Accueil > Travaux en séance > Les comptes rendus > Les comptes rendus de la session > Compte rendu intégral

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Première séance du samedi 14 février 2015

Présidence de M. David Habib

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Croissance, activité et égalité des chances économiques

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (nos 2447, 2498).

Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de une heure et vingt minutes pour le groupe SRC, dont 122 amendements sont en discussion ; quarante-deux minutes pour le groupe UMP, dont 214 amendements sont en discussion ; une heure et cinquante minutes pour le groupe UDI, dont 41 amendements sont en discussion ; une heure et cinquante-sept minutes pour le groupe RRDP, dont 14 amendements sont en discussion ; trente-deux minutes pour le groupe écologiste, dont 17 amendements sont en discussion ; quarante et une minutes pour le groupe GDR, dont 21 amendements sont en discussion, et trois minutes pour les députés non inscrits.

Discussion des articles (suite)

M. le président. Hier soir, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’article 76.

Article 76

M. le président. La parole est à M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. Monsieur le président, je rappelle que j’avais demandé dix minutes de temps de parole supplémentaire, au titre de l’article 55, paragraphe 6, de notre Règlement.

M. le président. Aucun amendement n’ayant été déposé, je suis malheureusement dans l’obligation de refuser.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n1034.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet article 76 est très important, car il fixe les contreparties, notamment salariales, apportées aux salariés privés de repos dominical. En l’état actuel, le texte prévoit que la règle soit la négociation collective, sans l’encadrer, notamment sans fixer de plancher – je ne reviens pas sur ce débat, que nous avons eu longuement hier.

Vous prétendez par ailleurs réduire les inégalités salariales héritées de la loi Mallié, mais ce n’est pas la vérité : Vous recréez de l’inégalité, assortie en outre du moins-disant pour les salariés. Ainsi, sous le régime des cinq dimanches du maire, certains salariés continueront à bénéficier d’un doublement de la rémunération avec repos compensateur, tandis que d’autres bénéficieront de contreparties issues de la négociation collective, qui pourront éventuellement être moins favorables, étant donné qu’il n’y a pas de plancher à ces négociations. En outre, la moyenne des compensations salariales n’est que de 1,3 fois – et non pas deux fois – le salaire horaire.

Notre amendement vise donc à rompre véritablement avec les inégalités salariales du travail du dimanche. Pour ce faire, il faudrait fixer le plancher à 200 % du salaire, avec repos compensateur, afin de permettre à la négociation collective d’aller plus loin, exiger que la négociation se fasse au niveau élargi de la branche, le seul qui permette à l’ensemble des acteurs d’une profession de débattre réellement et, enfin, exiger, en plus des compensations salariales encadrées par la loi, des compensations sociales réalistes, comme la prise en charge intégrale par l’employeur des frais de garde d’enfants générés par le travail du dimanche. Tel est l’objet de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Stéphane Travert, rapporteur thématique de la commission spéciale, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n1034.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique de la commission spéciale. Madame Fraysse, votre amendement tend à conditionner à la conclusion d’un accord de branche l’ouverture dominicale des commerces dans l’ensemble des zones dérogatoires, qu’il s’agisse des zones commerciales, des zones touristiques ou des zones touristiques internationales, avec un plancher fixé au moins au double de la rémunération.

Je comprends pleinement votre intention et nous souscrivons évidemment tous à l’idée que les salariés privés de repos dominical doivent bénéficier de contreparties – c’est le sens et l’orientation que nous avons voulu donner à ce texte. En revanche, je ne peux pas vous suivre dans la présentation que vous faites. En effet, la conclusion d’accords de branche risque de poser problème pour certains commerces qui ne relèvent d’aucune branche.

Par ailleurs, et c’est là l’essentiel, fixer un plancher de rémunération au moins égal au double de la rémunération normale est certes à la portée de certaines grandes enseignes, comme cela a été rappelé dans les débats d’hier, mais pratiquement impossible à mettre en œuvre pour un grand nombre de petits commerces qui se trouveront ainsi désavantagés et risquent de ne pas pouvoir ouvrir. Or, s’il faut assurément protéger les salariés, nous souhaitons aussi protéger les petits commerces qui assurent l’animation et l’identité de nos bourgs et de nos centres-villes. La mesure que vous proposez aurait un impact qui ne serait pas négligeable et dont il nous faut tenir compte. J’émets donc un avis défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Dans sa globalité, ce texte porte de toute façon atteinte au petit commerce – faute de temps, je ne développerai pas ce point. Surtout, le rapporteur a oublié de me répondre s’agissant de la compensation intégrale des frais de garde d’enfants.

M. le président. La parole est à M. Stéphane Travert, rapporteur thématique.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. La prise en charge des gardes d’enfants fera l’objet d’un amendement que nous examinerons plus tard et qui propose un dispositif permettant de tenir compte de ces coûts. Nous y reviendrons donc.

(L’amendement n1034 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour soutenir l’amendement n1323.

Mme Véronique Massonneau. La disposition consistant à permettre aux petites entreprises de faire valider par les deux tiers des salariés les contreparties au travail dominical est contraire à l’esprit annoncé par le Gouvernement. Les salariés qui n’ont pas de représentants ne sont pas nécessairement syndiqués ou formés pour discuter avec leur employeur. Compte tenu de l’inégalité des rapports entre employeurs et salariés, nous sommes favorables à ce que les petites entreprises soient couvertes par un accord territorial – de tels accords ont du reste fait leurs preuves dans de nombreux endroits.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Je vous proposerai dans quelques minutes un amendement visant à revenir sur cette disposition de décision unilatérale de l’employeur, en écho aux propos tenus hier en séance par le ministre. Je vous demande donc de retirer cet amendement, qui sera satisfait par la disposition que nous prendrons tout à l’heure.

(L’amendement n1323 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Travert, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement n2571.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Cet amendement tend à rétablir le mandatement dans les entreprises dépourvues de délégué syndical, en lieu et place d’une proposition de l’employeur approuvée par les deux tiers des salariés concernés. Ce sujet a fait l’objet d’un débat en commission spéciale et il convient de répondre à la spécificité des petits commerces en rétablissant pour eux la possibilité de procéder par voie unilatérale. Ce n’est cependant pas le choix que nous avons fait, car il nous semblait plus légitime de chercher à faire en sorte par tous les moyens que ces petits commerces puissent être bien couverts par un accord collectif, plutôt que de mettre en place pour eux un régime d’exception.

L’amendement vise donc à rétablir les modalités prévues initialement dans le projet de loi pour les entreprises dépourvues de délégué syndical et/ou de représentants élus du personnel et qui ne seraient pas couvertes par les accords de branche ou territoriaux, par le biais de la procédure du mandatement d’un salarié. Cet amendement est complémentaire de l’amendement n2035, que nous examinerons à la fin de l’article 76 et qui impose la négociation d’un accord de branche dans les commerces de détail, afin de s’assurer que les petits commerces seront bien couverts par un accord collectif.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Favorable.

(L’amendement n2571 est adopté et les amendements nos 2848 et 1922 tombent.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n628.

M. Patrick Hetzel. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Monsieur le député, votre amendement porte sur le rétablissement de la décision unilatérale de l’employeur. Or, nous venons de vous dire quel était le sens de notre démarche : votre proposition va à l’encontre de l’esprit même du texte, qui vise à conditionner l’ouverture des commerces à un accord collectif. Donc, avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre.

M. Frédéric Lefebvre. Mon amendement n1922 est tombé du fait de l’adoption de l’amendement n2571 du rapporteur. Les propos de M. Hetzel sont parfaitement justes. Je rappelle cependant une voie qui était possible et qui revêt une importance particulière, comme je le soulignais hier, depuis la condamnation de Bricorama à 500 000 euros d’amende.

Aujourd’hui, dans beaucoup d’affaires, les intérêts des syndicats vont à l’encontre de ceux des salariés. C’est pourquoi je proposais qu’à partir du moment où les salariés d’une entreprise décident, par référendum, de pouvoir travailler le dimanche, ils puissent le faire, même quand aucun accord n’a été signé avec les organisations professionnelles. Je ne vois pas pourquoi des syndicats pourraient, pour des raisons idéologiques, empêcher des salariés qui veulent travailler de le faire !

(L’amendement n628 n’est pas adopté.)

M. le président. Nous en venons à l’amendement n1666, sur lequel je suis saisi par le groupe de l’Union des démocrates et indépendants d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour soutenir l’amendement.

M. Jean-Christophe Fromantin. Le sujet de la compensation est compliqué. Dans le cadre de nos travaux en commission spéciale et en séance publique, nous cherchons et proposons diverses formules, dont nous évaluons les avantages, les inconvénients et les effets collatéraux. Nous constatons que, si l’on met en place un dispositif adapté à tel type d’entreprise dans telle configuration, on risque de mettre en difficulté d’autres types d’entreprises, dans d’autres configurations, même si les entreprises appartiennent au même périmètre ou si les configurations se ressemblent vu de l’extérieur. Ainsi, nous avons énormément de mal à construire un système de compensation au travail du dimanche qui soit juste, équitable, applicable sur l’ensemble du territoire et qui convienne à des configurations touristiques ou à d’autres types de configurations prévues dans ce texte.

Pour autant, il me semble que nous sommes d’accord sur un certain nombre de prérequis.

Premièrement, le travail le dimanche mérite une compensation. Nous l’avons dit hier soir à plusieurs reprises, et ce principe fait l’objet d’un consensus entre nous.

Deuxième prérequis qui me semble partagé : alors que ce texte vise à favoriser la croissance et la création de richesse, il ne faudrait pas que la mise en place d’un système de compensation produise l’effet inverse et devienne, en quelque sorte, contre-productif. Il ne faudrait pas qu’une disposition nationale, applicable à tous, compromette l’équilibre économique d’entreprises organisées selon des modèles différents. En même temps, comme nous l’avons dit à plusieurs reprises en commission spéciale, il faut faire en sorte d’éviter les stratégies de contournement. Plusieurs de nos collègues ont expliqué que des accords de branche pourraient être contournés par le recours, par le biais de la sous-traitance ou de la franchise, à d’autres branches qui n’auraient pas les mêmes contraintes et permettraient de neutraliser des dispositions spécifiques à telle ou telle entreprise.

Sur l’ensemble de ces éléments, nous sommes d’accord. Le travail du dimanche mérite une compensation, sans remettre en cause certains modèles économiques, en évitant les détournements et en essayant de construire un système qui ait du sens et qui soit applicable. C’est pourquoi j’ai déposé cet amendement, qui procède d’une construction très simple et consiste à mettre en place un système de sur-pondération dans le cadre d’un contrat d’intéressement.

Le principe d’un contrat d’intéressement est largement présent dans ce texte : ainsi, le titre II évoque les dispositifs d’épargne salariale et de participation, nécessaires, motivants et mobilisateurs pour nos entreprises. Le fait d’asseoir cette compensation sur un contrat d’intéressement me semble donc une formule extrêmement souple, qui permet de satisfaire la plupart voire l’ensemble des situations.

Contrairement à ce que l’un de nos collègues a expliqué hier, un contrat d’intéressement n’est pas une formule individuelle d’incentive, où les gains d’un salarié seraient liés au volume de ses ventes ; c’est une formule collective très solidaire puisqu’elle s’applique à l’ensemble des salariés d’une entreprise. Au sein de ce dispositif, certains paramètres permettent à tel ou tel salarié d’être davantage concerné par le partage de la performance collective.

Ce système d’intéressement assis sur une base collective a un double mérite. Tout d’abord, il incite les entreprises à jouer le jeu du travail du dimanche. Si elles créent de la valeur, alors la formule d’intéressement va s’appliquer et prendre tout son sens.

M. Patrick Hetzel. C’est très intéressant !

M. Jean-Christophe Fromantin. Si les entreprises ne créent pas de valeur, si l’on observe un phénomène de substitution, de glissement, alors le travail du dimanche sera pénalisé. Par cette formule d’intéressement, on dissuade donc l’entreprise de jouer la substitution, le glissement : on l’encourage à jouer le jeu du travail du dimanche uniquement si elle crée de la valeur.

Si le travail du dimanche crée de la valeur, alors le mécanisme de sur-pondération permettra de privilégier les salariés qui contribuent à cette création de valeur. Cependant, même si le travail du dimanche ne crée pas de valeur, s’il relève d’un simple glissement, d’un rééquilibrage ou d’un phénomène de vases communicants, alors ceux qui travaillent le dimanche bénéficieront plus que les autres des avantages apportés ce système. En d’autres termes, à périmètre constant, la formule d’intéressement et le phénomène de sur-pondération permettent d’accorder à ceux qui travaillent le dimanche une participation supérieure à ceux qui ne le font pas.

Ainsi, ce système a le mérite de la souplesse. Il est collectif, et non individuel. Pour autant, la sur-pondération du travail du dimanche incite les entreprises à ne le mettre en place que si elles créent de la valeur. Si elles n’en créent pas, le salarié qui travaille le dimanche bénéficie d’un privilège, d’une rémunération supplémentaire par rapport à ceux qui ne travaillent pas ce jour-là.

Vous l’avez compris : cet amendement s’inscrit pleinement dans l’esprit du projet de loi en instaurant des mécanismes souples et néanmoins participatifs de rémunération. Il a l’avantage de résoudre la quadrature du cercle dans laquelle nous sommes enfermés depuis hier, quand nous soulignons que telle formule fonctionne pour tel type de commerce mais pas pour tel autre, pour Paris mais pas pour les villes de province, pour les zones frontalières mais pas pour d’autres zones. Cet amendement nous permet de nous extraire de ce débat. En même temps, il est extrêmement incitatif, puisqu’il encourage les entreprises à n’activer la formule que si elles créent de la valeur. Cependant, même sans création de valeur, il permet d’accorder un avantage aux salariés qui font l’effort de travailler le dimanche.

M. Patrick Hetzel. Excellent ! Il sera difficile de démonter une telle argumentation !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Monsieur Fromantin, votre amendement part d’une idée plutôt novatrice.

M. Patrick Hetzel. Tout à fait !

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Mais pourquoi imposer ce système à tous, par la loi, dès lors que nous pourrions souffler cette bonne idée aux organisations syndicales lorsqu’elles négocieront et mettront en place les accords collectifs dans chacun des établissements ?

J’y vois également un écueil. En effet, vous proposez d’instaurer une sorte de prime d’intéressement pour celles et ceux qui travaillent le dimanche. Il est bien évident que nous souhaitons instaurer des compensations pour les salariés privés de repos dominical. Cependant, le dispositif que vous proposez pourrait générer une sorte d’inégalité entre les salariés, car celles et ceux qui travaillent les autres jours de la semaine sont tout autant encouragés, notamment dans certains magasins, à vendre un maximum de produits : ils pourraient donc également être intéressés au résultat de la vente.

Pourquoi, donc, appliquer ce mécanisme aux seuls travailleurs du dimanche ? Je sais que le ministère du travail va se pencher prochainement sur les dispositifs d’épargne salariale et d’intéressement en entreprise.

M. Patrick Hetzel. C’est poussif !

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Il s’agit donc d’une piste que nous pourrions souffler aux organisations syndicales dans le cadre de la négociation collective qui sera organisée dans leur établissement ou dans leur branche. C’est pourquoi je vous propose, monsieur Fromantin, de retirer votre amendement. Nous nous ferions les porte-paroles zélés de votre idée auprès des organisations syndicales.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Je répondrai aux trois questions qui viennent d’être soulevées par Mme Fraysse, M. Lefebvre et M. Fromantin.

Madame Fraysse, à aucun moment nous n’avons dit que la compensation serait forcément de 30 %. Nous avons pris cet exemple parmi d’autres. Nous souhaitons que soient trouvés des accords de branche, d’entreprise ou de territoire, au niveau le plus pertinent, pour déterminer les bonnes compensations. Je ne reviens pas sur la discussion que nous avons eue hier, mais je ne voudrais pas que le compte rendu de nos débats fasse ressortir un référentiel à 30 %.

En effet, dans certaines branches où l’on travaille le dimanche, comme la boulangerie, une compensation de 30 % s’applique. Mais certains accords de territoire prévoient aussi une compensation de 100 % – on a cité à plusieurs reprises le cas de Saint-Malo. Il existe donc une multitude de situations, en fonction de la réalité des secteurs : c’est tout le débat que nous avons eu hier avec le ministre Hamon. Dans le secteur de l’habillement, qui connaît des difficultés structurelles, le taux ne pourra pas être fixé à 30 % : ce sera sans doute 20 %, avec des repos compensateurs additionnels. Dans d’autres branches et d’autres secteurs – je ne reviens pas sur nos discussions sur les quartiers et les commerces de luxe –, la compensation sera vraisemblablement de 100 %, voire 200 %, ce qui est tout à fait légitime. La loi ne peut pas tout définir ! En tout cas, je ne veux pas qu’il reste la moindre ambiguïté : le taux de 30 % n’est pas une référence.

Monsieur Lefebvre, en allant au bout de cette logique, en faisant le choix de passer par l’accord, nous prenons la décision de ne pas passer par la décision unilatérale. Nous en avons déjà longuement débattu. C’est aussi pour cela que nous laissons aux commerces aujourd’hui ouverts le dimanche un temps d’adaptation. Il faut être lucides : un peu de temps sera vraisemblablement nécessaire pour trouver des accords dans certaines zones.

Une décision unilatérale, même prise par voie de référendum, conduit à définir par la loi un seuil de compensation.

M. Frédéric Lefebvre. Si c’est par la voie du référendum, ce n’est pas unilatéral !

M. Emmanuel Macron, ministre. À ce moment-là, il n’y a plus d’accord.

Nous devons aller au bout de notre logique. Si nous croyons au dialogue social, auquel nous donnons beaucoup de pouvoir dans cette affaire, alors nous devons être exigeants et inciter les employeurs à trouver le bon niveau de négociation, c’est-à-dire à prendre leurs responsabilités au niveau de la branche en cas de blocage au niveau de l’entreprise.

C’est ce type de blocage que j’ai pu dénoncer, il y a quelques mois, lors de la mise en place du pacte de responsabilité. Nous avions alors demandé à chaque branche d’ouvrir des négociations, notamment sur les apprentis et la qualité de l’emploi ; or nous avons connu, dans certaines branches, une situation de blocage que nous ne pouvons pas accepter.

Dans le cas présent, il y aura une forte incitation à négocier. Nous donnerons du temps aux partenaires sociaux. Nous aurons sans doute l’occasion de revenir sur le délai accordé, mais nous ne leur donnerons pas six mois, comme nous avons pu le faire par le passé : ce serait sans doute trop court !

Nous devons être très lucides et exigeants vis-à-vis du dialogue social, auquel nous devons donner toutes les chances d’aboutir. Mais nous n’avons pas à prévoir de parade ou de solution de secours au cas où il échouerait. Dans ce cas-là, on l’a constaté par le passé, les acteurs s’orienteront très vite vers la solution de secours, vers la décision unilatérale, comme on l’a vu pour les périmètres d’usage de consommation exceptionnels, les PUCE : nous irions alors vers un doublement des rémunérations, ou vers un autre niveau, et nous viderions de sa substance le dialogue social que nous cherchons à revitaliser.

Quant à votre amendement, monsieur Fromantin, il va dans le bon sens et correspond à l’esprit du texte. Mais pourquoi imposer ce dispositif par la loi ? Puisque nous nous en remettons aux accords de branche et d’entreprise, ces derniers définiront es modalités de compensation. Dans beaucoup de branches où cela a du sens, ils mettront bien évidemment en place les modalités que vous proposez dans votre amendement. Mais dans les territoires où sont majoritairement implantés des petits commerces, pour lesquels les notions d’intéressement et de sur-pondération ont peu de sens ou sont trop lourdes à mettre en œuvre, ils ne le feront pas. Dans d’autres secteurs, les accords prévoiront plutôt des repos compensateurs, la prise en charge de certains dispositifs concrets, et un peu moins de rémunération. En allant dans le sens de votre amendement, en passant par la voie législative, nous serions trop prescriptifs ; or nous voulons donner toute sa place au dialogue social, à chaque niveau.

M. Patrick Hetzel. Pas du tout !

M. Emmanuel Macron, ministre. C’est au dialogue social de définir les modalités d’une éventuelle sur-pondération, dans le cadre d’un contrat d’intéressement, ou d’une majoration de salaire.

Je vous suggère donc de retirer votre amendement, monsieur Fromantin. À défaut, je lui donnerai un avis défavorable, pour les raisons exprimées par le rapporteur.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin.

M. Jean-Christophe Fromantin. En exprimant votre volonté d’un mécanisme de compensation souple et adapté à chaque branche, vous confirmez, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, a pertinence de ce dispositif d’intéressement que je propose et qui présente précisément ces caractéristiques puisqu’il est adaptable à chaque branche, voire à chaque entreprise. Vous n’avez eu de cesse, au cours de nos débats, d’affirmer votre volonté de trouver un dispositif qui permette le maillage le plus fin, jusqu’au niveau de l’entreprise : je me souviens que vous aviez refusé un sous-amendement par lequel je proposais que l’accord de branche s’impose à l’entreprise en matière d’épargne salariale en arguant que le dernier mot devait être laissé à l’entreprise. Ce qui est vrai s’agissant de dispositifs d’épargne salariale l’est tout autant pour un dispositif de compensation du travail dominical.

Cette formule de contrat d’intéressement modulé par un système de pondération est très simple – certains d’entre vous l’ont sans doute déjà mis en place dans leur entreprise. Elle a en outre l’avantage d’associer tout le monde à la performance : la standardiste qui travaille du lundi au vendredi comme le salarié qui travaille le dimanche, celui qui travaille à la production tout autant que le commercial. Il suffit de pondérer certains paramètres, afin de reconnaître la contribution particulière de certains salariés, dans le cas qui nous occupe ceux qui travaillent le dimanche.

J’avais donc cru comprendre que cet objectif était entre nous un dénominateur commun : un dispositif qui laisse le maximum de souplesse et de liberté à la « maille » la plus fine, c’est-à-dire l’entreprise, à qui est laissé le soin de construire sa propre formule.

C’est la raison pour laquelle je ne comprends pas pourquoi on n’inscrirait pas dans la loi qu’il est possible que l’accord d’entreprise prévoie cette formule souple d’intéressement. En effet, même dans une logique de branche, chaque cas est différent, la situation de chaque entreprise est différente, ne serait-ce que du fait de sa localisation, qui génère des effets économiques à chaque fois différents. De ce fait, même à l’intérieur d’une branche homogène, l’incidence du travail dominical peut considérablement varier selon le site. C’est ce qui rend l’accord de branche peu adapté à traiter ce sujet du travail du dimanche.

En tout état de cause, le dispositif de compensation que je propose a le mérite d’être souple, incitatif, adapté à chaque entreprise, collectif, tout en assurant la prise en compte du travail dominical grâce au mécanisme de pondération, et enfin de ne pas être difficile à mettre en œuvre : l’intéressement n’est pas un mécanisme complexe, même pour les toutes petites entreprises.

Voilà pourquoi je pense très sincèrement que cette formule gagnerait à figurer dans la loi, d’autant qu’elle n’a aucun caractère coercitif dans mon amendement. Elle satisfait exactement notre objectif commun.

Quant à votre objection relative à l’accord de branche, je vous rappelle que la contrainte imposée par celui-ci risque de faire l’objet de stratégies visant à le contourner.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre.

M. Frédéric Lefebvre. Je m’étonne, monsieur le ministre, que l’homme moderne que vous êtes qualifie d’unilatérale une procédure de démocratie directe. Que le peuple des salariés puisse se prononcer sur une décision de l’entreprise n’est pas plus unilatéral que la décision d’un Président de la République de s’adresser directement au peuple français : si les parlementaires qualifiaient d’unilatéral ce choix d’emprunter la voie référendaire, ce serait un déni de démocratie.

Au lieu de persister dans leur refus de ces procédures, les syndicats devraient être les premiers à demander à pouvoir y recourir. Ce n’est quand même pas rien, tant pour les représentants des salariés que pour les patrons, que de pouvoir consulter l’ensemble des salariés.

M. le président. La parole est à M. François Brottes, président de la commission spéciale.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Je ne comprends pas très bien pourquoi vous n’acceptez pas de retirer votre amendement, monsieur Fromantin.

Il présente l’inconvénient d’imposer une obligation là où il faut au contraire laisser toute latitude à la discussion. En outre, il tend à introduire ce dispositif avant la partie du texte consacré aux contreparties, ce qui est un peu étrange puisqu’il s’agit bien d’une des contreparties possibles.

Enfin un vote négatif, comme celui dont fera sans doute l’objet votre amendement, risque de laisser le sentiment aux partenaires sociaux, notamment aux employeurs, que l’Assemblée rejette cette contrepartie…

M. Gérard Cherpion. Eh oui !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. …alors que nous refusons simplement que ce soit une obligation : nous avons clairement dit qu’il s’agissait d’une possibilité dans le vaste éventail des contreparties. Pourquoi ne pas en rester là ?

Voilà pourquoi j’aimerais vous convaincre de retirer cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Caullet.

M. Jean-Yves Caullet. Je n’ai aucune chance d’être plus persuasif que le rapporteur, le ministre et le président de la commission spéciale !

Je voudrais néanmoins faire observer à notre collègue Fromantin que dans la loi le mode indicatif est en réalité impératif, et qu’en conséquence dans son amendement le verbe « prévoient » introduit une obligation. Pour éviter toute ambiguïté sur le vote de notre groupe, qui va effectivement repousser cet amendement, je tiens à préciser que ce vote négatif ne signifie en aucun cas que nous rejetons la possibilité d’une sur-pondération de contrats d’intéressement ou toute autre mesure d’intéressement qui seraient retenue comme contrepartie dans le cadre d’un accord.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Il est en effet important de préciser qu’il s’agit d’une option, et non d’un impératif.

Monsieur Lefebvre, c’est le code du travail qui parle de « décision unilatérale de l’employeur prise après référendum » s’agissant de la procédure dérogatoire aux accords à laquelle je faisais référence.

M. Frédéric Lefebvre. Voilà une raison supplémentaire pour réformer le code du travail !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n1666.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants40
Nombre de suffrages exprimés39
Majorité absolue20
Pour l’adoption7
contre32

(L’amendement n1666 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 1454, 2195 et 2749, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement n1454.

M. Francis Vercamer. Nous sommes tous d’accord pour reconnaître que le dimanche n’est pas un jour comme les autres, que le travail dominical doit rester exceptionnel et que, lorsque l’entreprise est contrainte d’ouvrir le dimanche par des impératifs économiques, qu’il s’agisse de faire face à la concurrence ou à une fréquentation exceptionnelle dans le cas des zones touristiques, les salariés, qui ne peuvent pas rester ce jour-là avec leur famille, ont droit à des contreparties. C’est l’objet de cet article 76.

Nous sommes également d’accord sur le fait que ces contreparties doivent être négociées par les partenaires sociaux dans le cadre d’accords de branche, voire d’entreprise. Je pense cependant que la loi doit poser un certain nombre de principes. Elle doit notamment définir une rémunération minimale, que je propose par cet amendement de fixer au double du salaire.

Jean-Christophe Fromantin m’a cependant convaincu de retirer mon amendement. Je tenais à souligner la nécessité pour la loi de fixer des conditions minimales pour éviter que les salariés soient lésés, car le dialogue social est parfois inexistant au sein de certaines entreprises et les contreparties risquent d’être insuffisantes.

J’en profite pour rappeler que certains qui sont aujourd’hui au Gouvernement étaient opposés au travail dominical quand ils étaient dans l’opposition. Étant Lillois, je n’ai pas oublié non plus que le candidat Hollande avait, dans un discours tenu à Lille, affirmé qu’il veillerait à préserver le repos dominical. Prévoir des compensations significatives à l’obligation de travailler le dimanche va dans le sens du respect du repos dominical.

(L’amendement n1454 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour soutenir l’amendement n2195.

M. Jean-Luc Laurent. Je voudrais d’abord vous assurer, monsieur le président, que cet amendement sera, lui, maintenu, et j’espère convaincre le ministre de sa nécessité dans la perspective de l’extension des cas d’autorisation du travail le dimanche ou en soirée.

Nous parlons croissance, activité, développement du travail.

M. Jean-Frédéric Poisson. Quand en avez-vous parlé ?

M. Jean-Luc Laurent. Cela fait déjà pas mal d’heures que nous nous opposons quant à l’équilibre entre protection des salariés et flexibilité du travail. Je n’ai pas besoin de vous rappeler, mes chers collègues, monsieur le ministre, combien le contexte actuel est défavorable aux relations au sein du monde du travail, plusieurs organisations syndicales ayant manifesté leurs réserves, voire leur hostilité. Combiné avec une croissance nulle, qui nous prive de « grain à moudre », tout cela rend difficile les relations dans le monde du travail et la conclusion d’accords entre les organisations syndicales et l’employeur.

C’est pourquoi il me semble nécessaire que la loi fixe des garanties minimales en faveur du salarié, qui doivent orienter les relations du travail et témoigner qu’il y a un lien entre la démocratie sociale et la démocratie représentative. Notre rôle ne se limite pas au constat ou à l’incitation : nous devons poser des bornes.

Nous devons tous nous souvenir du mot de Lacordaire : « Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit. »

Tel est, mes chers collègues, monsieur le ministre, l’esprit de cet amendement selon lequel l’accord ou la proposition ne pourront « prévoir de contreparties inférieures au doublement de la rémunération normalement due pour une durée équivalente, ainsi qu’un repos compensateur équivalent en temps. » Il est d’autant plus nécessaire que la loi prévoie des garanties minimales en matière de compensation que le rapport entre l’employeur et le salarié est par nature asymétrique. C’est le rôle du législateur de prévoir un minimum de contreparties au profit du salarié dans le cadre de l’extension des cas d’autorisation d’ouverture le dimanche.

M. le président. La parole est à M. Laurent Baumel, pour soutenir l’amendement n2749.

M. Laurent Baumel. Par cet amendement, nous vous proposons de garantir par la loi une rémunération minimale égale à deux fois la rémunération normale pour les salariés privés de repos dominical, à l’exception des entreprises de moins de onze salariés dans les zones touristiques.

Une telle disposition présente l’avantage d’être d’une grande simplicité théorique tout en ayant une grande force politique.

Notre rapporteur s’est étonné hier de la propension de certains d’entre nous à mobiliser des considérations philosophiques à propos d’un texte qui n’est finalement qu’une somme d’ajustements microéconomiques.

J’espère que Richard Ferrand me pardonnera quitter les eaux glacées de la pensée technique pour répéter qu’à travers ce type d’amendement, nous faisons un acte de foi dans la loi et ses vertus.

Cet acte de foi renvoie d’abord à notre profonde croyance en une tradition républicaine qui consiste à penser que la loi, le législateur, a un rôle à jouer dans la République pour ordonner la société et empêcher que les rapports sociaux ne se réduisent à l’expression des rapports de forces et des inégalités individuelles initiales au sein du système économique.

Nous l’avons dit hier, c’est également un acte de foi en une certaine tradition social-démocrate, que nous partageons, selon laquelle il revient au législateur issu du suffrage universel – et, en particulier, à des majorités de gauche – d’inscrire dans la loi des garanties et des protections afin que le rapport de forces inégalitaire et l’asymétrie entre les employeurs et les salariés soient compensés par des règles constituant autant de points d’appuis, y compris pour les négociations sociales et salariales que vous voulez engager.

En acceptant cet amendement, en tant que législateurs, nous reconnaîtrons d’abord clairement le préjudice personnel et familial que nous imposons à des salariés en les obligeant à travailler le dimanche puisque la compensation salariale sera explicitement prévue dans la loi par le législateur.

De surcroît – je m’adresse là, également, à tous mes collègues socialistes qui ont fait des efforts pour atténuer les rigueurs ou les aspects négatifs voire nocifs de cette loi – nous pouvons ainsi non pas seulement nous inscrire dans la logique du moindre mal ou d’une atténuation, mais inscrire dans la loi un progrès social pour l’ensemble des salariés, ceux qui demain travailleront le dimanche et ceux dont c’est déjà le cas.

Monsieur le ministre, en vous écoutant hier répondre longuement à Benoît Hamon, entre autres, vous engluant quelque peu dans un long argumentaire destiné à démontrer que la loi n’était pas efficace, je me suis souvenu d’un grand ouvrage de sociologie, Deux siècles de rhétorique réactionnaire, dans lequel l’auteur, Albert Hirschman, explique que même les réformateurs, et vous en êtes un, même les progressistes, et vous en êtes un, peuvent être parfois amenés à utiliser une rhétorique réactionnaire dont le but est de démontrer que les intentions généreuses des législateurs ont des effets pervers, la loi censée protéger les plus faibles aboutissant en fait à les léser.

Je vous mets en garde contre ce genre de propos et de réflexions. Je fais quant à moi partie de ceux qui continuent de penser que, même si une loi peut en effet avoir des effets imprévisibles, elle reste un élément protecteur et positif pour aider ceux qui, plongés dans les rapports de force spontanés de la société et de l’économie de marché, risquent demain d’être contraints à accepter des choses qui ne résultent pas de leur libre choix et de leur volonté.

Puisque mon temps de parole est compté et que je ne sais pas si j’aurai l’occasion de m’exprimer plus tard dans ce débat, j’en profite pour vous dire, comme d’autres collègues l’ont fait hier soir, monsieur le ministre, que le temps presse pour trouver les compromis nécessaires.

Vous avez passé beaucoup de temps sur ce banc, depuis plusieurs semaines, pour défendre avec ardeur et passion votre loi. Nous sentons que vous tenez beaucoup à tout ce qu’elle apporte à vos yeux dans le domaine des professions réglementées – je ne partage d’ailleurs pas forcément ce sentiment, mais c’est évidemment votre droit.

Peut-être que je me trompe mais je vous sens un peu moins attaché à ses aspects concernant le travail dominical, qui embarrassent votre majorité, qui créent de véritables problèmes et bien au-delà de ceux que l’on appelle parfois improprement les frondeurs.

Avec ce type d’amendement, vous avez l’occasion de faire un véritable geste politique avant mardi prochain, tout comme lorsque nous discuterons de l’article 80 et que nous vous proposerons un amendement visant à maintenir les cinq dimanches et à ne pas étendre le travail dominical. Je vous suggère d’y réfléchir sérieusement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Richard Ferrand, rapporteur général de la commission spéciale. Monsieur Baumel, je ne suis jamais étonné que l’on fasse référence à des penseurs, à des philosophes pendant nos débats.

Si je n’ai pas eu quant à moi l’impression de me baigner dans les eaux glacées de la technique, j’ai en revanche l’impression que vous, lorsque vous abordez le projet de loi, vous n’êtes pas frappé par la grâce de la Saint-Valentin ! Je vous sens à ce propos beaucoup plus réservé ! (Sourires)

En tout cas, je tiens à préciser que personne, ici, n’a le sentiment de travailler à atténuer quelque dispositif que ce soit ou à œuvrer simplement dans le sens du moindre mal : l’enjeu de cette loi, y compris des dispositions que nous analysons, c’est au contraire la volonté de faire mieux et plus au service de nos concitoyens. Nous n’allons donc pas nous en excuser !

Vous dites également qu’il conviendrait de trouver les moyens de s’entendre sur ceci ou sur cela. Dans ce cas, mieux vaudrait éviter de considérer que les uns ou les autres s’englueraient dans leur argumentaire lorsqu’ils vous répondent – si on ne vous répondait pas, on nous ferait sans doute le coup du mépris – et que la rhétorique serait réactionnaire.

Encore une fois, on ne peut se maintenir dans une position acerbe et penser que cela suffit à conforter des arguments visant à revenir sur ce que nous estimons être un point positif et que la commission spéciale a de surcroît très largement approuvé.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur thématique.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Nous avons déjà eu l’occasion d’aborder longuement le sujet de la nécessité des compensations, dont nous sommes tous convaincus : les salariés privés de repos dominical doivent bénéficier de compensations.

Je m’en tiendrai quant à moi à une explication technique sur les amendements qui viennent d’être défendus.

Cela a été dit, même si certains commerces pourraient doubler, tripler et pourquoi pas – on peut toujours se faire plaisir – quadrupler les salaires des travailleurs dominicaux, inscrire une telle mesure dans la loi – alors que nous souhaitons renvoyer cette équation au dialogue social et aux partenaires sociaux – pourrait créer des problèmes pour les petits commerces qui ne pourraient pas appliquer cette compensation.

Je rappelle de surcroît qu’à l’origine, des seuils avaient été inscrits dans le projet de loi mais qu’ils ont été rejetés par le Conseil d’État.

Nous devrons continuer à débattre, c’est vrai, trouver la voie d’un accord entre nous et chacun devra y contribuer dans le respect des sensibilités des uns et des autres en la matière.

Avis défavorable à ces amendements dont l’adoption aurait pour conséquence de mettre en difficulté certains commerces.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Nous avons longuement débattu de cette question sur un plan technique. Je remercie M. Vercamer d’avoir entendu sinon nos arguments du moins ceux de son collègue, M. Fromantin.

Le doublement systématique de la rémunération, ou le doublement au-dessus d’un seuil, reviendrait à coup sûr à sanctionner les petits commerces et certaines branches, qui ne pourront pas procéder à ce doublement alors que d’autres le feront. Nous serions alors dans une situation qui est d’ailleurs le droit existant dans les PUCE en absence d’accord.

Monsieur Baumel, nous avons réfléchi à la possibilité de réintroduire un seuil et au niveau de compensation qui serait raisonnable au-dessus de ce seuil. Mais, là encore, ce serait créer des effets de bord et des inégalités entre les différentes catégories d’entreprises, les unes pouvant payer double, les autres non. Telle est la situation ! Techniquement, ce n’est donc pas une bonne solution. Nous en avons longuement débattu en commission spéciale et dans tous nos travaux préparatoires.

Je finirai par deux remarques et deux clarifications suite à votre propos.

D’abord, cela a été dit et répété hier : tout le monde ne subit pas le travail dominical – et en général, d’ailleurs, tout le monde ne subit pas le travail tout court. Nous avons beaucoup parlé, et c’est normal, de protéger celles et ceux pour qui le travail dominical serait subi, mais cela ne couvre pas 100 % des cas.

Je tiens à le rappeler car, dans votre champ lexical, vous assimilez forcément le travail dominical, et peut-être même le travail en général, à quelque chose que l’on subit. Dans certains cas, c’est vrai et il faut protéger ceux qui sont dans cette situation, mais travailler le dimanche peut aussi être un choix. Les hôteliers, les restaurateurs choisissent d’ouvrir le dimanche !

M. Gérard Sebaoun. Ce que vous dites est scandaleux !

M. Emmanuel Macron, ministre. Je suis désolé, mais c’est la réalité de la société dans laquelle nous vivons !

Il est normal, nous en avons beaucoup parlé, de protéger ceux dont la situation est la plus difficile mais, dans certains cas, travailler le dimanche est un choix. Ce travail-là n’est pas 100 % subi ! Je regrette mais se serait se mentir que de dire le contraire !

Au-delà, monsieur le député, puisque vous m’avez rendu grâce d’avoir été très présent sur ce banc et en commission spéciale, j’ai toujours fait preuve de conviction.

Aujourd’hui, les Français attendent que, sur le fond, nous trouvions les bons compromis. Je ne cherche donc pas des compromis politiques pour rallier des voix ou que sais-je. Je cherche des compromis cohérents avec la pensée qui inspire ce texte et correspond à la volonté du Gouvernement, à la bonne volonté dont nous avons tous fait preuve.

Je suis désolé, mais je ne suis pas ouvert à des compromis de façade destinés à justifier le vote sur un texte. Ce n’est pas ainsi que je considère le dialogue politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Hetzel. Bravo ! Excellent !

M. Emmanuel Macron, ministre. J’ai entendu, en creux, les menaces que vous avez proférées. Je regrette, mais les compromis ne peuvent être que sur le fond, lorsque l’on essaie de résoudre les problèmes réels que connaissent nos concitoyens, comme nous l’avons fait en matière de logement et dans bien d’autres domaines.

Il ne peut pas être question de compromis pour nous mettre d’accord au sein de nos propres représentations. En tout cas, ce n’est pas l’idée que je me suis fait, sinon je n’aurais pas passé autant de temps ici et j’aurais essayé de trouver par ailleurs des compromis avec les uns et les autres, sur tous les bancs, pour essayer de parvenir à un accord sur ce texte. Je n’ai jamais cherché à pratiquer cette méthode-là, non, monsieur le député, jamais.

M. Christian Paul. C’est la pensée verticale !

M. Emmanuel Macron, ministre. Non, la réponse n’est pas verticale. Il est vrai que depuis hier vous intervenez sous une forme de verticalité, mais je ne la partage pas. Nous avons mené un dialogue de fond, nous avons une méthode, une conviction profonde que l’on peut ne pas partager. On peut avoir des désaccords – c’est cela également, la vie politique – mais chercher à faire des compromis qui ne sont pas conformes à la réalité et à la cohérence d’un texte, d’une pensée, à ce que nos concitoyens attendent de nous, ce n’est pas l’idée que je me fais de la politique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Caullet.

M. Jean-Yves Caullet. Monsieur Baumel, même si, personnellement, je n’abuse pas des actes de foi, nous avons des convictions : il ne faudrait pas laisser croire que notre débat opposerait ceux qui auraient des convictions à ceux qui s’abandonneraient à un pragmatisme mou. Moi, j’ai une conviction : il n’y a aucune fatalité à ce que le dialogue social échoue.

J’ai écouté notre collègue Laurent dire que, lorsque la situation économique est difficile, le dialogue social donne peu de résultats. Mais alors, lorsque la première est facile, le second n’est pas franchement indispensable, tout va bien ! Moi, je pense que, dans notre pays, le dialogue social doit être armé.

Il faut dire aux salariés que nous leur donnons la main avec la condition suivante : pas d’accord, pas d’ouverture. Ce faisant, nous renforçons les conditions de l’organisation de ce dialogue, nous renforçons la présence syndicale dans les entreprises et nous donnons vraiment une chance à ce projet qui, en effet, est social-démocrate mais dont la réussite suppose une force et une organisation du salariat pour qu’il puisse défendre ses intérêts – et il les défendra toujours mieux que les lois les plus protectrices que nous pourrions imaginer dans le détail ici. La loi est faite pour protéger dans les grandes lignes,…

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est curieux d’entendre dire cela !

M. Jean-Yves Caullet. …pour garantir les droits fondamentaux et non pour se substituer à des salariés et des citoyens responsables qui doivent avoir les moyens de négocier.

M. le président. La parole est à M. Pouria Amirshahi.

M. Pouria Amirshahi. Monsieur le ministre, vous l’avez dit vous-même, comme plusieurs membres du Gouvernement, et comme tout le monde ici, ou presque : travailler le dimanche n’est pas anodin. Ce n’est pas neutre.

On pourra toujours trouver des exemples de personnes ayant choisi de travailler le dimanche mais, pour des millions d’hommes et de femmes, c’est là une nécessité, et non un choix. Je ne veux pas verser ici dans un misérabilisme social que l’on pourrait taxer de rhétorique, mais il existe aujourd’hui un travail subi : c’est le cas non seulement du travail le dimanche, mais aussi du travail de nuit, et bientôt du travail en soirée – j’ai déjà exprimé mes réserves, et même mon opposition à cette disposition.

C’est parce que vous êtes tout à fait conscient que le sujet n’est pas anodin que vous avez parlé, monsieur le ministre – comme Marisol Touraine, me semble-t-il – de le payer double.

M. Emmanuel Macron, ministre. En effet !

M. Pouria Amirshahi. Et ce n’est pas un hasard si vous avez vous-même proposé, dans les débats préparatoires, de le payer double : c’est parce que vous avez conscience qu’il faut accorder des compensations en échange de ce qui est subi.

M. Emmanuel Macron, ministre. C’est précisément ce que je viens de dire !

M. Pouria Amirshahi. Je veux bien que l’on continue à nous donner des exemples de personnes qui souhaitent vraiment travailler le dimanche pour des questions d’aménagement de temps de vie. Olivier Faure l’a fait hier, et je sais que les personnes dont il parle sont bien réelles et qu’il les a vues. Mais, globalement et massivement, ce n’est pas de cela que l’on parle : on parle de millions d’hommes et de femmes qu’il s’agit de protéger par la loi, car tel est l’objet du droit du travail.

Comme le disait Lacordaire, entre le fort et le faible, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit. C’est la loi qui qui protège. Nous n’avons pas à faire prévaloir la liberté de certains entrepreneurs ou commerçants de détail, même si nous pouvons comprendre leurs contraintes. Nous devons protéger celles et ceux qui subissent ces nouvelles contraintes économiques, au prix parfois d’expériences de vie douloureuses.

Vous avez émis l’idée, hier et ce matin, que la fixation de seuils poserait un problème de faisabilité et pénaliserait sans doute les petites entreprises. À cela, je vous répondrai que, a contrario, ne pas en fixer, c’est créer un effet d’aubaine pour les très grandes. C’est un problème pour les millions d’hommes et de femmes qui se trouvent dans une situation où le rapport de force n’est pas en leur faveur. J’entends ce que vous dites sur la priorité donnée au dialogue social, mais il faut être lucide : chacun sait bien que les salariés, même lorsqu’ils sont membres actifs d’une organisation syndicale, ont les plus grandes difficultés aujourd’hui à se faire entendre, à se faire respecter, et même seulement à imposer un dialogue social.

Regardez ce qu’il en est du pacte de responsabilité : très peu d’accords ont été conclus – vous l’avez vous-même noté et déploré – du fait de cette incapacité à dialoguer et du manque de bonne volonté d’une partie du patronat français. Il faut être réaliste, pragmatique et tenir compte de cette réalité. C’est pourquoi il faut donner aux salariés, par la loi, les protections nécessaires.

Par ailleurs, vous avez justifié votre choix de ne pas fixer un seuil minimal ou un doublement de salaire en cas de travail le dimanche en renvoyant cette décision à des négociations collectives. Mais alors, rien ne change par rapport à la situation actuelle, car la loi, aujourd’hui, ne prévoit aucune obligation, sauf exception expressément prévue par la loi – car l’esprit législatif français est ainsi fait. Et les augmentations de salaire, quel que soit d’ailleurs le seuil de cette augmentation, se décident déjà par la convention collective. Vous étendez certes son champ, puisque vous prévoyez un accord de branche, d’entreprise, ou de territoire, mais en réalité, le principe reste le même. Vous ne donnez aucune garantie a priori, renvoyant la possibilité d’une augmentation significative à un accord entre partenaires sociaux, dont j’ai montré combien son succès est douteux.

J’en arrive enfin, monsieur le ministre, à la réponse que vous avez faite à Laurent Baumel sur l’esprit général de notre discussion. Il est vrai que les parlementaires, aussi bien en commission spéciale qu’en séance, ont pu dialoguer avec vous, et nous continuons à le faire aujourd’hui. Cela dit, ce n’est pas avant le débat parlementaire qu’il faut trouver un compromis, c’est jusqu’au bout qu’il faut essayer de le trouver. Lorsque nous avons eu des désaccords, au sujet par exemple du CICE, du pacte de responsabilité ou lors des débats budgétaires, nous avons toujours cherché des compromis. S’agissant de votre loi, vous savez quels sont nos points de désaccord : nous les avons identifiés et formulés. Si nous en restons là, en considérant que les compromis ont été faits, parce que vous décrétez les avoir faits ou parce que vous considérez avoir donné toutes les contreparties possibles aux législateurs dans la discussion, alors notre débat n’est que rhétorique et formel !

M. Patrick Hetzel. On se croirait à une réunion du parti socialiste !

M. Pouria Amirshahi. Or j’ai pour ma part une autre opinion de l’Assemblée nationale et du dialogue démocratique, et je considère que les compromis ne peuvent pas être trouvés avant que nous soyons nous-mêmes allés au bout de notre discussion collective.

M. le président. La parole est à M. Daniel Goldberg.

M. Daniel Goldberg. La question qui se pose est celle du dialogue social et de la manière dont nous l’encadrons. À d’autres moments de notre vie politique, et particulièrement quand la gauche de l’hémicycle était majoritaire, nous avons poussé au dialogue social. Je pense notamment au moment où nous avons voté la réduction du temps de travail, sous le gouvernement de Lionel Jospin. Mais, à ce moment-là, la loi a encadré les conditions du dialogue social, et nous n’avons pas laissé les salariés et les employeurs négocier sans base de négociation.

J’entends, monsieur le ministre, l’argument selon lequel on ne peut pas imposer une règle qui ne tienne pas compte de la diversité des entreprises. Mais, en ne donnant aucune base de négociation, nous laissons les plus faibles, aussi bien dans les territoires, dans les entreprises que dans les branches, négocier au plus bas niveau possible pour eux. Ils n’obtiendront pas plus !

Ensuite, bien souvent, les salariés qui travaillent le dimanche ne sont pas exactement les mêmes que ceux qui travaillent la semaine. Ils sont en plus grande situation de précarité : les étudiants, ou les salariés que notre ami et collègue Olivier Faure évoquait hier, sont contraints de travailler plus pour gagner plus. Car tel est bien le fond du débat, telle est bien la rhétorique que, pour ma part, je refuse, si elle est sans borne et sans limite : ce « travailler plus pour gagner plus », sur lequel le pays a longuement débattu en 2007.

M. Patrick Hetzel. C’est pourtant intéressant !

M. Daniel Goldberg. Enfin, je vous parle, comme député, d’une vieille tradition politique qui remonte à des années et qui veut que, à chaque fois que des acquis sociaux sont en jeu, nous agissions dans le sens du progrès, tout en protégeant. C’est cette vieille tradition politique, dont nous sommes tous les représentants de ce côté-ci de l’hémicycle, qui doit être protégée aujourd’hui. Et je pense que si nous n’allons pas dans le sens des amendements qui ont été proposés, nous risquons de la mettre à mal.

M. Pouria Amirshahi. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Monsieur le ministre, s’agissant des compensations salariales, comme du nombre de dimanches travaillés, dont il sera question à l’article 80, personne n’a invité à un marchandage. Mais souffrez que nous ayons – comme vous, sans doute – de la démocratie, une conception élevée. Or cette conception élevée de la démocratie s’accommode mal, même si vous le faites, il est vrai, avec beaucoup de courtoisie, de disponibilité et de sourires,…

M. Gérard Cherpion. Et d’intelligence !

M. Christian Paul. ...d’une approche et de certitudes verticales, et d’une pensée unique qui, dans beaucoup de domaines, a causé quelques dégâts à la démocratie. Je nous invite donc à garder une capacité de dialogue, y compris pour faire avancer ce débat.

Monsieur Ferrand, tout n’a pas été réglé en commission spéciale. Vous y étiez, mais je n’y étais pas, comme d’autres de mes collègues – la commission a d’ailleurs été composée à dessein. Je ne crois pas que l’on puisse considérer que ce qui se joue dans cet hémicycle est une recherche indigne de compromis.

M. Patrick Hetzel. C’est le grand déballage, ce matin ! C’est hallucinant !

M. Christian Paul. Je le dirai, non seulement pour la démocratie politique, mais également pour la démocratie sociale. Cette législature a affiché, à ses débuts, une haute ambition en matière de démocratie sociale, avec des conférences sociales qui recherchaient un compromis historique pour le redressement du pays. Nous aurions aimé que la loi que vous venez présenter devant nous aujourd’hui soit le produit de la démocratie sociale, de ces conférences sociales qui, aujourd’hui, sont en panne totale. Nous aurions aimé que soient consultées plusieurs des grandes organisations syndicales dont vous avez parlé hier non pas avec mépris, car ce n’est pas dans votre nature, mais, disons, avec un peu de facilité, en disant qu’elles étaient incapables d’accompagner le changement et de trouver des compromis.

M. Emmanuel Macron, ministre. Je n’ai jamais dit cela !

M. Christian Paul. Si, vous l’avez dit de Force Ouvrière, qui s’est exprimée très clairement hier matin encore sur la question du travail du dimanche. Force Ouvrière est capable de faire des compromis, tout comme la CGT, dans des branches, dans des entreprises et, pourquoi pas, dans des accords nationaux. Nous avons besoin de retrouver le chemin de la démocratie sociale, dont nous avons quelques difficultés ces temps-ci, et notamment sur ce texte, à trouver les bénéfices.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Vous ne pouvez pas prétendre, monsieur Paul, que j’ai tenu de tels propos au sujet de ces organisations syndicales. J’ai rappelé hier le cadre dans lequel nous nous inscrivons : certaines dispositions relèvent de l’article L.1 du code du travail, qui impose une négociation préalable entre partenaires sociaux avant de légiférer. J’ai indiqué que ce n’est pas le cas du travail dominical.

M. Christian Paul. Vous êtes allé plus loin, monsieur le ministre !

M. Emmanuel Macron, ministre. Non, et je n’ai jamais manqué de considération pour ces organisations, dans aucune de mes fonctions et dans aucun de mes propos. Et si vous laissiez entendre cela, ce serait à la fois malhonnête de votre part et dangereux pour notre débat. Je tenais à faire cette rectification, car je sais que vous êtes attaché à la vérité des débats.

M. Christian Paul. Je vous renvoie au compte rendu !

M. Emmanuel Macron, ministre. Je n’ai jamais parlé d’incapacité, au contraire.

M. Christian Paul. Personne n’est malhonnête ici !

M. Emmanuel Macron, ministre. C’est précisément pourquoi je ne voudrais pas qu’il y ait des propos rapportés à tort ou des intentions cachées. Je le répète explicitement : je considère que le dialogue social et le rôle que jouent les confédérations syndicales sont essentiels pour notre démocratie et notre démocratie sociale.

Pour revenir à votre intervention, il me semble que vous ne prenez pas en compte l’apport majeur de ce texte. Je ne peux pas vous laisser dire que l’on continue finalement comme avant. La grande différence, c’est qu’en l’absence d’accord, il n’y aura pas d’ouverture. Par ce texte, nous donnons aux partenaires sociaux un pouvoir qu’ils n’ont jamais eu sur ce sujet, puisqu’ils peuvent désormais bloquer l’ouverture du dimanche. S’il n’y a pas d’accord, il n’y a pas d’ouverture.

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Voilà !

M. Emmanuel Macron, ministre. Et la possibilité qu’il n’y ait pas d’accord est réelle : je vous renvoie à ce que nombre d’enseignes nous disent, et à ce que nous avons vécu sur le travail à temps partiel. Nous avons laissé aux branches six mois, puis un an, pour négocier des accords sur le temps partiel, et elles n’ont parfois pas réussi à aller au bout de la négociation.

Il y a fort à parier que des branches ou des entreprises échoueront si le dialogue social n’est pas pris en compte. C’est la raison pour laquelle je ne vous rejoins pas sur l’idée d’inscrire dans la loi un plancher en matière de compensation salariale. D’abord, nous n’avons jamais indiqué un plancher en cas de négociation ; nous l’avons fait pour le cas où la négociation échouerait – c’était le cas pour les PUCE, car si vous écrivez « en cas de négociation », vous créez immanquablement une référence. Or aujourd’hui, dans les PUCE ou dans les zones de travail du dimanche du maire, le référentiel de négociation est plutôt le doublement du salaire qu’une augmentation de 30 ou 40 %. Et des branches ont réussi à négocier 30 ou 40 % d’augmentation.

J’essaie, depuis hier, de vous expliquer pourquoi votre proposition présente un risque. Ce texte est le fruit d’une coproduction, non seulement avec les parlementaires, en commission spéciale et en séance, mais aussi avec les partenaires sociaux. Or notre position initiale correspond exactement à ce que propose votre amendement : il n’y a donc aucun refus de compromis de ma part. Il se trouve seulement que votre amendement correspond exactement à la copie initiale du Gouvernement, et que si nous avons changé de position, c’est précisément parce que nous avons compris, en échangeant, en regardant ce qui se passe sur les territoires, que ce dispositif serait inopérant.

Nous introduisons la possibilité, si aucun accord n’est trouvé, de ne pas ouvrir les commerces le dimanche : c’est là le rôle le plus essentiel que vous pouvez donner aux partenaires sociaux. Il est nettement supérieur à tout le reste, nettement supérieur à une compensation que vous fixeriez par la loi. Cette conclusion est le fruit d’un long travail,…

M. Laurent Baumel. À quoi ça sert qu’il y ait des députés ? Nous sommes les élus du peuple !

M. Emmanuel Macron, ministre. …un travail avec les élus du peuple, monsieur le député ! Mais vous n’avez pas le monopole de la représentation nationale non plus ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Je ne suis pas d’accord avec votre amendement par verticalité. Et j’ai même l’honnêteté de vous dire que c’était l’idée que nous défendions au début.

M. Laurent Baumel. Vous avez raison sur tout !

M. Emmanuel Macron, ministre. Non, je n’ai pas raison sur tout, puisque j’ai plusieurs fois changé d’avis. En l’espèce, ce n’était pas mon idée au début. Mais celle que nous défendons maintenant est plus puissante pour le dialogue social que l’idée initiale, parce que s’il n’y a pas d’accord, il n’y a pas d’ouverture, et ce rôle-là, on ne l’a jamais donné aux partenaires sociaux.

Monsieur Paul, il y a les déclarations d’amour et les preuves d’amour ; ça c’est une preuve d’amour pour le dialogue social. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

M. Francis Vercamer. Le jour de la Saint-Valentin, ça tombe à pic !

M. le président. La parole est à M. Mathieu Hanotin.

M. Mathieu Hanotin. Je serai bref, car le temps court pour tout le monde. Sans revenir sur les déclarations précédentes, je voudrais donner un exemple très concret qui m’incite à penser que nous n’avons pas trouvé la bonne formule sur cette question des compensations. Les salariés les mieux traités parmi ceux qui travaillent le dimanche sont ceux qui sont dans une situation d’illégalité de fait parce que le magasin Castorama ou Bricorama pour lequel ils travaillent a fait le choix d’ouvrir le dimanche. De ce fait, un rapport de force inhérent à leur position leur a permis de trouver un consensus autour du doublement du salaire.

Comme Olivier Faure, j’ai rencontré des étudiants qui travaillent au Castorama de Villetaneuse. Ils expliquent que c’est une vraie solution pour eux dès lors que le salaire est doublé. Et si tel n’est pas le cas, le travail le dimanche perdra tout intérêt pour ces personnes. C’est pour cela que nous ne sommes pas encore au rendez-vous.

Peut-être pouvons-nous trouver d’autres solutions ? Daniel Goldberg nous invitait à mieux encadrer, pourquoi ne pas imaginer que la négociation se fasse avec un seuil minimum ? Nous pourrions prévoir que lorsque l’on travaille le dimanche, on ne peut pas être payé moins d’un certain pourcentage. Nous devons tendre vers ce type de solutions.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Pas d’accord, pas d’ouverture !

M. le président. La parole est à M. Olivier Faure.

M. Olivier Faure. Nos collègues de l’opposition ont beaucoup de chance aujourd’hui, puisqu’ils assistent en direct à un Conseil national du Parti socialiste ! Ils peuvent apprécier notre diversité et notre capacité à échanger…

M. Christian Paul. C’est ridicule !

M. Jean-Frédéric Poisson. On peut cotiser ?

M. Olivier Faure. Je ne vous demande pas de cotiser, je vous dis simplement que vous avez la chance de voir que nous pouvons nous parler et interpréter une vieille tradition qui nous est commune. Je voudrais donc répondre à mes collègues et camarades qui viennent de s’exprimer.

Nous nous posons tous la même question : comment faire avancer le droit des salariés tout en répondant aux besoins de croissance et d’emploi ? J’ai écouté le ministre et j’ai lu ses propositions. Qui peut dire aujourd’hui que, pour les 600 zones touristiques dans lesquelles il n’existe aucune compensation à ce jour, ce texte marque un recul ?

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Personne !

M. Olivier Faure. L’évidence, c’est que nous opérons une avancée, puisque le principe a été rappelé à de multiples reprises : pas d’accord, pas de travail dominical. Ensuite, il faut savoir comment parvenir à cet accord. Une façon de le faire est d’imposer par la loi une solution uniforme, mais nous nous heurtons à des situations très diverses.

On a parlé à plusieurs reprises de la région parisienne, de Paris et des zones touristiques internationales, des zones où l’on trouve des magasins et des grandes enseignes qui ont la capacité de compenser largement. Mais puisque c’est la pleine saison, nous pourrions aussi parler des stations de sports d’hiver, des petits magasins qui louent du matériel, de ceux qui ouvrent leur tabac samedis et dimanches compris pendant cette période saisonnière et qui n’ont aucune possibilité d’aller beaucoup plus loin que ce qu’ils font déjà.

Nous sommes donc dans une situation où des gens ont besoin de travailler, et certains magasins ne peuvent pas aller très au-delà de ce qu’ils font aujourd’hui. Faisons donc attention à ne pas déséquilibrer complètement un écosystème qui fonctionne déjà.

En cela, nos philosophies diffèrent. Le principe de la négociation inscrit dans la loi est un levier puissant pour renforcer les organisations syndicales : il leur offre la capacité de montrer leur utilité, de s’imposer comme un interlocuteur systématique de ces patrons, petits et grands, et de venir s’implanter dans des endroits où, jusqu’ici, ils n’avaient pas droit de cité.

Depuis le début de ce débat, certains disent qu’il faut imposer un plancher qui jouera le rôle de filet de sécurité. Mais certains planchers peuvent devenir des plafonds. Quand on inscrit dans la loi le montant de la compensation minimale, on court le risque que tout le monde s’aligne sur celle-ci. Or les salariés qui ont déjà obtenu un accord plus favorable aujourd’hui, et qui savent que leur entreprise peut l’assumer, n’accepteront pas un accord moins-disant.

Nous avons donc une solution qui renforce le dialogue social, qui s’adapte à la diversité des entreprises et qui préserve les droits des salariés acquis par la négociation ; ils ne les perdront pas avec le vote de cette loi.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Je vous remercie de nous avoir invités au congrès du PS ! Même si je n’ai pas ma carte, je vais quand même m’exprimer. La dernière intervention était très intéressante. En effet, certains métiers ont déjà des conventions collectives qui prennent en compte le travail du dimanche, parce que celui-ci est quasiment une obligation pour eux – je pense aux métiers de l’audiovisuel. Pour les 25 % de Français qui travaillent déjà le dimanche, il existe déjà des mesures de compensation, qu’elles soient salariales ou qu’elles se traduisent par des jours de congé supplémentaires ou une retraite plus favorable.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’ai retiré mon amendement tout à l’heure : en fixant un autre seuil, nous risquons de déstabiliser tout ce qui existait avant et d’inciter l’employeur à retirer tous les autres avantages.

Mais certaines branches ne fonctionnent pas aujourd’hui. Nous avons évoqué ce problème avec le ministre du travail à plusieurs reprises : il y a énormément de conventions collectives, mais très peu vivent. Certaines n’existent plus. J’ai défendu plusieurs amendements, et Hervé Morin aussi, pour opérer le toilettage de ces branches qui ne fonctionnent pas et comptent parfois très peu de salariés – qui peuvent d’ailleurs être concernés par le travail du dimanche, comme les pilotes de ligne.

Comme cela va-t-il fonctionner ? Vous dites que s’il n’y a pas d’accord, il n’y aura pas de travail du dimanche. Mais pour ceux qui travaillent déjà le dimanche sans qu’il y ait un accord, que va-t-il se passer ? Faudra-t-il qu’ils arrêtent de travailler le dimanche ? Leur activité va-t-elle s’arrêter ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Monsieur Vercamer, les accords peuvent être négociés à trois niveaux : la branche, l’entreprise et le territoire. Si la négociation dysfonctionne au niveau de la branche, l’entreprise ou le territoire est une possibilité. Les accords de territoire commencent à exister. Il n’y a donc pas de blocage complet, mais c’est une incitation forte à ce que les accords de branche fonctionnent mieux.

Pour ceux qui sont déjà ouverts le dimanche, un délai de transition est prévu. Il est de trois ans dans le texte initial, et certains amendements proposent de le ramener à deux ans. En tout cas, un délai raisonnable est prévu pour permettre de passer les accords. Mais lorsqu’il y a une incapacité à négocier proprement, il est possible de se retrouver dans des situations de blocage. C’est toute la force du dispositif que nous prévoyons : la responsabilité implique que l’on sache trouver des accords, et donc les compensations.

M. Francis Vercamer. Je voulais vous aider à faire la synthèse socialiste !

M. Bruno Le Roux. Nous n’avons pas besoin d’aide pour cela !

(L’amendement n2195 n’est pas adopté.)

(L’amendement n2749 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Travert, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement n1427.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Amendement rédactionnel.

(L’amendement n1427, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Sirugue, pour soutenir l’amendement n2239.

M. Christophe Sirugue. Il s’agit de la prise en compte des contreparties pour les personnes qui seraient amenées à travailler le dimanche. Grâce à l’intervention de notre rapporteur thématique et du rapporteur général, des éléments ont déjà été ajoutés en commission spéciale pour tenir compte des incidences du travail dominical sur la vie personnelle et professionnelle, mais nous souhaiterions également que soit tenu compte de l’égalité professionnelle, qui est un enjeu important dans l’égalité entre les femmes et les hommes. C’est l’objet de cet amendement qui vous propose de prévoir que les contreparties devront également favoriser l’égalité professionnelle.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Comme le disait M. Sirugue, la commission spéciale a abordé ce sujet et nous avons trouvé des éléments pour porter les mesures destinées à faciliter la conciliation entre la vie personnelle et la vie professionnelle. Ces éléments répondent déjà largement aux objectifs de cet amendement.

Je suis plus sensible à l’amendement n2240 portant sur l’alinéa 7, que nous examinerons tout à l’heure, et qui précise ces mesures en indiquant qu’elles seront notamment destinées à permettre la compensation des frais de garde d’enfants et de traiter aussi l’égalité professionnelle. Je vous suggère donc de retirer cet amendement, qui sera satisfait si nous adoptons l’amendement n2240.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Christophe Sirugue.

M. Christophe Sirugue. Si l’on peut adopter l’amendement n2240, rien n’interdit d’inscrire dans la loi l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. Puisque cet amendement a été porté par la Délégation aux droits des femmes, je le maintiens.

(L’amendement n2239 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Travert, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement n2617 rectifié.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Cet amendement porte sur l’extension des contreparties salariales aux salariés des corners dans les grands magasins. En commission spéciale, nous nous sommes interrogés sur le statut de ces salariés. Un certain nombre de personnes que nous avons auditionnées dans le cadre de nos travaux préalables, et notamment les représentants d’organisations syndicales, nous ont indiqué que les contreparties sociales offertes par les grands magasins à leurs salariés travaillant le dimanche ne s’appliquaient par forcément au personnel des corners. Les salariés du grand magasin sont couverts par un accord, mais ceux des corners travaillent pour les marques et constituent un établissement même au sein du grand magasin. Ils sont donc exclus du champ d’application de l’accord.

Cet amendement a pour objet d’introduire de la justice dans le traitement des contreparties prévues en faveur des salariés des commerces situés dans les zones touristiques internationales, les zones touristiques ou les zones commerciales. Nous estimons que ces compensations doivent s’appliquer aussi à ces salariés qui ne sont pas directement salariés des grands magasins.

L’amendement ne concerne toutefois pas les activités qui ne sont pas strictement commerciales. L’ensemble des activités soumises à d’autres régimes dérogatoires, par exemple celles de gardiennage, de surveillance ou de nettoyage, continueront d’être régies par le droit commun – nous avons abordé ce sujet à de nombreuses reprises avec Mme Guittet. Je vous demande donc, au titre de la justice sociale, de voter cet amendement qui tend à instaurer les meilleures compensations, toujours dans le respect du dialogue social.

M. Richard Ferrand, rapporteur général et M. François Brottes, président de la commission spéciale. Très bien !

(L’amendement n2617 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Sirugue, pour soutenir l’amendement n2240.

M. Christophe Sirugue. Nous avons, en commission spéciale, adopté un amendement prévoyant que l’employeur pourra compenser les charges induites par la garde d’enfants pour le travail en soirée.

Le présent amendement a pour objectif de faire la même chose pour le travail dominical, c’est-à-dire qu’il y ait une compensation par l’employeur des charges induites par la garde des enfants afin de permettre un bon accompagnement des familles – monoparentales, mais pas uniquement – qui sont confrontées aux conséquences du travail dominical.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Imposer aux accords collectifs la définition des mesures de compensation des charges liées à la garde d’enfants : voilà un bon amendement ! Je suis bien évidemment d’accord avec celui-ci parce qu’il vise à apporter des précisions concernant le travail dominical similaires à celles que nous avons apportées en commission spéciale s’agissant du travail en soirée.

Simplement, la rédaction de l’amendement pourrait être améliorée car l’idéal serait de l’aligner sur celle prévue pour le travail en soirée ; mais nous pouvons tout à fait envisager de revoir cela au stade suivant de la navette parlementaire. Sous ces réserves, j’émets bien évidemment un avis favorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Favorable.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Je prends un instant pour me féliciter de cette avancée que j’avais proposée et qui correspond à mon souhait.

M. Jean-Yves Caullet. Merci !

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. J’ai un peu de mal à voir le cap du Gouvernement en la matière !

M. Jean-Frédéric Poisson. En effet !

M. Francis Vercamer. Il y a deux minutes, le ministre nous a expliqué qu’on ne pouvait pas prévoir le doublement de la rémunération parce qu’il fallait laisser les partenaires sociaux trouver un accord et, à l’amendement suivant, il est d’accord pour préciser dans la loi certaines compensations !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Cela n’a rien à voir !

M. Francis Vercamer. J’ai un peu de mal à comprendre ! Sur le fond, je n’y vois pas d’inconvénient : je n’ai pas d’opposition de principe ; mais que le ministre donne un avis favorable alors qu’il vient juste de nous expliquer qu’il ne fallait pas écrire de choses comme celles-là parce qu’il fallait laisser les partenaires sociaux discuter, je trouve que c’est quand même un peu limite !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. C’est pour les enfants : ce n’est pas pareil !

M. Jean-Frédéric Poisson. Allons donc ! Ce n’est pas pour les enfants : c’est pour du pognon !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Je veux clarifier ce point. Vous avez lu comme moi ledit amendement : il ne fait pas mention d’un montant, mais précise simplement ce qui n’est pas systématique. Or, comme vous le savez, ce n’est la tradition ni des accords d’entreprises ni des accords de branches que l’accord fixe précisément les contreparties mises en œuvre pour compenser les charges induites.

La loi, et c’est son rôle, fixe le principe : elle ne fixe pas le montant, elle ne fixe pas un pourcentage de compensation, mais elle fixe un principe, alors que ça n’est pas la tradition du dialogue social et que cela n’existe pas aujourd’hui dans le code. C’est donc un apport, qui est conforme à l’esprit de la discussion que nous avons depuis tout à l’heure : la loi fixe un cadre, mais ne surdétermine pas les conditions de la négociation.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Elle fixe la base !

M. Jean-Luc Laurent. C’est pour un congrès socialiste, ça !

(L’amendement n2240 est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l’amendement n3031.

Mme Sandrine Mazetier. Cet amendement soulève un problème lié à l’évolution des relations de travail dans le commerce : nombre de salariés travaillant dans des espaces commerciaux ne sont pas des salariés de l’enseigne dans laquelle ils évoluent. Il y a souvent des corners de marques employant des représentants permanents de ces marques, qui ne sont donc pas des salariés. Ainsi, chez Sephora, sur les Champs-Élysées, il n’y a pas que des salariés de Sephora – et il y a même fort à parier que, demain, il y aura tout sauf des salariés de Sephora ! Il en va de même pour les grands magasins.

Toutes les dispositions que nous venons d’évoquer à l’instant pour protéger les salariés du commerce ne vaudront que pour les salariés des enseignes commerciales, et pas pour les salariés ou les représentants des marques présentes dans ces magasins. C’est un phénomène majeur : énormément de personnes travaillent dans la grande distribution en étant salariées non par ces marques, mais par les marques des produits distribués.

Souhaitant que nous prenions cette question en considération, je propose que les conditions de compensation de rémunération et de repos compensateur, que nous avons prévues dans la loi, à juste titre, couvrent aussi les salariés des marques vendues.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. La première partie de l’amendement que vous proposez est satisfaite par celui que nous venons d’adopter, qui prévoit que les salariés des corners, donc des marques, bénéficient des compensations et, conformément à l’esprit du texte – pas d’accord, pas d’ouverture – soient totalement intégrés dans ce dispositif.

S’agissant de l’autre partie de votre amendement, j’ai expliqué pourquoi il n’était pas souhaitable d’appliquer les contreparties prévues à l’ensemble des salariés travaillant dans l’établissement, y compris les salariés exerçant des activités structurellement autorisées à recourir au travail dominical, comme les entreprises de nettoyage ou de gardiennage.

Il y a une différence à maintenir entre ces activités ; de plus, celles-ci sont couvertes par un autre régime qui permet, dans la négociation par branche, un certain nombre de compensations. Je souhaite donc que vous retiriez votre amendement, qui est en partie satisfait par celui que nous venons de voter.

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Je voudrais avoir la certitude que les compensations que nous avons prévues pour les salariés du commerce s’étendent bien aux personnes qui ne sont pas salariées de ce commerce.

Par ailleurs, on peut légitimement s’interroger sur l’extension de ces compensations aux activités induites par l’ouverture dominicale des commerces : après tout, il n’y pas de raison que le fait de faire le ménage le dimanche ne fasse pas l’objet d’une compensation équivalente à celle perçue par les personnes qui vendent le dimanche. Je maintiens donc cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. L’amendement des rapporteurs précédemment adopté permet de bien couvrir l’intégralité des commerces. Ainsi, dans un grand magasin, s’il y a un corner ou une petite enseigne, il n’est aujourd’hui pas couvert. Je veux donc insister sur ce point, car c’est un apport essentiel du texte. Cela explique également pourquoi le seuil de onze salariés que nous avions initialement prévu n’était pas pertinent.

M. Jean-Frédéric Poisson. Cela n’a rien à voir !

M. Emmanuel Macron, ministre. En fixant ce seuil à onze salariés, nombre de petits corners dans ces grands magasins ne seraient en effet pas couverts. Nous les rattrapons ainsi avec l’amendement des rapporteurs, qui les mentionne précisément. En revanche, et cela a déjà été évoqué, il existe une différence tenant à l’article L. 3132-12 du code du travail, qui est mentionné dans l’amendement des rapporteurs mais pas dans le vôtre.

Ainsi, les transporteurs ou la société de gardiennage qui viendraient travailler ne sont pas couverts, car ils relèvent de leurs accords de branches. Nous parlons en effet depuis le début dans ce texte de l’exception au repos dominical dans le commerce de détail, qui est aujourd’hui mal couvert, notamment dans les zones touristiques, avec pour conséquence l’absence d’ouverture.

Si, dans les autres branches, le travail dominical est déjà couvert par les accords de branche qui lui sont propres, il y a un ensemble vide, que vous avez très justement pointé en commission spéciale, pour le commerce, où beaucoup de structures ne sont couvertes ni par les accords de l’établissement ni par des accords de branche, et où n’existe aucune compensation. Il y sera désormais remédié.

Quant aux professions qui ne sont pas du commerce, elles relèvent de la convention de branche qui existe d’ores et déjà. Voilà la logique de ce texte. Votre proposition est donc satisfaite par l’amendement des rapporteurs.

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Je retire mon amendement.

(L’amendement n3031 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Travert, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement n1715 rectifié.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Il s’agit d’un amendement de précision.

(L’amendement n1715 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Travert, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement n1428.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Amendement rédactionnel.

(L’amendement n1428, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Travert, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement n2035.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Cet amendement vise à introduire une obligation de négociation d’accord de branche dans le commerce de détail pour organiser le recours au travail dominical dans les zones dérogatoires. C’est un amendement essentiel qui permet de comprendre pourquoi nous avons proposé de supprimer, à l’alinéa 6, la décision unilatérale de l’employeur pour les très petites entreprises. Nous considérons en effet qu’il convient, autant que faire se peut, de garantir que les petites entreprises seront bel et bien couvertes par un accord collectif.

C’est le sens du rétablissement de la procédure de mandatement ; c’est également le sens de cet amendement qui prévoit que, dans les six mois après l’entrée en vigueur de la loi, les branches du commerce de détail devront obligatoirement ouvrir des négociations sur l’organisation du travail dominical dans les zones dérogatoires et sur les contreparties qui seront bien évidemment accordées à ce titre à l’ensemble des salariés.

Cela devrait être de nature à garantir une couverture pour les petits commerces qui ne sont pas forcément aujourd’hui couverts par un accord d’entreprise ou d’établissement, et en l’absence de la conclusion d’un accord territorial. Vous le voyez, l’esprit de ce texte est toujours le même : pas d’accord, pas d’ouverture, et une extension de la négociation avec les partenaires sociaux pour garantir les compensations que nous souhaitons apporter aux salariés privés de repos dominical.

(L’amendement n2035, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 76, amendé, est adopté.)

Article 77

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n99.

M. Jean-Frédéric Poisson. Défendu.

(L’amendement n99, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Sur l’amendement n1035, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir cet amendement.

Mme Jacqueline Fraysse. L’article 77 porte sur les modalités de mise en œuvre du volontariat. Comme vous l’avez vous-même reconnu, monsieur le ministre, la réalité actuelle du volontariat est très controversée : celui-ci est en effet trop souvent une condition à l’embauche et à la pérennité de l’emploi d’un salarié. Cette situation se vérifie d’autant plus en période de chômage, évidemment, où la relation asymétrique entre l’employeur et l’employé pèse davantage encore en défaveur du salarié.

Pour que le volontariat ne constitue pas une condition d’embauche, comme le texte l’affirme d’ailleurs, par exemple à l’alinéa 8 de l’article 81 concernant le travail en soirée et de nuit, il nous paraît indispensable qu’il soit dissocié du contrat de travail. C’est pourquoi, par cet amendement, nous proposons deux choses : que le volontariat soit l’objet d’un accord écrit distinct du contrat de travail, et qu’il soit signé après la période d’essai du salarié.

En commission spéciale, M. le ministre s’est opposé à l’amendement, jugeant que le droit à la réversibilité répondait à mes préoccupations. Après avoir lu attentivement le dispositif, je considère qu’il n’en est rien. En effet, le processus de réversibilité ne fait que généraliser une disposition déjà contenue dans la loi, en prévoyant que le recueil du volontariat est renouvelé annuellement et que le salarié peut revenir à tout moment sur sa décision. C’est certes une bonne chose, mais cela ne résout pas le problème que je soulève. Ma proposition se veut complémentaire à cette disposition et, point important, vise un moment situé en amont de la signature du contrat de travail, après la période d’essai, autrement dit lors de l’embauche définitive.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Vous souhaitez, madame la députée, que l’accord écrit par lequel le salarié exprime son volontariat n’intervienne qu’à l’issue de la période d’essai. Je ne suis pas insensible à votre souci que le refus de travailler le dimanche ne constitue un motif de refus d’embauche et une cause de discrimination. C’est d’autant plus souhaitable qu’un salarié en période d’essai est, nous le savons tous, particulièrement vulnérable.

Toutefois, la disposition que vous proposez conduirait à priver le salarié en période d’essai de la possibilité de travailler le dimanche : il ne serait donc pas considéré comme un salarié à part entière. En outre, d’un point de vue pratique, reporter à l’issue de la période d’essai l’expression de son accord pour travailler le dimanche pourrait poser des problèmes en matière de recrutement, notamment dans un petit commerce.

Avec bon nombre de mes collègues de la commission spéciale, j’ai préféré garantir le principe de la réversibilité du volontariat, qui permet au salarié de changer d’avis pour motif personnel ou autre. L’établissement d’un acte formel entre lui et l’employeur est également un élément de nature à renforcer la protection du salarié.

Avis défavorable, donc.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n1035.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants40
Nombre de suffrages exprimés40
Majorité absolue21
Pour l’adoption13
contre27

(L’amendement n1035 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Travert, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement n1429.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Amendement rédactionnel.

(L’amendement n1429, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 1577 rectifié, 2038 et 2974, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 2038 et 2974 sont identiques.

La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n1577 rectifié.

M. Gilles Lurton. Le présent amendement est le résultat de nos travaux en commission et des recommandations de Mme Mazetier. Il vise à permettre aux salariés d’accomplir leur devoir électoral lorsqu’ils travaillent le dimanche. Nous y avions beaucoup réfléchi en commission, sans parvenir à trouver de solution. Nous proposons désormais d’inclure dans l’accord l’obligation pour l’employeur de permettre à son salarié d’accomplir son devoir électoral sans que celui-ci soit dans l’obligation de le faire par procuration. Le salarié doit pouvoir se rendre sur place dans le bureau de vote, quel que soit le temps dont il a besoin pour ce faire, qu’il s’agisse des scrutins nationaux ou locaux.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Permettez-moi, monsieur le président, de présenter dans le même temps l’amendement suivant, n2038.

M. le président. Je vous en prie.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Il constitue, en effet, en quelque sorte, une réponse à M. Lurton, que je prierai de bien vouloir se rallier à ma proposition.

Dès lors que le travail dominical est autorisé pour d’autres raisons que celles liées à l’activité, il est légitime de prévoir des mesures spécifiques, en particulier pour garantir le volontariat du salarié. Dans le même ordre idée, l’amendement n2038, adopté à l’initiative de Mme Mazetier, prévoit explicitement que dans les commerces des zones touristiques internationales, des zones touristiques ou des zones commerciales, l’employeur est tenu de prendre toutes les dispositions nécessaires pour permettre aux salariés d’exercer leur droit de vote lorsqu’un dimanche d’ouverture coïncide avec une élection nationale ou locale.

Nous proposerons un peu plus loin dans la discussion un amendement visant à faire appliquer cette disposition aux dimanches du maire.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. Je ne vois pas très bien ce que votre amendement apporte de plus, monsieur le rapporteur thématique. Celui que j’ai présenté est rédigé de façon beaucoup plus précise. Pour ces raisons, je le maintiens.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Caullet, pour soutenir l’amendement n2974.

M. Jean-Yves Caullet. J’annonce d’ores et déjà que je le retirerai au profit de celui du rapporteur thématique. Nous marquons là le fait que, si toutes les libertés sont importantes, celle du citoyen à s’exprimer sont supérieures à beaucoup d’autres.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il fallait que cela soit dit !

(L’amendement n2974 est retiré.)

M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld.

Mme Audrey Linkenheld. Je suis bien évidemment favorable à ces amendements. Je souhaite simplement m’assurer que les scrutins européens font bien partie des scrutins dits nationaux.

M. Jean-Frédéric Poisson. Bonne question !

M. le président. La parole est à M. Gérard Sebaoun.

M. Gérard Sebaoun. Tout citoyen se trouvant dans l’incapacité de voter peut donner une procuration à une personne de son choix.

Dans le cas d’un salarié employé le dimanche dans le centre de Paris et vivant à Soissons ou dans une ville située au bout d’une ligne de RER, ces propositions signifient que l’employeur ne pourrait s’opposer à ce qu’il retourne chez lui pour voter avant de revenir occuper son poste. Mais cela supposerait de perdre au moins quatre heures en transport ! C’est là un faux droit que vous voulez accorder au salarié !

Dans l’état du droit, et pour de tels cas de figure, le recours à la procuration s’impose. Ou alors, il faut rendre le vote obligatoire ; les employeurs seraient alors tenus de permettre à chacun de remplir son devoir électoral !

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Pour ma part, je ne vois pas pourquoi notre collègue Lurton devrait renoncer à l’amendement qu’il a défendu au profit du vôtre, monsieur le rapporteur thématique, lequel est – pardon d’être aussi direct – moins complet, moins bien rédigé et plus ambigu. Preuve en est la question de Mme Linkenheld.

Votre amendement fait en effet reposer sur le seul employeur la possibilité pour le citoyen de participer aux divers scrutins. L’amendement de M. Lurton, lui, fait référence – et il répond en cela à la remarque de M. Sebaoun – à l’accord préalable au travail le dimanche ou à un accord collectif en vigueur – qu’il soit de branche, de groupe, d’entreprise ou de territoire.

Je remarque au passage, monsieur le ministre, que la notion de groupe ne figure pas dans le texte, ce qui constitue une bizarrerie. Un accord de groupe n’est pourtant pas la même chose qu’un accord d’entreprise ou de branche. Il y a peut-être là une correction à apporter.

Quoi qu’il en soit, l’amendement n1577 rectifié permettrait parfaitement de répondre au cas de figure évoqué par M. Sebaoun, celui d’un salarié dont le domicile est très éloigné de son lieu de travail. Dans un tel cas, l’accord collectif pourrait par exemple prévoir le recours à la procuration, si le salarié en est d’accord. Si j’en juge par l’esprit des propos que vous avez tenus ce matin, monsieur le ministre, il me semble préférable de s’en remettre à un accord collectif plutôt qu’à la seule décision de l’employeur, faute de quoi ce dernier sera soumis à des contraintes auxquelles il ne pourra faire face.

Je vous suggère vivement, monsieur le rapporteur thématique, de retirer votre amendement au profit de celui de M. Lurton !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur thématique.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Tous, ici, nous participons à des campagnes de promotion destinées à inciter nos concitoyens à se rendre massivement aux urnes. Certes, ils peuvent recourir à la procuration, mais nous connaissons les limites d’une telle démarche, qui suppose de se déplacer au commissariat ou à la gendarmerie. Nous proposons donc un outil supplémentaire afin de favoriser la participation de nos concitoyens à un scrutin.

Il est vrai que pour un salarié habitant à plusieurs heures de route de son lieu de travail, il peut paraître compliqué d’effectuer un aller-retour juste pour aller voter. Mais je rappelle que les bureaux de vote ouvrent à huit heures. Le salarié peut donc s’y rendre avant de gagner son lieu de travail, quitte à y arriver un peu plus tard, avec l’accord de l’employeur.

Même s’ils ont, en effet, la possibilité de donner une procuration, l’intérêt de l’amendement est donc de permettre aux salariés de se rendre eux-mêmes dans le bureau de vote de leur commune. Il représente, je le répète, une option supplémentaire

Lors des auditions que nous avons menées, nous avons appris qu’un grand nombre de salariés travaillant dans le commerce n’allaient pas voter parce que les employeurs ne facilitaient pas une telle démarche. Nous avons souhaité y remédier par cette disposition.

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est dantesque !

(L’amendement n1577 rectifié n’est pas adopté.)

(L’amendement n2038 est adopté.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Quelle élégance !

(L’article 77, amendé, est adopté.)

Article 78

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements tendant à supprimer l’article 78.

La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n100.

M. Jean-Frédéric Poisson. L’amendement est défendu.

M. le président. La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement n763.

M. Gérard Cherpion. La loi Mallié avait permis l’ouverture des supérettes jusqu’à treize heures. Il n’est pas souhaitable de revenir sur cette mesure qui permet à la fois l’accès aux commerces alimentaires le dimanche tout en respectant un temps de repos pour les salariés et d’arrêt de l’activité au moins une demi-journée par semaine.

L’article 78 introduit une distorsion de concurrence entre les commerces alimentaires dans les différentes zones. Les commerces alimentaires situés dans les zones touristiques internationales ou dans l’emprise d’une gare pourront ouvrir après treize heures, mais pas ceux qui sont situés dans des zones touristiques ou dans des zones commerciales. Un tel choix est contraire à la volonté d’harmonisation défendue par le ministre de l’économie ainsi qu’à sa volonté de simplification. En outre, il aura pour conséquence des différences de traitement entre les salariés de ces établissements.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

Plusieurs députés du groupe UMP. Pourquoi ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Vous avez raison, monsieur Cherpion : l’objectif est bien de simplifier. L’article 78 organise en effet l’ouverture dominicale des commerces à prédominance alimentaire au-delà de treize heures dans les zones touristiques internationales ainsi que dans les gares caractérisées par une affluence de voyageurs particulièrement importante, soit précisément les zones dans lesquelles l’ouverture des autres commerces est autorisée le dimanche dans des conditions sur lesquelles je ne reviens pas. Afin d’éviter tout effet couperet, nous harmonisons donc la situation des commerces dans ces zones, qu’ils soient ou non alimentaires. En les soumettant aux mêmes règles, nous évitons tout risque de dissymétrie.

Loin d’être une source de complexification, l’article a donc pour objectif d’éviter les effets de bord à l’intérieur ou à proximité des zones considérées.

M. le président. La parole est à M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. Expliquez-moi, monsieur le ministre, pourquoi un magasin situé dans l’enceinte de la gare de l’Est peut ouvrir toute la journée du dimanche, tandis que la supérette qui est située juste en face – et il se trouve qu’il en existe une – ne le peut pas ? Pourquoi entraver l’activité de la seconde et autoriser celle du premier ?

M. le président. La parole est à M. Jean-François Lamour.

M. Jean-François Lamour. L’exemple cité par mon collègue Cherpion montre bien la difficulté de placer le curseur au bon endroit pour délimiter les coeurs d’agglomérations ou les zones touristiques internationales. C’est justement le souci que pose le dispositif que vous nous proposez. Je ne parle même pas des effets de bord entre un côté d’une rue et l’autre, qui nous conduiraient à faire preuve d’une précision excessive, alors qu’il faut raisonner au moins à l’échelle d’un quartier.

S’il y a un domaine qui subit de plein fouet l’appropriation des coeurs d’agglomération par les grands groupes, capables d’implanter des petites surfaces très réactives, à l’activité très fluide et dont le personnel est très disponible, c’est bien le commerce alimentaire. Le commerce alimentaire de proximité, essentiellement artisanal, subit violemment cette concurrence.

M. Patrick Hetzel. Il a raison.

M. Jean-François Lamour. Or j’ai le sentiment, monsieur le ministre, que vous aggravez cette concurrence, surtout pour les petits commerces situés en périphérie. Et plus ils seront en périphérie, plus leur situation sera difficile. Vous venez de dire que les dispositions proposées ont pour but d’éviter tout effet de seuil et vont dans le sens d’une simplification. Le dispositif proposé est peut-être plus simple, mais il est malheureusement source d’effet de seuil, et pour cette raison extrêmement dangereux pour le petit commerce de proximité. Je le répète, ce dernier subit de plein fouet le retour des grands groupes au cœur des agglomérations, et en particulier à Paris – même si ce retour prend, vous le savez, des formes beaucoup plus dispersées et diffuses que par le passé.

M. Patrick Hetzel. Bravo.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Vous avez cité, monsieur Lamour, le cas des petits commerces de bouche. Or, vous le savez très bien, ces derniers bénéficient d’ores et déjà d’une dérogation et peuvent ouvrir toute la journée. Les supérettes ont l’autorisation d’ouvrir jusqu’à treize heures, mais les petits commerces de bouche peut le faire toute la journée du dimanche. C’est le cas aujourd’hui, à l’heure où nous nous parlons ! La distorsion dont vous parlez n’existe donc pas.

M. Gérard Cherpion. Pour les supérettes, si !

M. Emmanuel Macron, ministre. Mais pas pour le petit commerce de bouche et les artisans que nous voulons défendre. Pour eux, la dérogation existe déjà et s’applique toute la journée. Votre préoccupation est donc satisfaite par le droit actuel.

(Les amendements identiques nos 100 et 763 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Travert, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement n1430.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Il est rédactionnel.

(L’amendement n1430, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Christine Lang, pour soutenir l’amendement n2963 rectifié.

Mme Anne-Christine Lang. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Cet amendement propose d’étendre aux zones commerciales et aux zones touristiques l’autorisation d’ouverture dominicale des commerces alimentaires toute la journée du dimanche. Comme le ministre vient de le rappeler, les supérettes bénéficient d’une dérogation qui leur permet d’ouvrir de neuf à treize heures, alors que les commerces de bouche peuvent déjà ouvrir toute la journée. Il me semble qu’un bon équilibre a été trouvé en réservant cette autorisation aux seuls commerces alimentaires situés en ZTI ou dans l’emprise des gares, en raison des spécificités attachées à ces zones.

Il ne me semble donc pas souhaitable d’élargir considérablement cette autorisation. Or un élargissement aux zones touristiques ou commerciales aurait un effet beaucoup plus massif, tandis que les ZTI, comme les gares concernées – qui feront l’objet de précisions ultérieures –, ne sont que peu nombreuses. J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.

(L’amendement n2963 rectifié est retiré.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Christine Lang, pour soutenir l’amendement n2947.

Mme Anne-Christine Lang. Je le retire.

(L’amendement n2947 est retiré.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Christine Lang, pour soutenir l’amendement n2852.

Mme Anne-Christine Lang. Je le retire également.

(L’amendement n2852 est retiré.)

(L’article 78, amendé, est adopté.)

Article 79

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques de suppression de l’article, nos 630, 1321 et 3073.

La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n630.

M. Patrick Hetzel. Il est défendu.

M. le président. La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour soutenir l’amendement n1321.

Mme Véronique Massonneau. Le groupe écologiste s’est opposé à la création des zones touristiques internationales prévue par l’article 72. Il s’oppose donc à l’article 79, qui prévoit un dispositif similaire dans les gares.

M. le président. La parole est à Mme Suzanne Tallard, pour soutenir l’amendement n3073.

Mme Suzanne Tallard. Cet amendement tend à supprimer l’extension du travail dominical aux commerces de détail non essentiels situés à proximité des gares.

Le droit actuel permet déjà aux commerces essentiels que sont les commerces de bouche, les cafés et les kiosques à journaux d’ouvrir le dimanche dans l’enceinte et à proximité des gares. L’article 79 du projet de loi prévoit d’étendre cette autorisation à tous les commerces de détail – y compris, par exemple, les magasins de vêtements – situés dans l’enceinte ou à proximité des gares.

Cet élargissement ne paraît pas utile et déroge à une idée à laquelle nous sommes attachés : le travail dominical doit rester une exception. Le régime actuel est largement suffisant, et, si le besoin d’étendre la dérogation au repos dominical autour d’une gare bien précise se fait sentir, le classement en zone commerciale de droit commun peut être envisagé.

Dans un souci de simplification et pour afin d’éviter le recours systématique à des régimes dérogatoires, cet amendement vise donc à supprimer l’article 79.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. L’article 79 prévoit une dérogation au repos dominical dans les gares. Soyons précis : il ne s’applique qu’à l’emprise de gares justifiant d’une affluence particulièrement importante et exceptionnelle de touristes et de voyageurs, tout au long de la journée. Il y a là une question de principe : l’affluence particulièrement importante qui caractérise certaines gares justifie-t-elle ou non d’autoriser l’ouverture dominicale de l’ensemble de leurs commerces ?

Les auteurs des amendements semblent juger que ce n’est pas le cas. Pour notre part, nous pensons que l’ouverture dominicale des commerces se justifie pleinement dans certaines gares, et dans ces gares seulement. Le ministre aura à cœur d’en préciser la liste : il s’agit des gares plus importantes de notre territoire, dont certaines sont dans une position excentrée par rapport aux centres-villes, et au sein desquelles un certain nombre de commerces se sont déjà implantés. Par cet article, nous donnons à ces derniers l’autorisation d’ouvrir le dimanche. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Je voudrais apporter ici toutes les précisions utiles. Rappelons tout d’abord ce que recouvre la notion de gare, entendue au sens générique : elle ne se limite pas aux seules gares ferroviaires, mais peut potentiellement s’étendre aux gares autoroutières ainsi qu’aux gares maritimes. Elle ne saurait, en revanche, s’étendre aux aéroports et aux aérogares, qui restent soumis à des dérogations sectorielles. Ensuite, les parvis ne sont pas concernés : nous ne parlons que de l’emprise des gares elles-mêmes.

Aujourd’hui, les gares peuvent faire l’objet d’une dérogation par décret en application de l’article L. 3131-12 du code du travail. Je veux dire par là que le Gouvernement pourrait ouvrir par décret les commerces de détail situés dans l’emprise des gares, comme c’est le cas dans les aérogares.

Mais si nous le faisions – et c’est un point important –, le dispositif que vous examinez depuis deux jours ne s’appliquerait pas, qu’il s’agisse des règles de compensation ou de la protection des salariés.

S’agissant des aérogares, deux éléments doivent être mentionnés. En premier lieu, elles sont plus éloignées du centre-ville. Les effets de bord relatif au traitement social ne pourraient donc s’y faire sentir comme ce serait le cas au sein des gares, où certains salariés travaillant le dimanche pourraient voir, à côté d’eux, mais en dehors de l’emprise même de la gare, d’autres salariés bénéficier de compensations auxquelles ils n’auraient eux-mêmes pas droit.

En second lieu, les commerces implantés dans les aérogares sont souvent de grandes enseignes. Les accords qu’elles ont signés ne sont pas concernés par la loi mais en pratique, la situation que l’on peut y observer est satisfaisante.

En revanche, s’agissant des gares, nous prendrions un risque à agir par décret. L’inscription dans la loi d’un régime qui leur est applicable est plus conforme à notre volonté de nous doter d’un cadre cohérent et de proposer à tous les mêmes garanties.

Cela étant, pour lever toute ambiguïté et dans un souci de transparence, je souhaite vous dire exactement quelles gares seront concernées. Cela n’aurait en effet aucun sens de permettre à tous les commerces de toutes les gares de France d’ouvrir le dimanche.

Mme Audrey Linkenheld. C’est vrai.

M. Emmanuel Macron, ministre. L’objectif est exactement le même que celui poursuivi avec les zones touristiques internationales : n’autoriser l’ouverture des magasins le dimanche que là où cela se justifie et crée de la valeur, c’est-à-dire là où le trafic rend possible une activité de commerce.

Le premier critère retenu par le Gouvernement est l’importance du trafic. Il existe ainsi seize grandes gares fréquentées chaque jour par plus de 20 000 voyageurs. Le deuxième est la proportion de touristes parmi ces derniers : elle doit être supérieure à 30 %, ce qui exclut les gares n’accueillant, pour l’essentiel, que des travailleurs et des salariés de passage. Sur les seize plus grandes gares, quinze répondent à ce critère. La dernière condition est de compter un minimum de dix boutiques. Dans certaines gares, même lorsque le trafic est important, il n’existe que peu de boutiques ouvertes en semaine. Rien ne sert, dès lors, de les ouvrir le dimanche.

Lorsque l’on croise tous ces critères, la liste des gares appelées naturellement à bénéficier du dispositif prévu par l’article compte douze noms : les six gares parisiennes – la gare Saint-Lazare, la gare du Nord, la gare de l’Est, la gare Montparnasse, la gare de Lyon et la gare d’Austerlitz – , la gare Avignon TGV, la gare de Lyon Part Dieu, la gare de Marseille Saint-Charles, la gare de Bordeaux Saint-Jean, la gare de Montpellier Saint-Roch et la gare de Nice Ville. Telles sont les douze gares pour lesquelles, à la lumière des critères retenus, il est pertinent, sur l’emprise de chacune d’entre elles, de permettre l’ouverture des commerces le dimanche, sous réserve que ces derniers respectent les contraintes dont nous discutons depuis deux jours, et notamment qu’ils soient couvert par un accord collectif et appliquent les compensations prévues.

M. Jean-Frédéric Poisson. Les grandes enseignes vous remercient !

M. Emmanuel Macron, ministre. Il me semblait important de clarifier tous ces points.

Et si nous passons donc par la loi, c’est pour éviter que, comme cela a pu être le cas dans le passé, des grandes enseignes ne puissent ouvrir le dimanche sans offrir de compensations ni appliquer un accord d’entreprise, de branche ou de territoire. Elles devront respecter les règles prévues dans le reste du projet de loi.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Le Gouvernement « n’ouvre » pas les commerces, monsieur le ministre, il les autorise à ouvrir. C’est un abus de langage et je le précise pour le compte rendu. Je ne voudrais pas que l’on pense que nous les obligeons à ouvrir le dimanche !

M. Emmanuel Macron, ministre. Merci, monsieur le député.

M. le président. La parole est à M. Daniel Goldberg.

M. Daniel Goldberg. Je vous remercie, monsieur le ministre de nous avoir donné ces précisions. Vous avez parlé d’effet de bord ; de fait, l’ouverture des commerces dans l’emprise des douze gares que vous avez citées pose un problème pour les commerces situés à proximité.

Plusieurs députés du groupe UMP. Absolument !

M. Daniel Goldberg. Je ne parle pas des commerces alimentaires, je pense aux commerces de détail ou d’habillement par exemple.

M. Patrick Hetzel. Évidemment !

M. Daniel Goldberg. On ne va pas refaire le débat, mais la question du volontariat pour travailler le dimanche va se poser naturellement pour le chef d’entreprise comme pour les salariés d’une enseigne située de l’autre côté de la rue. Tel est l’effet de capillarité dont nous parlons depuis le début de l’examen de ce texte.

M. Patrick Hetzel. C’est le sujet depuis le début, merci de le rappeler !

M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld.

Mme Audrey Linkenheld. Je ne vais pas répéter les arguments de fond que Daniel Goldberg a très bien développés.

J’avais l’intention, monsieur le ministre, de vous demander selon quels critères les gares seraient choisies. Après avoir entendu vos précisions, j’ai compris que les deux gares de Lille, Lille-Flandres et Lille-Europe, que nous sommes un certain nombre ici à bien connaître, ne sont pas concernées, ce dont je me réjouis. La question soulevée par Daniel Goldberg n’en demeure pas moins pertinente : à partir du moment où les commerces des gares seront ouverts, il y aura naturellement, par capillarité, une pression pour que les commerces situés autour des zones commerciales, par exemple, puissent également ouvrir. Si l’on ajoute à cette disposition les douze dimanches du maire, ce qui est aujourd’hui une exception risque malheureusement, demain, de devenir la règle, laquelle s’imposerait à tous ceux dont le temps de travail est subi.

M. Jean-Frédéric Poisson. Nous sommes bien d’accord !

(Les amendements identiques nos 630, 1321 et 3073 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Travert, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement n1431.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. C’est un amendement rédactionnel.

(L’amendement n1431, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Travert, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement n1432.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Amendement rédactionnel.

(L’amendement n1432, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Travert, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement n1433.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Amendement de coordination.

(L’amendement n1433, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement n764.

M. Gérard Cherpion. Vous m’avez renforcé dans mes convictions, monsieur le ministre.

L’arrêté ministériel mentionné dans l’article 79 permettra aux commerces situés dans l’emprise de certaines gares n’étant pas dans une zone touristique internationale, une zone touristique ou une zone commerciale de déroger au repos dominical. Vous venez d’en donner la liste, ce qui est d’ailleurs un signe fort envoyé aux grandes enseignes, qui vous remercient.

L’arrêté risque de créer une distorsion de concurrence avec les commerces situés à proximité de ces gares. Qui loue et pourra louer un local dans une gare ? On voit bien que ce sont les grandes enseignes, que vous allez donc favoriser. Pas un commerçant indépendant ne pourra s’y installer. Vous donnez donc un signal très fort aux grands groupes, c’est clair, et c’est important à savoir.

L’objectif de ce projet de loi, on l’a peut-être oublié depuis un certain temps, est la croissance et l’activité. L’activité, peut-être, la croissance pas du tout.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Vous posez une question intéressante, monsieur le député,…

M. Gérard Cherpion. Merci !

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. …qui concerne le champ de la dérogation accordée aux commerces situés en gare.

Devons-nous l’étendre aux commerces situés aux abords des gares dès lors qu’ils seraient en concurrence avec ceux qui sont situés à l’intérieur ? La plupart du temps, ce sont des courses alimentaires que font les riverains le dimanche matin, et les magasins alimentaires ont l’autorisation d’ouvrir jusqu’à treize heures. Les commerces visés par l’article concernent donc essentiellement, non les riverains, mais les personnes en transit ou celles qui entrent dans la gare pour se rendre dans un autre lieu.

C’est bien l’affluence exceptionnelle de passagers qui justifie le traitement spécifique réservé aux commerces de la gare et rend légitime de les autoriser à ouvrir le dimanche. À Saint-Lazare, où je passe très régulièrement, il y a des commerces autour de la gare et plus de quatre-vingts boutiques à l’intérieur. Les voyageurs font leurs achats à l’intérieur de la gare. Lorsque vous êtes en transit et que vous avez des bagages, vous ne sortez pas de la gare, vous restez à l’intérieur. Je ne vois donc pas en quoi les commerces alentour subiraient un préjudice particulier.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il n’y a pas que les voyageurs qui achètent dans les gares !

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Pour ces raisons, la commission est défavorable à votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. J’ai entendu la remarque d’ordre tactique relative aux grandes enseignes, mais de telles enseignes ouvrent d’ores et déjà dans de nombreuses zones sans fournir de compensations. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si certaines d’entre elles protestent contre l’adoption de ce projet – vous avez pu le lire dans la presse – mais précisément parce qu’elles sont hostiles à l’idée d’un accord préalable. Ce n’est donc pas un cadeau que nous leur faisons dans la mesure où s’applique la règle : « pas d’accord, pas d’ouverture ».

J’en viens à la question de la capillarité soulevée par Mme Linkenheld et M. Goldberg.

L’objectif, c’est de permettre aux commerces situés dans l’emprise d’une gare d’ouvrir parce qu’il y a aussi du trafic le dimanche, et donc des opportunités d’achats.

Pour la rue d’en face, ce n’est pas la même logique. Si vous vous promenez le dimanche et que vous rentrez chez vous, vous n’êtes plus dans une logique de transit qui aurait pu justifier l’ouverture des commerces. Si vous êtes dans une zone touristique internationale, nous avons traité le problème par ailleurs. Pour une zone touristique ou une zone commerciale, nous avons clarifié les règles, mais, dans une zone commune, rien ne justifie que les commerces soient ouverts au-delà de l’emprise de la gare, là où il y a du passage. Je vous rappelle que les commerces de bouche sont ouverts et que la supérette est ouverte jusqu’à treize heures.

Par ailleurs, si un magasin situé à proximité immédiate est en concurrence directe avec un commerce de la gare, il peut demander une autorisation préfectorale individuelle. Si elle est justifiée, s’il y a un dommage, une volonté claire et un accord préalable, c’est le type de cas qui est couvert par l’article L. 3132-20 du code du travail.

Aucun commerçant, même indépendant, ne sera donc lésé par le dispositif parce qu’il est protégé par le code actuel.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Lamour.

M. Jean-François Lamour. Très bon débat, monsieur le ministre.

Je vais prendre un exemple concret, le cas de Beaugrenelle, ce centre commercial reconstruit il y a quelques mois. Avec le maire du 15e arrondissement, Philippe Goujon, nous ne sommes finalement pas opposés à la création autour du centre d’une zone touristique internationale, qui concernerait deux rues, la rue Saint-Charles et la rue du commerce, l’intérêt étant d’avoir plus de croissance, par une sorte d’effet d’entraînement. Beaugrenelle, qui est un grand centre d’activités, va attirer les chalands – touristes ou parisiens provenant d’autres arrondissements. On le voit bien monsieur le ministre, Beaugrenelle, comme les gares, est un point d’intérêt.

Les gares, c’est un point de passage, mais c’est aussi un point d’intérêt. J’ai entendu M. Pepy raconter comment il allait rénover ses gares, il veut en faire des centres commerciaux classiques. Évidemment, il y a des trains qui arrivent et repartent, avec un flux de voyageurs, mais, qu’on le veuille ou non, ce sont des centres commerciaux, qui d’ailleurs ne se limitent pas aux commerces de bouche. On y achète des vêtements, des bagages, on y trouve de tout, et c’est évidemment ce qui en fera la spécificité.

Il y a donc une forme d’incohérence à refermer les gares sur leur propre emprise et à ouvrir les centres commerciaux sur leurs commerces de proximité, avec un effet d’entraînement. En fait, ne donner l’autorisation d’ouvrir le dimanche qu’aux commerces situés à l’intérieur de la gare, c’est créer une forme de monopole de la distribution des biens. Même s’il y a des cas particuliers, il sera très difficile aux commerces situés près des gares de continuer à fonctionner. Autour des centres commerciaux, au contraire, on pourra créer des zones touristiques internationales et irriguer le quartier parce que le point d’intérêt amène du monde, donne de la fluidité et fait venir les touristes. Il y a là une sorte d’incohérence que j’aimerais bien que vous m’expliquiez.

M. le président. La parole est à M. Gérard Sebaoun.

M. Gérard Sebaoun. Je m’interroge sur la notion d’activité. Dans une grande gare parisienne, le flux du dimanche sera important, mais je crains que la position dominante que pourraient avoir certains groupes ne fasse exploser le coût des baux commerciaux.

M. Patrick Hetzel. Eh oui !

M. Gérard Sebaoun. Demain, seuls de grands groupes pourront payer. On va donc totalement dénaturer l’intérieur des gares.

M. Patrick Hetzel. Bien vu !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Honnêtement, monsieur le député, l’intérieur des gares n’est pas un modèle aujourd’hui. Les baux commerciaux ont été encadrés, cette majorité a d’ailleurs beaucoup apporté à ce sujet. Les contrôles sont renforcés grâce aux différents dispositifs législatifs, avec beaucoup plus d’instruments qu’on n’en avait hier, et il y en aura aussi dans les gares. Par ailleurs, il s’agit tout de même d’un opérateur public, la SNCF. On ne la laissera pas faire n’importe quoi, je m’en porte garant.

Pour Beaugrenelle, c’est très différent. C’est une zone qui ne répond pas aux critères de la zone touristique internationale. J’ai donné hier une liste de zones, en toute transparence. C’est un débat dont la Ville de Paris devra prendre l’initiative pour savoir dans quelle catégorie elle veut la placer.

Il n’y a pas d’incohérence. Il y a des endroits dont le potentiel d’activités est tel que cela justifie que l’on passe par la loi, ce sont les ZTI et les gares à très fort trafic, avec les critères que j’ai évoqués.

Ensuite, il y a, à l’initiative des élus – et je crois qu’il ne faut pas changer cette dynamique – les zones commerciales, les zones touristiques qui permettent de réguler ces espaces et de créer ces attractivités. Je comprends votre remarque, monsieur Lamour. Je crois d’ailleurs que la maire de Paris est également très sensible à ce sujet. En effet, la question de la zone commerciale à Beaugrenelle fait vraiment débat, mais ce débat revient à la ville de Paris. Le sujet n’est pas laissé sans réponse : la réponse, c’est un dispositif de droit commun dont vous avez voté les éléments d’ouverture et d’encadrement dans l’article adopté hier soir.

(L’amendement n764 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Travert, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement n1434 rectifié.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. C’est un amendement rédactionnel.

(L’amendement n1434 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 79, amendé, est adopté.)

Article 80

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Je ne suis pas inscrite sur l’article, mais je voulais appeler votre attention sur le fait que, le Gouvernement ayant déposé tardivement un amendement n3289 et un sous-amendement n3286, nous devrions disposer sur cet article d’un temps de parole un peu plus long.

M. le président. On me fait savoir, avec beaucoup de précision, qu’ils n’ont pas été déposés hors délai.

Mme Jacqueline Fraysse. Quel dommage !

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements identiques qui visent à la suppression de l’article.

La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n102.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement n765.

M. Gérard Cherpion. Pourquoi passer de cinq à douze dimanches, monsieur le ministre ? Le débat que nous avons eu ce matin montre que plutôt que de faire preuve d’ouverture en matière de droit du travail, de donner de la liberté et de la souplesse, de permettre le développement de l’emploi et de favoriser la signature d’accords simples, vous avez, une fois de plus, complexifié le droit du travail et les systèmes en vigueur.

M. Emmanuel Macron, ministre. Non !

M. Gérard Cherpion. Il faut supprimer la possibilité de passer de cinq à douze dimanches. C’est moins le nombre qui me gêne que le principe.

M. le président. Sur les amendements identiques nos 102, 765, 1036, 1314, 2641, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n1036.

Mme Jacqueline Fraysse. L’article 80 vise à porter de cinq à douze le nombre de dérogations au repos dominical délivrées chaque année par les maires. Pour être honnête et claire, je veux d’abord noter l’avancée positive issue des débats de la commission spéciale s’agissant des cinq premiers dimanches qui ne sont plus désormais une obligation, mais qui redeviennent facultatifs comme c’est le cas actuellement. Toutefois, rien ne justifie la possibilité de multiplier ces dérogations jusqu’à douze par an, comme le texte le maintient.

En effet, l’étude d’impact souligne notamment la nécessité de permettre aux commerces d’ouvrir le dimanche en période de soldes et en fin d’année, ce qui coïncide avec les cinq dimanches déjà autorisés. L’étude d’impact cite également la nécessité de permettre aux commerces d’ouvrir au plus fort de la saison touristique. Mais, sur ce point-là, il n’est pas besoin d’augmenter le nombre de dimanches du maire, puisque votre projet de loi prévoit, pour répondre à la demande des touristes, la création de zones touristiques, et même de zones touristiques internationales.

À raison de douze dérogations par an, soit en moyenne une fois par mois, le travail du dimanche ne sera plus une exception, mais il deviendra une habitude et entrera dans le droit commun. C’est un point essentiel à mes yeux et c’est la raison pour laquelle, monsieur le président, j’ai demandé un scrutin public sur cet amendement. Vous nous dites, monsieur le ministre, que vous souhaitez préserver le caractère exceptionnel des dérogations, mais vous nous proposez une disposition qui les banalise. Par conséquent, nous demandons la suppression de cet article. J’ajoute que l’étude d’impact ne donne pas d’élément permettant de concrétiser votre objectif de stimuler la croissance et la création d’emplois.

M. Gérard Cherpion. Au contraire !

Mme Jacqueline Fraysse. Je ne vois pas non plus en quoi ces douze dimanches du maire vont stimuler la croissance et créer des emplois. Cela va en tout état de cause augmenter les prix. En effet, les salariés étant payés plus cher le dimanche, ces dépenses supplémentaires seront sans aucun doute répercutées sur le prix des produits.

M. le président. La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour soutenir l’amendement n1314.

Mme Véronique Massonneau. L’article 80 propose d’étendre le travail du dimanche en rendant possible l’ouverture des commerces jusqu’à douze dimanches par an. Beaucoup de choses ont déjà été dites sur le souhait du Gouvernement d’étendre le travail du dimanche. Sur ce point particulier, je pense qu’il faut garder à l’esprit que seulement une quinzaine de villes en France utilisent les cinq dimanches. Le passage à douze ne paraît donc pas nécessaire. Comme l’a très bien dit ma collègue Jacqueline Fraysse, douze dimanches correspondent à un dimanche par mois. Le travail du dimanche cesse alors d’être exceptionnel pour devenir régulier. Les petits commerçants et les commerçants indépendants sont très inquiets de cet article qui pourrait mettre en danger leur activité au profit des chaînes et des magasins plus importants.

M. le président. La parole est à M. Christian Paul, pour soutenir l’amendement n2641.

M. Christian Paul. Monsieur le ministre, nous sommes confrontés là à l’article 80 qui est, comme chacun l’a bien compris, l’un des articles emblématiques de ce texte. Je voudrais, à l’appui de cet amendement de suppression, vous interroger sur trois points.

Premièrement, je m’interroge sur l’efficacité économique de cet article et, plus généralement, sur l’extension progressive du travail dominical. Depuis le début de ce débat, nous vous avons très peu entendu sur l’efficacité attendue de l’ouverture des commerces le dimanche. Sans doute y a-t-il deux raisons à cela : ce type de prospective est difficile à faire et les études disponibles sont très contradictoires. L’étude de France Stratégie, qui a été rendue publique il y a quelques semaines, donne de cette ouverture une vision qui est, très précisément, celle que nous redoutons. Pour résumer, elle dit que l’ouverture des commerces le dimanche va créer des emplois en France si l’on y a recours massivement. C’est exactement cet effet de brèche que nous craignons.

Nous passerions ainsi de cinq à douze dimanches, mais progressivement, sous la pression du patronat qui y a intérêt et qui le dit clairement, les ouvertures dominicales seraient plus nombreuses, et peut-être sans limite dans la durée. On voit bien qu’il y aura des transferts de consommation, des reports dans le temps, des déplacements géographiques des actes d’achat, de la concurrence entre des centres commerciaux, entre les centres commerciaux et le commerce de proximité, entre la périphérie et le centre-ville. On voit très bien comment tout cela va se déployer. Mais, à l’arrivée, dans la continuité d’une loi baptisée « croissance et activité » et, partant emploi – c’est bien la question du chômage de masse qui est posée au Gouvernement, à la majorité et au pays – et face à ce chômage de masse, est-ce que cet article 80 et tous ceux qui vont conduire et amplifier l’ouverture du commerce le dimanche auront un effet positif ? Je voudrais que nous parlions enfin un peu d’économie.

Deuxièmement, je m’interroge sur le modèle de société qui est ici proposé. Vous avez répondu à cette question avec un certain nombre de réflexions qui sont tout à fait intéressantes et, d’ailleurs, en partie fondées. La vie familiale d’aujourd’hui n’est en effet plus celle du XIXe siècle. Il y a dans beaucoup de familles, qu’elles soient recomposées, éclatées ou non, une recomposition de la semaine de travail. Vous avez parlé, monsieur le ministre, d’une synchronisation des temps. Mais une fois que l’on a entendu ces développements qui ne sont pas totalement coupés du réel, j’en conviens, il demeure que pour beaucoup de ceux qui subissent – je tiens à insister vigoureusement sur cette idée – le travail dominical, il y a une déstructuration de la vie familiale. Le travail libère, le travail épanouit, mais bien souvent il peut aussi être subi, comme c’est le cas pour beaucoup de ceux qui sont conduits à aller travailler le dimanche dans les commerces, souvent à temps partiel et avec des salaires très faibles, parce que la revalorisation que vous évoquez est loin d’être atteinte. Nous avons donc un vrai débat de société.

Troisièmement, vous nous avez dit que vous ne vouliez pas marchander ; je vous le redis, je ne veux pas marchander non plus.

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Cela tombe bien !

M. Christian Paul. Mais je ne sais pas, monsieur le ministre, comment, dans un pays qui connaît une crise sans fin, comment, dans notre pays, on peut redresser l’économie et trouver un compromis autour du redressement économique, non seulement sur cette loi mais dans beaucoup d’autres occasions, quand la plupart des organisations syndicales sont défavorables à votre loi, en particulier sur ce point, et quand vous restez sourd aux demandes du principal parti politique de la majorité, dont la position a été très claire à la fin de l’année dernière, en disant qu’il fallait en rester à cinq dimanches et, en tout état de cause, ne pas dépasser les sept dimanches travaillés ?

On peut considérer, dans une démocratie, que l’on a raison contre les organisations syndicales et contre le principal parti de la majorité, et c’est bien dans cette situation que nous sommes. Comme d’autres avant moi, je vous le dis à mon tour, si vous retiriez cet article 80 – je le dis, monsieur le ministre, en toute sincérité –, je pense que nous pourrions trouver autour de ce texte un certain nombre d’accords et que cela nous permettrait, à moi comme aux cinquante députés de notre groupe qui ont signé l’amendement que je suis en train de défendre, d’avoir une relation un peu plus apaisée autour de ce texte.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Richard Ferrand, rapporteur général. En guise de préliminaires, je voudrais dire à notre excellent collègue Christian Paul, qui souhaite que nous parlions « enfin d’économie », qu’après les quatre-vingt-cinq heures passées en commission spéciale puis les cent heures passées dans cet hémicycle, je n’ai pas le sentiment que l’on n’évoque que le sexe des anges (Sourires), mais que l’on parle juste un peu d’économie.

M. Patrick Hetzel. Encore un frondeur !

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Nous avons eu l’occasion, à l’ouverture de ce chapitre, d’expliquer pourquoi il semblait intéressant de passer de cinq à douze dimanches, soit de donner la faculté d’abord aux maires et ensuite aux élus locaux d’ouvrir jusqu’à douze dimanches, là où ce sera débattu puis jugé utile et conforme aux réalités locales.

Tout d’abord, reprenons au début et rappelons ce qui justifie cette disposition : nous sommes confrontés aujourd’hui à une situation totalement anarchique. La juxtaposition de réglementations disparates et la sédimentation de pratiques désordonnées, mais tolérées et non réglementées, font qu’il n’y a aucune lisibilité en matière d’ouverture le dimanche. L’enjeu est donc de mettre de l’ordre, de la clarté, à la lumière des études qui ont été conduites mais aussi des expériences vécues.

J’évoquerai une nouvelle fois le rapport de M. Bailly, lequel, pendant plusieurs mois, a échangé avec l’ensemble des acteurs concernés et a abouti à la conclusion que puisqu’il n’existe rien entre les cinq dimanches du maire et les cinquante-deux autorisés dans les zones commerciales, il fallait trouver un moyen terme. Ces échanges l’ont conduit a proposé le nombre de douze comme bon point d’arrivée. Ce n’est pas un nombre tombé du ciel : comme il y a douze mois dans l’année, cela signifie qu’il y aura au maximum un dimanche du maire par mois en moyenne.

Si l’étude n’avait pas convaincu tout le monde, l’expérience dans les territoires est venue en appui de cette proposition. En effet, du fait que les cinq dimanches étaient parfois jugés insuffisants par les élus locaux, ceux-ci avaient obtenu que soient créées des zones commerciales ouvertes cinquante-deux semaines par an, souvent au détriment du petit commerce de centre-ville. Puis, ils ont constaté que cela n’avait pas d’efficacité économique et se faisait surtout au détriment des salariés puisque les règles de compensation que Stéphane Travert a expliquées n’étaient évidemment pas appliquées.

Par conséquent, il vous est proposé de répondre aux besoins d’ouvertures supérieures à cinq mais inférieures à cinquante-deux. Aujourd’hui, ce ne peut être que l’un ou l’autre.

Le second enjeu, c’est de parvenir à ce que cette capacité d’initiative supérieure accordée aux élus locaux – au-delà de cinq dimanches, ce sera de concert avec l’ensemble des élus du bassin concerné – se transforme en avancée sociale à travers des compensations de différentes natures.

Par conséquent, la commission spéciale est convaincue d’avoir trouvé un point d’équilibre. Il ne s’agit pas d’un débat civilisationnel, mais d’organiser un dispositif qui réponde à des besoins clairement identifiés et qui découle d’expériences relatées et de dossiers étudiés. Outre l’utilité économique, nous devons démontrer l’utilité sociale de ce que nous mettons en place en permettant à celles et ceux qui, je le rappelle, travaillent sans compensation dans les 641 zones touristiques, d’en bénéficier.

M. Pascal Cherki. Ils n’en bénéficieront pas !

M. Richard Ferrand, rapporteur général. On peut indéfiniment être en désaccord là-dessus et en prendre acte, mais laissez la situation actuelle perdurer, c’est en vérité laisser perdurer la précarité et l’absence de compensation, c’est faire la politique de l’autruche, mettre la tête dans le sable,…

Mme Jacqueline Fraysse. Oh !

M. Richard Ferrand, rapporteur général. …ne répondre ni aux besoins économiques ni aux besoins sociaux. L’avis est donc défavorable à ces amendements de suppression.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Stéphane Travert, rapporteur thématique.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Cet article est peut-être celui qui a suscité le plus de commentaires parmi ceux consacrés à l’ouverture dominicale ou même dans l’ensemble du projet de loi. Je rappelle les intentions qui sont les nôtres : non, nous ne banalisons pas le travail du dimanche,…

M. Jean-Frédéric Poisson et M. Patrick Hetzel. Bien sûr que si !

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. …et nous souhaitons que les salariésbénéficient de toutes les compensations possibles. Richard Ferrand le disait à l’instant très justement : la situation n’est pas la même sur tous les territoires. Nous sommes tous élus de territoires et nous connaissons les sensibilités locales sur cette question, et nous avons besoin de nous référer à son histoire. C’est pourquoi nous sommes partis de la réalité des territoires pour définir ce que doivent être le régime d’ouverture des commerces et le principe des dimanches du maire. On a en effet constaté qu’un certain nombre de zones touristiques et de zones commerciales ouvrent cinquante-deux dimanches par an, sans compensations garanties, on ne le rappellera jamais assez. Or désormais, elles seront possibles sur l’ensemble de ces zones…

M. Jean-Frédéric Poisson et M. Gérard Cherpion. Non, elles ne le seront pas !

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. …parce que nous faisons confiance à la négociation sociale. De plus, ces fameux dimanches du maire ont pour objectif de répondre à des demandes territoriales particulières et aussi d’éviter d’ouvrir des zones touristiques là où ce n’est pas nécessaire. Je rappelle que certains territoires ont demandé qu’une commune soit classée en zone touristique parce qu’elle bénéficiait d’un afflux de personnes provenant d’ailleurs, mais seulement par moments. Il s’agissait de rendre conforme à la réglementation les quelques dimanches supplémentaires dont ils pouvaient avoir besoin. Mais entre cinq et cinquante-deux, l’équilibre a été trouvé : douze dimanches.

J’ajoute que la commission spéciale a fait sauter le taquet des cinq dimanches obligatoires prévus dans le texte initial. Pourquoi autant d’ouvertures quand trois dimanches suffisent ici ou là ? La possibilité d’autoriser de zéro à douze dimanches permettra aux maires de réagir aux besoins de leur territoire. J’indique à l’avance qu’un amendement va proposer de tenir compte des jours fériés.

Et puis la commission spéciale a précisé le processus de décision en prévoyant qu’au-delà des cinq dimanches à la main du maire, l’EPCI intervienne puisqu’il a la compétence économique.

À l’orée de l’examen de cet article, je veux rendre hommage à l’importante contribution d’Olivier Faure, qui a présidé avec moi ce groupe de travail, mais également à Christophe Sirugue et à Dominique Potier qui ont été déterminants, s’agissant des dimanches du maire et surtout des jours fériés, dans la décision qu’a prise la commission spéciale, dans la position adoptée par le groupe SRC et dans le dialogue constructif que nous avons en permanence avec le Gouvernement à ce sujet.

Le rapport Bailly proposait la possibilité d’aller au-delà des douze dimanches. Nous avons alors rencontré plusieurs associations : le Conseil du commerce de France proposait, lui, d’ouvrir dix-neuf dimanches par an, dont quatorze à la main des commerçants. Nous, nous avons souhaité que l’ensemble des dimanches soit régi par les élus car il en va de notre responsabilité politique au niveau territorial. C’est à nous, en tant qu’élus locaux, de prendre les décisions en matière d’animation et de cohérence des territoires dont nous avons la charge. Je partage évidemment l’avis de M. le rapporteur général sur ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Le rapporteur général et le rapporteur thématique ont précisé leur intervention d’hier expliquant la raison des douze dimanches. C’est le fruit d’un travail de concertation et d’analyses, qui a été longuement mené, en particulier par M. Bailly. En observant la dynamique de certains secteurs et celle de nombre de villes qui, se trouvant limitées à cinq dimanches, ont parfois préféré devenir zone touristique avant de s’apercevoir que cinquante-deux dimanches, c’était trop, il apparaît nécessaire de créer un espace de respiration et qui ait du sens.

Deuxièmement, je tiens à rappeler que douze dimanches, c’est une liberté, pas une obligation – comme les cinq dimanches, mais ce nombre n’était plus suffisant.

M. Jean-Frédéric Poisson. Les cinq dimanches sont obligatoires !

M. Emmanuel Macron, ministre. Ils l’étaient dans le projet de loi initial, monsieur le député, mais ils ne le sont plus – un des apports de cette commission spéciale. Nous avons fait le choix de faire totalement confiance aux élus.

M. Pascal Cherki. Sauf à Paris !

M. Emmanuel Macron, ministre. Dans le rapport remis par M. Bailly à Jean-Marc Ayrault en décembre 2013, il était proposé que sept dimanches soient à la main des associations de commerçants. Le Gouvernement et la commission spéciale ont décidé de ne pas retenir cette idée…

M. Frédéric Lefebvre. C’est dommage !

M. Emmanuel Macron, ministre. …parce qu’elle semblait, dans nombre de territoires, complexe à mettre en œuvre. Il était plus clair d’établir une articulation entre ces douze dimanches du maire et les zones dont nous avons débattu sur les articles précédents. Mais je rappelle à mon tour qu’il n’y a aucun seuil minimal dans le cadre des douze dimanches, avec comme principe l’intervention de l’EPCI au-delà de cinq. J’ajoute que je reviendrai au cours du débat sur le rôle important que doivent jouer les schémas de cohérence territoriale – les SCOT. Les échanges avec la représentation nationale ont permis, là aussi, de clarifier le sujet pour améliorer l’articulation des territoires.

Le choix du nombre douze ne relève pas de la pensée magique ni d’une volonté particulière, mais d’un travail à la fois d’analyse, de compromis et de consensus accompli avec toutes les organisations syndicales et avec tous les partenaires économiques par M. Bailly pendant plusieurs mois.

Je ne peux laisser dire qu’il s’agit d’une complexification : nos débats sur le sujet depuis hier montrent que nous avons simplifié et homogénéisé le droit en place et les garanties pour les salariés. La règle de l’accord collectif nécessaire pour ouvrir et en définissant les compensations est une véritable avancée en termes de simplification, de clarification et de protection, que je considère comme un apport majeur du texte.

S’agissant de l’efficacité, on a fait référence à France Stratégie, qui a démontré l’efficacité de la mesure. Mais il est évidemment impossible d’en formaliser les effets avant d’avoir formalisé les comportements,…

M. Christian Paul. Ça, c’est vrai !

M. Emmanuel Macron, ministre. …et je serais moi-même contradictoire si je vous disais combien d’emplois on allait créer avec ce nouveau dispositif d’ouverture le dimanche puisque je présupposerais alors le comportement des élus. Nous savons qu’il n’y aura aucun effet de report dans les zones touristiques internationales et dans les gares concernées, et une création nette dans les zones touristiques et les zones commerciales.

M. Christian Paul. Nous parlons des dimanches du maire !

M. Emmanuel Macron, ministre. Du point de vue économique, diverses études ont déjà identifié, sur les territoires où le travail du dimanche a du sens, une augmentation des ventes du secteur concerné entre 1 % et 10 % et une augmentation de l’emploi dans ledit secteur entre 1,5 % et 2,5 %, et de 4 % à 12 % dans celui des entreprises qui ouvrent le dimanche.

M. Christian Paul. Mais en déstructurant les familles !

M. Emmanuel Macron, ministre. Monsieur Paul, vous avez évoqué le problème des transferts entre le centre et la périphérie. Mais c’est précisément ce que vient contrecarrer l’article 80.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Bien sûr !

M. Emmanuel Macron, ministre. Le problème jusqu’alors, c’était que l’activité économique pouvait justifier d’ouvrir dix à douze dimanches dans certaines villes : à Châlons, ce n’aurait pas de sens d’ouvrir ne serait-ce que cinq fois par an – j’en ai longuement parlé avec votre collègue Christophe Sirugue –, mais à Bordeaux, cela a manifestement du sens d’ouvrir plus que cinq dimanches. Nombre de ces villes n’étaient pas passées en zone touristique et restaient bloquées à cinq quand, en périphérie, il pouvait y avoir des PUCE qui, elles, étaient à cinquante-deux. La loi Mallié a créé un effet de report des centres-villes vers la périphérie,…

M. Christian Paul. C’est vrai !

M. Emmanuel Macron, ministre. …que notre loi vient doublement réguler, par la contrainte de l’accord préalable du personnel et par la liberté de décision rendue aux élus. Je crois profondément que ce sera un apport pour les centres-villes.

C’est pourquoi ce modèle, qui redonne de la responsabilité et de la liberté aux élus,…

M. Pascal Cherki. Sauf à Paris !

M. Emmanuel Macron, ministre. …ainsi que de la responsabilité aux partenaires sociaux à travers les accords, est en effet un modèle de société auquel j’adhère. On peut débattre du modèle de société mais, de grâce, ne plaquons pas un tel débat sur cet article.

Si étendre de cinq à douze dimanches du maire l’exception au repos dominical pour les commerces de détail était un sujet de civilisation, celle-ci ne tiendrait plus alors à grand-chose, monsieur Paul.

M. Christian Paul. Je n’ai pas dit ça !

M. Emmanuel Macron, ministre. Je suis prêt à avoir ce débat, mais, comme je l’ai dit hier, il déborde largement le cadre de ce texte.

Pour ce qui est des relations avec les forces sociales, qui est une question importante, j’ai reconnu à plusieurs reprises l’importance qu’avaient les organisations syndicales ; toutefois, je le répète, la question du travail dominical ne relève pas de l’article L. 1 du code du travail, qui impose une négociation préalable.

M. Gérard Cherpion. Et pourquoi donc ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Nous les avons écoutées, nous avons mené une concertation avec elles, nous respectons leur opinion, mais le cadre qui est soumis à la représentation nationale est celui déterminé par le Gouvernement.

Il reste que les organisations syndicales ont un rôle important à jouer dans le dispositif, à travers la règle de l’accord, dont elles sont chargées de l’application, dans les branches, les territoires et les entreprises.

M. Pascal Cherki. Pipeau !

M. Emmanuel Macron, ministre. Comment pourrait-on respecter davantage le dialogue social et les organisations syndicales ?

M. Pascal Cherki. Ah ça !

M. Gérard Cherpion. Elles n’interviennent qu’a posteriori !

M. Emmanuel Macron, ministre. Enfin, s’agissant du parti socialiste, oui, le dialogue doit être permanent.

M. Gilles Lurton. Et nous alors ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Mais ce dialogue doit avoir lieu avec la représentation nationale, c’est-à-dire les parlementaires de tous bords, et avec les parlementaires socialistes. Depuis le premier jour, j’ai engagé le débat avec tous les bancs – ce qui est normal ; mais l’accord politique est avec les parlementaires socialistes. Depuis le premier jour, j’ai engagé un débat de confiance, constructif, enrichissant, avec ces derniers. C’est à ce débat que le Gouvernement s’en remet, et à l’esprit de responsabilité collective qui a inspiré le travail de vos rapporteurs – à qui je veux rendre hommage –, ainsi que celui de plusieurs de vos collègues, notamment M. Sirugue et M. Potier, qui ont accompli, sur ce sujet qui leur tenait à cœur, un travail remarquable. C’est avec les parlementaires socialistes que le Gouvernement travaille et fait voter la loi, et c’est dans cet esprit de responsabilité que nous conduirons ce dialogue jusqu’au bout. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Colette Capdevielle.

Mme Colette Capdevielle. Je suis heureuse que l’on en revienne à un débat général, après les très longs échanges parisiano-parisiens d’hier soir.

M. Frédéric Lefebvre. Et socialo-socialistes…

Mme Colette Capdevielle. Je me félicite aussi de la qualité de nos débats sur ce sujet très important.

Je développerai trois points.

Élue d’un territoire très touristique et de surcroît frontalier, je sais que la législation actuelle est un vrai magma, dans lequel personne ne s’y retrouve : nous n’avons ni les mêmes jours fériés ni les mêmes horaires d’ouverture. C’est pourquoi ce texte était si attendu, monsieur le ministre, tant par les organisations patronales que par les syndicats. La situation actuelle ne convient pas, c’est une certitude. Il importe d’y remédier.

Mon deuxième point sera plus polémique, et paraîtra peut-être politiquement incorrect à certains.

Je suis fatiguée que l’on vienne me dire à quoi doit ressembler mon dimanche. Hier, on me parlait de spiritualité ; aujourd’hui, je lis dans certain amendement : « Le dimanche devrait être destiné à la vie associative, culturelle, familiale, politique, sportive ». À quand un amendement sur ce que devraient être mon lundi et mon mardi ? Qu’en est-il de mon mercredi après-midi ? Et de mon jeudi matin ? Que faut-il que je fasse ? (Mouvements divers sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Très bien !

Mme Colette Capdevielle. Eh bien moi, voyez-vous, je suis pour une liberté totale !

M. Bernard Roman. Vive la liberté !

Mme Colette Capdevielle. Je suis fatiguée que l’on vienne me dire, comme je l’ai entendu hier au cours de ce débat très germanopratin, très parisien, qu’il est convenable d’aller faire son marché – bio, bien sûr – le dimanche, puis d’aller manger au restaurant et de visiter une exposition ; et l’on s’apprête à nous dire que ce serait formidable d’ouvrir les bibliothèques ce jour-là. Les ploucs de province, eux, par contre, vont le dimanche dans les jardineries et les supermarchés, et ça, ce n’est pas bien.

M. Pascal Cherki. Qui prétend cela ?

Mme Colette Capdevielle. Franchement, j’en ai assez d’être considérée ainsi ! (Exclamations. – Applaudissements sur certains bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Très bien !

Mme Colette Capdevielle. Quelle vision réductrice des choses ! Finira-t-on par nous dire : vous devez visiter ceci, regarder cela, parce que c’est bon pour vous ? Ce serait un peu dangereux !

Mme Véronique Massonneau. Caricature !

Mme Colette Capdevielle. Ensuite, nos rapporteurs l’ont dit, la société française a considérablement changé, et il est inadmissible que la loi n’en tienne pas compte. Il serait irresponsable de continuer à faire l’autruche. Je sais bien qu’il y a des nostalgiques, qui ont une vision manichéenne de notre société, mais il y a aussi des progressistes, assez nombreux parmi nous je crois, qui considèrent que le dialogue social est la forme la plus responsable et la plus aboutie des relations de travail.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Très bien !

Mme Colette Capdevielle. Enfin, et j’en terminerai par là, je souhaiterais que l’on ne méprise pas les élus locaux. Car les élus locaux savent très bien appliquer les lois que nous adoptons. Notamment – même si comparaison n’est pas raison –, on a instauré dans certains territoires une surtaxe de 20 % sur les résidences secondaires. Ici, à l’Assemblée, la droite hurlait contre une mesure qu’elle présentait comme une atteinte au droit de propriété. Or, dans la réalité, que voit-on ? Que dans les zones tendues, notamment chez moi, les élus de droite l’appliquent !

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Eh oui !

Mme Colette Capdevielle. J’ai donc confiance dans les élus locaux : ils sauront ce qui est bon pour leur territoire.

M. Pascal Cherki. Et Paris ?

Mme Colette Capdevielle. Cessez de me parler de Paris ! Paris n’est pas la France, et la France n’est pas Paris !

M. Philippe Goujon. Pas d’antiparisianisme primaire, s’il vous plaît !

M. Pascal Cherki. Ne devrions-nous pas avoir les mêmes droits ?

Mme Colette Capdevielle. La France n’est pas un territoire où tout est égal et tout pareil. Il y a, dans notre pays, des élus locaux responsables, qui savent dialoguer avec les chambres de commerce et d’industrie, avec les associations de consommateurs, avec les associations de commerçants. C’est là le principal apport de ce projet de loi : leur donner cette possibilité.

Je suis donc enthousiaste sur ce texte, en particulier sur l’article 80, qui constitue un réel progrès. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Très bien !

(Mme Sandrine Mazetier remplace M. David Habib au fauteuil de la présidence.)

Présidence de Mme Sandrine Mazetier

vice-présidente

Mme la présidente. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Étant moi aussi un élu de province, je me permets de prendre la parole sur cet article, qui, pour ne rien vous cacher, me laisse assez perplexe.

Je commencerai par un petit rappel historique.

Il y a quelques années, dans ce même hémicycle, nous examinions le projet de loi Mallié. J’étais présent – j’étais déjà, à l’époque, le porte-parole du groupe centriste. Dans les travées, certains défendaient le projet de loi, d’autres s’y opposaient, de manière exactement inverse à ce que l’on voit aujourd’hui !

M. Gilles Lurton. C’est exact !

M. Jean-Yves Caullet. Ce n’était pas non plus la même loi !

M. Francis Vercamer. À l’exception de certains qui, par conviction, restent opposés au travail le dimanche – ce que je respecte.

Mais permettez-moi vous lire quelques extraits plutôt piquants des débats de l’époque.

« Comment les gens pourraient-ils dépenser le dimanche l’argent qui leur manque pendant la semaine ? », s’interrogeait ainsi Christian Eckert lors d’une séance de questions au Gouvernement.

M. Gérard Cherpion. Eh oui !

M. Francis Vercamer. « Généraliser le travail dominical en ouvrant les centres commerciaux, les crèches et les services se fera au détriment de la vie familiale, de la vie associative, du sport, de la culture et de la détente », poursuivait-il.

M. Gérard Cherpion. Et maintenant, il est au Gouvernement !

M. Francis Vercamer. Un autre jour : « Il n’y a pas que le commerce dans la vie. L’être humain existe autrement que par la possession de biens matériels. Votre conception de la vie n’est pas la nôtre. » Aujourd’hui, on entend dire l’inverse : n’est-ce pas amusant ?

Je ne résiste pas, en ce jour de la Saint-Valentin, à vous citer un dernier petit extrait : « Le vivre ensemble semble ne pas compter pour vous. Pourtant, les études montrent que, le dimanche, on regarde moins la télévision, on reste plus longtemps à table, on fait plus de câlins. »

Si j’ai rappelé cela, c’est que j’ai essayé, durant cinquante heures, de défendre un certain nombre de convictions personnelles. À savoir : non, le dimanche n’est pas un jour comme les autres, et si travail du dimanche il doit y avoir, il faut que ce soit avec parcimonie et en prévoyant des compensations pour le salarié. Certaines avancées avaient déjà été permises par la loi Mallié ; elles nous semblaient suffisantes.

Vous proposez aujourd’hui une extension supplémentaire, notamment via le développement des PUCE, des centres commerciaux.

M. Jean-Yves Caullet. Ainsi que des compensations.

M. Francis Vercamer. Vous proposez aussi – à ma demande, d’ailleurs – la création de zones transfrontalières, ce qui est une bonne chose : quand il y a des commerces ouverts de l’autre côté de la frontière, du chiffre d’affaires part à l’étranger.

S’agissant des cinq dimanches du maire, j’avais demandé en commission qu’en cas d’extension du dispositif, les établissements publics de coopération intercommunale – EPCI – puissent au moins se prononcer sur le sujet, de manière à éviter toute concurrence entre communes appartenant à une même aire urbaine. Cette disposition a été introduite via un amendement du rapporteur.

Il reste que la difficulté que soulève cet article, c’est que le commerce indépendant rencontre des difficultés pour ouvrir le dimanche. En effet, soit il n’y a pas de salariés, et c’est le commerçant lui-même qui doit ouvrir, soit il y en a, mais le commerçant n’a pas forcément les moyens de les payer plus. C’est pourquoi je me demande si le passage de cinq à douze dimanches ne va pas profiter aux grandes chaînes commerciales, au détriment des commerces indépendants.

M. Gérard Cherpion. Bonne question !

M. Francis Vercamer. Quand vous dites qu’il y a eu un dialogue social et que les représentants syndicaux du commerce sont d’accord, c’est évident, puisque la fédération du commerce est tenue par la grande distribution !

M. Gérard Cherpion. Eh oui !

M. Francis Vercamer. Mais le commerçant indépendant, celui qui n’a que son magasin comme seul outil de travail et moyen de subsistance, est-il d’accord pour ouvrir au-delà des cinq dimanches ? Je n’en suis pas persuadé.

C’est pourquoi le groupe UDI votera ces amendements de suppression. En effet, je ne suis pas convaincu qu’il faille aller au-delà des cinq dimanches du maire, même si l’EPCI donne son avis, même si cela donne lieu à une discussion avec les partenaires sociaux à l’échelon local, même s’il y a des compensations salariales.

M. Gérard Cherpion. Et c’est un frontalier qui vous le dit ! (Sourires.)

M. Francis Vercamer. Vous avez déjà étendu l’ouverture dominicale dans les zones commerciales et dans les zones touristiques, avec des garanties – ce dont je vous suis reconnaissant, car c’était une exigence de l’UDI. Mais vous avez aussi dit, monsieur le ministre, que vous aviez un contrat avec le PS, et pas avec les autres.

M. Emmanuel Macron, ministre. Je n’ai jamais dit cela !

M. Jean-Frédéric Poisson. Si !

M. Francis Vercamer. Cela ne vous choquera donc pas que l’UDI vote ces amendements de suppression de l’article ; il me semble que nous avons déjà fait assez d’efforts en vous soutenant sur plusieurs dispositions relatives au travail le dimanche.

Mme la présidente. La parole est à Mme Suzanne Tallard.

Mme Suzanne Tallard. Mes chers collègues, je voudrais appeler votre attention sur un point qui a été encore peu abordé. Ouvrir les commerces de détail le dimanche aura de lourdes conséquences, non seulement sur les commerces de centre-ville – cela a été dit –, mais aussi sur ceux des bourgs et villages, qui sont par nature fragiles. Les maires des communes rurales déploient en ce moment une énergie et des sommes considérables, à l’échelle de leur commune, pour faire vivre ou créer, avec l’aide de l’État, des épiceries, souvent multiservices. L’extension des zones commerciales le dimanche ne va pas dans le sens de l’égalité des chances économiques dans les territoires ruraux.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Ce n’est pas le sujet !

Mme Suzanne Tallard. Je voulais que cela soit dit alors que l’on parle beaucoup, par ailleurs, de ruralité.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Les maires pourront décider de ne rien changer !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Bricout.

M. Jean-Louis Bricout. Au-delà des enjeux environnementaux qui ont été largement soulevés par mes collègues, du point de vue purement économique, j’ai du mal à comprendre, puisque l’on sait que l’ouverture dominicale fera la part belle à la grande distribution, la cohérence entre l’attribution à la grande distribution du crédit d’impôt compétitivité emploi, qui a vocation à développer les marges des entreprises, et l’extension de l’ouverture dominicale, où l’on incite ces mêmes entreprises à ouvrir les jours où le travail coûte le plus cher et où les marges sont les plus réduites. Pourriez-vous, monsieur le ministre, me donner quelques éclaircissements à ce sujet ?

M. Pascal Cherki. Très bien !

M. Jean-Louis Bricout. J’interviendrai également à l’article suivant pour demander une régulation à l’échelon du territoire, afin qu’il y ait une réflexion territoriale sur les incidences que pourrait avoir l’extension de l’ouverture dominicale en matière de lien social et de commerce de proximité.

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. Sur ce sujet, le fond rejoint la forme.

Je veux pour ma part me féliciter de la manière dont nous avons appréhendé, au fil de notre travail parlementaire, la problématique posée par le rapport Bailly. Notre approche de l’ouverture dominicale, que nous envisageons comme une exception, repose sur un principe particulièrement simple : la connaissance des territoires et le souci de parvenir à la solution la plus adaptée à ces territoires.

M. Pascal Cherki. Sauf à Paris !

M. Bruno Le Roux. Avant tout, nous avons veillé à ce que soit prise en compte chaque situation locale – j’ai moi-même essayé de m’en assurer dans les contacts que j’ai pu avoir, au sein de mon groupe, avec ceux qui exercent des responsabilités locales. La discussion parlementaire permettra d’ailleurs, y compris ce matin, de préciser encore les choses – nous le devrons notamment à des initiatives de Christophe Sirugue et Dominique Potier – et de prendre en compte certains effets que pourrait avoir le dispositif sur le commerce dans le centre-ville d’un certain nombre d’agglomérations.

Tout cela repose très largement sur l’analyse faite par ceux qui sont en première ligne dans chaque territoire, ceux qui ont la confiance des habitants et sont en contact avec les organisations professionnelles et les partenaires sociaux. C’est en cela que je trouve que la méthode suivie pour aboutir à la forme actuelle de cet article est bien meilleure que celle qui consiste à se fonder sur un texte politique : elle n’est pas figée.

Vous savez pourtant à quel point je suis attaché aux textes du bureau national du parti socialiste ! J’exerce des responsabilités depuis suffisamment longtemps pour savoir qu’il s’agit là de documents importants, mais je sais aussi que notre travail parlementaire a permis d’aboutir à un bien meilleur texte, plus protecteur des intérêts des territoires, que celui du bureau national, qui reposait, pour sa part, sur l’idée d’une obligation d’ouverture cinq dimanches par an, ce qui ne correspond pas aux aspirations actuelles d’un certain nombre de territoires. La possibilité d’aller jusqu’à sept dimanches d’ouverture était envisagée, mais, aujourd’hui, un certain nombre de territoires souhaitent pouvoir aller jusqu’à douze.

Le retrait de cette obligation d’ouverture cinq dimanches par an me semble un des fruits essentiels de la concertation qui a été menée ces dernières semaines, l’un des acquis de ce texte. J’en félicite d’ailleurs, bien entendu, Stéphane Travert, qui a su conduire cette discussion. Ce n’est pas facile, parce que si l’on adopte un point de vue strictement idéologique, on ne prend en compte aucune des préoccupations des territoires. On en arrive même à des prescriptions très fortement idéologiques en matière de comportement…

M. Jean-Frédéric Poisson. Arrêtez, avec ça ! Ce n’est pas sérieux !

M. Bruno Le Roux. C’est très sérieux, au contraire ! Je sais d’ailleurs quelle est votre propre prescription pour le dimanche matin, monsieur Poisson. Pour ma part, je n’y adhère pas, elle vous est personnelle. Et il ne faut pas, dans ce débat, viser à ce qu’elle s’impose à tout le monde. On doit pouvoir travailler aujourd’hui sur des exceptions au travail dominical sans devoir en passer par les prescriptions que la bonne société voudrait imposer à tel ou tel.

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est incroyable, ça !

M. Bruno Le Roux. Nous avons essayé de faire preuve de pragmatisme et de définir un cadre pour que ne perdurent pas, dans certains territoires, certaines situations déséquilibrées, dans lesquelles le travail dominical ne faisait l’objet d’aucune contrepartie pour les salariés. Il me semble vraiment que nous y sommes parvenus, avec cet article 80. Il représente une avancée substantielle pour les salariés et pour les territoires.

M. Bernard Roman. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Le caractère hautement caricatural de vos propos, monsieur le président Le Roux, je crois, ne va pas arranger la sauce de votre prochain congrès…

M. Arnaud Leroy. On vous invitera !

M. Jean-Frédéric Poisson. …ni celle des débats internes au groupe socialiste, dont nous avons un échantillon depuis hier.

Chère collègue Capdevielle, vous avez le droit de faire de votre dimanche exactement ce que vous voulez –…

Mme Colette Capdevielle. Merci !

M. Jean-Frédéric Poisson. …et il en est de même pour moi. Personne n’a jamais prétendu le contraire.

Mme Colette Capdevielle. Et si j’ai envie de travailler le dimanche ?

M. Jean-Frédéric Poisson. Et quand M. Le Roux m’accuse – parce que tel est le ton qu’il emploie, mais je n’en dirai pas plus – de prescrire je ne sais quoi à je ne sais qui, je le renvoie au compte rendu des débats que nous avons depuis 180 heures : il n’en trouvera aucun exemple. Ce qu’il y trouvera, en revanche, c’est le souci de préserver deux choses simples.

Tout d’abord, vous pouvez, monsieur Le Roux, madame Capdevielle, chercher désespérément la mention du lundi, du mardi ou les autres jours dans le code du travail, vous ne la trouverez pas. Mais vous y trouverez le dimanche.

M. Pascal Cherki. Eh oui !

Mme Jacqueline Fraysse. Absolument !

M. Jean-Frédéric Poisson. Eh oui ! Vous y trouverez le dimanche, parce que, que vous le vouliez ou non, et pour des tas de raisons – certaines tiennent, monsieur Le Roux, à des valeurs qui vous sont chères, d’autres à des valeurs qui me sont chères, et il en est peut-être que nous partageons, cher président Le Roux, c’est même certain –, le dimanche a été traité d’une manière spéciale dans le code du travail depuis des siècles (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) ou, en tout cas, depuis qu’il y a un code du travail. Et avant qu’il n’y ait un code du travail, il y avait d’autres réglementations. C’est donc un jour spécial, que cela vous plaise ou non.

Et, pour ce jour spécial, je redis – c’est mon deuxième point – qu’il est nécessaire d’adopter des règles pour concilier trois libertés qu’il est difficile d’équilibrer :…

M. Pascal Cherki. Exactement !

M. Jean-Frédéric Poisson. …celle des entreprises, celle des salariés et celle des consommateurs. C’est ça, le problème.

Votre propos, monsieur Le Roux, est un peu étonnant. Je n’aurai pas la cruauté de continuer l’exercice qu’a commencé Francis Vercamer tout à l’heure, mais on pourrait citer nos collègues Christophe Sirugue et Bernard Roman, ou encore Alain Vidalies et Marisol Touraine, aujourd’hui membres du Gouvernement. Au cours des débats d’il y a six ans, tous ont pris position de manière très ferme contre le principe du travail dominical.

Mme Jacqueline Fraysse. Absolument !

M. Bernard Roman. Je m’inscris en faux !

M. Jean-Frédéric Poisson. Pardon, monsieur le premier questeur ! J’avais pourtant le souvenir que vous aviez pris position en ce sens, mais enfin, admettons.

Toutes ces personnes ont donc pris position contre le principe du travail dominical. C’est la position que vous avez défendue, mes chers collègues. Vous ne vous opposiez pas aux modalités, vous vous opposiez au principe même ! Et quelques années plus tard, la plupart d’entre vous – je reconnais que certains, comme Christian Paul, font preuve d’une plus grande constance – affirment que cette opposition de principe doit désormais être abandonnée !

Je le répète, monsieur le ministre : entre ces trois libertés, celle de l’entreprise, celle du salarié et celle du consommateur, vous donnez la priorité à celle du consommateur. C’est la réalité ! Or nous continuons de penser qu’il n’y a aucun motif de le faire, pour deux types de raison.

Premièrement, monsieur le rapporteur général, vous ne pouvez pas, sérieusement, prétendre qu’aucune compensation n’est offerte dans les 641 zones touristiques actuelles. C’est faux. D’abord, il y a des accords locaux – l’exemple de Saint-Malo vous a été rappelé hier. Ensuite, pardonnez-moi de vous le rappeler, il y a aussi des conventions collectives, qui prévoient déjà des accords et qui continueront d’ailleurs de s’appliquer une fois entrée en vigueur cette loi qu’un certain nombre d’entre vous s’apprêtent à voter. Cela n’affectera donc en rien la situation des salariés concernés par ces accords collectifs, qui existent déjà.

M. Emmanuel Macron, ministre. Dans la grande distribution !

M. Jean-Frédéric Poisson. Pas seulement, monsieur le ministre. Il y en a ailleurs.

La deuxième chose que vous ne pouvez pas dire sérieusement, monsieur le rapporteur général, c’est que ce texte apporte des garanties. Il n’apporte aucune garantie ! Il est prévu que les accords comportent un certain nombre de stipulations, mais vous ne voulez pas dire lesquelles, ni fixer de seuil. Je le comprends très bien, parce que ce serait contraire à la logique même d’un accord, mais ne dites pas à la représentation nationale et aux Français que le texte que vous défendez comporte des garanties pour les salariés. Il n’y en a pas ! Ce n’est pas vrai !

M. Jean-Yves Caullet. Si ! On leur donne la main pour décider s’il y a ouverture ou pas !

M. Jean-Frédéric Poisson. Vous devrez que les accords soient signés pour en trouver.

Si encore le dispositif se fondait sur la démonstration économique de la nécessité de passer de cinq dimanches d’ouverture à douze… Au passage, aucun de ces dimanches n’est obligatoire. Quand on parle d’ouverture obligatoire, c’est une plaisanterie. Personne n’est forcé d’ouvrir cinq dimanches par an, dans aucune commune de France, Dieu merci ! Simplement, il y a, de droit, et dans la limite de cinq jours par an, une certaine latitude à laisser à celui qui le demande la possibilité d’ouvrir le dimanche, mais ce n’est obligatoire pour personne. Soyons précis.

Vous n’apportez donc aucune démonstration, et d’ailleurs, personne ne le peut. Personne ne peut démontrer que le passage de cinq à douze dimanches sera bénéfique en termes de commerce, d’activité et d’emploi. C’est insaisissable, cela ne relève pas du calcul mathématique. C’est d’ailleurs l’un des aspects sympathiques de la science économique, du moins quand elle cesse de prétendre être une science.

Dans cette incertitude économique, plutôt que de prendre le parti de celui des trois qui, de l’entreprise, du consommateur ou du salarié, est le plus contraint, de celui qui ne peut pas complètement disposer de son dimanche comme il le voudrait parce qu’on va le faire travailler – avec les répercussions que l’on peut imaginer sur les modes de garde et dans de nombreux autres domaines –, de celui qui, en toute hypothèse, est le moins solide des trois, vous prenez au contraire le parti de celui qui est le plus libre, le moins contraint, le plus à même de faire ce qu’il veut au cours de cette journée particulière. Voilà ce que nous dénonçons, mes chers collègues, et rien d’autre !

Alors, vous pouvez escamoter ce débat en invoquant des prescriptions qui n’existent pas. Personne ne veut, ici, forcer quiconque à faire le dimanche des choses qu’il ne voudrait pas, en tout cas pas moi, et je vous mets au défi de trouver, dans les deux cents heures de débats que nous avons eus dans cet hémicycle, un seul mot qui aille en ce sens. Dites-nous donc plutôt pourquoi vous préférez favoriser la liberté de celui qui est déjà le plus libre au lieu de protéger celui qui est le plus contraint.

Mes chers collègues, nous voterons donc pour les amendements de suppression de l’article 80.

M. Patrick Hetzel. Très bien !

M. Bernard Roman. Gauchiste ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique de la commission spéciale.

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique de la commission spéciale. Je ferai, très brièvement, quelques observations.

La première est qu’il était nécessaire d’avancer par rapport aux conclusions du rapport Bailly. J’ai rencontré son auteur, et j’ai quand même le souvenir d’une personne peu sensible à la question de la diversité des territoires, ou du moins aux possibles effets néfastes de l’ouverture des grandes surfaces en périphérie des grandes villes. Je suis donc contente qu’on ait pu, au sein de la commission spéciale, évoluer et aller plutôt vers un dispositif de liberté, permettant de zéro à douze dimanches d’ouverture des commerces. J’y insiste : de zéro à douze, parce que j’ai bon espoir que, dans des territoires où cela ne se justifie pas, les élus, en conscience et en responsabilité, ne recourront pas à cette faculté qui leur est offerte de permettre l’ouverture dominicale.

Moi-même, j’étais très réticente à faciliter l’ouverture des commerces le dimanche dans les territoires ruraux où, beaucoup l’ont rappelé à juste titre, une telle mesure peut avoir des effets dévastateurs et entraîner un cercle vicieux. Mais cet article introduit une liberté tout en prenant en compte la diversité du territoire. En plus, il présente une qualité sociale essentielle, celle de permettre l’attribution systématique d’une substantielle compensation, sous la forme d’un doublement de la rémunération.

M. Pascal Cherki M. Jean-Frédéric Poisson et M. Francis Vercamer. Non !

M. Emmanuel Macron, ministre. Mais si, monsieur Poisson ! Le dimanche du maire donne lieu à un doublement de la rémunération !

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Bien sûr, pour ces douze dimanches, il y a doublement de la rémunération ! Il faut quand même être très clair sur ce point.

Peut-être faudra-t-il un peu plus loin en ce qui concerne les compensations. Il faut par ailleurs tenir compte des jours fériés – je crois que nous allons avoir un débat à ce propos.

Enfin, il est utile que l’EPCI prenne la main et mène une réflexion économique globale sur le territoire.

Le dispositif me paraît donc intelligent, d’autant qu’il est le résultat d’un travail de confrontation entre différents points de vue. En ce sens, il me semble que nous avons trouvé un point d’équilibre, une dynamique respectueuse à la fois des entrepreneurs et des salariés.

Mme la présidente. La parole est à M. Pouria Amirshahi.

M. Pouria Amirshahi. Oui, j’entends bien, des modifications ont été apportées par le travail parlementaire, mais aucune des modifications ou garanties que vous prétendez avoir apportées après avoir écouté les députés, monsieur le ministre, n’enlève quoi que ce soit à la réalité brute de ce dispositif : il fait passer à douze le nombre de dimanches d’ouverture, en faisant « sauter le taquet » des cinq dimanches, pour reprendre l’expression – triviale, peut-être, mais juste – de Stéphane Travert. Il marque de la sorte, par voie législative, l’extension du champ de la précarité sociale. C’est un fait.

Nous nous étions, les uns et les autres, fortement mobilisés contre cette proposition. Je me demande pourquoi vous n’avez pas tout simplement proposé ces garanties sur la base des cinq dimanches autorisés jusque-là : cela aurait permis d’aboutir à un accord large à l’Assemblée nationale, en préservant la concorde parlementaire. Vous proposez des garanties pour protéger les travailleurs qui sont concernés par le travail du dimanche – dont on sait, je le rappelle, qu’il est pour l’essentiel subi – ; il faut les conserver, mais aussi éviter que ces travailleurs soient contraints, pour préserver leur niveau de vie dans un contexte de crise sociale et économique, de travailler plus de cinq dimanches par an. Le dispositif aurait été beaucoup plus cohérent, et aurait permis de trouver un point d’équilibre politique. À l’heure actuelle, nous n’avons pu parvenir à un tel point d’équilibre.

Nous y arrivons d’autant moins que – je le répète, car je ne reprendrai pas la parole à ce sujet – nous n’avons pas prévu de compensations suffisantes. Certes, sur la question des seuils et des compensations, il y a des différences entre les zones. Je refuse cependant d’être prisonnier de l’argument technique selon lequel les seuils entraînent un effet de plafond qui pourrait empêcher de petites entreprises d’embaucher, ou d’augmenter leurs salariés, grâce au travail du dimanche. Ce n’est pas vrai ; en tout cas, ce n’est pas prouvé. Plus généralement, je ne crois pas que la politique doive se résigner à être subordonnée à la technique. Nous aurions pu envisager un fonds de compensation salarial, ou d’autres dispositifs, pour compenser la difficulté sociale et économique que vivront des millions d’hommes et de femmes dans notre pays.

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. J’aimerais comprendre la position de l’UMP. M. Poisson nous a annoncé que les députés du groupe UMP voteront pour ces amendements de suppression…

M. Jean-Frédéric Poisson. Absolument !

M. Christophe Caresche. Oui, j’ai bien compris cela.

Je suis élu de Paris, et je constate que Mme Kosciusko-Morizet, qui est n2 ou n3 de l’UMP, et par ailleurs députée, souhaite que l’ensemble de la commune de Paris soit classé en zone touristique, et que les commerces puissent y ouvrir cinquante-deux dimanches par ans.

M. Patrick Hetzel. Elle a le droit de dire cela !

M. Christophe Caresche. Elle a le droit de le dire, bien sûr ! Simplement, j’aimerais savoir quelle est la véritable position de l’UMP : est-ce celle qui est exposée à l’Assemblée par le groupe politique, ou celle qui est exprimée à l’extérieur de l’hémicycle, par la voix d’éminents responsables du parti ?

Mme Jacqueline Fraysse. Elle n’est pas univoque !

M. Patrice Carvalho. Comme celle du PS, d’ailleurs !

Mme la présidente. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Je serai bref, madame la présidente. Je voudrais simplement répondre à nos collègues du groupe socialiste, principalement M. Le Roux.

« Le combat de 2012, c’est de préserver le repos dominical, c’est-à-dire de permettre aux travailleurs de consacrer un jour de leur semaine à leur famille, au sport, à la culture, à la liberté : j’y veillerai. » Cette phrase est extraite du discours prononcé par François Hollande le 17 avril 2012 à Lille. C’était votre candidat à l’élection présidentielle, c’est à présent notre Président de la République, qui préside le Conseil des ministres. Mais, pour reprendre le slogan d’une marque d’optique, « ça, c’était avant » !

M. Patrick Hetzel. Très bien ! Excellent !

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est très vrai !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je ne tomberai pas dans le piège grossier que me tend M. Caresche, qui s’imagine me faire utiliser un temps infini pour répondre à une question. La position du groupe politique UMP à l’Assemblée nationale, c’est la position exprimée dans l’hémicycle par l’orateur du groupe sur ce projet de loi, c’est-à-dire moi. Il n’y en a pas d’autre.

Mme Jacqueline Fraysse. Très bonne réponse.

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Travert, rapporteur thématique.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Je poursuivrai dans la même veine que M. Vercamer, en reprenant un autre slogan publicitaire : je rêve d’un groupe, ou d’une assemblée, qui puisse convenir que cinq dimanches, douze dimanches, ou passer de zéro à douze dimanches, ce n’est pas la même chose. Par ailleurs, on ne peut pas dire que ces dispositions favoriseront la grande distribution.

M. Patrick Hetzel et M. Jean-Frédéric Poisson. Mais si !

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Au cours de nos auditions, nous avons rencontré les acteurs de ce secteur – pour ne pas les nommer, nous avons rencontré les dirigeants de Carrefour et Auchan. Que nous ont-ils dit ? Les dirigeants d’Auchan nous ont dit que cela ne les intéressait pas d’ouvrir le dimanche, notamment sur les dimanches du maire, car leurs surfaces sont trop grandes ; que cela leur coûte trop cher d’ouvrir uniquement le dimanche matin ; et qu’ils ne trouvent pas leur compte à ouvrir un certain nombre de dimanches dans l’année, sauf les deux dimanches qui précédent les fêtes de Noël.

M. Jean-Frédéric Poisson. Ce n’est pas le cas pour les petites surfaces !

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Le groupe Carrefour était tout à fait d’accord avec ce point de vue, sauf pour leurs commerces de détail,…

M. Jean-Frédéric Poisson. Ah ! Nous y sommes !

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. …c’est-à-dire les supermarchés de chef-lieu de canton, et ceux qui sont situés dans nos villes.

En l’état actuel, ce projet de loi prévoit que la décision revient aux maires, puis aux EPCI, qui veillent à préserver la cohérence du territoire et l’animation des centres-villes. Je rappelle également, puisque cela ne semble pas clair pour tout le monde, que dans les zones commerciales, dans les zones touristiques, et dans les zones touristiques internationales, nous renvoyons à la négociation pour les compensations, mais que pour les dimanches du maire, nous n’avons touché à rien en commission spéciale. Pour les dimanches du maire, la règle ne change pas : c’est le doublement du salaire et le repos compensateur.

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Très bien !

M. Bernard Roman. C’est très clair !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. M. le rapporteur thématique a été parfaitement clair : il était important de rappeler ces éléments.

Une fois n’est pas coutume, monsieur Poisson, vous avez dit une chose techniquement incorrecte. Je voudrais la rectifier, ce qui me permettra de répondre également à M. Amirshahi. Je suis revenu tout à l’heure sur l’architecture d’ensemble de ce projet de loi, en rappelant notamment la règle : « pas d’accord collectif, pas d’ouverture dominicale » pour les ZTI. Dans le cadre des dimanches du maire, régime bien à part,…

M. Pascal Cherki. Et bien payé !

M. Emmanuel Macron, ministre. …la règle fixée par le code du travail est le doublement du salaire.

M. Patrick Hetzel et M. Jean-Frédéric Poisson. Non !

M. Emmanuel Macron, ministre. Cette règle est fixée par le code du travail : là est toute la différence. Ces jours sont à la main du maire, qui peut décider de n’en ouvrir aucun, ou de n’en ouvrir qu’un, ou deux, et ainsi de suite jusqu’à douze. Puisque ces jours sont à la main du maire, leur régime ne peut être prévu par un accord signé par les partenaires sociaux ! Par définition, on ne peut pas renvoyer la fixation de ce régime aux accords ; c’est pourquoi il est déterminé par le code du travail.

Monsieur Cherki, quand vous parlez, je vous écoute ; ayez la courtoisie de ne pas parler quand je vous réponds ! La différence entre les dimanches du maire et les ZTI, c’est que dans ce deuxième cas, les commerces peuvent ouvrir cinquante-deux dimanches par an. C’est un autre régime, qui nécessite un accord de branche, de territoire ou d’entreprise.

Quoi qu’il en soit, l’article L. 3132-27 du code du travail s’applique aux dimanches du maire, qui sont donc payés double : c’est la règle.

M. Pascal Cherki. Pas pour les ZTI !

M. Emmanuel Macron, ministre. L’argument que vous avez utilisé, et qui a été repris par d’autres, ne tient pas. Si votre souci était que les dimanches du maire soient payés double, alors vous devriez être satisfait, et voter contre ces amendements de suppression. En effet, puisque ces dimanches sont à la main du maire, ils ne relèvent pas d’un accord d’entreprise ou de branche – comme c’est le cas pour les commerces des ZTI qui, eux, peuvent ouvrir cinquante-deux dimanches par an – ; en vertu du code du travail, ils sont donc payés double.

Tout en conservant cette règle, vous avez même ajouté au régime des dimanches du maire le principe du volontariat des salariés – certes, il est possible d’avoir des doutes quant à ce dernier point ; j’ai moi-même relativisé cette notion.

M. Patrice Carvalho. Eh oui ! Le volontariat n’est pas la pratique habituelle dans le commerce, faut pas rêver !

M. Emmanuel Macron, ministre. Je précise bien ce point à l’attention de tous ceux qui auraient encore des doutes. M. Bricout a, tout à l’heure, fait part de sa préoccupation relative aux grandes surfaces. Je pense que sur ce point, M. le rapporteur lui a répondu. Tout à l’heure, nous examinerons des dispositions relatives à la prise en compte du SCOT et de l’équilibre entre territoires : je lui en sais gré. Quoi qu’il advienne, le payé double restera la règle.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 102, 765, 1036, 1314 et 2641.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants55
Nombre de suffrages exprimés55
Majorité absolue28
Pour l’adoption21
contre34

(Les amendements identiques nos 102, 765, 1036, 1314 et 2641 ne sont pas adoptés.)

M. Pascal Cherki. Et c’est la gauche qui fait ça ! C’est incroyable !

M. Patrick Hetzel. Eh oui, monsieur Cherki ! La gauche n’a plus de repères !

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Suite du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures dix.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly