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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 03 mars 2015

SOMMAIRE

Présidence de Mme Sandrine Mazetier

1. Communication de Mme la présidente

2. Nouvelle organisation territoriale de la République

Discussion des articles (suite)

Article 18 A (suite)

Amendements nos 1878 rectifié , 2110 rectifié, 2111, 2112, 2113, 2118, 2114, 2115, 2116, 2117 (sous-amendements) , 170

M. Olivier Dussopt, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique

Après l’article 18 A

Amendement no 1114

Rappel au règlement

Mme Annie Genevard

M. Olivier Dussopt, rapporteur

Après l’article 18 A (suite)

Amendement no 75

Suspension et reprise de la séance

Amendement no 67

Article 18

M. Maurice Leroy

Mme Annie Genevard

M. Philippe Baumel

M. Joaquim Pueyo

M. Germinal Peiro, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques

M. Jean-Luc Bleunven

M. Martial Saddier

M. Jacques Lamblin

M. Gwenegan Bui

M. Jean Launay

M. Guillaume Chevrollier

M. Nicolas Dhuicq

M. Michel Piron

Mme Marie-Christine Dalloz

M. André Chassaigne

M. Philippe Vigier

M. Olivier Dussopt, rapporteur

Mme Marylise Lebranchu, ministre

Amendements nos 1194 , 322 , 574 , 1262

M. André Vallini, secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale

Amendements nos 1046 rectifié, 1052, deuxième rectification , 132 , 240 , 368 , 600 , 2029 , 239 , 367 , 431 , 1337

3. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Sandrine Mazetier

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Communication de Mme la présidente

Mme la présidente. J’informe l’Assemblée que le groupe de l’Union pour un mouvement populaire a fait opposition à la discussion selon la procédure d’examen simplifiée du projet de loi autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la principauté d’Andorre en vue d’éviter les doubles impositions inscrit à l’ordre du jour du jeudi 5 mars 2015.

2

Nouvelle organisation territoriale de la République

Suite de la discussion d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, portant nouvelle organisation territoriale de la République (nos 2529, 2553, 2542, 2544, 2545, 2546, 2549).

Discussion des articles (suite)

Article 18 A (suite)

Mme la présidente. Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles, s’arrêtant à l’amendement n1878 rectifié à l’article 18A déjà présenté par son auteur.

M. Jacques Moignard. Les neuf sous-amendements concernent la redevance de mouillage dont nous parlions tout à l’heure. Certains sont rédactionnels et deux revêtent une importance particulière, les sous-amendements nos 2114 et 2117. Tous tendent à limiter la portée de l’amendement initial du Gouvernement, voté par le Sénat qui en a fait cet article, en instaurant pour l’essentiel une redevance exclusivement dans l’aire marine protégée du parc marin de Bonifacio qui est gérée par la collectivité territoriale de Corse et dans celle de Cerbère-Banyuls qui l’est par le département des Pyrénées-Orientales. En réalité, les auteurs de l’amendement n’ont jamais voulu instituer une taxe mais accéder au vœu de l’Assemblée de Corse, dont il faut souligner qu’il est unanime, d’instaurer une telle redevance. Telles sont les explications que nous pouvons fournir à ce propos.

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Molac, pour soutenir l’amendement n170.

M. Paul Molac. Je retire l’amendement au profit de celui de Paul Giacobbi suite aux explications qu’il a données. J’en attends également du Gouvernement car M. Paul Giacobbi a bien précisé qu’il s’agit des aires marines protégées gérées par une collectivité territoriale. En effet, nous avons reçu un certain nombre de courriels s’alarmant de la perspective que tout le littoral français soit géré de cette façon, ce qui forcément nous amuse un peu ! Les explications du Gouvernement corroboreront certainement celles de notre collègue Paul Giacobbi. Je remarque par ailleurs que si le pouvoir d’adaptation était une réalité, la Corse aurait procédé directement à un tel aménagement et nous ne serions pas en train d’en discuter ce soir !

M. Christophe Caresche. Tout à fait !

M. Paul Molac. Ainsi, le pouvoir d’adaptation des régions que nous avons voté il y a une quinzaine de jours conserve toute sa pertinence et je continuerai bien entendu à le défendre si le Sénat avait la mauvaise idée d’annuler ce que nous avons voté !

(L’amendement n170 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Dussopt, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission.

M. Olivier Dussopt, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. C’est à un exercice peu académique que je vais me livrer. La commission des lois a supprimé l’article introduit dans le texte par le Sénat instituant une taxe de mouillage. Par cohérence avec la position de la commission, l’avis au sujet de son rétablissement ne peut être favorable.

M. Philippe Vitel. Très bien !

M. Olivier Dussopt, rapporteur. En revanche, d’un point de vue technique c’est-à-dire en termes de compréhension du dispositif, force est de constater que les sous-amendements proposés par nos collègues du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste facilitent la lisibilité du dispositif qu’ils proposent indépendamment de l’avis défavorable émis par la commission dont a découlé la suppression de l’article.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, pour donner l’avis du Gouvernement.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Je vais prendre un peu de temps afin d’en prendre moins ensuite. La Corse dispose, par le biais de la collectivité territoriale de Corse, d’un pouvoir d’adaptation réglementaire. Certains ici, sur tous les bancs d’ailleurs, se sont battus il y a peu de temps pour l’obtenir. Or la Corse, forte de ce pouvoir conféré par la loi, a déposé au cours des dernières années quarante-deux propositions d’adaptation réglementaire ! Pour des raisons qu’il ne m’appartient pas de juger ni même d’étudier, les demandes formulées auprès du Secrétariat général du Gouvernement sont restées sans réponse. Nous en avons donc pris en compte un certain nombre à l’invitation de MM. Giacobbi et de Rocca Serra et travaillé sur le pouvoir d’adaptation réglementaire dans le cadre du gouvernement de Jean-Marc Ayrault puis de Manuel Valls.

Parmi ces demandes dont je répète qu’elles émanent de la collectivité territoriale de Corse et non de l’ensemble des régions de France, la première à laquelle nous pourrions donner droit, c’est la redevance dont nous parlons, étudiée par des constitutionnalistes bien connus, le regretté Guy Carcassonne puis Pierre Chaubon et d’autres afin de vérifier la constitutionnalité de la proposition. Le Conseil d’État auquel elle a ensuite été soumise est parvenu à la même conclusion. La redevance concerne, spécifiait précisément la demande initiale, les réserves de Bonifacio et Scandola. Après vérification des constitutionnalistes et des meilleurs juristes, la proposition a été soumise au Gouvernement qui a estimé qu’elle pouvait en susciter d’autres également soumises par la collectivité territoriale de Corse et dépassant le cadre identifié de Bonifacio et Scandola comme le souhaitent naturellement et majoritairement ses élus, telles que le statut des résidents, la co-officialité des langues et j’en passe.

Dès lors, afin d’éviter une telle extension à d’autres demandes – ce dont je n’ai pas ici à juger même si en Corse j’ai eu à donner l’avis du Gouvernement sur le sujet – le Gouvernement a proposé de retenir l’expression « aires marines protégées » assortie d’une condition selon laquelle elles doivent être gérées par une collectivité territoriale, celle de Corse en l’occurrence, et non l’agence nationale des aires marines protégées. J’en connais surtout l’antenne de Bretagne, je m’en excuse, qui y gère énormément d’aires marines protégées ; en tout cas, l’agence n’a pas la faculté d’instaurer une redevance. J’ai donc été assez surprise de constater qu’un certain nombre de personnes se sont émues à la perspective qu’on en institue une dans toutes les aires marines protégées de France ! Tel n’est pas le cas car, pour ce faire, elles doivent impérativement être gérées par une collectivité territoriale. Comme on l’a rappelé, il existe deux cas : la collectivité territoriale de Corse et éventuellement le département de Pyrénées-Orientales, qui gère une zone similaire à Banyuls mais n’a pas du tout l’intention d’introduire une redevance.

Il s’agit donc d’un projet extrêmement restreint sur la zone en question dont je comprends que tout le monde ne la connaisse pas. Moi-même je n’ai jamais eu l’heur de naviguer en Corse car nous qui naviguons en Bretagne n’avons aucune chance d’y arriver avant la fin des vacances et ne tentons donc pas de le faire ! (Sourires.) Je rappelle d’ailleurs que les loueurs de bateaux, que nous avons interrogés, les gestionnaires de ports de plaisance et tous ceux qui s’occupent de tourisme en Corse via la collectivité territoriale de Corse sont favorables au projet car il ne concerne qu’une petite zone et ne pose aucun problème aux loueurs de bateaux, aux hôteliers, aux restaurateurs et à tous ceux dans ce pays de France qui vivent du tourisme ! Tous ceux qui sont intéressés à la rénovation des bateaux ne redoutent nullement la demande de la Collectivité territoriale de Corse car elle est géographiquement très limitée.

En revanche, on a en effet constaté dans cette zone que certains connaissent bien dont un député qui m’en parlait récemment mais qui n’est pas là ce soir pour confirmer mon propos, que de très gros bateaux de plaisance tels que ceux que décrivait tout à l’heure Paul Giacobbi viennent y mouiller, en particulier depuis que les Sardes ont institué une redevance. Il s’agit de très gros bateaux munis de trois ancres de proue qui arrachent les herbiers. Vous savez ce dont il s’agit, mesdames et messieurs les députés, vous l’avez sans doute déjà tous fait, ou plutôt, bien sûr, été en situation de le faire ! Le projet de la Collectivité territoriale de Corse consiste donc à limiter la présence de ces sortes de mini-hôtels flottants uniquement dans cette zone. Pour la petite plaisance en revanche, celle que l’on connaît majoritairement car l’autre concerne moins de 0,2 % de la population française, il s’agit de mouiller des corps-morts grâce auxquels les gens pourront venir dans l’aire marine protégée dont vous savez que le rivage est inconstructible.

Certains ont peut-être vu des photos et sont allés voir depuis, c’est en effet assez attirant. Qui plus est, les collectivités doivent gérer l’afflux d’un certain nombre de personnes qui débarquent dans des conditions qui ne sont pas sans conséquences sur la dépense publique. Il faut en particulier entretenir les sentiers remontant au village. Il s’agit donc d’un projet très fermé. Bien sûr, il est facile de remuer ciel et terre en disant que tous les plaisanciers de France seront amenés à payer une taxe. Je ne connais pas en Corse un gestionnaire de port de plaisance, un loueur de bateaux ni quiconque vivant du tourisme qui aurait applaudi à une taxe frappant tout le monde, car il en perdrait des clients !

C’est bien dans un cadre précis, pour atteindre un objet précis, que la collectivité territoriale de Corse, qui gère cette aire marine protégée, peut instituer une redevance. Ce n’est pas un impôt mais une redevance : je réponds par avance à Marc Le Fur, qui parlait tout à l’heure d’impôt. Cela a d’ailleurs été voté par l’ensemble de l’Assemblée, toutes familles politiques confondues, il y a de cela longtemps. Malheureusement, le problème n’a pas été étudié depuis lors.

Dans un premier temps, Manuel Valls, alors ministre de l’intérieur, et moi-même, en ma qualité de ministre de la décentralisation, il y a plus d’un an, environ dix-huit mois, puis, plus récemment son successeur Bernard Cazeneuve et moi-même, avons, avec l’accord du Gouvernement, discuté avec les élus de la collectivité territoriale de Corse et pris acte que tout était bordé en droit et que cela ne concernait qu’une zone – ainsi, peut-être, que Banyuls, qui n’a toutefois pas l’intention de percevoir une redevance, et le département des Pyrénées-Orientales ne dispose pas de la compétence pour ce faire. On est donc en présence de la seule collectivité territoriale de Corse, qui peut – et non pas doit – instituer une redevance, cette dernière étant limitée par un plafond par mètre linéaire de bateau qui a alerté certaines personnes et sera, je pense, supprimée par un amendement. On verra s’il y a lieu, par décret, d’instituer ou non un plafond en cas d’exagération.

Je voulais replacer le débat dans un cadre un peu plus raisonnable et réintroduire un peu de méthode et de sérénité. Cette aire marine protégée, gérée par la collectivité territoriale de Corse, est un cas exceptionnel. Cher monsieur Leroy, pour revenir à notre débat d’hier – et je salue au passage M. Piron – on n’a pas le droit de faire de l’exception la règle…

M. Maurice Leroy. Ni de la règle l’exception !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. …mais la règle méritera une exception.

Beaucoup d’élus qui se sont battus pour le pouvoir réglementaire des régions considéreraient de façon assez négative que l’on s’oppose à ce que ce droit soit conféré pour la première fois à une région. J’ai parlé aussi à un certain nombre de plaisanciers, qui me demandaient si la collectivité rendait un service. Le premier service consiste à gérer l’aire marine protégée. Dans les autres aires marines protégées, il y a du personnel employé au titre de l’agence des aires marines protégées. Gérer une aire marine protégée, tout le monde sait que cela représente un coût, et l’agence a quelques moyens pour assumer cette gestion.

La dépense relative à la gestion de l’aire marine dont nous parlons revient à la collectivité territoriale de Corse, donc la redevance devrait lui revenir.

M. Dominique Tian. C’est le budget de l’État qui est concerné, il ne s’agit pas de parcs régionaux !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. L’ensemble des autres aires marines protégées sont, elles, gérées par l’agence, en notre nom et avec nos impôts.

Je souhaitais prendre le temps d’exposer la question globalement. J’insiste sur le fait que nous n’avons pas improvisé. Nous ne sommes pas partis dans le brouillard car, comme un certain nombre d’entre nous le savent, si l’on part dans le brouillard, en particulier dans la baie de Morlaix, on peut y rester trois jours. (Sourires.) Nous avons donc fait extrêmement attention, en bons navigants, à partir par  un ciel clair et une mer calme, et nous soumettons à votre approbation le fait de conférer pour la première fois l’exercice d’un pouvoir réglementaire.

M. Michel Piron. Très bien !

Mme la présidente. J’en conclus, madame la ministre, que votre avis est favorable à l’amendement et aux sous-amendements ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je suis favorable aux sous-amendements, puis à l’amendement. La disposition à laquelle je n’aurais pas été favorable a été retirée.

M. Marc Le Fur. Quels sous-amendements ?

M. Maurice Leroy. Nous sortons du brouillard !

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. On aurait peut-être pu s’épargner cette discussion, puisque la commission des lois a décidé, par l’adoption d’un amendement que j’avais déposé et d’un amendement identique de Didier Quentin, de supprimer l’article 18 A. Personnellement, je n’ai pas changé d’avis. Ni les arguments de M. Giacobbi, pour qui j’ai beaucoup d’estime, ni ceux de Mme la ministre, ne m’ont fait évoluer.

D’abord, s’agissant du périmètre, je constate que l’amendement se réfère explicitement à l’article L. 334-1 du code de l’environnement, en application duquel 88 000 kilomètres carrés de zones côtières – 240 690 kilomètres carrés, en incluant les territoires ultramarins – sont classés aires marines protégées. Cela représente 23,6 % du littoral métropolitain, et plus de 50 % du littoral corse. Ce n’est donc pas une définition localisée, comme vous nous le dites aujourd’hui. J’ajoute que le Gouvernement a pour objectif de créer dix parcs naturels marins d’ici 2020. Donc, en adoptant cet amendement, nous étendrions considérablement le champ de cette redevance.

M. Benoist Apparu. Non !

M. Christophe Caresche. Mais si ! Vous nous dites que ces zones protégées sont gérées par les collectivités : ce n’est pas ce qui est écrit dans l’amendement, qui indique qu’ « il peut être institué par les collectivités territoriales ou par les établissements publics qui contribuent à la gestion d’une aire marine protégée (…) une redevance de mouillage. » On voit donc bien que la définition est tout à fait extensible. Il conviendrait peut-être de la préciser.

Deuxième point : pour ma part, je conteste qu’il s’agisse d’une redevance. Si cet amendement était adopté, ce serait une question que le Conseil constitutionnel devrait examiner. Ce n’est pas une redevance pour une raison simple : il n’y a pas de service rendu direct à l’usager.

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur le député !

M. Christophe Caresche. Madame la présidente, je souhaiterais que l’on dispose d’un peu de temps pour discuter des neuf sous-amendements qui ont été déposés.

Mme la présidente. On peut aussi être respectueux du règlement mais, comme il y a beaucoup de sous-amendements, je veux bien mutualiser votre temps de parole.

M. Christophe Caresche. Merci, madame la présidente. Je considère que ce n’est pas une redevance car il n’y a pas de service rendu directement à l’usager : de fait, cet amendement évoque le mouillage sur ancre. Il n’y a donc aucun service rendu, pas même de bouée à laquelle les plaisanciers puissent par exemple s’attacher. Il s’agit donc d’une taxe, et par conséquent d’un cavalier, puisque nous ne sommes pas en train d’examiner la loi de finances. Dès lors, une incompétence négative peut être soulevée, puisque la taxe n’est pas véritablement définie.

Troisième motif d’inconstitutionnalité, qui me paraît aussi important : le montant manifestement disproportionné de la somme perçue. L’amendement a pour objet d’instituer une taxe de vingt euros par mètre et par nuit. Cela signifie qu’un bateau de huit mètres – qui n’est pas, pour un plaisancier, un très gros bateau – paiera 160 euros pour mouiller une ancre sur 50 pour cent du littoral corse, ce qui est le prix d’une nuit d’hôtel dans un quatre-étoiles. Il me semble que le tarif proposé est tout à fait exorbitant.

Je considère qu’il existe des motifs extrêmement sérieux d’inconstitutionnalité. Par ailleurs, cette taxe pourra être mise en œuvre en de nombreux points du littoral et pénalisera de manière tout à fait excessive un certain nombre de plaisanciers.

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. Si je lis l’article L. 334-1 du code de l’environnement, auquel fait référence l’amendement, je constate qu’à aucun moment il n’indique que les aires marines protégées sont gérées par une collectivité territoriale. On parle d’aires marines protégées, mais je constate que ces dernières excèdent de beaucoup le champ de la définition que vous venez de nous donner, madame la ministre, ainsi que vous-même, monsieur Giacobbi.

