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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mercredi 11 février 2015

Présidence de M. David Habib

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Questions sur la politique de sécurité

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions sur la politique de sécurité.

Je vous rappelle que la conférence des présidents a fixé à deux minutes la durée maximale de chaque question et de chaque réponse, sans droit de réplique.

Nous commençons par les questions du groupe UMP.

La parole est à M. Philippe Goujon.

M. Philippe Goujon. Je voudrais, monsieur le ministre, vous interroger sur deux dispositifs qui me paraissent utiles dans la lutte contre le terrorisme : la vidéoprotection d’une part et la sécurisation des titres d’identité d’autre part.

Dans le contexte que nous connaissons, le renforcement de la vidéoprotection s’avère indispensable, particulièrement à Paris. Mille caméras seulement y sont déployées sur la voie publique, soit une caméra pour deux mille habitants, ou cinquante à soixante-dix caméras par arrondissement, alors que Londres compte pas moins de 75 000 caméras reliées à Scotland Yard, et Nice, où la millième caméra a été installée hier, une caméra pour 340 habitants.

Il est temps que la région parisienne rattrape son retard. L’État doit au moins doubler le nombre de caméras à Paris et étendre le dispositif dans la zone de la police d’agglomération, avec cinq mille caméras.

Deuxièmement, je demande depuis 2012 que la loi du 12 mars de cette année relative à la protection de l’identité, dont j’ai été le rapporteur, soit complétée. Disposer d’une base de données associant empreintes biométriques et identité permettrait d’identifier les djihadistes avant qu’ils ne partent ou ne reviennent, y compris ceux utilisant une double nationalité.

Il m’avait été répondu en 2012 que le coût d’un tel dispositif – 85 millions d’euros – posait problème et en 2013 que le Gouvernement préférait sécuriser la délivrance des documents, alors qu’un décret du 18 décembre 2013 a prorogé la validité des cartes d’identité périmées et que le projet de sécurisation du permis de conduire a été abandonné.

À l’heure où des moyens importants sont débloqués pour lutter contre le terrorisme – et sur ce point nous vous soutenons –, allez-vous, monsieur le ministre, achever enfin la réforme indispensable de la protection de l’identité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Pour ce qui concerne la protection de l’identité, la France n’a instauré ni registre de la population, ni obligation de détenir un titre d’identité. En revanche, dès les années 1980, elle a pris des mesures pour sécuriser la délivrance de la carte nationale d’identité et du passeport.

La loi du 27 mars 2012, à laquelle vous faites référence, devait poursuivre le mouvement de sécurisation des titres en prévoyant notamment l’instauration d’une carte nationale d’identité électronique, dotée, à l’instar du passeport biométrique, d’un composant comprenant un certain nombre de données personnelles et biométriques, notamment les empreintes digitales du titulaire.

Le projet de loi prévoyait en outre qu’un fichier unique biométrique, regroupant les cartes nationales d’identité et les passeports, principalement conçu pour garantir la fiabilité des documents délivrés et simplifier l’instruction des demandes, puisse être consulté à titre subsidiaire à des fins de police judiciaire.

Toutefois, si le Conseil constitutionnel n’a pas contesté la création d’un traitement de données à caractère personnel, notamment pour un motif d’intérêt général, permettant de sécuriser la délivrance des titres d’identité et de voyage et d’améliorer l’efficacité de la lutte contre la fraude, il a censuré les dispositions portant création de la base unique et permettant aux services en charge de la lutte antiterroriste d’accéder à cette base, ainsi que les dispositions relatives à la puce « e-services », permettant aux titulaires de la carte nationale d’identité de s’identifier et de mettre en œuvre sa signature électronique.

Cette censure par le Conseil constitutionnel n’autorise plus la création d’une carte nationale d’identité numérique dotée d’un seul composant contenant l’état-civil du titulaire, avec sa photographie et ses empreintes digitales.

Malgré cela, le ministère de l’intérieur reste vigilant quant à l’amélioration de la lutte contre la fraude documentaire et l’usurpation d’identité. Il privilégie pour cela l’utilisation de nouveaux outils de lutte contre la fraude lors de l’instruction de la demande de titre plutôt que le développement d’un nouveau support, plus coûteux.

Quant à la vidéoprotection à Paris, c’est un outil extrêmement important d’élucidation des faits de délinquance. Partout où la vidéoprotection a été implantée, avec la possibilité d’une jonction entre la vidéoprotection municipale et la vidéoprotection de la police nationale, on obtient des résultats extrêmement positifs. En 2014, la vidéoprotection a permis à la préfecture de police d’effectuer près de 2 378 interpellations, dont 102 en matière d’atteinte aux personnes et 881 en matière d’atteinte aux biens.

L’objectif est donc de développer cet outil et pour cela de contribuer à son financement. Comme vous le savez, le ministère de l’intérieur y est prêt, grâce notamment au fonds interministériel de la prévention de la délinquance, le FIPD.

M. Jean-Paul Bacquet. Voilà une belle réponse !

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti.

M. Éric Ciotti. Monsieur le ministre, vous vous êtes rendu la semaine dernière au Parlement européen, devant la commission « libertés civiles, justice et affaires intérieures », ou commission LIBE, qui est à l’origine du blocage du projet de mise en place d’un Passager Name Record, PNR, européen, dont tout le monde reconnaît pourtant l’urgente nécessité.

Je veux saluer les efforts que vous avez déployés pour la convaincre du bien-fondé de ce projet. En tant que président de la commission d’enquête sur la surveillance des filières et individus djihadistes, je m’y suis rendu moi-même le lendemain à la tête d’une délégation de parlementaires. Manifestement vos arguments n’ont pas été totalement convaincants, et je dois dire mon inquiétude au lendemain de cet entretien. On fustige souvent les fonctionnaires européens, mais ce sont en l’occurrence des élus qui ne font pas preuve d’une très grande lucidité. Je pense en particulier à Mme Sylvie Guillaume, vice-présidente du Parlement européen et membre du groupe socialiste, qui est des plus hostiles à la mise en place d’un PNR européen.

M. Jean-Paul Bacquet. C’est une erreur !

M. Éric Ciotti. Elle a d’ailleurs réitéré dans la presse française son opposition au PNR et vous n’aurez pas trop de toute votre capacité de conviction pour faire évoluer sa position.

Il faut pourtant absolument et de toute urgence mettre en place un tel dispositif. Ne faudrait-il pas, sans attendre la mise en place d’un PNR européen, mettre en place immédiatement des PNR bilatéraux ? Plusieurs services nous ont dit craindre la mise en place d’un PNR vidé de son sens à force de concessions faites à l’idéologie qui domine cette commission LIBE – par exemple, un PNR dont les données ne pourraient être conservées que trois jours.

Il faut aller vite. Si l’on n’y arrive pas au niveau européen, monsieur le ministre, ne vaut-il pas mieux mettre en place des PNR bilatéraux avec chacun de nos partenaires ? Il est quand même ahurissant que nos services doivent aujourd’hui passer par les services américains pour obtenir des renseignements venant d’Europe. Si on veut mettre fin à cette situation totalement ubuesque, il faut agir, et vite, monsieur le ministre, même si je salue votre détermination en la matière.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Vous avez d’autant plus de raison de dire qu’il faut accélérer le rythme, monsieur le député, que le projet d’un PNR européen a été évoqué pour la première fois devant le Parlement européen en 2003, et que depuis il ne s’est rien passé, alors qu’un projet de directive a été élaboré en 2007.

Je partage donc votre sentiment qu’il faut rattraper le temps perdu. Je déploie donc une énergie considérable pour essayer qu’on entende raison. Reste que je vois dans votre question, après celles posées cet après-midi, une ficelle politicienne de votre groupe, tendant à faire croire que si le PNR n’est toujours pas mis en œuvre, c’est parce que les amis du ministre de l’intérieur le refusent. Ceci dit, cela n’a rien d’illégitime.

M. Éric Ciotti. Je ne sais pas si ce sont vos amis !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Le propos est tellement réitéré que la stratégie en devient transparente.

Il n’y a pas que des amis à nous qui n’en veulent pas. Les libéraux, qui sont proches du groupe du parti populaire européen, PPE, et qui dans bien des pays gouvernent avec des partis de ce groupe n’en veulent pas davantage.

Il est faux de dire que je n’ai pas convaincu puisque, au terme de mon audition par la commission LIBE du Parlement européen, les représentants français mais également des représentants britanniques du groupe libéral ont considéré que les propositions de la France pour garantir la protection des données étaient susceptibles de faire évoluer leur position.

En outre, à l’occasion de l’entretien que nous avons eu place Beauvau avec la délégation française au Parlement européen, rencontre à laquelle participait la quasi-totalité des parlementaires de votre parti, Sylvie Guillaume a affirmé sa volonté d’aboutir sur ce dossier, à condition qu’on soit capable de garantir la protection des données, ce qui est la position du gouvernement français.

Les seuls à être résolument hostiles à ce projet sont les députés Verts au Parlement européen et certains représentants de Die Linke.

Vous me demandez s’il ne vaut pas mieux, en l’absence d’un PNR européen, mettre en œuvre des PNR bilatéraux. Nous sommes prêts à mettre en œuvre de tels PNR, d’autant qu’il existe déjà des PNR nationaux, notamment en France et en Grande-Bretagne.

Il faut cependant prendre garde que de tels PNR présenteraient deux inconvénients. Premièrement les aéroports des pays qui ne seraient pas dotés de PNR risqueraient de constituer des lieux de transit privilégiés pour les terroristes. Si on n’associe pas partout de façon systématique le contrôle des fichiers du Système d’information Schengen, SIS, et le PNR, il y aura des trous dans le filet.

Deuxièmement, faute d’être encadrés par une directive européenne, des PNR bilatéraux risqueraient d’être beaucoup moins protecteurs des données personnelles qu’un PNR européen.

Je ne désespère pas de convaincre, et c’est seulement si nous n’y parvenons pas que, dans un souci de pragmatisme, nous mettrons en place des PNR bilatéraux.

M. le président. La parole est à M. Olivier Marleix.

M. Olivier Marleix. Monsieur le ministre, je voudrais vous entendre sur la place que devraient prendre selon vous les nouvelles technologies dans l’équipement de nos forces de l’ordre.

Dans sa contribution au séminaire sur la France de 2025, restée dans toutes les mémoires, votre prédécesseur Manuel Valls appelait de ses vœux des forces de l’ordre 3.0, efficaces et à la pointe des avancées technologiques.

Ces nouveaux outils technologiques permettraient en effet à nos forces de l’ordre de gagner en efficacité d’une façon très significative. Je pense évidemment aux moyens de nos services de renseignement, notamment territorial. Nous étions tous d’accord hier pour dire qu’ils étaient d’un autre âge, qu’il s’agisse des moyens d’écoute ou de croisement de fichiers. Nous serons à vos côtés pour les renforcer dans le cadre de l’examen du futur projet de loi renseignement.

Je pense aussi à tous les moyens qui permettraient d’accroître l’efficacité de nos forces de police ou de gendarmerie dans leurs opérations de prévention ou d’enquête au quotidien.

Nicolas Sarkozy avait marqué son passage place Beauvau, entre autres en affichant un soutien volontariste au déploiement de la vidéoprotection. Cependant, comme Philippe Goujon vient de le rappeler, Paris reste très en retard par rapport à Londres, par exemple.

La vidéoprotection a elle-même fait d’énormes progrès. Elle peut désormais être embarquée dans des trains, des voitures, être intelligente et identifier par reconnaissance faciale les individus recherchés.

Il existe aussi des portiques équipés de caméras de reconnaissance, qui pourraient être déployés dans des aéroports ou d’autres lieux sensibles.

Certains pays commencent à se doter de balles GPS, qui peuvent être tirées en intervention sur des véhicules à poursuivre.

Grâce à des sociétés telles que Thalès, Morpho ou Airbus, notre pays a la chance de disposer d’une filière industrielle de pointe capable de concevoir et produire ces nouveaux outils. Malheureusement, les crédits d’équipement de votre ministère, hors immobiliers, sont aussi à la pointe, mais vers le bas.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous dire quelle est votre ambition 3.0 ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je vous remercie de votre question, monsieur Marleix, mais je ne suis pas sûr que vous disposiez des bons chiffres. Si vous en êtes d’accord, je me propose de vous les faire parvenir par la direction des finances du ministère de l’Intérieur de manière à ce que vous puissiez les communiquer à vos collègues du groupe UMP et que vous ayez tous les éléments d’informations auxquels vous avez droit.

Les crédits d’investissement du ministère de l’Intérieur pour la police et la gendarmerie ont diminué de 17 % entre 2007 et 2012.

Dans le dernier PLF, les crédits de paiement que j’ai présentés augmentent de 9 % et les autorisations d’engagement de 22 %, ce qui permet à la police 3.0 à laquelle vous faites référence de bénéficier d’un effort de 108 millions sur trois ans.

Il s’agit d’un effort exceptionnel, d’une augmentation considérable. Non seulement les crédits ne diminuent donc pas mais, contrairement à ce qui a été pendant longtemps, ils repartent à la hausse.

Ces 108 millions permettront de réaliser des investissements significatifs pour la police et la gendarmerie en termes d’équipements numériques, notamment, dans la continuité du rapport que j’avais commandé au préfet Bergougnoux et qui m’a été rendu.

Cet équipement numérique des forces a été engagé à titre expérimental pour la gendarmerie notamment dans le Nord-Pas-de-Calais, l’idée étant d’équiper la police et la gendarmerie de matériels nouveaux, en particulier radiophoniques et téléphoniques mais aussi numériques afin de maintenir un contact constant entre la victime potentielle et les forces de l’ordre.

Comme vous le savez, monsieur le député Marleix, le Premier ministre a décidé d’abonder cette enveloppe de 108 millions de 233 millions supplémentaires sur les trois ans à venir afin de moderniser considérablement les équipements du ministère de l’Intérieur sur le plan numérique mais, aussi, les infrastructures et les applications.

Comme vous le savez encore, les grands programmes et les grands fichiers informatiques du ministère de l’Intérieur n’ont fait l’objet d’aucun investissement au cours des quinze dernières années.

Nous investirons quant à nous 89 millions sur trois ans afin de moderniser les infrastructures et les applications mais, aussi, de permettre l’utilisation optimale d’un certain nombre de fichiers dont nous avons besoin pour lutter contre le terrorisme – je pense, notamment, à la modernisation du fichier CHEOPS.

Je vous communiquerai une fiche extrêmement précise faisant état de l’ensemble de ces chiffres qui, j’en suis convaincu, vous rassurera entièrement quant à nos moyens budgétaires, nos intentions et nos objectifs.

M. le président. Nous en venons à deux questions du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

La parole est à M. Yannick Favennec.

M. Yannick Favennec. Monsieur le ministre, depuis le début de cette législature, j’ai alerté à plusieurs reprises le gouvernement sur la recrudescence des actes de malveillance et l’insécurité grandissante dans les territoires ruraux et, ce, malgré le remarquable travail de terrain effectué par nos gendarmes dont je tiens ici, dans cet hémicycle, à saluer le courage, l’abnégation et le sens du devoir.

M. Philippe Goujon. Très bien !

M. Yannick Favennec. Malgré tout, l’insécurité n’est plus seulement l’affaire des grandes villes ou des banlieues. Les vols et les cambriolages dans les exploitations agricoles ou dans les mairies ne cessent d’augmenter. Je l’ai d’ailleurs encore constaté dans mon département de la Mayenne la nuit dernière, où plusieurs petites communes ont été « visitées ».

Selon l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, 2014 est une année record avec près de 11 000 vols dans les exploitations agricoles. Ainsi, le nombre d’infractions subies et déclarées par les agriculteurs est-il en hausse de 3,4 % par rapport à 2013.

Autrefois victimes de chapardages isolés et ponctuels, les agriculteurs français sont désormais confrontés à l’action de réseaux criminels organisés qui profitent de l’explosion du marché parallèle qui s’est étendu à toute l’Europe – je songe en particulier à de véritables trafics de matériels.

Au mois de mars 2014, le Gouvernement a mis en place un plan d’action conduit par le Premier ministre et le ministre de l’agriculture afin de lutter contre les vols dans les exploitations agricoles. Monsieur le ministre, quel bilan le Gouvernement peut-il en dresser ?

En outre, sur l’ensemble du territoire, nous constatons un développement des dispositifs de participation citoyenne appelés « voisins vigilants » destinés à compléter l’action des forces de sécurité de l’État et de la police municipale dans la lutte contre la délinquance d’appropriation.

Ne trouvez-vous pas un peu inquiétant, monsieur le ministre, que des citoyens se substituent ainsi aux forces de sécurité et à la police dans leur mission de sécurité de proximité ? Est-ce une façon de pallier le manque d’action des pouvoirs publics ?

Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Comme vous le savez, monsieur le député Favennec, la gendarmerie a perdu près de 6 000 postes entre 2007 et 2012, plus de 6 000 postes…

Par conséquent, votre constat résulte d’une politique que vous avez peut-être soutenue par le passé.

Nous avons quant à nous décidé de recréer des postes : 250 dans la police et 250 dans la gendarmerie chaque année. Comme vous le savez, nous avons décidé d’abonder cet effort de 500 emplois supplémentaires par an de 1 400 emplois créés dans la police et la gendarmerie, essentiellement pour lutter contre le terrorisme.

Ce sont 150 postes supplémentaires qui seront créés dans le service de renseignement territorial de la gendarmerie, une soixantaine de postes étant également créés pour assurer des missions de surveillance et de lutte contre la cybercriminalité.

En tout, 210 postes seront donc créés en plus des engagements que nous avons pris dans le plan triennal.

Vous dites que les résultats sont mauvais. Je vais vous en faire part, puisque le système de statistique ministériel, désormais, fournit des chiffres extrêmement précis – nous avons en effet décidé de comptabiliser les faits jusqu’à la fin du mois, ce qui permet de disposer d’éléments beaucoup plus précis que ceux qui ont prévalu à certaines époques.

M. Éric Ciotti. C’est vous qui les donnez ! Vous ne pouvez pas être contredit !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je vais vous donner les chiffres concernant les vols dans les exploitations agricoles.

L’augmentation des vols a été significative et continue depuis 2009. En 2009 et 2010, elle a été de 9,5 %, en 2011, de 13 %, en 2012, de 15 %. En 2013, suite à la mise en place du plan auquel vous avez fait référence, l’augmentation a été de 6,9 % – ce qui représente une diminution de plus de 50 % par rapport à l’année précédente. J’attends les chiffres définitifs de 2014 mais la diminution devrait être encore de 50 % par rapport à ce dernier chiffre.

Les exploitations agricoles font encore l’objet de vols. C’est peut-être le cas dans votre circonscription mais, comme vous pouvez le constater, en un an, l’augmentation est passée de 15 % à 6 % grâce à la mise en place de ce dispositif, lequel satisfait les agriculteurs.

M. Éric Ciotti. Ce qui fait tout de même 21 % de hausse en tout !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. La diminution est encore significative en 2014.

S’agissant des cambriolages hors exploitations agricoles, je tiens à vous donner là encore un certain nombre de chiffres.

La diminution des cambriolages en zone de gendarmerie – s’agissant des résidences principales – est de près de 6 % et, pour ce qui concerne les résidences secondaires, de près de 1,3 %.

Cette tendance positive vaut-elle solde de tout compte et nous satisfait-elle ? Non, bien entendu.

C’est pourquoi nous continuons de procéder à des redéploiements police-gendarmerie afin d’améliorer l’efficacité des forces sur le terrain.

Nous réorganisons des brigades pour faire en sorte que la gendarmerie soit présente en permanence et nous procédons aussi à l’achat de véhicules – 2 000 par force et par an grâce à l’allocation d’un budget de 40 millions.

Nous réalisons tous ces efforts parce qu’ils ne l’ont pas été jusqu’ici alors qu’ils sont de nature à améliorer la sécurité en milieu rural et urbain.

M. le président. La parole est à M. Philippe Gomes.

M. Philippe Gomes. Monsieur le ministre : 3 388 morts sur nos routes en 2014, le chiffre est dramatique. C’est la première fois depuis 12 ans que nous assistons à une augmentation de la mortalité routière – très exactement, cela représente 128 morts de plus.

Vous avez annoncé un plan de 26 mesures faisant la part belle à la répression – ce qui n’est pas inutile en la matière – mais prévoyant également un certain nombre d’actions en matière de prévention – je pense plus particulièrement à la généralisation du module de sensibilisation dans les classes de seconde.

Je souhaite vous poser deux questions sur ce plan général et sur les mesures envisagées par le Gouvernement.

Une évolution du rôle des inspecteurs du permis de conduire est-elle envisagée, pour orienter plus leur travail vers la prévention et l’information ?

Comment le comité d’apprentissage de la route créé par la loi sur la croissance et l’activité s’articulera-t-il avec le conseil national de la sécurité routière ?

Je ne saurais aborder ce sujet sans évoquer la situation calédonienne.

Nous déplorons la mort de près de 70 personnes sur nos routes, qui sont les plus meurtrières de France – quatre fois plus que les routes métropolitaines. C’est le chiffre le plus grave de la décennie.

Un plan quinquennal pour l’amélioration de la sécurité routière a été adopté par le Congrès de la Nouvelle-Calédonie qui prévoit, notamment, l’augmentation du nombre de radars automatiques mobiles – on en dénombre quatre, à ce jour, dans notre pays, cofinancés en 2010 et 2011 par l’État et la Nouvelle-Calédonie.

J’appelle votre attention – bien entendu dans la mesure du possible – sur la nécessité de continuer cet effort en faveur de notre pays afin d’essayer d’améliorer ces chiffres terribles de la mortalité routière sur les routes calédoniennes.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Vous posez plusieurs questions, et s’agissant de la situation en Nouvelle-Calédonie, et s’agissant de la politique de sécurité routière en général.

Sur ce dernier point, vous avez raison : les chiffres ne sont pas bons cette année puisque l’on déplore 3 380 décès. C’est plus qu’au cours de l’année précédente avec 145 morts supplémentaires – c’est d’ailleurs la première fois depuis de nombreuses années que nous sommes confrontés à une hausse.

Il faut en même temps reconnaître qu’il est beaucoup plus difficile de passer sous le seuil des 3 000 morts que des 18 000, dans un contexte où très peu de mesures avaient été prises en faveur de la sécurité routière.

J’ai présenté le mois dernier un ensemble de mesures qui, parce qu’elles prennent en compte l’ensemble des problèmes auxquels nous sommes confrontés, doivent permettre de faire diminuer le nombre de morts.

Comment ?

Tout d’abord, en faisant en sorte que la conduite en état d’addiction soit plus sévèrement réprimée et prévenue qu’elle ne l’était jusqu’à présent : diminution du taux d’alcoolémie autorisé pour les conducteurs débutants, mise en place de tests salivaires pour la détection de la conduite sous l’emprise de stupéfiants.

Je tiens également à développer la conduite accompagnée pour les primo-conducteurs qui passent le permis de conduire – vous y avez fait référence.

La conduite accompagnée, en effet, est moins « consommatrice » d’heures pour les inspecteurs du permis de conduire et, dans les pays où elle est développée, le niveau d’accident des jeunes conducteurs est inférieur de 18 % à ce qu’il est partout ailleurs. Nous devons donc la développer.

Enfin, je souhaite que nous procédions à des audits d’infrastructures de manière à envisager les aménagements éventuels avec les collectivités locales pour faire en sorte que l’accidentalité soit moins importante.

Voilà, sur le plan global, les mesures que nous avons arrêtées.

Peut-on dispenser des heures d’inspecteurs de permis de conduire afin de faire de l’apprentissage à la sécurité routière, demandez-vous.

J’ai proposé une réforme, voilà quelques mois consistant à faire baisser le nombre de personnes qui attendent de passer leur permis en recentrant les missions des inspecteurs du permis de conduire sur le passage du permis B.

Après les avoir déchargés du passage du code, je ne vais donc pas les charger de l’éducation à la sécurité routière puisque cela reviendrait – par une mesure dont je ne conteste pas la pertinence – à détricoter les mesures que j’ai arrêtées pour diminuer le stock de candidats et les délais, ce qui est d’ailleurs aussi l’objectif d’un parlementaire membre de votre groupe qui est très engagé à ce propos, M. Jean-Christophe Fromantin.

Voilà ce que nous voulons faire.

Toutes ces mesures s’appliqueront en Nouvelle-Calédonie où j’ai constaté en effet que le taux d’accidentalité est particulièrement élevé pour certaines classes d’âge et pour certains types d’accidents.

L’objectif est de faire en sorte que les mesures que j’ai annoncées s’appliquent à la Nouvelle-Calédonie avec une rigueur particulière et que les forces de l’ordre soient positionnées sur les axes les plus accidentogènes afin de procéder aux contrôles qui s’imposent.

M. le président. Je vous remercie.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. J’aurais beaucoup de choses à dire mais M. David Habib ne le souhaitant pas, je suis obligé de m’arrêter là ! (Sourires)

M. le président. Nous en venons aux deux questions du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

La parole est à M. Jacques Krabal.

M. Jacques Krabal. Au matin du dimanche 8 février dernier, ce ne sont pas moins de 16 véhicules qui ont été incendiés à Château-Thierry sur le parking d’un lieu de vie classé « politique de la ville ». Seize véhicules détruits par le feu, ce sont autant de familles victimes d’un acte criminel.

Je ne doute pas que les responsables de ces actes de vandalisme feront l’objet de condamnations proportionnées à un méfait aussi incompréhensible qu’inqualifiable.

Je tiens à souligner la qualité du travail des pompiers et de nos policiers, en lien avec M. le sous-préfet de Château-Thierry mais, aussi, avec vos collaborateurs et, ce, même un dimanche après-midi.

Ce même dimanche après-midi, l’implication des structures publiques locales aux côtés de la ville a permis une prise en charge rapide des victimes : gratuité des transports en commun, aide au paiement des billets de train et en faveur de l’urgence organisationnelle familiale, accompagnement dans les démarches auprès des assurances.

Pour autant, ces premières aides n’amoindrissent pas l’impact d’un tel événement pour ces familles confrontées à des situations difficiles et qui connaissent de surcroît un préjudice financier.

Ces personnes ont souscrit des contrats d’assurance avec des garanties minimales qui n’incluent pas la couverture incendie.

Pour les voitures sans permis, la garantie ne couvre pas la totalité du prix du véhicule.

La commission d’indemnisation des victimes d’infractions a été saisie mais avec les limites que vous savez – 2 100 euros de ressources au maximum, seuil que dépassent quelques-unes des familles.

Par ailleurs, le plafond d’indemnisation de 4 300 euros peut se révéler insuffisant pour certains biens.

Il ne faut pas non plus oublier que le propriétaire d’un véhicule non assuré ne peut pas saisir cette commission.

Je sais, hélas, que Château-Thierry n’est pas un cas isolé.

C’est pourquoi il est de notre devoir d’aider nos concitoyens dans de telles situations de détresse.

Compte tenu du caractère collectif de ces événements graves, pourriez-vous m’indiquer, monsieur le ministre, de quels dispositifs les victimes peuvent bénéficier dans des moments aussi difficiles ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Monsieur le député Krabal, vous m’interrogez sur les droits des personnes victimes de la dégradation ou de la destruction par incendie de leur véhicule. Celles-ci sont systématiquement informées, lors de leur dépôt de plainte dans les services de police ou les unités de gendarmerie, de leur droit d’obtenir réparation du préjudice subi, de se constituer partie civile, d’être assistées d’un avocat – le cas échéant, commis d’office – et d’une association d’aide aux victimes qui est conventionnée, conformément à l’article 53-1 du code de procédure pénale.

Au sein des tribunaux, les bureaux d’aide aux victimes, généralisés par le décret du 7 mai 2012, offrent aux victimes un accueil personnalisé, leur apportent des informations sur l’état d’avancement de la procédure e les modalités pratiques de recouvrement des dommages et intérêts susceptibles de leur être alloués, et les aident dans leurs démarches de saisine du service d’aide au recouvrement des victimes – SARVI.

Institué par la loi du 1er juillet 2008, créant de nouveaux droits pour les victimes, ce service d’aide au recouvrement des victimes permet à celles qui n’ont pas été réglées volontairement par le condamné des sommes accordées par le tribunal d’en obtenir rapidement le paiement total ou partiel. Dans ce dernier cas, le service se charge de récupérer auprès du condamné le complément des sommes restant dues. Ce service est géré par le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions.

La victime qui n’a pas été payée par le condamné peut saisir ce service : il lui suffira de justifier d’une décision pénale définitive lui ayant accordé des dommages et intérêts. Se substituant au responsable, ce service verse à la victime l’intégralité des dommages et intérêts jusqu’à hauteur de 1 000 euros. Au-delà, il lui règle une avance de 30 % de la somme, dans la limite d’un plafond de 3 000 euros. Si la victime n’a eu qu’une avance, le SARVI paiera le complément de la somme qui lui reste due, en fonction des sommes qu’il aura pu obtenir du condamné. Ce dispositif est désormais effectif, et évidemment mobilisable sur le territoire du ressort de votre circonscription électorale.

M. le président. La parole est à M. Stéphane Claireaux.

M. Stéphane Claireaux. Monsieur le ministre, le nombre de cambriolages est en forte hausse depuis 2009 – vous l’avez dit tout à l’heure. La hausse cumulée, de 2008 à 2012, atteint globalement 18 %, et même 44 % pour les seules résidences principales. Au cours des douze derniers mois, les statistiques de la délinquance enregistrée font état d’une hausse de 8 % en zone de police et de près de 13 % en zone de gendarmerie. En matière de cambriolages, les statistiques sont extrêmement fiables, puisque chaque infraction est déclarée.

Un viol de domicile ou de local commercial, que celui-ci soit vide ou occupé – le deuxième cas est souvent le pire, car des violences physiques peuvent être commises – en tant qu’atteinte suprême aux biens, est traumatisant pour les victimes, les riverains et l’ensemble des personnes qui se sentent vulnérables. On peut penser, à ce titre, au mouvement de sympathie, à bien des égards inquiétant, qu’avaient suscité les bijoutiers niçois vandalisés en 2013.

Même si nous n’avons pas à craindre la constitution de milices privées en France, la réponse de l’État doit être extrêmement ferme. C’est ainsi, monsieur le ministre, que vous avez décidé l’année dernière de renforcer le plan national de lutte contre les cambriolages et les vols à main armée, qui comporte diverses mesures. Le phénomène du cambriolage est bien appréhendé par les forces de l’ordre – il s’agit d’une délinquance d’habitude, organisée, ciblée géographiquement – et les différents volets de votre plan, en ce qu’ils définissent une stratégie répressive et préventive, sont convaincants.

Lutter efficacement contre le cambriolage présuppose un diagnostic sans faille. Or on sait maintenant, par exemple, cibler les groupes criminels non-résidents. Cette lutte implique également une présence renforcée des forces de l’ordre sur la voie publique, sans oublier la prévention, qui passe par la prudence des citoyens.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous rendre compte de l’application de ce plan, que vous avez déjà en partie décrit tout à l’heure, en réponse à notre collègue Yannick Favennec ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Monsieur le député, comme vous le savez, la lutte contre les cambriolages est une priorité de ce gouvernement. Un plan a été mis en place par mon prédécesseur dès le mois de septembre 2013, qui a fait l’objet d’un déploiement tout au long des derniers mois, et qui a permis, en 2014, d’obtenir des résultats très significatifs. Nous avons en effet constaté, toutes catégories confondues, en zone de police comme en zone de gendarmerie, une diminution de près de 1,3 % des cambriolages pour les résidences secondaires, et de près de 6,5 % pour les résidences principales. Or, au cours des trois années précédentes, le nombre de cambriolages avait augmenté de 45 %, ainsi que vous l’avez indiqué. C’est dire l’importance de l’inversion de la courbe ! Les cambriolages sont des actes de délinquance très intrusifs et très traumatisants pour les familles.

Comment avons-nous atteint ces résultats ? D’abord, en mettant des effectifs là où il n’y en avait plus. Le fait que nous ayons créé des postes supplémentaires et stoppé l’hémorragie des effectifs a joué un rôle. Ensuite, nous avons équipé nos forces de moyens numériques, comme je l’indiquais tout à l’heure à Olivier Marleix, mais aussi de véhicules, afin qu’elles puissent se déployer – nous leur fournissons deux mille véhicules par an, ce qui représente un effort budgétaire de 40 millions d’euros par force.

Nous développons par ailleurs la lutte contre la délinquance d’habitude et le cyber-trafic, parce qu’une partie des biens volés est écoulée sur des sites internet, y compris des sites connus sur lesquels nos concitoyens font leurs achats. Le travail mené par la police technique et scientifique – la PTS – en matière de suivi de la délinquance d’habitude donne un résultat extrêmement positif.

Observation, renseignement, PTS, cybercriminalité, déploiement des forces sur le terrain, mobilisation des habitants dans le cadre de l’opération « Voisins vigilants » : tout cela donne les résultats que je vous ai indiqués et une inversion de courbe qui est très spectaculaire.

M. le président. Nous en venons aux questions du groupe écologiste.

La parole est à M. Paul Molac, pour poser sa première question.

M. Paul Molac. Monsieur le ministre, au cours des dernières années, le mouvement de modernisation de la police et de la gendarmerie a été mené à un rythme soutenu. Néanmoins, une part significative de l’investissement de la police et de la gendarmerie réside dans des actifs immatériels.

Il s’agit tout d’abord de valoriser le capital humain, par la formation des personnels. S’agissant de l’investissement dans l’immobilier, un important retard a été pris au cours des dernières années, l’immobilier ayant constitué une sorte de variable d’ajustement. Selon la Direction générale de la police nationale, en 2012, 41,5 % des bâtiments de police étaient dans un état vétuste ou dégradé.

La dégradation des locaux pèse autant sur les gardés à vue que sur les personnels et les victimes qui se rendent dans les commissariats. L’image de la police dans le pays s’en trouve dégradée, les conditions d’accueil du public ne sont pas toujours satisfaisantes, et nombre de locaux de garde à vue ne permettent pas le respect des droits fondamentaux et de la dignité de la personne humaine. Les personnels, quant à eux, subissent de mauvaises conditions de travail et des conditions de logement parfois difficilement acceptables.

J’avais moi-même alerté votre prédécesseur sur le cas d’une gendarmerie dont les normes de construction doivent dater des années 1960, et qui n’avait pas été rénovée depuis sa mise en service. La réactivité de vos services a permis d’engager les procédures de rénovation. Nous ne pouvons donc que nous féliciter qu’un plan de réhabilitation immobilière pour la gendarmerie, d’un montant de 70 millions d’euros, ait été adopté dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015. La situation réclame en effet des solutions urgentes. Malheureusement, ce plan intervient après plusieurs années blanches, et de nombreux points noirs demeurent. Monsieur le ministre, comment le Gouvernement compte-t-il ventiler cette somme de 70 millions d’euros entre ces principaux points noirs ?

On constate également un retard dans le renouvellement des véhicules des deux forces de sécurité. L’état d’ancienneté du parc roulant de la police et de la gendarmerie aurait nécessité, en 2014, une enveloppe de 183 millions d’euros, et le besoin d’investissement pour les deux années suivantes serait encore supérieur à 100 millions d’euros. Quelles sont, monsieur le ministre, les solutions envisagées pour remédier à ce problème ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Monsieur le député Molac, vous avez raison d’évoquer le déficit d’investissement dont la police et la gendarmerie ont fait l’objet au cours des dernières années.

Ce que vous dites des véhicules est vrai, et le général Favier, directeur général de la gendarmerie, m’a indiqué, lorsque je suis arrivé place Beauvau, que pour faire fonctionner un véhicule dans la gendarmerie, il fallait en démonter deux, généralement très usagés, pour y prélever des pièces détachées. Il en est de même dans la police nationale, et nous avons décidé, grâce aux arbitrages rendus par le Premier ministre, d’inverser cette tendance.

Nous consacrons 40 millions d’euros, par an et par force, à l’acquisition de 2000 véhicules neufs par force. J’inaugurerai dans les prochaines semaines de nouveaux véhicules mis à la disposition de la police et de la gendarmerie, qui faciliteront le déploiement des forces de sécurité dans les territoires où nous en avons besoin. Par ailleurs, une partie des 233 millions d’euros qui ont été annoncés par le Premier ministre dans le plan de renforcement des moyens de la lutte antiterroriste servira à acquérir des véhicules spécifiques, dont les forces de police et de gendarmerie ont besoin. Enfin, nous faisons un effort d’investissement pour les forces de sécurité : j’indiquais tout à l’heure, en réponse à l’un de vos collègues, que cet effort représente une augmentation de 22 % en autorisations d’engagement et de 9 % en crédits de paiement.

S’agissant maintenant des investissements immobiliers – particulièrement importants pour la gendarmerie puisque l’on sait que le casernement des forces est consubstantiel à leur efficacité sur le terrain –, étant donné que de nombreux postes de gendarmerie et de commissariats ont besoin d’être rénovés, nous procédons à des réajustements. Pour la gendarmerie, nous disposons de 79 millions d’euros d’autorisations d’engagement par an et de 70 millions d’euros de crédits de paiement.

J’ai demandé au général Favier et à la Direction générale de la gendarmerie nationale de me faire, à partir de cet effort budgétaire que nous avons obtenu au terme des arbitrages, un plan d’investissement par priorités. Certaines casernes, comme celle de Melun, que j’ai visitée, ou celle du plateau de Saclay, sur lequel un député m’interrogeait récemment, doivent faire l’objet d’investissements rapides, car il y a urgence.

Il en est de même pour les commissariats de police. Nous allons procéder à des investissements dans les commissariats de police en mobilisant l’enveloppe dont je vous parlais à l’instant. Nous avons 2,7 millions de mètres carrés à entretenir et à réaménager, et ce que nous avons obtenu permettra d’entreprendre des travaux de rénovation dans l’hôtel de police de Fort-de-France, d’assurer le relogement du commissariat de Saint-Denis et celui de l’Institut national de police scientifique, l’INPS, de restructurer le cantonnement de CRS de Pont-d’Orly et de poursuivre le relogement de la police judiciaire de la Préfecture de police aux Batignolles. Vous voyez que nous engageons des investissements importants et des moyens significatifs pour moderniser nos forces de sécurité et leur offrir les meilleures conditions de travail.

M. le président. La parole est à M. Paul Molac, pour poser une seconde question.

M. Paul Molac. Ma deuxième question, monsieur le ministre, porte sur les fichiers de police, et notamment sur le traitement des antécédents judiciaires – TAJ – à travers le Système de traitement des infractions constatées et le Système judiciaire de documentation et d’exploitation.

La Commission nationale de l’informatique et des libertés dénonce régulièrement l’utilisation des fichiers dans les enquêtes administratives, et notamment les enquêtes de moralité qui sont exigées pour certains emplois – cela concerne plus d’un million d’emplois. Le TAJ peut aussi être utilisé par certains parquets pour l’orientation procédurale des affaires, et il pourra être utilisé demain par des officiers de police judiciaire pour fixer des sanctions, conformément à la transaction pénale, adoptée l’été dernier.

Les fichiers de police peuvent constituer de véritables casiers judiciaires bis, sans les garanties apportées par le casier judiciaire. Dans sa délibération de 2011 sur le TAJ, la CNIL avait pourtant précisé qu’il convient de proscrire tout systématisme quant à l’utilisation administrative des fichiers d’antécédents, étant donné les risques graves d’exclusion sociale, d’atteinte aux libertés individuelles, ainsi qu’aux droits des personnes, qu’elle fait courir.

La France pourra être condamnée demain par la Cour européenne des droits de l’homme au sujet du TAJ, comme elle l’a été récemment pour le STIC. Actuellement, les personnes, et les données les concernant, peuvent y figurer pour des durées extrêmement longues, parfois jusqu’à quarante ans. Or on sait que deux tiers des fiches sont erronées. Ceci est d’autant plus inquiétant que le TAJ est bien plus complet que les fichiers dont il est issu, puisqu’il comprend, par exemple, un dispositif de reconnaissance faciale.

Monsieur le ministre, envisagez-vous de réformer le TAJ pour corriger les nombreuses erreurs qu’il contient et limiter son utilisation ? Envisagez-vous, par exemple, de faire évoluer les lois et les décrets entourant ce fichier, afin, notamment, d’en préciser les modalités de correction ? D’une manière générale, est-il envisagé d’améliorer l’information concernant les différents fichiers, leur utilisation, le nombre de données qu’ils contiennent et leur base légale ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Monsieur le député Molac, comme tous les fichiers, le traitement d’antécédents judiciaires, ou TAJ, fait l’objet d’une réglementation qui concerne aussi bien ses conditions d’accès que d’alimentation.

Pour répondre à votre première question, et s’agissant des données erronées dans le TAJ, la police et la gendarmerie nationale se sont engagées, depuis plusieurs années, dans la construction d’un système commun de traitement de l’information de police judiciaire. Ce système permet le traitement automatique des informations issues des procédures judiciaires, recueillies à partir des logiciels de rédaction de procédures. L’alimentation en temps réel du fichier TAJ permet de garantir sa fiabilité et élimine une source d’erreur dans des données enregistrées, alors que le STIC a été largement critiqué, pour contenir parfois des données erronées – vous l’avez vous-même souligné.

En outre, les services de police et les unités de la gendarmerie s’efforcent de mettre à jour les données du TAJ dès lors qu’une consultation a permis de déceler une erreur. Par ailleurs, puisque les logiciels de rédaction de procédures seront prochainement reliés au fichier CASSIOPEE du ministère de la justice, le magistrat territorialement compétent pourra contrôler directement l’exactitude des informations qui lui auront été transmises, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent.

En retour, le TAJ sera automatiquement mis à jour des décisions judiciaires favorables et des décisions de requalification des parquets saisis dans le cadre de l’application de Cassiopée.

De plus, un projet de décret prévoit un accès limité au TAJ par les agents du Conseil national des activités privées de sécurité, le CNAPS. Si une fiche est décelée, le CNAPS devra s’informer des raisons de l’inscription au fichier de la personne concernée auprès du ministère de la justice, qui vérifiera alors que les données ne sont pas erronées ou obsolètes.

S’agissant de votre seconde question, plus générale, sur l’information concernant les différents types de fichiers, sachez que conformément à la loi du 6 janvier 1978, dans le traitement TAJ, les victimes sont informées des droits d’accès et d’opposition qui leur sont ouverts. De plus, toute personne justifiant de son identité a le droit d’interroger le responsable d’un fichier ou d’un traitement pour savoir s’il détient des informations sur elle, et le cas échéant, d’en obtenir communication.

Enfin, les directeurs généraux de la police et de la gendarmerie nationale rendent compte conjointement chaque année à la Commission nationale de l’informatique et des libertés des opérations de vérification, de mise à jour et d’effacement des informations enregistrées dans le traitement des fichiers TAJ.

M. le président. Nous en venons à trois questions du groupe SRC.

La parole est à M. Pascal Popelin.

M. Pascal Popelin. Monsieur le ministre, lorsque le Gouvernement et la majorité qui le soutient sont arrivés aux responsabilités il y a un peu plus de deux ans et demi, deux fléaux pesaient tout particulièrement sur les politiques de sécurité.

Le premier a déjà été évoqué ce soir, c’était la hausse massive du nombre de cambriolages, tant en milieu urbain qu’en milieu rural. De 2007 à 2012, ces faits de délinquance avaient enregistré une hausse de 44 % pour les résidences principales. L’explosion inquiétante de ce phénomène a conduit votre prédécesseur à mettre en œuvre dès le mois d’octobre 2013 un plan national doté de moyens spécifiques. Dans vos réponses à nos collègues Favennec et Claireaux, vous avez actualisé le bilan de ce plan, bilan encourageant qui, je n’en doute pas, sera conforté par l’action dans la durée.

Le deuxième fléau est le trafic de stupéfiants. Au-delà du problème de santé publique qu’il pose, les premières victimes du développement de ces économies souterraines sont les habitants des quartiers populaires dans lesquels elles prennent racine.

De ce point de vue, qu’il s’agisse de cocaïne ou de cannabis, les conséquences pour un quartier sont tout aussi dévastatrices. Élu du département de la Seine-Saint-Denis, que certains représentants des forces de l’ordre n’hésitent pas à désigner de « narco-département », je peux témoigner de l’incompréhension des populations face à ce qu’elles ressentent comme une forme d’impunité des trafics très hiérarchisés, organisés, et ce malgré les efforts et les succès significatifs obtenus par les policiers – en Seine-Saint-Denis, il n’est question que de policiers.

Monsieur le ministre, quelles actions envisagez-vous dans les mois qui viennent pour accentuer la lutte contre le trafic de stupéfiants ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Monsieur Popelin, nous avons déjà eu l’occasion de nous entretenir de ces questions et vous connaissez la détermination du Gouvernement à lutter contre toutes les formes de trafic, dont bien entendu le trafic de stupéfiants, en raison des ravages qu’il occasionne dans un certain nombre de cités où une délinquance faite de trafics et de petites combines s’instaure, parfois en relation avec d’autres réseaux qui vont bien au-delà du quartier. Le trafic de drogue – et la lutte contre le crime organisé en témoigne – est un trafic mondial qui mobilise des acteurs du lieu de production de la drogue jusqu’au lieu où elle est écoulée par des petits trafiquants qui prennent une part de la marge procurée par ce trafic. Mais cette marge est résiduelle au regard de ce qui est empoché par des organisations du crime très structurées qui utilisent des sociétés-écrans, placent leur argent dans des paradis fiscaux et mobilisent des plateformes portuaires et aéroportuaires dans un certain nombre de pays pour développer leur trafic.

Nous sommes résolus à lutter contre ces trafics et à démanteler ces filières. Nous le faisons en réinvestissant massivement les quartiers où ces trafics se produisent. C’est ce que nous faisons en créant quatre cent soixante postes supplémentaires de policiers à Marseille, en y plaçant des unités de forces mobiles dans les quartiers dont la police était partie depuis longtemps, et en faisant en sorte qu’aussi longtemps que ces trafiquants agissent, nous puissions être présents.

Le niveau des avoirs saisis sur les trafiquants de drogue a ainsi augmenté de façon extrêmement significative au plan national : 40 % de plus l’an dernier. Ces montants d’avoirs saisis passent de 260 millions d’euros à près de 450 millions. Le tonnage de drogue récupéré dans les quartiers est lui aussi en augmentation très significative, et le nombre de filières démantelées a également considérablement augmenté grâce au travail d’observation, de police scientifique et technique et de surveillance effectuée par des forces de l’ordre qui travaillent en collaboration les unes avec les autres. À Marseille, c’est notamment le cas de la police et de la gendarmerie.

On observe le phénomène suivant : lorsque le périmètre d’intervention de ces groupes est réduit par le démantèlement de leur activité, la lutte entre ces groupes pour essayer de maintenir une activité se fait plus rude. C’est ce à quoi nous avons assisté à la Castellane et dans un certain nombre de quartiers, et nous allons continuer ce travail de démantèlement jusqu’à l’éradication totale de ces filières organisées du crime.

Cela implique premièrement la présence massive de forces pendant longtemps ; deuxièmement du travail de police scientifique et technique pour démanteler la totalité des filières ; troisièmement une réponse judiciaire ferme et immédiate ; quatrièmement un travail de réinsertion en prison car la seule réponse n’est pas sécuritaire, il y a aussi un problème de fond de réinsertion et d’adaptation dans les prisons ; et cinquièmement, cela implique une action internationale de lutte contre les filières organisées de la drogue qui mobilisent des acteurs présents dans la bande sahélo-saharienne et en Amérique du Sud. Sans une coopération forte au sein d’Europol et d’Eurojust, nous n’aurons fait qu’une partie du travail.

Voilà l’action globale du Gouvernement. Nous sommes résolus à la conduire jusqu’au démantèlement de toutes les filières dans les quartiers.

M. le président. La parole est à M. Yves Goasdoué.

M. Yves Goasdoué. Monsieur le ministre, c’est une bonne journée pour moi puisque j’ai le privilège de vous interroger deux fois dans la même journée !

Depuis 2012, chaque année, des moyens supplémentaires en matériel et en effectifs sont alloués aux forces de l’ordre – police et gendarmerie – ainsi qu’à l’ensemble des services qui concourent à la tranquillité et la sécurité de nos concitoyens. Je ne reviens pas sur les chiffres, monsieur le ministre, vous les avez cités tout à l’heure.

Bien entendu, les moyens que j’évoque sont destinés à lutter contre la délinquance du quotidien mais également contre la grande délinquance organisée en réseaux. Les unes et les autres, vous le disiez à l’instant, se nourrissent mutuellement, et l’actualité dramatique du début de l’année le démontre.

Le 21 janvier dernier, le Premier ministre a annoncé le renforcement du dispositif de lutte contre le terrorisme : création de 2 680 emplois, dont 1 400 au sein de votre ministère, et versement sur trois ans de 425 millions d’euros supplémentaires tant en équipement qu’en fonctionnement, auxquels s’ajoutent 60 millions d’euros exclusivement consacrés à la prévention de la radicalisation. Ces annonces ont naturellement été confirmées par le Président de la République.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous préciser comment seront déployés ces moyens pour rendre soutenable le plan Vigipirate « alerte attentats » en Île-de-France et dans les Alpes-Maritimes, mais également le plan Vigipirate « vigilance renforcée » dans le reste de la France ? En clair, comment est à la fois assurée la sécurité des territoires directement menacés par des attaques terroristes et les territoires potentiellement moins exposés, mais qui doivent néanmoins continuer à bénéficier d’une protection constante et de haut niveau ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Monsieur le député, la protection du territoire face au risque terroriste doit valoir pour tous les territoires de façon équivalente et appelle une mobilisation extrêmement forte de toutes les forces de sécurité de l’État. Au sein du ministère de l’intérieur, 80 000 policiers et gendarmes sont mobilisés pour la sécurité des Français, et dans le cadre du plan Vigipirate nous avons également bénéficié du concours de 10 000 militaires qui assurent la protection d’un certain nombre de lieux de cultes et d’institutions. C’est une présence massive, forte et dissuasive. D’ailleurs, ce qui s’est passé à Nice – je parle sous le contrôle d’Éric Ciotti – montre que la présence des militaires et leur grande compétence ont permis de neutraliser immédiatement le forcené qui s’attaquait à eux.

Mais comme vous l’avez souligné, la lutte contre le terrorisme nous conduit à être mobilisés dans la durée : il faut des moyens pour doter nos services de renseignement des capacités de neutralisation de ceux qui peuvent perpétrer des attentats ou des crimes avant qu’ils ne les commettent, et 1 400 emplois supplémentaires sont prévus à cette fin.

La répartition de ces emplois se fait comme suit : 500 au sein de direction générale de la sécurité intérieure – linguistes, techniciens, analystes, informaticiens ; 500 au sein du service de renseignement territorial – 150 dans la gendarmerie, 350 dans la police ; 100 au sein de la direction du renseignement de la préfecture de police de Paris ; 106 au sein de la direction centrale de la police judiciaire, essentiellement mobilisés autour de la plate-forme Pharos qui identifie les messages numériques appelant ou provoquant au terrorisme et quelques dizaines d’emplois dans la police de l’air et des frontières pour mettre en place le PNR et au sein du service de protection des personnalités de la direction juridique et des libertés publiques du ministère de l’intérieur.

Voilà comment se répartiront ces 1 400 emplois. S’ajoutent à cela 233 millions d’euros. J’ai déjà indiqué que nous en affecterons 89 millions aux infrastructures et aux applications numériques mobilisées pour lutter efficacement contre le terrorisme telles que le fichier Cheops – dont on a parlé au moment du retour des trois djihadistes – déficient car il n’a pas fait l’objet d’investissements depuis longtemps. Je veux vite moderniser tout cela. Le solde sera consacré à l’équipement numérique de nos forces, notamment pour le renseignement territorial dont les effectifs vont augmenter, et aux moyens pour les véhicules de manière à permettre le déploiement de nos forces partout sur le territoire national.

Ces 233 millions d’euros et ces 1 400 emplois viennent s’ajouter à ce qui avait déjà été acté, notamment pour la DGSI : 432 emplois et 12 millions d’euros d’investissement par an. Cet effort considérable doit permettre à nos services de faire face au risque terroriste.

M. le président. La parole est à Mme Elisabeth Pochon.

Mme Elisabeth Pochon. Monsieur le ministre, la lutte contre l’insécurité routière n’est et ne sera jamais suffisante tant qu’il y aura des victimes de la route. L’investissement des pouvoirs publics et des associations dans la lutte contre cette fatalité produit pourtant des résultats et le nombre de morts sur la route a considérablement diminué depuis vingt ans. Chaque année, les résultats sont interrogés parce que nous ne pourrons jamais nous satisfaire d’une situation sans amélioration.

Les chiffres de l’accidentalité de l’année 2014 sont là pour nous rappeler qu’en matière de sécurité routière, rien n’est jamais acquis. L’année 2014 a été marquée par cent vingt morts de plus sur les routes. Chacun d’entre nous peut y être confronté : les études statistiques mettent en évidence que la mortalité sur la route touche bien entendu les conducteurs des véhicules, mais aussi leurs passagers, des tiers ou des piétons. Ces chiffres permettent d’appréhender la variété des facteurs d’accidents mortels selon les milieux – urbains ou ruraux –, selon les modes de déplacement, selon les jours, les heures et les conditions climatiques.

En Europe, la France détient les tristes records de mortalité des conducteurs âgés de 18 à 25 ans et des conducteurs de deux-roues. Mais c’est la conduite sous alcool et la vitesse excessive qui restent les causes les plus repérées dans les accidents mortels tous âges confondus. Ces deux fléaux principaux de l’insécurité routière conjugués à l’inexpérience de certains conducteurs, la consommation de cannabis, l’utilisation du téléphone au volant ou l’inobservation des règles de base du code de la route sont des problèmes qui doivent être résolus par une politique de sécurité routière volontariste efficace, et sans cesse réadaptée aux nouvelles modalités de déplacement. Je pense notamment aux cyclistes ou aux nouveaux comportements des conducteurs comme la téléphonie, l’usage des SMS ou la lecture sur tablette.

Monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous mettre en œuvre et quels acteurs comptez-vous mobiliser pour faire reculer ces accidents mortels, mais aussi permettre de limiter les dégâts corporels et les lésions parfois irréversibles des victimes de ces accidents de la route ?

Enfin, pensez-vous que la répression soit la seule voie qui puisse faire progresser la sécurité routière ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Merci, madame la députée, de cette question très complète et même assez panoramique. Je vais essayer de répondre à tous les sujets que vous avez évoqués.

Je ne pense pas que la répression suffise. Je n’ai jamais considéré, en aucune matière, même pas dans la lutte contre le terrorisme, que la répression suffisait. Une politique uniquement répressive atteint très vite ses limites. Il faut faire de la prévention pour éviter de voir le nombre de morts sur les routes augmenter au cours des prochaines années, après une année 2014 très décevante au regard des objectifs que nous nous étions assignés.

Comment faisons-nous cette prévention ? Par la conduite accompagnée, car plus on commence tôt les bons apprentissages, plus on développe les bonnes pratiques rapidement et moins il y a d’accidents pour les primo-conducteurs.

Dans les pays où la conduite accompagnée a été encouragée, le nombre d’accidents chez les jeunes est inférieur de 18 % au nombre d’accidents de la route en France. J’ajoute que la conduite accompagnée coûte 50 % moins cher pour obtenir le permis.

Par ailleurs, il faut développer la prévention dans les écoles. Parmi les mesures que j’ai présentées au mois de janvier, j’ai demandé la mise en place, à la rentrée 2015, d’un module sur la sécurité routière dans les lycées. Il y aura ainsi une continuité entre le primaire, le collège et le lycée dans l’apprentissage des bonnes pratiques.

Enfin, il faut faire de la prévention auprès de ceux qui prennent le volant avant qu’un drame ne se produise. Il faut développer l’usage des éthylotests, notamment dans les établissements de nuit : nous fermerons les établissements qui ne respectent pas cette règle obligatoire. Il faut diminuer le taux d’alcoolémie à partir duquel les primo-conducteurs qui prennent la route sont passibles d’une amende, quel que soit leur âge. Il faut limiter la conduite en état d’addiction. Il faut arrêter de conduire en ayant un téléphone à la main pour écrire des SMS : en effet, on ne peut pas conduire si on ne tient pas le volant ! Ce sujet devrait faire l’unanimité dans cet hémicycle.

M. Guillaume Larrivé. C’est un sujet consensuel !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Même vous, monsieur Larrivé, si vous ne tenez pas le volant, vous aurez des problèmes ! Il faut faire très attention ! (Rires.)

Si toutes ces règles préventives ne sont pas respectées, alors il faut passer à la répression. Lors des grands départs en vacances, 18 000 agents des forces de l’ordre sont présents sur les routes. Sur les routes les plus accidentogènes, dans un souci de sensibilisation, nous prendrons une mesure expérimentale de diminution de la vitesse – je rendrai publique la liste des axes concernés dans quelques semaines. Si toutes ces mesures ne suffisent pas, j’en prendrai d’autres.

Si nous avons réussi à diminuer le nombre de morts sur les routes au cours des dernières années, c’est parce que les gouvernements successifs ont toujours été capables de prendre des mesures, y compris les plus impopulaires. Lorsque j’aurai pris toutes ces mesures, M. Larrivé sera obligé de tenir son volant à deux mains. Ce sera pour lui une révolution copernicienne !

M. Dino Cinieri. Il n’a pas le permis ! (Sourires.)

M. Éric Ciotti. Eh oui ! Vos services de renseignement ne sont pas parfaits, monsieur le ministre !

M. le président. Monsieur le ministre, ne provoquez pas nos collègues ! Vous perdriez du temps par ailleurs.

Nous revenons aux questions du groupe UMP.

La parole est à M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. Bouleversée, choquée, la France était, après l’attentat de Charlie Hebdo, debout et solidaire de l’exécutif. Le 11 janvier, nous étions rassemblés, toutes sensibilités politiques et religions confondues, pour que de telles atrocités ne se produisent plus jamais.

Monsieur le ministre, dans Le Progrès de ce matin, on apprend avec effarement que mardi, à Firminy, dans ma circonscription de la Loire, une jeune femme de 26 ans a été molestée à un arrêt de bus parce qu’elle ne voulait pas porter le foulard islamique. Alors qu’elle tentait de le raisonner, un homme barbu d’une cinquantaine d’années l’a rouée de coups, battue, insultée et lui a craché au visage. Après son acte odieux, il a rapidement pris la fuite en voyant arriver une patrouille de police. Les forces de l’ordre n’ont pas pu l’interpeller mais ont pris en charge la jeune femme blessée au visage. Cette jeune femme vit à Firminy avec son époux depuis un an. Tous deux sont très choqués, traumatisés, et ne comprennent pas que des actes extrémistes de cette sorte puissent rester impunis.

Monsieur le ministre, les forces de l’ordre, la police et la gendarmerie font tout leur possible pour protéger nos concitoyens. Je les en remercie et je les salue avec respect. Mais l’ambiance laxiste qui prévaut depuis deux ans dans notre pays est un très mauvais signal pour les délinquants et criminels qui se croient tout permis et au-dessus des lois.

Monsieur le ministre, quels moyens allez-vous mettre en œuvre afin que les victimes soient vraiment prises en compte et qu’on arrête une bonne fois pour toutes de chercher des excuses aux coupables ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Personne ne cherche d’excuses aux coupables. Nous les poursuivons, quels que soient les actes de violence qu’ils aient commis, et nous les récupérons. C’est le cas du personnage que vous venez d’évoquer, qui est aux mains des forces de l’ordre depuis dix-sept heures cinquante, car il se savait activement recherché. C’est bien la preuve qu’il n’y a aucun laxisme : nous avons fait notre travail.

Mais vous savez très bien que les faits divers sont toujours plus ou moins exploités, en fonction de leur nature, parfois pour mener campagne : je veux donc aller plus loin. Monsieur le député, je condamne toutes les formes de violence. Je vais prendre quelques exemples.

Quand on s’en prend à des enfants qui portent la kippa dans une rue parce qu’ils sont de confession juive, je dénonce ces faits avec la plus grande fermeté, et j’ai demandé aux préfets de porter plainte systématiquement au titre de l’article 40 du code de procédure pénale.

Quand on s’attaque à une mosquée en tant que lieu de culte parce qu’on veut commettre un acte anti-musulman, je demande aux préfets de porter plainte au titre de l’article 40 du code de procédure pénale, parce que ces actes sont absolument abjects.

Quand on tient des propos racistes, xénophobes ou homophobes, des propos qui blessent et qui portent atteinte à la dignité des personnes, dès lors que ces propos sont diffusés au moyen d’outils numériques ou tenus sur la voie publique et qu’il est possible d’identifier leurs auteurs, je demande que ces derniers soient rattrapés par la République et ses principes.

Dans le contexte actuel, les actes de violences, les actes racistes et les actes antisémites doivent être condamnés, quelles que soient les victimes, parce qu’ils ne sont pas acceptables.

Il y a trop de violence dans la société dans laquelle nous vivons, trop de violence dans l’espace numérique, qui est devenu pour certains un espace de non-droit non régulé, trop de violence parfois sur la voie publique, trop de violence dans l’espace public.

Il y a aussi trop d’irresponsabilité dans la manière dont on utilise des symboles ou dont on lance des campagnes. Je veux profiter de cette intervention pour dire que j’ai été extrêmement choqué par la campagne lancée par le maire de Béziers.

M. Luc Belot et M. Yves Goasdoué. C’est scandaleux !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je pense que cela pourrait tout autant justifier votre indignation, mesdames et messieurs les députés. Sur des affiches de deux mètres sur un mètre, on peut voir un pistolet avec le slogan : « Désormais la police municipale a un nouvel ami ». Si l’on considère que de tels comportements, dans la République, sont de nature à susciter l’apaisement, le respect et la valorisation des principes de la République que tout responsable politique doit encourager, alors vous conviendrez avec moi que nous sommes loin du compte !

Dans ma responsabilité de ministre de l’État et de ministre des valeurs de la République, je serai intraitable face à tous les comportements qui peuvent engendrer la violence. Je répondrai avec beaucoup de fermeté à tous ces actes qui seront poursuivis, dès lors qu’ils peuvent l’être, au titre de l’article 40 du code de procédure pénale.

S’agissant des actes qui n’ont pas vocation à être poursuivis, parce qu’ils relèvent simplement de la liberté d’expression ou de l’initiative des collectivités locales, j’appelle chacun à la responsabilité et à l’apaisement. Dans le contexte de tension que nous avons connu au début du mois de janvier, dans le contexte de montée des antagonismes dans notre société, nous devons, lorsque nous portons une parole publique, veiller à ce que l’apaisement, le rassemblement, l’unité, la concorde et la fraternité l’emportent sur toute autre considération.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Monsieur le ministre, permettez-moi de citer quelques éléments chiffrés qui sont autant d’indicateurs de résultats de la politique de sécurité conduite ces dernières années. Les atteintes volontaires à l’intégrité physique, c’est-à-dire les violences aux personnes, ont augmenté de 2 % en 2013 et de 2,6 % lors des onze premiers mois de l’année 2014. Les atteintes aux biens, notamment les vols, ont augmenté de 2,6 % en 2013 et se sont stabilisées en 2014, sauf à Paris où elles explosent, en hausse de 10 % en 2013 et de 12 % en 2014. Parallèlement, le nombre de patrouilles sur la voie publique a diminué de 6 % en 2013 et de 2,7 % en 2014.

Bien sûr, je ne dis pas que tout était parfait avant le 6 mai 2012 et que nous serions passés de la lumière à l’ombre. Mais ces chiffres existent et doivent être analysés pour apporter des réponses aux Français, qui souhaitent être mieux protégés – je sais que telle est, très légitimement, votre première préoccupation.

Je vous poserai donc une question en trois temps. Au vu de l’expérience des zones de sécurité prioritaires, créées par votre prédécesseur, Manuel Valls, en 2012, une nouvelle organisation des forces de sécurité intérieure sur le territoire vous semble-t-elle nécessaire ? L’articulation avec les polices municipales vous paraît-elle aujourd’hui satisfaisante ? Enfin et surtout, sur un plan technique, quel jugement portez-vous sur la coopération opérationnelle entre les forces de sécurité et l’autorité judiciaire ? Quels vous paraissent être, à cet égard, les points devant être améliorés ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. S’agissant des chiffres que vous avez cités, la tendance est exacte : on observe une légère augmentation des atteintes volontaires à l’intégrité physique – des AVIP –, malgré une stabilisation en 2014. Mais vous êtes trop avisé sur ces sujets, monsieur Larrivé, pour ne pas savoir que ces chiffres traduisent une réalité contrastée, selon qu’il s’agit d’AVIP crapuleuses ou non. On constate une très forte diminution des AVIP crapuleuses, ce qui traduit finalement l’efficacité des forces de l’ordre dans la lutte contre les criminels qui commettent des violences dans le cadre de vols ou de cambriolages. Les vols à main armée diminuent très fortement.

En revanche, on observe une augmentation très importante des atteintes à l’intégrité physique familiales. Il existe une violence qui s’exerce à l’encontre des enfants et des femmes au sein même des familles. Vous conviendrez qu’il est très difficile de mettre un agent des forces de l’ordre dans chaque famille pour faire diminuer de tels actes. Ces derniers renvoient à un phénomène de société et à des logiques interministérielles qui ne dépendent pas du déploiement des forces de l’ordre. S’agissant des violences faites aux femmes, cependant, j’ai demandé que les modalités de plainte dans les commissariats permettent d’enclencher immédiatement l’action publique. Vos propos sur les AVIP méritent donc d’être corrigés en précisant cette réalité.

Quant aux atteintes aux biens, là encore, vos chiffres sont exacts. Toutefois, cette catégorie comprend à la fois les cambriolages de résidences principales, les cambriolages de résidences secondaires et tous les autres types de cambriolages. Si l’on prend en considération les actes contre lesquels nous avons décidé de lutter plus particulièrement, parce qu’ils sont les plus traumatisants, c’est-à-dire les atteintes à l’outil de travail dans les exploitations agricoles et les cambriolages de résidences principales, nous avons de très bons résultats. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas continuer à agir pour couvrir la totalité du spectre des atteintes aux biens.

J’en viens à votre deuxième question : oui, les zones de sécurité prioritaires, les ZSP, permettent d’obtenir de bons résultats. En effet, les statistiques montrent qu’on y enregistre une diminution très forte de la délinquance. Il faut maintenant savoir si nous pouvons, à moyens constants, développer la méthode de sécurité prioritaire non plus seulement dans des quartiers périphériques mais dans des centres-villes où des actes de délinquance significatifs sont constatés. C’est ce que j’ai proposé de faire il y a quelques semaines à Toulouse, en lien avec le maire, en affectant des moyens supplémentaires dans cette ville mais aussi en signant une convention entre la police municipale et la police nationale, en transformant les conditions de travail de la police nationale, à moyens constants, tout en m’inspirant du dispositif des zones de sécurité prioritaires.

Je réponds enfin à votre troisième question : oui, le travail avec la justice se passe bien, parce que le dispositif de pilotage des zones de sécurité prioritaires permet d’associer les procureurs et que la mise en place de groupes locaux de traitement de la délinquance, les GLTD, contribue à la réalisation d’un travail partenarial extrêmement dynamique qui permet d’obtenir davantage de résultats. Ceci étant, nous gagnerions en efficacité si nous pouvions alléger par ordonnances un certain nombre de procédures auxquelles les forces de l’ordre sont soumises et qui alourdissent leur travail, dans un contexte où elles devraient pouvoir déployer toute leur énergie à la présence sur la voie publique. J’ai demandé qu’on y travaille avec la Chancellerie.

M. le président. Nous terminons cette séance par deux questions du groupe SRC.

La parole est à Mme Marie-Françoise Bechtel.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Monsieur le ministre, j’appelle votre attention sur les possibilités de pallier les effets de l’abandon, depuis 2003, de la police de proximité. Chacun se souvient des conditions brutales et mal justifiées dans lesquelles eut lieu cet abandon.

M. Éric Ciotti. C’était tout à fait justifié !

Mme Marie-Françoise Bechtel. Dix ans plus tard, nous en mesurons les conséquences.

Les conséquences de cet abandon dans les zones sensibles caractérisées par une concentration de la délinquance et l’influence de bandes organisées sur des adolescents ou jeunes gens étaient déjà très dommageables avant que la délinquance ne devienne un véhicule de l’embrigadement djihadiste – c’est ce qui se passe aujourd’hui, comme vous l’avez vous-même exposé, monsieur le ministre.

Aujourd’hui, l’absence de cet instrument de connaissance et d’encadrement des publics fragilisés qui caractérisait la police de proximité constitue un manque encore plus flagrant.

M. Éric Ciotti. C’était un échec absolu !

Mme Marie-Françoise Bechtel. Elle rend infiniment plus difficile la connaissance affinée des risques, tout particulièrement ceux incluant la constitution de filières.

Bien sûr, le contexte budgétaire tendu et la nécessité d’allouer en priorité des moyens aux services de prévention par le renseignement rendent sans doute aujourd’hui difficile de reconstituer une nouvelle police de proximité.

Au demeurant, les effets de l’îlotage permis par celle-ci ayant été perdus, les dérives en résultant sont sans doute irrattrapables et demandent donc probablement une nouvelle approche.

C’est pourquoi je vous demande, monsieur le ministre, ce que vous entendez faire, là où le maillage territorial le rend nécessaire, pour renforcer la présence de la police dans les zones sensibles et les modalités précises de cette présence. Plus particulièrement, pensez-vous utile d’améliorer la coopération entre les éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse, les policiers de quartiers, les enseignants et les travailleurs sociaux, et les familles ?

Pensez-vous enfin qu’il conviendrait d’améliorer la formation des policiers afin qu’ils puissent répondre au mieux à ces situations, le cas échéant en s’inspirant des expériences menées à l’étranger ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Madame la députée, je partage absolument le diagnostic qui est le vôtre quant aux effets de la disparition de la police des quartiers. L’îlotage avait contribué à créer une relation de confiance entre la police et la population. Le fait qu’il y ait eu un tel désarmement des effectifs du renseignement territorial prive nos forces de sécurité des moyens de la connaissance et de la collecte de l’information au plus près des quartiers où des populations délinquantes peuvent déployer leurs activités.

J’ajoute, madame la députée, que la porosité entre les milieux de la petite délinquance et du terrorisme accroît considérablement aujourd’hui la difficulté que vous soulevez dans votre question. L’objectif qui est le mien est de rapprocher, dans l’esprit qui fut celui de Jean-Pierre Chevènement notamment…

M. Éric Ciotti. Allô !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. …la police de la population afin que la police dispose des informations dont elle a besoin pour comprendre, intervenir et éradiquer les groupes criminels qui doivent l’être.

Ce que nous faisons dans les zones de sécurité prioritaires correspond à l’esprit de cette ambition. Nous mettons des effectifs là où ils ont été enlevés. Nous réarmons le renseignement territorial là où il avait été désarmé. Nous donnons à la police la possibilité d’avoir des yeux et des moyens. Et nous essayons de déceler les signaux faibles d’un engagement délinquant qui peut être aussi, nous nous en sommes rendu compte récemment avec le cas d’Amedy Coulibaly, un engagement violent, radical et parfois terroriste.

Comment organisons-nous la relation entre l’ensemble des acteurs des quartiers ? Les comités de pilotage des zones de sécurité prioritaires mobilisent l’administration de la justice, les collectivités territoriales, les acteurs de la protection judiciaire de la jeunesse, les associations de quartiers, les organismes bailleurs, les représentants des forces de l’ordre afin d’obtenir un suivi très méthodique des cas posant problème dans les quartiers, le tout sur la base de clauses de confidentialité qui sont respectées par l’ensemble des acteurs concernés.

Cela donne des résultats extrêmement positifs, à tel point qu’en faisant le bilan des demandes de zones de sécurité prioritaires supplémentaires qui me sont adressées, j’ai constaté que les lettres les plus enthousiastes concernant les avantages des ZSP proviennent d’élus de l’opposition, qui les demandent à grand renfort d’arguments et de courriers, au moins autant si ce n’est davantage que les élus de la majorité ! C’est bien le signe que tous ceux qui sont confrontés aux problèmes sur le terrain ont bien conscience de l’intérêt de la politique que nous menons puisqu’ils nous demandent à en bénéficier.

J’imagine par ailleurs qu’ils sont suffisamment déterminés à nous combattre pour ne nous accompagner dans nos politiques que si vraiment ils considèrent qu’elles sont les seuls moyens de l’efficacité sur le terrain.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Descamps-Crosnier.

Mme Françoise Descamps-Crosnier. On s’accorde à dire que l’accès aux informations et aux données est stratégique dans la lutte contre le terrorisme et, de manière générale, pour assurer la sécurité du pays.

Je veux vous interroger sur un sujet sur lequel vous avez beaucoup été sollicité ces jours derniers et auquel vous avez déjà répondu ce soir. Mais comme je suis la dernière intervenante, peut-être aurais-je droit à une information originale ou, pourquoi pas, à un scoop ! (Sourires.)

Depuis 2012, plusieurs mesures ont déjà été prises pour mieux couvrir le territoire de capteurs d’informations indispensables à la constitution d’un maillage complet. Je pense à la mise en place du fichier SETRADER – système européen de traitement des données d’enregistrement et de réservation – qui remplace l’ancien fichier des passagers aériens, FPA.

Avec ce système, les données d’enregistrement des passagers aériens en provenance ou à destination d’une liste d’États hors Union européenne peuvent être croisées avec le fichier des personnes recherchées, le FPR, et le système d’information Schengen, le SIS, dont la mise en service était prévue pour la fin de l’année 2014.

Par ailleurs, l’article L. 232-7 du code de la sécurité intérieure prévoit la mise en place d’un outil complémentaire à travers un fichier pour recueillir à la fois les données PNR, données de réservation, et les données API, données d’enregistrement. Il concernera tous les vols, dont les vols intracommunautaires, à l’exception des vols reliant deux points de la France métropolitaine. Il doit progressivement entrer en service à compter du second semestre de l’année 2015.

Nous convenons tous de la nécessité de passer à l’étape suivante car un système purement national dans l’espace Schengen ne suffit pas. Notre collègue Ciotti rappelait que vous proposiez, monsieur le ministre, la mise en place d’un PNR européen dès le mois d’octobre 2014. On ne peut que vous donner raison, d’autant qu’en vertu de l’accord sur le transfert des données des passagers aériens européens aux autorités américaines survenu en 2012, les Européens acceptent de livrer leurs données PNR aux Américains. Comment comprendre qu’ils refusent de se les donner à eux-mêmes ?

À la suite des attentats qui ont frappé notre pays le mois dernier, vous avez engagé une action résolue, notamment en réunissant le 10 janvier les ministres de l’intérieur européens ainsi que le ministre de la justice américain pour faire avancer ce chantier.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous expliquer une nouvelle fois et de façon originale les actions que vous entendez engager pour faire accélérer le dossier actuellement bloqué au Parlement européen ? Le Conseil est-il susceptible de faire évoluer ce dispositif, sachant que j’ai bien entendu la réponse que vous avez faite à notre collègue Ciotti sur les possibilités d’accords bilatéraux ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. C’est la huitième question concernant le PNR que l’on me pose aujourd’hui dans l’hémicycle. (Sourires.) Non seulement, je dois être très patient, mais encore original ! (Sourires.) Cela témoigne, et je le souligne pour l’opposition, du niveau d’exigence du groupe majoritaire à l’égard des ministres. Aussi, vais-je essayer de répondre à cette double attente bien légitime, madame la députée.

Pourquoi avons-nous besoin du PNR ? Prenons le cas de Mehdi Nemmouche qui a quitté la France pour se rendre en Irak et en Syrie où il a commis des exactions et a été le geôlier de nos otages. Après avoir passé un peu de temps en Asie du sud-est, il revient en Europe en franchissant les frontières extérieures de l’Union européenne à Francfort.

Comment se fait-il que Mehdi Nemmouche qui figure au fichier des personnes recherchées – FPR – et dans le système d’information Schengen – SIS – ne peut pas être neutralisé à Francfort au moment où il y arrive ? Pour deux raisons. La première est que personne ne sait qu’il y arrive. Or on ne peut le savoir que grâce au fichier PNR. Contrairement au fichier API dont vous avez parlé, le PNR permet la communication aux aéroports de destination de l’identité de celui qui s’apprête à y arriver non pas au moment où il embarque comme c’est le cas pour API, mais au moment où il réserve sa place.

Cela laisse le temps aux autorités policières et judiciaires de s’organiser pour déclencher des mandats d’arrêt internationaux, pour procéder au positionnement des forces de l’ordre en coopération les unes avec les autres pour procéder à la neutralisation du terroriste qui revient.

Aux parlementaires qui prétendent que le SIS est suffisant, je réponds par la négative. D’abord parce que le SIS n’est pas systématiquement interrogé dans tous les pays de l’Union européenne compte tenu de ce qu’est le code Schengen. C’est la raison pour laquelle la France veut le faire évoluer pour permettre l’interrogation du SIS, maintenant SIS 2, simultanément dans tous les aéroports. D’autre part, nous avons besoin du PNR pour intervenir le plus en amont possible afin de permettre la neutralisation des terroristes.

Si nous avions disposé de cet outil, alors nous aurions pu neutraliser cet individu, comme d’autres qui pourraient commettre des crimes significatifs.

Pour certains, le PNR serait attentatoire aux libertés publiques en raison du stock de données personnelles contenues dans ce fichier. La France a fait des propositions à la commission LIBE du Parlement européen, la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures.

Premièrement, faisons en sorte que le PNR ne serve que pour les acteurs du crime organisé et du terrorisme. Deuxièmement, établissons une liste blanche de tous ceux qui ont été contrôlés indûment afin qu’ils ne le soient pas à nouveau. Troisièmement, faisons en sorte que le service à compétence nationale qui récupérera les données PNR fonctionne à partir de règles déontologiques concernant le recrutement de ses agents, de son directeur et la nature des données traitées, afin de pouvoir aller jusqu’à l’infraction pénale au cas où ces règles déontologiques ne seraient pas respectées.

Telles sont les propositions qui ont été faites –il y en a neuf au total – pour permettre à toutes les formations politiques du Parlement européen d’accepter le PNR. Toutes les formations, les libéraux qui gouvernent avec la droite, les écologistes, etc.…

M. Guillaume Larrivé. Le Modem, qui vote pour vous.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Le Modem n’existe pas en Grande-Bretagne.

M. Éric Ciotti. Ce sont vos amis.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Les libéraux et les centristes ne sont pas nos alliés. Comme le disait François Mitterrand, le centre n’est ni de gauche, ni de gauche. (Rires.)

Mme Elisabeth Pochon. C’est un ni ni agréable. (Sourires.)

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Bref, il existe neuf propositions pour essayer de rassembler tout le monde, et nous avons besoin de modifier le code Schengen.

Si cela ne marchait pas – en raison de postures des uns et des autres, mais je suis convaincu que l’on peut trouver un équilibre entre sécurité et protection des libertés, encore faut-il le vouloir –, nous pourrions comme le proposait Éric Ciotti faire chacun notre PNR – nous en aurons un au mois de septembre prochain – ainsi que des accords bilatéraux.

Mais j’ai fait remarquer aux libéraux – les amis des parlementaires UMP – et aux écologistes – nos propres amis – que sans PNR européen, il y aura moins de garanties sur la protection des données au plan européen et moins d’efficacité, car nous n’aurons pas la garantie qu’il y ait des PNR partout au sein de l’Union européenne.

Les terroristes se détourneront des aéroports où le PNR s’applique vers ceux où il n’est pas appliqué. Il faut une politique globale, il faut trouver cet équilibre en y passant le temps nécessaire. Il faut faire le moins de politique possible et être le plus déterminé pour atteindre le but que l’on s’est fixé. Avec beaucoup de patience et beaucoup d’originalité, nous devrions pouvoir y parvenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La séance de questions est terminée.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, demain, à neuf heures trente :

Questions orales sans débat.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly