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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 27 janvier 2015

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Hommage aux soldats français morts en Espagne

2. Questions au Gouvernement

Soixante-dixième anniversaire de la libération d’Auschwitz-Birkenau

M. Frédéric Reiss

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Réorientation de la politique européenne

M. Christophe Borgel

M. Manuel Valls, Premier ministre

Soixante-dixième anniversaire de la libération d’Auschwitz-Birkenau

M. François de Rugy

M. Manuel Valls, Premier ministre

Dette grecque

M. Michel Piron

M. Matthias Fekl, secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger

Filières de recrutement djihadistes

M. Patrick Vignal

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Professions juridiques réglementées

Mme Véronique Louwagie

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Politique monétaire européenne

M. Paul Giacobbi

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget

Budget de la défense

M. François Cornut-Gentille

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Loi pour la croissance et l’activité

M. Jean-Yves Caullet

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Victoire du Syrisa et conséquences européennes

M. Gaby Charroux

M. Matthias Fekl, secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger

Dette de la Grèce

M. Étienne Blanc

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget

Mobilisation pour les quartiers

M. Christian Hutin

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports

Projet de loi pour la croissance et l’activité

M. Daniel Fasquelle

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Transport en autocar

M. Gilles Savary

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Sécurité routière

M. Guy Geoffroy

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Suspension et reprise de la séance

Présidence de M. Marc Le Fur

3. Fixation de l’ordre du jour

4. Croissance, activité et égalité des chances économiques

Discussion des articles (suite)

Rappels au règlement

M. Jean-Frédéric Poisson

M. Bruno Le Roux

Article 1er (suite)

Amendements nos 1837 , 3092

Rappel au règlement

M. Christian Jacob

Article 1er (suite)

M. Gilles Savary, rapporteur thématique de la commission spéciale

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Amendement no 904

M. Richard Ferrand, rapporteur général de la commission spéciale

Amendements nos 905 , 1740 , 2891 , 907 , 1205 , 2902 , 1206 rectifié , 663 , 908 , 909 , 1742 , 2896

Après l’article 1er

Amendements nos 2438 , 2371 , 2689, 2546 , 2910 rectifié , 3175, 3176 (sous-amendements)

M. François Brottes, président de la commission spéciale

Amendements nos 2900 , 2901 , 2619 rectifié , 2741 , 3081

Article 2

M. Gilles Lurton

Mme Fanélie Carrey-Conte

M. Lionel Tardy

M. Frédéric Lefebvre

M. Jean-Louis Roumegas

M. Damien Abad

M. Jean-Pierre Vigier

M. Guillaume Chevrollier

M. Jean Lassalle

Mme Annie Genevard

M. Alain Bocquet

M. Bernard Accoyer

M. Jean-Jacques Cottel

M. Éric Straumann

M. Christophe Priou

Mme Sophie Dessus

Amendements nos 2726 , 1207 , 1208 , 2249 , 2823 , 2451 , 1209

5. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Hommage aux soldats français morts en Espagne

M. le président. Mes chers collègues, à l’heure où nos troupes sont engagées sur plusieurs théâtres extérieurs, nous avons appris, avec beaucoup de tristesse, la mort de neuf soldats français lors d’un accident survenu sur la base d’Albacete en Espagne.

La plupart d’entre eux sont issus de la base aérienne 133 de Nancy-Ochey, en Meurthe-et-Moselle.

Il s’agit du plus grave accident aérien subi par des troupes françaises dans le cadre d’un entraînement. Deux militaires grecs ont également été tués.

On déplore enfin plusieurs blessés graves. Je veux leur exprimer toute notre solidarité et je leur adresse nos vœux de prompt rétablissement.

En votre nom, je tiens à rendre hommage à la mémoire des victimes, et à présenter à leurs familles les condoléances de la représentation nationale.

Je vous invite maintenant à observer une minute de silence. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et observent une minute de silence.)

2

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Soixante-dixième anniversaire de la libération d’Auschwitz-Birkenau

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Frédéric Reiss. Monsieur le président, le groupe UMP s’associe à la douleur de l’armée de l’air et des familles durement éprouvées par le terrible accident survenu en Espagne.

Monsieur le Premier ministre, il y a soixante-dix ans, le camp d’Auschwitz-Birkenau était libéré par l’Armée rouge. Hier, à Strasbourg, j’ai été très ému lorsque l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a commémoré ce triste anniversaire en entendant le témoignage de Mme Ida Grinspan, une survivante de l’Holocauste qui avait été internée à 14 ans dans le plus grand camp de concentration et d’extermination nazi.

Je la cite : « C’est une tradition juive de déposer un caillou au bord des tombes. Pour moi, parler de ce que j’ai vécu, c’est déposer ce caillou. C’est la gerbe de fleurs que j’abandonne, à la fin de chaque visite, sur la mare où sombrent les cendres du crématoire d’Auschwitz-Birkenau. »

Ceux qui sont allés sur place ont pu se rendre compte combien on y avait atteint les sommets de l’horreur : Auschwitz, c’est l’horreur absolue. Je n’oublierai jamais ces lycéens fondant en larmes, en découvrant dans la grande salle un immense tas de cheveux entremêlés.

L’actualité récente nous a montré que nous devons être extrêmement vigilants face à la montée d’actes antisémites, comme l’attestent l’attentat de l’Hyper Cacher et l’agression ignoble à Créteil. Nous sommes trop souvent confrontés à des faits inexcusables. Les vents de la folie se seraient-ils remis à souffler ?

Aujourd’hui, plus que jamais, nous devons transmettre le devoir de mémoire, transmettre le souvenir des atrocités qui se sont produites. À travers ces commémorations bien sûr, mais également à l’école, qui reste le lieu privilégié d’enseignement de la Shoah et qui doit être le relais indispensable entre le témoignage effroyable que représentent les camps de la mort et les jeunes générations d’aujourd’hui et de demain. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Dans un très bel ouvrage, intitulé La Trêve, Primo Levi a résumé en quelques phrases le sentiment de ceux qui étaient dans les camps il y a soixante-dix ans, au moment où ces derniers étaient libérés. Je veux le citer : « L’heure de la liberté eut une résonance sérieuse et grave, et emplit nos âmes à la fois de joie et d’un douloureux sentiment de pudeur, grâce auquel nous aurions voulu laver nos consciences de la laideur qui y régnait, et de chagrin, car nous sentions que rien ne pouvait arriver d’assez bon et d’assez pur pour effacer notre passé, que les marques de l’offense resteraient en nous pour toujours, dans le souvenir de ceux qui avaient assisté, dans les lieux où cela s’était produit et dans les récits que nous en ferions, car personne n’a jamais pu, mieux que nous, saisir le caractère indélébile de l’offense qui s’étend comme une épidémie. »

Vous l’avez rappelé, monsieur le député, dans votre question : Cette épidémie se manifeste de nouveau aujourd’hui par des actes qui heurtent, qui blessent, des crimes qui nous ont choqués et qui nous ont conduits à réagir ensemble pour proclamer que, face à ces crimes, la République était debout. Je pense aux crimes de Mehdi Nemmouche à Bruxelles, je pense aux crimes de l’Hyper Cacher, je pense aux crimes abjects de Mohamed Merah à Toulouse, je pense à l’acte ignoble qui a été commis à Créteil et qui nous a conduits à nous retrouver nombreux autour de la communauté juive de Créteil.

Face à ces actes, comme vous l’avez dit, monsieur le député, il n’y a qu’une réponse : le rappel de ce que sont les valeurs de la République et la volonté, à l’école, sur internet, partout où cela est possible, de dire « stop » à cette haine qui n’a pas de place dans la République, parce que nous connaissons désormais les leçons de l’histoire. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Réorientation de la politique européenne

M. le président. La parole est à M. Christophe Borgel, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Christophe Borgel. Monsieur le président, ma question s’adresse au Premier ministre.

La marche de Paris le 11 janvier dernier, les soixante-dix ans de la libération du camp d’Auschwitz que nous commémorons aujourd’hui viennent nous rappeler que le projet européen est porteur de sens. La paix est au cœur de ce projet bien sûr, mais celui-ci incarne aussi des valeurs communes que notre devise républicaine résume bien : la liberté, la fraternité et, bien sûr, l’égalité, car l’Europe s’est aussi construite pour que les femmes et les hommes de notre continent vivent mieux.

Ce projet s’est estompé ; les peuples européens nous l’ont dit sèchement en mai dernier à l’occasion des élections pour désigner leurs représentants au Parlement. Le peuple grec l’a dit avant-hier en rejetant l’austérité qui lui est imposée et en donnant une majorité à Syriza.

Ce projet s’est estompé car l’action de l’Europe a semblé se limiter à la réduction des déficits. Cet objectif n’est bien sûr pas condamnable, car chaque pays doit fournir sa part des efforts, mais il est absurde quand il résume à lui seul l’action économique européenne.

Ce projet s’est estompé car sa réalité démocratique est souvent incarnée aux yeux d’une grande partie des peuples européens par une technocratie éloignée des réalités quotidiennes.

La France porte une autre volonté, celle d’une Europe de la croissance et de l’emploi, d’une Europe qui fait de l’investissement sa priorité. Le Président de la République a plaidé en ce sens, parfois seul, au sein du concert européen. Depuis plusieurs semaines, les choses bougent, avec en toile de fond une déflation qui s’annonce et un taux de chômage toujours plus élevé.

La Banque centrale européenne vient de prendre une décision utile et historique, et derrière les aspects forcément techniques d’une nouvelle doctrine monétaire se profile également une évolution considérable pour la construction européenne. De même, le plan d’investissement de 315 milliards d’euros porté par le président de la Commission européenne permet d’avancer sur ce sujet majeur pour la croissance.

Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous indiquer à la représentation nationale comment le Gouvernement envisage la poursuite du débat européen ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député Christophe Borgel, ainsi que vous venez de la rappeler, le peuple grec s’est clairement exprimé lors des élections législatives anticipées de dimanche dernier…

M. Sylvain Berrios. Les socialistes ont fait un bon score !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …et le gouvernement français, à l’instar de tous les gouvernements européens, a félicité Alexis Tsipras de la victoire de sa formation, Syriza. Le Président de la République l’a d’ailleurs fait dès dimanche soir.

Dès aujourd’hui, et je veux le dire ici devant vous, le Président de la République et le Gouvernement sont évidemment prêts à travailler avec nos partenaires européens et avec le gouvernement grec qui sera formé dans les prochaines heures.

Le nouveau Premier ministre grec l’a dit : il y aura du travail dans les prochaines semaines. Nous devons l’accomplir dans le dialogue, dans un esprit de solidarité et de responsabilité. Notre objectif commun, vous l’avez rappelé, monsieur le député, c’est la croissance et la stabilité de la zone euro.

Je le répète ici clairement : la question de la sortie de la Grèce de la zone euro ne se pose pas, et le nouveau Premier ministre ne l’a en aucun cas envisagée. La Grèce, il faut le rappeler, a toute sa place dans la zone euro.

Bien entendu, il y a aura des discussions entre les partenaires européens de la Grèce et le nouveau gouvernement dans le cadre commun aux membres de la zone euro et qu’il faut respecter. Le rôle de l’Europe, qui est aussi le rôle de la France, est d’accompagner la Grèce sur le chemin de la croissance et des réformes utiles aux citoyens. Le rôle de l’Europe, c’est aussi de soutenir la croissance, la compétitivité et l’emploi, et c’est ce que la France, vous le rappeliez, fait depuis 2012 sous l’impulsion du Président de la République.

Cette volonté doit se traduire par des actes très concrets. J’avais dit ici même lors de mon discours de politique générale en avril dernier que l’euro était trop fort, trop cher. Les choix qui ont été faits, notamment par la Banque centrale européenne, ont permis que la devise retrouve un niveau qui correspond à ce qu’il faut pour l’Union européenne. La politique qui vient d’être annoncée par Mario Draghi et les 300 milliards d’euros d’investissements du plan Juncker correspondent aussi aux propositions françaises.

Vous avez également raison de souligner que s’il n’y a pas de changement, de réorientation de l’Europe vers les citoyens, vers la croissance, la compétitivité et l’emploi, c’est le projet européen lui-même qui risque d’être touché en son cœur.

Certes, il y a eu une élection en Grèce, mais il est aussi nécessaire aujourd’hui que l’ensemble des pays, l’ensemble des gouvernements réorientent la politique européenne, comme le souhaite la France, pour que le projet européen réponde à l’attente des citoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Soixante-dixième anniversaire de la libération d’Auschwitz-Birkenau

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe écologiste.

M. François de Rugy. Monsieur le président, le groupe écologiste s’associe à l’hommage rendu aux neuf soldats français morts hier en Espagne.

Monsieur le Premier ministre, sur le monument à la mémoire des victimes du camp de concentration d’Auschwitz, on lit ces mots : « Que ce lieu où les nazis ont assassiné un million et demi d’hommes, de femmes et d’enfants, en majorité des Juifs de divers pays d’Europe, soit à jamais pour l’humanité un cri de désespoir et un avertissement. » Il nous faut lancer aujourd’hui tous ensemble un avertissement, car l’antisémitisme est là, multiforme.

Il se traduit par des mots blessants, prononcés dans nos rues, les cours de nos écoles, sur les réseaux sociaux. Il conduit à des actes insupportables contre des lieux de culte et à des agressions contre des personnes. À Toulouse en 2012, à Paris voilà trois semaines, l’antisémitisme a tué.

L’antisémitisme, ce sont toujours les vieux préjugés religieux, les vieilles haines sociales ressassées, la vieille technique du bouc émissaire, la vieille vision paranoïaque du complot. Mais c’est aussi, et cela est nouveau, le fruit d’un conflit territorial, un conflit que certains tentent d’importer dans les têtes pour mieux développer une entreprise politique qui n’est qu’une forme nouvelle de fascisme habillé d’intégrisme religieux.

Ces formes d’antisémitisme sont différentes, mais comme toutes les formes de rejet de l’autre, elles ont les mêmes alliés : l’oubli et la banalisation. L’oubli, c’est le risque de voir nos enfants, une fois les survivants des camps disparus, ne plus se sentir porteurs de la mémoire de la Shoah. La banalisation, c’est la négation du caractère singulier – par la profondeur de ses racines idéologiques, la méticulosité de sa planification et la monstruosité de son exécution – du génocide nazi. Oubli et banalisation pourraient finalement tenir en un seul mot : l’ignorance.

Comment pouvons-nous ensemble, monsieur le Premier ministre, combattre cette ignorance qui avilit, cette ignorance qui tue ?  (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, le Président de la République ce matin au Mémorial de la Shoah, où beaucoup d’entre vous étaient présents, et le ministre de l’intérieur il y a un instant ont prononcé de fortes paroles.

Je voudrais, en vous répondant, monsieur le président François de Rugy, initier la réflexion suivante, si elle est possible dans cet hémicycle : interrogeons-nous, en ce jour particulier du soixante-dixième anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz-Birkenau – pour être exact, de la découverte par les troupes soviétiques de l’horreur concentrationnaire – sur la signification même de cette journée, et plus généralement de la particularité de la Shoah et de l’antisémitisme dans l’histoire.

Le racisme, le rejet de l’autre ont toujours existé et perdurent, et touchent ô combien de citoyens, en France et dans le monde. D’autres génocides ont eu lieu, qui ont été rappelés ce matin. C’est d’ailleurs tout à l’honneur du Mémorial que de travailler aussi sur les autres génocides : le génocide du Rwanda, le génocide du Cambodge, le génocide arménien.

M. Franck Gilard. Et l’Ukraine ? Et la Vendée ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. Mais il y a une spécificité de la Shoah, et il ne faut jamais l’oublier. Celle-ci tient tout d’abord au fait que les Juifs ont subi cet antisémitisme, ce racisme, ces persécutions depuis des millénaires. Elle tient, ensuite, à la volonté de destruction totale et absolue manifestée par une grande nation, l’Allemagne, appuyée sur une organisation terrible, scientifique, pensée, voulue, et qu’on a souhaité mener jusqu’au bout.

Enfin, cette spécificité nous concerne aussi, et c’est pour cela que notre réponse doit être implacable, comme nous avons déjà eu l’occasion de le dire. L’antisémitisme fait en effet partie de l’histoire de la République : c’est l’affaire Dreyfus et la manière dont beaucoup ont réagi à ce moment-là qui a sans doute permis à la République progressivement de se refonder.

M. Yves Durand. Très bien !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Il y eut également 1940 et les lois scélérates du régime de Vichy, qui appartiennent en grande partie à notre patrimoine, si j’ose dire.

Que soixante-dix ans après, et nous l’avons tous dit, on crie de nouveau « mort aux Juifs ! » dans les rues de Paris, que soixante-dix ans après on tue des Français parce qu’ils sont Juifs, que soixante-dix ans après des enfants disent dans l’enceinte de leur école que leur ennemi c’est le Juif, que soixante-dix ans après, malgré les témoignages et le travail de mémoire qui a été fait, cet antisémitisme traditionnel soit toujours présent, et que soixante-dix ans après s’y adjoigne un nouvel antisémitisme sur fond de misère et d’antisionisme, sur fond de haine d’Israël et de rejet de l’autre, cela signifie que nous devons nous rebeller.

Les événements que nous venons de connaître, qui coïncident avec cet anniversaire, nous obligent, comme l’a rappelé le chef de l’État, à être intraitables sur la question de la mémoire, intraitables sur la question de l’éducation, de la diffusion et de l’apprentissage de la mémoire, donc de ce qui s’est passé voilà soixante-dix ans, intraitables sur la question de la sécurité que nous devons à nos compatriotes, intraitables sur les sanctions que nous devons opposer à cet antisémitisme, tant quand il s’exprime sur Internet que quand il prend la forme d’une parole antisémite.

L’antisémitisme et le racisme sont des maux identiques tout en étant deux choses différentes ; la loi permettra désormais, pour l’un comme pour l’autre, de prendre des sanctions impitoyables, et la garde des sceaux y travaille. Car nous savons, et chacun doit l’entendre, que les mots tuent. C’est bien pour cela que la République est debout, pour dire que ce qui s’est passé est inacceptable et qu’à partir de maintenant la République répondra coup pour coup à ces mots et à ces actes. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP, ainsi que sur les bancs du groupe UDI et sur quelques bancs du groupe UMP.)

Dette grecque

M. le président. La parole est à M. Michel Piron, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Michel Piron. Monsieur le président, le groupe UDI s’associe à l’hommage rendu à nos militaires disparus.

Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. Depuis cinq ans, la Grèce se trouve dans une situation désastreuse. Certes, les plans d’aide successifs accordés par l’Union européenne et le FMI lui ont permis de rester dans la zone euro, et de nous éviter ainsi une crise systémique. La France y a pris sa part, à hauteur de 40 milliards d’euros. Mais en contrepartie, des sacrifices très douloureux ont été demandés au peuple grec, particulièrement aux plus modestes, sans que, malheureusement, ils ne produisent les fruits escomptés.

Ainsi, avec des taux d’intérêt très élevés, les efforts consentis ont presque intégralement servi au remboursement de la dette abyssale du pays, et n’ont pu empêcher la situation de se dégrader. Ainsi – ce qui est sans doute le pire –, le taux de chômage qui frappe les moins de 25 ans prive un jeune sur deux de toute perspective.

Cette situation politique et sociale insoutenable a conduit les citoyens grecs à exprimer leur rejet des partis au pouvoir, donnant une large victoire dimanche au parti Syriza. Ces résultats interrogent l’Europe, ils nous interrogent.

Si la politique ne peut pas tout, il serait grave de laisser croire qu’elle ne peut rien. Aussi, alors qu’une annulation de la dette grecque constituerait un signal dangereux, avec un risque de contagion très élevé, une restructuration est-elle possible ? Monsieur le Premier ministre, quelle est et quelle sera la position de la France sur ce sujet qui concerne l’ensemble des pays européens ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger.

M. Matthias Fekl, secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Michel Piron, le Premier ministre a répondu à une question sur les élections grecques. Vous interrogez le Gouvernement plus spécifiquement sur la dette. Vous avez raison de rappeler la tragédie économique et sociale qui a frappé le peuple grec tout au long de ces dernières années, comme vous avez raison de rappeler les différentes mesures qui ont été prises pour tenter d’améliorer la situation.

Il s’est agi notamment de rendre les conditions de remboursement de la dette grecque plus supportables, en baissant les taux et en allongeant les délais. Cela a été fait en 2011 et en 2012, année lors de laquelle il a été décidé de rétrocéder les profits des banques centrales nationales sur la dette grecque ou encore de faire participer le secteur privé.

Il est vrai que le peuple grec a payé un lourd tribut. La question qui se pose est celle du programme d’aide et de son prolongement au-delà de la fin février, afin que le pays puisse faire face à ses besoins de financement. L’Eurogroupe en a discuté hier : les ministres des finances de la zone euro ont indiqué leur volonté de travailler avec le nouveau gouvernement grec, dès qu’il sera formé.

Les priorités visées par la France sont la croissance, l’emploi, la stabilité de la zone euro et l’aide au peuple grec. Le président de l’Eurogroupe rencontrera le Premier ministre grec en fin de semaine, pour un premier échange sur ces questions.

M. Sylvain Berrios. Et vous, que faites-vous ?

M. Matthias Fekl, secrétaire d’État. La France se tiendra aux côtés du peuple grec, pour l’aider dans les efforts auxquels il doit faire face. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Accoyer. Cela représente 1 000 euros par foyer fiscal !

Filières de recrutement djihadistes

M. le président. La parole est à M. Patrick Vignal, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Patrick Vignal. Monsieur le président, ma question s’adresse au Premier ministre. Je veux saluer l’opération antiterroriste conduite par le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, ce matin, à Lunel.

Je salue aussi les magistrats, le Raid et le GIPN pour leur efficacité : ils ont mené, en urgence, une intervention d’envergure, au terme de laquelle cinq djihadistes présumés ont été placés en garde à vue. J’espère que ces filières de vendeurs de mort, qui se servent de nos jeunes comme chair à canon, seront lourdement sanctionnées. Ça suffit !

Chers collègues, une vingtaine de jeunes de la ville de Lunel sont partis en Syrie pour faire le djihad. Six y ont laissé leur vie. Les Lunellois, les élus, les familles, les acteurs de terrain et la communauté éducative, se mobilisent tous les jours pour enrayer cette spirale funeste, qui conduit une partie de notre jeunesse à l’extrémisme et au fanatisme.

Nous mènerons à Lunel, comme sur les autres territoires de la République, un combat pour défendre nos valeurs de liberté, de laïcité et de fraternité. C’est pour cela que je salue la réponse de notre gouvernement : elle est à la hauteur des enjeux de notre société, en matière de sécurité, d’éducation et de citoyenneté.

Le coup de filet de ce matin prouve que la loi antiterroriste que nous avons votée est efficace sur le terrain – l’ensemble des parlementaires de cet hémicycle peuvent en être fiers. Monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre de l’intérieur, les habitants de Lunel vous remercient de leur permettre d’envisager un autre avenir pour leur ville : pas de liberté sans éducation et sans culture. Pourriez-vous dresser un bilan de l’opération menée ce matin ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, à plusieurs reprises, avec d’autres parlementaires du département de l’Hérault, vous avez fait part de votre préoccupation concernant l’organisation de filières de recrutement dans la ville de Lunel.

Je veux redire avec beaucoup de détermination la volonté qui est celle du Gouvernement de démanteler l’ensemble des filières de recrutement qui existent sur le territoire national. Comme vous l’avez dit, elles conduisent des jeunes, parmi les plus vulnérables, à prendre un aller sans retour vers la mort. 73 de nos ressortissants ont trouvé la mort en Irak et en Syrie.

Comme vous l’avez rappelé, cinq personnes, soupçonnées d’être engagées dans des opérations de recrutement, ont été arrêtées ce matin à Lunel et placées en garde à vue. Cette opération témoigne de la détermination de nos services – la direction générale de la sécurité intérieure, la direction centrale de la police judiciaire – de mener, sous l’autorité du parquet antiterroriste, toutes les opérations nécessaires pour mettre fin aux activités de ces filières funestes.

157 opérations judiciaires sont aujourd’hui engagées, concernant 547 individus. On dénombre plus de 130 interpellations, près de 90 mises en examen et 70 incarcérations. Cela témoigne de notre volonté, sous l’autorité du parquet antiterroriste, de tout faire pour mettre fin à l’activité de ces filières et de ces acteurs terroristes.

Le plan antiterroriste, annoncé par le Premier ministre mercredi dernier, doit permettre de donner des moyens à l’administration pénitentiaire, à la justice, aux services de renseignement, au service du renseignement territorial, de moderniser les infrastructures, notamment informatiques, du ministère de l’intérieur, afin d’aller plus loin, avec plus d’efficacité encore, dans la lutte contre le terrorisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Professions juridiques réglementées

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Véronique Louwagie. Monsieur le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, hier a commencé la discussion de la désormais célèbre « loi Macron » qui porte votre nom. Si ce projet de loi, pierre angulaire de votre action, suscite l’intérêt de nos concitoyens il induit aussi la méfiance des professionnels concernés, à l’exemple des professions réglementées que sont notamment les huissiers et les notaires.

Les quatre-vingt-quatre heures de débat en commission spéciale ont, hélas, révélé le risque non négligeable de voir apparaître ce que l’on pourra appeler des « déserts juridiques », frappant d’une double peine les habitants des territoires ruraux déjà confrontés à la problématique des « déserts médicaux ».

Immanquablement, certains territoires attireront moins ces professionnels que les grandes périphéries alors que l’accès de nos concitoyens à la justice est un droit essentiel.

Votre projet de loi, parce qu’il modifie les compétences régionales des huissiers et les règles d’installation des notaires, est anxiogène pour nombre de professions juridiques. En instaurant une péréquation afin de financer les maisons de justice et de droit destinées à pallier de futures jachères juridiques, vous reconnaissez vous-même cette fracture juridique dont la facture pèsera hélas, notamment, sur les notaires.

Monsieur le ministre, vous êtes suffisamment pragmatique pour ne pas ignorer que votre projet de loi suscite bien des réserves, quand bien même vous avez déclaré hier devant notre hémicycle ne pas vouloir « remettre en cause la sécurité juridique, ni fragiliser les professionnels en place ».

Votre projet de loi crée en réalité une justice à deux vitesses, ce qui est précisément un point d’achoppement. Ce n’est pas admissible.

Quelles sont vos propositions pour maintenir l’égalité de chacun face à l’accès au droit ? Allez-vous donner un avis favorable à nos amendements, suivant en cela la ligne que vous avez tracée hier selon laquelle « toute proposition allant dans le sens de l’intérêt général trouvera auprès du Gouvernement une oreille attentive » ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Madame la députée, vous venez de rappeler le sujet important des professions réglementées du droit dont nous avons longuement discuté en commission spéciale – à laquelle vous avez été d’ailleurs particulièrement assidue. Nous en débattrons en hémicycle sans doute ce soir ou demain.

Il ne s’agit aucunement de remettre en cause la sécurité juridique et les actes accomplis par ces différentes professions. (« Mensonge ! » sur les bancs du groupe UMP.) La sécurité juridique est préservée.

Par ailleurs, nous voulons renforcer la transparence des tarifs en les révisant régulièrement, au maximum tous les cinq ans, sur la base d’une analyse objective menée par l’autorité de la concurrence, en particulier à la lumière des coûts et en maintenant leur proportionnalité. Nous continuerons, dans le débat parlementaire, avec vous, avec la majorité, avec les rapporteurs – j’en profite pour saluer tout particulièrement le travail de Mme Cécile Untermaier – à enrichir ce texte afin d’offrir plus de sécurité aux professionnels. C’est un objectif que nous partageons tous.

Quant au maillage territorial, ce texte instaure un principe de libre installation dans les lieux marqués par des carences. (« Faux ! » sur les bancs du groupe UMP.) En effet, il est des zones en France où il manque des huissiers, des notaires. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Contrairement à ce que vous pouvez dire, en répétant parfois à l’envi les arguments de la profession, il manque en effet certains professionnels dans certaines zones de notre territoire. Partout où le maillage territorial pourra être amélioré sans pour autant fragiliser les professionnels en place, nous apporterons une liberté d’installation. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Enfin, grâce au travail des rapporteurs et aux débats menés en commission spéciale, un fonds de péréquation permettra de renforcer ce maillage et la solidarité entre ces professionnels du droit. C’est une réelle avancée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Politique monétaire européenne

M. le président. La parole est à M. Paul Giacobbi, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Paul Giacobbi. Monsieur le Premier ministre, passons à présent de la loi Macron à la macroéconomie. La Banque centrale européenne a décidé de souscrire directement des bons du Trésor pour la bagatelle de mille milliards d’euros alors qu’elle rachète déjà massivement aux banques les bons du Trésor qu’elles ont souscrits, parfois dans la microseconde. Le bilan de la BCE a été multiplié par deux ou trois depuis 2007 – comme les banques centrales des États-Unis et de Grande-Bretagne – et représente aujourd’hui 20 % du PIB de la zone euro.

Cette politique, tant vantée, s’est soldée par un échec retentissant au Japon, où le bilan de la banque centrale atteint pourtant 60 % du PIB et devrait avoisiner les 80 % dans deux ans.

Aux États-Unis, le succès est relatif dans un pays qui finance ses déficits en aspirant l’épargne du reste du monde grâce au privilège du dollar et avec une croissance américaine essentiellement financière et fortement inégalitaire. Cette mesure contribuera, c’est vrai, à empêcher la déflation de s’installer mais elle gonflera la spéculation financière.

Or, l’excès de liquidités monétaires est la cause profonde de la crise mondiale : c’est elle qui nous condamne à des crises spéculatives à répétition. En 1950, le crédit au secteur privé représentait 50 % du PIB des pays occidentaux, 170 % en 2007 et 200 % aujourd’hui.

Ce phénomène est devenu une addiction que nous essayons vainement de réguler. Peut-on cependant guérir une addiction en augmentant sans cesse la dose de substance addictive et sans changer le mode de vie qui y a conduit ?

Le Gouvernement peut-il préciser sa doctrine en ce domaine et la position qu’il défendra dans le débat sur la dette publique ?

M. Jean-Luc Laurent. Changeons l’euro et l’addiction à l’euro.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Monsieur le député, je vous remercie d’excuser l’absence de M. Michel Sapin, retenu à Bruxelles par une réunion de l’Ecofin.

Votre question renvoie à plusieurs sujets, la politique économique menée dans la zone euro, les orientations de la politique budgétaire de chacun des États, la situation en Grèce et l’endettement des acteurs privés.

Tous ces aspects appellent une action déterminée en faveur de la croissance et de l’emploi. C’est sur ce point que les citoyens, Français et Européens, nous demanderont des comptes.

M. Charles de La Verpillière. C’est déjà fait !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Dans ce contexte, la récente décision de la Banque centrale européenne de rendre la politique monétaire encore plus accommodante en rachetant des titres souverains doit être saluée. La BCE a pris ses responsabilités face à la faiblesse excessive de la croissance et de l’inflation qui pénalise nos économies et érode notre contrat social. Elle continuera à agir ainsi tant que l’inflation ne sera pas revenue à 2 %. C’est une bonne nouvelle.

Cela étant, la politique monétaire ne peut pas tout. Les gouvernements et la Commission doivent également prendre leurs responsabilités en utilisant tous les leviers disponibles pour soutenir la croissance. C’est ce que nous avons fait en France en choisissant résolument de poursuivre la réduction des déficits, selon un rythme adapté et compatible avec notre objectif de croissance.

Quant à la Grèce, notre position est simple. Les Grecs ont démocratiquement choisi un nouveau gouvernement qui a fait preuve de responsabilité. Il souhaite engager le dialogue et s’est montré déterminé à lutter contre la fraude fiscale. Nous serons à ses côtés.

Budget de la défense

M. le président. La parole est à M. François Cornut-Gentille, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. François Cornut-Gentille. Je vous remercie, monsieur le président, et m’associe à mon tour au deuil de l’armée de l’air.

Je souhaite vous interroger, monsieur le Premier ministre, sur les tensions très préoccupantes qui affectent le budget de la défense nationale. Certes, votre ministre de la défense, M. Jean-Yves Le Drian, se bat courageusement pour trouver des solutions. Ainsi, pour pallier l’absence de deux milliards d’euros de recettes exceptionnelles, il a convaincu M. Macron de proposer ses fameuses sociétés de projets, qui permettront peut-être d’éviter une catastrophe à court terme mais qui, à moyen terme, soulèveront de nombreuses interrogations tant financières que juridiques.

À supposer toutefois que ces incertitudes soient levées, tous les connaisseurs du dossier savent bien que la trajectoire budgétaire actuelle est insoutenable dans la durée, et ce pour deux raisons : l’engagement soutenu de nos forces tant sur le territoire national que sur les théâtres extérieurs, tout d’abord, et la décision – que nous approuvons – que le Président de la République a prise de ralentir la déflation des effectifs, ensuite. Dans ce contexte, il est désormais clair pour tous que sans crédits supplémentaires, nous nous trouverons très rapidement dans une impasse.

Vous comprenez bien, monsieur le Premier ministre, que dans les circonstances actuelles, la vérité et la fiabilité budgétaires sont une exigence que nous devons à nos armées. Aussi, avant même la révision programmée de la loi de programmation militaire, je souhaite savoir si vous partagez cette analyse et si vous pouvez prendre l’engagement que la défense nationale disposera bien dès 2015 des crédits supplémentaires nécessaires à l’accomplissement de ses missions accrues. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Je vous prie tout d’abord, monsieur le député, de bien vouloir excuser l’absence de M. le ministre de la défense qui s’est rendu en Espagne, sur les lieux du drame, auprès de nos blessés.

Comme vous l’avez rappelé, les exigences de la loi de programmation militaire sont fortes. La charge qui pèse sur nos troupes et les engagements de l’État imposent de revoir la loi de programmation militaire, vraisemblablement avant l’été.

En attendant, des recettes exceptionnelles avaient été prévues à hauteur de 2,4 milliards d’euros pour l’année 2015, notamment grâce à la cession des bandes de fréquences – un sujet qui vous est familier et dont nous avons plusieurs fois discuté ici.

Compte tenu du calendrier de cette révision et de son vraisemblable report (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.), pour préserver les intérêts patrimoniaux de l’État et pour vendre ces fréquences dans les meilleures conditions…

…il a été décidé de répondre aux besoins de nos armées, en particulier aux besoins en achats de matériels militaires ; c’est parfaitement normal.

M. Jean-François Lamour. C’est déjà acheté !

M. Emmanuel Macron, ministre. Pour ne pas que les compagnies d’armement aient à supporter des retards de paiement qui les pénaliseraient tant en termes économiques qu’en termes d’emplois, nous avons donc décidé de créer une société de projets.

M. Christian Jacob. C’est de la cavalerie budgétaire !

M. Emmanuel Macron, ministre. À deux reprises, le ministre de la défense a réuni les industriels concernés et, ce matin même, nous avons ensemble réuni les industriels de défense pour structurer ce véhicule et nous assurer que nous disposerons bien du cadre juridique le plus sûr qui soit.

Avec un tel véhicule juridique ad hoc qui sera recapitalisé par de l’argent public, et suite à la cession de certaines participations de l’État, nous pourrons acheter des matériels militaires et répondre à nos engagements budgétaires. (« Cavalier budgétaire ! » sur les bancs du groupe UMP.)

C’est pourquoi le texte sur la croissance et l’activité comportera la création d’une telle société de projets, car c’est une nécessité au regard de nos engagements budgétaires ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Loi pour la croissance et l’activité

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Caullet, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Jean-Yves Caullet. Monsieur le ministre de l’économie, le projet de loi Croissance, activité et égalité des chances économiques, en débat dans notre hémicycle depuis hier et étudié de façon approfondie en commission spéciale, est un projet bien particulier. Avant même qu’en soit connu le texte définitif, son contenu supposé faisait déjà l’objet de critiques étayant des positions définitives et péremptoires.

Cependant, nous avons su collectivement entrer dans le débat de fond, en adoptant une organisation originale combinant un collectif de rapporteurs qui a démultiplié la capacité d’écoute et de dialogue avec le Gouvernement et avec la société, et une commission spéciale dont le sérieux et la sérénité des travaux ont fait honneur au Parlement. Ainsi, le texte issu des travaux de la commission spéciale a intégré des évolutions significatives grâce à une véritable coconstruction, qu’il faut saluer, entre le Gouvernement et le Parlement.

Nous sommes désormais bien au-delà des postures, et le travail qui se poursuit dans l’hémicycle permettra de répondre à des questions essentielles : sommes-nous capables de permettre à notre pays de saisir des opportunités économiques en faisant progresser les droits sociaux ? Pouvons-nous simplifier les procédures et garantir le respect du droit – le droit du travail ou celui de l’environnement ? Sommes-nous condamnés à choisir entre l’immobilisme économique et la régression sociale ?

Nos concitoyens nous observent et attendent la preuve de notre capacité à redonner crédit à l’action publique et au débat démocratique. Nos convictions de gauche, notre attachement au progrès économique, écologique et social sont nos meilleurs atouts pour saisir les opportunités et préparer l’avenir. Les renier sur l’autel d’une modernité factice et ultralibérale, ce serait les trahir ; les mettre en avant pour justifier l’immobilisme, ce serait les desservir !

Pouvez-vous, monsieur le ministre, préciser les éléments de progrès du droit social et de dynamisation du dialogue social que comporte le projet, et mettre en exergue non pas la compensation consentie à l’exigence économique qu’ils représenteraient, mais l’apport indispensable qu’ils constituent fondamentalement pour que notre société puisse en toute confiance se donner l’agilité nécessaire afin de saisir les opportunités économiques d’avenir ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Vous l’avez dit, monsieur le député : nous pouvons faire des réformes et accroître la vitalité de l’économie tout en augmentant les droits et en faisant preuve de davantage de justice – et, souvent, de transparence. C’est l’esprit du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques sur lequel vous avez travaillé ces dernières semaines, et que nous allons encore enrichir dans les jours et les semaines à venir.

En effet, c’est en ouvrant la possibilité pour les plus jeunes de s’installer dans certaines professions que l’on recrée des droits ; c’est en ouvrant de nouvelles formes de mobilité – l’autocar – que l’on recrée des droits pour les plus jeunes et les moins fortunés sur le territoire(Exclamations sur les bancs du groupe UMP.).

M. Christian Estrosi. M. Macron ferme les TGV !

M. Emmanuel Macron, ministre. C’est en protégeant le pouvoir d’achat des Françaises et des Français, en surveillant mieux l’urbanisme commercial, notamment, que l’on recrée des droits et du pouvoir d’achat.

M. Guy Geoffroy. Enfin l’autocar !

M. Emmanuel Macron, ministre. C’est en permettant à nos concitoyens, particulièrement aux plus petites entreprises, de se financer différemment en ayant accès aux crédit interentreprises et aux bons de caisse que l’on renforce les droits et la justice du financement de notre économie.

M. Marc Le Fur. Faites de l’autocar !

M. Emmanuel Macron, ministre. C’est en réformant les prud’hommes, comme M. Rebsamen et Mme Taubira l’ont ici même rappelé hier, que l’on augmente les droits parce que l’on réduit les délais, parce que l’on protège mieux les salariés, surtout les plus faibles d’entre eux, et parce que l’on renforce les droits des petits patrons qui sont les premières victimes de ces dysfonctionnements, tout en protégeant le paritarisme auquel nous sommes profondément attachés – je veux le rappeler ici.

Enfin, en adoptant la réforme contenue dans ce projet de loi concernant le travail du dimanche, nous augmentons les droits.

M. Marc Le Fur. Parlons-en !

M. Emmanuel Macron, ministre. Pour la première fois, en effet, nous défendons dans une loi le principe d’une compensation applicable partout. Tel est bien le principe défendu dans ce texte : sans accord de branche, d’entreprise ou de territoire, il n’y aura aucune ouverture d’un commerce le dimanche, et c’est l’accord en question qui prévoira les règles de compensation.

Oui, nous pouvons stimuler la vitalité et la croissance tout en augmentant les droits ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Mme Anne Grommerch. Avec l’autocar ?

Victoire du Syrisa et conséquences européennes

M. le président. La parole est à M. Gaby Charroux, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Gaby Charroux. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Le peuple grec, s’exprimant dans une mobilisation exceptionnelle – plus de 75 % de votants – vient de choisir majoritairement, avec Syriza, de tourner le dos à l’austérité, à la misère et aux sacrifices pour s’orienter, en retrouvant sa dignité, vers des politiques alternatives de gauche.

Comme l’ensemble des pays de l’Union européenne, la France subit les conséquences des décisions de 2012 et du pacte budgétaire qui confirment l’engagement dans des politiques qui ont démontré à la fois leur insuffisance, leur inadaptation et leur danger pour l’économie de notre pays et la vie quotidienne des Français : augmentation du chômage, baisse des dépenses publiques, effondrement des capacités d’investissement des collectivités locales en conséquence de la diminution de leurs moyens financiers, pouvoir d’achat en berne, croissance au plus bas.

Tout ceci au nom du dogme de réduction de la dette, qui, associé à l’incapacité de mettre fin ou de réduire de manière notable la fraude fiscale, l’optimisation fiscale ou l’évasion fiscale organisée, et désormais à la dérégulation à marche forcée, inscrit l’Europe et notre pays dans une économie mondialisée et libérale nuisible.

Monsieur le Premier ministre, le carcan des lois et des décisions économiques et financières libérales étouffe le développement de la France, de son économie et, plus grave encore, celui de nos concitoyens.

Le Gouvernement de la France va-t-il infléchir sa politique, accepter une alternative de gauche à l’orientation germanique de l’Europe et accompagner le mouvement qui s’engage en Grèce et sans doute, demain, dans d’autres pays d’Europe ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme…

M. Yves Fromion. Du tourisme en autocar… (Sourires.)

M. le président. …et des Français de l’étranger.

M. Matthias Fekl, secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger. Monsieur le député, dans la continuité des propos du Premier ministre et du secrétaire d’État chargé du budget, je veux d’abord reconnaître, comme nous l’avons tous fait, la victoire claire d’Alexis Tsipras en Grèce.

M. Franck Gilard. Et le PASOK ?

M. Matthias Fekl, secrétaire d’État. La Grèce est le berceau de la démocratie (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP) et le réflexe démocratique élémentaire est de reconnaître cette victoire.

M. le président. S’il vous plaît !

M. Matthias Fekl, secrétaire d’État. C’est ce qu’a fait le Président de la République, dès dimanche soir, en téléphonant au futur Premier ministre, avec qui il s’est entretenu dès lundi.

M. Alain Marsaud. Rendez l’argent !

M. Matthias Fekl, secrétaire d’État. Avec nos partenaires européens, nous sommes engagés aujourd’hui aux côtés du peuple grec qui, cela a été dit, a traversé ces dernières années une véritable tragédie économique et sociale.

Le Premier ministre a indiqué la position du Gouvernement français, qui est celle de la solidarité et de la responsabilité. M. Tsipras lui-même a, tout au long de la campagne, insisté sur la double nécessité de faire preuve de sérieux dans ses propositions et de sortir la Grèce de ses difficultés.

Je rappelle son slogan de campagne : « L’espoir est en marche ». Il est clair qu’en Grèce et au-delà, un espoir s’est levé. Le Gouvernement français sera aux côtés du peuple grec et de son gouvernement pour accompagner cet espoir et surtout pour le traduire dans la réalité, en Grèce et dans toute l’Europe. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Accoyer. Que devient le PASOK ?

Dette de la Grèce

M. le président. La parole est à M. Étienne Blanc, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Étienne Blanc. Monsieur le Premier ministre, j’aimerais, sur un sujet aussi important que les élections qui viennent d’avoir lieu en Grèce, recevoir autre chose que des réponses approximatives et que vous n’alliez pas chercher chez Platon ou Aristote des réponses qui devraient être financières. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Sébastien Denaja. Donneur de leçons !

M. Étienne Blanc. Monsieur le Premier ministre, le peuple grec a fait le choix de placer le parti de M. Tsipras à la tête de la Grèce en lui offrant 149 sièges sur 300.

M. Yves Durand. C’est un chiffre approximatif !

M. Étienne Blanc. Cela aura évidemment des incidences sur la politique française vis-à-vis de la Grèce.

Vous avez annoncé ce matin que le rôle de la France sera d’accompagner la Grèce. Ma question est extrêmement précise : quelles sont les conditions dans lesquelles la France va accompagner la Grèce ?

J’imagine que lorsque vous disiez cela, vous parliez de la renégociation de la dette.

M. Bernard Accoyer. Qui correspond à 2 000 euros par foyer fiscal français !

M. Étienne Blanc. Quand la Grèce demandera que ses créanciers renoncent à une partie du capital qu’elle a emprunté, quelle sera la position de la France ?

Quand la Grèce demandera une renégociation des taux d’intérêt, alors qu’elle a déjà obtenu beaucoup, quelle sera la position de la France ?

M. Guy Geoffroy. Bravo !

M. Étienne Blanc. Quand la Grèce demandera un nouvel échéancier, quelle sera la position de la France ? (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Le ministre nous disait tout à l’heure que nous verrions cela avec l’Eurogroupe, mais nous sommes ici devant le Parlement français et nous vous demandons quelle sera la position de la France.

M. Guy Geoffroy. Absolument !

M. Étienne Blanc. C’est important pour notre créance de 40 milliards d’euros et pour les taux d’intérêt, car la politique que vous mènerez aura une incidence sur le niveau des taux.

Nous attendons une réponse précise, monsieur le Premier ministre, et non pas que vous tergiversiez sur la position qui sera adoptée demain ou après-demain par l’Eurogroupe. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Monsieur le député, vous l’avez souligné, la France n’est pas la seule à détenir des créances sur la Grèce.

M. Claude Goasguen. Nous le savons !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. S’il est vrai que, de façon bilatérale ou en termes de garantie, les créances de la France s’élèvent à près de 41 milliards d’euros,…

M. Philippe Armand Martin. Cahuzac !

M. le président. Si vous voulez écouter la réponse du Gouvernement, veuillez garder le silence !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …la France n’est pas seule. Et, dans un marché financier ouvert et concurrentiel, comme vous le savez, nous ne sommes pas en capacité de fixer des taux ni de renégocier des durées de façon unilatérale.

Il ne vous a pas échappé que la Grèce se trouve dans la zone euro et il ne vous a pas échappé non plus que personne, pas même les Grecs eux-mêmes, ne souhaite sa sortie de l’euro. Assurer l’équilibre et la stabilité d’une monnaie au sein d’un regroupement communautaire nécessite – et c’est ce qu’ont entrepris de faire Michel Sapin et nos partenaires européens au cours des dernières heures – une action collective et coordonnée de l’ensemble des partenaires de la monnaie unique.

M. Julien Aubert. Aristote, reviens !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Concernant l’abandon de créance, la position de la France est claire : il n’y en aura pas.

M. Claude Goasguen. La réponse !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Discussions, travail sur les modalités, les durées et les taux d’intérêt…

M. Alain Marsaud. Bla bla bla !

M. Philippe Armand Martin. C’est l’argent de nos impôts !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …ce n’est pas en vingt-quatre heures et de façon unilatérale que nous répondrons à cette question, mais nous le ferons en toute transparence et devant votre commission des finances. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Mobilisation pour les quartiers

M. le président. La parole est à M. Christian Hutin, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Christian Hutin. Je commencerai par une citation dont je suis sûr qu’elle vous agréera, chers collègues, en raison de sa double paternité, Philippe Séguin et Jean-Pierre Chevènement –belle paternité ! « Faute de République, la République se meurt dans les quartiers ». Il s’agit d’une question extrêmement importante que je dédie à un chantier récemment lancé par M. le Premier ministre en s’inspirant de l’étymologie, car il faut revenir à l’origine des mots : oui, il est des gens qui se vivent « à part » dans leur quartier en raison d’une barrière ou d’un fossé. Il faut donc absolument lancer le chantier, pour lequel il existe des matériaux que sont les fonds de participation des habitants, les fonds de travaux urbains, les ateliers de la laïcité et les parents relais.

M. Laurent Furst. C’est du prêchi-prêcha !

M. Christian Hutin. Le chantier est énorme, monsieur le ministre de la ville, et je suis sûr que vous le mènerez au cours des mois qui viennent. L’espoir est énorme dans les quartiers et doit vivre ! Nous ne pouvons laisser les barrières s’édifier et les fossés se creuser ! J’espère, monsieur le ministre de la ville, monsieur le Premier ministre, qu’au cours des mois et des années à venir vous viendrez inaugurer nos quartiers et que leurs habitants pourront effectivement dire : « Ici, on s’honore du titre de citoyen ! »

M. le président. La parole est à M. le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. La politique de la ville a connu beaucoup de succès et mériterait d’être mieux connue, mesdames et messieurs les députés.

M. Philippe Armand Martin. J’en doute !

M. Patrick Kanner, ministre. Elle a aussi connu des échecs qu’il n’est pas question de cacher. La mobilisation républicaine de tous les acteurs est aujourd’hui requise. Dans une centaine de quartiers, la situation est grave, comme l’a récemment rappelé M. le Premier ministre. Sur le terrain, Myriam El Khomri et moi-même dressons avec lucidité un constat extrêmement inquiétant. Dans les quartiers, la continuation de ce qui a été fait n’est plus possible en l’état et il faut changer de braquet. Nous avons engagé un travail de concertation et de mobilisation et nous prévoyons de livrer début mars, à l’occasion d’un comité interministériel dédié à la lutte contre les inégalités, un plan d’action engageant ceux qui participeront à son élaboration.

M. Claude Goasguen. Mais bien sûr !

M. Patrick Kanner, ministre. Mon chantier prioritaire, mesdames et messieurs les députés, est de casser les ghettos. La concentration des populations les plus pauvres dans les mêmes quartiers est une insulte à la République ! Vous le savez, l’amélioration du cadre de vie par la rénovation urbaine constitue notre priorité avec la révision de la politique de construction et d’attribution des logements et le retour forcé, tellement nécessaire des services publics. Nous apporterons une réponse globale et déterminée à la ghettoïsation ! Il faut aussi que la République tienne ses promesses, afin que tous nos concitoyens croient en elle, en matière d’emploi des jeunes, d’égalité femmes hommes, de lien avec les parents isolés et d’éducation à l’école et hors de l’école. Il nous faut reconnaître l’abandon de certains territoires et les réinvestir. Mesdames et messieurs les députés, les problèmes des quartiers sont ceux de toute notre société ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Projet de loi pour la croissance et l’activité

M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Daniel Fasquelle. Vous prétendez, monsieur le Premier ministre, aimer les entreprises. Je vous mets au défi de prouver cet après-midi que vous dites vrai en répondant positivement à deux questions.

La première porte sur l’entreprise MyFerryLink basée dans le Pas-de-Calais où elle emploie 600 personnes. Reprise par ses salariés, elle ne cesse de développer son activité et occupe aujourd’hui 12 % du marché en pleine croissance de transport de voyageurs par ferry entre la Grande-Bretagne et la France. Comment expliquer dans ces conditions la décision de l’autorité britannique de la concurrence de lui interdire bientôt d’accoster à Douvres ? Comment expliquer, surtout, le silence assourdissant du gouvernement français ? Qu’attendez-vous pour interpeller le Premier ministre britannique et la Commission européenne afin de sauver l’entreprise et les emplois directs et indirects qui en dépendent ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Jean Lassalle et M. Nicolas Dupont-Aignan. Bravo !

M. Daniel Fasquelle. Dans un autre domaine, comptez-vous laisser votre ministre de l’économie déstabiliser et abîmer les professions juridiques et judiciaires en France, au nom d’un modèle anglo-saxon qu’il semble décidément beaucoup apprécier ?

M. Philippe Armand Martin. Eh oui !

M. Daniel Fasquelle. Allez-vous, sans réagir, laisser s’installer des hypermarchés du droit en ville et se développer dans nos campagnes des déserts juridiques en plus des déserts médicaux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean Lassalle. Bravo !

M. Daniel Fasquelle. La réponse pour le moins alambiquée d’Emmanuel Macron à la question posée cet après-midi par notre collègue Louwagie n’est pas pour nous rassurer. Un député de votre propre majorité expliquait en commission spéciale que la loi Macron est « un éléphant qui fonce à cent à l’heure dans un magasin de porcelaine ». Si vous aimez les entreprises, toutes les entreprises, il n’est pas trop tard pour faire preuve de courage, monsieur le Premier ministre, c’est-à-dire sauver MyFerryLink et arrêter la charge de l’éléphant Macron en proposant enfin une vraie loi à la hauteur des difficultés et des enjeux du pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Si vous voulez charger, monsieur le ministre… (Sourires.)

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Je tâcherai, monsieur le député, de répondre à vos deux questions un tantinet fourre-tout, si vous m’autorisez cette facétie, car il s’agit de deux choses très différentes. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP, applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

La première fait référence à une décision prise par une autorité britannique et en aucun cas européenne à laquelle nous ne pouvons malheureusement rien, comme l’a rappelé le ministre concerné, M. Vidalies, qui a réuni l’ensemble des parties prenantes. Nous nous organisons afin d’apporter une réponse concrète à une décision qui comme je viens de vous le dire nous échappe ainsi qu’aux pouvoirs européens.

Quant à votre caricature de la réforme des professions réglementées prévue par le texte, Mme la garde des sceaux et moi-même avons eu hier l’occasion de nous exprimer à ce sujet et nous l’aurons encore au cours des prochains jours.

M. Philippe Armand Martin. Sans nous rassurer pour autant !

M. Emmanuel Macron, ministre. Non, monsieur le député Fasquelle, il ne s’agit en aucun cas d’un modèle anglo-saxon du droit ! Nous réformons la formation des tarifs, la capacité à créer des interprofessions et la libre installation de manière régulée et encadrée.

M. Claude Goasguen. C’est une marchandisation !

M. Emmanuel Macron, ministre. L’anglo-saxonisation et la marchandisation du droit eussent consisté à ouvrir en effet l’exclusivité des actes juridiques ou encore, comme l’a rappelé hier Mme la garde des sceaux devant vous, à abandonner l’acte authentique des notaires. Or rien n’est prévu dans le texte à ce sujet. Vous avez tenté en 2009, permettez-moi de vous le rappeler, d’ouvrir le sujet de l’acte authentique en créant l’acte d’avocat qui lui entamait l’anglo-saxonisation du droit français ! Nous n’avons pas retenu cette voie précisément car la sécurité juridique de notre pays et le système du droit romain auquel nous tenons sont des principes qui seront maintenus de bout en bout dans la loi. Ne dites pas de mensonges devant la représentation nationale ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Transport en autocar

M. le président. La parole est à M. Gilles Savary, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Gilles Savary. Avant de poser ma question à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, je veux remercier M. le Premier ministre d’avoir installé ce matin un groupe de travail sur les autoroutes, pluraliste, au sein duquel siègent des représentants de l’ensemble des bancs de l’Assemblée nationale et du Sénat. Cette instance permettra de poursuivre et d’approfondir les travaux conduits par les deux missions parlementaires. Je veux surtout remercier le Premier ministre d’avoir eu l’élégance de geler les tarifs d’autoroute, dont l’augmentation était prévue au 1er février. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) C’est une ère de transparence qui s’ouvre et qui met progressivement fin à une ère d’opacité complète.

Ma question porte sur le projet de libéralisation des lignes régulières d’autocar, dont nous commencerons à discuter ce soir dans le cadre de l’examen du projet de loi Macron.

La situation que nous connaissons est une curiosité française. Beaucoup de nos concitoyens croient que l’on prend l’autocar librement dans notre pays. Ce n’est pas le cas : la France est l’un des derniers pays d’Europe qui n’a pas encore autorisé l’ouverture de lignes régulières par des opérateurs privés. Si nous sommes très familiers de l’autocar et du bus, il s’agit d’autocars et de bus conventionnés – ceux des régions, qui assurent avec ces véhicules 23 % des transports express régionaux, lesquels ne concernent pas uniquement les trains, mais aussi ceux des départements ou des entités urbaines.

Certains considèrent que les transports en bus n’ont pas bonne image et qu’en les libéralisant, nous créerons une mobilité à deux vitesses, comme si le vélo était moins noble que la moto, que la Clio était moins respectable que la Mercedes, ou comme s’il était médiocre d’offrir à nos concitoyens une gamme complète de tarifs et de possibilités de mobilité.

Monsieur le ministre, ma question est double. Qu’attendez-vous de cette libéralisation ? Comment envisagez-vous la cohabitation de ces nouvelles lignes avec les lignes de service public ferroviaires et routières existantes ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.

Mme Claude Greff. Le Premier ministre bis !

M. Christian Jacob. On va le faire exploser en vol, celui-là !

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Monsieur Savary, vous avez rappelé l’un des axes de développement importants que porte le projet de loi pour la croissance et l’activité et dont nous discuterons sans doute cet après-midi : l’ouverture et la création de nouvelles lignes d’autocar, privées comme subventionnées. Vous avez vous-même contribué à enrichir ce texte lors des réunions de la commission spéciale, et je ne doute pas que nous continuerons à le faire au cours des prochaines heures.

Que peut-on attendre de cette ouverture ? D’abord, davantage de mobilité sur notre territoire. Oui, de nombreux points de notre territoire ne sont pas reliés par le réseau ferré, d’excellente qualité, que cette réforme ne remet pas du tout en cause. L’ouverture à la concurrence des liaisons par autocar apportera donc plus de mobilité, et à moindre coût ; pour beaucoup de nos concitoyens, elle offrira aussi du pouvoir d’achat et une plus grande capacité à se déplacer.

Ensuite, cette réforme permettra le développement d’une nouvelle forme de mobilité et donc, là aussi, des créations d’emplois et d’activités. France Stratégie, qui a remis il y a quelques jours un rapport sur ce volet du projet de loi, prévoit la création de 22 000 emplois.

Comment cet impact peut-il se mesurer ? Je donnerai quelques chiffres pour vous éclairer et permettre des comparaisons. La France compte 110 000 personnes qui se déplacent chaque année par autocar, alors que les usagers de l’autocar sont 8 millions en Allemagne et 30 millions au Royaume-Uni. Il est donc possible de développer ce marché et de créer des emplois.

Je terminerai par un point de grande importance : il ne s’agit pas ici de remettre en cause les lignes conventionnées ou les équilibres qui existent sur les territoires. Je connais la préoccupation que plusieurs d’entre vous ont évoquée hier à ce sujet : les lignes conventionnées des régions, en particulier les lignes ferroviaires, ne sont aucunement menacées. C’est pourquoi les autorités organisatrices de transport joueront un rôle dans le développement de ces lignes : pour les trajets de moins de 100 kilomètres, en particulier, elles instruiront les dossiers préalablement à l’avis rendu par la nouvelle autorité compétente, l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières – ARAFER.

Nous aurons à discuter de toutes ces modalités cet après-midi. L’ouverture à la concurrence des liaisons par autocar sera régulée pour que les équilibres soient préservés. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Sécurité routière

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Guy Geoffroy. Monsieur le ministre de l’intérieur, l’année 1972 a été, dans notre pays, la plus noire en matière d’accidentologie routière : 16 545 personnes ont trouvé la mort. On se souvient de ces spots télévisés où l’on voyait l’équivalent d’une petite ville de province à terre…

M. Philippe Folliot. La ville de Mazamet !

M. Guy Geoffroy. …pour montrer que ce chiffre équivalait à la mort de tous les habitants de cette commune.

Quinze années d’efforts ont permis de passer, enfin, sous la barre des 8 000 morts par an : en 1997, les accidents de la route ont causé 7 989 morts. S’en est suivie une stabilisation qui nous a inquiétés : en 2001, 7 720 personnes sont décédées sur la route.

En 2002, Jacques Chirac, réélu à la présidence de la République, a décidé de lancer un grand plan ambitieux, contraignant, cohérent, qui a donné les résultats que l’on sait : moins de dix ans plus tard, en 2010, les accidents de la route ont causé moins de 4 000 morts, pour la première fois dans l’histoire de notre pays. En 2013, cette évolution s’est poursuivie, malgré des interrogations sur son ralentissement : on a compté 3 268 morts.

L’année 2014 est celle du retour de l’inquiétude : 3 388 personnes sont décédées du fait d’un accident de la route.

Monsieur le ministre, vous avez fait part de vos interrogations et des décisions que vous alliez prendre. Ces décisions s’entendent, se comprennent, mais elles ne présentent peut-être pas la clarté ni la cohérence que nous pourrions attendre. Un élément, en particulier, me semble manquer, alors qu’il avait été mis en avant dans la loi de 2013 : je veux parler de l’impact de la drogue au volant. Je me souviens de la formule de notre collègue Richard Dell’Agnola : « un joint, deux verres de vin ».

Monsieur le ministre, expliquez-nous clairement la politique que le Gouvernement entend mener pour poursuivre l’effort et la réussite de ce qui a été engagé il y a une dizaine d’années. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, je confirme la réalité des chiffres que vous avez cités. La mortalité routière a très fortement diminué entre le début des années soixante-dix et l’année 2014 : cette baisse continue a permis de passer de 8 000 morts chaque année à 3 388 décès en 2014. L’objectif que tous les gouvernements se sont donné est d’atteindre la barre des 2 000 morts à l’horizon 2020. La baisse du nombre de morts a été constatée jusqu’en 2013, qui a été la meilleure année. En 2014, on déplore 120 tués sur les routes de plus qu’en 2013 : il faut donc adopter de nouvelles mesures.

Les mesures que nous prenons sont d’abord des mesures d’éducation, de sensibilisation et de formation.

Premièrement, nous devons faire en sorte que les élèves bénéficient d’une formation aux bonnes pratiques tout au long de leur parcours scolaire. C’était le cas en primaire et au collège, mais ce n’était pas encore le cas au lycée : un dispositif sera donc mis en œuvre dans les lycées à la rentrée 2015.

Deuxièmement, il convient d’encourager la conduite accompagnée. Dans les pays où la conduite accompagnée est développée, on compte 20 % de morts de moins parmi les conducteurs ayant passé leur permis de conduire plus jeunes.

Troisièmement, il est nécessaire de sanctionner davantage la conduite après consommation d’alcool ou de produits stupéfiants. C’est le sens des mesures que je prends : ainsi, le taux d’alcoolémie autorisé sera abaissé de 0,5 à 0,2 gramme d’alcool par litre de sang pour les primo-conducteurs. Par ailleurs, j’ai annoncé hier la mise en place du test salivaire, en liaison avec la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, la MILDECA. Ce test se substituera au test sanguin pour les personnes qui conduisent leur véhicule après avoir consommé de la drogue, de manière à ce que les sanctions soient beaucoup plus dures.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. De même, nous demandons la généralisation des éthylotests antidémarrage par le biais d’une multiplication des centres d’agrément.

Vous le voyez, j’ai présenté hier un ensemble de mesures qui doivent susciter de nouveaux comportements, y compris au volant. Je veux citer également l’interdiction des casques, des oreillettes et de tout ce qui peut obérer l’attention et la concentration de l’automobiliste. Je pense que ces mesures, qui seront évaluées en permanence par le Conseil national de la sécurité routière présidé par votre collègue Armand Jung, permettront d’obtenir des résultats.

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Marc Le Fur.)

Présidence de M. Marc Le Fur

vice-président

3

Fixation de l’ordre du jour

M. le président. La Conférence des présidents, réunie ce matin, a arrêté les propositions d’ordre du jour suivantes pour la semaine de contrôle du 9 février :

Débat sur l’activité de la délégation parlementaire au renseignement ; questions sur la politique de sécurité ; questions sur les relations de travail entre le Gouvernement et le Parlement ;…

M. Daniel Vaillant. Il y a du boulot !

M. le président. Questions sur la politique budgétaire ; débat sur le fair-play financier européen et les clubs de football professionnel français ; débat sur l’évaluation de l’offre et des besoins de formation professionnelle.

Il n’y a pas d’opposition ?…

Il en est ainsi décidé.

4

Croissance, activité et égalité des chances économiques

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (nos 2447, 2498).

Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de treize heures cinquante minutes pour le groupe SRC, dont 717 amendements sont en discussion, dix-huit heures cinquante-sept minutes pour le groupe UMP, dont 1 400 amendements sont en discussion, cinq heures dix-neuf minutes pour le groupe UDI, dont 178 amendements sont en discussion, deux heures quarante-deux minutes pour le groupe RRDP, dont 111 amendements sont en discussion, deux heures cinquante-cinq minutes pour le groupe écologiste, dont 104 amendements sont en discussion, trois heures et cinq minutes pour le groupe GDR, dont 129 amendements sont en discussion, et une heure pour les députés non inscrits.

Discussion des articles (suite)

M. le président. Hier soir, l’Assemblée a commencé la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement n° 1837 à l’article 1er.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Frédéric Poisson. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58, alinéa 1, du règlement de notre assemblée. Je souhaite appeler l’attention du ministre de l’économie et de la Conférence des présidents sur les conditions dans lesquelles nous sommes amenés à débattre de ce projet de loi, mais également de la loi NOTRE qui doit être votée cet après-midi par le Sénat. Demain matin, celle-ci sera examinée pour avis en commission des finances et arrivera pour un examen au fond à la commission des lois mercredi prochain.

Ce calendrier ne devrait pas permettre aux commissaires aux lois, membres de la commission spéciale, qui ont suivi le présent projet de loi dit Macron, de participer pleinement aux travaux de la commission car les réunions ne manqueront pas de se chevaucher. L’on ne peut que déplorer une telle superposition de textes importants dans l’agenda, que l’on soit d’accord ou non avec leur contenu.

M. Marc Dolez. C’est vrai.

M. Jean-Frédéric Poisson. Ensuite, s’agissant du texte que nous examinons, je voudrais me faire l’écho de la remarque de notre collègue Frédéric Lefebvre hier. Je crois savoir que la question a été débattue ce matin en Conférence des présidents, le président Le Roux pourra nous indiquer s’il y a tenu des propos identiques à ceux qu’il a tenus hier dans l’hémicycle, des propos plutôt ouverts si j’ai bien compris. Apparemment, il n’a pas fait preuve de la même ouverture en Conférence des présidents ce matin.

Monsieur le ministre, nous sommes dans le cadre du temps législatif programmé. Cela n’est pas douteux sur la forme. Ce n’est pas contestable, mais les circonstances de l’élaboration de ce texte en première lecture entre la commission et l’hémicycle me conduisent à faire la même remarque que celle de mon collègue Frédéric Lefebvre, hier. La limitation du temps pourrait avoir pour conséquence que nous ne soyons pas en mesure – ni les groupes de la majorité ni ceux de l’opposition – de défendre un certain nombre d’amendements lorsque nous arriverons aux articles finaux, c’est-à-dire au dernier tiers, grosso modo les soixante ou soixante-dix derniers articles.

D’autant que, sur un certain nombre de sujets, viennent en discussion des amendements qui, s’ils ne modifient pas le texte en profondeur sur le plan quantitatif, constituent tout de même des changements de pied assez importants. Je prends l’exemple de l’amendement qui vise à la suppression du corridor tarifaire visant les professions réglementées. Nous avons évidemment déposé des amendements de suppression en commission.

La nouveauté, c’est que les rapporteurs reviennent – ils l’avaient déjà fait en commission, du reste – avec un amendement de suppression. Alors qu’ils l’avaient retiré en commission, et que la position semblait acquise, il va falloir nous expliquer pourquoi le débat revient dans l’hémicycle. Si jamais le Gouvernement avait changé de pied sur ce sujet – cela est imaginable et c’est ce que l’on entend –, il devra expliquer quelles sont les raisons qui l’ont conduit à le faire. Le débat serait donc un peu plus long que celui qui aurait eu lieu pour examiner nos seuls amendements de suppression.

Sur un certain nombre de sujets, il est clair que le débat ne nous permettra pas, partis comme nous sommes, de consacrer le temps nécessaire et normal à l’examen de l’ensemble des articles.

M. Jean-Pierre Vigier. Absolument.

M. Jean-Frédéric Poisson. Compte tenu de nos conditions de travail, notamment avec la superposition de deux textes, celui-ci et le projet de loi NOTRE et le temps qui sera nécessaire à notre assemblée pour leur examen, il faut modifier le programme. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. Je rappelle d’abord que dans le cadre du temps programmé, il faut décompter les rappels au règlement, notamment ceux qui ne servent en rien à faire avancer le débat, ce qui est regrettable car nous perdons du temps dans la procédure d’examen des articles.

À l’évidence, M. Poisson a été mal informé. Je vous confirme, cher collègue, puisque vous m’avez interpellé, que j’ai tenu ce matin en Conférence des présidents des propos identiques à ceux que j’ai tenus hier dans l’hémicycle. Si nous avons un débat normal, de confrontation et d’explication en prenant le temps de présenter les arguments et d’en débattre ensuite, nous devons aller jusqu’au bout du texte en accordant du temps à tous ceux qui veulent faire valoir leurs arguments.

S’il s’agit de prendre prétexte du temps programmé et du fait que la présidence ne peut intervenir dans ce cas, pour faire durer les débats par des présentations longues en prenant par exemple dix minutes pour défendre un amendement qui pourrait l’être plus brièvement, alors il s’agit d’une mauvaise utilisation du temps et chacun n’aura que le temps qui lui est imparti.

J’appelle donc chacun des groupes à faire preuve d’une attitude responsable, afin d’assurer la fluidité du débat, qui doit être un débat sur le fond, non un débat de postures. Aussi, je renouvelle ce que j’ai dit ce matin et hier, dans l’hémicycle : nous devrons disposer de temps pour discuter, au fond, de chaque partie du texte, jusqu’à la dernière.

Article 1er (suite)

M. le président. Nous entrons précisément dans le fond des choses et déclenchons le chronomètre. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 1837 et 3092.

La parole est à M. Pascal Cherki, pour soutenir l’amendement n1837.

M. Pascal Cherki. Il s’agit d’un amendement de principe à une loi que le premier secrétaire de ma formation politique avait qualifiée à juste titre de « fourre-tout ». De ce fourre-tout, j’ai extrait une question de principe, les recours assez systématiques à la procédure de l’article 38 – même si la commission spéciale a permis d’en raboter un grand nombre.

Pourquoi présenter un amendement de suppression ? Notre Constitution a fait de la loi l’exception et du règlement, la règle, puisqu’en vertu de son article 34, la loi se prononce sur des principes fondamentaux et dans certains domaines, énumérés par la Constitution. Quant à l’article 37, il dispose que toutes les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaire.

M. Marc Dolez. Eh oui !

M. Pascal Cherki. Ce déséquilibre avait été fortement critiqué en son temps. Il tranchait avec la pratique de la IVRépublique, laquelle, conformément à l’article 13 de la Constitution de 1946, interdisait toute délégation du pouvoir législatif, et rompait avec celle de la IIIRépublique, qui ne connaissait que la matière législative.

Une procédure d’exception figure à l’article 38, dans des cas d’urgence caractérisée, pour des sujets d’importance nationale. La gauche l’a utilisée en 1981 pour des nationalisations ; la droite, en 1986, pour des privatisations.

Or, dans le cas présent, nous avons recours à des ordonnances pour des dispositions législatives courantes, ce que je n’accepte pas. C’est une question de principe. Nous sommes les élus du peuple, qui est souverain dans ce pays, et dépositaires à titre temporaire, pour cinq ans, de la souveraineté du peuple. Nous n’avons donc pas à abdiquer ce pouvoir de faire la loi au nom du peuple, à le remettre aux bureaux et aux administrations.

M. Marc Dolez. Excellent !

M. Pascal Cherki. On avance que ce sont des « matières techniques ». Sous-entendu : un chef de service, un sous-directeur, un directeur d’administration, un chargé de mission est plus compétent, plus intelligent, plus légitime qu’un élu de la nation, appuyé par les services de l’Assemblée nationale, pour discuter de la qualité et de la technicité d’une disposition législative.

Selon cette philosophie, on nous réserve la parlotte. Les choses sérieuses se discutent ailleurs : dans les bureaux et dans les officines ministérielles. Aussi, je vous appelle, mes chers collègues, à ne pas abdiquer un pouvoir majeur, qui est entre nos mains depuis la Révolution française, pour accroître le confort du travail gouvernemental.

Je demande donc au Gouvernement de retirer son article 1er. A défaut, cet amendement de suppression du recours à l’article 38 de la Constitution sera soumis au vote. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SRC et sur les bancs du groupe GDR.)

M. Marc Dolez. Excellent !

M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet, pour soutenir l’amendement n3092.

M. Alain Bocquet. Ce premier article du projet de loi propose d’étendre le champ des compétences de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires. Appelée à se transformer en Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, l’ARAF s’occupera de deux nouveaux domaines, celui des autocars et celui des autoroutes.

Dans le premier secteur, l’ARAFER donnera son autorisation préalable à l’ouverture de certains services infrarégionaux, jouera les arbitres, le cas échéant, sur les autres liaisons, et veillera à un accès équitable des gares routières.

S’agissant du second secteur, son rôle sera celui d’un contrôleur. L’ARAFER vérifiera notamment que les investissements intégrés aux contrats de concession qui ont un impact sur les niveaux des péages soient justifiés. Elle contrôlera également la passation de chaque marché de travaux publics réalisé par les concessions autoroutières. Un débat assez légitime s’est engagé en commission sur l’adéquation entre les moyens alloués à l’organisme et ses nouvelles missions. Beaucoup ont insisté, à raison, sur la nécessité de faire contribuer le secteur autoroutier et les entreprises de transport public routier au financement de ce futur organisme.

Nous sommes très réservés sur l’extension des compétences de l’ARAF. A nos yeux, la mise en place d’une autorité de régulation commune du transport ferroviaire et routier ne peut que favoriser la compétition concurrentielle frontale entre le rail et la route, sur le seul critère du prix. Ce n’est pas intenter un procès d’intention au Gouvernement, ni à l’ARAF, que de rappeler que cette autorité de régulation, créée par la loi du 8 décembre 2009, a pour mission essentielle de réguler la concurrence, c’est-à-dire de s’assurer d’une concurrence équitable et non faussée.

L’Autorité a notamment défini, dans une décision du 27 février 2013, la procédure et les critères qu’elle utilise pour déterminer si l’équilibre d’une convention de service public est compromis par la concurrence. Pour réaliser le test d’équilibre économique, elle effectue une analyse selon les critères suivants : dispositions relatives à son équilibre économique prévues par le contrat de service public ; pertes de recettes et coûts supplémentaires éventuels à court et moyen terme ; bénéfices éventuels à court et moyen terme ; évolution de la rentabilité des services exploités par le titulaire du contrat de service public.

Au fond, pour le dire d’une manière un peu abrupte, l’ARAF ne s’intéresse qu’à la vérité des prix. Elle n’a pas vocation à prendre en compte les enjeux liés à l’environnement, au développement des territoires ou à l’égalité territoriale.

Dans ce contexte, nous ne pouvons que nous interroger sur la pertinence d’une extension de son champ de compétences au transport routier. Votre texte prévoit en effet de confier à la future ARAFER le pouvoir de décider au cas par cas si la mise en place de telle nouvelle liaison par autocar représente une menace substantielle sur l’équilibre économique du service public, notamment ferroviaire. Elle n’aura, pas plus qu’aujourd’hui, à tenir compte de l’impact environnemental ou de la cohérence de la liaison projetée par les politiques locales d’aménagement du territoire. C’est, selon nous, une très grave lacune, d’autant que les transports routier et ferroviaire ne reposent pas sur le même modèle économique. Arbitrer entre eux revient à comparer des choux et des carottes.

M. Jean-Frédéric Poisson. Ce sont toujours des légumes !

M. Alain Bocquet. Nous reviendrons sur cette question, mais vous comprendrez que nous proposions, dès lors, de supprimer cet article.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

M. Christian Jacob. Ce rappel au règlement est fondé sur l’article 58 du règlement. Ayant suivi en partie l’intervention de M. Bruno Le Roux à la télévision, je souhaiterais revenir sur le bon déroulement de notre séance. Nous sommes passés d’un projet de loi d’une centaine d’articles à un texte, celui qui est issu des travaux de la commission, contenant plus de 200 articles.

Dans l’intervalle, le temps programmé a été décidé. Plusieurs collègues, de différents groupes, ont insisté sur les problèmes qui allaient se poser s’agissant du temps consacré à l’étude de ce texte. Nous sommes ainsi parvenus aux cinquante heures, qui représentent jusqu’à présent la durée maximale. J’estime pour ma part que ce temps ne sera pas suffisant, mais les choses n’ont pas à être laissées au bon vouloir de Bruno Le Roux – je le lui dis aimablement –, à qui il appartiendrait de juger si les interventions relèvent du fond ou de la forme, si elles sont de bon niveau ou non.

La durée d’examen d’un texte relève d’une décision prise par la Conférence des présidents, non dans l’hémicycle. Ce n’est donc pas à Bruno Le Roux de le fixer. Je rappelle d’ailleurs que, désormais, plus aucun groupe parlementaire n’a la majorité absolue dans l’hémicycle.

M. Julien Aubert. Bravo !

M. Christian Jacob. Il faut donc un débat, en Conférence des présidents. Il n’est pas anodin de passer d’une centaine d’articles à plus de 200, dont certains, contenant initialement deux alinéas, sont à présent rédigés en six pages. Nous ne sommes pas, je le dis aussi à M. le ministre, dans un numéro d’éloquence, mais en train de faire du droit. Les réponses doivent être précises. Il est certes sympathique, dans une réponse, de tenter de dire un mot pour chacun. Pourtant, il ne s’agit pas de prendre beaucoup de plaisir à s’écouter parler, comme ce fut le cas hier, monsieur le ministre, mais de répondre, en droit, précisément, aux questions, ce qui n’a pas été fait. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Ce débat en cinquante heures ne permettra pas d’examiner le projet de loi dans des conditions correctes. Et ce n’est pas, encore une fois, à M. Le Roux de juger si les interventions sont de bon niveau, ou pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bruno Le Roux. Celle-là, en tout cas, ne l’était pas !

Article 1er (suite)

M. le président. La parole est à M. Gilles Savary, rapporteur thématique de la commission spéciale, pour donner l’avis de la commission.

M. Gilles Savary, rapporteur thématique de la commission spéciale. Avis défavorable. Cette ordonnance vise à transposer dans les codes le changement de dénomination et de mission de l’ARAF en ARAFER, qui sera discuté au cours de cette séance, aux articles 2 et suivants. Cela n’enlève rien au débat de fond, qui a été engagé par M. Bocquet. Il est simplement demandé à ce que les écritures soient transférées à l’autorité gouvernementale, ce qui me semble constituer un soulagement pour notre assemblée.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Je partage l’avis du rapporteur. Il s’agit d’une simple ordonnance rédactionnelle, qui consiste à refléter les nouvelles compétences de l’ARAF. Pour le reste, le débat qui a été entamé, notamment par M. Bocquet, sera pris en compte dans le reste de la discussion. Vous avez raison de souligner que des contraintes environnementales, intermodales, régionales doivent être intégrées. Les amendements pourront encore améliorer le texte. C’est pourquoi j’émettrai un avis défavorable.

Si vous le permettez, monsieur le président, je voudrais avoir la possibilité de répondre à M. le député Estrosi qui m’a saisi hier soir de différents points au sujet de cet article. Il est normal d’y répondre, de manière précise, comme nous y invitait le président Jacob. Je crois pour ma part avoir toujours répondu de manière factuelle et précise aux interrogations qui ont été soulevées.

Tout d’abord, ce texte inclut bien des dispositions favorables à la production et à notre industrie. Lorsque l’on réforme le financement sur stock, le financement interentreprises, lorsque l’on présente des dispositions visant les industries électro-intensives ou la fibre, oui, on réforme l’industrie du pays. Vous le savez bien, monsieur Estrosi, compte tenu des fonctions qui ont été les vôtres.

Ensuite, vous avez dit de nombreuses inexactitudes hier soir au sujet des ouvertures de capital des sociétés de gestion aéroportuaires – nous aurons l’occasion de revenir sur ce point au cours de la discussion. Premièrement, on ne peut pas comparer Toulouse et Nice. Et là, vous avez raison, monsieur Jacob, il faut être précis.

Il faut être précis parce que l’ouverture du capital de la société de gestion de l’aéroport de Toulouse se trouvait sous les niveaux de compétence législative.

M. Christian Estrosi. C’est ce que j’ai dit hier.

M. Emmanuel Macron, ministre. Il était bien prévu, par décret, que l’ouverture aille jusqu’à 60 %. Ce n’était pas une ouverture minoritaire. Cela a été une décision du Gouvernement.

Deuxièmement, pour que les choses soient plus transparentes – ce qui est aussi mon souhait –, nous avons diminué, à l’initiative de Mme la députée Valter, ces seuils de compétence législative afin que, dans un cas comparable à l’aéroport de Toulouse, un débat parlementaire préalable soit mené. Ce point a aussi fait l’objet d’une discussion en commission spéciale.

Enfin, il ne s’agit pas d’ouvrir ou de privatiser un aéroport. Là encore, la rigueur aide à mieux comprendre et à mieux faire comprendre une disposition à nos concitoyens. Il s’agit d’ouvrir le capital d’une société de gestion : l’aéroport lui-même, avec ses bâtiments, reste propriété publique. En revanche, le capital, détenu dans la société de gestion par les autres partenaires, peut rester entre leurs mains. Le contrat de régulation économique demeure ; les ouvertures de ligne restent dans la main du seul régulateur, l’État, en particulier la direction générale de l’aviation civile.

Il ne s’agit donc que d’ouvrir le capital de la société de gestion. Sur le strict plan patrimonial, l’opération réalisée à Toulouse est une bonne opération. Le cahier des charges sera précisé dans la loi – le texte a été enrichi sur ce point. L’ensemble des intérêts, y compris d’ailleurs ceux des collectivités locales, pourra être pris en compte dans ce document.

Là encore, il faut être précis. J’ai regretté qu’hier vous choisissiez d’attiser les peurs, avec des exemples un peu rocambolesques, comme celui de l’État islamique, qui n’étaient pas du niveau du débat.

Ce sujet est important. C’est d’ailleurs pourquoi je vous ai appelé, monsieur le député, avant que cette disposition ne figure dans le projet de loi, par courtoisie. Vous ne le nierez pas : je vous ai appelé, je vous en ai tenu informé. C’était la moindre des choses, mais je voulais le rappeler ici. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas.

M. Jean-Louis Roumegas. Les écologistes n’ont pas déposé d’amendement de suppression de l’article 1er. Je voudrais m’en expliquer et exposer l’état d’esprit dans lequel nous abordons l’examen de ce texte.

Je partage les critiques faites sur le principe des ordonnances. Nous les émettrons également, en particulier lorsqu’il s’agira de réformer par ordonnance le droit de l’environnement. Cela est inacceptable étant donné l’ampleur de l’habilitation demandée et la matière elle-même.

Quand il s’agit simplement d’application et de domaines techniques, où les choses sont suffisamment cadrées, il ne faut pas tomber dans l’excès. Nous ne refusons donc pas ce que propose le Gouvernement dans cet article 1er.

En deuxième lieu, pour des raisons de fond également, nous sommes favorables à l’intermodalité et cela ne nous choque absolument pas que l’ARAF étende ses compétences à la route s’il s’agit de faire de l’intermodalité – mais en aucun cas s’il s’agit d’instaurer une concurrence entre le rail et la route. Mais c’est là le débat que nous aurons à l’article 2.

Je vous prie de noter, à ce stade, l’état d’esprit avec lequel nous abordons ce débat : nous sommes globalement opposés à la philosophie et à la méthode de ce texte, mais n’y entrons pas avec des postures. Je vous demande d’en prendre bonne note, monsieur le ministre, car c’est la critique un peu facile que vous nous avez opposée en commission. Or, nous vous avons démontré que nous affrontions les débats de fond et que nous nous prononcerions sur le fond.

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. L’amendement qui nous a été proposé à propos des ordonnances pose, plus généralement, la question de la méthodologie. On voit bien en effet que ce texte, qui balaie de nombreux sujets et que certains pourront qualifier de « fourre-tout », est passé d’une centaine d’articles à deux cents, doublant donc de volume, pour être examiné dans un temps programmé. On peut donc se demander – et je suis assez sensible aux arguments développés en ce sens par M. Cherki – à quoi sert le Parlement.

M. Marc Dolez. Eh oui !

M. Julien Aubert. Ce n’est pas la première fois que nous rencontrons cette situation. Le texte relatif à la transition énergétique, par exemple, a lui aussi été traité, ne vous en déplaise, monsieur Brottes, à la hussarde, et lui aussi en temps programmé.

Voilà donc un sumotori législatif que l’on essaie d’engoncer dans le tutu du temps programmé et qui aura beaucoup de mal à danser ! (Sourires.)

Les parlementaires que nous sommes devraient s’interroger sur la méthodologie du travail car, si le Parlement veut être respecté, il doit travailler dans de bonnes conditions. Peut-être la question des ordonnances ne s’applique-t-elle pas ici, mais le recours multiple à cette procédure pose tout de même, au-delà des questions juridiques, la question du positionnement du Parlement par rapport à l’administration.

M. le président. La parole est à M. Christian Estrosi.

M. Christian Estrosi. Monsieur le ministre, puisque vous profitez de cet amendement pour apporter des réponses et que vous adoptez, comme toujours, cette posture pleine de certitude qui ne saurait cependant plus faire croire à quiconque que vos réponses ne comportent pas une part d’affabulation, je formulerai quelques précisions. Vous aurez beau les nier, il existe, comme vient de le rappeler M. Jacob, des évidences juridiques devant lesquelles vous ne pouvez pas vous dérober.

Ainsi, la vente de parts publiques de l’aéroport de Toulouse n’a pas été soumise à débat législatif parce que vous avez fait appel à un actionnariat minoritaire et c’est bien pour cette raison que l’acquéreur n’a acquis que 49,99 % de ces parts. Si vous êtes aujourd’hui obligé – je dis bien : obligé – de soumettre au débat législatif la vente des plates-formes aéroportuaires de Nice et de Lyon, c’est parce que vous l’avez décidée unilatéralement, sans engager aucun dialogue avec l’ensemble de vos partenaires – conseils généraux, conseils régionaux, chambres de commerce et d’industrie, communautés urbaines ou métropoles. Tout juste m’avez-vous appelé un samedi soir à 18 heures 15, à ma grande surprise, pour me prévenir, par courtoisie républicaine, que, le mercredi matin suivant, vous présenteriez en conseil des ministres un texte par lequel le Gouvernement déciderait unilatéralement de mettre en vente une part majoritaire de l’aéroport international de Nice, deuxième aéroport international de France après Charles-de-Gaulle et avant Orly. Estimez-vous que c’est ainsi que l’on doit travailler entre un grand ministère comme celui dont vous avez la responsabilité, les parlementaires et de grands élus locaux qui ont la charge d’une politique d’aménagement du territoire – dont font partie les plates-formes aéroportuaires ?

En effet, lorsque nous bâtissons une opération d’intérêt national et décidons la construction d’une technopole urbaine, d’un grand centre d’affaires, d’un centre international d’expositions – pour l’essentiel aux frais de la collectivité – et d’une ligne de tramway d’un coût de 750 millions d’euros, qui partira des terminaux 1 et 2 de l’aéroport pour croiser une nouvelle gare ferroviaire centrale en face de ce dernier, sans compter le débouché routier avec l’aménagement d’une gare routière, à qui doit-on la valorisation qui permet aujourd’hui à l’État d’engranger des dividendes sur le dos de la collectivité ? Vous êtes en train de spolier le patrimoine de certains de celles et ceux qui, ces dernières années, ont investi dans ces équipements sans l’aide de l’État – ou avec une aide faible et minoritaire.

Monsieur le ministre, j’ai engagé pour le 19 février prochain, conformément au code général des collectivités territoriales et avec la validation du contrôle de légalité exercé par le préfet des Alpes-Maritimes, une consultation de celles et ceux dont je considère que cet aéroport est le patrimoine, c’est-à-dire des habitants de la cinquième ville de France, qui auront à s’exprimer librement. Vous avez beau mépriser les parlementaires de tous bords qui siègent dans cet hémicycle, je vous pose la question : mépriserez-vous de la même manière ou respecterez-vous ce que décidera le peuple de France par la voix des électeurs niçois ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Caullet.

M. Jean-Yves Caullet. Il est difficile de reprocher d’un côté le recours aux ordonnances et, d’un autre côté, de critiquer l’inscription de ces dispositions dans le texte et l’hypertrophie qui se serait produite entre le texte examiné en commission et celui qui est discuté dans l’hémicycle.

Pour ce qui est par ailleurs du débat de principe, ce n’est pas cet article qui, compte tenu de son contenu, s’y prête le mieux. Il me semble donc nécessaire de repousser ces amendements de suppression.

(Les amendements identiques nos 1837 et 3092 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Richard Ferrand, rapporteur général de la commission spéciale, pour soutenir l’amendement n° 904.

M. Richard Ferrand, rapporteur général de la commission spéciale. Cet amendement est rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Avis favorable.

(L’amendement n904 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Richard Ferrand, rapporteur général, pour soutenir l’amendement n905.

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Il s’agit également d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Avis favorable.

(L’amendement n905 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 1740 et 2891.

La parole est à M. Bertrand Pancher, pour soutenir l’amendement n1740.

M. Bertrand Pancher. L’introduction de l’ARAF dans la régulation des opérations liées aux autoroutes, qui est évidemment une très bonne initiative, demandée par tous, a pour conséquence que cet organisme change de nom. Ses compétences sont cependant appelées à évoluer à court terme vers le secteur routier et autoroutier, à moyen terme vers le secteur fluvial et – pourquoi pas ? –, à long terme, vers le secteur aérien. Afin d’éviter des changements répétés de dénomination, il semble préférable d’adopter dès à présent la dénomination d’« Autorité de régulation des transports ».

M. le président. La parole est à M. Joël Giraud, pour soutenir l’amendement n2891.

M. Joël Giraud. Pour les mêmes raisons, plus encore que parce que cet acronyme d’ARAFER serait difficile à prononcer, nous proposons la transformation du nom de l’autorité de régulation. La dénomination d’« Autorité de régulation de la mobilité », plus générale, a même été envisagée pour plus de clarté et de simplicité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Avis défavorable, car tous les transports ne sont pas concernés – cela viendra peut-être un jour, mais il serait aujourd’hui abusif de dénommer cet organisme « autorité de régulation des transports ». Il est notamment très peu probable que le transport aérien relève un jour de cette autorité, car il est régulé par une structure indépendante au sein de la direction générale de l’aviation civile – la DGAC. Je vous propose donc de ne pas voter cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Avis défavorable également, pour les mêmes raisons à ce stade.

M. le président. La parole est à M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Je retire l’amendement n1740.

M. le président. La parole est à M. Joël Giraud.

M. Joël Giraud. Je retire également l’amendement n2891.

(Les amendements identiques nos 1740 et 2891 sont retirés.)

M. le président. La parole est à M. Richard Ferrand, rapporteur général, pour soutenir l’amendement n907.

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Cet amendement est rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Avis favorable.

(L’amendement n907 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements, nos 1205, 2902, 1206 rectifié et 663, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 1205 et 2902 sont identiques.

La parole est à M. François-Michel Lambert, pour soutenir l’amendement n1205.

M. François-Michel Lambert. Il est judicieux de créer une autorité de régulation, mais il est surtout primordial de lui donner les moyens d’agir pour remplir les missions que nous lui confierons. Cet amendement vise donc à permettre que le budget de la future ARAFER ne repose pas sur les seuls prélèvements opérés sur le système ferroviaire, mais également sur un droit fixe perçu sur les entreprises de transport public routier de personnes et sur les concessions d’autoroutes. Le droit fixe perçu sur les entreprises ferroviaires est défini par un article, mais il importe que nous puissions renforcer le financement de l’ARAFER. Tel est donc le sens de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Joël Giraud, pour soutenir l’amendement n2902.

M. Joël Giraud. Cet amendement se recommande pour les mêmes raisons : l’ARAF devenant l’ARAFER et acquérant des compétences dans le domaine routier, et le seul financeur de cette autorité de régulation demeurant la SNCF, il semble logique d’étendre ce système de financement à l’ensemble des autorités concernées par cette nouvelle autorité de régulation.

M. le président. La parole est à M. François-Michel Lambert, pour soutenir l’amendement n1206 rectifié.

M. François-Michel Lambert. L’amendement n1206 rectifié, qui repose sur le même principe – à savoir qu’il nous faut trouver les moyens de financer l’ARAFER –, propose une autre approche.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n663.

M. Jean-Frédéric Poisson. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Je suis un peu gêné et je souhaiterais que le Gouvernement prenne quelques engagements, car cet amendement est parfaitement recevable. Aujourd’hui, en effet, l’ARAF est financée par un prélèvement sur les entreprises ferroviaires. Il s’agit donc d’une redevance ou de taxe parafiscale qui finance le régulateur par les régulés. Si nous élargissons demain le champ de la régulation à de nouveaux régulés, en particulier les entreprises d’autocars et les autoroutes, il semble tout à fait légitime d’étendre ce droit fixe, sans aller chercher dans le budget de l’État, pour les uns le financement de l’ARAFER et pour les autres une cotisation. En tous les cas, il serait très injuste que le ferroviaire supporte seul le financement d’un dispositif qui concerne d’autres secteurs. Le dispositif proposé par l’amendement me semble donc, je le répète, parfaitement recevable.

La seule question que je me pose est de savoir si cela ne devrait pas être traité en loi de finances. Surtout, les négociations avec les autoroutes n’étant pas terminées, il ne faudrait pas que, si nous dégainons trop vite un droit fixe autoroutier sans leur en avoir parlé, elles brandissent immédiatement une demande de compensation.

Je souhaiterais savoir quelle est la position du ministre. Je souhaiterais en tout cas qu’il s’engage, si c’était possible, à ce que l’on revienne à cette disposition par un autre véhicule législatif reposant sur le principe de l’extension du droit fixe.

Sous cette réserve, avis défavorable. Je demande donc à mes collègues de retirer leurs amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Pour les mêmes raisons, je demanderais plutôt, moi aussi, le retrait de ces amendements, même si, comme le rapporteur, je partage pleinement la philosophie des amendements déposés. Il est certain que l’ARAF, étendue à ses nouvelles compétences et devenue ARAFER, ne peut être financée uniquement par le secteur ferroviaire. L’idée de droits fixes portant d’une part sur les autocaristes et, d’autre part, sur les sociétés concessionnaires d’autoroutes est donc une solution qu’il convient d’analyser.

Deux éléments me conduisent cependant à proposer le retrait de ces amendements.

Tout d’abord, comme l’a rappelé le rapporteur, un groupe parlementaire multipartisan s’est précisément réuni ce matin pour travailler sur la renégociation de ces contrats et sur les équilibres juridiques et économiques avec les sociétés concessionnaires d’autoroutes. Introduire ici un changement majeur dans cet équilibre ne me paraît donc pas opportun.

En deuxième lieu, l’ARAFER ne devant pas entrer en vigueur avant le 1erjanvier 2016, la loi de finances me semble donc un véhicule bien plus indiqué pour examiner les charges et les éventuels droits fixes à faire porter sur ces nouveaux secteurs. Je demande donc, je le répète, le retrait de ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Peut-on connaître l’avis du rapporteur et du Gouvernement sur chacun des amendements ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Avis défavorable sur l’ensemble des amendements.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je constate donc qu’à ce stade, les rapporteurs et le Gouvernement refusent de prendre l’engagement formel de ne pas recourir à une taxe nouvelle pour financer cette nouvelle autorité.

C’est un constat que je veux faire. Malgré l’engagement pris il y a quelques semaines par le Président de la République de n’instaurer aucune nouvelle taxe – en tout cas pour 2015 ; pour la suite, nous verrons ! –, voilà une première entorse aux engagements du Président de la République. Ce n’est pas la première et ce n’est certainement pas la dernière : il fallait que cela soit signalé ici. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. Monsieur Lambert, retirez-vous vos amendements ?

M. François-Michel Lambert. Nous pouvons effectivement retirer ces amendements, mais je tiens à appeler votre attention sur le fait qu’il nous semble que, au-delà de la philosophie, il serait quand même très difficile d’un point de vue constitutionnel de faire supporter à un seul mode le financement d’une autorité de régulation qui couvre plusieurs modes.

Ayant confiance dans l’engagement présenté par M. le ministre, nous retirons ces deux amendements, tout en rappelant qu’il est inéluctable que le financement de cette autorité de régulation soit assuré par tous les modes concernés par la régulation.

(Les amendements nos 1205 et 1206 rectifié sont retirés.)

M. le président. Monsieur Giraud, retirez-vous votre amendement ?

M. Joël Giraud. Oui, monsieur le président, avec une précision : compte tenu des propos du ministre, le sujet en question sera étudié au sein du groupe de travail sur les concessions autoroutières, nous permettant d’évoquer ce point particulier du financement de l’autorité de régulation de ce secteur. Sous cette réserve, je retire bien évidemment mon amendement.

(L’amendement n2902 est retiré.)

M. le président. L’amendement n663 est-il maintenu, monsieur Poisson ?

M. Jean-Frédéric Poisson. Et comment !

M. le président. C’est ce que nous avions compris !

(L’amendement n663 n’est pas adopté.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Quelle trahison !

M. le président. La parole est à M. Richard Ferrand, rapporteur général, pour soutenir l’amendement n908.

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Amendement rédactionnel.

(L’amendement n908, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Richard Ferrand, rapporteur général, pour soutenir l’amendement n909.

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Rédactionnel.

(L’amendement n909, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 1742 et 2896.

La parole est à M. Bertrand Pancher, pour soutenir l’amendement n1742.

M. Bertrand Pancher. Cet amendement a pour objectif de permettre à l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, l’ARAFER, de recueillir toutes les données des entreprises ferroviaires – nous aurions pu, il est vrai, déposer cet amendement lors de l’examen de la réforme ferroviaire.

Le présent alinéa fait référence au nouvel article du code des transports qui permet à l’ARAFER de « recueillir des données, procéder à des expertises et mener des études et toutes actions d’information nécessaires dans le secteur des services réguliers non urbains de transport routier de personnes. »

Les entreprises concernées doivent transmettre à l’ARAFER, après demande, des informations jugées utiles par l’autorité de régulation pour rendre son avis. En cas de manquement à ce devoir, les entreprises peuvent être sanctionnées administrativement.

Afin de rendre le travail de l’ARAFER plus efficace et plus exhaustif, il est proposé par cet amendement de permettre à l’autorité de régulation de recueillir également des informations des entreprises ferroviaires. Il semble en effet important de renforcer les pouvoirs de l’ARAFER en matière de recueil de données en élargissant celui-ci, pour des besoins d’instruction des projets de décisions d’interdiction ou de restriction de service par les autorités organisatrices de transports – les AOT –, aux entreprises ferroviaires.

En effet, l’ARAFER ne pourra porter un avis sur le risque d’une atteinte substantielle à l’équilibre économique d’un service public ferroviaire que sur la base de données que seules les entreprises ferroviaires peuvent lui fournir. L’objectif est donc de faire en sorte que l’on traite les rapports entre l’ARAFER et les sociétés ferroviaires comme on traitera ceux entre l’ARAFER et les sociétés de transport routier de personnes.

M. le président. La parole est à M. Joël Giraud, pour soutenir l’amendement n2896.

M. Joël Giraud. Le présent amendement s’inscrit dans un contexte de dépôt d’un certain nombre d’amendements par mon groupe en matière de recueil de données. Il convient aujourd’hui que l’ARAFER dispose de ces données, qui ne sont pas forcément fournies par les opérateurs ferroviaires. On le constate aujourd’hui : même dans le cadre de la mission relative aux trains d’équilibre du territoire, le simple fait de demander le nombre de passagers transportés commercialement dans un certain nombre de services relève du « confidentiel défense » ! Si l’ARAFER ne dispose pas de ces données de manière très claire, elle ne sera pas en mesure d’exercer correctement son travail ; c’est la raison de cet amendement.

(Les amendements identiques nos 1742 et 2896, acceptés par la commission et le Gouvernement, sont adoptés.)

(L’article 1er, amendé, est adopté.)

Après l’article 1er

M. le président. La parole est à M. François-Michel Lambert, pour soutenir l’amendement n2438.

M. François-Michel Lambert. Il s’agit ici de faire en sorte que le développement de lignes d’autocars aille de pair avec le respect des engagements en termes de développement durable, concernant notamment la pollution et les gaz à effet de serre. Cet amendement vise à soumettre les véhicules à des normes d’émission de polluants atmosphériques : définies par arrêté ministériel, elles permettraient d’exiger que les autocars utilisés respectent la norme Euro 6.

De plus, le suivi de l’évolution des normes permettra, à chaque évolution, d’exiger que la qualité et la performance des moyens et des véhicules mis en œuvre soient les meilleures en termes d’impact environnemental et de gaz à effet de serre.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. J’ai eu quelques scrupules concernant les petites entreprises, qui ne doivent pas être immédiatement déclassées par rapport aux grands groupes, ce secteur étant déjà très concentré. Mais je crois que cet amendement est vertueux et, renseignements pris, même les PME et PMI du groupe Réunir, c’est-à-dire celles qui veulent se lancer sur ce marché, sont déterminées à offrir le meilleur, en particulier sur le plan environnemental.

Cela répond en outre à la question de M. Bocquet : une disposition adoptée aujourd’hui dans cette assemblée et inscrite dans la loi ne pourra pas échapper à l’acuité du régulateur.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Pour les mêmes raisons, avis favorable.

(L’amendement n2438 est adopté.)

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Quel talent, monsieur Lambert !

M. le président. La parole est à M. François-Michel Lambert, pour soutenir l’amendement n2371.

M. François-Michel Lambert. Je vous remercie pour l’adoption de l’amendement précédent.

Le présent amendement se trouve être en lien avec une actualité criante : hier, le ministre de l’intérieur a rappelé que les chiffres de la mortalité routière étaient repartis à la hausse l’année dernière. L’un des axes sur lesquels il propose de s’engager concerne l’alcoolémie. Nous proposons donc avec cet amendement que tous les autocars soient équipés d’un éthylotest antidémarrage, afin de participer à cette lutte contre l’insécurité routière.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. J’y suis favorable, sous réserve que l’on ne surcharge pas la loi de dispositions déjà adoptées, en particulier sur le plan réglementaire. Or il me semble que les dispositifs éthylotests antidémarrage sont valides à partir du 1erseptembre 2015 sur tous les autocars en France, en application de l’article 70 bis de l’arrêté du 13 octobre 2009 modifiant l’arrêté du 2 juillet 1982.

Sous réserve de vérification de ces informations – elles émanent toutefois d’un document très officiel du commissariat général au développement durable –, il ne me semble donc pas nécessaire d’inscrire dans la loi ce qui est déjà mis en œuvre.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Je rejoins M. le rapporteur sur ce point : l’amendement est presque satisfait. Cela étant, je crois que l’inscrire dans la loi permettrait de l’appliquer au-delà du règlement qui vient d’être cité et rendrait encore plus forte cette obligation qui, compte tenu de l’actualité que vous avez rappelée et de la question posée cet après-midi dans l’hémicycle au ministre de l’intérieur, me paraît de bon aloi. L’avis est donc favorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je souhaite préciser très brièvement, avec un peu de retard à l’allumage, que notre groupe n’a pas pris part au scrutin sur l’article 1er, compte tenu du défaut d’engagement du Gouvernement sur le fait de ne pas recourir à un impôt nouveau pour financer l’ARAFER ; cette explication de vote est tardive, mais elle est faite.

Sur cet amendement, mon cher collègue, je regrette que mention ne soit pas faite, au nombre des interdictions et des restrictions, de la consommation de stupéfiants, qui est un fléau au moins aussi lourd dans l’accidentologie que les problèmes liés à l’alcoolémie. Je regrette donc que la mention ne soit pas faite ; c’est simplement une remarque en passant, qui rejoint la question posée par notre collègue Geoffroy cet après-midi.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Je voudrais répondre à M. Poisson que les engagements présidentiels seront tenus, le débat que nous avons pu avoir sur l’article 1er consistant simplement à répartir la charge entre différents secteurs. Les droits fixes qui seraient éventuellement envisagés sur les sociétés concessionnaires, d’une part, et sur les autocaristes, d’autre part, conduiraient à revoir la charge pesant sur le secteur ferroviaire, afin que celui-ci ne soit pas seul à financer l’autorité de régulation.

Je peux donc vous rassurer, comme je l’ai déjà fait : engagement est pris que l’ARAFER nouvelle aura un budget. Ce budget nécessitera un financement, lequel sera réparti entre trois catégories d’acteurs et non plus une seule : ce n’est pas l’idée que je me fais de l’augmentation de la fiscalité.

M. Christian Jacob. Ce budget sera-t-il constant ?

M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre.

M. Frédéric Lefebvre. Je souhaite souligner que l’amendement n2438 qui a été adopté tout à l’heure – ce dont je me félicite – est similaire à l’amendement n5 que j’ai déposé à l’article 2, lequel porte sur les autocars. Je suis heureux que notre collègue ait déposé un amendement similaire et, puisqu’il a été adopté, le mien sera retiré le moment venu.

Mais je veux simplement, à ce moment du débat, poser la question au service de la séance sur les raisons pour lesquelles ces amendements ne sont pas venus en discussion commune puisqu’ils sont similaires. Mon collègue a déposé il y a quelques jours un amendement portant article additionnel après l’article 1er qui est exactement identique à l’amendement que j’avais déposé au tout début du texte sur l’article 2. Je suis très heureux qu’il soit adopté, puisque c’est l’amendement que je défendais sur la norme Euro 6 – je pense qu’il est effectivement important que ces services de cars ne soient pas polluants. J’aimerais néanmoins obtenir une réponse, monsieur le président – sans allonger nos travaux : je peux l’avoir un peu plus tard –, car il est important pour nos débats de savoir pour quelle raison ils n’étaient pas en discussion commune.

M. le président. Nous allons vérifier.

Je mets donc aux voix l’amendement n2371, qui a recueilli l’avis favorable du Gouvernement.

La commission souhaite-t-elle de nouveau s’exprimer sur ce point ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Je voterai pour cet amendement.

(L’amendement n2371 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 2689, 2546 et 2910 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 2546 et 2910 rectifié sont identiques, et font l’objet de deux sous-amendements, nos 3175 et 3176.

La parole est à M. François-Michel Lambert, pour soutenir l’amendement n2689.

M. François-Michel Lambert. Afin d’avoir une performance accrue dans les transports, il est nécessaire d’ouvrir l’accès à l’information ; il s’agit de ce que l’on appelle l’open data.

Avec votre permission, monsieur le président, je vais défendre en même temps les deux amendements no2689 et 2546.

L’amendement n2689 prend en compte la réalité des flux – arrêts, horaires, activité du trafic de transport public de personnes – afin que ces informations soient accessibles et puissent être réutilisées, notamment pour établir des statistiques ou pour permettre à d’autres de faire une offre plus performante.

L’amendement suivant, n2546, se contente de prendre en compte les seuls horaires planifiés et non les horaires réellement constatés. Il s’agit d’un amendement de repli. Je souligne qu’il serait préférable d’adopter le premier amendement, car il exprime la réalité des faits : ce n’est que sur la réalité des faits que d’autres peuvent s’appuyer statistiquement pour présenter des offres performantes, des offres alternatives permettant d’améliorer le système. Si nous nous contentons des horaires planifiés, nous n’aurons pas la réalité des faits et nous risquons d’avoir des réponses en termes d’offres de transport qui ne seront pas à la hauteur du besoin.

M. le président. La parole est à M. Joël Giraud, pour soutenir l’amendement n2910 rectifié.

M. Joël Giraud. Toujours sur le sujet de l’open data, c’est-à-dire des données d’information, la situation actuelle est la suivante : dans notre pays, au contraire d’autres pays voisins comme l’Allemagne ou la Confédération helvétique, les données de transport, ne serait-ce que les horaires, ne font pas partie des éléments mis à disposition du public dans des conditions normales.

Ainsi, si vous voulez obtenir des horaires relatifs à la mobilité en France, vous consultez le site « voyages-sncf.com », qui est en fait une agence de voyages et non un service produisant des données « brutes de décoffrage » – au contraire de la Deutsche Bahn qui, elle, met à disposition l’ensemble des horaires des services gérés tant par la Deutsche Bahn que par d’autres compagnies ferroviaires, sans que cela ne pose de problème. De ce fait, la mobilité en elle-même s’en trouve favorisée, puisque l’on a une vision globale des possibilités offertes, ce qui est important.

En France, c’est tout le contraire. Si vous avez le malheur de vouloir aller de Paris à Venise par un train de nuit, par exemple, vous ne trouverez pas cette liaison sur le site sncf.com parce qu’elle relève d’une entreprise gérée conjointement par Trenitalia et le groupe Veolia. En conséquence, vous pouvez ignorer que cette liaison existe. Entre Marseille et Milan, il y a des liaisons directes, mais là encore, même gestion, même punition : on n’a pas le droit de savoir que ces trains existent. Les exemples sont innombrables.

A cela s’ajoute le fait que pour aller d’un point A à un point B, il arrive que le portail informatique vous propose, parce que c’est vachement plus rentable, un itinéraire passant par un point C très éloigné, ce qui vous fait consommer plus de kilomètres et dépenser plus d’argent au bénéfice de l’opérateur ferroviaire.

Les données doivent être vraiment ouvertes, pour permettre à chacun d’être informé sur l’ensemble des services à sa disposition. Cela favorisera la mobilité, sera bénéfique pour l’économie et l’environnement, tout en limitant le recours à la voiture individuelle.

Voilà pourquoi il est extrêmement important de se poser aujourd’hui cette question de l’ouverture des données. Nous sommes le pays où le système est le plus verrouillé, du fait de l’opérateur historique. Les autres pays ont su imposer des obligations à leur opérateur historique, alors que nous n’avons pas su mettre en place un service public d’information en matière de transport, pourtant crucial si on veut gagner le pari de la transition écologique.

M. le président. Je suis saisi de deux sous-amendements, nos 3175 et 3176, pouvant faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Lionel Tardy, pour les soutenir.

M. Lionel Tardy. J’ai déposé un amendement dont l’objet est identique à celui de l’amendement n2910 rectifié. Mon but est que SNCF Mobilités, opérateur public, libère l’ensemble des données de transport ferroviaire en open data, et ce pour toutes les entreprises de transport de voyageurs. L’amendement du groupe RRDP est plus large, puisqu’il concerne tous les transports collectifs. Voilà pourquoi je peux m’y rallier sur le principe.

Cependant je ne peux y souscrire totalement, sa définition de l’open data me paraissant trop restrictive. Le projet de loi numérique proposera peut-être une réforme d’ensemble dans quelques mois, mais il sera sans doute nécessaire de définir un cadre contraignant pour assurer la mise en place de l’open data : si on laisse une trop grande marge de manœuvre, les réticences risquent de l’emporter. C’est pourquoi la proposition de renvoyer le soin de définir les modalités d’application à un décret sur lequel nous n’aurons pas de prise me laisse sceptique.

C’est surtout la formule de « réutilisation aisée » qui suscite mon scepticisme. L’open data n’est pas la réutilisation aisée, mais la mise en ligne de données parfaitement réutilisables, un point c’est tout. Telle est la raison d’être de mon sous-amendement n3175.

Quant au sous-amendement n3176, il vise à ce que les informations sur l’accessibilité du réseau aux personnes handicapées fassent obligatoirement partie des données à ouvrir. Il rejoint l’amendement n2619 rectifié du groupe socialiste, qui m’apparaît un peu bancal, notamment par son utilisation du terme « open data ». En outre, je considère qu’il revient plutôt au Gouvernement de veiller à l’open data en définissant directement ces obligations.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Sur le fond, la commission est pleinement d’accord avec ces amendements, qui visent à lutter contre une rétention d’information abusive, comme nos collègues Giraud et Lambert l’ont souligné. On n’est pas capable aujourd’hui de mettre en place la plate-forme d’information multimodale nécessaire à des usages qui sont fondamentalement multimodaux. Chacun reste limité à son « sillon modal », quand ce n’est pas à son entreprise.

C’est un point sur lequel nous devons absolument progresser. Cette nécessité est d’autant plus pressante à un moment où l’on souhaite ouvrir le transport par autocar : si on veut pouvoir mesurer l’impact de ces mesures sur les lignes de service public, on a besoin de savoir où les gens descendent et où ils montent, quel que soit l’opérateur en cause. On voit que le sujet est essentiel.

En commission, le Gouvernement nous a dit clairement qu’il approuvait le fond de ces amendements, mais qu’il souhaitait que ce sujet soit traité dans le cadre du futur projet de loi numérique. C’est pourquoi il a sollicité leur retrait au bénéfice de son engagement de fixer une clause de revoyure. Il est vrai qu’on ne réglera pas un tel problème, plus compliqué qu’il n’y paraît – la SNCF est une entreprise gigantesque et certaines des données à caractère commercial dont elle dispose doivent rester confidentielles –, au détour d’un amendement. Il n’en est pas moins impératif de régler ce problème.

Par ailleurs, je trouve comme M. Tardy que la rédaction de ces amendements n’est pas extrêmement heureuse. Que signifie « les principales données » ? La SNCF vous répondra que celles dont elle est le « détenteur » figurent déjà sur le site sncf.com. De même la notion de « réutilisation aisée » n’est pas suffisamment précise.

M. Lionel Tardy. Ce n’est pas la rédaction que je vous ai proposée !

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Vous ne m’avez pas écouté, monsieur Tardy : je disais justement que la version initiale était plus précise.

J’aimerais entendre le Gouvernement avant de formuler un avis.

Mme Laure de La Raudière. C’est donc un avis de sagesse ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Je n’ai fait que résumer le débat qui a eu lieu en commission. J’aimerais maintenant entendre le Gouvernement sur ce sujet et je vous indiquerai ma position en fonction de ce que M. le ministre aura dit.

Mme Laure de La Raudière. C’est incroyable !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Nous avons eu l’occasion en effet de dire devant la commission spéciale combien nous partageons la philosophie de ces amendements et sous-amendements, qui vont tout à fait dans le sens de ce que le Gouvernement veut faire, dans ce secteur comme dans d’autres.

Le problème, c’est que nous sommes précisément en train de travailler sur ce sujet : une consultation très large a été lancée à la fin de l’année dernière, dont nous attendons les résultats. L’idée est d’intégrer ce dispositif dans la loi numérique. Il ne s’agit donc pas de m’opposer au principe de ces dispositions, mais de vous inviter à les proposer dans le cadre de l’examen du projet de loi numérique.

Mme Laure de La Raudière. Quand ?

M. Emmanuel Macron, ministre. C’est donc par esprit de cohérence que je vous invite à retirer l’ensemble de ces amendements, en rappelant que nous partageons la philosophie de ces propositions et de ces précisions.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Nous entendons votre propos, monsieur le ministre, mais puisque nous sommes d’accord sur le fond et que la commission s’est exprimée en ce sens à l’unanimité, et puisque, sans mettre en doute votre parole, nous ne pouvons pas négliger les risques qui pèsent sur tout calendrier législatif à caractère prospectif, il nous semblerait sage d’adopter dès maintenant cet amendement et les sous-amendements. Un tel vote serait même utile au futur projet de loi numérique, qui serait ainsi doté d’un premier volet.

M. Lionel Tardy et Mme Laure de La Raudière. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Il se trouve que je préside un observatoire de l’open data, qui réunit tous les spécialistes de l’open data, des collectivités comme des entreprises, publiques et privées, au nombre desquels figure un certain nombre des parlementaires ici présents.

Je n’ai pas besoin de vous rappeler à quel point les enjeux sont considérables tant sur le plan économique qu’en termes de démocratie. Il ne me semble pas possible de traiter d’un sujet aussi complexe au travers d’un amendement de ce type.

En effet, si les administrations sont tenues de transmettre leurs données, sous forme papier ou sous forme numérique, cette obligation n’existe pas pour les établissements publics, les établissements de santé, les concessions, etc. Il faut donc avoir une réflexion d’ensemble.

C’est l’intérêt du futur projet de loi numérique. Celui-ci présente en outre l’avantage de faire l’objet d’une large consultation de l’ensemble des acteurs concernés. En effet, il faudra déterminer, non seulement où placer la jauge entre les différentes organisations tenues de mettre à disposition leurs données mais aussi le caractère de ces données. S’agira-t-il de données brutes, souvent inaccessibles, de données précises ? Qui financera leur mise à disposition ? Autre question très importante : a-t-on intérêt à assurer leur accessibilité via un seul site de consultation de l’ensemble des données publiques en France, ou devra-t-on laisser à chaque organisme le soin de publier les données qu’il détient ? Sans accord sur ces points, c’est à coup sûr le bazar organisé.

C’est pourquoi il est essentiel de consulter l’ensemble des acteurs concernés et avec lesquels nous passons notre temps à travailler, comme en atteste une abondante littérature que je tiens à votre disposition.

Pour toutes ces raisons je pense que ce serait une vraie erreur de voter une disposition limitée à ce sujet précis, même si elle n’est pas sans intérêt, sans régler le problème dans son ensemble, d’autant que le futur projet de loi qui, je le répète, sera précédé d’une vaste consultation, va nous en donner très prochainement l’occasion. Ne donnons pas une fois de plus le sentiment que le Parlement décide seul sous prétexte que tel ou tel a des idées sur la question. Tous les acteurs concernés par la question de l’open data sont actuellement à la manœuvre. J’ai moi-même organisé la semaine dernière un débat en ligne, qui a suscité plus de mille contributions, qui vont toutes dans le même sens.

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Je veux bien tout entendre, mais il y a un moment où il faut arrêter de tourner autour du pot. Pourquoi attendre un hypothétique projet de loi numérique qu’on nous annonce depuis deux ans sans nous indiquer le moindre calendrier ?

Ma proposition ne fait qu’appliquer la stricte définition de l’open data, puisqu’elle vise, non pas à assurer que ces données seront « rendues accessibles par leur détenteur de manière à permettre leur réutilisation aisée », ce qui ne veut absolument rien dire, mais qu’elles seront « mises à disposition du public en ligne sous un format ouvert et librement réutilisable », quitte à définir ensuite les modalités de cette mise à disposition. C’est tout simple, et il est inutile de tourner autour du pot.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre.

M. Frédéric Lefebvre. Je propose, dans l’amendement n7 à l’article 2, un dispositif similaire, s’agissant des services de transport collectif par autocar, à celui proposé par ces amendements portant article additionnel – à ce propos, j’attends toujours la réponse à ma question précédente.

Je pense pour ma part que notre assemblée aurait tout intérêt à se prononcer aujourd’hui, quitte à renvoyer au futur projet de loi le soin d’entrer dans le détail si cela est nécessaire.

L’amendement n7, dont la portée est plus large, propose que ces nouveaux services répondent à un cahier des charges prévoyant notamment des obligations en termes d’équipement wifi ou d’accès à l’information, mais on peut parfaitement imaginer que ces points soient précisés par la voie réglementaire, comme l’amendement de M. Giraud le prévoit.

Sur un sujet qui semble faire consensus sur tous les bancs de cette assemblée – pour la bonne raison qu’il n’y a pas un Français qui ne souhaite pas bénéficier de ce type de services –, il me paraîtrait utile d’en arrêter d’ores et déjà le principe dans ce texte, quitte à y revenir autant que nécessaire dans le cadre de la future loi numérique si le besoin se faisait sentir de préciser tel ou tel point, notamment pour répondre aux inquiétudes qui viennent d’être exprimées par mon collègue de l’UDI.

M. le président. Je réponds à votre question précédente, monsieur Lefebvre. Il est vrai que l’amendement que vous avez déposé à l’article 2 était similaire à l’amendement n2438. Cependant, comme ils ne se référaient pas au même texte, ni au même code, il n’était pas obligatoire de les discuter en même temps. En tout état de cause, votre demande est, de fait, satisfaite.

La parole est à M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. C’est maintenant qu’il faut poser la question de l’open data, sans attendre un futur projet de loi dont je ne doute pas qu’il sera de qualité. Mais ce projet de loi « Macron » ayant pour objectif de libérer les énergies et l’initiative, de répondre aux attentes des Français et de favoriser autant que possible le développement économique, son examen est l’occasion de débattre du rôle de l’open data dans la mobilité. C’est pourquoi je vous propose d’adopter ce dispositif maintenant, en renvoyant à un décret le soin de fixer les modalités de sa mise en œuvre.

J’ai entendu les inquiétudes de notre collègue Pancher, mais si nous cherchons à tout border, nous n’avancerons pas sur ce sujet majeur qu’est l’open data, aujourd’hui dans les transports, demain dans toutes les activités. Il s’agit d’entrer dans une autre façon de partager l’information, dans ce qu’on appelle l’économie collaborative.

En conclusion, j’insiste pour que soit retenu le premier amendement, qui s’appuie sur le réel, et non celui qui s’appuie sur le planifié. J’ai bien noté, monsieur le président, la qualité des sous-amendements du député Tardy – vous le voyez, je suis attentif à ce qui se fait sur d’autres bancs –, mais ils ne portent pas sur le premier amendement. Le Gouvernement a peut-être la possibilité de renforcer celui-ci par les apports du député Tardy.

M. le président. La parole est à M. Gilles Savary, rapporteur thématique.

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. J’ai rapporté scrupuleusement, tout à l’heure, ce qui avait été décidé par la commission. À titre personnel, je suis favorable à l’amendement n2910 rectifié, avec les sous-amendements de M. Tardy qui me semblent en améliorer la rédaction. Mais c’est une approche tout à fait personnelle. Pourquoi ai-je fait ce choix ? Parce qu’il est bien mentionné qu’avant de prendre un décret, il faudra organiser une concertation avec l’ensemble des partenaires.

Mme Laure de La Raudière. Très bien !

M. le président. La parole est à M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. Mon amendement n2689 est maintenu.

M. le président. La parole est à M. Joël Giraud.

M. Joël Giraud. J’ai demandé la parole avant même que M. le rapporteur thématique s’exprime, pour dire que les deux sous-amendements de M. Tardy permettent de prendre en compte une préoccupation très importante : celle de l’accessibilité aux personnes handicapées, qui en France est dramatiquement absente, alors qu’elle est présente dans tous les services d’information sur les transports dans les autres pays de l’Union européenne depuis fort longtemps.

Je suis donc très favorable à ces deux sous-amendements. Pour que personne ne se sente lésé dans cette affaire, je propose que nous soyons tous co-signataires de l’amendement n2910 rectifié, modifié par les deux sous-amendements de M. Tardy. La co-signature du groupe écologiste nous permettra de nous rassembler tous sur un même texte.

M. le président. La parole est à M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Une dernière réflexion, car j’ai parfois l’impression de vivre sur une autre planète… C’est ahurissant, ce fonctionnement du Parlement, mes chers collègues ! Le Gouvernement s’engage à procéder à une vaste concertation sur l’open data. Ce n’est pas du pipeau !

Si on se concerte, on se sert des observations faites par l’ensemble des acteurs et des internautes. J’ai moi-même lancé une vaste concertation en annonçant un plan de généralisation de l’open data. Et voici que nous allons adopter un amendement ! Nous avons la légitimité pour le faire, mais enfin, le Parlement marche sur la tête.

Ou bien il y a concertation avec nos concitoyens, ou bien nous leur disons que c’est du pipeau.

M. Lionel Tardy. Cela n’a rien à voir !

M. Bertrand Pancher. Je suis tout de même étonné que mes amis écologistes, qui prônent la concertation matin, midi et soir, préfèrent le rouleau-compresseur dans cette affaire. Je suis moins étonné que ce soit aussi le cas de l’UMP, mais quand même : ou bien on s’engage dans une nouvelle démocratie, ou bien on continue comme auparavant.

Je suis hostile à cet amendement, parce qu’on se moque des électeurs consultés.

M. le président. La parole est à M. Richard Ferrand, rapporteur général.

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Je vous propose d’adopter l’amendement n2910 rectifié, enrichi des deux sous-amendements proposés par M. Tardy, ce qui permettra de montrer l’intention du Parlement, sans préjudice de tout ce qui devra être fait en termes de concertation et de mobilisation collective.

M. Lionel Tardy. Exactement.

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Il me semble même que cela rendrait plus aisé le chantier de concertation et d’échange que de montrer que le Parlement se considère sur ce sujet comme une locomotive et non comme un wagon à la traîne. (« Bravo » sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. On voit l’utilité des débats dans cet hémicycle. Il ne s’agit pas d’utiliser un rouleau-compresseur, ni de passer en force : au contraire, je trouve remarquable cette concertation sur tous les bancs. Nous nous retrouvons et nous devons nous satisfaire de cette situation. Je m’inscris donc en faux s’agissant des alertes lancées par notre collègue Pancher : au contraire, pour aller de l’avant, je retire mon amendement n2689 pour me rallier, avec l’ensemble du groupe écologiste, à l’amendement n2910 rectifié de M. Giraud, puisque c’est lui qui va bénéficier de l’enrichissement parlementaire. On peut en effet aller au-delà de certains clivages pour enrichir un texte.

M. le président. Les amendements identiques nos 2546 et 2910 rectifiés seront mis aux voix en même temps.

M. François-Michel Lambert. Nous regrettons tout de même que le mot « planifié » soit maintenu. Il y aura d’autres lectures, notamment au Sénat, et j’espère que le Gouvernement tiendra compte de ce que j’ai dit : nous devons nous intéresser à l’open data de la réalité et non sur celui qui est attendu.

(L’amendement n2689 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Le groupe UMP votera les sous-amendements et l’amendement n2910 rectifié ainsi sous-amendé.

M. le président. La parole est à M. François Brottes, président de la commission spéciale.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. En me réjouissant que le souffle de la commission spéciale vienne jusque dans l’hémicycle, je voudrais dire à notre collègue Pancher que l’ouverture de nouveaux services ne peut pas attendre des siècles et des siècles. Dès la promulgation de la loi, les services se mettront en place. Si l’ensemble de l’offre n’est pas lisible pour les usagers, il est clair que le bilan ne sera pas bon.

Il faut bien utiliser des moyens modernes pour donner accès à ces informations, quelles que soient les échéances ultérieures d’une nécessaire concertation, qu’il faudra approfondir avec ceux qui se préoccupent de ces questions, comme M. Pancher.

Les services n’attendent pas une information ultérieure pour bénéficier aux usagers. C’est pourquoi nous avons raison non seulement de poser la question, mais aussi de trouver une réponse.

(Les sous-amendements nos 3175 et 3176, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

(Les amendements identiques nos 2546 et 2910 rectifié, sous-amendés, sont adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Joël Giraud, pour soutenir l’amendement n2900.

M. Joël Giraud. Il s’agit de préciser que l’État est l’autorité organisatrice des transports pour les trains d’équilibre du territoire. L’État se trouve en situation d’AOT de fait, concernant ces TET, mais il n’a jamais été désigné comme tel : il faut donc le faire pour des contrats qui tombent sous le coup du règlement dit d’obligation de service public de l’Union européenne.

De surcroît, je pense que ce serait très utile, moi qui vis dans un territoire desservi par des TET de nuit. Au sujet des TER, nous pouvons nous engueuler avec la région. Sur les TET, nous ne nous engueulons avec personne, puisque personne ne suit ces dossiers dans les services de l’État, dans les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement qui sont censées être en position d’AOT responsables pouvant répondre aux questions posées.

Cette précision serait donc parfaitement utile.

M. le président. La langue française est suffisamment riche pour qu’on trouve d’autres verbes, j’imagine…

M. Joël Giraud. Pardon, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Je trouve cet amendement inutile. Il est très clairement établi, depuis la loi Bussereau du 8 décembre 2009, que l’État est l’autorité organisatrice de transport des TET. Il y a d’ailleurs une convention entre la SNCF et l’État, dont la signature a été repoussée d’une année pour que la mission Duron puisse travailler sur l’avenir des TET. Je ne vois donc pas la nécessité d’adopter ce que la loi a déjà précisé.

Il n’y a pas de définition du TET dans la loi, mais il est extrêmement clair que ce sont des trains conventionnés dont l’AOT est l’État. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Pour les mêmes raisons, je suggère le retrait de cet amendement. Sinon, avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Joël Giraud.

M. Joël Giraud. Je suis ennuyé. Je le dis et je le répète – en des termes plus choisis, monsieur le président –, nous sommes toujours face à un mur, c’est-à-dire à des gens qui ne se considèrent pas comme autorité organisatrice des transports, tout simplement parce qu’il n’est pas précisé que l’État est l’AOT des trains d’équilibre du territoire.

Je n’ai pas franchement l’impression d’être satisfait. Je veux bien retirer mon amendement, mais il faut travailler sur ce point, parce que l’AOT État semble toujours en dehors du coup et demande à la SNCF « grandes lignes » de répondre à sa place. C’est quelque chose qu’on voit rarement quand l’AOT est régionale.

(L’amendement n2900 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Joël Giraud, pour soutenir l’amendement n2901.

M. Joël Giraud. Il a pour but de rendre le service des TET compétitif, en adaptant la législation française au règlement dit d’obligation de service public. Pour être très clair, cet amendement vient en anticipation de ce qui pourrait sortir de la mission Duron. Étant donné qu’il existe des conventions, il s’agit de faire en sorte qu’elles puissent être ouvertes à la concurrence pour ces TET.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Avis défavorable, pour deux raisons qui ne visent pas votre intention.

La première est que nous attendons le vote en seconde lecture du quatrième paquet ferroviaire européen, qui nous donnera un certain horizon sur l’ouverture à la concurrence. Il était initialement prévu que celle-ci intervienne en 2019, nous glissons maintenant vers 2023. Il nous faut un horizon stabilisé pour nous y préparer, car il est clair que la loi de réforme ferroviaire prépare l’ouverture à la concurrence, en cohérence avec ce que demande Bruxelles.

La seconde raison tient à la parole de l’État. C’est un chantier qui va être engagé, il faut qu’il y ait une convention collective de la branche du secteur ferroviaire. Il n’y a plus de monopole pour la SNCF et il faut une convention collective qui traite des conditions de travail dans le fret comme dans le transport de voyageurs, dans la perspective de l’ouverture à la concurrence.

Les bases sont posées, les négociations vont s’engager : il a toujours été dit par le Gouvernement qu’il n’y aurait pas d’ouverture à la concurrence avant que ces négociations soient closes, ou bien, si elles n’aboutissaient pas, avant que le Gouvernement arbitre.

Pour ces raisons, qui sont absolument décisives pour la réussite de la réforme ferroviaire engagée, je donne un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. J’aurai le même raisonnement que le rapporteur thématique. Je comprends la préoccupation exprimée par M. le député Giraud et en particulier la volonté d’obtenir une meilleure qualité de service. J’ai bien pris note de cette volonté sous-jacente aux deux amendements, mais pour les deux raisons qu’a évoquées le rapporteur thématique, à savoir le quatrième paquet ferroviaire d’une part et les engagements pris par l’État lors de la discussion au Parlement de la loi d’août dernier, j’émettrai un avis défavorable, en m’engageant à ce que mon collègue puisse vous apporter les réponses nécessaires sur la bonne organisation des TET : je comprends qu’il y a derrière vos amendements une vraie préoccupation.

M. le président. La parole est à M. Joël Giraud.

M. Joël Giraud. Compte tenu des propos de M. le rapporteur et de M. le ministre, je vais retirer cet amendement mais il n’en demeure pas moins vrai que ce débat, un jour, devra avoir lieu.

Il n’est pas possible que la situation des TET n’évolue pas – je pense en particulier à certain train de nuit que j’emprunte souvent, qui date d’avant le déluge et dont les motrices tombent en panne, raison pour laquelle on arrive vingt-quatre ou quarante-huit heures après l’heure prévue, ce qui est assez curieux en restant sur le territoire national français.

M. Nicolas Sansu. Vous prendrez le car !

M. Joël Giraud. Il faudra bien qu’à l’issue des débats autour de la mission Duron nous revenions un jour sur ce problème car l’avenir d’un certain nombre de dessertes de notre territoire est en jeu.

(L’amendement n2901 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Bricout, pour soutenir l’amendement n2619 rectifié.

M. Jean-Louis Bricout. Je reviens une fois encore sur les problèmes d’accessibilité lors de trajets d’un point A à un point B, notamment pour les personnes dont la mobilité est réduite.

Je ne sais pas si cet amendement est ou non déjà satisfait ou s’il modifie un peu la donne mais, monsieur le ministre, vous connaissez bien évidemment les difficultés que les personnes dont la mobilité est réduite peuvent rencontrer en cas de rupture de l’accessibilité.

Cet amendement vise donc à confier à l’ARAFER la mission de vérifier les informations fournies par les systèmes numériques – l’open data SNCF Mobilités – et à s’assurer de leur présence afin, donc, de garantir la continuité d’un point A à un point B pour une personne handicapée ou dont la mobilité est réduite.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Avis favorable, ces informations étant nécessaires.

Néanmoins, la rédaction concernant la « continuité de la chaîne de déplacement » est un peu orthogonale avec le reste du texte puisque vous demandez à SNCF Mobilités de rendre ces informations publiques alors que la continuité de la chaîne de déplacement est par nature intermodale.

M. Jean-Frédéric Poisson. Cette rédaction est en effet un peu surprenante.

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. En effet, s’agissant de la continuité de la chaîne de déplacement.

J’émettrai donc un avis favorable mais à condition d’enlever les mots : « afin d’assurer la continuité de la chaîne de déplacement ». Cela est-il envisageable ?

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Je tiens juste à m’assurer de la cohérence de ce que nous sommes en train de faire.

Compte tenu de la rédaction de l’amendement, je suis plutôt enclin à formuler une demande de retrait. Comme je l’ai déjà dit, nous partageons les préoccupations dont vous faites état mais, M. le rapporteur vient de le souligner, cette rédaction pourrait entraîner quelques effets pervers.

Les amendements qui ont été adoptés il y a quelques instants ont permis, me semble-t-il, d’élargir notre approche et de satisfaire globalement votre objectif.

M. Jean-Frédéric Poisson. Bien sûr !

M. Emmanuel Macron, ministre. Je vous invite donc plutôt à retirer cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Bricout.

M. Jean-Louis Bricout. Je le retire parce que l’amendement n2910 rectifié sous-amendé par les sous-amendements n3175 et n3176 me paraît en effet tenir compte de ma demande.

(L’amendement n2619 rectifié est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n2741.

M. Lionel Tardy. Je tenais à répondre aux préoccupations de M. Bertrand Pancher mais l’amendement n2910 rectifié ayant été adopté avec mes deux sous-amendements, je retire cet amendement.

(L’amendement n2741 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Joël Giraud, pour soutenir l’amendement n3081.

M. Joël Giraud. Il est utile que le régulateur – l’ARAFER – puisse analyser les cas où il existe un risque d’interruption d’exploitation d’une ligne par une entreprise ferroviaire en raison de la concurrence exercée par une entreprise intervenant dans le secteur routier.

Je m’explique. Nous assistons de temps en temps à des choses un peu ubuesques. Mettons qu’une autorisation soit donnée à un transporteur ferroviaire – autre que la SNCF – d’exploiter une ligne ferroviaire. Demain, si nous autorisons l’ouverture d’une ligne de bus sur le même parcours – c’est arrivé récemment sur le service Marseille-Milan –, il me semble que le rapport annuel du régulateur devrait contenir des éléments de nature à organiser la concurrence entre le fer et la route, y compris entre entreprises privées.

Il me semble que cela est intéressant parce que le niveau de confort d’un car et d’un train n’est pas tout à fait le même.

Faute d’un système d’autorisation, puisque l’ARAFER n’a pas à autoriser ou non un transport routier de personnes en fonction de l’existence ou non d’un transport privé ferroviaire, il convient au moins que le rapport annuel de l’ARAFER inclue des éléments relatifs à la concurrence exercée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Cet amendement soulève une question que nous n’avions pas bien envisagée : que fait l’ARAFER par rapport à une ligne ferroviaire privée alors qu’elle ne peut être en l’occurrence saisie par une autorité organisatrice – la ligne étant privée, elle est par définition non conventionnée ?

Je suis enclin à considérer que ce sujet doit être analysé à nouveau dans le cadre des premiers travaux de l’ARAFER. Il ne me semble pas utile, en effet, de se lancer dans cette discussion en l’état de la rédaction du texte.

Quoi qu’il en soit, nous avons envisagé jusqu’à présent que l’ARAFER n’intervienne qu’en protection des lignes de service public, le reste relevant du marché.

Cela n’interdit pas que le compte rendu d’activité de l’ARAFER rapporte ce qui s’est passé à ce niveau-là entre deux activités concurrentielles marchandes non conventionnées, mais la vocation exclusive – jusqu’à présent – de l’ARAFER est de protéger les services conventionnés, c’est-à-dire des lignes de service public, qu’elles concernent des autocars ou des trains, à la demande d’autorités organisatrices de transport.

Je considère donc que cet amendement, dont je demande le retrait, n’est pas opportun. À défaut, je serais défavorable à son adoption.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Je partage le point de vue de M. le rapporteur.

En outre, nous aurons une discussion de fond sur ce problème lors de l’examen de l’article 2. L’adoption de plusieurs amendements touchant le code des transports permettra d’apporter les modifications nécessaires à sa résolution.

Plutôt que d’émettre un avis défavorable à l’adoption de cet amendement, je vous invite à le retirer afin de traiter ce problème via plusieurs amendements à l’article 2.

M. le président. Mon cher collègue, retirez-vous votre amendement ?

M. Joël Giraud. Suite aux propos de M. le ministre, je le retire mais je vais m’empresser de regarder de près l’article 2 ! (Sourires)

(L’amendement n3081 est retiré.)

Article 2

M. le président. Nous en venons à l’article 2, sur lequel plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. Monsieur le ministre, l’article 2 du projet de loi sur la croissance et l’activité concerne, donc, la possibilité donnée aux entreprises de transport public routier de personnes établies sur le territoire national d’assurer des services réguliers non-urbains.

J’ai eu l’occasion de le dire en commission spéciale ainsi que lors de la discussion générale : nous n’avons pas d’opposition majeure au développement du transport par autocars sur notre territoire à partir du moment où cela facilite les déplacements de nos concitoyens.

Néanmoins, cet article a été modifié en commission par voie d’amendements du rapporteur avec la mise en place d’un seuil de cent kilomètres au-dessous duquel les créations de lignes par autocars devront faire l’objet d’une déclaration auprès de l’ARAFER préalablement à leur ouverture ou à leur modification.

Cet article risque donc à mon avis de mettre en difficulté un certain nombre de lignes ferroviaires, dont l’équilibre est déjà très fragile, alors qu’elles sont indispensables au maillage ferroviaire de notre territoire. Je pense, notamment, aux lignes ferroviaires mises en place par les régions – les lignes de TER –, qui assurent un maillage assez optimal de l’ensemble de nos régions.

Dans son avis sur le fonctionnement concurrentiel du marché du transport interrégional régulier par autocar, l’autorité de la concurrence préconise de déterminer un seuil en deçà duquel le risque de substituabilité des modes routier et ferroviaire justifierait de pouvoir limiter ou interdire une nouvelle ligne commerciale. Au-delà de ce seuil, une entreprise de transport pourrait assurer un service de transport régulier non-urbain de sa propre initiative. Le seuil de cent kilomètres me paraît donc nettement trop bas pour sécuriser l’organisation des services conventionnés.

M. le président. La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte.

Mme Fanélie Carrey-Conte. Je souhaite profiter de la discussion de cet article pour poser des questions sur un élément qui, à mon sens, mérite d’être clarifié : la libéralisation des autocars proposée ici s’inscrit-elle ou non dans le cadre d’une stratégie cohérente de développement des transports collectifs écologiques ?

Il me semble en effet important, plutôt que de procéder mesure par mesure – comme le travail parlementaire nous y conduit malheureusement trop souvent –, de replacer les sujets que nous traitons dans des visions d’ensemble autour d’objectifs définissant nos politiques publiques.

Il importe donc de rappeler les objectifs qui doivent sous-tendre une politique de développement des transports collectifs : la lutte contre la pollution – donc, le développement de transports écologiques –, des infrastructures de bonne qualité et en bon état, une accessibilité financière pour tous et un maillage territorial le plus dense et le plus complet possible.

Face à ces objectifs, il me semble que par le passé nous avons renoncé à plusieurs reprises à un certain nombre d’outils qui nous auraient permis d’agir – je pense à l’abandon définitif de l’écotaxe ou à l’occasion manquée de la dénonciation des contrats avec les concessionnaires d’autoroutes, alors que cela nous aurait permis, je crois, d’être davantage en position de force au moment où les négociations sur les tarifs des péages se poursuivent avec ces derniers.

Aujourd’hui, on propose cette autre mesure – la libéralisation des autocars – qui, à mon sens, comporte un certain nombre de risques, notamment celui de concurrencer le train, problème qui n’est toujours pas réglé, en particulier s’agissant des trajets infrarégionaux de plus de cent kilomètres.

En outre, cette mesure n’est pas complètement cohérente avec les objectifs que je viens d’énumérer et qui doivent sous-tendre notre politique publique de transports collectifs.

Je ne crois pas que le développement du secteur des autocars dégrade nécessairement la situation écologique que nous connaissons. Néanmoins, il ne nous permettra pas non plus de faire un saut qualitatif sur ce plan-là.

Par ailleurs, la libéralisation des autocars ne contribuera en rien à la résolution des problématiques du financement des infrastructures et de l’amélioration de la qualité de notre réseau.

S’agissant des coûts, certains trajets d’autocars sont certes moins chers que des trajets ferroviaires mais, pour autant, ils ne sont ni plus courts, ni plus confortables. Or, si nous devons avoir un objectif en termes de progrès social quant au développement de la mobilité de nos concitoyens, il doit continuer de passer davantage par le développement du secteur ferroviaire.

Enfin, je crois que la libéralisation ne réglera en rien la question du développement des transports dans les zones sous-dotées où l’ouverture d’une ligne, de toute façon, ne sera pas rentable pour une entreprise privée.

Je n’ai pas d’objection de principe à la question du développement des services d’autocars mais je me demande si, au lieu de promouvoir une mesure de libéralisation – avec les risques que l’on connaît – qui de surcroît ne permet pas de répondre non plus aux autres défis concernant la qualité des infrastructures, notamment ferroviaires, ou le saut qualitatif écologique qui devrait être notre objectif, nous ne devrions pas plutôt nous inscrire dans une politique plus cohérente et plus régulée : une stratégie d’aménagement du territoire visant à ce que le maillage territorial ne laisse aucune zone creuse sans transports collectifs ; un schéma national des infrastructures ferroviaires ; de nouvelles lignes d’autocars sous convention de service public là où cela est utile et où cela ne concurrence pas le secteur ferroviaire ; des investissements dédiés et accentués aux filières industrielles travaillant au développement de transports collectifs propres et de qualité ce qui, de surcroît, permettrait de créer des emplois.

Je souhaite donc poser la question de la cohérence de notre action dans un domaine et sur des objectifs importants en termes de développement de notre politique de transport collectif. J’ai l’impression, en la matière, que le compte n’y est pas totalement.

Mme Barbara Pompili. Très bien !

M. André Chassaigne. Excellent !

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. L’article 2 vise à ouvrir le secteur du transport par autocar, comme l’Autorité de la concurrence l’avait recommandé voilà maintenant un an. Le besoin est en effet réel, surtout entre les grandes villes.

L’Autorité avait proposé que les régions soient le service autorisateur, ce qui visiblement ne sera pas le cas. Elle avait proposé que l’autorité de régulation des activités ferroviaires – l’ARAF, future ARAFER – devienne un régulateur multimodal ce qui, en revanche, sera bien le cas, nous y reviendrons.

Oui, effectivement, cette mesure vise bien à libérer l’activité et à créer de l’activité, alors que la France se situe au vingt-sixième rang sur vingt-sept en Europe pour le transport par autobus ou par autocar, bien loin, par exemple, de l’Angleterre, où ce mode de transport est entré dans les mœurs.

Bien sûr, il faut définir des règles mais il ne faut pas trop prévoir de limitations ou d’interdictions qui iraient contre cette création d’activités.

À ce titre, n’oublions pas que la SNCF elle-même a déjà une activité importante de transport par autocar sur les longues distances.

Oui, je le répète, cette mesure vise bien à libérer l’activité mais c’est malheureusement l’une des seules, dans cet article 2. Ce texte, que certains qualifieront avec dégoût de « libéral » ne l’est pas assez à mes yeux. Surtout, comment peut-il tenir ses promesses de croissance et d’activité ? Sincèrement, je ne le vois pas.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre.

M. Frédéric Lefebvre. J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer tout à l’heure sur ce sujet, quand j’ai évoqué rapidement les amendements relatifs à l’équipement des autocars, notamment en wifi.

Vous aurez compris que je suis favorable à ce type de service, parce qu’il apporte une solution à ceux de nos compatriotes qui en manquent aujourd’hui, et qu’il fournit des solutions à prix compétitifs, quand d’autres solutions coûtent beaucoup d’argent à la collectivité, et donc, en réalité, aux Français. Car ce sont toujours eux qui paient : qu’il s’agisse de services ou d’impôts, ce sont toujours les Français qui paient. Ce n’est ni l’État, ni la commune, ni la collectivité, mais les Français. Il est donc sain d’introduire de la concurrence dans ce secteur. Ce dispositif constitue un plus, un bénéfice, pour les Français ; c’est la raison pour laquelle j’y suis évidemment favorable.

M. André Chassaigne. Très intéressant !

M. Nicolas Sansu. Cela fait plaisir d’entendre la droite dire cela !

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas.

M. Jean-Louis Roumegas. Je tiens à expliquer clairement comment nous abordons ce débat, afin d’éviter les caricatures. Nous n’adoptons pas une posture : nous nous positionnons sur le fond du problème. Il est évident que les écologistes ne sont pas contre les autocars : nous pensons que le rail vaut mieux que les autocars, et que les autocars valent mieux que la voiture individuelle.

Ce qui importe, c’est d’organiser tout cela, et ce qui nous pose un problème, c’est votre refus d’encadrer ces ouvertures de lignes, comme nous l’avons proposé en commission spéciale. Vous êtes resté dans une logique de libre installation de ces lignes d’autocars, et c’est là qu’est le problème. Ce faisant, vous voulez en effet substituer, au moins en partie, la logique d’aménagement du territoire, fondée sur une politique publique des transports, telle qu’elle avait été défendue dans la loi d’orientation des transports intérieurs – laquelle mérite peut-être d’être revue, je ne le nie pas – à une logique du marché.

Or cette logique du marché aura des effets destructeurs et causera des dégâts, si vous refusez de l’encadrer. À cet égard, les débats en commission spéciale ont certes apporté des avancées – les lignes courtes seront par exemple un peu mieux contrôlées – mais aussi une aggravation, car on a fixé à cent kilomètres la limite en deçà de laquelle la libre installation devra faire l’objet d’une autorisation. Des lignes de cent kilomètres correspondent à des lignes régionales, parfois même départementales !

M. André Chassaigne. Absolument !

M. Jean-Louis Roumegas. Ce faisant, vous dessaisissez donc les régions, qui sont aujourd’hui l’autorité organisatrice des transports, de la maîtrise de leur politique des transports.

M. Nicolas Sansu. Surtout les grandes régions !

M. Jean-Louis Roumegas. Ce qui va se produire, c’est que le privé ira là où c’est rentable !

M. André Chassaigne et M. Marc Dolez. Bien sûr !

M. Jean-Louis Roumegas. Il ne va évidemment pas assurer une mission d’aménagement du territoire : il va aller là où il y a des marchés à prendre. Je pense donc que cela va nuire au rail, sans nécessairement offrir un service supplémentaire.

Vous arguez du fait que certains jeunes n’ont pas accès au train. Mais faut-il renoncer aujourd’hui à fixer des tarifs accessibles aux jeunes dans les TGV et les TER ?

M. Marc Dolez. Très bien !

M. Jean-Louis Roumegas. Allons-nous abandonner toute ambition, alors que nous pourrions imposer des quotas et réserver un certain nombre de places aux jeunes, à des tarifs compétitifs ?

Le fait qu’un jeune, pour aller de Marseille à Paris, soit obligé de faire sept heures de bus, plutôt que trois heures de TGV, ce n’est pas, à mon sens, un progrès. Nous n’avons pas envie que se développe un service low cost pour ceux qui ne pourraient pas avoir accès à la modernité réelle qu’est le train.

M. Marc Dolez. Excellent !

M. Jean-Louis Roumegas. Nous voulons un encadrement. Nous ne sommes pas contre l’ouverture de lignes de bus, si elles complètent ce qui existe. Nous ne déposerons pas d’amendement tendant à supprimer l’article 2, mais nous jugerons, à la fin du débat, si l’article 2 est acceptable ou non. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et GDR.)

M. Marc Dolez. C’est tout vu !

M. le président. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. L’article 2, relatif à l’ouverture de lignes d’autocars, va plutôt dans le bon sens, selon moi, même s’il faut veiller à ce que cela n’entraîne pas une disparition de nos lignes TER en milieu rural : il faut que cela ne se fasse pas au détriment du rail.

Cet article 2 est un peu le symbole de ce projet de loi : un projet de loi qui s’arrête au milieu du gué, un projet de loi qui se veut libéral sans le dire, qui fait des propositions, sans aller jusqu’au bout, et qui, surtout, n’est pas à la hauteur des enjeux.

Normalement, l’article 2 d’une grande loi économique est un article fondateur, qui fait de vraies propositions, en matière de coût du travail, de réduction des charges, ou de simplification du code du travail. Le fait que cet article 2 porte sur une question technique – l’ouverture des lignes d’autocars –, relevant tout au plus de la simplification administrative, c’est la preuve que cette loi est, au mieux, une loi de microéconomie, mais en aucun cas une loi de politique macroéconomique. Cet article est donc le symbole du renoncement du Gouvernement à proposer de grandes orientations économiques et à faire des choix clairs, des choix de conviction. Nous le regrettons.

Comme nous sommes pragmatiques, nous voterons évidemment l’article 2. Nous regrettons néanmoins qu’à ce stade de la loi, il n’y ait pas de dispositions à la hauteur des enjeux de notre pays. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Vigier.

M. Jean-Pierre Vigier. En guise de préambule, je tiens à rappeler que, contrairement à son titre, ce projet de loi ne contient que des mesures partielles, des mesurettes, qui ne relanceront ni l’économie, ni la croissance de notre pays.

Un seul article, cependant, semble sortir du lot, ou plutôt du flot de ces articles qui s’empilent sans cohérence globale. Il s’agit de l’article 2, qui présente en effet des dispositions qui semblent permettre le développement de l’activité des transports.

M. Nicolas Sansu. Bel hommage de la droite !

M. Jean-Pierre Vigier. La libéralisation du transport par autocar est une mesure qui, contrairement à de nombreuses dispositions de ce projet, ne stigmatise pas, n’oppose pas, de sorte qu’un consensus peut, me semble-t-il, se dégager sur cette idée. Sous réserve que le développement des services réguliers non urbains réalisés par les entreprises de transport ne crée pas une concurrence frontale avec les TER, il semble y avoir là – et c’est important – un moyen d’améliorer la desserte des territoires ruraux, qui en ont besoin en ce moment, et de créer un meilleur maillage de nos régions rurales.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier.

M. Guillaume Chevrollier. Monsieur le ministre, votre projet de loi a un titre bien prétentieux : croissance et activité. Notre pays a en effet bien besoin de croissance et d’une reprise de l’activité, mais malheureusement, les espoirs risquent d’être déçus. En effet, aucune réforme d’ampleur n’y est intégrée. Où sont les baisses de charges pour nos entreprises ? Où est le contrat de travail unique ? Où est l’assouplissement du temps de travail ? Où est la réforme des seuils sociaux ? Où est la remise à plat de la fiscalité ?

Vous nous proposez un texte de deux cent huit articles hétéroclites, touchant les domaines les plus variés et d’importance très inégale, ce qui rend un vote final malaisé. Parmi les dispositions regrettables, on ne peut nier qu’il y ait de bonnes dispositions, et on ne peut que se réjouir de voir que le Gouvernement s’aperçoit enfin qu’il faut libéraliser et apporter de la souplesse.

M. Marc Dolez. Eh oui !

M. Guillaume Chevrollier. L’article 2, que nous allons examiner, fait partie de ceux que l’on peut soutenir, à l’inverse des articles sur les professions réglementées, que vous attaquez, ce qui va créer demain des déserts juridiques.

Élu d’un territoire rural, je ne peux qu’être favorable au développement du transport par autocar. Dans mon département, cette extension ne peut qu’être encouragée. Nous ne craignons pas la concurrence avec le rail, évoquée par certains collègues, puisque les lignes secondaires sont inexistantes. En revanche, cette extension pourrait profiter à une part importante de la population de mon département. Je pense bien évidemment à toutes les personnes âgées qui n’ont pas de véhicule, mais aussi à tous ceux pour qui l’utilisation d’une voiture représente un coût trop important pour leur budget.

Si l’offre est bien adaptée aux besoins, si les lignes sont bien conçues et suffisamment régulières, on peut arriver à l’objectif souhaité, à savoir prendre le pas sur la voiture individuelle. La question de la limite des cent kilomètres est posée : n’est-elle pas trop restrictive ?

Quoi qu’il en soit, je ne peux qu’être favorable à un article qui développe l’offre de transports pour tous nos concitoyens, à un article qui favorise la mobilité et le désenclavement, si nécessaires dans nos territoires ruraux.

M. Jean-Pierre Vigier. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle.

M. Jean Lassalle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je m’exprimerai plus tard sur l’ensemble du texte, puisque je n’ai pas pu prendre part à la discussion générale – c’est toujours le même problème pour les non-inscrits.

S’agissant de l’article 2, j’y suis bien entendu favorable. Je crois que c’est un plus pour des zones rurales comme les nôtres. J’ai bien entendu notre collègue Jean-Louis Roumegas, qui nous invitait à prendre des précautions par rapport à ce qui existe, et notamment au chemin de fer. Mais je suis le député d’un territoire où le chemin de fer n’encombre pas le paysage, loin s’en faut, et où les moyens de locomotion sont rares. Nombreuses sont les personnes qui n’ont pas le permis de conduire et qui comptent sur leurs voisins ou leurs voisines, tant qu’ils en ont.

Il va donc de soi que je suis favorable à cette disposition. Je voudrais néanmoins appeler votre attention, monsieur le ministre, sur le fait que l’organisation de ces transports, depuis quelques années, s’est beaucoup libéralisée. J’ai vu un certain nombre de petits transporteurs locaux déposer le bilan, mettre la clé sous la porte, parce qu’ils étaient mis en concurrence avec des transporteurs beaucoup plus importants qu’eux. J’ai par exemple eu le bonheur de voir arriver l’entreprise Veolia, dont j’ignorais qu’elle organisait le ramassage scolaire des enfants. Elle a mis à mal un certain nombre d’entreprises qui employaient un ou deux salariés, ou qui ne comptaient parfois qu’un patron seul. Il ne faudrait pas que ce dispositif accentue les effets pervers du libéralisme.

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Monsieur le ministre, vous le savez, l’ouverture à l’initiative privée du transport par cars, si elle ne suscite pas d’opposition de principe, notamment pour les territoires à l’écart, interroge tout de même sur ses possibles effets négatifs, notamment sur les TER. Vous nous avez expliqué qu’il n’en était rien, que l’ARAFER était garante de la cohérence de la réforme, que l’on empêcherait l’ouverture en cas d’atteinte substantielle, sans que ce terme ne soit précisément défini, d’ailleurs.

Le risque de la substitution du train par le bus n’est pourtant pas le fruit de notre imagination. C’est du reste déjà le cas, hélas, dans de trop nombreuses régions : 23 % des lignes TER sont aujourd’hui assurées par des bus, et quiconque voyage en train ou en bus sait que ce n’est pas le même service, en termes de parcours, de temps de trajet, de confort, ou même de sécurité.

M. Nicolas Sansu. C’est vrai !

Mme Annie Genevard. Il faut donc veiller à juguler ce risque avec plus de précision que le texte de loi ne le fait. Quand on s’est battu, comme je l’ai fait, et comme mes prédécesseurs l’ont fait, pour obtenir la pérennisation d’une ligne, pour obtenir la modernisation des infrastructures, pour obtenir la modernisation du matériel roulant, pour favoriser le développement de la fréquentation, et que l’on y a réussi, comprenez que l’on puisse avoir des craintes, monsieur le ministre. Je reviendrai sur cette question un peu plus tard, à l’occasion de la défense d’un amendement.

Lors des questions au Gouvernement, vous nous avez dit, monsieur le ministre, que vous espériez la création de 20 000 emplois grâce à ce dispositif. Je le souhaite : au moment où les chiffres du chômage viennent de tomber, et alors qu’ils sont mauvais, je souhaite de tout cœur que vous ayez raison. Mais il faut qu’à cette question de la concurrence avec le ferroviaire, nous portions une attention particulière.

M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet.

M. Alain Bocquet. Monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, nous abordons, avec cet article 2, l’une des mesures phares du projet de loi : la mise en place de services librement organisés de transport public routier par autocar.

Comme nous avons eu l’occasion de le souligner à plusieurs reprises, nous sommes tout à fait opposés à cette réforme. Si nous ne sommes pas, par principe, hostiles au développement du transport par autocar – rappelons du reste que l’autocar représente déjà près d’un quart de l’offre de transport mise en place par les régions – la réforme que vous nous proposez n’est pas acceptable en l’état.

En premier lieu, rien n’est prévu dans le texte pour limiter les risques évoqués par plusieurs collègues de voir ces services librement organisés fragiliser notre système ferroviaire, sinon la possibilité offerte aux autorités de transport de saisir l’autorité de régulation.

En second lieu, vous dessaisissez de fait les autorités organisatrices de transport de leur pouvoir de coordination de l’offre. Vous les privez de leur rôle de garants de la cohérence des politiques d’aménagement et de l’intérêt général. À nos yeux, vous sous-estimez gravement l’impact que l’ouverture de services librement organisés d’autocar va avoir sur l’offre de transport ferroviaire.

Le transport ferroviaire a été considérablement fragilisé en France ces dernières années. Ce secteur est tout d’abord structurellement dépendant de l’offre. Il présente des coûts d’investissement et d’exploitation importants, nécessitant le soutien par d’importants fonds publics. C’est aussi, au plan technique, un système de transport qui représente des contraintes techniques importantes au regard du mode routier.

Depuis plusieurs années, les différents acteurs du ferroviaire estiment que la régénération des infrastructures implique des investissements jugés trop importants, ou bien jugent excessifs le coût de l’exploitation. Cela a eu pour effet un abandon progressif du ferroviaire qui s’est accompagné d’une dégradation continue de la qualité du service offert aux usagers, ainsi qu’un niveau élevé des prix.

Le manque d’ambition des pouvoirs publics se traduit encore dans la volonté d’abandonner la politique des transports au régime de la concurrence et des intérêts privés. La mise en place de services librement organisés de transport par autocar s’inscrit dans ce mouvement d’ensemble qui dure depuis des années. Déjà, en novembre 2009, la Cour des comptes proposait de transférer massivement sur route 7 800 kilomètres de lignes TER régionales. La direction générale du trésor et de la politique économique estimait de son côté qu’il convenait désormais de décourager l’usage du train sur certaines liaisons jugées trop coûteuses.

Il faut rappeler que nous devons en grande partie cette situation au fait que l’État refuse de s’attaquer au fardeau insupportable de la dette qui plombe le système ferroviaire et s’accompagne d’une politique de sous-investissement, de réduction et de détérioration de l’offre, de suppression d’emplois de cheminots par centaines et de pratiques commerciales contraires aux attentes des usagers.

Pour stabiliser la dette, qui s’élève à 44 milliards d’euros, la dernière loi de réforme ferroviaire a proposé la mise en place d’une règle de rétablissement des équilibres financiers qui aggrave encore la situation, puisqu’elle impose une logique d’autogestion par la SNCF de ces milliards de dettes par la seule recherche de gains de productivité et de compression des investissements. Ce carcan financier conforte la stratégie de la SNCF consistant à chercher en dehors du transport ferroviaire les ressorts de son développement, notamment dans le transport routier. On oublie souvent que la SNCF est, par sa filiale Géodis, le plus grand transporteur routier en France. Le transport ferroviaire ne représente déjà plus que 40 % du chiffre d’affaires de la SNCF.

Nous avions proposé, au cours des débats sur la réforme ferroviaire, que le Gouvernement s’attaque enfin à la question de la dette ferroviaire par la création d’un organisme qui, à l’image de la Caisse d’amortissement de la dette sociale, se verrait transférer le montant de la dette de RFF avec pour mission de la rembourser à une échéance fixée par ordonnance. Pour son financement, nous avions proposé que cette caisse de défaisance soit abondée par la réaffectation de taxes sur les autoroutes ou la remise à l’ordre du jour d’une taxe à l’essieu sur les grandes entreprises du transport routier. Parmi nos autres propositions en faveur du ferroviaire figuraient l’établissement d’un plan pluriannuel de financement ; le maintien de manière pérenne des ressources budgétaires ; l’attribution de nouvelles ressources fiscales avec par exemple un versement transport ; la création d’une épargne populaire affectée aux infrastructures.

À l’évidence, en dépit du rôle majeur que peut jouer le rail dans la transition énergétique, vous n’avez pas la volonté politique de sortir notre système ferroviaire de l’ornière. Vous cherchez au contraire à continuer de désengager l’État.

Nous en avons une illustration avec le sort réservé aux trains d’équilibre du territoire pour lesquels l’État rationne les investissements. Le Gouvernement a confié en novembre dernier à notre collègue Philippe Duron le soin de conduire les travaux de la commission « Avenir des trains d’équilibre du territoire ». Le ministre Alain Vidalies en a clarifié les objectifs, demandant à la commission de réfléchir à une meilleure articulation entre les TET et les TER mais également avec « les nouvelles alternatives que représentent les autres modes de transport comme l’autocar » appelées à se développer dans le cadre de la prochaine loi Macron.

En clair, il ne faut pas s’attendre au déploiement de nouvelles liaisons mais à ce que certains services TER et TET redondants fusionnent et que dans certains cas, l’autocar vienne en complément, le tout dans le cadre des compétences futures des grandes régions. On le sait, l’enjeu pour l’État est de réaliser des économies. Les subventions aux TET coûtent chaque année à l’État 300 millions d’euros. Ces 300 millions d’euros pour trente-trois lignes n’ont d’ailleurs rien d’exorbitant.

De la même manière, les régions, soumises à d’importantes contraintes budgétaires et dont un quart du budget passe dans les transports, ou la SNCF, qui a développé sa propre filiale de transport par autocar, vont être tentées de fermer des milliers de kilomètres de lignes ferroviaires pour leur substituer des liaisons par autocar. Je rappelle qu’en 2009, la Cour des comptes proposait déjà de transférer massivement sur route 7 800 km de lignes TER régionales. Votre réforme s’inscrit dans cette logique. Elle va moins permettre à des automobilistes de prendre l’autocar que contraindre nombre d’usagers du train à prendre l’autocar.

Quelles seront les conséquences sur l’activité de ce déclin programmé du ferroviaire ?

Tout d’abord, quelles seront ses conséquences sur l’emploi dans le secteur et dans l’industrie ferroviaire ? Vous parlez de créer 20 000 emplois, mais vous allez déjà en supprimer 10 000 dans l’industrie ferroviaire française, et vous en serez le premier responsable. Il s’agit pourtant d’une filière industrielle majeure, déjà durement éprouvée, fleuron de notre industrie, qui fabrique des métros, des trains, des TGV pour le monde entier.

M. Marc Dolez. C’est vrai !

M. Alain Bocquet. Des milliers d’emplois de cheminots sont par ailleurs menacés : entre 11 000 et 16 000 à l’horizon 2020. Quant à notre propre industrie ferroviaire, si rien n’est fait en urgence, le plan de charge des commandes fermes de matériel roulant chutera de 2 674 000 heures de production cette année à 1 179 000 heures en 2018, c’est-à-dire deux fois moins !

Cet effondrement touchera d’abord l’activité d’ingénierie, et ses effets se font déjà sentir chez Alstom et Bombardier où l’on commence à fermer les bureaux d’études. On annonce 10 000 pertes d’emplois d’ici 2018 sur les 30 000 que compte la filière, et 5 000 emplois induits en moins. On annonce également la fin de la production du TGV pour 2019. Quant au renouvellement des trains intercités, il faudrait que l’État respecte sa signature de 2009 pour les mille rames TER-TET dont seulement deux cent dix-huit ont été commandées à ce jour. Quant à la production des trains régionaux, elle risque de s’écrouler dès 2016 pour devenir quasiment nulle en 2017.

Monsieur le ministre, comment prétendre vendre à l’export des trains, des métros et des trams que nous fabriquons chez nous quand on commence par arrêter d’en vendre en France ? Si vous me permettez l’expression, ce n’est pas très vendant !

Ce n’est pas en conseillant aux régions de choisir le bus à la place du train qu’on avancera. À quelques mois de la conférence sur le climat de 2015 à Paris qui est très chère au Président de la République, nous devons tous nous interroger sur la compatibilité de la réforme que vous engagez avec les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le Grenelle de l’environnement fixait l’objectif de 25 % de part de marché pour les modes alternatifs à la route en 2022 alors que ce chiffre n’était plus que de 12 % en 2011. Pour votre information, le train et le tram représentent entre 2,5 et 3,5 grammes d’émissions de dioxyde de carbone par usager au kilomètre, tandis que l’autocar représente entre 65 et 85 grammes. Si l’on prend l’avion pour aller à Marseille, chaque voyageur dépense 97 kilogrammes de CO2 ; dans une voiture avec deux usagers, chacun dépense 89 kilogrammes ; en autocar, 53 kilogrammes ; et par le train, chaque voyageur ne consomme que deux kilogrammes de CO2. Monsieur le ministre, où est votre bilan carbone à l’heure d’accueillir le monde entier pour défendre la planète ? Comme dirait l’autre, tout le monde veut défendre la planète, mais personne ne veut descendre les poubelles ! (Sourires.)

Notre crainte est qu’avec ce mouvement de libéralisation, le transport de voyageurs ne suive la même évolution que le fret. La privatisation du transport de fret ferroviaire depuis 2003 offre en effet un terrible exemple des dégâts occasionnés par le dogme de la concurrence.

En dix ans, la part du fret ferroviaire dans le transport de marchandises a été divisée par deux. Aujourd’hui, elle ne représente plus que 9,6 % du transport de marchandises, contre 83,6 % pour la route, avec toutes les nuisances sociales et environnementales que cela induit. En cause, une concentration de l’activité sur les seuls segments les plus rentables, qui a elle-même entraîné la disparition de 5 000 emplois depuis 2008 et la fermeture de la quasi-totalité des gares de triage. La marginalisation du fret représente une perte de capacités de développement pour les territoires, pour les installations portuaires et pour l’industrie française. Il en ira de même si nous poursuivons dans l’abandon du transport ferroviaire de voyageurs.

En 2000, une mission d’enquête a travaillé sur les transports en France et en Europe à l’initiative de la commission qui s’appelait alors la commission de la production et des échanges, présidée par mon ami André Lajoinie. À l’époque, elle avait alerté sur le fait qu’il y aurait de plus en plus de thromboses dues à l’hégémonie des transports routiers. Vous allez lancer des autocars en plus sur les autoroutes, qui vont ensuite renflouer les péages de ceux que vous connaissez bien et qui réalisent déjà des profits spectaculaires qui ont été dénoncés ces temps derniers.

À l’époque, les déplacements par la route représentaient 88 % des voyageurs et 75 % pour les marchandises. Nous en sommes aujourd’hui à 92 %, et avec votre choix de lancer les autocars sur les autoroutes, nous allons bientôt atteindre les 100 %. Vous serez « monsieur 100 % », bonjour les dégâts pour le développement durable ! (Applaudissements et sourires sur les bancs du groupe GDR et de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Monsieur le ministre, mes chers collègues, libérer le marché des autocars et favoriser timidement l’ouverture – déjà rognée en commission – des commerces le dimanche, vous reconnaîtrez que c’est une réponse un peu courte à la situation dans laquelle se trouve l’économie française ; les dispositions relatives aux autocars constituent certes l’une des très rares mesures positives de ce texte. Je répète que c’est un peu court, comme chacun l’a reconnu, y compris – pour citer votre modèle – le Président de la République qui, parlant de votre texte, a dit que ce n’était pas « la loi du siècle ». Or, monsieur le ministre, ce dont le pays aurait besoin, c’est justement d’une loi du siècle, qui soit à la hauteur du choc de 1958 et du plan Pinay-Rueff, qui a débouché sur une croissance de 6 % par an, en moyenne, au cours des quinze années suivantes.

À la place, vous nous proposez un catalogue de mesures sans ambition ni véritable lien. La vérité, c’est que le Gouvernement n’a pas de politique économique. La croissance est atone depuis 3 ans : 0 % en 2012, 0,3 % en 2013, 0,4 % en 2014, 1 % annoncé pour 2015. Cet après-midi, monsieur le ministre, nous avons appris les derniers chiffres du chômage. Votre gouvernement présente en effet le triste bilan d’avoir accumulé, depuis l’élection de François Hollande en mai 2012, le chiffre terrible de 570 000 chômeurs supplémentaires – on en a compté 200 000 de plus en 2014 –, soit, en moyenne, 600 chômeurs supplémentaires par jour. Ce bilan est terrible pour celui qui s’est fait élire, avec votre soutien, en prenant l’engagement qu’il inverserait la courbe du chômage.

L’endettement atteint un taux record. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Dominique Lefebvre. Et les 1 000 milliards ?

M. Bernard Accoyer. Le déficit budgétaire est reparti à la hausse. La compétitivité de l’économie française est affaiblie comme jamais. La France détient le record mondial de la pression fiscale, en raison des hausses considérables que les gouvernements de M. Ayrault et de M. Valls ont imposées aux entreprises et aux foyers français.

Monsieur le ministre, que proposez-vous ? Une loi fourre-tout qui ne contient que quelques dispositions allant dans le bon sens, comme cette mesure sur la libéralisation des autocars : je prendrai l’exemple de la véritable croisade poujadiste que vous menez contre les professions réglementées, accusées de tous les maux frappant l’économie française, ou du retour en arrière sur plusieurs dispositions adoptées par le gouvernement Ayrault – malgré les avertissements de l’opposition – dont vous avez pu mesurer les conséquences désastreuses.

Mais, monsieur le ministre, un peu de lucidité et quelques avancées mineures ne sauraient former une doctrine et une politique économiques.

Votre projet de loi ne dit rien de l’essentiel : rien sur les réformes structurelles propres à redresser l’économie française, rien sur la réduction de la dépense publique, rien sur le redressement de notre appareil de production, rien sur le temps de travail négocié dans les entreprises – pourtant, monsieur le ministre, avant d’accéder aux fonctions gouvernementales, vous vous étiez exprimé avec franchise sur le temps de travail, mais c’était dans une autre vie, vous travailliez alors dans l’économie réelle –, rien sur la relance de l’investissement, rien sur l’encouragement à l’innovation et à la recherche, rien sur la réforme du marché du travail et la simplification du code du travail, rien sur les seuils sociaux – dont on sait pourtant ce que vous pensez au fond de vous-même –, rien sur la réforme de la formation professionnelle, rien sur le plan de l’aide au secteur du bâtiment, totalement sinistré en raison des mesures incohérentes et inconséquentes prises depuis deux ans, rien, enfin, sur le dispositif kafkaïen du compte pénibilité.

Pour relancer la croissance française, vous attendez tout de la baisse de l’euro, de la baisse des cours du pétrole, de la reprise de la croissance américaine, d’une inflexion de la politique économique allemande et même, maintenant, de la gauche radicale grecque, après laquelle vous courez depuis deux jours, sans d’ailleurs vous appesantir sur le résultat du PASOK qui, me semble-t-il, a été inférieur à 5 % des voix.

M. Yves Durand. Quel rapport avec le projet de loi ?

M. Bernard Accoyer. Bref, vous attendez tout de l’extérieur, comme un simple spectateur qui n’aurait plus de prise sur son destin.

Dans ces conditions, si l’article 2 pourrait être voté – encore faudra-t-il voir les amendements que vous accepterez –, vous comprendrez, monsieur le ministre – malgré le temps que vous consacrez à essayer de rassembler autour de vous un certain nombre de bonnes volontés pour conférer un aspect esthétique à ce texte et faire croire à l’Europe que la France adopte des réformes de structure – que telle n’est pas la voie qui permettrait au monde de reprendre confiance dans l’économie française, ni aux Français de retrouver l’espérance en direction d’un redressement de l’économie et de l’emploi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme Clotilde Valter. On vous a vus à l’œuvre !

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Cottel.

M. Jean-Jacques Cottel. On ne peut bien entendu que se satisfaire de la possibilité qui nous est offerte d’accroître l’offre de transport. L’autocar est véritablement un complément à toutes les formes de déplacement. On le voit d’ailleurs déjà sur les territoires où, comme cela a été dit, l’autocar remplace le train ou amène des passagers d’une ville à une autre, pour prendre un TGV. Le transport interurbain constitue aussi un complément, notamment au TER.

Je voudrais revenir sur deux sujets qui suscitent des inquiétudes. D’une part, notre collègue Roumegas évoquait la nécessité d’un encadrement de la création de lignes d’autocar. J’y souscris tout à fait, en insistant notamment sur le rôle important des autorités organisatrices de transport.

D’autre part, comme on le voit lorsque l’on renouvelle les appels d’offres dans le domaine du transport interurbain, notamment dans les départements, un nombre croissant de grosses compagnies arrivent sur le marché. Lorsque l’on créera des lignes, il y a tout lieu de penser que de telles sociétés vont se présenter, françaises comme étrangères, certaines de ces dernières étant soumises à une législation imparfaite. Si l’on doit se féliciter de la possibilité de créer ces lignes de transport, on devra toutefois s’assurer que cela se traduise par un service complémentaire – ce qui, me semble-t-il, sera le cas –, par de la création d’emplois mais aussi, il faudra y veiller, par le respect d’une réelle législation du travail.

M. le président. La parole est à M. Éric Straumann.

M. Éric Straumann. On cite très souvent l’Allemagne comme exemple en matière économique. Aussi ai-je regardé ce qui s’était fait en la matière. L’essor de l’autocar constitue la principale cause des difficultés de la Deutsche Bahn. La libéralisation du secteur est intervenue en Allemagne en 2012, avec, dès la première année, 8 millions de passagers ; en 2014, ce sont 19 millions de personnes qui ont emprunté les autocars. Cela concerne évidemment les lignes les plus rentables. Il ne faut pas se faire d’illusions : ces cars ne vont pas circuler dans les zones rurales et non rentables.

M. Alain Bocquet. Bien sûr !

M. Éric Straumann. La conclusion des cheminots allemands est la suivante : les autocars ont bousculé les prévisions d’activité de la Deutsche Bahn plus qu’aucune autre tempête auparavant. Je vous invite à prendre en compte cet exemple issu d’outre-Rhin.

M. Nicolas Sansu. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Christophe Priou.

M. Christophe Priou. Sans aller jusqu’à affirmer, comme l’a fait le président Bernard Accoyer, que l’article 2 de votre projet de loi est, pour ainsi dire, le cache-sexe de ce texte constitué de plus de deux cents articles, j’observe, monsieur le ministre, que vous ravivez, y compris dans la sémantique, le vieux débat ville-campagne. En effet, vous nous faites sauter du coq à l’âne et modernisez un vieux dicton : en l’occurrence, on ne met pas la charrue avant les bœufs mais l’autocar avant les TER ; on va même, d’ailleurs, les opposer.

Sur le fond, bien que votre projet de loi ait été prêt depuis plusieurs mois, il se heurte à l’actualité législative : nous avons en effet voté, il y a quelques semaines, le périmètre des régions nouvelles, mais sans leur accorder les compétences ni les moyens correspondants. Ceci vaut aussi pour les départements, au sujet desquels nous allons voter dans quelques semaines. Je pense que nous manquons de cohérence et de bon sens, ce dernier étant pourtant gratuit. Je regrette que le débat parlementaire n’ait pas été mieux programmé, de façon à éviter les difficultés actuelles. Si nous avions accordé des compétences et des moyens aux futures régions, nous aurions sans doute trouvé des solutions en matière de transports, qui relèvent effectivement des attributions de ces dernières, en n’oubliant pas non plus les compétences des départements en matière de déplacements scolaires.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Dessus.

Mme Sophie Dessus. Si j’habitais à Paris, à Lille ou à Lyon, je ne pourrais sans doute pas tenir les propos que m’inspirent nos débats. On parle beaucoup de concurrence, à propos de cet article 2, mais là ne réside pas toujours le problème. Vous le savez, le TGV n’est pas présent partout. Il est des endroits où, même si l’on en rêve, on attendra un certain temps avant qu’il n’entre en gare. Certes, on peut emprunter les trains des grandes lignes, et on finit toujours par arriver à Paris, mais il faut quatre heures pour venir de la Corrèze. Certes, on a des TER pour rejoindre certains points des territoires ruraux, mais cela reste très limité. Aussi, lorsque l’on habite, par exemple, le centre de la France, et que l’on veut aller vers Strasbourg, Nantes ou Marseille, il est quasiment impossible de le faire par le rail. Il faut emprunter des changements à n’en plus finir et supporter des attentes interminables dans les gares, si toutefois on trouve des correspondances. Les délais d’attente sont considérables, au point que l’on en est réduit à prendre sa voiture. Il nous faut donc des cars pour assurer les lignes transversales dans les territoires.

On parle du bilan carbone et l’on s’en inquiète : c’est juste, mais un car plein ne pollue-t-il pas moins qu’un train vide ou à moitié vide ?

Enfin, ce texte est le moyen de développer nos petites entreprises locales, celles qui ne délocalisent pas, celles qui créent des emplois sur les territoires. Le train et le car ne s’opposent pas, ils se complètent. C’est le moyen de faire en sorte qu’il y ait moins de voitures sur les routes.

M. le président. Nous en venons aux amendements à l’article 2.

La parole est à Mme Nathalie Chabanne, pour soutenir l’amendement n2726.

Mme Nathalie Chabanne. L’article 2, complété de l’article 3, prévoit l’ouverture de lignes de transports collectifs réguliers non urbains par autocar. Je crains que cette évolution ne soit de nature à menacer la pérennité du transport ferroviaire, déjà fragilisé par la concurrence de l’avion à bas coût, de l’autocar caboteur et du covoiturage. L’étude d’impact du projet de loi reste d’ailleurs silencieuse quant au chiffrage des conséquences sur le secteur ferroviaire. Sans revenir sur les propos tenus précédemment sur l’ARAFER, son financement et l’absence de participation des transporteurs de bus à ce dernier, je voudrais souligner deux points.

Si le secteur des transports représente un poids considérable dans notre économie – 18 % du PIB et 1,3 million d’emplois –, il est également à l’origine de 27 % des émissions des gaz à effet de serre, 35 % de la consommation d’énergie en France, 60 % des émissions d’oxyde d’azote – dont 56 % par le transport routier – et 17 % des émissions de particules. Si, comme nombre de nos collègues, je ne suis pas opposée au transport par autocar, je constate que le développement de ce dernier se révèle en contradiction avec les objectifs français de réduction des émissions de gaz à effet de serre, et notamment de CO2. Il risque fort, en effet, de conduire au transfert de passagers du ferroviaire vers les autocars, moyen de transport certes collectif et moins émetteur de gaz à effet de serre que les véhicules particuliers mais bien plus émetteur que le transport ferroviaire, utilisateur d’une électricité française dont la nature faiblement carbonée est renforcée par le projet de loi relatif à la transition énergétique. Cette évolution est d’autant plus surprenante que la lutte contre le dérèglement climatique vient d’être érigée en grande cause nationale.

Je veux insister sur les risques que nous fait courir cette mesure. Si une telle disposition était adoptée, il faudrait impérativement veiller à ce que les destinations retenues pour le transport par autocar soient peu ou pas desservies par l’offre de transports actuelle. Or, on imagine sans peine que ceux qui ouvriront ces nouveaux services ne choisiront que des lignes à haut potentiel financier et entreront nécessairement en concurrence avec le ferroviaire ou des lignes de bus organisées par des collectivités territoriales, voire même avec ces deux modes de transport.

Je vis moi aussi dans une zone rurale éloignée de Paris et d’où il faut six heures de bus pour rallier la capitale. Je doute fort que des transporteurs de car veuillent un jour relier de telles zones qui, si elles sont particulièrement mal desservies aujourd’hui, seront également très peu rentables à l’avenir.

M. André Chassaigne. Bien sûr ! C’est évident !

Mme Nathalie Chabanne. Or, l’absence de moyens alloués à la nouvelle autorité de régulation risque fort de mettre celle-ci dans l’incapacité d’éviter la concurrence frontale du transport ferroviaire par ce transport collectif régulier par autocar. Aussi, je demande la suppression de l’article 2.

M. Pascal Cherki. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. La commission est évidemment défavorable à cet amendement, et j’apporterai quelques éléments d’explication.

Le débat que je viens d’entendre au sujet des transports n’aurait pu avoir lieu nulle part ailleurs en Europe, car il s’est cristallisé sur la concurrence modale, sur l’opposition d’un mode à un autre, selon la vieille tradition française ; c’est précisément ce qui a épuisé la SCNF.

En effet, une grande part des difficultés de cette société tient au fait qu’on l’a très largement infantilisée et qu’elle a été subventionnée à l’excès. Elle n’a fait l’objet d’aucune régulation financière et reçoit chaque année 13 milliards d’euros de subventions, tandis que son endettement s’élève à près de 45 milliards d’euros. Les investissements sur le réseau ont pratiquement doublé par rapport aux années 2000 et atteignent 8 milliards d’euros par an.

Néanmoins, monsieur Bocquet, si l’on tentait de contenir la dette, le déficit annuel serait toujours de 1,5 milliard d’euros, alors que les usagers ne supportent plus les tarifs pratiqués, qui ne couvrent pourtant que 28 % du coût s’agissant des TER.

Cela signifie qu’aujourd’hui le système ferroviaire français est en très grande difficulté ; il faut cesser de considérer qu’il est l’objet d’une conjuration ou d’un complot. Il suffit de regarder ce qui est fait ailleurs. En Angleterre, par exemple, les autocars sont libéralisés depuis 1985.

M. André Chassaigne. Voilà un bel exemple !

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. L’Angleterre a battu son record de voyageurs transportés par le ferroviaire et revient à des chiffres comparables à ceux des années vingt, lorsqu’il n’y avait pas de voitures. Elle est en pleine croissance ! Elle développe le fret, alors qu’il s’effondre chez nous, et plus encore à la SNCF que chez les opérateurs privés. En d’autres termes, mes chers collègues, si nous aimons le chemin de fer, il faut que nous ayons le courage de regarder sa situation en face, que nous arrêtions l’infantiliser en lui faisant croire qu’il trouvera son salut dans l’interdiction de tous les autres modes aux usagers et dans des subventions plus généreuses encore qu’aujourd’hui.

M. Bernard Accoyer. C’est la politique actuelle !

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Ce serait la solution de facilité, mais ce n’est pas ce qui sauvera le chemin de fer français. Pour cela, il faut arrêter le clientélisme. Tout le monde veut un TGV, et certains souhaitent même qu’il marque des arrêts régionaux, ce qui est extrêmement coûteux. Pourquoi cela ? Vous l’avez dit, monsieur Bocquet, et je m’étonne d’ailleurs de la mansuétude dont vous faites preuve à l’égard d’une entreprise privée : parce que Alstom, dont les ventes étaient mauvaises sur le marché extérieur, a décidé de vendre sur le marché intérieur et de ne vendre que des Ferraris, dont il a fait supporter le coût à la SNCF.

M. Alain Bocquet. C’est plus compliqué que cela !

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est un peu rapide, monsieur le rapporteur !

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Aujourd’hui, la SNCF est suréquipée en trains très haut de gamme, Alstom n’ayant pas développé la même gamme que la plupart des autres industriels ; nous faisons donc supporter à cette société nos propres échecs et notre propre inadaptation aux marchés extérieurs.

M. Jean-Frédéric Poisson. Mais à quoi est due cette inadaptation ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Telle est l’origine des difficultés de la SNCF. On veut aujourd’hui qu’elle mette des trains sur l’ensemble du réseau datant du dix-neuvième siècle, dont on ne veut pas supprimer un kilomètre et qu’il faut entretenir. Le train est pourtant un organisme vivant : le train d’aujourd’hui ne répond plus aux mêmes besoins que le train du dix-neuvième siècle, qui était le train de fret de l’industrie lourde, ou que le train des années soixante, qui était le train des congés payés pour ceux qui ne possédaient pas de voiture.

Il faut aujourd’hui que l’on s’adapte et que l’on cantonne le chemin de fer à ses missions essentielles. Il n’est aujourd’hui irremplaçable que pour se rendre dans les centres d’agglomérations, monsieur Bocquet. Pour tout le reste, il est concurrencé parce que tout est bouleversé.

Vous avez en tête une hiérarchie : l’avion, le train, la route. Tout cela est aujourd’hui complètement bouleversé. Sur le plan environnemental, par exemple, l’ADEME, comme la SNCF, donne des informations sur les cars : un car rempli à 66 % émet moins de CO2 par kilomètre parcouru pour un voyageur qu’un TER, parce que 40 % des kilomètres parcourus en TER le sont sur des trains fonctionnant au diesel. Et cela ne vaut que si les autres trajets sont effectués grâce à de l’électricité d’origine nucléaire.

M. Alain Bocquet. Justement ! Je vais vous répondre sur ce point !

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Laissez-moi terminer, monsieur Bocquet ; je vous ai écouté avec attention et respect, je vous remercie donc d’en faire autant à présent.

M. Alain Bocquet. Je vous écoute !

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Il faudrait que tout le réseau soit entretenu, que toutes les lignes fonctionnent comme au dix-neuvième siècle, il faudrait que tout le monde soit équipé de TGV : c’est ce point de vue, ce sont ces injonctions contradictoires qui éreintent aujourd’hui la SNCF. De ces difficultés, on déduit qu’il faudrait supprimer tous les autres modes de transports et obliger tous les Français à prendre des trains devenus coûteux.

J’ai entendu dire que le confort offert par les autocars n’était pas le même que celui des trains. Je vous invite, mes chers collègues, à prendre un train Corail entre Bordeaux et Montpellier au mois d’août : les vitres sont fermées et il est impossible de les ouvrir, il n’y a pas de climatisation et le train accuse un retard de deux heures à l’arrivée en moyenne. Je vous le dis : si on prévoit de développer une ligne de bus avec climatisation sur ce trajet, je le prendrai. J’ai entendu beaucoup de critiques vis-à-vis des autocars, mais cela vient sûrement du fait que très peu de personnes ici empruntent ce moyen de transport ; je vous invite donc à le faire.

Concernant tant le respect de l’environnement que les tarifs et le confort, les autocars peuvent constituer une nouvelle offre de transport pour les personnes qui souhaitent rééquilibrer leur budget. Ce public n’est d’ailleurs pas nécessairement pauvre, je ne vois pas pourquoi il faudrait le qualifier de manière péjorative. Certains préfèrent se déplacer plusieurs fois à l’étranger en prenant des cars plutôt qu’une seule fois en prenant l’avion. Notre position est donc d’offrir une gamme nouvelle de services de mobilité.

Je vous le dis : si vous voulez sauver le chemin de fer, arrêtez de raisonner selon un schéma corporatiste – le chemin de fer contre tous les autres modes – et pensez en termes de mobilités complémentaires.

M. Bernard Accoyer. Pourquoi est-il si méchant avec les communistes ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Aujourd’hui, la SNCF ne récupère que 5 % du trafic routier pour la desserte du Havre, parce que jusqu’à présent on l’a mise sous cloche en lui expliquant qu’il ne fallait pas aller voir les concurrents et que les ports étaient considérés comme tels.

M. Jean-Frédéric Poisson. Ne soyez pas si agressif !

M. Bernard Accoyer. André, ne te laisse pas faire !

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Aujourd’hui, la SNCF n’est implantée dans aucun aéroport de province, aucun ! Ou peut-être à Satolas, ce qui est tout à fait nouveau, et unique sur l’ensemble du territoire. Pourquoi ? Parce qu’on lui a expliqué que les aéroports étaient ses concurrents, et parce qu’elle vivait repliée sur elle-même grâce aux subventions que d’autres n’avaient pas. Pourtant, en termes de mobilité, il faut aller vers l’intermodalité, grâce à laquelle un mode plus un autre font plus de deux. Il convient aujourd’hui d’offrir un service complet et intermodal.

Je souhaitais m’adresser à ma collègue députée du Doubs, mais je vois qu’elle a quitté l’hémicycle : il se peut que certaines lignes de car se retrouvent plus fréquentées que certaines lignes TER. C’est d’ailleurs déjà le cas, puisque les autorités organisatrices de transports régionaux, si elles plaident beaucoup pour le train, procèdent parfois subrepticement à son remplacement par le car.

M. Jean-Frédéric Poisson. Bien sûr !

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. En effet, lorsqu’on a promis une ligne TER à des tarifs accessibles et qu’on n’arrive pas à tenir la promesse car l’entretien coûte très cher, à moins de presser le contribuable, la seule solution est de supplémenter la liaison par des cars en heures creuses. De cette manière, tout le monde est satisfait, et les cars sont pleins.

M. André Chassaigne. Et alors ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Si demain un car privé permettait de remplacer une ligne de service public coûteuse en termes de subvention, serait-ce si grave que cela ?

Je pense qu’il faut complètement réagencer nos transports, avoir une approche résolument multimodale, mieux lier la route, le vélo, les modes doux, la mer, l’aérien au transport ferroviaire.

Mme Bérengère Poletti. Sans financement public, cela ne marche pas !

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Et le transport ferroviaire aura alors de très beaux jours devant lui. Je vous l’ai dit, près de 30 millions de passagers empruntent les cars anglais, et les trains anglais battent des records de remplissage et de trafic.

Mme Bérengère Poletti. Les Anglais ne sont pas les Français !

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Près de 32 millions de passagers empruntent les cars espagnols, et le trafic de voyageurs des trains espagnols a augmenté de 50 %. Ne prétextons pas une concurrence qui n’existe pas pour expliquer le fait que le ferroviaire s’écroule dans notre pays ; il s’écroule tout seul ! Ne prétextons pas la concurrence de cars qui ne roulent pas encore pour expliquer les difficultés du transport ferroviaire, car ces difficultés ne sont imputables qu’à lui seul. Ayons le courage d’affronter cette réalité sans céder au corporatisme ou au clientélisme, car c’est de cela qu’il souffre, mes chers collègues. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP)

M. Gérard Menuel. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Ma réponse aux propos et aux remarques qui ont été exprimés ira dans le même sens que celle du rapporteur.

Je constate tout d’abord que l’article 2 a suscité de la part de M. Accoyer des remarques beaucoup plus larges que l’objet de l’article ; elles faisaient d’ailleurs écho à d’autres qui m’ont été adressées hier par certains de ses collègues. Cela me porte à croire que la liste de ce que ce texte ne contient pas a été soigneusement établie…

Il ne s’agit en l’espèce ni d’une déclaration de politique générale ni d’un projet de loi de finances ; il s’agit d’un texte de loi qui vise à déverrouiller notre économie. Ce projet de loi contient donc beaucoup de mesures, mais ne prévoit pas d’allégement de charges pour les emplois les moins qualifiés. À ce sujet, je vous renvoie au pacte de responsabilité et de solidarité, que cette majorité et ce gouvernement ont eu le courage de mettre en œuvre, compte tenu des bénéfices qu’il pouvait apporter à notre pays en termes d’emploi. Ces 40 milliards d’euros d’allégements prévus pour les trois années à venir et dont l’entrée en application est intervenue, pour une partie d’entre eux, au 1er janvier dernier, ont donc été entérinés par une décision, laquelle n’avait pas été prise par la précédente majorité. C’est bien pour cela que la compétitivité de notre économie était dans la situation dans laquelle nous l’avons trouvée.

M. Bernard Accoyer. Les chiffres de chômage sont pourtant là !

M. Emmanuel Macron, ministre. On peut donc refaire la litanie de ce qu’il n’y a pas dans ce texte et de ce que nous avons fait par ailleurs. J’y insiste : ce texte comporte des mesures pour le logement intermédiaire, des mesures importantes pour donner plus de vitalité à notre économie – la réforme des prud’hommes –, des mesures pour développer l’investissement et le financement des entreprises ; nous aurons bientôt l’occasion d’y venir.

Enfin, quand il s’agit d’une mesure dont vous reconnaissez vous-mêmes l’utilité, je me permets de noter votre propre incohérence : les uns disent que ce n’est pas assez, les autres voudraient déjà la limiter. Et ce bras qui allait donner est déjà en train de retenir. C’est une limite de 250 pour les uns, et il faudrait ouvrir à la France entière pour d’autres. Si vous voulez plus d’audace, commencez par en déployer vous-même dans les remarques que vous livrez sur ces articles, et nous pourrons ainsi avancer.

M. Christian Jacob. Parlez à vos alliés communistes !

M. Emmanuel Macron, ministre. Dans quelle situation sommes-nous aujourd’hui ? La possibilité d’ouvrir une ligne d’autocar subventionnée, de faire une délégation de service public existe déjà ; le texte n’a rien à voir avec ce sujet. Vous pouvez le faire, et beaucoup de collectivités y ont recours.

En revanche, pour ouvrir une ligne de car privée et développer une activité, il faut aujourd’hui ouvrir une ligne internationale qui va faire du cabotage, car on n’a pas le droit de le faire pour des liaisons interrégionales. Au moins 50 % des passagers doivent se rendre à l’international, et il faut disposer d’une autorisation de la direction générale compétente, qui elle-même consulte les collectivités territoriales. Le délai moyen de sept mois n’est quasiment jamais respecté, tous le reconnaissent. Vous conviendrez avec moi que c’est kafkaïen !

Et il ne s’agit pas de lignes subventionnées : il s’agit de développer une activité là où, je le rappelle, le covoiturage, lui, est libre. Il se développe même de plus en plus : des sites se créent, et nous devons nous en féliciter.

Pourquoi briderait-on le développement d’une telle activité ? Cela n’aurait aucun sens. En revanche, il faut la réguler : c’est ce que ce texte propose en donnant aux AOT la possibilité, en dessous de 100 kilomètres précisément, de ne pas autoriser ladite ouverture si celle-ci vient déséquilibrer les lignes subventionnées existantes ; l’interdiction sera prononcée après avis de l’ARAFER. Il s’agit donc bien d’une ouverture, car cela crée de l’emploi.

Vous évoquiez les chiffres ; j’ai toujours été prudent sur ce point, vous m’en saurez gré. Je citais tout à l’heure le chiffre de 22 000 emplois créés, qui est celui de France Stratégie. Je le donne comme un élément d’indication, et serai là aussi prudent. Il est évident que l’ouverture de cette activité créera de l’emploi.

Mme Bérengère Poletti. Cela aura aussi pour conséquence d’en détruire !

M. Emmanuel Macron, ministre. Concernant le bilan énergétique et le bilan carbone, je voudrais vous citer quelques chiffres qui ressortent des études de l’ADEME et de l’Organisation mondiale du tourisme, l’OMT. L’autocar permet d’économiser du CO2 par rapport aux véhicules particuliers, y compris avec des faibles taux de remplissage ; en moyenne, dès lors qu’il transporte au moins huit passagers. S’agissant du TER, M. le rapporteur Gilles Savary a rappelé les chiffres à l’instant : l’utilisation du fioul justifie le fait que, au-delà d’un taux de remplissage moyen de dix passagers, le car est moins polluant que le train.

M. Alain Bocquet. Je demande à voir !

M. Emmanuel Macron, ministre. Pourquoi cela ? Parce que depuis le 1er janvier dernier, tout autocar neuf commercialisé en France ou en Europe doit respecter la norme Euro 6, qui impose une réduction supplémentaire des valeurs limites de 80 % pour les oxydes d’azote, de 50 % pour les particules et de plus de 70 % pour les hydrocarbures. Le car est aujourd’hui treize fois moins polluant qu’en 2001, deux fois moins qu’en 2013. Voilà de quoi nous parlons.

M. André Chassaigne. Il y en a beaucoup, des cars comme ceux-là ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Je maintiens donc que ce sera meilleur pour le maillage territorial qu’a évoqué Mme la députée, car cela permettra de développer l’activité privée là où aucune ligne subventionnée n’a été installée quand c’était possible, une possibilité que ce texte ne remet nullement en cause. Oui, le maillage territorial public sera préservé en cas de présence d’une délégation de service public, puisque nous donnerons la possibilité aux AOT de bloquer le développement d’une ligne lorsqu’une ligne subventionnée est en place. Oui, c’est bon pour l’activité, oui, c’est bon pour l’environnement, compte tenu des chiffres que j’ai rappelés à l’instant.

Pour toutes ces raisons, l’avis du Gouvernement est défavorable.

M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet.

M. Alain Bocquet. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, cher collègue Savary, je constate comme vous les difficultés que connaît la SNCF. Mais les choix de la SNCF sont des choix politiques que j’ai dénoncés ici avec mon groupe pendant de nombreuses années, y compris la politique du « tout TGV », aux dépens des investissements dans les infrastructures, des lignes TER et du développement du fret.

J’ai présidé une commission d’enquête sur la situation de l’industrie ferroviaire en 2011, qui a fait ce bilan. Certes, le passé est un œuf cassé et l’avenir un œuf qui couve, mais des personnes sont comptables de ce passé et responsables des mauvais choix qui ont tué le fret ferroviaire.

M. Lionel Tardy. La CGT y est pour quelque chose !

M. Alain Bocquet. En 1997, le ministre des transports et le gouvernement de l’époque avaient projeté de faire franchir au fret ferroviaire un grand pas. Au lieu de quoi on a mis des camions et des camions sur les routes. Désormais, la SNCF est le premier transporteur routier, avec sa filiale Geodis. Elle sera demain le premier des transporteurs par autocar, avec sa filiale Theolys.

Alors, il faut savoir ce que l’on veut. Est-ce que le transport ferré peut s’inscrire dans le développement durable, en France, en Europe et dans le monde entier – les marchés, dans ce domaine, sont immenses ? Au passage, la commission d’enquête a démontré qu’une coopération européenne renforcée était nécessaire. On dénombre pas moins de sept systèmes de sécurité différents ! Le temps des guerres a empêché toute harmonisation et nous sommes loin de l’Europe du rail !

Je connais parfaitement toutes ces questions. Je compte quand même quelques heures de vol dans cet hémicycle, étant, hélas, l’un des députés élus depuis le plus longtemps. J’en ai vu, des ministres, des rapporteurs, bourrés de certitudes, enfermés dans leur bulle, et qui ont ensuite explosé en plein vol !

M. Lionel Tardy. Sympathique !

M. Alain Bocquet. Mais là n’est pas le propos. La SNCF est une entreprise qui mérite d’autres choix, d’autres orientations. Il faut mettre un coup d’arrêt à la liquidation du fret. Le fait même que l’on ne puisse pas entrer par le rail dans les ports est incroyable. Il suffirait d’électrifier la ligne Le Havre-Marseille pour permettre le fret nocturne de marchandises, lequel serait compatible avec le développement durable.

Vous parlez du diesel : en Allemagne, 97 % des lignes sont électrifiées, alors qu’elles ne sont que 57 % en France… cherchez l’erreur ! Des choix n’ont pas été faits. Ce n’est pas pour autant qu’il faut souhaiter le « tout autocar » ! On en reparlera des cars, demain. De grands groupes vont commencer à envahir les marchés ouverts en Europe. Vous verrez quelles seront les conséquences, notamment en matière d’accidents.

Mais vous avez toujours raison – j’en ai connu d’autres comme vous. C’est la vie qui tranchera. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Si je puis me permettre quelques mots, monsieur le ministre, puisque vous avez considéré hier que le député que je suis passait son temps à « hululer ». Je ne considère pas que se consacrer pendant quarante ans, comme d’autres ici, à ce que j’appelle le bien commun, c’est passer son temps à hululer. C’est ce que vous avez dit hier, et je voulais le souligner.

M. Emmanuel Macron, ministre. Ce n’est pas ce que j’ai dit.

M. André Chassaigne. Il est vrai que, élu communiste, je n’ai jamais gagné des milliards. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et UMP.) Il y a une règle de base : on peut s’affronter sur le fond, on peut confronter ses arguments et élever la voix, mais il convient toujours, notamment lorsque l’on est ministre, de mesurer ses mots et d’éviter de blesser.

Plusieurs députés du groupe UMP. Très bien !

M. André Chassaigne. Sur le fond du débat, je ne mets pas en cause les arguments qui ont pu être avancés – on sait bien qu’ils sont choisis pour conforter l’idée que l’on veut voir adopter par la majorité d’une assemblée. Mais pour l’essentiel, ce qui nous oppose, c’est que vous avez tiré un trait sur la possibilité, dans ce pays, de porter une ambition publique dans le domaine des transports.

Je respecte cette approche, mais je ne la partage pas – je laisse cela aux députés siégeant de l’autre côté… (Sourires sur les bancs du groupe UMP.) C’est une approche libérale – ce qui n’est pas un gros mot. Vous faites le choix d’un dogme qui consiste à dire qu’on répondra mieux aux besoins des populations en ouvrant à la concurrence et en faisant appel à l’entreprenariat privé. Pour ma part, je considère que, si la volonté politique existe, les pouvoirs publics, les services publics peuvent répondre aux grandes questions qui se posent, et en particulier, que le transport public peut combler les besoins de déplacement de nos concitoyens.

Voilà ce qui nous oppose. Je le disais hier, avec mes mots peut-être un peu forts, une digue est tombée. Comme l’écrivait Elsa Triolet, les barricades n’ont que deux côtés. Malheureusement, vous avez tendance à glisser de l’autre côté.

Lorsque vous prenez l’exemple de l’Allemagne ou du Royaume-Uni, où la part modale bus-car est plus importante qu’en France, vous devez rappeler que l’usage de la voiture y est plus répandu. Ainsi, contrairement à ce que vous pouvez affirmer, le développement du modèle bus-car a pour corollaire une perte importante du transport collectif au profit du transport individuel. C’est une réalité, qui pourrait bien remettre en cause certaines des certitudes que vous clamez dans vos envolées… mais, dans cet hémicycle, nous sommes tous sujets aux envolées !

Vous comparez aussi le coût du rail à celui de la route, en sachant très bien que cette concurrence est absolument déloyale.

M. Jacques Myard. Absolument !

M. André Chassaigne. Permettez-moi de prendre un exemple, celui du groupe Transdev, opérateur multimodal gérant à la fois des lignes de car et de train, et dont le PDG, Jean-Marc Janaillac, est issu de la promotion Voltaire… (Sourires.) sans doute est-ce un hasard si je le cite, mais ses propos ne sont peut-être pas complètement imbéciles…

M. Jean-Frédéric Poisson. Allez savoir ! (Sourires.)

M. André Chassaigne. Jean-Marc Janaillac explique pourquoi Transdev a dû renoncer à exploiter en Allemagne la ligne ferroviaire Leipzig-Rostock, sous la pression de la concurrence sauvage des sociétés d’autocars : « Cette ligne va fermer, car nous avons en face de nous dix compagnies d’autocars qui ne paient pas l’autoroute et qui proposent à leurs clients un tarif de 10 euros, alors que notre train acquitte un péage ferroviaire qui revient à 12 euros par voyageur. Comment lutter avec nos meilleurs tarifs à 20 euros ? ».

On sait bien que le coût payé par l’usager, notamment d’un autocar, n’est pas le coût réel d’exploitation, puisque le transport routier reporte sur la collectivité une part importante du développement et de la maintenance de l’infrastructure. Lorsque l’on veut comparer les coûts respectifs des transports par rail et par route, il faut donc prendre la totalité des données, et inclure les coûts externes, comme la pollution de l’air, le bruit, les embouteillages, les accidents éventuels.

Certes, on peut arriver à démontrer tout et son contraire. Il semblerait même que, par une forme de miracle, la route polluerait désormais moins que le rail ! Sans doute des progrès ont-ils été faits, et c’est tant mieux. On pourrait évaluer combien de lignes de transports routiers les véhicules de ce type utiliseront, notamment dans des secteurs où le bénéfice sera très tendu. La démonstration n’en demeure pas moins surprenante !

Cher collègue Savary, vous dites que la SNCF ne donne pas satisfaction, nous l’avons tous constaté. Au sein de la commission mobilité 21, nous avons travaillé et tenté de proposer des solutions. La première d’entre elles, évidente, a été adoptée en Allemagne : en 1994, la Deutsche Bahn a été désendettée de 34 milliards d’euros. Ce choix n’a pas été fait en France et la SNCF en assume aujourd’hui les conséquences, en matière de dégradation, de réduction du service rendu et de tarification. Tant que l’on n’aura pas réglé la question financière, qui touche aux infrastructures – n’oublions pas que, pour la route, les infrastructures ont été payées pour l’essentiel par les collectivités territoriales – on ne relèvera pas le niveau de la SNCF.

La commission Mobilité 21 a fait des propositions. Contrairement à ce que vous avez dit, nous ne nous opposons pas à tout changement de mode de transport. Un chapitre entier du rapport consistait d’ailleurs à montrer que l’autocar pouvait être envisagé dans certaines conditions. Il fallait pour cela étudier la situation, les conséquences, partir d’une décision publique, d’une autorité organisatrice de transport. Ce n’est pas ce que prévoit le texte, et c’est bien là le fond du problème.

Il est dommage que mon ami Jean Lassalle soit parti, car je lui aurais dit – je pourrais le dire à d’autres – que jamais les lignes d’autocar privées n’iront desservir les territoires abandonnés du transport collectif ! On a vu, il y a trente ou quarante ans, toutes les lignes d’autocars qui drainaient nos territoires disparaître, faute de rentabilité.

Mme Anne Grommerch. Exactement !

M. Pascal Cherki. Très bien !

M. André Chassaigne. C’est évident. Il ne faut pas vivre en apesanteur. N’allez pas imaginer qu’un transporteur privé de Corrèze ira installer une ligne de transport s’il ne peut en tirer un bénéfice ! Pour un libéral convaincu comme vous, c’est pourtant le b.a.-ba !

M. Philippe Le Ray. Excellent ! Voilà un élu de terrain !

Mme Anne Grommerch. Oui, il faut sortir de Paris !

M. André Chassaigne. Laisser croire qu’il y aura un appel pour mieux répondre aux besoins de la population est mensonger. On le sait bien ! Actuellement, la puissance publique met en place des lignes de transport par autocars.

M. Jacques Myard. Exactement !

M. André Chassaigne. D’ailleurs, on n’a pas besoin de plus de libéralisation, mais de plus de centralisation : certains territoires sont desservis par un autocar mis en place par le conseil régional puis, une demi-heure plus tard, par un autocar financé par le conseil général, les deux collectivités s’opposant dans l’exercice de leurs compétences… Tout cela exige de la maîtrise publique, une organisation centralisée, une réflexion sur ce que peuvent être les meilleures dessertes.

Je le dis avec passion : croire que la solution réside dans la concurrence, l’ouverture au marché et l’appel à l’entreprenariat privé est une erreur. Ce ne sont pas mes propos qui sont rétrogrades, mais bien ce que vous proposez !

M. Jacques Myard. Bravo !

M. André Chassaigne. Votre conception de la société est ancienne. Vous considérez que l’on répond mieux aux besoins des citoyens en raisonnant à partir du prix. Je crois au contraire qu’il faut réfléchir à une réponse plus collective, basée sur le partage, la concertation, la maîtrise publique.

Hélas, vous êtes en train de briser les digues, sous les applaudissements désespérants de collègues pourtant attachés aux grandes valeurs de solidarité qui sont celles de la gauche. Vous faites tomber les barrières, ouvrant à tout va au libéralisme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas.

M. Jean-Louis Roumegas. Nous partageons les craintes de nos collègues André Chassaigne et Nathalie Chabanne mais nous n’avons pas pour autant déposé d’amendement de suppression afin de laisser au Gouvernement la possibilité d’encadrer strictement les ouvertures de lignes. Si le Gouvernement, en revanche, s’y refuse et ne veut pas restaurer une politique publique en laissant le dernier mot aux autorités organisatrices de transport – AOT –, nous serons obligés de reconnaître le bien-fondé de ces amendements de suppression. Nous le saurons d’ici ce soir.

(L’amendement n2726 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. François-Michel Lambert, pour soutenir l’amendement n1207.

M. François-Michel Lambert. Nous voulons répondre aux besoins de mobilité de nos concitoyens. Prenons ces dispositions relatives aux autocars pour ce qu’elles sont, c’est-à-dire une réponse mais pas la seule ni la meilleure, aux enjeux de mobilité et essayons, ensemble, de faire preuve d’imagination pour ajouter un nouveau maillon à la chaîne de mobilité et relever d’autres enjeux.

Rappelons que nous avons, dans cet hémicycle, restructuré le système ferroviaire et que la réforme, qui s’applique dès ce mois de janvier, devrait nous permettre d’améliorer la performance économique – ou d’en réduire la dégradation, selon le point de vue – mais surtout celle de l’offre.

Dans cet esprit, je voudrais que puissions développer les propositions du Gouvernement relatives aux autocars afin de répondre aux enjeux de mobilité dans le cadre d’un marché libre, tout en respectant nos engagements en matière environnementale, les équilibres économiques, et en maintenant des éléments structurants comme les rails ou une voie ferrée, que rien ne pourrait remplacer sur notre territoire.

Cet amendement vise par conséquent à remplacer les alinéas 3 à 17 par dix-huit alinéas dont je vous épargnerai la lecture.

M. Jean-Frédéric Poisson. Merci !

M. François-Michel Lambert. Il s’agit d’entourer ces dispositions de garanties pour préserver l’écologie, l’aménagement du territoire, la cohérence intermodale des services de transport, les trains d’équilibre du territoire, les TER, l’équilibre économique, et pour que l’AOT soit le dernier décisionnaire et non l’ARAFER.

Le Gouvernement cherche à ajouter un nouveau maillon à la chaîne de mobilité mais j’insiste pour que la réponse soit à la hauteur des risques et des enjeux sociaux et environnementaux.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Avis défavorable. Je ne suis pas d’accord, tout d’abord, avec le titre, « Services réguliers non urbains de transport public routier de personnes ». Les transports conventionnés sont aussi concernés mais ils ne font pas l’objet de cet article.

Quant aux règles de liaison, pourquoi avoir décidé de ne retenir qu’un juge de paix unique, l’ARAFER ? Plusieurs AOT peuvent être concernées par l’ouverture d’une ligne sur différentes régions ou départements. Si le dernier mot était laissé aux AOT, une seule pourrait bloquer l’ouverture alors que toutes les autres seraient d’accord, pour des raisons idéologiques par exemple.

Il y a ici des députés qui sont opposés aux autocars, nous les avons entendus.

M. André Chassaigne. Qui ? Où ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Je n’ai fait allusion à personne mais ceux qui se désignent ont le droit de le faire. Je dis simplement que je l’ai entendu. (Sourires.)

Ce serait de la tartufferie que de bloquer le système par cet artifice, en décidant que chaque AOT pourra décider. Rendez-vous compte que ces lignes pourront atteindre 200, 300 ou 400 kilomètres. Vous dites que ces dispositions sont idéologiques, monsieur Chassaigne, mais je peux vous assurer qu’aller de Bordeaux à Lyon en train, ce n’est pas idéologique, c’est une galère !

M. Jacques Myard. À qui la faute ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Il est tout aussi compliqué de rejoindre Nantes depuis Bordeaux en train et impossible de rallier Reims depuis Troyes. Et j’en passe ! Il faudrait dégager encore davantage de fonds publics pour créer ces liaisons ferroviaires. Vous aspirez, dans votre idéal, à interdire les autres modes et accorder encore plus de subventions que les 13 milliards déjà dégagés chaque année. Les Français veulent-ils payer encore davantage d’impôts ? Nous dédions déjà 8 milliards à la régénération du réseau, ce qui représente un effort exceptionnel. L’action publique en faveur du ferroviaire ne désarme pas, et vous le savez très bien. Surtout, je prends garde de le répéter pour que le débat ne dérive pas,…..

M. Jacques Myard. Il déraille !

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. …les AOT pourront encore développer tous les services publics de leur choix. S’il prend l’envie à une AOT de faire rouler des trains à vide, elle en aura le droit ! Nous mettons simplement en place un avantage privé supplémentaire. Ainsi, il y a à l’Assemblée une cantine pour le personnel mais les restaurateurs ont parfaitement le droit de s’implanter dans le quartier. C’est la même chose ! Je ne comprends pas pourquoi vous voudriez interdire à des sociétés d’ouvrir des lignes !

M. Jean-Frédéric Poisson. Respirez !

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Si chaque AOT était souveraine, il n’y aurait pas de ligne de transport en autocar car il s’en trouverait toujours une pour s’opposer à son ouverture. Un autre dispositif a donc été choisi pour protéger les lignes de service public.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Avis défavorable à cet amendement que je vous invite à retirer. Une partie des dispositions qu’il contient seront reprises par d’autres amendements que vous proposerez et auxquels nous pourrons être favorables. Malheureusement, je ne peux approuver la philosophie qui sous-tend cet amendement et qui vise à réguler à nouveau tout le dispositif. Il est possible de mettre en place des lignes subventionnées d’autocars aujourd’hui. Beaucoup de collectivités locales l’ont d’ailleurs déjà fait.

M. Jean-Frédéric Poisson. On le sait !

M. Emmanuel Macron, ministre. Par cet article, nous voulons ouvrir un nouveau secteur d’activité en respectant les équilibres des AOT et les objectifs environnementaux. Vos suggestions nous permettront d’ailleurs d’enrichir ce texte. Une partie de votre dispositif pourra être reprise par la suite, mais pas la totalité.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Nous n’avons pas soutenu les amendements de suppression pour laisser filer cet article et se poursuivre le débat entre les différents groupes de la majorité, fort intéressant et très instructif.

M. André Chassaigne. La majorité ? Pas nous !

M. Jean-Frédéric Poisson. Pardon, monsieur le président Chassaigne, de vous avoir situé à un endroit que vous récusez. J’en prends bonne note et je ne recommencerai plus.

M. André Chassaigne. Faites acte de contrition !

M. Jean-Frédéric Poisson. Il n’y avait rien de personnel, cela étant, je vous le promets.

À entendre les interventions de MM. Bocquet et Chassaigne, nous n’avons toujours pas bien compris comment vous alliez garantir qu’un service de transport public se mette en place dans les zones mal desservies. Nous adapterons notre vote sur l’article en fonction de vos réponses.

Par ailleurs, un organisme public que vous avez cité, France stratégie me semble-t-il, évalue à 22 000 le nombre d’emplois créés, chiffre que l’on peut comparer à l’annonce des chiffres du chômage pour décembre – 41 000 demandeurs d’emplois supplémentaires pour ce seul mois. La disposition que vous vous apprêtez à prendre ne couvrira pas la moitié d’un mois de hausse du chômage au rythme actuel.

M. Alain Tourret. C’est déjà cela !

M. Jean-Yves Caullet. Et alors ?

M. Jean-Frédéric Poisson. Alors, nous sommes loin de régler les questions de fond ! Surtout, le ministre déclare depuis tout à l’heure que le pacte de stabilité, la sécurisation de l’emploi, le CICE règlent tout, mais ce n’est pas vrai. Le chiffre que je viens de citer illustre les premiers effets des mesures prises dans le cadre de la loi de sécurisation de l’emploi, en particulier la durée plancher de vingt-quatre heures de travail par semaine pour tout nouveau contrat de travail à temps partiel. Peut-être aurait-il été utile d’autoriser le recours aux ordonnances pour revenir sur ces mesures, au détour d’un amendement. Cela n’aurait pas été la première fois !

Vos mesures sont en décalage avec la réalité et pas à la hauteur des besoins.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je voudrais rebondir sur l’intervention de notre éminent collègue, M. Savary. Quand on déclare que les lignes ferrées existantes ne donnent pas satisfaction, encore faut-il savoir pourquoi. Prenons ainsi un exemple que je connais bien, celui de la ligne Clermont-Saint-Etienne. Les investissements décidés par la région Auvergne ont permis de maintenir le TER, mais cette ligne n’est pas rentable au-dessus de la ville de Thiers pour la traversée du Forez faute de desservir toutes les gares qui auraient pu l’être il y a vingt ou trente ans.

Voilà donc un équilibre fragile. Il est bien évident que si vous ouvrez une ligne de bus entre Clermont-Ferrand et Saint-Etienne par l’autoroute, un entrepreneur privé ne tardera pas à se présenter pour l’exploiter ce qui aura pour effet, dans un premier temps, d’aggraver les difficultés de la ligne ferroviaire et dans un deuxième temps, sa fermeture, pour un service qui sera différent ! La question de l’aménagement du territoire se pose. Si une ligne d’autocar relie un point à un autre rapidement, par l’autoroute, nous pourrons considérer qu’une partie du territoire a été abandonnée et que vous avez accepté le principe que des territoires ruraux restent des déserts et ne puissent plus, pour des raisons financières, bénéficier d’un véritable service public des transports. C’est inquiétant.

Deuxième exemple : la liaison Clermont-Bordeaux était suspendue depuis l’été dernier, à Ussel, pour des raisons budgétaires, liées à l’endettement de la SNCF et à l’impossibilité de maintenir des lignes alors que celle-ci est très importante. Il est fort probable que, très rapidement, nous n’ayons plus d’accès à la façade atlantique alors que nous en avons aujourd’hui deux – Clermont-Bordeaux ou Lyon-Nantes. Elles disparaîtront au profit du bus pour un résultat qui ne sera pas le même !

Je prendrai un troisième exemple : la ligne Clermont-Béziers. Électrifiée de bout en bout, cette ligne va pourtant être abandonnée, faute d’entretien. On nous opposera naturellement que l’autoroute existe et qu’elle est gratuite, de surcroît, à l’exception de la traversée du viaduc de Millau. La ligne ferroviaire sera donc remplacée par des autocars qui circuleront sur cette autoroute. Or, il se pose derrière cela la question de l’aménagement rural, sur le territoire des Cévennes, par exemple. L’approche y est différente. Le principe selon lequel la compétitivité doit primer et la concurrence résoudra tous les problèmes aura des effets considérables sur le maintien d’une activité dans les territoires ruraux.

Enfin, j’insisterai sur un dernier point. Les régions ont déjà consenti de nombreux efforts depuis la décentralisation et depuis qu’elles assument la compétence des TER. Celles d’entre elles qui ont effectué des travaux l’ont fait pour une durée d’amortissement à long terme, de l’ordre de vingt à trente ans. Or, malgré les nombreux travaux réalisés sur des lignes électrifiées par les régions, voire par RFF, l’ouverture préconisée dans le présent texte aboutira à la disparition de certaines de ces lignes au profit de l’autocar. Celui-ci n’ira pas pour autant desservir des territoires qui sont aujourd’hui abandonnés et que le train ne dessert pas.

M. le président. La parole est à M. Gilles Savary, rapporteur thématique.

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Je remercie M. Chassaigne pour son intervention très concrète qui me permet d’illustrer précisément les dispositions adoptées par la commission. Je tiens à le rassurer : je partage largement son point de vue en matière d’aménagement du territoire, d’utilité du train et de politiques de service public.

Il y aura désormais une ligne d’autocar non régulée entre Clermont-Ferrand et Saint-Étienne. En d’autres termes, l’ARAFER n’aura pas son mot à dire, pour la raison suivante : par la loi du 8 décembre 2009, la France a transposé une directive européenne qui ouvre la circulation internationale d’autocars.

M. André Chassaigne. Cette ligne existe déjà.

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Oui, mais elle n’est pas régulée ; elle ne le sera qu’après l’adoption du présent texte. Pour aller de Genève à Bordeaux, il suffit donc de prendre l’autoroute parallèle à la ligne de chemin de fer dont vous craignez, cher collègue, qu’elle ne soit soumise à une concurrence trop forte. Il est même possible de caboter en chemin.

M. André Chassaigne. Non, dans la réalité, personne ne cabote : ceux qui embarquent à Clermont-Ferrand se rendent en Europe centrale ou ailleurs.

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. La compagnie Starshipper est en train d’ouvrir une ligne qui sera non régulée. En théorie, il est donc possible qu’un autocar s’arrête à Saint-Étienne pour prendre des passagers et les déposer à Clermont-Ferrand avant de poursuivre sa route vers Bordeaux. Dès lors qu’il vient de l’étranger, en effet, la loi ne prévoit pas qu’il soit soumis à l’ARAFER, et il n’est pas régulé ; personne ne peut donc y trouver à redire.

M. Philippe Vigier. L’essentiel, pour M. Chassaigne, est que l’autocar en question s’arrête à Thiers…

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Avec le texte que nous vous proposons, dès lors qu’une ligne ferroviaire publique de cent kilomètres – celle que vous avez citée, par exemple – est considérée en danger, il sera possible aux collectivités, qu’il s’agisse d’une AOT, du département ou de la région, d’objecter et de demander une étude de l’impact produit sur la ligne en question pour, le cas échéant, refuser l’ouverture de la ligne routière privée.

M. André Chassaigne. Sur avis conforme de l’ARAFER !

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Naturellement, afin d’éviter toute décision arbitraire, ou tout désaccord entre collectivités.

Nous allons même améliorer le texte, si vous le voulez bien. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Anne Grommerch. En supprimant l’article 2 ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. À ce stade, il est prévu que l’ARAFER donne un avis conforme si le contrat de service public est affecté de manière substantielle. Je proposerai d’adopter un amendement pour étudier si la ligne elle-même est affectée, et non le seul contrat. Alors, cher collègue, vous pourrez sauver votre ligne.

M. André Chassaigne. Il n’y aura aucun contrôle !

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. En effet, il n’y a pas de contrôle au-delà d’une distance de cent kilomètres, mais il s’agit de cent kilomètres glissants. Autrement dit, la ligne d’autocar ne pourra pas faire étape sur le tronçon de cent kilomètres en question, sinon vous aurez le droit d’objecter à sa création.

M. André Chassaigne. Le problème ne sera donc aucunement résolu.

(L’amendement n1207 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. François-Michel Lambert, pour soutenir l’amendement n1208.

M. François-Michel Lambert. Cet amendement, déjà repéré par M. Savary, vise à remplacer les mots « librement organisés » par les mots « réguliers non urbains de transport public routier de personnes », une formulation plus claire. Appelons un chat un chat ; nous pourrons ensuite construire le maillon nécessaire que j’évoquais tout à l’heure pour proposer de nouvelles offres de mobilité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Avis défavorable, car la formulation proposée recouvre également les autocars départementaux, qui échappent au champ du texte.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis pour les mêmes raisons.

(L’amendement n1208 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet, pour soutenir l’amendement n2249.

M. Alain Bocquet. Il est défendu.

(L’amendement n2249, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 2823 et 2451, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte, pour soutenir l’amendement n2823.

Mme Fanélie Carrey-Conte. Comme je l’ai déjà indiqué tout à l’heure, nous ne contestons pas tant le développement de nouvelles lignes d’autocar, dont le débat a montré qu’elles pouvaient se justifier dans certaines circonstances, que le choix de la libéralisation et du marché qui, à notre sens, ne garantira pas la régulation nécessaire et, surtout, qui ne répondra pas aux enjeux de l’aménagement du territoire et de l’entretien de la qualité et des infrastructures des réseaux.

C’est pourquoi nous proposons par cet amendement de prévoir l’ouverture de nouvelles lignes dans le cadre de conventions de service public soumises à l’avis préalable des régions et des départements concernés. Nous disposerions alors d’un outil propre à offrir des possibilités de mobilité dans des endroits non rentables pour le secteur privé, d’organiser l’intermodalité plutôt que la concurrence, et de s’inscrire dans le cadre d’une politique globale d’aménagement du territoire déployée par la puissance publique et s’appuyant sur une vision d’ensemble cohérente et de long terme.

M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet, pour soutenir l’amendement n2451.

M. Alain Bocquet. Aujourd’hui, les trajets en autocar ne peuvent être effectués que si une collectivité locale signe une convention avec la société de transport ou si le véhicule effectue un trajet international, comme on l’a évoqué plus tôt. En France, les compagnies Eurolines et iDBUS se partagent le marché de la longue distance. Sont desservies 61 villes françaises pour 175 liaisons, dix d’entre elles représentant 75 % de la demande et étant parallèles à des lignes de TGV.

Il n’y a aucune raison de croire que les entreprises du secteur investiront demain sur des lignes et des créneaux peu rentables, ce qui renforce notre conviction qu’il se produira une concurrence frontale avec le rail, même si certains veulent croire que l’offre d’autocars s’adressera principalement à une clientèle différente. Il n’est donc pas souhaitable que des lignes d’autocars se développent en concurrence directe avec le rail, sous l’égide d’une autorité de régulation. Nous pensons que le présent projet de loi doit fournir l’occasion de réaffirmer le rôle des autorités organisatrices de transports. Par cet amendement, nous souhaitons donc que l’État conserve de son côté la main sur les liaisons supérieures au seuil de cent kilomètres, en proposant aux entreprises de transport routier un conventionnement soumis à l’avis conforme des régions et des départements concernés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. L’avis de la commission est doublement défavorable. Tout d’abord, ce n’est pas là l’objet du texte : les transports conventionnés sont régis par d’autres textes, qui existent et continueront d’exister. Le présent texte, quant à lui, porte sur l’encadrement et la régulation d’un marché libre d’autocars – j’insiste à l’intention de ceux qui n’auraient pas encore compris ce point.

D’autre part, je vois mal comment nous pourrions déposséder les régions des lignes supérieures à cent kilomètres au profit de l’État, alors même que nous nous apprêtons à débattre du projet de loi de nouvelle organisation territoriale de la République, dit loi Notre.

M. Bernard Accoyer M. Jean-Frédéric Poisson et Mme Anne Grommerch. Nous ne savons pas encore ce que contiendra la loi Notre !

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Cela n’a pas d’importance.

M. Bernard Accoyer. Comment cela ?

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Avis défavorable pour les mêmes raisons, et principalement parce que l’objet de ce texte consiste à ouvrir des lignes d’autocar privées. Le dispositif que vous appelez de vos vœux existe d’ores et déjà, peut être développé par la voie d’une délégation de service public et sera protégé par les décisions que peut prendre l’autorité organisatrice de transports sur avis conforme de l’ARAFER. Nous reviendrons plus loin au débat concernant les règles d’encadrement par l’AOT. En attendant, le principe même de cet article consiste à ouvrir une nouvelle forme de mobilité.

(Les amendements nos 2823 et 2451, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à Mme Michèle Bonneton, pour soutenir l’amendement n1209.

Mme Michèle Bonneton. Cet amendement a pour but de réserver le développement des autocars aux seules liaisons pour lesquelles il n’existe pas de ligne de train directe.

Nous n’avons aucune opposition de principe systématique à la création de lignes d’autocar, comme les autres membres de mon groupe l’ont excellemment indiqué, surtout si ces autocars permettent de diminuer le nombre de voitures particulières, de réduire la pollution atmosphérique et de mieux desservir les territoires.

Pour ce faire, toutefois, il faut une régulation forte. Les lignes d’autocar ne doivent pas faire concurrence au transport public ferroviaire.

Celui-ci, vous l’avez dit, coûte relativement cher et la SNCF a des dettes importantes. N’oublions pas, cependant, que ce sont les finances publiques qui paient les routes, tandis que ce sont RFF et la SNCF qui paient les rails. En outre, si ma mémoire est bonne, la dette de la SNCF est due pour deux tiers au coût passé de ces infrastructures. Toute comparaison doit donc être faite avec une grande prudence.

D’autre part, l’un des scénarios les plus probables dans les années à venir consisterait à ce qu’une ligne d’autocar soit créée parallèlement à une petite ligne ferroviaire de proximité et qu’après quelque temps, la ligne ferroviaire, n’étant plus assez rentable, ne puisse plus fonctionner et soit contrainte de fermer. Or, quelque temps plus tard encore, ce serait au tour de la ligne d’autocar privée – sur laquelle la puissance publique ne dispose d’aucune possibilité d’action – de fermer. Cela s’est déjà produit, et se produit encore aujourd’hui dans certains services publics. En conséquence, il pourrait ne plus y avoir de desserte de transport collectif de personnes sur un territoire donné.

J’ajoute qu’il faut veiller à ce que la concurrence entre le rail et la route ne soit pas également dommageable dans le cas de grandes lignes.

De surcroît, nous ne sommes pas favorables à l’instauration d’un système de déplacements à deux vitesses sociales : des déplacements ferroviaires rapides pour ceux qui en ont les moyens, et des déplacements plus lents pour les personnes aux revenus plus modestes.

Ensuite, il me semble que ce texte ne répondra pas aux inquiétudes exprimées par le président Chassaigne. En effet, la distance séparant Clermont-Ferrand de Saint-Étienne est supérieure à cent kilomètres, à ma connaissance. Sans cabotage, c’est-à-dire si la ligne d’autocar ne s’arrête pas entre les deux villes, alors elle échappera à tout contrôle et à toute régulation.

M. André Chassaigne. C’est exact.

Mme Michèle Bonneton. Enfin, plusieurs comparaisons ont été faites avec la situation du Royaume-Uni et de l’Allemagne, où les autocars sont beaucoup plus fréquentés qu’en France. Soyons prudents : dans ces deux pays, le service ferroviaire se caractérise par une qualité et un maillage bien inférieurs à ce que connaît notre pays.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Avis défavorable. Il existe une ligne ferroviaire entre Bordeaux et Lyon mais il se trouve que c’est un véritable chemin de croix. Nous ne pouvons pas interdire aux gens de choisir un autre mode de transport.

D’autre part, madame Bonneton, en l’absence de cabotage, si la ligne privée ne s’arrête pas sur une distance de cent kilomètres, elle ne peut donc soustraire une part de sa clientèle au service public.

M. André Chassaigne. Mais si, elle en soustrait !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Pour les raisons que vient de rappeler le rapporteur, j’émets également un avis défavorable. Réduire l’ouverture aux simples cas que vous évoquez et interdire la concurrence du train réduirait la portée de cette mesure et mettrait à mal notre croyance profonde dans l’intermodalité et la complémentarité entre divers modes de transport.

Je voudrais profiter de l’occasion qui m’est donnée pour, au regard des chiffres du chômage qui viennent de paraître, répondre à M. Poisson qui, à l’occasion d’un amendement précédent, a insisté sur l’inefficacité de ce texte. Ces chiffres, il ne s’agit pas de se dérober, sont préoccupants pour nous tous et je voudrais à ce sujet faire quelques remarques.

Tout d’abord, j’essaie toujours d’être rigoureux en matière de chiffres et c’est avec beaucoup de précautions que je les mets en avant, mais lorsque nous parlons des chiffres du chômage, cela concerne généralement la catégorie A, laquelle enregistre 8 100 demandeurs d’emplois supplémentaires. Vous vous basez sur les catégories A, B et C : votre argument est quelque peu fallacieux car ce ne sont pas les chiffres que nous citons généralement.

Par ailleurs, si nous allons au bout de votre logique, monsieur Poisson, en quoi la mesure sur les seuils sociaux, mais aussi la suppression des 35 heures – que vous n’avez pas fait voter pendant douze ans – auraient-elles créé des emplois et, peut-être, compensé ce chiffre ?

Mme Véronique Louwagie. Cela aurait créé de l’activité !

M. Emmanuel Macron, ministre. Je vous renvoie la question. Cela aurait créé de l’activité ? Soit, au même titre que tout ce qui est proposé dans ce texte – je pense aux mesures en faveur des prud’hommes ou à ce que nous venons de voter. Vous voyez bien le caractère extrêmement fallacieux de ce genre de remarque.

M. Bernard Accoyer. Ce qui veut dire que vous êtes favorable à la suppression des 35 heures ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Lorsque nous avons ouvert à la négociation des partenaires sociaux la réforme des seuils sociaux, la question s’est posée de savoir combien d’emplois serait créés. Il a été impossible de fixer un chiffre parce que l’économie ne fonctionne pas ainsi : nous ne pouvons pas dire pour chaque mesure combien elle créera d’emplois.

C’est une dynamique d’ensemble qui est lancée et je voudrais revenir sur ce qui est le fondement de ce projet de loi et de notre politique macro-économique.

La faiblesse des créations d’emplois est le résultat des deux ans et demi qui viennent de s’écouler et nous l’assumons en totalité, mais, pardon, elle est aussi le résultat d’une décennie ratée. Je ne peux pas vous laisser citer ces chiffres sans vous rappeler d’où nous venons parce qu’on ne change pas un pays, ni en six mois ni en deux ans et demi.

Oui, à l’été 2012, la France était un pays souffrant d’une absence de compétitivité et surendetté. Oui, depuis cette date, une politique est menée visant à rattraper les chiffres du déficit public. C’est une réalité !

Mme Anne Grommerch. C’est votre réalité !

M. Emmanuel Macron, ministre. Une politique visant à redonner des marges de manœuvre à nos entreprises à travers le CICE et le pacte de responsabilité et de solidarité. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Regardez les chiffres ! Quand on a des marges historiquement basses, on ne peut pas recréer des emplois.

Aujourd’hui, dans la situation qui est la nôtre, comment faire repartir notre économie ?

M. Jean-Frédéric Poisson. Tout de même !

M. Emmanuel Macron, ministre. Nous pouvons le faire de deux façons.

Tout d’abord en relançant la macro-économie européenne, ensuite en relançant l’investissement privé.

Qu’est-ce que l’investissement privé ? C’est le fruit d’une décision prise par des acteurs économiques qui veulent savoir, lorsqu’ils investissent dans notre pays, s’ils ont face à eux des responsables qui réforment, qui créent de l’activité, qui donnent de la vitalité à l’économie.

M. Jean-Frédéric Poisson. Justement, vous n’y arrivez pas !

M. Emmanuel Macron, ministre. C’est précisément ce que proposent que ce texte de loi et le pacte de responsabilité et de solidarité.

Si vous êtes partisans du développement de l’investissement privé, vous devez faire preuve de cohérence et soutenir la politique du Gouvernement telle qu’elle est définie dans ce projet de loi.

La deuxième façon de faire repartir notre économie consiste à stimuler la macro-économie européenne. Là aussi, quelles sont nos marges de manœuvre ? Pardonnez-moi, monsieur Poisson, de vous le dire avec autant de franchise…

M. Jean-Frédéric Poisson. Je vous répondrai de la même façon tout à l’heure !

M. Emmanuel Macron, ministre. …mais si aujourd’hui la France ne peut pas être aussi exigeante qu’elle le devrait à l’égard de l’Allemagne et de Bruxelles, c’est peut-être aussi parce que, pendant de nombreuses années, elle n’a pas tenu les engagements qu’elle avait pris, à commencer par les engagements budgétaires. C’était en 2004 et 2007. C’est à ces occasions que nous avons perdu notre crédibilité.

Mme Véronique Louwagie. C’est un peu facile !

M. Emmanuel Macron, ministre. Nous, nous avons tout fait pour la recouvrer. Oui, depuis deux ans, les efforts ont été difficiles sur le plan budgétaire. Augmenter les impôts ou réaliser des économies ne sont pas des choix faciles à faire. Je note d’ailleurs qu’à chaque fois que nous proposons une économie, vous vous y opposez avec la même vigueur et le même manque de cohérence.

Mme Véronique Louwagie. Ce n’est pas vrai !

M. Emmanuel Macron, ministre. C’est à cette condition que nous retrouvons une crédibilité sur le plan macro-économique, tant vis-à-vis de nos partenaires que de Bruxelles.

Ce texte de loi donne plus de vitalité à notre économie à travers, j’en assume le statut, des réformes micro-économiques. Oui, nous pouvons à ce titre être plus exigeants, avec nos partenaires et avec Bruxelles, soutenir un vrai dialogue en termes de macro-économie, et espérer une meilleure coordination de nos politiques économiques et de relance de l’investissement.

Si nous ne bougeons pas, si vous restez sur des incantations en nous demandant de faire ce que vous n’avez pas fait pendant douze ans et en refusant d’avancer dans la voie que nous proposons, quelle légitimité aurions-nous pour demander quoi que ce soit à nos partenaires, à celles et ceux qui ont fait des réformes, parfois même ce genre de réforme ?

M. Bernard Accoyer. Votre première décision en 2012 a été de revenir sur les réformes qui avaient été faites !

M. Emmanuel Macron, ministre. Si nous voulons nous battre pour l’emploi dans notre pays, nous devons aller au bout de cette cohérence, relancer l’investissement privé, mettre en place une véritable politique européenne qui nous permettra de porter haut notre parole. Pour cela, il faut engager les réformes micro-économiques qui sont proposées dans ce texte…

M. Dominique Lefebvre. C’est juste !

M. Emmanuel Macron, ministre. …et ne pas faire de raccourci hâtif, et parfois inexact, en rapprochant une mesure particulière et les chiffres du chômage. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. Nous ne pouvons pas accepter les propos que vous venez de tenir, monsieur le ministre, à propos des chiffres du chômage parus ce soir. La catégorie A, qui semble être la seule qui vous intéresse, enregistre 30 000 chômeurs supplémentaires par mois depuis un an. Vous ne considérez pas les chômeurs des autres catégories comme des chômeurs : ils apprécieront vos propos !

J’ajoute que la progression de 10,6 % du nombre de chômeurs de catégorie C, c’est-à-dire les personnes qui occupent un emploi à temps partiel, peut être reliée à une mesure qui a été prise, je veux parler de l’interdiction de travailler moins de 24 heures !

M. Bernard Accoyer. Bien sûr !

M. Gérard Cherpion. Mais cette mesure n’a pas été appliquée sur la totalité de l’année. Lorsqu’elle sera pleinement mise en œuvre, vous imaginez les dégâts qu’elle causera !

Mme Anne Grommerch. Tout à fait !

M. Gérard Cherpion. Lorsque nous avons demandé en commission de revenir sur cette mesure, vous avez répondu que l’encre était à peine sèche et qu’il n’était pas question de la supprimer. Pourtant, dans le même temps et dans le même texte, vous touchez à des mesures dont l’encre n’est pas plus sèche.

Nous ne pouvons accepter vos propos. Je ne suis pas d’accord. Vous avez supprimé la TVA sociale : nous voyons aujourd’hui l’efficacité de cette mesure. Vous avez limité l’exonération des heures supplémentaires, nous en voyons aussi le résultat.

Alors oui, regardons la réalité et positivons. Il existe effectivement une dynamique, mais qui n’est pas celle que le Gouvernement impulse. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Excellent !

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je voulais apporter une précision après l’intervention de notre collègue Savary concernant l’exemple que j’ai cité de la ligne Clermont-Saint-Étienne.

Si vous instaurez un service de bus entre Clermont-Ferrand et Saint-Étienne, ce bus mettra, pour effectuer une distance de 145 km, environ une heure trente puisqu’il prendra l’autoroute et ira directement de Clermont à Saint-Étienne. Il est peu vraisemblable qu’il effectue des arrêts en cours de route, l’objectif étant de relier une ville à une autre ville.

Il existe actuellement une desserte ferroviaire entre ces villes, mais plusieurs arrêts sont prévus à travers la plaine de la Limagne, à Thiers et, après avoir passé le Forez, avant d’arriver à Saint-Étienne. Le trajet est donc plus long en train. Il est bien évident que les voyageurs allant de Clermont à Saint-Étienne ne prendront plus la ligne ferroviaire mais l’autobus, qui sera plus rapide et peut-être même moins cher. Cela va déséquilibrer le trafic de la ligne ferroviaire et très rapidement entraîner la suppression d’une partie de cette ligne, entre Thiers et Saint-Étienne.

M. Gérard Cherpion. C’est évident !

M. André Chassaigne. Monsieur le ministre, je ne partage pas votre appréciation de l’évolution de la société et votre conception du devenir de notre système économique. Vous venez de le dire très clairement, votre choix est celui du libéralisme.

M. Gérard Cherpion. Même pas !

M. André Chassaigne. Ce n’est pas péjoratif de ma part, mais je ne le partage pas. Selon vous, c’est l’entreprenariat privé qui apportera des réponses. J’en prends acte, et quoi qu’il en soit, il était bon de le dire.

Mais en face, mesdames et messieurs de l’opposition, même si ce qui nous est proposé n’est pas parfait, vous devriez vous réjouir de ce chemin qui s’esquisse et applaudir aux propos du ministre. Nous avons fait évoluer en commission le titre du projet de loi, nous pourrions aussi décider de parler non plus de la loi Macron mais de la loi Macron et Mariton, et pourquoi pas Fillon…

Mme Catherine Coutelle. Pas terrible !

M. Dominique Lefebvre. Ce n’est pas au niveau du débat !

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Monsieur le ministre, vous avez évoqué à plusieurs reprises, et vous l’aviez rappelé en commission, que cette fameuse proposition de loi relative aux stages était une fausse bonne idée. Nous étions naturellement totalement d’accord avec vous.

Il serait intéressant, par rapport aux questions liées à l’emploi, que vous filiez cette métaphore parce que de toute évidence, les gouvernements Ayrault et Valls ont pris depuis 2012 un certain nombre de mesures structurelles, mais si le taux de chômage continue de s’aggraver et qu’il n’y a pas de véritable embellie, cela montre bien que ces mesures sont en décalage avec la réalité.

À cet égard, vous rappelez que ce texte, s’il « n’est pas la loi du siècle », contient un certain nombre de mesures micro-économiques que vous considérez importantes. Nous pensons, nous aussi, que face à un enjeu aussi important pour notre pays, il convient d’adopter un certain nombre de mesures macro-économiques, et ce fut l’objet du débat que nous avons eu hier à partir de la motion de rejet. Mais nous n’avons pas reçu de réponse sur ce point, d’où notre hostilité à votre texte. En fait, ce que vous proposez n’est pas à la hauteur des enjeux auxquels notre pays doit faire face.

(L’amendement n1209 n’est pas adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

5

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de l’examen du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly