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Projet de loi de finances pour 2015
Texte du projet de loi - n° 2234
MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES
ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
AUTORISATIONS BUDGÉTAIRES POUR 2015 –
CRÉDITS ET DÉCOUVERTS
Il est ouvert aux ministres, pour 2015, au titre du budget général, des autorisations d’engagement et des crédits de paiement s’élevant respectivement aux montants de 410 613 652 074 € et de 395 617 020 335 €, conformément à la répartition par mission donnée à l’état B annexé à la présente loi.
ÉTAT B
(Article 32 du projet de loi)
Répartition, par mission et programme, des crédits du budget général
BUDGET GÉNÉRAL
(En euros) | ||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Enseignement scolaire |
66 318 405 922 |
66 398 402 152 |
Enseignement scolaire public du premier degré |
19 839 829 295 |
19 839 829 295 |
Dont titre 2 |
19 801 261 152 |
19 801 261 152 |
Enseignement scolaire public du second degré |
31 030 330 297 |
31 030 330 297 |
Dont titre 2 |
30 917 555 277 |
30 917 555 277 |
Vie de l’élève |
4 718 791 136 |
4 766 382 366 |
Dont titre 2 |
1 979 667 088 |
1 979 667 088 |
Enseignement privé du premier et du second degrés |
7 176 057 475 |
7 176 057 475 |
Dont titre 2 |
6 426 285 133 |
6 426 285 133 |
Soutien de la politique de l’éducation nationale |
2 173 289 375 |
2 205 694 375 |
Dont titre 2 |
1 457 675 053 |
1 457 675 053 |
Enseignement technique agricole |
1 380 108 344 |
1 380 108 344 |
Dont titre 2 |
898 160 116 |
898 160 116 |
Amendement n° 236 présenté par Mme Rabault.
Modifier ainsi les autorisations d'engagement et les crédits de paiement :
(en euros) | ||
Programmes |
+ |
- |
Enseignement scolaire public du premier degré |
0 |
0 |
Dont titre 2 |
0 |
0 |
Enseignement scolaire public du second degré |
0 |
250 000 000 |
Dont titre 2 |
0 |
0 |
Vie de l'élève |
250 000 000 |
0 |
Dont titre 2 |
0 |
0 |
Enseignement privé du premier et du second degrés |
0 |
0 |
Dont titre 2 |
0 |
0 |
Soutien de la politique de l'éducation nationale |
0 |
0 |
Dont titre 2 |
0 |
0 |
Enseignement technique agricole |
0 |
0 |
Dont titre 2 |
0 |
0 |
TOTAUX |
250 000 000 |
250 000 000 |
SOLDE |
0 |
Amendement n° 204 présenté par M. Breton, M. Jacob, M. Abad, M. Aboud, M. Accoyer, M. Albarello, Mme Ameline, M. Apparu, Mme Arribagé, M. Aubert, M. Audibert Troin, M. Balkany, M. Barbier, M. Bénisti, M. Berrios, M. Bertrand, M. Blanc, M. Bonnot, M. Bouchet, Mme Boyer, M. Briand, M. Brochand, M. Bussereau, M. Carré, M. Carrez, M. Censi, M. Chartier, M. Chatel, M. Cherpion, M. Chevrollier, M. Chrétien, M. Christ, M. Cinieri, M. Ciotti, M. Cochet, M. Copé, M. Cornut-Gentille, M. Costes, M. Courtial, M. Couve, Mme Dalloz, M. Darmanin, M. Dassault, M. Daubresse, M. de Ganay, Mme de La Raudière, M. de La Verpillière, M. de Mazières, M. de Rocca Serra, M. Debré, M. Decool, M. Deflesselles, M. Degauchy, M. Delatte, M. Devedjian, M. Dhuicq, Mme Dion, M. Door, M. Dord, M. Douillet, Mme Marianne Dubois, Mme Duby-Muller, M. Estrosi, M. Fasquelle, M. Fenech, M. Fillon, Mme Fort, M. Foulon, M. Francina, M. Fromion, M. Furst, M. Gandolfi-Scheit, M. Gaymard, Mme Genevard, M. Guy Geoffroy, M. Gérard, M. Gest, M. Gibbes, M. Gilard, M. Ginesta, M. Ginesy, M. Giran, M. Goasguen, M. Gorges, M. Gosselin, M. Goujon, Mme Greff, Mme Grommerch, Mme Grosskost, M. Grouard, M. Guaino, Mme Guégot, M. Guibal, M. Guillet, M. Guilloteau, M. Heinrich, M. Herbillon, M. Herth, M. Hetzel, M. Houillon, M. Huet, M. Huyghe, M. Jacquat, M. Kert, Mme Kosciusko-Morizet, M. Labaune, M. Kossowski, Mme Lacroute, M. Laffineur, M. Lamblin, M. Lamour, M. Larrivé, M. Lazaro, Mme Le Callennec, M. Le Fur, M. Le Maire, M. Le Mèner, M. Le Ray, M. Leboeuf, M. Frédéric Lefebvre, M. Lellouche, M. Leonetti, M. Lequiller, M. Lett, Mme Levy, Mme Louwagie, M. Luca, M. Lurton, M. Mancel, M. Marcangeli, M. Mariani, M. Mariton, M. Alain Marleix, M. Olivier Marleix, M. Marlin, M. Marsaud, M. Philippe Armand Martin, M. Martin-Lalande, M. Marty, M. Mathis, M. Meslot, M. Meunier, M. Mignon, M. Morange, M. Moreau, M. Morel-A-L'Huissier, M. Moyne-Bressand, M. Myard, Mme Nachury, M. Nicolin, M. Ollier, Mme Pécresse, M. Pélissard, M. Perrut, M. Philippe, M. Poisson, Mme Poletti, M. Poniatowski, Mme Pons, M. Priou, M. Quentin, M. Reiss, M. Reitzer, M. Reynès, M. Riester, M. Robinet, Mme Rohfritsch, M. Saddier, M. Salen, M. Scellier, Mme Schmid, M. Schneider, M. Sermier, M. Siré, M. Solère, M. Sordi, M. Straumann, M. Sturni, M. Suguenot, Mme Tabarot, M. Tardy, M. Taugourdeau, M. Teissier, M. Terrot, M. Tetart, M. Tian, M. Vannson, Mme Vautrin, M. Verchère, M. Vialatte, M. Jean-Pierre Vigier, M. Vitel, M. Voisin, M. Warsmann, M. Wauquiez, M. Woerth et Mme Zimmermann.
Modifier ainsi les autorisations d'engagement et les crédits de paiement :
(en euros) | ||
Programmes |
+ |
- |
Enseignement scolaire public du premier degré |
0 |
0 |
Dont titre 2 |
0 |
0 |
Enseignement scolaire public du second degré |
0 |
100 000 000 |
Dont titre 2 |
0 |
0 |
Vie de l'élève |
100 000 000 |
0 |
Dont titre 2 |
0 |
0 |
Enseignement privé du premier et du second degrés |
0 |
0 |
Dont titre 2 |
0 |
0 |
Soutien de la politique de l'éducation nationale |
0 |
0 |
Dont titre 2 |
0 |
0 |
Enseignement technique agricole |
0 |
0 |
Dont titre 2 |
0 |
0 |
TOTAUX |
100 000 000 |
100 000 000 |
SOLDE |
0 |
L’article 67 de la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « et 2014-2015 » sont remplacés par les mots : « à 2015-2016 » ;
2° Au 1°, il est ajouté une phrase ainsi rédigée : « ce montant n’est pas versé au titre de l’année scolaire 2015-2016 ; ».
Amendement n° 333 présenté par le Gouvernement.
I. – Après l’alinéa 2, insérer l’alinéa suivant :
« 1° bis Aux premier et cinquième alinéas, les mots : « de fonctionnement » sont remplacés par les mots : « relatives à l’organisation des activités périscolaires ». ».
II. – En conséquence, compléter cet article par les deux alinéas suivants :
« II. – Au premier alinéa de l’article 32 de la loi n°2014-891du 8 août 2014 de finances rectificative pour 2014, les mots : « de fonctionnement » sont remplacés par les mots : « relatives à l’organisation des activités périscolaires » ;
« III. – Le 1° bis et le II du présent article sont applicables pour l’année scolaire 2015-2016. ».
Amendements identiques :
Amendements n° 221 présenté par M. Durand, M. Bloche, M. Dussopt, M. Laurent, M. Le Roux, Mme Tolmont, Mme Langlade, M. Fauré, Mme Pires Beaune, Mme Grelier, M. Sirugue, M. Allossery, M. André, Mme Appéré, Mme Bechtel, Mme Bouillé, Mme Bourguignon, M. Belot, M. Bréhier, Mme Chauvel, Mme Corre, M. Cresta, M. Deguilhem, M. Demarthe, Mme Dessus, Mme Sandrine Doucet, Mme Dufour-Tonini, M. William Dumas, Mme Martine Faure, M. Féron, Mme Fournier-Armand, M. Françaix, M. Hanotin, Mme Hurel, M. Hutin, Mme Lang, Mme Lemorton, Mme Lepetit, Mme Lousteau, Mme Olivier, Mme Martinel, M. Ménard, M. Paul, M. Potier, Mme Povéda, M. Pouzol, M. Premat, M. Rogemont, M. Sebaoun, Mme Sommaruga, M. Travert, M. Vignal, M. Vergnier et les membres du groupe socialiste, républicain et citoyen, n° 228 présenté par M. Schwartzenberg et les membres du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et n° 347 présenté par Mme Pompili, Mme Abeille, M. Alauzet, Mme Allain, Mme Attard, Mme Auroi, M. Baupin, Mme Bonneton, M. Cavard, M. Coronado, M. de Rugy, Mme Duflot, M. François-Michel Lambert, M. Mamère, Mme Massonneau, M. Molac, M. Roumegas et Mme Sas.
Substituer à l’alinéa 3 les quatre alinéas suivants :
« 2° Le même alinéa est complété par les mots : « et, pour l’année scolaire 2015-2016, pour lesquels sont organisées des activités périscolaires dans le cadre d’un projet éducatif territorial prévu à l’article L. 551-1 du code de l’éducation » ;
« 3° Le 1° est ainsi rédigé :
« 1° Un montant forfaitaire versé aux communes pour chaque élève scolarisé dans une école remplissant les conditions mentionnées au premier alinéa du présent article ; » ;
« II. – La première phrase du premier alinéa de l’article 32 de la loi n° 2014-891 du 8 août 2014 de finances rectificative pour 2014 est complétée par les mots : « et, pour l’année scolaire 2015-2016, lorsque ces communes et établissements organisent des activités périscolaires dans le cadre d’un projet éducatif territorial prévu à l’article L. 551-1 du code de l’éducation ».
Amendement n° 362 présenté par Mme Rabault.
Compléter cet article par les deux alinéas suivants :
« II.– L’inspection académique accompagne les communes de moins de 5 000 habitants pour la rédaction d’un projet éducatif territorial.
« En cas d’absence de projet éducatif territorial pour ces communes au 30 juin 2015, l’inspection académique propose une écriture du projet éducatif territorial à la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale qui le validera. ».
Sécurités
(Article 32 du projet de loi)
Répartition, par mission et programme, des crédits du budget général
BUDGET GÉNÉRAL
(En euros) | ||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Sécurités |
18 186 445 486 |
18 242 840 368 |
Police nationale |
9 662 872 049 |
9 696 892 335 |
Dont titre 2 |
8 718 418 488 |
8 718 418 488 |
Gendarmerie nationale |
8 077 700 767 |
8 061 553 367 |
Dont titre 2 |
6 848 898 820 |
6 848 898 820 |
Sécurité et éducation routières |
44 844 000 |
44 844 000 |
Sécurité civile |
401 028 670 |
439 550 666 |
Dont titre 2 |
166 611 496 |
166 611 496 |
Amendement n° 307 présenté par le Gouvernement.
Après l'article 59, insérer l'article suivant :
Aux premier et deuxième alinéas de l’article L. 1311-4-1 du code général des collectivités territoriales, l’année : « 2013 » est remplacée par l’année : « 2017 ».
Il est ouvert aux ministres, pour 2015, au titre des comptes d’affectation spéciale et des comptes de concours financiers, des autorisations d’engagement et des crédits de paiement s’élevant respectivement aux montants de 183 208 963 328 € et de 183 066 646 102 €, conformément à la répartition par compte donnée à l’état D annexé à la présente loi.
(Article 34 du projet de loi)
Répartition, par mission et programme, des crédits des comptes d’affectation spéciale et des comptes de concours financiers
I. – COMPTES D’AFFECTATION SPÉCIALE
(En euros) | ||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Contrôle de la circulation et du stationnement routiers |
1 377 096 668 |
1 377 096 668 |
Radars |
217 118 000 |
217 118 000 |
Fichier national du permis de conduire |
21 882 000 |
21 882 000 |
Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers |
30 000 000 |
30 000 000 |
Contribution à l’équipement des collectivités territoriales pour l’amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières |
667 191 234 |
667 191 234 |
Désendettement de l’État |
440 905 434 |
440 905 434 |
Compte rendu de la commission élargie du mardi 21 octobre 2014
(Application de l’article 120 du Règlement)
Enseignement scolaire
La réunion de la commission élargie commence à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Éva Sas, vice-présidente de la commission des finances, et de M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles.
Mme Eva Sas, présidente. Madame la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, nous sommes réunis en commission élargie afin de vous entendre sur les crédits du projet de loi de finances pour 2015 consacrés à la mission « Enseignement scolaire ».
Après l’intervention de Patrick Bloche, nous donnerons la parole aux rapporteurs des deux commissions, pour cinq minutes chacun, et vous pourrez alors répondre à leurs questions, madame la ministre. S’exprimeront ensuite les orateurs des groupes. Enfin, tous les députés qui le souhaitent pourront vous interroger. Les temps d’intervention sont limités à deux minutes.
M. Patrick Bloche, président. Je sais d’emblée que nos échanges seront denses et dynamiques. Nous vous avons auditionnée il y a peu de temps, madame la ministre, ce qui nous a permis d’examiner au fond les grandes orientations que vous conduisez à la tête de ce grand ministère que vous êtes la première femme à diriger – il est important de le rappeler.
Vous êtes une ministre heureuse et nous sommes heureux avec vous de constater qu’avec une hausse de ses crédits de plus de un milliard d’euros, ce budget répond incontestablement, pour la seconde année consécutive, à l’ambition de la loi d’orientation et de programmation du 9 juillet 2013 pour refondation de l’école, avec la création de 9 561 postes en 2015, l’amélioration de l’accompagnement des élèves, la remise en place de la formation des enseignants, la réforme de l’éducation prioritaire.
Pour la première fois depuis longtemps, le budget de l’éducation nationale redeviendra, en 2015, le premier budget de la nation. C’est dire combien la priorité est donnée à l’avenir du pays à travers les générations montantes.
M. Alain Fauré, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. La mission « Enseignement scolaire » est redevenue premier budget de la nation ; ses crédits s’accroissent en 2015 de 2,03 % en autorisations d’engagement, avec 64,93 milliards d’euros, et de 2,44 % en crédits de paiement, avec 65,01 milliards d’euros – pensions incluses bien sûr.
Seront créés 9 561 postes dont 5 734 d’enseignants et 144 dans l’enseignement technique agricole.
Les orientations fermes et innovantes qu’a su donner le Président de la République dès la rentrée 2012 sont ainsi confirmées, qu’il s’agisse de la priorité donnée au primaire, de l’accueil des enfants en situation de handicap, de l’éducation prioritaire, de l’importance accordée à la formation des enseignants ou encore de l’ouverture au numérique. Ces orientations étaient également celles de la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école que nous avons votée l’année dernière et dont ce budget est une traduction.
Les données chiffrées correspondant à ces évolutions très positives figurent dans le document écrit qui vous a été distribué. Laissez-moi avant tout, madame la ministre, saluer vos premières actions.
Au-delà de l’aridité des chiffres, je souhaite vous interroger sur les objectifs, la logique de la politique d’éducation nationale, la mission dévolue aux encadrants. Notre système nous apparaît, en effet, parfois exagérément fondé sur la notation, la sélection, la sanction. Il me semble qu’il faut dégager une nouvelle vision forte fondée sur une notation qui stimule et non qui décourage, sur l’accompagnement, sur la bienveillance. Ce terme, vous le retenez vous-même : il figure à la page 12 du projet annuel de performances. Je pourrais citer ainsi l’exemple de chefs d’établissement et d’enseignants qui ont obtenu des résultats tout à fait convaincants, en agissant prioritairement de cette manière. Quelle est votre analyse ?
Alors que se déroule la consultation nationale sur le socle commun de connaissances, de compétences et de culture, qui définit les éléments que doit acquérir chaque élève au cours de sa scolarité obligatoire, pourriez-vous faire le point sur plusieurs grandes réformes annoncées : où en est-on de celle des « cycles et des socles », pour reprendre le mot d’un de vos prédécesseurs, M. Vincent Peillon, de celle des programmes, de la réforme du collège ? Pouvez-vous nous donner des informations sur le plan d’ensemble pour le numérique éducatif annoncé par le Président de la République ?
L’école, dites-vous, doit être inclusive et nous nous efforçons d’accueillir et de prendre en charge tous les enfants, ceux en particulier qui sont en situation de handicap. L’échec scolaire reste pourtant un « point dur » de notre système éducatif ; les phénomènes d’absentéisme, de décrochage interrogent les responsables que nous sommes. Nous devons les combattre plus vigoureusement. Une question souvent oubliée reste celle des enfants intellectuellement précoces qui connaissent souvent des difficultés scolaires. Quelle est, là aussi, votre analyse ?
La loi pour la refondation de l’école a prévu la création des écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE) mises en place à la rentrée 2013. Nous savons tous l’importance de « l’effet maître » sur les élèves et la nécessité d’avoir des enseignants bien formés. Quelles informations pouvez-vous nous donner sur le fonctionnement des ESPE ? Quelle place feront-elles à l’enseignement de la pédagogie, du numérique éducatif, aux disciplines scientifiques, techniques et industrielles, insuffisamment prises en compte ?
En ce qui concerne l’école primaire, priorité de l’action gouvernementale, nous soutenons la réforme des rythmes scolaires et sommes d’accord pour estimer, comme il est indiqué sur le site de votre ministère, que « la semaine avec cinq matinées, c’est mieux pour les écoliers ». Quel bilan pouvez-vous dresser de l’application de cette importante réforme ?
Pour l’enseignement technique agricole, les efforts des années précédentes sont poursuivis et 165 postes, dont 140 d’enseignants, sont créés, en conformité avec les engagements du Président de la République. Deux questions néanmoins : comment développer les indispensables mutualisations entre l’enseignement scolaire et l’enseignement agricole ? En effet, des marges importantes existent encore en la matière. L’enseignement agricole, qui sait accompagner les élèves et les insérer dans le milieu professionnel, mais qui souffre d’une diminution de ses effectifs, ne devrait-il pas davantage être préconisé dans le cadre des orientations scolaires ? Serait-il possible qu’une convention soit passée entre les deux systèmes éducatifs afin de les rapprocher ?
Enfin, la politique d’éducation prioritaire est au cœur de l’esprit républicain. Pourtant, malgré une dépense en faveur de l’éducation en croissance chaque année, malgré les efforts menés à travers le plan pluriannuel « Éducation prioritaire », malgré la politique revivifiée en faveur des réseaux d’éducation prioritaire dans l’enseignement du premier degré, cette politique reste peut-être à redéfinir et à amplifier. Quelle est, là encore, votre analyse ?
Mme Sylvie Tolmont, rapporteure pour avis pour l’enseignement scolaire, de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Comme le rapporteur spécial, je me félicite de ce projet de budget conforme aux ambitions de la loi pour la refondation de l’école que nous avons adoptée l’an dernier. Il faut mesurer les efforts accomplis depuis le vote du collectif budgétaire qui a suivi les élections de 2012, et je ne citerai qu’un seul chiffre : selon le ministère de l’éducation nationale, le nombre de classes primaires ouvertes depuis ce changement d’orientation est égal à 3 000.
Par ailleurs, je tiens à saluer le lancement de la réforme de l’éducation prioritaire et de son zonage, avec la préfiguration, à l’occasion de cette dernière rentrée scolaire, des 102 réseaux d’établissements choisis parmi les plus difficiles (REP). Les enseignants de l’éducation prioritaire disposeront d’un temps dédié pour se concerter ou recevoir les parents – soit neuf jours par an dans les écoles ou une heure trente par semaine environ dans les collèges – et, dans les établissements relevant des REP+, de trois jours annuels de formation. Ils bénéficieront en outre d’une revalorisation très significative à compter de la rentrée 2015, soit une augmentation des indemnités actuelles de 50 % en REP et de 100 % en REP+. Enfin, les établissements de l’éducation prioritaire mobiliseront un grand nombre de postes créés l’année prochaine, soit 1 100 dans le premier degré, 881 dans le second degré et 100 postes de personnels de santé ou sociaux.
Mon avis sur les crédits proposés pour l’enseignement scolaire ne pourra donc qu’être favorable.
J’évoquerai à présent le thème d’investigation que j’ai choisi cette année, conformément aux usages de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, et qui n’est pas sans lien avec l’éducation prioritaire. Il s’agit de la situation des sections d’enseignement général et professionnel adapté (SEGPA) et des établissements régionaux d’enseignement adapté (EREA) à l’heure de la refondation de l’école. Ces structures qui scolarisent, à partir de la classe de sixième, un peu plus de 100 000 élèves n’ont pas bonne réputation et sont peu connues des responsables publics.
Elles dérogent très clairement au principe de l’école inclusive posé par la loi du 8 juillet 2013 pour la refondation de l’école de la République, c’est-à-dire au droit pour chaque enfant, même lorsqu’il a des besoins particuliers, d’être scolarisé dans les mêmes conditions que les autres élèves et avec eux. En outre, le cycle CM1-CM2-6e prévu par la loi du 8 juillet 2013 remet en question la pertinence d’une orientation vers ces filières à l’issue du CM2. De plus, cette même loi dispose que le redoublement est exceptionnel. Or, jusqu’à ce jour, les textes qui encadrent l’enseignement adapté imposent le maintien de l’élève une année supplémentaire en primaire avant de pouvoir intégrer une SEGPA ou un EREA.
Faut-il pour autant supprimer ces structures ? Je ne le pense pas car l’état actuel du collège ne lui permettrait pas d’accueillir de manière satisfaisante des jeunes qui peuvent se situer « au-delà de la grande difficulté scolaire et psychologique » pour citer les propos d’une enseignante. Je considère même que les SEGPA et les EREA constituent une chance voire un modèle pour l’école d’aujourd’hui car leur organisation leur permet d’offrir un cadre bienveillant à des élèves dont les besoins sont très particuliers. Il s’agit, pour ceux des SEGPA, d’élèves ayant à 84 % redoublé leur CP et issus à plus de 70 % de catégories sociales défavorisées et, pour les élèves d’EREA, de jeunes qui ont souvent été orientés vers ces établissements pour en intégrer l’internat, en réponse à des situations de déshérence familiale.
Or ces structures constituent pour leurs élèves des milieux « protecteurs » et capables de personnaliser la réponse apportée à la situation de chacun d’entre eux. Certes, elles souffrent de certains dysfonctionnements que j’analyse dans le rapport que je présenterai la semaine prochaine. Il faut donc les adapter sans pour autant les dénaturer et je me félicite, à cet égard, de la mise en place au sein du ministère de deux groupes de travail chargés de réfléchir à ces évolutions.
Pour ma part, madame la ministre, je vous interrogerai sur trois points :
D’abord, ne faudrait-il pas favoriser la constitution de groupes mêlant des collégiens et des élèves de SEGPA dans certaines disciplines, cela afin d’éviter « l’assignation » de ces derniers dans une filière « à part » ? Dans le même esprit, il faudrait encourager les retours de ces élèves dans la voie « ordinaire », ce qui suppose que les commissions départementales chargées de l’orientation vers les enseignements adaptés réexaminent chaque année la situation des élèves de SEGPA et d’EREA.
Parallèlement, ne pourrait-on pas supprimer la condition du redoublement, exigée pour intégrer l’enseignement adapté ? Maintenir une année de plus un élève qui est « en souffrance » depuis le CP dans le milieu scolaire dit ordinaire me semble une mesure inutile et coûteuse.
Enfin, en ce qui concerne les EREA dotés d’un internat, leur maintien me paraît indispensable, même lorsque le collège sera devenu réellement « inclusif ». Le savoir-faire souvent remarquable de leurs équipes enseignantes devrait être d’ailleurs mis à contribution par les ESPE. Aussi ne pourrait-on pas faire des EREA les plus en pointe des centres d’innovation et de formation sur la prise en charge d’élèves en grande difficulté ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Je me réjouis de vous présenter un budget en augmentation – de plus de un milliard d’euros : ce n’est pas anodin. Il devient ainsi le premier budget de la nation. C’est une source de fierté pour tous ceux qui pensent que beaucoup se joue à l’école.
Les questions posées par le rapporteur spécial recouvrent nos ambitions pour l’école. Nous avons des réformes importantes à conduire cette année : réforme des programmes, réforme du collège, réforme de l’évaluation.
Tout démontre que l’une des raisons pour lesquelles notre système scolaire n’est pas suffisamment performant, c’est son déterminisme social, c’est le fait qu’il conforte les inégalités sociales plus qu’il ne les corrige. Il nous faut chercher jusque dans le moindre détail toutes les raisons qui expliquent ce déterminisme social, les raisons pour lesquelles on ne pousse pas, on n’encourage pas suffisamment les élèves. Ces raisons, nous les trouverons dans les programmes, dans le « socle » – ce qu’on veut que les élèves aient acquis à la fin de leur scolarité pour que cela leur soit vraiment utile dans la vie –, enfin dans la façon dont on les évalue.
Or une comparaison internationale montre vite que notre système de notation, « classant », est assez décourageant, ne permet pas de développer la confiance en soi, l’estime personnelle des élèves et conduit bien souvent à un échec intériorisé. Nous avons par conséquent décidé de lancer un vaste débat à ce sujet – un débat complexe qu’il ne faut surtout pas caricaturer – en nous y prenant d’une façon inédite puisque nous avons lancé une conférence nationale sur l’évaluation des élèves avec la mise en place d’une conférence de consensus, à savoir d’un jury composé de trente personnes : pour moitié des professionnels de l’éducation, enseignants ou non-enseignants, et pour moitié des usagers de l’éducation nationale, parents d’élèves ou lycéens. Elles seront amenées à se retrouver régulièrement, à auditionner des spécialistes, à se rendre compte par elles-mêmes des expérimentations menées ces dernières années pour noter, évaluer autrement, pour donner un autre sens à l’évaluation dans les procédures d’orientation, d’affectation, pour expliquer aux parents d’une autre manière ce que signifie l’évaluation. Ce jury de trente personnes me rendra ses recommandations au mois de décembre afin que je puisse, parallèlement à la réforme des programmes, réformer la façon dont on note.
En ce qui concerne le collège, il convient d’intervenir car les difficultés significatives que rencontrent de nombreux élèves à l’entrée de la classe de sixième ne font que s’aggraver ensuite et montrent que l’organisation n’y est peut-être pas optimale pour leur réussite. Le fonctionnement actuel du collège ne prend pas suffisamment en considération les difficultés des uns et des autres ; la pédagogie n’y est pas suffisamment différenciée et on a beaucoup de mal à « raccrocher » les décrocheurs. Aussi nous faut-il faire de cette étape de la vie scolaire des élèves français un moment où ils peuvent progresser et non pas conforter le retard pris à la fin de l’école primaire. C’est pourquoi nous allons lancer, dès le début de l’année 2015, une réflexion visant à mieux prendre en charge tous les élèves sans pour autant revenir sur le collège unique. Nous voulons un collège plus hétérogène pour que chacun soit pris en compte.
Pour ce qui est des programmes, je me contenterai de vous indiquer un calendrier puisque les nouveaux programmes ne sont pas encore définis, à l’exception de ceux de l’école maternelle, déjà proposés par le Conseil supérieur des programmes (CSP) et que j’adopterai pour qu’ils entrent en vigueur à la rentrée 2015. Les programmes du primaire et du collège seront à leur tour proposés par le CSP et je les adopterai pour la rentrée 2016.
Dès la rentrée 2014, nous allons adopter ce qui donne sens à chacun de ces programmes, à savoir le socle commun. Il s’agit d’une réforme majeure pour laquelle les enseignants ont été consultés. J’en profite pour redire à quel point il est important que les enseignants soient consultés sur ce que l’on souhaite que les élèves aient appris à la fin de leur scolarité obligatoire ; c’est la meilleure façon, en effet, pour les professeurs, de s’approprier ce qu’ils apprennent.
À notre demande, le Conseil supérieur des programmes va nous soumettre des propositions pour l’élaboration d’un parcours d’éducation artistique et culturelle présent tout au long de la scolarité et qui pourra entrer en vigueur à la rentrée 2015.
De la même manière, le fameux programme d’enseignement moral et civique qui, lui, vaudra pour le lycée, entrera également en vigueur à la rentrée 2015, après que le CSP aura livré ses propositions.
J’en viens au numérique. Le ministère de l’éducation partage évidemment les ambitions exprimées par le Président de la République. Contrairement à ce que j’ai pu lire, le numérique n’a pas vocation à remplacer les enseignants ; c’est bien sûr une formidable opportunité certes de moderniser nos pratiques pédagogiques mais surtout de s’adapter aux élèves, de mettre en œuvre des pratiques différenciées qui permettent aux enfants d’une même classe d’avancer à une vitesse différente, de proposer des exercices de nature différente et d’être en interaction et donc de progresser en suivant son chemin personnel.
Au fond, les réformes que je viens de décrire – évaluation, programmes, numérique – ont vocation à faire réussir tout le monde. Nous sommes en effet persuadés que la réussite n’a pas de définition unique et que chacun peut progresser sur son chemin personnel.
Le numérique, censé rendre le système éducatif plus efficace, faire progresser l’égalité, sera introduit de façon systématique en 2016. Il ne s’agira pas seulement pour les élèves de disposer de tablettes mais, encore plus important, de former les enseignants à apprendre aux élèves le numérique ou à apprendre aux élèves par le numérique – on peut apprendre l’anglais, la géographie, les mathématiques par le numérique, moyen de rendre ces matières plus interactives et de faire en sorte que les élèves se les approprient mieux. Le numérique permettra de disposer d’une offre de ressource éducative intégrée dans les tablettes ; autrement dit, les manuels scolaires ne seront pas seulement « scannés » mais la tablette devra offrir des fonctionnalités interactives ludiques nouvelles. En outre, vous ne serez pas insensibles à la dimension industrielle du plan numérique puisque, par définition, ce plan permettra le soutien d’une filière alors que, vous le savez, l’offre anglo-saxonne progresse vite et fortement en la matière.
Vous avez par ailleurs évoqué le cas des enfants intellectuellement précoces. Là encore le système scolaire doit pouvoir s’adapter. Sachez que la circulaire de rentrée de cette année mentionne explicitement la nécessité d’accorder une attention particulière à ces élèves et invite à prévoir les aménagements pédagogiques nécessaires pour les accompagner dans de bonnes conditions. Les parents d’enfants intellectuellement précoces, au cas où l’établissement ne semble pas apporter la réponse adaptée à la situation, doivent se rapprocher des services académiques qui proposeront des solutions particulières. Nous allons mettre en place des ressources pour les enseignants qui s’occupent de ces élèves – je renvoie au site « Éduscol ».
L’une des nouveautés, depuis 2012, est bien la réintroduction de la formation des enseignants tant il est vrai qu’enseigner, cela s’apprend. Nous accueillons cette année 22 000 fonctionnaires stagiaires lauréats du concours. C’est un défi en tant que tel. On pourra toujours considérer que ce dispositif n’est pas totalement satisfaisant, mais je suis très fière que le Gouvernement ait réussi à installer dès la première année ces ESPE, quitte à devoir les améliorer ensuite. Nous avons souhaité les installer au sein des universités parce qu’il nous a semblé très important de les adosser à la recherche pour faire en sorte que les apprentis professeurs puissent très tôt dans leur carrière s’habituer à évaluer leurs pratiques, à voir évoluer leurs connaissances. Cette ambition rend forcément la tâche difficile. La plupart des fonctionnaires stagiaires sont en alternance dans des salles de classe. Nous faisons en sorte que les équipes des universités soient pluricatégorielles, les enseignants-chercheurs des UFR devant participer activement à l’activité de l’ESPE. Le dispositif prend corps et nous l’améliorons en permanence.
Nous avons voulu donner la priorité au primaire car nous pensons que c’est dès le plus jeune âge que les choses se jouent ; et les inégalités et les retards qui apparaissent alors sont ensuite très difficiles sinon impossibles à rattraper. Aussi, la plupart des postes créés, depuis 2012, l’ont été dans le primaire, le dispositif « plus de maîtres que de classes » a été mis en place, on préscolarise les enfants avant l’âge de trois ans. Enfin, cette priorité se traduit par la création de l’indemnité de suivi et d’accompagnement des élèves (ISAE), d’un montant annuel de 400 euros. Nous avons par ailleurs financé 10 000 contrats aidés très utiles au quotidien pour assister les directeurs d’école dans leurs tâches administratives et éducatives.
Vous m’avez demandé, monsieur le rapporteur spécial, quel type de collaboration pouvait être envisagé entre l’enseignement agricole et l’éducation nationale. Cette collaboration est d’ores et déjà étroite : certaines formations sont communes et nous cherchons à mutualiser les bonnes pratiques pédagogiques. Il est vrai, vous l’avez souligné, que l’enseignement agricole connaît un certain nombre de succès et nous souhaitons établir des passerelles entre les deux systèmes. Une convention de partenariat a été signée entre nos deux ministères et, sur le plan national comme sur le plan local, les rendez-vous sont réguliers et nous les associons à tout ce qui concerne la définition des certifications.
J’ai déjà eu l’occasion d’évoquer l’éducation prioritaire en séance publique. La carte actuelle ne correspond pas forcément à la réalité de la difficulté sociale et mérite une actualisation. Ensuite, l’éducation prioritaire, qui existe depuis le début des années 1980, a donné des résultats mitigés. On pouvait en conclure soit que le principe n’était pas bon, soit que les moyens engagés se révélaient insuffisants. Nous optons pour le second terme de l’alternative. Nous changeons par conséquent la carte et engageons plus de 350 millions d’euros. Les moyens indemnitaires s’en trouveront renforcés pour que les équipes pédagogiques restent plus longtemps dans les établissements, la stabilité des équipes se révélant très importante pour la réussite des projets et des élèves. On formera ainsi davantage les enseignants au sein des établissements d’éducation prioritaire. Enfin, l’accompagnement jusqu’à seize heures trente sera renforcé dans les collèges pour les élèves de sixième afin qu’ils soient vraiment « tutorés ».
En ce qui concerne l’enseignement adapté, les SEGPA permettent vraiment aux élèves de bénéficier de conditions d’apprentissage adaptées à leurs besoins. Ces structures comportent un petit nombre d’élèves, seize au plus, et les enseignants sont des professeurs des écoles spécialisés. Les élèves découvrent le monde professionnel dès la classe de quatrième.
Vous avez raison, madame la rapporteure pour avis, ces structures ne doivent pas être fermées sur elles-mêmes. Je souhaite que l’on s’inscrive dans une logique d’inclusion et c’est pour cela que les élèves des SEGPA doivent pouvoir bien davantage qu’ils ne le font participer, aux côtés de leurs camarades du même âge des classes « ordinaires », à des cours ou des apprentissages qui réuniraient tous les élèves du collège, comme les activités artistiques, les activités physiques et sportives, la technologie.
Pour ce qui est de l’exigence du redoublement pour intégrer l’enseignement adapté, vous connaissez ma position générale : le redoublement va devenir exceptionnel parce qu’on sait qu’il ne constitue pas un moyen efficace de remédier aux difficultés. Il n’y a par conséquent pas de raison que le redoublement reste une condition pour entrer dans une structure d’enseignement adapté. J’ai demandé à mes services d’agir en conséquence.
Enfin, madame la rapporteure pour avis, vous avez évoqué les EREA dotés d’un internat. C’est pour moi l’occasion d’affirmer mon attachement aux internats. Je fais en sorte que dans le cadre du programme d’investissement d’avenir nous puissions en financer plus que par le passé. Les EREA ont une spécificité, un savoir-faire en matière d’encadrement pédagogique et éducatif qui doit pouvoir profiter à tout établissement qui accueille des élèves qui rencontrent les mêmes besoins que ceux des SEGPA.
Mme Eva Sas, présidente. Je vous remercie, madame la ministre ; il revient à présent aux orateurs des groupes de s’exprimer.
Mme Colette Langlade. J’exprime ma satisfaction, partagée par l’ensemble des députés socialistes, de constater que le budget de l’éducation nationale devient le premier poste de dépenses de l’État. C’est la traduction d’une volonté politique que nous ne pouvons que partager. La progression, par rapport à 2014, du budget de l’enseignement scolaire, de 2,4 %, se traduit par des créations d’emplois. Ainsi, les 9 421 postes créés en 2015 dans l’éducation nationale permettront notamment de développer le dispositif dit « plus de maîtres que de classes » dont j’ai pu mesurer les bienfaits dans ma circonscription. Cette hausse répond à des exigences que nous avons fixées au cours de la discussion du projet de loi d’orientation sur la refondation de l’école : création des ESPE, priorité au premier degré, ciblage des zones les plus fragiles et amélioration du climat scolaire.
Si les députés socialistes sont satisfaits de tous ces choix, ils s’interrogent quant à l’avenir du fonds d’amorçage créé pour accompagner les communes dans la mise en place et le développement d’activités périscolaires sportives, artistiques et culturelles. Dans de nombreuses communes, notamment les plus petites, ces fonds ont été un apport essentiel pour la bonne application de la réforme des rythmes scolaires. Notre interrogation porte sur les dispositions de l’article 55 du projet de loi de finances pour 2015 qui limite les bénéfices du fonds d’amorçage aux communes percevant la dotation de solidarité urbaine cible, la dotation de solidarité rurale cible et aux communes d’outre mer.
Nous nous interrogeons également sur le fait que si ces communes fragiles visées par le projet de loi conservent la partie majorée, elles ne toucheront plus le socle de base qui concernait toutes les communes. Les députés socialistes appellent donc votre attention, madame la ministre : de l’abondement et du maintien du fonds d’amorçage pour la réforme des rythmes scolaires dans le premier degré dépend le succès de la réforme pour les années à venir.
M. Xavier Breton. Ce budget est important de par sa masse mais aussi et surtout pour le bon fonctionnement de la société. Mais on ne peut pas en rester, malheureusement, à une approche purement quantitative. On sait que notre système scolaire coûte plus cher que ceux, en moyenne, des pays de l’OCDE et qu’il obtient, malgré cela, de moins bons résultats. C’est donc bien que l’argent public n’est pas dépensé de manière efficiente et qu’il existe des marges de manœuvre comme l’ont d’ailleurs montré de nombreux rapports, comme celui de la Cour des comptes, intitulé Gérer les enseignants autrement et dont l’une des conclusions précisait que « ces résultats insatisfaisants de notre système scolaire ne proviennent ni d’un excès ni d’un manque de moyens budgétaires ou d’enseignants mais d’une utilisation défaillante des moyens existants ». Or le budget que vous proposez ne prend absolument pas cette réflexion en compte.
Ensuite, je reviens sur le fameux article 55 du PLF sur le fonds d’amorçage, dont les dispositions provoquent la consternation parmi les élus locaux. Ce fonds prévoyait en effet, jusqu’à présent, une part fixe de 50 euros par élève pour toutes les communes, et une part majorée de 40 euros par élève pour les communes cibles touchant la dotation de solidarité, qu’elle soit urbaine ou rurale cible. Nous nous rappelons, madame la ministre, les propos de votre prédécesseur qui annonçait, au printemps dernier, pour rassurer des maires légitimement inquiets, que le fonds serait prorogé pour la rentrée 2015-2016. Or nous constatons que la part de 50 euros par élève est supprimée pour toutes les communes. La méthode est particulièrement choquante car les élus locaux comptaient sur cette aide de l’État, aussi bien les élus des communes qui touchaient 50 euros par élève et qui ne percevront plus rien, que ceux des communes bénéficiaires de l’aide majorée de 90 euros et qui ne recevront donc plus que de 40 euros. L’association des maires de France (AMF) chiffre à environ 200 euros par élève le coût engendré par cette réforme des rythmes scolaires. L’article 55 est donc un mauvais coup porté aux communes. L’AMF exprime sa « consternation », l’Association des petites villes de France une « vive inquiétude » et la Fédération des villes moyennes déplore que « l’État revienne sur ses promesses ».
Face au mécontentement des élus locaux, madame la ministre, nous espérons que vous proposerez un amendement pour revenir sur cette mauvaise disposition.
M. Rudy Salles. L’école est le pilier de la République ; elle a toujours eu vocation à être le creuset de l’égalité des chances et le lieu de récompense du mérite. Pourtant, force est de constater que notre système scolaire, s’il garantit l’accès de tous à l’éducation et au savoir, ne parvient toujours pas à conjuguer performance académique et cohésion sociale. L’école peine en effet à corriger l’effet des déterminismes sociaux et à réduire l’écart qui se creuse entre les élèves issus des milieux défavorisés et l’ensemble de la population scolaire. La France se situe au dix-huitième rang seulement de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) pour la performance de ses élèves. Il faut en outre faire face à une crise des vocations et d’attractivité du métier d’enseignant qui souffre d’un manque de reconnaissance.
Afin d’apporter une réponse à ces carences graves, la majorité a privilégié la création de postes dans l’éducation nationale – 60 000 –, ainsi que le prévoyait l’engagement 36 de François Hollande. Cet effort est poursuivi et amplifié avec cet exercice budgétaire qui prévoit la création de 9 561 nouveaux postes pour l’année 2015.
Pour notre groupe, le déploiement de moyens supplémentaires ne signifie pas pour autant que l’école soit en mesure d’assurer la réussite de tous les élèves. En effet, les enseignants représentent 44 % des agents publics employés par l’État et leur rémunération s’élève à 49,9 milliards d’euros en 2011, soit 17 % du budget général de l’État. Le rapport de la Cour des comptes, Gérer les enseignants autrement, rendu public le 22 mai 2013, souligne d’ailleurs que les résultats insatisfaisants de notre école ne proviennent ni d’un excès ni d’un manque de moyens budgétaires ou d’enseignants.
Il était par conséquent indispensable d’engager une réforme d’ensemble des modalités de gestion des personnels enseignants, totalement absente de ce projet de loi de finances. En outre, nous regrettons que ce texte ne réponde pas à la principale difficulté soulevée par la réforme des rythmes scolaires, à savoir, on l’a dit, l’absence d’un financement pérenne. Le fonds d’amorçage pour la réforme des rythmes scolaires, encore une fois, reconduit à la rentrée 2015 au bénéfice des communes les plus fragiles, ne peut constituer une solution satisfaisante. Je rappelle le coût de ce dispositif pour la commune dont je suis l’élu : 7 millions d’euros par an à la charge du contribuable niçois.
L’inquiétude demeure particulièrement importante pour les collectivités territoriales qui doivent financer cette réforme et auxquelles le Gouvernement demande simultanément de contribuer à hauteur de 11 milliards d’euros sur les 50 milliards d’euros d’économies annoncés.
Mme Barbara Pompili. L’augmentation du budget de l’enseignement scolaire prolonge avec cohérence la loi pour la refondation de l’école, c’est un très bon signe. Nous soutenons les grands principes de cette réforme, qu’il s’agisse de la mise en place d’une véritable formation des enseignants, des nouveaux recrutements, de la scolarisation des moins de trois ans, des moyens accrus pour les territoires les plus en difficulté ou encore de privilégier une pédagogie différenciée. Cette politique doit contribuer à la lutte contre les inégalités en donnant aux jeunes les mêmes chances de réussite et d’épanouissement, quelles que soient leurs origines sociales ou leur lieu de résidence.
La réforme des rythmes scolaire doit également contribuer à cet objectif. Mais pour constituer un vrai levier de démocratisation d’accès à la culture, au sport, plusieurs conditions doivent être remplies. Tout d’abord, les activités proposées doivent avoir un réel intérêt pédagogique. Il ne doit pas être permis à des communes de bénéficier de financements si elles organisent une simple garderie. L’autre impératif est la gratuité car il s’agit de s’assurer de l’accessibilité des activités périscolaires à tous quels que soient les moyens de leurs parents. D’où l’inquiétude suscitée par la reconduction partielle du fonds d’amorçage. En cette période de difficultés économiques et alors que les dotations aux collectivités s’apprêtent à baisser, il n’est pas raisonnable de supprimer la part forfaitaire de ce fonds.
J’insisterai par ailleurs sur un autre grand problème : seuls 35 % des élèves en situation de handicap auraient accès aux activités périscolaires. Or l’inclusion doit se faire à tous les niveaux : scolaire, périscolaire et extrascolaire. C’est là un impératif sur lequel il n’est plus possible de tergiverser. Les communes, par la réforme des rythmes scolaires, participent à ce bel enjeu qu’est la refondation de l’école. Il leur faut du temps et des moyens pour mettre en place des dispositifs pérennes.
Je réitère donc notre demande de maintien de ce fonds pour que toutes les communes qui organisent réellement les activités périscolaires puissent en bénéficier.
M. Patrick Bloche, président. Nous allons passer aux interventions des députés inscrits.
M. Yves Durand. Même si je ne vous poserai pas de question sur le fonds d’amorçage, madame la ministre, je m’associe à l’inquiétude exprimée par mes collègues.
J’aborderai pour ma part la question de la formation initiale qui est l’un des piliers de la loi sur la refondation de l’école. Je me félicite qu’elle ait été rétablie après avoir été supprimée – une catastrophe pour l’éducation nationale. C’est pourquoi 220 millions d’euros sont consacrés à cette formation. Reste qu’il n’y a pas que la formation initiale pour les jeunes qui vont entrer dans le métier. Il y a également la formation continue. Or cette dernière a été très souvent, dans le passé, la variable d’ajustement des budgets de l’éducation nationale alors qu’elle est essentielle puisqu’elle touche 60 % des enseignants qui seront handicapés vis-à-vis de leurs élèves si on ne leur permet pas d’en bénéficier.
Quels sont les crédits que vous comptez affecter à la formation continue en dehors des 3,5 millions d’euros consacrés à la formation continue et à l’accompagnement pour l’éducation prioritaire ? Comment faire des ESPE le lieu de la formation continue ?
M. Frédéric Reiss. Je m’étonne d’entendre le rapporteur spécial et certains de ses collègues relever que le budget de l’enseignement scolaire serait enfin redevenu le premier budget de la nation : dette exceptée, c’est la règle depuis de nombreuses législatures.
Depuis la loi Fillon de 2005, la réforme relative au socle commun de connaissances et de compétences commence enfin à porter ses fruits. Je suis heureux de vous entendre, madame la ministre, parler de réforme « majeure ». Je me réjouis de l’objectif premier du programme 140, à savoir : conduire tous les élèves à la maîtrise des connaissances et compétences exigibles au terme de la scolarité primaire. De ce point de vue, pour ce qui est des indicateurs, les prévisions pour 2015 et la cible pour 2017 auraient pu être plus ambitieux.
Vous avez évoqué la continuité entre l’école et le collège. Pouvez-vous nous faire un point sur ce qu’on appelle l’école du socle, notamment en zone d’éducation prioritaire (ZEP).
En ce qui concerne la réforme des rythmes scolaires et la prorogation partielle du fonds d’amorçage, les 7 600 communes relevant de la dotation de solidarité urbaine (DSU)-cible ou de la dotation de solidarité rurale (DSR)-cible pourront encore en profiter et seulement pour un an, ce qui ne sera pas le cas des autres communes. Quant aux financements CAF, ils sont strictement encadrés et échappent à tous les maires n’ayant pas les capacités financières de mettre en place des activités périscolaires avec des animateurs agréés. Cette réforme, je vous l’ai déjà signalé, madame la ministre, est très inégalitaire et pénalise le milieu rural.
Dans le programme 141, j’ai lu avec intérêt les actions pour l’apprentissage. Je suis un peu surpris des chiffres qui y figurent car les contrats d’apprentissage sont en chute libre. L’apprentissage a baissé de 8 % entre 2012 et 2013 et 14 % depuis le début de cette année. le Gouvernement a voulu développer les contrats d’avenir pour faire baisser, sans succès, le chômage, et même si, aujourd’hui, le président Hollande a fixé un objectif de 500 000 apprentis pour 2017, la suppression de l’indemnité compensatrice forfaitaire a été une erreur.
Je vous donnerai une idée simple pour terminer : pour encourager la formation en alternance, pourquoi ne pas prévoir, dans les dossiers d’orientation, une ligne dédiée à l’apprentissage. Le coût en serait nul et l’effet salutaire.
Mme Martine Faure. Je salue ce budget, qui permet la refondation de l’école de la République. La priorité donnée au premier degré est renforcée, conformément à l’esprit de la loi que nous avons adoptée : le dispositif « plus de maîtres que de classes » par exemple pourra ainsi être conforté. L’éducation prioritaire – pour laquelle un budget de 352 millions d’euros est prévu pour l’ensemble du quinquennat – sera réformée. Ces crédits permettront également l’amélioration du climat à l’école, grâce aux postes d’assistantes sociales et de conseillers principaux d’éducation, ainsi qu’aux postes destinés à l’accompagnement du handicap.
Cependant, la réforme de la carte de l’éducation prioritaire suscite des inquiétudes. Vous menez, je le sais, un travail approfondi et méthodique, en concertation avec les rectorats et les élus locaux, pour éviter toute rupture pour les établissements et les enseignants qui sortiraient du dispositif. La mise en place d’une clause de sauvegarde pendant trois ans, le renforcement de moyens en temps et en formation pour les nouveaux établissements sont autant de mesures qui doivent contribuer à la réussite de l’éducation prioritaire. Mais la politique menée doit être expliquée encore et encore.
Les inégalités sociales sont souvent criantes entre les régions, ce qui a d’importantes répercussions sur la réussite des élèves. Dans un souci d’égalité, l’État doit assurer dans la durée des conditions d’accompagnement comparables sur l’ensemble du territoire : les zones défavorisées doivent donc recevoir des moyens importants. Pouvez-vous nous donner des indications sur la façon dont seront alloués les moyens, afin de garantir toujours plus d’équité ?
M. Michel Herbillon. Madame la ministre, les vacances viennent de commencer pour beaucoup d’écoliers, et elles étaient particulièrement attendues tant des parents que des enfants. En effet, les nouveaux rythmes scolaires que vous avez imposés unilatéralement par décret ont désorganisé l’école et fatigué les enfants : les semaines sont plus longues, les journées aussi chargées, et ils peinent à s’y retrouver.
En outre, cette réforme pèse lourdement sur les budgets municipaux, puisque l’État a refusé jusqu’à maintenant d’en assumer la charge. Pis encore, l’aide partielle destinée aux communes sera sérieusement réduite, voire supprimée en 2015. Allez-vous laisser les communes financer seules cette réforme que votre Gouvernement nous a obligés à mettre en œuvre, ou allez-vous enfin compenser les coûts qu’elle a engendrés ? En 2015, le fonds d’aide aux communes sera-t-il reconduit pour l’ensemble des communes ? Êtes-vous prête à vous s’engager pour que cette réforme soit moins inégalitaire, et à rassurer les maires des communes de France ?
Vous vous félicitiez il y a quelques jours du bilan « positif » de l’application de cette réforme et des « retours encourageants » que vous receviez. Il serait intéressant que nous puissions disposer de ces éléments, tant le gouffre entre ces paroles et ce que nous ressentons sur le terrain est grand. Nous sommes maires et députés, et nous entendons ce que nous disent les parents d’élèves. Madame la ministre, êtes-vous favorable à la mise en place d’une évaluation objective de cette réforme, et si oui, selon quelles modalités ? Les parlementaires devraient bien sûr y être associés.
Mme Huguette Bello. Madame la ministre, j’appelle votre attention sur un problème qui se trouve à la charnière de vos anciennes et de vos nouvelles fonctions : les difficultés que rencontrent les jeunes femmes enceintes qui ne sont pas encore titularisées comme enseignantes.
Une grossesse peut être particulièrement préjudiciable dans deux cas.
Le premier concerne de jeunes femmes qui, ayant réussi le concours de recrutement de professeur du second degré, prennent un congé de maternité durant leur année de stage. Même si leurs évaluations sont positives, ce congé entraîne l’annulation pure et simple de leur affectation, pourtant prononcée à titre définitif, ce qui les oblige à participer à nouveau au mouvement inter- et intra-académique. Cette disposition, consignée dans le Bulletin officiel du 7 novembre 2013, crée des situations douloureuses : ces mères de très jeunes enfants doivent brutalement déménager, et peuvent se trouver séparées géographiquement de leur conjoint. On devine les tourments que peut créer l’application d’une telle disposition lorsque la jeune enseignante provient d’une région d’outre-mer et qu’elle est affectée en région parisienne.
Le second concerne de jeunes femmes enceintes déclarées admissibles après les épreuves écrites des concours de recrutement. Il leur est parfois impossible, en raison de leur grossesse, de se présenter aux épreuves orales, celles-ci se déroulant dans des centres qui sont tous situés en région parisienne. Là encore, la situation est très difficile pour les candidates issues des régions d’outre-mer : il arrive que les médecins proscrivent les longs voyages en avion, et que les compagnies aériennes refusent de prendre la responsabilité de les accepter à bord. La réglementation actuelle ne prévoit ni le recours à la visioconférence, ni le décalage des épreuves orales à l’année suivante : les candidates perdent alors le bénéfice de leur admissibilité.
Ces situations, dont on ne parle guère, ne plaident-elles pas pour une relecture des règlements de votre ministère, afin que les jeunes enseignantes ne soient plus pénalisées par une grossesse ?
M. Christophe Premat. Je me félicite à mon tour de la sanctuarisation du budget de l’éducation nationale, ce qui est conforme aux engagements de la majorité : c’est le signe d’une volonté de refondation de l’école.
Je voudrais insister sur la question des publics handicapés. L’inclusion est une idée exigeante ; elle implique une formation des personnels, pour qu’ils puissent intégrer ces élèves et leur offrir une certaine autonomie. Dans les pédagogies inclusives, il faut intégrer des élèves dont les situations sont très diverses ; il s’agit d’assurer le bien-être de tous à l’école et d’apprendre à chacun le respect de la différence. Des moyens supplémentaires sont ici mis à disposition des CLIS (classes pour l’inclusion scolaire) et des ULIS (unités pédagogiques d’intégration). La prise en charge des élèves en situation de handicap s’est améliorée, et je m’en félicite.
Si le budget prévoit une valorisation du métier d’accompagnateur des élèves en situation de handicap, est-il prévu de former ces personnes, voire de leur conférer un statut, ce qui permettrait d’intégrer plus d’élèves dans les classes ordinaires ? C’est un enjeu essentiel.
Mme Dominique Nachury. Je ne peux passer sous silence la déception des maires lorsqu’ils ont découvert que la prolongation du fonds d’amorçage en 2015 ne concernerait que la part majorée.
L’intégration dans les universités des écoles supérieures du professorat et de l’éducation n’est pas simple, et le lien avec le terrain ne l’est pas plus.
Ce budget, me semble-t-il, ne mentionne pas les « internats de la réussite ». Qu’en est-il ? Que deviendront les projets encore en cours ?
Enfin, vous affirmez que la scolarisation des moins de trois ans est pour vous une priorité. Elle demeure toutefois limitée : 397 postes ont été accordés en 2013, 246 en 2014. Il était pourtant question de créer 3 000 postes durant la législature.
Mme Martine Martinel. Je me réjouis moi aussi de ce budget exceptionnel : il y a bien longtemps que l’éducation nationale ne figurait plus au premier rang.
Je souhaite insister sur la formation initiale des enseignants, mais aussi sur la formation continue, longtemps négligée. Comment envisagez-vous la formation numérique ? Pouvez-vous préciser le rôle que jouera le réseau Canopé ? Quels seront les services numériques offerts aux écoles pour prolonger les enseignements ?
Mme Annie Genevard. Je me concentrerai ce soir sur la question de l’efficience de notre système éducatif : 66,5 milliards d’euros, presque un million d’emplois, plus de 6 % du PIB sont consacrés à l’enseignement scolaire. J’ai été frappée, tout à l’heure, par les propos presque accusateurs de Mme la ministre de l’enseignement supérieur déplorant que le système éducatif français amplifie les inégalités sociales au lieu de les réduire.
Vous vous félicitez, madame la ministre, du fait que le budget de l’éducation nationale soit redevenu le premier budget national. C’est un symbole, et vous espérez ainsi inverser la tendance qui assigne à la France des rangs médiocres dans les évaluations internationales. Pour vous, le numérique, le dispositif « plus de maîtres que de classe », les ESPE, la scolarisation précoce en maternelle, le renouvellement des programmes scolaires sont des facteurs de réussite. Je suis pour ma part convaincue que, sans réforme de la gestion humaine des enseignants, il sera difficile d’empêcher l’échec et le décrochage de notre pays, dont l’école est devenue aux yeux de certains le symbole même. Ces dernières heures, nous avons vu des incendies d’école, et ce fait inouï en dit long sur la déconsidération sociale des lieux de culture que sont les écoles et les médiathèques.
Madame la ministre, le coût par élève du secondaire dans notre pays excède de 15 % la moyenne de l’OCDE. J’aimerais croire que nos problèmes trouveront leur solution dans l’augmentation des moyens ; si toutefois cela ne suffisait pas, accepterez-vous de travailler sur d’autres idées, comme l’autonomie des établissements, la rénovation du geste pédagogique, la valorisation de l’excellence des élèves comme des enseignants, la recherche innovante sur la lutte contre l’échec scolaire ?
M. Jacques Cresta. Le Président de la République a dévoilé le 2 septembre dernier un ambitieux plan pour le numérique à l’école, destiné à lutter contre les inégalités. Il était dans la droite ligne du travail effectué par le Gouvernement depuis deux ans, puisque l’entrée de l’école dans l’ère du numérique constitue l’un des points forts de la loi du 8 juillet 2013.
La généralisation du numérique au collège dès 2016 doit se faire grâce à une coordination entre l’État et les collectivités territoriales. Les régions doivent, me semble-t-il, être associées à ce mouvement, car elles ont pris le sujet à bras-le-corps ; je pense notamment à ma propre région, le Languedoc-Roussillon, qui a mis en place le dispositif LoRdi. Pouvez-vous préciser comment s’effectuera cette coordination ?
Alors que les ESPE sont maintenant pleinement opérationnelles et que la réforme de la formation initiale commence à porter ses fruits, quels crédits prévoyez-vous de consacrer aux formations au numérique dont bénéficieront les personnels enseignants, tant en formation initiale qu’en formation continue ?
Mme Véronique Louwagie. Il convient effectivement de sanctuariser le budget de l’éducation nationale. Toutefois, la réforme des rythmes scolaires et les problèmes qu’elle pose aux élus locaux, qui se sentent tout à fait abandonnés, marquent le contexte scolaire. L’article 55 du projet de loi de finances prévoit une prorogation partielle du fonds d’amorçage, et pour un an seulement. Cela revient à imposer de larges coupes budgétaires à de nombreuses communes, alors que les maires avaient cru comprendre de votre prédécesseur qu’un dispositif d’accompagnement plus étoffé leur serait proposé. Madame la ministre, allez-vous agir pour aider les communes à surmonter ces difficultés financières ?
Vous persistez par ailleurs à augmenter inconsidérément le nombre de professeurs, alors que la Cour des comptes s’est montrée très critique sur ce point l’an dernier. Vous ne démontrez hélas aucunement que l’augmentation du nombre d’enseignants améliore la performance de notre système scolaire, que l’OCDE classe au dix-huitième rang, sur trente-quatre, pour la performance des élèves.
Sur l’apprentissage, les déclarations du Président de la République le 19 septembre dernier sont en contradiction avec la réalité. Alors qu’un objectif de 500 000 apprentis en 2017 a été fixé, les contrats d’apprentissage sont en chute libre – ils ont diminué de 8 % entre 2012 et 2013, et même de 14 % depuis le début de l’année 2014.
Votre projet de loi de finances réaffirme de façon péremptoire le principe du collège unique, et supprime le dispositif d’apprentissage junior. L’initiation au monde professionnel, pourtant indispensable à nos jeunes, est-elle laissée de côté ?
Mme Annick Lepetit. Madame la ministre, un budget en hausse de 2,4 % et qui reprend sa première place, c’est un événement que nous ne pouvons que saluer. C’est une bonne nouvelle pour notre école, pour notre jeunesse, pour notre pays.
Des outils importants ont été cassés par dix années de mauvais traitements, mais vous avez montré que vous agissez pour les réparer.
Je reviens néanmoins sur la formation des enseignants. Les crédits qui lui sont dédiés augmentent de plus de 15 % par rapport à 2014. Quels secteurs bénéficieront de cette hausse ? Ils iront notamment, j’imagine, financer les écoles supérieures du professorat et de l’éducation, que nous avons créées par la loi de 2013, ainsi que le plan de formation continue et d’accompagnement pour l’éducation prioritaire, destiné à répondre aux attentes des enseignants, souvent plus jeunes et moins expérimentés, qui enseignent dans les zones les plus difficiles.
M. Patrick Hetzel. Madame la ministre, je voudrais revenir à la question de l’efficacité, de l’efficience de notre système éducatif en vous interrogeant sur la continuité de l’enseignement dans les établissements du second degré en cas d’absence des enseignants. Un décret du 26 août 2005 relatif aux remplacements de courte durée des personnels enseignants dans les établissements du second degré permet de traiter ce problème de façon très concrète et efficace : le chef d’établissement peut élaborer, en concertation avec les équipes pédagogiques, un protocole pour les remplacements de courte durée. Or je rencontre régulièrement des parents d’élèves qui me disent qu’aujourd’hui, les remplacements, notamment courts, ne sont souvent pas effectués. Renseignement pris, il semble que le décret de 2005 ne soit plus appliqué du tout. Il ne nécessite pourtant pas de moyens supplémentaires. Pourquoi tombe-t-il en désuétude ?
En matière d’apprentissage, vous affichez des objectifs très ambitieux. Pourquoi ne pas former des enseignants par un dispositif d’apprentissage ? Ce serait l’occasion de revaloriser vraiment l’apprentissage, et d’en modifier la perception dans le monde éducatif.
M. Stéphane Travert. Le budget de l’éducation nationale, en hausse de 2,4 %, retrouve enfin sa place de premier budget de la nation. C’est cohérent avec notre engagement en faveur de la jeunesse et pour la refondation de l’école : nous voulons donner leur chance à tous les enfants de la République, grâce à ces moyens budgétaires conséquents qui permettront notamment la création de postes.
Le ministère a mis en place des groupes de travail sur les métiers de l’éducation. Je souhaite, madame la ministre, vous interroger sur le cas des psychologues de l’éducation nationale. Leurs missions ont été développées et précisées par le groupe de travail sur les personnels des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED) : ils conduisent des actions de prévention des difficultés scolaires et interviennent auprès des élèves en difficulté, ou en situation de handicap, et cela en relation avec les familles, les équipes pédagogiques et les spécialistes de l’enfance. Or, les conditions actuelles de recrutement des psychologues ne permettent pas de maintenir et de développer leur présence dans toutes les écoles, au détriment des équipes éducatives, des familles et des élèves. Les missions des psychologues scolaires seront explicitées par une circulaire en cours d’élaboration, après consultation des organisations sociales représentatives. Un groupe de travail a été mis en place au mois de juin dernier. Pourriez-vous, madame la ministre, nous informer de l’évolution de ce dossier ?
M. Lionel Tardy. Les crédits consacrés aux technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement (TICE) stagnent, à 10,20 millions d’euros. Pourtant, le nombre de projets sera beaucoup plus élevé en 2015. Si limité soit-il, le numérique a un coût, lorsqu’il s’agit par exemple d’utiliser de nouvelles ressources ou de former des enseignants. Comment ces chantiers pourront-ils être assurés à enveloppe constante ?
Le budget des campagnes de communication est en baisse de 250 000 euros par rapport à 2014. Ces campagnes ont une utilité – je m’interroge toutefois sur l’efficacité de celle qui s’intitule « Nouveaux rythmes », sur les rythmes scolaires, et qui a coûté 200 000 euros en 2013. Cette réforme a connu une grande publicité... Cette campagne a-t-elle été reconduite en 2014, et le sera-t-elle en 2015 ? Quels ont été ses effets ? Quelles campagnes de communication envisagez-vous pour 2015 ?
Mme Maud Olivier. Je me réjouis moi aussi de voir un budget de l’éducation nationale en hausse, signe de la priorité accordée à l’éducation et à la jeunesse.
J’appelle votre attention sur la question de la diffusion et du partage des cultures scientifiques, techniques et industrielles (CSTI). La place de l’école dans ce domaine est évidemment fondamentale : elle doit sensibiliser et former la jeunesse aux CSTI, afin que les élèves soient en mesure de comprendre les débats contemporains – très souvent liés aux sciences – et d’y participer. De plus, alors que l’école joue de moins en moins son rôle d’ascenseur social, la diffusion des CSTI permet la démocratisation de l’accès aux savoirs et la diversification des choix d’orientation professionnelle.
La mission « Enseignement scolaire » doit donc permettre d’améliorer la diffusion de ces cultures. Le budget destiné à la formation des enseignants, en hausse de 47 %, devrait permettre la mise en place systématique – tant dans le cadre de la formation initiale que de la formation continue – d’une formation aux CSTI et à la pédagogie par l’expérimentation, telle que la promeut par exemple La Main à la pâte. Les crédits pédagogiques peuvent également être utiles, notamment dans le primaire. Les activités périscolaires constituent enfin un formidable vecteur de diffusion des CSTI : de nombreux acteurs y travaillent utilement, et pourraient s’intégrer aux projets éducatifs territoriaux (PEDT). Une cartographie de ces acteurs devait d’ailleurs être réalisée, comme je le proposais dans un rapport intitulé « Faire connaître et partager les cultures scientifiques, techniques et industrielles ».
Madame la ministre, comment envisagez-vous d’intégrer le partage des cultures scientifiques, techniques et industrielles à cette mission « Enseignement scolaire » au budget consolidé que vous nous présentez aujourd’hui ?
Mme Brigitte Bourguignon. Permettez-moi de saluer à mon tour l’ambition de ce Gouvernement pour l’éducation nationale, grâce à ce budget qui retrouve la première place.
Je voudrais m’insurger ici contre les discours misérabilistes et démobilisateurs que l’on entend régulièrement sur l’école en milieu rural. Élue d’une circonscription rurale, je veux témoigner ici de l’ingéniosité de ces territoires qui ont su, malgré les difficultés, mettre en place la réforme des rythmes scolaires, en faisant de l’intérêt de l’enfant, et lui seul, leur priorité. Pour les rencontrer souvent, je ne vois pas des enfants fatigués, mais des enfants motivés, qui adhèrent au projet à plus de 70 %, voire plus de 80 % dans ces territoires ruraux. Je veux ici réhabiliter l’image de ces terres dynamiques et inventives.
M. William Dumas. Nous étions déjà très satisfaits du budget de l’éducation nationale l’an dernier ; le projet de loi de finances pour 2015 démontre clairement notre volonté de soutenir l’enseignement. En particulier, 9 421 nouveaux postes sont créés, dont 4 200 dans le premier degré. Les crédits pour la formation des enseignants augmentent de 47 % et permettront la mise en œuvre du grand plan de formation continue et d’accompagnement pour l’éducation prioritaire. Je souligne que 7 000 postes supplémentaires seront destinés au dispositif « plus de maîtres que de classes » et à l’accompagnement des RASED. Toutes ces actions servent la réussite scolaire de nos enfants.
La réforme de l’école de la République est un défi difficile, mais pas impossible. Ce budget reflète l’exigence que nous montrons pour notre enseignement. Je n’oublie pas les crédits destinés à l’accompagnement des enfants handicapés, en hausse de 130 millions d’euros, et à la santé scolaire, en hausse de 13,63 millions d’euros. L’égalité des chances est en marche. Je comprends l’embarras de nos collègues de l’opposition : la RGPP (révision générale des politiques publiques) avait, elle, désorganisé sérieusement notre système scolaire.
Avec ce budget, nous continuons de donner les moyens à notre enseignement de remplir ses missions.
Mme Valérie Corre. À mon tour de me réjouir du beau budget que vous nous présentez aujourd’hui.
M. Michel Herbillon. Laissez-moi deviner : s’agirait-il du premier budget de la nation ?
Mme Valérie Corre. Mais oui, et je le constate avec plaisir.
Faire entrer l’école dans l’ère du numérique est l’un des objectifs de la loi sur la refondation de l’école. Vous avez rappelé l’importance que vous y attachez, madame la ministre. Mais l’on se heurte parfois à la réalité des moyens numériques mis à disposition des établissements : ceux-ci sont plus ou moins bien accompagnés par les collectivités locales – qui ne les dotent pas toujours de matériel adapté. En septembre 2013, un dispositif de collège connecté a été lancé : il concerne vingt-trois établissements, aux profils variés, répartis dans toute la France, qui bénéficient d’investissements spécifiques et d’un accompagnement pédagogique destinés à mieux intégrer le numérique dans la vie scolaire. La mise en place des collèges connectés a fait l’objet d’une convention entre l’État et les départements concernés. Quels moyens seront alloués en 2015, madame la ministre, à ce dispositif innovant ? Le ministère envisage-t-il un élargissement de ce dispositif à d’autres collèges ?
L’équipement numérique de certains établissements demeure minimal, même au sein d’un seul département, ce qui est injuste. Le Conseil national du numérique, dans son rapport du mois d’octobre dernier, fait des propositions pour bâtir une école juste dans un monde numérique. Il préconise notamment un équipement numérique des établissements en fonction des besoins réels des enseignants. Un appel à projets gouvernemental pourrait-il être envisagé pour permettre aux équipes pédagogiques motivées d’être mieux accompagnées et aux établissements sous-dotés d’être mieux équipés ?
M. Marcel Rogemont. Madame la ministre, le 9 septembre 2013, une charte de la laïcité a été présentée à M. Peillon, alors ministre de l’éducation nationale. Elle visait à répondre à la multiplication des manifestations religieuses à l’école. Pour autant, la notion de laïcité ne peut se réduire à cette seule question. L’école enseigne, mais elle forme aussi le futur citoyen : quelle place est donnée à la citoyenneté dans la formation des enseignants ? La transmission des valeurs de la République, au cœur desquelles se place la laïcité, est-elle l’oubliée de la formation des maîtres ? Quels contenus donnez-vous à l’article 10 de la charte, qui dispose qu’il « appartient à tous les personnels de transmettre aux élèves le sens et la valeur de la laïcité, ainsi que des autres principes fondamentaux de la République » ?
Il ne s’agit pas de se laisser enfermer dans un débat sur des contestations, si préoccupantes soient-elles, mais d’affronter notre difficulté à faire société autour de principes et de valeurs partagées. Il faut non seulement former les enseignants à la pédagogie de leur discipline, mais aussi les aider à transmettre le sens, les enjeux, les valeurs et les principes de la République ; il faut porter la question de l’intégration des personnes récemment arrivées sur le sol français, mais aussi celle de l’intégration de gens qui sont là depuis longtemps, mais qui se marginalisent peu à peu. Quelle est pour vous, madame la ministre, l’actualité de la charte de la laïcité, notamment dans le domaine de la formation de tous les enseignants ?
Mme Marie-Odile Bouillé. N’en déplaise à l’opposition, le budget de l’éducation nationale reprendra sa première place en 2015. C’est le signe que la priorité est donnée à la jeunesse et à l’éducation.
Vous vous êtes engagée, madame la ministre, à développer l’éducation artistique et culturelle tout au long de la scolarité : il faut faire connaître les arts au citoyen de demain, lui donner le goût de la création et de l’innovation. Les rythmes scolaires permettent aujourd’hui le développement d’un véritable parcours tout au long de la scolarité, y compris dans les lycées professionnels, comme pour les jeunes en apprentissage ou en situation de réinsertion. Une circulaire a été signée en juillet 2013 par les deux ministères de l’éducation nationale et de la culture. En 2013, près de 29 % des élèves du primaire et du secondaire ont bénéficié d’actions d’éducation artistique et culturelle.
Le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » de la mission « Culture » est en augmentation nette, de 6,5 %. Les actions sont menées en lien avec les collectivités territoriales, les équipes artistiques, compagnies, plasticiens… Pouvez-vous nous préciser à quelle hauteur le budget de l’éducation nationale financera l’éducation artistique et culturelle ?
Mme Sandrine Doucet. Ce sont, je crois, les élèves qui sont revenus à la première place.
Je souhaite évoquer la question de l’éducation prioritaire. Elle a déjà été abordée, et les créations de postes annoncées permettront de construire des projets et de faire reculer le contournement de la carte scolaire. On évitera ainsi que, dans certaines écoles, les plus anciens de l’établissement ne soient systématiquement les élèves de CM2… Il est bon que notre paysage scolaire se stabilise.
Pouvez-vous nous dire quelques mots, madame la ministre, des classes à horaires aménagés, notamment sportives ?
Vous vous êtes rendue la semaine dernière en Guyane pour inaugurer la toute nouvelle Université de Guyane. J’ai été interpellée par une enseignante du collège guyanais de Camopi : ses élèves sont souvent issus de la population amérindienne et rencontrent de grandes difficultés scolaires. Vous avez vous-même pu vous rendre compte de leurs conditions de travail, et notamment de transport.
La question de l’égalité territoriale est donc posée : l’école doit, enfin, tenir ses promesses.
Mme Sophie Dessus. Pour faire plaisir à Michel Herbillon et à ses collègues, je rappellerai que l’enseignement scolaire est enfin redevenu le premier budget de l’État, avant le service des intérêts de la dette.
M. Michel Herbillon. Merci !
Mme Sophie Dessus. L’augmentation du nombre de postes est indispensable, mais il semble qu’elle ne suffise pas à pallier les manques d’enseignants dans certaines classes, et il demeure des pénuries dans certaines matières. La moitié des postes de certifiés de mathématiques proposés au concours exceptionnel du printemps dernier n’ont pas été pourvus : les scientifiques peuvent sans doute rêver de carrières plus rémunératrices. En technologie, il semble plutôt que ce soit la nature des épreuves, en fort décalage avec ce qu’il est vraiment nécessaire de connaître pour enseigner cette matière, qui pose des problèmes rédhibitoires. Si certaines matières sont particulièrement sinistrées, certaines zones géographiques le sont aussi – on l’a vu récemment en Seine-Saint-Denis.
Paradoxalement, faute de conditions de recrutement appropriées qui permettraient de doter nos établissements de professeurs titulaires, il arrive que l’éducation nationale soit contrainte d’embaucher des contractuels, qui n’ont pas bénéficié de la formation initiale – heureusement remise en place – et qui n’ont pas la sérénité et la perspective à long terme qu’offre une position statutaire.
Faut-il alors réformer certains concours ? Faut-il imaginer de meilleures incitations pour certaines matières et certains établissements ? Faut-il changer les conditions de travail, pour permettre notamment le travail en équipe ?
M. Jean-Luc Laurent. Ce budget est une véritable bonne nouvelle pour la représentation nationale : les objectifs sont ambitieux, les moyens le sont aussi. Cela témoigne de l’effort consenti par la nation pour l’éducation.
Dans ce cadre, il convient d’être vigilant sur l’adéquation des moyens aux fins. Je voudrais, madame la ministre, vous interroger sur les nouveaux rythmes scolaires.
Le fonds d’amorçage créé par la loi du 8 juillet 2013 pour accompagner la réforme des rythmes scolaires aidait toutes les communes, de façon certes différenciée, mais indépendamment de la nature des projets conduits. Ainsi, des communes ont été aidées de la même façon, qu’elles aient organisé de simples garderies ou des activités éducatives, culturelles ou sportives, ce qui nécessitait un effort financier plus conséquent.
L’article 55 du projet de loi de finances pour 2015 prévoit le maintien d’une aide pour les seules communes qui bénéficient de la « DSU cible ». Madame la ministre, ne convient-il pas d’agir de façon plus conforme à la justice, en aidant les communes sur la base de projets, en accord avec l’État, dans le cadre des PEDT par exemple, et après une validation par la CAF, ce qui témoignerait d’un engagement significatif en termes de taux d’encadrement en particulier ? Je souhaiterais être éclairé sur ce point, car lorsque les choses ne vont pas dans le bon sens, il convient de les remettre d’aplomb. C’est ce que je vous encourage à faire.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Merci de toutes ces interventions.
La question qui est revenue le plus souvent est indéniablement celle du fonds d’amorçage.
Je commencerai par rappeler que la réforme des rythmes scolaires est une réforme importante, que j’assume totalement. Elle a été faite dans l’intérêt des enfants : on apprend mieux en cinq matinées qu’en quatre. Toutes les communes qui sont passées aux nouveaux rythmes dès 2013 et qui nous ont fait part des résultats de cette expérience nous disent la satisfaction des enfants, des parents, des personnels, et même des collectivités locales. Je ne nie absolument pas, je n’ai jamais nié qu’elle crée pour les communes une contrainte forte : il leur faut changer, s’adapter, s’organiser, trouver les animateurs, anticiper.
La rentrée a d’ailleurs été plus ou moins bien anticipée : certaines communes se sont très bien organisées ; il y a beaucoup d’endroits où ça marche, où les acteurs locaux ont réussi à trouver des activités utiles pour les enfants.
Pour accompagner cette réforme et la mise en place des nouvelles activités périscolaires, un fonds d’amorçage a été créé. Comme son nom l’indique, il s’agissait d’aider les communes à sauter une haie particulièrement haute. Ce fonds était prévu pour l’année 2013-2014 ; il a été reconduit entièrement pour l’année 2014-2015, et a cette fois concerné l’ensemble des communes, représentant alors une dépense pour l’État de 400 millions d’euros. Une aide de 50 euros par an et par enfant est accordée à chaque commune, auxquels s’ajoutent 40 euros pour les communes les plus en difficulté, ainsi que l’aide de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) dès lors qu’un centre de loisirs agréé est ouvert par la commune. Des ressources sont donc mises à disposition pour accompagner les communes.
Ce fonds d’amorçage a été pensé comme une aide temporaire et, pour l’année 2015-2016, la question de son champ d’application se pose encore. J’entends les inquiétudes des communes, qui se sont exprimées ce soir à droite comme à gauche. J’entends qu’il est difficile de prendre en charge cette dépense sans accompagnement. J’entends aussi qu’il n’est pas forcément juste et vertueux que l’État verse une aide à des communes qui ne mettent pas en place d’activités périscolaires.
Ma porte est ouverte. Je recevrai dès demain le président de l’Association des maires de France (AMF). Je continuerai aussi à discuter avec les villes qui ne se sont toujours pas engagées dans la mise en œuvre des activités périscolaires, au détriment des enfants et de leurs familles. Ma porte est ouverte afin que nous trouvions ensemble la meilleure solution pour, en ce temps de rareté des deniers publics, permettre d’améliorer le temps scolaire et d’imaginer des activités périscolaires de qualité. La discussion se poursuivra dans les jours qui viennent.
J’en viens aux autres questions, à commencer par celles, nombreuses également, qui portaient sur l’efficience de notre système. Plusieurs d’entre vous ont pointé du doigt, comme l’avait fait la Cour des comptes, que l’allocation des moyens de l’éducation nationale n’est pas forcément optimale, au regard de nos résultats. Je partage cet avis – mais je n’en conclus pas qu’il faille cesser d’investir dans l’éducation ou de créer des postes d’enseignants ! J’en conclus qu’il faut mieux allouer les moyens, établissement par établissement, territoire par territoire, pour que les ressources soient en adéquation avec les besoins. Il faut notamment mieux prendre en considération les difficultés spécifiques, singulières, des établissements situés en zone urbaine sensible ou en zone rurale isolée. C’est pourquoi nous procéderons à une réforme de l’allocation des moyens par académie et, au sein de chaque académie, par établissement, afin que tous les élèves, où que soit situé leur domicile, quelles que soient leurs ressources, soient vraiment mis en condition de réussir.
C’est cette démarche que nous avons engagée – sans épuiser le sujet – avec la réforme de l’éducation prioritaire : là où l’accompagnement est plus nécessaire encore qu’ailleurs, il faut le renforcer. Dans certains quartiers, dans certains territoires, si l’école n’est pas suffisamment armée pour faire réussir les enfants, alors ceux-ci ne réussiront pas : les obstacles sont trop nombreux et trop difficiles à franchir. Nous réformons donc l’éducation prioritaire en donnant plus de moyens là où il le faut, pour stabiliser et former les équipes enseignantes, pour libérer du temps pour la préparation de projets pédagogiques collectifs et de sorties scolaires ou tout simplement pour travailler en équipe.
Cette réforme est en cours : les recteurs consultent actuellement les élus locaux, pour définir ensemble, de façon transparente, quels sont les territoires qui ont le plus besoin de ces moyens nouveaux. J’annoncerai la nouvelle carte avant la fin de l’année et les nouveaux moyens seront disponibles dès la rentrée 2015.
Je veux absolument rompre avec le système où, à deux élèves près, à une situation sociale près, les établissements perdent le bénéfice du statut ZEP ou REP. La nouvelle allocation des moyens sera donc progressive et adaptée à chaque établissement, ce qui fera disparaître les effets de seuil. Cela nous permettra de répondre aux objections de la Cour des comptes, en luttant mieux contre les déterminismes sociaux.
Plusieurs d’entre vous m’ont interrogée sur le métier d’enseignant. Pour améliorer la réussite scolaire, il faut aussi des enseignants mieux outillés, mieux formés, plus solides. Il a été question de la faible attractivité de ce métier : mais celle-ci venait surtout du fait que l’éducation nationale, avant 2012, supprimait des postes ! Comment voulez-vous attirer des étudiants vers l’enseignement quand l’État ne cesse de détruire des postes et, pire encore, la formation, comme si enseigner ne s’apprenait pas ?
La meilleure façon de redonner de l’attractivité à ces métiers, c’est de recruter, de reconstituer une formation initiale, mais aussi de revaloriser ces métiers. J’évoquais tout à l’heure l’ISAE, de 400 euros annuels : cela peut paraître bien peu, mais c’est un début de rattrapage d’un retard. Dès que nous pourrons faire mieux, nous le ferons. Mais les enseignants veulent aussi que leurs missions soient mieux définies : là encore, un travail considérable est mené depuis quelques mois au ministère de l’éducation nationale sur les différents métiers pour revoir le statut, les missions… Le décret de 1950 a enfin été refondu.
Monsieur Hetzel, je vous confirme que le décret relatif aux remplacements de courte durée est toujours en application. Le nombre d’heures que les établissements consacrent à ces remplacements s’est d’ailleurs maintenu au même niveau que les années précédentes. En réalité, le problème que vous soulevez se pose surtout pour les remplacements de longue durée, qu’il a été difficile d’assurer pendant des années en raison des suppressions de postes. Ces dernières ont en effet concerné en priorité les postes les moins visibles – ceux des remplaçants et des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED) – et non ceux des enseignants qui se trouvaient devant les salles de classe. En créant des postes, nous sommes donc en train de reconstituer peu à peu le vivier de remplaçants.
La création d’un nouveau corps de psychologues de l’éducation nationale est l’un de nos chantiers de réflexion actuels : ceux-ci auront pour mission d’intervenir dans les établissements scolaires, de la maternelle jusqu’au post-bac. Nos travaux en la matière, qui devraient aboutir dans les mois qui viennent, devraient permettre d’améliorer le recrutement de ces personnels ainsi que leur formation et leur déroulement de carrière.
Nous avons consacré des moyens conséquents à la relance de la formation continue et créé des postes de formateurs. Dans le second puis dans le premier degré, nous avons créé un nouveau métier de professeur formateur académique et instauré un droit à la formation de trois jours pour les enseignants de l’éducation prioritaire. Pour favoriser la formation par le biais du numérique, nous avons créé de nouveaux modules de formation sur M@gistère, notre site de formation continue en ligne. Enfin, nous avons augmenté le nombre de jours de formation des directeurs d’école.
Comme je l’ai souligné ce matin lorsque j’ai été auditionnée par l’Observatoire de la laïcité, il convient de renforcer la portée de la charte de la laïcité qui a certes été affichée partout dans les écoles mais qui n’a pas forcément été assimilée par tous. En souvenir de la loi de 1905, nous pourrions retenir la date symbolique du 9 décembre pour organiser des actions sur le sujet sur l’ensemble du territoire. Par ailleurs, le Plan national de formation comprend une formation dédiée au thème de la laïcité : en 2013-2014, plus de 5 000 enseignants, inspecteurs et chefs d’établissement en ont bénéficié. Nous faisons aussi en sorte que la laïcité fasse partie des thèmes de tronc commun des formations dispensées dans les écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE). En outre, j’ai proposé d’inclure sur la plateforme M@gistère un parcours d’e-formation relatif à l’enseignement laïque des faits religieux, ce afin de compléter le parcours actuel qui reste très général – n’abordant que les textes fondateurs de la laïcité. Enfin, le Conseil supérieur des programmes (CSP) élabore actuellement le Programme d’enseignement moral et civique : il me rendra ses travaux dans les prochaines semaines en prévision d’une application à la rentrée 2015.
En ce qui concerne l’éducation artistique et culturelle, le PLF pour 2015 prévoit une dotation de 260 millions d’euros afin de financer, d’une part, la rémunération des heures supplémentaires des enseignants chargés de transmettre cette matière, et d’autre part, l’intervention d’intermittents et d’intervenants extérieurs ainsi que le soutien à des associations chargées de contribuer à ces pratiques. J’ajoute que nous poursuivrons dans cette voie, non seulement parce que l’éducation artistique et culturelle constitue l’un des aspects de la réforme des programmes mais aussi parce que le parcours d’éducation artistique et culturelle devrait être instauré à partir de l’année prochaine. J’attends d’ailleurs également dans les prochaines semaines les conclusions du CSP sur le sujet. Plus généralement, la ministre de la culture, Fleur Pellerin, et moi-même serons amenées à présenter notre feuille de route commune dans quelques semaines.
Le projet « Collèges connectés » vise à faire des collèges des lieux d’incubation, des accélérateurs de l’appropriation du numérique. Nous projetons de porter le nombre de collèges concernés de 23 aujourd’hui à 100 à la rentrée 2015, l’accélération de l’usage du numérique sur ces sites préfigurant les mesures que nous souhaitons appliquer à tous les collèges à la rentrée 2016. En 2015, les collèges connectés bénéficieront chacun d’une dotation de 10 000 euros leur permettant d’acquérir des manuels numériques, d’un accompagnement particulier de la part de l’académie en matière de formation des enseignants au numérique et enfin, d’actions pédagogiques interdisciplinaires.
L’apprentissage junior ayant été débattu lors de l’examen du projet de loi de refondation de l’école, je tiens à souligner que nous n’avons jamais dit que l’apprentissage n’était pas un modèle de succès. Bien au contraire puisque nous aspirons à le développer, comme le Président de la République l’a affirmé lors de la dernière grande conférence sociale. En revanche, nous ne souhaitons pas que des jeunes soient envoyés en apprentissage sans avoir acquis le socle de connaissances, de compétences et de culture que nous sommes en train de revoir, c’est-à-dire sans avoir acquis les moyens d’évoluer ensuite dans un monde moderne caractérisé par la mobilité. C’est pourquoi nous sommes défavorables à l’apprentissage précoce dès 14 ans. Mais nous soutenons l’apprentissage par le biais de mesures financières : nous nous sommes ainsi engagés à consacrer 200 millions d’euros à l’augmentation des moyens des centres de formation en alternance (CFA) et à la création de l’aide au recrutement d’apprentis, qui s’élève à 1 000 euros par apprenti dans les entreprises de moins de 50 salariés. Nous consacrerons également des fonds européens au financement du logement et du transport des apprentis. Le ministère de l’éducation nationale s’est fixé l’objectif de porter le nombre de jeunes aujourd’hui accueillis sous statut d’apprenti dans nos établissements scolaires de 40 000 aujourd’hui à 60 000 demain. Pour ce faire, nous cherchons à améliorer l’image de l’apprentissage et de l’information le concernant dans le cadre de toutes les procédures d’affectation et d’orientation qui suivent les classes de troisième et de terminale – et notamment dans le cadre du parcours d’information, d’orientation et découverte du monde professionnel que nous sommes en train de créer pour les collégiens, qui permettra aux établissements scolaires de s’ouvrir au monde professionnel. Dans ce parcours, nous ferons en sorte que les élèves découvrent de près les réalités de l’apprentissage – notre objectif étant de susciter des vocations. Enfin, nous ferons en sorte que les enseignants puissent bénéficier de modules de formation à la pédagogie de l’apprentissage.
S’agissant de l’inclusion et du handicap, je suis très attachée à ce que l’école soit toujours plus inclusive : elle a d’ailleurs beaucoup progressé à cet égard, accueillant aujourd’hui 240 000 enfants en situation de handicap, soit le double d’il y a cinq ans. C’est pourquoi je me félicite que le Gouvernement ait satisfait au besoin d’augmenter le nombre d’auxiliaires de vie scolaire (AVS) et d’accompagnateurs d’élèves en situation de handicap : nous en recrutons ainsi 350 de plus cette année et comptons en recruter 350 l’an prochain. Il est également nécessaire de professionnaliser les 28 000 AVS aujourd’hui en exercice : alors qu’ils sont actuellement liés par des contrats à durée déterminée (CDD), nous avons souhaité leur faire bénéficier de contrats à durée indéterminée (CDI) et leur offrir une formation qui leur permette d’améliorer leurs pratiques. Enfin, pour accueillir ces élèves, le nombre de classes pour l’inclusion scolaire (CLIS) ne cesse d’augmenter et j’ai identifié le besoin de développer les unités localisées pour l’inclusion scolaire (ULIS) en lycée professionnel.
Bien que l’organisation du périscolaire relève des communes et non de l’État, je souhaiterais que les différents travaillent ensemble dans le cadre des PEDT. Il en va d’ailleurs de même s’agissant de la prise en charge du handicap : il est beaucoup plus simple pour l’État – qui embauche des AVS, les forme et transforme leurs CDD en CDI – de les mettre ensuite à disposition des communes. Certes, elles les rémunéreront mais cela leur évitera de devoir recruter de nouveaux personnels pour accompagner les enfants dans leurs activités périscolaires. Cela nous permettra de faire en sorte que les enfants en situation de handicap aient accès non seulement à du temps scolaire mais également à du temps périscolaire.
Madame Bello, lorsqu’une enseignante ne peut effectuer son stage jusqu’au bout de sa durée réglementaire – notamment en cas de congé maternité –, la règle veut que son stage soit prolongé et qu’elle conserve son poste, sauf si la durée de son absence s’avère trop longue. Par ailleurs, bien que l’organisation des concours soit soumise à des règles d’équité entre les candidats, afin de prendre en compte les spécificités des territoires d’outre-mer, il est tout à fait possible au président du jury d’un concours de prendre la décision de déplacer une délégation de son jury vers un territoire ultramarin pour y faire passer ce concours.
Lorsque nous évoquons la préscolarisation des enfants de moins de trois ans, nous visons notamment les familles les plus éloignées de l’école. Sachant à quel point les écarts d’apprentissage de la langue se creusent dès avant trois ans, nous avons souhaité cibler notre action en la matière sur les territoires où les besoins sociaux sont les plus importants. C’est pourquoi chaque réseau d’éducation prioritaire comportera au moins une classe accueillant des enfants de moins de trois ans. Sur le plan quantitatif, après que le nombre d’enfants de trois ans accueillis n’a cessé de diminuer pendant dix ans, cette tendance s’est inversée en 2013-2014. Et ce retournement sera amplifié en 2015 et les années suivantes dans les zones en difficulté. Nous nous donnons donc les moyens de mener cette politique à laquelle nous tenons beaucoup.
S’agissant des matières scientifiques et des nouvelles technologies, et en particulier des recommandations formulées par Maud Olivier dans son rapport sur les cultures scientifiques, techniques et industrielles, un effort d’expérimentation a effectivement été accompli dans les ESPE de Lyon mais aussi de Toulouse et de Poitiers. Dans la dernière de ces villes par exemple, nous avons institué des modules de vulgarisation scientifique à destination des étudiants de licence non scientifique. Et nous souhaitons que les autres ESPE évoluent dans le même sens. Par ailleurs, les nouveaux programmes nous permettront d’encourager l’appétence pour la science et les technologies. Enfin, je vous accorde que nous pourrions en faire davantage en faveur l’initiation aux sciences dans le cadre périscolaire. Mais encore une fois, c’est grâce aux plans éducatifs territoriaux que nous y parviendrons le mieux : 7 000 de ces plans ayant déjà été signés, des marges de progrès existent en la matière.
Pour conclure, je suis très attachée aux internats et sais à quel point nous en avons besoin tant ils favorisent la réussite scolaire – et en particulier celle des jeunes filles. En effet, beaucoup d’entre elles se retrouvent freinées, lorsqu’elles souhaitent poursuivre des études supérieures, par des parents qui refusent de les voir déménager ou s’éloigner. Du point de vue budgétaire, les internats de la réussite sont financés par le programme d’investissements d’avenir : aux termes de la loi de finances initiale pour 2014, le deuxième volet de ce programme a contribué à leur financement à hauteur de 150 millions d’euros supplémentaires – crédits destinés à la création de 6 000 places supplémentaires en internat de la réussite, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine ayant été retenue comme opérateur pour réaliser ces constructions. Enfin, ces internats font l’objet d’un plan d’ensemble associant l’État et les collectivités locales et assorti d’une charte de l’internat, destinée à préciser la politique qui doit y être conduite, notamment pour favoriser la mixité sociale. Dans le cadre de ce plan, la priorité sera accordée aux régions les plus déficitaires en termes de places d’hébergement en internat, soit les régions Île-de-France, Nord-Pas-de-Calais, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Rhône-Alpes, ainsi qu’en outre-mer. En Nouvelle-Calédonie, l’État s’engage ainsi à construire deux lycées équipés d’un internat.
Mme Eva Sas, présidente. Nous vous remercions, madame la ministre, pour ces échanges et ces informations très complètes. La discussion et le vote en séance publique de la mission « Enseignement scolaire » auront lieu le jeudi 30 octobre prochain.
La réunion de la commission élargie s’achève à vingt-trois heures quarante.
Compte rendu de la commission élargie du lundi 27 octobre 2014
(Application de l’article 120 du Règlement)
Sécurités
La réunion de la commission élargie commence à vingt et une heures, sous la présidence de M. Dominique Lefebvre, vice-président de la commission des finances, de M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois et de M. Nicolas Bays, vice-président de la commission de la défense nationale.
M. Dominique Lefebvre, président. Monsieur le ministre de l’intérieur, je suis très heureux de vous accueillir, en compagnie de Jean-Jacques Urvoas, président de la Commission des lois, et de Nicolas Bays, vice-président de la Commission de la défense nationale et des forces armées. Nous sommes réunis en commission élargie afin de vous entendre sur les crédits du projet de loi de finances pour 2015 consacrés à la mission « Sécurités ».
Je rappelle les règles qui président à nos débats en commission élargie : la parole sera d’abord donnée aux rapporteurs des commissions, qui interviendront pour une durée de cinq minutes, sous la forme de questions au ministre. S’exprimeront ensuite, pour deux minutes chacun, les porte-parole des groupes.
Enfin, tous les députés qui le souhaitent pourront interroger le ministre, leur intervention étant limitée à deux minutes.
M. le président Jean-Jacques Urvoas. Pour ce qui est de la Commission des lois, nous avons deux rapporteurs pour avis. Pascal Popelin, rapporteur pour avis pour la Sécurité, a porté son regard avisé sur la partie sécurité proprement dite et s’est intéressé notamment aux mutualisations entre la police et la gendarmerie, afin de voir si elles peuvent être développées ou s’il faut, au contraire, arrêter ce mouvement souvent présenté comme vertueux. Pierre Morel-A-L’Huissier, rapporteur pour avis pour la Sécurité civile, connaisseur parfait de ces questions, s’est penché sur la valorisation des moyens humains dans la sécurité civile et notamment sur les difficultés que connaît volontariat. Il revient aussi sur la rationalisation des moyens aériens, sujet sur lequel nous travaillons depuis le début de la législature.
M. Nicolas Bays, président. La Commission de la défense est saisie pour avis, comme il est de tradition, des crédits de la gendarmerie au sein de la mission « Sécurités ». Nous demeurons très attachés, comme les gendarmes eux-mêmes, au statut militaire de cette institution. Notre rapporteur pour avis, Daniel Boisserie, s’est attaché cette année à traiter un sujet peu connu : la sécurité des installations nucléaires, qui joue un rôle essentiel dans le contrôle gouvernemental de l’outil de dissuasion.
M. Yann Galut, rapporteur spécial de la commission des finances pour la police, la gendarmerie, la sécurité routière, le contrôle de la circulation et du stationnement routiers. Les crédits du programme « Police nationale » s’élèveront en 2015 à 9,66 milliards d’euros en autorisations d’engagement, soit une hausse de 0,7 %, et à 9,69 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une hausse de 0,5 %.
Les crédits du programme « Gendarmerie nationale » s’élèveront en 2015 à 8,07 milliards d’euros en autorisations d’engagement – + 1,6 % – et à 8,06 milliards d’euros en crédits de paiement – + 0,4 %.
En 2015, comme en 2014, les effectifs de la police seront augmentés de 243 fonctionnaires et ceux de la gendarmerie de 162 militaires.
Permettez-moi, monsieur le ministre, de me féliciter de cette évolution et de saluer les efforts consentis par le Gouvernement. Ces chiffres sont à rapprocher des 7 000 emplois perdus dans chacune de ces forces entre 2007 et 2012.
Les crédits de la police et de la gendarmerie, comme en 2014, seront en hausse. En ces temps de contrainte budgétaire, ces augmentations traduisent clairement la volonté du Gouvernement de faire de la sécurité l’une des priorités de sa politique.
Malgré les augmentations d’effectifs et l’entrée en application de quelques mesures catégorielles, les dépenses de rémunérations et de charges sociales n’augmenteront que faiblement, signe d’une gestion rigoureuse – + 9,8 millions d’euros pour la police et + 32,3 millions pour la gendarmerie. En conséquence, la part des moyens consacrés au fonctionnement et aux investissements augmente, passant de 10 à 11 % pour la police et dépassant les 15 % pour la gendarmerie.
Je me félicite également du plan de réhabilitation immobilière de 70 millions d’euros, que vous avez mis en place pour l’immobilier de la gendarmerie. La gendarmerie sort de plusieurs années « blanches », pendant lesquelles seuls des moyens dérisoires étaient disponibles pour faire face aux opérations d’urgence. Or, en 2015, grâce à ce plan, les investissements immobiliers vont pouvoir reprendre et une trentaine d’opérations de réhabilitation lourde va pouvoir être lancée. Ce sujet touche non seulement au bon fonctionnement de l’institution, mais aussi à la vie privée des gendarmes, qui sont logés par nécessité absolue de service. Il est donc primordial d’y apporter la plus grande attention.
Monsieur le ministre, je souhaiterais, dans le temps qui m’est imparti, appeler votre attention sur trois points.
J’évoquerai d’abord les difficultés que rencontrent tant la police que la gendarmerie pour renouveler leur parc de véhicules. Certes, la nouvelle majorité a inversé la courbe, et les commandes de véhicules sont reparties à la hausse. En 2013, les achats ont permis de stopper la contraction du parc automobile de la police, qui se réduisait année après année. Pendant longtemps, le parc auto de la police a compté plus de 30 000 véhicules. Au 1er janvier 2013, il avait atteint son étiage avec seulement 27 980 véhicules. Depuis cette date, il a commencé à se reconstituer et comptait au 1er janvier 2014 28 190 véhicules.
En 2015, comme en 2014, ce sont 1 200 à 1 400 véhicules qui seront achetés selon les forces. C’est un effort que je salue, mais qui reste insuffisant. L’âge moyen des véhicules augmente – six ans pour la police et six ans et demi pour la gendarmerie –, le kilométrage moyen également – 150 000 à 200 000 kilomètres. La gendarmerie envisage de conserver ses véhicules en service pendant dix ans. Il faudrait commander pratiquement le double de ce qui est actuellement acheté pour permettre un renouvellement satisfaisant du parc. Quel est, monsieur le ministre, votre sentiment sur ce sujet ?
Je voudrais ensuite appeler votre attention sur une forme de criminalité dont on parle peu, mais qui constitue une réelle menace pour notre pays : la cybercriminalité. Le tissu industriel français de la cybersécurité, dominé par le groupe Airbus et par Alcatel-Lucent, est aujourd’hui dynamique et diversifié. Il compte des acteurs de toutes tailles couvrant la plupart des sujets structurants de la cybersécurité.
Ne pensez-vous pas qu’il serait utile de créer une structure administrative chargée de soutenir à l’exportation les services français de cybersécurité et qui aurait pour vocation de concentrer les moyens et la stratégie d’ensemble ? Je suis, pour ma part, convaincu de la nécessité d’une telle structure de coordination.
Enfin, je souhaiterais saluer l’initiative prise par votre prédécesseur – que vous avez confortée, monsieur le ministre – de créer un médiateur interne à la police nationale. Mis en place l’an dernier, ce médiateur, personne de grande qualité, a déjà traité, à la tête d’une équipe réduite, plusieurs centaines de dossiers. Il tente de remettre de l’humanité dans un monde qui en manque parfois, en essayant notamment d’expliquer des décisions administratives qui ne sont pas toujours bien comprises. Son action est révélatrice d’un besoin qui existait au sein de la police. Je souhaitais vous demander, monsieur le ministre, votre sentiment sur cette médiation, en vous suggérant de conforter son rôle qui me semble très utile.
M. Patrick Lebreton, rapporteur spécial de la commission des finances pour la Sécurité civile. J’ai l’honneur de vous présenter le rapport portant sur les crédits du programme 161 « Sécurité civile », inscrits depuis le budget pour 2014 dans la mission d’ensemble « Sécurités ».
Pour 2015, avec 439,55 millions d’euros, les crédits de paiement sont en augmentation de 2,66 % par rapport à 2014. Les autorisations d’engagement, qui atteignent 401 millions d’euros, sont en diminution de 187,51 millions d’euros. Cette réduction résulte du montant qui avait été inscrit dans la loi de finances pour 2014 pour le financement pluriannuel du nouveau marché de maintien en condition opérationnelle des avions de la sécurité civile.
J’insiste sur le fait que les grandes actions et les programmes d’investissements touchant à la sécurité civile sont maintenus en 2015. Nous savons tous l’importance des actions de l’État en ce domaine et l’obligation qui nous est faite de consacrer des moyens significatifs à la protection des populations au quotidien ou lors de catastrophes majeures, qu’elles soient naturelles, technologiques ou industrielles. C’est pour ces raisons que je vous invite, mes chers collègues, à adopter les crédits de cette mission.
J’aurais cependant souhaité, monsieur le ministre, que vous puissiez nous apporter un éclairage sur les sujets suivants.
Pourriez-vous refaire le point devant nous sur l’évolution des moyens du programme Sécurité civile, sur les actions majeures retenues en 2015 et sur l’effort de rationalisation des dépenses que traduit ce budget ?
Quel bilan tirez-vous ensuite du rassemblement des crédits de la sécurité civile, opéré depuis le budget pour 2014 dans un seul programme, le programme 161 ?
Quel bilan tirez-vous, par ailleurs, de la création décidée, il y a maintenant trois ans, de la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) ?
La réforme territoriale annoncée, avec la disparition possible de l’échelon départemental, aura sans doute un impact sur le dispositif de sécurité civile et sa structuration. Quels éléments pouvez-vous nous communiquer aujourd’hui sur ce point ?
La période récente semble marquée par la survenue fréquente d’inondations sur le territoire national. D’autres risques, comme le risque pandémique, sont par ailleurs bien réels. Quelles adaptations opérationnelles pensez-vous apporter, en lien avec d’autres acteurs publics ?
Quel est l’état précis de réalisation ou de fonctionnement, en octobre 2014, des grands équipements indispensables à la politique de prévention et de gestion des crises ? Je pense au réseau ANTARES, autrement dit l’Adaptation nationale des transmissions aux risques et aux secours, qui vise à une interopérabilité des moyens de communication des différents intervenants en sécurité civile ; à la mise en place du service d’alerte et d’information des populations (SAIP), qui remplace le système actuel d’alerte, devenu obsolète ; à la création du Centre national d’alerte aux tsunamis (CENALT) pour la Méditerranée et l’Atlantique du nord-est, ou encore à la mise en œuvre du centre de formation civile et militaire en matière de lutte contre les menaces nucléaires, radiologiques, biologiques, chimiques et explosives, dont l’existence doit mettre un terme à l’hétérogénéité des formations jusque-là dispensées aux décideurs.
Concernant plus particulièrement les sapeurs-pompiers, 80 % d’entre eux sont des volontaires qui réalisent 70 % des interventions, mais leur nombre tend à stagner. Or l’augmentation de leur effectif est indispensable à la pérennité de notre système. Quel bilan peut être fait de l’application de la loi de 2011 et, plus récemment, de l’Engagement pour le volontariat, conclu en 2013 à l’incitation du Président de la République ?
Les moyens aériens sont essentiels dans la lutte contre les feux de forêts, même si la saison « feux » 2013 a vu un recul inédit des surfaces incendiées et que les hélicoptères de la sécurité civile jouent un rôle indispensable, reconnu et croissant, dans le domaine du secours à la personne.
Pouvez-vous nous rappeler brièvement l’état l’avancement de plusieurs dossiers majeurs, tels que le transfert de la base aérienne de sécurité civile à Nîmes, le renouvellement des contrats de maintenance et celui de la flotte d’avions elle-même, particulièrement des Tracker ?
Les actions de sécurité civile tendent de plus en plus à s’internationaliser face à des problèmes récurrents, tels que les cyclones, les inondations ou les séismes. Quelles indications pouvez-vous nous donner sur les interventions récentes à l’étranger et sur les modifications touchant le mécanisme européen de sécurité civile ? Quels progrès peuvent, selon vous, être réalisés en matière de coopération européenne, s’agissant, notamment, de la préparation à la gestion des crises et de l’information du public ?
Pour conclure sur un sujet qui me tient particulièrement à cœur, j’aurais souhaité avoir vos retours sur les expérimentations de moyens héliportés mutualisés entre la sécurité civile, la gendarmerie et le SAMU, les fameux hélicoptères bleus-blancs-rouges. Quelle appréciation faites-vous de l’expérimentation menée en Guyane depuis le début de l’année ? Imaginez-vous un déploiement similaire à La Réunion, où la sécurité civile ne dispose, rappelons-le, d’aucun moyen héliporté propre ?
M. Daniel Boisserie, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour la Gendarmerie nationale. Je tiens tout d’abord à saluer l’action de l’ensemble de nos forces de sécurité, et en particulier nos gendarmes. Je souhaite leur manifester ici tout mon soutien et toute mon admiration.
Je ne m’attarderai pas sur les évolutions de crédits pour 2015, qui sont présentées en détail dans mon rapport. Je me contenterai de souligner avec satisfaction que le budget de la gendarmerie est globalement préservé.
Monsieur le ministre, mes premières questions auront trait à la réserve : le suis conscient qu’elle est nécessaire au pilotage de la dépense publique, mais, telle qu’elle est mise en œuvre, elle me semble parfois inadaptée.
Le dégel en fin de gestion est un jeu « perdant-perdant » : perdant pour Bercy, car les crédits sont finalement dépensés ; perdant pour leur bénéficiaire, qui est contraint de les engager dans l’urgence, sans politique d’acquisition cohérente. Entre-temps, les négociations sur la réserve se traduisent par une perte de temps et d’énergie considérable pour tous les ministères, les « régulateurs » comme les « dépensiers ».
Le reliquat des crédits mis en réserve en 2014, s’il existe, sera-t-il rapidement et intégralement dégelé ? Pouvez-vous m’indiquer si la réserve 2015 fera l’objet d’une levée, au moins partielle, dès le début de gestion, afin de pouvoir engager des dépenses de manière efficace et rationnelle ? Il ne s’agit évidemment pas de dépenses de confort, accessoires ou superflues, mais de dépenses qui répondent à un véritable impératif opérationnel.
Autre thème, malheureusement traditionnel : l’immobilier. Je ne rappellerai pas l’état du parc, bien connu de tous.
Je suis constamment à la recherche de leviers pour accélérer la remise à niveau du parc domanial et réduire les dépenses de fonctionnement. Depuis 2006, le ministère de la défense bénéficie d’un retour intégral des produits de cessions immobilières qu’il réalise. La gendarmerie était soumise à ce régime jusqu’à 2009 et son rattachement à votre ministère. Depuis, ses produits de cessions se voient appliquer une décote d’environ 50 %, principalement au titre de la participation au désendettement de l’État.
Il ne s’agit pas de demander le retour d’un droit acquis qui aurait été perdu ; l’argument serait un peu court. Mais, compte tenu des besoins pour remettre le parc à un niveau acceptable, il serait légitime que le retour intégral soit de nouveau appliqué à la gendarmerie. Qu’en pensez-vous, monsieur le ministre ?
Je ne suis pas drogué à la dépense publique. Toutefois, j’estime qu’entre deux devoirs, assurer des conditions de vie et de travail décentes à nos gendarmes et à leurs familles, d’une part, et résorber – parfois aux dépens de notre sécurité – l’endettement du pays, d’autre part, c’est le premier qui doit primer. Un plan de réhabilitation ambitieux est prévu, et je m’en réjouis, mais compte tenu de l’urgence, j’estime que tous les leviers possibles doivent être actionnés.
Quelques remarques sur la massification des marchés publics. Chaque marché est unique et, dans le cas des marchés de fournitures, la passation de gros marchés peut permettre des économies d’échelle. Pour ce qui concerne les marchés de prestations de services, les résultats sont parfois moins positifs. D’une part, ces gros marchés excluent de fait les petites entreprises locales ; d’autre part, ils peuvent se traduire par une baisse de la qualité de service. Pourrait-on redonner davantage de pouvoir aux gestionnaires locaux en la matière ? Cela soutiendrait le tissu économique local et améliorerait sans doute le service rendu. Cela conduirait aussi à une responsabilisation plus grande des gestionnaires.
Je terminerai par quelques observations sur la protection des centrales nucléaires.
Il est inutile de rappeler le contexte géopolitique et sécuritaire actuel, et l’importance vitale que représentent les centrales nucléaires. Or on constate aujourd’hui une décorrélation totale entre la sensibilité extrême de ces sites et le cadre légal relatif à leur protection. Les auteurs d’intrusions sont condamnés à des peines relativement clémentes : quelques mois de prison avec sursis, éventuellement assortis d’amendes. L’infraction retenue par les magistrats est celle de la violation de domicile. N’est-il pas temps d’adapter notre régime juridique et de créer, enfin, un délit spécifique punissant de manière réellement dissuasive ces intrusions ? Un tel renforcement ne violerait aucune liberté publique ni aucun droit fondamental. La liberté d’expression et de manifestation peut parfaitement s’exercer à l’extérieur des centrales, sans réduire la force ou la portée du message de ceux qui exercent ces libertés. Le drame qui vient de se produire dans le Tarn ne fait que me renforcer dans la conviction que mes propositions sont fondées.
S’il est nécessaire que les pouvoirs publics prennent leurs responsabilités en la matière, il faudrait que l’opérateur EDF fasse de même en menant les investissements indispensables au renforcement des mesures de sécurité passive.
Dans le même domaine, nous devrions également prendre en considération la question des drones, en interdisant par exemple de façon permanente le survol des installations nucléaires civiles. Ils peuvent en effet constituer un risque réel de collecte d’informations sensibles, d’intrusion, voire d’endommagement. Monsieur le ministre, quel est votre point de vue sur ce vaste sujet ?
M. Pascal Popelin, rapporteur pour avis de la commission des lois pour la Sécurité. Les crédits de fonctionnement et d’investissement de nos deux forces de sécurité s’inscrivent dans un contexte financier plus que jamais contraint, même s’ils font l’objet d’une priorité politique de la part du Gouvernement et de la majorité parlementaire. C’est la raison pour laquelle j’ai choisi, cette année, d’évaluer les effets des mutualisations entre la police et la gendarmerie nationales, cinq ans après le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur, décidé par la loi du 3 août 2009. Les réflexions en matière de mutualisation semblent être une piste qu’il faut continuer d’explorer pour dégager des moyens nouveaux en faveur des politiques de sécurité publique attendues par les Français.
Les mutualisations logistiques de soutien des forces sont bien engagées, tant à l’échelle centrale avec, par exemple, pour les achats, le Service de l’achat, des équipements et de la logistique de la sécurité intérieure (SAELSI), qu’au plan déconcentré, avec la création des Secrétariats généraux pour l’administration du ministère de l’intérieur (SGAMI).
J’ai toutefois identifié deux domaines où l’effort de mutualisation doit être, de mon point de vue, renforcé : l’informatique et la formation.
À titre d’exemple, les logiciels de rédaction des procédures des deux forces, déployés depuis peu, ne sont pas exactement les mêmes. De l’avis unanime, le logiciel de rédaction des procédures de la police nationale (LRPPN) semble beaucoup plus lourd à utiliser par les policiers que le logiciel de rédaction des procédures de la gendarmerie nationale (LRPGN) des gendarmes. La police et la gendarmerie nationales appliquent pourtant le même code de procédure pénale. Une convergence – pour ne pas dire une unité – des deux systèmes ne m’apparaîtrait pas illogique. Elle serait source de simplification pour les utilisateurs et d’économies pour l’État. Comptez-vous, monsieur le ministre, engager cette réflexion ?
La formation constitue un domaine particulièrement sensible en matière de mutualisation. Des réticences ont ainsi pu être exprimées, au motif qu’il convenait de respecter l’identité de chacune des deux forces. J’ai toutefois listé dans mon rapport une série de domaines dans lesquels des progrès pourraient être accomplis : la cynotechnie, l’intervention en haute montagne, la plongée, les unités motocyclistes. Partagez-vous, monsieur le ministre, cette analyse ? D’autres domaines font-ils l’objet de réflexions ?
Au-delà des mutualisations logistiques, des efforts supplémentaires de mutualisation opérationnelle peuvent et doivent, à mon sens, être réalisés rapidement.
La coordination opérationnelle renforcée dans les agglomérations et les territoires (CORAT) permet aux responsables territoriaux de développer, sur des zones contiguës, des opérations coordonnées. Il semble pourtant que la dynamique instaurée par les CORAT s’essouffle. Quel bilan tirez-vous de ce dispositif, monsieur le ministre, et entendez-vous lui donner un nouveau souffle ?
J’ai aussi la conviction, même si je mesure le chemin à parcourir pour la faire partager, que des expérimentations de mutualisation des salles de commandement départementales, où sont centralisés les appels téléphoniques, notamment la nuit, doivent être engagées. Ces expérimentations pourraient, dans un premier temps, prendre la forme d’un regroupement en un lieu unique des centres opérationnels de la police et de la gendarmerie. Certains centres pourraient même totalement fusionner, afin de permettre une réponse plus efficace aux appels, par l’emploi des forces disponibles les plus proches.
Le maillage territorial de la police et de la gendarmerie doit aussi continuer d’évoluer. Dans mon rapport, j’invite, par exemple, à réfléchir à l’opportunité de redéfinir les compétences des deux forces sur les grands axes autoroutiers. L’expérimentation envisagée en 2015, concernant l’autoroute A 36, à la faveur de la redéfinition des compétences entre la Direction départementale de la sécurité publique de la police nationale et du groupement de gendarmerie dans le Haut-Rhin, sera, de ce point de vue, intéressante.
Enfin, je suis arrivé à la conclusion qu’une mutualisation plus poussée des deux forces de sécurité suppose une réorganisation préalable de chacune d’entre d’elles. Les limites de l’organisation « en tuyaux d’orgues » de la police nationale sont régulièrement évoquées. Outre la convergence des différentes directions de la police nationale, je note dans mon rapport des réorganisations internes envisageables pour chacune d’entre d’elles. De la même manière, la réorganisation territoriale de la gendarmerie doit être poursuivie : des brigades de trois à cinq gendarmes, même regroupées en communautés de brigade avec d’autres unités proches, ne peuvent assumer correctement leur mission de sécurité publique. Elles sont même parfois qualifiées de « faux vecteurs de sécurité ». Leurs horaires d’ouverture au public sont souvent pointés. Ces pistes de réorganisation vous paraissent-elles souhaitables, monsieur le ministre ?
J’en terminerai par la police technique et scientifique (PTS), qui illustre parfaitement l’ensemble des enjeux de mutualisation entre les deux forces. En effet, le développement de la PTS « de masse » ne sera soutenable, dans un cadre budgétaire contraint, qu’au prix de lourds efforts de mutualisation entre elles. D’où ma dernière question : une réforme d’ampleur de la « filière » commune de PTS est-elle envisagée ?
M. Pierre Morel-A-L'Huissier, rapporteur pour avis de la commission des lois pour la Sécurité civile. Je me réjouis d’avoir une nouvelle fois le privilège de rapporter devant vous, au nom de la Commission des lois, l’avis budgétaire relatif aux crédits de la Sécurité civile, non seulement en raison de l’intérêt que je porte à ce thème, mais aussi parce que ce sujet transcende les clivages entre familles politiques et nous permet de nous retrouver sur la question essentielle de la sécurité de nos concitoyens. Il nous offre également la possibilité, à travers nos débats, de réaffirmer notre reconnaissance, notre admiration et notre soutien aux femmes et aux hommes qui, au sein des équipes de la sécurité civile, s’investissent et risquent leurs vies pour venir au secours des autres.
Les crédits du programme « Sécurité civile », à la différence de nombreux autres postes de dépenses, n’ont fort heureusement pas été trop durement touchés par le contexte budgétaire. S’élevant dans le projet de loi à 439 550 666 euros, ils ont même légèrement augmenté par rapport à l’année dernière.
Néanmoins, d’un avis budgétaire à l’autre, j’ai pu constater la fragilisation progressive de la situation de la sécurité civile française. Cette fragilisation porte sur les moyens humains, et plus particulièrement sur les sapeurs-pompiers volontaires dont les effectifs diminuent de façon inquiétante, sur la gouvernance, dans le contexte actuel de réformes territoriales de grande ampleur, et sur les moyens matériels, notamment les hélicoptères.
Ce sont ces trois thèmes que j’ai souhaité approfondir dans cet avis budgétaire, afin que celui-ci puisse contribuer à l’identification de solutions, non seulement nécessaires, mais aussi urgentes, pour assurer la pérennité de notre sécurité civile, ce modèle français auquel, monsieur le ministre, je vous sais attaché ; j’ai pu le constater lors de votre visite dans le département de la Lozère.
J’évoquerai d’abord le volontariat, qui connaît depuis de nombreuses années une crise démographique préoccupante. En dix ans, pas moins de 14 000 volontaires sont partis sans pouvoir être remplacés : les effectifs, depuis 2004, sont passés de 207 000 à 193 000. En cinq ans, pas moins de 600 casernes ont dû fermer sur tout le territoire. Or les sapeurs-pompiers volontaires représentent 80 % du contingent des pompiers français. La préservation du volontariat revêt donc un caractère essentiel.
À mon initiative, le Parlement, en 2011, a doté les volontaires d’un statut plus clair, plus protecteur et plus valorisant. Votre prédécesseur a poursuivi l’effort sur les volontaires et a conclu, en octobre 2013, l’Engagement pour le volontariat dont les vingt-cinq mesures ont vocation à stopper l’hémorragie actuelle. Si je ne peux que saluer cette initiative, à laquelle j’ai participé en qualité de représentant de l’Association des Maires de France, je reste sensible à ce qu’elle ne se limite pas à des annonces sans suite, à un effet d’affichage stérile. Des actions concrètes sont indispensables, assorties d’un dispositif de suivi précis, qui serait parallèle à l’action du Conseil national des sapeurs-pompiers volontaires, créé par la loi de 2011.
Je suis naturellement prêt à m’investir personnellement dans cette tâche essentielle à l’enrayement de la diminution des effectifs, et me tiens, pour ce faire, à votre disposition. Des mesures, qui pourraient être réglementaires, me paraissent devoir être rapidement prises pour fournir aux volontaires salariés un crédit d’heures au sein de leurs entreprises, notamment pour pouvoir se former, sans que cela soit à la charge de ces dernières, et pour octroyer aux employeurs privés de volontaires des aides fiscales. À cet égard, je ne peux que déplorer, comme l’année dernière, l’absence d’éléments sur le mécénat d’entreprise, prévu par la loi du 1er août 2003. Monsieur le ministre, êtes-vous en mesure de nous fournir des précisions sur l’impact concret de ce dispositif ? Bercy est toujours resté très silencieux sur l’impact de la loi sur le mécénat, dans le secteur des pompiers volontaires.
Plus généralement, disposez-vous d’éléments ou de projections concernant certaines des mesures prévues par l’engagement de 2013 ? Pourriez-vous notamment indiquer les modalités envisagées pour faciliter l’accès des volontaires aux logements sociaux ? Cette question est stratégique, dans la mesure où, en plus d’assurer une stabilité matérielle bienvenue aux sapeurs-pompiers volontaires, elle garantit aux intéressés une proximité géographique avec leur caserne.
Enfin, disposez-vous d’informations concernant l’avancement des négociations sur le projet de directive européenne, consacré au temps de travail, dont les orientations risquent de mettre à mal le principe même du volontariat français ? J’insiste sur le volontariat, car, depuis quatre ans, malgré la loi de 2011 et en dépit du plan national, on constate toujours une perte de SPV, qui se considèrent comme des supplétifs par rapport à des professionnels et qui se sentent aujourd’hui mal aimés.
Le deuxième thème principal de l’avis porte sur la gouvernance des Services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) et leur articulation avec les autres acteurs de la sécurité civile. Deux points appellent plus particulièrement des observations.
Tout d’abord, selon quelles modalités les associations agréées de sécurité civile pourraient-elles voir leur rôle renforcé dans la gestion de crises ? Au regard des moyens et de l’expérience dont elles disposent, il s’agit en effet d’une précieuse ressource dont il convient de tirer le meilleur parti possible.
Ensuite, s’agissant des projets de réforme territoriale, vous avez, à l’occasion du Congrès national des sapeurs-pompiers, tenu en Avignon au début du mois, fourni plusieurs garanties, dont la pérennité du département comme structure administrative et le maintien du volume financier des SDIS. Une poursuite de la gouvernance actuelle apparaît donc possible.
Est-elle pour autant souhaitable ? Je ne le crois pas, ou plutôt, je crois qu’il nous faut profiter de l’opportunité créée par ces réformes pour améliorer la gouvernance de nos services d’incendie et de secours. Cette amélioration passe d’abord par une réaffirmation des communes et des intercommunalités, acteurs de proximité essentiels, mais qui se sentent délaissés au profit des conseils généraux. Elle suppose ensuite une mutualisation de certaines fonctions, notamment logistiques, à un échelon territorial pertinent. Elle appelle enfin un pilotage national nécessaire afin de fournir des orientations claires à une politique régalienne, aussi indispensable que l’est la sécurité civile.
Ce souci d’un meilleur pilotage se retrouve dans le troisième axe développé par l’avis et consacré aux moyens héliportés.
Face aux résultats mitigés de la mutualisation des flottes héliportées de la sécurité civile et de la gendarmerie nationale, quelle solution vous paraît devoir être adoptée afin de renforcer l’efficience de la « flotte rouge », sans gaspillage d’argent public et d’énergie ? Le statu quo est inacceptable ; les obstacles financiers dus à la maintenance, à l’approvisionnement en carburant et à l’adaptation technologique des appareils ne pourront être surmontés qu’au travers de mesures énergiques et ambitieuses.
À cet égard, une solution que j’avais déjà abordée l’année dernière devant votre prédécesseur me paraît opportune : l’unification des flottes de la sécurité civile et de la gendarmerie, associée à leur rationalisation. Cette rationalisation suppose une réduction du nombre d’appareils et un meilleur maillage territorial pour adapter le volume des flottes aux besoins réels. Elle me semble indispensable ; elle pourra au demeurant être associée à des dispositifs de renforts ponctuels, tels que le détachement saisonnier.
Enfin, après un été tumultueux entre votre ministère et celui de la santé au sujet de la concurrence entre les hélicoptères « rouges » et « blancs », j’ai pu constater avec satisfaction que l’apaisement prévalait, traduit notamment par la mise en place d’une réflexion concertée entre ces deux acteurs du secours. Pourrait-on envisager, monsieur le ministre, d’aller plus loin dans cette coordination, dont les prémices sont palpables, pour aboutir à une mutualisation des deux flottes ? Quelles sont les perspectives en la matière ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Je redoutais de ne pouvoir alimenter le débat, mais vos questions pourraient me permettre de tenir jusqu’à demain matin…
Je rappellerai pour commencer quelques ordres de grandeur, qui permettront de mesurer les efforts que nous faisons en faveur de la mission « Sécurités », définie par le Président de la République et le Premier ministre comme étant prioritaire.
La police et la gendarmerie, vous vous en souvenez, ont connu des déflations d’effectifs extrêmement importantes durant la période 2007-2012 : ce sont, d’un côté, 6 000 emplois, de l’autre, 7 000, soit au total 13 000 emplois qui ont été supprimés. Dans le budget pour 2015, nous confirmons, pour la mission « Sécurités », une orientation définie par le Président de la République et le Premier ministre au début du quinquennat et visant à renverser cette tendance en recréant des postes pour permettre à nos forces d’assumer leurs missions dans de bonnes conditions, compte tenu des défis nouveaux auxquels nous sommes confrontés, et particulièrement à la montée des risques liés au terrorisme. Nous consentons un effort considérable en créant cette année 405 postes ; cette tendance se poursuivra puisque nous en créerons 500 jusqu’en 2017.
Sur les crédits hors titre II nous faisons également des efforts très significatifs. Alors que les crédits d’investissement pour la police, destinés notamment à la rénovation des commissariats, avaient diminué de 17 % durant la période 2017-2012, nous reprenons un effort assez significatif à la hausse : + 22 % d’autorisations d’engagement, + 9,7 % de crédits de paiement. Je le dis pour tous ceux qui considèrent qu’il n’y a pas assez de policiers, alors qu’ils ont soutenu des budgets dans lesquels on en a supprimé beaucoup, ou qu’il n’y a pas suffisamment d’efforts d’investissements, alors que, dans une période assez récente, les crédits d’investissement avaient diminué de 17 %. Car créer des postes de policiers et de gendarmes, si ceux-ci ne sont pas correctement équipés, ne sert absolument à rien ; c’est la raison pour laquelle le Premier ministre et le Président de la République ont souhaité que 108 millions d’euros soient affectés à l’équipement de nos forces, dans le cadre du programme dit « Sécurité 3.0 », au cours des trois prochaines années.
Pour ce qui concerne la gendarmerie, vous avez insisté, monsieur Boisserie, sur la nécessité d’investir de façon significative dans les casernes. Le logement des gendarmes est consubstantiel à leur mission ; créer des conditions de logement convenables pour les gendarmes, c’est aussi créer les conditions d’un bon déploiement de leurs missions sur le territoire national. Là aussi, alors qu’il y avait une diminution des crédits, 70 millions d’euros seront affectés au logement des gendarmes au cours des trois prochaines années.
En ce qui concerne la sécurité civile, vous avez évoqué vingt-cinq mesures en faveur du volontariat. Ces engagements ont été pris par le Président de la République et le Premier ministre à Chambéry, en octobre 2013 ; il nous appartient de les faire vivre.
Après ce cadrage général rappelant des ordres de grandeur, des priorités politiques et quelques évolutions de crédits, je vais entrer dans le détail en répondant aux rapporteurs.
Monsieur Galut, vous constatez les efforts que nous faisons, mais vous vous demandez s’il y a une adéquation entre ces efforts et la nécessité de combler des retards accumulés depuis longtemps. C’est une question que je me pose moi-même, et je me suis mobilisé afin que nous ayons un budget convenable. Pour ce qui concerne les automobiles, nous avons obtenu, en fin de gestion 2014, des dégels de crédits significatifs, qui permettront de commander 2 000 véhicules avant la fin de l’année 2014. Ces véhicules permettront à nos forces d’atteindre un niveau d’équipement conforme aux objectifs que mon prédécesseur s’était assignés à lui-même et que, dans mes fonctions de ministre du budget, j’avais accompagnés de ma bienveillance. Le Premier ministre a, à son tour, accompagné de sa bienveillance les demandes que j’avais formulées pour tenir les engagements qu’il avait pris à une autre époque…
Au 1er janvier 2014, le parc automobile se composait de 28 190 véhicules, répartis entre les deux-roues, les véhicules légers et les véhicules utilitaires. Entre 2009 et 2014, le nombre de véhicules, dans la police, a sensiblement diminué – environ moins 8,7 % –, le parc ayant été ramené à 2 418 véhicules. Toujours au 1er janvier 2014, l’âge moyen des véhicules était de six ans, en augmentation constante depuis 2008. Un plan exceptionnel a ramené l’âge moyen à 4,8 années. Le renouvellement des véhicules dépend, non seulement de leur âge, mais aussi de leur kilométrage. Pour 2015, le budget prévisionnel est de 40 millions d’euros, afin de remédier à la dégradation du parc automobile. Nous consacrerons 34,4 millions d’euros aux véhicules à quatre roues, 2,6 millions aux deux-roues et 3 millions aux poids lourds. Nous faisons aussi des économies sur l’entretien du parc de véhicules pour dégager des marges de manœuvre, dans le cadre d’une mutualisation avec notamment la gendarmerie.
Le parc automobile de la gendarmerie a également vieilli, avec une durée moyenne de vie des véhicules de sept ans et sept mois et des kilométrages très significatifs. Le maintien de la capacité de mobilité repose sur un renouvellement annuel de 3 000 véhicules, pour un montant de 60 millions d’euros. Cet effort est permis grâce, notamment, à la décision prise par le Premier ministre de dégeler, en septembre 2014, 51,8 millions d’euros dont 28 au titre de l’acquisition de véhicules dans la gendarmerie, soit 1 400 véhicules.
Vous m’avez aussi interrogé, monsieur Galut, sur la lutte contre la cybercriminalité. C’est l’une des priorités qu’avait fixées mon prédécesseur pour 2014, en adoptant un plan ministériel relatif aux cybermenaces. Les deux forces sont largement engagées dans la lutte contre les nouvelles formes de criminalité, qui résultent de l’utilisation des technologies numériques par les filières organisées du crime.
Le dispositif de prévention et de répression a été considérablement renforcé. Ce plan de lutte contre la cybercriminalité recouvre un certain nombre d’enjeux : la mise en adéquation du dispositif opérationnel, dans nos forces, à la menace, en termes de moyens juridiques, humains et matériels, la prise en compte des contentieux de masse par une approche qui doit être de plus en plus innovante et efficace, compte tenu de la criminalité, et le développement de la coopération internationale. À ce titre, nous réunirons le 6 novembre prochain à Paris un G6, c’est-à-dire une réunion restreinte des ministres de l’intérieur de l’Union européenne, où la question de la cybercriminalité et de son lien avec le terrorisme sera abondamment abordée.
J’en termine par le développement des partenariats industriels et académiques.
L’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication, en application d’un décret pris en 2000, coordonne l’ensemble des actions relatives à la lutte contre cette forme de criminalité. Outre les améliorations mises en œuvre par le travail de l’OCLCTIC, je nommerai d’ici à la fin de l’année un préfet coordonnateur en charge de la lutte contre la cybercriminalité, qui coordonnera notre action et qui travaillera à la mise en relation de nos propres services avec les services du ministère de l’économie et des finances. Vous avez travaillé avec moi, dans une autre configuration, sur la lutte contre la fraude fiscale ; vous savez à quel point les grands fraudeurs utilisent les moyens numériques et les technologies modernes de communication pour commettre leurs méfaits. Nous avons, dans ce domaine, un travail important à mener et, de ce point de vue, le préfet en charge de la lutte contre la cybercriminalité sera très utile pour assurer cette coordination.
Vous avez insisté à juste titre, monsieur Gallut, sur le rôle du médiateur interne de la police nationale, dont la fonction a été créée par la circulaire du 31 décembre 2012. M. Frédéric Lauze, inspecteur général de la police nationale, a été nommé à ce poste en janvier 2013. Ainsi que vous l’avez souligné, sa mission est très utile, voire stratégique : il favorise la prévention et la diminution des contentieux entre les citoyens et la police nationale ; il donne à l’administration l’occasion de mieux expliquer ses actions ; il trouve une solution à des problèmes et stoppe les dynamiques conflictuelles ; il émet des avis indépendants qui visent à proposer des solutions dans les situations de litige ou de contentieux entre l’administration et l’administré. Ce travail est important et doit être encouragé.
Je réponds maintenant aux questions que M. Lebreton et M. Morel-A-L’Huissier m’ont posées sur la sécurité civile.
La loi de finances pour 2014 a opéré la fusion des deux programmes de sécurité civile, qui peinaient à atteindre une taille critique : 168 millions d’euros pour l’un, 280 millions pour l’autre. Leur regroupement facilite la gestion, donne une assiette financière beaucoup plus large, permet des redéploiements et une fongibilité entre les actions, offre davantage de possibilités au ministère de l’intérieur pour répartir les gels entre différents postes – nous essayons de les concentrer sur des postes qui ont vocation à être mécaniquement dégelés, afin précisément d’obtenir plus facilement ces dégels. La fusion ne nuit en rien à l’identification de la sécurité civile comme une activité spécifique : elle apparaît très clairement comme un programme au sein de la mission « Sécurités ».
J’en viens aux grandes priorités du budget de la sécurité civile pour 2015. Premier objectif : le maintien en condition opérationnelle de nos équipements – essentiel pour assurer une couverture du territoire face aux risques sécuritaires à tout moment –, ainsi que la modernisation et le fonctionnement des moyens nationaux de sécurité civile. Cela concerne toute la palette des instruments dont nous avons besoin pour intervenir sur les théâtres où peuvent se produire des inondations ou des incendies sérieux : bombardiers d’eau, hélicoptères, formations militaires de la sécurité civile, crédits d’urgence, etc. Deuxième objectif : poursuivre les grands programmes d’investissement dans les infrastructures de communication – notamment dans le réseau ANTARES – et le soutien de l’État à d’autres structures d’intérêt national, telles que le Centre d’alerte aux tsunamis et le Centre national civil et militaire de formation et d’entraînement aux événements de nature nucléaire, radiologique, biologique, chimique et explosive.
Je me suis exprimé sur la réforme territoriale et les services départementaux d’incendie et de secours à l’occasion du congrès de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France à Avignon il y a quelques semaines. Je répète ce que j’y ai dit : la réforme territoriale ne compromet pas l’organisation des SDIS. Cela tient tout d’abord à la structure de financement particulière de ces services : le budget global des SDIS s’élève à 4,8 milliards d’euros. Les intercommunalités, on ne le sait pas assez, apportent 41 % de ce budget et les départements prétendent financer le solde, oubliant que sur ces 2,3 à 2,5 milliards d’euros qu’ils s’attribuent, 800 millions à 1 milliard correspondent à l’affectation par l’État aux départements d’une partie du produit de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance.
M. Éric Ciotti. Ce n’est pas exact.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Si. Ces éléments sont incontestables et je les tiens à votre disposition. Et si cela ne correspond pas à la réalité, je vous convie dans le meilleur restaurant de votre choix à Paris…
M. Éric Ciotti. Je prends le pari ! Et si vous avez raison, je vous convie à Nice…
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Et comme je vous sais extrêmement gourmand et gourmet, j’ai conscience de prendre un risque considérable : c’est dire à quel point je suis sûr de ce que j’avance. Les départements ont fait beaucoup pour les SDIS – il faut le reconnaître –, mais la contribution qu’ils affichent en matière de financement des SDIS ne correspond pas à la réalité. Le dispositif est en réalité assez équilibré. Aussi, compte tenu du montant de la contribution financière de l’État et du rôle de garant qu’il joue en matière d’égalité des citoyens devant les secours d’urgences aux personnes et les SDIS, compte tenu par ailleurs du développement de la coopération européenne et de l’engagement de plus en plus fréquent de nos forces sur des théâtres européens, j’estime, en ma qualité de ministre de l’intérieur, que l’État doit contribuer à définir les orientations de la politique nationale de sécurité civile ; celle-ci ne peut pas se résumer à la juxtaposition des politiques des différents SDIS.
S’agissant de l’assise territoriale des SDIS, même si les conseils départementaux devaient disparaître dans un certain nombre de territoires où le fait urbain est prédominant, le département lui-même ne disparaîtra pas : il restera une circonscription administrative de l’État. C’est même à l’échelon du département que doit se faire la déconcentration. Il n’y a donc aucune raison de modifier l’organisation départementale des SDIS. Nous avons d’ailleurs d’autant plus d’intérêt à la maintenir que 80 % des agents des SDIS sont des sapeurs-pompiers volontaires : nous ne pourrions pas préserver le modèle français sans ancrage territorial. L’organisation départementale est de ce point de vue tout à fait optimale.
Quant aux territoires dans lesquels les conseils départementaux viendraient à disparaître, j’ai donné la garantie que les dotations affectées par l’État à ces départements pourraient être utilisées pour le financement des SDIS. Je le confirme devant la représentation nationale. Nous avons réfléchi avec la DGSCGC à la meilleure manière d’organiser territorialement les SDIS et les secours d’urgence aux personnes pour éviter tout préjudice.
En matière de prévention des risques d’inondation, nous menons deux types d’actions. Sur le plan opérationnel, les outils de prévision sont affinés et renforcés. La DGSCGC travaille très étroitement avec Météo-France et le service central d’hydrométéorologie et d’appui à la prévision des inondations : cela nous a permis d’éviter bien des difficultés lors des récentes inondations dans l’Hérault. Je me suis rendu dans ce département à trois reprises et j’ai constaté, avec les élus locaux, que les services dépendant de la DGSCGC, les autres administrations de l’État compétentes en matière de prévention, Météo-France et les SDIS travaillaient ensemble dans des conditions satisfaisantes.
En ce qui concerne les risques pandémiques, un plan national de prévention et de lutte contre une pandémie grippale a été élaboré en 2009 et 2010 au moment de l’épisode de grippe H1N1 et décliné aux échelons zonaux et départementaux ; actuellement, il sert de matrice pour l’élaboration du plan Ebola par le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale. D’autre part, nous avons réformé la procédure de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle de telle manière que le Conseil des ministres se prononce lors de la réunion qui suit immédiatement la catastrophe constatée, afin que le processus d’indemnisation puisse s’engager dans les meilleurs délais.
Vous m’avez également interrogé, messieurs, sur l’état d’avancement d’un certain nombre de grands dossiers qui concernent la sécurité civile. Le déploiement du réseau ANTARES se poursuit conformément au calendrier prévu. Nous pensons que l’objectif de couverture de 100 % des SDIS à l’horizon 2017 sera tenu. En 2015, malgré les contraintes budgétaires, l’État consacrera 17,7 millions d’euros en crédits de paiement et 7,6 millions en autorisations d’engagement à la poursuite du développement d’ANTARES. Quant au Centre d’alerte aux tsunamis, il est opérationnel depuis le 1er juillet 2012 et a confirmé sa pertinence. Sa mission est d’alerter les autorités dans les quinze minutes qui suivent un événement potentiellement dangereux et d’avertir les centres d’alerte relais. À terme, il pourra surveiller l’océan Indien et les Antilles françaises. L’État a financé la totalité des investissements et appuiera les missions de ce centre. Enfin, la mise en place du centre civilo-militaire de formation NRBCE se poursuit. L’objectif est de rapprocher les formations et de disposer d’une compétence unifiée en matière de risques NRBCE.
J’ai fait un point précis sur le plan d’action pour le volontariat devant le congrès de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France à Avignon. Nous nous employons à le mettre en œuvre de façon précise, cadencée et volontariste. Au cours des dernières semaines, nous avons lancé une grande campagne nationale de communication baptisée « Sapeur-pompier + volontaire = moi aussi ». Elle s’intensifie actuellement. D’autre part, nous sommes en train de négocier des conventions avec les grands employeurs pour aménager le temps de travail afin de faciliter l’engagement citoyen. De telles conventions ont déjà été signées avec l’Association des maires de France, AREVA et les services de remplacement des salariés agricoles. Cette démarche implique aussi un grand nombre de collectivités territoriales. Mon objectif est de conclure des conventions de ce type avec le maximum d’acteurs socio-économiques afin de faciliter l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires. Nous incitons en particulier les jeunes à devenir sapeurs-pompiers : la formation initiale et les conditions d’aptitude médicale ont été aménagées à cette fin. L’insertion professionnelle des jeunes est encouragée avec la rénovation du baccalauréat professionnel « sécurité-prévention ». Enfin, nous préparons avec la ministre du logement des dispositions destinées à favoriser l’accès des sapeurs-pompiers volontaires au logement social, y compris dans des conditions incitatives. La demande est très forte en la matière. Je souhaite que nous puissions travailler sur ce sujet avec les grands bailleurs sociaux, dans l’intérêt des territoires et du développement du secours aux personnes.
En ce qui concerne le projet de directive communautaire relatif au temps de travail, nous poursuivons notre mobilisation afin que le modèle français en matière de secours, qui repose sur la juxtaposition entre sapeurs-pompiers professionnels et volontaires, ne soit pas remis en cause. D’autres États membres présentant un modèle comparable au nôtre, les sapeurs-pompiers volontaires se sont rassemblés à l’échelle européenne et sont intervenus auprès de la Commission pour tenter de la convaincre. Des contacts ont été pris avec la nouvelle Commission, qui n’a pas encore pris ses fonctions. Elle semble assez compréhensive à l’égard des demandes formulées.
S’agissant de la flotte d’hélicoptères du ministère de l’intérieur, la coordination opérationnelle entre la gendarmerie et la sécurité civile monte en puissance. Elle est déjà effective au centre de maintenance de Nîmes-Garons. En visitant cette base cet été, j’ai pu constater que les hélicoptères bleus et rouges étaient désormais entretenus par des équipes intégrées qui font un travail remarquable. Les techniciens échangent leur expérience et suivent des formations communes. Il convient de conforter ce centre de maintenance et de faire en sorte que l’expérience continue à se développer positivement. Je souhaite d’ailleurs aller plus loin encore dans la mutualisation de la maintenance des flottes d’hélicoptères qui concourent à la sécurité civile, en intégrant notamment les hélicoptères blancs. Il n’y a pas de raison de ne pas le faire à un moment où l’argent public est rare. J’ai saisi le Premier ministre par lettre en ce sens.
En ce qui concerne la modernisation des moyens nationaux, je ne reviens pas sur le transfert de la base de Marignane à Nîmes-Garons que j’ai déjà évoquée. Par ailleurs, je vous confirme que le renouvellement des contrats de maintenance est en cours. Il doit permettre d’améliorer le taux de disponibilité opérationnelle et de réaliser des économies. Les discussions avec les différents prestataires s’étant révélées insatisfaisantes, le marché a été déclaré infructueux. Cependant, nous relançons le processus de manière à aboutir à un dispositif conclusif. Pour ce qui est du renouvellement de la flotte de bombardiers d’eau Tracker d’ici à 2020, le choix interviendra en 2015.
Je sais, monsieur Boisserie, à quel point le budget de la gendarmerie vous tient à cœur. Vous vous mobilisez en permanence et de manière très efficace sur ce sujet. S’agissant de la mise en réserve des crédits de la gendarmerie, je suis comme vous obsédé par le dégel, avant même que le gel n’intervienne : je tiens à m’assurer que les crédits votés par le Parlement sont utilisés en totalité. Je partage votre analyse sur ce point. Chaque année depuis 2012, nous avons obtenu des dégels importants pour la gendarmerie nationale : 64 millions d’euros en 2012, 69 millions en 2013, 52 millions en 2014. Pour 2015, nous devrons à nouveau nous mobiliser. Les discussions auront lieu le moment venu et je ne peux pas vous indiquer aujourd’hui le niveau des crédits mis en réserve ni les conditions dans lesquels le dégel pourra intervenir. Je peux simplement vous dire que, jusqu’à présent, nous avons réussi à faire en sorte que les crédits nécessaires à l’exercice de leur mission par nos forces soient débloqués dans de bonnes conditions. Tel a notamment été le cas en septembre dernier.
La création du SAELSI a permis d’optimiser les achats. Néanmoins, ainsi que vous l’avez relevé, la massification des marchés n’est qu’un des leviers de la performance en matière d’achats. Les gains issus de cette massification pour les marchés notifiés en 2014 notamment par le SAELSI ne représentent qu’un peu plus de 20 millions d’euros sur les 88 millions qui ont déjà été enregistrés. Mais nous espérons que la montée en puissance de la mutualisation et de la politique des achats permettra d’obtenir des résultats plus significatifs.
La protection des centrales nucléaires est un sujet que j’ai eu à connaître à Cherbourg. Les centres nucléaires de production d’électricité sont classés « points d’importance vitale ». La création d’un délit spécifique d’intrusion à l’intérieur des CNPE fait l’objet de réflexions au sein de différents ministères, en particulier de ceux de l’intérieur et de la justice. La coordination interministérielle est menée par le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale.
Monsieur Popelin, l’objectif de convergence des logiciels de rédaction des procédures de la police et de la gendarmerie est pertinent. Mais, si les deux logiciels ont le même usage en front office – la rédaction des procédures –, tel n’est pas le cas en back office : à la différence du LRPGN, le LRPPN sert également à l’élaboration des statistiques de la police nationale. De même, l’organisation des deux logiciels est différente. Nous devons donc prendre un minimum de précautions en matière de convergence.
La formation continue est un domaine intéressant pour la mutualisation, en même temps qu’un sujet sensible. Si la formation initiale doit rester du ressort de chaque force, il est possible d’aller beaucoup plus loin – j’en suis convaincu – dans la mutualisation de la formation, notamment des formations spécialisées que vous avez citées, monsieur Popelin. Il convient de s’appuyer sur les pôles d’excellence de chaque force et d’identifier les économies potentielles en termes d’investissement, notamment dans l’immobilier. Ce chantier doit être relancé, sans renoncer à chercher des éléments de mutualisation avec d’autres ministères, notamment avec celui de la défense en matière de cynotechnie ou d’interventions en montagne, comme cela se pratique déjà dans le domaine de la plongée. Des travaux ont été engagés et vont se poursuivre pour certaines formations techniques, notamment pour celle des unités motocyclistes et celle des unités cynophiles.
La CORAT a pour objectif de renforcer l’efficacité des forces de gendarmerie et de police dans le respect des compétences et de la culture professionnelle de ces forces, notamment dans les zones limitrophes jouxtant la zone gendarmerie nationale et la zone police nationale, ainsi que dans les zones de sécurité prioritaires mixtes. Concrètement, cela passe par plusieurs éléments : l’approfondissement de la coopération opérationnelle au niveau des responsables départementaux ; le renforcement de la coordination dans le domaine judiciaire ; le partage de l’information opérationnelle en temps réel ; l’amélioration de la coordination en matière d’emploi des moyens spécialisés et dans les situations d’urgence. Nous sommes déterminés à avancer sur l’ensemble de ces sujets.
En ce qui concerne les salles de commandement départementales, je suis très favorable à l’extension du traitement des appels par des plates-formes communes, afin que chaque centre opérationnel n’ait à traiter que ce qui le concerne.
Le maillage territorial de la police et de la gendarmerie doit continuer à évoluer. Nous procédons à des redéploiements réguliers et permanents à l’échelle nationale. Je souhaite qu’ils puissent se faire dans la concertation, afin d’éviter les heurts. Nous déployons des policiers là où intervenaient auparavant des gendarmes, et inversement, afin de tenir compte de la spécificité d’un certain nombre de zones et d’être ainsi plus efficaces. Les redéploiements assez significatifs que nous avons effectués cette année ont fait peu parler d’eux, car ils ont été conduits dans le cadre d’un dialogue aussi étroit que possible avec les personnels. Nous poursuivons les redéploiements sur plusieurs axes routiers, notamment sur l’autoroute A 36.
Nous avons engagé la mutualisation entre la police et la gendarmerie au moyen de trois grands outils : le SAELSI, les SGAMI et le service des technologies et des systèmes d’information de la sécurité intérieure dit STSI2. Nous allons poursuivre ces efforts. En 2015, la mutualisation pourrait s’intensifier dans deux domaines : la cybercriminalité et la police scientifique et technique. La mise en commun de certains outils peut permettre non seulement de réaliser des économies et de dégager des marges de manœuvre, mais aussi de faciliter le travail d’élucidation.
M. Hugues Fourage. En 2012, un Français sur deux ne faisait plus confiance à sa police. De son côté, le personnel était amer, voire démoralisé, en raison de l’absence d’objectifs clairs, qui avaient laissé place à une politique du chiffre effrénée. Le nouveau gouvernement a donc trouvé non seulement une situation dégradée et un outil obsolète, mais aussi des Français exigeants en matière de sécurité et un personnel impatient de voir sa situation s’améliorer. Dès 2012, le Gouvernement a assuré que le budget de la sécurité serait prioritaire, au même titre que ceux de la justice et de l’éducation nationale. Prioritaire, ce budget l’est resté depuis lors : en 2013, des moyens ont été débloqués dans la mesure du possible ; en 2015, le budget augmentera, certes trop modestement aux yeux de certains, mais conformément à nos capacités budgétaires, que chacun connaît.
En 2014, nous avons voté la mise en place de nouveaux outils juridiques en matière de lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance, de géolocalisation et de lutte contre le terrorisme, notamment contre sa forme actuelle, le djihadisme. Ces outils vont dans le sens d’une réelle modernisation. Dans la même logique, la présentation stratégique de la mission « Sécurités » donne la priorité à la poursuite globalisée des délinquances : l’amélioration de la sécurité quotidienne implique de lutter contre les réseaux, notamment contre le vol et le trafic international de voitures. Dans le cadre de cette mission, la sécurité est envisagée dans sa dimension globale, tant à l’échelon local que national, voire international. Cette approche, qui consiste à se battre sur tous les fronts, est à la fois réaliste et novatrice. Les députés du groupe SRC soutiennent bien évidemment votre politique, monsieur le ministre.
M. Éric Ciotti. Je crains, monsieur le ministre, que vous ne soyez finalement obligé de m’inviter, mais ce sera avec grand plaisir : nous avons d’excellentes adresses à Nice… En effet, si la TSCA a été effectivement transférée aux départements par l’article 53 de la loi de finances pour 2005, ce transfert avait été gagé par une réduction à due concurrence de la dotation globale de fonctionnement : c’est donc bien l’État, et non les départements, qui a réalisé une économie. Les départements assument seuls la charge des SDIS.
Le budget que vous nous présentez s’inscrit dans un contexte particulièrement difficile pour la sécurité de nos concitoyens, ainsi qu’en témoignent les derniers chiffres de la délinquance : les atteintes volontaires à l’intégrité physique des personnes ont augmenté de 2,64 % entre août 2013 et août 2014 ; les atteintes aux biens ont connu une hausse de 0,8 % et les cambriolages, de 0,7 %. De plus, la présentation de ce budget intervient à un moment où, d’une part, le risque terroriste n’a jamais été aussi élevé dans notre pays et où, d’autre part, les flux migratoires explosent tant à Calais qu’à Menton – où 20 000 immigrés clandestins ont été interpellés depuis le mois de mars.
Face à cette situation très préoccupante et à ce degré élevé de menace, le budget ne nous paraît pas correspondre aux enjeux. S’agissant des augmentations d’emplois que vous évoquez, je vous invite à lire le rapport de la Cour des comptes sur l’exécution du budget de 2013, qui souligne la forme de supercherie que contient votre discours en passant sous silence l’écart considérable qui se confirme d’année en année entre le plafond d’emplois annoncé en loi de finances initiale et son exécution, dont vous ne parlez guère. En exécution, le nombre d’emplois dans la police et la gendarmerie nationales a baissé de 1 200 entre 2011 et 2013. La Cour explique très précisément ce phénomène à la page 34 de son rapport et fait le commentaire suivant, lui aussi très clair : « Malgré la volonté affichée de donner une visibilité accrue aux forces de l’ordre, la gestion suivie paraît obéir à une logique rigoureusement inverse. » Je ne voudrais pas qu’on laisse perdurer l’idée que les emplois augmentent ! Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, le groupe UMP s’opposera à ce budget, qui ne répond en rien aux urgences de la situation que connaît notre pays.
M. Michel Zumkeller. Pour le groupe UDI, la mission « Sécurités » concerne une des prérogatives essentielles de l’État : assurer la protection de nos concitoyens et améliorer l’efficacité de la lutte contre la délinquance. Or les forces de l’ordre doivent faire face, dans des conditions difficiles, à une délinquance qui ne cesse de croître et qui devient toujours plus violente. En effet, les chiffres sont mauvais et, fait récent, la délinquance touche particulièrement les territoires ruraux.
Comme l’an dernier, ce budget en légère hausse est présenté comme salvateur pour la sécurité de notre pays, mais nous craignons qu’il ne s’agisse seulement d’un budget d’affichage. Il se résume à la création de 405 emplois supplémentaires dans la police et la gendarmerie, chiffre identique à celui qui était prévu dans le PLF pour 2014. Compte tenu des 1 200 postes non pourvus, nous risquons de ne pas voir les effets de cette politique sur le terrain. En outre, il conviendrait de remédier à l’inégalité persistante dans la répartition des effectifs de police d’un département à l’autre.
La réalité quotidienne des forces de police et de gendarmerie est devenue très problématique. Les équipements essentiels – véhicules, téléphones portables, ordinateurs – manquent. L’essence est pratiquement rationnée dans certains départements. Le renouvellement du parc automobile de la gendarmerie nécessiterait l’achat de 3 000 véhicules par an, alors que 2 000 seulement sont prévus pour 2015. L’an dernier, le ministre de l’intérieur avait obtenu le dégel de 111 millions d’euros, chiffre que nous avions jugé insuffisant au regard des difficultés de fonctionnement que connaissent la gendarmerie et la police. Qu’en sera-t-il cette année ?
Enfin, concernant le programme « Sécurité civile », le groupe UDI souhaite que tous les moyens soient mis en œuvre pour endiguer la crise du volontariat qui sévit chez les pompiers. Il convient de rendre l’engagement volontaire plus attractif par une politique nationale ambitieuse. Pour toutes ces raisons, le groupe UDI votera contre les crédits de cette mission.
M. André Chassaigne. L’ensemble de la mission « Sécurités » figure au rang des priorités affichées par le Gouvernement. Cela étant, les crédits ne progressent que légèrement, avec une enveloppe de 12,17 milliards d’euros en 2015, soit une hausse de 0,2 % contre 1 % l’an dernier. En réalité, il s’agit d’un budget stable par rapport à 2014. Il prévoit, comme l’année dernière, la création de 405 emplois dans la police et la gendarmerie. Les crédits des différents programmes sont tous en augmentation, sauf ceux de la sécurité routière, qui reculent de 5,7 %. Le budget de la police nationale progresse de 0,7 % et celui de la gendarmerie nationale, de 1,6 %. Mais les crédits de l’action « Ordre et sécurité publics » baissent de 4,7 % et ceux des missions qui relèvent de la sécurité routière de 17,8 %.
En ce qui concerne la police, je cite les propos tenus par un ancien directeur général de la police nationale : « L’Intérieur a beau mettre en avant un budget global préservé, il ne dit pas tout. Sur les 9 milliards de budget de la police, 8 milliards concernent les traitements et pensions. Mais les crédits de fonctionnement ne cessent de baisser : de 1,2 milliard d’euros en 2010 à 900 millions aujourd’hui. » De fait, les syndicats dénoncent unanimement depuis des années une paupérisation de la police, notamment pour ce qui est des moyens matériels, obsolètes ou périmés.
Quant à la gendarmerie nationale, elle sort de dix années de réforme, pendant lesquelles toutes les marges de manœuvre ont été exploitées en matière de maîtrise de la dépense, notamment dans le cadre de la révision générale des politiques publiques. Je rappelle à nos collègues de droite que 6 700 postes ont été perdus au cours de la précédente législature, notamment entre 2008 et 2012. Les réductions d’effectifs ont lourdement pesé sur le service quotidien.
J’appelle plus particulièrement votre attention sur la nécessité de maintenir une présence des gendarmes en milieu rural. En effet, depuis quelques années, la délinquance en milieu rural est en augmentation constante : de septembre 2013 à août 2014, 11 158 vols dans les exploitations agricoles – hors vols de carburant et de tracteurs – ont été déclarés aux services de police et de gendarmerie, soit une augmentation de 60 % par rapport à 2009. Afin de dégager des marges de manœuvre financières, la gendarmerie a entrepris, semble-t-il, une réforme de ses échelons de commandement territoriaux ; l’objectif est de gagner en performance et de libérer des effectifs qui pourraient être redéployés dans les zones où les enjeux de sécurité sont les plus importants. Encore faudrait-il que cela ne se fasse pas au détriment des territoires ruraux !
Mme Anne-Yvonne Le Dain. Je vous remercie de votre action et de vos paroles, monsieur le ministre, concernant les inondations dramatiques qui ont touché de nombreuses localités de l’Hérault, des Hauts cantons jusqu’au littoral, de Lamalou-les-Bains jusqu’à Montpellier.
Je vous remercie également pour la mutualisation de la maintenance de la flotte d’hélicoptères – les bleus de la gendarmerie, les rouges de la sécurité civile et les blancs du SAMU –, notamment sur la base de Nîmes. Cela ne va pas sans difficulté, car les imputations budgétaires et les cultures ne sont pas les mêmes. D’une manière générale, l’effort de rationalisation que vous avez conduit permet de disposer d’un budget de la sécurité civile évolutif et stabilisé sur trois ans : 439 millions d’euros, puis 435 millions, puis à nouveau 439 millions. Vous parvenez à tenir les budgets tout en augmentant les effectifs, grâce à la rationalisation des missions, au dialogue avec les services et à la construction d’outils communs. L’inflation constante n’est pas une fatalité.
S’agissant de la diminution du nombre de pompiers volontaires – de 200 000 à 137 000 –, il faut aussi s’interroger sur le changement de monde que nous vivons : nous assistons à un rééquilibrage en faveur des villes et au détriment des campagnes, ainsi qu’à une évolution des attitudes à l’intérieur des familles, où l’on devenait auparavant pompier de père en fils, voire de père en fille. Ainsi que vous l’envisagez, il convient en effet de lancer une vaste réflexion nationale et un grand chantier dans les départements qui sont très impliqués dans la gestion des SDIS – ils le sont tous, notamment l’Hérault.
Quant au déminage, il ne concerne plus seulement les armes anciennes : il prend une dimension nouvelle avec le développement du terrorisme. Enfin, on parle peu du deep web – l’internet caché –, qui constitue pourtant un nouvel espace pour la grande criminalité, non seulement le terrorisme, mais aussi le trafic de drogue et la traite des êtres humains. Quel est votre sentiment sur ces questions, monsieur le ministre ?
M. Philippe Goujon. Ainsi que viennent de l’évoquer tous les orateurs, la police et la gendarmerie ont déjà bien des difficultés à remplir leur mission. Or, comment vont-elles faire pour assumer le surcroît de travail que va leur apporter la loi Taubira du 15 août 2014 ? En effet, cette loi a décidé d’un transfert de charges très lourd de la justice vers la police – notamment en matière de suivi de la contrainte pénale et de transaction pénale – qui ne s’accompagne d’aucun transfert de moyens correspondant. De plus, d’autres évolutions de la procédure pénale auront un impact considérable sur le fonctionnement des services et sur la qualité des investigations qu’ils mènent. La réforme de la garde à vue et celle de l’audition libre, notamment, vont alourdir les tâches administratives des policiers et des gendarmes. Les formalités multiples représentent aujourd’hui environ les deux tiers du temps consacré à un dossier. Il ne reste donc plus qu’un tiers du temps pour l’enquête, et encore ! Les officiers de police judiciaire passent désormais plus de 40 % de leur mission à des tâches administratives, ce qui contribue au malaise dans la police, voire à une désaffection pour les services de police judiciaire. Comment allez-vous procéder, monsieur le ministre ? Vous devrez soit alléger les procédures, soit renforcer encore les moyens, ce que votre budget ne permet pas de faire.
M. Luc Belot. Monsieur le ministre, vous avez évoqué les efforts réalisés pour favoriser la présence des policiers et gendarmes sur le territoire, toujours appréciée d’une population à la recherche d’une bien légitime sécurité. Toutefois, la présence de ces hommes, pour utile qu’elle soit, n’est pas toujours suffisante car la délinquance a su, ces dernières années, se nourrir des progrès technologiques et des nouveaux usages des outils numériques. C’est évidemment le cas du terrorisme qui, par ce moyen, forme, recrute et guide vers les lieux de djihad, ainsi que d’escrocs de nouvelle génération, et de façon générale, de toutes les bandes organisées. Il n’est pas pour moi question de hurler avec les loups passéistes contre la nécessaire évolution digitale de notre société, bien au contraire : convaincu de l’utilité de bonnes pratiques et du bon usage de ces outils, j’estime nécessaire que, nos forces de gendarmerie et de police s’adaptent en conséquence. Trop de retard a été pris au cours de ces dix dernières années, notamment avec la politique du chiffre et la diminution des effectifs et du peu d’attention portée à ces enjeux d’équipement. Vous avez évoqué tout à l’heure dans votre propos les moyens nationaux et les coopérations internationales et industrielles face au cyberterrorisme ; mais dans chacun de nos territoires, la modernisation de nos forces est également une urgence, leur équipement en techniques et matériels sophistiqués et leur formation une nécessité. Qu’avez-vous prévu pour faire en sorte que nos policiers et gendarmes puissent remplir leurs missions de prévention comme celles de police judiciaire ?
M. Guillaume Larrivé. Je souhaiterais revenir sur la question du rapprochement entre la police nationale et la gendarmerie nationale, initié par une loi de 2009 – rapprochement qui prouve bien, contrairement à ce que vous venez d’affirmer à l’instant, que sous le quinquennat précédent, nous ne nous sommes pas préoccupés que de chiffres ; nous avons eu le souci d’engager des réformes structurelles que, d’ailleurs, vous poursuivez. Quel bilan tirez-vous de ces cinq années de rapprochement ? Si vous en avez beaucoup parlé du point de vue budgétaire, qu’en est-il sur le plan opérationnel ? Cette politique, que vous n’avez sans doute pas votée en 2009, vous paraît-elle bénéfique ? Quelles perspectives souhaitez-vous lui conférer d’ici à 2017 ?
Au-delà des questions budgétaires, j’attire votre attention sur le respect de l’identité militaire de la gendarmerie nationale alors que, le 2 octobre, une chambre de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a rendu contre la France un arrêt Mately ouvrant la voie à l’introduction des syndicats dans les armées en général et au sein de la gendarmerie nationale en particulier. Il me semble nécessaire que le Gouvernement demande le renvoi de cette affaire Mately devant la grande chambre de la Cour européenne, comme il en a le pouvoir dans les trois mois qui suivent un arrêt de celle-ci. Le rapprochement fonctionnel et opérationnel des deux forces de la sécurité intérieure sera d’autant plus efficace que l’on respectera leurs identités respectives et que le Gouvernement continuera, comme l’ont fait les précédents, à s’opposer à la légalisation des syndicats au sein des armées en général et de la gendarmerie en particulier.
M. René Dosière. Ma question concerne la sécurité dans les outre-mer : en 2013, l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales a souligné une hausse vertigineuse des faits de délinquance – dans les Antilles, en particulier, où des augmentations à deux chiffres ont été relevées en ce qui concerne les cambriolages de locaux industriels et commerciaux, les violences contre les personnes et la délinquance liée au trafic de stupéfiants, particulièrement forte en raison de la situation géographique de ces territoires. Moins connue, mais tout aussi inquiétante est la situation policière de Saint-Martin, particulière en raison de l’existence de la zone refuge que constitue la partie hollandaise où nos forces de sécurité ne sont pas en mesure d’intervenir. Au début de cette année, le Président de la République a fait part, lors d’un de ses déplacements en outre-mer, de sa préoccupation à l’égard de cette délinquance dans la zone caraïbe et préconisé un renforcement des forces de gendarmerie et des zones de police. Quelles actions ont-elles été menées et sont-elles prévues dans ces régions ? Quels progrès concrets envisagez-vous en matière de coopération policière avec la partie hollandaise de Saint-Martin ?
M. Alain Moyne-Bressand. Empêtrés dans une procédure pénale envahissante, policiers et gendarmes ont de plus en plus de mal à accomplir leurs missions. Cet inquiétant constat émane du rapport de la mission d’information sur la lutte contre l’insécurité présidée par notre collègue Jean-Pierre Blazy. Selon ce document, la réforme de la garde à vue s’est traduite par la multiplication du nombre d’actes de procédure, qui limite par voie de conséquence le temps consacré à l’investigation et à la présence sur le terrain, qui devraient pourtant constituer une priorité. Quelles mesures envisagez-vous de prendre pour réduire la paperasserie et les rapports de toute nature et favoriser la présence de nos policiers et de nos gendarmes sur le terrain ? Un plan de réorganisation des commissariats de police et des gendarmeries est-il prévu au niveau national ?
Par ailleurs, mon collègue Didier Quentin m’a prié de vous interroger concernant les renforts saisonniers de CRS ou de gendarmes, qui se réduisent à une période de quatre, voire trois semaines, dans les stations balnéaires ou touristiques l’été. Le corollaire en est, par exemple, l’augmentation de plus de 40 % des cambriolages dans la circonscription de sécurité de Royan. Qu’envisage le ministère ? Pouvons-nous espérer un retour à deux mois complets de renforts durant ces périodes de pic de fréquentation ?
Mme Catherine Troallic. En matière de sécurité, notre pays possède un atout considérable : un gisement de forces mobiles, de gendarmes et de policiers chargés du maintien de l’ordre, très utile dans la lutte contre la délinquance. Ces femmes et ces hommes peuvent être envoyés partout sur le territoire national à tout moment. Je veux ici leur rendre hommage, saluer leur engagement et leur dévouement. De quelle manière les forces mobiles peuvent-elles être employées ? Nous avons au Havre la chance de disposer en caserne d’un escadron de gendarmerie et d’une compagnie de CRS. En outre, deux zones de sécurité prioritaire (ZSP) ont été créées : les forces qui y sont présentes ont souvent grand besoin de l’appui de leurs collègues CRS ou gendarmes mobiles pour accomplir pleinement leurs missions. Ils ne sont pas seulement une force d’appoint mais aussi une force d’appui. Or ces gendarmes ou CRS peuvent être envoyés vers d’autres régions ; cela a été le cas par exemple il y a quelque temps vers Marseille. De tels déplacements, qui ont un coût, ne sont évidemment pas sans conséquences opérationnelles sur place. Quelles sont vos intentions quant à l’emploi de ces forces mobiles – notamment au regard de la nécessité de lutter contre la délinquance dans les ZSP et de maîtriser les dépenses budgétaires ?
M. Jean-Pierre Decool. L’examen du budget de la sécurité est un moment important du débat au sein de notre assemblée. Je profite de cette prise de parole pour rendre un hommage appuyé aux gendarmes, aux sapeurs-pompiers et aux policiers. Je peux témoigner de la qualité des actions qu’ils mènent dans le cadre de leurs missions, ayant souvent l’occasion de les voir à l’œuvre dans ma circonscription et d’y apprécier l’efficacité de leur engagement. Cette année encore, le manque de crédits de fonctionnement reste criant. Dans la gendarmerie, la situation s’aggrave chaque année et les tensions persistent – qu’il s’agisse de l’entretien des véhicules, de l’accès au carburant ou de l’immobilier de l’État. Composé de 30 000 véhicules, le parc automobile de la gendarmerie se dégrade de façon inquiétante. Dans le Nord-Pas-de-Calais, 20 % des véhicules du groupement ont déjà plus de dix ans d’âge. Le budget 2015 prévoit l’achat de 2 000 véhicules alors que le besoin annuel s’élève à 3 000 véhicules. En outre, pour les années 2013 et 2014, 2 650 véhicules seulement ont été achetés. Le véhicule fait pourtant partie du système d’armes de la gendarmerie de sorte que l’état actuel du parc altère la capacité opérationnelle de cette dernière. Ce constat alarmant est d’ailleurs le même dans la police. Monsieur le ministre, je vous alerte aujourd’hui sur la nécessité de renforcer rapidement les moyens dont disposent la gendarmerie et la police. De ces moyens dépendront leur action de proximité et leur efficacité future. Pour la police, je pense plus particulièrement aux nécessaires travaux de réhabilitation du commissariat de Dunkerque.
Permettez-moi aussi d’évoquer la nécessité pour l’État de soutenir le remarquable modèle français de sécurité civile, qui repose en grande partie sur le volontariat des sapeurs-pompiers. La France compte 250 000 sapeurs-pompiers dont 80 % sont des volontaires. Or, depuis une dizaine d’années, le nombre de ces volontaires diminue dangereusement, ce qui remet en cause la disponibilité des secours pour tous. C’est pourquoi il convient aujourd’hui de concrétiser le plan d’action de vingt-cinq mesures signé par votre prédécesseur, notamment l’encouragement du recrutement de sapeurs-pompiers volontaires par les collectivités territoriales ou encore à l’accès privilégié de ceux-ci aux logements sociaux situés à proximité des casernes.
Mme Elisabeth Pochon. Il est un phénomène qui alourdit le sentiment d’insécurité de nos concitoyens au quotidien : l’usage intempestif d’engins motorisés en milieu urbain – motos, quads. Le coût social de ce phénomène récurrent est très élevé. Les nuisances sonores troublent la tranquillité des habitants, l’été en particulier, et provoquent l’exaspération des populations. Plus grave encore, ces rodéos constituent un vrai danger aussi bien pour ceux qui s’y livrent que pour ceux qui en sont les témoins, voire les victimes. Enfin, les difficultés d’intervention rencontrées par les fonctionnaires de police et les risques importants d’accident que génèrent les interpellations constituent un véritable facteur d’explosion sociale. Souvenons-nous de Villiers-le-Bel. Plus récemment, dans ma circonscription, à Villemonble dans le 93, une course-poursuite s’est terminée par un drame au pied des immeubles, et une femme a perdu un œil lors d’affrontements entre des jeunes et la police. La loi du 26 mai 2008 réglemente la commercialisation et l’utilisation de ces engins, mais son efficacité est limitée. Récemment, une proposition de loi a été déposée par le groupe socialiste afin de lutter contre ces circulations abusives en aggravant les sanctions existantes et en renforçant les pouvoirs de la police en matière de confiscation, mais l’enjeu est moins juridique que pratique. Je tenais donc à vous interpeller quant aux moyens ou techniques nouvelles que vous comptez dédier à la lutte contre ce fléau, et à évoquer la trentième proposition du rapport d’information sur la lutte contre l’insécurité sur tout le territoire : celle-ci vise à étendre le dispositif de caméra piéton ou embarquée à de multiples territoires, ce qui faciliterait l’élucidation et le repérage à moindre risque des contrevenants. L’exploration de cette piste serait-elle envisageable sur le plan budgétaire ? Le nombre de questions posées par les parlementaires à ce sujet au cours des précédentes législatures témoigne de la pérennité de cet enjeu et de la nécessité d’y trouver des solutions concrètes.
M. Jean-Luc Reitzer. Je souhaiterais vous interpeller, monsieur le ministre, au sujet de l’inégale répartition des forces de police, ce à partir d’un exemple précis. Notre assemblée a auditionné récemment M. Falcone, le directeur général de la police nationale, lequel a annoncé que la répartition des effectifs de policiers et de gendarmes sur le terrain devait désormais s’opérer à partir de nouveaux outils de pilotage. Dans ma circonscription du Haut-Rhin se trouve le commissariat de police de Saint-Louis-Huningue qui rayonne sur une circonscription de sécurité publique au carrefour de trois frontières – l’Allemagne, la France et la Suisse – et à proximité immédiate de la ville de Bâle, zone urbaine dépassant les 800 000 habitants. Par sa situation frontalière, ce territoire fait l’objet de nombreux passages et est la porte d’entrée de nombreux trafics. S’y ajoutent un aéroport trinational – le septième de France pour son trafic de passagers – et le plus grand lycée d’Alsace. Quarante-trois personnes sont affectées à ce commissariat, ce qui peut paraître normal pour un établissement de cette importance. À ceci près qu’il s’agit d’un effectif théorique : dans les faits, manquent en permanence une dizaine d’agents, pour des raisons diverses : accidents de travail, dépression, maladie de longue durée… Or, si le travail effectué par le personnel restant est particulièrement remarquable, ce personnel est à bout, usé et fatigué à tel point que l’an dernier, treize agents ont demandé leur mutation. De plus, quatre OPJ seulement sont affectés à ce commissariat pour gérer une circonscription de 30 000 habitants dans une conurbation de près d’un million d’habitants. À titre de comparaison, dans un commissariat voisin, où les délits sont trois fois inférieurs, il y en a dix-sept ! Compte tenu des espoirs que le directeur de la police nationale a fait naître en annonçant l’instauration de nouveaux outils de pilotage, comment pensez-vous pouvoir réagir à la situation particulière du commissariat de Saint-Louis-Huningue, qui me tient particulièrement à cœur ?
M. Patrick Lebreton. L’an passé, j’ai été missionné par le Gouvernement pour réfléchir aux solutions permettant une meilleure intégration professionnelle des ultramarins dans leur région d’origine. Or un des points de crispation que j’ai identifiés concerne les gardiens de la paix originaires des outre-mer qui éprouvent les plus grandes difficultés à obtenir un retour dans leur région d’origine, compte tenu des règles de mutation défavorables en vigueur. Ces blocages sont particulièrement forts en ce qui concerne les gardiens de la paix d’origine réunionnaise qui ne peuvent espérer un retour dans leur île d’origine avant d’avoir effectué plus de vingt-cinq années de service dans l’hexagone. J’ai donc proposé l’octroi d’une bonification pour les agents justifiant d’un centre des intérêts matériels et moraux (CIMM) et le retour à la règle dite de l’ancienneté de la demande, en lieu et place de celle de l’ancienneté administrative, remise en cause en 2002 par un précédent ministre de l’intérieur. Lors de son déplacement à la Réunion au mois d’août dernier, le Président de la République s’est engagé à prendre en compte ces propositions et à les traduire dans les textes dès le début de l’année 2015. Quel est l’état d’avancement de la mise en œuvre de ces deux décisions ?
M. Olivier Marleix. Monsieur le ministre, je vous ai trouvé moins précis sur le nombre de véhicules de la gendarmerie que de ceux de la police nationale. Pour ce qui est de la gendarmerie, les bleus budgétaires de l’an dernier et de cette année font état de la disparition d’un millier de véhicules, preuve de l’épuisement du parc. Et il y a quelques jours, j’ai constaté dans la compagnie de Dreux l’existence d’un véhicule d’intervention que l’on essayait tant bien que mal de faire avancer avec 360 000 kilomètres au compteur… C’est dire si la situation est préoccupante.
Ma première question rejoint le propos tenu tout à l’heure par Philippe Goujon lorsqu’il a évoqué ses vives inquiétudes à l’égard de l’exécution des mesures de contrainte pénale : cette préoccupation est largement partagée par l’ensemble des organisations syndicales du ministère de l’intérieur qui ont peur de voir les OPJ se transformer en agents de probation. Le président de Synergie a d’ailleurs eu une formule assez juste, affirmant que la seule contrainte existant dans la loi Taubira, c’est celle que subira la police… Nous aurions donc souhaité connaître l’état de vos échanges avec la chancellerie en la matière.
Ma deuxième question porte sur une proposition avancée par notre collègue Jean-Pierre Blazy dans le cadre de la mission d’information relative à la lutte contre l’insécurité, qui vise à confier aux futures régions la construction de commissariats de police et de bâtiments pour la gendarmerie. Il est vrai que dans le passé, certains conseils généraux ont, de manière volontaire, fait preuve de beaucoup de détermination pour construire des bâtiments pour leurs brigades de gendarmerie. Mais ce n’a pas été le cas de tous, ce qui montre à quel point il serait inquiétant que cette préconisation soit généralisée demain. Il ne me semble pas qu’une mission régalienne puisse devenir une compétence régionale. Qu’en pensez-vous ?
M. Daniel Boisserie. Monsieur le ministre, vous avez évoqué la contribution des communes et intercommunalités au SDIS. Or, si jusqu’à une certaine date, les intercommunalités pouvaient se substituer aux communes en ce domaine, on nous indique que ce n’est plus possible aujourd’hui. À l’avenir, les intercommunalités pourraient-elles reverser le produit de cette taxe directement au SDIS ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Je commencerai par réagir aux interventions à caractère général des orateurs des groupes afin d’apporter une contribution au débat.
M. Ciotti m’ayant interrogé concernant l’exécution des plafonds d’emploi par le ministère dans le domaine de la police et de la gendarmerie, je vous fournirai des chiffres vérifiables par ceux qui bénéficient d’un pouvoir de contrôle sur pièces et sur place. En ce qui concerne la police, la LFI 2013 avait prévu 142 317 équivalents temps plein. L’exécution de cette loi de finances a porté les effectifs de la police à 142 286 ETP, soit une sous-exécution de 31 ETP. Pour 2014, l’objectif est de 142 963 ETP. Or, compte tenu des recrutements, les effectifs auraient augmenté de 677 ETP par rapport à 2013. Ces chiffres illustrent notre volonté de procéder à des recrutements, après qu’on a supprimé 13 000 emplois entre 2007 et 2012 dans la police et la gendarmerie.
M. Éric Ciotti. Dans la gendarmerie, les effectifs ont diminué de 1 812 ETP !
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Voici les chiffres de la gendarmerie : l’exécution 2012 : 95 168 ETP ; exécution 2013 : 95 283 ETP ; prévision pour 2014 : 95 387 ETP. Je tiens à l’entière disposition des parlementaires ici présents l’ensemble des tableaux et des éléments statistiques qui illustrent qu’à l’exception de 2013, année marquée par une sous-exécution de 31 ETP. Cette exécution sera en 2014 de + 577 pour la police. Et pour la gendarmerie, nous sommes entre 2012 et 2013 à + 115, et la prévision pour 2014 s’élève à + 104 ETP.
En ce qui concerne les éléments qui ne relèvent pas du titre II, je vous ai fourni tout à l’heure les chiffres relatifs à l’investissement immobilier, qui ne sont pas sans compter dès lors que nous décidons de moderniser nos forces. Si les investissements dans la police ont diminué de 17 % entre 2007 et 2012, les perspectives budgétaires pour 2017 en la matière, qui se traduiront par des engagements dès 2015, prévoient une augmentation de 9,7 % des crédits de paiement et de 22 % en autorisations d’engagement. Que l’on nous reproche de ne pas en faire assez avec plus 500 ETP par an alors que l’on en a supprimé 13 000, c’est un raisonnement auquel je peux accéder à cette heure tardive, mais au prix, je le reconnais, d’un énorme effort sur moi-même !
J’en viens à présent aux statistiques de la délinquance depuis le début de l’année 2014 : ces chiffres présentent l’intérêt d’intégrer l’effet des plans engagés par le Gouvernement, et en particulier ceux du plan de lutte contre les cambriolages décidé par mon prédécesseur au mois de septembre dernier et qui donne des résultats. Comme je souhaite être exhaustif en la matière et m’interdire toute manœuvre d’enfumage, je vous fournirai aussi bien les bons chiffres que les mauvais. Je précise que ces statistiques sont élaborées à l’aide d’un nouveau système statistique ministériel résultant d’un rapport de l’inspection générale de l’administration, celle-ci ayant pointé les incongruités du système précédent.
Les violences aux personnes se sont globalement stabilisées : au cours des premiers mois de l’année 2014, la police et la gendarmerie ont constaté 376 255 faits de violence aux personnes contre 365 534 faits au cours de la même période en 2013 – soit une augmentation de 2,93 %. Les violences physiques crapuleuses, durement ressenties par les Français, sont, elles, en très nette diminution, de 7,69 %. La délinquance crapuleuse – qui était en très nette progression depuis 2011 en raison de la hausse de certains comportements, de celle du cours de l’or et de l’intérêt des délinquants pour les smartphones – semble aujourd’hui contenue. En revanche, les violences physiques non crapuleuses augmentent et expliquent la hausse globale des violences aux personnes : il s’agit de violences intrafamiliales face auxquelles nous menons un travail interministériel : nous n’allons pas mettre un policier dans chaque famille…
Les atteintes aux biens sont globalement stabilisées : si elles étaient orientées à la hausse de 2,63 % en 2013, elles diminuent en 2014. La hausse des cambriolages a été jugulée : l’évolution est de -0,06 % entre janvier et septembre. Et depuis plusieurs mois, le nombre de cambriolages de résidences principales est orienté à la baisse, de 6 %.
J’insisterai également sur l’activité très soutenue des services. Les taux d’élucidation progressent : pour les homicides, ils sont de 84,21 % contre 79 % en 2013 ; pour les vols à main armée, de 46,13 % contre 37,21 % en 2013. Ces taux d’élucidation ont également progressé pour les cambriolages. Ces chiffres témoignent du très fort engagement des services de police et de la gendarmerie pour réduire les faits de délinquance constatés. Et comme je me suis engagé à vous rendre compte tous les six mois des statistiques de la délinquance élaborés à l’aide de notre nouveau système statistique ministériel, vous aurez la possibilité de mesurer au long cours le décalage qui peut exister entre les objectifs que nous nous assignons et les résultats que nous obtenons.
Je conclurai ma réponse à MM. Zumkeller et Ciotti en insistant sur trois points : premièrement, les effectifs augmentent ; deuxièmement, nos crédits d’investissement sont en hausse ; et troisièmement, depuis le début de l’année 2014, notre politique ainsi que plusieurs plans transversaux, tels que le plan de lutte contre les cambriolages, commencent à produire leurs effets, de sorte que les résultats en matière de prévention de la délinquance ne sont pas négligeables.
M. Luc Belot m’a interrogé sur le défi technologique auquel sont confrontées les forces de sécurité intérieure. Par le biais d’une lettre de mission du 19 septembre 2013, signée par le directeur général de la police nationale, nous avons créé un groupe de travail chargé d’identifier les apports des technologies dans la modernisation des forces de sécurité intérieure. Ce groupe était composé de représentants de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion de crise, de la direction générale de la gendarmerie nationale et de la direction générale de la police nationale, auxquels ont été associés des experts extérieurs. Le groupe de travail propose que la modernisation technologique du ministère se concentre sur quatre enjeux stratégiques. Le premier consiste à répondre à une société de plus en plus numérique par une proximité renouvelée ; il s’agit d’utiliser les technologies numériques pour favoriser la proximité entre la police, la gendarmerie et les citoyens, d’unifier les plateformes d’appel du 15, du 17, du 18 et du 112 en raison de l’augmentation constante du volume d’appels en lien avec la multiplicité des sources, et de développer un réseau social de l’intérieur réservé aux seuls agents. Le deuxième axe consiste à améliorer l’efficacité du primo-intervenant ; le troisième, à développer les capacités d’anticipation et de conduite opérationnelle ; le quatrième axe enfin, à lutter contre la criminalité à l’aide de moyens technologiques mieux adaptés à la menace. Nous vous transmettrons une fiche présentant avec précision la totalité des actions que recoupent ces quatre axes prioritaires.
Monsieur Dosière, les forces de sécurité outre-mer s’élèvent globalement à 8 360 policiers et gendarmes : dont 3 500 personnels permanents pour la gendarmerie, renforcés par près de 1 500 gendarmes mobiles et environ un millier de réservistes. L’évolution globale des effectifs de la police nationale dans les DOM-COM est marquée par une hausse de quatre-vingt-huit unités entre le 31 décembre 2008 et le 30 septembre 2014 – la dotation passant de 4 772 à 4 860, soit un gain d’effectifs de 1,8 %. La police de l’air et des frontières enregistre une forte progression, avec quarante-trois agents supplémentaires ; vient ensuite la sécurité publique hors services de renseignement territorial, avec une hausse de vingt-quatre.
Les forces de sécurité outre-mer font face, dans les départements que vous avez mentionnés, à des formes de délinquance très variées et à des phénomènes de violence bien supérieurs à ceux constatés en France métropolitaine. Les violences crapuleuses et homicides commis à l’aide d’armes à feu sont notablement surreprésentés dans les Antilles et en Guyane. Et les violences non crapuleuses sont partout très présentes, y compris en Nouvelle Calédonie, à La Réunion et en Polynésie française. Nous avons alloué des moyens supplémentaires à la lutte contre la délinquance économique et financière (DEFI) à Saint-Martin et à Saint-Barthélémy, tels les enquêteurs DEFI à la brigade de recherche de Saint-Martin. De même, peut intervenir la section de recherche de Guadeloupe de la DIPJ aux Antilles ou du GIE. Il est certain que les unités de recherche se concentrent sur les phénomènes les plus violents puisque l’on approchera sans doute en 2014 la centaine de vols à main armée sur la seule partie française de Saint-Martin. Par ailleurs, je me rendrai très prochainement en Guyane afin de définir les modalités d’adaptation du dispositif existant, compte tenu des actes de délinquance qui ont pu y être constatés.
M. Larrivé m’a interrogé au sujet de l’arrêt de la CEDH condamnant la France pour avoir rendu le syndicalisme incompatible avec le statut militaire. Notre approche est très pragmatique sur ce point : des instances de dialogue existant déjà au sein de la gendarmerie, elles ne sont plus à inventer. Elles ont évolué en profondeur depuis quatre ans et ont permis de renforcer le dialogue interne au sein de la gendarmerie nationale. Notre objectif est donc de valoriser l’existant pour apporter la démonstration que nous avons depuis longtemps intégré les préoccupations de la CEDH, que nous avons constamment développé le dialogue au sein de la gendarmerie nationale et que le point auquel nous en sommes arrivés nous paraît une réponse adaptée à ces préoccupations.
Madame Troalic, les services territoriaux peuvent bénéficier de l’appui des compagnies républicaines de sécurité là où elles sont implantées dans le cadre de la lutte contre la délinquance. Ce renfort de forces peut s’effectuer de deux manières : tout d’abord, dans le cadre du principe de la zonalisation des forces mobiles, le préfet de zone peut décider de l’affectation des unités du ressort de sa compétence. Cela correspond au dispositif zonal de sécurisation ; en complément de celui-ci, à la demande de la Direction centrale de la sécurité publique (DCSP) et dans le cadre d’un dispositif centralisé, la DGPN peut mettre à disposition de l’autorité l’emploi d’unités de forces mobiles. C’est ce que nous avons fait cet été à Calais, ainsi que dans les villes soumises à des risques de débordements au terme de manifestations sportives ou accueillant de grands événements justifiant que l’on renforçât les moyens de sécurité publique pour assurer le bon déroulement de ces événements, comme lors du 70e anniversaire du débarquement.
MM. Goujon et Moyne-Bressand m’ont interpellé sur l’importance des tâches qui seront confiées à la police nationale en raison des multiples réformes et de la complexification des procédures. J’ai eu l’occasion, à la faveur du discours que j’ai prononcé devant les forces de sécurité il y a quelques semaines, en présence du président Urvoas, d’exprimer ma préoccupation de voir ces procédures et ces réformes ne pas alourdir le travail de la police nationale. Je propose pour ce faire de travailler dans deux directions dans le courant de l’année 2015, d’abord en associant très étroitement le ministère de l’intérieur à l’élaboration des textes d’application de la réforme Taubira de manière à ce que le contenu de ces textes d’application donne toutes garanties à nos forces sur les conditions dans lesquelles elles exerceront les missions qui leur sont confiées au titre de cette réforme pour ne pas alourdir leurs tâches ; ensuite en vérifiant si, dans le cadre de la réflexion conduite par le président de la République sur la simplification, on pourrait adopter des ordonnances de simplification dans les domaines là où cela est juridiquement possible. Nous pourrons ainsi alléger les tâches de notre police.
Madame Pochon, s’agissant des nuisances occasionnées par les quads et les mini-motos, je vous transmettrai des éléments précis par écrit : cette question très pointue appellerait des développements très longs sur le port des équipements de sécurité, le respect des règles de circulation, la mobilisation de moyens de lutte contre les nuisances sonores et les conditions d’engagement de nos forces pour répondre à ces enjeux et la prévention.
Monsieur Decool, l’hôtel de police de Dunkerque va faire l’objet d’un investissement de 580 000 euros dont 250 000 en 2015, notamment au titre de la rénovation de son accueil.
Monsieur Reitzer, je vous fournirai également une réponse détaillée et chiffrée par écrit sur la CSP de Saint-Louis. D’ici au 31 décembre 2014, deux départs devraient intervenir ; quatre gradés et gardiens de la paix doivent également arriver. À la fin de l’année 2014, la dotation d’agents du corps d’encadrement et d’application (CEA) se situera ainsi légèrement au-delà des effectifs de référence.
En ce qui concerne l’affectation d’agents d’origine d’outre-mer dans les DOM-TOM, monsieur Lebreton, le droit en vigueur offre la possibilité d’opter, selon le lieu de naissance, pour un régime commun ou un régime dérogatoire. Nous avons évoqué cette question à l’occasion de mon déplacement à La Réunion. Les candidats métropolitains comme ultramarins au concours de recrutement de sous-officier sont soumis, depuis l’instauration du concours national en 2012, aux principes d’égalité de traitement et d’égalité d’accès à la fonction publique. Si nous modifiions le dispositif existant, nous courrions le risque considérable de voir certains fonctionnaires ultramarins pénalisés.
Monsieur Marleix, la gendarmerie possède au 1er juillet 2014 30 155 véhicules dont 1 537 proviennent du marché de l’externalisation pour lequel l’option d’achat a été levée. Les véhicules légers sérigraphiés et deux-roues du parc opérationnel ont en moyenne sept ans d’ancienneté et 175 000 kilomètres au compteur. Le maintien de la capacité de mobilité repose sur un renouvellement annuel de 3 000 véhicules pour un montant de 60 millions d’euros. Or il n’est plus satisfait à une telle exigence depuis quatre ans. En 2014, la construction initiale du budget de l’équipement prévoyait 40 millions d’euros de crédits au titre du renouvellement du parc automobile. L’ensemble de ces crédits a fait l’objet d’un gel dans le cadre de la mise en réserve. Toutefois, 12 millions d’euros ont été annulés au titre de la loi de finances rectificative pour 2014 sur cette même enveloppe – ramenant celle-ci à 28 millions d’euros. Au 30 septembre 2014, nous avons obtenu le dégel de 51,8 millions dont 28 millions au titre de l’acquisition de 1 400 véhicules.
M. Dominique Lefebvre, président. Nous vous remercions, monsieur le ministre. Je rappelle que la discussion et le vote en séance publique de cette mission auront lieu le jeudi 30 octobre prochain.
La réunion de la commission élargie s’achève à vingt-trois heures cinq.