J’ai du mal à comprendre que l’on pénalise systématiquement toute activité qui s’efforce de réussir. La plaisance se démocratise, se popularise et les locations de bateaux fonctionnent assez bien actuellement, malgré toutes les difficultés que connaissent les entreprises. Je pense en particulier aux entreprises ayant des bateaux appartenant au patrimoine maritime, qui éprouvent énormément de difficultés pour les entretenir, et qui se déplacent tout le long du littoral métropolitain, y compris en Corse. Or, à chaque fois que nous votons une loi, nous avons une propension à créer de nouveaux impôts. De fait, comme M. Caresche, je pense qu’il s’agit bien là d’un nouvel impôt. Encore une fois, on est loin des déclarations du Président de la République et de M. Eckert, qui a déclaré, pas plus tard que cet après-midi, qu’il n’y aurait pas de nouvelle hausse d’impôts et qu’il serait le greffier de cet engagement. Pour ma part, je souhaiterais que le greffier des propos du Président de la République puisse être présent à nos côtés pour nous dire ce qu’il pense de cela.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Pour apporter d’autres éléments au débat, je veux indiquer que les plaisanciers paient déjà des taxes extrêmement importantes : par l’acte de francisation qu’il faut renouveler assez régulièrement, ils participent déjà, pour 37 millions d’euros, à la protection du littoral. Cela s’ajoute à l’ensemble des impôts qu’ils paient.

Par ailleurs, j’appelle l’attention de M. Giacobbi et de Mme la ministre sur le fait que la Sardaigne a cessé d’appliquer cette mesure…

M. Christophe Caresche. Oui !

M. Dominique Tian. …car elle s’est aperçue que les bateaux allaient mouiller ailleurs, en l’occurrence en Corse. Les Sardes ont perçu les impacts négatifs de ce dispositif sur le tourisme local : qu’il s’agisse, par exemple, des restaurants ou des bars, l’effet a été dévastateur. Ils ont donc mis fin à la perception de ce droit, complètement anti-économique, que personne ne comprenait.

Il existe également un problème lié aux libertés individuelles. On nous a en quelque sorte « imposé » – j’emploie des guillemets – le parc national des Calanques qui, d’après son nom, bénéficie, je le suppose, d’un financement national ; ce n’est pas un parc régional, comme certains l’auraient préféré. Cela signifie, madame la ministre que, de Carry-le-Rouet jusqu’à la frontière italienne – on a vérifié ce point avec l’ensemble des professionnels – on ne pourra pratiquement plus mouiller, à moins de payer vingt euros par mètre…

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Non !

M. Dominique Tian. …ce qui est une somme tout à fait considérable.

Ne parlez donc pas de libertés individuelles, ne dites pas que c’est quelque chose que l’on mérite. Les dates d’application de la mesure vont du 1er juin au 1er septembre : on est donc sûr que ce sont les vacanciers qui en seront victimes. Ceux-là seront obligés de payer. L’amendement de notre collègue écologiste est beaucoup plus général.

M. Paul Molac. Nous l’avons retiré.

M. Dominique Tian. Celui du Gouvernement, à l’origine de l’article, évoquait l’ensemble de la métropole, les 88 000 kilomètres carrés de zones côtières. On ne pourra plus planter une ancre, quasiment de la frontière espagnole à la frontière italienne, sans être obligé de payer cette redevance. Or, madame la ministre, c’est tout de même une liberté individuelle qui est en jeu. On ne peut donc pas dire que seule la Corse est concernée, même si, comme vous le savez très bien, 50 % de son littoral pourrait être concerné. De surcroît, monsieur Giacobbi, excusez-moi de vous dire qu’il n’y a pas que des Corses qui mouillent là-bas : l’ensemble de l’Europe y est présente, y compris des Français du continent. Cela fait aussi partie de leur liberté individuelle. Il faut donc peut-être se rappeler que la Corse vit du tourisme, que les plaisanciers ne restent pas nécessairement au mouillage, mais vont peut-être aller boire un café, déjeuner au restaurant, voire séjourner à l’hôtel. C’est donc, sur le plan économique, quelque chose d’assez désastreux, mais vous en porterez la responsabilité.

En tout cas, il est évident que dans le parc national des calanques comme dans l’ensemble des aires protégées de Méditerranée, à Porquerolles, à Port-Cros ou dans d’autres zones, ce n’est pas une mesure acceptable. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. Paul Giacobbi. Le parc national est géré par l’État !

M. Dominique Tian. Qui va collecter cette taxe et à quel moment cela sera-t-il fait ? Les plaisanciers vont arriver tard le soir et repartir tôt le matin. C’est encore une mesure qui va créer des postes pour rien…

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Ce n’est pas vrai !

M. Dominique Tian. …uniquement pour enquiquiner – Georges Pompidou employait un autre mot – le plaisancier, qui fait figure de vache à lait. Il n’y a pas d’autre explication. Que l’État paie s’il doit payer !

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, si nous sommes plusieurs ce soir à nous exprimer, si un certain nombre d’entre nous se sont organisés pour être présents, c’est parce que nous avons été alertés par de nombreuses personnes. Je dois vous avouer que j’ai été alerté par de multiples plaisanciers, tout au long de la côte bretonne, qui sont loin de disposer de yachts mais qui s’inquiètent. En effet, ils considèrent que l’on est en train de mettre en cause une liberté. Ils sont attachés au principe énoncé par le poète : « homme libre, toujours tu chériras la mer ».

M. Michel Piron. La mer est un miroir !

M. Marc Le Fur. Or, aujourd’hui, ce qui est en cause, c’est la possibilité de mouiller, non pas dans un port – chacun comprendrait que, dans un port, on paie une redevance – mais en mer, dans une multitude de lieux qui cernent notre métropole, notre outre-mer et notre rivage corse. Beaucoup d’entre nous sont mobilisés : je voudrais citer en particulier notre collègue Yves Foulon, qui me redisait l’importance de ce sujet pour toute la côte du sud-ouest.

Que faut-il en dire ? Premièrement, c’est un nouvel impôt. Notre collègue Caresche l’a parfaitement démontré : il n’y a de redevance que lorsqu’il y a service rendu.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Bravo Caresche !

M. Marc Le Fur. Or, en l’occurrence, il n’y a aucun service rendu par quelque collectivité que ce soit. C’est donc un nouvel impôt. Depuis le propos du Président de la République en novembre dernier, nous ne cessons de voir se développer de nouveaux impôts : les retraités en savent quelque chose avec les prélèvements sur la CSG.

Par ailleurs, même si on dit que c’est en Corse seulement, et même si c’était vrai – pardonnez-moi cette remarque, cher collègue Giacobbi –, on sait bien qu’en matière fiscale on suit une logique de prototype : on commence par appliquer une disposition à un endroit, puis on la généralise ; ce ne sera pas la première fois qu’on aura procédé ainsi.

Enfin, je doute de l’efficacité même de cette affaire. Notre collègue Giacobbi nous affirme que d’énormes yachts encombrent un certain nombre d’espaces maritimes au large de la côte corse, mais ce ne sont pas ces derniers qui seront troublés par la redevance, mes chers collègues : ce sont les petits plaisanciers !

M. Nicolas Dhuicq. Bien sûr !

M. Marc Le Fur. Ce sont les gens qui économisent toute l’année pour jouir d’un peu de liberté durant leurs vacances qui seront concernés !

M. Jean-Marie Sermier. Encore les classes moyennes !

M. Marc Le Fur. Madame la ministre, j’espère que la discussion de ce texte, le projet de loi NOTRe, qui est de plus en plus vide, chacun l’aura remarqué, ne sera pas l’occasion d’imposer des contraintes multiples à nos compatriotes, qui en ont assez de cet impôt qui revient en permanence sous diverses formes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Appéré.

Mme Nathalie Appéré. Notre collègue Paul Giacobbi nous a expliqué tout à l’heure que la mise en place de cette redevance de mouillage était une demande unanime des membres de l’Assemblée de Corse.

M. Marc Le Fur. Allez le dire aux plaisanciers de Bretagne !

Mme Nathalie Appéré. Personne n’a vocation à remettre en cause la légitimité et le bien-fondé de cette décision unanime.

On peut néanmoins se demander dans quelle mesure il n’y aurait pas des contreparties à exiger de cette redevance pour correspondre à un véritable service rendu, et pourquoi pas des zones de mouillage à instituer. Notre collègue pourrait éventuellement le préciser.

Pour autant, on comprend bien, à l’aune de nos débats, que personne ne souhaite que cette taxe soit généralisée, ce qui n’aurait aucun sens. Il nous faut des garanties claires sur ce point. Or il me semble que la formulation proposée dans l’amendement, « par les collectivités territoriales ou par les établissements publics qui contribuent à la gestion » est fortement ambiguë, particulièrement large. Un apport matériel, le versement d’une subvention peuvent-ils être considérés comme une contribution à la gestion ?

Si nous substituions aux mots « contribuent à la gestion » le mot « gèrent », on entrerait dans le cas précis décrit par Mme la ministre, à savoir uniquement les collectivités territoriales dotées d’un pouvoir réglementaire qui ont compétence directe sur la gestion.

M. Michel Piron. En effet !

Mme Nathalie Appéré. Le manque de précision de la formulation retenue ouvre un champ trop large qui inclurait d’autres parties du territoire, où cette taxe est considérée comme totalement illégitime.

M. Dominique Tian. Tout à fait !

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Tout d’abord, je voudrais revenir sur le prélèvement qui est envisagé ici auprès des contribuables. Certains de mes collègues l’ont rappelé, à cette redevance ne correspond aucun service rendu. J’aimerais savoir ce qu’en pense le ministre des finances, M. Michel Sapin, madame la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Il est de notre avis !

Mme Véronique Louwagie. Voilà deux jours, invité de l’émission Le Grand Jury RTL- Le Figaro-LCI, il s’engageait à ce qu’il n’y ait aucun nouvel impôt en 2015. Or, on crée précisément ici un nouvel impôt ; il y a donc un réel problème au Gouvernement.

Ensuite, je souhaite réagir sur l’activité économique que représente la plaisance. Les activités nautiques, on le constate en se déplaçant en France, contribuent au développement économique ; le littoral en vit, et vous voulez les mettre à mal.

Enfin, on ne cesse de parler de simplification, et des lois de simplification reviennent régulièrement devant notre assemblée. Nous aurons à en examiner une probablement d’ici à quelques mois. Or, le mécanisme à mettre en place pour prélever une redevance auprès des plaisanciers est probablement complexe. Y a-t-il eu une étude d’impact sur le coût de mise en œuvre et de fonctionnement d’un tel dispositif ? Cette logique est contraire à la simplification que nous prônons, les uns et les autres, y compris vous.

Cet amendement ne présente donc aucun intérêt.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Merci pour M. de Rocca Serra !

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Pellois.

M. Hervé Pellois. À mon tour, je souscris aux propos de M. Caresche et de Mme Appéré, que je suis tenté de réitérer.

Madame la ministre, cet amendement nous laisse dans le vague : il serait utile de préciser les choses. Si ce dispositif ne s’applique qu’à la Corse, pourquoi ne pas l’écrire ? Ce sera beaucoup plus clair pour tout le monde.

Nous savons parfaitement que ce type de taxe est difficile à mettre en œuvre et représente un coût. Je ne connais pas le montant qui sera prélevé, mais certains sous-amendements sont étonnants : il est proposé de baisser le montant de la taxe de vingt à deux euros ou d’exonérer les Corses. Tout cela est peu lisible. Il est nécessaire de clarifier le dispositif.

Mme la ministre nous a donné des explications. Il est vrai que nous entendons parler de cette affaire depuis deux ou trois semaines. J’aurais aimé qu’elle soit désamorcée plus rapidement.

M. Hervé Gaymard. C’est vrai !

Mme la présidente. Monsieur Pellois, je précise que les deux sous-amendements auxquels vous avez fait allusion n’ont pas été défendus, leur auteur n’étant pas présent.

La parole est à M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Notre débat est un peu surréaliste : le dispositif concerne des aires marines très limitées dans l’espace, très protégées. (Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Dominique Tian. Cela représente des milliers de kilomètres carrés !

M. Paul Molac. J’admire votre capacité à faire mousser avec aussi peu de matière !

J’attends à présent les explications de M. Giacobbi, qui a pris des notes sur toutes les interventions.

J’ai moi-même reçu un certain nombre de lettres, dans lesquelles il était question non pas de liberté, mais d’une taxe susceptible d’être prélevée auprès de plaisanciers relativement modestes.

Mme Véronique Louwagie. Bien sûr !

M. Paul Molac. Il ne faut pas croire en effet que dès lors qu’on possède un bateau on dispose d’une fortune similaire à celle d’un Rothschild. Des personnes qui entretiennent un bateau moyennant de lourds frais par passion étaient, à juste titre, inquiètes. Il faut les rassurer en nous donnant les explications nécessaires.

Les aires marines protégées ont également besoin d’être préservées. Les ancres de bateaux mesurant quelquefois 150 mètres laissent bien entendu des traces dans les fonds marins. Il faut donc se poser la question de la préservation de ces espaces.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. J’entends les différents arguments en faveur de ce dispositif. S’il s’agit de protéger les aires et d’empêcher la destruction des prairies de posidonie, il existe déjà des aires marines protégées dans l’enceinte desquelles il est impossible de mouiller.

Par ailleurs, nous sommes en période de rigueur budgétaire drastique. Je voudrais ici, bien que ce ne soit pas le sujet, plaider la cause de la marine nationale, engagée aujourd’hui sur cinq théâtres d’opération alors qu’elle est équipée pour seulement deux théâtres, et que son tonnage ne cesse de diminuer. Concrètement, je vois mal comment les services des affaires maritimes iront percevoir la taxe.

En outre, je ne comprends pas le raisonnement suivi par mes camarades insulaires. Il existe une concurrence très forte entre les chantiers navals, une concurrence pour attirer une clientèle de l’extrême sud qui vienne consommer à terre et qui dispose de bateaux d’un certain tonnage et d’une certaine dimension. En général, on sait que ces bateaux naviguent très peu ; ce sont souvent des yachts d’apparat. Si les Sardes ont pris cette décision, bien que leur île soit beaucoup moins belle – je suis tout à fait objectif dans mon raisonnement –, je ne comprends pas pourquoi certains de nos collègues voudraient se lester de plomb, couler au fond, détruire les dernières économies pour récupérer des devises extérieures alors que vos collègues du ministère, madame la ministre, se vantent en permanence de récupérer des fonds auprès de gens qui n’auraient pas payé des taxes qu’ils devaient.

Avec le présent dispositif, vous allez supprimer le tourisme populaire, porter atteinte aux chantiers navals, détruire un des derniers secteurs qui importent des devises sur l’ensemble du territoire national. C’est liberticide ! Madame la ministre, il est temps de prendre des ris, de mouiller l’ancre et d’aller à terre : demandez le retrait de ces amendements et réfléchissons ensemble. Il y a un vent de force 12 face à vous : prenez des ris !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Quant à vous, accostez !

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Giacobbi.

M. Paul Giacobbi. Mes chers collègues, ce débat me ravit mais, en même temps, m’inquiète. Je ferai donc quelques rappels précis. Chacun d’entre nous peut se sentir des ailes, se sentir pousser magnifiquement par le vent arrière… (Sourires.)

Je voudrais tout d’abord préciser à nos collègues du groupe UMP que cet amendement est une initiative d’élus de leur tendance à l’Assemblée de Corse ; Mme Santoni-Brunelli, parfaitement estimable, a toutes les qualités sauf celle de me soutenir. Elle sera par conséquent ravie de constater demain dans Corse-Matin la solidarité qui s’est manifestée.

Je signale d’ailleurs à nos collègues qu’un amendement identique à celui que j’ai déposé, qui n’était d’ailleurs jamais que la reprise d’un amendement du Gouvernement, a été déposé par Camille de Rocca Serra ; je laisse chacun régler ses problèmes en famille.

Concernant le périmètre, j’ai entendu M. Tian nous parler du parc national. Monsieur Tian, je vous rappelle que, comme disait M. de La Palisse, qui n’a pas été député mais qui avait du bon sens, un parc national est un parc national, ce qui signifie qu’il est géré par l’État. Pouvez-vous donc m’expliquer comment un parc national peut entrer dans le champ de ce texte, qui renvoie aux seules collectivités territoriales ou à leurs établissements publics ?

On me parle également des parcs naturels marins, qui ne sont pas des parcs nationaux. Les parcs naturels marins, et ce sera le cas de celui du cap Corse, sont gérés par l’agence des aires marines protégées, que je connais un peu puisque j’en préside le conseil d’administration. Puisque c’est un établissement public de l’État, il est hors du champ de ce texte.

On peut m’opposer que, compte tenu de la rédaction de l’amendement, on va taxer la terre entière, et probablement la mer de Chine du Sud, qui est d’ailleurs très convoitée.

Sur le périmètre actuel, compte tenu des modifications qui ont été apportées, puisqu’il y a eu une campagne et que l’amendement a été sous-amendé – on peut d’ailleurs sous-amender encore autant que vous le souhaitez –, jamais nous n’avons voulu que cette redevance concerne un autre territoire que la Corse. Cependant, nous nous trouvons face à un dilemme : soit on précise dans un texte de loi ou une proposition d’amendement que la disposition ne concerne que la Corse, et alors on nous oppose qu’il s’agit de la spécialité fiscale et que nous n’en avons pas le droit, soit on essaie de trouver un biais. Nous l’avons trouvé : en France, la seule collectivité territoriale qui gère une aire marine protégée au sens propre du mot c’est la Corse. En cherchant bien, nous en avons trouvé une autre : le département des Pyrénées-Orientales. Par conséquent, la réserve de Cerbère-Banyuls est également concernée, mais ce n’était pas voulu, nous n’en savions d’ailleurs rien, puisque nous ne l’avons constaté qu’après vérification.

Concernant les objections sur l’absence de service rendu, mes chers collègues, je vous invite à observer la réalité avant de faire des affirmations. Quand des bateaux de 40 ou 50 mètres de long sont à Bonifacio, ne croyez-vous pas qu’il faut ramasser un certain nombre de déchets ? Voulez-vous que je vous détaille les budgets pour payer les équipes présentes en permanence au service des plaisanciers ?

Quant à l’idée qu’un bateau au mouillage à un ou à trois kilomètres des côtes dans une aire marine protégée, c’est-à-dire dans une zone inoccupée en général à terre par la population, est nécessairement celui qui va rapporter de l’argent… Il me semble que pour cela il faut généralement que le bateau se rende dans un port et dans les commerces. Dans les criques des îles Lavezzi, vous pouvez difficilement vous rendre dans un commerce quand vous mouillez à 50 mètres du rivage.

Je passe sur d’autres arguments. Un bateau de 8 mètres de long paiera 160 euros la nuit, c’est-à-dire le tarif d’un quatre-étoiles ; je ne savais pas que les quatre-étoiles pour quatre ou cinq personnes coûtaient si peu cher… (Sourires.) Voilà une nouvelle intéressante. (Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP.)

Dans le cas d’espèce, un décret fixera les choses, comme cela a été proposé dans un sous-amendement. Je veux bien recevoir toutes les critiques du monde, et je suis extrêmement à l’aise avec cela, puisque cette proposition vient de cet autre côté de l’hémicycle, qu’elle y est contestée et l’est peut-être de ce côté aussi. Le débat public sera tout de même extraordinairement amusant.

Nous sommes bien sûr ouverts à tous les sous-amendements. Je signale que la plupart des objections qui ont été soulevées quant au périmètre tombent dès lors qu’on accepterait, si l’on veut bien en discuter de bonne foi, un des sous-amendements qui est déposé par mon groupe et qui consiste précisément à limiter la liquidation de la redevance aux seules collectivités territoriales et à leurs établissements publics assurant la gestion, la préservation et la protection d’une aire marine protégée, le cas échéant sur délégation de l’État. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

Mme la présidente. Avant que nous ne procédions à leur vote à main levée, j’invite Mme la ministre à préciser de nouveau son avis sur chacun des sous-amendements, que je vais soumettre au vote à main levée. L’amendement n1878 rectifié fera ensuite l’objet d’un scrutin public.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Sauf erreur de ma part, le sous-amendement auquel j’aurais donné un avis défavorable a été retiré. Avis favorable à tous les autres sous-amendements.

Mme la présidente. Il me semble que M. Moignard n’a retiré aucun des sous-amendements qu’il a présentés, madame la ministre.

M. Marc Le Fur. Ce n’est pas clair !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Puisque les sous-amendements seront mis au vote un par un, nous verrons bien si l’un d’entre eux n’a pas été défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n2110 rectifié présenté par M. Moignard ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Favorable.

(Le sous-amendement n2110 rectifié est adopté.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n2111 ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Favorable.

(Le sous-amendement n2111 est adopté.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n2112 ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Favorable.

(Le sous-amendement n2112 est adopté.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement no 2113 ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Favorable.

(Le sous-amendement n2113 est adopté.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement no 2118 ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Favorable. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

(Le sous-amendement n2118 est adopté.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement no 2114 ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Favorable. C’est également un amendement rédactionnel.

(Le sous-amendement n2114 est adopté.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n2115 ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Favorable.

(Le sous-amendement n2115 est adopté.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement no 2116 ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Favorable.

(Le sous-amendement n2116 est adopté.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n2117 ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Favorable.

(Le sous-amendement n2117 est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n1878 rectifié, tel qu’il a été sous-amendé.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants77
Nombre de suffrages exprimés75
Majorité absolue38
Pour l’adoption48
contre27

(L’amendement n1878 rectifié est adopté et l’article 18 A est ainsi rédigé.)

M. Marc Le Fur. Lamentable !

M. Philippe Vitel. C’est une honte !

Après l’article 18 A

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement n1114.

M. Dominique Tian. Rappel au règlement, madame la présidente !

Mme la présidente. Pour quelle raison, monsieur Tian ?

M. Dominique Tian. Le groupe UMP ne comprend pas ce qui vient de se passer. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Vous avez annoncé une série de sous-amendements, or ceux-ci n’ont été défendus par personne et le rapporteur ne s’est pas prononcé à leur sujet.

Mme la présidente. Ce n’est pas un rappel règlement. Madame la ministre, vous avez la parole.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. L’amendement n1114 vise à permettre aux syndicats mixtes associant des communes et la métropole de Lyon de lever des contributions fiscalisées. C’est une nécessité pour cette nouvelle métropole.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Favorable.

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Genevard, pour un rappel au règlement.

Mme Annie Genevard. Rappel au règlement au titre de l’article 58, alinéa premier, concernant la conduite de nos débats. Nous nous étonnons qu’aucun sous-amendement n’ait été défendu et que le rapporteur n’ait pas donné son avis. Avouez que la procédure est un peu étrange !

Mme la présidente. M. Moignard a présenté tous les sous-amendements. Peut-être avez-vous manqué d’attention…

Mme Annie Genevard. Et l’avis du rapporteur ?

Mme la présidente. Il y a eu une discussion commune où beaucoup de choses se sont passées. Je rappelle, par exemple, que M. Molac a retiré son amendement.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Je confirme que M. Moignard a présenté les sous-amendements. J’ai indiqué pour ma part que la commission des lois avait supprimé l’article 18 A et que, par conséquent, je ne pouvais rendre en son nom qu’un avis défavorable à un amendement de rétablissement. J’ai aussi indiqué que j’émettais un avis favorable aux sous-amendements, qui, techniquement, améliorent la rédaction de l’amendement.

Après l’article 18 A (suite)

(L’amendement n1114 est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n75.

M. Marc Le Fur. Je suis moi aussi extrêmement surpris par ce qui vient de se passer. Non seulement on prive nos compatriotes d’une liberté, mais on crée un nouvel impôt. C’est très grave. Croyez bien que les plaisanciers, surtout les plus modestes, s’en souviendront !

L’amendement n75 tend à abroger une mesure prise il y a une quinzaine d’années, qui fait notamment obligation de réserver une marge de recul de soixante-quinze mètres de part et d’autre des routes classées à grande circulation. Cette disposition pouvait se comprendre à une époque où la rareté de l’espace était moins préoccupante. On se rend compte aujourd’hui qu’elle a pour effet de gâcher des surfaces considérables, où l’on ne peut que créer des parkings ou des zones de stockage alors qu’il serait possible les consacrer à l’agriculture ou à tout autre usage. Je ne sais si mon amendement pourra être adopté, mais je souhaite que l’on engage une réflexion sur la question. Chacun peut constater le gâchis d’espace le long de nos routes à quatre voies.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Défavorable. D’une part, ce projet de loi n’est pas relatif aux règles d’urbanisme. D’autre part, l’article L. 111-1-4 du code de l’urbanisme prévoit d’ores et déjà que le plan local d’urbanisme peut déroger à la règle des soixante-quinze mètres s’il comporte une étude le justifiant ou sur autorisation préfectorale. L’amendement est satisfait par les dispositions en vigueur.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Permettez-moi tout d’abord de répondre aux assertions de l’opposition, car je me méfie des commentaires. Voilà un peu plus de deux ans que l’idée d’une redevance au mouillage a été popularisée et médiatisée, notamment par des élus de Corse. Chacun a pu en avoir connaissance et tout un travail a déjà été réalisé. Il est facile de nous accuser de créer un nouvel impôt ; mais si une collectivité institue une redevance d’enlèvement des ordures ménagères – comme c’est le cas, autant que je sache, dans des communes très proches de la vôtre, monsieur Le Fur –, porterez-vous contre elle la même accusation ? Il s’agit pourtant de répondre à un besoin !

M. Marc Le Fur. C’est vous qui créez un nouvel impôt !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Selon une jurisprudence constante du Conseil d’État, l’établissement d’une redevance doit correspondre à un service. Si l’on ne peut prouver cette correspondance, la redevance est annulée. La collectivité territoriale de Corse – CTC – devra donc démontrer le lien de la redevance en question avec le service rendu.

M. Marc Le Fur et M. Nicolas Dhuicq. Quel service ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je vous convie à venir sur place constater le travail réalisé par le personnel pour cette aire marine protégée de Bonifacio, avec l’aide financière de la collectivité qui a créé pour cela un établissement public de gestion. Il faut arrêter de faire circuler des choses fausses. Nous sommes ici dans le temple du droit, nous n’avons pas à faire un roman autour de cette histoire !

Ensuite, si cette redevance doit exister un jour, il faudra que le décret définisse un plafond. Vous avez d’ailleurs ardemment suivi ce débat qui a occupé la CTC il y a deux ans, puis il y a deux ans, puis il y a trois semaines.

M. Paul Giacobbi. Nous n’arrêtons pas !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Votre collègue qui ne peut être présent ce soir vous aura sans doute indiqué qu’il sera possible d’exempter la catégorie des « petits bateaux ».

Vous me reprochiez tout à l’heure de ne pas faire confiance aux élus. Imaginez-vous un seul instant que les élus de la CTC aient décidé de mettre à genoux l’activité nautique en Corse alors qu’il s’agit d’un élément très important pour l’économie de l’île ? Je vous renvoie donc le compliment : faites confiance à ces élus, dont les communes vivent pour une large part du tourisme et du nautisme !

Quant aux sous-amendements, vous les avez vus.

M. Dominique Tian. Non, justement !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Ils limitent la redevance à la Corse ou à des zones de mouillage organisé. Pour prendre un exemple que M. Le Fur et moi connaissons, celui du port de Trébeurden, il est possible de prélever une redevance dans la zone ménagée au bout du port pour le mouillage. À ma connaissance, c’est déjà le cas.

J’en viens aux très nombreuses aires marines protégées du littoral français. On a évoqué tout à l’heure celles de la Bretagne Nord.

Mme Annick Le Loch. Il y en a des dizaines.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. C’est un établissement national, l’agence des aires marines protégée, qui les gère, et non telle ou telle collectivité territoriale.

M. Stéphane Travert. Tout à fait !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. D’ailleurs, je n’ai jamais entendu la région Bretagne, par exemple, demander à gérer les aires marines protégées, pour pouvoir percevoir ensuite une redevance ! La collectivité se réjouit, pour son budget, que les aires marines protégées soient gérées par l’agence, et n’entend pas du tout – mais c’est peut-être le cas d’autres assemblées délibérantes – que la situation change.

Je m’efforce toujours d’être apaisée et sereine dans mes propos. Aussi, je vous le dis comme je le pense : on n’a pas le droit de dire que cette redevance s’appliquera sur toutes les côtes françaises. Ce n’est pas vrai, ce n’est pas juste, ce n’est pas démontré et ce n’est pas de droit.

M. Dominique Tian. Si !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Monsieur Tian, le parc dont vous parlez n’est pas une aire marine protégée gérée par la région PACA. Ou si c’est le cas, il vous faut le démontrer séance tenante. Il est dommage que nous ne puissions pas recueillir l’avis de Michel Vauzelle. Vous ne pouvez pas tenir des propos inexacts !

Depuis trois semaines que ce texte est déposé, je suis à l’Assemblée et j’aurais pu apporter en commission toutes les précisions nécessaires, si quelqu’un me l’avait demandé. Il est dommage que certains essaient de faire dire à ce texte ce qu’il ne dit pas et de raconter une autre histoire. C’est pourtant l’honneur du Parlement que de dire des choses justes, et j’aimerais qu’il s’y tienne.

J’estime avoir répondu, madame la présidente, et j’espère que je n’aurai pas contribué à relancer le débat !

Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 75.

Mme la présidente. Je crains que vous n’ayez relancé le débat, madame la ministre : M. Dominique Tian a demandé la parole. (Sourires.)

M. Dominique Tian. Madame la ministre, je n’irai pas jusqu’à dire que vos propos ne sont pas tout à fait exacts, mais nous essayons de déchiffrer, et je vous assure que nous sommes de bonne volonté. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Au début, l’espoir renaissait car nous avions compris que seuls les Corses étaient concernés, qu’ils pouvaient exonérer les bateaux de moins de cinq mètres, faire ce qu’ils voulaient avec les autres et mesurer eux-mêmes les conséquences de cet amendement.

Mais la fin de votre propos ne nous a pas rassurés, puisque vous avez parlé d’ailleurs, c’est-à-dire partout, sauf en Corse. Vous avez ainsi expliqué qu’il sera possible de percevoir une redevance dans toutes les zones de mouillage organisé. Il en existe même en Bretagne, et je comprendrais que cela vous pose souci. Vous avez dit ensuite que ce serait également le cas dans les zones marines protégées un peu partout – organisées dans certains cas, protégées dans d’autres. Nous n’avons pas la même vision de ce qui est protégé et de ce qui ne l’est pas.

Par ailleurs, si les parcs nationaux ne sont pas gérés par la région – et pour cause, ils sont gérés par un établissement public de parc national –, leur président n’est pas un fonctionnaire, mais un élu local. Celui du Parc national de Port-Cros et Porquerolles est un élu de la ville de Marseille et je ne pense pas qu’il fera cette bêtise. En tout état de cause, il me semble que le conseil d’administration de l’établissement public serait en droit de percevoir cette redevance.

Nous ne sommes donc pas du tout rassurés. Bien au contraire, nous estimons que, sur le plan juridique, les choses se sont aggravées au fil de la soirée.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Je dois dire que je suis plus inquiet encore après votre ultime propos, madame la ministre.

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Quelle mauvaise foi !

M. Marc Le Fur. Vous expliquez qu’il s’agit d’une vraie redevance et qu’elle est la contrepartie de services. Nos amis corses rendent certainement des services aux plaisanciers, en matière de gestion de l’environnement par exemple, mais c’est le cas partout ailleurs en France !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Et dans les ports, on ne paie pas ?

M. Marc Le Fur. Je comprends d’autant moins que vous donnez un exemple précis, celui d’une zone de mouillage organisé à Trébeurden. Que je sache, Trébeurden ne se situe pas au large du Cap corse ! Cela signifie que cette règle s’applique bien au-delà de la Corse. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Ce débat n’est pas inutile et le Conseil constitutionnel se penchera sur cette discussion. Il est clair que nous ne pouvons légiférer uniquement pour la Corse, ce que Paul Giacobbi a d’ailleurs reconnu. Et c’est bien la question qu’a posée la ministre. À partir du moment où l’adaptation réglementaire est impossible, le dispositif doit concerner toute une série de territoires, sans quoi il y a discrimination et rupture d’égalité entre les territoires. À l’évidence, d’autres territoires seront donc concernés.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Mais non !

M. Christophe Caresche. Si, j’en ai l’intime conviction. Vous ne pouvez légiférer uniquement pour la Corse, sans créer une rupture d’égalité. C’est bien là votre problème !

Mme la présidente. La parole est à M. Benoist Apparu.

M. Benoist Apparu. Ma circonscription ne dispose pas d’une frontière maritime. Peut-être qu’avec le réchauffement climatique, dans une centaine d’années, ce sera le cas ! (Sourires.) En attendant, j’aborde ce débat avec peut-être moins de passion que certains de mes collègues.

Nous avons bien compris que l’intention de M. Giacobbi et du Gouvernement était de limiter le dispositif à la Corse et aux Pyrénées-Orientales. Le souci, c’est que l’article L. 321-13 du code de l’environnement, créé par l’amendement, prévoit qu’ « il peut être institué par les collectivités territoriales ou par les établissements publics […] une redevance ». Si l’article évoquait plutôt « leurs établissements publics », nous réglerions le problème.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je suis d’accord !

M. Benoist Apparu. Si vous annonciez ce soir qu’il y aura un amendement en ce sens au Sénat, l’équivoque serait levée.

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton – sans doute pour poursuivre un débat qui était clos, mais qui semble passionner beaucoup d’entre vous !

M. Gilles Lurton. Madame la ministre, je souhaiterais me référer au texte de l’amendement n1878 rectifié, même sous-amendé. L’article L. 321-13 du code de l’environnement que crée l’amendement prévoit qu’« il peut être institué par les collectivités territoriales ou par les établissements publics qui contribuent à la gestion d’une aire maritime protégée mentionnée à l’article L.334-1 une redevance ». Or, selon l’article L. 334-1 du code de l’environnement, ce sont tous les parcs nationaux ayant une partie maritime, toutes les réserves naturelles ayant une partie maritime, tous les arrêtés de biotopes ayant une partie maritime, tous les parcs naturels marins et tous les sites Natura 2000 ayant une partie maritime – et il y en a en Bretagne, madame la ministre – qui sont concernés !

Nous allons créer avec cet amendement un précédent qui nuira considérablement à la plaisance de notre pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Giacobbi et nous en resterons là pour cette discussion qui ne concerne pas l’amendement n° 75, dont personne n’a parlé.

M. Paul Giacobbi. Nous venons d’introduire dans notre règlement une nouvelle disposition de facto qui prévoit, après la discussion et le vote, l’exégèse du vote en séance. Je ne l’avais encore jamais vu, mais on apprend à tout âge !

M. Benoist Apparu. Il faut une présidence plus stricte !

M. Paul Giacobbi. Je rappelle à nos collègues, pour les rassurer et être précis tout à la fois, qu’ils ont voté un sous-amendement prévoyant que le montant de cette redevance ne peut être liquidé que par les collectivités territoriales ou leurs établissements publics. Je répète donc que ce dispositif ne peut s’appliquer ailleurs.

Cela étant, l’argument soulevé par M. Apparu me paraît justifié… bien que le caractère maritime de sa circonscription ne soit pas évident.

M. Benoist Apparu. Je confirme !

M. Paul Giacobbi. Je suggère donc, madame la ministre, que nous puissions tirer profit de la navette pour perfectionner le texte, afin que les questions soulevées par nos collègues, après tout bien légitimes, n’aient plus lieu d’être.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. C’est d’accord !

(L’amendement n75 n’est pas adopté.)

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures quarante, est reprise à vingt-deux heures cinquante.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n67.

M. Marc Le Fur. Je voudrais profiter de cet amendement pour relancer un sujet que je sais sensible et qui préoccupe énormément nos concitoyens, celui de la loi littoral. Du fait de ses excès, il arrive que la loi littoral fige complètement la construction sur nos communes littorales en raison de son application à l’ensemble de la commune et non simplement à la bordure immédiate. Nous aboutissons à des situations aberrantes comme l’illustrent certaines anecdotes particulièrement révélatrices. Un projet de tour de séchage du lait, dans un commune littorale du Finistère, Plouvien, avec à la clé la création possible de 70 emplois, avait fait l’unanimité localement. Or, la loi littoral l’interdisant, il a fallu que la commune renonce à une partie de son territoire au bénéfice de la commune voisine, laquelle n’est pas soumise à la loi Littoral, pour permettre la réalisation de ce projet ! L’investissement n’est pas encore finalisé car, comme toujours dans notre beau pays, ceux qui entreprennent se heurtent à de nombreux obstacles. Voilà une première conséquence de la loi littoral.

Deuxième conséquence, dont nous devons être conscients : nous sommes en train de spécialiser socialement l’espace. Jusqu’à présent, cette région que je connais bien, tout comme vous, madame la ministre, ne souffrait pas de ce phénomène et tout le monde vivait ensemble, aussi bien les gens issus de classes aisées que des classes moyennes ou plus modestes. C’était un plus social. À présent, l’espace constructible dans les communes littorales est devenu si cher qu’il est quasiment impossible de construire, ce qui en chasse les classes moyennes ou modestes.

Cet amendement ne remet pas en cause le caractère essentiel de la loi littoral mais il tend à faciliter les dérogations, en particulier en matière de services publics. Ces communes doivent pouvoir vivre ! Je pense notamment à la région vannetaise où un certain nombre de services publics ne peuvent plus s’installer – les canalisations, les eaux etc….

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Avis défavorable pour trois raisons. Tout d’abord, ce texte ne se rapporte pas aux règles d’urbanisme et cette disposition serait un cavalier.

Surtout, une partie des interrogations de M. Le Fur trouve un début de réponse dans l’article 6 que nous avons adopté en préservant des dispositions introduites au Sénat par Mme Odette Herviaux et qui permettront, dans le cadre des schémas régionaux d’aménagement du territoire qui seront opposables aux SCOT, de déroger pour partie à la loi Littoral afin de faciliter un certain nombre de projets d’aménagements.

Enfin, à l’occasion de la loi MAPTAM, nous avons adopté le principe que les intercommunalités étaient en charge de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations, compétence qui n’est simple ni à prendre ni à mettre en œuvre, à tel point qu’aujourd’hui encore – j’en profite pour en remercier le Gouvernement et ses services –, les principales associations d’élus du bloc local étaient reçues par le Gouvernement pour travailler à la mise en œuvre de cette compétence GEMAPI – la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations. Dans le cadre de cette compétence, les questions de risques seront abordées. Pour toutes ces raisons, avis défavorable car il serait prématuré de revenir ainsi sur la règle comme vous le proposez, monsieur le député. Je vous suggère de retirer votre amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je ne reprendrai pas les arguments du rapporteur. M. Le Fur soulève un point sur lequel beaucoup de communes littorales s’accordent : du fait de la loi littoral et de la bande des cent mètres, les constructions sont repoussées à un second rang géographique où se retrouvent parfois les meilleures terres – le problème se pose de la même manière dans les zones de montagne.

Nous devons prendre en compte la protection du littoral et quelques risques spécifiques comme celui des algues vertes mais le problème que vous soulevez doit être réglé. Un certain nombre de villes ou de villages sont construits autour de friches inexploitables. Il arrive que ces communes soient très distendues en bordure de littoral car, entre les années 1950 et 1975, date de leur interdiction, peu de gens ont été attirés par ces constructions. Nous avons demandé à ces villes, ces villages, ces hameaux d’assainir leur territoire – ramassage des ordures ménagères, délimitation des zones fragiles et submersibles, etc – ce qui m’amène à penser que nous pourrions réfléchir à des droits à construire.

Dans le cadre du pouvoir réglementaire des régions, l’excellent travail de deux sénateurs, Odette Herviaux et Jean Bizet, a permis une ouverture à l’article 6 sur le pouvoir d’adaptation – c’est exactement ce qu’il vient de se produire sur un autre sujet que je ne veux pas rouvrir mais l’adaptation devra être suivie d’une régularisation de la demande au niveau du Parlement, pour poser un certain nombre de boucliers et éviter ainsi que l’on ne déroge trop facilement aux règles sur des questions sensibles.

Votre amendement, monsieur le député, ne peut pas être accepté mais nous savons qu’il faudra avancer pour éviter que les meilleures terres agricoles ne disparaissent. Peut-être pouvez-vous dans ces conditions le retirer et nous nous retrouverons à l’article 6.

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Cet amendement me laisse perplexe car la protection du littoral est essentielle. Je comprends qu’il faille faire preuve de souplesse dans certains cas, mais si nous laissons le littoral libre, tout le monde voudra y construire sa maison ! Or, depuis une vingtaine d’années, la Bretagne intérieure, dont je suis issu, s’est repeuplée grâce, justement, à la pression trop importante qui s’exerçait sur la côte et qui a repoussé les gens vers l’intérieur. Des communes en perdition dans les années 1980 se sont repeuplées – je pense à l’une d’elles en particulier, dont nous avons failli fermer l’école mais qui compte aujourd’hui quatre classes et qui a retrouvé sa population du XIXsiècle.

Faisons attention à la loi littoral car l’intérieur de la Bretagne pourrait y perdre ses habitants. Je sais que M. Le Fur sera sensible à cet argument. Nous avons besoin de cet équilibre et de cet aménagement du territoire.

Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Moreau.

M. Yannick Moreau. Je tiens à saluer la proposition de bon sens de mon collègue Marc Le Fur car la modification qu’il propose est vraiment sans importance mais pourrait faciliter la vie de tout le monde, sans porter atteinte aux principes fondamentaux de la loi littoral.

Cette loi s’applique avec la même rigueur – le même aveuglement pourrais-je dire – à quelques mètres du rivage ou à dix kilomètres à l’intérieur des terres lorsque l’on se trouve sur le territoire d’une commune littorale.

M. Le Fur propose simplement d’apporter à ce dispositif une petite correction de bon sens afin de continuer à protéger le littoral sans condamner les communes littorales à l’immobilisme dans un pays frappé par la crise. Le développement de ces communes appelle l’adoption de cet amendement, comme en témoignent l’affaire de la tour de séchage de lait mais aussi les campings « rétrolittoraux » qui ont beau se situer à dix kilomètres de la côte, sont soumis aux mêmes règles, même s’ils ne correspondent pas une urbanisation. Certains mobilhomes n’ont pas de roues, d’autres disposent des réseaux d’assainissement et d’électricité, mais ils ne sont pas considérés comme de l’urbanisation et l’on applique de manière implacable les règles de la loi Littoral.

Ce n’est pas le sujet de ce texte mais ce serait l’occasion, pour une fois, d’apporter une correction de bon sens.

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. Je soutiens moi aussi cet amendement, que j’ai d’ailleurs cosigné. Je partage votre point de vue, madame la ministre, selon lequel le rapport que la sénatrice Herviaux et le sénateur Bizet ont rédigé concernant les aménagements pouvant être apportés à la loi Littoral est excellent.

Hélas, tous les amendements découlant de ce rapport, qu’ils soient présentés au Sénat ou à l’Assemblée nationale, sont systématiquement refusés. Ce fut le cas de l’amendement portant sur les fameuses « dents creuses » des hameaux – ces espaces non bâtis situés entre deux maisons et sur lesquels on pourrait parfaitement construire un logement s’ils n’étaient pas protégés par la loi Littoral – qui a été rejeté à trois reprises lors de l’examen de la loi d’avenir pour l’agriculture. Je l’ai à nouveau déposé avec M. Le Ray lors de l’examen de la loi pour la croissance et l’activité de M. Macron : il a subi le même sort. Aujourd’hui, nous allons une nouvelle fois manquer l’occasion de résoudre quelques légers problèmes qui se posent sur le littoral et, ce faisant, de répondre aux préoccupations de nombreux maires.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Je remercie M. le rapporteur et Mme la ministre de nous avoir apporté des réponses argumentées qui vont dans le sens que je souhaite. Comme mes collègues, je regrette néanmoins que l’on en reste au rapport, certes intéressant, de nos collègues sénateurs, et que l’on s’en tienne aux bonnes intentions – même si elles ont le mérite d’exister – sans avancer concrètement.

Je le dis à nos collègues qui n’ont pas ces préoccupations : dans de nombreuses régions, les communes littorales sont très étendues et comprennent des quartiers très éloignés de la mer. Or, la loi Littoral s’y applique, même si l’on n’y voit pas la côte. Voilà la véritable contrainte !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. En effet. C’est même le cas à Morlaix !

M. Marc Le Fur. Autre élément, dont nous n’avions pas encore pris conscience il y a seulement quelques années : nous sommes de fait en train d’interdire le littoral aux populations modestes. Il est vrai que ces populations peuvent se reporter sur d’autres régions qui en bénéficieront, monsieur Molac, mais je suis défavorable à l’instauration d’une discrimination – un apartheid, dirait notre Premier ministre – qui n’aurait pas de sens. Les gens doivent se mêler ; j’y vois un véritable enjeu politique, au sens premier du terme. Les gens doivent vivre ensemble, quels que soient leurs revenus. Or, aujourd’hui, nous spécialisons nos communes littorales en faveur d’une clientèle aisée, voire très aisée. Ce n’est pas la tradition de la Bretagne, qu’ont évoquée plusieurs orateurs.

Toutefois, au vu des propos encourageants des uns et des autres et, surtout, du Gouvernement, et puisque je suis d’un naturel positif, je retire mon amendement en espérant que le rapport sénatorial, comme le disait M. Lurton, finira par se traduire dans les faits.

(L’amendement n67 est retiré.)

Article 18

Mme la présidente. La parole est à M. Maurice Leroy.

M. Maurice Leroy. Le Parlement a autrefois adopté les lois portant diverses dispositions d’ordre social, ou d’ordre économique et financier, ou encore des lois d’habilitation. Au rythme où nous voguons, j’ai le sentiment que nous inventons depuis trois semaines – le temps passe si vite – une loi d’adaptation des diverses exceptions à l’organisation territoriale de la République. Nous aurions d’ailleurs pu déposer un amendement sur le titre du projet de loi, madame la ministre, afin qu’il s’intitule précisément ainsi.  (Sourires.)

Comme chacun sait, les intercommunalités actuelles ont été créées suite à la réforme de 2010. Avant cette réforme, la plupart des communautés de communes n’étaient pas des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et ne regroupaient pas plus de cinq mille habitants. En outre, certaines d’entre elles sont devenues des communautés d’agglomération. Enfin, toutes doivent désormais gérer de nombreuses compétences nouvelles.

M. Piron et moi-même vous l’avons dit tout au long du débat, et nous continuerons de le faire : avant d’envisager le renforcement supplémentaire des compétences obligatoires des intercommunalités, n’est-il pas urgent de leur laisser le temps de mettre en œuvre celles qui leur ont été confiées puis d’analyser la situation ? La loi permet d’ores et déjà de renforcer les transferts de compétences des communes vers les intercommunalités dans les conditions du droit commun si les communes membres en décident ainsi.

Faisons donc confiance à l’intelligence locale et laissons les élus et les territoires appliquer les politiques publiques qu’ils souhaitent partager pour les rendre plus efficaces !

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Cet article 18 est capital puisqu’il définit les compétences communautaires. Il relève du titre II qui s’intitule « Des intercommunalités renforcées ».

Certes, votre projet de loi renforce les intercommunalités sur le plan démographique, le seuil réglementaire étant fixé à vingt mille habitants – même s’il a été assorti de nombreuses « adaptations », selon le terme employé par M. le rapporteur. Cet article constitue-t-il pour autant un véritable renforcement des intercommunalités ? Je n’en suis pas certaine.

En effet, l’élargissement des compétences obligatoires prive les intercommunalités de leur libre arbitre et de leur libre administration en leur imposant des compétences sans leur permettre de définir leurs propres priorités. L’obligation qui leur est faite de rendre certaines compétences naturelles – en matière économique, par exemple – compatibles avec le schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation, revient en quelque sorte à leur imposer une tutelle.

M. Philippe Vigier. Très bien !

Mme Annie Genevard. À vrai dire, il s’agit d’une tutelle quelque peu artificielle car il n’existe pas toujours d’adéquation étroite entre le niveau régional et le niveau local.

Mme Christine Pires Beaune, rapporteure pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Au contraire : cela revient à mettre un pilote dans l’avion !

Mme Annie Genevard. En somme, cet article 18 trahit une fois de plus la méfiance qu’éprouve le Gouvernement à l’égard des collectivités !

M. Maurice Leroy. Hélas !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Baumel.

M. Philippe Baumel. Cet article 18 offre notamment aux communautés de communes la possibilité de prendre une compétence optionnelle et de créer ou de gérer des maisons de services au public. L’excès de sentiment d’abandon et d’apparente désertification ne saurait demeurer sans réponse. Il faut pour cela adapter et innover tout en respectant un objectif de proximité et, surtout, d’égalité d’accès aux services publics partout sur le territoire national. Dès lors, ces espaces mutualisés constitueront de véritables relais de l’action publique et une porte d’accès privilégiée aux services pour l’ensemble des citoyens.

Le Gouvernement s’est fixé comme objectif la création de mille maisons de services au public d’ici 2017 qui, assorti au fonds d’aide au développement du territoire, permettra à ce dispositif de couvrir tout le territoire. Sera ainsi reconstitué un maillage gravement mis à mal depuis une décennie. Sans doute aurons-nous alors restauré pour partie l’égalité entre citoyens des campagnes et citoyens des villes.

C’est un dispositif concret, efficace et protecteur qui nous est ici proposé, et une belle idée à implanter concrètement dans nos territoires.

Mme la présidente. La parole est à M. Joaquim Pueyo.

M. Joaquim Pueyo. Je suis favorable à cet article 18. Je prendrai deux exemples : la promotion du tourisme et la gestion des aires d’accueil des gens du voyage. Le dispositif proposé est de nature à mieux assurer ces deux missions, qui ont en commun de nécessiter que soit conduite une réflexion en cohérence avec les schémas départementaux ou régionaux.

En matière touristique, par exemple, il est à mon sens indispensable d’attribuer aux intercommunalités cette compétence qui s’inscrit dans une politique territoriale. La coordination entre les membres d’une même intercommunalité permettra de mettre en œuvre une politique plus cohérente, alors que notre pays est la première destination touristique mondiale avec plus de 84 millions de voyageurs. De ce point de vue, lors des dernières assises du tourisme qui ont eu lieu en juin dernier, les professionnels du secteur nous ont indiqué qu’il fallait plus de cohérence, de travail et de cohésion. Je considère que cet article répond à ce besoin.

Deuxième exemple : les aires d’accueil des gens du voyage. Nous éprouvons actuellement des difficultés à en créer, d’où la présence de stationnements illégaux sur des aires municipales, dans des zones de développement économique et sur des espaces privés, qui provoquent souvent de violents conflits entre les habitants et les gens du voyage. L’attribution de cette compétence aux intercommunalités permettra de résoudre une partie des problèmes et imposera aux communautés de communes de travailler entre elles avec davantage de solidarité dans le cadre d’un schéma départemental qui existe déjà et que valident l’État et les départements.

Mme la présidente. La parole est à M. Germinal Peiro, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.

M. Germinal Peiro, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. L’article 18, qui concerne les compétences des communautés de communes, vise notamment à ajouter aux compétences obligatoires la promotion du tourisme, dont la création d’offices du tourisme.

Le texte initial évoquait la promotion du tourisme « par la création d’offices du tourisme ».

Mme Marylise Lebranchu, ministre. C’est exact.

M. Germinal Peiro, rapporteur pour avis. Suite aux travaux du Sénat, qui a transformé cette compétence obligatoire en compétence optionnelle, la commission des lois l’a modifiée en rédigeant ainsi le texte : « la promotion du tourisme, dont la création d’offices du tourisme ». Elle reconnaît ainsi le fait que la promotion du tourisme peut emprunter d’autres voies que la création d’offices du tourisme.

Je souhaite demander à Mme la ministre de préciser deux points. Tout d’abord, il est évident que la compétence relative à la promotion du tourisme exclut toute gestion. En commission des lois, M. Gaymard a suscité un débat concernant les stations de ski, mais ce débat aurait tout aussi bien pu porter sur la gestion des bases nautiques, des plans d’eau, de grottes ou encore de parcs de stationnement. Il va de soi que la compétence relative à la promotion du tourisme n’est pas assortie de la liste précitée des équipements à gérer – c’est la première précision que je vous demande de confirmer.

D’autre part, la compétence relative à la promotion du tourisme entraîne-t-elle le transfert de la taxe de séjour ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Non.

M. Germinal Peiro, rapporteur pour avis. Cette question est très souvent revenue au cours des auditions que nous avons conduites. Nombreuses sont les communes qui craignent d’abandonner la taxe de séjour au profit de leur communauté de communes, qui n’a pourtant pas les mêmes besoins. Or, les communes touristiques qui la perçoivent l’utilisent car elles en ont réellement besoin. Ce point suscite donc une inquiétude.

Telles sont donc les deux précisions que je vous demande d’apporter, madame la ministre.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Bleunven.

M. Jean-Luc Bleunven. Cet article 18 a pour objet d’élargir le champ des compétences des communautés de communes qui leur sont transférées par les communes membres, que ces compétences soient obligatoires ou optionnelles. En adoptant un amendement de réécriture globale de l’article présenté par M. le rapporteur, la commission des lois a rétabli le caractère obligatoire de la compétence relative à la promotion du tourisme qui est attribué aux communautés de communes, et nous devons nous en réjouir.

Nos opposants ne peuvent pas d’un côté arguer du fait que les collectivités souffrent de la baisse des dotations de l’État tout en souhaitant de l’autre conserver une architecture territoriale inchangée.

À cet égard, il existe dans ma circonscription une communauté de communes qui compte presque autant d’offices du tourisme que de communes, et donc autant de stratégies de promotion du tourisme dans un rayon de quelques kilomètres – cela n’a pas de sens.

D’autre part, la commission a inséré de manière explicite la compétence relative à la politique locale du commerce et au soutien aux activités commerciales d’intérêt communautaire parmi les composantes de la compétence obligatoire en matière de développement économique, afin notamment de donner aux communautés de communes la possibilité de mettre en œuvre une politique de sauvegarde et de développement du commerce de proximité ; c’est une bonne chose.

Les communes sont aujourd’hui confrontées au phénomène de la baisse de leurs dotations budgétaires. La reconnaissance du fait intercommunautaire, au même titre que la création de communes nouvelles et que le mouvement de simplification administrative, sont autant de leviers mis à la portée de toutes nos collectivités afin qu’elles puissent faire face à l’évolution inéluctable de la redistribution de l’argent de l’État vers les collectivités locales.

Dans ce contexte, et quelle que soit la majorité gouvernementale, les élus locaux ont un choix à faire : subir en laissant entendre que l’État est responsable de tout, ou agir en faisant preuve d’innovation dans la création d’une organisation territoriale efficace, attractive et pérenne au service de la population.

Avec cet article 18, nous répondons ainsi à plusieurs besoins, dont l’un est primordial : rendre l’action de nos collectivités lisible et compréhensible par l’ensemble de nos concitoyens. C’est la première étape à franchir pour parvenir à réconcilier la population avec l’action publique.

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Je rappelle à mon tour que cet article 18, dont nous avons longuement débattu en première semaine d’examen du texte, réaffirme ce que nous avions alors dénoncé : le bloc intercommunal sera désormais sous la double tutelle du préfet de région et du conseil régional, puisque toutes les décisions devront être conformes au schéma régional qui sera prescriptif et, pour la première fois, arrêté par une signature de l’État par l’intermédiaire du préfet de région.

M. Maurice Leroy. Très juste !

M. Martial Saddier. C’est une véritable mise sous tutelle du bloc communal – une double tutelle, régionale et préfectorale – et un transfert automatique d’un certain nombre de compétences au bloc intercommunal.

Je voudrais également revenir sur l’inquiétude exprimée par les professionnels du monde du tourisme. Il faut rappeler qu’un certain nombre de nos territoires dépendent à 100 % de l’activité touristique. Sachant que la loi va transférer automatiquement 100 % de l’activité de leur territoire au bloc intercommunal, on peut comprendre l’inquiétude des populations et des professionnels du tourisme, comme des élus.

Je remercie le rapporteur pour avis Germinal Peiro d’avoir soulevé un certain nombre d’interrogations concernant les stations de ski, et notamment le devenir des offices du tourisme. Les offices communaux deviendront intercommunaux, ce qui suppose des budgets extrêmement importants et du personnel en grand nombre. Surtout, ils auront en charge la gestion des stations de ski nordique et alpin, dont les budgets sont tellement énormes qu’il est inconcevable qu’elles soient entièrement transférées au bloc intercommunal du jour au lendemain.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Lamblin.

M. Jacques Lamblin. L’article 18 met en lumière l’inconvénient de la mesure technocratique qui vous a conduite hier, madame la ministre, à imposer aux intercommunalités un seuil de 20 000 habitants. Pour des raisons essentiellement financières, l’extension des intercommunalités en secteur rural est à peu près incompatible avec l’approfondissement des compétences. En effet, le mariage forcé que va induire l’extension des intercommunalités aura nécessairement un impact financier sur certains partenaires du futur regroupement, et il est à craindre que l’augmentation des prélèvements fiscaux qui s’ensuivra ne contraigne les dirigeants de ces intercommunalités à renoncer à l’approfondissement de certaines compétences.

Manifestement, il n’y a aucune coordination entre les différentes décisions. Parmi les compétences obligatoires figurera en effet – même ce si ce n’est pas du fait de ce projet de loi – la compétence « inondations », dont l’impact financier est considérable. Sachant que le ministre du budget va en outre prélever les ressources des organismes censés aider à lutter contre les inondations, on comprend que certains membres du Gouvernement vont compliquer la tâche des intercommunalités pour des raisons financières. En voulant étendre encore les compétences des intercommunalités, on va les placer dans une situation financièrement ingérable.

Mme la présidente. La parole est à M. Gwenegan Bui.

M. Gwenegan Bui. Les inquiétudes que vous évoquez n’ont pas lieu d’être, et c’est particulièrement vrai pour les territoires ruraux, car l’article 18 résonne comme un appel et un signe de confiance dans ces territoires, qui viennent renforcer les EPCI que sont les communautés de communes.

Ces espaces se renforcent chaque jour, et les problématiques partagées en matière de développement économique et de solidarité sont de plus en plus prégnantes. Cela se traduit par des projets communs à plusieurs communes. C’est mieux que des transferts financiers. C’est déjà bien, mais ce n’est pas suffisant.

Cet article est important, car il prévoit la montée en puissance parallèle des communautés d’agglomération et des métropoles. Si nous voulons que tout le territoire de la République reste compétitif et attractif, il faut donner aux communautés de communes les moyens de se doter des mêmes armes.

Tel est l’objet de cet article, qui renforce les compétences obligatoires et donne des compétences optionnelles qui permettront aux élus locaux de répondre de façon différente, parce que la France n’est pas uniforme, aux besoins de leur territoire. C’est bien un signe de confiance et un gage de croissance.

Cet article va nous conduire à beaucoup parler de tourisme. Permettez-moi à cet égard d’insister sur l’ajout du rapporteur concernant l’inscription des politiques locales du commerce et le soutien aux activités commerciales d’intérêt communautaire. Cela concerne essentiellement les commerces de centre-ville des villes de taille moyenne, qui se trouvent aujourd’hui en grande difficulté, ainsi que les commerces de centre-bourg pour lesquels nous nous battons quotidiennement avec les élus locaux.

L’article 18 donne ainsi aux communautés de communes la capacité de soutenir le développement économique de proximité. Le développement économique, ce n’est pas seulement l’innovation, l’industrie et les zones d’activité : c’est aussi le commerce et l’artisanat. Et c’est le signe envoyé par cet article.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Launay.

M. Jean Launay. Les communautés de communes sont une réalité qui a largement prospéré, et nous travaillons encore à les renforcer, que ce soit par le biais du seuil ou par celui des compétences.

J’interviens dans le cadre de l’article 18 pour évoquer le sujet particulier de la compétence « eau et assainissement », en ma qualité de président du Comité national de l’eau et avec la connaissance qui est la mienne du développement des syndicats sur le territoire.

Le Gouvernement a déposé sur cet article des amendements visant à organiser le transfert automatique des compétences en matière d’eau potable et d’assainissement à tous les EPCI à fiscalité propre. Je souscris à cet objectif de rationalisation des 35 000 services publics d’eau et d’assainissement qui existent dans notre pays. Cela répond, faut-il le rappeler, à une recommandation de la Cour des comptes, formulée ici même, le 11 février dernier, par son premier président Didier Migaud, mais aussi à une mesure contenue dans la feuille de route pour la transition écologique issue de la table ronde sur la politique de l’eau qui s’est tenue dans le cadre de la Conférence environnementale de 2013.

Sur le plan de la rationalisation, l’attribution de compétences en matière d’eau potable et d’assainissement aux EPCI à fiscalité propre à l’échelle du bassin de vie supprimera de facto l’émiettement des responsabilités entre les petites communes isolées, qui représentent 74 % des autorités organisatrices des services publics de l’eau, et 89 % en matière d’assainissement. Ce regroupement en intercommunalités sera donc utile.

Il convient néanmoins de pérenniser les structures qui exercent efficacement des missions dans le domaine de la gestion des rivières et des milieux aquatiques. Il s’agit de syndicats mixtes qui se sont structurés pour exercer ces compétences selon des logiques de territoire, en cohérence avec des équipements structurants ou avec le périmètre hydrographique des bassins versants. Il est important de ne pas les déstabiliser. Je reprendrai donc la parole sur cette question à l’occasion d’un amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier.

M. Guillaume Chevrollier. L’article 18 montre bien les difficultés que nous rencontrons en matière de transfert de compétences. Je prendrai pour les illustrer l’exemple du tourisme, dont la transversalité rend difficile l’attribution exclusive de cette compétence à un niveau particulier de collectivité.

Quel est l’échelon le plus adéquat ? Les différentes versions de cet article, au cours des lectures, montrent la complexité de la question. Le Sénat, dans sa sagesse, a confié la promotion du tourisme aux communautés de communes, mais au titre des compétences optionnelles. La commission a rétabli la compétence obligatoire. La souplesse paraît pourtant s’imposer dans ce domaine. Une commune touristique doit pouvoir choisir de coopérer ou non avec l’intercommunalité. En effet, elle peut détenir un patrimoine touristique qui lui est propre et qu’elle entend promouvoir de manière indépendante, sans se voir imposer des choix par les autres communes.

Je profite de cet article pour vous alerter, mes chers collègues, sur les rigidités que créent trop souvent nos lois. C’est ainsi que j’ai été alerté par les habitants d’une commune touristique de ma circonscription de Mayenne, la belle commune de Sainte-Suzanne, que la loi Macron va obliger à trouver un accord social avec les organisations syndicales si elle veut garder ses commerces ouverts le dimanche, principal jour d’affluence des promeneurs et des touristes. Cette disposition est particulièrement inadaptée au tourisme en zone rurale.

Mes chers collègues, ne créons pas de nouvelles rigidités préjudiciables à nos collectivités. Au contraire, donnons-leur davantage de souplesse et de liberté. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, votre projet de loi peut être interprété selon deux niveaux de lecture. Le premier est local : vous collectivisez tout ce que les élus ont tenté de faire, particulièrement en zone rurale. En haut de l’échelle, rien ne résout les conflits inéluctables, en particulier en matière économique, entre la métropole et la région ; plus bas, vous imposez aux collectivités territoriales et aux communautés de communes rurales un ensemble de compétences qui vont considérablement augmenter leurs coûts de fonctionnement.

Nous avons déjà parlé du tourisme. L’article 18 comporte un alinéa quelque peu pervers. Jusqu’à présent, seules les communes de plus de 5 000 habitants étaient tenues d’avoir une aire de stationnement pour les gens du voyage. Demain, la majorité des communautés de communes de France auront plus de 5 000 habitants, ce qui va provoquer une inflation de l’aménagement d’aires pour les gens du voyage, dont nous n’avons objectivement pas besoin aujourd’hui, les conflits de sécurité ne se produisant pas avec les soi-disant voyageurs, mais avec des semi-sédentaires. Allez voir les exploitants agricoles qui voient chaque année 6 000 litres de fioul disparaître de leurs exploitations ! De grâce, allez les voir et essayez de répondre à cette question !

À trois semaines des élections départementales, oserons-nous dire aux élus que le Gouvernement leur demande d’aménager encore plus d’aires de stationnement pour les gens du voyage ? Les ruraux comprendront bien mieux que vous, madame la ministre, ce dont je veux parler.

Votre gouvernement étant incapable d’avoir une vision constructive pour la France de demain, comme de résoudre l’équation budgétaire…

M. Patrick Mennucci. Oh là là !

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis. Toujours aussi caricatural !

M. Nicolas Dhuicq. …vous faites en sorte de promouvoir une loi qui impose des transferts de compétences, et majoritairement des transferts de charges de l’État vers les collectivités locales. Votre projet de loi n’intègre en rien la question de la fiscalité. Vous forcez les élus locaux à augmenter les impôts locaux au moment où l’État se désengage en réduisant massivement les dotations des collectivités territoriales. C’est très malin sur le plan politicien, mais c’est délétère au niveau de la construction de la Nation française !

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis. Les caricatures, cela suffit !

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Cet article aborde la question des compétences. Je rappelle simplement que malgré les très nombreuses adaptations et dérogations en tout genre, qui montrent la difficulté d’épouser par une loi uniforme la diversité des territoires, l’obligation d’élargir les périmètres à 20 000 habitants ne va pas faciliter l’absorption de ces compétences. Je le répète, il ne s’agit pas seulement d’administrer les communautés de communes, mais aussi de les gouverner. Or ce n’est pas tout à fait la même chose ; c’est même parfois très différent.

Ma deuxième observation porte sur la complexité du domaine touristique. Sur ce sujet, nous aurons très probablement l’obligation d’une compétence partagée. Il ne faut jamais oublier que le nom de certaines communes est une véritable marque. Dans ce cas, le transfert du tourisme à l’intercommunalité peut soulever certaines questions, qui devraient pouvoir être résolues dans le cadre de compétences intelligemment partagées. Faisons confiance à la subdélégation.

J’insiste sur un troisième point, qui me paraît fondamental. L’alinéa 5 de l’article évoque des « actions de développement économique d’intérêt communautaire dans le respect du schéma régional de développement économique ». On aurait au moins pu dire «  dans le respect des orientations du schéma régional ».

Mme Marie-Christine Dalloz. Bien sûr, c’est une tutelle !

M. Michel Piron. Autrement dit, vous ajoutez une couche au caractère prescriptif d’un schéma qui, dans les très grandes régions, sera établi en l’absence de co-délibération des communautés concernées. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UDI et du groupe UMP.)

M. Maurice Leroy. Malheureusement !

M. Michel Piron. Nous en avons débattu la semaine passée, et nous avons demandé que les communautés qui auront cette responsabilité soient co-élaboratrices et co-délibératrices, avec les régions, de ce schéma, quitte à ce que l’État exerce le contrôle de légalité. Nous en sommes très loin. Cet article confirme toutes mes craintes, et je vous prédis la paralysie programmée des projets territoriaux si nous conservons cet article dans sa rédaction actuelle.

M. Maurice Leroy. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, je vous entends depuis quelques longues minutes parler de rationalisation, de mutualisation. Ce sont les termes que vous mettez en avant pour accompagner tous vos projets de loi.

Nous pourrions peut-être parvenir à un accord sur le fond, mais la réalité, c’est que vous voulez impérativement adopter une organisation dont vous décidez. Or en matière de tourisme, cet article 18 comporte un risque : celui de placer les intercommunalités sous la coupe – sous la tutelle – des régions, puisque ce sont elles qui devront définir un schéma régional.

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis. Il faut bien un chef de file !

M. Jean-Luc Laurent. Chef de file ne veut pas dire tutelle.

Mme Marie-Christine Dalloz. Comment pouvez-vous ainsi concevoir de mettre une intercommunalité sous la tutelle et sous l’emprise d’une orientation régionale ? C’est proprement inadmissible. En outre, comme l’a rappelé mon collègue Saddier, les territoires de montagne, notamment ceux dans lesquels sont implantées des stations de ski, se distinguent par des marques différentes, qui devront cohabiter au sein d’une même communauté de communes. Comment communiquer sur ces marques aux dénominations différentes, parfois concurrentes, et comment organiser leur promotion au sein de massifs, qu’ils soient alpins ou jurassiens ?

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis. Vous ne connaissez pas la définition du chef de filat.

Mme Marie-Christine Dalloz. Votre dispositif ne leur assure aucune visibilité. Or la promotion de chaque station est spécifique : c’est une réalité. Je ne vois donc pas comment l’intercommunalité peut l’organiser. Enfin, madame la ministre, pouvez-vous nous dire quel sera l’avenir des syndicats de développement touristique ? Cela existe : je puis citer dans ma circonscription le syndicat de développement touristique de la station des Rousses, qui ne fait pas partie de l’intercommunalité, puisqu’il s’agit d’un syndicat à vocation exclusive.

Que fait-on, par ailleurs, des sociétés de gestion des stations de ski ? Elles existent également, et assurent la promotion de certaines stations. La réalité, c’est que votre texte s’apparente aujourd’hui à un fourre-tout.

Vous avez une vision très dogmatique et directive, mais péchez par manque de connaissance de nos territoires. Cette vision appauvrira le tourisme.

M. Carlos Da Silva. Bien sûr, nous n’avons aucune expérience en matière de tourisme !

Mme Estelle Grelier. Il ne faut pas exagérer ! Un peu de modération !

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je me fais le porte-parole de Marc Dolez, contraint de prendre quelques jours de repos forcé. Je le précise, car je vais profiter de cette intervention pour défendre l’amendement n1194 de suppression de l’article qu’il a déposé. Puisque ce dernier a toutes les chances d’être adopté, autant que son auteur en ait le bénéfice. (Sourires.)

Première observation : les intercommunalités actuelles ont pu évoluer à la suite de la réforme introduite par la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales. Auparavant, la plupart des communautés de communes n’étaient pas des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. Beaucoup d’entre elles se sont ensuite regroupées pour dépasser le seuil de 5 000 habitants. Certaines d’entre elles sont devenues des communautés d’agglomération. Elles doivent donc, depuis 2010, gérer de nombreuses compétences nouvelles.

Deuxième observation : avant d’envisager un renforcement supplémentaire des compétences obligatoires des intercommunalités, nous pourrions leur laisser le temps de mettre en œuvre celles qui leur ont déjà été confiées, et procéder à une analyse de leur situation avant de faire évoluer la législation.

Troisième observation : la loi permet déjà de renforcer les transferts de compétences des communes vers les intercommunalités dans des conditions de droit commun, si les communes membres en décident ainsi. En effet, un certain nombre de dispositions sont déjà prévues dans la loi pour permettre aux intercommunalités qui le souhaitent d’étendre et de renforcer leurs compétences. Je terminerai en disant que nous pensons qu’il faut faire confiance à l’intelligence locale et laisser les élus mettre en œuvre les politiques publiques qu’ils souhaitent partager et rendre plus efficaces.

M. Maurice Leroy. Très bien. C’est du bon sens.

M. André Chassaigne. Un précédent orateur parlait ainsi de l’attachement au libre arbitre et à la libre administration. Pour ma part, je vois une forme de contradiction dans certains propos qui ont été tenus : il est quand même assez curieux qu’on justifie cet article en le présentant comme une manifestation de confiance envers les communes et les intercommunalités et que dans le même temps, cette manifestation prenne la forme d’une obligation.

M. Maurice Leroy. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Je voudrais réagir aux propos tenus à l’instant par Michel Piron. Avec beaucoup de bon sens, il a rappelé l’organisation du développement économique. Si, comme beaucoup de mes collègues, je me félicite du fait qu’on rassemble dans un seul schéma le développement économique et l’aménagement durable du territoire, son caractère opposable nécessite, madame la ministre, sa co-élaboration. Comment voulez-vous concevoir au niveau régional un schéma décliné sur les territoires sans que ceux-ci aient été associés à son élaboration ?

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est n’importe quoi !

M. Philippe Vigier. Je prendrai un exemple que nous connaissons, celui des schémas régionaux de cohérence écologique, les SRCE. Comment se déclinent-ils ? On nous demande dans les territoires – je le vis dans ma région, Serge Grouard peut en témoigner – des trames verte et bleue et des Agendas 21 qui ne s’articulent pas avec les SRCE. Je vous propose donc, madame la ministre, si vous en êtes d’accord, que l’articulation des schémas régionaux soit subordonnée à une co-élaboration et à une co-décision par délibération.

En second lieu, et André Chassaigne l’a dit, les territoires dans les régions sont divers, et les actions en matière de développement économique ne peuvent naturellement être identiques sur l’ensemble du territoire régional, car il faut tenir compte des spécificités locales.

Enfin, mes chers collègues, quand on examine le financement du développement économique, quelles sont les collectivités qui y contribuent le plus ? Les communautés de communes et d’agglomération, qui y consacrent comme vous le savez, madame la ministre, des moyens bien plus importants que les régions ou les départements.

M. Maurice Leroy. Très juste.

M. Philippe Vigier. Je vous en apporte la preuve par les chiffres. Cela signifie qu’une co-élaboration doit s’exercer. Cela n’enlève d’ailleurs rien aux régions, qui ont la responsabilité de vérifier que le soutien et les aides économiques respectent bien la règle de minimis édictée par la Commission européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

Mme Monique Iborra, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. Elles n’ont que cela à faire.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Dussopt, rapporteur.

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Quelques mots sur cet article 18, ce qui me permettra de ne pas me répéter lors de l’examen des amendements. Tout d’abord, peut-être ne devrions-nous pas refaire à ce stade, comme plus tard à l’article 20, qui concernera les communautés d’agglomération, le débat que nous avons eu sur les schémas.

M. Maurice Leroy. Nous n’avons pas le choix.

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Ceci étant, nous avons adopté, à l’article 4, un amendement de réécriture déposé par des députés issus de tous les bancs, qui précise que la région est chef de file en matière touristique. Nous n’allons pas non plus reprendre le débat sur le chef de filat, mais cela signifie bien que cette compétence est partagée. Cet amendement prévoit que la région, en lien et en collaboration avec les départements, élabore un schéma régional de développement touristique auquel sont associés les EPCI.

Plusieurs députés du groupe UDI. Très bien.

M. Olivier Dussopt, rapporteur. S’agissant des communautés de communes, l’article 18 ne poursuit qu’un objectif : affirmer qu’entre les communes et les intercommunalités, la question de la promotion du tourisme, de la création et de la gestion des offices de tourisme, est une compétence qui doit être exercée au niveau intercommunal, et plus seulement au niveau communal. Pourquoi le Gouvernement et la majorité ont-ils fait le choix de renvoyer la promotion touristique au niveau intercommunal plutôt qu’au niveau communal ? Pour une raison extrêmement simple : nous considérons que le tourisme est un pan majeur du développement économique et que, dès lors que le développement économique est reconnu depuis longtemps comme une compétence obligatoire des intercommunalités, il est logique qu’elles portent également la promotion touristique.

J’insiste sur le terme de promotion touristique. Le Gouvernement répondra plus précisément que je ne peux le faire à Germinal Peiro sur le fait que la promotion touristique ne concerne ni la gestion des équipements, ni les questions relatives à la fiscalité. Il ne s’agit que de la promotion touristique. Je vous invite donc à ne pas confondre la compétence promotion touristique avec la compétence tourisme, qui est bien plus large.

Permettez-moi cependant d’ouvrir une parenthèse. Puisque nous considérons que la promotion touristique et son développement relèvent du développement économique, je pense que M. Piron a raison : la rédaction gagnerait à ce que soit précisé qu’il s’agit du respect des orientations du schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation – SRDEII –, plutôt que du respect des règles de ce schéma.

M. Philippe Vigier. Le rapporteur est à l’écoute.

M. Olivier Dussopt, rapporteur. La navette nous permettra de donner suite à la proposition de M. Piron, qui est de bon sens.

Je termine en appelant votre attention sur l’amendement n1804 que j’ai déposé à l’article 21, qui prend en compte l’inquiétude exprimée sur tous les bancs à propos de la promotion touristique. Confiée aux intercommunalités, elle priverait les communes abritant un site touristique reconnu et classé de la faculté de mener des opérations spécifiques de promotion. Cet amendement précise donc qu’un EPCI pourrait conserver sur son territoire, s’il en délibère ainsi, plusieurs offices de tourisme, dès lors qu’il compte plusieurs stations classées au sens du code du tourisme.

Afin d’être tout à fait transparent, j’ajoute que cet amendement prévoit aussi que si l’intercommunalité adoptait le principe de conserver un office de tourisme par station classée, elle devrait le faire dans le cadre d’une convention de mutualisation des moyens et des ressources, de façon à ce que les fonctions support de type ressources humaines et finances puissent être partagées entre les différents offices concernés à l’échelle de l’intercommunalité.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est une usine à gaz !

M. Maurice Leroy. Cela commençait bien, mais cela finit mal !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je ne vais pas reprendre les arguments du rapporteur. Ceci étant, je constate que la mutualisation vous enthousiasme en général davantage.

Sur le schéma relatif au développement touristique, le Gouvernement n’y était pas favorable. C’est en raison de la demande exprimée sur tous les bancs qu’il s’est rallié à cette proposition.

M. Maurice Leroy. S’il est coconstruit, cela nous va.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je rejoins le rapporteur, sauf peut-être s’agissant de la rédaction, qu’il faut examiner. Ce qu’a dit M. Piron est juste. Avec André Vallini, nous allons donc proposer, lors de l’examen du projet de loi en nouvelle lecture au Sénat, une rédaction différente.

M. Philippe Vigier. Après les élections départementales. (Sourires.)

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Peut-être faudra-t-il en effet supprimer le respect du schéma régional, et mettre davantage l’accent sur les conditions prévues à l’article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales ? Le Gouvernement va examiner ce point et les propositions, afin d’être sûr de faire la même chose dans tous les articles – sans quoi le dispositif ne serait pas applicable. L’article dit en effet que les actes des collectivités et de leurs groupements sont compatibles, ce qui n’est pas du tout la même chose. Le respect génère l’effet prescriptif. Nous n’allons pas recommencer le débat que nous avons eu au début de l’examen de ce projet de loi, mais nous progresserons sur cette question lors de son examen en nouvelle lecture au Sénat.

Je voulais répondre à Germinal Peiro, puisqu’il s’est adressé précisément au Gouvernement. André Vallini répondra aux autres questions lors de l’examen des amendements. Concernant les stations de ski et les stations thermales que vous avez citées, monsieur Peiro, il s’agit en effet d’équipements. Pour les communautés de communes, cela reste une compétence facultative, soumise par ailleurs à l’intérêt communautaire. C’est donc – vous avez raison – très différent. Vous obtenez donc satisfaction sur cette question, l’alinéa 5 de l’article 18 mentionnant les mots : « dont la création d’offices du tourisme ».

S’agissant de la taxe de séjour, elle ne « remonte » pas. Nous n’y touchons pas. Vous avez donc aussi satisfaction sur ce point.

Mme la présidente. Nous en venons à l’examen des amendements. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement de suppression n1194.

M. André Chassaigne. Je l’ai défendu lors de mon intervention sur l’article, madame la présidente.

(L’amendement n1194, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques nos 322, 574 et 1262.

La parole est à M. Martial Saddier, pour soutenir l’amendement n322.

M. Martial Saddier. Au fur et à mesure du déroulement de nos débats, les choses se révèlent claires : ce texte est acquis au fait régional, à Paris et à Lyon.

N’y voyez aucun lien avec la couleur politique majoritaire de ces deux métropoles ou de la région, mais nous l’avons encore vu il y a quelques instants avec l’amendement n1114 du Gouvernement, qui redonne discrètement un statut particulier à la métropole lyonnaise.

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis. C’est vraiment fin !

M. Martial Saddier. Quand il s’agit de Lyon, de Paris, ou des régions, tout est permis, ces collectivités ont tous les droits, notamment les schémas prescriptifs arrêtés par les préfets. Et quand il s’agit du fait communal ou intercommunal, manifestement toutes celles et ceux qui en sont responsables, surtout lorsqu’ils vivent en milieu rural, doivent être repris en main : il faut les contrôler et leur retirer l’argent qu’ils gèrent, car décidément, ceux qui animent ces territoires ruraux ne sont que des bons à rien. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDI.)

Vous m’excuserez, mais cette conception transpire tellement de vos propos que cela en devient un vrai scandale. Je vous le dis, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, très amicalement.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est notre ressenti et la France le saura.

M. Martial Saddier. Dieu sait que, depuis le début de nos débats, je me suis montré très ouvert et tolérant, mais ce que j’ai entendu il y a quelques instants me scandalise vraiment, et j’espère que ce sentiment est partagé par nombre de ceux qui vivent dans les territoires qui ne sont pas urbains.

Qu’allez-vous nous laisser au terme de ces deux semaines de débats ? Très franchement, ce n’est pas possible. Nous avons une sale manie qui consiste, pour les 577 personnes qui siègent dans cet hémicycle, à expliquer à 66 millions de Français que ce qu’ils font est mal et qu’ils doivent agir autrement. Ces 577 personnes sauraient en effet tout et expliqueraient constamment ce que les autres font mal.

Si la France est la première destination touristique au monde, mes chers collègues, si nous sommes la première station de ski au monde, c’est que, a priori, d’autres gens avant nous n’ont tout de même pas fait les choses trop mal.

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

M. Martial Saddier. Ils auraient peut-être pu faire mieux, mais l’on pourrait tout de même respecter leur travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Si l’on nous explique aujourd’hui, alors que nous sommes la première station de ski au monde, que la France est la première destination touristique au monde, que nous avons mal fait notre promotion touristique et qu’il faut la faire autrement, franchement, ce n’est tout de même pas beaucoup respecter l’histoire de notre pays.

Il n’y a eu qu’un seul amendement de suppression de l’article, madame la ministre, mais si vous aviez annoncé que la compétence sur l’eau et l’assainissement serait attribuée à titre obligatoire aux communautés de communes au lieu de l’introduire ensuite par un  simple amendement, discret, sans étude d’impact, ce qui va totalement bouleverser une nouvelle fois non le monde urbain, mais le fait rural, parce que dans l’exposé sommaire, ceux qui sont derrière vous montrent du doigt une nouvelle fois le fait rural, vous en auriez eu cinquante ou soixante, y compris peut-être de la majorité. À ce stade de nos débats, c’est tout simplement inacceptable. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n574.

Mme Annie Genevard. Je ne saurais mieux dire que M. Saddier. L’amendement est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Pélissard, pour soutenir l’amendement n1262.

M. Jacques Pélissard. C’est un plaidoyer pour l’intérêt communautaire. L’intérêt communautaire, c’est le positionnement du curseur entre ce qui doit rester à la commune et ce qui passe à l’intercommunalité. Il y a une adaptation aux territoires, pour rechercher l’efficacité et la maîtrise de la dépense publique.

En matière d’équipement, les solutions ne sont pas forcément les mêmes pour toutes les parties du territoire. Plus le territoire est vaste, et, avec 20 000 habitants il sera très vaste, plus la notion d’intérêt communautaire est importante. Conservons donc cette notion. C’est important pour l’adaptation aux territoires. Prenez l’exemple d’une bande de roulement. Elle est communautaire, elle permet la circulation des voitures, il faut une continuité. En revanche, les aménagements paysagers, les trottoirs, dépendent de chaque commune.

L’intérêt communautaire, c’est le positionnement du curseur pour bien identifier ce qui est assumé par les uns, les communes, ou par les autres, les communautés.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Ces amendements visent à réintroduire la notion d’intérêt communautaire pour les compétences obligatoires. Vu la montée en puissance des intercommunalités et l’importance des compétences obligatoires, avec un champ relativement circonscrit et connu depuis longtemps, la commission ne considère pas que ce soit nécessaire. Elle est donc défavorable à ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. André Vallini, secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale. En vous écoutant, mesdames, messieurs de l’opposition, je me dis que nous ne devons pas rencontrer les mêmes élus…

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est clair !

M. André Vallini, secrétaire d’État. …ni les mêmes citoyens.

Je circule un peu en France depuis bientôt un an, je circule beaucoup en Isère depuis de nombreuses années, et je ne rencontre quasiment que des partisans résolus de l’intercommunalité et de l’intégration communautaire.

Plusieurs députés du groupe SRC. Bien sûr !

M. André Vallini, secrétaire d’État. Les élus locaux sont d’ailleurs souvent en retard sur les citoyens.

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis. Exactement !

M. André Vallini, secrétaire d’État. Ils sont persuadés que c’est la bonne direction, mais ils ont toujours un peu peur de froisser les citoyens, peur que ces derniers vivent mal ce qui pourrait être considéré comme une atteinte à l’identité communale.

Je considère, avec tout le respect que je vous dois et que je vous porte, que vous faites preuve d’un grand conservatisme par rapport aux élus locaux et, a fortiori, aux citoyens.

Rassurez-vous, si vous pensez aux prochaines élections (Rires et exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI), parce que vous y pensez beaucoup, beaucoup plus que nous (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI),…

M. Philippe Vigier. Vous n’y pensez pas, monsieur le secrétaire d’État ?

M. André Vallini, secrétaire d’État. …dites-vous bien que les électeurs et les électrices de notre pays sont en avance sur vous par rapport à l’intercommunalité, et les élus locaux aussi, y compris sur la taille des intercommunalités et leurs compétences.

Je me tourne maintenant vers Jacques Pélissard, pour qui j’ai la plus grande estime et un profond respect. Il sait, car nous en avons souvent parlé, que la meilleure façon de sauver les communes, de sauvegarder chaque commune de France, sauf si elle veut fusionner et faire partie d’une commune nouvelle, c’est de les intégrer dans des communautés de communes plus grandes et plus puissantes, parce que plus les communautés de communes seront grandes et puissantes, avec de nombreuses compétences, plus l’échelon communal aura toute sa pertinence comme échelon de démocratie et de proximité.

Ne soyez donc pas en retard sur les élus locaux, mes chers collègues, ni sur les citoyens. Le Gouvernement est évidemment défavorable à vos amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. À trois semaines d’élections départementales, monsieur le secrétaire d’État, vous faites en sorte, avec votre gouvernement, que le département ne soit majoritairement qu’une chambre d’enregistrement pour l’ensemble des dépenses sociales, au lieu de vous pencher sur la renationalisation de la dépendance,…

M. Philippe Vigier. Il a raison !

M. Nicolas Dhuicq. …alors que ce problème grève les budgets des départements ruraux dont la pyramide des âges est inversée. Voilà qui aurait été une vraie réforme !

Au lieu de renforcer l’idée d’une solidarité nationale entre les citoyens de ce pays, vous avez créé des régions gigantesques. Vous affichez votre mépris pour les élus territoriaux qui sont devant vous, parce que, grâce à Dieu (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) et grâce au législateur, il y a encore ici des élus qui sont maires, qui ne sont pas des technocrates, des directeurs de cabinet, qui voient leurs élus quotidiennement sur le terrain, qui sont dans des communautés de communes !

Dans quel monde vivez-vous ? Vous vivez dans un monde de palais, dans un monde où, dans trois semaines, il y aura 40 % d’électeurs, et une majorité d’élus Front national ! Vous faites tout pour cela, parce que c’est la seule chance pour vous que le Président de la République, François Hollande, soit réélu en 2017.

M. Philippe Meunier. Il a raison !

M. Nicolas Dhuicq. Vous menez une politique catastrophique pour le pays ! Le chômage ne régresse pas, les impôts augmentent ! Vous ne vous souciez en rien des vrais problèmes des citoyens de ce pays, et vous venez vous moquer ici, avec votre morgue, des élus locaux qui vous parlent. L’article 18 est une forfaiture par rapport à la République (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Vigier. Que dans la dentelle !

Mme la présidente. La parole est à M. Maurice Leroy.

M. Maurice Leroy. D’abord, monsieur le secrétaire d’État, il arrive, c’est vrai, j’en conviens volontiers, que des élus locaux soient en retard par rapport à nos concitoyens, notamment sur ces questions.

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis. La sagesse de Leroy !

M. Maurice Leroy. Cela dit, si nous avons un problème, c’est bien, comme je l’ai évoqué tout à l’heure et comme je l’ai expliqué cet après-midi dans une question au Gouvernement en soulignant avec humour, car, avec humour, on peut faire passer des choses sérieuses, que vous aviez adopté la méthode du roi Dagobert, parce que votre gouvernement a pris les choses à l’envers.

Vous avez commencé par découper les cantons. Vous allez l’aimer le 22 mars au soir, et encore plus le 29 mars, ce découpage. C’est votre gouvernement qui a pris une telle décision, assumez-la !

Vous avez ensuite créé d’énormes régions, franchement bricolées sur un coin de table. Nous nous en souvenons tous, on n’a jamais vu ça dans toute l’histoire de la Ve République, le Président de la République a envoyé à la presse un projet avec des blancs, parce qu’il ne savait pas encore quel serait le nombre de régions !

Et aujourd’hui seulement, nous discutons des compétences, c’est-à-dire que les conseils départementaux se réuniront le jeudi 2 avril sans savoir – puisque la loi ne sera pas définitivement votée – quelles seront leurs compétences.

M. Philippe Meunier. Quel scandale !

M. Maurice Leroy. La voirie départementale leur sera-t-elle vraiment confiée ?

M. Philippe Meunier. Quel amateurisme !

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis. Quand a été votée la loi de 2004 ?

M. Maurice Leroy. On peut tout entendre, et Dieu sait que, depuis deux semaines ici, nous entendons beaucoup de choses dans tous les sens, mais, de grâce, pas de leçon d’un gouvernement qui, depuis le début, a pris cette réforme totalement à l’envers. Ne soyez pas surpris dans ces conditions ! Et on demandera ensuite à des gens, avec des calculettes, de comprendre pourquoi si peu de gens vont voter et pourquoi ceux qui y vont votent malheureusement pour les extrêmes. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Je suis un partisan résolu de l’intercommunalité. Cela peut apporter beaucoup, en particulier dans le domaine du tourisme. L’existence de l’intercommunalité d’un côté et de la région de l’autre permet de promouvoir un tourisme moderne, et nous en avons besoin dans un grand nombre de nos régions.

Il n’en demeure pas moins qu’à un moment donné, il faut être cohérent, et il y a des choses que j’ai du mal à comprendre.

Vous transférez cette compétence, vous faites de l’intercommunalité l’élément premier en matière touristique. Pourquoi pas ? Une fois de plus, je peux y adhérer. Mais la taxe de séjour, elle, reste communale. Comment imaginer que la compétence soit d’un côté, et la recette d’un autre ? La taxe de séjour doit être associée à une dépense liée au tourisme. C’est ce qui la justifie.

M. Germinal Peiro, rapporteur pour avis. Il n’y a pas que la promotion !

M. Marc Le Fur. On peut choisir la commune ou l’intercommunalité, mais il faut être cohérent. L’un des défauts majeurs de votre texte, c’est que vous parlez de compétences sans jamais parler des recettes. Or, à un moment donné, il faut qu’il y ait de la cohérence. Sinon, le prochain texte que vous ferez sur les recettes ne sera qu’un vaste salmigondis où il s’agira de créer des canaux de recettes pour financer les différentes compétences, alors qu’il y a des liens logiques, chacun le comprendra, comme celui entre la compétence tourisme et la taxe de séjour.

Voilà un élément qui discrédite une fois de plus une loi qui devient non seulement vide, nous le constatons de jour en jour, creuse, bavarde, mais aussi incohérente. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Pélissard.

M. Jacques Pélissard. Je voudrais vous répondre sur trois points, monsieur le secrétaire d’État.

Sur le plan politique, au sens de la gestion de la cité, nous, maires de France, députés qui représentons aussi les maires de France, nous avons toujours été partisans de la démarche intercommunale. Dans la loi du 13 août 2004, le titre IX, qui a organisé le fonctionnement des intercommunalités, a été écrit à l’époque à la demande de l’Association des maires de France. De même, dans la loi du 16 décembre 2010, tout ce qui concerne la commission départementale de coopération intercommunale est né des propositions de l’AMF. Nous sommes donc favorables à l’intercommunalité, nous militons en ce sens.

Sur le plan opérationnel, ce que nous souhaitons, c’est une répartition des missions entre les communes. Boucher un nid-de-poule, c’est plutôt de la compétence de la commune. Avoir un revêtement de sol sur les bandes de roulement qui traversent plusieurs communes, c’est une démarche d’intérêt communautaire. C’est bien ce positionnement du curseur qui nous paraît important.

Sur le plan juridique, la jurisprudence autorise aujourd’hui des conventions permettant à une commune de déléguer à une communauté telle et telle mission. Une répartition est donc possible conventionnellement, mais c’est lourd. Essayons de mettre en place un système plus souple, plus intelligent, en laissant voter les élus communautaires. Ce sont eux les mieux placés pour savoir ce qu’il vaut mieux laisser faire aux communes plutôt qu’à la communauté. Faisons preuve de cette intelligence collective pour économiser les frais de fonctionnement de nos collectivités et rendre la dépense publique plus efficace. En des temps difficiles, il est naturel de rechercher ensemble comment la rendre plus efficace.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Rohfritsch.

Mme Sophie Rohfritsch. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, je trouve à mon tour tout à fait regrettable que vous balayiez d’un revers de main cette notion pourtant fondamentale pour la coopération territoriale qu’est l’intérêt communautaire.

Nous ne rencontrons pas les mêmes citoyens. Ceux que nous, sur les bancs de l’opposition, rencontrons attendent de trouver du sens à la réforme territoriale que nous allons leur concocter ensemble.

Quel est le sens de la réforme territoriale que vous êtes en train d’écrire ? C’est une réforme de purs gestionnaires. Vous distribuez à droite, à gauche, quelques compétences sans vous soucier de savoir si, sur le terrain, ce sera efficace.

Or, justement, c’est cela l’intérêt communautaire : se poser à chaque instant la question de la subsidiarité, soit de savoir ce qui peut être le plus efficacement réalisé et à quel niveau traiter le plus efficacement la compétence concernée.

M. Marc Le Fur. Très bien !

Mme Sophie Rohfritsch. Ce projet doit être partagé et nos concitoyens doivent y adhérer, parce que nous travaillons pour eux. De fait, à quoi sert une réforme territoriale si ce n’est à rendre demain notre pays plus performant, mieux organisé et plus efficient ? Le but n’est pas que nous débattions ici, à minuit, de savoir si le tourisme serait mieux à tel ou tel niveau. Nous voyons bien que selon les cas, il peut être traité plus efficacement au niveau communal ou au niveau intercommunal. Laisser à chaque instant la possibilité de se poser la question de l’intérêt communautaire et appliquer la subsidiarité est absolument essentiel. On ne peut balayer d’un revers de main cette philosophie que nos concitoyens attendent. Il est essentiel que vous attachiez toute l’importance nécessaire à cette notion, qui est reprise dans ces amendements, pour que nous réécrivions, ensemble, une histoire avec nos concitoyens.

M. Maurice Leroy. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Gaymard.

M. Hervé Gaymard. Beaucoup de choses ont été dites, et je partage notamment les propos tenus par Martial Saddier et Sophie Rohfritsch à l’instant. S’agissant des compétences des intercommunalités en matière de tourisme, il me semble que deux mots devraient guider notre réflexion : le pragmatisme et la liberté. Nous devons être pragmatiques, parce que la situation n’est pas la même dans tous les territoires. Quant à la liberté, il faut laisser aux élus communautaires le soin de se saisir, s’ils le souhaitent, de certaines compétences. Le tourisme pose la question de la promotion et celle des équipements qui brassent des masses budgétaires beaucoup plus lourdes et qui impliquent parfois de très nombreux salariés – je pense notamment au service des pistes dans certaines stations de sports d’hiver ou aux employés des remontées mécaniques dans d’autres.

Ces sujets sont compliqués. Or, comme l’a dit Martial Saddier, cela n’a pas si mal fonctionné jusqu’à présent. Pourquoi ne pas laisser la liberté ? Premièrement, sur la question des offices de tourisme, il faut permettre à plusieurs offices de tourisme d’être implantés sur la même commune, s’il y a deux marques commerciales touristiques distinctes. Je vous ai peut-être mal compris, monsieur le rapporteur, mais j’ai trouvé que ce que vous proposiez – mutualiser certaines compétences mais pas d’autres – était très compliqué. Laissons les choses comme elles sont, puisque cela fonctionne très bien ainsi. Je connais un certain nombre de communes – il y en a une quinzaine ou une vingtaine en France, aussi bien en montagne que sur le littoral – qui ont plusieurs sites touristiques différents sur leur territoire. Si demain cette loi est appliquée telle qu’elle est actuellement – je ne parle pas seulement de la loi NOTRe, mais aussi de celle qui a été votée il y a quelques années sur le tourisme –, ces communes perdront leur qualité de stations, parce qu’elles auraient plus d’un office de tourisme sur leur territoire. C’est complètement kafkaïen !

Deuxièmement,…

Mme la présidente. Merci de conclure, monsieur Gaymard.

M. Hervé Gaymard. Je termine, parce que je ne suis pas beaucoup exprimé – j’essaye de limiter mes propos pour ne pas parler à tout bout de champ.

Il faut vraiment que la compétence touristique soit facultative, parce que l’on ne peut pas, dans des intercommunalités qui sont composites, et qui le seront encore plus après leur agrandissement, communautariser des équipements touristiques lourds. M. Vallini disait que les élus sont pour l’intercommunalité et que, dans l’opposition, nous étions en retard. Mais je ne dis que ce que me disent les élus des intercommunalités. Dans certaines intercommunalités de mon département, le tourisme est déjà intercommunalisé, de manière facultative, et le sera encore davantage, alors que ce ne sera pas le cas dans d’autres intercommunalités. « Liberté chérie ! » Faisons confiance aux élus ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, si les débats sont si longs et si passionnés, c’est parce que, par cet article et dans cette loi, vous changez la nature du principe de l’intercommunalité. Revenons à l’esprit de l’intercommunalité : ce sont des communes qui décident de déléguer une compétence, de s’en déposséder. Elles prennent cette décision volontairement. En supprimant la notion d’intérêt communautaire, vous figez les choses et vous rompez le lien entre la commune et l’intercommunalité. Je crois qu’il y a un projet derrière tout cela. Vous dites, monsieur le secrétaire d’État, qu’avec des intercommunalités fortes, on défend les communes. Je ne suis pas tout à fait sûre que ce soit véritablement l’esprit de votre loi.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Si, sauver les communes !

Mme Annie Genevard. Je vous renvoie à un article que nous allons bientôt discuter sur le mode d’élection des conseils communautaires. Si ce n’est pas une volonté d’affaiblir définitivement les communes et d’installer l’intercommunalité comme une véritable collectivité, je ne sais pas ce que c’est ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis. C’est pour renforcer la démocratie locale !

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Calmette.

M. Alain Calmette. Je voudrais réagir aux propos de M. Saddier et de M. Dhuicq sur la ruralité. J’en ai un peu assez que l’UMP s’arroge l’exclusivité de la défense de la ruralité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC ; exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Dominique Tian. Défendez-la, alors !

M. Alain Calmette. La ruralité n’est pas que de votre côté. Il existe aussi des élus de ce côté-ci de l’hémicycle qui sont attachés à la ruralité et à son développement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.) Mais il y a peut-être deux conceptions du développement de la ruralité. L’une, qui est la vôtre, est fondée sur la nostalgie (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP). Au mieux, elle préconise le statu quo, au pire le retour en arrière. L’autre essaie d’adapter la ruralité au monde tel qu’il est, c’est-à-dire à la métropolisation, qui est, que nous le voulions ou non, une réalité… (Interruptions sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Un peu de silence, chers collègues !

M. Alain Calmette. …et de promouvoir l’intercommunalité, car l’intercommunalité la plus intégrée est l’un des outils du développement de la ruralité et de son insertion harmonieuse dans le paysage institutionnel français. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Grouard.

M. Serge Grouard. À ce stade de l’examen du texte, je voudrais vous faire part, et peut-être partager avec vous, ma consternation en ce qui concerne nos débats, sur les caricatures que j’entends ici et là en permanence, et sur ces jeux de rôle que je connais depuis plus d’une dizaine d’années maintenant. Pendant ce temps-là, la France se casse la figure. Vingt réformes territoriales en vingt ans, soit une par an ! Avons-nous vraiment, après ces vingt réformes, atteint les objectifs que nous nous sommes fixés ? Non, monsieur le secrétaire d’État. Pourquoi n’avons-nous jamais atteint nos objectifs de cohérence et d’économies dans la dépense publique, dont notre pays a fondamentalement besoin ? Parce que nous adorons les faux débats…

M. Patrick Mennucci. Vous en particulier !

M. Serge Grouard. …– nous sommes d’ailleurs en plein dedans – et que nous refusons les vrais. Le vrai débat, c’est le nombre d’échelons territoriaux.

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis. C’est vrai !

M. Serge Grouard. À chaque fois, nous partons de la bonne idée, qui est de supprimer des échelons pour aboutir, dans le meilleur des cas, à un statu quo et, dans le pire, à en créer de nouveaux. D’une part, on n’y comprend plus rien et, d’autre part, il faut répartir les compétences. Et, parce qu’on ne veut fâcher personne, ce qui n’empêche pas de fâcher tout le monde à chaque fois, on va distribuer de petits morceaux ici et là.

M. Sébastien Denaja. Ce n’est pas la discussion générale ! C’est minuit dix !

M. Serge Grouard. Mon cher collègue, j’écoute sagement les élucubrations des uns et des autres ; désormais, c’est moi qui ai la parole, et je n’en abuse pas. Soyez suffisamment gentil pour m’écouter, car ce que je dis n’est pas complètement absurde, en tout cas beaucoup moins que ce que j’ai entendu depuis des heures. S’agissant du tourisme, on va disserter sur la promotion et la gestion.

M. Sébastien Denaja. Ce n’est pas un bar PMU, c’est l’Assemblée nationale !

M. Serge Grouard. La promotion relèvera de l’intercommunalité, la gestion de la commune. In fine, on va créer de nouvelles structures, des administrations supplémentaires, des postes et, à l’arrivée, on aura dépensé plus pour moins d’efficacité. Le bon sens, c’est de dire que l’on transfère par bloc complet ou que l’on ne transfère pas. On peut effectivement adapter en fonction des spécificités des territoires, notamment en montagne. Dans ce cas, on poserait pour une fois des questions de bon sens, mais, comme je le sais depuis 2002, on n’en pose jamais dans cet hémicycle.

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis. Vous êtes pessimiste !

Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Dessus.

Mme Sophie Dessus. Loin de toute polémique, je veux essayer d’être très concrète, en tant que présidente d’une petite intercommunalité, où chaque jour nous avançons ensemble. Depuis 2014, de nouvelles compétences ont été mises en place. Certes, c’est long et lourd, mais nous construisons réellement en fonction du territoire, des moyens à notre disposition, qui sont peu importants, de notre histoire, et nous avançons. Si nous contraignons la répartition des compétences, nous allons créer de violents rejets qui vont bloquer la machine de l’intercommunalité. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Maurice Leroy. C’est vrai !

Mme Sophie Dessus. Il faut laisser aux intercommunalités la liberté de prendre des compétences – eau ou assainissement –, qui seront refusées si elles y sont obligées. Par contre, si nous pouvons les y encourager, nous réussirons à faire passer le dispositif. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP, UDI et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Madame la ministre, vous avez dit tout à l’heure que le produit de la taxe de séjour resterait aux communes, ce qui est très important, même s’il faudra trouver d’autres voies de financement pour les offices de tourisme. Mais qu’en est-il des casinos ? (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) En effet, la future métropole d’Aix-Marseille-Provence comprendra le casino d’Aix, celui de Carry-le-Rouet, celui de Cassis ou encore de La Ciotat. Les maires de ces communes s’inquiètent de votre réponse, car c’est une rentrée fiscale importante. D’ailleurs, peut-être que Marseille se dotera bientôt d’un casino municipal, même si M. Mennucci est contre. Pourriez-vous nous rassurer ? Les communes bénéficieront-elles toujours des recettes des casinos ?

Mme la présidente. Chers collègues, il reste encore trois inscrits. Je n’en accepte pas davantage, parce que nous avons eu une discussion plus longue sur ces amendements identiques que sur l’article.

La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Monsieur le secrétaire d’État, vous nous disiez tout à l’heure qu’il nous fallait des intercommunalités et que, partant, elles seront mieux parce qu’elles seront plus grandes, plus fortes et plus intégrées. Je pense qu’il y a une confusion dans cette affirmation. Je ne suis pas sûr, et je crains même exactement le contraire, que c’est en agrandissant les communautés de communes que nous faciliterons leur intégration. En effet, il ne s’agit pas seulement d’administrer, mais bien de gouverner des projets, comme cela a parfaitement été dit. Or, les priorités et les caractéristiques ne sont pas forcément les mêmes ici et là. Quand vous avez à gouverner une assemblée de vingt ou de trente élus, vous n’aurez pas la même manière d’intégrer et de progresser que lorsqu’elle est composée de soixante ou de soixante-dix élus.

Il est évident que l’intégration sera d’autant plus facile que la taille ne sera pas excessive. Encore une fois, il fallait choisir la priorité. Était-ce de mutualiser et d’intégrer, auquel cas 5 000 habitants n’était qu’un seuil, et non pas un plafond ? Aujourd’hui, 20 000 habitants, c’est ridicule à l’échelle de l’Île-de-France, mais ce sera un vrai problème dans quantité d’espaces territoriaux, dont la dimension gênera l’intégration. Vous n’avez pas su choisir entre deux priorités : élargir au risque de perdre en mutualisation ou mutualiser davantage et intégrer, en laissant faire les choses et en respectant les différences.

Seconde observation : la subsidiarité, c’est vraiment la reconnaissance des différences, et celles-ci existent sur les territoires. Dès lors, plutôt que de reproduire un schéma centralisé du haut jusqu’en bas, laissons ici aussi un peu de respiration, y compris à l’échelle intercommunale, pour définir certaines priorités qui différeront selon les lieux, voire selon les périodes.

Mme la présidente. Sur les amendements identiques nos 322, 574 et 1262, je suis saisie par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Je tiens à appuyer ce qu’a dit le secrétaire d’État. Je ne cumule pas les mandats, mais avant d’être député, j’ai été élu communal et élu intercommunal. J’ai donc l’expérience de l’intercommunalité, comme beaucoup d’entre vous, et nous savons tous ce qui mine l’efficacité de l’intervention publique locale dans notre pays.

Tout d’abord, il y a le morcellement communal – 36 600 communes ! –,…

M. Laurent Furst. C’est la France !

M. François de Rugy. …et il est impossible de continuer à agiravec un tel émiettement dans notre pays… (Interruptions sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Laissez M. de Rugy s’exprimer. C’est insupportable !

M. François de Rugy. …alors que, je le rappelle, ce nombre est supérieur à celui des communes de tous nos pays voisins réunis. Certains d’entre eux ont pratiqué des méthodes beaucoup plus autoritaires pour regrouper les leurs. L’Allemagne – que vous citez souvent en exemple – l’a fait il y a déjà longtemps. Une des conséquences, c’est que des communes ne peuvent pas assumer la réforme des rythmes scolaires : ce sera impossible pour celles de moins de cinq cents habitants. De même, j’ai entendu hier encore des collègues réclamer des pouvoirs locaux réels dans le domaine de l’urbanisme tout en regrettant que l’on retire aux services de l’État le pouvoir d’instruire les permis de construire, parce qu’on n’a pas les moyens de le faire correctement quand on est trop petit – tous les élus locaux de France et de Navarre le savent.

Mme Annie Genevard. L’ancienne majorité ne l’a jamais fait !

M. François de Rugy. Et puis l’autre problème bien connu, c’est celui de l’incohérence, voire de la concurrence, entre communes appartenant au même bassin de vie.

M. Hervé Gaymard. Mais non !

M. François de Rugy. Il fallait corriger cette situation et, je le dis en présence de notre collègue Jean-Luc Laurent, la loi Chevènement a été à cet égard, et pour l’ensemble de l’intercommunalité, une étape extrêmement forte. Cela ne s’est pas fait tout seul. Si on attend que les choses progressent naturellement, on peut attendre encore longtemps. Il faut en passer par des avancées législatives. La loi Chevènement a été une étape ; il faut maintenant en franchir de nouvelles, ce que propose le projet de loi. Mes chers collègues, au lieu d’avoir le pied sur le frein, projetez-vous dans l’avenir, que vous soyez maire, président d’intercommunalité ou pas ! Parlez-en aux élus locaux avec lesquels vous travaillez, car je suis sûr qu’ils sont y prêts ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Benoist Apparu. Arrêtez un peu, monsieur de Rugy !

M. François de Rugy. Imaginez les regroupements intercommunaux de demain, le travail en commun à mener sur les compétences, au lieu de faire tout un cinéma sur le tourisme ! Il est tellement évident que ce secteur devrait être une compétence intercommunale, plutôt que chacun reste dans son coin avec son petit office du tourisme, incapable de faire de la vraie promotion touristique !

M. Carlos Da Silva et M. Éric Alauzet. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Tout d’abord, je ne peux pas laisser dire que, d’un côté, il y aurait ceux qui n’aiment pas l’intercommunalité et qui n’auraient rien pour la promouvoir, et, de l’autre, ceux qui auraient tout fait et que, grâce à eux, la France a les paysages que nous connaissons. Il n’y a pas les archaïques d’un côté, les modernistes de l’autre ; nous avons, les uns et les autres, fait avancer les choses. Je rappellerai que dans la loi de 2010 créant le conseiller territorial, il y avait également, et vous le savez très bien, monsieur le secrétaire d’État, l’achèvement de la carte intercommunale. C’est un député qui avait vingt-huit communes non intercommunalisées qui vous en parle : je suis allé dans chacune d’elles, j’ai vu les conseillers municipaux les uns après les autres, pour leur faire comprendre qu’il fallait le faire. Reconnaissez au moins que l’ancienne majorité a réalisé la carte intercommunale.

Seconde remarque, et Sophie Dessus, députée de la Corrèze, l’a très bien rappelé tout à l’heure : l’intercommunalité, c’est une histoire, une aventure que l’on construit, des hommes et des femmes qui ont envie de travailler ensemble, qui ont décidé d’avoir un avenir en commun et qui l’ont dessiné à travers un projet de territoire. J’insiste là-dessus pour expliquer que c’est pour cette raison que la disposition qui fixe le seuil minimal de l’intercommunalité à 20 000 habitants provoque beaucoup d’émoi. Dans ma circonscription, soixante-sept communes sont concernées. Je vous inviterai, et vous verrez que je suis un artisan au quotidien de l’élargissement de l’intercommunalité.

Troisièmement, monsieur le secrétaire d’État, où irons-nous répondre à la panne de croissance de la France sinon, comme l’a fait l’Allemagne, dans les territoires, avec des collectivités puissantes, au contact de l’emploi, c’est-à-dire des intercommunalités ? Au passage, je rappelle que la densité de population est loin d’être la même en Allemagne et en France, ce qui n’a pas complètement échappé au groupe UDI.

Quatrièmement, s’agissant de la notion d’intérêt communautaire, il faut la lier au fait qu’une intercommunalité doit avoir une vision stratégique de son territoire. Je préside une intercommunalité qui exerce de nombreuses compétences, et je peux donc en parler très clairement après une quinzaine d’années d’expérience. Si vous gommez la notion d’intérêt communautaire, l’intercommunalité deviendra un fourre-tout, comme l’a très bien dit le président Pélissard, et vous ferez de la communauté de communes une structure inactive, qui n’aura plus la capacité de se projeter alors que la compétition des territoires existe, ne l’oubliez pas.

Enfin, comme l’a très bien dit Maurice Leroy, il faudrait qu’il y ait trois couples : le couple État-Europe, le couple communes-communauté de communes et le couple région-départements, que nous avions créé et que vous avez supprimé en rayant d’un trait de plume le conseiller territorial ! Vous vous en mordez les doigts aujourd’hui parce que, dans un premier temps, vous avez voulu garder le département, puis le supprimer, et le préserver, et le supprimer encore ! (« Eh oui ! » sur les bancs des groupes UDI et UMP.) C’est votre échec, car ce sont ces trois couples qui fonctionnent ! L’efficacité est là ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UDI et du groupe UMP.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 322, 574, 1078 et 1262.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants65
Nombre de suffrages exprimés64
Majorité absolue33
Pour l’adoption24
contre40

(Les amendements identiques nos 322, 574 et 1262 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 1046 rectifié et 1052 deuxième rectification, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à Mme Estelle Grelier, pour les soutenir.

Mme Estelle Grelier. Militante assumée de l’intercommunalité, bien qu’élue rurale, mais qui considère que les communes ont aussi leur rôle à jouer, et qui souscrit également à la philosophie de cet article visant à renforcer les compétences des communautés de communes, je veux en préambule souligner deux points : cette forme de montée en compétence des intercommunalités va conduire à une homogénéisation des compétences, notamment dans le cadre des rapprochements, voire des fusions à venir, facilités par l’harmonisation fiscale ; cette évolution sera favorisée par la suppression des syndicats pour un certain nombre de compétences.

Le développement économique est une compétence obligatoire des intercommunalités, et ces deux amendements visent à clarifier cette notion : le premier, l’amendement n° 1046 rectifié, unifie la compétence de soutien à l’immobilier d’entreprise à l’échelle intercommunale pour les aider à travers la création d’un guichet unique ; le second, l’amendement n° 1052 deuxième rectification, propose que la création, l’aménagement et la gestion des zones d’activité économique ne soient plus décidées au titre de l’intérêt communautaire, mais qu’elles entrent dans le champ de la compétence « développement économique », car celle-ci est obligatoire, à l’exclusion des activités commerciales et de leur soutien, les communes étant parfois attachées à continuer à les gérer.

M. Maurice Leroy. Va-t-elle les retirer après tout ça, et avec tristesse ou pas ?

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. L’article 18 énumère les compétences des communautés de communes en matière de développement économique. Mme Grelier nous propose de supprimer tout ou partie de la mention de la notion d’intérêt communautaire à l’alinéa 5. Deux questions présentent aujourd’hui un intérêt communautaire pour la commission : le soutien au commerce de proximité – tout le monde s’accorde sur le fait qu’il est important que les communes, dans le cadre d’une répartition conventionnelle avec les intercommunalités, puissent continuer à agir en ce domaine ; les zones d’activité, partant du principe que dans certaines intercommunalités rurales et très peu denses, il est utile, dans le cadre d’un accord conventionné au sein du conseil communautaire, de pouvoir procéder à un découpage d’intérêt communautaire.

Par conséquent, si la suppression de la première occurrence des mots « d’intérêt communautaire » à l’alinéa 5 paraît de bon aloi et cohérente avec le vote que nous venons d’exprimer, ce qui me conduit à émettre un avis favorable à l’amendement no 1046 rectifié, la suppression de chacune de ses occurrences à l’alinéa serait contraire au maintien de l’intérêt communautaire pour les deux activités que j’ai évoquées, d’où un avis défavorable à l’amendement no 1052 deuxième rectification.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. André Vallini, secrétaire d’État. Mme Grelier a été très convaincante, et nous sommes favorables à ses deux amendements.

(Les amendements nos 1046 rectifié et 1052 deuxième rectification sont successivement adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 132, 240, 368, 600, 2029, 239 et 367, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements n° 132, 240, 368, 600 et 2029 sont identiques ; les amendements n° 239 et 367 sont identiques.

Sur le vote des amendements identiques n132 et suivants, je suis saisie par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour soutenir l’amendement n132.

Mme Marie-Noëlle Battistel. L’article 18 transfère de manière obligatoire la compétence « promotion touristique », dont la création des offices de tourisme, aux communautés de communes. Cet amendement, signé par les élus de la montagne, vise à supprimer la promotion du tourisme du bloc des compétences obligatoires des communautés de communes pour l’intégrer au champ de leurs compétences optionnelles. En effet, si la disposition proposée à cet article s’entend parfaitement dans la plupart des territoires, cette activité ayant toute pertinence à être menée sur un large périmètre, dans d’autres cas, la situation est très différente et la création d’offices intercommunaux poserait un réel problème. C’est le cas pour les stations de montagne, notamment là où les noms des communes sont devenues des destinations touristiques en elles-mêmes, de véritables marques – je pense à La Plagne, à Courchevel, à l’Alpe d’Huez entre autres. Il serait ici néfaste de se priver de cet atout en plaçant la promotion touristique au niveau intercommunal, diluant ainsi des entités touristiques communales fortes, telles que les stations classées, au sein d’entités supra-communales.

Plusieurs députés UMP. Très juste !

M. Martial Saddier. Écoutez-là, elle dit exactement la même chose que nous !

Mme Marie-Noëlle Battistel. D’autre part, je tiens à attirer l’attention sur le fait que les offices de tourisme des communes touristiques et des stations classées de tourisme seront transformés en bureaux d’information de l’office touristique intercommunal. Comme pour devenir station classée, une commune doit obligatoirement posséder un office de tourisme classé, quid des communes déjà classées ou qui souhaiteraient le devenir ?

J’ai bien entendu, monsieur le rapporteur, votre volonté de prendre en compte nos remarques à l’article 21 par voie d’amendement, mais je pense que cela ne répondra pas à toutes les situations que j’ai évoquées, notamment s’agissant des stations non classées.

Pour toutes ces raisons, nous pensons vraiment que la liberté de coopérer ou non avec l’intercommunalité sur cette compétence doit être laissée aux communes dans des territoires qui représentent un point d’ancrage fondamental du tourisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Joël Giraud. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Gaymard, pour soutenir l’amendement n240.

M. Hervé Gaymard. Mme Battistel ayant merveilleusement développé les arguments que tous les signataires de cet amendement partagent, je ne parlerai pas davantage.

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n368.

M. Frédéric Reiss. Permettez-moi d’abord une petite remarque : la séance a placé cet amendement, qui concerne les alinéas 5 et 18, avant mon amendement no 367, qui ne concerne que l’alinéa 5, ce qui va me conduire à soutenir par avance un amendement de repli... Mais peu importe.

De nombreux collègues se sont déjà exprimés sur ce sujet, et je partage la plupart de leurs arguments, qui visent à ce que l’on s’en tienne au droit en vigueur pour ce qui est des compétences en matière de promotion du tourisme.

Il est évident que le tourisme est une compétence économique à part entière : nul ne le contestera. Il s’agit d’un vecteur de développement pour des territoires qui ont à faire valoir des atouts spécifiques. Il se trouve que certains EPCI possèdent en leur sein des stations classées de tourisme, qui impliquent pour les communes concernées des engagements, notamment financiers, souvent conséquents, au plan des recettes comme au plan des dépenses. Pour des communes ayant une vocation touristique majeure, le transfert de tout ou partie de la promotion du tourisme n’a aucun sens. D’où cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n600.

Mme Annie Genevard. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Pélissard, pour soutenir l’amendement n2029.

M. Jacques Pélissard. La compétence touristique répond à une démarche transversale. La commune doit s’occuper non seulement de tourisme, mais aussi de logement, d’animations, de culture et de voirie. Transférer automatiquement la compétence à l’intercommunalité me paraît réducteur. Laissons la commune gérer cette transversalité.

Mme la présidente. Sur les amendements identiques nos 239 et 367, je suis saisie par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Hervé Gaymard, pour soutenir l’amendement n239.

M. Hervé Gaymard. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. Puis-je considérer que l’amendement n367 a été défendu, monsieur Reiss ?

M. Frédéric Reiss. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. Pour répondre à votre question, je vous indique que l’adoption de l’amendement n368, plus large, ferait tomber l’amendement n367 : d’où l’ordre de leur présentation.

Quel est l’avis de la commission sur ces différents amendements ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. La première série d’amendements identiques tend à faire de la promotion du tourisme une compétence optionnelle des communautés de communes, la deuxième à maintenir le statu quo. Je le répète : il ne faut pas confondre la compétence en matière de tourisme avec celle en matière de promotion du tourisme et de gestion des offices de tourisme. Le texte proposé par le Gouvernement, et soutenu par la commission des lois, ne vise que cette dernière. Mme la ministre et M. le secrétaire d’État ont indiqué tout à l’heure qu’il ne concernait ni la gestion des équipements – précision importante pour les stations de ski – ni le transfert de la taxe de séjour, la liberté pour les communes de transférer ou non cette dernière ayant été inscrite dans la loi de finances pour 2015 – que nous avons votée il n’y a pas si longtemps.

D’autre part, je vous proposerai ultérieurement un amendement valant à la fois pour les communautés de communes et pour les communautés d’agglomération – ce qui explique qu’il se situe à l’article 21. Cet amendement, n1804,…

M. Nicolas Dhuicq. Une grande année !

M. Olivier Dussopt, rapporteur. …vise à permettre aux EPCI qui acquièrent la compétence tourisme de conserver plusieurs offices de tourisme intercommunaux, au bénéfice des stations classées de tourisme, lesquelles, aux termes de l’article L. 133-13 du code du tourisme, sont classées après qu’il a été reconnu qu’elles « mettent en œuvre une politique active d’accueil, d’information et de promotion touristiques tendant, d’une part, à assurer la fréquentation plurisaisonnière de leurs territoires, d’autre part, à mettre en valeur leurs ressources naturelles, patrimoniales ou celles qu’elles mobilisent en matière de créations et d’animations culturelles et d’activités physiques et sportives ». Cela signifie, madame Battistel, que si, au sein d’un EPCI, un lieu n’est pas considéré comme une station classée, rien ne l’empêchera de le devenir, et l’EPCI pourra donc créer des offices de tourisme en conséquence.

J’ai aussi dit tout à l’heure, ce qui a suscité certaines réactions, que nous souhaitions, par l’amendement n1804, favoriser la mutualisation. Pourquoi ? Nous considérons qu’il est de bonne politique que, lorsqu’il existe plusieurs stations classées sur le territoire d’un même EPCI, ce dernier puisse créer autant d’offices de tourisme que de stations classées, car nous sommes bien conscients que la station classée est porteuse d’une marque touristique : il est donc logique qu’un office en fasse la promotion. Toutefois, nous avons tous été d’accord, à l’article 16, pour estimer que s’il existait des syndicats intercommunaux à vocation unique ou multiple, ou des syndicats mixtes, sur le territoire d’un EPCI, il importait de favoriser les mutualisations de services entre les syndicats et l’EPCI. Dans ce cas, pourquoi, dès lors qu’il y aurait plusieurs offices de tourisme sur un même territoire, ne pas favoriser la mutualisation des services supports, comme les ressources humaines ou la comptabilité ? Cela serait également de bonne politique.

Pour résumer, l’amendement n1804, qui sera présenté à l’article 21, tend à permettre à un EPCI de créer autant d’offices de tourisme qu’il existe de stations classées sur son territoire, et à inciter à mutualiser un certain nombre de services et de ressources, afin que cette multiplicité d’offices de tourisme ne s’accompagne pas d’une inflation des coûts de fonctionnement.

Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable à l’ensemble des amendements en discussion commune.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Dans les argumentaires présentés en faveur des amendements revient souvent le cas des stations de ski. Il s’agit en effet d’un objet particulier, et le rapporteur a tenu à déposer à l’article 21 un amendement visant à préserver leur situation ; en outre, je rappelle qu’hier, nous avons déjà débattu de la gestion de ces équipements. Ne nous abritons pas derrière ce qui fonctionne bien, à savoir des stations dont chacun connaît les noms, pour refuser de prendre position sur la France entière.

Sommes-nous véritablement parfaits en matière touristique ? Tout à l’heure, on m’a dit que vouloir mieux faire laissait entendre que l’on ne faisait pas bien avant ; mais là n’est pas le problème. Il existe en effet un enjeu important en termes de développement économique, et les chiffres que je vais vous donner devraient tous vous alerter – nonobstant la réussite de ces stations de ski. Selon ces chiffres, qui datent de plus d’un an, la France accueille environ 80 millions de visiteurs et engrange quelque 53 milliards de chiffre d’affaires. À l’inverse, l’Espagne, qui est pourtant en difficulté, recueille plus de 80 milliards de chiffre d’affaires pour 50 millions de visiteurs. La France a un vrai problème d’équipements touristiques. Inutile d’être la première destination touristique au monde si plusieurs dizaines de milliards d’euros de valeur ajoutée nous font défaut ! C’est autant de PIB, donc de créations d’emplois en moins. Il s’agit d’un fait objectif.

Le développement économique lié au tourisme est un enjeu extrêmement important. À travers ces amendements, on évoque quelques cas pour lesquels en effet il n’est pas nécessaire de faire bouger les choses, quelques stations de ski qui font déjà le plein et n’auraient presque plus besoin de promotion touristique – je vous confirme qu’il n’y a pas moyen de s’y loger durant les vacances scolaires ! Pourtant, pour l’ensemble de la France, il s’agit d’un enjeu majeur.

M. Hervé Gaymard. Liberté !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. J’entends bien, monsieur Gaymard, mais cela pourrait être valable pour tout !

Un certain nombre de communautés de communes ont commencé à travailler sur les produits touristiques.

M. Hervé Gaymard. C’est très bien !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Encourageons-les !

Mme Anne Grommerch. Encourager n’est pas obliger !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Le texte ne concerne que la promotion touristique ; comme je l’ai indiqué tout à l’heure, les équipements resteront de la compétence des communes, quoique certains d’entre eux pourront être transférés en toute liberté. Ce n’est pas le cas des stations – et ce n’est pas en particulier le cas de Roscoff, pas loin de chez moi –, mais souvent nos communes, vues de loin, apparaissent comme des confettis. On pourrait beaucoup y gagner en mutualisant leurs moyens de promotion.

M. Hervé Gaymard. À condition qu’elles le fassent volontairement !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Le développement économique et le tourisme sont, je crois, des préoccupations que nous partageons tous. On peut penser qu’il est possible, en laissant toute liberté aux communes, de gagner les dizaines de milliards qui nous manquent. On peut aussi chercher des solutions pour aller plus vite.

Mme Anne Grommerch. L’obligation, cela ne donne jamais rien !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Quant à la taxe de séjour, je confirme qu’elle restera bien aux communes ; nous avons déjà indiqué le lien qui existait entre les équipements et elle. Peut-être pourrez-vous proposer un autre dispositif dans le cadre du prochain projet de loi de finances, mais, pour l’instant, c’est ainsi.

Nous avons été interpellés à propos des casinos. (« Ah ! » sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Les taxes sur les casinos rapportent en effet beaucoup aux communes.

M. Philippe Folliot. De moins en moins !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Bien loin de chez vous, monsieur Tian, une communauté de communes n’arrive pas à se constituer en raison d’une lutte pour récupérer la recette du casino ! Mais je le répète encore une fois : les recettes des casinos resteront aux communes.

M. Dominique Tian. Ah ! Très bien !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Cela fait trois fois qu’on me le demande : je ne sais plus comment le dire !

Pour conclure, le Gouvernement est défavorable à l’ensemble des amendements – et j’espère vous convaincre, un jour, que les choses peuvent bouger.

Mme Anne Grommerch. Peut-être, mais sans obligation !

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, il y a quelques instants, nous avons défendu le même amendement que Mme Battistel, avec exactement les mêmes arguments. On nous a fait un procès en conservatisme. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous n’avons rien dit !

Mme Estelle Grelier. Jeanne d’Arc !

M. Martial Saddier. On nous a expliqué que nous n’écoutions pas les gens, que nous ne croisions que des élus locaux que nous étions incapables de comprendre.

Mais quand Mme Battistel défend un amendement cosigné par douze députés socialistes, là, on apporte des arguments de fond ! Nous aurions apprécié avoir cette discussion il y a quelques instants, lorsque nous avons défendu nos amendements !

Mme Anne Grommerch. Bel exemple d’objectivité !

M. Martial Saddier. La diversité a fait la richesse touristique de notre pays. L’uniformité tuera le tourisme en France, première destination touristique mondiale.

M. François de Rugy. Oh, arrêtez !

M. Martial Saddier. Les stations balnéaires et les sites touristiques de France sont pourtant concurrentiels, et nous les mettons en valeur en les plaçant en situation de concurrence : c’est pourquoi ce sont les plus grands sites du monde.

Pour finir, expliquez-moi, monsieur le rapporteur, comment les communes pourront conserver la taxe de séjour, alors que l’article L. 2333-27 du code général des collectivités territoriales précise que « le produit de la taxe de séjour ou de la taxe de séjour forfaitaire est affecté aux dépenses destinées à favoriser la fréquentation touristique de la commune » ? (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.) Nous réaffirmons que vous êtes en train d’approuver que la commune votera le montant de la taxe, qu’elle devra fournir les moyens pour la collecter, mais que le produit de cette taxe sera transféré à l’intercommunalité, puisque c’est cette dernière qui assurera les dépenses de promotion touristique de l’intercommunalité, et donc des communes.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Mais non !

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 132, 240, 368, 600 et 2029.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants54
Nombre de suffrages exprimés53
Majorité absolue27
Pour l’adoption23
contre30

(Les amendements identiques nos 132, 240, 368, 600 et 2029 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je mets maintenant aux voix les amendements identiques nos 239 et 367.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants55
Nombre de suffrages exprimés54
Majorité absolue28
Pour l’adoption22
contre32

(Les amendements identiques nos 239 et 367 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 431 et 1337.

La parole est à M. Maurice Leroy, pour soutenir l’amendement n431.

M. Maurice Leroy. Cet amendement vise à clarifier la mise en œuvre des compétences. En effet, le libellé des compétences de développement économique des différentes catégories d’intercommunalités dans le code général des collectivités territoriales se révèle imprécis en matière de soutien des activités agricoles et forestières. Je propose donc de compléter le code pour apporter une précision.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Piron, pour soutenir l’amendement n1337.

M. Michel Piron. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable, mais, en réalité, c’est une demande de retrait. Pour la commission, le soutien aux activités agricoles et forestières fait évidemment partie des actions de développement économique. Ce que nous craignons, c’est qu’une liste des interventions plus précise qu’elle ne l’est aujourd’hui ne conduise à des raisonnements a contrario, ce qui serait dangereux.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Maurice Leroy.

M. Maurice Leroy. Je m’en remets aux propos du rapporteur, et je retire l’amendement n431.

(L’amendement n431 est retiré.)

Mme la présidente. Faites-vous de même, monsieur Piron ?

M. Michel Piron. Oui, madame la présidente.

(L’amendement n1337 est retiré.)

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Suite de la discussion du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 4 mars 2015, à zéro heure quarante-cinq.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly