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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du jeudi 19 février 2015

SOMMAIRE

Présidence de Mme Sandrine Mazetier

1. Nouvelle organisation territoriale de la République

Discussion des articles (suite)

Article 2 (suite)

Amendements nos 171 , 415 rectifié , 881

M. Olivier Dussopt, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique

Amendements nos 1570 , 1451 rectifié , 550 , 1894 , 1402 , 682

Suspension et reprise de la séance

Présidence de M. Claude Bartolone

2. Motion de censure

M. Christian Jacob

M. Philippe Vigier

M. Roger-Gérard Schwartzenberg

M. François de Rugy

M. André Chassaigne

M. Bruno Le Roux

M. Manuel Valls, Premier ministre

Suspension et reprise de la séance

Suspension et reprise de la séance

Présidence de Mme Laurence Dumont

3. Nouvelle organisation territoriale de la République

Discussion des articles (suite)

Article 2 (suite)

Mme la présidente

M. Olivier Dussopt, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Amendement no 889

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique

Amendements nos 1723 rectifié , 1724

Suspension et reprise de la séance

Rappel au règlement

M. Gérald Darmanin

Mme la présidente

Amendements nos 700 , 882 , 1455 , 417 rectifié , 1685 rectifié , 115 , 1725 , 2077 (sous-amendement)

Rappel au règlement

Mme Annie Genevard

4. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Sandrine Mazetier

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Nouvelle organisation territoriale de la République

Suite de la discussion d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi, adopté par le Sénat, portant nouvelle organisation territoriale de la République (nos 2529, 2553, 2542, 2544, 2545, 2546, 2549).

Discussion des articles (suite)

Mme la présidente. Ce matin, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement n2039 rectifié à l’article 2.

Article 2 (suite)

Mme la présidente. L’amendement n2039 rectifié n’est pas défendu.

Je suis saisie de trois amendements, nos 171, 415 rectifié et 881, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Dominique Nachury, pour soutenir l’amendement n° 171.

Mme Dominique Nachury. Puisque le schéma régional sera prescriptif, cet amendement vise à introduire un dispositif similaire à celui adopté en première lecture par le Sénat, qui prévoyait une « majorité de rejet » du projet de schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation – le SRDEII – par au moins trois cinquièmes des EPCI à fiscalité propre.

Dans la mesure où le SRDEII est adopté par le seul conseil régional, sans dispositifs de co-élaboration autre qu’une simple concertation ou information au sein de la conférence territoriale de l’action publique – CTAP –, il semble nécessaire de rétablir ce dispositif garantissant que la stratégie élaborée par le conseil régional n’est pas déconnectée de l’action et des préoccupations des intercommunalités.

Mme la présidente. La parole est à M. Maurice Leroy, pour soutenir l’amendement n415 rectifié.

M. Maurice Leroy. Cet amendement s’inscrit dans le droit-fil du débat tardif d’hier soir : afin que l’ensemble des élus locaux participent à l’élaboration du schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation, je propose que celui-ci soit soumis pour avis à la conférence territoriale de l’action publique.

Je propose également de décliner localement ce schéma à travers la convention territoriale d’exercice concerté des compétences, prévue au V de l’article L. 1111-9-1 du code général des collectivités territoriales, cet outil contractuel ayant été introduit par la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles – dite loi MAPTAM.

La CTAP rend un avis, adopté à la majorité simple, sur le projet de schéma arrêté par le conseil régional. Elle rend également un avis sur le projet de convention territoriale d’exercice concerté de la compétence développement économique. Pour que cet avis soit favorable, la majorité qui devra se dégager devra comprendre la majorité des membres de la CTAP représentant les EPCI, c’est-à-dire les présidents des EPCI de plus de 30 000 habitants ainsi que les représentants élus des EPCI de moins de 30 000 habitants. En cas d’avis défavorable sur le projet de schéma ou sur le projet de convention territoriale d’exercice concerté, la concertation au sein de la conférence territoriale de l’action publique se poursuivrait.

Par ailleurs, je tiens à revenir sur nos débats d’hier pour clarifier un point. Le secrétaire d’État André Vallini n’est pas là aujourd’hui mais nous avons la chance d’avoir Mme Marilyse Lebranchu.

Mme Isabelle Le Callennec. La réponse sera la même !

M. Maurice Leroy. En adoptant l’amendement n1682, chers collègues, vous avez exclu les conseils départementaux du dispositif, les privant ainsi de leur pouvoir d’intervention en matière économique, contrairement à ce qui nous a été dit hier.

M. Martial Saddier. Tout à fait !

M. Maurice Leroy. Il est important de le rappeler, car notre débat a été quelque peu saucissonné.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Piron, pour soutenir l’amendement n881.

M. Michel Piron. Je me permets une variation sur le même thème en essayant d’être plus précis, car je n’ai pas compris l’objet exact de l’amendement de M. Leroy.

M. Maurice Leroy. J’ai dû mal l’expliquer !

M. Michel Piron. Certes, j’ai également cru comprendre que les compétences économiques du département avaient été supprimées tard dans la nuit d’hier mais, au nom des solidarités territoriales – le terme est important –, le département pourra continuer à subventionner une intercommunalité ou une commune pour la construction d’un bâtiment industriel ou l’achat de foncier. Cela se traduira forcément par une minoration des loyers, puisque les amortissements ne seront plus les mêmes. Soyons clairs : nul doute que le droit n’est pas une science dure, mais là nous sommes dans la science très molle ! En résumé, comme le disait si bien Giuseppe Tomasi di Lampedusa : Il faut que tout change pour que rien ne bouge !

Mon amendement vise donc à faire bouger un peu les choses. Je ne suis pas dans le même registre que le si beau roman Le guépard, mais j’essaie de fabriquer du droit. La question est de savoir si le schéma est prescriptif ou non.

M. Martial Saddier. Il l’est !

M. Michel Piron. Il a du moins la prétention de l’être ! Dès lors, on ne peut pas dissocier ceux qui font de ceux qui organisent. C’est la région qui organise et ce sont les intercommunalités qui font. Elles doivent donc être co-signataires et co-élaborateurs.

M. Martial Saddier. Vous menottez les territoires !

M. Michel Piron. Tel est l’objet de mon amendement. En revanche, si on veut rester dans du droit mou, nul besoin d’un schéma : il suffira d’un simple document régional d’orientation établissant des priorités dans le financement des échelons subsidiaires.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Dussopt, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission sur ces trois amendements en discussion commune.

M. Olivier Dussopt, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. La commission a émis un avis défavorable pour trois raisons, chaque amendement étant concerné par au moins une de ces raisons.

Premièrement, la minorité de blocage prévue par certains amendements reviendrait à instituer un droit de veto, ce qui priverait la région de l’exercice de la compétence exclusive en matière de définition des orientations économiques, que le texte prévoit de lui donner.

Mme Dominique Nachury et M. Martial Saddier. Ce n’est pas un droit de veto !

M. Olivier Dussopt, rapporteur. La deuxième raison concerne davantage l’amendement de M. Leroy : la loi MAPTAM de janvier 2014 a précisé qu’il n’y aurait pas de vote au sein des conférences territoriales de l’action publique, car nous ne voulons pas créer une chambre délibérante supplémentaire.

M. Martial Saddier. Cela ne sert à rien, alors !

M. Olivier Dussopt, rapporteur. En l’espèce, le président de région présentera le SRDEII. Par définition, le président de région sera en minorité arithmétique par rapport aux présidents de départements et d’intercommunalités. Nous ne pouvons pas imaginer qu’il y ait un vote et aucune concertation.

Enfin, le dispositif prévu par M. Piron a posé à la commission un problème de droit, notamment s’agissant de la définition de la notion de chef de file. À l’occasion de l’examen de la loi MAPTAM, nous avons dit que l’instauration d’un chef de filat impliquerait l’établissement d’une convention territoriale d’exercice concerté de la compétence. En revanche, en cas de compétences exclusives, des délégations seront possibles, mais il n’y aura pas de convention territoriale d’exercice concerté de la compétence. Il ne sera pas possible d’appliquer le dispositif prévu dans les cas de compétences partagées, telles que la culture, le sport ou le tourisme.

Pour des raisons de forme comme de fond, avis défavorable à tous ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, pour donner l’avis du Gouvernement.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Je ne dirai pas mieux que le rapporteur ; avis défavorable, pour les mêmes raisons. J’appelle votre attention sur les conséquences qu’entraînerait l’instauration d’une procédure de vote au sein de la CTAP. Dans le dispositif prévu par la loi MAPTAM, il s’agit simplement d’une nouvelle instance de discussion sur les deux seuls schémas qui resteront. Les schémas ont été créés par une loi de 2004, que vous avez défendue avec beaucoup d’enthousiasme, mesdames, messieurs les députés de l’opposition. La loi MAPTAM a permis d’en modifier plusieurs éléments et le présent projet de loi vise, non pas à complexifier, mais à clarifier le système, afin de favoriser les discussions entre chaque échelon en amont de la prise de décision d’une collectivité. Pour le reste, elles demeurent tout aussi autonomes, principe que nous avons choisi d’introduire dans la Constitution.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Le Sénat, dans sa sagesse, avait prévu des garde-fous : si au moins trois cinquièmes des EPCI à fiscalité propre émettent un avis défavorable, le schéma doit être modifié. Une telle majorité de rejet ne peut être atteinte que sur des sujets d’importance ! Vous avez donc supprimé un peu légèrement l’alinéa 15 introduit par le Sénat. Pour les EPCI, il s’agit d’un vrai sujet de préoccupation, qui motive d’ailleurs les amendements à venir de M. Estrosi et de M. Teissier, président de la communauté urbaine de Marseille, future métropole d’Aix-Marseille Provence. La rédaction du Sénat était très sage et devrait vous donner à réfléchir.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Nous avons longuement débattu hier soir de la place des conseils généraux dans le nouveau dispositif. Vous avez affirmé qu’ils n’auraient plus de compétences en matière économique. Toutefois, on leur présentera malgré tout le SRDEII : entre la présentation et la concertation, la nuance est ténue, convenez-en ! Comment peut-on présenter un schéma sans recueillir un avis ? Quant aux EPCI, puisqu’ils peuvent être l’objet de conventions, c’est bien qu’on leur reconnaît un rôle potentiel en matière d’action économique. L’amendement de notre collègue entend simplement conformer le texte à cette logique.

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. L’alinéa 18 prévoit que les actes des collectivités territoriales et de leurs groupements en matière d’aides aux entreprises soient compatibles avec le schéma régional et que les actes des métropoles en matière d’aides aux entreprises le soient également. Je pose donc la question en d’autres termes : l’adoption de l’amendement n1682, qui semble avoir retiré toute compétence économique aux départements, fait-elle tomber l’alinéa 18 ? Je vois que vous soupirez, madame la ministre, mais nous n’avons pas obtenu de réponses claires sur cette question.

En outre, s’agissant de la CTAP et de l’amendement de M. Leroy, on se plaint de la superposition des structures. En Bretagne, nous sommes très bien placés pour le savoir : il y avait le « B 16 », il existe désormais le CTAP. On débat dans ces instances : des réunions, il y en a, mais des décisions, aucune ! On finit par se demander qui prend les décisions, et où. Il s’agit probablement de trois ou quatre personnes seulement. N’essayez pas de nous faire croire que ces instances de débat sont utiles et lisibles ! Nous ne savons plus où se prennent les décisions, qui les prend, et combien elles coûtent ; or il s’agit tout de même d’un schéma de développement économique !

Mme la présidente. Sur l’amendement n171, je suis saisie par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme Dominique Nachury.

Mme Dominique Nachury. Monsieur le rapporteur, nous ne demandons pas un droit de veto pour les EPCI. Madame la ministre, nous ne demandons pas non plus un vote dans les CTAP. Nous demandons simplement que soit prévue la possibilité d’une réécriture lorsqu’un nombre important d’EPCI à fiscalité propre se trouve en désaccord avec le projet régional.

Nous ne voulons pas compliquer les choses. C’est un souci de cohérence qui nous anime.

Mme la présidente. La parole est à M. Maurice Leroy.

M. Maurice Leroy. Monsieur le rapporteur, comme cela vient d’être parfaitement dit, il ne s’agit pas d’un droit de veto. En outre, M. Vallini dit dans le Figaro de ce matin qu’il faut absolument simplifier et vous rejetez nos amendements qui poursuivent justement cet objectif. Cela devient de plus en plus nébuleux et compliqué !

Enfin, madame la ministre, vous avez raison, je le reconnais : la précédente majorité a sans doute antérieurement voté beaucoup trop de schémas. Elle n’aurait jamais dû le faire ! Qu’il faille réduire leur nombre, c’est un point sur lequel nous vous rejoignons.

Mais vous n’allez pas au bout de votre propre logique. Je suis d’accord pour réduire de dix à deux le nombre de schémas, mais qu’est-ce qui vous empêche de saisir l’occasion de la CTAP pour regrouper tout le monde autour de la table ? Nous avons intérêt à négocier et travailler tous ensemble, en amont.

À l’exception de Marc Le Fur, personne n’a évoqué la question des métropoles. J’ai eu l’occasion d’échanger à ce sujet avec le président Alain Rousset. Je prends date pour la suite : en rejetant nos amendements, vous allez aimer vos schémas régionaux de développement économique sans veto – ce sera voté pour le coup sans que vous ayez besoin de recourir au 49-3 –, parce que ce n’est pas avec les intercommunalités que les régions vont rencontrer des problèmes, c’est avec les métropoles. Je prends date : demandez notamment à M. Gérard Collomb.

M. Michel Piron. Excellentes remarques !

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Comme le rappelait notre collègue Leroy, le moins que l’on puisse dire c’est que travailler dans ces conditions n’est pas facile : nous avons débattu de ce projet de loi NOTRe jusqu’à une heure et demie cette nuit puis, ce matin, nous avons examiné le projet de loi portant transformation de l’université des Antilles et de la Guyane en université des Antilles, avant de reprendre l’examen de notre texte, que nous allons encore interrompre cet après-midi pour débattre de la motion de censure !

Mme Isabelle Le Callennec. Tout cela est un peu décousu.

M. Martial Saddier. En outre, les ministres changent. Il est difficile d’avoir une certaine continuité, mais nous essayons de rester concentrés.

Vous affichez un objectif de simplification des schémas. Mais, à force d’être interpellés, vous avez avoué, hier soir et ce matin, que ces schémas étaient très clairement prescriptifs. Il faut être très clair pour celles et ceux qui nous écoutent : cela revient à une mise sous tutelle de toutes les collectivités territoriales à l’intérieur des futures grandes régions. En fait, en matière d’économie, vous passez les menottes aux territoires situés dans ces régions telles que vous avez souhaité les découper.

Or, face à ce schéma prescriptif – c’est un reproche que nous vous faisons depuis hier soir – vous refusez en amont toute forme d’association et de consultation des départements et des EPCI à fiscalité propre. Vous dites qu’au nom de la solidarité, on ne sait plus si les départements pourront intervenir ou non. De toute façon, comme vous l’avez très bien rappelé, nous avons inscrit dans la Constitution que les EPCI à fiscalité propre et les communes disposent de droit d’une compétence économique. Jusqu’à preuve du contraire, en matière de schémas et de cohérence territoriale, comme en matière d’urbanisme, ce sont bien les EPCI à fiscalité propre et les communes qui sont compétents.

Or vous déniez aux départements, aux EPCI à fiscalité propre et donc aux communes le simple droit d’être associés et consultés en amont : comprenez que nous ne partagions pas cette analyse et que nous soyons persuadés que ce dispositif sera un frein pour l’économie. De même que nous n’avons eu de cesse de marteler que la loi Duflot serait un frein pour le logement, nous martelons que ce que vous êtes en train de faire va freiner l’économie.

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Je suis, en toute logique, totalement opposé à ces amendements, qui ne me semblent pas aller dans le sens de la clarification. Plusieurs collègues se sont interrogés pour savoir où se prennent les décisions en matière économique. La réponse est claire : au niveau de la région. À partir du moment où cette collectivité va être spécialisée dans l’économie, il paraît logique que ce soit elle qui, in fine, au terme du processus, prenne les décisions. Si ce n’est pas le cas, alors il ne sert à rien de faire cette loi : nous n’avons qu’à revenir au statu quo ante. Or tout le monde s’accorde à dire que c’était le bordel ! Cela me paraît assez clair.

En outre, avec ce que vous proposez, nous pourrions avoir un blocage, car certains EPCI pourraient empêcher la région de sortir son schéma. De plus, un problème démocratique se poserait si le vote des conseillers régionaux pouvait être remis en cause. Tant que nous y sommes, supprimons le conseil régional !

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Et le Sénat !

M. Paul Molac. Je suis donc totalement contre ces amendements. Enfin, vous parliez de tutelle d’une collectivité sur une autre. Or, avec ce que vous proposez, c’est la région, chargée de l’économie, qui subirait en fait la tutelle des EPCI ou des départements. Cela se ferait dans ce sens.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Estrosi.

M. Christian Estrosi. Madame la ministre, on ne peut aborder un tel sujet de manière idéologique.

Nous venons, avec les dix autres présidents de métropoles de France, d’en débattre il y a quelques instants avec le Président de la République ainsi qu’avec vous-même. Droite et gauche confondues me paraissent en tous cas d’accord sur un fait : à aucun moment les régions ne peuvent apparaître comme exerçant une sorte de tutelle sur les établissements publics de coopération intercommunale, et encore moins sur les métropoles.

Mme Isabelle Le Callennec. C’est pourtant ce qui est en train de se préparer !

M. Christian Estrosi. J’espère que nous n’en sommes qu’à une première mouture du texte et que la deuxième lecture au Sénat permettra de faire évoluer la rédaction. En effet, une agglomération d’une certaine taille ne pourra pas conduire une véritable politique de développement économique si elle se heurte à une tutelle qui pourrait établir un schéma préjudiciable à l’attractivité du territoire en question, ainsi qu’à la manière dont il entend organiser sa promotion économique à l’international en vue de créer de la croissance et de l’emploi. Cela serait un non-sens. Vous avez vous-même conforté le projet de loi que nous avions déposé et qui est devenu la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales. J’ai fait partie de ceux qui ont adopté votre texte car, à mon sens, il a permis de trouver un certain équilibre en renforçant encore nos propositions de décembre 2010. Il avait une véritable logique.

Or je ne retrouve pas dans le projet de loi dont nous débattons la logique que vous aviez impulsée dans votre précédente loi relative aux métropoles. Voilà pourquoi, madame la ministre, je pense qu’il faut que nous retrouvions cet équilibre entre la position de la région et celle des intercommunalités.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Sermier.

M. Jean-Marie Sermier. Le schéma est prescriptif : nous l’avons dit à plusieurs reprises, et vous nous l’avez répété. Cela dit, il faut bien comprendre que, si ce schéma entraîne sur le territoire en question des décisions en matière de planification, ce sont bien les communes et les EPCI qui les mettront en œuvre physiquement.

Il faut aller jusqu’au bout de votre logique. En fait, vous souhaitez renforcer le couple région-EPCI. Eh bien, donnez-leur les moyens de se renforcer en travaillant mutuellement sur ce schéma pour que les uns et les autres puissent se dire la vérité et s’engager ensemble. Il n’est pas possible d’envisager de ne pas consulter les EPCI alors qu’ils seront en charge de la mise en œuvre de la politique qui aura été définie par le schéma régional.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Je m’étonne des propos de M. Molac, dont la vision de la schématologie est extrêmement décentralisatrice quand il s’adresse à Paris et très centralisatrice quand il se trouve à la tête de la province. Ma question est simple : qui peut imaginer qu’un schéma de développement économique régional puisse fonctionner contre l’avis des trois cinquièmes des EPCI chargés de le mettre en œuvre ?

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Appéré.

Mme Nathalie Appéré. En écho aux propos de Paul Molac, je veux souligner tout le paradoxe des amendements qui nous sont proposés. Nos collègues de l’opposition évoquent un besoin de clarification, et cela tombe bien car c’est un sentiment partagé sur les bancs de la majorité. Nous voulons tous savoir qui fait quoi, madame Le Callennec, et nous souhaitons renforcer la région dans ses compétences de développement économique.

Or, ces amendements nous proposent un niveau de complexité supplémentaire. Le texte de la commission des lois est clair : une concertation est prévue, au nom des compétences propres en matière de foncier et d’immobilier des entreprises, avec les EPCI à fiscalité propre – c’est ce qui résulte de l’adoption de l’amendement n1682. Il reviendra ensuite à la région d’adopter le schéma. Les choses sont donc très claires. Si nous introduisons des dispositifs de veto ou de minorité de blocage, nous n’aurons plus cette responsabilité unique qui est attendue.

M. Maurice Leroy. Il ne s’agit pas de veto ! C’est vous qui employez ce terme !

Mme Nathalie Appéré. Par ailleurs, ne faisons pas comme s’il y avait un problème spécifique entre les régions et les métropoles. D’abord, parce que, sur le fond, nous avons la conviction qu’une coopération est nécessaire entre ces deux types de collectivités. Elle se pratique d’ailleurs déjà, nos collègues le savent. Le texte prévoit, par ailleurs, des dispositions très spécifiques pour les métropoles. N’allons pas penser que les métropoles seraient placées sur le même plan que les EPCI à fiscalité propre : ce n’est pas ce que prévoit le texte.

L’alinéa 16 prévoit en effet ce qui peut se passer en cas de désaccord entre les métropoles et les régions, sachant que la loi MAPTAM a confié aux métropoles un rôle particulier en matière de développement économique.

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le règlement fixe à deux minutes le temps dont dispose un orateur pour présenter son amendement. Ensuite, après l’avis de la commission et du Gouvernement, seuls peuvent intervenir un intervenant pour l’amendement et un intervenant contre.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je le répète, la conception et la mise en œuvre du schéma régional relèvent de la région. La Constitution interdit que des collectivités territoriales puissent s’opposer à l’exercice d’une compétence détenue par une autre collectivité territoriale.

Nous avons voulu – ce n’était pas une obligation – que soit créé un lieu de concertation important. Contrairement à ce qu’a dit M. Le Fur, il n’y a pas de deuxième zone ou de troisième zone…

M. Marc Le Fur. Il y a ceux qui échappent à l’autorité de la région !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Les intercommunalités, comme les métropoles, ont une clause de compétence générale.

M. Marc Le Fur. C’est le cœur du sujet !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. On leur demande simplement d’avoir une concertation et, si une disposition du schéma ne leur convient pas, elles en appelleront à l’intérêt général.

Tous ceux qui ont lu les textes savent qu’on ne peut pas faire autrement : la concertation est obligatoire, mais il y a une autonomie des collectivités territoriales, sans tutelle, ni dans un sens ni dans l’autre.

Toute cette organisation a été introduite dans la Constitution par votre majorité il y a quelques années. On ne peut pas écrire des choses dans une constitution et dès que l’on est dans l’opposition, demander qu’on ne la respecte pas.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n171.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants65
Nombre de suffrages exprimés63
Majorité absolue32
Pour l’adoption28
contre35

(L’amendement n171 n’est pas adopté.)

(Les amendements nos 415 rectifié et 881, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour soutenir l’amendement n1570.

M. Jean-Luc Laurent. La création du schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation est une mesure importante pour renforcer la capacité d’action et de prescription des régions en matière économique.

Alors qu’elle est à peine affirmée, l’alinéa 16, que je vous propose de supprimer, rend inopérante la compétence de développement économique puisqu’elle est déniée aux régions sur les parties les plus dynamiques de leur territoire, les métropoles. Le dernier mot est en effet accordé de facto aux métropoles en cas de conflit. C’est une invitation au rapport de forces et ce n’est pas la bonne méthode pour la négociation locale.

L’affirmation des métropoles ne doit pas consister à les couper de leur territoire, de leur hinterland, dirais-je, du périurbain, des réseaux métropolitains. Il revient naturellement aux régions d’assurer la coordination des métropoles et des pôles urbains secondaires.

Voilà pourquoi je vous propose, en supprimant l’alinéa 16, de ne pas amputer la compétence régionale en matière de planification économique.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Nous sommes toujours dans le débat sur la prescriptibilité des schémas.

Le texte du Gouvernement permet un certain équilibre. Les actions économiques des intercommunalités, des communes et de leurs groupements doivent être compatibles avec les orientations de la région. Pour les métropoles, eu égard à la fonction importante et aux compétences qui leur sont reconnues, le traitement est un peu différent, mais pas totalement. L’objectif est la conclusion d’un accord entre les métropoles et les régions. À défaut d’accord, les métropoles doivent prendre en compte le schéma régional, ce qui a du sens en termes de prescriptibilité. Cela sera soumis à l’appréciation du juge administratif. Elles ne pourront déroger aux orientations du schéma qu’elles doivent prendre en compte que pour des raisons d’intérêt général. C’est une jurisprudence constante.

Elle est certes, un peu plus légère pour les métropoles que pour les autres intercommunalités, mais il y a bien une prescriptibilité. C’est un véritable équilibre qu’a voulu trouver le Gouvernement pour reconnaître la fonction particulière des métropoles au sein des régions. La commission est donc évidemment défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Défavorable.

Mme la présidente. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Laurent ?

M. Jean-Luc Laurent. Je ne suis pas du tout convaincu. Vous créez non pas un équilibre mais un déséquilibre et un facteur de contentieux inutile.

L’alinéa 16 prévoit qu’à défaut d’accord, la métropole ou la métropole de Lyon élabore un document qui prend en compte le schéma régional. Prendre en compte, c’est comme tenir compte, cela ne tient pas la route. C’est un facteur de contentieux, de conflits inutiles et, dans les faits, cela met la métropole au-dessus du pouvoir de la région.

On ne peut pas donner une compétence à la région, ce à quoi je suis favorable, et la lui retirer en cas de désaccord parce que cela va entraîner des rapports de forces et des blocages. Je maintiens donc mon amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Hier soir, Marc Le Fur vous a expliqué en quoi le vrai sujet, finalement, c’était la relation entre les régions et les métropoles. L’alinéa 16 confirme la crainte qu’il exprimait hier soir et l’inscrit même dans la loi.

Nous avons là tous les germes d’un conflit possible entre la région et les métropoles, et je vous laisse imaginer quel serait l’impact économique si une stratégie régionale n’était pas partagée par la métropole et si cela se réglait comme vous le prévoyez.

Mme Isabelle Le Callennec. Il faut sortir de l’ambiguïté !

(L’amendement n1570 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine, pour soutenir l’amendement n1451 rectifié.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Il est retiré.

(L’amendement n1451 rectifié est retiré.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 550 et 1894.

La parole est à Mme Dominique Nachury, pour soutenir l’amendement n550.

Mme Dominique Nachury. Il serait incohérent, mais je ne sais pas si ce mot est compris ici, de ne pas associer pleinement au schéma régional les structures intercommunales qui concentrent une part notable de l’activité économique, au-delà des seules métropoles.

Cet amendement propose que, lorsque le ratio entre la population d’une zone d’emploi dont l’EPCI est le centre et la population totale régionale est supérieur à 15 %, l’EPCI à fiscalité propre puisse co-adopter les orientations du schéma régional de développement économique impactant son territoire.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine, pour soutenir l’amendement n1894.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Il est retiré.

(L’amendement n1894 est retiré.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n550 ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Cohérente et logique avec ce que j’ai expliqué sur l’amendement précédent, la commission est défavorable à cet amendement.

(L’amendement n550, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Carlos Da Silva, pour soutenir l’amendement n1402.

M. Carlos Da Silva. L’esprit est le même que celui de l’amendement de M. Laurent, mais mon amendement va un peu moins loin.

Il y a là manifestement, dans l’alinéa 16 tel qu’il est rédigé actuellement, une forme de complexité qu’il paraît opportun de lever pour les régions ayant une métropole sur leur territoire, c’est-à-dire l’essentiel des régions.

Personne ne conteste, bien au contraire, que les orientations stratégiques en matière économique sont élaborées conjointement entre la région et la métropole mais, si la région et la métropole ne tombaient pas d’accord, la métropole devrait certes tenir compte du schéma, monsieur le rapporteur, mais elle pourrait se prévaloir d’un motif d’intérêt général, dont la justice administrative serait juge.

De mon point de vue, c’est inconciliable et il faut donc supprimer cette incohérence.

Par ailleurs, le rôle des métropoles est évidemment de tirer économiquement la région, mais cette attractivité doit servir à l’ensemble de celle-ci.

Je propose donc de supprimer la troisième phrase de l’alinéa 16, pour obliger la métropole et la région à se mettre d’accord sans que la métropole puisse déroger aux orientations de la région.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Comme je l’ai expliqué tout à l’heure en répondant à la première série d’amendements, le fait de devoir prendre en compte le schéma régional a du sens en droit. La métropole ne pourrait déroger aux orientations fixées par la région que sous le contrôle du juge, et uniquement pour un motif d’intérêt général.

Dans ces conditions, et en cohérence avec ce que j’ai dit précédemment, la commission est nécessairement défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Défavorable. Je pense que nous avons trouvé l’épure d’un bon accord. On ne peut pas imposer à l’un les dispositions de l’autre mais, en cas conflit, il y a une porte de sortie : l’appel à l’intérêt général.

Je vous suggère donc de retirer votre amendement, monsieur Da Silva, et, si vous n’êtes pas convaincu, nous examinerons la question de plus près à l’article 17.

Mme la présidente. La parole est à M. Carlos Da Silva.

M. Carlos Da Silva. Cet amendement, auquel la ministre et le rapporteur ont répondu, ce dont je les remercie, concerne la métropole du Grand Paris alors que mon amendement n1395, que nous examinerons un peu plus tard, concerne toutes les métropoles.

J’imagine, madame la ministre, que les débats qui auront lieu sur l’article 17 seront particulièrement riches. Je ne peux pour autant me résoudre, à plus forte raison après l’argumentaire que j’ai développé pour l’ensemble des régions, à ce que, en région Île-de-France, la métropole, qui pèsera plus de la moitié des habitants et encore plus sur le plan économique, puisse déroger aux règles fixées par la région. Je crois que c’est illogique, même avec l’esprit du schéma.

Je suis désolé, mais je maintiens mon amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Je voudrais souligner à nouveau la profondeur du problème devant lequel nous sommes.

En réalité, tout vient du fait que le schéma est prescriptif. Si ce n’était qu’un schéma d’orientation, la région aurait le choix de financer ou non en fonction de ses priorités et le dialogue aurait toute sa place, sa juste place. À partir du moment où le schéma est prescriptif, on entre dans une logique totalement différente dans laquelle non seulement les métropoles pourraient encore peser mais, surtout, l’ensemble des villes moyennes regarderont passer les trains.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Nous sommes au cœur du sujet, mais je ne suis pas convaincu que nous l’abordions correctement.

Le sujet, c’est le rapport entre les régions et les métropoles. Ne nous leurrons plus, mes chers collègues, ce n’est pas le rapport entre les régions et les départements. Vu le texte, les départements vont éteindre la lumière. C’est fini. Le vrai sujet, c’est le rapport entre des métropoles puissantes et une région qui a le devoir d’assumer de l’aménagement du territoire, c’est-à-dire de faire en sorte que la métropole ne cannibalise pas l’ensemble de l’activité économique de la région.

M. Martial Saddier. C’est la mort des territoires ruraux !

M. Marc Le Fur. Pour cela, il doit y avoir d’une manière ou d’une autre un rapport cohérent entre la région et la métropole, qui doit nécessairement être de même nature qu’entre la région et les autres collectivités.

Ce n’est pas pour rien que le Président de la République a déjeuné avec les présidents des métropoles. Pour lui, le sujet, il est là.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Non !

M. Marc Le Fur. Pour nous, il ne peut pas être que là. Tout le monde en France n’appartient pas à une métropole et les autres ont aussi leur mot à dire. C’est la responsabilité de la région de permettre cet équilibre. Pour cela, le schéma régional doit s’imposer de la même façon aux métropoles qu’au reste du territoire. Une catégorie ne peut pas y échapper d’une manière ou d’une autre.

Qu’il y ait une concertation avec tout le monde, je veux bien, mais la métropole en particulier ne peut pas s’exonérer du schéma défini sous l’autorité de la région. Cela, nous y sommes très attachés.

Si vous êtes d’accord pour imposer une telle cohérence, ce n’est pas l’amendement de M. Da Silva qu’il faut adopter, c’est celui qui suit, le mien, l’amendement n682, qui dit les choses on ne peut plus clairement.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l’amendement n1402, mis aux voix par assis et levé, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n682.

M. Marc Le Fur. Le vrai sujet, me semble-t-il, c’est le rapport entre les métropoles et les régions. Les métropoles sont une chance pour les régions auxquelles elles appartiennent. Néanmoins, leur attractivité doit rayonner sur l’ensemble du territoire régional. Ce ne doit pas être une singularité dans un désert. Il s’agit non pas de créer des petits Paris partout, mais au contraire de dessiner un réseau comprenant la métropole, les grandes, moyennes et petites villes et le monde rural.

M. Yannick Moreau. Il a raison !

M. Marc Le Fur. C’est cela, la vraie cohérence ! Il me semble donc indispensable que la logique de l’action économique de la métropole s’inscrive dans la logique régionale. Nous devons veiller à cela, parce que les pentes naturelles, démographique et économique, sont en faveur des métropoles – et cela n’est pas propre à notre territoire national. Avec notre sensibilité gaulliste, j’ose le dire, nous devons veiller à ce que l’aménagement du territoire soit une chance pour l’ensemble de notre pays. Si l’on est dans une telle perspective, ne refaisons pas à l’échelon des régions le centralisme que nous connaissons à l’excès au niveau national. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Luc Laurent. Cela n’a rien de gaulliste !

M. Marc Le Fur. Ce n’est pas vous qui allez me donner des leçons de gaullisme, monsieur Laurent !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Pour la clarté des débats, je vais redonner des éléments concernant des amendements dont certains ont été examinés et d’autres sont à venir. Le développement économique local doit être essentiellement incarné par un couple de collectivités : la région et les intercommunalités, au sein du bloc communal. C’est, de fait, ce bloc qui a la clause de compétence générale – je me suis d’ailleurs trompée tout à l’heure en disant que c’était les intercommunalités, alors qu’elles la tiennent des communes. L’article 2 tire les conséquences de cette situation en donnant à la région la compétence principale et en permettant aux intercommunalités, quelles qu’elles soient, de bénéficier de la compétence d’aide, par exemple à l’immobilier d’entreprises.

Mais, au sein des intercommunalités, les métropoles ont été dotées d’une compétence particulière pour soutenir l’économie nationale, en particulier s’agissant des grandes stratégies. Il faut donc donner aux métropoles les moyens d’agir. Je prendrai volontairement un exemple absurde, parce que je ne veux pas de conflit. Une région décide qu’il est interdit de travailler sur les biotechnologies marines – la recherche, le développement et la mise en œuvre –, parce qu’elle estime que ce n’est pas un bon créneau, ni une bonne niche pour l’avenir et qu’il n’y a pas de marché. Une métropole disposant d’un laboratoire de biotechnologie marine pourra alors en appeler à l’intérêt général, parce qu’elle juge nécessaires la recherche et le développement sur les biotechnologies marines, en dépit des orientations du SRDEII. Voilà ce que cela veut dire.

Nous sommes clairs. Le schéma régional stratégique pourra exclure un créneau de développement, mais une métropole pourra décider, au titre de l’intérêt général, qu’il est important pour la France de continuer à travailler sur ce sujet – par exemple, la mise en œuvre du moteur diesel ou d’autres de ce type. Je ne pense que l’on puisse demander aux métropoles de jouer leur rôle de levier économique si nous les privons de cette capacité de réaction. Si une intercommunalité développe des biotechnologies sur son territoire, étant donné qu’elle dispose de la compétence de développement économique, elle doit pouvoir aider une entreprise et l’immobilier d’entreprise par exemple, même si la région pense que c’est une mauvaise idée.

Le rôle majeur des régions a donc une limite : c’est la possibilité qui est offerte aux intercommunalités et aux métropoles d’en appeler à l’intérêt général, s’il n’y a pas d’accord avec la région. Vous ne pouvez pas trouver que c’est aberrant, alors que vous avez souvent demandé que les intercommunalités disposent d’une certaine liberté de manœuvre. On vous demande simplement de reconnaître la clarté…

M. Marc Le Fur. Ce n’est pas clair ! C’est cela le problème !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. ,…et la cohérence de cette disposition et le droit d’en appeler à l’intérêt général. Tous les territoires autour des métropoles, notamment les territoires ruraux, en bénéficieront.

M. Philippe Le Ray. Donnez-nous des exemples d’aides !

M. Nicolas Dhuicq. C’est incompréhensible !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Monsieur Le Fur, le Président de la République n’a pas reçu les présidents des métropoles parce que nous discutons de la loi NOTRe ; il a reçu d’abord les représentants des départements de France, des régions, des petites, moyennes et grandes villes, avant de finir par rencontrer ceux des métropoles.

M. Nicolas Dhuicq. Et les zones rurales !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Il faut faire attention à ce que l’on dit à l’Assemblée nationale !

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Madame la présidente, je vous demande une suspension de séance.

Mme la présidente. La suspension est de droit. Nous reprendrons la séance sur un tout autre texte.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures cinq, sous la présidence de M. Claude Bartolone.)

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est reprise.

2

Motion de censure

Discussion et vote

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion et le vote sur la motion de censure déposée, en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, par MM. Christian Jacob, Philippe Vigier et 109 membres de l’Assemblée.

M. Jean-Luc Laurent. C’est tout ?

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Christian Jacob. Monsieur le Premier ministre, il y a moins d’un an, vous avez été nommé à Matignon après la débâcle de votre camp aux élections municipales. Vous succédiez à Jean-Marc Ayrault. Vous le disiez usé, mais lui a pu jusqu’au bout compter sur la confiance de sa majorité.

Plusieurs députés du groupe UMP. Eh oui !

M. Christian Jacob. Monsieur le Premier ministre, le triste épisode parlementaire que nous vivons est une nouvelle étape, sans doute d’ailleurs l’avant-dernière, de votre affaiblissement politique, car votre bail à Matignon est une succession de faux pas parlementaires. Votre orgueil dût-il en souffrir, permettez-moi de vous rappeler la succession de ces faux pas car cela relève clairement du Livre des records.

Premier discours de politique générale, le 8 avril dernier : on a compris que votre majorité était étriquée, fragile, puisque seuls 306 députés de gauche sur 340 étaient à vos côtés. C’était un premier camouflet.

Avec votre pacte de stabilité, quelques jours plus tard, le 29 avril, les conditions de la Bérézina se mettaient en place et les députés vous lâchaient les uns après les autres. II ne vous restait que 265 soutiens.

Et puis il y aura cette fin du mois d’août où vous répondrez à la cuvée du redressement de M. Montebourg par une démission de votre gouvernement, et donc par un second discours de politique générale. Résultat des courses : une confiance encore plus étriquée, soit 269 voix pour et 244 contre. Vous avez évité de très peu la sortie de route.

L’automne sera émaillé de votes tous plus serrés les uns que les autres. Sur les textes importants, notamment budgétaires, vous êtes à la tête d’une majorité fragile et relative qui vous oblige en permanence à marchander, pour ne pas dire à boursicoter, comme un président du conseil sous la IVe République. Mais n’est-ce pas là finalement votre marque de fabrique : celle d’un chef de gouvernement qui chaque jour se coupe d’avantage de ses troupes ?

Par conséquent, ce qui devait arriver arriva : les masques tombent, vous êtes à la merci de votre majorité, vous ne tenez plus le manche, vous ne pilotez plus. Ce qui est un peu tragique dans cette affaire, c’est que vous tombiez sur un texte aussi insignifiant.

M. Marc Le Fur. Très juste !

M. Christian Jacob. Le Président de la République a dit lui-même, excusez du peu, que ce n’était pas la loi du siècle. Or vous vous y accrochez comme si votre survie gouvernementale en dépendait ! En pur communicant que vous êtes, vous avez voulu en faire pour vous-même un brevet de réformisme, un brevet de bon élève de la social-démocratie. Mais vous n’obtiendrez pas ce brevet, monsieur le Premier ministre, car en choisissant cette procédure d’exception, vous avez entamé la procédure d’enterrement de ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Vous ne pourrez en effet utiliser le 49-3 qu’une fois au cours de la session : vous n’êtes donc pas à la veille de faire adopter définitivement ce texte. D’ores et déjà, nous vous mettons en garde contre de basses manœuvres parlementaires qui consisteraient – si vous êtes encore là – à présenter le projet de loi Macron en session extraordinaire, au cœur de l’été.

Permettez-moi tout de même, monsieur le Premier ministre, de vous rendre grâce sur un point précis : vous venez de faire un usage de la Constitution conforme à son esprit. L’article 49-3 a été pensé comme un outil pour discipliner les majorités divisées et éclatées en plusieurs groupes. Votre majorité est pour le moins profondément divisée et éclatée, et, en toute logique, vous avez décidé de la mater à coups de 49-3.

Un homme d’État, faisant le constat de son incapacité à réformer, aurait pu assumer ses responsabilités. Assumer avec courage vos responsabilités, c’était accepter le vote de la représentation nationale et, en cas d’échec, démissionner. Voilà une attitude qui n’aurait pas manqué de panache. Les Français ne sont plus dupes : ils ont compris que votre obsession n’est pas de réformer ; elle est tout simplement de durer pour construire votre image personnelle. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Tout cela n’est pas très glorieux. Vous auriez pu tomber sur une grande réforme, sur un budget de baisse des impôts pour redonner confiance aux Français qui travaillent dur et que vous considérez comme des vaches à lait ;…

M. Jean-François Lamour. Bien sûr !

M. Christian Jacob. …vous auriez pu tomber sur une réforme du marché du travail ; vous auriez pu tomber sur une réforme des retraites ou sur l’abrogation des 35 heures… Mais non, vous tombez sur la petite loi Macron, cette loi qui se situe entre pas grand-chose et rien du tout. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Vous tombez sur un texte issu d’un robinet d’eau tiède qui a coulé pendant trois semaines, week-end compris.

Pensez-vous sincèrement que faire travailler les commerçants douze dimanches par an, libéraliser les trajets en autocar ou encore organiser des déserts notariaux soit à la hauteur des enjeux du pays ? Pensez-vous vraiment que les petites tractations avec les élus des départements d’outre-mer visant à instaurer des jours fériés différents de ceux du reste du pays soient un bon signal ? (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Les jours fériés ainsi remplacés pourraient être le lundi de Pâques, l’Ascension, le lundi de Pentecôte, L’Assomption, la Toussaint.

Un député du groupe UMP. C’est lamentable !

M. Christian Jacob. Tout cela a-t-il quelque chose à voir avec la croissance ? Bien évidemment non. Cette initiative malheureuse porte en elle les risques d’une surenchère que vous seriez bien inspiré de combattre autant dans vos actes que dans vos discours parce que votre ministre avait la possibilité de mettre son veto sur cet amendement et qu’il ne l’a pas fait.

Non seulement la loi Macron ne répond pas aux grands défis de la France, mais elle est dangereuse à certains égards. Vous devriez vous rendre à l’évidence : les Français ne veulent pas de ce texte, et ce qui vous reste de majorité non plus. Abandonnez-le et vous vous épargnerez un long calvaire, monsieur le Premier ministre.

On ne peut certes vous reprocher de tenter de sauver les apparences, mais dans la trajectoire de ce texte s’inscrivent votre propre trajectoire politique et celle du Président de la République.

C’est l’histoire d’une majorité qui a cru aux mensonges de campagne de François Hollande (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP) et qui ne supporte plus ses reniements.

C’est l’histoire d’un rendez-vous manqué entre l’exécutif et sa majorité. (Mêmes mouvements.)

C’est l’histoire d’un quinquennat manqué, l’histoire de trois années perdues.

En décidant de recourir à l’article 49-3 non seulement vous humiliez vos troupes, mais vous actez que sous Hollande et VaIls, la France reste inerte et passive.

M. Dominique Baert. Non justement : elle bouge !

M. Christian Jacob. Monsieur le Premier ministre, on a pu pardonner à Michel Rocard, à Édith Cresson ou encore à Pierre Bérégovoy d’utiliser l’article 49-3. Mais pour vous, c’est impardonnable. Quand on a 340 députés de gauche à disposition, quand on est un chef respecté et écouté, on s’évite une telle humiliation ! Le 49-3, c’est l’arme qu’utilisent les faibles, et vous êtes faible parce que vous avez un bilan catastrophique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) La croissance est à l’arrêt depuis trois ans ; la France décroche dangereusement ; le chômage touche 3,5 millions de nos compatriotes ; les impôts asphyxient les entreprises, les classes moyennes et les familles, cibles de votre folie fiscale ; l’assistanat progresse parce que vous n’avez pas le courage de replacer le travail au cœur du pacte social. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Depuis trois ans, sur chaque texte présenté par votre majorité, nous avons fait des propositions concrètes que vous avez systématiquement balayées.

Nous avons proposé de réduire le coût du travail et de redonner de la compétitivité aux entreprises en faisant basculer une partie des charges qui pèsent sur les salaires sur une assiette de financement plus large.

Nous avons proposé de repousser l’âge légal de départ à la retraite pour éviter d’augmenter les cotisations et de baisser les pensions, comme vous l’avez fait, amputant ainsi le pouvoir d’achat des salariés et des retraités. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Nous avons proposé des accords d’entreprise permettant d’augmenter la durée du temps de travail et de sortir définitivement du carcan des 35 heures.

Nous avons proposé de supprimer le collège unique et de mettre en place l’apprentissage à 14 ans, alors que vous avez détruit l’apprentissage pour le remplacer par des emplois aidés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Antoine Herth. Tout à fait !

M. Michel Herbillon. C’est vrai !

M. Christian Jacob. Nous avons proposé de réduire le panier de soins et d’augmenter la franchise pour les bénéficiaires de l’aide médicale d’État. Vous avez fait tout le contraire, et vous avez ainsi contribué à ouvrir les vannes de l’immigration clandestine. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Nous avons proposé de rétablir l’équité entre le secteur public et le secteur privé avec l’instauration de trois jours de carence dans la fonction publique.

M. Michel Herbillon. Eh oui !

M. Christian Jacob. Nous avons défendu les fondements de notre politique familiale, que vous avez gravement mis à mal avec un parti pris idéologique insupportable.

M. Philippe Briand. Très juste !

M. Christian Jacob. Et vous, pendant ce temps, monsieur le Premier ministre, vous n’avez engagé aucune réforme, aucune réforme de structure, ni sur le temps de travail, ni sur le marché du travail, ni pour l’emploi des jeunes, ni pour le financement de la protection sociale !

Nous demandons donc à l’Assemblée de vous censurer, parce que votre politique économique et sociale est un échec total. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Nous demandons à l’Assemblée de censurer le projet de loi « Macron », qui ne répond pas plus aux exigences de l’activité qu’à celles de la croissance.

Nous demandons à l’Assemblée de vous censurer, parce que votre gouvernement n’est pas à la hauteur des responsabilités historiques qui sont les siennes.

M. Jacques Valax. Tout cela manque de souffle et d’idées ! Que c’est plat !

M. Christian Jacob. C’est votre politique économique et sociale que nous censurons.

Je vous le dis d’avance, monsieur le Premier ministre : épargnez-nous vos discours sur les valeurs de la République, qui ne servent en réalité qu’à ressouder les vôtres et à éluder les vrais sujets. Nous n’accepterons pas qu’une nouvelle fois, vous nous mettiez en cause sur la défense des valeurs de la République. Vous n’avez pas, tant s’en faut, le monopole de ces dernières et, ici, aucun député n’a de leçon à recevoir de vous ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Ce gouvernement, le vôtre, devrait en toute logique être renversé après le vote de la motion de censure.

M. Razzy Hammadi. Ah oui ? Avec 109 signataires ?

M. Christian Jacob. Comme d’autres – et comme vous, sans doute –, je doute que les frondeurs soient d’un bois tel qu’ils passent à l’acte. Toutefois, ils nous ont habitués, je dois le concéder, à un certain courage. Mesurez donc bien ce qui se joue ici, monsieur le Premier ministre : pour votre gouvernement, ce sera au mieux le début de l’immobilisme, au pire le début de la fin.

M. Jacques Valax. Et pour vous, ce sera quoi ?

M. Yves Censi. Vous verrez !

M. Christian Jacob. Car cette censure aura une réplique, à l’occasion de laquelle les Français vous diront tout le mal qu’ils pensent de votre politique économique et sociale. Le 22 mars, dans les urnes, aux élections départementales, les Français vous censureront ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Les Français doivent savoir que nous combattons votre politique, une politique qui est mauvaise pour notre pays. Ils doivent savoir que la censure d’aujourd’hui est à nos yeux l’anticipation de celle du 22 mars, qui sera pour l’opposition un formidable encouragement à poursuivre sa mission, qui est de servir les Français et préparer l’alternance.

Depuis deux jours, depuis cette décision de recourir à l’article 49, alinéa 3, dans les conditions piteuses que l’on sait, vous nous chantez l’air du « Tout va très bien à gauche, madame la Marquise ! ». Évidemment, personne ne vous croit !

M. Michel Herbillon. Il n’y a plus de majorité !

M. Christian Jacob. Et personne ne vous croit non plus lorsque vous prétendez qu’il n’existe pas d’alternative politique.

M. Jean-Frédéric Poisson. Bien sûr !

M. Christian Jacob. Avez-vous oublié qu’il y a trois ans, la France avait un Président de la République et un gouvernement qui étaient respectés ? (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Avez-vous oublié qu’elle avait ici une majorité, que le Gouvernement n’eut jamais besoin de brutaliser ? Avez-vous oublié que le groupe de l’UMP n’a jamais failli, comme vient de le faire le groupe socialiste, obsédé qu’il est par la préparation de son prochain congrès ?

L’alternative politique, monsieur le Premier ministre, elle existe. Nous la construisons jour après jour. Nous avons fait des propositions au cours du débat pour bâtir le consensus économique dont la France a besoin.

M. Michel Herbillon. Très bien !

M. Christian Jacob. Votre ministre a balayé tous nos amendements sur les 35 heures, sur le code du travail, sur les seuils sociaux, sur le contrat de travail unique, sur l’apprentissage.

M. Michel Herbillon. Autant de vraies réformes !

M. le président. Monsieur Herbillon, veuillez écouter l’orateur !

M. Christian Jacob. Mais si vous avez encore un doute, monsieur le Premier ministre, sur l’existence d’une alternative en France – comme vous l’avez dit à plusieurs reprises –, le Président de la République a la possibilité de le lever, puisqu’il a le pouvoir de renvoyer les députés devant les électeurs.

M. Jacques Myard. Eh oui !

M. Philippe Briand. Chiche !

M. Christian Jacob. Vous verrez alors ce que vous pesez réellement dans le pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.)

M. Sébastien Denaja. Ils ne se donnent même pas la peine de se lever !

M. Gérald Darmanin. Où sont les socialistes ?

M. Étienne Blanc. Ils ne sont pas très nombreux, c’est sûr !

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Philippe Vigier. Monsieur le Premier ministre, le 3 juillet 2012, en réponse au discours de politique générale de votre prédécesseur, Jean-Louis Borloo avait annoncé que le groupe de l’Union des démocrates et indépendants serait la vigie lucide, exigeante et indépendante de cette législature. Jamais, depuis, nous n’avons manqué à cette triple exigence.

Nous avons ainsi dénoncé avec force les erreurs et les errements commis par votre majorité, et nous vous avons alerté sans relâche sur les graves conséquences de décisions souvent idéologiques. Pour autant, seul l’intérêt supérieur de la France a guidé notre action.

Nous avons par conséquent soutenu les projets de loi, aussi imparfaits fussent-ils, qui répondaient à cet impératif, et nous nous sommes toujours employés à formuler des propositions constructives pour sortir de la crise.

Lorsque le Président de la République a annoncé le pacte de responsabilité et de solidarité pour améliorer la compétitivité des entreprises et le pouvoir d’achat des ménages, nous avons espéré que la page des deux premières années du quinquennat serait enfin tournée. Oui, nous avons espéré que François Hollande allait prendre conscience que sa seule priorité devait être d’apporter une réponse efficace pour faire enfin baisser le chômage. Au nom de l’intérêt général, notre groupe avait annoncé qu’il était prêt à soutenir le pacte de responsabilité et de solidarité s’il constituait le sursaut économique et social tant attendu par la France.

M. Bernard Deflesselles. Et rien n’est venu !

M. Philippe Vigier. J’avais, monsieur le Premier ministre, exprimé à cette tribune la même bienveillance lors de votre discours de politique générale et de la présentation du programme de stabilité qui prévoyait une réduction des dépenses publiques de 50 milliards d’euros d’ici à 2017. Cela avait conduit une majorité du groupe UDI à s’abstenir.

Aussi avons-nous entamé l’examen du projet de loi pour la croissance et l’activité avec l’espoir qu’il constitue une chance, oui, une vraie chance de tourner définitivement la page des deux premières années du quinquennat, avec l’espoir qu’il envoie des signaux positifs aux créateurs de richesses, qu’il donne de l’oxygène à celles et ceux qui entreprennent, qu’il libère les énergies qui sont étouffées par les contraintes, les normes, les immobilismes.

Nous avons pris nos responsabilités en nous engageant sans réserve dans ce débat, avec l’espoir de l’enrichir. Nous souhaitions que ce projet de loi dessine une perspective qui ne s’appuierait pas sur des compromis politiques susceptibles de faire gagner quelques voix, ou de ne pas en perdre, mais qui ouvre une voie que toutes celles et tous ceux qui veulent œuvrer au service de l’intérêt général pourraient emprunter, une voie que chacun et chacune connaît : celle de la modernisation de la France. Oui, monsieur le Premier ministre, telle a été toujours notre démarche, sur ce projet de loi comme depuis le début du quinquennat.

M. Maurice Leroy. Eh oui !

M. Philippe Vigier. Néanmoins, nous nous sommes gardés de toute naïveté. Emprunter ce chemin pour servir la France n’était possible qu’à condition que le volontarisme que vous affichiez alors, la volonté de faire bouger les lignes pour faire bouger la France, survivent à l’épreuve de votre majorité. Or je vous l’avais dit au nom de mon groupe, monsieur le Premier ministre, lors de ma réponse à votre discours de politique générale : vous ne disposez pas de la majorité politique nécessaire pour conduire votre mission au service de la France et pour tenir vos engagements. Vous connaissez le chemin, mais il vous est impossible de l’emprunter.

M. Maurice Leroy. Eh oui !

M. Philippe Vigier. En réalité, vous êtes toujours prisonnier du mensonge sur lequel la majorité s’est construite en 2012. Ce mensonge originel, c’est celui de François Hollande, qui a nié la crise et les efforts qu’il fallait demander aux Françaises et aux Français pour redresser le pays ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Ce piège se referme sur vous et sur votre majorité. Il vous contraint aujourd’hui à engager la responsabilité du Gouvernement en application de l’article 49, alinéa 3 de la Constitution.

M. Maurice Leroy. Imparable !

M. Philippe Vigier. Vous prétendez qu’il s’agirait pour vous d’assumer vos responsabilités – je vous cite : « La gauche gouverne. Elle doit assumer ses responsabilités. […] Nous le faisons pour le pays. Nous le faisons pour l’intérêt général, et ici chacun doit prendre conscience de ce que cela signifie. » Au nom du groupe de l’Union des démocrates et indépendants, j’affirme que le recours à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution est, au contraire, un aveu d’échec, la manifestation de votre impuissance et de votre faiblesse ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

J’affirme que cet acte constitue la démonstration éclatante que vous avez préféré les intérêts du parti socialiste à ceux de la France !

M. Michel Ménard. Mais non, c’est le contraire !

M. Philippe Vigier. Avec cet acte, vous renvoyez dos à dos l’opposition et la majorité. Vous considérez donc, et je le regrette, qu’il est impossible de transcender les clivages partisans.

Avez-vous abandonné l’idée qu’il puisse exister une majorité d’hommes et de femmes prêts à œuvrer, sans compromissions, au service de la France, sans être bridés par les intérêts partisans ? Avez-vous définitivement renoncé à construire la maison commune des progressistes que vous appeliez de vos vœux ? Avez-vous été gagné par la crainte que le projet de loi puisse être adopté avec le secours des voix de l’opposition ?

Vous résigneriez-vous, monsieur le Premier ministre, à l’immobilisme et admettriez-vous votre impuissance ? Pouvez-vous encore dire : « Ma mission est d’avancer, avancer contre vents et marées », comme lors de votre déclaration de politique générale du 16 septembre 2014 ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. Mais oui, monsieur Vigier !

M. Philippe Vigier. Je crois que, malheureusement, vous ne le pouvez plus !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Si vous faites aussi les réponses…

M. Philippe Vigier. L’incapacité du Gouvernement à faire adopter le projet de loi pour la croissance et l’activité, qui ne contient que de timides avancées, démontre qu’il vous sera impossible de mettre en œuvre les réformes vitales pour l’avenir de la France.

M. Maurice Leroy. Hélas !

M. Philippe Vigier. Prendre vos responsabilités, était-ce vous réfugier derrière les institutions de la Ve République que le parti socialiste a tant décriées pendant des années ? Votre devoir n’était-il pas de soumettre ce projet de loi au vote, si vous considériez qu’il était utile pour la France ?

J’appelle d’ailleurs les frondeurs et les frondeuses (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) à faire preuve de la même responsabilité, eux qui ont confisqué le débat en nous obligeant à assister ici à l’avant-première du prochain congrès du parti socialiste ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

À vous les archaïques, qui refusez de voir que le monde a changé, qui voulez construire la France de demain sur la nostalgie,…

M. Philippe Briand. Oui !

M. Philippe Vigier. …sur les postures,…

M. Philippe Briand. Oui !

M. Philippe Vigier. …sur les slogans,…

M. Philippe Briand. Oui !

M. Philippe Vigier. …je vous le dis : prenez vos responsabilités ! Renversez la table autour de laquelle vous êtes confortablement installés ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Votez la motion de censure, vous qui pensez que ce gouvernement vous a trahis !

M. Jean-Marc Germain. C’est l’hôpital qui se moque de la charité !

M. Philippe Vigier. Monsieur le Premier ministre, prenez vos responsabilités, vous aussi. Monsieur le Premier ministre, croyez en la force de la vérité, celle des idées mais aussi, et surtout, celle des actes. Les Français et les Françaises y sont prêts.

Prenez vos responsabilités, en affirmant une fois pour toutes, sans détour, que les mensonges de François Hollande ont fait perdre plus de deux ans à la France (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur plusieurs bancs du groupe UMP) et qu’il faut changer radicalement de cap pour qu’elle puisse relever le défi de la mondialisation. Prenez vos responsabilités en assumant enfin vos convictions, celles que vous défendiez lors de la primaire socialiste, celles en lesquelles vous croyez, les idées que vous considériez comme justes et efficaces. Prenez vos responsabilités et prenez les décisions qui s’imposent pour le pays, en vous affranchissant des intérêts de votre famille politique, avec un seul horizon : la France, et non les échéances électorales à venir.

Soyez responsable, en répondant de vos actes et de vos échecs, vous qui disiez devoir l’efficacité aux Françaises et aux Français. Le chômage continue d’exploser, les entreprises continuent de fermer, le pouvoir d’achat est en berne, la dette et les déficits ont un poids toujours plus lourd, plus écrasant, la croissance est en panne, l’absence de confiance ronge la France, qui se réfugie dans la colère ou dans l’indifférence, et dont la défiance se traduit par le vote extrême et l’abstention. Élection après élection, le Front national et l’abstention ne cessent de progresser.

Soyez responsable, enfin, en vous imposant un devoir de vérité et un devoir de sincérité. Pourquoi exercer le pouvoir si vous n’êtes pas en mesure de relever les défis immenses qui sont lancés à la France ?

Alors, je vous le dis, vous prenez le risque d’aggraver la crise morale qui nourrit la défiance vis-à-vis de la parole politique. Ne vous réfugiez pas derrière la Constitution pour poursuivre votre fuite en avant. Ne tentez-vous pas de rassembler votre majorité, ou du moins ce qu’il en reste, contre la motion de censure, à défaut de pouvoir la rassembler autour d’un projet cohérent et courageux ? Monsieur le Premier ministre, n’êtes-vous pas, quelque part, l’otage de votre majorité ? Cette question est fondamentale car l’ampleur des défis que la France se doit de relever est historique. Nous devons les affronter la tête haute et le regard droit. Nous devons avancer sans boulets au pied.

Nous le devons à la France, qui a peur des lendemains. Je pense ici à toutes ces familles qui ont du mal à joindre les deux bouts, que des fermetures d’usines, des licenciements brutaux, des délocalisations sauvages ont brisées ou qui vivent tous les jours dans la hantise du chômage. Nous le devons aux Françaises et aux Français qui se désespèrent de voir que leur pays est incapable de se réformer en profondeur, et qui sont partagés entre la peur de l’inconnu et leur espoir que la France puisse encore compter dans ce monde en pleine mutation.

Vous prétendez qu’il n’existe pas de majorité alternative à la vôtre. Ce n’est pas la vérité. Sur tous ces bancs, nous le savons, il y a des hommes et des femmes prêts à prendre les décisions vitales et urgentes pour sortir de la crise. Nous savons toutes et tous quelles sont ces décisions. Nous savons toutes et tous que les désaccords sur ces mesures sont plus liés à des postures, à des promesses de campagne ou à des considérations politiques qu’à un désaccord de fond.

Oui, il y a des hommes et des femmes prêts à préparer l’avenir avec la réforme de l’État et des collectivités territoriales – certainement pas celle qui est en train d’être débattue dans l’hémicycle –, mais aussi la réforme de la protection sociale et de la santé, la réforme du paritarisme, la transition écologique, la valorisation de la ressource humaine de notre nation. Ce sont autant de chantiers qu’il est urgent de lancer.

Oui, il y a des hommes et des femmes qui souhaitent ardemment retisser un lien avec les Français et les Françaises, et associer, mobiliser, fédérer toute la nation de manière à mettre en place une nouvelle méthode de gouvernance. Cette méthode de travail, monsieur le Premier ministre, reposera sur le dialogue social, la consultation, afin de tirer profit des expériences et des expertises. Elle s’appuiera sur l’écoute, le compromis, le rassemblement le plus large possible, en dépassant les considérations partisanes et corporatistes, pour engager les transformations profondes dont notre pays a tant besoin. Elle encouragera la proximité, l’échange de bonnes pratiques, elle préférera le contrôle et l’évaluation à la multiplication incessante des normes, qui paralyse toutes les initiatives.

Oui, monsieur le Premier ministre, il y a une majorité alternative, faite de femmes et d’hommes qui veulent prendre leurs responsabilités. Ne voyez pas dans votre impuissance celle de la politique tout entière.

C’est en ce sens que j’affirme, au nom du groupe UDI, que son soutien à la motion de censure présentée aujourd’hui ne relève pas d’une démarche politicienne. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et RRDP.) Il s’agit, au contraire, d’un acte de foi en la France, en son énergie formidable, en sa capacité éprouvée à sortir plus forte des épreuves. Nous croyons en ses intelligences, en ses talents et en sa force de travail. Nous sommes fiers de son attachement viscéral aux valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité.

Nous croyons que l’histoire de la France et le progrès sont intimement liés, et qu’ils ne doivent jamais cesser de l’être. Monsieur le Premier ministre, cette croyance, que nous avons, je le sais, en commun, vous avez décidé de la faire passer après votre majorité, en engageant la responsabilité du Gouvernement. Vous ne trompez plus personne : votre majorité est dans l’impasse, vous êtes dans l’impasse. Vous ne pouvez mener à bien les réformes indispensables au redressement du pays. Ce quinquennat, mes chers collègues, s’est donc arrêté mardi à seize heures vingt-cinq. Depuis lors, chaque seconde qui passe est malheureusement et irréversiblement perdue pour la France.

Aussi, parce que nous ne pouvons nous résoudre à ce que l’intérêt supérieur de la nation soit plus longtemps pris en otage par votre majorité, nous voterons la motion de censure. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. le président. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, le Gouvernement a donc décidé d’engager sa responsabilité sur le vote du projet de loi pour la croissance et l’activité. Il l’a fait à l’issue d’un long débat, très précis, très détaillé, tant en commission qu’en séance publique. Je veux saluer la disponibilité constante du ministre de l’économie et le sens profond du dialogue qu’il a montré pendant toutes ces semaines. Je veux aussi le remercier d’avoir accepté un grand nombre d’amendements de notre groupe à son texte initial.

M. Yves Censi. Merci, monseigneur !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Ce projet de loi, qui comportait déjà initialement 106 articles, présente une forte singularité : celle de porter sur des domaines nombreux et divers. Alors, naturellement, on peut porter un jugement positif sur telle disposition et un jugement plus nuancé, voire réservé, sur telle autre, mais, le vote d’aujourd’hui étant nécessairement global, il faut bien porter un jugement d’ensemble, en s’attachant à l’essentiel. Le jugement d’ensemble de notre groupe est favorable, car ce projet de loi se fonde sur deux axes principaux, qui sont porteurs de progrès.

Le premier objectif, c’est de libérer l’activité, la libérer dans certains secteurs où elle se trouve freinée ou entravée par des blocages, des usages archaïques, voire des rentes de situation. À titre d’exemple, il est utile de rénover le régime de certaines professions réglementées pour les ouvrir davantage ou plus facilement à la nouvelle génération. L’action très forte, très insistante, menée par les lobbys contre ces réformes est d’ailleurs une preuve du caractère innovant et anti-conservateur de ces mesures. D’une manière plus générale, il s’agit de « booster » l’activité, de stimuler la croissance et donc l’emploi, qui est évidemment la priorité fondamentale pour notre pays.

Simultanément, ces réformes visent aussi à faire réaliser des économies à nos concitoyens. L’ouverture des lignes d’autocars sur le territoire national créera d’autres moyens de transport, plus économiques que ceux existant actuellement. La réforme du permis de conduire, lequel est parfois, pour les jeunes, un passeport pour l’emploi, rendra son obtention moins longue et moins coûteuse. Les nouvelles règles relatives au secteur autoroutier concédé permettront de mieux réguler les tarifs de péage, souvent devenus excessifs. La réforme de la fixation des tarifs réglementés de plusieurs professions juridiques permettra aussi de parvenir à des conditions plus favorables.

Toutefois, je voudrais indiquer deux réserves qui portent sur les modalités du travail dominical. D’une part, il serait préférable qu’un seuil minimal de contreparties salariales soit fixé dans la loi elle-même…

M. Jean-Luc Laurent. Tiens, tiens…

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. …sans que cela soit renvoyé à un accord de branche ni, surtout, à un accord d’entreprise, le dialogue social dans l’entreprise pouvant être assez déséquilibré et assez asymétrique. D’autre part, le mode de création des zones touristiques internationales paraît peu satisfaisant. En effet, celles-ci seront délimitées par les ministres chargés du travail, du commerce et du tourisme. Ce sont donc trois ministres, trois ministres seulement, qui décideront, au sommet de l’État, sans avoir besoin d’un avis conforme du maire, qui, lui, est sur place et connaît évidemment mieux la réalité locale. Bref, c’est plutôt l’inverse de la décentralisation, le déni du rôle nécessaire des élus locaux.

Cela dit, le vote d’aujourd’hui n’est pas un vote final, terminal. L’étape parlementaire d’aujourd’hui n’est pas un terminus. Il y aura d’autres lectures – dont celle au Sénat – qui pourront permettre d’apporter des précisions complémentaires, des modifications, peut-être des infléchissements. Le processus législatif n’est pas terminé : il commence, il est à ses débuts.

Il y a ce texte, mais il y a aussi le contexte. Il y a aussi les circonstances particulières dans lesquelles vit aujourd’hui notre pays. La période actuelle n’est pas une période banale, usuelle, elle n’est pas, on le sait bien, une période comme les autres.

Aujourd’hui, la violence, le fanatisme, le terrorisme sont à l’œuvre sur notre sol. Face aux attentats de janvier, notre nation tout entière s’est dressée, pour refuser l’inacceptable. Elle l’a fait avec dignité, avec noblesse. Ce grand élan populaire du 11 janvier montre la volonté de s’unir quand l’essentiel est en jeu.

Dans les circonstances présentes, le temps n’est pas aux divergences, même légitimes, il est au rassemblement autour des grandes valeurs républicaines. Alors que le pays manifeste un profond désir d’unité sur l’essentiel, ses représentants, ici, au Parlement, ne peuvent pas oublier cette aspiration profonde. Ils ne peuvent pas sembler donner la priorité à des divergences parfois secondaires. Si l’Assemblée nationale donne une image de division, alors que nos concitoyens aspirent à l’unité, elle risque d’être mal comprise de ceux-ci et de décevoir leurs attentes.

De quoi demain sera-t-il fait ? Nous faisons toute confiance au Premier ministre et à son Gouvernement pour continuer à agir, agir pour le progrès et agir pour la défense des valeurs républicaines.

M. Philippe Meunier. Vous avez tort !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Agir pour le progrès, tout d’abord. Depuis le mois d’avril 2014, sous votre conduite, monsieur le Premier ministre, plusieurs réformes ont été décidées ou mises en œuvre, qui concernent très concrètement la vie de nos concitoyens.

Une réforme de justice fiscale a été menée, avec l’exonération d’impôt sur le revenu de très nombreux contribuables aux ressources modestes. Un effort soutenu a été consenti en faveur de l’éducation nationale, naguère délaissée, qui d’ici 2017 aura bénéficié de 60 000 nouveaux emplois. Les bourses étudiantes ont été augmentées, pour mieux assurer l’égalité des chances à l’Université. Les emplois d’avenir, destinés aux jeunes de seize à vingt-cinq ans, et les contrats de génération, fondés sur l’idée juste et généreuse de solidarité entre les jeunes et les seniors, ont été créés.

M. Philippe Le Ray. Ça ne marche pas bien !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Une loi sur l’économie sociale et solidaire a été adoptée. Un nouvel élan a été donné à la politique de la ville, pour améliorer la vie quotidienne dans les quartiers défavorisés, qui ne peuvent être laissés de côté ou à l’écart. Le Gouvernement et la majorité ont agi avec détermination pour la sécurité, notamment avec la loi de novembre 2014 relative à la lutte contre le terrorisme ; très bientôt, nous examinerons un projet de loi sur le renseignement. Nos militaires mènent avec courage des OPEX – opérations extérieures – au Mali et en Centrafrique. Dans le monde, la France est présente et respectée ; elle est perçue comme une nation active et résolue.

Vous agissez aussi, avec constance, pour la défense des grandes valeurs républicaines, qui caractérisent notre nation et sa tradition, au premier rang desquelles, comme le souligne l’article 1er de notre Constitution, « l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion ».

M. Paul Giacobbi. Très bien !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Aujourd’hui, on voit ressurgir, chez certains, des attitudes et des discours contraires à l’éthique républicaine. Des propos racistes sont tenus ; on a recours aux préjugés ; on choisit l’intolérance ; on rejette l’autre ; on choisit des boucs émissaires. Pour combattre ces dérives, il faut appliquer très activement, très strictement, le code pénal, comme l’a recommandé Mme la garde des sceaux dans ses instructions générales. Il interdit toute discrimination fondée sur l’origine et sanctionne la diffamation, l’injure, la provocation à la haine ou à la violence à raison de l’origine. Il importe que les parquets appliquent ces excellentes instructions générales et engagent plus activement, plus fréquemment, les poursuites nécessaires contre de tels délits, en agissant avec vigilance et fermeté. Il ne peut y avoir d’impunité pour de tels actes dans la République. Nous croyons fondamentalement à l’égale dignité des êtres humains, et nous refusons qu’ils soient traités différemment selon leur origine, leur couleur ou leur confession.

Il faut assurer davantage une autre valeur républicaine, qui complète l’égalité : il s’agit de la fraternité. Dans notre pays, qui est pourtant la sixième puissance économique mondiale, 8,6 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté, dont 2,7 millions d’enfants, c’est-à-dire un enfant sur cinq. Pour ces enfants très démunis, le seul vrai repas de la journée est souvent pris à la cantine scolaire, quand ils peuvent y accéder. Pour garantir l’accès de chacun à la restauration scolaire, il faut instaurer dans toutes les écoles un barème dégressif par tranche, indexé sur le quotient familial des foyers fiscaux dont relèvent les élèves. C’est déjà le cas dans un grand nombre de communes, mais je crois qu’il convient d’aller au-delà en prévoyant la gratuité de la cantine scolaire pour les enfants des familles très défavorisées disposant d’un revenu inférieur au seuil de pauvreté.

M. Philippe Le Ray. Laissez les communes libres ! C’est de l’ingérence !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Un dernier principe est fondamental : la laïcité. C’est d’elle que dépend principalement le vivre-ensemble. On le voit bien : notre société court le risque de se fracturer, de se diviser en communautés distinctes, fondées sur l’origine ou sur la confession. Il faut à tout prix éviter cette République éclatée, et conjurer le danger de fragmentation de la société en entités particulières repliées sur elles-mêmes. Les radicaux, notamment Jean Zay, ont depuis toujours été particulièrement attachés à la laïcité et à l’école publique, qui est l’école de tous, sans distinction ni différence.

M. Maurice Leroy. Très bien !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Elle accueille, sur les mêmes bancs, tous les élèves, quelles que soient leur origine, leur condition et leur confession. L’école de la République leur permet de vivre ensemble, de grandir ensemble.

Le Président de la République Jacques Chirac a vu très juste en faisant adopter la loi du 15 mars 2004, qui prohibe le port, à l’école publique, des signes et tenues qui manifestent ostensiblement une appartenance religieuse. Cette loi est appliquée dans de bonnes conditions. L’école publique est sans doute le facteur principal de l’intégration et de l’unité nationale ; je tiens donc à rendre hommage aux maîtres, aux enseignants de la République, qui contribuent chaque jour à maintenir et à conforter la cohésion de notre pays.

Monsieur le Premier ministre, vous connaissez cette majorité – qui est la vôtre.

Un député du groupe UMP. Qui était !

M. Philippe Meunier. Il n’y a plus de majorité !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Si ! Cette majorité n’est pas uniforme, mais pluraliste et diverse.

M. Jean-François Lamour. C’est le moins qu’on puisse dire !

M. Philippe Le Ray. C’est pour cela que nous sommes là !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Elle est composée de plusieurs groupes, dont chacun a son identité particulière. Depuis le début de cette législature, notre groupe a eu l’occasion d’exprimer des différences ou des divergences sur tel ou tel point, même si cela n’a pas empêché la solidarité sur les grands choix. Bien sûr, nous ne sommes pas d’accord sur la totalité des décisions, mais nous sommes d’accord sur beaucoup, et notamment sur l’essentiel. Nous vous réaffirmons donc notre confiance : confiance dans votre personne, dans votre action et dans votre fidélité aux valeurs républicaines, ces valeurs qui font l’histoire, mais aussi l’avenir de notre pays, pour hier comme pour demain. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur de nombreux bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. Bruno Le Roux. Très bien !

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe écologiste.

Un député du groupe UMP. Le futur ministre !

M. François de Rugy. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, chers collègues, avant de répondre à la motion de censure déposée par nos collègues de droite – puisque c’est l’objet de notre discussion –, permettez-moi de revenir quelques instants sur le contexte de ce débat, et sur le projet de loi pour la croissance et l’activité, qui fait l’objet de la procédure que vous avez engagée mardi après-midi, monsieur le Premier ministre.

Comme vous l’avez vous-même noté, monsieur le ministre de l’économie, vous avez réuni, sur chacun des articles de votre projet de loi, une majorité de députés en séance, au cours d’une discussion parlementaire dont nous reconnaissons qu’elle fut consistante, respectueuse, et sur un certain nombre de points, fructueuse. Mais l’usage de la procédure prévue à l’article 49, alinéa 3 de notre Constitution, dans le même temps, fait apparaître une autre réalité : il n’y avait pas, dans cette assemblée, de majorité claire et nette en faveur de l’ensemble de votre texte. Cette contradiction apparente n’est pas le fruit du hasard : elle témoigne de la diversité des majorités successives réunies sur chaque aspect de ce projet de loi protéiforme. Il est bien difficile de porter une appréciation globale sur un texte dont la cohérence est pour le moins difficile à cerner.

Mme Isabelle Le Callennec et Mme Dominique Nachury. Nous sommes bien d’accord !

M. François de Rugy. Nous vous avions dit, dès le dépôt de votre projet de loi, que nous ne souscrivions pas à la méthode consistant à regrouper des mesures qui n’avaient rien à voir les unes avec les autres. Nous vous avions dit, monsieur le Premier ministre, que cette méthode risquait de coaguler des oppositions plutôt que d’inspirer des compromis dynamiques, et qu’elle ne permettrait pas une discussion poussée. Nous vous avions prévenu qu’elle vous contraindrait à recourir sans doute plus que de besoin à des ordonnances sur des sujets extrêmement sensibles – je pense notamment au droit de l’environnement –, alors que l’expérience nous apprend que dans ces domaines, le travail parlementaire – qui permet de prendre en compte des réalités du terrain – aboutit à des textes plus efficaces que les ordonnances.

Nous vous avions dit, monsieur le ministre de l’économie, que de nombreuses dispositions de ce projet de loi ne pouvaient pas être mises en œuvre sans être profondément amendées et retravaillées avec l’ensemble des composantes de la majorité. Je pense notamment au travail dominical, question sur laquelle la situation actuelle n’est pas satisfaisante, notamment à cause de l’héritage de la loi Mallié, adoptée sous la précédente législature. Ce problème mérite mieux que quelques articles au sein d’un projet de loi auquel 150 nouveaux articles ont été ajoutés au cours de cette première lecture.

Nous vous avions dit, enfin, qu’à notre sens, le développement de l’activité économique nécessitait des choix plus clairs et plus déterminés, ainsi qu’un meilleur ciblage des actions de l’État en faveur des secteurs économiques d’avenir – notamment de ceux liés à la transition écologique. Selon son titre, l’objectif de ce projet de loi est de favoriser la croissance durable et l’emploi ; dans ce cas, il est indispensable de travailler plus profondément à la question écologique et à l’accompagnement économique de la transition énergétique. Voilà pourquoi le groupe écologiste a annoncé mardi midi qu’il ne voterait pas ce projet de loi.

Nous ne considérons pas qu’il constituerait une régression insupportable du droit social, comme le prétendent certains. Certes, comme le Président de la République l’a dit fort justement, ce n’est pas « la loi du siècle » ; elle n’en représente pas moins, pour nous, une occasion manquée. Sur des sujets à nos yeux essentiels, le point d’équilibre n’a pas été atteint. Un nombre non négligeable de collègues d’autres groupes de gauche était, manifestement, dans le même état d’esprit que nous – souvent pour des raisons différentes, d’ailleurs. Vous avez mesuré le risque de voir le texte rejeté par l’Assemblée. En engageant la responsabilité du Gouvernement sur ce texte, en application de l’article 49, alinéa 3 de la Constitution, vous vous êtes saisi d’une arme qui est certes constitutionnelle, mais qui est par nature exceptionnelle – bien qu’elle ait déjà été utilisée par bien d’autres gouvernements. Or dans une démocratie parlementaire apaisée, les procédures d’exception sont toujours le signe d’une impasse.

Pour les députés écologistes, il convient de tirer les conséquences de l’impasse dans laquelle toute la majorité est actuellement engagée. On entend des commentateurs discuter si cet usage de l’article 49 alinéa 3 signe l’échec du Gouvernement sur ce texte : querelle byzantine bien éloignée des préoccupations des Français ! Sachons reconnaître la réalité, et ne nous lançons pas dans ces jeux délétères. À la vérité, toute la majorité est engagée dans l’impasse que je mentionnais à l’instant ; la majorité dans son ensemble doit donc trouver le moyen d’en sortir pour conduire d’autres changements d’ici 2017.

Pour sortir de l’impasse, la première condition est d’éviter la bataille stérile qu’entraînerait la recherche des responsabilités des uns et des autres, la stigmatisation et les petites phrases. Celles-ci font parfois du bien au moment où on les prononce, mais elles ne font que creuser les fossés, et rendre plus difficile l’indispensable travail collectif qu’il nous appartient d’accomplir.

Faisons en sorte, monsieur le Premier ministre, qu’à quelque chose malheur soit bon. Le vote qui aura lieu tout à l’heure permettra de clarifier deux points. Premièrement, il permettra de compter ceux qui s’associeront à la motion de censure, et donc de constater qu’il n’y a pas, dans cette assemblée, de majorité alternative. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.) Deuxièmement, il permettra de compter ceux qui refusent d’apporter leur voix à la motion de censure, et donc de définir les contours de la majorité, c’est-à-dire le champ qui doit être à la fois le vôtre, monsieur le Premier ministre, et le nôtre.

M. Gérald Darmanin. C’est une petite annonce !

M. François de Rugy. Oui, sachons tirer les conséquences de cet épisode parlementaire malheureux. Tout d’abord, il faut approfondir le dialogue au sein de la majorité dans son ensemble. Nous savons que notre majorité est diverse, et que différents courants politiques s’y expriment. La diversité de ses composantes traduit la diversité qui caractérise la gauche dans notre pays depuis toujours, et que l’on retrouve – dans d’autres proportions – chez les Français eux-mêmes. La majorité voulue par les Français en 2012…

M. Jean-Frédéric Poisson. C’était il y a bien longtemps !

M. François de Rugy. …est ainsi faite : les écologistes y participent, pour faire avancer l’écologie dans tous les projets de loi du Gouvernement, et toutes les propositions de loi de notre majorité parlementaire.

Un député du groupe UMP. À petite dose !

M. François de Rugy. Nous sommes conscients que ce n’est pas chose facile, non seulement à cause des réticences politiques…

M. Patrick Hetzel. Parole d’expert !

M. François de Rugy. …mais aussi du fait des lobbys qui s’activent en coulisses contre tout projet de changement écologique. Certes, le scrutin majoritaire écrase souvent cette réalité politique diverse, mais il ne peut l’effacer, et toujours la réalité s’impose au cours de la discussion parlementaire. Nous devons faire de cette diversité – je dirais même : de ces contradictions – une force ; il nous faut vivre avec pour réformer notre pays.

M. Gérald Darmanin. C’est sûr : il veut entrer au Gouvernement !

M. François de Rugy. Nous avons su le faire avec ce Gouvernement : je pense notamment à l’exercice démocratique et parlementaire fructueux qu’a représenté le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte.

M. Paul Molac Mme Brigitte Allain et Mme Barbara Pompili. Très bien !

M. François de Rugy. Nous sommes parvenus, en première lecture, à des compromis ambitieux, malgré les positions opposées qui coexistaient – c’est bien normal – au sein de notre majorité. Sur ce texte, il nous faudra rétablir l’équilibre atteint à l’Assemblée nationale, après quelques épisodes malheureux de la discussion au Sénat.

C’est cet esprit qui doit tous nous animer car c’est pour cela que les Français nous ont élus : pour trouver entre nous les nécessaires compromis dynamiques, ceux qui permettent d’avancer, de mettre en œuvre de vrais changements, en tenant compte des approches de chacune des composantes de la majorité, qui reflètent les différentes sensibilités de la France d’aujourd’hui, pays aux plus de trois cents sortes de fromages, comme disait le général de Gaulle.

Tirer les conséquences de cette séquence politique, cela signifie ensuite infléchir, quand il le faut, la politique gouvernementale, l’enrichir si vous préférez, en y intégrant pleinement les impératifs environnementaux, et en tirant enfin tous les bénéfices économiques de la transition écologique. C’est en tout cas notre priorité.

En tirer les conséquences, cela signifiera enfin revenir, lors des lectures à venir du projet de loi Macron, sur les dispositions les plus controversées du texte, notamment sur le recours aux ordonnances en matière de droit de l’environnement, sur les inquiétudes exprimées par les associations et les syndicats de salariés, et sur le respect des dispositions de la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové dite loi ALUR.

Voilà pour l’avenir, mais parlons maintenant du présent. Le présent, c’est ce qui nous réunit et qui justifie cette séance un peu particulière de l’Assemblée nationale à l’issue de laquelle nous devons nous prononcer sur le texte de la motion de censure déposée par le groupe UMP, éclairés – si j’ose dire – par l’explication du président Jacob.

M. Gérald Darmanin. Excellente !

M. François de Rugy. Pour ce qui nous concerne, nul suspense : les écologistes ne voteront pas la motion de censure déposée par les groupes UMP et UDI. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Nous sommes en effet lucides : il suffit d’observer l’attitude de la droite sénatoriale en ce moment même, dans le débat sur le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, pour constater que l’écologie n’a rien à attendre de cette partie de l’hémicycle !

Mme Marie-Jo Zimmermann. C’est faux !

M. François de Rugy. D’ailleurs, la lecture du texte de la motion de censure que vous avez déposée et les explications de notre collègue Jacob, que nous avons écouté avec attention, n’ont fait que renforcer cette position.

M. Christian Jacob. Vous serez ministre !

M. François de Rugy. Votre motion de censure, monsieur Jacob, en appelle à une « réforme de l’État » dont chacun a pu mesurer ce qu’elle signifiait en entendant le président de votre mouvement ce matin à la radio : c’est le retour à la règle aveugle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, c’est-à-dire moins d’enseignants, moins de policiers, moins de juges, moins d’infirmiers, moins d’infirmières. Les écologistes ne vous prêteront pas main-forte. Cette politique-là, les écologistes n’en veulent pas.

M. Gérald Darmanin. Le vert est dans le fruit gouvernemental !

M. François de Rugy. Votre motion de censure, monsieur Jacob, en appelle à une « réforme du système social », dites-vous, dont chacun peut mesurer ce qu’elle signifierait en examinant les amendements que vous déposez lors de l’examen des projets de loi de financement de la Sécurité sociale : moins de garanties pour les assurés sociaux,…

M. Jean Launay. Très bien ! Revenons-en aux fondamentaux !

M. François de Rugy. …la remise en cause de l’aide médicale d’État, la priorité donnée au développement des offres de soins privées. Ce n’est ni un fantasme ni un procès d’intention : c’est ce que vous proposez ici même chaque année depuis trois ans que vous êtes dans l’opposition. Les écologistes ne vous prêteront pas main-forte. Cette politique-là, les écologistes n’en veulent pas.

Votre motion de censure en appelle à une « réforme du droit du travail » dont nous savons ce qu’elle recouvre : une dérégulation généralisée, la fin de la durée légale du temps de travail, comme l’a rappelé M. Fillon ce matin encore dans une intervention télévisée.

M. Pierre Lequiller. Mais êtes-vous pour ou contre la loi Macron ?

M. François de Rugy. Les écologistes ne veulent pas non plus de cette politique-là.

M. Pierre Lequiller. Allez-vous oui ou non voter la loi Macron ?

M. François de Rugy. Bref, votre motion de censure en appelle à une politique économique libérale totalement décomplexée, celle-là même que vous n’avez d’ailleurs pas mise en œuvre au cours des dix années durant lesquelles vous étiez aux responsabilités. Et pour cause : cette politique-là, les Français n’en veulent pas, les écologistes non plus.

Il est d’ailleurs intéressant de noter que dans votre texte, dont la longueur ne dépasse pas une page et qui se veut tout à la fois réquisitoire contre la politique gouvernementale et profession de foi en faveur d’une autre orientation, vous n’ayez pas une seule fois trouvé le moyen d’évoquer les défis climatiques et environnementaux. Non, décidément, à cette politique-là, les écologistes ne veulent pas apporter leurs voix.

S’il y a au sein de notre groupe, comme dans toutes les familles politiques, des nuances, des différences de point de vue, une conviction anime tous les écologistes : la politique du pire est toujours la pire des politiques.

M. Daniel Vaillant. Très bien !

M. François de Rugy. Vous le savez sans doute, les écologistes sont favorables à un article 49, alinéa 3 « à l’allemande », comme on dit parfois. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) En Allemagne, le chancelier fédéral peut faire l’objet d’une motion de renvoi dite constructive : l’assemblée se prononce alors sur un programme alternatif et, dans le même temps, sur un candidat choisi pour remplacer le chancelier. Il aurait été intéressant de se livrer à un tel exercice aujourd’hui. Auriez-vous été le candidat de vos collègues au poste de Premier ministre, monsieur Jacob ? Aurait-ce été M. Fillon, M. Copé, M. Wauquiez, M. Bertrand, M. Le Maire, Mme Pécresse ou qui sais-je encore ?

M. Michel Ménard et M. Alexis Bachelay. Balkany !

M. François de Rugy. Cette procédure a le mérite de la clarté et évite les alliances de circonstance, les alliances contre-nature.

M. Pierre Lequiller. Le régime allemand est différent !

M. François de Rugy. Notre démocratie n’a rien à gagner de la constitution de fronts du refus incapables de proposer une alternative.

Cet épisode parlementaire, dont nous vivons ce soir un épilogue attendu, peut servir et pourrait inspirer la mise en œuvre, en France, d’une réforme de l’article 49, alinéa 3 de la Constitution. Notre vie démocratique y gagnerait.

M. Pierre Lequiller. Cela n’a rien à voir !

M. François de Rugy. Voilà ce que je souhaitais vous dire, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, au nom des députés du groupe écologiste : nous ne voterons pas cette motion de censure parce qu’elle ne mène nulle part.

M. Paul Molac et Mme Brigitte Allain. Très bien !

M. François de Rugy. Par notre vote d’aujourd’hui, monsieur le Premier ministre, nous vous disons clairement que les écologistes ne sont pas dans l’opposition. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Jacques Candelier. Un maroquin pour M. de Rugy !

M. François de Rugy. Que toute la majorité se remette au travail, animée de l’esprit de responsabilité que les Françaises et les Français attendent de nous, comme ils l’ont clairement montré le 11 janvier dernier. Ce qu’ils ont exprimé, c’est une volonté de gommer les différences, c’est tout simplement le souhait d’aller à l’essentiel. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. André Chassaigne. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, chers collègues, le moment est grave, grave d’abord et avant tout pour le Gouvernement.

Ce débat porte en effet sur l’aveu d’un échec, son échec. Au terme de semaines de débats au sein et en dehors de notre hémicycle sur le désormais célèbre projet de loi Macron, le Gouvernement s’est retrouvé dans une impasse politique. C’est le constat de cet échec qui vous a amené, monsieur le Premier ministre, à engager la responsabilité du Gouvernement sur la version du projet de loi issue des débats.

Pourtant, le sens des responsabilités et la voix de la raison auraient dû conduire le Gouvernement à retirer un texte indigeste sur la forme comme sur le fond, un texte qui, indubitablement, ne pouvait pas obtenir l’adhésion d’une majorité de députés de gauche et ne pouvait être adopté qu’avec les voix de la droite.

Plutôt que de le reconnaître et d’engager sa responsabilité, l’exécutif a décidé de passer en force, envers et contre tous, y compris contre une partie des élus de sa propre majorité.

Vous avez voulu ainsi faire une démonstration de force, mais cela ne fait que démontrer votre profonde faiblesse.

M. Jean-Frédéric Poisson. Eh oui !

M. Daniel Fasquelle. C’est un passage en force !

M. André Chassaigne. Le choix que vous avez fait est d’abord un déni de démocratie. Le recours à l’article 49, alinéa 3 de la Constitution a pour seul but d’empêcher la représentation nationale de se prononcer sur un texte qui a été discuté durant près de 200 heures en commission et en séance publique. Le recours à cet artifice constitutionnel est bien l’aveu d’un échec car, au-delà de ce texte, c’est la politique gouvernementale dans son ensemble qui est contestée. Il est vrai que ce projet de loi symbolise à lui seul la dérive libérale d’une majorité qui était pourtant censée incarner une alternative à la politique de Sarkozy et mener une guerre contre la finance.

La voie que vous avez choisie est en effet celle du reniement permanent, et le projet de loi Macron n’en est que la consécration. Auparavant, vous avez imposé une série de réformes régressives qui ont porté autant de coups de butoir à notre modèle social. Qu’il s’agisse de la ratification du traité budgétaire européen, véritable péché originel, de l’accord national interprofessionnel, du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi ou du si mal nommé « Pacte de responsabilité », la ligne a toujours été dictée par les dogmes de l’archéo-libéralisme et de l’austérité budgétaire.

Avec ce nouveau projet de loi, vous avez confirmé votre incapacité à entendre la voix du peuple et de sa représentation pour succomber aux sirènes du MEDEF et aux injonctions de Bruxelles.

Car telle est bien la réalité : contrairement à son intitulé, le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques ne créera ni activité ni emploi. Il est simplement calibré pour répondre aux exigences de Bruxelles. Son objectif est d’envoyer à nos partenaires européens le signal que notre pays se réforme, c’est-à-dire, selon votre définition, ouvre un peu plus ses portes aux marchés financiers et aux investisseurs avides de profits et de rentes confortables.

M. Laurent Wauquiez. Ils sont confrontés à leurs contradictions !

M. André Chassaigne. Cela explique très certainement votre intransigeance et pourquoi vous êtes prêts à tout faire pour que cette loi passe, y compris, sans hésiter, user d’une pirouette constitutionnelle aussi archaïque que les mesures du projet de loi.

M. Laurent Wauquiez. Très bien !

M. André Chassaigne. L’archaïsme est d’abord dans les mesures de régression qu’accumule ce projet de loi, un texte aux apparences de fourre-tout mais dont l’ultralibéralisme est le fil conducteur : abandon du ferroviaire au profit de sociétés d’autocars, abandon du service public de la justice au profit de banques, de cabinets anglo-saxons ou de tout autre investisseur qui voudra s’offrir le sceau de la République, abandon des commerces de proximité au profit des grands groupes, risque de marchandisation du corps humain, privatisation de la gestion de nos aéroports, pourtant rentables, allégement fiscal des actions gratuites au profit des dirigeants du CAC 40, recul des obligations patronales en matière de licenciement économique, et j’en passe…

Vous le savez, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, depuis l’arrivée de la gauche au pouvoir, les députés du Front de gauche n’ont jamais choisi d’adopter une posture leur interdisant d’examiner objectivement les textes qui leur étaient soumis.

Mme Marie-George Buffet. Très bien !

M. André Chassaigne. Cependant, nous avons beau scruter ce texte à la recherche d’une mesure de progrès social, nous ne trouvons pas une ligne qui soit porteuse d’une quelconque avancée.

Mme Jacqueline Fraysse. Absolument !

M. André Chassaigne. Ce projet de loi ne comporte que des reculs pour les droits des salariés, les services publics et les services de proximité. Les dispositions portant sur l’extension et la banalisation du travail du dimanche illustrent à elles seules le détricotage de notre modèle social.

À l’opposé, et vous ne vous en cachez pas, le Gouvernement assume pleinement une position, celle du tournant libéral que la droite appelle de ses vœux. Certaines propositions de ce projet de loi s’inspirent d’ailleurs directement du rapport commandé par Nicolas Sarkozy lorsqu’il était Président de la République à la commission pour la libération de la croissance française, au sein de laquelle Emmanuel Macron siégeait comme rapporteur.

M. Razzy Hammadi. Et alors ?

M. André Chassaigne. D’autres propositions sont issues des recommandations faites explicitement par la Commission européenne, ce qui est de nature à rendre les Français toujours plus perplexes sur l’identification et la localisation du pouvoir politique en France : qui décide et au nom de quels intérêts ? La question est d’ordre démocratique et idéologique.

À Bruxelles comme à Paris, réformer c’est libéraliser ; un credo et une équation simple dont les éléments constitutifs s’accompagnent d’une régression sociale indigne d’un gouvernement de gauche ; un credo porté par la droite de cet hémicycle qui, sans craindre le ridicule, vient aujourd’hui critiquer la politique qu’elle rêve de mener, puissance quatre, à la place du Gouvernement.

M. Yves Nicolin. Il manque en effet la puissance quatre !

M. André Chassaigne. Certains socialistes ont dénoncé le projet de loi dès le départ : Martine Aubry a qualifié le texte de « régression » et Pierre Joxe s’est dit « éberlué » et « stupéfait » d’un texte où on trouve des dispositions « ahurissantes ». Ils savent, comme nous, les résultats auxquels ont abouti les politiques de Thatcher, Blair ou Schröder. Vous n’échapperez pas à la règle : déréglementation tous azimuts, concurrence sauvage et régression sociale seront synonymes pour notre pays d’une hausse inexorable du chômage et de la précarité.

Une telle tragédie économique et sociale a un coût politique non moins dramatique : la hausse continue du chômage s’accompagne, aux diverses élections, d’un renforcement de l’abstention et de l’extrême droite. Vous portez ici une responsabilité forte, historique, quant à ce double fléau pour la démocratie.

Malgré la force des désaveux infligés par le suffrage universel à l’occasion des élections municipales et européennes, l’obstination et le dogmatisme continuent de prévaloir à l’Élysée comme à Matignon. Dans le même temps, et de façon grandissante, les interrogations et le doute s’emparent des députés de la majorité. Nombreux sont ceux qui, bien au-delà des rangs du Front de gauche, attendent du Gouvernement un changement de cap en faveur de la relance et de l’emploi. Si nombre de nos concitoyens expriment aujourd’hui leur déception et parfois leur colère, c’est qu’ils attendent du Gouvernement qu’il se donne enfin les moyens du changement, qu’il se donne enfin une vraie ambition économique et sociale.

Or le Gouvernement est loin du compte ! Où sont les mesures attendues de revalorisation des salaires et de soutien au pouvoir d’achat des ménages ? Où sont les mesures de lutte contre les licenciements boursiers et l’avidité des actionnaires ? Où sont les mesures sociales ambitieuses en matière de santé, de retraite et d’emploi ? Où est passée la grande réforme fiscale ?

Pour les députés du Front de gauche, et je dirai plus largement de la gauche progressiste, il n’y a pas de fatalité au triomphe de la logique libérale de mise en concurrence des territoires et des peuples, il n’y pas de résignation face à la Troïka – celle-là même qui a mis le peuple grec à terre.

Mme Marie-George Buffet. Très bien !

M. André Chassaigne. Le Président de la République et votre Gouvernement, monsieur le Premier ministre, ne pourront plus longtemps tourner le dos aux valeurs de la gauche. Du reste, une partie de la majorité parlementaire ne supporte plus ce reniement permanent. Elle ne supporte plus non plus votre mépris pour la représentation nationale.

Mme Isabelle Le Callennec. C’est certain !

M. André Chassaigne. Non contents d’utiliser la procédure du temps législatif programmé – qui, je le rappelle, a limité drastiquement le temps de parole des députés –, non contents d’abuser du recours aux ordonnances qui confine lui aussi au déni de démocratie, vous imposez aujourd’hui le 49-3, qui bâillonne les députés qui voulaient voter contre ce texte.

Vous avez voulu tendre un piège institutionnel pour faire entrer tout le monde dans le rang. Nous refusons ce chantage politique tant notre parole est libre. Monsieur le Premier ministre, votre calcul politicien est à court terme. Vous ne pourrez pas toujours empêcher les convergences de s’exprimer et de se renforcer en faveur d’une alternative à gauche. Vous ne pourrez pas non plus masquer ad vitam votre rapprochement avec la droite par des envolées verbales aussi artificielles que trompeuses.

Mais ce qui est plus grave aujourd’hui, c’est que la comédie politique à laquelle vous vous livrez aggrave le fossé qui se creuse entre nos concitoyens et les élus. La crise à laquelle vous êtes confronté aujourd’hui est aussi morale. La dimension parfois technique des débats ne saurait masquer l’enjeu de l’offre politique alternative et du choix de société. En cela, la crise n’est pas technique, mais foncièrement existentielle : elle interroge notre rapport à nous-mêmes, au monde et à l’Autre, au capital et au travail.

Résignés et tétanisés face à la puissante vague néolibérale et réactionnaire, certains de ceux qui se disent progressistes ont déserté le combat des idées et des valeurs pour se laisser guider par un « gestionnisme réaliste ». Comme si un destin commun s’appréciait à l’aune des seuls taux directeurs de la BCE, de la croissance, de la dette publique, des sondages – à défaut de tout socle moral, prenant en compte, avant tout, l’humain. L’humain d’abord, l’humain avant tout !

La fracture entre le peuple et les élites – politique, financière, médiatique, bureaucratique, intellectuelle – se nourrit d’un profond sentiment d’injustice, qui cultive lui-même les divisions et les antagonismes, dans une société sclérosée en son sommet, profondément inégalitaire, sous tension identitaire, et incertaine de ses valeurs communes.

Soyons clairs. Pour des députés de la gauche progressiste…

M. François Loncle. Et rétrograde !

M. André Chassaigne. … une censure du Gouvernement et de la loi Macron n’a absolument rien à voir avec la motion présentée par la droite ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Chacun sait bien que la droite manœuvre, sans craindre de mettre à jour ses incohérences et contradictions, puisqu’elle vote contre la politique qu’elle-même préconise !

Mesdames et messieurs les députés de droite, vous savez que votre censure est l’expression d’une simple hypocrisie politicienne pour occulter le bilan désastreux de vos années de pouvoir. Personne n’est dupe du programme destructeur qui est le vôtre et qui enfoncerait encore un peu plus notre pays dans la crise. Le seul reproche que vous avez à faire au Gouvernement, c’est d’avoir adhéré à votre propre programme économique et de l’appliquer sans vous reconnaître les droits d’auteur. Vous souhaitez censurer le Gouvernement pour exercer directement le pouvoir. Votre démarche ne s’explique donc que par des considérations de pouvoir personnel, nullement d’intérêt général, c’est-à-dire l’intérêt du peuple.

Pour notre part, c’est précisément au nom du respect du peuple et par souci de cohérence entre nos idées et nos actes que nous assumons de condamner la politique menée par le Gouvernement.

M. François Loncle. Laborieux !

M. André Chassaigne. Nous avons tenté de déposer, avec des collègues d’autres bancs, notre propre motion de censure, avec notre propre argumentaire. Parce que nous combattons le texte sur lequel vous avez engagé votre responsabilité, monsieur le Premier ministre, mais aussi parce que nous sommes convaincus de l’urgence et de la nécessité de nommer un gouvernement qui puisse réunir l’ensemble des forces de gauche pour conduire une politique de progrès social et de refondation démocratique.

Monsieur le Premier ministre, nous n’avons cessé de vous mettre en garde contre la dérive de votre politique économique, toujours plus libérale. Aujourd’hui, il est temps d’en tirer les conséquences. À travers notre censure, nous adressons un message clair…

M. François Loncle. Il n’a pourtant rien de clair !

M. André Chassaigne. … pour que la majorité élue par la gauche cesse de se fourvoyer dans les méandres du libéralisme économique prôné par la droite. Parfois, le retour à la raison doit être provoqué par un geste fort. Ce geste, nous l’assumons, au nom du peuple de gauche et dans l’intérêt de la gauche.

M. François Loncle. Au nom de l’UMP !

M. André Chassaigne. C’est dans cet esprit, celui de la conviction et de la détermination, qu’en son âme et conscience, une majorité de députés du Front de gauche se positionne sur la censure de ce Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Yves Censi. Le chant du cygne !

M. Bruno Le Roux. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, il me revient de clore cette discussion, avant l’intervention du Premier ministre et le vote qui s’ensuivra. Je voudrais dire rapidement trois choses, que je vous livre telles quelles.

Je voudrais vous redire que les Français ont des attentes, et que nous devons être à la hauteur. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je voudrais vous redire que la France a besoin de se mettre résolument en mouvement, et que nous le savons tous. Je voudrais vous redire qu’il n’y a pas d’alternative à la majorité actuelle.

Plusieurs députés du groupe UMP. Si !

Mme Annie Genevard. C’est nous !

M. Bruno Le Roux. Non seulement elle conduira le pays jusqu’au terme du mandat qui lui a été donné par les Français, mais plus encore, elle continuera à réformer le pays, parce qu’il ne saurait en être autrement.

M. Yves Nicolin. Baratin !

M. Bruno Le Roux. M’exprimant en dernier, j’ai pu vous écouter. Une formule s’est imposée à mon esprit, que j’emprunte au titre d’un film de Claude Lelouch : « Tout ça pour ça ! » (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Oui, « tout ça pour ça » : c’est ce que je me disais en vous écoutant. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

« Tout ça pour ça », tant il me paraît que votre rhétorique est convenue et attendue, que le manichéisme, qui est trop souvent le nôtre, est désuet et impuissant. Les Français continuent à nous regarder, à nous écouter. Mais ils peinent à nous suivre.

Mme Anne Grommerch. Le Roux, avec nous !

M. Bruno Le Roux. Je ne veux pas faire de ce que l’on a appelé « l’esprit du 11 janvier » (Protestations sur les bancs du groupe UMP) un argument d’autorité, qui s’imposerait sur tous les bancs et créerait un unanimisme de façade entre nos groupes, et au sein de nos groupes. La question n’est pas celle-là.

M. Yves Censi. Quel rapport avec la loi Macron ?

M. Bruno Le Roux. Mais le 11 janvier a révélé, si besoin était, la maturité civique des Français et leurs attentes vis-à-vis de la classe politique.

M. Claude Goasguen. Justement !

M. Bruno Le Roux. Ils veulent que celle-ci soit plus efficace, plus innovante, plus sobre et moins théâtrale. Qu’elle vocifère moins et essaye de construire davantage. Voilà ce qu’attendent les Français, et que vous êtes incapables de leur donner ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Un député du groupe UMP. Quelle indécence !

M. Christian Jacob. Il est où, votre groupe ?

M. le président. Chacun des orateurs a été respecté jusqu’à présent. Veuillez écouter M. Le Roux !

M. Bruno Le Roux. Monsieur Jacob, si vous le souhaitez, j’accepte que l’on vous donne une seconde chance. Si vous voulez remonter à la tribune pour enfin dire quelque chose de sensé dans l’hémicycle, faites-le ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. Vous ne pouvez pas le faire, monsieur Le Roux !

M. Bruno Le Roux. Pour l’instant, vous avez passé votre tour. Daignez que je puisse m’exprimer. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Dans le pays, dans les cœurs et les consciences, s’expriment avant tout des majorités d’idées. Elles sont plus nombreuses que cet hémicycle ne permet de le constater. Heureusement, la vie dans nos collectivités, dans nos entreprises, dans nos associations est moins cadenassée ! La France a besoin de créativité, d’inventivité, y compris dans le champ politique. Elle a besoin d’audace. Au-delà des mots, elle a besoin de réalisations concrètes.

Ce télescopage que nous venons de vivre entre « l’esprit du 11 janvier »… (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Anne Grommerch. Pas ça !

M. Gérald Darmanin. C’est indécent.

M. Bruno Le Roux. … et l’examen du projet de loi porté par Emmanuel Macron, tient au fait que ce moment de notre vie parlementaire aura permis de mettre au jour cette vieille politique.

Cette vieille politique, qui fait toujours passer des intérêts subalternes avant l’intérêt général ; qui, espérant engranger demain, ne concède rien aujourd’hui ; qui fait toujours passer le souci doctrinal avant l’efficacité d’une réforme ; qui préfère une mauvaise posture à une bonne mesure qui ne viendrait pas du bon côté. Cette vieille politique, et je le dis ici, qui va jusqu’à s’affranchir des règles élémentaires de la camaraderie (Protestations sur les bancs du groupe GDR et du groupe UMP), qui aime tant l’actualité qu’elle en oublie de s’inscrire dans l’histoire. Cette vieille politique, enfin, qui, à gauche comme à droite, s’agite beaucoup, pour que rien ne bouge vraiment.

Ses jours sont comptés, j’en ai la conviction. Nous le savons tous, même si nous feignons encore de l’ignorer. Méfions-nous de nous-mêmes ! (Exclamations et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Nous tous ici qui siégeons sur les bancs des formations républicaines !

Vous auriez tort de penser, devant la montée des populismes dans les autres pays, que nous avons à gagner de tels comportements.

M. Jean Launay. Très bien !

M. Bruno Le Roux. Pour ma part, je prends date : nous en avons assez ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. Yves Censi. Occupez-vous plutôt de vos ouailles !

M. Bruno Le Roux. François Mitterrand, dans les années 1990, détournant un vers de Charles Baudelaire, déclarait : « J’aime le mouvement qui déplace les lignes. » La force du projet de loi proposé par Emmanuel Macron – et sa malignité aux yeux de certains – tient précisément au fait que ce texte crée du mouvement…

Mme Jacqueline Fraysse. À droite !

M. Bruno Le Roux. … et, au bout du compte, déplace les lignes.

M. Philippe Meunier. Les lignes d’autocar, oui !

M. Bruno Le Roux. C’est ce qui en fait sa cohérence, sa force et son utilité. Il bouge les lignes là où cela peut être nécessaire, pour libérer l’initiative et favoriser l’emploi. Voilà pourquoi, au terme de sa gestation parlementaire, il est attendu de nos compatriotes.

Ce texte bouscule une démarcation inavouée, invisible, non revendiquée, une sorte de Yalta social mis en place il y a plus de trente ans dans notre pays. Ce Yalta social nous condamne indéfiniment à choisir entre la protection des salariés et l’emploi, entre ce que les économistes appellent dans leur langue baroque les insiders et les chômeurs.

De tout temps, à droite, vous avez dit : « Moins de protection, cela va libérer l’initiative. » Longtemps, à gauche, nous avons dit, unanimes : « Plus de protection, et contraignons l’initiative ! » Ce texte échappe à ce schéma, le rend obsolète. C’est bien cela que les conservateurs de tous bords lui reprochent !

Ce texte augmente les protections dont doivent bénéficier les salariés, notamment les plus faibles d’entre eux. Une caissière de supérette, en poste le dimanche matin, ne peut que se féliciter de l’adoption de la loi Macron et remercier les députés qui se sont investis sur ce texte des heures, des jours et des semaines durant ! D’ailleurs, si elle souhaite maugréer sur les autres, nous lui en fournirons la liste ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Ce texte permet des embauches nouvelles dans les commerces qui ouvriront le dimanche, ou plusieurs dimanches pour certains d’entre eux.

Ce texte échappe également à ce schéma qui oppose, dans nos joutes, le marché à l’État.

Où est l’affaissement de l’État dans ces articles ? L’ouverture du capital de certains établissements ? L’État en gardera le contrôle.

La puissance publique ne prendrait pas ses responsabilités ? Mais elle édicte des normes et conduit les partenaires sociaux à négocier.

Je pourrais multiplier les exemples.

Mme Jacqueline Fraysse. Et les aéroports ?

M. Bruno Le Roux. Ce texte signe-t-il l’abandon par la puissance publique de tout volontarisme industriel ? Marque-t-il l’abandon des trente-quatre plans industriels pour lesquels nous mobilisons les acteurs privés et les acteurs publics ? Pourquoi opposer ce qui est complémentaire ?

En vérité, cette loi est une loi novatrice à plus d’un titre et c’est en cela qu’elle vous dérange, qu’elle dérange le bel ordonnancement de nos joutes politiques classiques !

M. Christian Jacob. Adressez-vous à votre groupe !

M. Bruno Le Roux. C’est une loi de progrès social et les Français vont s’en rendre compte.

Les compensations au travail du dimanche sont non seulement garanties mais généralisées. N’est-ce pas un progrès ?

Les jeunes qui passent leur permis de conduire pourront se présenter à l’examen dans un délai de quarante-cinq jours plutôt que d’attendre inlassablement des mois entiers. Ils se retrouvent au final à devoir reprendre des leçons, ce qui leur coûte encore plus cher. Cette disposition est-elle un progrès ou non ?

Le contrôle du travail illégal dans le bâtiment sera renforcé par la création d’une carte de travailleurs détachés. Est-ce un progrès ou non ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Je sais que ce n’est pas un progrès pour vous, c’est pour cela que je l’ai dit d’ailleurs. Vous vous êtes fait prendre une nouvelle fois au piège du progrès social. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

La loi est forte de plus de deux cents articles et nombreux sont ceux qui portent la marque du progrès social. Développer le logement intermédiaire, c’est du progrès en plus ! Introduire davantage de transparence dans les contrats de travaux et de concessions des sociétés d’autoroute, c’est du progrès aussi ! Permettre aux entreprises innovantes et aux start-up d’attirer et de conserver les meilleurs talents, c’est du progrès, quoi qu’on en dise !

Vous savez, j’ai une conviction (« Ah bon ? » sur les bancs du groupe UMP), que j’ai ciselée au fil des années : l’immobilisme est la plaie de notre pays et c’est une plaie que trop de gouvernements ont creusée.

Rien ne serait plus destructeur que de donner à penser aux Français que tout n’a pas été engagé, que tout n’a pas été décidé, que tout n’a pas été tenté pour réduire le chômage dans notre pays. Pour cela, nous devons bousculer les immobilismes et les tenants de la rente !

C’est ce que nous devons faire !

C’est ce que nous faisons, en regardant le pays à 360 degrés, au plus près du terrain, tous azimuts. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

C’est ce que fait ce texte, qui vise avant tout l’efficacité. Et si on y regarde bien, la gauche a toujours agi ainsi.

Au-delà de notre propre mythologie – excusez-moi, mesdames et messieurs de la droite pour ce détour qui concerne notre culture politique –, la gauche s’est toujours confrontée au réel. Pour le bousculer, pour le changer, pour l’améliorer. Toujours, nous avons agi ainsi : c’est notre raison d’être. Et ne nous payons pas de mots ! Ne caricaturons pas les choses. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Ne noircissons pas le tableau !

Cette majorité a-t-elle décidé de déroger au SMIC, d’instituer des jobs à un euro, des contrats de travail à zéro heure ? Non ! Cela, c’était les projets de ceux qui nous ont précédés !

M. Patrice Verchère. Quelle majorité ?

M. Bruno Le Roux. Cette majorité a-t-elle décidé de faire des coupes sombres dans les budgets sociaux, de réduire l’accompagnement des chômeurs de longue durée ? Non, c’est le projet de ceux qui veulent revenir demain !

Cette majorité a-t-elle décidé de baisser les salaires des fonctionnaires, d’augmenter le temps de travail, de supprimer des prestations sociales ? Non, une nouvelle fois, c’est le projet de ceux qui sont de ce côté-là de l’hémicycle.

Cette majorité a-t-elle décidé de casser le modèle social français pour offrir le pays aux seules lois du marché ? Non, et surtout pas dans ce texte. C’est le projet de ceux qui voudraient voir notre défaite demain.

Cette majorité a-t-elle renoncé à faire bouger les lignes en Europe ? Non encore. Ne joue-t-elle pas désormais et à nouveau un rôle majeur pour sortir de l’atonie européenne dans laquelle nous sommes depuis trop longtemps ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Arrêtons de vider les mots de leur sens. Arrêtons de nous mortifier. Arrêtons de parler d’une manière si inappropriée et injuste de notre pays !

M. Benoist Apparu. Heureusement que vous avez arrêté le manichéisme !

M. Bruno Le Roux. Ce soir, avec ce vote – nous savons tous que cette motion de censure sera rejetée dans quelques minutes –, nous clôturerons ce que nous pouvons appeler « une péripétie parlementaire ».

J’ai regardé les précédents : la procédure du 49-3 a été utilisée plus de quatre-vingts fois depuis le début de la VRépublique, la gauche l’a d’ailleurs un peu plus utilisée que la droite – c’est comme ça. C’est une procédure contraignante mais qui, en l’espèce, ne s’est pas substituée au travail parlementaire et a laissé tous ses droits au Parlement, notamment en lui permettant, sans aucun incident de séance, d’adopter les plus de deux cents articles de cette loi au fur et à mesure qu’ils venaient en discussion devant notre Assemblée.

Il faudra vivre avec : ce ne sera pas le moindre des paradoxes de cette loi que d’avoir été adoptée dans ces conditions, alors même qu’elle est la plus coproduite avec les parlementaires de toute l’histoire de la VRépublique.

Je veux à mon tour et à nouveau saluer le ministre Emmanuel Macron, l’assurer de notre reconnaissance, le remercier pour sa disponibilité et lui dire celle de mon groupe pour les principes de justice qu’il a édictés en vue de réformer à l’avenir d’autres secteurs d’activité – il en reste encore ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Pour le reste, mes chers collègues, j’ai beau regarder, de gauche à droite, sur ces bancs, je ne vois pas de majorité alternative se dessiner (« Si ! » sur les bancs du groupe UMP), l’alliance des carpes et des lapins ne pouvant être par nature qu’éphémère et stérile. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Et permettez-moi de m’adresser à nos collègues du groupe GDR pour leur dire que la gauche se désespère d’eux en un jour comme aujourd’hui et que sans eux, la gauche s’invente et avance ! Pour le reste, basta ! Il arrive un moment où il faut savoir où l’on habite, connaître ses valeurs. Nous ne votons pas avec les porteurs de régression sociale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe écologiste.)

Monsieur le Premier ministre, notre pays et notre société doivent faire face à des défis que l’on qualifie à juste titre d’historiques. Les événements des 7 et 9 janvier ont montré que la menace terroriste pouvait frapper notre territoire en son cœur et que la cohésion nationale pouvait en être fragilisée. Nous savons aussi que le délitement de notre cohésion sociale fragilise le pacte républicain et encourage les communautarismes.

Monsieur le Premier ministre, dans un tel moment, la confiance de votre majorité ne vous manquera pas (« Laquelle ? » sur les bancs du groupe UMP.)

La majorité vous remercie pour votre engagement et votre détermination, et elle vous accompagnera dans toutes les réformes qu’il vous reste à mener jusqu’à la fin de ce quinquennat. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC et huées sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Jacob. Debout Cambadélis !

M. Sébastien Denaja. Couché Jacob !

Mme Valérie Fourneyron. Quelle suffisance !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, mardi, en accord avec le Président de la République, j’ai engagé la responsabilité de mon Gouvernement sur le projet de loi relatif à la croissance et à l’activité, mais ma première responsabilité, celle pour laquelle j’ai obtenu, à deux reprises, la confiance de cette assemblée, c’est de faire avancer notre pays, de le réformer, avec détermination, sans me laisser impressionner et en m’appuyant sur des institutions solides.

De le réformer, ce beau pays, dans le dialogue, bien sûr, avec la clarté nécessaire, toujours, mais surtout avec l’autorité qui s’impose.

Les Français attendent de nous que nous agissions, que nous levions les blocages.

Le premier de ces blocages, c’est bien sûr la croissance économique trop faible. Elle empêche de créer des emplois, de faire reculer ce chômage de masse qui fait tant de mal, qui ronge les espoirs d’une partie de notre jeunesse. Notre combat pour l’intérêt général, mesdames, messieurs les députés, il est avant tout ici.

Mais retrouver la croissance se prépare méticuleusement, grâce à une politique économique cohérente. C’est la condition même de la confiance.

La cohérence économique, c’est d’abord la réduction de nos déficits et de notre dette, car leurs poids étaient devenus intenables. Les 50 milliards d’euros d’économie en trois ans seront donc respectés. C’est un plan bien calibré, adapté à la situation actuelle. Un plan qui ne remet pas en cause nos priorités : l’éducation, la recherche, la sécurité, la justice, l’aide et le soutien aux plus démunis, et qui n’étouffe pas la croissance.

M. Jean-Christophe Cambadélis. Très bien !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Nous réduisons nos déficits et dans le même temps, nous agissons pour le pouvoir d’achat des Français, notamment en baissant les impôts des classes moyennes et des ménages aux revenus les plus modestes. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Cette année, 9 millions de foyers verront leur impôt sur le revenu baisser. Cette mesure, mise en œuvre par Michel Sapin et Christian Eckert, est aussi financée par la lutte contre la fraude fiscale : c’est un beau symbole ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

La cohérence, c’est ensuite agir pour la compétitivité de nos entreprises, toutes nos entreprises, les grands groupes comme les PME ou les ETI, en baissant le coût du travail, qui est trop élevé, en agissant sur la fiscalité, qui est trop lourde, en restaurant les marges, qui n’ont cessé de se dégrader.

M. Christian Jacob. Mais vous êtes le Premier ministre ! Il est invraisemblable !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Ce que nous faisons est d’une force et d’une ampleur sans précédent ! Monsieur le président Vigier, je vous remercie pour vos mots : le CICE, le Pacte de responsabilité et de solidarité, ce sont des signes de confiance envoyés par la nation à ses entreprises et à ses entrepreneurs. Pas moins de 40 milliards d’euros d’ici 2017, zéro charge pour l’employeur d’un salarié touchant le SMIC depuis le 1er janvier !

M. Christian Jacob. Quarante milliards d’impôts en plus !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Là encore, pas de faux débats : soutenir l’entreprise, c’est soutenir les salariés qui y travaillent, les jeunes qui y sont formés, les cadres, les ingénieurs, les chercheurs, les entrepreneurs qui innovent et créent la richesse et les emplois dont notre pays a tant besoin.

M. Christian Jacob. Non !

M. Manuel Valls, Premier ministre. La confiance de la nation implique, en retour, que les acteurs économiques prennent leurs responsabilités, s’engagent dans les branches, en particulier en matière de formation et d’apprentissage. Qu’ils s’engagent pour la création d’emplois.

Mesdames, messieurs les députés, j’entends parfois dire que la croissance repartirait partout en Europe mais pas en France. C’est faux ! Le marché de l’automobile repart. Les bons chiffres de Renault et de PSA montrent que la crise n’est pas une fatalité dans ce secteur. Ils montrent aussi que les entreprises françaises s’adaptent toujours, innovent toujours.

M. Jean-Marc Germain. Très bien !

M. Christian Jacob. Aucun emploi en France !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Le marché du logement, lui aussi, progresse. Les mesures que j’ai annoncées en septembre dernier avec la ministre Sylvia Pinel commencent à porter leurs fruits – on le voit dans les chiffres de la construction neuve. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Il faut continuer à construire et les maires des zones tendues qui font le choix de bâtir seront encouragés : des financements seront mobilisés dès cette année. Le renforcement de la loi SRU sur les logements sociaux commence également à faire effet – et c’est le rôle de l’État de veiller scrupuleusement à ce que cette loi soit appliquée. Quand on défend le logement, en particulier le logement social, il faut appliquer ces lois, notamment dans ces villes, parce que c’est une attente et une demande des Français.

M. Yves Nicolin. Donnez-lui les bons chiffres !

M. Christian Jacob. La situation n’a jamais été aussi catastrophique !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Oui, les premiers signes de reprise sont là, à l’export notamment. Le contrat de vente de vingt-quatre avions Rafale est une preuve supplémentaire que l’excellence française se déploie, notamment quand le Président de la République et le Gouvernement s’y engagent totalement. C’est vrai aussi pour Airbus, en matière de numérique avec des start-up à la notoriété planétaire, dans le secteur du luxe avec nos grandes marques mondiales, ou encore dans l’agroalimentaire avec des groupes français implantés sur tous les continents. Cette excellence est reconnue par tous. Ne soyons pas les derniers à nous en rendre compte !

Vous le savez aussi : nous bénéficions d’un contexte favorable. Le prix du pétrole diminue, l’euro a également baissé et les taux d’intérêt sont à des niveaux historiquement bas. Ces trois facteurs, mesdames et messieurs les députés, sont des stimulants pour la croissance : à nous de nous en saisir !

M. Philippe Meunier. Vous attendez les autres pour réussir !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Pour 2015, nous attendons une croissance d’environ 1 % : c’est l’estimation du Gouvernement, mais c’est aussi celle de la Commission européenne et du Fonds monétaire international.

M. Pierre Lellouche. Et combien d’emplois attendez-vous ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. Or, la croissance, je le rappelle, c’est la clé pour créer des emplois. Toute notre politique économique, puisqu’il s’agit de cela, va dans ce sens : le Pacte redonne aux entreprises les marges de manœuvre dont elles ont besoin pour investir et embaucher, comme je l’ai déjà dit. La loi pour la croissance et l’activité défendue par Emmanuel Macron, dont je salue l’action, la modernité et le sens de l’écoute, qui sont aujourd’hui des qualités indispensables pour notre pays (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC), va stimuler la croissance en favorisant le financement des entreprises.

M. Christian Jacob. Quarante milliards d’impôts supplémentaires !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Cette loi, puisqu’il s’agit aussi de cela, fait sauter les verrous qui brident notre économie. Elle met fin à des dérives injustifiées qui nuisent au pouvoir d’achat des Français.

Posons les choses simplement, mesdames et messieurs les députés : mettre fin à la hausse injustifiée des tarifs de péage, êtes-vous pour ou contre ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Rendre les tarifs de certaines professions réglementées plus transparents, pour que les Français paient moins cher quand ils vont chez l’huissier ou chez le notaire et pour qu’ils sachent, enfin, pourquoi ils payent, êtes-vous pour ou contre ?

M. Christian Jacob. Vous créez les déserts notariaux !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Pour ou contre un permis de conduire moins cher et plus rapide pour les jeunes ? Pour ou contre l’ouverture de liaisons plus directes et moins chères par autocar ?

M. Christian Jacob. Il ne sait même pas ce qu’il dit ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Manuel Valls, Premier ministre. Cette loi, mesdames et messieurs les députés, permettra d’aller chercher la croissance là où elle est, en adaptant notre pays à un monde qui change, en ouvrant les magasins le dimanche dans les zones touristiques, en donnant de nouvelles opportunités à ceux qui veulent travailler, créer, entreprendre. Êtes-vous pour ou contre ? Cette loi protège les salariés en luttant contre le travail illégal. Êtes-vous pour ou contre ? Pour ou contre l’épargne salariale ? Pour ou contre la réforme des prud’hommes ? Pour ou contre la suppression des retraites chapeau excessives ? Voilà le choix qu’il fallait faire : pour ou contre le progrès et le soutien à l’économie ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

M. Bruno Le Roux. Bravo !

M. Pierre Lellouche. Ne vous énervez pas !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Cette loi n’interdit rien, mesdames et messieurs les députés ; elle ne fait que permettre ! Elle s’attaque aux contraintes, aux règles absurdes, aux corporatismes qui sont autant de freins à la croissance et aux initiatives individuelles.

M. Christian Jacob. Vous êtes au pouvoir depuis trois ans !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Je regrette de vous le dire, monsieur Jacob, mais cette loi n’avait pas vocation à concrétiser vos projets d’hier et les réformes que vous n’avez pas vous-mêmes eu le courage – puisque vous me parlez de courage – de mettre en œuvre lorsque vous étiez au pouvoir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Yves Nicolin. Vous étiez contre tout !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Vous avez critiqué cette loi, et c’est naturellement votre droit. Certains, à droite, voulaient pourtant la voter, mais votre vision de l’opposition pour l’opposition vous a enfermés dans des postures. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous aviez pourtant une occasion à saisir, que vous avez ratée : celle de montrer le sens de l’intérêt général, le sens de l’État. Vous avez hélas fait un autre choix.

M. Christian Jacob. C’est le début de la fin !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Vous m’appelez à la cohérence, cher monsieur Vigier, mais permettez-moi de vous rappeler que le groupe que vous présidez était lui-même profondément divisé sur ce texte…

M. Hervé Gaymard. Et le vôtre ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. …et que le président de votre formation politique n’a eu de cesse, jusqu’à ces dernières minutes, de parcourir les bancs de cette Assemblée pour que vos parlementaires votent contre le texte !

Vous avez fait le même choix qui a été le vôtre en votant contre la réforme des régions…

Mme Valérie Pécresse. Vous parlez de votre propre camp !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …même si je note que certains ont pris leurs responsabilités. Cette réforme, on en parlait pourtant depuis des années, et sur tous les bancs !

M. Christian Jacob. C’est laborieux !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Ce Gouvernement, avec Bernard Cazeneuve, et cette majorité l’ont faite en six mois exactement. Vous débattez en ce moment même du projet de loi de réforme territoriale défendu par Marylise Lebranchu et André Vallini. Des régions plus fortes, des intercommunalités renforcées, des compétences clarifiées pour les départements, des politiques publiques au plus proche des attentes des citoyens : voilà ce qu’attendent les Français ! Voilà ce que vous devez soutenir ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je suis même convaincu que nous pourrons trouver un accord entre l’Assemblée et le Sénat sur ce texte important.

Au fond, il y a une incohérence sur les bancs de l’opposition entre les mots et les actes.

M. Michel Herbillon. Et pas chez vous ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. Les Français jugeront aisément qui sont les réformateurs et qui sont les conservateurs.

M. Claude Goasguen. Oui, et la dissolution le leur permettra !

M. Manuel Valls, Premier ministre. La preuve ultime de cette incohérence, nous l’avons devant nous, à la droite de l’hémicycle bien sûr…

M. Michel Herbillon. Quel donneur de leçons !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …mais aussi sur certains bancs – peu nombreux, il est vrai – à gauche. (Rires sur les bancs du groupe UMP.) Ce qui vous rassemble, c’est la défense des conservatismes et des rentes, le refus d’avancer.

M. Michel Herbillon. Personne ne vous croit !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Une alliance d’immobilisme n’a jamais fait un projet de société, et nos concitoyens le voient bien.

M. Claude Goasguen. Il faut dissoudre !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président Jacob, votre motion de censure ne propose aucune alternative. Vous n’avez tiré aucun bilan, aucune leçon de votre échec en 2012.

M. Christian Jacob. Et vous, où en êtes-vous ? (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Manuel Valls, Premier ministre. Vous ne proposez aucune perspective : pas un mot, pas une proposition, pas une idée pour aider les Français ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous n’êtes que dans la posture et dans l’obstruction !

M. Christian Jacob. Il faut dissoudre !

M. Luc Belot. Silence, Jacob !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Mener une politique économique cohérente, c’est agir en France et pour la France, et c’est aussi agir à l’échelle de l’Europe.

Grâce à l’action déterminée du Président de la République, la Commission Juncker a décidé de lancer un grand plan d’investissement de 315 milliards d’euros. Il doit se mettre en place rapidement.

M. Michel Herbillon. Personne ne vous croit !

M. Manuel Valls, Premier ministre. L’action de la France, comme je l’ai dit à plusieurs reprises ici même, notamment à l’occasion de mon discours de politique générale en avril 2014, c’est aussi d’avoir plaidé sans relâche en faveur de la baisse de l’euro, qui est trop cher.

C’est le projet européen qui se joue aujourd’hui. Un mot sur l’actualité : s’agissant de l’avenir de la Grèce dans la zone euro, je veux vous dire une nouvelle fois que la France agit et agira jusqu’au bout pour que la Grèce conserve toute sa place dans cette Europe qui l’a accueillie au sortir de la dictature.

M. Jacques Myard. Pauvre Grèce !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Je le dis à tous les Européens : il faut respecter les choix du peuple grec.

M. Antoine Herth. Et ceux du peuple français ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. Cependant, il faut aussi que le nouveau gouvernement grec s’inscrive pleinement et durablement dans cette Europe et dans l’euro, dont la Grèce a tant besoin. Je considère les toutes dernières décisions et les déclarations que le Premier ministre grec a adressées à l’Europe comme le signe très encourageant qu’une solution est possible, et ce très rapidement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Claude Goasguen. L’enjeu, aujourd’hui, c’est la loi Macron !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Sachons saisir les opportunités qui sont à portée de main. La France a tant d’atouts pour cela : ses services publics, ses universités, ses ouvriers, ses techniciens, ses ingénieurs, son industrie, ses territoires – de métropole ou des outre-mer – ainsi que ceux de nos compatriotes qui vivent et travaillent à l’étranger.

Ce Gouvernement, mesdames et messieurs les députés, prépare l’avenir…

M. Michel Herbillon. En allant dans le mur !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …en avançant aussi sur de grands projets d’investissement, comme la ligne ferroviaire Lyon-Turin et le canal Seine-Nord-Europe, et en prévoyant 12,5 milliards d’euros sur six ans pour investir dans et avec les régions – c’est l’objectif des nouveaux contrats de plan État-région.

Il prépare l’avenir grâce aux trente-quatre plans de la nouvelle France industrielle, grâce aussi à ce que nous faisons en matière de numérique, mais également de croissance verte et de transition énergétique.

La grande loi présentée par Ségolène Royal…

M. Marc Le Fur. Tiens, on ne la voit plus guère, Mme Royal !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …qui est actuellement en discussion au Sénat après avoir été adoptée à l’Assemblée nationale, vise à faire de la France un pays exemplaire dans ce domaine…

M. Hervé Mariton. Elle fait le contraire !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …avec un bouquet énergétique qui préserve notre filière nucléaire et fasse le choix des énergies renouvelables.

M. Hervé Mariton. C’est faux !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Mieux produire et mieux consommer, c’est un levier formidable de créations d’emplois.

M. Philippe Le Ray. Et de zadistes…

M. Manuel Valls, Premier ministre. C’est aussi un enjeu fondamental pour l’humanité. L’année 2015 doit, pour notre pays et pour la planète, être une année verte. Nous avons engagé de nombreux chantiers qui vont jalonner les prochains mois conduisant à la conférence Paris Climat 2015. Le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, et la ministre de l’écologie sont pleinement mobilisés. La France fera tout pour que ce rendez-vous permette de conclure un accord ambitieux.

M. Denis Baupin. Très bien !

M. Manuel Valls, Premier ministre. La cohérence qui est au cœur de notre politique économique, j’aimerais aussi la voir chez vous, monsieur le président Jacob. Elle serait avant tout utile pour éclairer le débat démocratique, et pour que les Français puissent juger. Posons en effet les choses sereinement : quel est au juste votre projet ? Vous ne nous en avez rien dit, ou si peu. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) J’entends qu’il faudrait faire 120, 130, non, 150 milliards d’euros d’économies ! Où les trouver ? Sur ce point, vos déclarations et vos propositions se font soudain moins précises.

M. Claude Goasguen. Demandez aux Français ! Dissolution !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Vous qui proposez, de fait, une politique qui casserait toute reprise, toute croissance et qui serait profondément injuste, vous êtes tout aussi silencieux sur votre bilan : 600 milliards de dettes supplémentaires en cinq ans ! Et, malgré cela, des suppressions de postes – policiers, gendarmes, militaires, enseignants – au détriment de la sécurité des Français, au détriment de l’éducation et donc de l’avenir de nos enfants ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Jacob. Réponse le 22 mars !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Mesdames, messieurs les députés, ce Gouvernement, je vous le répète et vous ne parviendrez pas à m’interrompre…

M. Christian Jacob. C’est votre majorité qui vous a interrompu !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …assume ses responsabilités. Nous agissons dans une cohérence d’ensemble. Nous réformons pour bâtir une France plus forte, plus juste, fidèle à ses valeurs et fière d’elle-même.

Les événements de janvier nous l’ont rappelé avec force, comme l’ont souligné MM. Roger-Gérard Schwartzenberg, Philippe Vigier et Bruno Le Roux : il y a dans notre pays des fractures, des fossés qui se creusent, des inégalités qui sont autant de défis lancés à la République. Oui, il y a des injustices nombreuses, trop nombreuses.

M. Marc Le Fur. On l’a connu plus inspiré !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Il y a aussi des mises en cause intolérables de nos valeurs communes. Nous devons donc réaffirmer ce qui nous rassemble : la liberté, l’égalité, la fraternité, bien sûr, mais aussi la laïcité, la tolérance, l’autorité de l’État. C’est cela, une République forte, ferme, généreuse et bienveillante.

Mme Odile Saugues. Très bien !

M. Manuel Valls, Premier ministre. La République, c’est d’abord l’ordre républicain, sans lequel aucun projet de société n’est possible. Avec le ministre de l’intérieur, nous avons pris les mesures nécessaires pour garantir la sécurité des Français.

Il y a évidemment la réponse au terrorisme, que nous avons voulue rapide, forte, à la hauteur des menaces qui pèsent sur notre pays – nous en avons d’ailleurs discuté ici même. Des moyens supplémentaires ont été attribués aux services de renseignement, à la police et à la justice pour lutter contre le terrorisme, le djihadisme et l’islamisme radical. Le projet de loi sur le renseignement, à propos duquel nous nous sommes retrouvés hier à l’Élysée, autour du Président de la République, et qui vous sera prochainement soumis, permettra de répondre encore plus efficacement à ces menaces, dans le respect des libertés individuelles.

Il y a également l’insécurité au quotidien – délinquance, trafics, incivilités – qui frappe en particulier les plus faibles. Nous avons donné des moyens, repensé les dispositifs. Et nous obtenons des résultats. Oui, ce Gouvernement et cette majorité font la démonstration que l’on peut faire reculer l’insécurité. (« Ah bon ? » sur les bancs du groupe UMP.)

Quelques chiffres : alors que les cambriolages avaient augmenté de 51 % entre 2008 et 2013, nous avons inversé la tendance avec une baisse de 7 % au cours des douze derniers mois.

M. Michel Herbillon. Ce n’est pas ce que les Français constatent !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Le nombre de vols à main armée a lui aussi fortement diminué : 4 600 en 2014 par rapport au pic de 7 000 enregistré en 2009, soit une baisse de 12,6 % au cours des douze derniers mois. Les violences physiques crapuleuses sont également en recul de 10,5 % sur un an, et les orientations enregistrées depuis le début de l’année prolongent et amplifient les tendances de 2014.

M. Guy Teissier. Cela n’a rien à voir avec la loi Macron !

M. Manuel Valls, Premier ministre. La sécurité, c’est aussi la lutte acharnée contre l’antisémitisme, les actes anti-musulmans et anti-chrétiens, et le racisme, qui sont autant d’entailles dans notre pacte républicain. Nous devons donc faire preuve de la plus grande sévérité. Il ne peut y avoir la moindre faiblesse, la moindre hésitation. Les sanctions seront donc durcies, mais elles devront s’accompagner de pédagogie, d’une mobilisation de la société dans son ensemble, et d’une lutte résolue contre la propagation des messages de haine, notamment sur Internet.

M. Yves Fromion. Ce Macron, c’est un couteau suisse : il fait tout !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Réaffirmer la force de la République, c’est aussi œuvrer chaque jour pour combler ce fossé – toujours trop grand – entre la promesse républicaine et la réalité quotidienne vécue par nos concitoyens.

M. Michel Herbillon. Que faites-vous, à part des mots ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. Trop de Français – ouvriers, employés, entrepreneurs, jeunes issus de milieux modestes ou petits retraités – constatent que cette promesse reste bien souvent lettre morte.

M. Philippe Le Ray. Et les chômeurs ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. Restaurer cette promesse républicaine, cela commence à l’école – car tout se tient, mesdames et messieurs les députés. Quand on veut que chaque enfant de France ait les mêmes chances de se construire et de s’accomplir, il faut s’en donner les moyens. C’est pour cela que nous refondons l’école de la République, créons des postes et rétablissons la formation des enseignants.

M. Yves Fromion. En supprimant des emplois militaires !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Le budget de l’éducation nationale est enfin redevenu le premier budget de notre pays. Soyons-en fiers, mesdames et messieurs les députés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mais nous le savons bien : avec l’appui des enseignants, il nous faut aller plus loin. Et je voudrais ici rendre hommage à l’enseignante qui a été blessée cet après-midi dans une école parisienne. Un apprentissage qui donne les mêmes chances à chacun, c’est un apprentissage qui insiste sur l’essentiel, c’est-à-dire l’histoire et la langue. La maîtrise du français, et donc l’accès à la nuance, à la complexité des choses, est notre chantier prioritaire, comme l’a annoncé la ministre de l’éducation nationale Najat Vallaud-Belkacem.



On ne peut pas tolérer que dans l’école de la République, les valeurs républicaines soient bafouées – je pense en particulier à la laïcité. Elle ne s’arrête pas aux portes des écoles ou à celles de certains quartiers. Nous devons la faire vivre au quotidien.

M. Michel Herbillon. Agissez !

M. Manuel Valls, Premier ministre. La laïcité, c’est le principe républicain d’organisation de notre société. C’est un principe qui protège chacun, qu’il croie ou qu’il ne croie pas.

Ce principe s’applique à tous. Il vaut pour toutes les religions de France. Nous ne pouvons accepter que nos compatriotes musulmans soient pointés du doigt, stigmatisés. Et nous devrons faire attention, lors des débats qui auront lieu dans le cadre des prochaines campagnes électorales. Mais c’est aussi à l’islam de France, comme l’a dit le philosophe Abdennour Bidar, de faire son « examen de conscience » et de s’inscrire pleinement dans la République laïque et protectrice. Cette question est posée aux Français de confession musulmane, mais elle nous est aussi posée collectivement car c’est à nous tous de montrer la force de notre modèle laïque, respectueux des croyances et de la dignité de chacun.

Mesdames et messieurs les députés, restaurer la promesse républicaine, lutter contre les inégalités, demander que soient repensées l’ensemble de nos politiques publiques : il nous faut prévenir, autant que possible, plutôt qu’intervenir trop tard, souvent à la marge. Il nous faut investir dans chaque citoyen, lui donner les moyens de choisir son destin, de rebondir quand c’est nécessaire, de construire sa vie plutôt que de la subir. Cela veut dire agir pour la formation tout au long de la vie, créer des opportunités nouvelles pour entreprendre, s’élever, s’engager, notamment grâce au renforcement du service civique qu’a annoncé le Président de la République.

Restaurer la promesse républicaine, c’est enfin s’attaquer à toutes les tentations de repli, à l’entre-soi. C’est refuser l’enclavement, la relégation, et surtout s’attaquer aux ghettos qui, malgré trente années de politique urbaine, continuent à concentrer les difficultés toujours dans les mêmes quartiers. Tous les Français, qu’ils vivent dans les quartiers de la politique de la ville, dans le périurbain ou les zones rurales, aspirent à plus d’égalité et de justice. Continuer de mener nos politiques publiques comme nous le faisons depuis trois décennies, même si nous pouvons nous réjouir qu’elles existent, ne nous mènera nulle part.

M. Christian Jacob. Il ne fallait pas parler d’apartheid !

M. Manuel Valls, Premier ministre. La société française a changé, elle s’est complexifiée. Ceci nous oblige à bousculer nos certitudes sur le rôle de l’État et celui des collectivités locales.

M. Guy Teissier. Baratin !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Ceci nous conduit également à repenser des politiques en rupture avec nos pratiques habituelles, à nous adresser directement aux citoyens, aux jeunes, aux familles… C’est avec cette exigence d’innovation et d’efficacité que je réunirai, au début du mois de mars, deux comités interministériels, coordonnés par plusieurs ministres et secrétaires d’État – Sylvia Pinel, Patrick Kanner, Myriam El Khomri et Thierry Mandon – autour de propositions concrètes.

Mesdames et messieurs les députés, une majorité agit depuis 2012.

M. Michel Herbillon. Avec de très mauvais résultats !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Et je vous rappelle, monsieur le président Jacob, qu’une alternance a eu lieu en mai 2012, exprimant le rejet de celles et ceux qui gouvernaient et de votre politique.

M. Alain Gest. Malheureusement !

M. Pierre Lequiller. Vous mentez à tout le monde !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Et je vous remercie très chaleureusement, monsieur le président Jacob, de le rappeler par votre initiative qui va faire la démonstration claire qu’il n’y a pas de majorité alternative.

M. Christian Jacob. Attendez la réponse des électeurs !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Il n’y a qu’une seule majorité, certes diverse, mais une majorité élue par les Français, une majorité qui a entendu leur message, qui connaît leurs exigences.

M. Christian Jacob. Si vous n’aviez pas menti aux Français pendant la campagne présidentielle, vous ne seriez pas divisés !

M. le président. Monsieur Jacob, s’il vous plaît !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur Jacob, respectez le choix du peuple français en 2012. Vous avez été désavoués à toutes les élections entre 2007 et 2012. Vous qui avez gouverné, vous savez que c’était votre droit et votre devoir. Ne remettez pas en cause la légitimité du Président de la République, du Gouvernement et de la majorité (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC), une majorité qui a clairement fait le choix de la réforme.

M. Christian Jacob. Quelle réforme ?

M. le président. Monsieur Jacob, vous avez eu le temps de vous exprimer. Laissez parler le Premier ministre !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Oui, l’engagement du 49-3 est un acte d’autorité…

M. Claude Goasguen. Trouvez des solutions !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …car l’autorité, c’est assumer ses responsabilités quand l’intérêt supérieur de la nation l’exige.

Mme Jacqueline Fraysse. Cela ne doit pas être antidémocratique !

M. Manuel Valls, Premier ministre. On ne joue pas aux dés avec un texte aussi important pour notre pays ! On ne prend pas de risque face à l’irresponsabilité et à l’immaturité de certains ! Mon devoir et celui de ce Gouvernement était de faire en sorte que ce texte soit adopté et qu’il entre le plus rapidement possible dans les faits. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Mme Jacqueline Fraysse. Nous ne sommes ni irresponsables, ni immatures !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Car enfin, regardons la réalité de notre pays et du monde autour de nous : les dangers et les troubles sont multiples, jusqu’aux frontières de l’Europe. Le Président de la République l’a rappelé aujourd’hui à Istres en insistant sur la nécessité de moderniser nos moyens de dissuasion nucléaire. Alors est-ce le moment de déstabiliser un gouvernement…

M. Christian Jacob. Adressez-vous à votre majorité !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …au prétexte que le débat n’aurait pas été assez approfondi ni assez long, notamment sur le travail dominical…

Mme Jacqueline Fraysse. Changez de politique !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …alors que vous avez passé deux semaines en commission spéciale et trois semaines en séance, et que 300 articles et plus de 1 000 amendements ont été adoptés par une majorité de députés dans cet hémicycle ? Non ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.) Nous ne pouvions prendre cette responsabilité pour le pays.

M. Christian Jacob. Vous n’avez pas de légitimité !

M. Philippe Le Ray. N’oubliez pas les frondeurs !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Je veux dire clairement les choses : si vous voulez que l’action du Gouvernement s’arrête, votez cette motion de censure.

Mme Jacqueline Fraysse. Nous voulons un autre gouvernement ! Une autre politique !

M. le président. Madame Fraysse, s’il vous plaît !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Mais sachez alors que l’autre politique que vous aurez n’est pas celle que vous croyez. Nous sommes sur le fil du rasoir…

M. Michel Herbillon. À cause de vous !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …et ma conviction profonde est qu’il y a deux réponses possibles : une réponse autoritaire, qui tournerait le dos à nos valeurs – c’est la réponse de l’extrême droite, qui ne cesse de progresser…

M. Christian Jacob. Vous les instrumentalisez ! Ce sont vos alliés !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …et une réponse républicaine ferme, forte, bienveillante et généreuse, celle que porte mon Gouvernement et la gauche…

M. Michel Herbillon. Vous n’avez pas à nous donner de leçons !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …une gauche qui assume ses responsabilités et veut agir. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Monsieur Jacob, vous m’avez demandé tout à l’heure de ne pas vous faire le coup des valeurs républicaines, mais dans la situation que nous connaissons, qu’est-ce que cela veut dire ?

M. Michel Herbillon. C’est vous qui faites monter le Front national !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Les valeurs républicaines n’ont jamais été aussi indispensables à notre pays. Et quand on parle de valeurs républicaines, monsieur Jacob, quand il s’agit de choisir entre un candidat républicain et le candidat de l’extrême droite…

M. Christian Jacob. Aucun député n’a de leçon à recevoir de vous !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …ou quand on dépose une motion de censure parce qu’on représente une alternative, on est capable de choisir, parce que celui qui ne choisit pas n’est pas capable de gouverner et ne mérite pas la confiance des Français. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Celles et ceux qui veulent que l’action de ce Gouvernement continue et que les réformes se poursuivent jusqu’en 2017 ne votent pas pour cette motion et s’inscrivent pleinement dans la majorité, comme l’ont rappelé avec force et loyauté Bruno Le Roux et Roger-Gérard Schwartzenberg.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Ils ont aussi rappelé autre chose !

M. Manuel Valls, Premier ministre. La suite, mesdames et messieurs les députés, est devant nous, avec notamment, encore et toujours, de grandes réformes sociales : la création de la prime d’activité, issue de la fusion du RSA et de la prime pour l’emploi ; la modernisation du dialogue social dans l’entreprise, car il faut tirer les leçons de l’échec du dialogue social…

M. Philippe Briand. Maintenez d’abord le dialogue social dans le groupe SRC !

M. Yves Censi. L’échec du dialogue social, c’est vous !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …la pérennisation du régime des intermittents du spectacle. Là encore, le Gouvernement prend ses responsabilités. La semaine prochaine, avec François Rebsamen, je réunirai les partenaires sociaux à Matignon.

La suite, c’est une réforme de société essentielle, attendue par nos concitoyens, contenue dans la proposition de loi d’Alain Claeys et Jean Leonetti sur la fin de vie que vous examinerez dès le mois prochain.

La suite, c’est l’examen du projet de loi de santé présenté par Marisol Touraine afin que tous les Français aient un même accès aux soins, partout sur le territoire.

M. Pierre Lequiller. Que faites-vous pour le chômage ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. La suite, ce sont de grands projets de modernisation de notre droit, de nos politiques publiques. Je pense au projet de loi sur la justice du vingt-et-unième siècle, soutenu par Christiane Taubira, qui renforce la justice du quotidien et améliore l’accès de la grande majorité de nos concitoyens au service public de la justice.

M. Yves Fromion. La suite, ce sont les élections départementales et régionales !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Je pense aussi au projet de loi sur le numérique d’Emmanuel Macron et d’Axelle Lemaire, qui permettra de répondre aux enjeux juridiques, économiques et sociétaux de l’ère numérique.

M. Michel Herbillon. Macron, le retour !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Parce que l’avenir de notre société et de notre cohésion passent aussi par la culture, Fleur Pellerin présentera dans les prochains mois un projet de loi sur la création, l’architecture et le patrimoine, un projet qui manifeste l’engagement de la nation en faveur de la liberté de création et de l’accès de tous à la culture.

C’est ce mouvement de réforme, mesdames et messieurs les députés, que mon Gouvernement et cette majorité impulsent, qui va recréer la confiance et la fierté dont notre pays a tant besoin.

M. Philippe Le Ray. Avec les frondeurs ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. La confiance d’aller de l’avant. La confiance de bâtir des réformes. La confiance de voir des opportunités nouvelles s’ouvrir pour chacun.

La fierté, aussi, de redresser notre pays. La fierté de ce que nous sommes. La fierté de la singularité de la France.

M. Hervé Mariton. Une motion de censure, ce n’est pas un vote de confiance !

M. Manuel Valls, Premier ministre. L’esprit du 11 janvier, ce n’est pas un esprit magique et insaisissable que l’on invoque fébrilement. Non ! Cet esprit, il nous appartient et aujourd’hui c’est à nous de l’entretenir. C’est d’abord une exigence collective, celle des Français. Et moi, c’est mon rôle et ma mission, j’en appelle à la responsabilité de chacun.

M. Christian Jacob. C’est encore long ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. L’esprit du 11 janvier…

M. Marc Le Fur. Cela nous manquait !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …c’est l’exigence d’être à la hauteur…

M. Yves Censi. Et vous n’êtes pas à la hauteur !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …y compris dans cet hémicycle, dans nos comportements, parce que les Français nous regardent. Mesdames et messieurs les députés, ce n’est pas un poids qui écrase, bien au contraire, c’est une exigence qui nous grandit tous collectivement.

Engager la responsabilité du Gouvernement sur un texte de loi n’est jamais anodin. C’est, pour le Premier ministre que je suis, un moment de gravité et de vérité…

M. Yves Censi. Et de difficultés !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …pour la France dans le contexte que nous connaissons.

M. Michel Herbillon. C’est un échec !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Mais malgré l’épreuve, c’est un moment qui me donne, comme à beaucoup d’entre vous, l’énergie pour agir avec le Président de la République, avec le Gouvernement, avec cette majorité.

Je vous le dis dans un esprit de dialogue, mais sans trembler…

M. Hervé Mariton. Le ton a changé !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …nous continuerons, avec tous les moyens que donne la Constitution.

M. Gérald Darmanin. La dissolution !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Nous continuerons sans relâche à réformer.

M. Marc Le Fur. L’article 16 !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Sans faiblir, nous continuerons à avancer, pour la France et pour les Français. (Les députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent, accompagnés par quelques députés des groupes écologiste et RRDP.)

M. le président. La discussion est close.

Je vais maintenant mettre aux voix la motion de censure.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je rappelle que seuls les députés favorables à la motion de censure participent au scrutin, et que le vote se déroule dans les salles voisines de l’hémicycle.

Le scrutin va être ouvert pour trente minutes : il sera donc clos à dix-huit heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures quinze, est reprise à dix-huit heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Voici le résultat du scrutin :

Majorité requise pour l’adoption de la motion de censure, soit la majorité absolue des membres composant l’Assemblée 289

Pour l’adoption 234

La majorité requise n’étant pas atteinte, la motion de censure n’est pas adoptée.

En conséquence, le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques est considéré comme adopté. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP, dont plusieurs députés se lèvent.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante-sept, est reprise à dix-huit heures cinquante, sous la présidence de Mme Laurence Dumont.)

Présidence de Mme Laurence Dumont

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

3

Nouvelle organisation territoriale de la République

Suite de la discussion d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi, adopté par le Sénat, portant nouvelle organisation territoriale de la République (nos 2529, 2553, 2549, 2545, 2542, 2546, 2544).

Discussion des articles (suite)

Mme la présidente. En début de séance, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles, s’arrêtant à l’amendement n682 à l’article 2.

Article 2 (suite)

Mme la présidente. La commission et le Gouvernement ont donné un avis défavorable à l’amendement n682.

La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Madame la présidente, madame la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, monsieur le secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale, monsieur le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, mes chers collègues, nous regrettons que nous ne soyons toujours pas sortis de l’ambiguïté s’agissant de la compétence sur le développement économique. D’un côté de l’hémicycle, on vous demande de supprimer l’alinéa 16 ; de l’autre, on vous demande de l’amender. Cela prouve bien que les choses ne sont pas claires.

Tout à l’heure, madame la ministre, vous disiez que le développement économique devait être essentiellement tiré par la région et les intercommunalités. « Essentiellement » ne signifie pas « exclusivement » : jusqu’au bout, nous allons donc conserver cette ambiguïté. C’est pourquoi un amendement était proposé tout à l’heure dans le but de réaffirmer qu’il n’y avait pas que les régions et les métropoles. Nous craignons en effet que les autres EPCI soient oubliés.

M. Maurice Leroy. Eh oui !

Mme Isabelle Le Callennec. Pourquoi cet alinéa 16 figure-t-il dans le texte ? S’il n’existait pas, les métropoles n’auraient pas de prééminence sur les autres EPCI. La seule présence de l’alinéa 16 dans le texte prouve qu’un traitement particulier est réservé aux métropoles. Comme M. Laurent l’a dit très justement tout à l’heure, l’affirmation des métropoles ne doit pas consister à les couper des territoires, de leur hinterland et des réseaux métropolitains.

Encore une fois, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, nous vous demandons de sortir de l’ambiguïté. Aujourd’hui, nous ne savons toujours pas si la région exerce une prééminence en matière de développement économique, ni quelles sont les relations entre la région, les métropoles, les autres EPCI et les départements. Vous dites qu’il faut encourager et prendre en compte les avis des uns et des autres, mais nous ne savons pas qui, en définitive, a le dernier mot.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Dussopt, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Olivier Dussopt, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Mme Le Callennec a raison d’appeler à une clarification, non pas que je considère que nous n’ayons pas été clairs jusqu’à présent,…

M. Martial Saddier. C’est un aveu !

M. Olivier Dussopt, rapporteur. …mais parce que je pense que nous pouvons reprendre notre discussion en rappelant un certain nombre de choses pour cadrer le débat qui va nous occuper au cours des prochaines heures.

J’exposerai en quelques mots la philosophie du texte que nous défendons avec le Gouvernement.

Nous sommes convaincus que la région est la collectivité du développement économique et de l’aménagement du territoire.

M. Maurice Leroy. Très bien !

M. Olivier Dussopt, rapporteur. C’est la raison pour laquelle nous lui confions, aux articles 2 et 3, le soin d’élaborer un schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation – un SRDEII –, auquel nous donnons un caractère prescriptif. C’est aussi la raison pour laquelle nous lui confions, à l’article 6, le soin d’élaborer un schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires – un SRADDET.

Par ailleurs, nous considérons que les partenaires naturels de la région pour exercer sa compétence de développement économique résident dans le bloc local, avec les communes et plus particulièrement les intercommunalités, puisqu’elles couvrent intégralement le territoire et que leur compétence est obligatoire en matière économique. C’est pourquoi nous disons et répétons de manière extrêmement explicite que c’est la région qui doit déterminer les orientations en matière de développement économique, et que les actions menées par les communes et leurs groupements doivent être compatibles avec ces orientations. Nous assumons cette décision.

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est trop long, monsieur le rapporteur ! Si votre groupe est minoritaire, demandez une suspension de séance !

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Certains d’entre vous apparentent cela à une forme de tutelle. Ce n’est pas le cas. Dès lors qu’il s’agit d’une compétence spécialisée, le dispositif est validé et les actions menées par les communes et les EPCI doivent nécessairement être compatibles avec le schéma régional.

Les départements existent et sont confortés en matière de solidarité territoriale. En matière de développement économique, il y a un point sur lequel ils pourront continuer à intervenir de manière extrêmement claire et explicite : c’est la question du foncier et de l’immobilier d’entreprise. En effet, à la prescriptibilité du schéma que j’ai évoquée et qui s’applique aux métropoles, nous avons prévu une exception qui paraîtra logique à chacun d’entre vous : le foncier et l’immobilier d’entreprise relèvent du bloc local, notamment des intercommunalités.

Quant aux métropoles, nous considérons qu’elles doivent faire l’objet d’un traitement différencié par rapport au reste des intercommunalités, en raison de leur taille et des compétences qu’elles exercent depuis le 1er janvier 2015 ou qu’elles exerceront à partir du 1er janvier 2016. L’objectif n’est pas de faire de ces métropoles des EPCI hors sol. Si les communautés de communes, les communautés d’agglomération et les communautés urbaines doivent respecter un régime de compatibilité, les métropoles doivent, dans un premier temps, trouver le chemin d’un accord avec la région. Ma conviction la plus profonde, qui me semble partagée sur tous les bancs, est qu’une métropole ne peut pas élaborer une stratégie de développement économique sans s’appuyer sur les compétences de la région en matière de formation ou de coopération internationale.

M. Martial Saddier. C’est vrai aussi pour les autres territoires !

M. Olivier Dussopt, rapporteur. De la même manière, une région ne pourra pas élaborer une stratégie de développement économique sans discuter avec les métropoles. Nous incitons donc ces deux partenaires à trouver un accord. En cas de désaccord, la métropole devra prendre en compte les orientations de la région.

Les métropoles sont donc soumises à un niveau de prescriptibilité un peu allégé par rapport au régime de compatibilité. Nous assumons cette différence, mais la prise en compte des orientations fixées par la région revêt un caractère prescriptif puisque les métropoles ne pourront déroger aux orientations de la région que sous le contrôle du juge administratif et pour un motif d’intérêt général.

Telle est l’articulation que nous proposons. Elle gagne en lisibilité et permettra à chaque région d’élaborer des stratégies de développement économique qui ne pourront plus être concurrentes entre elles. Une intercommunalité, quelle que soit sa nature, ou un département ne pourra plus mener une politique économique contraire aux orientations de la région. En termes de lisibilité, d’efficacité, d’économie de fonds publics et d’économie de temps, celles et ceux qui cherchent des aides publiques pour développer leurs projets y gagneront beaucoup.

Ainsi, nous tenons à la prescriptibilité du SRDEII, à sa mise en œuvre rapide et donc, pour faire le lien avec le débat que nous avons eu en début d’après-midi, à l’absence de droit de veto. Il faut que ce SRDEII soit applicable sur l’ensemble du territoire régional et qu’il respecte l’équilibre que j’ai décrit avec les métropoles.

C’est la raison pour laquelle la commission a donné un avis défavorable à l’amendement n682.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, il est intéressant de constater les présupposés idéologiques de nos collègues, quels que soient les bancs où ils siègent : ceux qui ont encore une idée de la nation se distinguent de ceux qui préparent une Europe des régions et des métropoles.

M. Jean-Luc Laurent. S’agissant de l’Europe des régions, commencez par faire votre autocritique !

M. Nicolas Dhuicq. Or, de grâce, considérez, les uns et les autres, que la France est formée de territoires variés, qui comprennent des zones rurales et, en particulier, des communautés de communes de petite taille. Quel que soit l’équilibre final auquel conduira cette loi, même si une communauté de communes rurale regroupe 10 000, 15 000 ou 20 000 habitants, elle n’aura pas les moyens de réaliser ce que vous lui demandez de faire. Par ailleurs, certaines régions ne comprendront pas de métropole ou seront tellement étendues que les métropoles seront lointaines ou auront des marches éloignées.

La nuit dernière, à minuit trente précisément, vous avez tué le département,…

M. Jean Launay. Mais non !

M. Nicolas Dhuicq. …à quatre semaines des élections cantonales ; je souhaite bon courage à vos candidats, en particulier socialistes. Je le redis, vous préparez une victoire sans précédent du Front national, qui sera peut-être méritée, du reste, tant vous êtes dans la panade et vous employez à complexifier les choses sans vouloir entendre la réalité des territoires. Madame la ministre, votre loi va, je le répète, tuer les espaces ruraux, et vous allez mettre sous tutelle des collectivités vivant grâce à des élus bénévoles, abritant des exploitations agricoles et des entreprises artisanales et commerciales, qui n’auront pas la taille que vous pensez les uns et autres qu’elles atteindront au sein des métropoles. Il y a des territoires qui n’ont pas de métropole, des territoires très étendus, des territoires ruraux : cette loi va les assassiner définitivement.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Monsieur le rapporteur, vous développez une argumentation structurée dont je me sens assez proche…

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Alors retirez votre amendement !

M. Marc Le Fur. …et qui devrait, en toute logique, vous conduire à adopter mon amendement. Selon votre raisonnement, les régions fédèrent l’ensemble, détiennent la responsabilité et décident. Vous dites – je pense que vous ne me démentirez pas, monsieur le rapporteur – qu’elles ont pour interlocuteurs privilégiés les intercommunalités à fiscalité propre, parce qu’elles ont la maîtrise foncière, et les métropoles.

Je considère, pour ma part, que, si les métropoles se différencient par la taille de bien des intercommunalités, elles n’ont pas lieu, comme par nature, d’être privilégiées dans le cadre du dialogue qu’elles nouent avec certains interlocuteurs. Évidemment, l’État et leur taille rendent les métropoles incontournables, j’en conviens, et, sur le fond, elles sont une chance pour les régions auxquelles elles appartiennent. Mais encore faut-il que ces métropoles rayonnent sur le réseau des villes intermédiaires, des villes moyennes, des petites villes, du monde rural, et que tout cela fonctionne : c’est ce que l’on appelle l’aménagement du territoire. On touche là, me semble-t-il, au cœur de la responsabilité de la région.

Aussi, pour que les choses soient très claires, je propose, par mon amendement, que « les orientations applicables sur le territoire d’une métropole s’inscrivent dans le cadre du schéma régional. » Il ne s’agit pas de minorer le rôle de la métropole, mais, simplement, de ne pas en faire un partenaire à part. Le « la », la logique de l’action de la métropole doivent être définis au niveau régional.

M. Maurice Leroy. Très bien !

(L’amendement n682 est adopté et l’amendement no 59 tombe.)

M. Martial Saddier. C’est un bon début !

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 889 et 1723 rectifié.

La parole est à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, pour soutenir l’amendement n889.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. C’est un amendement de coordination.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Dussopt, rapporteur, pour soutenir l’amendement n1723 rectifié.

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Il est défendu.

(Les amendements identiques nos 889 et 1723 rectifié sont adoptés.)

M. Marc Le Fur M. Gérald Darmanin et M. Maurice Leroy. Ce devrait être le même vote que sur le précédent !

Mme la présidente. Non, monsieur Le Fur, ce n’est pas du tout le même vote.

La parole est à M. Olivier Dussopt, rapporteur, pour soutenir l’amendement n1724.

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Il est rédactionnel.

(L’amendement n1724, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Appéré.

Mme Nathalie Appéré. Madame la présidente, je demande une suspension de séance au nom du groupe SRC.

M. Maurice Leroy. Ca évitera peut-être de mal compter !

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinq, est reprise à dix-neuf heures trente.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Gérald Darmanin, pour un rappel au règlement.

M. Gérald Darmanin. Ce rappel au règlement est fondé sur l’article 58, alinéa 1, du règlement et porte sur le déroulement de la séance, passé et à venir. Madame la présidente, avec toute la déférence que l’on vous doit et sans remettre en cause votre jugement, que l’on sait impartial, nous vous demandons de reconsidérer la façon dont a été adopté l’amendement qui a conduit à la suspension de la séance : avec le même nombre de députés de l’opposition et de la majorité, et sans confusion des genres – permettez-moi cette expression –, l’amendement de M. Le Fur et celui du Gouvernement ont été adoptés, alors que nous avons voté contre ce dernier. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Par ailleurs, je me demande comment Mme la ministre, M. le rapporteur et l’ensemble du groupe socialiste comptent poursuivre les débats. Pour nous permettre de nous organiser, il serait bon que vous nous disiez si, sur des sujets qui nous intéressent particulièrement, vous comptez demander des suspensions de séance pour compter votre majorité ou vous mettre d’accord. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. J’ai bien entendu votre remarque sur les votes, mais je ne la reprends pas à mon compte. Je vous demande de ne pas remettre en cause la présidence. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous ne l’avez d’ailleurs pas fait lorsque l’amendement n682 a été adopté contre l’avis du Gouvernement et du rapporteur. Je précise que seuls les votes exprimés sont comptés, non le nombre de députés présents. Dans les deux cas, certains n’ont pas levé la main.

M. Luc Belot. Votons à nouveau !

Article 2 (suite)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 700 et 882.

La parole est à M. Alain Rousset, pour soutenir l’amendement n700.

M. Alain Rousset. Cet amendement dispose qu’en cas de désaccord entre la région et la métropole, la région ne doit pas participer au financement d’actions décidées seulement par la métropole. Ceci dit, l’adoption d’un amendement prévoyant de donner à la région le dernier mot en matière de développement économique rend le présent amendement superfétatoire. Je le retire donc.

(L’amendement n700 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Piron, pour soutenir l’amendement n882.

M. Michel Piron. Il est identique, mais je n’ai pas envie de le retirer. Cependant, j’ai un petit repentir – comme dans les tableaux – et suggère à M. Rousset de rectifier cet amendement afin d’en adoucir le dispositif, en remplaçant les mots : « la région ne peut participer qu’au financement des opérations prévues » par les mots : « la région peut ne participer qu’au financement des opérations ». Cela laisserait à la région une marge de décision.

M. Marc Le Fur. Cela ne veut plus du tout dire la même chose !

Mme la présidente. L’amendement n882 est ainsi rectifié : « Dans ce cas, la région peut ne participer qu’au financement des opérations prévues dans le document d’orientation qui sont issues du schéma régional. »

Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Dans la mesure où, en vertu du principe de libre administration et dans le cadre de ses compétences, une collectivité est toujours libre de financer ou non un projet, l’amendement est inutile.

M. Maurice Leroy. Tout à fait !

M. Olivier Dussopt, rapporteur. J’invite M. Piron à le retirer, comme M. Rousset l’a fait.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Je le retire.

(L’amendement n882 rectifié est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine, pour soutenir l’amendement n1455.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Je demande à Mme Chapdelaine de le retirer, car cet amendement part du postulat que le volet relatif au territoire de la métropole ne sera jamais adopté conjointement par la métropole et la région et que la situation conflictuelle donnant lieu à un document d’orientation élaboré par la métropole seule aura vocation à se généraliser. Qu’il me soit permis de penser que tel ne sera pas le cas, puisqu’une nouvelle négociation aura lieu lorsque le document d’orientation sera caduc. L’amendement de Mme Chapdelaine risquerait de figer les désaccords. À défaut d’un retrait de l’amendement, j’émettrai un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Demande de retrait ou avis défavorable. Je m’étais engagée en commission des lois à poursuivre le travail sur ces questions entre les deux lectures. Je réitère cet engagement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Suite à cette excellente suggestion, je le retire.

(L’amendement n1455 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Maurice Leroy, pour soutenir l’amendement n417 rectifié.

M. Maurice Leroy. Dans la logique des amendements que nous défendons depuis le début de la discussion, le présent amendement prévoit d’autoriser la région à conclure une convention avec un ou plusieurs EPCI à fiscalité propre pour la mise en œuvre du schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation. La question des EPCI à fiscalité propre se pose, car elle n’est pas abordée dans le texte. Et à moins que vous ne preniez également l’engagement de travailler sur ce sujet au cours de la navette, je serai contraint de maintenir cet amendement,.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. L’amendement de M. Leroy prévoit d’autoriser la région à conclure une convention avec un ou plusieurs EPCI dans le cadre de la mise en œuvre du SRDEII. L’alinéa 6 de l’article 3, qui sera examiné tout à l’heure, autorise le conseil régional à déléguer l’octroi de toute ou partie des aides aux collectivités territoriales et à leur groupement. L’article 3 satisfait donc votre amendement. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Demande de retrait ou avis favorable, car l’amendement est satisfait. Je ne comprends pas bien pourquoi, dans votre logique, seuls les EPCI devraient disposer de ce droit de convention. La région peut établir des conventions avec d’autres collectivités territoriales. Il vaut mieux que vous le retiriez, monsieur Leroy.

M. Maurice Leroy. Il ne s’agit que des EPCI à fiscalité propre !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Le conseil régional peut déjà établir des conventions avec toutes les collectivités territoriales. Pardonnez-moi l’expression, mais votre amendement produirait du droit bavard, car au lieu de prendre acte de cette possibilité de conventionner, vous souhaitez limiter le droit de convention, ce qui n’est pas tout à fait le but recherché.

(L’amendement n417 rectifié n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements, nos 1685 rectifié, 115 et 1725, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 115 et 1725 sont identiques.

La parole est à Mme Nathalie Appéré, pour soutenir l’amendement n1685 rectifié.

Mme Nathalie Appéré. Le présent projet de loi vise à clarifier les compétences ; à cet égard, l’article 2 permet de conforter les compétences de la région en matière de développement économique. Pour autant, il doit aussi être un texte de décentralisation. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Michel Piron. N’exagérons rien !

M. Maurice Leroy. Ce serait bien !

Mme Nathalie Appéré. Un certain nombre de dispositions vont en ce sens, notamment les délégations de compétences ou le pouvoir réglementaire des régions, dont nous avons discuté hier. Il nous semble utile de démontrer à nouveau notre confiance dans les élus locaux et de poursuivre le mouvement de décentralisation en limitant les pouvoirs du préfet dans la validation des schémas régionaux. La rédaction actuelle du texte est trop ambiguë : elle laisse penser que le préfet peut, le cas échéant, statuer en opportunité. Par cet amendement, le préfet aurait un pouvoir, non pas d’appréciation, mais de vérification de la conformité des schémas aux lois et aux règlements.

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Molac, pour soutenir l’amendement n115.

M. Paul Molac. Il s’inscrit dans la même logique que celui de Mme Appéré. Le préfet ne doit pas pouvoir, pour des raisons d’opportunité, remettre en cause le schéma réalisé et validé par la région. Il s’agirait alors d’un jugement d’ordre politique, non d’un contrôle de légalité. Le préfet doit se limiter à un contrôle de légalité, sans arrière-pensée.

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n1725 qui fait l’objet d’un sous-amendement n2058.

La parole est à M. Olivier Dussopt, rapporteur, pour soutenir l’amendement.

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Il est retiré, au profit de celui de Mme Appéré.

(L’amendement n1725 est retiré et le sous-amendement n2058 tombe.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n1685 rectifié ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n115 ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Je demande à M. Molac de le retirer, au profit de celui de Mme Appéré, comme je l’ai fait pour celui de la commission.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je comptais demander à Mme Appéré et à M. Molac de retirer leurs amendements au bénéfice de celui du rapporteur, mais je me range à la position du rapporteur. En revanche, je souhaiterais sous-amender l’amendement de Mme Appéré en insérant les mots : « ou aux intérêts nationaux » après le mot : « vigueur ». Cela permettrait de refuser un schéma qui, par exemple, supprimerait l’obligation de faire du logement social. Les grands impératifs nationaux de ce type pourraient être victimes, non pas d’un jugement en opportunité, mais des conflits entre la politique nationale et la politique régionale. Si vous acceptez ce sous-amendement, je serai encore plus favorable à l’amendement de Mme Appéré.

M. Marc Le Fur. C’est une vision parfaitement jacobine !

Mme la présidente. Pour la clarté du débat, à laquelle je concède n’avoir guère contribué, restent donc en discussion l’amendement n1685 rectifié de Mme Appéré, l’amendement n115 de M. Molac et le sous-amendement du Gouvernement qui, l’amendement n1725 ayant été retiré, porte sur cet amendement n115 de Mme Appéré qui lui est identique – ceci si M. Molac ne retire pas son amendement.

La parole est à M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Le débat n’est pas très clair, mais je vais retirer mon amendement.

M. Maurice Leroy. Il est aussi clair que le texte !

M. Gérald Darmanin. C’est bien de le reconnaître !

(L’amendement n115 est retiré.)

Mme la présidente. Madame la ministre, il vous reste la possibilité de sous-amender l’amendement n1685 rectifié. Pourriez-vous préciser votre proposition ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Il s’agit de compléter l’alinéa 2 – « Ce dernier s’assure du respect, par le conseil régional, de la procédure d’élaboration prévue au présent chapitre » – par les mots : « et de la préservation des intérêts nationaux ».

Mme la présidente. Il s’agit du sous-amendement n2077.

Madame Appéré, acceptez-vous cette modification ?

Mme Nathalie Appéré. Je comprends l’intention du Gouvernement. Il me semble néanmoins que la préservation des intérêts nationaux est garantie par le respect des lois et règlements en vigueur. (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Cette modification pourrait donc s’apparenter à une tautologie. Mais je comprends que le Gouvernement craigne qu’on limite les capacités d’appréciation du préfet. Tel n’est pas le cas : l’objet de l’amendement est satisfait, dans la mesure où celui-ci ne disposera que d’un contrôle de conformité aux lois et règlements en vigueur. Le sous-amendement du Gouvernement n’altère pas la logique de mon amendement ; j’y suis donc favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n2077 du Gouvernement à l’amendement n1685 rectifié de Mme Appéré ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Il est favorable.

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Genevard, pour un rappel au règlement.

Mme Annie Genevard. Rappel au règlement au titre de l’article 58, premier alinéa. Convenez tout de même que tout cela est d’une confusion terrible. Nous voudrions que soit distribué le texte du sous-amendement n2077 du Gouvernement à l’amendement n1685 rectifié de Mme Appéré, afin d’en prendre connaissance avant de nous prononcer.

M. Marc Le Fur. C’est la moindre des choses.

Article 2 (suite)

Mme la présidente. Madame Genevard, nous allons faire imprimer le sous-amendement n2077 et le mettre en distribution.

La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Madame Appéré, votre amendement est le comble du jacobinisme ! Il le porte à son maximum. Je lis l’alinéa inséré après l’alinéa 17 : « S’il n’approuve pas le schéma », par exemple si son opposition porte sur le choix de l’implantation d’une usine, « le représentant de l’État dans la région en informe le conseil régional par une décision motivée qui précise les modifications à apporter au schéma. » Nous ne nous situons donc pas dans le cadre du contrôle de légalité, mais bien dans celui de la tutelle. Non seulement il refuse le schéma, mais il le réforme en demandant des modifications expresses. Si le contrôle de légalité ne s’exerce que négativement, en l’occurrence le préfet de région va suggérer la marche à suivre. Nous sommes bien dans le cadre de la tutelle. Madame Appéré, vous êtes la version moderne des jacobins ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC).

M. Emeric Bréhier. On se calme.

M. Marc Le Fur. C’est exactement cela. Il suffit de lire le second alinéa de l’amendement n1685 rectifié, qui a plus d’importance que le premier alinéa. Je suis contre cette formulation : « S’il n’approuve pas le schéma ». La seule chose qui est imaginable est de laisser le préfet de région libre, s’il juge le schéma illégal, de le déférer au tribunal administratif. Il n’a pas à suggérer une quelconque modification : il ne fait que constater l’illégalité et, si besoin est, le juge arbitre. S’il ne s’agit pas de cette seule option, nous nous trouvons bien dans le cas de la tutelle. Cela signifie que la décision préfectorale porte sur les principes et suggère d’autres modifications au schéma, ce qu’il n’a pas à faire au titre du contrôle de légalité. Pour éviter la tutelle, il faut absolument dire non à cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je voulais juste rassurer Marc Le Fur parce que tout à l’heure j’avais cru qu’il connaissait par cœur le texte de la Constitution, mais ce n’est pas le cas, ce que je trouve normal. Je relis le sixième alinéa de l’article 72 de la Constitution : « Dans les collectivités territoriales de la République, le représentant de l’État, représentant de chacun des membres du Gouvernement, a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois. »

M. Sébastien Denaja. Son contrôle s’exerce a posteriori, pas a priori.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. On peut donc soit laisser le contrôle de légalité s’exercer, soit demander au préfet de discuter de tel ou tel aspect du schéma. Les cas sont simples à imaginer : j’évoquais par exemple le secteur du logement. Si le schéma prévoit de ne plus retenir l’objectif de 20 % de logements sociaux…

Plusieurs députés du groupe UMP. 25 % !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. …Dans ce cas, le préfet de région informe le conseil régional, avant l’adoption du schéma, de l’illégalité de la disposition en question, avant simplement de déférer le tout. Ce n’est pas du jacobinisme.

M. Xavier Breton. Si !

M. Marc Le Fur. Mais il n’y a pas besoin de ça ! C’est un contrôle d’opportunité a priori !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. C’est simplement une façon d’appliquer ce principe d’échange entre le préfet de région et le conseil régional, via le président de cette assemblée délibérante. Cela me paraît plus simple que de laisser, comme vous le dites, tout filer au contentieux. Bon sens et droit se conjuguent.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. J’ai bien entendu Mme la ministre s’exprimer après l’argumentaire solide et fougueux de M. Le Fur. Je voudrais simplement faire trois observations. Première observation : si nous visons seulement le respect de l’article 72 de la Constitution, permettez-moi de vous dire qu’il faut dans ce cas rejeter purement et simplement cet amendement n1685 rectifié, car il n’apporte strictement rien. Il est complètement redondant par rapport au droit existant.

Je viens d’entendre dire que le contrôle de légalité existe et que le préfet est garant des intérêts nationaux. Je me souviens d’autant plus de cet article 72 de la Constitution qu’en tant que rapporteur j’avais déposé mon premier rapport sur le projet de loi constitutionnelle correspondant. J’avais essayé, en vain, de faire adopter en séance publique un amendement visant à préciser que le préfet était non pas le représentant de chacun des membres du Gouvernement, comme le prévoit toujours cet article, mais celui de l’ensemble du Gouvernement. Or il ne l’est pas : il représente toujours chacun des membres du Gouvernement.

Qu’est-ce que cela signifie ? Cela m’amène à ma deuxième observation : tous ceux qui, outre leur mandat national, exercent des mandats locaux et territoriaux savent que très nombreux sont les préfets qui ne disposent en réalité pas, à l’égard de leurs directeurs de services, d’un pouvoir d’arbitrage. Ces directeurs continuent de travailler en direct avec les administrations centrales. Les préfets se trouvent en quelque sorte devant un jeu d’orgues fait de tuyaux, dont ils ne peuvent, hélas, pas jouer. Pourquoi ? Parce que, lorsque plusieurs ministres envoient des injonctions contradictoires, les préfets ne disposent pas du pouvoir d’arbitrer entre elles.

Plusieurs députés du groupe UMP. Oui.

M. Michel Piron. Dans le cas de figure dont il est ici question, je crains fort – vous savez très bien, les uns comme les autres, que certains services sont plus actifs que d’autres, notamment au niveau régional – que les enjeux dits nationaux soient définis par ces directions.

Madame la ministre, ma troisième observation porte sur une proposition de compromis. Je ne m’arrête pas au rappel du contrôle de légalité : s’il est nécessaire, même au prix d’un certain bavardage, pourquoi pas ?

M. Laurent Furst. Revoilà la loi bavarde !

M. Michel Piron. Mais il faut dire clairement que le préfet n’a pour mission que d’exercer ce contrôle de légalité.

M. Marc Le Fur. Il n’est pas besoin de le dire.

M. Michel Piron. Et s’il n’approuvait pas le schéma, ce ne pourrait être que dans le cas où celui-ci contreviendrait à des enjeux nationaux : la décision du préfet ne pourrait alors être motivée que sur cette seule base. Il s’agit d’une notion qui ne recoupe pas exactement celle d’intérêt nationaux. Il me semble qu’à ce prix, nous pourrions encore imaginer, peut-être, un compromis, mais dans ce seul cas, à l’exclusion de tous les autres. Le jacobinisme continue en effet à imprégner un certain nombre d’esprits.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Au début de la discussion de ces amendements, j’ai cru que l’orateur du groupe SRC allait être digne du grand Souslov, qui savait pertinemment, et avec une grande force, exercer son art. Les plus anciens d’entre nous s’en souviennent : cela explique que je sois très admiratif. Mais il me semble qu’en termes de glasnost il est possible de faire mieux.

En effet, lorsqu’on compare l’exposé des motifs avec le dispositif de l’amendement, il est impossible de savoir si nous sommes invités à remettre en cause l’autorité et l’impartialité des préfets, comme notre collègue Molac l’a fait. Or les préfets sont là pour rappeler à tout le monde qu’accessoirement il existe une nation, que ce texte détricote. En effet, vous dessinez une Europe du Moyen-Âge, avec de futures cités-États et une décentralisation grâce à laquelle vous leur donnerez, à terme, la main sur la fiscalité.

Nous ne disposons par ailleurs toujours pas d’éclairage sur la fiscalité des collectivités et des territoires dans le cadre de ce projet de loi.

D’un côté, vous voulez renforcer les pouvoirs du préfet. Certains d’entre nous ont évoqué, et je n’y vois pas d’inconvénient, les jacobins. Mais je suis surtout frappé par l’incohérence de votre démarche : encore une fois, vous ne faites aucun choix. En effet, nous sommes, d’un côté, témoins d’une paranoïa galopante pour laquelle les préfets sont des êtres malfaisants qu’il faut absolument contrôler car on ne leur fait plus confiance, et, de l’autre, vous n’accordez pas non plus votre confiance aux élus locaux. Et, comme toujours avec les socialistes, vous n’arrivez pas à prendre une position claire. Je suis désolé : nous sommes dans l’obscurité la plus absolue, ce qui fait que je ne sais pas ce que je vais pouvoir expliquer aux élus locaux, qui accessoirement sont également des élus de la nation, lorsque nous aurons terminé d’examiner ce texte.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. À ce stade de nos débats, je voudrais vous faire partager une interrogation : avec les précédents amendements qui ont été adoptés, les régions se sont vues conférer le pouvoir de décider, finalement, d’une stratégie économique et celui de ne rendre de compte à personne à ce sujet. En effet, elles ne collaborent pas avec les EPCI, ont le dernier mot sur les métropoles, et les départements ne disposent plus de pouvoirs dans le domaine économique. Il s’agit d’une compétence propre de la région : elle l’exerce donc pleinement.

Le préfet n’a pas du tout son mot à dire, si ce n’est pour s’assurer de la conformité du schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation à la loi…

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis. C’est un contrôle de légalité.

Mme Annie Genevard. …cela signifie qu’il nous reste à souhaiter, mes chers collègues, que se retrouvent à la tête de chacune des régions de France des présidents qui soient absolument irréprochables et en capacité de bâtir des stratégies idéales dont ils n’auront finalement à rendre compte devant personne. Cette interrogation me paraît importante.

M. Nicolas Dhuicq. C’est l’origine de la Fronde !

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Très sincèrement, madame la ministre, mes chers collègues, la confusion la plus totale, comme l’inquiétude la plus grande, règnent. À travers cet article 2, vous venez, malgré nous, d’acter la création de deux types de territoires dans notre pays et au sein de la région : ceux qui seront intégrés à une métropole et les autres. Les premiers auront la chance d’être associés à l’élaboration du schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation, et les autres, en particulier ceux administrés par des communautés de communes ou d’agglomération n’auront pas le droit de l’être.

Madame la ministre, vous ne pouvez pas balayer cette objection d’un revers de la main. Cette disposition est en passe d’être adoptée, puisque c’est ce que vous aviez derrière la tête. Les débats auront au moins permis de le faire apparaître très clairement. Cela me semble extrêmement grave pour les territoires ruraux comme pour les zones littorales et de montagne. Lorsque je me suis exprimé sur l’article 2, j’avais dénoncé le fait que le préfet soit signataire in fine du schéma que je viens d’évoquer, car je craignais une reprise en main ainsi qu’une centralisation : eh bien, nous y sommes !

La signature du préfet, telle que vous la proposez, lui permettra d’exercer un contrôle d’opportunité et non de légalité. Elle consacrera sa mainmise ainsi que la mise sous tutelle par l’État de ces schémas régionaux, alors même que, la main sur le cœur, vous nous vendez une nouvelle décentralisation. Ce n’est tout simplement pas acceptable. Quant à la phrase qui figure au second alinéa de l’amendement n2685 rectifié, elle est évidemment inutile et redondante : nous dénonçons donc ce qui est en train de se passer. Cela va complètement bloquer la stratégie et l’évolution économiques de notre pays. Ce n’est pas de cette manière que vous allez inverser la courbe du chômage ni sortir notre pays de la crise économique dans laquelle il se trouve. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Maurice Leroy.

M. Maurice Leroy. Madame la présidente, franchement, je ne sais pas si nous mesurons très bien la façon dont nous sommes en train de légiférer. Le Gouvernement a déposé un sous-amendement pour rectifier l’amendement 1685, déjà lui-même rectifié, en complétant son second alinéa par les mots : « et de la préservation des intérêts nationaux ». Pourquoi ne pas imaginer un autre sous-amendement pour insérer les mots : « et des accords internationaux » ? Franchement, on ne sait plus où on habite.

Madame Appéré nous a, certes, présenté son amendement – et nous lirons le compte rendu des débats – comme un nouveau progrès en matière de décentralisation. Or la lecture et du dispositif et de l’exposé sommaire de cet amendement nous ramène en pleine recentralisation, puisqu’on donne au préfet de région un pouvoir colossal. Or il dispose déjà d’un tel pouvoir.

Mme Annie Genevard. Le dispositif et l’exposé sommaire n’ont rien à voir.

M. Maurice Leroy. Madame la ministre, tout cela est sympathique, mais quand sont examinés des amendements de l’opposition – et franchement, en l’occurrence elle est constructive, qu’il s’agisse des membres du groupe UMP ou du groupe UDI, qui souhaitent faire œuvre commune – vous les qualifiez de bavards. Et quand ils émanent de députés membres de la majorité, vous ne faites rien de tel. Comme si insérer les mots : « et de la préservation des intérêts nationaux », et si réaffirmer que le préfet de région exerce le contrôle de légalité visant au respect des lois et décrets de la République, ne s’apparentait pas à du bavardage. Mais enfin, où sommes-nous ? Il faut se ressaisir : je ne comprends même pas que le président de la commission des lois ne réagisse pas. Franchement, ou la mention est superfétatoire, ou votre amendement cache quelque chose. De quoi s’agit-il ? Je n’en sais rien.

M. Franck Riester. Quand c’est flou, il y a un loup.

M. Maurice Leroy. Je ne sais d’ailleurs pas qui l’a inspiré ni rédigé. Nous ne sommes pas du tout rassurés par cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérald Darmanin.

M. Gérald Darmanin. Madame la ministre, je passerai sur l’argument de la confusion, bien qu’il soit important. Vous avez tout à l’heure reproché à notre excellent collègue Le Fur de ne pas connaître la Constitution, sans le faire sous la forme d’une attaque personnelle. Vous me permettrez de vous dire que, dans ce cas-là, avec tout le respect que je vous dois, vous ne connaissez pas la hiérarchie des normes.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Non, je ne connais rien.

M. Gérald Darmanin. Vous avez attaqué de cette façon monsieur Le Fur.

L’article 72 de la Constitution s’applique par lui-même : vous générez vous-même une loi bavarde ! En dehors de ce travers, vous donnez lieu à des interprétations relatives au corps préfectoral qui pourrait se permettre, effectivement, d’aller à l’encontre de la volonté du législateur, c’est-à-dire de notre volonté, quels que soient les bancs de cet hémicycle sur lesquels nous siégeons. Il faut évidemment rendre à ces régions du pouvoir politique, en conformité avec la Constitution de la République.

Lorsque le juge constitutionnel lira nos débats, madame la ministre, il sera bien surpris de l’interprétation donnée à l’article 72 de la Constitution. J’imagine que les sénateurs, dans leur grande sagesse, ont dû évoquer ces sujets. Mieux vaudrait, je crois, rejeter ce sous-amendement puisque, grâce à Mme Genevard, nous savons ce que nous allons voter, et discuter peut-être de la centralisation excessive que propose Mme Appéré.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Appéré.

Mme Nathalie Appéré. Dans sa faconde, que je reconnais d’ailleurs volontiers brillante, M. Le Fur s’est rendu coupable tout à l’heure d’un mensonge par omission…

M. Paul Giacobbi. C’est exact !

Mme Nathalie Appéré. …puisqu’il a lu la deuxième phrase à insérer après l’alinéa 17 en la déconnectant de la première, à savoir : « Ce dernier s’assure du respect, par le conseil régional, de la procédure d’élaboration prévue au présent chapitre. »

Si nous proposons d’ajouter cet alinéa, c’est parce que l’alinéa 17 est porteur d’une ambiguïté authentique en prévoyant que le schéma régional et, le cas échéant, le document d’orientations sont approuvés par arrêté du représentant de l’État dans la région. Si nous n’en limitons pas les conditions, cette approbation pourrait se faire en opportunité. L’objectif est de revenir au contrôle de légalité, portant sur les conditions d’élaboration du schéma. Les uns et les autres ont en effet insisté sur la nécessité qu’il y ait une concertation, pour, dans la procédure d’élaboration, prendre l’avis des différents intervenants, notamment du bloc local et, en particulier, des EPCI à fiscalité propre et des métropoles.

M. Martial Saddier. Seuls les départements n’auront pas leur mot à dire !

Mme Nathalie Appéré. Il s’agit donc uniquement de s’assurer que cette procédure est respectée.

Mme la présidente. La parole est à M. Sébastien Denaja.

M. Sébastien Denaja. Je ne demande qu’à être convaincu par Nathalie Appéré, le rapporteur et Mme la ministre, mais j’avoue que j’hésite tout de même un peu. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Selon le sixième alinéa de l’article 72 de la Constitution, le représentant de l’État a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois. Mais le contrôle administratif, il l’exerce a posteriori

M. Maurice Leroy. Bien sûr !

M. Sébastien Denaja. … et pour tous les actes, et pas a priori.

Plusieurs députés du groupe UMP. Évidemment !

M. Sébastien Denaja. Là, j’ai juste un doute, mais je peux ne pas comprendre après les journées difficiles que nous venons de vivre.

M. Marc Le Fur. Vous avez très bien compris !

M. Sébastien Denaja. J’ai l’impression que l’alinéa 17 organise un contrôle a priori puisque c’est avant même que l’acte ne tire sa force exécutoire. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Ce que je demande donc au Gouvernement, éclairé par la haute administration notamment, c’est à partir de quel moment le schéma régional de développement économique tire sa force exécutoire : après adoption d’une délibération au conseil régional ou après approbation du représentant de l’État ?

M. Philippe Le Ray. Après approbation du représentant de l’État !

M. Sébastien Denaja. C’est l’ambiguïté qu’il faut lever. Nous pourrons alors considérer que le préfet exerce son contrôle administratif de manière régulière, et l’amendement sera alors totalement superfétatoire.

Sinon, nous irions non pas vers un jacobinisme forcené mais à rebours en tout cas de ce qui fut jusqu’à présent l’esprit même de la décentralisation. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Cela ne me plaît pas de me faire applaudir par la droite !

M. Franck Riester. Ce n’est pas une honte !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Si nous voulons que les régions aient un pouvoir important en matière de développement économique et que ce schéma soit prescriptif, il doit être approuvé par le préfet. Jusqu’à présent, chacun faisait ce qu’il voulait, comme il voulait. Nous essayons de clarifier, de rationaliser les compétences et de donner un grand rôle à la région.

M. Xavier Breton. On recentralise !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. La région fait son travail et le schéma ne devient opposable que s’il est approuvé par le préfet. Ce n’est pas la même chose qu’un contrôle de légalité simple. Cela donne à ce document force de loi.

M. Marc Le Fur. Ce sera la seule collectivité soumise à une tutelle. On le saura.

Mme la présidente. Monsieur Le Fur, je vous en prie, pour la clarté de nos débats.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Ou bien vous n’écoutez pas, monsieur Le Fur, mais vous n’êtes pas obligé de m’écouter, ou bien vous écoutez d’une drôle de façon parce que c’est exactement le contraire.

Le préfet, pour approuver, vérifie naturellement les lois et règlements, mais il peut regarder de près l’intérêt national.

M. Martial Saddier. Il le fait tout le temps !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Alain Rousset, par exemple, pourrait décider d’interdire toute construction automobile dans sa région.

M. Xavier Breton et M. Martial Saddier. Il y a le contrôle de légalité !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Est-ce que je peux finir ? J’essaie moi aussi de m’en sortir par rapport à vous. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Marc Le Fur. C’est un aveu !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Dans ce cas, le préfet ne pourrait pas opposer les lois et les règlements mais pourrait considérer que c’est contraire à l’intérêt national. Il irait voir le président, ils adorent se rencontrer, pour lui expliquer que, s’il veut que le schéma soit approuvé et opposable et que son travail serve à quelque chose, il ne peut pas écrire que la construction automobile est interdite.

M. Martial Saddier. Ce n’est pas clair !

M. Gérald Darmanin. Quand on fait un SCOT, on ne le soumet pas !

Mme Brigitte Bourguignon. Ils sont vraiment insupportables !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. C’est extrêmement clair. Le schéma doit être approuvé par le préfet pour être opposable et prescriptif.

M. Marc Le Fur. Cela vaut pour toutes les collectivités !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Est-ce que je peux aller jusqu’au bout ? Quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage !

Au lieu d’aller directement au tribunal, il vaut mieux discuter et le préfet va expliquer qu’il y a une disposition contraire à l’intérêt national.

M. Philippe Le Ray. L’alinéa 17 suffit !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Voilà pourquoi nous avons demandé que le schéma soit approuvé par le préfet. Sinon, il n’est ni opposable ni prescriptif, et cela correspond à notre constitution.

M. Philippe Le Ray. L’alinéa 17 suffit !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Enfin, la Constitution ne peut être invoquée que par l’exception d’inconstitutionnalité lorsque la loi fait écran. Il n’y a pas d’application directe. Nous avons dû louper le même cours de droit, monsieur Darmanin, ce n’est pas un problème de hiérarchie des normes.

M. Gérald Darmanin. Bien sûr que si !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. L’objectif, c’est de rendre le schéma prescriptif.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Madame la présidente, en application de l’article 58, alinéa 1, de notre règlement je vous demande quelques minutes de suspension de séance. Nous devons nous réunir pour essayer de savoir, dans ce maquis d’informations contradictoires,…

M. Martial Saddier. C’est trop confus !

Mme Annie Genevard. …quelle attitude il convient d’avoir.

Mme la présidente. La suspension est de droit, mais je vous propose, mes chers collègues, de lever la séance et de reprendre ce soir. (« Très bien ! » sur de nombreux bancs.)

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

4

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures dix.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly