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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du lundi 02 février 2015

Présidence de Mme Catherine Vautrin

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Croissance, activité et égalité des chances économiques

Suite de la discussion d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (nos 2447, 2498).

Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de onze heures et cinquante-neuf minutes pour le groupe SRC, dont 588 amendements sont en discussion ; onze heures et trente et une minutes pour le groupe UMP, dont 1 213 amendements sont en discussion ; trois heures et trente-cinq minutes pour le groupe UDI, dont 139 amendements sont en discussion ; deux heures et vingt minutes pour le groupe RRDP, dont 67 amendements sont en discussion ; deux heures et onze minutes pour le groupe écologiste, dont 149 amendements sont en discussion ; deux heures et quatorze minutes pour le groupe GDR, dont 110 amendements sont en discussion et quarante-quatre minutes pour les députés non inscrits.

Discussion des articles (suite)

Mme la présidente. Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement n382 à l’article 12.

Article 12 (suite)

Mme la présidente. Sur cet amendement n382, je suis saisie par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour un rappel au règlement.

M. Guillaume Larrivé. Un rappel au règlement sur la base de l’article 58, madame la présidente. Nous débattons depuis plusieurs heures de questions essentielles pour l’avenir des professions juridiques. Des dizaines de milliers d’avocats, de notaires, d’huissiers et de commissaires-priseurs sont concernés, ainsi que des centaines de milliers, voire des millions de Français qui accèdent au droit au travers de ces professions.

Nous sommes très heureux de débattre avec le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, qui défend avec ardeur les positions du Gouvernement, mais un seul être vous manque et tout est dépeuplé : nous sommes surpris du silence qu’observe la garde des sceaux sur ces questions. Au moment de reprendre nos débats, nous tenons, au nom de toute l’opposition, à souligner cette carence.

La garde des sceaux a bien voulu venir un quart d’heure, il y a déjà huit jours, citer Pierre Bourdieu. Au regard de la réforme qui est engagée, nous souhaiterions pouvoir débattre avec elle, ministre de la justice en charge des professions juridiques, de ces dispositions. Son silence est peut-être l’aveu d’un désaccord avec la réforme du Gouvernement mais il nous semble, à ce stade, inexcusable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Article 12 (suite)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 382 et 1092.

La parole est à M. Philippe Houillon, pour soutenir l’amendement n382.

M. Philippe Houillon. Je ne développerai pas cet amendement, qui nous a déjà beaucoup occupés, mais j’ai demandé un scrutin public car cet article crée un nouvel impôt, ou une nouvelle taxe. Chacun pourra ainsi s’exprimer et nous connaîtrons le sens de la décision de chacun.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement n1092.

M. Guillaume Larrivé. Monsieur le ministre, je voudrais vous apporter mon témoignage d’élu d’un territoire rural. J’ai abordé votre projet de loi sans a priori, n’étant pas un expert de l’organisation de la profession notariale dans notre pays. Je suis donc allé, comme l’ensemble des députés, à la rencontre des notaires, dans l’Yonne, pour discuter en particulier de la péréquation.

J’ai ainsi compris que dans les études notariales des territoires ruraux, comme Saint-Fargeau, Chablis ou Saint-Bris, la péréquation se faisait au cours de l’exercice concret, quotidien de ce métier. Elle se fait entre des actes très rémunérateurs, tarifés proportionnellement à la valeur d’un bien, comme la vente d’une belle maison à Chablis, et d’autres qui le sont beaucoup moins, voire qui sont gratuits, comme les conseils juridiques donnés à ceux de nos concitoyens qui n’ont pas les moyens de s’adresser à un prestataire juridique rémunéré.

Cette péréquation existe donc dans les études des territoires ruraux. Vous inventez aujourd’hui un système beaucoup plus compliqué, technocratique, qui affectera probablement l’équilibre des territoires ruraux, les menaçant d’une désertification juridique qui aura au final des conséquences anti-sociales.

Votre réforme a été mal pensée. Peut-être avez-vous été mal conseillé. Nos amendements visent à réintroduire un peu de bon sens dans ce dossier.

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique de la commission spéciale, pour donner l’avis de la commission.

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique de la commission spéciale. Avis défavorable. Que les notaires se rassurent : la péréquation interne au sein des offices est bien entendu maintenue.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Avis défavorable. La situation que vient de décrire M. Larrivé est une réalité, et elle ne sera absolument pas modifiée par ce texte. Cependant, l’on observe parfois un décalage entre ce qui relève de la notion de rémunération raisonnable et la pratique. Ainsi, vous avez pris l’exemple très juste de la vente d’une belle maison à Chablis et de petits actes, voire de conseils gratuits. Cette réalité ne changera pas, mais vous savez comme moi qu’il y a des endroits où l’on multiplie les belles transactions et d’autres les conseils gratuits ou les transactions plus modestes.

Cette péréquation n’existe donc pas aujourd’hui au sein de la profession, ni même plus largement. À ce propos, M. Carré a soulevé tout à l’heure une préoccupation légitime, et je l’assure qu’il n’y a aucun malentendu. Avec le mécanisme que vos collègues ont proposé en commission spéciale, la péréquation au sein des offices est maintenue, en même temps qu’est instaurée une péréquation au sein de la profession, dont les modalités seront à définir par un décret en Conseil d’État, et une péréquation entre professions du droit, qui avait été prévue par une loi de 1991 de manière comparable et qui ne saurait relever exclusivement d’une loi de finances.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Vigier.

M. Jean-Pierre Vigier. Monsieur le ministre, je me réjouis que vous ayez reconsidéré la question du corridor tarifaire. Il créait une rupture d’égalité entre les citoyens, qui se seraient vu facturer des prix différents pour un même acte. De surcroît, il aurait pu fragiliser les territoires ruraux qui auraient bénéficié d’encore moins de services.

Pour autant, d’autres articles de ce projet de loi, en favorisant les grosses structures dans les sphères urbaines, pourraient faire persister une menace de désertification, et le terme n’est pas assez fort, sur nos territoires ruraux. Il me paraît pertinent, suite à la création d’autres fonds de péréquation dans ce projet de loi, que les territoires ruraux aient le leur. La présence de professionnels sur l’ensemble du territoire doit être un impératif national. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Le vrai sujet est celui de la distinction entre un fonds de péréquation et une nouvelle taxe parafiscale. Selon nous, vous créez sans l’avouer une nouvelle taxe parafiscale. Vous nous répondez qu’il s’agit au contraire d’un fonds de péréquation.

Il y a deux manières de les distinguer. D’abord, la péréquation doit bénéficier aux payeurs, aux professions qui payent. Dès lors, elle ne doit pas servir à des missions de service public, assumées par ailleurs par l’impôt. Ainsi, la maison de la justice et du droit relève d’une mission de service public et n’a pas à être payée par les professionnels.

Ensuite, il faut se demander comment est géré le fonds de péréquation. Ce ne serait un fonds de péréquation qu’à la condition qu’il soit géré par les professionnels eux-mêmes, et non par une quelconque administration. À vous de nous le démontrer, monsieur le ministre. Si ce n’est pas le cas, en effet, notre thèse qu’il s’agit plutôt d’une taxe parafiscale est pertinente, chacun l’admettra.

Pour finir, vous faites payer les notaires, mais une bonne partie de ce fonds ira à l’aide juridictionnelle. Tout le monde aura compris que les notaires allaient payer pour les avocats ! (« Mais non ! » sur les bancs du groupe SRC.) Je ne veux pas opposer les professions entre elles mais les choses sont claires : si j’ai bien compris, les avocats ne paient pas cette taxe ! (« Si ! » sur les bancs du groupe SRC.) Dans quelle proportion dans ce cas ? À l’occasion de quel acte ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Lisez le rapport !

M. Marc Le Fur. Soyez clairs : les avocats sont-ils payeurs ? Ils sont en tout état de cause bénéficiaires au titre de l’aide juridictionnelle. Les incertitudes sont encore trop nombreuses à ce stade pour que nous puissions prendre position.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 382 et 1092.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants45
Nombre de suffrages exprimés45
Majorité absolue23
Pour l’adoption17
contre28

(Les amendements identiques nos 382 et 1092 ne sont pas adoptés.)

M. Marc Le Fur. On n’a pas répondu à mes questions !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n2111.

M. Philippe Vigier. Pour poursuivre dans le sens de M. Le Fur, nous ne sommes pas opposés à l’idée d’un fonds de péréquation dès lors que les professionnels sont au cœur de sa gestion : ce sont en effet les professions juridiques qui connaissent le mieux leur répartition sur le territoire et les difficultés que peuvent rencontrer certaines études. Pour que cette péréquation soit aussi juste que possible, il faut donc en confier la gestion aux professionnels.

Se pose ensuite la question du financement du fonds. Je suis de ceux qui désapprouvent l’instauration de nouvelles taxes. Néanmoins, si cela s’avère nécessaire pour faire face à la progression des déserts juridiques dans notre pays, il se peut que la création d’une cotisation de solidarité soit le seul moyen de financer le fonds.

Enfin, nous sommes favorables, comme l’a très bien dit M. Vercamer, à l’aide juridictionnelle et aux maisons du droit, mais nous ne souhaitons pas qu’elles soient alimentées par les recettes du fonds de péréquation. En effet, on retirerait ainsi d’importantes sommes d’argent aux professions juridiques pour financer des missions qui devraient relever de l’État dans le cadre de ses mécanismes de péréquation.

Vous l’avez compris, monsieur le ministre : cet amendement permet de replacer les professionnels au cœur de la gestion de ce fonds ; c’est fondamental. À défaut, ce fonds ne fera l’objet d’aucun contrôle et sa gestion sera assurée par des services administratifs et fiscaux. D’autre part, je répète que nous ne sommes pas opposés au principe de la cotisation de solidarité, mais à la condition que les recettes de ce fonds ne soient pas consacrées au financement de l’aide juridictionnelle, car cela reviendrait à détourner cette taxe levée, qui a pour objet d’aider les études de notaires ou d’huissiers par exemple, en la dévoyant dans un autre but. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Avis défavorable. J’apprécie, monsieur Vigier, que vous acceptiez le principe de la péréquation. Il était important de le dire, car cela n’allait pas de soi au début de nos travaux. Nous divergeons toutefois sur un point : vous considérez que la péréquation doit relever de la profession elle-même, tandis que nous la souhaitons interprofessionnelle.

M. Marc Le Fur. Quel est donc le champ des professions concernées ?

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Ce choix découle des travaux que nous avons menés dans le cadre de la mission : ayant auditionné l’ensemble des professions juridiques, nous avons pris conscience de la nécessaire solidarité qu’il fallait établir entre elles.

En outre, il nous semble que ce fonds, entre autres, servira à la profession elle-même. Il permettra en outre de répondre à la question récurrente qui se pose partout sur le territoire : celle de l’aide juridictionnelle, à laquelle participeront bien évidemment les autres professions, y compris, cela va de soi, la profession judiciaire d’avocat.

M. Marc Le Fur. Les avocats seront-ils payeurs ?

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Bien sûr ! Vous n’avez qu’à consulter le rapport de M. Le Bouillonnec !

En clair, nous avons souhaité aborder ce sujet important de front et profiter de cette loi pour faire naître une solidarité des professions du droit sur le territoire. Je me permets de rappeler que l’aide juridictionnelle assure tout de même sur tout le territoire la solvabilité de la demande dont toutes les professions juridiques ont besoin, en particulier dans les territoires ruraux.

Je comprends vos réserves, monsieur le député, mais je me permets d’insister sur l’avancée que constituerait l’émergence d’une solidarité entre les professions en vue de résoudre un problème grave, urgent et récurrent auquel elles sont toutes confrontées.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis. Permettez-moi de resituer le débat et, ce faisant, de répondre à M. Le Fur. Si nous discutions d’un texte sur l’aide juridictionnelle, voire sur la justice du XXIe siècle, la garde des sceaux serait devant vous. Nous ne serions en effet pas en train de débattre des tarifs des professions réglementées, et nous pourrions dès lors aborder ces questions.

M. Philippe Vitel. Ce n’est pas des tarifs que nous parlons !

M. Emmanuel Macron, ministre. Or, monsieur Le Fur, les tarifs des avocats ne sont pas réglementés puisque les avocats ne sont pas des officiers publics ministériels. C’est pourquoi nous n’avons pas à traiter de la question que vous posez, qui ne relève pas du périmètre de notre texte.

M. Marc Le Fur. Dans ce cas, nous n’avons pas davantage à traiter de la question de l’aide juridictionnelle !

M. Emmanuel Macron, ministre. Le périmètre de notre texte est celui des tarifs des professions réglementées du droit. Cela étant, votre question est tout à fait valide : elle doit être posée dans le cadre de la réforme de la justice du XXIe siècle, et il conviendra de mener cette réflexion à son terme. Aujourd’hui, les avocats apportent une contribution en temps à l’aide juridictionnelle, que vous connaissez toutes et tous sur vos territoires.

M. Philippe Vigier. Absolument !

M. Emmanuel Macron, ministre. Leur contribution est rémunérée, ce qui a suscité tout un débat qui vous est familier, les uns considérant que cette rémunération est suffisante tandis que les autres estiment qu’elle est inférieure à ce qu’elle devrait être.

M. Philippe Vitel. Ce n’est pas le problème !

M. Emmanuel Macron, ministre. Il est donc légitime que l’ensemble des professions du droit apportent une telle contribution, et cela se discute dans le cadre de la réforme des tarifs des seules professions réglementées du droit. Votre question, quant à elle, dépasse largement le périmètre de ce texte. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable à l’amendement.

M. Marc Le Fur. Les notaires paient pour les avocats !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Nous parlons de deux choses différentes, monsieur le ministre. Vous voulez mutualiser le fonds de péréquation entre les professions juridiques. Cela n’a pas de sens ! S’il n’existait qu’une seule profession juridique unifiée, cela pourrait se comprendre, mais en l’état, nos débats en commission spéciale ont montré que cela n’a pas de sens. Envisageriez-vous, dans les professions médicales, qu’un chirurgien paie pour un dentiste ? Cela revient au même. Il faut donc que ce fonds soit géré profession par profession. Ne mélangeons pas les unes avec les autres, même si ce sont toutes des professions juridiques.

M. Philippe Vitel et M. Philippe Armand Martin. Tout à fait !

M. Philippe Vigier. D’autre part, vous ne souhaitez flécher les recettes de ce fonds de péréquation, auquel nous ne sommes encore une fois pas opposés, que dans une seule direction : l’aide juridictionnelle.

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Non !

M. Philippe Vigier. Si ! Je cite votre alinéa 7 : « Cette péréquation assure également une redistribution, au niveau national, des sommes perçues au titre de ces tarifs proportionnels, au bénéfice d’un fonds interprofessionnel destiné à financer notamment l’aide juridictionnelle et les maisons de justice et de droit ».

M. Emmanuel Macron, ministre et et, Plusieurs députés du groupe SRC. « Notamment » !

M. Marc Le Fur. L’adverbe « notamment » n’a rien de juridique, ôtons-le des lois !

M. Philippe Vigier. « Notamment », monsieur le ministre, mais vous n’avez pas dit un seul mot des autres professions juridiques, qui peuvent parfois rencontrer des difficultés et que le fonds de péréquation pourrait aider ! Autrement dit, vous en fléchez exclusivement l’utilisation…

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Pas du tout !

M. Philippe Vigier. Mieux vaut préciser les choses, madame la rapporteure. Il existe une différence majeure entre nous : vous souhaitez mutualiser le fonds, alors que selon nous, il ne saurait y avoir une harmonisation entre des professions très différentes. Je regrette que vous ne souhaitiez pas voir cette nuance pourtant importante.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Houillon.

M. Philippe Houillon. Pour la rectitude intellectuelle des débats, permettez-moi de préciser, monsieur le ministre, qu’il ne s’agit pas non plus d’un texte concernant le financement de l’aide juridictionnelle ou des maisons de justice. J’entends la réponse que vous avez faite à M. Le Fur, mais ayez la rectitude, précisément, de convenir que vous traitez dans ce texte des questions bien plus vastes qu’il ne devrait pas aborder !

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. L’inquiétude que j’exprimais tout à l’heure est corroborée par les propos du ministre. Les professions réglementées sont les seules à concourir au financement du fonds de péréquation. En revanche, vous voulez que ce fonds, via l’aide juridictionnelle, finance une autre profession qui ne concourt pas à son financement : la profession des avocats. Autrement dit, vous vous servez de ce que vous appelez un fonds de péréquation comme d’une taxe parafiscale, dont la finalité ne concerne pas les payeurs.

Il n’y aurait de validité de ce fonds que si ses recettes allaient aux membres des professions qui le financent. Or, ce n’est pas le cas. Il s’agit donc, je le répète, d’une taxe parafiscale. Vous êtes à la recherche de financements de poche, de ressources de dernière minute que vous ne parvenez pas à trouver du fait de la défaillance générale de l’État. Dès lors, vous faites feu de tout bois : puisqu’on peine à financer l’aide juridictionnelle, pourquoi ne pas cibler les notaires ?

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Les autres professions sont elles aussi concernées !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Caullet.

M. Jean-Yves Caullet. En dépit des caricatures, nous touchons enfin au fond de la question. Nous parlons de tarifs. Comme on l’a dit à juste titre, ces tarifs, au-delà d’un certain seuil, deviennent proportionnels et génèrent les capacités de financement d’un mécanisme de péréquation à deux étages, d’abord interne puis, éventuellement, plus large.

Je rappelle que les ordres professionnels sont consultés lors de l’établissement des tarifs. Autrement dit, les professions sont d’ores et déjà au cœur de ce qui constitue la source du financement de la péréquation. Il est donc normal d’envisager que les décrets et autres textes réglementaires qui établiront les possibilités de cette péréquation – d’où l’emploi du fameux « notamment » – prévoient un partage avec les professions.

Quant aux avocats, ils apporteront aux aussi leur contribution. M. Le Bouillonnec l’a très bien expliqué : toutes les professions du droit sont d’accord pour instaurer une forme de mutualisation de la péréquation, à condition que toutes participent. Il faudra donc bien, le moment venu, que ces différents modes d’alimentation du fonds se rassemblent, y compris les professionnels qui ne sont pas concernés aujourd’hui par ces tarifs puisqu’ils ne sont pas réglementés. J’ai beau ne pas non plus être un spécialiste, les choses me paraissent très claires.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Carré.

M. Olivier Carré. Nous allons bientôt aborder la question des remises. Il est prévu d’abandonner le mode initialement prévu et d’instaurer un tarif fixe en laissant aux études la possibilité d’accorder des remises. Comment fonctionnera la péréquation ? Sur le prix net ? Ou peut-être sur l’assiette ? J’ai entendu tout à l’heure que la proportionnalité créait une possibilité de rémunération quasiment infinie, et que de ce fait il était logique de l’écrêter au bénéfice d’un fonds de péréquation. Les choses vont nettement se compliquer avec ces remises : que se passera-t-il si le montant de la remise correspond au montant de ce qui aurait dû être écrêté ?

Ce sont là des questions pratiques, qui vont se poser. Elles sous-tendent une question plus générale : s’agit-il oui ou non d’une taxe parafiscale ? Bref, lorsque l’on pousse le mécanisme dans ses derniers retranchements, on voit bien que les réponses qui nous sont données ne sont pas claires.

(L’amendement n2111 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas, pour soutenir l’amendement n194.

M. Jean-Louis Roumegas. Suite aux annonces faites par M. le ministre, le contenu de cet amendement est à relativiser, puisqu’il vise à supprimer le corridor tarifaire – nous verrons tout à l’heure quel dispositif est proposé pour s’y substituer. Nous craignons simplement que cet aménagement ne se fasse au détriment des petites études et qu’il avantage les gros clients qui ont les moyens de négocier, comme M. le ministre l’a très bien expliqué dans son mea culpa. De même, les études isolées pourront profiter de cette position de monopole pour augmenter leurs tarifs, ce qui nuirait à l’égalité d’accès au droit.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. En effet, cet amendement vise à supprimer le corridor tarifaire, et c’est précisément la décision vers laquelle nous nous orientons. Mais il vise aussi à remplacer par un décret l’arrêté prévu pour définir les seuils. Or, il nous semble que l’arrêté est plus adapté. Pris conjointement par le ministre de la justice et le ministre de l’économie, il a pour objet de fixer les tarifs. C’est donc ce dispositif réglementaire de l’arrêté qu’il convient de retenir. C’est pour cette raison que la commission ne saurait donner un avis favorable à cet amendement. En revanche, l’amendement n2712 que présenteront plus tard M. Vigier et ses collègues satisfait votre préoccupation. Je vous propose donc, monsieur le député, de retirer le vôtre au profit de celui-là.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Sans revenir sur ce qui a été dit, je précise que cet amendement est plus large et que les éléments de coordination qu’il contient sont imparfaits. C’est pourquoi je vous invite à le retirer, tout en rappelant que vos préoccupations concernant le corridor tarifaire ont été entendues.

(L’amendement n194 est retiré.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’une série amendements identiques.

La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement n2.

M. Philippe Vitel. Nous demandons par cet amendement la suppression de la dernière phrase de l’alinéa 7, dans le prolongement des explications données par plusieurs de nos collègues, en particulier M. Le Fur. En effet, si cet alinéa commence par l’intention louable et juste d’instaurer cette péréquation, tout change dans la dernière phrase.

Nous l’avons dit à plusieurs reprises : selon nous, le fonds interprofessionnel n’est pas le plus adapté. Chaque profession a sa spécificité, qui pourrait éventuellement être reconnue par la création d’un fonds qui lui serait propre. En outre, ce fonds ne doit en aucun cas avoir pour ambition de se substituer à l’État par la création de ce qui n’est rien d’autre qu’une taxe.

Le financement de l’aide juridictionnelle et des maisons de justice doit être assuré par l’État et la solidarité nationale, et non par une ponction fiscale sur les professions concernées. C’est pourquoi nous demandons la suppression de la dernière phrase de l’alinéa 7 de l’article 12.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Marleix, pour soutenir l’amendement n60.

M. Olivier Marleix. L’alinéa 7 de l’article 12 est rédigé d’une manière extrêmement complexe et peu intelligible, car il confond plusieurs objectifs. Je n’insiste pas.

Au bout du compte, cette nouvelle taxe parafiscale que vous baptisez du doux nom de péréquation, ce sont les Français qui la paieront. C’est une taxe supplémentaire qui apparaîtra sur les décomptes établis par les notaires, une nouvelle ligne dédiée à la péréquation.

Je vous rappelle qu’il y a quelques mois, dans la loi ALUR, le Gouvernement, plein de bonnes intentions, a déjà créé une exigence de ce type en demandant aux syndics d’établir un pré-état daté avant une vente. Ce document est désormais exigé et doit être demandé aux syndics. Mais qui paie ? Les Français, lorsqu’ils signent l’acte ! Les notaires le tarifient, c’est une ligne supplémentaire sur leurs factures.

Vous qui prétendez avec votre texte donner des marges supplémentaires de pouvoir d’achat aux Français, monsieur le ministre, vous faites exactement le contraire. C’est pourquoi nous vous invitons à supprimer cet alinéa 7.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n105.

M. Marc Le Fur. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour soutenir l’amendement n186.

Mme Valérie Boyer. Je voudrais à mon tour dire tout l’intérêt que nous aurions à supprimer cet alinéa qui présente ce travers vraiment pervers de créer des taxes sur les taxes, des ponctions fiscales qui ne disent pas leur nom. Ce sont les Français qui seront victimes de cette ponction fiscale puisqu’ils la paieront, ce qui les éloignera plus encore des professions réglementées et du droit.

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Elle n’a rien compris !

Mme Valérie Boyer. Alors qu’aujourd’hui nous souhaitons créer du mouvement, de la croissance, de la confiance pour que le chômage baisse et que l’activité reprenne, nous allons créer une espèce de surtaxe qui n’est rien d’autre qu’un impôt qui ne dit pas son nom. Cet impôt sera payé par nos compatriotes et, puisqu’il ne dit pas son nom, il créera de la confusion et de l’opacité, ce qui risque d’entraîner le rejet à la fois de l’impôt et de certaines professions. L’objectif de ce texte n’était-il pas de créer de la croissance et de la dynamique dans l’activité ?

J’insiste sur le fait que les professionnels sont les seuls à alimenter ce fonds. Il serait juste de supprimer cet alinéa 7 afin de rendre le dispositif plus clair, plus fiable et plus juste.

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Terrasse, pour soutenir l’amendement n294.

M. Pascal Terrasse. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n530.

M. Dominique Tian. Cette péréquation incompréhensible…

Mme Valérie Boyer. Et injuste !

M. Dominique Tian. …et injuste, qui sera payée par ceux qui feront appel aux notaires, n’est jamais qu’une taxe supplémentaire déguisée.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Carré, pour soutenir l’amendement n1039.

M. Olivier Carré. Au lieu de défendre cet amendement, je souhaiterais poser une question au ministre : des simulations ont-elles été faites concernant le montant attendu de ce fonds de péréquation et la part qui serait prélevée pour alimenter le financement de l’aide juridictionnelle ?

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement n2004.

M. Marc Dolez. Notre groupe a déposé cet amendement de suppression de la dernière phrase de l’alinéa 7 en cohérence avec sa proposition de créer un fonds de péréquation propre à chaque profession, dans le but de préserver le maillage territorial.

Je n’ai pas été convaincu tout à l’heure par l’argumentation du ministre concernant le périmètre du projet de loi, car c’est au détour d’un alinéa que nous abordons la question de l’aide juridictionnelle et de son financement !

M. Philippe Houillon et M. Philippe Vitel. Bien sûr !

M. Marc Dolez. Il est évident qu’une question aussi importante devrait faire l’objet d’une discussion à part entière, en dehors du présent projet de loi et menée en présence de Mme la garde des sceaux.

Mme Valérie Boyer. C’est vrai !

M. Marc Dolez. C’est la raison pour laquelle je souhaite que nous adoptions cette série d’amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement n2123.

M. Francis Vercamer. Le groupe UDI n’est pas opposé à une péréquation quand il s’agit d’aider les offices en difficulté. Il s’agit alors d’une forme d’entraide entre professionnels. Nous ne sommes pas opposés non plus à ce qu’elle puisse financer l’aide juridictionnelle, qui intervient dans le domaine du conseil, et les maisons du droit, qui proposent de la médiation. Mais nous n’aimons pas beaucoup le mélange des genres, autrement dit le fait que le fonds de péréquation soit à la fois destiné aux professionnels et à assurer le financement de deux autres dispositifs de nature totalement différente. Ce qui est à craindre, c’est qu’un jour, après avoir prélevé dans ce fonds au bénéfice de l’aide juridictionnelle et des maisons du droit, il ne reste plus rien pour la péréquation, ce qui facilitera l’apparition des déserts juridiques.

Nous souhaitons donc nous aussi supprimer la dernière phrase de l’alinéa 7, et renvoyer ainsi le financement de l’aide juridictionnelle et des maisons du droit à un texte bien distinct.

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n2569.

M. Xavier Breton. À l’instar de mes collègues, je considère que cette nouvelle taxe parafiscale est antinomique avec l’intitulé même du projet de loi « pour la croissance et l’activité » : on voit bien que cette taxe est de nature à compliquer les choses. En outre, elle souffre d’un manque de clarté, dans les objectifs comme dans le périmètre, et le fait de n’avoir pas reçu de réponses nous amène à nous interroger sur cette péréquation. C’est pourquoi nous proposons la suppression de la dernière phrase de l’alinéa 7.

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n2981.

M. Gilles Lurton. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements identiques ?

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Je rappelle qu’une partie de cette péréquation est intra-professionnelle. Tel est d’ailleurs le souhait de la profession, comme l’ont dit les représentants du Conseil supérieur du notariat aux parlementaires qui les ont auditionnés dès le mois d’octobre dernier.

Parmi les éléments qui ont été ajoutés par vos rapporteurs en commission spéciale et qui ont conduit au dispositif aujourd’hui en discussion figure le terme « notamment ». Ainsi, monsieur le député Carré, par définition, aucune simulation n’a été réalisée par l’exécutif puisque ce dont nous parlons n’était pas notre proposition initiale. Le mot « notamment » définit parfaitement un financement à titre accessoire. Il reviendra au décret qui aura à fixer les modalités de fonctionnement de ce fonds et à la concertation qui aura lieu entre les parties de définir la façon dont s’organiseront ces modalités.

Je vous rejoins sur un point : l’idée principale de ce fonds n’est pas d’assurer le financement des maisons du droit ou de l’aide juridictionnelle. Le mot « notamment » montre bien le caractère accessoire de ce mode de financement – et je parle sous le contrôle collectif, me faisant l’avocat d’un amendement parlementaire accepté par la commission spéciale. Il s’agit bien d’un mode de financement accessoire, le financement principal étant consacré à la profession elle-même, à la péréquation au sein de la profession.

Cela dit, vous noterez comme moi qu’il est paradoxal de répéter à longueur de journée que le maillage territorial et le service public du droit sont importants et justifient que l’on défende ces professions, mais d’oublier toute référence à ces mêmes valeurs quand il s’agit de prévoir les dispositions pour les organiser.

Les avocats, vous le savez bien, contribuent à l’accès au droit sur le territoire.

M. Olivier Marleix. Les notaires aussi !

M. Emmanuel Macron, ministre. Il n’est donc pas aberrant que ce fonds et la solidarité financière des professionnels du droit les concernent.

Je ne suis que le modeste avocat d’une disposition qui fait suite aux travaux parlementaires, en particulier au rapport d’information co-présenté par Mme Untermaier et M. Houillon, mais je ne vois pas en quoi ces dispositions sont choquantes. Elles doivent simplement être précisées par décret. Elles n’épuisent pas le sujet du financement de l’aide juridictionnelle mais s’inscrivent dans le cadre que je viens de rappeler. Avis donc défavorable pour toute cette série d’amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Monsieur le ministre, j’aime bien la sémantique, mais vous nous dites que le mot « notamment », dans la dernière phrase de l’alinéa, signifie que ce volet du fonds est accessoire. Je vous fais remarquer que la phrase précédente contient également le mot « notamment » ! Il y a donc deux éléments qui sont accessoires au sein de la même péréquation. C’est ce que nous disons depuis tout à l’heure.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Le dispositif initial prévoyait une péréquation destinée à toutes les professions juridiques, que je rappelle : commissaires-priseurs judiciaires, greffiers des tribunaux de commerce, huissiers de justice, administrateurs judiciaires, mandataires judiciaires et notaires.

Nous avons souhaité y ajouter une contribution au financement de l’aide juridictionnelle. Pourquoi ? Parce que, comme je l’ai expliqué à plusieurs reprises, la contribution de tous les acteurs du droit à l’aide juridictionnelle s’est imposée au fil du temps comme une exigence pour que celle-ci ne repose pas sur une ou deux professions, notamment les avocats et les huissiers, les deux professions les plus mobilisées.

La participation financière de l’ensemble des professions à l’aide juridictionnelle a été acceptée dans son principe, avec une exigence : qu’aucune profession ne l’assume seule. C’était un argument très important, y compris pour la profession des avocats. Ce que nous introduisons, c’est l’éventualité, dans le cadre de l’extension de la péréquation à l’ensemble de ces professions, de leur participation au financement de l’aide juridictionnelle.

M. Philippe Houillon. À quel titre ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Le dernier rapport a été établi par les sénateurs en juillet, outre celui que j’ai moi-même présenté au titre de la mission gouvernementale.

Intégrer toutes les professions, la commission Darrois l’avait déjà proposé. Depuis plusieurs années, tout le monde considère que les acteurs du droit ne peuvent être étrangers aux modalités selon lesquelles les justiciables ont accès aux juridictions. C’est le fond du débat. Si rien n’est déterminé s’agissant de leur participation, c’est parce que ce n’est pas dans ce texte que la question doit être posée.

M. Marc Dolez. Raison de plus !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous avons évoqué avec toutes les professions le fait que dès lors qu’elles concourent à ce financement, elles participent à la détermination des modalités de ce concours.

M. Philippe Vitel. C’est un texte anti-croissance !

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Cherki.

M. Pascal Cherki. La péréquation de l’ensemble des professions du droit pour financer l’aide juridictionnelle est une bonne chose, et c’est un premier pas. Nous serions toutefois encore plus crédibles si les concours publics, même en période de sérieux, voire de consolidation budgétaire, augmentaient à due concurrence de l’effort qui sera demandé à l’ensemble des professions juridiques. Il ne faudrait pas qu’à terme le système de péréquation de l’ensemble des professions se substitue à la solidarité nationale exercée par le biais du budget de la nation.

C’est donc une bonne chose, mais ce n’est qu’un premier pas. Pour le reste, monsieur le ministre – même si la question du fonctionnement de la justice dans ce pays relève plus du ressort et de la réflexion traditionnels de Mme la garde des sceaux – à quel problème sommes-nous confrontés aujourd’hui ? À une dualité de l’accès au droit dans notre pays. Comme dans beaucoup d’autres secteurs, une part de la population a du mal à se faire défendre. L’aide juridictionnelle couvre une partie du problème, mais une part des classes populaires et moyennes ne recourt à un avocat qu’avec difficulté en raison du coût de l’accès à la justice.

Cela pose à terme un problème qui n’est pas simple à résoudre, et qui suppose une réflexion sur une véritable sécurité judiciaire, nécessitant un financement de l’État ainsi qu’une participation financière de la profession. Cela ne me gêne pas que les très gros cabinets d’avocats ou les très grosses études de notaire y contribuent ! Non plus que les compagnies d’assurances d’ailleurs, dont les prestations s’étendent aujourd’hui à la protection juridique.

En somme, tout cela se fait par petits bouts, mais sans assurer une véritable égalité d’accès à la justice. La profession d’avocat, que je connais bien, est une profession éclatée, à l’image des gens qu’elle défend. Quel est le point commun, déontologie mise à part, entre un gros cabinet d’avocats s’occupant de fusions-acquisitions et d’optimisation fiscale des entreprises et un cabinet qui défend un locataire qui a un contentieux avec son propriétaire ?

Il faut mener une réflexion à ce sujet. La péréquation est pour moi un point de départ et non un aboutissement. Il serait illusoire de croire que cet article réglera les raisons profondes de l’inégalité d’accès à la justice, en particulier les questions de la mission de défense, qui est essentielle dans une société démocratique.

Voilà ce que je voulais dire afin de vous inciter à y réfléchir, monsieur le ministre. Vous qui êtes à juste titre très préoccupé de l’égalité des chances dans notre pays, voyez-y une manière d’aborder le débat après un petit pas en avant. Un grand penseur disait qu’il vaut mieux un petit pas que mille programmes, mais il reste tout de même à aller beaucoup plus loin !

Mme la présidente. La parole est à M. Sébastien Huyghe.

M. Sébastien Huyghe. La rédaction actuelle du texte vous place au milieu du gué, monsieur le ministre. Soit vous respectez le mécanisme qui avait l’accord des professionnels, la péréquation par profession, soit vous allez au bout de votre démarche.

Vous vous êtes prévalu du rapport de la commission Darrois, mais celle-ci préconisait d’aller au bout de la démarche, c’est-à-dire d’inclure dans la péréquation les experts-comptables, qui eux aussi font du conseil juridique, en particulier en matière de statut des sociétés, et les banques et assurances, car la bancassurance fait aussi du conseil en matière de droit fiscal par le biais de la protection juridique et des contrats d’assurance-vie.

Au lieu de cela, vous faites reposer la péréquation sur une partie des professions seulement. Non : si vous n’allez pas au bout, il faut procéder profession par profession. Par ailleurs, un certain nombre de professionnels, en particulier les notaires qui sont dans votre collimateur, participent à la vie des maisons de la justice et du droit partout où il y en a et viennent y faire du conseil gratuitement sans compter leurs heures !

M. Marc Le Fur. Exact !

M. Sébastien Huyghe. S’il n’y en a pas, ils viennent assurer des permanences dans les mairies de toutes les villes de France. En institutionnalisant la péréquation, autrement dit la taxe, comme mode de financement des différents organismes de conseil, vous dissuaderez les professionnels de faire du conseil gratuit : bien sûr ; puisqu’ils paieront pour que le service soit rendu ! Vous verrez la catastrophe qui en résultera, dans toutes les maisons de la justice et du droit de France et de Navarre comme dans les plus petites mairies de notre territoire !

M. Dino Cinieri. Tout à fait !

(Les amendements identiques nos 2, 60, 105, 186, 294, 530, 1039, 2004, 2123, 2569 et 2981 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Carré, pour soutenir l’amendement n1928.

M. Olivier Carré. Défendu.

(L’amendement n1928, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 383 et 1093.

La parole est à M. Philippe Houillon, pour soutenir l’amendement n383.

M. Philippe Houillon. Il fera plaisir à M. Le Bouillonnec, qui vient de dire, si j’ai bien compris, que nous ne résoudrons pas le problème du financement de l’aide juridictionnelle avec le présent texte, tout en étant sans doute bien conscient qu’on essaie tout de même de le faire.

J’entends répéter à l’infini, et non sans pertinence, qu’il faut assurer le maillage territorial de toutes les professions juridiques. C’est précisément ce que propose l’amendement : que le fonds de péréquation serve à garantir le maillage territorial sur l’ensemble du territoire, et non à résoudre de façon inaboutie le problème du financement de l’aide juridictionnelle qui par ailleurs n’incombe à aucune profession car elle est un service public.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement n1093.

M. Guillaume Larrivé. Je ne voudrais pas anticiper les débats que nous aurons le moment venu au sujet de la liberté d’installation mais il me semble essentiel de ne pas perdre de vue la nécessité de garantir en effet sur l’ensemble du territoire national et notamment ses parties les plus rurales un accès aux professions juridiques que fragilisent le corridor tarifaire que vous vous apprêtez peut-être à abandonner, monsieur le ministre, mais surtout la liberté d’installation que nous évoquerons bientôt.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Avis défavorable. Les amendements nous semblent quasiment satisfaits par les dispositions évoquant les maisons de la justice et du droit et l’aide juridictionnelle, car ce sont là deux moyens de garantir d’une certaine façon la présence des professionnels sur l’ensemble du territoire.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis, d’autant plus que les articles relatifs à la liberté d’installation encadrée ont justement pour motif d’améliorer le maillage territorial, surtout là où une carence est identifiée.

(Les amendements identiques nos 383 et 1093 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement n1160.

Mme Colette Capdevielle. Il s’agit de préciser qu’en plus de l’aide juridictionnelle, le fonds de péréquation interprofessionnel est également destiné à financer l’accès au droit. Le besoin de droit ne cesse de croître dans notre société. Il est de plus en plus important dans de nombreux domaines compte tenu de la complexité des procédures. En termes d’égalité, il s’agit de permettre à tous d’accéder au droit. En termes de solidarité, il s’agit de faire en sorte que sur tout le territoire, les personnes les plus défavorisées, les plus éloignées du droit, aient accès à l’information.

J’ai entendu tout à l’heure que ce seraient les notaires qui allaient financer les avocats. C’est totalement faux. Ce ne sont pas les notaires, mais l’argent provenant des transactions effectuées par les notaires…

Plusieurs députés du groupe UMP. Mais c’est pareil !

Mme la présidente. Mes chers collègues…

Mme Colette Capdevielle. Entendre la vérité vous réveille, chers collègues. Ce n’est donc pas l’argent des notaires, mais l’argent qui passe entre leurs mains à l’occasion des transactions et des actes qu’ils effectuent qui pour partie permettra d’abonder un fonds de péréquation.

Mme Valérie Boyer. Quel aveu !

M. Marc Le Fur. C’est donc une taxe.

Mme Colette Capdevielle. On est dans l’innovation, dans la solidarité.

M. Sébastien Huyghe. Une taxe !

Mme Colette Capdevielle. Il est donc important de rajouter l’accès au droit dans les bénéficiaires du fonds de péréquation.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

(L’amendement n1160 est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 3201, qui fait l’objet d’un sous-amendement n° 3247.

La parole est à M. Richard Ferrand, rapporteur général de la commission spéciale, pour soutenir l’amendement.

M. Richard Ferrand, rapporteur général de la commission spéciale. Cet amendement nous ramène à notre discussion initiale sur le fameux corridor tarifaire. Comme M. le ministre a déjà eu l’occasion de l’indiquer, sa résistance a abouti à un système qu’il ne juge plus satisfaisant. C’est pourquoi l’ensemble des rapporteurs, et singulièrement Mme Untermaier et moi-même avons déposé un amendement simplifiant ce que nous avons dénommé « corridor tarifaire » en plaçant les dispositions relatives aux remises susceptibles d’être consenties par les professionnels du droit si un tarif est proportionnel immédiatement après celles concernant lesdits tarifs proportionnels. Dans le texte adopté par la commission spéciale en effet, l’article L. 444-5 nouveau relatif aux remises est placé loin de l’alinéa 7 concernant les tarifs proportionnels, alors qu’il s’y rapporte directement.

Par ailleurs, le présent amendement propose d’interdire aux professionnels de consentir des remises en-deçà et au-delà de seuils minimaux et maximaux déterminés par l’arrêté conjoint prévu à l’article L. 444-3 du code de commerce. En clair, cela signifie qu’on substitue à ce qui était présenté comme le corridor tarifaire, c’est-à-dire un système fondé sur un tarif de référence variant d’un certain pourcentage à la hausse ou à la baisse, une capacité à consentir une remise fixe.

M. Marc Le Fur. C’est un serpent de mer !

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Autrement dit, nous passons d’un corridor relativement labyrinthique à un corridor rectiligne qui permettra d’atteindre le même objectif de façon plus simple et plus lisible. Celles et ceux qui ont pu penser un instant que nous renoncerions complètement à la possibilité d’une souplesse des prix l’auront déduit un peu trop hâtivement ! Il s’agit donc d’un corridor simplifié, conforme à l’esprit de la loi car nous nous efforçons partout de traquer la complexité au profit de méthodes plus claires, plus simples, plus accessibles et plus compréhensibles, mais qui n’abolit pas la possibilité de consentir des remises. Tel est l’objet de l’amendement.

M. Marc Le Fur. Qu’il aura néanmoins fallu cinq minutes pour expliquer ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour soutenir le sous-amendement n3247.

M. Frédéric Lefebvre. Le sujet du corridor tarifaire a été longuement évoqué tout à l’heure et M. le ministre nous a dit en avoir pris la mesure après les longues discussions que nous avons eues avec lui et son cabinet. Et voilà que vous proposez de remettre en place un dispositif, que vous appelez corridor simplifié, dont l’objectif est en réalité exactement le même mais en plus simple – selon vous, monsieur le rapporteur ! Ce dispositif serait, toujours selon vous, sans conséquence sur les petites études et le coût des petits actes pour les usagers, ce qui est l’essentiel de ce qui nous a fait réagir. Mais non : tel qu’il est prévu, sans être encadré, il aura toujours les mêmes effets négatifs, en tout cas pour partie.

C’est la raison pour laquelle je propose un sous-amendement conférant un caractère social à cette remise. Les remises sont aujourd’hui exceptionnelles et les remises partielles impossibles, sauf accord exceptionnel de la Chambre des notaires. Je vous propose donc de restreindre la possibilité de remise introduite par l’amendement de M. le rapporteur aux actes dressés à la demande d’une personne ne bénéficiant pas de ressources élevées. La remise poursuivrait alors un objectif social, au profit des situations sociales difficiles que vous avez évoquées, tout en évitant les effets négatifs et pervers du dispositif né en commission spéciale des échanges entre la commission et M. le ministre ainsi que son cabinet.

Telle est la proposition que je formule, qui aurait le mérite de limiter la remise aux situations sociales difficiles.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement ?

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Je trouve la démarche sympathique, je tiens à le souligner. Elle suppose néanmoins que le notaire demande à chaque client son avis d’imposition avant de lui faire connaître son tarif. En outre, nous avons retenu le principe d’une remise comprise entre un minimum et un maximum, s’adressant à tous les clients potentiels issus des classes populaires et moyennes. L’avis de la commission est donc défavorable au sous-amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. J’émets un avis favorable à l’amendement de la commission spéciale et un avis défavorable au sous-amendement. Je ne reviendrai pas sur le dispositif proposé par la commission, avec la possibilité de remises fixes et encadrées par arrêté, ce qui est plus clair que la situation actuelle. On sort ainsi de la logique du corridor pour parvenir à une solution plus simple. Je rappelle que les remises existent aujourd’hui, totales ou partielles.

M. Sébastien Huyghe. Non, c’est faux !

M. Emmanuel Macron, ministre. Cela a été évoqué tout à l’heure par M. Terrasse.

Pour ce qui est du sous-amendement, si j’en comprends la philosophie, il me semble qu’il réduirait de manière quelque peu excessive le champ d’application de la remise. Par ailleurs, je rappelle que les remises proposées par le rapporteur spécial, et c’est l’aspect intéressant de cette disposition, sont d’un montant fixe. Elles ne sont donc pas exprimées en pourcentage de la valeur de l’acte. C’est un élément important, car c’est une mesure de justice. À l’heure actuelle, il peut y avoir des remises totales sur des actes d’un montant considérable. Ce principe des remises, qui peut sembler de bon sens, est donc susceptible de produire des résultats excessifs. L’amendement en discussion, je le répète, a pour objet d’instituer des remises fixes, encadrées par arrêté. Elles présentent donc un caractère plus redistributif, ce qui va dans le sens de la justice sociale qui inspire votre sous-amendement.

La remise dépend par définition du pouvoir discrétionnaire du professionnel, puisque c’est une simple faculté qui lui est accordée. Ce ne serait donc pas un outil adapté à la mesure de caractère social que vous cherchez à mettre en place par votre sous-amendement. Pour ces raisons, j’émets un donc un avis défavorable, tout en considérant que l’objectif de justice sociale que vous poursuivez est rempli par le dispositif institué par les rapporteurs.

Mme la présidente. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Je suis assez surpris par cet amendement : c’est vraiment de l’économie administrée ! Cette disposition est pourtant appelée à figurer dans le code de commerce, ce qui implique qu’on laisse jouer la concurrence éventuelle…

Que l’on fixe des tarifs réglementés, c’est-à-dire essentiellement des tarifs maximum, soit : c’est une mesure que l’on peut approuver. Mais encadrer les remises, c’est autre chose.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Elles le sont déjà !

M. Francis Vercamer. Si un notaire a envie de facturer un peu moins cher…

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Il ne peut pas le faire !

M. Francis Vercamer. …par exemple à une personne qu’il connaît, on ne va pas l’en empêcher ! Après tout, c’est son revenu qui sera affecté, puisque la remise porte sur les frais de notaire hors taxes. C’est bien lui qui sera pénalisé : quel intérêt, dès lors, à cette disposition incompréhensible et qui engendrera énormément de contentieux ? Vous auriez pu vous contenter d’écrire « des remises peuvent être consenties », cela aurait été parfait. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Guillaume Larrivé. Très bien !

M. Jean-Yves Caullet. C’est bien la peine de nous avoir parlé d’égalité dans l’accès au droit tout à l’heure !

Mme la présidente. La parole est à M. Sébastien Huyghe.

M. Sébastien Huyghe. Monsieur le ministre, vos propos ne correspondent pas à la réalité : les remises partielles ne sont pas possibles, hormis dans des cas très exceptionnels, avec l’avis de la Chambre des notaires. Autant dire que cela n’existe quasiment pas, vous pouvez faire des statistiques pour vous en rendre compte. Aujourd’hui, la remise ne peut être que totale, parce que le principe fondamental qui prévaut est celui de l’égalité sur l’ensemble du territoire. Quand vous achetez un bien immobilier – puisque nous parlons là surtout des notaires – vous payez le même prix que ce soit à Lille, Marseille et Paris ou au fin fond de l’Ardèche. C’est le grand principe d’égalité entre nos concitoyens.

Aujourd’hui, avec cette possibilité d’effectuer des remises, vous allez faire de nos officiers publics et ministériels des marchands de tapis : les clients vont vouloir négocier, en expliquant qu’un confrère fait des prix plus intéressants. Vous allez parvenir à une situation d’entente entre les confrères, avec la naissance d’un pool de rédaction d’actes commun à plusieurs études et des bureaux qui ne serviront qu’à recevoir les actes… C’est ainsi, monsieur le ministre, que se produiront les fameux licenciements évoqués dans l’étude d’impact des notaires. Avec vos remises et vos ristournes, nos officiers ministériels risquent de se transformer en marchands de tapis. Pourquoi pas des soldes, pour aller jusqu’au bout de votre logique ?

Par ailleurs, votre amendement est une façon de revenir sur l’abandon du corridor tarifaire. Il crée un nouveau corridor qui, au lieu de porter sur les éléments fixes, porte sur le tarif proportionnel. Les mêmes raisons qui vous ont conduit à abandonner le corridor tarifaire devraient vous amener à ne pas retenir ce dispositif de remise. En effet, ce dernier doit s’appliquer entre un montant minimum et un montant maximum de transaction. Il ne bénéficie donc pas aux petites mutations,…

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Si !

M. Sébastien Huyghe. …ce qui aurait pu lui conférer un caractère social. Tel était d’ailleurs le sens du sous-amendement de Frédéric Lefebvre. Il ne bénéficie pas non plus aux mutations plus importantes, afin de soulager, par exemple, les opérations conduites par les entreprises et ainsi de réduire leurs coûts. Non, il s’applique aux mutations moyennes – ce qui ne veut pas dire que ce soient les plus courantes : 47 % des transactions en France sont inférieures à 100 000 euros ! Ce sont donc celles qui sont un peu rémunératrices, et qui permettent précisément aux offices d’assurer la rentabilité de l’entreprise, qui seront touchées par votre dispositif.

Or c’est bien pour aider ces offices moyens, qui constituent le maillage territorial, dans les bourgs et les petites villes, que le corridor tarifaire a été supprimé, si j’ai bien compris ce que vous avez dit. Ce soulagement réel aura été de courte durée, jusqu’à l’introduction de ce nouveau système de remise. Comment calculer la fameuse « rémunération raisonnable » avec des remises que le professionnel sera bien obligé de consentir pour être compétitif ? Comment alimenter le fonds de péréquation si, en réalité, il n’est financé que par une partie des honoraires perçus sur des actes importants sachant en outre que la péréquation ne servira pas seulement à soutenir les offices ruraux et l’aide interprofessionnelle, mais également à alimenter l’aide juridictionnelle ?

Enfin, dernier cas qui n’est absolument pas prévu par l’amendement : comment ferez-vous en cas de participation ? Lorsque plusieurs notaires interviennent sur le même acte, les conséquences en sont complètement indolores pour les clients, puisque les deux notaires se répartissent les honoraires. Comment ferez-vous donc lorsqu’un notaire accordera une remise, une ristourne, un solde à son client et que son confrère refusera, sous peine de placer son étude en grande difficulté ?

Plusieurs députés du groupe UMP. Très bien !

M. Marc Le Fur. Voilà qui est précis !

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Terrasse.

M. Pascal Terrasse. J’ai également un peu de mal avec cet amendement. J’avais cru comprendre, en écoutant l’exposé du ministre en fin d’après-midi, qu’il avait définitivement mis fin au corridor tarifaire.

M. Marc Dolez. Oui, on avait compris ça…

M. Pascal Terrasse. Aujourd’hui, les remises partielles sont possibles, même si un certain nombre de nos collègues pensent que cela n’existe pas. Il suffit de demander l’autorisation aux chambres départementales des notaires qui, sous couvert, ensuite, du parquet, peuvent ou non les autoriser.

M. Frédéric Lefebvre. C’est très rare !

M. Pascal Terrasse. C’est vrai, c’est relativement rare.

Au fond, notre rapporteur revient sur cette possibilité de remise concernant un certain nombre de transactions. Si l’amendement portait sur les transactions les plus élevées, notamment celles qui posent un problème dans le monde économique, je n’y verrais que des effets positifs. Mais on s’aperçoit que les remises porteront essentiellement sur les transactions dites moyennes, celles-là mêmes qui permettent une péréquation à l’intérieur même des études. Aussi je continue à m’interroger au sujet de cet amendement et, sauf à ce que le ministre nous apporte des précisions complémentaires, en ce qui me concerne, je ne pourrai pas le voter.

M. Marc Le Fur et M. Philippe Vigier. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Houillon.

M. Philippe Houillon. Monsieur le ministre, vous nous avez dit tout à l’heure, dans un louable acte de contrition, que vous vous étiez trompé sur le corridor tarifaire et que vous vouliez revenir sur votre copie. Vous l’avez fait, par l’intermédiaire des rapporteurs, mais en inventant cette fois-ci deux corridors tarifaires !

D’abord, monsieur le rapporteur général, il me semble que l’amendement n’est pas placé au bon endroit. En effet, le texte – qui devient de plus en plus compliqué à lire – évoque d’abord les principes, comme la rémunération raisonnable et le coût pertinent, puis la péréquation. Ensuite, il précise que le tarif de chaque prestation est arrêté conjointement, et que ce tarif est fixe lorsque son montant est égal ou inférieur à un certain seuil. C’est alors qu’arrivait le principe du corridor tarifaire, avec, au-dessus d’un certain seuil, un tarif possiblement variable.

Or vous proposez d’insérer vos nouvelles dispositions après l’alinéa 7, avant même de définir comment est déterminé le tarif de chaque prestation. Cela suscite à mon sens une difficulté supplémentaire de compréhension. Il eût été de meilleure écriture de placer votre amendement après l’alinéa 9, de façon à mettre en regard les deux hypothèses : l’hypothèse d’un tarif fixe et celle où il ne l’est pas. En effet, vous ne dites rien à ce sujet. Vous me direz que c’est évoqué de manière indirecte à l’alinéa 7, relatif à la péréquation, mais il aurait tout de même été infiniment plus simple de dire qu’il y a d’un côté des tarifs fixes et de l’autre côté des tarifs proportionnels, et dans ce dernier cas, des possibilités de remise ! Cela eût été un peu plus intelligible. Je vous invite à réfléchir à déplacer cette disposition, pour la clarté du texte – si j’ose employer ce terme : au point où on en est, comprenne qui pourra !

Ceci étant, vous nous avez dit, dans un premier temps, que vous alliez instaurer des tarifs proportionnels, au sein desquels il y aurait un corridor – bordé par un minimum et un maximum – et que seulement dans ce corridor, on pourrait pratiquer des remises – dont on ne connaît pas le montant. Sébastien Huyghe vient de rappeler des chiffres sur les ventes en France : cette mesure n’aurait eu de pertinence que si elle avait été corrélée à ces chiffres.

Ensuite, vous avez inventé un deuxième corridor, dans lequel les remises seront fixes mais inscrites à l’intérieur d’une sorte de barème dont on ne pourra s’affranchir. Cela devient vraiment très compliqué, sans que vous ne nous disiez, de surcroît, la finalité de l’opération. Comme le disait Frédéric Lefebvre tout à l’heure, il faut peut-être imaginer des possibilités de remise pour des situations difficiles, pour des raisons éventuellement sociales. Mais inventer – j’ai déjà employé le mot à de multiples reprises depuis le début de ce débat – une telle usine à gaz sans en connaître la finalité ne me paraît vraiment pas prudent.

Le mieux est de dire qu’il y a des tarifs fixes, puis des tarifs proportionnels à partir d’un certain seuil, et que dans le cadre de ces tarifs proportionnels, on peut faire le cas échéant une remise. On comprendrait le principe, ce qui n’est pas le cas avec la rédaction actuelle. J’invite donc les collègues de mon groupe à ne pas voter cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. Monsieur le ministre, nous avons vraiment du mal à vous suivre, malgré beaucoup de bonne volonté. La séance de cet après-midi avait plutôt bien commencé, puisque vous nous aviez expliqué, avec force détails, que votre réflexion vous avait amené à revenir sur la disposition adoptée en commission sur le corridor tarifaire et que vous vous étiez rangé à la position exprimée par beaucoup d’entre nous, y compris par les rapporteurs. Vous mettiez donc de côté une disposition fort contestable.

On pouvait espérer que ce pragmatisme, ce réalisme dont vous faisiez preuve à l’énoncé des arguments exprimés par beaucoup de nos collègues seraient mis à profit pour les dispositions suivantes. Et voilà que ce soir, M. le rapporteur général veut établir par amendement un autre corridor tarifaire sur les tarifs proportionnels ! Très franchement, je n’y comprends plus rien.

M. Dino Cinieri. Nous non plus !

M. Marc Dolez. Il faut nous expliquer, car nous ne devons pas être assez intelligents pour comprendre les subtilités de votre raisonnement. Toute l’argumentation que vous avez développée cet après-midi pour justifier le fait que vous renonciez au corridor tarifaire, vous pouvez la reprendre pour combattre l’amendement du rapporteur général qui instaure un corridor sur les tarifs proportionnels ! (Applaudissements et « Bravo ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Laure de La Raudière. C’était très clair !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Caullet.

M. Jean-Yves Caullet. Je voudrais remercier Philippe Houillon qui, en expliquant pourquoi il avait du mal à comprendre, a parfaitement expliqué le dispositif. Je pense donc que nous progressons.

Personnellement, après une lecture attentive de l’amendement, j’ai très bien compris ce qui nous est proposé. En particulier, cher Marc Dolez, j’ai saisi la grande différence qu’il y a avec le dispositif antérieur.

Il y a un tarif fixe, puis un tarif proportionnel. Dans une tranche à déterminer, le notaire pourra consentir une remise fixe, dont le montant maximum est lui aussi défini. Ce ne sera donc pas un marchandage de tapis.

Mme Laure de La Raudière. C’est hallucinant !

M. Jean-Yves Caullet. En d’autres termes, cette remise ne sera pas proportionnelle comme elle l’était avec le corridor tarifaire : les tarifs pouvaient varier de 15 %, en plus ou en moins, ce qui veut dire que la remise pouvait être de plus en plus élevée à mesure que les actes devenaient importants. Au contraire, cette remise sera d’un montant fixe, qui deviendra de plus en plus négligeable à mesure qu’on ira vers le sommet de la fourchette des actes concernés. Au-delà de ce seuil, les tarifs seront proportionnels, sachant qu’ils sont déjà dégressifs aujourd’hui, et que, de toute façon, leurs montants rendraient la remise fixe négligeable si elle était maintenue.

M. Sébastien Huyghe. C’est très simple !

M. Jean-Yves Caullet. On a donc bien supprimé le corridor tarifaire, qui permettait une variation de 15 % en plus ou en moins et qui aurait eu tendance à rendre la remise de plus en plus importante avec l’augmentation de la valeur des actes, justifiant ainsi les craintes des notaires, qui avaient évalué la perte…

M. Dino Cinieri. Elle est où, là, la simplification ?

M. Jean-Yves Caullet. Faites un petit effort, mes chers collègues. Je l’ai fait quand vous vous exprimiez, vous pouvez le faire quand je parle.

Il est tout de même assez aisé de comprendre que ce dispositif peut engendrer une crainte, car si un notaire anticipe une perte de 15 % sur la majeure partie de son chiffre d’affaires, il peut en déduire une fragilité économique. Au contraire, une remise qu’il consent s’il le souhaite et qui est d’un montant fixe quel que soit le montant des actes est plus sécurisante : plus l’acte est important, plus la remise est infinitésimale, et moins elle est consentie, plus elle se concentre sur les petits actes.

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Exactement !

M. Jean-Yves Caullet. Ce dispositif est donc tout à fait construit. Il élimine la crainte, sans doute excessive mais néanmoins justifiée de la part des notaires, de voir leur chiffre d’affaires se réduire de 15 %, ce qui est effectivement impensable. Il organise une continuité entre les petits actes à tarifs fixes, les actes moyens sur lesquels une remise fixe est possible, mais qui devient négligeable à mesure que la valeur de l’acte augmente, et enfin la proportionnalité, qui permet quant à elle la péréquation la plus large. Ce système me paraît assez simple, mais il fallait sans doute les explications de Philippe Houillon pour que je puisse moi-même le comprendre.

M. Philippe Houillon. S’il faut l’expliquer pendant dix minutes, c’est que c’est clair, en effet…

Mme la présidente. Sur l’amendement n3201, je suis saisie par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Mes chers collègues, permettez-moi de féliciter Jean-Yves Caullet pour la vélocité de son argumentation. Mais le débat reste tout de même assez étonnant. Nous avons appris dans l’après-midi par une dépêche de l’Agence France-Presse que le ministre, se ralliant à la préoccupation du plus grand nombre, abandonnait le dispositif du corridor tarifaire. Ce soir, nous constatons que celui-ci, laissé pour mort dans l’après-midi, est sur le point de ressusciter à la faveur d’un amendement de M. Ferrand qui n’a d’ailleurs pas vraiment été examiné par la commission spéciale, puisqu’il a été rédigé sur un coin de table dans la journée.

M. Philippe Vitel. Cela devient un labyrinthe tarifaire !

M. Guillaume Larrivé. Tout cela n’est pas sérieux et suscite, monsieur le ministre, un trouble qui dépasse les bancs de l’UMP. J’ai écouté avec beaucoup d’attention Pascal Terrasse, qui n’est pas un député de l’opposition, ainsi que M. Dolez, le représentant du groupe communiste, qui est peut-être dans l’opposition mais pas du même côté que nous en tout cas. Il y a un trouble qui va au-delà des appartenances partisanes et qui est relayé par les acteurs de terrain.

Votre dispositif est objectivement incompréhensible, sauf peut-être par Jean-Yves Caullet, dont la démonstration, encore une fois, était tout à fait brillante : il n’y a plus de corridor, mais il y a encore un corridor, sauf quand il n’y en a pas. Tout cela n’est pas sérieux et devrait vous inciter à revoir votre copie, afin de simplifier le dispositif.

M. Xavier Breton. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Cet amendement d’inspiration gouvernementale présenté par la commission constitue une rupture fondamentale par rapport à notre logique.

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Par rapport à la vôtre, c’est sûr !

M. Marc Le Fur. Jusqu’à présent, une famille qui se rend chez un notaire ne négocie pas le prix, qui est connu et identifié. Elle est ainsi protégée par le ministère de la justice, puisque le garde des sceaux concourt à la détermination de ce tarif. Un peu comme chez le médecin, finalement : la non-négociation du prix instaure un climat de confiance. Or, précisément, les affaires traitées – familiales, patrimoniales – requièrent une grande confiance. Vous décidez néanmoins de rompre complètement avec cette logique.

Ensuite, vous introduisez de la concurrence, une logique de marchand de tapis. On ira désormais chez le moins cher. Mais il faut bien mesurer toutes les conséquences qui en résulteront : certains professionnels, nécessairement, feront des prix. Des grandes surfaces du droit se formeront, qui proposeront des prix attractifs. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Mais si, c’est logique ! Dès lors que le notaire pourra fixer son tarif librement, même si celui-ci reste très légèrement encadré, il usera de cette possibilité selon une logique de concurrence, et personne ne pourra le lui reprocher. Par conséquent, il y aura de moins en moins d’études, puisqu’il y aura un mouvement de concentration.

Permettez-moi de dresser un parallèle osé, mais qui me paraît pertinent : si, en particulier à gauche, on est très attaché au prix unique du livre, c’est qu’on y voit la condition du maintien des libraires indépendants ! Ce prix unique du livre aura au moins permis de freiner la diminution du nombre de libraires. Pour les notaires, vous abandonnez la logique du tarif unique pour une logique de négociation du tarif, c’est-à-dire une logique concurrentielle qui à mon avis n’est pas du tout adaptée à ce type de professions, dont l’exercice nécessite un rapport de confiance.

La fixation du tarif sur une base concurrentielle aura des conséquences inéluctables : une concentration des études et la disparition d’un certain nombre d’entre elles. Vous ne vous en étonnerez pas, puisque c’est la logique même de votre système.

M. Olivier Marleix. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Monsieur le ministre, j’essaie de comprendre, mais je n’y arrive plus. Je ne vous suis plus. Cet après-midi, vous avez fait une grande déclaration, tous nos collègues l’ont rappelé, pour dire que vous aviez entendu la représentation nationale. Cette décision était d’ailleurs partagée sur tous les bancs, y compris les vôtres, où certains étaient profondément convaincus qu’il fallait supprimer le corridor mais n’osaient pas vous le dire de peur de vous déplaire.

Bref, dans l’ensemble, tout le monde savait que ce corridor était une impasse et qu’il fallait le supprimer. Mais M. Ferrand a fait encore plus exceptionnel tout à l’heure : avec son amendement, nous sommes passés du corridor labyrinthique – parce que oui, on avait conçu un texte avec un corridor labyrinthique : je pense que cela marquera la mémoire de ces lieux – à un corridor rectiligne. Bientôt l’agrégation de mathématiques sera nécessaire pour devenir parlementaire de la République, tout peut arriver…

M. Daniel Gibbes. C’est au dédale qu’on arrive !

M. Philippe Vigier. Monsieur le ministre, que s’est-il passé entre cet après-midi et ce soir pour proposer tout à coup cet amendement, que vous avez eu la délicatesse de faire présenter par les rapporteurs ? Il est étonnant, de la part d’un homme aussi cohérent que vous, cet amendement qui flirte avec l’incohérence. C’est à n’y rien comprendre.

M. Philippe Vitel. Il doit être malade !

M. Yves Censi. Pas vous ! Pas cela !

M. Philippe Vigier. Par ailleurs, je suis contre la marchandisation, la négociation. M. Le Fur en a très bien parlé – certains ont même employé les termes de marchand de tapis ! Ce qui est important, c’est ce que propose le sous-amendement de Frédéric Lefebvre. Vous qui n’avez que le pouvoir d’achat à la bouche, vous devriez vous réjouir de cette proposition : un Français sur deux ne paie pas l’impôt sur le revenu , ce sont eux en priorité qui devraient pouvoir bénéficier des remises ! Mais pourtant, vous faites la sourde oreille, alors que cette proposition frappée du coin du bon sens permettrait d’aider celles et ceux pour qui aller chez un notaire est trop coûteux.

La négociation, cela fonctionne toujours pareil : selon que vous serez puissant ou misérable… Qui osera négocier le maximum ? Toujours les mêmes ! Qui négociera le minimum ? Toujours les mêmes ! Je sais bien que cela sera encadré, comme cela a été très bien expliqué à l’instant, mais pour autant, certains n’oseront même pas ouvrir la négociation – car elle ne sera pas toujours proposée, et vous le savez.

Je vous enjoins donc à sortir de ce corridor, c’est une impasse. Il ne faut pas donner suite à cet amendement des rapporteurs dont je n’imagine pas que vous ayez pu être l’inspirateur.

M. Dino Cinieri. Moi non plus !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Mes chers collègues, je voudrais tout d’abord vous rappeler que cet amendement a été adopté par la commission mardi dernier.

M. Philippe Vigier. Pas par nous !

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Il n’est donc pas arrivé soudainement ce soir. Ensuite, si vous écoutiez mieux vos propres collègues, vous sauriez que l’un de vous avait compris depuis le début : M. Woerth. Reprenez les comptes rendus de la séance : s’adressant au ministre, il a indiqué qu’il avait bien compris que l’on passait d’un corridor compliqué à un corridor simplifié.

M. Philippe Vigier. Mais il y a quand même un corridor !

M. Yves Censi. Simplifié ne veut pas dire simple !

M. Marc Dolez. Ce n’est pas ce qu’a dit le ministre, en tout cas. Il n’avait pas compris non plus…

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Depuis tout à l’heure – vous voyez que j’ai de bonnes sources – M. Woerth avait très bien compris ce dont il était question.

Par ailleurs, le droit en vigueur, issu d’un décret du 22 mai 2008, prévoit que dans le cas où le montant des émoluments afférents à un acte déterminé serait supérieur à 80 000 euros, le notaire et son client peuvent convenir d’une réduction pour la partie de la rémunération dépassant ce seuil. Cela signifie que sur les grosses transactions représentant plus de 80 000 euros d’honoraires, on peut consentir des remises. Mais là, on n’entend pas M. Le Fur ni d’autres s’insurger contre les prestations low cost ! Il est vrai qu’à ces prix-là, ce serait un argument difficile à tenir…

Bref, curieusement, pour ce type de transactions, ces remises sont aujourd’hui autorisées. Pour notre part, nous voudrions instaurer des réductions pour des transactions d’un montant inférieur, enserrées entre un plancher et un plafond, afin d’en faire profiter un plus grand nombre encore. Et là, vous vous y opposez, alors que vous restez bien silencieux sur le premier point !

En outre, je ne cache pas ma surprise d’avoir entendu M. Huyghe expliquer que les professionnels allaient pratiquer des ententes. Mais c’est de la stigmatisation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Marc Le Fur. C’est logique !

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Chers collègues, pourquoi ne faites-vous pas confiance aux professionnels ? Pourquoi pensez-vous qu’ils vont s’emparer de ce système pour organiser des ententes ?

M. Sébastien Huyghe. Des ententes de fonctionnement, des GIE !

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Pour ma part, je ne leur fais pas ce procès d’intention.

M. Sébastien Huyghe. Vous détournez mes propos, c’est scandaleux !

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Je pense qu’ils respecteront les règles du jeu telles que nous les fixerons. Il est regrettable que nos débats soient l’occasion de stigmatiser encore ces professions. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Sébastien Huyghe. Ce n’est pas honnête !

Mme la présidente. Je vous prie d’écouter le rapporteur général, mes chers collègues !

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Monsieur Houillon, il ne vous a pas échappé que nous étions convenus ensemble, en commission, sur la base de deux amendements du groupe UDI, que les alinéas 9 et 10 avaient vocation à disparaître. Dès lors, c’est après l’alinéa 7 que mon amendement me semble devoir être inséré de la façon la plus cohérente.

M. Marc Le Fur. C’est toujours aussi clair !

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Je ne reproduirai pas la démonstration de Jean-Yves Caullet, car je la ferais moins bien que lui, mais contrairement à ce que vous essayez de faire croire, les choses ne deviendront absolument pas plus compliquées. Les tarifs seront fixes pour un certain nombre d’actes, proportionnels pour les autres. À l’intérieur d’un certain créneau de tarifs proportionnels, des remises pourront être pratiquées. Au-delà, il n’y aura pas de remise possible : à partir d’un certain montant, les recettes seront plutôt écrêtées, au profit du fonds de péréquation, et il n’y aura plus de remise consentie à titre privée comme le prévoit le droit en vigueur.

Comme vous le voyez, tout cela n’est absolument pas aussi compliqué, vaseux ou fumeux que vous essayez de le laisser croire. C’est extrêmement clair et traduit simplement notre volonté d’introduire une forme de concurrence dont le consommateur sera le bénéficiaire – pas le gros consommateur, acquérant des biens qui génèrent 80 000 euros d’honoraires, mais celui qui acquiert un bien immobilier pour une valeur comprise dans une fourchette que le décret fixera, et qui sera probablement entre 100 000 et 300 000 euros.

Ces dispositions représentant un progrès collectif pour l’ensemble de nos concitoyens, je maintiens l’amendement et vous appelle toutes et tous à le voter.

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Selon l’adage latin, « Errare humanum est, persevere diabolicum. »

M. Jean-Yves Caullet. Perseverare !

M. Julien Aubert. Je vous ai bien écouté tout à l’heure, monsieur le ministre : vous avez dit vous être trompé. Je me suis dit que vous aviez enfin compris et que vous alliez supprimer le corridor. Je me suis absenté deux heures, confiant, le cœur léger, et à mon retour je m’aperçois que la situation est pire encore qu’au départ ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Je résume : au début, vous disiez que nous avions un système opaque, mais fixe. Maintenant, nous aurons un système transparent, mais auquel plus personne ne comprendra rien ! Les apprentis sorciers que vous êtes ont réussi à créer un Frankenstein législatif qui fera date dans les annales de cette assemblée. La loi Macron est fixe dans ce qu’elle a de flexible et trop flexible dans ce qu’elle a de fixe. On a beaucoup de mal, mes chers collègues, à comprendre où vous voulez en venir.

Si au moins vous disiez combien de millions d’euros de pouvoir d’achat cela rapportera aux Français, on pourrait se pencher sur votre dispositif si complexe. Mais tout ça pour ça ! Il a fallu les explications de M. Caullet pour que je comprenne enfin !

M. Frédéric Lefebvre. On avait compris !

M. Julien Aubert. On est moins intelligent que vous. (Sourires.) En fait, votre amendement, c’est un Rubik’s Cube. On arrive à un résultat complètement incompréhensible. On passe des heures à décrypter le dispositif. Mettez-vous à la place des Français à qui on va devoir expliquer votre système ! Faites preuve d’un peu de bon sens : où est la croissance ? Où sont l’activité, le pouvoir d’achat, le gain ? Pourquoi une usine à gaz ?

Mme Brigitte Bourguignon. Oh, ça va !

M. Julien Aubert. Qu’est-ce que les Français vous ont fait pour que le parlement passe des heures à inventer une telle machinerie ? Mes chers collègues, il est véritablement temps d’abroger le système. Votre premier système de corridor tarifaire ne marchait pas. Vous vous en êtes rendu compte, et vous avez reconfiguré un système encore plus compliqué. Abandonnez, c’est préférable, avant que nos concitoyens ne réalisent que, dans la pratique, c’est tout à fait incompréhensible. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Brigitte Bourguignon. Allez, c’est bon, rasseyez-vous.

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Censi.

M. Yves Censi. Nous sommes en train de discuter du mécanisme que vous proposez, dédale ou labyrinthe, comme on voudra. L’amendement fait état de seuils, un minimal et un maximal, déterminés par l’arrêté conjoint prévu à l’article L. 444-3 du code de commerce.

Monsieur le ministre, vous avez nié vouloir remettre en cause ce qui fonde notre droit continental, ce que nous devons défendre dans cet hémicycle au niveau européen. Or, s’agissant de certaines directives et notamment de la directive des professions dites réglementées, les défenseurs les plus zélés du modèle dérégulé anglo-saxon ne peuvent que sourire et vous remercier : vous êtes en train de faire entrer la common law dans ce que nous avions de plus fondamental, de plus exemplaire et de plus emblématique de notre droit continental.

M. Marc Le Fur. Exactement.

M. Yves Censi. À un tel instant, la moindre des choses aurait qu’un ministre de Bercy ne soit pas seul au banc du Gouvernement.

Mme Clotilde Valter, rapporteure thématique de la commission spéciale. Ça recommence !

M. Yves Censi. Pour se hisser à ce niveau de feu, alors que nous risquons de perdre des points dans ce combat entre les deux types de droit qui existent au sein de la communauté européenne, la moindre des choses aurait été que le garde des sceaux soit ici pour monter au front. Si nous votons l’amendement, ce sera Canossa ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Marc Le Fur. Bravo !

Mme la présidente. La parole est à M. Sébastien Huyghe.

M. Sébastien Huyghe. Monsieur le rapporteur général, je ne peux pas laisser passer vos propos. Vous avez fait preuve d’une grande malhonnêteté intellectuelle. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Luc Belot. Vous savez de quoi vous parlez !

M. Sébastien Huyghe. Vous avez sorti de son contexte le terme que j’ai utilisé. J’ai dit que certains professionnels allaient procéder à des ententes pour créer un pool de rédacteurs. Vous introduisez une confusion entre ce qui relève de la culture économique pure et de la culture juridique, en interprétant exclusivement le mot « entente » dans le sens prévu par l’Autorité de la concurrence. Mais quand je dis que des professionnels vont s’entendre pour créer des groupements d’intérêt économique, il n’y a là rien de malhonnête !

M. Marc Le Fur. Non, c’est logique.

M. Sébastien Huyghe. Je me borne à vous expliquer quelle sera leur réaction et comment ils vont fonctionner pour réduire les coûts, à savoir licencier du personnel afin de survivre.

Mme Elisabeth Pochon. Un peu de décence !

M. Sébastien Huyghe. Je vous saurais gré de ne pas m’envoyer à la figure un mot sorti de son contexte et prétendre que j’aurais traité les professionnels de malhonnêtes, ce qui est bien loin de ma pensée. Merci de bien vouloir rétablir les faits et de ne pas persister dans la malhonnêteté intellectuelle. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Lefebvre.

M. Frédéric Lefebvre. S’agissant du sous-amendement, je souhaite réagir aux propos du rapporteur général et du ministre.

Monsieur le ministre, une des expressions emblématiques de votre texte, que vous avez répétée à plusieurs reprises, est le choc de simplification, la volonté d’aller vers la simplification pour les acteurs économiques, principe également défendu par le Président de la République. J’ai du reste moi-même voté des dispositions que vous aviez présentées en matière de simplification.

On peut dire ce que l’on veut, et chacun s’est exprimé sur le dispositif : la seule chose qui soit certaine, c’est qu’il ne représente pas un élément de simplification, bien au contraire.

M. Marc Dolez. Ça, c’est sûr !

M. Frédéric Lefebvre. Le rapporteur général a indiqué que les remises existaient déjà. Nous n’avons pas dit autre chose, monsieur le rapporteur général. En présentant mon sous-amendement, j’ai rappelé que les remises partielles étaient d’ores et déjà possibles, qu’elles étaient exceptionnelles mais possibles dès lors qu’existait un accord préalable de la Chambre. Pourquoi une telle remise en cause, pourquoi complexifier ?

Le problème, c’est que le montant d’émoluments concerné, de 80 000 euros, suppose des opérations de l’ordre de 9 millions d’euros au moins. C’est pourquoi j’ai déposé mon sous-amendement, soutenu par le président du groupe UDI et par un certain nombre de mes collègues. En effet, dès lors que vous reconnaissiez vous être trompés sur le corridor tarifaire, il était légitime de vouloir un dispositif permettant aux notaires de faire une remise à des gens qui sont dans des situations de précarité et de difficulté, ce qui n’est pas possible aujourd’hui. Voilà ce qui est proposé dans ce sous-amendement.

Si le sous-amendement est adopté, nous pourrons retenir votre dispositif. Dans le cas contraire, non, car ce ne sera plus qu’un ajout de complexité, risque que vous aviez du reste parfaitement expliqué dans votre acte de contrition sur le corridor tarifaire.

(Le sous-amendement n3247 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n3201.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants77
Nombre de suffrages exprimés75
Majorité absolue38
Pour l’adoption40
contre35

(L’amendement n3201 est adopté.)

Mme la présidente. Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques. La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement n3.

M. Philippe Vitel. Nous demandons par ces amendements la suppression des alinéas 8 à 11. C’est l’occasion de demander des éclaircissements au ministre, en particulier sur les alinéas 9 et 10. Vous l’aurez compris, nous défendons le tarif public fixe. Aux termes de l’alinéa 8, le tarif de chaque prestation est arrêté conjointement par le ministre de la justice et le ministre chargé de l’économie. J’espère qu’ils auront davantage l’opportunité de se rencontrer que dans l’hémicycle ! Quant aux alinéas 9 et 10, ils instaurent une variabilité que nous n’acceptons pas car un tarif public ne peut être que fixe. C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression des alinéas 8 à 11.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n106.

M. Marc Le Fur. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n123.

M. Dino Cinieri. Le tarif public ne peut être que fixe : il ne peut faire l’objet d’une variabilité qui créerait une atteinte à l’égalité devant les charges publiques. Nous demandons la suppression des alinéas 8 à 11.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Terrot, pour soutenir l’amendement n136.

M. Michel Terrot. Même argumentation.

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour soutenir l’amendement n187.

Mme Valérie Boyer. Défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Sordi, pour soutenir l’amendement n215.

M. Michel Sordi. L’amendement est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Terrasse, pour soutenir l’amendement n293.

M. Pascal Terrasse. Défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n531.

M. Dominique Tian. S’agissant de l’aide juridictionnelle, je voudrais réagir à des interventions complètement loufoques. L’aide juridictionnelle relève de la responsabilité de l’État. C’est à cela que sert l’impôt. Ce n’est pas aux professionnels du droit de payer pour permettre à l’État de financer l’aide juridictionnelle.

Plusieurs députés du groupe UMP. Bien sûr !

M. Dominique Tian. Il revient à l’État de faire des économies dans d’autres domaines, et non aux professionnels du droit de cotiser.

M. Philippe Vigier. En effet.

M. Dominique Tian. Si on vous suivait dans cette logique, on pourrait décréter que c’est aux médecins qu’il revient d’abonder les fonds de recherche sur le cancer ! On pourrait continuer à faire de tels parallèles, mais le raisonnement complètement idiot. À quoi sert l’impôt ? À quoi sert la solidarité nationale si ce sont les professionnels du droit, les professions réglementées en l’occurrence – et on sait que certaines ne se portent pas bien – qui se voient amputer d’une partie de leurs revenus pour financer l’aide juridictionnelle ?

Votre amendement n1160, madame Capdevielle, était complètement loufoque. Au nom de quoi un notaire ou un huissier de justice devraient-ils participer à l’aide juridictionnelle, qui est un problème d’avocat ? Vous essayez de monter les professionnels du droit les uns contre les autres. Cela n’est pas acceptable. Votre raisonnement consiste à dire qu’il faut prendre de l’argent à certains professionnels qui gagnent bien leur vie. Ah, oui, vraiment, ils ont des marges insupportables !

Mme Valérie Boyer. Clichés !

M. Dominique Tian. Voyez les greffiers, par exemple, que M. le ministre a cités tout à l’heure : ils gagnent un argent fou !

Mme Valérie Boyer. Ils ne le volent pas, ils le gagnent !

M. Dominique Tian. Je constate d’ailleurs que vous ne leur expliquez pas directement en quoi ils gagnent un argent fou. Mais bon, ils gagnent un argent fou, alors on va leur prendre et le donner aux avocats, parce que ces derniers ne sont guère aidés et qu’ils plaident souvent gratuitement.

Monsieur Le Bouillonnec, selon vous – mais nous aurons encore l’occasion de revenir sur vos propos à l’article 13 –, il y aurait finalement deux types d’avocats : ceux qui profitent de l’aide juridictionnelle et ceux qui ne plaident jamais et restent assis dans leurs cabinets, auxquels on pourrait demander de participer au financement de l’aide juridictionnelle. C’est une pure absurdité : comme si les notaires et les huissiers fabriquaient l’insécurité juridique qui fait que certaines personnes sont conduites à se pourvoir en justice et ont besoin d’aide financière pour être défendues ! C’est complètement absurde !

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Straumann, pour soutenir l’amendement n686.

M. Éric Straumann. Les alinéas 8 à 11 me paraissent contraires à la Constitution, car ils impliquent manifestement une rupture d’égalité devant les charges publiques.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Lamblin, pour soutenir l’amendement n707.

M. Jacques Lamblin. Ce sujet donne lieu à une discussion passionnée mais, quoi que l’on puisse en dire, on ne s’affranchira jamais de l’évidence que le renoncement au tarif fixe et le maintien de la répartition territoriale des notaires sont inconciliables. Il est absolument certain que l’abandon des tarifs fixes entraînera la disparition des études les plus fragiles.

En deuxième lieu, je rappelle que les notaires, par nature et par fonction, fournissent une aide juridictionnelle en donnant au quotidien et gratuitement des conseils juridiques à leur clientèle.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce n’est pas de l’aide juridictionnelle !

M. Jacques Lamblin. Ils sont rétribués presque exclusivement, en tout cas en milieu rural ou en province, par les actes qu’ils rédigent, mais ne demandent pratiquement jamais d’honoraires pour une consultation. Telle est la pratique que nous connaissons.

Si le nombre d’études diminue et si la répartition territoriale n’est plus au rendez-vous, l’aide juridictionnelle, qui ne coûtait rien, disparaîtra et, pour la remplacer, vous aurez inventé une usine à gaz de plus – c’est votre spécialité, comme nous l’avons vu voilà quelques minutes.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier, pour soutenir l’amendement n846.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Comme l’a relevé M. Vitel, le tarif public ne peut être que fixe et toute variabilité porte incontestablement atteinte à l’égalité devant les charges publiques. Toute modification de la tarification des actes aurait pour le moins nécessité une analyse de la situation des études notariales, que ce soit dans le cadre urbain, périurbain ou rural, car toutes les études n’ont pas les mêmes sources de revenus.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement n2003.

M. Marc Dolez. Notre groupe a également déposé cet amendement de suppression des alinéas 8 à 11, pour les raisons de fond que j’ai déjà eu l’occasion d’exposer, en particulier parce que l’existence d’un tarif fixe, non susceptible de variations, va évidemment de pair avec le statut d’officier public du notaire et justifie son obligation d’instrumenter. Cela assure une égalité des clients devant l’acte notarié et c’est donc là un point très important.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Vigier, pour soutenir l’amendement n2140.

M. Jean-Pierre Vigier. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Cherki, pour soutenir l’amendement n2207.

M. Pascal Cherki. Après avoir évoqué ce sujet avec des notaires, j’ai moi aussi déposé un amendement de suppression et je l’assume. Dès lors en effet que les notaires sont des officiers publics ministériels, il faut admettre le principe qu’ils ne disent pas que des bêtises, sans quoi il faudrait précisément leur retirer cette qualité pour confier leur rôle à des agents de l’État. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Les notaires accomplissent du reste, en leur qualité d’officiers ministériels, notamment pour ce qui est de la collecte de la plus-value, des fonctions qui, si leur charge n’avait pas été créée à la Restauration, aurait pu être confiée à des fonctionnaires – mais nous n’allons pas ouvrir ici un débat sur l’histoire du droit.

Autant je suis favorable à la solidarité – j’étais partisan de la participation à un fonds de péréquation, même si je pense qu’il faut aller beaucoup plus loin –, autant je suis réticent à ce que les tarifs des officiers publics ministériels ne soient pas fixes.

En effet, bien que bon nombre des craintes avancées par les notaires soient infondées et qu’une partie du notariat défende une forme de rente – car il existe une inégalité territoriale de la couverture du notariat et les mesures prises par le Gouvernement pour faciliter l’installation des notaires et l’augmentation de leur nombre sur le territoire vont dans le bon sens –, il est cependant une crainte qu’il faut exprimer clairement.

L’activité des notaires recouvre, rappelons-le, trois aspects : le conseil au moment des mariages et de la signature des contrats, les successions et les activités immobilières. Si l’on commence à faire varier les tarifs et si, comme certains avocats le souhaitent, on remet demain en cause le monopole des notaires sur les actes authentiques – j’ai du reste déposé un amendement assez provocateur en ce sens pour forcer au débat sur le sujet –, les banques ne manqueront pas d’intervenir sur ce terrain. De fait, toutes les banques ont déjà créé des filiales immobilières qui proposent du crédit et de l’assurance, et proposeront demain ces services juridiques. Présenter ces activités comme des services, même s’ils sont assurés par des officiers publics ministériels – et bien qu’on puisse par ailleurs discuter des prix et d’une sorte de concurrence –, c’est entrer dans une autre logique.

J’ai confiance en vous, monsieur le ministre, et je sais que vous n’enclencherez pas cet engrenage qui permettrait aux banques de jouer ce rôle – je pense même que vous êtes, compte tenu de vos anciennes fonctions professionnelles, la dernière personne qui pourrait le faire et le meilleur rempart contre l’intrusion des banques dans ce système. Mais vous n’êtes pas éternel (Rires sur les bancs du groupe UMP.) et nous avons la responsabilité de ne pas ouvrir une brèche dans laquelle d’autres pourraient s’engouffrer.

Si donc, après être revenus sur le corridor tarifaire, nous revenions à la fixité des tarifs, nous aurions fait œuvre utile en avançant sur l’essentiel qu’est l’augmentation du nombre de notaires et en faisant en sorte de casser certaines rentes et de permettre à des jeunes de s’installer, mais sans varier sur la qualité d’officier public ministériel des notaires, ni sur la fixité des tarifs, et nous répondrions aux banques qui voudraient arriver par-derrière : « Go home ! ».

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Falorni, pour soutenir l’amendement n2912.

M. Olivier Falorni. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements identiques ?

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Nous pourrions satisfaire le cœur de ces amendements tendant tous à supprimer les amendements 8 à 11, car nous avons évoqué la suppression du corridor tarifaire. Cependant, sur l’alinéa 8, relatif à l’arrêté commun du ministre de la justice et du ministre de l’économie, la commission ne peut avoir qu’un avis défavorable. Il en est de même pour la révision quinquennale prévue à l’alinéa 11. Pour ces motifs, avis défavorable à l’ensemble de ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements, pour les mêmes raisons. Quant au corridor tarifaire, nous y reviendrons ultérieurement avec d’autres amendements.

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. Je me joins à mes collègues pour demander la suppression des alinéas 8 à 11 de cet article 12. En effet, il ne s’agit plus ici de solidarité pour l’aide juridictionnelle, mais de captation de revenus pour certains notaires. Il n’est donc plus question seulement d’un impôt supplémentaire, mais véritablement d’une double peine : à l’impôt classique s’ajoute le sur-impôt que constitue cette surtaxe. Pour des raisons de justice sociale et pour préserver le schéma actuel, il serait donc bon de supprimer ces alinéas.

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. Je regrette que les réponses qui viennent d’être faites aient manqué de consistance face aux interrogations qui se sont exprimées sur la suppression du tarif public fixe. Celui-ci aurait en effet des conséquences pour les territoires, avec des risques de concentration et donc des risques que certains territoires soient délaissés, des conséquences sur notre société, avec des phénomènes de concentration financière, et des conséquences sociales en termes d’emploi. Nous attendions d’autres réponses que celles, très lapidaires, qui ont été faites.

(Les amendements identiques nos 3, 106, 123, 136, 187, 215, 293, 531, 686, 707, 846, 2003, 2140, 2207 et 2912 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 384 et 1070.

La parole est à M. Philippe Houillon, pour soutenir l’amendement n384.

M. Philippe Houillon. Cet amendement tend à revenir à un dispositif simple et oxygénant, qui consiste, comme nous le demandons depuis un moment, à ce que les tarifs de ces professions soient arrêtés par le ministre de la justice.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement n1070.

M. Guillaume Larrivé. Cet amendement, identique à celui de M. Houillon, a la vertu de rappeler qu’il existe une ministre de la justice. Nous sommes très surpris … (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Ce n’est pas qu’une question de forme, mes chers collègues, même si cette répétition vous lasse. Il est extravagant que la garde des sceaux ne daigne pas participer aux débats de la représentation nationale lorsqu’on parle des professions juridiques. C’est une singularité étrange : quelle est donc cette garde des sceaux, ministre de la justice, qui ne condescend pas à quitter la place Vendôme pour se rendre ce soir au Palais Bourbon et débattre des professions juridiques avec les députés ? C’est invraisemblable ! (Mêmes exclamations.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Défavorable.

(Les amendements identiques nos 384 et 1070 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n1629.

M. Dino Cinieri. La tarification relative aux prestations des huissiers de justice distingue clairement les activités concurrentielles, pour lesquelles il existe une liberté des prix, des activités réservées, appelées aussi monopolistiques, pour lesquelles les prix sont fixés par l’État. De ce fait, le corridor tarifaire proposé par l’alinéa 8 de l’article 12 ne concernerait que les actes soumis aujourd’hui à tarification, c’est-à-dire les émoluments relatifs à la signification des actes de procédure et les encaissements du débiteur. Dans ces deux hypothèses, le client de l’huissier de justice au moment de la demande de l’acte n’est pas celui qui en supporte le coût final. Le présent amendement vise à donc exclure du dispositif proposé les actes qui ne concernent pas une procédure judiciaire ou une procédure civile d’exécution.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Je propose le retrait de cet amendement, car cette condition figure déjà dans le projet de loi tel que remanié à l’issue de ces travaux et il se révèle donc sans objet. J’en demande donc le retrait, à défaut de quoi j’émettrai un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. Cet amendement a été déposé par M. Damien Abad. Je ne le retire donc pas.

(L’amendement n1629 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement n2006.

M. Marc Dolez. Notre groupe ne peut pas se résoudre à considérer que la justice serait devenue une marchandise et que seuls les critères économiques et concurrentiels s’appliqueraient au service public de la justice. C’est la raison pour laquelle nous considérons, je le rappelle une nouvelle fois, même si ceci se doit faire réagir – tant pis ! –, que seule la ministre de la justice, autorité de tutelle de ces professions, a compétence pour apprécier le bien-fondé des mesures à prendre…

Plusieurs députés du groupe UMP. Eh oui !

M. Marc Dolez. …et qu’elle seule devrait être maître d’œuvre de la réforme envisagée.

Plusieurs députés du groupe UMP. Où est-elle ?

M. Marc Dolez. Nous proposons donc avec cet amendement que le tarif de chaque prestation des professions juridiques soit fixé par le seul ministre de la justice, et non pas conjointement avec le ministre chargé de l’économie. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. André Chassaigne. C’est un amendement républicain et de gauche !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Avis défavorable, pour les motifs exposés précédemment.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Avis défavorable.

(L’amendement n2006 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement n1548.

M. Gérard Cherpion. En examinant le texte d’un projet de loi pour la croissance et l’activité, il ne faut pas oublier une personne qui est particulièrement intéressée en cas de vente judiciaire de biens mobiliers : celle dont les biens sont vendus, qui a évidemment tout intérêt à ce qu’ils le soient au meilleur prix. La proportionnalité du tarif appliqué par le professionnel correspondrait donc à une prime d’efficacité.

J’ajoute que, d’après le rapport de l’Inspection générale des finances qui a servi de fondement à la partie du projet de loi concernant les professions réglementées, on peut considérer que le tarif actuel des commissaires-priseurs n’est pas source d’une rémunération disproportionnée, car le revenu mensuel moyen de cette profession est de 3 561 euros.

Enfin, dans les pays de l’Union européenne, les tarifs judiciaires d’estimation et de vente aux enchères publiques en matière mobilière sont soit libres, soit proportionnels. En outre, le pourcentage de rémunération est la plupart du temps plus élevé qu’en France. C’est la raison pour laquelle je propose d’insérer cet alinéa.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Le présent amendement soulève deux difficultés. La première tient au choix de l’alinéa 8 pour inscrire dans la loi cette dérogation dans les modalités de fixation des tarifs des professions juridiques réglementées. Dans la rédaction issue des travaux de la commission spéciale, cet alinéa porte en effet sur la compétence conjointe du ministre de la justice et du ministre chargé de l’économie pour la détermination des tarifs. Il nous semble donc que cette disposition n’a pas sa place ici.

La seconde difficulté réside dans l’idée même d’exclure la prisée et les ventes judiciaires du champ de réforme que nous portons. Il convient de rappeler que le périmètre du monopole dont bénéficient les commissaires-priseurs se limite précisément aux prisées et aux ventes judiciaires. Ce monopole implique que les tarifs soient réglementés et que cette réglementation soit adaptée aux exigences du service public assumé par la profession.

Dès lors, il ne nous paraît pas souhaitable d’organiser un régime dérogatoire en ce qui concerne le régime tarifaire des commissaires-priseurs pour la partie réglementée de leur activité. Je demande donc à notre collègue de retirer son amendement, sinon j’émettrai un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Je lis dans l’exposé sommaire de cet amendement la volonté exprimée de sortir ces actes du corridor : or cela est traité à l’alinéa 9. Nous avons eu cette discussion : les prisées et les ventes judiciaires de biens mobiliers correspondent à ce que nous excluons à l’alinéa 9. Au regard même de son exposé sommaire, votre amendement est donc satisfait et devrait être retiré.

Il n’aurait qu’une implication, si vous le mainteniez : sortir ces actes de la logique tarifaire de l’ensemble, ce qui n’aurait pas de sens. On ne comprendrait pas pourquoi, vu qu’il s’agit de tarifs réglementés, ils ne seraient pas soumis à la même logique que l’ensemble des autres actes.

Si la philosophie de votre exposé sommaire est bien la bonne, votre amendement est satisfait ; mais si votre ambition va au-delà de ce qui est indiqué dans cet exposé sommaire, j’aurai un avis défavorable.

(L’amendement n1548 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 2712, 3203, 2447 rectifié, 2477 et 3060, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 2712 et 3203 sont identiques, ainsi que les amendements n2477 et 3060.

La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n2712.

M. Philippe Vigier. Le fameux amendement n2712 vise à supprimer les non moins fameux alinéas 9, 10, 16 et 18, qui mettent en place le fameux corridor labyrinthique, dont M. le rapporteur général nous a fait la démonstration qu’il n’était même pas rectiligne : ce corridor est en effet asymptotique ! (Sourires.) Eh oui, c’est comme cela que ça se passe ! Quelques souvenirs de mathématiques me sont revenus : en fait, il est lissé sur la fin !

Vous avez bien voulu célébrer le deuil de ce corridor cet après-midi, monsieur le ministre, parce que vous avez compris que vous faisiez fausse route – même si vous avez essayé de le rétablir tout à l’heure, probablement sur une proposition de votre rapporteur général.

Une fois de plus, nous vous disons que la seule façon de le supprimer définitivement consiste à supprimer les alinéas 9, 10 et 16. Nous avons d’ailleurs bien fait d’être précautionneux, parce que M. le rapporteur général avait omis – prêtez attention, mes chers collègues ! –, dans sa proposition de suppression du corridor, de supprimer également l’alinéa 9 ! Pas de chance, nous avions bien lu le texte !

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Non ! C’est l’alinéa 16 que j’avais oublié de supprimer !

M. Philippe Vigier. Or, si vous maintenez l’alinéa 9, monsieur le rapporteur général, cela pose un problème, parce que cet alinéa indique que le tarif est fixe lorsque son montant est inférieur ou égal à un seuil. Or, sachant que cet amendement supprime l’alinéa 10, qui définit un corridor pour les tarifs, qu’allait-il se passer au-dessus de ce seuil ? La cohérence, vous l’avez compris, consiste à supprimer les alinéas 9, 10 et 16.

Cela étant, ne vous faites aucune illusion, monsieur le ministre ! Alors que nous avions supprimé ce corridor tarifaire, vous avez recréé une espèce de corridor asymptotique absolument incompréhensible, que nous condamnons et que nous contestons : c’est une nouvelle faute de votre part dans ce texte ! Mais j’imagine que les sénateurs, dans leur grande sagesse, rectifieront cela. En attendant, supprimons définitivement le premier corridor, qui était plus qu’une impasse !

Mme la présidente. Sur les amendements identiques nos 2712 et 3203, je suis saisie par le groupe de l’Union des démocrates et indépendants d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Louis Roumegas, pour soutenir l’amendement n3203.

M. Jean-Louis Roumegas. La défense est la même que pour l’amendement n194, retiré tout à l’heure. Je précise simplement que, contrairement à l’amendement de suppression présenté par la droite tout à l’heure, le présent amendement ne supprime que le corridor. Ce n’était pas le cas de vos amendements, c’est pour cela que nous présentons le même amendement que notre collègue Vigier.

M. Philippe Vigier. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour soutenir l’amendement n2447 rectifié.

M. Frédéric Lefebvre. Je veux simplement souligner, madame la présidente, que ces trois amendements sont quasi-identiques. Ils suppriment le corridor tarifaire – mon collègue Vigier l’a parfaitement expliqué à l’instant – ; je vous répète, monsieur le ministre, que ce dispositif est une impasse.

Le fait que le rapporteur ait nommé « corridor » son dispositif sur les remises est-il une erreur de vocabulaire ? Malheureusement, je crains que cela ne soit révélateur de l’objectif du nouveau dispositif des remises ; c’est la raison pour laquelle notre collègue Vigier vient de faire référence au travail du Sénat.

Pour ma part, monsieur le ministre, je ne verrai que du positif à ce que, sur la lancée qui était la vôtre cet après-midi, vous reconnaissiez que nous avons réalisé un travail quelque peu empirique en commettant l’erreur – je le pense profondément – de ne pas consulter, à chaque étape, les professionnels.

Il y a une majorité, il y a une opposition, chacun est dans sa logique et c’est normal ; mais vous rendriez service à notre hémicycle en reconnaissant, comme vous avez eu l’honnêteté de le faire pour le corridor tarifaire, que le dispositif que nous en sommes en train de bâtir pour les remises est fragile et aura des conséquences qui seront, pour certaines, identiques.

Monsieur le ministre, je souhaite évidemment que ce corridor tarifaire soit supprimé et, par conséquent, que ces amendements soient adoptés. Mais, puisqu’on se reverra au cours de la navette et que d’ici là, le Sénat aura travaillé, il serait utile que vous preniez l’engagement de retravailler le dispositif adopté tout à l’heure d’ici au nouvel examen du texte dans cet hémicycle : les professionnels méritent quand même d’être consultés sur cette question.

Je crois franchement – tout comme notre Pascal Terrasse, qui l’a très bien expliqué tout à l’heure – que le travail empirique que nous venons d’accomplir présente un certain nombre de risques importants pour le système qui prévaudra ensuite définitivement pour les notaires de notre pays. Monsieur le ministre, vous vous grandiriez donc en acceptant de continuer à travailler, notamment avec ces professionnels, d’ici à ce que nous examinions de nouveau le texte.

Mme la présidente. Je suppose, monsieur Lefebvre, que vous avez défendu également l’amendement n2477.

M. Frédéric Lefebvre. En effet.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Houillon, pour soutenir l’amendement n3060.

M. Philippe Houillon. Défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements en discussion commune ?

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. S’agissant de l’amendement n2712 de M. Philippe Vigier, identique au n3203 défendu par M. Roumegas, nous constatons qu’il supprime les alinéas 9 et 10 et, par voie de conséquence, les alinéas 16 et 18. Il satisfait donc aux exigences que nous avions fait valoir tout à l’heure de suppression du corridor tarifaire, avec toutes les conséquences que cela implique. Nous réservons donc, en cohérence avec ce qui a été dit précédemment, un avis favorable à ces amendements.

En revanche, pour les trois autres amendements, dont l’un ne supprime pas l’alinéa 18 et les deux autres ne suppriment pas les alinéas 16 et 18, je suggère qu’ils soient retirés à raison de leur incomplétude au bénéfice de l’amendement présenté par l’UDI.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Je voudrais ici clarifier le cheminement collectif de notre pensée…

Plusieurs députés du groupe UMP. Il y en a besoin !

M. Emmanuel Macron, ministre. … et la nécessaire différence existant entre ce que vos rapporteurs ont proposé et ce qui avait pu être un moment le corridor tarifaire.

Le corridor tarifaire visait, ainsi que plusieurs d’entre vous l’ont rappelé, à revenir sur le caractère fixe des tarifs réglementés. L’ouverture de la possibilité de varier en dessous et au-dessus de ce qui devenait un tarif de référence instituait une sorte de variabilité extrêmement forte, qui se trouvait définie par la loi pour toute situation. Cela créait donc une instabilité pour les professionnels ainsi que dans l’égalité d’accès au droit – je ne reviendrai pas sur ce que j’ai dit tout à l’heure – qui devenait contre-productive.

Ce qui est ici proposé est différent, d’abord parce que cela ne concerne que les actes pour lesquels une proportionnalité est conservée, qui sera définie dans l’article 12. De plus, cela définit bien un tarif réglementé par rapport auquel une remise est possible, laquelle est simplement encadrée. Ainsi on garde la logique du tarif réglementé fixe tout en encadrant ce qui est aujourd’hui une possibilité : remise partielle encadrée par les instances départementales, remise totale encadrée par le juge.

La philosophie de la remise est très différente, son encadrement est nettement supérieur : au total, ce qui est proposé avec la remise est très différent de ce qui était proposé avec le corridor tarifaire. Les deux positions que j’ai pu prendre sont donc bien cohérentes.

Si j’en reviens aux amendements ici présentés et à la dynamique qui est la vôtre, j’émettrai, pour les mêmes raisons que celles exposées par la rapporteure, un avis favorable aux amendements identiques nos 2712 et 3203 parce que, et vous avez eu raison de le rappeler, monsieur le président Vigier, ce sont les bons alinéas que vous proposez, à juste titre, de supprimer. Le dispositif, ainsi toiletté des éléments qui faisaient référence à ce corridor, devient cohérent et sécurise la tarification pour les notaires. C’est bien l’objectif recherché, et c’est cohérent avec ce que j’ai pu dire tout à l’heure.

Rendons à César ce qui est César : les rapporteurs, au début de nos travaux en commission spéciale, avaient exprimé cette préoccupation, et je dois dire que vous-même, monsieur Vigier, tout comme M. Lefebvre, l’avez constamment exprimée, ce dont je vous sais gré ; vous êtes ici entendus.

Pour aller au bout du raisonnement, monsieur Lefebvre, et faire écho à votre propos, la discussion avec les professionnels ne s’est bien évidemment jamais arrêtée. Je distingue simplement ce qui est une revendication légitime de ce qui est la volonté de ne rien changer. Sur le premier point, je sais l’entendre : c’était la manifestation légitime de leur inquiétude concernant le corridor ; mais quand les professionnels prennent l’habitude de porter les réformes pour eux-mêmes, ce qui n’est pas souhaitable et ce que d’ailleurs beaucoup de professions ne font pas dans notre République, je ne peux pas y souscrire ! Mais le débat va continuer, et vous le savez bien, tout ce qui peut être amélioré dans ce texte le sera,…

M. Marc Dolez. Il y a encore du boulot !

M. Emmanuel Macron, ministre. … avec le même esprit que celui que j’ai depuis le début, avec les femmes et les hommes de bonne volonté qui veulent l’améliorer.

M. Dominique Tian. Ils sont tous dans la rue !

M. Emmanuel Macron, ministre. Il n’y aura donc pas de blocage sur ce point, ni de volonté d’obstruction. Mais quand on profère de gros mensonges, quand on dit des choses qui ne sont pas vraies, comme j’en ai beaucoup entendu de la part de certains professionnels,…

M. Dominique Tian. Il y a des bons et des mauvais !

M. Emmanuel Macron, ministre. …quand on prend des postures, il est normal qu’il y ait un débat de fond, comme celui que nous avons eu cet après-midi. C’était un débat de qualité, dans lequel nous sommes allés au fond des arguments. Même si nous constatons des désaccords, je trouve que nous avons progressé collectivement dans le débat.

M. Dominique Tian. On n’a pas la même impression !

M. Emmanuel Macron, ministre. Ce débat se poursuivra donc ; il ne s’arrêtera pas une fois le texte voté en première lecture à l’Assemblée nationale. Je réponds donc tout à fait favorablement à votre invitation à l’améliorer, mais avec un esprit constructif, dont je crois faire preuve depuis le début de l’examen de ce texte.

M. Sébastien Huyghe. Dans le débat peut-être, mais pas dans le texte !

M. Emmanuel Macron, ministre. J’émets donc un avis favorable aux amendements identiques nos 2712 et 3203, et je demande le retrait des autres amendements qui visent le même objectif et sont de fait satisfaits avec les clarifications apportées sur la volonté de revenir sur le corridor tout en permettant des remises.

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Lefebvre.

M. Frédéric Lefebvre. Je retire évidemment mon amendement n2477, au bénéfice de celui de mon collègue Vigier, puisqu’ils sont pratiquement identiques et que je souhaite autant que lui la suppression du corridor tarifaire.

Soyons clairs, monsieur le ministre : l’engagement que vous venez de prendre signifie que vous reconnaissez que le dispositif que vous proposez n’est pas stabilisé, et que vous êtes prêt à y retravailler, en concertation avec les professionnels.

Cet engagement m’apparaît d’autant plus important que nos débats ont mis en évidence la fragilité des dispositifs dont nous discutons aujourd’hui et les risques qu’ils comportent. Il y aura bien sûr le travail du Sénat, mais ce qui me semble le plus important, c’est l’engagement que vous venez de prendre, et je ne doute pas que les professionnels seront attentifs à l’invitation à discuter à nouveau de ces dispositifs que vous venez de lancer dans cet hémicycle.

(L’amendement n2477 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Houillon.

M. Philippe Houillon. Je comprends que le ministre soit favorable à cet amendement puisque son adoption aurait l’avantage de faire tomber un amendement suivant, présenté notamment par le rapporteur général, qui vise également à supprimer le système du corridor tarifaire, et dont l’exposé sommaire fait litière de tout ce qui a été défendu jusqu’ici par la majorité.

Quel plaisir que d’y lire que « sur le principe, on peut se demander s’il est conforme aux exigences d’accès au droit que des missions d’intérêt général […] puissent faire l’objet d’une tarification variable selon les professionnels qui les exercent et selon les territoires où ces derniers sont implantés. […] Autre questionnement, concernant cette fois les huissiers du justice : serait-il conforme au principe de l’effet relatif des conventions qu’un huissier de justice et le créancier qui est son client négocient un tarif dont aura à s’acquitter non pas le créancier lui-même, mais le débiteur, tiers à la négociation ? Dans l’attente d’une expertise plus poussée sur ces points, votre rapporteure propose de supprimer le dispositif de « corridor tarifaire » pour maintenir le principe actuel d’une tarification unique. »

Vous me rétorquerez que le corridor tarifaire a été supprimé si l’on peut dire, mais le dispositif extrêmement complexe que vous réinstaurez, prévoyant une rémunération variable, des remises, des négociations, encourt exactement les mêmes critiques que celles exprimées par le rapporteur général et la rapporteure thématique.

Je comprends dans ces conditions que vous préfériez que nous ne discutions pas de l’argumentation développée par les rapporteurs à l’appui de leur amendement de suppression du corridor tarifaire.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2712 et 3203.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants71
Nombre de suffrages exprimés71
Majorité absolue36
Pour l’adoption71
contre0

(Les amendements identiques nos 2712 et 3203 sont adoptés et les amendements nos 2447 rectifié, 3060, 3058, 3091 rectifié, 1937, 1948, 385, 532, 1852, 2147, 386 et 1853 tombent.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas, pour soutenir l’amendement n196.

M. Jean-Louis Roumegas. Afin de s’assurer de la bonne information du consommateur, il est proposé que l’information tarifaire se fasse selon un modèle défini par arrêté, tant sur Internet que pour la publicité dans les lieux d’exercice, conformément à une préconisation formulée par l’Autorité de la concurrence dans son avis relatif aux professions juridiques réglementées.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Cécile Untermaier, rapporteure. L’amendement ne précisant pas quel ministre sera chargé de définir le modèle de présentation de l’information tarifaire, je vous invite à le retirer, d’autant qu’il ne me paraît pas utile de surcharger le dispositif législatif.

(L’amendement n196 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Censi, pour soutenir l’amendement n363.

M. Yves Censi. Monsieur le ministre, on ne sait plus très bien où on en est dans ce débat pour le moins baroque, pour reprendre un terme que vous affectionnez.

Cet amendement, visant à ce que l’affichage des tarifs puisse faire apparaître l’ensemble de leurs composantes, est justifié par le fait que beaucoup de nos concitoyens ignorent que ce qu’on appelle communément « les frais de notaire » intègre l’ensemble des taxes dont les notaires ne sont que les percepteurs.

Je ne résiste pas à la tentation de revenir à l’amendement qui aurait dû nous être proposé par Mme la rapporteure thématique, avec, j’imagine, le soutien de M. le ministre, car on ne sait plus si on est toujours dans le système du tarif unique ou si on n’y est plus. Même si on a supprimé le principe du corridor tarifaire par un tour de passe-passe, je voudrais lire l’exposé sommaire de l’amendement que l’adoption de celui de M. Vigier vous a évité de défendre.

Il y est dit notamment que « dans l’attente d’une expertise plus poussée sur ces points, votre rapporteure propose de supprimer le dispositif de « corridor tarifaire » pour maintenir le principe actuel d’une tarification unique. »

Il y est dit par ailleurs que « sur le principe, on peut se demander s’il est conforme aux exigences d’accès au droit que des missions d’intérêt général qui sont assurées par délégation de l’autorité publique et qui, à bien des égards, relèvent d’un « service public du droit » puissent faire l’objet d’une tarification variable ». De tels propos sont une condamnation de la position qui était jusqu’ici la vôtre et une confirmation de nos arguments.

C’était il y a trois minutes !

M. Pascal Terrasse. C’est quand même le passé !

M. Yves Censi. À ce point là de perte de mémoire, on doit parler de maladie neurodégénérative ! Le débat que nous avons eu n’a pas servi à rien, quand même ! Ou alors vous vous moquez du monde. Cela n’a ni queue ni tête ! Quand je parlais tout à l’heure de Canossa, je croyais que c’était seulement devant la Commission européenne, mais il semble que cela peut concerner n’importe lequel des idéaux que vous avez défendus jusqu’à maintenant.

Quelqu’un sur ces bancs peut-il me dire si nous sommes revenus à la tarification unique, ou sommes-nous dans un système de tarification variable ? Défendez-vous le tarif unique ou non ?

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Richard Ferrand, rapporteur général. C’est très simple, monsieur Censi : il s’agit d’un tarif proportionnel, et ensuite des remises seront permises.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Les professions réglementées sont déjà libres d’afficher toutes les composantes de leurs tarifs si elles le veulent. La loi n’a pas en revanche à le préciser. C’est pourquoi je vous propose de retirer cet amendement.

M. Yves Censi. Bel aveu de ce que vous ne croyez plus à la loi !

(L’amendement n363 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n2142.

M. Philippe Vigier. Défendu.

(L’amendement n2142, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement n2005.

M. Marc Dolez. Pour des raisons que nous avons déjà largement évoquées, nous voyons une dérive inquiétante dans le fait que les professions juridiques réglementées soient placées sous la coupe du ministère de l’économie et de l’Autorité de la concurrence. Autorité administrative indépendante, celle-ci a pour objectif de veiller au libre jeu de la concurrence et d’apporter son concours au fonctionnement concurrentiel des marchés aux échelons européen et international.

Nous nous opposons fortement à cette dérive de notre système juridique et c’est pourquoi nous considérons que toutes les décisions importantes concernant ces professions doivent relever de la seule responsabilité du ministère de la justice, après consultation des associations de défense des consommateurs agréées au niveau national pour ester en justice, ainsi que des instances ordinales des officiers publics ou ministériels concernés, ou du Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires, seules instances qui peuvent et doivent, selon nous, être habilitées à formuler des préconisations relatives au service public de la justice. Pour nous, l’Autorité de la concurrence n’a rien à faire là-dedans.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. L’avis sera défavorable, puisque nous avons placé l’Autorité de la concurrence au cœur de ce nouveau mécanisme dont nous débattons.

M. Marc Dolez. Voilà qui est clair ! C’est un désaccord majeur !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Défavorable.

(L’amendement n2005 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Carré, pour soutenir l’amendement n1042.

M. Olivier Carré. L’Autorité de la concurrence permettra de définir les critères de fixation des tarifs réglementaires, mais il y a aussi tout ce qui est en filigrane derrière la gratuité, tout l’apport de ces professions à la garantie du droit. C’est pourquoi l’avis de la Chancellerie me semble tout autant indispensable.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Votre amendement étant satisfait par les règles générales du droit administratif et l’article 22 de la Constitution, aux termes desquels le ministre de la justice aura à contresigner le décret pris en Conseil d’État, je vous demande de le retirer.

(L’amendement n1042 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n2144.

M. Philippe Vigier. Il est défendu.

(L’amendement n2144, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement n2002.

M. Marc Dolez. Une fois encore, cet amendement vise à ne pas conférer à l’Autorité de la concurrence le rôle qui lui est confié.

Mon argumentation est identique à celle de l’amendement que j’ai précédemment défendu.

(L’amendement n2002, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n2482 rectifié du rapporteur général qui fait l’objet d’un sous-amendement n3245.

La parole est à Mme Cécile Untermaier, rapporteure, pour soutenir l’amendement.

Mme Cécile Untermaier, rapporteure. Cet amendement vise à garantir l’information de l’ensemble des organismes susceptibles d’être intéressés et de contribuer utilement à la mission consultative de l’Autorité de la concurrence en ce qu’elle porte sur les tarifs réglementés visés aux articles L. 410-2 et L. 441-1 du code de commerce.

Il réduit dans le même temps le formalisme induit, en l’état, par le texte.

Plus précisément, l’amendement dispose : « L’Autorité de la concurrence met les associations de défense des consommateurs agréées au niveau national pour ester en justice ainsi que les organisations professionnelles ou les instances ordinales concernées en mesure de contribuer à l’élaboration de son avis en rendant publique l’ouverture d’une procédure dans les cinq jours ouvrables suivant la date à laquelle elle est saisie. Cet avis est rendu public. ».

Nous invitons donc les associations de défense de consommateurs et les instances ordinales à se saisir de la publicité ainsi faite d’une possibilité de consultation.

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour soutenir le sous-amendement n3245.

M. Frédéric Lefebvre. Monsieur le ministre, madame la rapporteure, ce sous-amendement se situe dans le droit fil de ce que je disais tout à l’heure : il est nécessaire d’associer les professionnels à la construction des tarifs.

Afin que l’avis purement consultatif de l’Autorité de la concurrence ne soit pas prédominant dans la détermination des tarifs des officiers publics ainsi que des éléments de rémunération des administrateurs et mandataires judiciaires, il est nécessaire que les observations et demandes des différentes organisations professionnelles puissent être connues de tous.

Je tiens ainsi à montrer combien l’association des professionnels à ce processus est indispensable.

Nous avons débattu tout à l’heure, monsieur le ministre, de la nécessaire transparence de la construction des tarifs. Vous-même assuriez que tel était votre objectif. Or, le système que propose le Gouvernement en manque.

Nous avons parlé du rebasage et des remises, nous avons voté sur tous ces sujets mais nous voyons bien qu’il sera nécessaire de consulter les professionnels.

Pour tout vous dire si, à ce moment de notre débat, j’avais pu déposer un amendement et non un sous-amendement, notamment, suite à l’amendement portant sur les remises, j’aurais soulevé la question de la mise en place d’une commission mixte incluant les représentants des professionnels et du Gouvernement afin de tenir effectivement compte des investissements et, plus globalement, de la réalité du terrain, comme vous le souhaitez, dans la construction des tarifs. En effet, ce n’est pas le Gouvernement qui, seul, pourra le faire, mais bien les professionnels.

Certes, cela n’est pas le sens du sous-amendement que je défends, lequel vise seulement à demander que l’avis des organisations professionnelles et des instances ordinales soit rendu public, même s’il s’agit d’une grande avancée par rapport à votre texte. Mais je souhaiterais qu’ensuite nous puissions aller beaucoup plus loin quant à l’association des professionnels à la construction du tarif.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Cécile Untermaier, rapporteure. Avis défavorable à l’adoption de ce sous-amendement.

Première difficulté : vous sous-amendez l’alinéa 20 et non l’alinéa 22, ce qui crée un déséquilibre.

M. Frédéric Lefebvre. Qu’à cela ne tienne ! Une correction est possible !

M. Yves Censi. En effet ! Sous-amendons le sous-amendement !

Mme Cécile Untermaier, rapporteure. Deuxième difficulté : ce sous-amendement va un peu loin.

L’Autorité de la concurrence émet un avis à partir de ceux qui sont formulés par différents organismes et elle l’exprimera, me semble-t-il, nécessairement auprès des ministres concernés qui sont ceux de la justice et de l’économie.

Avis défavorable donc au sous-amendement mais bien entendu favorable à l’amendement de la commission spéciale.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Avis favorable à l’adoption de l’amendement mais défavorable à celle du sous-amendement. Je vais expliquer pourquoi.

Monsieur le député Lefebvre, vous aviez formulé le même souhait en commission spéciale.

Il est de bonne politique d’associer plus explicitement les professionnels à la définition des tarifs même si, je le rappelle, la loi de 1944 régissant la construction de leurs tarifs ne le prévoit en rien. De fait, ils y sont cependant associés. En l’occurrence, nous allons plus loin en prévoyant dans la loi un mécanisme les y associant explicitement.

Je crains en revanche que votre dispositif n’ait des conséquences inverses à celles que vous souhaitez. Je vais vous expliquer pourquoi.

Les professionnels seront associés à l’avis objectif rendu par l’Autorité de la concurrence lequel, au plus tard tous les cinq ans, sera à la base de la définition desdits tarifs.

Les professionnels seront donc amenés, parfois, à fournir des informations sensibles sur les coûts réels et les investissements qui sont les leurs.

Encore une fois, je suis tout à fait prêt à ce que ce texte soit amélioré avant qu’il ne soit discuté au Sénat s’agissant notamment d’une meilleure association des professionnels.

Demandons-leur néanmoins ce qu’ils en pensent dans le détail, et je pense qu’ils seront opposés à cette disposition, qu’ils seront contre la publicité de ces informations.

Leur intérêt, en effet, sera de pouvoir donner le maximum d’informations sur les coûts réels et tous les éléments qui justifient un tarif le plus proche possible de la réalité qu’ils connaissent – et c’est précisément ce que nous cherchons à faire. Or, ils n’auront pas forcément envie que tous les autres professionnels connaissent l’intégralité des informations qu’ils fourniront à l’Autorité de la concurrence.

Oui à la publicité de l’avis mais je me demande si la publicité de toutes les informations transmises par les professionnels ne créerait pas plus de problèmes qu’elle n’en réglerait.

Je suis donc défavorable à l’adoption de ce sous-amendement mais je suis tout à fait ouvert à ce que la discussion continue avec les professionnels afin de mieux les associer à la définition des tarifs.

Enfin, je suis réservé et en désaccord avec vous sur un point : en matière de tarifs, la coproduction normative avec les professionnels n’est pas de bonne politique.

Nous parlons de tarifs réglementés, qu’un professionnel ne saurait donc coproduire. Celui-ci donne les informations pour que l’autorité publique, bien renseignée, définisse un tarif sur la base d’une information objective. Aller au-delà ne correspondrait pas à l’idée que je me fais du service public. Les professionnels ne doivent pas être coproducteurs. Il s’agit précisément, grâce à un mécanisme transparent, d’éviter une telle situation.

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Lefebvre.

M. Frédéric Lefebvre. Je note la volonté de M. le ministre de continuer à travailler sur le dispositif.

Néanmoins, je ne retirerai pas cet amendement. Lors de mes contacts avec les professionnels, ces derniers m’ont demandé que les informations qu’ils donneront soient rendues publiques compte tenu de la construction des tarifs proposée.

Peut-être faut-il retravailler le dispositif afin d’éviter tel ou tel effet négatif – vous acceptez d’ailleurs qu’il en soit ainsi. Je prends donc cela comme une invitation à travailler avec les professionnels et à modifier le texte sur ce point afin de les associer au mieux à ce dispositif.

Dans cet esprit, je souhaite donc que l’on se prononce sur ce sous-amendement mais avec la volonté de trouver dans les semaines à venir un dispositif permettant de satisfaire notre volonté de transparence.

Il n’est pas possible, en effet, d’afficher une volonté de transparence comme vous le faites et que personne ne sache ce qu’il en a été des demandes des organisations professionnelles quant aux tarifs.

Nous associons ces organisations à la construction des tarifs en sollicitant leur avis et nous les rendons responsables de ces derniers vis-à-vis de l’ensemble des professionnels sans que ces derniers, sur le terrain, ne sachent ce que leurs représentants ont dit à l’Autorité de la concurrence.

Nous voyons bien les problèmes qui peuvent se poser.

Comme sur le sujet des remises, il faudra donc travailler avec les professionnels afin de trouver des dispositifs efficaces, dénués d’effets pervers.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je ne suis pas certain de l’absolue pertinence de ce sujet.

En effet, sauf en matière de compétence ordinale, donc, de nature disciplinaire, je ne vois pas une organisation professionnelle taire à ses mandants les positions qu’elle prend dans un débat avec l’Autorité de la concurrence s’agissant de l’élaboration des tarifs.

Je suis persuadé que l’ensemble des représentants des professionnels rendront leur position publique, ne serait-ce que parce qu’ils devront la justifier auprès de leurs mandants.

Je rappelle qu’à l’exception du plan ordinal, donc, disciplinaire, les organisations professionnelles doivent rendre compte de leurs actions auprès de leurs mandants.

L’hypothèse selon laquelle les organisations professionnelles tairaient les positions, avis et processus transmis à l’Autorité de la concurrence me paraît totalement improbable.

Mme Cécile Untermaier, rapporteure. Excellente intervention !

(Le sous-amendement n3245 n’est pas adopté.)

(L’amendement n2482 rectifié est adopté et les amendements identiques nos 387 et 1854 tombent.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 389, 533 et 2148.

La parole est à M. Philippe Houillon, pour soutenir l’amendement n389.

M. Philippe Houillon. Cet amendement vise à supprimer les alinéas 21 et 22.

À leur lecture, on a l’impression que l’Autorité de la concurrence peut se saisir elle-même et prendre l’initiative de donner un avis sur les prix et les tarifs réglementés. Or, on ne sait pas très bien quand.

Nous savons qu’elle est consultée au départ, après que les tarifs sont arrêtés. Nous savons également qu’elle l’est lors de leur révision mais le début de l’alinéa 22 laisse penser qu’elle pourrait se saisir elle-même pour donner un avis sur les tarifs à un autre moment. Peut-être cela mérite-t-il une explication.

Dans cette hypothèse, je le répète, on ne voit pas très bien quand ni à quelle occasion.

En outre, on ne voit pas très bien en vertu de quoi elle s’autosaisirait alors même que des textes réglementaires détermineraient les tarifs.

Est-ce un problème de rédaction ? Il est bien question de la révision, en effet, à la fin de cet alinéa mais il semblerait que, dans sa première partie, il s’agisse d’une auto-saisine. Je ne comprends donc pas très bien à quoi cela fait référence.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n533.

M. Dominique Tian. Philippe Houillon a fort bien expliqué le problème. Les alinéas 21 et 22 visent à donner le pouvoir à l’Autorité de la concurrence de prendre l’initiative de l’avis, or, cela est ambigu, comme M. Houillon l’a démontré. Il paraît donc opportun de supprimer les alinéas 21 et 22, qui sont assez incompréhensibles.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n2148.

M. Philippe Vigier. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Cécile Untermaier, rapporteure. Je comprends votre interrogation. L’Autorité de la concurrence répond à une demande du Gouvernement mais, entre deux révisions, elle peut aussi s’autosaisir de cette question si elle est alertée par un dispositif dont la révision lui semble nécessaire. Ces dispositions confèrent donc bien une capacité d’initiative à l’Autorité de la concurrence.

Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. En effet, ces deux alinéas prévoient la saisine régulière par le Gouvernement afin d’éclairer la décision à prendre tous les cinq ans au plus tard mais l’Autorité de la concurrence peut également s’auto-saisir afin d’émettre un avis, et pas davantage qu’un avis, en cas de déséquilibre durant cette période.

Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. Pour ma part, je partage l’avis de mon collègue Philippe Houillon. Ce que j’entends ce soir me perturbe et me rend perplexe. Alors qu’il devrait simplifier et dynamiser, ce texte introduit de l’insécurité : insécurité dans les tarifs, mais aussi insécurité juridique permanente, puisqu’on ne sait pas très bien qui fera quoi et comment.

Permettre à l’Autorité de la concurrence de donner un avis sur les tarifs de sa propre initiative, c’est totalement incompréhensible. Voilà pourquoi il faut voter cet excellent amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Censi.

M. Yves Censi. Je crains que le président de la commission spéciale et les rapporteurs ne sachent pas mieux que nous où nous en sommes. Le ministre essaie de faire office de pierre angulaire dans cette construction doctrinaire, mais je vois que le président Brottes me regarde en fronçant les sourcils.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. C’est parce que je vous écoute avec attention ! (Sourires.)

M. Yves Censi. Philippe Houillon a exprimé ses réserves et ses doutes au sujet des alinéas 21 et 22, qui reconnaissent à l’Autorité de la concurrence le pouvoir de s’autosaisir pour rendre un avis sur les tarifs. Pouvez-vous nous donner quelques précisions sur le rôle de l’Autorité de la concurrence ?

Je vous l’ai dit tout à l’heure : en faisant intervenir, sur ce dossier, le code du commerce et l’Autorité de la concurrence, vous vous dirigez vers un univers déréglementé de type anglo-saxon. C’est un fait très important, dont il faut que tout le monde ait connaissance.

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. C’est faux !

M. Yves Censi. L’un de vos amendements m’a fait penser que vous aviez eu un éclair de lucidité, madame la rapporteure, mais hélas, vous ne l’avez pas défendu. Je vais vous en lire un extrait, puisque vous avez fait mine, tout à l’heure, d’avoir perdu la mémoire immédiate. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. François Brottes, président de la commission spéciale. On va vous appeler M. Feed-back ! (Sourires.)

M. Yves Censi. Voici ce que vous vous apprêtiez à dire : « On peut se demander s’il est conforme aux exigences d’accès au droit que des missions d’intérêt général qui sont assurées par délégation de l’autorité publique puissent faire l’objet d’une tarification variable selon les professionnels qui les exercent et selon les territoires où ces derniers sont implantés. » Ce texte donnait l’impression que vous n’admettiez plus cette dérive vers un univers concurrentiel, où ce n’est plus la loi qui s’impose – pour les civilistes, cela veut dire quelque chose – mais le contrat. Peu à peu, vous allez vers ce que la jurisprudence consacre dans d’autres matières avec le primat du contractuel, qui fait évoluer le droit.

Cette évolution semblait vous inspirer des doutes, mais voilà que vous accordez à l’Autorité de la concurrence la capacité de prendre l’initiative de donner un avis sur les tarifs. Pouvez-vous nous donner des exemples concrets de cas où l’Autorité pourrait être amenée à s’autosaisir ? Parce que je crois que plus personne n’y comprend rien.

Mme Valérie Boyer. Rien !

M. Yves Censi. Et je pense que vous-mêmes, vous ne savez plus où vous en êtes.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Houillon.

M. Philippe Houillon. Monsieur le ministre, madame la rapporteure, pouvez-vous nous expliquer concrètement comment les choses vont se passer ? Au départ, les tarifs sont arrêtés par le pouvoir réglementaire – en l’occurrence, par arrêté conjoint des ministres de l’économie et de la justice – après avis de l’Autorité de la concurrence. Lorsqu’une révision a lieu, le Gouvernement communique à l’Autorité de la concurrence la date de cette révision, afin que celle-ci donne son avis, dans les mêmes conditions qu’initialement. Dans les deux cas, c’est la demande formulée par le pouvoir exécutif qui a un effet déclencheur, ce qui est bien légitime. Le Gouvernement demande un avis avant d’arrêter une décision, en l’espèce un tarif.

Et à présent, on nous dit que l’Autorité de la concurrence peut s’autosaisir ! En vertu de quel effet déclencheur ? On ne le sait pas. Et elle le ferait manifestement sans demander quoi que ce soit au pouvoir exécutif, dont c’est le rôle d’arrêter les tarifs. Quel est ce pouvoir sui generis conféré à l’Autorité de la concurrence pour s’autosaisir ? À quoi pensez-vous ? Dans quelles circonstances, à quel moment et en vertu de quoi cette autosaisine interviendrait-elle ? Cela signifie-t-il, en définitive, que l’Autorité de la concurrence pourrait indirectement critiquer le tarif arrêté par l’autorité réglementaire ? Elle donnerait son avis avant la fixation du tarif, et pourrait, à son initiative, émettre un avis contraire un peu plus tard ? Cela ne rime à rien !

Sans doute ce texte a-t-il besoin d’être réécrit, car je n’imagine pas que c’est là l’idée que vous voulez défendre. Ces alinéas, comme beaucoup d’autres, sont difficiles à comprendre et il faudrait les réécrire. Cet amendement tend donc à les supprimer, dans leur rédaction actuelle.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Je tiens à rappeler qu’il s’agit d’un avis, et seulement d’un avis. Nous le disons clairement depuis tout à l’heure : l’autosaisine sert à constater et à rendre un avis, rien de plus. L’Autorité de la concurrence ne va pas s’autosaisir pour prendre une décision ou pour agir de quelque manière que ce soit. Elle rend un avis.

Le texte prévoit que le pouvoir réglementaire revoie les tarifs, au maximum tous les cinq ans, après avis de l’Autorité de la concurrence. Imaginons qu’il se produise une très forte augmentation des prix de l’immobilier dans ce délai de cinq ans, et que, d’un seul coup, les tarifs soient déconnectés des coûts réels – c’est ce qui s’est passé au moment de la création de certaines bulles immobilières. Dans ce cas, l’Autorité de la concurrence a la faculté d’émettre un avis pour alerter le Gouvernement, de sorte que les ministres puissent prendre les mesures nécessaires, par exemple au bout de deux ans. Il s’agit seulement d’une faculté offerte à l’Autorité de la concurrence d’émettre un avis. Rien de plus.

M. Yves Censi. Quelle est exactement la compétence de l’Autorité de la concurrence ?

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. Monsieur le ministre, je partage l’avis de mes collègues : nous sommes en pleine confusion. C’est tout de même à la concurrence et au marché qu’il revient de réguler les prix ! Si vous ne croyez pas à la concurrence et au marché, il faut nous le dire ! Mais ne pouvez pas laisser entendre que vous êtes libéral, attaché à l’économie de marché, et ne pas laisser le marché réguler les prix.

M. Emmanuel Macron, ministre. Mais nous parlons de tarifs réglementés !

M. Pascal Terrasse. C’est qu’il vient tout juste d’arriver et ne sait pas ce dont on débat !

M. Daniel Fasquelle. Si vous voulez rétablir un contrôle des prix en France, il faut le dire et revenir à l’ordonnance de 1945. Mais c’est quand même une ’ordonnance du 1erdécembre 1986 qui a permis d’établir en France la liberté des prix.

Vous voulez que l’Autorité de la concurrence se mêle des prix et des tarifs réglementés, alors même qu’il n’y a pas de dysfonctionnements sur le marché.

M. Emmanuel Macron, ministre. Proposez la libéralisation des tarifs réglementés, tant que vous y êtes !

M. Daniel Fasquelle. Tout cela nous pose question, car il nous semble que vous avez une conception confuse de la concurrence, ainsi que du rôle de l’Autorité de la concurrence. Du reste, quand Arnaud Montebourg avait saisi l’Autorité de la concurrence, certains s’étaient demandé, à juste titre, si c’était bien son rôle de se prononcer sur les tarifs des professions réglementées ou sur les prix, en l’absence d’un dysfonctionnement sur le marché. Si l’on a créé l’Autorité de la concurrence, c’est pour veiller au bon fonctionnement des marchés et pour condamner des comportements restrictifs de concurrence, qui provoquent des dysfonctionnements sur les marchés. Or de toute évidence, ce n’est pas votre démarche, et vous demandez à l’Autorité de la concurrence de jouer un rôle qui n’est pas le sien.

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Mais si, c’est le sien ! Les textes le prévoient !

M. Daniel Fasquelle. Par ailleurs, comme le disait Philippe Houillon, à partir du moment où les tarifs sont fixés par l’État, l’Autorité de la concurrence n’a pas à intervenir, et on ne voit pas pourquoi vous la feriez intervenir pour juger des tarifs réglementés qui sont fixés par l’État. Le fait que l’État intervienne est précisément un cas d’exclusion de l’application du droit de la concurrence et d’intervention de l’Autorité de la concurrence. On est donc en pleine confusion. Vous êtes à côté de la plaque sur ce sujet, comme sur les autres, et c’est vraiment dommage.

Cet article, et ces alinéas, ne sont pas nécessaires. C’est pourquoi je soutiens cet amendement de suppression, que j’ai d’ailleurs cosigné.

(Les amendements identiques nos 389, 533 et 2148 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement n2001.

M. Marc Dolez. Il est défendu, madame la présidente.

(L’amendement n2001, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique, pour soutenir l’amendement n2483 rectifié.

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Cet amendement vise à garantir l’information de l’ensemble des organismes susceptibles d’être intéressés et de contribuer utilement à la mission consultative de l’Autorité de la concurrence, en ce qu’elle porte sur les tarifs réglementés visés aux articles L. 410-2 et L. 444-1 du code de commerce. Il réduit dans le même temps le formalisme induit, en l’état, par le texte.

(L’amendement n2483 rectifié est adopté et les amendements nos 388, 1855, 199 et 735 tombent.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 390 et 534.

La parole est à M. Philippe Houillon, pour soutenir l’amendement n390.

M. Philippe Houillon. Cet amendement tend à supprimer l’alinéa 27 de cet article. Une fois de plus, nous estimons que le droit, ce n’est pas le commerce, et que, par conséquent, cet alinéa devrait être supprimé.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n534.

M. Dominique Tian. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Vous voyez, dans le fait que l’affichage des prix et des tarifs des professions juridiques réglementées puisse entrer dans le champ de compétence du Conseil national de la consommation, le risque d’une assimilation à des activités commerciales. Ce n’est absolument pas le cas : il s’agit en fait de donner aux pouvoirs publics toutes les informations et les éléments d’expertise utiles, afin de définir les modalités d’affichage des prix et des tarifs. Ce sont des gages de transparence qui sont proposés dans cet alinéa, lequel ne doit donc pas être supprimé. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. Je partage, une fois encore, l’avis de mon collègue Philippe Houillon. Ce texte conduit à une marchandisation du droit et renforce l’insécurité juridique, alors qu’il nous vend le contraire.

Après avoir discuté pendant des heures des corridors tarifaires, nous avons eu le corridor simplifié, puis le corridor asymptotique – cela fait mal : on se cogne dedans à force de le supprimer. Voici venue l’heure des promotions et des soldes et, avec elles, de la marchandisation complète ! Il est nécessaire de voter cet amendement. Les professions juridiques réglementées ne sont pas assimilables à un commerce classique : c’est d’ailleurs la raison pour laquelle elles sont sécurisées dans notre pays, et c’est une situation qu’il convient de conserver.

Je ne vois pas en quoi cette marchandisation du droit et de la justice pourrait produire de la croissance, du dynamisme, et surtout de la confiance. La justice et le droit ne sont pas des marchandises, et je ne comprends pas que ce gouvernement nous propose ce type de société.

(Les amendements identiques nos 390 et 534 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n535.

M. Dominique Tian. Il est défendu, madame la présidente.

(L’amendement n535, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n2952 rectifié.

M. Gilles Lurton. Compte tenu de l’opacité et des difficultés que ne vont pas manquer de créer pour les études notariales les dispositions de cet article 12, notamment pour les jeunes notaires qui viennent de s’installer, je vous propose de reporter l’application des mesures que nous nous apprêtons à voter au 1er janvier 2018.

Mme Valérie Boyer. C’est une bonne idée !

M. Gilles Lurton. Monsieur le ministre, nous arrivons à la fin de l’examen de l’article 12. Lors de la discussion générale, je vous avais indiqué que la présentation au cours du débat d’un nouvel amendement sur le fameux corridor était susceptible de modifier notre position. Nous avons abouti à un système encore plus complexe que celui qui prévalait antérieurement, et beaucoup d’entre nous, mais aussi de personnes hors de cet hémicycle, auront le plus grand mal à s’y retrouver. En réponse à M. Lefebvre, vous avez déclaré que vous étiez prêt à continuer la discussion avec les professionnels disposés à débattre avec vous. Dont acte, mais nous allons quand même être amenés à nous prononcer dans huit jours, et face au texte qui nous est soumis aujourd’hui, je dois dire que j’aurais beaucoup de difficultés à l’approuver.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Avis défavorable. Sur le fond, nous considérons qu’il ne serait pas raisonnable de reporter l’application des mesures au 1er janvier 2018, ne serait-ce que par respect pour les professions juridiques réglementées qui attendent des décisions.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Caullet.

M. Jean-Yves Caullet. Je tiens à dire à mon collègue que dans l’exposé sommaire de son amendement, il évalue à 20 % la chute du chiffre d’affaires des études notariales. Cette hypothèse reposait sur la proportionnalité du corridor que nous avons supprimée. C’est la trace de quelque chose que nous avons su corriger. Je tenais le souligner à la fin de la discussion de cet article : cette crainte n’est plus justifiée.

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. Au moment où je rédigeais cet amendement, il est évident que je n’avais pas connaissance de l’amendement auquel vous faites allusion. Mais il n’empêche que le respect de la profession notariale serait de ne pas leur imposer une réforme telle que celle que vous nous proposez aujourd’hui.

Mme Valérie Boyer. C’est vrai !

(L’amendement n2952 rectifié n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements, nos 3102, 2484 et 3131, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n3102.

M. Emmanuel Macron, ministre. Il est retiré, puisqu’il s’agissait d’un amendement de coordination lié au corridor.

(L’amendement n3102 est retiré.)

Mme la présidente. Les deux amendements nos 2484 et 3131 de la commission spéciale sont également de coordination.

(Les amendements nos 2484 et 3131, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

(L’article 12, amendé, est adopté.)

Après l’article 12

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement n738.

M. Philippe Vitel. Il est défendu.

(L’amendement n738, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Article 13

Mme la présidente. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 13. La parole est à M. Philippe Houillon.

M. Philippe Houillon. Nous en arrivons à l’article 13 qui, je l’imagine, va également nous occuper un certain nombre d’heures. Il concerne les règles de postulation des avocats. Cet article ne traite pas que de cela, mais c’est à ce stade l’essentiel. Nous passerions du système de postulation actuel, attaché à un tribunal de grande instance, à une postulation dans le ressort d’une cour d’appel.

Le premier problème à signaler est qu’il n’y a pas eu d’étude d’impact de cette mesure. Plus exactement, il y en a eu une, réalisée par le Conseil national des barreaux. Elle conclut à une perte d’un certain nombre de millions d’euros pour cette profession, déjà parmi les plus paupérisées des professions juridiques, puisque pour les 60 000 avocats de France, le revenu médian est de l’ordre de 3 000 euros, ce qui veut dire qu’il y en a 30 000 qui gagnent moins que cela.

La première des choses avant d’opérer cette modification substantielle eût été de procéder à une étude d’impact digne de ce nom, afin de déterminer quelles seraient les conséquences prévisibles de la suppression de la postulation attachée au tribunal de grande instance pour l’étendre au niveau de la cour d’appel. Cette étude d’impact n’a pas été réalisée.

Le deuxième problème soulevé, qui a déjà été abordé lors de nos débats en commission spéciale, est celui de l’indemnisation. Le texte n’en dit rien, alors qu’il s’agit de supprimer par la loi, ou en tout cas de modifier substantiellement, un monopole. L’État vient dire, par exemple, que les cent avocats inscrits près le tribunal de grande instance X seront désormais concurrencés par les mille autres avocats du ressort de la cour d’appel. Le monopole est donc bien entamé, et mécaniquement, s’ensuit une question d’indemnisation. Or, celle-ci n’est pas abordée par ce texte.

Je connais, monsieur le ministre, la réponse que vous allez probablement m’apporter dans l’hémicycle, puisque vous me l’avez déjà donnée lors des débats en commission spéciale. Cela étant, vous avez pu évoluer : vous l’avez bien fait pour le corridor ! Ça n’a certes pas été dans le bon sens, puisque vous êtes allé vers plus de complexité, mais on ne sait jamais, vous pouvez évoluer aussi sur le sujet de la postulation des avocats et considérer que dès lors que l’État change les règles du jeu et que cela crée un préjudice, il y a matière à indemnisation.

Votre réponse a été de dire que vous ne supprimiez pas un monopole, mais qu’au contraire vous l’étendiez. C’est une vision un peu rapide des choses, me semble-t-il, car vous modifiez bien de manière substantielle un monopole, et cette modification substantielle est susceptible d’entraîner un préjudice. Et comme vous n’avez pas évalué ce dernier, vous ne pouvez pas répondre sur sa réalité même, ni a fortiori le quantifier. La question est posée, et nous la soulèverons probablement si un recours est déposé devant le Conseil constitutionnel, car je ne crois pas que l’on puisse entamer un monopole sans prévoir aucune indemnisation. Cela me paraît totalement exclu.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cela s’est déjà fait !

M. Philippe Houillon. Si cela s’est déjà fait, alors, c’est très bien !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cela s’est fait pour les barreaux de Paris, Créteil, Nanterre et Bobigny. Sans indemnisation.

M. Philippe Houillon. En ce qui concerne le maillage territorial, cette mesure présente le risque d’aller exactement à l’encontre de ce que vous recherchez. De manière évidente, tous les correspondants institutionnels des cabinets d’avocat ne vont plus choisir qu’un seul avocat au sein du ressort d’une cour d’appel, ce qui signifie que vous allez paupériser un peu plus la profession et porter un peu plus atteinte au maillage territorial.

M. Le Bouillonnec va certainement nous lire le rapport de la mission d’information sur les professions juridiques réglementées, puisqu’il a dit qu’il le ressortirait à chaque fois ! Sera ainsi rappelé que nous étions suffisamment et unanimement inquiets de l’absence d’évaluation pour que la mission propose une expérimentation – option que d’ailleurs, pour ma part, je ne partageais pas. Mais Mme la rapporteure thématique elle-même, présidente et rapporteure de cette mission, préconisait une expérimentation car elle pensait que nous ne savions pas très bien où nous allions. Encore une fois, ceux que l’on appelle dans ce métier les correspondants institutionnels, la clientèle institutionnelle, vont pouvoir se passer d’un avocat par ressort de tribunal de grande instance... Je ne sais pas ce que signifient les gestes de la rapporteure thématique…

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Cela a déjà été cela en commission spéciale !

M. Philippe Houillon. Peut-être, mais je le redis. Vous avez effectivement dit certaines choses une fois, puis en avez dit d’autres une autre fois, vous avez changé d’avis ! Moi, je n’ai pas changé d’avis. Peut-être me répété-je, supportez-le, même si cela vous déplaît ! Je n’ai pas le défaut de changer d’avis en fonction de ce que j’entends ici ou là. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Je poursuis. Évidemment, la clientèle institutionnelle se comportera ainsi, et cela aura donc des conséquences sur le maillage territorial. Vous avez prévu un certain nombre d’exceptions, notamment en matière d’aide judiciaire – c’est le terme même retenu dans le texte, peut-être aurait-on pu en employer d’autres mais peu importe, nous comprenons bien ce que cela signifie. Cela veut dire que la personne qui sera éligible au bénéfice de l’aide juridictionnelle pour des affaires de droit commun, à l’inverse de celui qui n’en bénéficie pas, ne pourra choisir qu’un avocat du barreau devant lequel l’affaire se plaide. Vous créez ainsi deux régimes – cela existe déjà –, alors même que vous modifiez la territorialité de la postulation.

Nous reviendrons sur un certain nombre d’autres sujets lors de l’examen des amendements dont nous débattrons demain, mais je tiens dès à présent à mentionner un problème technique. Vous me direz peut-être que les choses peuvent s’arranger, mais comment procédera-t-on techniquement avec le réseau privé virtuel des avocats, le RPVA, système de communication qui aujourd’hui fonctionne entre un barreau et le tribunal de grande instance auprès duquel il est attaché mais ne fonctionne pas entre les différents TGI d’une même cour d’appel ? Par conséquent, je ne vois pas que cela puisse être mis en pratique demain matin. Je ne sais pas si vous avez étudié le coût d’une telle modification, ou qui sera à la manœuvre pour mettre cela en place.

J’entendais des allusions à la récente suppression des avoués de cour d’appel. Depuis lors, les avocats peuvent postuler à la place des avoués devant la cour d’appel, et une idée un peu rapide pourrait laisser penser que le bon périmètre pour la postulation de première instance est également la cour d’appel. Si l’objectif est de se diriger vers des barreaux de cour à l’échelon d’une cour d’appel, avec éventuellement des suppressions de juridictions, il faut le dire. Nous craignons d’ailleurs que le texte n’y conduise.

Cela étant, nous avons auditionné les premiers présidents de cour d’appel, et leur avons demandé comment les choses se passaient depuis la suppression des avoués : plutôt mieux, ou plutôt plus mal ? Que pensez-vous qu’ils aient répondu ? Plutôt plus mal. En effet, il est bien évident que lorsque le tribunal ou la cour connaît un interlocuteur, les relations et les procédures sont infiniment plus fiables.

Enfin, dans la pratique quotidienne, dans toutes les procédures pour lesquelles le ministère d’un avocat n’est pas obligatoire, comme devant le tribunal de commerce, lorsqu’un avocat de Paris a une affaire devant le tribunal de commerce de Montpellier, il prend évidemment un correspondant. Et dans ce cas, on arrive au résultat que vous souhaitez par une autre disposition qui figure dans ce même article : la suppression du tarif de postulation, sauf dans certaines exceptions.

Je le disais : dans la pratique, pour des raisons de procédure, de mise en état et de lourdeur des dossiers, il n’arrivera pas qu’un avocat n’ait pas de correspondant quand il est chargé d’une affaire ailleurs. En tout cas, pour l’instant, il est techniquement très loin de pouvoir s’en passer.

Je ne m’étais pas rallié à la conclusion de la mission d’information, qui préconisait une expérimentation, parce que je pensais qu’elle allait déjà trop loin. Cependant, elle avait tout de même le mérite d’être beaucoup plus sage que votre proposition, qui consiste à tout effacer d’un coup, sans évaluation. Commençons éventuellement par expérimenter cette modification, à laquelle je ne suis pas favorable, au lieu de tout gommer d’un coup sans étudier les conséquences de cette mesure ni proposer aucune indemnisation.

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. Monsieur le ministre, l’article 13 de votre projet de loi concerne plus spécifiquement le sort que vous entendez réserver aux avocats. Si ces dispositions étaient adoptées, elles créeraient, selon Mme Taubira, un « déséquilibre systémique ». C’est en tout cas en ces termes qu’elle s’est exprimée devant le barreau de Paris à l’occasion de sa rentrée solennelle le 12 décembre dernier. Il nous serait agréable qu’elle vienne nous l’expliquer ici, demain, après les questions au Gouvernement – cet horaire lui conviendrait peut-être mieux.

Quant à M. Montebourg, il entendait, alors qu’il préparait ce projet de loi, s’attaquer aux « nantis captant du pouvoir d’achat aux Français ». Ce n’est pas moi qui le dis : je reprends ses mots.

M. Christophe Castaner, rapporteur thématique de la commission spéciale. Lui, il ne sera pas libre demain pour nous l’expliquer ! (Sourires.)

M. Gilles Lurton. Drôle d’idée du rôle des avocats, quand nous connaissons les difficultés rencontrées par un grand nombre de jeunes avocats qui viennent de prêter serment. Beaucoup d’entre eux n’arrivent à faire face à leurs difficultés que grâce aux indemnités qui leur sont accordées dans le cadre de l’aide juridictionnelle.

Dans cet article 13, vous entendez, entre autres, élargir la postulation, c’est-à-dire le fait pour les avocats de faire appel à un avocat d’un autre barreau où une affaire est portée, à « l’ensemble des tribunaux de grande instance du ressort de la cour d’appel au sein de laquelle ils ont établi leur résidence professionnelle et devant ladite cour d’appel ».

Si cette disposition est adoptée à l’issue de nos débats, elle aura inévitablement des conséquences sur le maillage actuel de notre territoire, en entraînant la disparition de nombreux barreaux dans les villes moyennes ou les villes de plus petite taille. Elle aura inévitablement pour conséquence de permettre aux avocats des grandes villes d’aller travailler dans les petites villes, et donc d’asphyxier progressivement et définitivement les petits barreaux. Elle aura enfin pour conséquence d’éloigner les justiciables d’une justice de proximité et de créer dans notre pays des déserts judiciaires. Monsieur le ministre, comment de telles mesures peuvent-elles favoriser la croissance ?

Nous pourrions comprendre ces mesures si vous arriviez à nous démontrer que la postulation ne sert qu’à alourdir le budget consacré par les Français à leurs frais de justice, à nous démontrer que l’avocat postulant ne sert à rien. Ce n’est pas le cas, et vous le savez.

M. Gérald Darmanin. Bien sûr !

M. Gilles Lurton. Lorsque l’avocat titulaire doit plaider dans une autre ville que celle du ressort de son tribunal de grande instance, c’est son avocat postulant qui est responsable de l’affaire auprès du tribunal compétent et qui assure les audiences de mise en état nécessaires à l’avocat titulaire pour suivre le déroulement de l’affaire.

Supprimer l’avocat postulant ne sera pas forcément plus économique pour le client. Ce dernier, si l’avocat postulant n’existe plus, verra les frais de déplacement de son avocat titulaire augmenter de façon beaucoup plus importante que ce que lui aurait coûté l’intervention d’un avocat postulant dans son affaire.

Toutes ces raisons nous conduisent à vous demander, monsieur le ministre, de maintenir la postulation telle qu’elle existe actuellement dans notre droit français.

M. Gérald Darmanin. La démonstration est implacable !

M. Christophe Castaner, rapporteur thématique. Ne changeons rien, tout va bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. Monsieur le ministre, je déplore une nouvelle fois que l’on débatte ici de sujets qui ne sont pas majeurs. Ce n’est pas en déstabilisant la profession de notaire ou d’avocat que l’on réglera les problèmes graves que connaît notre pays ! Malheureusement, les chiffres du chômage sont là : 2014 a été une année noire. En ce début d’année 2015, nous devrions débattre des vraies solutions qui permettraient à notre pays d’aller mieux et de régler le problème dramatique du chômage. Je suis convaincu que vos propositions relatives aux notaires et aux avocats ne le régleront pas, mais qu’elles l’aggraveront pour ces professions.

Je veux aussi regretter à nouveau l’absence totale d’écoute des professionnels. Vous avez peut-être écouté quelques professionnels parisiens, mais il faut sortir de la capitale, aller au-delà des limites du périphérique et écouter les professionnels dans les barreaux de province : vous verrez qu’ils sont très inquiets de la réforme que vous proposez. À Boulogne-sur-Mer, j’ai observé une mobilisation que je n’avais jamais vue auparavant, qui a réuni la quasi-totalité des avocats du barreau de la ville.

Mme Valérie Boyer. C’est pareil à Marseille !

M. Daniel Fasquelle. Comme beaucoup d’autres avocats en France, ils sont très inquiets de l’impact très négatif de votre réforme.

Je veux enfin déplorer le manque de travail sérieux. Il n’y a pas eu d’étude d’impact – celle que vous présentez est indigente, comme cela a déjà été dit à plusieurs reprises. L’avis du Conseil d’État était d’ailleurs très sévère avec plusieurs dispositions de votre projet de loi.

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Pas sur ce point !

M. Daniel Fasquelle. Quant à l’avis de l’Autorité de la concurrence, nous l’avons obtenu après que le projet de loi a été déposé. Le travail a été bâclé : il ne faut donc pas s’étonner que l’on soit dans l’improvisation permanente.

S’agissant des notaires, monsieur le ministre, vous avez reculé sur la question du corridor tarifaire. Vous avez reconnu vous-même que vous étiez crispé sur vos positions, n’écoutant pas certains députés, y compris de votre propre majorité, en commission. Vous avez bricolé quelque chose aujourd’hui en substituant un corridor à un autre : ce système de remise n’est absolument pas convaincant et déstabilisera les offices de taille moyenne.

Ce n’est pas une affabulation de notre part : vous allez créer des déserts juridiques là où il existe malheureusement déjà des déserts médicaux, dans la France rurale qui mérite d’être au moins aussi écoutée que la France urbaine. Dans ces déserts juridiques, il n’y aura plus de notaires ; en tout cas, de nombreuses études vont être gravement déstabilisées par vos mesures. Il n’y aura pas non plus d’avocats : la suppression de la postulation aura des conséquences dramatiques pour les avocats de ces barreaux de province, et je veux le dénoncer ici ce soir avec force.

Comme l’a dit notre collègue Lurton, votre réforme aura également des conséquences pour les justiciables. Ce soir, nous ne défendons pas que les professionnels : nous défendons la sécurité juridique et, d’abord et avant tout, les justiciables qui ont le droit d’avoir accès, sur l’ensemble du territoire national, à des professionnels de qualité, qu’il s’agisse de notaires ou d’avocats.

Monsieur le ministre, vous avez un peu évolué cet après-midi par rapport aux positions que vous défendiez en commission et que vous proposiez dans votre texte initial. Vous avez reconnu vous être parfois arc-bouté à tort sur certaines de vos positions. Nous espérons que, dans le cadre de l’examen des amendements à l’article 13, vous soyez enfin décrispé, à l’écoute des parlementaires et des professionnels, que vous abandonniez ces dispositions néfastes, et que nous puissions enfin étudier un vrai projet de loi apportant de vraies réponses aux problèmes de notre pays.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Ce soir, c’est le choc des titans !

M. Dominique Tian. On a beaucoup parlé des professions réglementées, contre lesquelles vous vous êtes acharné, monsieur le ministre. Le cas des avocats est un peu différent. À leur sujet, M. Le Bouillonnec a dit beaucoup de choses intéressantes. Vous vous êtes attaqué à une profession qui connaît des difficultés : comme nous l’avons dit tout à l’heure, de nombreux avocats n’arrivent plus à vivre de leur art, après des études difficiles et un concours particulièrement sélectif. Ils vivent assez difficilement de leur profession.

Votre texte a un peu évolué, notamment sur le statut d’avocat d’entreprise, qui ne sera pas créé, et sur la question des bureaux secondaires. En revanche, les avocats ne comprennent pas que vous ne fassiez pas un geste au sujet de la postulation,…

Mme Valérie Boyer. En effet !

M. Dominique Tian. …dans la mesure où chacun reconnaît que votre proposition traumatise la profession sans que l’on mesure exactement ce qu’elle pourrait apporter, en termes économiques, aux entreprises et aux justiciables.

La question de la postulation a déjà été évoquée par plusieurs autres orateurs. Le groupe UMP souhaite maintenir le dispositif existant de la postulation dans le ressort du TGI, et ne pas l’étendre au ressort de la cour d’appel comme le propose ce projet de loi.

Sous une apparence de modernisation, vous indiquez, monsieur le ministre, que la suppression de cette barrière territoriale permettra sans doute aux cabinets d’avocats des grandes zones urbaines d’aller travailler dans les petites villes. À notre sens, ce n’est pas un progrès : au contraire, cette disposition va asphyxier progressivement et définitivement les petits barreaux – en principe, une centaine de barreaux sur les 161 existants. En résultera, au détriment des citoyens, la constitution de déserts judiciaires, à l’instar des déserts médicaux dont nous parlons souvent. Certains barreaux disparaîtront purement et simplement, sans que la loi ne prévoie aucune espèce d’indemnisation.

Pour les avocats, cette mesure extrêmement grave suscite une incompréhension totale. Les députés du groupe UMP refusent de vous suivre sur ce chemin extrêmement dangereux.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. Monsieur le ministre, sans me faire beaucoup d’illusions, j’aimerais beaucoup vous convaincre de retirer de votre projet de loi l’extension du monopole de la postulation des avocats au ressort de la cour d’appel. On l’a dit : il n’existe pas d’étude d’impact sérieuse sur le sujet. Nous disposons désormais d’une étude du Conseil national des barreaux, sur laquelle nous reviendrons certainement au cours de nos débats, mais ce n’est même pas à cette étude que je vais me référer pour vous demander de retirer l’article 13 de votre projet de loi. Je me référerai au rapport d’information de la mission mise en place par la commission des lois, adopté à l’unanimité, sur lequel l’ensemble des membres de la mission et de la commission des lois se sont retrouvés.

Permettez-moi de vous renvoyer aux pages 69 et 70 de ce rapport : « Plusieurs difficultés identifiées par la mission lors de ses auditions conduisent votre co-rapporteur à demander le maintien de la postulation dans sa configuration actuelle et votre rapporteure à préconiser une expérimentation préalable afin d’évaluer pleinement les conséquences de cette réforme sur le fonctionnement quotidien des barreaux, sur leur équilibre économique et numérique et, ce faisant, sur les conditions d’exercice de leurs missions de service public. […] Tout d’abord, et comme le soulignaient le ministre de l’économie devant la mission et notre collègue Richard Ferrand, aucune donnée ne semble, à ce jour, exister sur la part qu’occupe l’activité de postulation dans le chiffre d’affaires des cabinets d’avocats. Sur ce point, la situation économique de certains barreaux qui connaissent déjà la multipostulation en première instance pourrait constituer un indice peu encourageant. […] Le risque de créer, dans le ressort même d’une cour d’appel, des déséquilibres entre les barreaux paraît d’autant plus grand que certains sont, à l’échelle régionale, d’ores et déjà très fragiles. »

Monsieur le ministre, le bon sens commanderait de nous donner le temps d’évaluer les conséquences de la mesure que vous proposez et de la réexaminer plus tard, à la lumière de ces éléments et, bien sûr, en présence de Mme la garde des sceaux.

M. André Chassaigne. Excellent !

Mme la présidente. La parole est à M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. Monsieur le ministre, je ne peux, moi aussi, que regretter l’absence de la garde des sceaux, Mme Taubira. Nous aurions aimé connaître son avis sur ces articles.

Vous avez reculé sur le statut d’avocat en entreprise, qui devait permettre aux juristes français d’être placés sur un pied d’égalité avec les juristes anglo-saxons, lesquels bénéficient de la confidentialité de leurs études. L’attente des juristes d’entreprise est légitime, mais effectivement, il n’est pas nécessaire de leur donner le statut d’avocat pour que leurs études juridiques demeurent confidentielles.

La réforme de la postulation, qui oblige aujourd’hui à passer par un avocat du barreau local, constitue l’autre point de crispation d’une majorité de la profession. Une étude d’impact, réalisée à la demande du Conseil national des barreaux, a montré les conséquences négatives de cette réforme sur l’équilibre économique des barreaux, le maillage territorial et l’égalité d’accès au droit.

Cette navigation à vue ne peut que susciter l’inquiétude parmi les avocats, qui subiront de plein fouet les conséquences de la suppression de la postulation telle qu’actuellement organisée. D’ailleurs, monsieur le ministre, pourquoi la région Île-de-France est-elle exclue de la réforme de la postulation ?

L’alinéa 17 de l’article prévoit la généralisation de l’obligation d’établir des conventions d’honoraires, obligation qui ne concernait jusqu’ici que les procédures de divorce.

Monsieur le ministre, nous aimerions que le contrôle par les agents de la DGCCRF du respect de l’obligation de la convention d’honoraires soit encore plus encadré et, surtout, qu’il s’opère sans porter atteinte au secret professionnel. Par ailleurs, il serait souhaitable que la loi précise les éléments de la convention d’honoraires auxquels ces agents ne pourront pas avoir accès, comme l’identité du client, la nature et le montant des diligences.

Mme la présidente. Il n’y a plus d’orateurs inscrits sur l’article 13.

Si j’ai bien compris, monsieur le ministre, vous répondrez demain après-midi, à l’occasion de l’examen des amendements de suppression.

La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce matin, à neuf heures trente :

Questions orales sans débat.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mardi 3 février 2015, à une heure.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly