurs titulaires du BAFA. Ce n’est pas simple, et ces communes ont fait des efforts qu’il est normal de reconnaître.

Cette pérennisation est donc vertueuse. Il s’agit d’une revendication de longue date du groupe écologiste, menée en particulier par ma collègue Barbara Pompili, et cette conditionnalité a été acceptée en commission élargie afin d’assurer l’intérêt pédagogique des activités.

Concernant les activités périscolaires, je souhaite appeler votre attention sur l’accès à ces activités pour les élèves handicapés. En effet, seuls 35 % des élèves handicapés y auraient accès. Or pour être performante, l’inclusion doit être appréhendée dans le cadre d’une continuité éducative entre les temps scolaire, périscolaire et extrascolaire. Cela suppose la mobilisation de moyens, notamment un accompagnement permettant de répondre aux besoins spécifiques des enfants. Dans le cas contraire, les équipes qui interviennent peuvent se sentir démunies, au détriment des élèves en situation de handicap qui risquent de ne pas profiter pleinement de ces activités, voire d’en être exclus.

Les accompagnants des élèves en situation de handicap n’ayant pas vocation à accompagner les élèves concernés en dehors du temps de classe, je souhaite savoir quelles sont les dispositions envisagées afin de garantir l’égal accès des élèves, quel que soit leur handicap, aux activités périscolaires, notamment à celles organisées dans le cadre d’un PEDT, de façon à pouvoir garantir une équité territoriale en la matière. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Monsieur le député, je tiens à vous remercier ainsi que votre groupe – et notamment Mme Barbara Pompili – pour votre soutien. Votre revendication concernant la prolongation du Fonds d’amorçage de la réforme des rythmes scolaires – FARRS – a été entendue.

Vous avez raison de dire que l’État doit continuer à accompagner les communes, mais avec un certain niveau d’exigence, pour ne pas verser d’argent à des communes qui ne mettraient pas en place des activités périscolaires ou qui se contenteraient de faire de la simple garderie.

C’est bien simple : nous voulons le meilleur pour nos enfants. Cette réforme des rythmes scolaires a été faite à la fois pour améliorer leur temps scolaire et pour les ouvrir sur des activités artistiques, culturelles et sportives qu’il est tout à fait possible d’organiser dans les communes. Nous avons un retour d’expérience suffisant de la part des communes qui se sont engagées dans la réforme depuis 2013 pour savoir qu’il n’est pas nécessaire de dépenser des sommes ubuesques pour mettre en place un temps périscolaire de qualité.

C’est pour cela qu’il vous est proposé de reconduire le FARRS, mais à la condition que les communes signent un projet éducatif territorial qui a l’avantage de faire travailler de façon complémentaire l’éducation nationale et les communes sur l’accompagnement de l’enfant avant, pendant et après l’école. C’est cette complémentarité qui rendra notre réforme encore plus pertinente ; je vous remercie donc encore de votre soutien.

Le cas des enfants en situation de handicap relève des mêmes préoccupations de cohérence et de complémentarité. Qu’advient-il des enfants qui ont des auxiliaires de vie scolaire – AVS – pendant le temps périscolaire ? Le fait de s’engager dans un PEDT fournit justement de bonnes conditions pour que l’éducation nationale, qui forme et recrute les AVS, mette ceux-ci à disposition des communes qui souhaitent les engager pour les quelques heures de temps périscolaire afin qu’il n’y ait pas de rupture pour l’enfant.

Voilà une façon vertueuse de travailler. Je répète que le PEDT n’est pas un exercice si compliqué, d’ailleurs nous constatons aujourd’hui que 75 % des petites villes en ont déjà signé un. C’est donc tout à fait réalisable. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions.

Mission « Enseignement scolaire » (état B)

M. le président. J’appelle les crédits de la mission « Enseignement scolaire », inscrits à l’état B.

Sur ces crédits, je suis saisi d’un amendement n236. La parole est à Mme Valérie Rabault, pour le soutenir.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Cet amendement vise à maintenir, pour l’année prochaine, la dotation du Fonds d’amorçage de la réforme des rythmes scolaires. Ce fonds devait permettre d’attribuer une aide de cinquante euros par élève pour toutes les communes, majorée de quarante euros pour les communes bénéficiaires de la dotation de solidarité urbaine ou rurale « cible », que les communes aient, ou non, signé un PEDT – il n’y avait pas d’obligation à cet égard. Ce mécanisme est repris à l’article 55 du présent projet de loi de finances, dont l’objet est de maintenir la majoration de quarante euros, qu’un PEDT ait été signé ou non.

Plusieurs amendements seront débattus cet après-midi afin de réinstaurer l’aide de cinquante euros, mais à la condition que la commune bénéficiaire ait signé un PEDT.

Nous sommes tous d’accord sur ces bancs pour reconnaître qu’un PEDT offre la garantie d’un projet pédagogique favorable pour les enfants. Mais la politique impose aussi de prendre en compte la réalité. Si l’on se penche sur les statistiques du Fonds d’amorçage, notamment pour les départements ruraux, il apparaît que si l’on ne maintenait l’aide de cinquante euros que pour les communes ayant signé un PEDT, 90 % des communes rurales seraient exclues.

Je vous donnerai l’exemple très concret d’un département que je connais bien, le Tarn-et-Garonne. Sur ses 195 communes, 129 ont une école, et parmi ces 129 communes, 13 se sont engagées dans un PEDT, soit 10 %. Et 6 de ces 13 communes ont une population inférieure à 3 500 habitants, soit 4,76 %. Quant aux communes dont la population est inférieure à 1 000 habitants, elles représentent 1,55 %.

Je salue la volonté et la motivation du Gouvernement pour préserver les cinquante euros du Fonds d’amorçage, car c’est une très bonne mesure pour mettre en œuvre la réforme des rythmes scolaires. Il serait néanmoins souhaitable de le faire sans exiger la signature d’un PEDT.

M. Xavier Breton. Très bien !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Parfois, dans les communes de moins de 1 000 habitants, le maire est seul avec son conseil municipal, et le secrétaire de mairie n’est présent que deux jours par semaine. Par conséquent, le maire est amené à écrire seul le PEDT, avec le directeur ou la directrice d’école. Il serait donc souhaitable que cette aide de cinquante euros puisse être maintenue sans condition, qu’un PEDT ait été réalisé ou pas.

Entre 6 000 et 7 000 PEDT ont été signés, qui concernent à peu près la moitié des 52 100 écoles que compte notre pays, mais les zones rurales ne sont pas dans ce cas.

M. le président. La parole est à M. Alain Fauré, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n236.

M. Alain Fauré, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Cet amendement n’a pas été examiné par la commission. Il m’interpelle, mais pas de façon positive. Nous allons examiner plus tard un amendement du Gouvernement concernant le fonds d’amorçage destiné à accompagner l’aménagement des rythmes scolaires, en milieu rural comme en milieu urbain.

Dans mon département rural de l’Ariège, qui n’est pas particulièrement riche, 93 % des écoles ont réussi à mettre en place l’aménagement des rythmes scolaires dès la première année. Cela demande des efforts, c’est vrai, mais ils sont récompensés par l’implication des collectivités, des parents, des enseignants. C’est un travail de groupe qui se met en place.

Le projet de loi de finances ne prévoyait pas le maintien de cette aide de cinquante euros, ni des quarante euros supplémentaires pour les communes en dotation de solidarité urbaine ou rurale « cible ».

Dans un amendement que nous examinerons plus tard, le Gouvernement apporte une réponse. Celle-ci est certes soumise à condition, mais il est normal qu’une condition soit posée à une aide financière. Ce qui nous anime tous, c’est bien la qualité : qualité de l’enseignement pendant le temps scolaire, et qualité des animations réalisées par les adultes qui accompagneront les enfants hors du temps scolaire.

M. Xavier Breton. C’est une question de moyens !

M. Alain Fauré, rapporteur spécial. Il est donc normal que l’aide financière soit conditionnée à l’existence d’un projet éducatif territorial. Je suis sûr que les services de l’État, et notamment les différents rectorats, accompagneront les collectivités : communes seules, syndicats intercommunaux à vocation éducative ou EPCI. L’État est là dans son rôle régalien d’accompagnement de nos collectivités pour veiller à ce que l’éducation, en temps scolaire et hors temps scolaire, se passe bien.

Permettez-moi enfin de délivrer un message en ma qualité de rapporteur spécial sur la mission « Enseignement scolaire » : il ne doit pas y avoir un concours de mise en place d’activités plus ou moins ubuesques. Nous demandons que le temps scolaire ne soit pas consacré à certaines activités qui ont pu interférer avec l’acquisition du socle de connaissances fondamentales que sont le français ou les mathématiques. Il ne faut pas retrouver ce type d’activités hors du temps scolaire. Nous en avons parlé avec la ministre, et comme elle vous le dira, elle va envoyer des notes en ce sens, via les recteurs, aux établissements scolaires, aux parents et aux collectivités.

Je demande donc à Mme Rabault de retirer cet amendement, sinon j’émettrais, à titre personnel, un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Je suis sensible à vos propos, madame Rabault. Je perçois bien, dans votre intervention, la volonté d’être le plus efficace possible, notamment dans les communes rurales ou les petites communes qui peuvent sembler avoir moins de facilités pour conclure des démarches administratives dont on pourrait craindre la complexité. Mais je me vois tenue de vous dire qu’il n’est pas complexe de signer un PEDT.

Vous avez relevé que seules 6 000 communes en avaient signé jusqu’à présent. Si le chiffre est faible, en effet, cela s’explique très facilement par le fait que jusqu’à présent, le PEDT n’était pas imposé aux communes. Seules celles qui faisaient appel à la dérogation ouverte par le décret Hamon – permettant une organisation du temps périscolaire sur une demi-journée – se voyaient demandé de signer un PEDT pour accompagner la mise en œuvre de cette dérogation. Pour les autres communes, il n’y avait pas d’incitation particulière à signer un PEDT, c’est pourquoi elles sont si peu nombreuses à l’avoir fait.

Pour autant, les communes, même petites, ont vite compris leur intérêt à signer un tel projet. En réalité, c’est une façon de mutualiser les ressources de plusieurs acteurs, parfois en passant par l’intercommunalité pour recruter des animateurs qui interviendront ensuite dans plusieurs communes. C’est tout simplement un contrat qui permet de traduire les engagements des uns et des autres par écrit, et d’assurer la cohérence et la complémentarité que j’évoquais précédemment, qui est gage de qualité du périscolaire.

Depuis l’annonce du Premier ministre de la reconduction du FARRS, l’association des petites villes de France a fait une enquête auprès de ses adhérents. Sur les 140 premières réponses de communes comptant entre 3 000 et 20 000 habitants, 76 % des communes interrogées ont déclaré avoir un PEDT. C’est le signe qu’elles sont désireuses de s’engager dans un tel travail, et qu’elles le font.

J’ai oublié de préciser que parmi les acteurs qui sont signataires du PEDT, on trouve bien sûr la CAF – c’est un élément extrêmement important.

Cela dit, j’entends vos remarques, madame la députée, et nous allons veiller à offrir un accompagnement spécifique aux petites communes pour conclure ce PEDT. Je m’y suis engagée, et je demanderai à mes services, notamment aux rectorats, de travailler avec souplesse pour que les choses se fassent de façon opérationnelle, efficace et sans imposer de démarches trop lourdes.

Comptez sur notre engagement. Ce que nous voulons, c’est que cette réforme des rythmes scolaires se pérennise, que le temps périscolaire soit installé partout, et nous estimons que la bonne façon pour y arriver est de continuer à accompagner les communes tout en ayant une exigence de qualité.

M. Luc Belot. Exactement !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Sans une telle exigence, nous pourrions nous retrouver dans des situations qui ne sont pas acceptables, où des villes perçoivent des financements sans jamais prendre aucun engagement et en plaçant les parents dans les difficultés que nous connaissons. Je demande donc le retrait de l’amendement, sinon mon avis sera défavorable. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Je tiens tout d’abord à préciser que je voterai cet amendement, et je pense que mes collègues du groupe UMP le feront également, car, dans cette affaire très complexe, cela me semble un moindre mal par rapport à tout ce qui nous attend.

Ma première remarque porte sur le concept même de fonds d’amorçage. Un peu d’histoire : au début, on nous a dit que les bons élèves, ceux qui accepteraient en 2013 d’entrer dans la réforme des rythmes scolaires, auraient un peu d’argent et que ceux qui se feraient tirer l’oreille n’auraient rien. Ensuite, comme s’il fallait mettre un peu de baume sur les plaies, on nous a dit qu’en 2014 tout le monde y aurait droit, pratiquement sans aucune demande complémentaire. On voulait du nombre et on a affirmé qu’on atteignait presque une participation de 100 %. Et puisque les maires râlaient, on a décidé de prolonger le Fonds d’amorçage jusqu’à la rentrée prochaine, mais en l’assortissant de conditions.

Tout cela ne manque pas de toupet ! La réforme des rythmes scolaires est en effet une décision de l’État imposée aux communes : l’État donne un peu d’argent, puis prolonge un peu le financement. Or, ces fonds, comme le savent bien ceux qui président à une gestion municipale, ne représentent dans le meilleur des cas que 50 % – et la plupart du temps qu’un tiers – de la dépense effective réalisée par les communes.

Avoir des exigences lorsqu’on impose à d’autres ses propres décisions et qu’on ne leur accorde qu’un tiers du financement, c’est, si vous me permettez cette expression, un peu gonflé ! Si vous voulez que les communes accompagnent vos décisions, donnez-leur les moyens de le faire.

En outre, ne parlez pas de fonds d’amorçage, car ce terme laisse penser que vous abandonnerez les communes et les intercommunalités à leur triste sort lorsque vous aurez décidé que ce n’est plus votre affaire, mais la leur, et que cela concerne leur budget, leurs dépenses, leurs recettes et, bien sûr, leur fiscalité. Parlez plutôt de fonds d’accompagnement pérenne de la réforme des rythmes scolaires et n’ayez pas l’exigence un peu outrecuidante de demander des comptes à ceux à qui vous imposez des obligations sans leur donner les moyens d’y faire face !(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Yves Durand.

M. Yves Durand. Je partage pleinement, ainsi que mes collègues qui siègent de ce côté-ci de l’hémicycle, la préoccupation de Mme Rabault de voir la réussite de la réforme des rythmes scolaires. Cette réforme repose essentiellement sur deux éléments qui figurent dans la loi que nous avons votée : un nouveau temps scolaire – c’est la réforme des rythmes – et l’accompagnement par un projet éducatif territorial, qui bâtit une cohérence entre ce qui se fait à l’intérieur de l’école et au cours des activités périscolaires. Nous voulons tous voir réussir cette cohérence.

Voilà pourquoi, après des discussions fructueuses dont je remercie le Gouvernement, le Premier ministre et vous-même, madame la ministre, nous parvenons, après une tentative de diminution, au rétablissement du fonds d’amorçage ou d’accompagnement, mais conditionné à l’existence d’un PEDT – ce qui est tout à fait normal, car c’est le fond même de la loi. Ne faisons pas du PEDT un processus qui devrait être immédiatement abouti. Il s’agit en effet que le maire et les différents acteurs concernés – parents d’élèves, directeurs d’école, enseignants et équipe éducative –, qui du reste apprennent ainsi à travailler ensemble, se mettent autour d’une table pour commencer à bâtir un projet. L’important, c’est qu’il y ait cette volonté.

Conclure un PEDT peut être difficile pour les petites communes rurales. Il faut donc que les services de l’éducation nationale aident celles-ci et, peut-être, leur donnent un peu de temps – par exemple jusqu’à la prochaine rentrée scolaire – pour la mise en place du PEDT.

Madame la ministre, nous débattrons prochainement d’un amendement dont je suis l’un des auteurs, avec d’autres collègues du groupe socialiste, et qui tend à rétablir le Fonds d’amorçage sous condition du PEDT : peut-être pourriez-vous, car c’est de votre ressort, le sous-amender pour préciser que, dans les communes de moins de 5 000 habitants, les services de l’éducation nationale aideront à la mise en place des PEDT dans les dix mois, d’ici à la rentrée prochaine. Nous aurons alors répondu à la juste préoccupation de Mme Rabault. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Karine Berger.

Mme Karine Berger. Pour faire écho à la proposition de M. Durand et en soutien à la démarche de Mme Rabault, j’invite tous mes collègues à demander quelle est la situation dans leur circonscription, comme je l’ai fait dans celle dont je suis élue, où 37 communes ont des écoles et sont donc concernées par les rythmes scolaires. Une seule de ces communes dispose d’un PEDT. Deux communes, gérées par des candidats de droite malheureux aux élections sénatoriales, refusent de mettre en place la réforme des rythmes scolaires sous forme éducative et se contentent de garderies.

Restent donc 34 communes qui jouent le jeu à fond et ne disposent pas de PEDT. Or, trois d’entre elles, qui ont lancé une demande de PEDT auprès de l’inspection d’académie, sont encore en négociations au bout de six mois. Si vous nous affirmez que, d’ici à six mois, l’inspection d’académie, ayant reçu dans les semaines prochaines les PEDT de toutes les communes de France, pourront y apporter une réponse rapide et ayant fait l’objet d’une concertation vraiment constructive avec nos maires – ceux de L’Épine, de Trescléoux ou de Veynes –, je suis prête à toper avec vous. Sur le terrain, cependant, telle n’est pas aujourd’hui la réalité des choses.

Si donc nous devons écrire dans la loi que, pour que la condition de PEDT soit mise, c’est à l’inspection d’académie de prendre ses responsabilités, et non pas aux maires des petites communes, nous souscrirons évidemment à votre démarche.

M. le président. La parole est à Mme Barbara Pompili.

Mme Barbara Pompili. Nous ne pouvons en rester à la situation actuelle, dans laquelle des communes empochent l’argent sans faire le moindre le moindre effort, car les premières victimes sont les élèves. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Xavier Breton. Tout le monde fait des efforts ! Quel mépris pour les élus locaux !

Mme Barbara Pompili. Je le vis dans ma circonscription, où certaines communes sont grosses et d’autres toutes petites, comptant parfois 200 habitants et connaissant donc des problèmes très spécifiques. Or, celles de ces communes où la réforme des rythmes scolaires fonctionne sont celles où l’on a mis tout le monde autour de la table. Il ne s’agit pas là d’angélisme, mais on voit bien que, quand un maire est tout seul, il est très difficile pour lui de trouver des solutions – qu’il s’agisse de moyens de transport pour conduire les élèves sur les lieux des activités périscolaires, de locaux pour ces activités ou de l’embauche d’animateurs formés.

Réunir tout le monde autour de la table produit de l’intelligence collective : d’un coup, on trouve des solutions beaucoup plus largement acceptées par les enseignants et par les parents. De tels projets sont réalisés à l’échelle de regroupements de communes et permettent de mutualiser des moyens. Certaines communes qui n’avaient pas à elles seules les moyens d’embaucher ont ainsi pu le faire en s’associant à d’autres, ce qui leur a permis de donner du travail à temps plein à des animateurs qui en ont bien besoin.

Les communes qui ont fait un PEDT ont pu s’en sortir. D’autres ne savaient même qu’elles pouvaient en faire un et, lorsque je leur en ai parlé, elles ont trouvé que c’était une bonne idée. Il est facile de faire un PEDT, surtout avec l’aide de l’inspection académique. Cette démarche est vertueuse et aidera la réforme des rythmes à se mettre en place. Elle aidera les maires, les parents et les enseignants. N’aidons plus ceux qui ne jouent pas le jeu – et qui, pour la plupart, se comportent ainsi non pas par manque de moyens, mais parce qu’ils ne veulent pas jouer le jeu.

M. Xavier Breton. Ce n’est pas vrai !

Mme Barbara Pompili. Aidons ceux qui jouent le jeu !

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Décidément, cette réforme des rythmes scolaires est votre chemin de croix et restera dans les annales de la jurisprudence de ce qu’il ne faut pas faire. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous avez touché au principe de la libre administration des collectivités locales et vous ne cessez de le payer. La méthode selon laquelle l’État décide et les communes doivent payer ne marche pas, comme vous en faites aujourd’hui la démonstration avec un clivage frontal sur la question du Fonds d’amorçage.

Madame Rabault, et vous, chers collègues qui vous êtes exprimés, vos propos sont une illustration de la distance qui sépare ceux qui sont sur le terrain et connaissent la réalité des choses en raison du dialogue qu’ils entretiennent avec les collectivités, d’une technostructure très éloignée du terrain. C’est flagrant. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Alain Fauré, rapporteur spécial. C’est la meilleure ! Ce sont les députés hors-sol qui viennent nous donner des leçons !

Mme Annie Genevard. Le territoire national est à 80 % rural – telle est la réalité humaine et géographique de notre pays. Il faut que vous réalisiez que ces territoires ruraux connaissent l’asymétrie de l’information et de l’ingénierie territoriale, comme on le voit à propos des projets éducatifs territoriaux.

En outre, ce qui a prévalu dans la mise en place des activités périscolaires et de la réforme des rythmes, c’est l’idée, souvent évoquée par M. Vincent Peillon, de l’égalité des enfants face à la culture dispensée durant le temps périscolaire. Il s’agissait arracher l’élève à ses déterminismes. C’est une belle idée mais, pour la garantir, les communes doivent être à égalité, ce qui n’est aujourd’hui pas le cas.

Enfin, madame la ministre, je souhaiterais que vous sortiez d’une vision manichéenne qui oppose les bonnes communes – celles qui mettent en place des activités périscolaires de qualité, nobles et remplissant intelligemment le temps – et les méchantes communes, qui méprisent les enfants et leurs familles et qui mettent en place de la garderie. Croyez-vous qu’après six heures de cours dans la journée, un jeune enfant ou un petit enfant soit encore réceptif à l’apprentissage ? Prendre un livre ou jouer à un jeu de société, ce n’est pas mal non plus.

M. le président. La parole est à M. Philippe Gomes.

M. Philippe Gomes. Le groupe UDI l’a l’intention de soutenir cet amendement. Il a été rappelé à juste titre que notre pays compte 31 000 communes de moins de 1 000 habitants, où la situation est plus compliquée que dans des communes urbaines plus importantes, et que la mise en place d’un projet éducatif territorial, si elle a sa pertinence, doit être accompagnée dans le temps.

Ne pourrions-nous pas sortir d’un système purement coercitif qui consiste à donner de grands coups de bâton aux communes pour les obliger à faire quelque chose, comme si vous vouliez faire rendre gorge à quelques vilains petits canards ? Essayons d’adopter une autre philosophie. Oui, le projet éducatif est indispensable dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires. Oui, il doit être mis en place par les communes. Oui, les services de l’éducation nationale doivent accompagner en temps utile les demandes des communes. Pourquoi cependant contraindre une nouvelle fois les communes à le faire immédiatement, sous peine de ne pas recevoir d’argent, alors que, dans le dispositif actuel, les dépenses qu’elles exposent ne sont déjà compensées que pour moitié, sinon pour un tiers ?

L’amendement de Mme Rabault est un amendement de bon sens. Accompagnons les communes pour les inciter à mettre en place un projet éducatif territorial à échéance de deux ans et, j’en suis sûr, 90 % des communes l’auront fait, sans pour autant l’avoir fait sous la contrainte. Madame la ministre, mon intervention ne veut être qu’un appel à la raison et au bon sens, grâce auxquels cette réforme des rythmes scolaires, engagée à la hussarde,…

Plusieurs députés du groupe SRC. Vous pensez aux hussards noirs de la République ?

M. Philippe Gomes. …pourra devenir véritablement productive pour notre système éducatif.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Le débat qui nous anime vient de loin – au moins de la réunion de la commission élargie à laquelle vous avez participé, madame la ministre, avec certains de nos collègues ici présents, membres de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, et durant laquelle nous nous étions saisis de la nécessité de remettre au bon niveau le Fonds d’amorçage. Plusieurs amendements avaient du reste été préparés pour cette réunion de la commission élargie, dont la plupart – sauf un, miraculeusement – ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution.

Nous nous retrouvons donc aujourd’hui en séance publique avec – c’est l’élément politique majeur – une volonté commune du Gouvernement et de sa majorité d’abonder le Fonds afin de permettre à tous les enfants de France, où qu’ils se trouvent, de bénéficier d’activités périscolaires de qualité, confirmant le choix fait lors de l’examen et du vote du projet de loi de refondation de l’école de la République.

Bien que notre discussion porte sur un amendement déposé à l’article 32, la solution se trouve en réalité dans les trois amendements présentés par les trois groupes SRC, RRDP et écologiste à l’article 55, solution qui présente l’avantage majeur, madame la rapporteure générale, grâce à la levée du gage par le Gouvernement née de la déclaration du Premier ministre devant le Sénat mardi après-midi,…

M. Xavier Breton. Ah ? C’est nouveau : on saura s’en rappeler !

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. …de ne pas nécessiter de transfert de crédits. En effet, l’inconvénient de votre amendement, et vous en avez vous-même conscience, c’est d’impliquer un transfert de crédits, c’est-à-dire de prélever 250 millions d’euros quelque part pour les transférer sur le Fonds d’amorçage. De ce fait, je voudrais que nous prenions en compte, parce que c’est essentiel, le fait que nous trouverons la solution lorsque nous examinerons les amendements à l’article 55, avec l’extraordinaire avantage d’éviter tout transfert de crédit.

Je comprends les préoccupations que vous avez exprimées avec quelques-uns de nos collègues, et je me tourne plutôt du côté gauche de l’hémicycle – ne m’en voulez pas, chers collègues de l’opposition :…

M. Xavier Breton. C’est provisoire !

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. …je vous regarde suffisamment lorsque je préside notre commission ; mais j’ai en l’occurrence la volonté de convaincre ceux qui depuis toujours soutiennent l’aménagement des rythmes éducatifs,…

M. Xavier Breton. De tenter de convaincre !

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. …plutôt que ceux qui l’ont toujours combattu et qui profitent de l’opportunité du débat que nous avons aujourd’hui pour trouver quelques vertus à l’amendement déposé par Mme la rapporteure générale.

Mme Annie Genevard. Pas du tout !

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. C’est votre choix – nous sommes quelques-uns ici à avoir joué le même jeu, ou tout du moins le même rôle, lorsque nous étions dans l’opposition : c’est de bonne guerre !

Mais tous ici sur ces bancs, nous sommes pour la réussite de l’aménagement des rythmes éducatifs. Étant tous, d’où que nous soyons élus, et moi le premier, des élus de la nation, l’aménagement des rythmes éducatifs dans toutes les communes de France nous intéresse tous, les uns comme les autres. Ayons donc à l’esprit ce que Mme la ministre a d’ores et déjà exprimé et qu’elle va sans doute rappeler : le projet éducatif territorial est issu de l’adaptation par le ministre Benoît Hamon du premier dispositif mis en place afin de fixer un critère relatif aux activités périscolaires proposées par les communes.

Vous arguez du fait que les PEDT sont des documents difficiles à élaborer et que les petites communes manquent de moyens. Vous avez entendu la réponse de Mme la ministre : le PEDT est un contrat écrit entre la commune et les services du rectorat, le rectorat étant là pour contribuer à la rédaction de ces documents.

En l’occurrence, il est évident que peu de PEDT ont été élaborés jusqu’à présent puisque ce n’était pas une obligation ; ces documents montent donc en puissance. Pour autant, le PEDT ne sera pas un obstacle pour les petites communes ; ce sera au contraire une garantie.

Pour conclure, nous sommes ici, où que nous siégions, garants de la bonne utilisation de l’argent public. De ce fait, l’argent public que nous mettons dans ce fonds d’amorçage pour des activités périscolaires doit aller effectivement à l’organisation d’activités périscolaires : telle est notre responsabilité. Nous devons donc inscrire dans la loi des garanties dans ce but, et cela passe par le PEDT bien entendu, au-delà des circulaires que Mme la ministre pourra envoyer aux services qui dépendent d’elle afin d’aider les petites communes à rédiger ces documents.

C’est donc avec toutes les garanties apportées par ce débat que nous pouvons, et je m’adresse ici aux députés de la majorité, faire le choix de soutenir les trois amendements déposés à l’article 55, qui répondent à la demande qui nous rassemble toutes et tous. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC et sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Alain Fauré, rapporteur spécial. En tant que représentant de la commission des finances, je réitère mes propos : de nombreuses explications m’ont été données par Mme la ministre ; de plus, M. le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation a rappelé les engagements pris. Ce projet éducatif territorial est incitatif et vise à faire travailler en commun écoles, enfants, parents et collectivités pour conduire un projet. Il est également une sécurité pour assurer que les prestations apportées aux enfants hors temps scolaire soient qualitatives et sérieusement conduites dans chaque collectivité ou école de France.

Outre la qualité, je veux évoquer un point important : notre collègue Mme Genevard a parlé tout à l’heure de « chemin de croix » s’agissant de l’instauration de l’aménagement des rythmes scolaires. Il ne faut pas exagérer ! Nous n’en sommes plus à la création de l’école publique, gratuite et laïque dans ce pays, laquelle en effet avait généré des bagarres et des batailles vraiment fortes. Les besoins et moyens à mettre en place à l’époque étaient énormes ! C’était une nouveauté puisqu’il fallait même construire les bâtiments. Or nous n’en sommes pas là : les collectivités – à commencer par les vôtres ! – ont déjà fait des efforts pour l’accueil périscolaire. Il ne reste plus qu’à majorer légèrement ces efforts. Le Gouvernement, au travers de l’article 55 et de l’amendement qu’il nous propose, s’engage à apporter une somme supplémentaire. Cela ne déséquilibrera pas le budget prévu, contrairement aux 250 millions que vous proposez de réaffecter, madame Rabault.

Mme la ministre ayant apporté toutes les garanties, je vous propose donc de retirer cet amendement. En outre, au sein de la majorité, les groupes écologiste, SRC et RRDP sont d’accord. Il serait judicieux de bien nous entendre et de travailler pour le bien commun de nos enfants.

Mme Karine Berger. Amen !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Quelques mots pour conclure, je l’espère, cette discussion : je rappelle en premier lieu que, sitôt que le Premier ministre a donné son accord pour que nous acceptions l’amendement déposé par la majorité reconduisant le FARRS, sous condition de l’existence d’un PEDT, j’ai évidemment pris contact avec l’ensemble des associations d’élus. Il est quand même surprenant que ni l’Association des maires de France, ni l’Association des petites villes de France, ni l’Association des maires ruraux de France n’aient trouvé à redire à ce mécanisme dans lequel l’État assure en effet un accompagnement. Mais dans un contexte où les finances publiques sont évidemment contraintes, l’État s’inquiète de ce que devient l’argent qu’il met à disposition des communes et a une exigence minimale.

M. Régis Juanico. Très bien !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Deuxième point : j’ai entendu sur plusieurs bancs qu’il serait terrible de demander aux communes de signer immédiatement un PEDT. Mais qui a dit que cela devait être immédiat ? Vous savez pertinemment que, pour l’année scolaire 2014-2015, le Fonds d’amorçage est d’ores et déjà provisionné et que l’aide sera versée à toutes les communes, sans rien vérifier de ce qu’elles en font. Le Fonds est provisionné à hauteur de 400 millions d’euros, et la première tranche de cette aide est d’ailleurs versée en ce moment même. À Marseille, où j’étais il y a deux jours, 2,2 millions d’euros tombent dans les caisses de la ville en cette fin du mois d’octobre, comme dans toutes les communes. Ainsi, d’une certaine façon, les communes disposeront de toute l’année 2014-2015 pour utiliser cette aide et préparer tranquillement ce dont nous sommes en train de parler, à savoir l’année 2015-2016. Elles ont donc huit mois devant elles, au bas mot, pour travailler sur ce PEDT.

Je répète que j’ai déjà demandé à mes services, sans attendre cette discussion, d’élaborer des modèles pour aider les communes, en particulier les plus petites d’entre elles, de se mettre à leur disposition et de travailler avec les associations d’élus à ces modèles de PEDT assouplis, faciles et opérationnels. La première réunion entre associations d’élus et mes services pour définir ce modèle simple à destination des petites communes aura du reste lieu jeudi prochain. Quand on sait tout cela, on se rend compte que la meilleure réponse qui puisse être apportée aujourd’hui aux besoins des communes et en même temps à l’ambition que nous avons pour la réforme des rythmes scolaires, c’est bel et bien celle préconisée par les amendements qui suivent. Je vous invite donc à nouveau, madame Rabault, à retirer votre amendement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Rabault.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. J’ai bien entendu tous les arguments. Je suis parfaitement consciente qu’un PEDT a vocation à garantir un projet pédagogique pour les enfants : sur ce point, nous sommes tous d’accord. Je serais prête à retirer mon amendement si l’amendement du groupe SRC était sous-amendé par le Gouvernement pour que soit ajoutée la précision suivante : « L’inspection académique accompagne les communes de moins de 5 000 habitants dans la rédaction d’un PEDT. En l’absence de PEDT au 30 juin 2015, l’inspection académique propose une écriture du PEDT et le fait valider par la commune concernée ».

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Cela peut faire l’objet d’une circulaire !

M. le président. Vous retirez donc votre amendement, madame Rabault ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je le retire si j’ai un engagement que ce sous-amendement sera adopté.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Madame Rabault, je vais vous inviter dans mon bureau pour que nous écrivions les choses ensemble ; mais ne donnons pas valeur législative à ce qui n’a pas valeur législative.

Ce dont vous me parlez relève d’une circulaire : cela fera donc l’objet d’une circulaire. Ainsi que je vous l’ai dit, j’ai demandé à mes services de travailler pour que les choses se fassent de façon opérationnelle et souple. Nous le ferons, j’en prends l’engagement !

M. le président. L’engagement étant pris, votre amendement est-il retiré, madame Rabault ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. J’entends bien que nous sommes tous des élus : il n’y a pas d’un côté des élus de proximité et, de l’autre, des élus qui ne le seraient pas. Cela étant, nous avons tous des remontées de terrain. Je souhaite vraiment, parce que c’est un engagement important vis-à-vis des écoliers, que les communes soient véritablement accompagnées par l’inspection académique – rappelons que seulement 1,55 % des communes de moins de 1 000 habitants ont signé un PEDT –, que cet engagement soit fort et qu’il soit écrit à l’ensemble des rectorats afin de favoriser la rédaction des PEDT. Il ne faudrait pas en effet que nous nous retrouvions l’année prochaine, dans cet hémicycle, dans une situation où un certain nombre de communes de France auraient perdu les 50 euros par élève au motif qu’elles n’auraient pas été en mesure d’écrire ce PEDT. Ces remarques étant faites, je retire mon amendement.

M. Xavier Breton. Nous le reprenons !

(L’amendement n236 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n204.

M. Xavier Breton. Cet amendement s’inscrit dans la suite du précédent, avec une modification des montants. J’en profite d’ailleurs pour insister sur la difficulté que nous avons à obtenir des chiffres concernant le Fonds d’amorçage. Il serait utile, madame la ministre, que vous nous éclairiez sur le montant de ce fonds pour l’année en cours et pour la rentrée scolaire 2015-2016, afin que l’on puisse y voir clair.

Par ailleurs, nous avons présenté cet amendement parce que ceux que nous avions voulu déposer en commission à l’article 55 ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40, au motif qu’ils créeraient une charge. Cela pose aujourd’hui la question de la recevabilité, voire de la constitutionnalité, des amendements nos 221 et 228.

Tout à l’heure, le président de la commission nous a indiqué que le gage aurait été levé par un discours du Premier ministre devant le Sénat : voilà qui est nouveau ! Il serait intéressant de voir si nous pouvons déposer des amendements en nous appuyant, par exemple, sur les propositions du candidat François Hollande, en rappelant qu’il les avait inscrites dans son programme ! Je vous promets dès lors des débats budgétaires passionnants dans les jours et les semaines à venir ! Quoi qu’il en soit, cela interroge sur la méthode, car nous avons le sentiment d’un « Deux poids, deux mesures » !

Nous avons proposé des amendements en commission ; nous avons proposé à midi des sous-amendements qui visaient à revenir sur cette exigence de projet éducatif territorial et d’activités périscolaires de qualité. Nous savons bien en effet que si les communes, notamment les plus défavorisées, ne s’engagent pas ou s’engagent difficilement dans cette voie, ce n’est pas par mauvaise volonté – il y a peut-être quelques cas, mais ils sont vraiment très marginaux. Pour l’essentiel, il s’agit de communes qui n’ont pas les moyens de le faire, soit parce qu’elles n’ont pas les structures adaptées, soit parce qu’elles n’ont pas l’expérience, soit parce qu’elles n’ont pas les moyens budgétaires. Les montrer du doigt, comme on est en train de le faire, je trouve cela scandaleux !

Nous avons en fait l’impression que vous cherchez à faire des économies. En effet, et j’en reviens à ma question sur le chiffrage exact, le Fonds d’amorçage n’augmentera finalement pas beaucoup par rapport à votre proposition initiale, parce que peu de communes en bénéficieront. Vous allez en réalité faire des économies sur le dos des communes défavorisées. Cela rappelle le congé parental : vous avez fait des économies en prétextant l’égalité ; aujourd’hui, vous faites des économies avec les rythmes scolaires en prétextant la qualité des activités périscolaires. Nous dénonçons ces manières de faire !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Fauré, rapporteur spécial. Cet amendement n’a pas été examiné en commission des finances, mais j’y suis défavorable à titre personnel pour les motifs déjà exposés.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Avis défavorable pour toutes les raisons que nous avons développées.

M. Xavier Breton. Et les chiffres ?

(L’amendement n204 n’est pas adopté.)

(Les crédits de la mission « Enseignement scolaire » sont adoptés.)

M. le président. J’appelle maintenant l’article 55 du projet de loi, rattaché à la mission enseignement scolaire.

Article 55

M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement n333.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Cet amendement a simplement pour objet de préciser les modalités selon lesquelles les communes reversent aux établissements publics de coopération intercommunale à qui elles ont transféré des compétences en matière scolaire les aides qu’elles ont reçues au titre du Fonds d’amorçage pour la réforme des rythmes scolaires.

Ainsi, les aides du FARRS seront reversées aux EPCI dès lors que ces derniers supportent les dépenses relatives à l’organisation des activités périscolaires des écoles et non plus seulement leurs dépenses de fonctionnement.

Il s’agit de clarifier des dispositions qui n’étaient pas toujours comprises dans les territoires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Fauré, rapporteur spécial. La commission donne un avis favorable à cet amendement qui permet en effet de clarifier des dispositions insuffisamment explicites.

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Je voudrais faire à Mme la ministre une remarque de principe, dont j’espère qu’elle ne me tiendra pas rigueur.

Elle a en effet justifié son refus de la proposition de Mme Rabault par le fait que celle-ci n’était pas du domaine de la loi. C’est parler d’or. Décidons donc une bonne fois pour toutes que cette règle s’appliquera à toutes les propositions de tous les Gouvernement et de chacun de nous. Nous aurions alors fait un grand pas.

Il eût été sage que le Gouvernement acceptât cette proposition très simple et claire qui avait le mérite d’exprimer simplement ce qui aurait pu, je crois, tous nous réunir.

(L’amendement n333 est adopté.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour un rappel au règlement.

M. Xavier Breton. Mon rappel au règlement, se fondant sur l’article 58, alinéa premier, relatif à l’organisation de nos débats, est motivé par le fait que les amendements que nous allons examiner posent un problème de recevabilité.

En effet, ces amendements, qui visent à élargir le périmètre du Fonds d’amorçage, tendent à créer une charge nouvelle, ce qui est un motif d’irrecevabilité au titre de l’article 40. On nous dit qu’ils sont gagés par le fait que le Premier ministre a par avance annoncé, lors de son discours devant le Sénat, que la ministre de l’éducation nationale soutiendra les amendements déposés ce matin par les groupes SRC et RRDP – qu’en est-il d’ailleurs de celui du groupe écologiste ? Je souhaite donc savoir, Monsieur le Président, si nous serons appelés à nous prononcer sur les trois amendements et ce qu’il en est de leur recevabilité.

Qu’en est-il par ailleurs de l’amendement soutenu par le groupe écologiste ?

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Que les choses soient claires : les amendements des groupes SRC et RRDP, qui sont identiques, ont été déposés, avant l’expiration du délai de dépôt, mardi à 13 heures, puis régulièrement transmis à la commission des finances pour que celle-ci vérifie s’ils satisfaisaient aux conditions de recevabilité posées par l’article 40.

À partir du moment où, à 17 heures, le Premier ministre a pris l’engagement devant le Sénat que le Gouvernement soutiendrait ces amendements, la commission des finances a estimé assez raisonnablement que l’article 40 ne s’appliquait pas au regard de l’avis favorable déjà donné par le Premier ministre.

Quant à l’amendement de notre collègue Barbara Pompili, dont je salue la mobilisation dès nos travaux en commission, vous aurez remarqué qu’il est identique aux amendements du groupe SRC et du groupe RRDP, et donc recevable au même titre qu’eux.

Vous pouvez donc être rassuré, monsieur Breton : la procédure a été totalement respectée.

Article 55 (suite)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 221, 228 et 347.

La parole est à M. Yves Durand, pour soutenir l’amendement n221.

M. Yves Durand. Je me réjouis de soutenir une proposition commune à nos trois groupes. Le fait qu’elle soit portée par l’ensemble de la gauche est important pour la poursuite de la réforme des rythmes scolaires, qui n’est qu’une partie de la refondation de l’école de la République.

Je ne reviens pas sur le débat que nous avons eu tout à l’heure. Les projets éducatifs territoriaux, les PEDT, sont en effet une partie intégrante de cette refondation. C’est donc une bonne chose que de conditionner le bénéfice des aides du Fonds d’amorçage à l’établissement d’un tel projet.

Ces amendements visent surtout à permettre que la prorogation du Fonds d’amorçage pour l’année scolaire 2015-2016 permette aux communes de mettre en place cette réforme absolument essentielle.

Nous avons eu à ce sujet un débat fructueux avec Mme la ministre, M. le Premier ministre et avec l’ensemble du Gouvernement, avec le soutien de toutes les associations de communes, notamment l’Association des petites villes de France, dont le président a d’ailleurs signé notre amendement.

Je vous invite donc à voter cet amendement, qui maintient le fonds d’accompagnement de la réforme des rythmes scolaires et qui la rend plus juste en permettant de concentrer l’effort là où il est le plus nécessaire.

M. le président. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour soutenir l’amendement n228.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Le groupe RRDP a déposé mardi matin, avant 13 heures, cet amendement visant à ce que la prorogation du Fonds d’amorçage pour la réforme des rythmes scolaires durant l’année scolaire 2015-2016 bénéficie à toutes les communes qui organisent des activités périscolaires de qualité.

En effet, l’organisation de telles activités dans les écoles maternelles et élémentaires représente un coût important pour les communes, alors que celles-ci sont confrontées par ailleurs à des difficultés financières dues à la conjoncture actuelle.

Pour accompagner financièrement les communes, l’article 67 de la loi du 8 juillet 2013 a institué un fonds d’amorçage pour la réforme des rythmes scolaires, qui accorde une aide forfaitaire de base de cinquante euros par an par élève à toutes les communes, destinée à soutenir la mise en œuvre d’accueils périscolaires. À cette aide s’ajoute une majoration forfaitaire de quarante euros pour les communes les plus défavorisées.

Dans sa rédaction actuelle, le projet de loi de finances prévoit de proroger ce dispositif d’aide pour l’année scolaire 2015-2016 pour sa composante majorée, c’est-à-dire exclusivement pour les communes les plus en difficultés, éligibles à la DSU ou à la dotation de solidarité rurale, ou les communes des départements d’outre-mer bénéficiant de la quote-part de la dotation d’aménagement.

Or s’il convient bien sûr de soutenir les communes les moins favorisées, l’aide de l’État ne peut nullement se limiter à celles-ci.

C’est pourquoi notre groupe, comme d’autres – cela prouve la très profonde identité de vue qui unit, toujours (Sourires.) les groupes de la majorité –, a déposé un amendement visant à ce que le fonds d’amorçage prorogé bénéficie à toutes les communes organisant des activités périscolaires de qualité.

Il a été rappelé qu’avant-hier au Sénat, lors de sa déclaration sur la réforme territoriale, le Premier ministre a annoncé que le Gouvernement soutiendrait ces amendements. Je l’en remercie, car cette mesure est indispensable pour aider les communes à faire face au coût de ces activités périscolaires, a fortiori dans un contexte très difficile pour les collectivités territoriales, marqué en particulier par une diminution des dotations de l’État de 3,7 milliards d’euros en 2015.

Au-delà de ces amendements, il conviendrait qu’un prochain texte budgétaire réévaluât ce fonds d’amorçage, les activités périscolaires de qualité ayant un coût sensiblement supérieur aux aides accordées. Il faudrait par ailleurs pérenniser ce fonds, au lieu d’agir par une succession de prorogations aléatoires qui place les communes dans l’incertitude quant aux moyens dont elles disposeront. Mieux vaudrait donc parler de fonds d’accompagnement que de fonds d’amorçage. L’amorçage est un début, mais les préliminaires, même en matière éducative, ne sauraient durer trop longtemps... (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Paul Molac, pour soutenir l’amendement n347.

M. Paul Molac. Cet amendement a pour but de permettre aux communes d’organiser des activités extrascolaires de qualité, c’est-à-dire qui soient autre chose que de la garderie.

Il se trouve que mes enfants ont participé à de telles activités organisées à titre expérimental dans les années quatre-vingt-dix. J’ai donc pu mesurer tout l’intérêt d’activités culturelles et sportives organisées en dehors du temps scolaire. C’est pourquoi j’y ai toujours été favorable.

Reste la méthode qui a été adoptée, car, comme certains me l’ont fait remarquer dans ma circonscription, il ne faudrait pas laisser aux seules communes le soin de financer ces activités. C’est la raison pour laquelle nous avons tous ensemble milité en faveur d’une prorogation du Fonds d’amorçage.

Chez nous, c’est finalement l’intercommunalité qui a pris les choses en mains et engagé des intervenants, ce qui a pu parfois se révéler délicat, notamment pour les emplois de direction nécessitant d’être titulaire du brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur, le BAFA.

En avril, la directrice des services de l’éducation nationale de mon département m’a fait savoir que ses services avaient bien reçu les PEDT des communes. Celles-ci ont donc joué le jeu, souvent par l’intermédiaire des intercommunalités. Le seul problème est le coût. Il ne faudrait pas les communes qui se contentent de « faire de la garderie » bénéficient des mêmes aides que celles qui ont « fait le boulot ».

Mme Barbara Pompili. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Fauré, rapporteur spécial. La commission des finances n’a pas pu examiner ces amendements, mais j’émets, à titre personnel, un avis favorable.

En effet, ils permettront d’accompagner financièrement les communes qui mettent en place des activités périscolaires de qualité.

Même dans mon département de l’Ariège, qui compte 156 000 habitants, où le revenu par habitant n’est pas des plus élevés et où les communes, souvent situées en zone de montagne, disposent de ressources limitées, nous y arrivons.

Nous y arriverons encore mieux grâce à cette aide. Ces cinquante euros, majorés de quarante euros pour les communes éligibles à la DSR ou à la DSU cible, sont la condition de la mise en place de cet aménagement du temps de l’enfant.

En effet, si nous avons parlé des zones rurales, de nombreuses villes, qui connaissent de grandes difficultés financières et sociales, auront également besoin de cette aide pour engager cette réforme.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Mon avis ne vous étonnera pas, monsieur le président : il est évidemment favorable. Je me réjouis que nous ayons réussi à trouver un accord, dans un esprit de dialogue constructif, ce qui aboutit à cette solution qui me semble la meilleure, notamment parce qu’elle préserve les crédits du programme 141.

Cela n’a pas été dit tout à l’heure, quand les différents amendements ont été présentés, mais il n’était pas question pour nous non plus de renoncer à notre ambition sur les crédits du programme 141, s’agissant des créations de postes ou de la refondation de l’éducation prioritaire.

La solution que nous avons trouvée – et je m’en réjouis – consiste à reconduire ce fonds d’amorçage sans modifier nos autres ambitions.

J’en profite pour ajouter une précision que nous n’avons pas évoquée : il y a certes le Fonds d’amorçage, mais il y a aussi les crédits de la Caisse nationale d’allocations familiales. Il ne faut pas les oublier : 54 euros par enfant, dès lors que l’activité périscolaire a lieu dans un centre de loisirs agréé. C’est une possibilité qui est offerte aux communes. Précisément, s’inscrire dans un projet éducatif territorial pousse les communes à travailler avec cet acteur qu’est la caisse d’allocations familiales et ainsi à bénéficier de cette aide-là aussi.

Pour toutes ces raisons, je pense que ces amendements procèdent de la bonne démarche, que je soutiens.

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Avec l’habileté que nous lui connaissons, M. le président de la commission des affaires culturelles nous a retracé une chronologie idéale des faits : les parlementaires de la majorité déposent un amendement et, par le plus heureux des hasards, le Premier ministre « couvre » cette initiative. (Sourires.)

J’entends bien que cela serve votre propos, mais, monsieur le président de la commission, faites-nous au moins l’amabilité de reconnaître que, sur la question des rythmes scolaires, nous n’avons jamais varié.

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Tout à fait !

Mme Annie Genevard. Ce n’est pas l’opportunité d’enfoncer un coin dans la brèche qui s’est ouverte sous nos yeux cet après-midi qui motive nos interventions. Nous avons toujours dit que, si l’État réformait les rythmes, ce qui impliquait de facto que les communes mettent en place des activités périscolaires, il fallait que l’État aide les communes à le faire. C’est ma première remarque.

La deuxième porte sur l’absence de montants dans les amendements que vous venez de défendre. De combien le Fonds d’amorçage sera-t-il abondé ?

Troisième remarque : pendant toute la préparation budgétaire, on a brandi l’article 40, arme fatale qui nous a empêchés de présenter un grand nombre d’amendements, notamment celui qui est maintenant proposé : nous n’avons pas pu le présenter, parce qu’il ne passait pas la barrière de l’article 40.

Maintenant, vous nous proposez de couvrir cette dépense par la parole du Premier ministre : je dois dire que cette méthode, je ne l’ai jamais vue à l’œuvre depuis que je suis députée et je voudrais bien savoir quelle est l’opinion des parlementaires membres de la commission des finances sur cette entorse me semble-t-il majeure à l’orthodoxie budgétaire.

M. Xavier Breton. Ce serait intéressant !

M. le président. La parole est à M. Régis Juanico.

M. Régis Juanico. Je ne sais pas si je peux m’exprimer au nom des membres de la commission des finances : Valérie Rabault pourra peut-être revenir sur ce point, en tant que rapporteure générale du budget.

Je voudrais quant à moi soutenir les amendements de la majorité, présentés par nos collègues Durand, Schwartzenberg et Molac. Sur ce fonds d’amorçage, dont il faudra bien changer le nom par voie d’amendement, on voit bien qu’il y a eu une tentative d’instrumentalisation de la part des élus de l’opposition, comme il y en a eu une sur les rythmes scolaires.

Mme Annie Genevard. C’est faux !

M. Régis Juanico. On a vu la polémique monter et un certain nombre d’élus locaux s’exprimer, en parlant de suppression du Fonds d’amorçage. Je veux rappeler la réalité des chiffres à notre collègue Breton : 90 millions d’euros pour 2013-2014, 400 millions d’euros pour 2014-15.

M. Xavier Breton et Mme Annie Genevard. Et pour 2015-2016 ?

M. Régis Juanico. Il s’agit d’un fonds qui va être pérennisé. Quand on parle de désengagement, il faut tout de même avoir cette réalité en tête.

En outre, cela vient d’être dit par la ministre, les fonds de la CNAF s’élèveront à 850 millions d’euros d’ici 2017. La CNAF a aussi son mot à dire sur la qualité des activités périscolaires qui seront proposées dans les communes.

Il y avait une réflexion qui consistait à se demander s’il était bien normal que des communes qui n’organisent pas d’activités périscolaires bénéficient du Fonds d’amorçage. Nous avons eu le cas à Marseille, et dans certains établissements privés sous contrat, ou encore dans mon département où certains communes, certes très minoritaires, avaient refusé de mettre en application la réforme à la rentrée. Avec ces millions d’euros, ne peut-il pas y avoir une politique du donnant-donnant, de manière à inscrire la qualité des activités périscolaires dans le projet éducatif de territoire ? Cela me paraît être le bon véhicule pour agir au plus près du terrain.

Nous pouvons tous nous réjouir d’avoir trouvé, dans le débat budgétaire, cette issue positive.

Mme Annick Lepetit. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Philippe Gomes.

M. Philippe Gomes. Le groupe UDI votera contre cet amendement, pour trois raisons qui sont connues.

La première, c’est que pour nous la question n’est pas de proroger le fonds, mais de le pérenniser : les communes doivent bénéficier de manière définitive d’une compensation des dépenses auxquelles elles sont exposées pour l’organisation de ces activités.

La deuxième raison est que les dotations du fonds doivent être réévaluées. Cela a été dit : ce qui est reversé aux communes ne compense que partiellement les dépenses. Là encore, eu égard à la conjoncture dont les collectivités locales doivent subir les conséquences drastiques, et tout particulièrement les communes, il n’est pas inutile que l’État leur permette d’assurer correctement les missions qui leur sont confiées.

Enfin, troisième raison que j’ai exposée tout à l’heure et que je rappelle : oui à un projet éducatif territorial, incitons toutefois les communes à le mettre en place, accompagnons-les pour que ce projet devienne une réalité, mais n’en faisons pas une contrainte supplémentaire.

Pour toutes ces raisons, le groupe UDI votera contre ces amendements.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Rabault.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je remercie madame la ministre et mes collègues pour ces amendements. Je souhaiterais proposer un sous-amendement.

M. le président. Il s’agira en fait d’un amendement, qui portera le n362.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Il vise à préciser que « l’inspection académique accompagne les communes de moins de 5 000 habitants pour la rédaction d’un projet éducatif territorial ».

Par ailleurs, « en cas d’absence de projet éducatif territorial pour ces communes au 30 juin 2015, l’inspection académique propose une écriture du projet éducatif territorial à la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale qui le validera ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Je voudrais répondre à Mme Genevard, parce que je ne voudrais pas que sa légitime interrogation demeurât sans réponse. L’amendement déposé par Valérie Rabault, rapporteure générale du budget, va m’amener à compléter mon intervention.

Madame Genevard, je voulais vous rassurer. Le respect de l’article 40 est vérifié non par la commission des finances, et Mme la rapporteure générale du budget n’est pas directement concernée, mais par le président de ladite commission. Cette règle s’est appliquée au débat que nous avons sur le fonds d’amorçage, puisque je rappelle que le groupe SRC était à l’initiative, à l’occasion de la commission élargie à laquelle vous avez participé, d’amendements qui n’ont pas franchi le cap de l’article 40. À l’époque, le Gouvernement n’avait pas fait part de sa décision de mettre à niveau, si j’ose m’exprimer ainsi, le fonds d’amorçage et de maintenir l’effort initial.

Je vous apporte cette précision : les amendements déposés avant treize heures mardi ont été soumis au président de la commission des finances.

L’article 40, c’est d’abord, pour le Gouvernement, la garantie que les charges de l’État ne soient pas alourdies, accentuées, par nos amendements. Si jamais il y avait eu le moindre problème, alors même que le président de la commission des finances n’a exprimé aucun avis contraire à la validité de ces amendements compte tenu de la déclaration du Premier ministre, le Gouvernement avait également la possibilité, comme vous le savez, d’opposer l’article 40, ce qu’il n’a pas fait.

J’en viens à l’amendement de Mme la rapporteure générale du budget. Pour ceux qui ont vécu dans cet hémicycle les débats sur la refondation de l’école, nous savons très bien, les uns et les autres, que l’aménagement des rythmes éducatifs dont on a tant parlé ne nous a occupés, en temps de discussion parlementaire, que marginalement : un seul article était en cause, celui justement qui créait le fonds d’amorçage. Tout l’aménagement des rythmes éducatifs s’est fait par voie de circulaires, prises d’abord par Vincent Peillon, puis par Benoît Hamon.

C’est un peu ce que nous propose Mme la ministre : dans une nouvelle circulaire, il s’agit de repréciser, en reprenant la formulation qui est celle de votre sous-amendement, les considérations qui sont les vôtres et que nous partageons. Je dis cela parce qu’ici, nous écrivons la loi ; je ne voudrais pas que nous soyons amenés à nous substituer au Gouvernement dans l’écriture des décrets ou d’une circulaire.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Je pense que tout le monde a les idées claires, mais je voudrais rappeler les chiffres précis.

Il était jusqu’alors prévu, pour l’année scolaire 2015-2016, de ne reconduire le Fonds d’amorçage que pour les communes les plus en difficultés, comme vous le savez. Nous avions donc provisionné 100 millions d’euros dans ce but.

Je rappelle que, sur l’année scolaire 2014-2015, il s’agit de 400 millions d’euros, puisque le fonds s’adresse à toutes les communes.

Grâce aux amendements que nous avons décidé d’accepter, nous ne sommes plus à 100 millions, mais à 400 millions d’euros : nous ajoutons 300 millions d’euros. En réalité, nous aurons le même montant que pour l’année 2014-2015.

C’est aussi une façon de répondre aux inquiétudes qui se sont exprimées ici. Vous voyez bien que si nous provisionnons, madame la députée Rabault, 400 millions d’euros pour 2015-2016, comme pour l’année 2014-2015, c’est que nous faisons le pari que toutes les communes, de façon vertueuse, vont s’engager dans un projet éducatif territorial.

Si au contraire nous avions prévu d’en zapper quelques-unes, nous aurions provisionné moins de 400 millions d’euros.

Je le redis ici, pour que tout le monde voie clair : nous ajoutons bien 300 millions d’euros aux 100 millions initialement prévus. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Annie Genevard. Alors, vous devriez accepter l’amendement de Mme Rabault !

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. J’entends bien ce que dit Mme la ministre, mais où sont-ils, ces 300 millions ? Vous avez refusé l’amendement de notre collègue Rabault qui justement visait à reconstituer ce fonds, à hauteur de 250 millions.

Nous avons des amendements qui indiquent des intentions, mais budgétairement, où inscrivez-vous cette somme ?

Dans le projet de loi de finances que vous nous avez adressé, vous aviez prévu un fonds réduit. Nous revenons à un fonds destiné à l’ensemble des communes : je me demande pourquoi, d’ailleurs, on veut prévoir une forme de conditionnalité.

Mais la vraie question est de savoir où est cette somme, concrètement. Ce ne sont pas les amendements qui ont été présentés qui prévoient ce montant. Encore une fois, nous attendons de savoir où sont exactement ces 400 millions d’euros.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour un rappel au règlement.

M. Xavier Breton. Nous attendons une réponse : d’où proviennent les 300 millions supplémentaires ?

Mme Annie Genevard. En effet !

M. Xavier Breton. Si nous n’en obtenons pas, nous demanderons une suspension de séance pour que vous puissiez nous la donner.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Vous connaissez encore mieux que moi la procédure parlementaire et je ne ferai donc que vous rappeler ce que vous savez déjà.

Le Gouvernement décide de lever le gage et un amendement de deuxième rectification sera présenté par le ministre chargé du budget.

Ne vous inquiétez pas : nous avons pris nos dispositions quant au financement car nous considérons que telle est la bonne solution.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Alain Fauré, rapporteur spécial. Tout à l’heure, monsieur Breton, vous avez interpellé la commission des finances à propos de la recevabilité de cet amendement et des dépenses induites.

Je vous rappelle que, selon l’article 40 de la Constitution, lorsque le président de la commission des finances – M. Bloche l’a d’ailleurs aussi rappelé – déclare un amendement recevable et que le Gouvernement lève le gage, la dépense induite est automatiquement prise en compte.

Nous respectons donc bien ce principe constitutionnel et il n’y a pas lieu, à mon sens, de se livrer à toute cette agitation (Murmures sur les bancs du groupe UMP) pardonnez-moi pour ce terme !

M. Guy Geoffroy. Ce n’est pas de l’agitation !

M. Alain Fauré, rapporteur spécial. Comme l’a suggéré M. le président je crois qu’il faut maintenant en venir au vote.

Article 55 (suite)

(Les amendements identiques nos 221, 228 et 347, modifiés par la suppression du gage, sont adoptés.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Rabault, pour soutenir l’amendement n362.

Mme Valérie Rabault. Il a été défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Fauré, rapporteur spécial. Monsieur le président, madame la ministre, chère Valérie Rabault, la commission émet un avis défavorable à l’adoption de cet amendement. Pourquoi ?

Tout simplement parce que Mme la ministre a indiqué qu’elle préciserait les applications de toutes les dispositions concernant l’aménagement du rythme des enfants dans le cadre d’une circulaire.

Le projet éducatif local a été défendu par l’ensemble de nos collègues, sur tous les bancs, par les écologistes, les radicaux de gauche, le groupe SRC…

En outre, nous sommes animés par une forte volonté de réussir et nous disposons du financement à cette fin. Pourquoi donc tant de suspicion ?

Vous êtes non seulement députée, madame Rabault, mais rapporteure générale du budget. Vous aurez donc tout loisir d’examiner les choses et vous verrez qu’aucun problème ne se pose sur ce plan-là.

Je crois que nous avons discuté de tout cela…

Madame Berger, il y a des limites à certains comportements au sein de l’hémicycle et entre collègues ! S’il vous plaît, respectez la parole de celui qui représente la commission des finances ! Que cela soit dit !

Mme Karine Berger. Mais je vous respecte !

M. Alain Fauré, rapporteur spécial. Avis défavorable, donc.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Avis également défavorable.

M. le président. La parole est à M. Yves Durand.

M. Yves Durand. Mme Rabault présente exactement le même amendement que tout à l’heure et réponse lui a été donnée. Je ne vois donc pas la nécessité de le présenter à nouveau dans les mêmes termes.

Je lui rappelle en outre – mais elle le sait sans doute – que cela figure au compte rendu de notre séance et que ce dernier fait foi.

Je la prie de bien vouloir retirer l’amendement.

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. Le Fonds d’amorçage avait deux défauts, maintenant, il en aura trois. Il est insuffisant, nous le savons, puisque son abondement représente entre 50 et 90 euros par enfant quand il en faudrait entre 180 et 200 ; il n’est pas pérenne ; il sera désormais conditionné, ce qui implique l’exclusion de certaines communes.

Cela est d’autant plus grave que la démarche du projet éducatif territorial, nous sommes tous d’accord, est bonne… à condition qu’elle soit volontaire.

En l’occurrence, vous instaurez un partenariat qui relève de la tutelle en obligeant les acteurs à intégrer un dispositif dont vous pensez qu’il est bon.

Telle est d’ailleurs toujours votre conception des choses : vous pensez incarner le Bien, considérant que vous savez ce qui est bien pour les autres.

Allez voir les maires ! Ils font ce qu’ils peuvent ! Demandez à toutes les équipes municipales, notamment, celles qui viennent d’être élues : toutes vous diront que, depuis le début de leur mandat, elles s’occupent de la question des rythmes scolaires afin que cela se passe le mieux possible.

Contrairement à ce que l’on a dit, elles ont fait un travail formidable et, aujourd’hui, vous les montrez du doigt parce que certaines d’entre elles ont du mal, objectivement, à se débrouiller ! Et, maintenant, vous allez les obliger à entrer dans des procédures délicates !

L’amendement de notre collègue est intéressant en ce qu’il montre que les services de l’État joueront le jeu des communes : ce n’est pas le premier qui dit aux secondes de venir à elles, c’est lui qui vient vers elles et les assure qu’il les aidera dans une démarche qui, nous sommes d’accord, peut être intéressante.

Nous voterons donc cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Barbara Pompili.

Mme Barbara Pompili. J’aurais voté cet amendement, malgré son aspect réglementaire, s’il s’était limité à sa première partie car la seconde m’inquiète beaucoup puisqu’elle dispose qu’en l’absence de projet éducatif territorial, l’inspection académique en propose une écriture à la commune, qui le validera.

J’appelle l’attention de Mme la ministre quant à la rédaction de la circulaire car, s’il en va ainsi, tout ce qui est positif dans le PEDT, soit, son caractère collectif, tomberait à l’eau.

Une commune qui n’en aurait pas instauré un se le verrait imposer d’en haut et sa rédaction serait validée uniquement par cette dernière, sans que les autres acteurs y soient associés.

J’invite vraiment Mme la ministre à faire en sorte que, dans sa circulaire, ce risque-là soit impossible et que l’on trouve un moyen afin que le PEDT soit validé par l’ensemble des acteurs. C’est essentiel pour que cela fonctionne.

Nous ne voterons donc pas cet amendement s’il est maintenu.

M. le président. La parole est à M. Philippe Gomes.

M. Philippe Gomes. Je suis frappé de la rudesse dont la majorité fait preuve à l’égard d’un amendement plein de bon sens et j’ai du mal à la comprendre.

Que dit-il ? Qu’en cas d’absence de PEDT au 30 juin 2015, l’inspection académique en proposera une écriture.

Nous le disons depuis le début : les petites communes doivent être aidées et accompagnées, tous les maires n’étant pas définitivement et irrémédiablement hostiles à la politique du Gouvernement de la République. Ils sont prêts à mettre les choses en place !

Peut-être ont-ils besoin d’un peu de temps, peut-être faut-il leur tenir la main, peut-être faut-il les y inciter, voilà tout.

In fine, il a été fait état à plusieurs reprises d’un argument massue – on a dû se donner le mot –, quel scandale : cet amendement est de nature réglementaire.

M. Guy Geoffroy. Eh oui ! Franchement, voilà autre chose !

M. Philippe Gomes. Alors là, on prend peur ! Un rappel au règlement s’impose ! Un amendement de nature réglementaire ? Mais la moitié de la loi sur la refondation de l’école de la République est de nature réglementaire…

M. Guy Geoffroy. Plus que ça !

M. Philippe Gomes. …en raison du méga-marché qui a été passé entre les différents courants de la majorité pour faire passer ceci et cela au fur et à mesure des travaux de la commission ! La moitié de la loi est de nature réglementaire et, là, cela n’a gêné personne ! Cela faisait partie des équilibres globaux de la majorité plurielle !

Arrêtons, soyons sérieux, votez contre mais ne prétendez pas que cet amendement est de nature réglementaire ou, alors, supprimez la moitié de la loi sur la refondation de l’école de la République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Guy Geoffroy. Très bien !

(L’amendement n362 n’est pas adopté.)

(L’article 55, amendé, est adopté.)

M. le président. Nous avons terminé l’examen de la mission « Enseignement scolaire ».

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à dix-sept heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

Sécurités

M. le président. Nous abordons l’examen des crédits relatifs à la mission « Sécurités » (n2260, annexes 43 et 44 ; n2265, tome VIII ; n2267, tomes XIII et XIV).

La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, en préambule de mon propos, je voudrais d’abord rappeler le cadrage budgétaire dans lequel s’inscrit l’exercice budgétaire pour 2015.

Entre 2002 et 2011, comme vous le savez, la dépense publique a crû à un rythme moyen de 2 % par an. Elle a continué de croître à un rythme de 1,7 % entre 2007 et 2012. Dans le budget que j’ai présenté dans mes fonctions de ministre du budget, l’an dernier, le niveau d’augmentation de la dépense publique était de 0,9 %.

Dans le budget pour 2015, le Gouvernement réalise un effort historique de maîtrise de la dépense publique, avec un rythme d’augmentation de cette dépense de 0,2 %.

C’est dire si nous confirmons notre volonté de maîtriser la progression de la dépense publique puisque, en l’espace de vingt-cinq mois, cette dépense aura été divisée par près de dix.

D’un point de vue global, les crédits de la mission « Sécurités » sont en légère hausse, en 2014 et 2015, de 0,43 %, ce qui correspond à une stabilisation à 12,2 milliards d’euros hors dépenses de pensions, et à 18,2 milliards en incluant ces dépenses.

Cela représente une augmentation de 570 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 704 millions en crédits de paiement par rapport à la loi de finances pour 2012.

Cela traduit la volonté du Gouvernement de préserver la capacité opérationnelle des forces de sécurité pour leur permettre de répondre aux missions régaliennes qui sont les leurs.

L’État assume en effet sa mission de protection, qui se trouve au cœur des préoccupations de nos concitoyens, dans un contexte de menaces sérieuses et multiformes.

En termes d’emplois, dès son arrivée aux responsabilités, la majorité actuelle a fait un choix très clair : elle a stoppé l’effondrement des effectifs subi entre 2007 et 2012.

M. Yann Galut, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. C’était nécessaire !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. En effet, 13 000 emplois ont été supprimés dans la police et dans la gendarmerie.

Comme en 2013 et en 2014, nous recréons des postes dans les forces de sécurité. En 2015, 405 postes seront créés : cet effort se poursuivra tout au long de l’exécution du budget triennal 2015-2017.

Par ailleurs, pour accompagner la réforme du permis de conduire, le schéma d’emplois des inspecteurs de ce permis est stabilisé.

J’ai également souhaité que la parole du Gouvernement, fût-elle celle datant de la précédente mandature, soit, s’agissant des conditions matérielles des personnels de la mission « Sécurités », honorée.

Ce choix de loyauté se traduit par une enveloppe catégorielle – de 21 millions d’euros dans la police et de 16 millions dans la gendarmerie – ainsi que par une stabilisation des crédits consacrés à la sécurité civile.

Ces crédits permettront d’appliquer la dernière phase de la revalorisation des fonctionnaires de catégorie B, de revaloriser les revenus du bas de grille de cette même catégorie, mais également ceux des personnels de catégorie C.

Nous pourrons aussi mettre en place l’indemnité promise aux personnels scientifiques et techniques et renforcer, à hauteur de 2,4 %, la masse salariale des personnels de la sécurité civile.

Cette création d’effectifs et ces mesures de confortement du pouvoir d’achat des personnels, en particulier des personnels les plus modestes, n’auraient pas de sens si les moyens de fonctionnement et d’investissement de la mission « Sécurités » n’étaient pas renforcés.

Ces moyens ont trop longtemps, pendant de très longues années, été négligés.

L’avenir n’a pas été préparé. Pour mémoire, ces crédits ont dramatiquement diminué entre 2007 et 2012, avec une baisse des crédits d’investissement dits « hors T2 » de 17 %.

M. Pascal Popelin, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Eh oui !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. La majorité actuelle a donc décidé d’inverser la tendance, et de fixer de nouvelles priorités. Pour la police, 41 millions d’euros supplémentaires, par rapport à la loi de finances pour 2014, seront dédiés au fonctionnement et à l’investissement.

Cela représente une hausse, très nette, de 4,3 %. Par ailleurs, une hausse forte des crédits immobiliers de 22 % en autorisations d’engagement et de 9,7 % en crédits de paiement a été programmée. Cela correspond à une moyenne annuelle entre le précédent quinquennat et la période 2013-2017.

M. Daniel Boisserie, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées. Il fallait le dire !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Pour la gendarmerie, 3,3 millions d’euros de crédits supplémentaires seront dédiés à la fois au fonctionnement et à l’investissement en 2015 ; 24,5 millions le seront d’ici 2017, soit une hausse de l’ordre de 3 %.

Le Gouvernement répond à une attente forte et ancienne des gendarmes pour la mise en œuvre d’un plan de réhabilitation de l’immobilier domanial doté de 70 millions d’euros par an. Ce plan vise à stopper la détérioration de leurs logements et de leurs lieux de travail.

Dès 2014, l’acquisition de quelques 2 000 véhicules supplémentaires pour la police et la gendarmerie a été lancée. Ces efforts se poursuivront, en 2015, avec 40 millions d’euros supplémentaires dans chaque force, soit 2 000 véhicules supplémentaires prévus pour chacune des deux forces.

Enfin, un plan d’investissement et de modernisation technologique des forces – police, gendarmerie et sécurité civile – sera déployé à hauteur de 108 millions d’euros pendant la durée du triennal.

À titre d’exemple, cela permettra, dès 2015, d’engager 9 millions d’euros principalement pour permettre la modernisation du réseau d’Infrastructure nationale partageable des transmissions (INPT), commun à la police nationale et à la sécurité civile.

Au-delà des moyens alloués aux priorités que j’ai mentionnées, j’ai la conviction que nous devons poursuivre les mutualisations et les efforts de dématérialisation, afin de redonner des marges opérationnelles aux forces de sécurité, dans le respect, bien entendu, de leur spécificité.

Nous recherchons, également, des sources alternatives de financement en mobilisant, je vous l’ai dit en commission, les avoirs criminels récupérés par les forces. Nous souhaitons que cela soit obtenu et acté, de telle sorte que cela nous permette de financer un certain nombre d’équipements dont nous avons besoin.

Voilà, mesdames et messieurs les députés, ce que je voulais vous dire.

Mes propos ont été plus synthétiques que ceux que j’ai eu l’occasion de tenir en commission élargie, à la faveur de l’examen des crédits de la mission, puisque nous avons disposé, dans ce cadre, de plus de temps pour nos interventions.

M. Pascal Popelin, rapporteur pour avis. Et c’est carré !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Cela ayant été fait en commission, je me suis concentré ici sur l’essentiel. Je vous remercie de votre contribution à ces travaux ainsi qu’à l’élaboration de ce budget car je vous sais, tous et toutes, sur tous les bancs, particulièrement attentifs à ce que nos forces de sécurité intérieure disposent des moyens nécessaires à l’exercice de leur mission. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP)

M. le président. Nous en venons aux interventions des porte-parole des groupes. La parole est à M. Guy Geoffroy pour le groupe UMP.

M. Guy Geoffroy. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, vous ne serez pas surpris que mes propos reprennent, pour l’essentiel, mais en les détaillant un peu, ceux qui ont été tenus par mon collègue Éric Ciotti lundi 27 octobre en commission élargie.

M. Pascal Popelin, rapporteur pour avis. Surpris, non, mais déçu, oui !

M. Guy Geoffroy. Pour commencer, monsieur le ministre, en écho aux propos que vous venez de tenir qui n’étaient émaillés que de « plus », je me permettrais de dire que ces « plus » cachent pas mal de « moins ».

M. Yann Galut, rapporteur spécial. Vous êtes un expert !

M. Guy Geoffroy. Votre budget est à l’image de la politique que vous menez en termes de sécurité : c’est un budget d’affichage.

Vous affichez, pour 2015, 405 emplois supplémentaires : 243 pour la police nationale et 162 pour la gendarmerie nationale. Nous n’en savons pas plus, car nous ne connaissons pas l’affectation précise des personnels concernés.

Vous nous direz quelle priorité du Gouvernement se tient derrière cette création de 405 emplois.

M. Daniel Boisserie, rapporteur pour avis. Rappelez les chiffres entre 2008 et 2012 !

M. Pascal Popelin, rapporteur pour avis. Moins 13 700 sous le quinquennat précédent !

M. Guy Geoffroy. Vous faites croire aux Français qu’avec ces emplois, vous avez enfin trouvé une recette efficace et simple pour faire reculer durablement la délinquance dans notre pays.

Nous avons d’ailleurs eu, il y a quelques temps, en commission, un débat intéressant sur les moyens de la mesurer. Les Français savent qu’à l’heure actuelle, malheureusement, la délinquance ne recule pas : elle progresse.

Votre vision reste purement comptable. Elle est à l’image de votre politique, et pas uniquement de votre politique de sécurité : elle est archaïque. Elle fait aussi abstraction des réformes organisationnelles profondes qui ont déjà été menées à bien, sous la précédente législature en particulier, et qui ont porté leurs fruits.

Deux exemple : les patrouilleurs et les forces mobiles. À effectifs constants, une nouvelle organisation a permis d’augmenter le nombre de patrouilles sur la voie publique de près de 25 %.

La réforme de la règle d’emploi des forces mobiles a, quant à elle, permis de dégager des marges de manœuvres considérables.

Vous vous focalisez sur le seul solde des créations d’emplois, c’est-à-dire sur la seule chose que vous ayez à nous mettre sous la dent. Intéressons-nous plutôt aux moyens opérationnels.

Vous en avez, monsieur le ministre, évoqué certains. Je voudrais, en écho à vos propos, vous rappeler ce qu’ont déclaré lors de leur audition, donc de manière publique, deux hauts responsables de votre ministère. Le directeur général de la gendarmerie nationale a fait part de tensions persistantes ayant un impact sur le fonctionnement, qu’il s’agisse d’entretien des véhicules, d’accès au carburant ou du parc immobilier de l’État.

M. Yann Galut, rapporteur spécial. Pensez au retard que vous avez pris !

M. Guy Geoffroy. Les casernements d’Aubervilliers et de Melun, qui seront abandonnés au 1er juillet 2015, sont jugés insalubres.

Quant au parc automobile, vous nous avez parlé de 2 000 véhicules : vous savez très bien qu’il en faudrait 3 000 pour permettre aux flottes concernées d’être renouvelées comme il convient.

M. Yann Galut, rapporteur spécial. Vous avez oublié les chiffres d’avant 2012 !

M. Guy Geoffroy. Je rappelle qu’en 2013 et en 2014, seuls 2 650 véhicules avaient été achetés.

Du côté de la police nationale, le directeur général a, pour sa part, déploré que les crédits de fonctionnement courants diminuent de 5 % en 2015. Vous ne l’avez pas dit tout à l’heure : il convient de le faire.

Ces crédits connaîtront une baisse attendue de 10 % en 2016 et de 15 % en 2017.

Quant aux moyens mobiles de la police, c’est-à-dire le parc de véhicules, les crédits qui leur seront affectés baisseront de 7,2 % en 2015 : 40 millions d’euros sont programmés pour leur renouvellement.

Or, il en faudrait, au minimum, 50 par an pour renouveler la flotte tous les six ans, c’est-à-dire pour en exclure les véhicules ayant atteint 90 000 ou 100 000 kilomètres au compteur.

Confirmez-vous, monsieur le ministre, le constat fait par les directeurs généraux de la police nationale et de la gendarmerie nationale ?

Les forces de l’ordre, et nous devons tous y être attentifs, sont confrontées à une augmentation des violences et des outrages à leur égard, comme le prouve un exemple récent. Les policiers et les gendarmes sont trop souvent mis en cause. Preuve de ce mal-être, des drames se produisent. Trente policiers se sont suicidés l’an dernier, quarante-quatre cette année. Ce n’est pas une bonne nouvelle. Nous devons rendre hommage à ces serviteurs de l’État qui ont éprouvé tant de difficultés que certains ont commis l’irréparable.

Les résultats de votre politique ne sont pas à la hauteur de vos discours. C’est la raison pour laquelle, de manière lucide et responsable, le groupe UMP ne votera pas ce budget.

M. Yann Galut, rapporteur spécial. Quelle surprise !

M. Guy Geoffroy. Mon dernier propos sera relatif aux moyens nouveaux, notamment, ceux qui sont tirés de la lutte contre la criminalité avec la récupération des avoirs criminels.

Je peux en parler de manière un peu avertie puisque j’étais, avec Jean-Luc Warsmann, l’auteur de la proposition de loi ayant conduit à la création de cette agence. C’était un bon texte, dont je fus le rapporteur dans cet hémicycle, et qui fut voté à l’unanimité. L’agence a été créée rapidement, il y a déjà de bons résultats et le premier bilan est tout à fait satisfaisant.

Prenons le pari, monsieur le ministre, que vos propos concernant l’éventuelle utilisation d’une partie des fonds collectés pour permettre à la police et à la gendarmerie d’avoir quelques moyens supplémentaires seront non pas de simples mots dans l’hémicycle mais une réalité que nous pourrons constater dans quelque temps.

Ce n’est pas une surprise, disait notre rapporteur, mais c’est une affirmation déterminée et responsable, le groupe UMP ne votera pas ces crédits. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Maina Sage, pour le groupe UDI.

Mme Maina Sage. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je risque malheureusement de répéter ce que nous venons d’entendre parce que le groupe UDI se joint au constat qui vient d’être fait.

M. Pascal Popelin, rapporteur pour avis. Cela arrive souvent !

Mme Maina Sage. La mission « Sécurités » est essentielle pour l’ensemble de la nation, d’autant plus que les forces de l’ordre doivent faire face, dans des conditions difficiles, à une délinquance qui ne cesse de croître, à une insécurité qui gagne peu à peu nos territoires ruraux, et l’outre-mer n’est pas épargné.

Les crédits de paiement sont de 18 milliards d’euros, en hausse de 0,5 %. En dépit de cette légère augmentation, ce budget, présenté comme salvateur par la majorité, semble n’être malheureusement qu’un budget d’affichage.

S’agissant tout d’abord de la police nationale, 243 emplois supplémentaires lui seront certes réservés, comme l’année dernière, mais cette mesure semble insuffisante au regard des difficultés qu’elle rencontre aujourd’hui.

En outre, les frais de fonctionnement subiront cette année une baisse de 5 %. Ainsi, la gestion du parc automobile est de plus en plus préoccupante. Alors que plus de 10 000 véhicules devraient être renouvelés entre 2015 et 2017, seuls 4 100 d’entre eux seront remplacés, le montant du programme de renouvellement automobile ayant été réduit de 50 à 40 millions d’euros pour 2015.

Plus inquiétant encore est le malaise qui gagne nos forces de police, tel que le décrit le rapport annuel du médiateur interne de la police nationale. Ce malaise s’accompagne du sentiment d’une perte de sens du métier et, souvent, de la détérioration des relations avec la population, les conditions de travail étant rendues difficiles par le manque d’effectifs et les problèmes matériels, ainsi que par la lourdeur et la complexité des procédures.

Je partage à ce sujet les inquiétudes qui ont été exprimées en commission élargie. Avec les récentes réformes, notamment la loi du 15 août 2014 sur l’individualisation des peines et l’efficacité des sanctions pénales, de nouvelles tâches seront confiées à la police. Vous avez indiqué, monsieur le ministre, que vous vouliez travailler à l’allégement du travail des agents de police, mais les moyens alloués à ce budget permettront-ils de répondre ce problème ?

Pour la gendarmerie nationale, c’est un peu le même bilan. Vous annoncez que les effectifs seront augmentés de 162 nouveaux postes. Or, avec les mesures de transferts et le changement de périmètre, cette hausse apparente des effectifs ne représentera que 48 postes réels. En outre, là encore, le manque de crédits de fonctionnement est criant : s’agissant du parc automobile, la gendarmerie ne pourra acquérir que 1 400 véhicules au titre de 2014, soit la moitié de ses besoins annuels.

Mes chers collègues, une politique efficace en matière de sécurité ne saurait se résumer à la hausse de quelques effectifs, elle doit en effet s’inscrire dans une stratégie de long terme qui accompagne des projets structurants en matière d’investissements, alliée à une politique en cohérence avec les moyens de fonctionnement. On comprend que la situation actuelle est difficile mais la mission « Sécurités » reste une mission primordiale.

Cette stratégie devra également s’adapter aux nouvelles menaces, nous en avons encore été témoins, avec les récentes intrusions de drones dans l’espace aérien au-dessus de sept centrales nucléaires, dont une en déconstruction, alors que le survol y est en principe interdit dans un périmètre de cinq kilomètres et de mille mètres d’altitude. Pourriez-vous nous rassurer sur les moyens que nous avons aujourd’hui pour lutter contre de telles pratiques ?

La politique conduite doit également intégrer l’objectif d’un rééquilibrage équitable des forces de police et de gendarmerie en présence sur l’ensemble du territoire, dans l’hexagone mais également en outre-mer, qui, c’est vrai, est plutôt bien doté.

Concernant le programme « Sécurité civile », nous resterons vigilants quant à l’application du plan « engagement pour le volontariat. Il y a une désaffection pour le volontariat, pourtant essentiel notamment pour renforcer les équipes de sapeurs-pompiers. Nous suivrons donc avec attention la mise en œuvre des vingt-cinq mesures annoncées l’an dernier. Pourriez-vous nous faire un point d’étape sur l’application de ce plan ?

Enfin, cela a été souligné en commission élargie, la réforme territoriale devra être l’occasion d’engager une réflexion sur la gouvernance des services départementaux d’incendie et de secours.

Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe UDI ne votera pas les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Paul Molac, pour le groupe écologiste.

M. Paul Molac. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis plus de deux ans maintenant, nous nous félicitons de la fin de la RGPP et de la réorientation des politiques du ministère de l’intérieur. Nous notons notamment le renforcement des moyens humains après des années de réduction d’effectifs. Rappelons en effet que la majorité précédente a détruit plus de 9 300 postes de policiers et de gendarmes entre 2009 et 2012.

M. Pascal Popelin, rapporteur pour avis. Eh oui !

M. Paul Molac. Notre majorité apprécie la fin de la politique du chiffre et de ses conséquences contre-productives, qui obligeait la police à donner la priorité à des délits mineurs aux dépens d’affaires de plus grande ampleur.

M. Razzy Hammadi. Tout à fait !

M. Paul Molac. On en arrivait à des situations ridicules et dangereuses visant à décourager le dépôt de plainte pour ne pas faire monter les statistiques, qui, de toute façon, ne voulaient pas dire grand-chose.

M. Pascal Popelin, rapporteur pour avis. Cela s’appelle casser le thermomètre !

M. Paul Molac. Pour en revenir à ce budget, nous constatons que le ministère de l’intérieur a pour la troisième année consécutive un budget en hausse, de 0,5 % par rapport à 2014. La sécurité civile et la gendarmerie nationale profitent de ces crédits supplémentaires. En 2015, comme en 2014, les effectifs de la police seront augmentés de 243 fonctionnaires et ceux de la gendarmerie de 162 militaires. Nous sommes encore loin de réparer les dégâts en termes de pertes d’emplois causés par la précédente majorité, mais nous sommes sur un chemin ascendant.

Une donnée qui me préoccupe est la hausse des cambriolages en zone rurale, notamment dans les exploitations agricoles. Vols de carburant, de matériel ou d’animaux, ce sont près de 3 000 délits de ce type qui ont été enregistrés en France dans des exploitations agricoles depuis le début de l’année 2014, soit une augmentation de 8,4 % par rapport à 2013. En février 2014, en s’appuyant notamment sur les bonnes pratiques observées, il avait été décidé d’engager un véritable plan d’action pour lutter contre les phénomènes de délinquance qui touchent le monde agricole. Pouvons-nous en savoir plus sur le bilan que vous tirez de ce plan d’action, qui était une nécessité, après plus de six mois ?

Nous sommes par contre dubitatifs quant à l’efficacité de la vidéosurveillance. En dépit d’un coût très lourd, le programme de 1 000 caméras à Paris coûtera 251,9 millions d’euros sur quinze ans, son incidence reste souvent faible et non démontrée, comme l’a souligné la Cour des comptes. Ajoutons à cela le financement via le Fonds interministériel de prévention de la délinquance de l’installation de programmes de caméras, dont certains étaient assez contestables, notamment dans de très petites communes.

En 2015, le Fonds interministériel de prévention de la délinquance devrait consacrer environ 18,5 millions d’euros à la vidéosurveillance contre 30 millions en 2012. Il y a une enveloppe de 18,4 millions d’euros pour 2015 confondant vidéo et prévention situationnelle. Quelles seront les parts respectives de ces deux actions ? Une étude est en train d’être menée sur l’impact de la vidéosurveillance, ce qui, en dépit des interrogations de la Cour des comptes, n’avait jamais été fait. Vu l’ampleur des moyens investis dans cette technologie, nous serons attentifs à ses résultats.

Concernant les différents fichiers de police, le budget indique une modernisation du FNAEG, le Fichier national automatisé des empreintes génétiques qui regroupe les empreintes ADN, afin de changer les marqueurs ADN concernés par le fichier pour permettre l’interopérabilité avec les fichiers des pays signataires du traité de Prüm, qui concerne quatorze pays de l’Union européenne.

Le budget prévoit également une modernisation du fichier automatisé des empreintes digitales, le FAED, qui regroupe les empreintes digitales. La Cour européenne des droits de l’Homme, dans un arrêt du 18 avril 2013, a conclu que la conservation des empreintes d’une personne non condamnée constituait une violation de son droit au respect de la vie privée. Elle a considéré cela comme une violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme quant au droit au respect de la vie privée et familiale.

La France a également été condamnée par cette même Cour européenne des droits de l’Homme sur le système de traitement des infractions constatées, le STIC. Nous espérons donc que la modernisation de ces fichiers s’accompagnera d’une évolution du droit à l’oubli pour les personnes mises hors de cause, comme nous l’avons régulièrement demandé par amendement.

S’agissant de l’immobilier, de gros retards ont été pris au cours des dernières années, l’immobilier ayant en quelque sorte servi de variable d’ajustement. Selon la direction générale de la police nationale, 41,5 % des bâtiments de police seraient dans un état vétuste ou dégradé, ce que soulignait par exemple un rapport sénatorial de Jean-Vincent Placé.

La dégradation des locaux pèse autant sur les gardés à vue que sur les personnels et les victimes qui se rendent dans les commissariats. Nous ne pouvons que nous féliciter qu’un plan de réhabilitation immobilière de 70 millions d’euros ait été mis en place pour la gendarmerie, point sur lequel vous bénéficiez de tout notre soutien, car la situation réclame des solutions urgentes. Malheureusement, ce plan intervient après plusieurs années blanches.

Pour la sécurité civile, un chiffre nous préoccupe toujours, le nombre de sapeurs-pompiers volontaires a décru de 5 000 au cours des cinq dernières années pour s’établir à environ 200 000. Il devient préoccupant de tenter de remédier à cette baisse des effectifs. Des engagements en faveur du volontariat ont été pris l’an dernier à Chambéry. Nous espérons qu’ils seront mis en œuvre. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Enfin, concernant la sécurité routière, il y a eu 3 842 morts en 2012 et 3 250 en 2013, plus bas niveau historique. Pour 2014, sur les neuf premiers mois, le nombre de morts est toutefois reparti à la hausse. À l’instar des années précédentes, c’est la vitesse qui est, une fois de plus, présentée comme la cause principale des décès. Nous souhaitons pouvoir aider le Gouvernement en évoquant toutes les pistes, notamment celle du LAVIA, le limiteur de vitesse s’adaptant à la vitesse autorisée. Ce régulateur de vitesse automatique doit selon nous être favorisé pour rendre les routes plus sûres.

Au final, monsieur le ministre, votre budget est jugé positivement en ces temps de restrictions. Contrairement à d’autres ministères, l’intérieur bénéficiera une nouvelle fois de la création de nombreux postes, après plusieurs années de coupes budgétaires et de réductions d’effectifs effectuées par la précédente majorité. C’est pourquoi nous le voterons. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Claireaux, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Stéphane Claireaux. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les présidents des commissions, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous sommes satisfaits de constater que ce projet de loi de finances tempère, pour la troisième année consécutive, les diminutions effectuées par le quinquennat précédent sur les crédits alloués à la sécurité. Nous notons la pérennisation des moyens alloués à cette mission pour la période 2015-2017. Avec une augmentation de 27 000 euros entre 2014 et 2015, à laquelle s’ajoute une augmentation de 33 000 et 34 000 euros pour les deux prochaines années, dans le cadre de la programmation pluriannuelle des finances publiques, nous entendons la volonté du Gouvernement de participer à la protection et à la sécurité de l’ensemble des citoyens, et ce malgré un environnement budgétaire très contraint.

Notre rapporteur spécial, Yann Galut, souligne la gestion rigoureuse des crédits de la police et de la gendarmerie nationales, ce dont nous nous félicitons. Nous soulignons vos orientations stratégiques et nous partageons votre démarche qui passe par un renforcement de la lutte contre les atteintes aux biens et aux personnes, l’intensification de la lutte contre l’insécurité routière, l’optimisation de la protection des populations et de la gestion des crises, l’amélioration des outils statistiques de contrôle des infractions ainsi que l’accroissement de l’efficacité et de l’efficience de vos services.

Nous encourageons cette politique, participant à la réduction du nombre d’infractions, en matière d’atteinte aux biens comme aux personnes depuis 2013, à laquelle s’ajoute une hausse constante du taux d’élucidation des affaires, tout ceci participant d’une politique de protection accrue des libertés personnelles et constituant une politique plus raisonnée et raisonnable dans la gestion des forces de sécurité que celle que nous avions eue à connaître précédemment.

Le rapport thématique de la Cour des comptes du 7 juillet 2011 relatif à l’organisation et la gestion des forces de sécurité publique avait souligné que la révision générale des politiques publiques avait ramené le nombre de policiers à son niveau de 2002, mettant en exergue la démoralisation des personnels et les obligations chiffrées qu’ils devaient respecter. Le programme n176 « Police nationale » définit une augmentation d’environ 6 millions d’euros pour les dépenses d’ordre public et de protection de la souveraineté et environ 13 millions d’euros pour les dépenses affectées à la sécurité et à la paix publique, notamment en raison des nouvelles obligations imposées à la police en matière de protection des libertés, avec l’adoption par l’Assemblée nationale, grâce à notre concours, du projet de lutte contre le terrorisme ce mercredi 29 octobre.

Nous accueillons favorablement l’augmentation des effectifs du programme « Gendarmerie nationale » commencée en 2013 et poursuivie en 2014 par la hausse du plafond d’emplois de soixante-quatorze emplois équivalents temps plein. Cette démarche se poursuit avec la budgétisation de 162 emplois équivalents temps plein supplémentaires, même si les mesures de transferts et les changements de périmètres viennent relativiser l’ampleur de cette hausse d’effectifs. Nous regrettons d’ailleurs de ne pas trouver le détail du déploiement de ces postes dans le bleu budgétaire. Pour ce programme n152, nous constatons le maintien de 8 milliards d’euros pour le programme gendarmerie, aussi bien en crédits de paiement qu’en autorisations d’engagement.

Quant aux moyens matériels dont disposent les forces de l’ordre et les gendarmes en particulier, je ne m’étendrai pas sur la polémique qui a lieu actuellement à propos de l’utilisation, dans certains cas de figure, de grenades offensives type « OF F1 ». Je ne ferai qu’évoquer la nécessité de former parfaitement les forces de l’ordre à l’utilisation de l’ensemble de l’arsenal dont elles disposent. Tel est le sens de ce qui est indiqué dans le bleu budgétaire : « Les acquisitions programmées privilégient la formation à l’utilisation des moyens de force intermédiaire, destinés à limiter l’usage de l’armement létal. ». La riposte doit toujours être graduée et proportionnelle à la menace, en toutes circonstances. Le bleu budgétaire laisse toutefois entrevoir une baisse des crédits pour l’acquisition des moyens de force, puisqu’il n’y aura que 6,4 millions d’euros en crédits ouverts l’année prochaine.

Nous sommes satisfaits de la volonté affichée par le Gouvernement d’augmenter les taux de signalisation biologique au fichier national d’analyse des empreintes génétiques ainsi que de signalisation papillaire au fichier automatisé des empreintes digitales. Ces taux ont très légèrement augmenté et nous souhaitons que ce pourcentage augmente jusqu’à une signalisation complète. En effet, cette signalisation améliorée participe à la possibilité de révision des condamnations pénales définitives, sujet auquel le groupe RRDP est particulièrement attaché et qui est cher à notre collègue Alain Tourret, ainsi qu’à notre collègue Georges Fenech.

Si nous sommes également favorables à la volonté du Gouvernement d’accentuer la lutte contre l’insécurité routière, nous nous étonnons de la baisse des autorisations d’engagements et des crédits de paiement, d’autant que le bilan de cette année en matière de dommages humains révèle une dégradation par rapport à 2013. Enfin, concernant le programme « Sécurité civile », nous nous inquiétons des mesures visant à réduire les crédits, notamment les dépenses de personnel et d’investissement pour l’action « soutien aux acteurs de la sécurité civile », les services départementaux d’incendie et de secours étant les premiers concernés en cas de crise. Toutefois, vous l’aurez compris, le groupe RRDP votera les crédits de la mission « Sécurités ».

M. Jean-Jacques Bridey. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Gabriel Serville, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Gabriel Serville. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les présidents des commissions, messieurs les rapporteurs, chers collègues, avec la justice, l’éducation et l’emploi, la sécurité est l’une des priorités affichées du Gouvernement. Cette primauté se traduit dans l’effort financier consenti en faveur de la mission dont nous débattons, qui regroupe les crédits de la police nationale, de la gendarmerie nationale, de la sécurité et de l’éducation routières et de la sécurité civile. Cette année, les autorisations d’engagements de la mission enregistrent une hausse de 7 millions d’euros. Les crédits de paiement augmentent, quant à eux, de 86 millions d’euros, soit une hausse de 0,5 %.

Alors que le plafond d’emplois de la police et de la gendarmerie diminuait depuis 2007, sous l’effet de la RGPP, ce sont 243 postes de policiers et 162 emplois de gendarmes qui seront créés en 2015, comme en 2014. Après que l’UMP a détruit, au cours de la treizième législature, près de 13 700 emplois au sein des forces de sécurité,…

M. Daniel Boisserie, rapporteur pour avis. C’est bien de le dire !

M. Gabriel Serville. …il est bon que les budgets successifs de cette législature facilitent les recrutements. Le rythme de création de 405 postes par an dans la police et la gendarmerie reste cependant insuffisant. La seule création de 5 000 emplois pendant le quinquennat au bénéfice de la sécurité et de la police ne suffira pas à combler le déficit issu de la gestion précédente. Les efforts consentis, s’ils sont réels, ne permettront toujours pas de garantir l’existence d’une véritable police et gendarmerie de proximité.

La même remarque vaut pour les investissements. Si nous notons avec satisfaction la progression des budgets d’investissement de la police nationale et de la gendarmerie et saluons les efforts supplémentaires destinés aux systèmes d’information et de communication, force est de constater que les budgets consacrés à l’équipement des fonctionnaires ou aux moyens mobiles demeurent stables, quand ils ne sont pas revus à la baisse. C’est une situation dommageable au regard du vieillissement préoccupant et de l’obsolescence des matériels. Nous aimerions que des moyens plus ambitieux soient consacrés à l’amélioration des conditions de travail de nos policiers et de nos gendarmes.

Nous ne pouvons pas davantage faire l’impasse sur la problématique de la souffrance au travail et de la douloureuse question des suicides de policiers et de gendarmes : trente-six suicides de policiers et dix-sept de gendarmes ont été recensés depuis le début de cette année. Le ministre a annoncé qu’il présiderait personnellement une réunion de travail en novembre afin d’analyser les causes des suicides, qui sont un mal récurrent dans la police et la gendarmerie, et de définir des solutions. Nous espérons fortement que cette noble intention aboutira à des réponses pérennes. Si les études pointent dans la majorité des cas des problèmes personnels comme étant à l’origine de ces actes de désespoir, les condamnations répétées du ministère de l’intérieur par les tribunaux administratifs incitent à reconsidérer la vision managériale de l’administration et les conditions de travail, ainsi que le réclament les syndicats.

Nous nous interrogeons également sur le budget de la sécurité et de l’éducation routières, en recul de 6 % et sur les baisses de 5,7 % et 17,8 % des moyens alloués à la sécurité routière dans les programmes de la police nationale et de la gendarmerie nationale. Si chacun reconnaît la nécessité d’intensifier la lutte contre l’insécurité routière – c’est d’ailleurs l’une des priorités affirmée du Gouvernement –, la réalisation de l’objectif de baisse de la mortalité sur les routes impose la poursuite de la répression des comportements dangereux, qui ne se résument pas aux excès de vitesse. Consommation de stupéfiants, utilisation de téléphones portables, non-port de la ceinture de sécurité sont autant d’infractions dont la constatation et la sanction supposent des moyens humains et matériels accrus.

S’agissant enfin de la sécurité civile, je dirai un mot des services départementaux d’incendie et de secours, pour saluer l’engagement pris par le ministre de ne pas remettre en cause, dans le cadre de la réforme territoriale, l’échelon départemental structurant l’organisation des services d’incendie et de secours et de préserver la structure des financements. Cependant, nous faisons nôtres les interrogations et les inquiétudes exprimées par le président de l’assemblée des départements de France, Claudy Lebreton, qui craint que l’État reprenne un rôle dans la gouvernance et le financement des SDIS, alors même que le pilotage par les conseils départementaux fonctionne plutôt correctement. Il serait nécessaire de conduire un travail de concertation et de préciser le contenu, le calendrier et l’impact sur le service public des futures propositions gouvernementales.

Monsieur le ministre, au bénéfice de ces diverses observations et compte tenu des efforts consentis qui, s’ils sont réels, ne remédient pas à l’insuffisance récurrente de moyens, le groupe GDR s’abstiendra sur les crédits de cette mission, même si à titre personnel je lui apporterai mon soutien, en raison de l’écoute attentive et positive dont bénéficie le département de la Guyane, ce dont je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Yves Goasdoué, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Yves Goasdoué. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la sécurité est évidemment une priorité nationale. Elle concerne à la fois la police, la gendarmerie, la sécurité civile et la sécurité routière. En ce domaine plus qu’en tout autre, l’énoncé d’une politique ne vaut que s’il est conforté par les chiffres, et l’effort me semble réel. Au plan financier, le budget alloué au maintien de la sécurité est en hausse pour la troisième année consécutive. Par rapport à 2014, les crédits de la mission « Sécurités » évoluent de 7 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 86 millions d’euros en crédits de paiement.

Alors qu’entre 2007 et 2012, 13 000 emplois ont été supprimés dans la police et la gendarmerie, ce budget permet la création de 405 postes et garantit le remplacement de tous les départs à la retraite. Cela représente 243 fonctionnaires supplémentaires dans la police nationale et 162 militaires dans la gendarmerie. Alors qu’après plusieurs années blanches, on constate une dégradation réelle des casernes de gendarmerie, ce budget consacre 70 millions d’euros à des opérations de réhabilitation extrêmement lourdes. Alors que le parc automobile des deux forces vieillissait dangereusement, ce sont 81 millions d’euros qui seront alloués en 2015 à son remplacement. Alors que la question du maintien en conditions opérationnelles des moyens de lutte aérienne contre les feux de forêt était posée tout à fait légitimement, le budget permet de s’assurer de cette fonction essentielle. Alors que le système informatique et de communication – véritable nerf de la guerre – devenait peu à peu obsolète, un plan de modernisation technologique 3.0 sera lancé pour une période de trois ans avec 10 millions d’euros injectés dès 2015.

Il est vrai que ce budget ne réglera pas tout. La RGPP a laissé des blessures profondes, elle a créé des désorganisations fortes ; mais budget après budget nous redressons la barre. L’effort budgétaire ne fait pas tout, encore faut-il réorganiser, restructurer, optimiser. Depuis 2013, des mutualisations entre les différents acteurs de la sécurité sont opérées. La mutualisation de la logistique de soutien des forces est bien engagée. Elle l’est au plan central, mais aussi au niveau zonal avec la création cette année des secrétariats généraux pour l’administration du ministère de l’intérieur. Cet effort de mutualisation sera intensifié, et je l’espère étendu à d’autres domaines. Ce sont des économies non négligeables.

Ce budget flèche des priorités. Rompant avec la politique du chiffre, il fait en sorte que toute l’action de la police et de la gendarmerie soit tournée vers la population. Il tire les conclusions logiques de l’exploitation de nos nouveaux outils statistiques.

Il accentue en particulier la lutte contre les cambriolages et les violences faites aux personnes. Il privilégie la mise en œuvre des textes que nous avons récemment votés en matière de grande criminalité, de cybercriminalité et de fraude fiscale. S’agissant de la lutte contre le terrorisme et sa forme actuelle, le djihadisme, il renforce les effectifs de la direction générale de la sécurité intérieure et du service central de renseignement territorial.

C’est ce que les Français, mes chers collègues, attendent d’un budget de la sécurité. Dans le contexte de grande difficulté financière qui est le nôtre, le cap est tenu, la sécurité à laquelle les Français aspirent et ont droit se traduit par une priorité budgétaire. C’est pour cette raison que le groupe SRC votera ces crédits. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Nous en venons aux questions. Je vous rappelle que la durée des questions et des réponses est fixée à deux minutes.

La parole est à M. Philippe Goujon, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Philippe Goujon. Monsieur le président, monsieur le ministre, je voudrais faire le lien entre la mission d’information sur la sécurité, qui a rendu son rapport récemment, et la présentation de ce budget. Vous vous souvenez, monsieur le ministre, que mes collègues Ciotti, Fenech et moi-même avons démissionné de cette mission d’information pour protester contre la mutation-sanction du général Soubelet, qui en avait sans doute trop dit aux parlementaires. Le rapport de la mission propose de décentraliser la gestion du parc immobilier de la gendarmerie, vétuste à 70 %, notamment le domanial, qui reviendrait aux départements et celui de la police aux régions. Y êtes-vous favorable et selon quelles procédures ? Je sais qu’un amendement du Gouvernement va traiter de ce sujet, mais le rapport va beaucoup plus loin.

Dans son volet pénal, le rapport contient de nombreuses propositions, dans le droit fil de la politique menée par le Gouvernement, en particulier de la circulaire Taubira et de la loi du 15 août 2014 – dont nous considérons qu’elle affaiblit la sanction faute de l’appliquer. Ainsi, la substitution de la transaction pénale à la garde de vue qui permettait de ficher et d’interroger les délinquants, que ce soit en matière d’usage de stupéfiants, d’occupation de halls d’immeuble, de vente à la sauvette ou de racolage privera les forces de sécurité de moyens d’investigation. Je souhaite savoir si vous êtes favorable à la dépénalisation de tous ces délits que préconise la mission.

En matière de sécurité routière, alors que votre budget fixe des objectifs de réduction de la mortalité et que les délits routiers sont marqués par la récidive à hauteur de 42 %, quelle est votre appréciation de la proposition du rapport de dépénaliser la conduite sous l’empire de l’alcool, sans permis ou avec défaut d’assurance ?

Enfin, il y a un an, le Conseil d’État annulait un décret du Premier ministre autorisant l’ouverture des salles de shoot. Le projet de loi santé passant outre cette décision, cautionnez-vous l’expérimentation à venir – qui, pour nous, revient à une dépénalisation de fait de l’usage des stupéfiants –, et avez-vous prévu les effectifs nécessaires pour sécuriser les sites concernés ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Monsieur Goujon, je vous sais gré de votre question. La mission d’information sur la lutte contre l’insécurité sur tout le territoire a produit un rapport extrêmement intéressant, et je tiens à remercier le président de cette mission, le député Jean-Pierre Blazy. Je relève que ce rapport va dans la même direction que les orientations que j’ai retenues pour le budget de la mission « Sécurités » qui vous est aujourd’hui soumis. C’est en particulier le cas de la création nette d’effectifs. Le rapport propose qu’elle se poursuive au rythme actuel d’environ 500 par an sur le triennal : c’est chose faite depuis 2013. Cela marque une rupture avec la destruction de 13 000 postes dans la police et la gendarmerie opérée entre 2007 et 2012. Les propositions du rapport sont également convergentes avec le budget proposé en ce qui concerne un point crucial : le renouvellement du parc automobile. J’ai obtenu que soit lancée l’acquisition de quelque 2 000 véhicules dès la fin de l’année 2014 pour une livraison début 2015. Par ailleurs, les crédits pour 2015 doivent permettre l’achat de 2 000 nouveaux véhicules pour chaque force, soit 40 millions d’euros d’investissement.

Vous évoquez également la proposition du rapport de décentraliser la gestion immobilière des forces. Je rappelle que depuis le 1er mai 2014, les secrétariats généraux pour l’administration du ministère de l’intérieur ont un rôle à jouer en termes de programmation et de conduite de projets immobiliers de la police et de la gendarmerie.

S’agissant de la dépénalisation des petits délits de masse, c’est un sujet difficile et complexe. Certes, je partage l’objectif de redonner des marges de manœuvre opérationnelles sur la voie publique pour l’investigation en allégeant certaines tâches, et la dépénalisation y contribuerait incontestablement ; toutefois, dans les faits, cela reviendrait à transformer ces délits en contraventions. Or ils sont en grande partie constitués d’infractions à la législation sur les stupéfiants ou à la conduite de véhicule sous l’emprise d’alcool. Vous comprendrez que cela pose des questions qui dépassent le seul aspect technique de la façon dont ces infractions doivent être traitées. Il nous faut donc du temps pour prendre les bonnes décisions.

M. Pascal Popelin, rapporteur pour avis. C’est vrai.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je vous ai répondu en commission sur l’impact de la réforme pénale sur le fonctionnement des forces de sécurité, mais je le refais bien volontiers : je veillerai bien entendu, en lien étroit avec le ministère de la justice, à ce que le nouveau cadre juridique ne se traduise pas par des surcharges indues.

Enfin, concernant les salles de consommation de stupéfiants à moindre risque, je rappelle que ce dossier est piloté par le ministère de la santé auquel il appartient de répondre sur ce point.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, des intempéries récentes, avec des inondations, ont frappé le Languedoc-Roussillon, en particulier mon département, L’Hérault, de Lamalou-les-Bains à Montpellier, mais le Gard, y compris Nîmes, ont aussi été lourdement touchés, tandis que plus de 1 000 hectares de forêts étaient dévastés en Corse. Ces catastrophes naturelles ont souligné l’importance et la force de notre modèle solidaire de sécurité civile. Pour préserver les biens et sauvegarder les vies, des sapeurs-pompiers professionnels ou volontaires mais également des militaires, ainsi que du matériel au sol et dans les airs, sont nécessaires, en particulier des hélicoptères et des bombardiers d’eau, aux côtés des élus, des services municipaux et départementaux, avec le concours des acteurs associatifs.

Je veux souligner aussi que cet été encore, la France est venue en aide à nos partenaires suédois et grecs confrontés à d’importants feux de forêt et, depuis quelques jours, trente militaires de la sécurité civile sont présents en Guinée pour appuyer nos amis dans la lutte contre le virus Ebola et cette épidémie épouvantable.

Défendre sur tout le territoire national, dans les villes comme dans les campagnes, dans les montagnes comme dans les plaines, notre modèle social de protection, de préservation et d’accompagnement est essentiel. Cela passe notamment par un engagement résolu pour conserver son socle : le volontariat. Le Président de la République s’y est engagé à Chambéry, en octobre 2013. Cela passe aussi par des adaptations et par des mesures de modernisation pour garantir notre capacité à agir à toute heure et en tout point du territoire avec des équipements à la hauteur. C’est cela la République ; c’est cela l’égalité républicaine, l’assurance d’offrir à tous nos concitoyens un accès égal aux secours en moins de trente minutes.

Monsieur le ministre, je vous demande de nous préciser les actions majeures du programme « Sécurité civile » pour 2015.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Madame Anne-Yvonne Le Dain, vous avez raison : nous pouvons être fiers de notre modèle de sécurité civile. Nous l’avons d’ailleurs constaté ensemble lorsque je me suis rendu à trois reprises dans l’Hérault au cours des dernières semaines en raison des inondations auxquelles le département dont vous êtes l’élue s’est trouvé tragiquement confronté. Notre système de sécurité civile repose sur un modèle inédit qui unit sapeurs-pompiers professionnels et volontaires, qui, ensemble, contribuent aux secours d’urgence à la personne et au sauvetage des territoires confrontés à des dangers sérieux, qu’il s’agisse d’inondation, d’incendie ou encore de risque sanitaire. Il s’agit également d’une force de sécurité qui intervient à l’intérieur du territoire national, mais pas uniquement : nous avons vu des éléments de la sécurité civile mobilisés pendant l’été sur des théâtres extérieurs, tels la Suède, la Grèce et ailleurs dans les Balkans, avec une haute qualité d’intervention qui a inspiré reconnaissance et gratitude des responsables politiques des pays concernés et fait la fierté du ministère de l’intérieur.

Mais pour que ce modèle vive, il faut développer plusieurs actions.

La première vise à enraciner le volontariat au sein de la nation pour qu’il trouve sa pleine et entière place. Il faut pour cela mettre en œuvre les vingt-cinq propositions pour le volontariat qui ont été arrêtées par le Président de la République et le Premier ministre à Chambéry l’an dernier. Elles concernent des sujets aussi différents que la mobilisation des entreprises pour donner le temps nécessaire à cet engagement bénévole ou l’accès des sapeurs-pompiers volontaires au logement social sur leur zone d’intervention, ce qui me conduit à travailler en étroite liaison avec la ministre du logement et les présidents des grandes sociétés du secteur. Il peut également s’agir de la défense du modèle français d’incendie et de secours quand des directives européennes sont susceptibles de remettre en cause un certain nombre de ses caractéristiques. Vous savez que la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, le Gouvernement et des parlementaires sont dans une discussion extrêmement fructueuse avec Bruxelles pour que cela n’advienne pas.

Et puis je voudrais indiquer quelques priorités pour les mois qui viennent, autant de sujets sur le métier pour l’année 2015. Il s’agit d’assurer le maintien en condition opérationnelle et la modernisation des moyens nationaux de la sécurité civile. Vous savez que je fais tout pour assurer la mutualisation, notamment de notre flotte d’aéronefs. J’ai décidé de transférer à Nîmes-Garons le centre de maintenance de Marignane. Je m’y suis rendu cet été et j’ai vu que cela donne des résultats positifs, non seulement parce que sont ainsi dégagées des marges de manœuvre qui garantissent notre capacité à investir dans les équipements dont la sécurité civile a besoin, mais aussi parce que cela a permis la mutualisation de l’entretien des hélicoptères entre la gendarmerie et les services d’incendie et de secours. Je forme le vœu qu’on aille bien au-delà puisqu’il n’y a pas que les hélicoptères rouges ou bleus, mais également des hélicoptères blancs qui assurent le secours d’urgence à la personne au titre du ministère de la santé. J’ai saisi le Premier ministre de la volonté qui est la nôtre de procéder à la mutualisation de l’entretien de l’ensemble.

Il s’agit également de développer les équipements pour améliorer l’efficacité opérationnelle de nos forces, autre sujet qui mobilise le ministère.

Autre priorité : apporter le soutien de l’État aux projets d’intérêt national, je pense en particulier à la réalisation du centre civilo-militaire consacré à la prévention des risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques – NRBC – à Aix-en-Provence, autour de l’ENSOP, l’École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers, ou encore au centre d’alerte tsunami dans la Méditerranée.

Vous le voyez, madame la députée, mon ministère est très mobilisé pour que nos services de secours à la personne se modernisent, montent en gamme. À cet effet, nous entretenons un dialogue extrêmement étroit avec la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, dont le président, Éric Faure, fait un travail absolument remarquable avec nous. Le congrès qui s’est tenu en Avignon a été l’occasion de renforcer nos relations de confiance et aussi de réaffirmer que les services d’incendie et de secours ont vocation à s’enraciner durablement dans le territoire départemental car c’est dans les départements qu’ils doivent s’organiser pour que la proximité permette le développement du volontariat. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Daniel Boisserie, rapporteur pour avis. Absolument !

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions.

Mission « Sécurités » (état B)

M. le président. J’appelle les crédits de la mission « Sécurités », inscrits à l’état B.

(Les crédits de la mission « Sécurités » sont adoptés.)

Après l’article 59

M. le président. Je suis saisi d’un amendement, n307, portant article additionnel après l’article 59.

La parole est à M. le ministre, pour le soutenir.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. L’article L. 1311-4-1 du code général des collectivités territoriales permet l’engagement des collectivités territoriales dans le financement de l’immobilier de la police nationale, la gendarmerie nationale et de la justice

Institué par la LOPSI, la loi d’orientation et de programmation de la sécurité intérieure du 29 août 2002, ce dispositif ne devait initialement durer que jusqu’au 31 décembre 2007. Toutefois, l’article 96 de la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure du 14 mars 2011 l’a rétabli jusqu’au 31 décembre 2013.

La nécessité de le rétablir à nouveau est justifiée par plusieurs projets immobiliers en cours de montage, voire déjà programmés, qui risqueraient d’être remis en cause si les collectivités territoriales ne pouvaient maintenir leur engagement actuel. C’est notamment le cas des projets immobiliers relevant de la police nationale à Torcy, Corbeil-Essonnes et Sarcelles, ainsi que des relogements des commissariats de Deuil-la-Barre – particulièrement dégradé – et de Digne-les-Bains, pour lequel le conseil général est en passe d’acheter un immeuble. En l’absence de prorogation du dispositif, ce sont 131 millions d’euros que le ministère de l’intérieur devrait financer seul sur une période de cinq ans, soit 26,5 millions d’euros par an.

Compte tenu des enjeux que représente l’immobilier pour toutes les forces de sécurité, il est nécessaire de maintenir l’offre la plus large possible quant aux montages susceptibles d’être utilisés pour subvenir aux besoins des unités opérationnelles et de soutien.

De ce fait, il importe que les dispositions du code général des collectivités territoriales soient pérennisées, afin que les collectivités maintiennent leur engagement actuel au profit de l’immobilier des forces de sécurité. Tel est l’objet du présent amendement.

M. le président. La parole est à M. Romain Colas, suppléant M. Yann Galut, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission.

M. Romain Colas, suppléant M. Yann Galut, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. La commission n’a pas pu examiner cet amendement, mais, compte tenu des enjeux et des explications du Gouvernement, j’émets un avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Daniel Boisserie, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées.

M. Daniel Boisserie, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées. Je suis bien évidemment favorable à la prorogation d’un dispositif qui permet aux collectivités territoriales de construire, acquérir ou rénover des bâtiments qui seront ensuite mis à la disposition de l’État pour les besoins de la gendarmerie, de la police, de la justice ou des services départementaux d’incendie et de secours.

J’en profite pour évoquer une autre piste, détaillée dans mon rapport et déjà présentée en commission élargie, et qui concerne spécifiquement la gendarmerie.

Depuis 2009, les produits de ses cessions immobilières se voient appliquer une décote d’environ 50 %, principalement au titre de la participation au désendettement de l’État. Compte tenu des besoins financiers pour remettre le parc domanial à un niveau acceptable, ne serait-il pas envisageable de faire bénéficier la gendarmerie d’un taux de retour intégral sur les produits de ses cessions immobilières ?

Un tel dispositif pourrait être temporaire, le temps que les opérations nécessaires soient menées. Le désendettement de notre pays doit évidemment rester une priorité, mais nous avons également un devoir moral vis-à-vis de nos gendarmes et de leurs familles. En l’occurrence, et jusqu’à ce que le problème immobilier soit résolu, j’estime que c’est ce devoir qui doit primer.

Les débats relatifs au compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État » auront lieu les 7 et 12 novembre en commission élargie et en séance publique : il est donc encore temps de déposer des amendements. Seriez-vous favorable, monsieur le ministre, à des amendements tendant à modifier l’article 47 de la loi de finances pour 2006 ? Je crois qu’ils auraient l’approbation de l’ensemble de la représentation nationale.

M. le président. La parole est à M. Pascal Popelin, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Pascal Popelin, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Cet amendement technique n’a pas non plus été examiné par la commission des lois.

L’an dernier, les commissions des lois et de la défense avaient prorogé par amendement un autre dispositif, relatif aux baux emphytéotiques administratifs.

L’article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales permet en effet à celles-ci de contracter des baux emphytéotiques administratifs, notamment pour réaliser des opérations immobilières liées aux besoins de la gendarmerie nationale. Instituée par la loi du 29 août 2002 d’orientation et de programmation de la sécurité intérieure, cette procédure, qui ne devait initialement durer que jusqu’au 31 décembre 2007, a été prorogée à quatre reprises en loi de finances – et, en dernier lieu, l’année dernière, où le dispositif a été prolongé de quatre ans, soit jusqu’au 31 décembre 2017.

Cette année, le Gouvernement nous propose de proroger, également jusqu’en 2017, un dispositif voisin, quoique plus large, puisqu’il permet l’engagement des collectivités territoriales dans le financement de l’immobilier de la police nationale, de la gendarmerie nationale et de la justice.

Il serait effectivement pertinent que les durées de validité des deux dispositifs soient harmonisées. À titre personnel, je suis par conséquent favorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Monsieur le ministre, nous voterons cet amendement, dont les motifs nous paraissent tout à fait justifiés. Toutefois, c’est la troisième fois que nous prorogeons ce dispositif. Dans votre conclusion, vous en avez évoqué la pérennisation. La question ne se poserait-elle pas, plutôt que de le proroger jusqu’à des dates sans cesse repoussées ? D’autant que ce dispositif ne consiste nullement à obliger qui que ce soit à faire quoi que ce soit ; il permet simplement aux collectivités qui le jugerait utile, ou nécessaire, d’accompagner l’effort de l’État. J’ai l’exemple dans ma circonscription d’une collectivité qui a pris cette initiative avant même l’adoption de la LOPSI, ce qui a permis d’anticiper ainsi la création d’un commissariat de police – lequel fit d’ailleurs, monsieur le ministre, l’objet de votre première visite en tant que ministre de l’intérieur, à Moissy-Cramayel.

Je vous suggère donc de réfléchir – non pas dans l’immédiat, mais le moment opportun – à des dispositions qui permettraient de pérenniser au long cours ce dispositif, sans que nous ayons à lui fixer de nouveau une date butoir ultérieure.

(L’amendement n307 est adopté.)

Compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » (état D)

M. le président. J’appelle maintenant les crédits du compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », inscrits à l’état D.

(Les crédits du compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » sont adoptés.)

M. le président. Nous avons terminé l’examen de la mission « Sécurité » et des crédits relatifs au compte spécial « Contrôle de la circulation et du stationnement routier ».

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures trente-cinq.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly