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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 25 mars 2015

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Questions au Gouvernement

Avenir de la douane

M. Laurent Degallaix

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget

Réglementation des pesticides

Mme Laurence Abeille

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Projet de loi Santé

M. Arnaud Robinet

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Catastrophe aérienne

M. Sébastien Denaja

M. Manuel Valls, Premier ministre

Régime social des indépendants

M. Patrice Verchère

Mme Carole Delga, secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire

Soutien à la Tunisie

M. Razzy Hammadi

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international

Situation sociale à Radio France

Mme Marie-George Buffet

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication

Difficultés des entrepreneurs

M. Jean-Charles Taugourdeau

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Grande école du numérique

M. William Dumas

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du numérique

Ruralité

M. Olivier Dassault

M. Manuel Valls, Premier ministre

Compte personnel de formation

Mme Marie-Lou Marcel

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Commerce de proximité

Mme Annie Genevard

Mme Carole Delga, secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire

Révision des bases locatives

Mme Sophie Errante

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget

Politique économique

M. Pierre Lequiller

M. Manuel Valls, Premier ministre

Catastrophe aérienne

M. Joël Giraud

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Suspension et reprise de la séance

Présidence de Mme Catherine Vautrin

2. Modernisation du secteur de la presse

Présentation

M. Michel Françaix, rapporteur de la commission mixte paritaire

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication

Discussion générale

Mme Marie-George Buffet

M. Stéphane Travert

Mme Virginie Duby-Muller

M. Laurent Degallaix

Mme Gilda Hobert

Mme Barbara Pompili

Texte de la commission mixte paritaire

Amendements nos 2 , 5

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

Amendements nos 4 , 6 , 3 , 7 , 1

Vote sur l’ensemble

3. Débat sur le rapport d’information relatif au contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions

Mme Barbara Pompili

Mme Marie-George Buffet

M. Stéphane Travert

M. Franck Riester

M. Laurent Degallaix

Mme Gilda Hobert

M. Paul Molac

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication

M. Paul Molac

Mme Fleur Pellerin, ministre

Mme Marie-George Buffet

Mme Fleur Pellerin, ministre

M. Pierre-Yves Le Borgn’

M. Jean-Pierre Le Roch

Mme Fleur Pellerin, ministre

Mme Annie Genevard

Mme Fleur Pellerin, ministre

M. Guillaume Chevrollier

Mme Fleur Pellerin, ministre

M. Laurent Degallaix

Mme Fleur Pellerin, ministre

M. Joël Giraud

Mme Fleur Pellerin, ministre

4. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Avenir de la douane

M. le président. La parole est à M. Laurent Degallaix, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Laurent Degallaix. Ma question s’adresse à M. le ministre des finances et des comptes publics. Elle concerne l’avenir des douaniers, dont chacun d’entre nous reconnaît l’utilité et la qualité du travail sur notre territoire, tant dans leur mission de surveillance et de protection de nos concitoyens qu’en matière de surveillance des opérations commerciales – activité qui, il faut le rappeler, a fait entrer un peu plus de 70 milliards d’euros l’an dernier dans les caisses de l’État.

Or il apparaît que, dans le cadre du plan stratégique des douanes – PSD –, un certain nombre de suppressions d’emplois soient actées. Pis, après les déserts médicaux, on verra s’installer des déserts douaniers, puisque des zones ne seront tout simplement plus surveillées. Pour prendre, parmi d’autres dans tout le territoire, un exemple que je connais bien, à Saint-Aybert, près de Valenciennes, à quelques encablures de la Belgique et au cœur d’un important nœud autoroutier européen, on prévoit la suppression pure et simple de la surveillance douanière.

Si ce plan venait à être appliqué, il serait en totale contradiction avec les propos de votre gouvernement qui, après les tragiques attentats du début du mois de janvier, insistait sur la nécessité de renforcer la sécurité de nos concitoyens partout sur le territoire. Et je ne parle pas des conséquences que cela aurait au quotidien sur la surveillance des trafics de cigarettes en provenance de Belgique – et sur leurs victimes collatérales, les buralistes –, sur le contrôle des centaines de milliers de conteneurs et, partant, sur la protection des consommateurs et des entreprises, ou sur le contrôle des colis postaux en provenance de Chine ou d’autres zones à risque.

Bref, monsieur le ministre, si ce plan venait à être appliqué, il n’aurait rien de stratégique : ce serait bel et bien un plan de suppression de la douane. Je pense au contraire qu’il faut un plan ambitieux qui replace la douane et les douaniers au cœur du dispositif et en fasse une administration prioritaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Monsieur le député, la douane est engagée depuis plus d’un an dans la mise en œuvre de son projet stratégique. Ce projet de modernisation est une nécessité, car les échanges internationaux que la douane doit contrôler sont en pleine mutation. Les flux commerciaux évoluent, la fraude évolue : la douane doit évoluer elle aussi, comme elle l’a toujours fait au cours de son histoire.

Il y a quinze jours, Michel Sapin et moi-même avons signé avec les organisations syndicales des douaniers un accord majoritaire sur l’accompagnement de cette réforme – je dis bien un accord majoritaire ! Cela signifie que le dialogue social est intense à la douane, comme il l’a toujours été, et que nous sommes capables d’avancer ensemble et de nous mettre d’accord sur des solutions concrètes en faveur des agents et au service des missions que la douane assure et doit conserver.

L’enjeu est de moderniser la douane dans la durée en l’adaptant aux besoins nouveaux de l’économie mondiale. La douane française, une des plus performantes d’Europe, doit être en capacité d’assurer encore mieux ses missions de protection. Car – vous l’avez dit à juste titre – la douane protège. Elle protège des trafics d’armes, de la contrefaçon, des trafics de drogue, de tabac, de faux médicaments, et des fraudes de toute nature.

Nous l’avons d’ailleurs vu après l’attentat du musée juif de Bruxelles : c’est la douane qui a arrêté l’auteur présumé Mehdi Nemmouche et d’autres djihadistes. Là encore, elle a été au cœur de la réaction de la puissance publique. Nous travaillons avec le ministre de l’intérieur pour l’intégrer dans les dispositifs de police, de surveillance et de renseignement.

Sur cet objectif, monsieur le député, nous devrions pouvoir tous nous retrouver. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC et sur les bancs du groupe écologiste.)

Réglementation des pesticides

M. le président. La parole est à Mme Laurence Abeille, pour le groupe écologiste.

Mme Laurence Abeille. Madame la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, le Centre international de recherche sur le cancer vient de classer parmi les substances potentiellement cancérigènes cinq pesticides, dont le glyphosate. Substance active du Roundup de Monsanto, qui est le désherbant le plus utilisé au monde, le glyphosate est présent dans un champ de blé sur trois en France ; il est également utilisé par les particuliers et les collectivités. Cette substance se trouve donc partout, dans l’air, dans l’eau, dans les aliments. Dans le reste du monde, cet herbicide est également associé à la culture d’organismes génétiquement modifiés.

L’annonce de la dangerosité de ce produit n’est pas une surprise : depuis 2012 au moins et les études menées par Gilles-Éric Séralini, nous savons que l’association de Roundup et de plants OGM présente des risques avérés pour la santé.

M. Bernard Accoyer. M. Séralini est un usurpateur !

Mme Laurence Abeille. Le Centre international de recherche sur le cancer a également classé le pesticide malathion au nombre des cancérigène probables. Il est notamment utilisé en Guyane, et mes collègues François-Michel Lambert et Brigitte Allain ont dénoncé à plusieurs reprises ce scandale sanitaire.

Ce classement doit nous faire réagir vite. Rappelons que jamais un agent classé cancérigène n’a été rétrogradé à un niveau de dangerosité inférieur.

Nous savons que les industriels, comme Monsanto, sont à l’œuvre pour instiller du doute scientifique, pour fabriquer du mensonge et remettre en cause ce classement. Il serait irresponsable de la part des politiques de ne pas tenir compte de l’analyse de l’institution sanitaire mondiale de référence dans le domaine du cancer.

L’interdiction de tels produits devient urgente : nous ne pouvons pas laisser sur le marché des produits dangereux pour la santé, notamment pour celle des agriculteurs, alors que, dans le même temps, nous affirmons notre ambition de convertir le modèle agricole français à l’agroécologie. Transformer notre agriculture et protéger notre santé suppose d’interdire les substances les plus nocives, comme notre assemblée a eu le courage de le faire la semaine dernière pour les néonicotinoïdes.

Mme la ministre, que comptez-vous faire pour parvenir à une interdiction rapide de ces produits cancérigènes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Le classement de cinq substances comme potentiellement cancérigènes par l’Organisation mondiale de la santé doit être pour nous, en effet, madame la députée Abeille, un signal très fort de mobilisation et d’alerte : nous ne pouvons pas faire comme si ces produits ne comportaient pas des risques pour leurs utilisateurs.

Trois de ces cinq substances étant d’ores et déjà interdites dans notre pays et en Europe, seules deux sont en cause, et d’abord le malathion. Ce pesticide a été utilisé de manière dérogatoire, notamment en Guyane, pour lutter contre l’épidémie de chikungunya, le vecteur de cette maladie s’étant avéré résistant à tous les autres insecticides. Depuis l’annonce de l’Organisation mondiale de la santé, l’utilisation de ce produit a été suspendue. Les agences sanitaires doivent désormais déterminer ce qu’elles devront préconiser en cas de nouvelle épidémie, étant donné l’inefficacité des autres produits.

S’agissant de la substance active du Roundup, je veux appeler votre attention sur le fait que le Gouvernement est très mobilisé. Stéphane Le Foll a fait de la réduction des herbicides une des priorités de son action, puisque les agriculteurs sont les premiers concernés par les risques qu’ils comportent.

Une évaluation européenne de la toxicité de ces produits est en cours. Elle devra faire l’objet d’une analyse précise par les agences sanitaires. Je veux vous assurer, madame la députée, que l’ensemble du Gouvernement est très vigilant : on ne peut pas prendre de risques avec la santé de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

Projet de loi Santé

M. le président. La parole est à M. Arnaud Robinet, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Arnaud Robinet. Madame la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, si votre gouvernement avait une devise, elle ressemblerait sans doute à ce dicton célèbre : « Les chiens aboient, la caravane passe ».

M. Michel Vergnier. Encore un intellectuel !

M. Arnaud Robinet. Tout se passe comme si les bérézina électorales et les cotes de popularité en baisse n’avaient aucun effet sur l’action du Gouvernement. On le voit bien dans le secteur dont vous avez la charge : depuis son adoption en conseil des ministres, le projet de loi Santé ne fait que susciter le rejet unanime des professionnels et l’incompréhension des Français. Au lieu d’en prendre acte, vous préférez passer en force et tordre le bras du Parlement, lui imposant l’examen d’un texte indigeste et illisible pour l’ensemble de nos concitoyens, alors même qu’il prétend renforcer la transparence du système de santé. Non, madame la ministre, vous n’êtes pas à l’écoute des Français !

Écoutez les généralistes, dont la rémunération n’évolue plus et dont la profession est dévalorisée par votre projet de loi ! Écoutez les médecins, qui ne veulent pas être fonctionnarisés par des agences régionales de santé surpuissantes et sans contre-pouvoirs ! Écoutez la majorité silencieuse des patients, ceux qui sont trop riches pour bénéficier des aides sociales mais trop pauvres pour se payer une prothèse dentaire ! Écoutez les organisations de patients, qui attendent la mise en place d’un véritable « open data santé », alors que vous supprimez l’Institut national des données de santé ! Écoutez les consommateurs et les viticulteurs de notre pays, qui en ont assez d’être criminalisés par des parlementaires irresponsables ! Écoutez, enfin, les acteurs de la nouvelle économie, qui réclament un engagement clair en faveur de la santé numérique, à défaut duquel ils partiront à l’étranger !

Madame la ministre, dans trois jours, les Français voteront au second tour d’une élection dont le premier tour vous a, dimanche dernier, lourdement sanctionnés, malgré l’autosatisfaction du Premier ministre. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Madame la ministre, dans moins d’une semaine, le 31 mars, l’ensemble des professions de santé sera en grève. Ma question est simple : quand comptez-vous faire preuve de bon sens et d’écoute ? Quand comptez-vous retirer ou réécrire ce texte, dont vous savez qu’il est inapplicable avant même qu’il ait été voté ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Monsieur le député Robinet, le Gouvernement fait de la lutte contre les inégalités en matière de santé une priorité. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Accoyer. C’est faux !

Mme Marisol Touraine, ministre. C’est la raison pour laquelle l’Assemblée nationale examinera à partir de mardi prochain un projet de loi visant à moderniser notre système de santé.

M. Bernard Accoyer. Vous êtes en train de faire exploser le système de santé !

Mme Marisol Touraine, ministre. Étant donné, monsieur le député, que votre groupe, quand il était majoritaire, n’a cessé de creuser le déficit de la Sécurité sociale tout en réduisant les droits de nos concitoyens et en multipliant les déremboursements et les franchises (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Répondez à la question !

Mme Marisol Touraine, ministre. …je comprends que vous ne puissiez vous engager en faveur d’un texte qui fait de l’égalité d’accès à la santé de tous les Français une priorité. Je peux vous dire, monsieur le député, que nous écoutons les Français, comme nous écoutons les médecins et l’ensemble des professionnels de santé. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrice Verchère. Mais vous n’entendez rien !

M. Philippe Meunier. On l’a vu dimanche !

Mme Marisol Touraine, ministre. C’est parce que nous les écoutons que nous faisons de la prévention et de la lutte contre les lobbies une priorité. Alors, si vous voulez agir pour la prévention, monsieur le député, votez pour le paquet neutre et  les autres mesures contre le tabagisme !

M. Patrice Verchère. Votez pour l’UMP !

Mme Marisol Touraine, ministre. Votez pour les mesures qui permettront aux jeunes de ne plus souffrir de bruits excessifs !

M. Sylvain Berrios. Répondez à la question !

Mme Marisol Touraine, ministre. Votez pour les mesures qui renforceront le dépistage de certaines maladies et la prévention, au bénéfice notamment des plus jeunes de nos concitoyens. Si vous vous préoccupez des Français, monsieur le député, adoptez la généralisation du tiers payant, qui doit permettre à tous nos concitoyens, selon des modalités  simples et lisibles pour les médecins, d’accéder aux médecins généralistes et à l’ensemble des professionnels de santé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.- Vifs protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Razzy Hammadi. Très bien !

Catastrophe aérienne

M. le président. La parole est à M. Sébastien Denaja, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Sébastien Denaja. Monsieur le Premier ministre, le crash de l’avion survenu hier matin est encore dans tous les esprits. Nous renouvelons ici nos condoléances sincères et attristées aux familles et proches des victimes, et au-delà à l’ensemble des peuples affectés par ce terrible drame. Nous partageons leur peine. Dans ces circonstances, c’est un devoir d’humanité, d’unité, et de dignité qui s’impose. Le Gouvernement s’est immédiatement et totalement mobilisé, démontrant ainsi la solidarité sans faille de tout le peuple français.

À ce titre, le Président de la République est lui-même actuellement sur les lieux, aux côtés des chefs de gouvernement allemand et espagnol. Notre devoir est aussi celui de l’efficacité. À cet effet, nous devons saluer l’exceptionnelle mobilisation des autorités et de tous les services compétents. Pas moins de 300 gendarmes, 380 sapeurs-pompiers, des experts en montagne, des enquêteurs de la police judiciaire, des médecins légistes ainsi que des moyens techniques de pointe ont été dépêchés sur les lieux du crash afin que l’enquête puisse se dérouler dans les meilleures conditions.

Nous avons enfin, et par-dessus tout, un devoir de vérité à l’égard des proches des victimes et de la mémoire de celles-ci. C’est ce qui justifie la mise en place d’un tel dispositif. C’est ce travail minutieux que réalise actuellement le Bureau d’enquêtes et d’analyses pour la sécurité de l’aviation civile.

Monsieur le Premier ministre, une fois encore, dans l’épreuve, le Gouvernement a su se montrer à la hauteur des événements. Pouvez-vous nous éclairer sur l’évolution de la situation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, je vais vous donner dans ces circonstances certaines informations, avec la dignité nécessaire vis-à-vis des victimes.

M. Hervé Mariton. Très bien.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Je renouvelle devant la représentation nationale les condoléances du Gouvernement français aux familles et aux proches des victimes. Nous les accompagnons tous dans ce moment tragique et je veux ici saluer la qualité de la coopération avec les autorités allemandes et espagnoles afin de prendre en charge, dans des conditions particulièrement difficiles, les familles des victimes.

Dès hier après-midi, Bernard Cazeneuve et Ségolène Royal se sont rendus sur place. C’est normal, c’est leur devoir. Ils étaient accompagnés des ministres allemands des affaires étrangères et des transports ainsi que de la ministre espagnole des transports. Le Président de la République, la chancelière fédérale allemande et le président du gouvernement espagnol sont en ce moment même sur place. Vous avez sans doute vu les images, qui sont particulièrement émouvantes.

Je veux, comme vous, saluer les hommes et les femmes qui se sont engagés dans ces opérations – gendarmes, bénévoles, membres de la sécurité civile, militaires, élus locaux. Ils agissent depuis hier matin, sous l’autorité du ministre de l’intérieur et du procureur de la République de Marseille. Les conditions, vous le savez, sont extraordinairement complexes car la catastrophe s’est produite en zone de montagne, dont l’accès est très difficile.

Je l’ai annoncé ici même, une cellule interministérielle de crise a été immédiatement mise en place. Je m’y suis rendu hier puis, à nouveau, ce matin, avec Bernard Cazeneuve, pour faire le point de la situation. Nous en ferons un nouveau, notamment en ce qui concerne l’accueil des familles qui souhaitent se rendre le plus près du lieu du drame, ce qui est normal.

Les opérations ont repris dès 7 heures ce matin avec l’hélitreuillage de cinquante gendarmes sur le site du crash. Elles consisteront notamment à rechercher les corps des victimes et à les identifier, ce qui sera très difficile, ainsi qu’à récupérer les débris de l’appareil, totalement dispersés après le choc. Elles s’inscriront dans la durée, sur plusieurs jours. Ce sera le travail de la gendarmerie, des sapeurs-pompiers et de la protection civile.

Les experts du Bureau d’enquêtes et d’analyses sont chargés de l’enquête technique. Ils ont débuté l’examen des données numériques de la boîte noire contenant l’enregistrement des sons dans le cockpit. Celle-ci est endommagée mais exploitable. Ces experts devraient tenir en fin d’après-midi une conférence de presse pour détailler leurs méthodes de travail et nous livrer, si possible, les premiers éléments.

Sur le plan judiciaire, tous les moyens sont mis en œuvre par le « pôle accident collectif » du parquet de Marseille afin de déterminer les causes de ce drame. Les circonstances de la catastrophe permettent d’écarter certains scénarios, mais nous devons nous préparer à une enquête longue, et n’écarter aucune piste. Nous en avons parlé avec la garde des sceaux qui s’est entretenue avec son homologue espagnol : nous travaillons en étroite coopération avec les autorités judiciaires espagnoles.

Oui, monsieur le député, toute la vérité devra être livrée aux familles et aux proches des victimes. Ce drame unit dans la même douleur des pays amis, deux grandes cités de notre continent, Barcelone et Düsseldorf. Il endeuille des entreprises et des lycées puisqu’une classe de jeunes Allemands, jumelée avec une ville voisine de Barcelone, voyageait à bord de cet avion.

Il endeuille une grande entreprise de transport aérien. Je n’oublie pas les autres nationalités, les autres pays car plusieurs sont touchés dans le monde, au-delà de l’Europe. Au travers du ministère des affaires étrangères qui a lui-même mis en place une cellule de crise pour pouvoir délivrer le maximum d’informations, les contacts sont établis. Ce drame émeut profondément nos compatriotes. Le Gouvernement et l’ensemble des services font leur devoir. Nous devons accomplir ce travail jusqu’au bout, pour montrer aussi que notre État dispose de services à même de répondre le plus vite possible aux attentes des pays et des familles concernés – nous en parlions hier avec le roi d’Espagne.

Je veux redire à chacun la solidarité de la France dans cette terrible épreuve. C’est dans ces moments-là que la France est forte et qu’elle se comporte dignement. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Régime social des indépendants

M. le président. La parole est à M. Patrice Verchère, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Patrice Verchère. Monsieur le Premier ministre, le régime social des indépendants – RSI – avait pour ambition de faciliter les relations des professions indépendantes avec les organismes gérant leur protection sociale. Cependant, le RSI a connu des dysfonctionnements, comme l’a notamment relevé la Cour des comptes en 2012.

Toutefois, depuis deux ans, la situation de cet organisme, au lieu de s’améliorer, s’est largement dégradée. Ainsi, une enquête récente établit que neuf affiliés sur dix se déclarent aujourd’hui insatisfaits.

Et en effet, depuis deux ans, les entrepreneurs indépendants vivent un cauchemar au quotidien : retards dans le traitement des dossiers, cotisations farfelues à la limite du racket, impossibilité de joindre un interlocuteur compétent, procédures de recouvrement abusives, et j’en passe.

Ces dysfonctionnements se traduisent par des contestations de plus en plus vives. Au-delà des manifestations, un mouvement de désaffiliation des indépendants vers des systèmes privés prend de l’ampleur. Cette situation explosive n’est plus tenable, de nombreux suicides sont relatés et il est urgent de revoir ce régime.

Jusqu’à présent, monsieur le Premier ministre, votre gouvernement a refusé de traiter ce problème. Vous donnez même l’impression de mépriser ces entrepreneurs indépendants qui pourtant participent pleinement à l’économie de notre pays.

Oui, monsieur le Premier ministre, la situation est urgente et exige l’intervention des pouvoirs publics. Elle est d’autant plus urgente que la création d’emplois et l’inversion de la courbe du chômage tant promises ne dépendent que de la capacité de nos entrepreneurs à créer de la richesse. Il est donc de l’intérêt de tous que les entrepreneurs français retrouvent la sérénité.

Vu que votre gouvernement ne s’en préoccupe pas ou peu, 106 parlementaires UMP soutiennent l’initiative de mes collègues Bruno Le Maire et Julien Aubert pour que soit créée une mission d’information parlementaire sur le RSI. Mais la situation est telle, monsieur le Premier ministre, que nous avons besoin de mesures urgentes.

Dès lors, que comptez-vous proposer pour rendre le RSI efficace et faire en sorte qu’il soit considéré par nos entrepreneurs comme un partenaire plutôt que comme un adversaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire.

Mme Carole Delga, secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire. Monsieur le député, vous évoquez la situation du RSI, qui est préoccupante, mais c’est le cas depuis de très nombreuses années ! La décision d’instaurer ce régime social unique a été prise en 2006 pour s’appliquer en 2008. Dès 2012, nous avons travaillé avec les administrateurs du RSI et les URSSAF et je salue la mobilisation des agents qui, depuis deux ans, améliorent les prestations du RSI.

M. Sylvain Berrios. C’est pire depuis !

Mme Carole Delga, secrétaire d’État. Pour autant, nous devons continuer à nous mobiliser. Rappelons que Marisol Touraine a décidé (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) que les cotisations seraient prélevées sur l’année N-1 et non l’année N-2. Nous avons par ailleurs décidé que l’internalisation des appels téléphoniques se ferait afin d’apporter une vraie réponse. Oui, de nombreux problèmes se posent, mais nous les traitons ! Nous ne sommes pas dans la critique systématique. (Mêmes mouvements.)

Prétendre que nous ne recevons pas systématiquement ces indépendants est faux ! Mon cabinet ainsi que ceux de Christian Eckert et Marisol Touraine les reçoivent régulièrement. D’ailleurs, depuis le 1er janvier, nous avons baissé les cotisations des indépendants. Ce n’est pas vous qui l’avez fait, c’est notre gouvernement, qui se tient aux côtés des artisans et des commerçants ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.– Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Rappelons enfin que la mission parlementaire débutera prochainement. Concernant les désaffiliations, la cour d’appel de Limoges a confirmé avant-hier, sans surprise, la légalité du RSI. Nous devons être à l’écoute de ces commerçants et de ces artisans qui font la richesse de nos territoires et garantissent une économie de proximité. Nous devons nous montrer opérationnels et protecteurs en faisant preuve de logique, loin de toute démagogie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Soutien à la Tunisie

M. le président. La parole est à M. Razzy Hammadi, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Razzy Hammadi. Ma question s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

Le 18 mars dernier, un terrible attentat a ensanglanté la Tunisie en frappant le musée du Bardo, provoquant la mort de plus d’une vingtaine de personnes, dont trois de nos concitoyens. Nos pensées ont immédiatement été à leurs familles et à leurs proches.

C’est l’ensemble de la Tunisie qui a été touché par ce drame. Ces terroristes visaient exactement la même chose qu’à Copenhague, Bruxelles, Bamako et, bien évidemment, Paris. La douleur et la peine qui sont les nôtres n’ont d’égales que la douleur et la peine que nous avons tous ressenties lors des événements qui ont endeuillé la France à partir du 7 janvier.

Pour les terroristes, l’objectif est toujours le même : lutter contre la démocratie, terroriser ceux qui se battent pour la liberté et in fine instituer la terreur. Leur objectif est politique : ce n’était pas seulement la culture qui était visée, mais aussi la possibilité de rebond de cette jeune démocratie qu’est la Tunisie. Nous pensons naturellement à Chokri Belaïd et à Mohamed Brahmi, parlementaires qui sont eux aussi tombés sous les coups de la terreur.

Dimanche, une grande marche aura lieu en Tunisie, et je ne doute pas que la France y sera dignement représentée. Quelles sont les initiatives que la France compte prendre dans les jours qui viennent, monsieur le ministre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Un député du groupe UMP. Laborieux !

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. Vous avez dit exactement ce qu’il fallait dire, monsieur le député. Le bilan de l’attentat du musée du Bardo est extrêmement lourd puisqu’il a fait 21 morts, dont trois de nos compatriotes, et 44 blessés, dont sept Français. Comme vous, je veux assurer de nouveau les familles, les proches, les autorités tunisiennes et le peuple tunisien de la solidarité totale de notre pays.

Ce n’est pas un hasard si le terrorisme a touché un pays qui représente dans le monde arabe un espoir de paix, de stabilité et de démocratie : c’est précisément cet espoir que les terroristes veulent détruire. Pourtant le sursaut national en Tunisie et l’élan de solidarité internationale qui ont suivi l’attentat signent déjà leur indispensable échec.

Nous devons continuer de soutenir la Tunisie, et c’est ce que nous faisons. Sur le plan politique tout d’abord, nous appuyons les efforts de transition. Sur le plan sécuritaire, ensuite, M. le ministre de l’intérieur s’est immédiatement rendu à Tunis pour confirmer le renforcement de notre coopération en matière de lutte contre le terrorisme. Sur le plan économique, enfin, car le coup porté au secteur touristique risque en effet d’être rude.

Le Président de la République a insisté sur ces différents aspects lors du conseil européen. Nous les aborderons à nouveau les 7 et 8 avril prochains, à l’occasion de la visite en France du président Essebsi.

La Tunisie représente aujourd’hui un espoir pour le monde arabe. Cet espoir doit continuer à vivre, avec le soutien de la France, en particulier de tous les membres de l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Situation sociale à Radio France

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Marie-George Buffet. Madame la ministre de la culture et de la communication, depuis jeudi les personnels de Radio France sont en grève, et cette grève est massivement suivie.

M. Philippe Briand. Ils n’ont jamais été aussi bons !

Mme Marie-George Buffet. Ce mouvement traduit l’attachement des salariés du groupe à cette radio de service public face aux menaces pesant sur ses emplois, la pérennité de ses activités, la qualité de ses antennes et le pluralisme des informations.

M. Pierre Lellouche. Et le nouveau bureau du PDG !

Mme Marie-George Buffet. Lors du comité central d’entreprise qui s’est réuni hier, le PDG a confirmé son projet de réaliser une économie de 17 à 24 millions d’euros en supprimant 200 à 300 postes. D’autres mesures visant à réduire les effectifs sont en cours d’application : suppression de directs la nuit, fermetures de micro-locales, restructuration de rédactions, commercialisation d’une partie des programmes des stations locales. Voilà le résultat d’une gestion qui accompagne le désengagement de l’État.

Jusqu’où ira-t-on ? Aurons-nous encore demain une véritable radio publique, seule garantie du droit à l’information ?

L’emploi et la compétence ne peuvent pas être considérés comme des variables d’ajustement. Quant au chantier de la Maison de la radio, lancé depuis dix ans, et dont les retards excèdent les salariés, il ne saurait cependant être considéré comme « l’impasse financière qui cristallise tous les problèmes ».

Madame la ministre, vous venez de demander au PDG de proposer un « projet stratégique et financier stable » ; c’est bien, mais le déficit de Radio France est d’abord de la responsabilité de l’État, qui n’a pas respecté les engagements du précédent contrat d’objectifs et de moyens en amputant son budget de plusieurs millions d’euros.

Aussi, madame la ministre, je souhaiterais connaître les moyens que vous comptez engager pour répondre positivement aux demandes des salariés de Radio France et permettre ainsi à ses fidèles auditeurs de continuer à disposer d’une radio de qualité.

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication. Madame la ministre, je suis autant que vous attachée à cette grande et belle maison qu’est Radio France et à sa mission de service public. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité ce matin avoir un échange avec le président de Radio France. A cette occasion, je lui ai demandé où en étaient ses discussions avec les représentants des salariés, qui sont en ce moment même reçus au ministère de la culture, et quels étaient son projet stratégique et ses propositions concernant l’achèvement du chantier de la Maison de la radio, la trajectoire financière et l’emploi. Il est important qu’il puisse proposer une stratégie dans un contexte de réforme où coexistent plusieurs responsabilités : celle de l’État est d’arbitrer, celle de l’entreprise est de proposer un projet stratégique.

Au besoin de réforme s’ajoute un besoin d’exemplarité. C’est pourquoi MM. Macron et Sapin et moi-même avons demandé à l’inspection générale des finances de nous rendre sous quinze jours un rapport sur le train de vie de la présidence et des instances dirigeantes de Radio France.

Cependant, madame la députée, il est important de bien situer l’origine du problème financier que rencontre aujourd’hui Radio France et que vous avez justement souligné. Ces difficultés financières sont nées de la négociation du précédent contrat d’objectifs et de moyens en 2010, sous le gouvernement de M. Fillon. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Pierre Lellouche. Mais bien sûr !

Mme Fleur Pellerin, ministre. En effet les objectifs extrêmement ambitieux assignés alors à Radio France n’ont pas été accompagnés de moyens à la hauteur de ces ambitions. Ce gouvernement s’était engagé à augmenter les moyens de Radio France de 13 % sur quatre ans, et c’est parce que ces ressources ont fait défaut que nous nous trouvons aujourd’hui dans une telle situation. (Même mouvement.)

M. Jean-François Lamour. Vous êtes incapable d’agir et, en plus, c’est de la faute des autres !

Mme Fleur Pellerin, ministre. Aujourd’hui chacun doit assumer ses responsabilités, comme le fait le gouvernement de Manuel Valls. Nous avons pris celle d’augmenter et de moderniser la redevance, mais les difficultés financières sont imputables à l’ancienne majorité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Gosselin. Tiens donc !

Difficultés des entrepreneurs

M. le président. La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Monsieur le Premier ministre, vous pouvez annoncer tous les chocs de simplification que vous voulez, vous ne changerez rien tant que vous n’ordonnerez pas à votre majorité d’accompagner nos entrepreneurs en légiférant avec bon sens.

Aujourd’hui, plus de cinq millions de Français n’ont pas de travail. Et savez-vous pourquoi ils ne retrouvent pas d’emploi, monsieur le Premier ministre ? Parce que votre majorité décourage les entrepreneurs de France de créer des emplois en les prenant pour des vaches à lait, quand ce n’est pas pour des tricheurs, voire des voleurs, ou encore et toujours pour des exploiteurs de salariés.

M. Jacques Myard. Bravo !

M. Jean-Charles Taugourdeau. À longueur de journées et d’années, il est extrêmement pénible pour un entrepreneur qui engage tous ses biens personnels d’être non pas contrôlé – c’est normal –, mais soupçonné, voire accusé a priori ou même harcelé !

M. Yves Censi. Bravo !

M. Jean-Charles Taugourdeau. Avec le climat de méfiance que vous instaurez, vous encouragez des agents et des inspecteurs du travail à se croire tout permis, à débarquer comme des cow boys dans les entreprises.

D’ailleurs, monsieur le Premier ministre, quelle mesure avez-vous prise depuis que vous avez condamné, ici même, les propos de Gérard Filoche, ancien inspecteur du travail, qui s’est réjoui de la mort d’un chef d’entreprise ? Est-il toujours membre du comité directeur du parti socialiste ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Eh oui !

M. Jean-Charles Taugourdeau. Je résume : contrôler, accompagner les entrepreneurs, les respecter, oui ! Les menacer, les harceler, les soupçonner, non, non et non ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jacques Myard. Qu’en pense Macron ?

M. Jean-Charles Taugourdeau. Ma question est simple : monsieur le Premier ministre, quand allez-vous comprendre que votre majorité fait mal aux entrepreneurs de France et donc aux Français, qui d’ailleurs vous le confirmeront dimanche ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Monsieur le député, la question que vous soulevez est éminemment importante et mérite mieux que les caricatures et les faux débats. Le Gouvernement n’est pas contre les entrepreneurs ; ses déclarations et les mesures qui ont été prises l’ont clairement montré.

L’inquiétude des entrepreneurs peut demeurer, mais leur impatience, qui est justifiée, appelle des réponses que nous avons données.

Tout d’abord, les allégements de charges ont eu lieu en début d’année…

M. Jean-Pierre Gorges. Ah bon ?

M. Emmanuel Macron, ministre. …et sont inscrits dans les comptes grâce au pacte de responsabilité et de solidarité qui permet aux indépendants et aux entreprises d’alléger les charges sur les bas salaires et de commencer à bénéficier de mesures fiscales qui s’étaleront sur trois ans.

Ensuite, le pacte de responsabilité donne une visibilité sur plusieurs années. Cette visibilité était nécessaire pour que nos entrepreneurs prennent des décisions d’investissement et d’emploi.

Enfin, des mesures concrètes ont été prises pour accompagner les entrepreneurs au quotidien. Les mesures de simplification ne se font pas du jour au lendemain. Sur ce point-là aussi, collectivement, nous devons éviter la caricature. C’est un travail de long terme, de long cours qui a été initié. La complexité a été créée par nous tous, collectivement. Il ne faut ni caricaturer le débat ni le simplifier à outrance.

Lorsque nous accompagnons les entrepreneurs qui prennent des risques en protégeant leur domicile personnel, comme le prévoit la loi pour la croissance et l’activité, lorsque nous simplifions la justice prud’homale en faisant en sorte qu’elle soit aussi efficace et aussi juste, lorsque nous prenons des mesures concrètes pour faciliter l’ouverture de certains secteurs, lorsque nous prenons des mesures pour accompagner les entrepreneurs, lorsque, avec la Banque publique d’investissement, nous aidons les PME et les TPE à accéder au crédit, alors oui, monsieur le député, nous prenons des mesures bonnes pour nos entrepreneurs qu’il faut accompagner sur le terrain, comme nous continuerons à le faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Grande école du numérique

M. le président. La parole est à M. William Dumas, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. William Dumas. Madame la secrétaire d’État chargée du numérique, lors de ses vœux pour l’année 2015, le Président de la République a réaffirmé son ambition pour le développement du numérique en France, au sein du monde éducatif et dans le champ économique. Il a notamment annoncé la création d’une grande école du numérique.

Le numérique est la garantie d’un accès à la connaissance pour tous. C’est aussi un secteur qui connaît un grand développement économique que nous devons exploiter.

La France doit être fière de ses performances dans ce domaine, notamment ses start up et ses objets connectés. Nous devons rester visionnaires et dynamiques. L’école du numérique doit s’inscrire dans le cadre des trente-quatre plans industriels qui ont été créés pour redonner une colonne vertébrale à notre économie sur tout le territoire.

L’école du numérique doit s’adresser aux Français qui ont un talent, une ambition, une énergie, une vocation, mais pas forcément un diplôme ou une qualification. Ce n’est pas une école au sens classique du terme. Elle doit offrir à ceux qui se sont éloignés du système scolaire ou n’ont pas trouvé de travail une formation adaptée et un diplôme reconnu qui déboucheront sur un emploi.

L’école du numérique doit être un moteur non seulement de développement et d’innovation, mais aussi de créations d’emploi. Le numérique est un secteur d’avenir que nous devons exploiter et mettre au service du talent des Français sur tout le territoire.

Pour cela, il faut que l’école soit mise en place dans les meilleurs délais, et je sais pouvoir compter sur vous, madame la secrétaire d’État, pour que cela soit le cas.

Pouvez-vous me dire quand et comment cette école du numérique sera mise en place et quels sont les résultats attendus ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée du numérique.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du numérique. Monsieur le député, vous m’interrogez sur l’école du numérique : pourquoi, comment, quand ?

Pourquoi ? Avec Myriam El Khomri et Najat Vallaud-Belkacem, nous avons fait un constat qui se veut très pragmatique. D’un côté, il existe des signes de reprise économique qui devraient être confirmés. Et, c’est la priorité de ce Gouvernement, cette reprise doit profiter à tous, aider au retour à l’emploi et à la lutte contre le chômage.

Or le numérique est un secteur économiquement porteur, qui attire les investissements étrangers et qui recèle des besoins réels de main-d’œuvre dans des métiers comme ceux de développeur, concepteur de site internet, graphiste designer, technicien de maintenance informatique, notamment pour les TPE et les PME. On estime à au moins 38 000 le nombre de postes qui seraient à pourvoir dans les cinq prochaines années.

De l’autre côté, il y a des jeunes, trop nombreux, qui ne sont ni dans l’emploi ni dans la formation, qui sont souvent des décrocheurs et souvent des jeunes filles, et qui peuvent avoir une appétence naturelle pour le numérique. Beaucoup d’entre eux sont autodidactes.

Nous avons donc décidé, à la demande du Président de la République, de répondre à ce paradoxe par la création d’une grande école du numérique, non pas au sens académique du terme, mais qui formera aux métiers du numérique avec des méthodes pédagogiques innovantes. Cette école ouverte à tous, gratuite, sans distinction académique, géographique, économique ou sociale, s’appuiera sur un réseau de structures qui seront labellisées. L’État apportera son soutien financier et une garantie de qualité.

Le Premier ministre a missionné trois configurateurs, dont nous attendons les recommandations d’ici au mois de mai. Au cours de l’automne prochain, cinquante fabriques du numérique seront labellisées et permettront à des milliers de jeunes d’entrer dans l’emploi. L’école du numérique sera l’école de l’égalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Ruralité

M. le président. La parole est à M. Olivier Dassault, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Olivier Dassault. Monsieur le Premier ministre, partout dans nos territoires, la ruralité est confrontée au chômage, à la pauvreté et au désespoir. Les gens ont le sentiment que ce vous donnez d’une main aux villes et aux banlieues, vous le reprenez à la campagne de l’autre !

M. Jean Glavany. Qu’en savez-vous ?

M. Olivier Dassault. C’est le cas de l’Oise bien entendu, mais dans d’autres départements aussi le désert français progresse !

M. Jean Glavany. Dans le bois de Boulogne ?

M. Olivier Dassault. Les petits commerces de proximité disparaissent en raison de l’excès de charges ; les services publics ferment et l’accès à la santé est remis en cause. À cela s’ajoute la fuite des professionnels du droit organisée par votre gouvernement, sans parler du malaise des agriculteurs et de celui des chasseurs que vous pointez du doigt une nouvelle fois à travers votre projet de loi relatif à la biodiversité ! Comment les entreprises peuvent-elles se maintenir en milieu rural, à fortiori s’y implanter, alors qu’elles n’y sont pas connectées au monde en raison du mauvais fonctionnement du numérique, qu’il s’agisse de l’Internet ou de la téléphonie mobile ? Comment ne pas s’inquiéter de l’augmentation des violences et des cambriolages qui frappent nos villages ? Un Français sur sept subit cette fracture territoriale.

Ne laissez pas tomber nos campagnes, monsieur le Premier ministre ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Il y a quelques semaines, en visite dans l’Aisne, vous y avez fait de belles promesses, rythmant votre discours d’annonces d’investissements de milliards d’euros pour développer les territoires ruraux ! Mais ceux que les Français veulent maintenant, ce sont des actes plus que des paroles.

« Si vous ne pouvez pas faire de grandes choses, faites de petites choses de façon grandiose », disait le journaliste américain Napoléon Hill. Comme leurs élus, les habitants de nos campagnes réclament simplement les moyens financiers dont ils sont aujourd’hui privés pour redynamiser leur territoire et l’économie locale. Comptez-vous enfin écouter le bon sens paysan ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.- Rires sur les bancs des groupes SRC, RRDP et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, Il est vrai que j’ai moins d’expérience que certains d’entre vous de cet hémicycle, où nous avons partagé des moments d’émotion autant que de confrontation, mais je ne m’attendais vraiment pas à une telle chute ! Venant de vous, une telle conclusion restera comme l’une de ces perles qui marquent l’Assemblée ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.- Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Hervé Mariton. C’est une question sérieuse !

M. Jean-Michel Couve. N’est-il pas un député comme les autres ?

M. Bernard Accoyer. Cette stigmatisation est honteuse !

M. Yves Censi. C’est scandaleux !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Un peu d’humour ne peut que faire du bien, en particulier entre les deux tours de ces élections départementales ! Il est inutile de s’énerver alors que je m’apprête, au-delà de ce mot, à répondre très sérieusement à M. Olivier Dassault, que je connais bien et avec qui je partage, sinon des combats communs, du moins le souci d’un certain nombre de sujets.

Je trouve votre question assez étonnante. Prenons un premier exemple très concret, celui de la violence et de la délinquance. Depuis les années 2008-2009, les cambriolages, les vols de matériel agricole et les violences, notamment familiales, n’ont cessé d’augmenter. Pourtant la majorité précédente, à laquelle vous apparteniez, et le gouvernement qu’elle soutenait n’ont eu de cesse, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, d’enlever des moyens à la police et à la gendarmerie, chargée des territoires ruraux. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est faux !

M. Manuel Valls, Premier ministre. C’est ce gouvernement, c’est moi-même quand j’étais ministre de l’intérieur, puis Bernard Cazeneuve, qui m’a succédé, qui avons décidé d’augmenter le nombre de gendarmes et de restructurer les brigades sur le territoire pour gagner en efficacité. Et que constatons-nous ? Que le niveau de la délinquance baisse dans les territoires ruraux, notamment le nombre des cambriolages, même si ce niveau reste beaucoup trop élevé.

M. David Douillet. C’est de la « com » !

M. Manuel Valls, Premier ministre. C’est une bonne chose pour les citoyens de ces territoires, et ce n’est pas vous qu’on le doit, mais à l’actuelle majorité !

Prenons un autre exemple que vous connaissez bien. Nous soutenons la présence des services publics dans les départements, grâce notamment à l’action de Marylise Lebranchu et de Marisol Touraine.

M. Thierry Solère. Tout va bien !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Le sujet était au cœur du comité interministériel que j’ai présidé sur la base des propositions formulées par Sylvia Pinel : nous voulons plus de services publics au niveau local.

M. Philippe Le Ray. Ça ne se voit pas !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Le nombre de maisons de service public et de maisons de santé passera d’ici la fin de l’année de 600 à 800, soit 200 de plus.

M. Étienne Blanc. Qui paie ? Ce sont les départements qui paient !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Soyons clairs : dans la plupart des départements, la droite propose de supprimer les maisons de service public et les maisons de santé ! (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Guillaume Larrivé. C’est faux !

M. Manuel Valls, Premier ministre. À quelques jours du second tour des élections départementales, il faut que chacun regarde de près qui soutient les territoires ruraux, qui s’occupe des gens qui y vivent, qui a pris toute la mesure de cette détresse que le monde rural exprime depuis plusieurs années et sur laquelle nous aurons l’occasion, avec Stéphane Le Foll, de revenir demain, dans le cadre du congrès de la FNSEA.

Plusieurs députés du groupe UMP. Menteur !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Vous avez raison, monsieur le député : il faut se préoccuper de ces territoires. Le Gouvernement a tenu ces dernières semaines deux réunions importantes, au cours desquelles il a arrêté des mesures précises et concrètes, non seulement pour les territoires urbains et périurbains, mais aussi pour les territoires ruraux.

Vous le voyez, mesdames et messieurs les députés de l’opposition : on peut faire preuve d’humour tout en étant très clair sur le sujet. Pendant que vous vous contentez de paroles démagogiques, nous, nous agissons pour ces territoires ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. Dino Cinieri. Quel baratin !

M. Étienne Blanc. Rendez-vous dimanche prochain !

Compte personnel de formation

M. le président. La parole est à Mme Marie-Lou Marcel, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Marie-Lou Marcel. Ma question s’adresse à M. le ministre du travail.

Avant 2012, les politiques de l’emploi n’évoluaient pas, la majorité qui nous a précédés se contentant d’attendre la reprise. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Les effets de cet attentisme et de cet immobilisme ont été dévastateurs pour notre appareil productif, qui a subi la perte de 600 000 emplois dans le secteur industriel en l’espace de dix années.

Notre majorité a mis en place une politique volontariste afin de remettre l’emploi au cœur du pacte français.

M. Sylvain Berrios et M. Philippe Meunier. Mille chômeurs de plus par jour !

Mme Marie-Lou Marcel. Contrats de génération, emplois d’avenir, crédit d’impôt compétitivité emploi, pacte de responsabilité, banque publique d’investissement, trente-quatre plans de reconquête industrielle, réorientation de la politique européenne de croissance : nous avons fait beaucoup et nous devons continuer.

M. Philippe Le Ray. Il est vrai que ça va beaucoup mieux !

Mme Marie-Lou Marcel. Dans une économie en profonde mutation, la formation est cruciale, tant la formation initiale – et notre politique éducative concourt à l’effort national en la matière – que la formation continue, pour accompagner les travailleurs dans la découverte de nouvelles compétences, de nouveaux savoirs, de nouvelles techniques et de nouveaux métiers.

Depuis le 1er janvier 2015, un compte personnel de formation est mis à la disposition de tous les salariés et de tous les chômeurs. Il permet de démocratiser l’accès à la formation, de mieux répondre aux besoins et de mieux répartir les ressources pour renforcer la compétitivité de notre économie. Chaque bénéficiaire peut ouvrir son compte depuis le site Internet mis en place par le Gouvernement. C’est un progrès social majeur.

Ma question est simple, monsieur le ministre : après trois mois d’existence, quel bilan tirez-vous de la création de ce compte ?

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. (« Et du chômage ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Vous avez eu raison de rappeler, madame la députée Marie-Lou Marcel, que l’Assemblée nationale a voté le 4 mars 2014 la loi sur la formation professionnelle. Neuf mois plus tard, le compte personnel de formation était activé.

Si je rappelle ces dates, c’est parce que certains, y compris sur les bancs de la majorité, doutaient de la possibilité de tenir les délais. Ils l’ont été et je rends hommage à la formidable mobilisation qui a permis que le compte personnel de formation soit une réalité depuis le 1er janvier. Les chiffres le confirment : plus d’un million de comptes ont été créés et plus de quatre-vingt-cinq millions d’heures de droit individuel à la formation ont été créditées. Nous structurons actuellement, en concertation avec les partenaires sociaux, une offre de formation qui concrétise ce nouveau droit.

Ainsi, en trois mois, ce sont plus de 20 000 certifications qui ont été validées et ouvertes aux bénéficiaires du compte personnel de formation. J’invite à cette occasion tous les organismes intermédiaires, tels que les organismes paritaires collecteurs agréés et les fonds de gestion des congés individuels de formation, à se saisir au plus vite de cette nouvelle opportunité afin de répondre rapidement et efficacement aux demandes de formation.

La mobilisation des acteurs et du grand public s’intensifiera encore grâce à la grande campagne de communication que nous allons lancer au mois d’avril prochain.

M. Jean-Frédéric Poisson. Nous voilà rassurés !

M. François Rebsamen, ministre. Réussir ensemble cette mobilisation sera un élément essentiel du redressement économique de notre pays. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Commerce de proximité

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Annie Genevard. Monsieur le Premier ministre, après les professions juridiques, le monde médical, les routiers, les agriculteurs, le bâtiment et les travaux publics, les auto-écoles – et la liste est encore longue –, ce sont des milliers de dirigeants de petites entreprises qui ont récemment manifesté, excédés par la politique économique du Gouvernement.

Les temps sont durs pour eux : 60 000 entreprises ont fermé leurs portes en 2013 et 2014. Ce vent de fronde gagne le commerce de proximité. Les commerçants des centres-villes sont les premiers concernés par la réforme des valeurs locatives dont vous avez annoncé in extremis hier le report. Cette réforme allait porter un coup fatal au commerce de proximité, qui souffre tant.

Il est plus qu’urgent de prendre la mesure du maintien de l’activité au cœur de nos villes. Rien n’est plus triste que des centres-villes sans commerces. N’avez-vous pas conscience des risques qui pèsent sur ce secteur, fragilisé par la baisse du pouvoir d’achat des Français, par le climat d’insécurité sociale qui paralyse la consommation, par le découragement de ces commerçants et artisans face à une conjoncture morose, par les dysfonctionnements du régime social des indépendants – RSI – ou par la folle inflation normative ?

Votre majorité, aveuglée par l’obsession de rompre avec les choix de ses prédécesseurs, a affaibli de façon irresponsable des politiques publiques qui avaient pourtant fait leurs preuves, comme le Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce – FISAC –, au prétexte qu’il n’y avait plus d’argent. Vous avez pourtant su en trouver pour d’autres domaines !

La situation du commerce et de l’artisanat dans notre pays est révélatrice de vos choix politiques. Monsieur le Premier ministre, quel est votre plan d’action pour sauver le commerce de proximité, qui est le vrai visage de nos villes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire.

M. Guy Geoffroy. Cela va être de notre faute !

Mme Carole Delga, secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire. Madame la députée, vous avez souhaité attirer notre attention sur le commerce de proximité, qui mérite en effet le plein et entier soutien du Gouvernement.

Le commerce de proximité bénéficie d’actions majeures non seulement pour permettre la création de valeur économique et sociale, mais aussi pour asseoir son implantation territoriale. J’en veux pour preuve le FISAC, avec un nouvel appel à projets la semaine prochaine. Nous pourrons ainsi subventionner à nouveau des projets, à hauteur de 17 millions d’euros. Il n’y a pas de baisse sur le budget 2015 par rapport aux dix dernières années.

Mme Annie Genevard. Si !

Mme Carole Delga, secrétaire d’État. Je vous rappelle que nous avons mis en place, dans le cadre de la loi relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises portée par Sylvia Pinel, les contrats de revitalisation artisanale et commerciale, qui seront de suite applicables.

Pour les TPE, nous avons mis en place un allégement de charges au 1er janvier, avec une baisse de 60 % des cotisations famille pour les indépendants et une baisse de la cotisation minimale maladie de 900 euros par an, mais aussi le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, qui bénéficie aux entreprises…

M. Christian Jacob. En somme, tout va très bien !

Mme Carole Delga, secrétaire d’État. …et la suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S.

Nous avons en effet souhaité reporter la révision des bases locatives des locaux professionnels, car nous sommes attentifs à ce que les commerces de proximité ne soient pas pénalisés. Mais ces commerces de proximité que vous connaissez bien, et que je connais bien également, n’est-ce pas la loi de modernisation de l’économie qui les a fragilisés ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Luc Laurent. Très juste !

Mme Carole Delga, secrétaire d’État. N’est-ce pas cela la difficulté ? Qui a décidé d’engager un plan d’action pour la ruralité et les centres-bourgs ? C’est nous qui l’avons fait, c’est le Premier ministre qui l’a présenté ! Sachez donc reconnaître le travail qui est fait ! Les commerçants et les artisans sont soutenus, comme toute l’économie de proximité sur tous les territoires ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Paul Molac. Très bien !

M. Christian Jacob. Tout va très bien, grâce à vous !

M. Guy Geoffroy. Je l’avais bien dit !

Révision des bases locatives

M. le président. La parole est à Mme Sophie Errante, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Sophie Errante. Ma question s’adresse à M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Depuis 2012, le Gouvernement est engagé aux côtés des entreprises, des TPE et PME et des indépendants. Il est engagé aux côtés de ceux qui chaque jour font la richesse de la France et la vitalité de nos territoires. On ne peut que s’en féliciter.

Fidèle au principe de justice fiscale, le Gouvernement souhaite réformer la base des valeurs locatives des locaux professionnels. Alors que nos territoires sont en perpétuelle mutation, est-il normal que cette base n’ait pas été modifiée une seule fois en quarante ans ?

Cette réforme est attendue et réclamée par les élus locaux. Menée au sein de commissions locales associant administration, élus et représentants des contribuables, elle suscite néanmoins des inquiétudes quant au mode de calcul.

La réforme se fait certes à produit fiscal constant, mais nous devons raisonner à l’échelle des entrepreneurs et des professionnels. La nouvelle base doit aussi être plus simple et plus lisible.

Cette réforme vise non pas à fragiliser le petit commerce, mais à l’accompagner davantage. Nous souhaitons tous que les centres-villes puissent rester des lieux de convivialité et de commerce. Or il apparaît qu’ils seraient pénalisés par rapport aux périphéries des villes, et notamment par rapport aux grandes surfaces.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez proposé hier de repousser l’entrée en vigueur de cette réforme du 1er janvier 2016 au 1er janvier 2017, afin de permettre aux professionnels d’anticiper les changements à venir en poursuivant les concertations. Cette décision fait suite aux résultats de simulations menées en amont de l’application de cette mesure. S’il le fallait encore, je tiens à rappeler l’importance de l’évaluation des impacts d’une décision avant sa mise en œuvre – nous en avons ici la preuve par l’action.

Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d’État, nous expliquer les raisons de ce report et vous engager à poursuivre les simulations sur les effets de cette réforme avant son entrée en vigueur ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Madame la députée, vous l’avez dit, il s’agit d’une réforme nécessaire, attendue et complexe.

Nécessaire, car les valeurs locatives n’ont pas été revues depuis 1970. Souhaitée, car celles-ci servent d’assiette non seulement aux impôts fonciers des entreprises, mais aussi au calcul de péréquations entre collectivités, et leur révision s’impose pour des raisons de justice et d’équité. Complexe, car j’ai coutume de dire que c’est un travail de bénédictin. Les locaux professionnels sont au nombre de plusieurs millions, et il faut recenser leur surface et la nature des bâtiments, ce qui a été fait.

Les simulations sont aujourd’hui achevées ; les commissions départementales, intercommunales ou communales des impôts fonctionnent, avec les élus, et il y a lieu de poursuivre ce travail. Mais les premiers éléments montrent qu’il y aurait des effets de transfert, et pas forcément dans le sens souhaité. Vous avez évoqué les commerces de centre-ville ; plusieurs élus et organisations professionnelles nous ont alertés à ce sujet, et le Gouvernement souhaite en tenir compte.

Le travail doit se poursuivre. Il faut que les commissions continuent à travailler avec les administrations, les élus locaux et les intéressés. Mais il y aura sans doute lieu de modifier un certain nombre de paramètres et d’envisager des lissages pour éviter que des effets de transfert trop brutaux ne perturbent la situation, notamment pour les commerces de centre-ville.

Le Gouvernement souhaite donc reporter d’un an la mise en œuvre de cette révision des bases locatives pour se donner le temps de conduire ce travail. C’est le Parlement qui en décidera, puisque la date du 1er janvier 2016 est inscrite dans la loi. Nous vous proposerons donc – à la satisfaction générale, me semble-t-il – de reporter cette date de mise en œuvre. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Politique économique

M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Pierre Lequiller. Monsieur le Premier ministre, où avez-vous vu que l’opposition voulait supprimer les maisons de santé et les maisons de service public dans les zones rurales ?

Un député du groupe UMP. N’importe quoi !

M. Pierre Lequiller. C’est ce genre de mensonges et d’excès qui vous discréditent. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.)

Votre gestion catastrophique a fait de notre pays l’un des plus mauvais élèves de l’Europe. Tout le monde, à commencer par la Cour des comptes, vous invite à un effort véritable de baisse du déficit et à des réformes structurelles.

S’agissant du déficit, vous vous êtes engagé à dégager quatre milliards d’économies pour obtenir un délai supplémentaire de deux ans mais vous refusez de nous dire comment vous comptez y parvenir. Avez-vous un plan secret que vous ne voulez pas dévoiler avant les départementales ? Je vous repose la question à laquelle M. Sapin n’a pas répondu la semaine dernière : si ce n’est pas par l’impôt, sera-ce par la baisse des prestations sociales ? Si c’est par des économies budgétaires, lesquelles ? La représentation nationale a le droit de le savoir : vous avez le devoir de nous le dire.

Par ailleurs, à l’occasion du semestre européen, vous devez présenter les réformes structurelles que vous envisagez de mener. Pourtant là aussi vous nous opposez un silence absolu, sans doute parce que votre majorité ne vous suit pas, comme on l’a vu avec le projet de loi Macron. La seule information que M. Hollande nous a donnée, c’est que, quel que soit le résultat des départementales, il ne changerait pas de politique. C’est dire qu’à ses yeux, le vote des Français ne compte pas.

Le chômage a atteint 10, 4 % – un record depuis dix-sept ans. La croissance française est l’une des plus faibles d’Europe. Quand M. Rebsamen dit, à propos du chômage : « nous sommes en échec » ; quand M. Moscovici affirme qu’il faut réformer le marché du travail, n’est-il pas temps de changer de politique et de lancer des réformes courageuses ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Je réponds d’autant plus volontiers à votre question, monsieur le président Lequiller, que vous suivez depuis longtemps les questions européennes. Il se trouve que je me suis exprimé publiquement à ce sujet, non seulement lors de la conférence de presse que j’ai tenue avec Jean-Claude Juncker, mais également lors de l’intervention que j’ai prononcée devant le collège des commissaires de l’Union européenne, comme le font régulièrement les chefs de gouvernement. À ces occasions, j’ai détaillé, à la fois l’action du Gouvernement, les réformes que nous avons déjà entreprises depuis trois ans et celles que nous allons continuer à engager.

Après le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, qui a été défendu avec talent par Emmanuel Macron, et qui n’est pas encore définitivement adopté, j’ai d’ores et déjà annoncé d’autres rendez-vous, en particulier aux partenaires sociaux. Je pense notamment au projet de loi que vous présentera François Rebsamen, et qui, au-delà de la question des intermittents du spectacle ou de la fusion entre la prime pour l’emploi et le RSA-activité, portera sur l’ensemble des règles du dialogue social, afin d’aboutir, là aussi, à de la simplification.

J’ai eu aussi l’occasion de faire un certain nombre d’annonces sur le dialogue entre les partenaires sociaux ou sur la question de l’embauche, essentielle pour les petites et moyennes entreprises. Un rendez-vous est prévu au mois de juin.

La croissance revient. Elle est peut-être moins vigoureuse que dans un certain nombre de pays en Europe, mais elle est là, comme le prouvent plusieurs indicateurs relatifs à la confiance des ménages et des entreprises, publiés ce matin même.

Au cours des prochaines semaines, nous devrions faire de nouvelles propositions pour favoriser à la fois l’investissement privé et l’investissement public. Il s’agit d’actionner tous les leviers pour soutenir ce début de croissance qui, à la longue, peut créer de l’emploi, à condition de poursuivre, comme nous comptons le faire, notre politique de soutien à la croissance, à la compétitivité et à la création de richesses – Emmanuel Macron vient de le rappeler.

S’agissant des déficits, le Président de la République, Michel Sapin, Christian Eckert et moi-même avons annoncé les propositions que nous allons faire…

M. Pierre Lequiller. Lesquelles ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. …pour réaliser ces quatre milliards d’économies supplémentaires. Au mois d’avril, le ministre des finances et le secrétaire d’État en charge du budget vous en donneront tous les détails.

M. Christian Jacob. Après les départementales !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Si j’ai réaffirmé devant la Commission européenne notre objectif de cinquante milliards d’économies sur trois ans, j’ai dit également que nous ne ferions rien – je le redis devant l’Assemblée nationale – qui remette en cause, d’une manière ou d’une autre, la politique qui est la nôtre, les équilibre que nous avons définis et, surtout, notre soutien à la croissance et la priorité que nous donnons à l’école de la République, à la sécurité et à la justice dont les Français ont besoin, à la transition énergétique et à notre politique culturelle, pour ne citer que ces domaines.

De surcroît, j’ai rappelé devant la Commission européenne que nous accomplissons des efforts substantiels en matière de sécurité, domaine où nous avons engagé un milliard supplémentaire pour mettre en œuvre les décisions que nous avons annoncées, avec Bernard Cazeneuve et Christiane Taubira. J’ai rappelé enfin l’effort que nous consentons en matière de défense, car quand la France agit à l’extérieur, c’est non seulement en son nom, mais également au nom de l’Europe, et c’est pourquoi ces efforts doivent aussi être pris en considération.

Monsieur Lequiller, je veux bien recevoir des leçons et des conseils en matière de réduction des déficits mais je vous propose en contrepartie, puisque vous connaissez bien ces sujets, d’expliquer aux Français où vous comptez trouver les 120 à 150 milliards d’économies que vous proposez (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.). Combien d’infirmières, de policiers, de gendarmes, de professeurs, de militaires, de services publics allez-vous supprimer ? Nous, nous disons la vérité et nous agissons, et les Français ont besoin de savoir où vous voulez les mener au niveau national et, d’abord, dans les départements. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Paul Molac. Très bien !

Catastrophe aérienne

M. le président. La parole est à M. Joël Giraud, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Joël Giraud. Monsieur le ministre de l’intérieur, hier matin, le vol Barcelone-Düsseldorf disparaissait des écrans radar, dans un territoire de montagne à cheval entre les départements des Alpes-de-Haute-Provence et des Hautes-Alpes. Mon collègue Christophe Castaner, que je tiens à associer à cette question, et moi-même, étions alors en alerte, dans l’attente de connaître le lieu précis du crash, qui était rapidement identifié comme étant Méolans-Revel, dans la vallée de l’Ubaye.

Permettez-moi d’exprimer ici, comme vous l’avez fait hier, monsieur le président, monsieur le Premier ministre, toute notre tristesse face à un drame qui plonge dans le deuil plusieurs pays, et une pensée émue pour tous ces lycéens de Haltern am See qui construisaient l’Europe de demain et qui ne rentreront jamais dans leurs familles.

Je tiens à souligner la qualité, saluée par Mme l’ambassadrice d’Allemagne à Paris, du dispositif de secours mis en place dès les premières minutes qui ont suivi ce crash, et qui a permis la mobilisation de centaines de gendarmes et de militaires, de centaines de sapeurs-pompiers majoritairement bénévoles issus des Alpes-de-Haute-Provence et des Hautes-Alpes, deux petits départements soudés en ces moments si difficiles, ainsi que des unités de secours en montagne de Jausiers, Saint-Sauveur-sur-Tinée et Briançon.

Je le dis avec d’autant plus d’émotion en tant qu’employeur, en ma qualité de maire, de personnels actuellement engagés dans ces opérations, mais aussi en tant que proche de nombreux membres des pelotons de gendarmerie de haute montagne, des détachements aériens et de la compagnie républicaine de sécurité des Alpes. Tous ces sauveteurs aguerris, dont, ici ou là, on conteste parfois l’existence, mettent une fois encore en lumière l’excellence de notre dispositif en cas d’accident collectif. Celui-ci repose sur des femmes et des hommes, professionnels ou volontaires, qui ont voué leur vie aux autres. Malheureusement, ils ont aujourd’hui la tâche la plus terrible, la plus ingrate qui soit pour un sauveteur, celle de ne pas ramener de vivants à leurs familles.

Monsieur le ministre, au-delà de l’hommage que Christophe Castaner et moi-même, qui sommes directement concernés par cette catastrophe, voulons rendre aux victimes comme aux secouristes, nous souhaiterions que vous fassiez le point sur l’enquête relative au tragique accident qui a coûté la vie – fait exceptionnel en Europe – à 150 personnes, sur le territoire des Alpes françaises. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et sur plusieurs bancs des groupes écologiste et SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, je veux saluer votre mobilisation, en votre qualité de parlementaire, ainsi que celle de Christophe Castaner, qui nous a accompagnés, la ministre de l’écologie et moi-même, lors du déplacement que nous avons effectué hier sur les lieux de la catastrophe. Je veux également remercier, après vous, tous ceux qui se sont mobilisés pour apporter des secours et permettre à l’enquête d’élucider rapidement les conditions de ce drame.

Ce sont près de 600 militaires et pompiers qui sont mobilisés depuis hier sur le théâtre du crash, dans une zone très difficilement accessible. Près de 350 pompiers sont venus appuyer la soixantaine de sapeurs-pompiers volontaires du département des Alpes-de-Haute-Provence, mobilisés dès le début du drame. Il s’agit de sapeurs-pompiers professionnels et volontaires des services départementaux d’incendie et de secours environnants. Je veux saluer la contribution personnelle que vous apportez, comme élu départemental, à cet effort. Sont également présents des gendarmes spécialisés dans l’identification des victimes, ainsi que des médecins légistes et des anthropologues.

Nous avons apporté immédiatement secours, nous avons sécurisé la zone, nous avons mobilisé des unités spécialisées de la gendarmerie pour pouvoir déclencher l’enquête. Cette dernière est en cours. Nous avons récupéré la boîte noire, qui est très détériorée. Les heures qui viennent diront si elle est exploitable, et dans quelles conditions. En tout état de cause, et comme l’a indiqué le Premier ministre, l’enquête prendra du temps.

Je veux vous assurer, monsieur le député, ainsi qu’à Christophe Castaner, comme à l’ensemble des habitants de la région, notre détermination à agir vite, en liaison avec les autorités espagnoles et allemandes, pour que la vérité soit connue, notamment des familles qui sont dans le deuil, la souffrance et le chagrin. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC, RRDP et écologiste.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Catherine Vautrin.)

Présidence de Mme Catherine Vautrin

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

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Modernisation du secteur de la presse

Commission mixte paritaire

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, de la proposition de loi portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse (n2602).

Présentation

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Françaix, rapporteur de la commission mixte paritaire.

M. Michel Françaix, rapporteur de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, madame la ministre de la culture et de la communication, monsieur le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, nous arrivons peut-être au bout du parcours de cette proposition de loi, qui est le résultat à la fois d’une analyse partagée sur tous les bancs, du rapport sur l’avenir de l’Agence France-Presse – un rapport qui, pour une fois, sera suivi d’effet – et enfin des travaux de la commission mixte paritaire, qui en a amélioré les dispositions.

De quoi s’agit-il ? L’analyse est largement partagée : la presse est confrontée à une crise conjoncturelle, à une mutation structurelle qui touche l’ensemble de la filière. Le passage à l’ère numérique modifie non seulement les modèles économiques des différents titres de presse mais aussi, et surtout, les usages des lecteurs de la presse. Il accélère le rythme de diffusion de l’information, y compris à l’échelle internationale, et met en question les modes de lecture entre les formats papier et le numérique. Il pose évidemment la question du réseau des correspondants locaux.

Demeure en revanche l’exigence fondamentale, dans une société démocratique, de garantir l’accès de tous, pour permettre à chacun d’exercer pleinement sa responsabilité de citoyen, à une pluralité de titres de presse à même de rendre compte, de manière diversifiée, de l’information.

Le texte s’articule en trois parties. Premièrement, la période nécessite de pousser plus loin la rationalisation de l’économie de la presse papier afin d’en assurer la pérennité. Le législateur se doit d’accompagner la transition en évitant la rupture et en accélérant la régulation du système de distribution.

Deuxièmement, l’Agence France-Presse, seule agence internationale de langue française sur le marché hautement sélectif des agences de presse mondiales, est certes une pépite, un instrument de rayonnement de notre pays, une exception culturelle, mais encore faut-il lui donner les moyens de ne pas faire trop de lyrisme, d’éviter la précarité et de passer aux actes.

Troisièmement, la période, si les conditions sont favorables, peut se révéler source d’opportunités pour les acteurs, notamment ceux de la nouvelle économie, susceptibles d’investir le champ de la presse et de renouveler d’autant son caractère pluraliste.

Je résumerai en quelques mots le travail de la commission mixte paritaire.

Le titre Ier réforme la régulation du système coopératif de distribution de la presse vendue au numéro. Il renforce le pouvoir de l’Autorité de régulation de la distribution de la presse – l’ARDP, lui confère le statut d’autorité administrative indépendante et élargit sa composition à une personnalité qualifiée. Il crée une procédure d’homologation des barèmes des messageries par les instances de régulation et la proposition du Sénat de confier l’homologation des barèmes à l’ARDP après avis du président du Conseil supérieur des messageries de presse – le CSMP – a été retenue.

Le titre II porte sur l’Agence France-Presse et constitue la traduction législative de certaines propositions que j’avais inscrites dans le rapport remis au Premier ministre le 14 avril 2014, voilà déjà – ou seulement – un an et qui comportait notamment plusieurs propositions de modernisation de la gouvernance de l’Agence.

Des modifications de la composition du conseil d’administration ont été adoptées : le nombre de représentants de la presse quotidienne est ramené de huit à cinq, et cinq personnalités de la presse quotidienne nommées par le conseil supérieur de l’AFP doivent être ajoutées. La commission mixte paritaire a retenu par ailleurs la proposition du Sénat consistant à prévoir au sein du conseil supérieur la présence de trois personnalités ayant une expérience internationale significative. La représentation du personnel est renforcée puisqu’un troisième représentant du personnel, journaliste professionnel, est introduit.

Le conseil supérieur est redynamisé : les deux membres cooptés sont remplacés par deux parlementaires, et l’ensemble des membres du conseil doivent être en activité. Un objectif de parité a été ajouté pour la composition tant du conseil supérieur que du conseil d’administration. La durée du mandat des membres de toutes les instances de gouvernance passe de trois à cinq ans.

Je rappelle que plusieurs modifications de la gouvernance de l’AFP introduites par le Sénat n’ont pas été retenues, car l’institution d’une commission de surveillance nous paraissait aller trop loin. Mais si nous avons émis des doutes sur la pertinence d’une telle proposition, ainsi que sur sa constitutionnalité, nous avons trouvé une solution d’équilibre qui a été retenue par la commission mixte paritaire : les instances qui devaient fusionner au sein d’une telle commission verront leurs prérogatives renforcées sans que le rôle du conseil d’administration, que nous souhaitions largement renforcer, en soit amoindri.

Les missions du conseil supérieur sont élargies : le conseil devra se réunir au moins chaque semestre, il pourra désormais donner un avis sur le projet de contrat d’objectifs et de moyens de l’Agence et adresser au président-directeur général des observations sur la mise en œuvre de sa stratégie. Le conseil sera en outre consulté avant toute décision stratégique pour l’Agence France-Presse.

Le président-directeur général sera tenu de lui transmettre tous les documents et renseignements qu’il jugera utiles pour l’exercice de ses missions et de répondre à ses convocations pour rendre compte de l’activité, de la gestion et de l’indépendance de l’AFP. Le conseil supérieur pourra décider de rendre ses avis publics. Enfin, un rapport rendant compte de la situation économique, financière et sociale de l’Agence ainsi qu’en matière de respect de l’indépendance et de la déontologie sera remis chaque année par le conseil supérieur au Parlement.

Le titre III, qui crée le statut d’entreprise solidaire de presse d’information, a été enrichi d’un volet fiscal que nous avions appelé de nos vœux en écho aux événements tragiques du début de cette année. Deux dispositifs ont été retenus par la commission mixte paritaire. Le premier consiste en une réduction d’impôts pour la souscription au capital d’une entreprise de presse, réduction majorée lorsqu’il s’agit d’une entreprise solidaire de presse d’information. Le second, dit « amendement Charb », transcrit dans la loi la défiscalisation des dons émanant de particuliers effectués au bénéfice d’associations d’intérêt général ou de fonds de dotation exerçant des actions concrètes pour le pluralisme de la presse d’information politique et générale, dont la pratique, nous le savons, repose aujourd’hui sur un reçu fiscal.

Le texte me paraît donc avoir été amélioré. Les amendements du Gouvernement que nous examinerons dans quelques instants sont purement rédactionnels et n’en remettent pas en cause les dispositions. J’espère donc qu’il sera voté à l’unanimité, comme ce fut le cas à l’issue des travaux de la commission mixte paritaire.

En conclusion, si cette proposition de loi n’a pas pour ambition de résoudre l’ensemble des problèmes de la presse, elle procède néanmoins à des modifications qui me paraissent indispensables à la mise en œuvre des réformes dont le secteur a besoin. Elle a su reprendre beaucoup d’amendements issus de l’Assemblée nationale et intégrer des demandes du Sénat.

Accélérer la transition et éviter la rupture. Ni immobilisme, ni grand soir, ni bougisme, mais pragmatisme. Le statu quo n’est pas une option valable. La modernisation n’était pas une erreur, elle est évidemment totalement nécessaire. Je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et GDR.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication. Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, la démocratie française, qui s’exprime en ce moment même dans les urnes, dans toute sa diversité, qui fait valoir les différences politiques, sait aussi se rassembler, parfois, sur l’essentiel. C’est la force des partis républicains.

Ainsi, l’Assemblée nationale et le Sénat ont su s’accorder sans heurts, sans effets de manche ni jeux de rôle. En commission mixte paritaire, députés et sénateurs ont trouvé une rédaction de compromis et ont réussi à voter un texte ambitieux pour la modernisation du secteur de la presse. Il est logique et en même temps précieux que vous mainteniez – que nous maintenions – bien vivant l’esprit du 11 janvier lorsque viennent en discussion au Parlement la liberté de la presse et son pluralisme. À cet égard, je tenais à vous exprimer toute la reconnaissance du Gouvernement.

Cet accord est la raison pour laquelle le Gouvernement souhaite l’adoption du texte qui vous est soumis aujourd’hui avec la même unanimité qui a prévalu en première lecture devant votre Assemblée comme au Sénat. Cette unanimité de la représentation nationale exprime votre confiance et la nôtre. Confiance dans le fait que la presse peut trouver des pistes pour se réformer. Confiance dans la capacité de la presse à demeurer alerte, diverse, stimulante, informative, et parfois percutante.

Des amendements de nature purement rédactionnelle vous sont soumis par le Gouvernement pour parachever le texte aujourd’hui examiné. L’équilibre de fond a été trouvé en bonne intelligence entre les deux assemblées, s’agissant tant de la distribution de la presse que de l’Agence France-Presse ou des mesures fiscales en faveur du pluralisme de la presse. Il ne saurait être remis en cause.

Je tiens tout particulièrement à saluer ici le travail de réflexion, de proposition et de persuasion qu’a mené à chaque étape Michel Françaix, premier auteur et rapporteur de la proposition de loi. Sa connaissance remarquable des sujets dont nous discutons, son inventivité jamais prise à défaut, son sens du compromis républicain nous permettent aujourd’hui, à tous, de nous accorder sur ce texte indispensable pour accompagner un secteur en mutation profonde.

La première partie du texte réforme la régulation de la distribution de la presse au numéro.

Le renforcement du rôle de l’Autorité de régulation de la distribution de la presse ne faisait pas débat dans le principe, mais il fallait trouver un point d’équilibre. La discussion en commission mixte paritaire a permis d’aboutir sur plusieurs points essentiels. L’ARDP devient une autorité administrative indépendante en bonne et due forme, dotée de son propre budget. Elle peut réformer les principales décisions du Conseil supérieur des messageries de presse. Surtout, l’ARDP approuvera désormais les barèmes des messageries de presse, après avis du président du CSMP. Cette procédure permet à la fois de préserver le secret des affaires, de conserver le rôle précieux d’expertise du président et de la commission économique du CSMP et d’affirmer le rôle de régulation de l’ARDP.

La deuxième partie du texte modernise le statut de l’Agence France-Presse, dans le respect de sa singularité et de son indépendance envers l’État aussi bien qu’envers tout acteur privé.

Selon le souhait exprimé dans le rapport de Michel Françaix, chaque organe de gouvernance de l’agence est renforcé dans son rôle propre. Ainsi, la mission déontologique et d’orientation du conseil supérieur de l’AFP est clarifiée, sa composition évolue pour intégrer un parlementaire de chaque assemblée. Le conseil d’administration voit sa composition élargie à cinq personnalités qualifiées et indépendantes, dont trois au moins possédant une expérience significative au niveau européen ou international. Le nombre des représentants des personnels de l’agence au conseil d’administration passe de deux à trois. Les désignations de ces deux organes doivent respecter la parité. Enfin, la commission financière, entièrement composée de magistrats de la Cour des comptes en activité, voit ses prérogatives de supervision comptable et budgétaire consolidées.

En outre, l’article 12 de la loi transcrit en droit interne les mesures utiles proposées par la Commission européenne pour respecter le droit européen de la concurrence, en sécurisant le financement public de l’AFP.

La troisième et dernière partie de la proposition de loi comporte diverses dispositions importantes.

Tout d’abord, la création du statut d’entreprise solidaire de presse d’information, inspirée de l’économie sociale et solidaire, permettra à des investisseurs de fonder ou soutenir des projets éditoriaux d’information politique et générale en s’engageant à maintenir le capital et les dividendes dans la société assez longtemps pour consolider le projet et fidéliser les lecteurs. C’est une belle opportunité pour les projets innovants qui émergent dans le secteur et pour les repreneurs d’entreprises en difficulté qui choisiraient ce modèle de financement.

Dans cette troisième partie du texte, selon le souhait des deux assemblées, le droit pour des journalistes d’accompagner des parlementaires visitant les prisons est affirmé et précisé.

Deux mesures fiscales sont également soumises à votre approbation. La première permet une réduction d’impôt sur le revenu pour la souscription de capital d’entreprises de presse d’information politique et générale, réduction accrue pour les titres dotés du statut d’entreprise solidaire de presse d’information.

La seconde mesure rend déductible de l’impôt sur le revenu les dons aux associations qui reversent ces dons ou investissent au capital des titres de presse. C’est l’amendement « Charb ». J’ai pleine confiance dans le fait que vous l’adopterez tout à l’heure.

Dans une époque volatile, dure, ou le repli sur soi peut être la tentation, la représentation nationale sera fidèle à la maxime du 11 janvier dernier : « l’Assemblée nationale est Charlie ». Oui, nous croyons dans la presse, nous croyons dans sa liberté, nous croyons en sa mission démocratique fondamentale. Je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission mixte paritaire, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous voici au terme de la discussion de la proposition de loi sur la modernisation du secteur de la presse, avec l’examen du texte de la CMP.

Depuis notre première discussion, la presse et sa liberté ont été, de façon dramatique, au cœur des débats. Le : « Nous sommes Charlie » résonne encore dans nos consciences, comme résonne encore le lien étroit entre l’avenir de notre République et celui de cette liberté qui, avec l’égalité et la fraternité, fonde ses valeurs.

Je rappelais en première lecture combien cette liberté de la presse avait marqué l’histoire de notre pays et témoignait de ses heures de gloire comme de ses moments les plus sombres. Nous ne dirons jamais assez, chers collègues, combien l’avenir de la presse dans notre pays n’est pas une question anodine, mais un témoin essentiel de son degré d’émancipation. Personne n’est obligé de lire un journal, mais tout le monde doit être en mesure de lire celui de son choix. Le pluralisme de la presse, la liberté éditoriale, le droit d’investigation des journalistes sont ainsi consubstantiels de l’exercice de la citoyenneté dans notre pays.

Aussi, permettez-moi de saluer à mon tour l’adoption par le Sénat, confirmé par la CMP, de l’amendement « Charb ». Dès le mois de novembre, le directeur de Charlie Hebdo m’avait alertée sur la nécessité de remédier à une discrimination frappant certains organes de presse quant à leur droit de bénéficier de dons ouvrant droit à déductions fiscales. Nous n’avions pas pu, ni dans la loi de finances, ni lors de notre première lecture, faire adopter l’amendement proposé par notre groupe. Aujourd’hui, c’est chose faite et c’est une grande satisfaction pour les acteurs des journaux concernés et ceux qui les soutiennent.

Au-delà, le texte issu de la CMP reste insatisfaisant. Certes, et je l’avais noté en première lecture, cette proposition de loi comporte des avancées comme l’homologation des barèmes fixés dans le respect des principes de solidarité qui sont au cœur de la loi Bichet, ou la création des sociétés de presse solidaires. Tout cela est le résultat du travail de notre rapporteur, Michel Françaix, mais nous ne sommes pas au bout.

J’avais dit mon espoir de voir avancer la loi vers des mesures plus ambitieuses, à la hauteur des défis lancés pour la survie et le développement de la presse. Le Sénat a accentué les atteintes au statut de l’AFP, et si la CMP a rétabli ce point, les inquiétudes demeurent.

La réforme des aides à la presse est encore remise. Il était pourtant possible d’intégrer un article de la proposition de loi de 2013, élaborée avec les organisations syndicales, qui les accordaient en priorité aux sociétés de journaux et de publications périodiques de la presse écrite et numérique présentant un caractère d’intérêt général quant à la diffusion de la pensée et qui remplissaient les conditions suivantes : l’instruction, l’éducation, l’information politique et générale.

Aucune nouvelle avancée n’a eu lieu sur la question de la distribution de la presse depuis notre première lecture. Si nous pouvons être satisfaits de voir maintenue, dans l’article 7, la possibilité d’une fusion des différentes messageries, nous en restons là. Pourtant, le problème reste entier et se pose de plus en plus urgemment.

Les mesures prises par la précédente majorité en 2011 menacent toujours l’existence de Presstalis. La coexistence de deux messageries, dont une seule est soumise à des obligations concernant la presse quotidienne, a conduit à ce que des magazines disposant de rentrées publicitaires importantes ne soient pas solidaires de la distribution d’une presse à faibles ressources. Nous savons que l’existence d’une coopérative unique permettrait une réelle mutualisation des moyens, une régulation du système par l’État et donc l’égalité de tous les supports de presse. Voilà qui garantirait le pluralisme en permettant à tous les journaux, quelles que soient leurs ressources financières, d’être distribués y compris sur le dernier kilomètre, et donc lus par celles et ceux qui le souhaitent.

Concernant l’AFP, j’avais fait part des inquiétudes des personnels concernant les dispositions contenues dans cette loi. Les mesures prises risquent de remettre en cause l’unicité de l’Agence et le modèle qu’elle constitue à l’échelle internationale. En effet l’AFP n’a pas d’équivalent, tant par l’étendue de sa couverture générale que par la compétence de sa rédaction et les garanties qu’elle offre en termes de qualité et de pluralité de l’information. L’événement récent autour de Martin Bouygues est l’exception confirmant cette règle, montrant où peuvent conduire la course derrière les chaînes d’info en continu ou la course au scoop.

Monsieur le rapporteur, vous avez qualifié l’AFP d’exception culturelle. Mais faisant droit à la plainte d’une agence allemande, la Commission européenne a décidé de faire passer cette exception culturelle sous les fourches caudines des critères libéraux, dans un secteur où ce n’est pourtant ni le marché, ni la concurrence, mais l’intérêt général qui devrait prévaloir.

C’était l’objectif de la loi de 1957 portant statut de l’AFP. Ce texte, dans un savant dosage, a défini ses missions et garanti son autonomie tout en assurant son financement par l’État. Ce savant dosage est aujourd’hui bousculé par les exigences de la Commission européenne. Le courrier que celle-ci a adressé est d’ailleurs très explicite sur ses motivations liées au dogme de la concurrence libre et non faussée !

Certes, comme l’avait souhaité notre commission, les deux premiers articles de la loi de 1957 qui fondent le statut et les missions de l’AFP ont été préservés, et je m’en félicite. Cependant, la mise en place d’une double comptabilité à l’article 12 vise bien à assurer le plein respect du droit de l’Union européenne en matière de concurrence. Car quelles activités de l’agence ne relèvent pas de l’intérêt général ? À cela s’ajoute la création d’une filiale pour attirer les financements nécessaires à l’AFP, y compris d’origine privée.

Enfin, je regrette vivement que le texte qui est soumis au vote ce soir confirme qu’il est retiré à l’État toute responsabilité envers les créanciers de l’Agence, et réaffirme au contraire dans son article 12 que la responsabilité de l’État ne peut se substituer à celle de l’Agence France-Presse envers ses créanciers.

Aussi, c’est avec le regret de n’avoir pas vu évoluer cette proposition de loi vers des mesures plus ambitieuses que nous confirmons notre abstention exprimée en première lecture. Et vous seriez surprise, madame la ministre, que je termine cette intervention sans faire part de mon souhait de voir arriver le plus vite possible la loi sur la protection des sources !

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Travert.

M. Stéphane Travert. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission, chers collègues, par son pluralisme, sa diversité, la presse écrite est un des piliers de notre démocratie.

Chacun d’entre nous, et c’est bien normal, a ses préférences. Qu’en serait-il de nos libertés si une seule voix exprimait ce qui fait la richesse de la France, le débat politique ? Ces titres, qui tantôt nous rattachent à nos territoires, tantôt nous invitent à explorer des contrées lointaines, tantôt proposent des reportages de fond, tantôt font vivre l’humour et la satire, sont l’émanation du lien démocratique qui lie les citoyens à la vie publique.

Alors que nous avions débattu de cette proposition de loi tendant à la modernisation du secteur de la presse dans l’hémicycle le 17 décembre dernier, l’actualité macabre du mois de janvier a recentré le débat public du début d’année sur la liberté d’expression et la nécessité de sa préservation. L’attaque meurtrière au siège de Charlie Hebdo ainsi que les attentats visant des policiers et la supérette Hyper Cacher ont mobilisé des millions de nos concitoyens à travers le pays pour dire non à la terreur et défendre le droit à la liberté de conscience et à la liberté d’exprimer ses opinions.

La presse, qui traverse une crise économique sans précédent mettant en péril un grand nombre de titres nationaux et de la presse quotidienne régionale – érosion du lectorat, baisse des recettes publicitaires – reste donc un moyen de communication, d’information et de débat essentiel au bon fonctionnement de notre démocratie. Nos concitoyens y restent très attachés : j’en veux pour preuve l’explosion du nombre d’abonnés à Charlie Hebdo dès février 2015.

Mais au-delà de la grande mobilisation du mois de janvier et du contexte dans lequel s’inscrit cette loi, revenons sur ses grands objectifs.

En préalable, partageons un constat : le numérique a bouleversé les usages et le modèle économique de la presse. C’est pourquoi cette proposition de loi portée par Michel Françaix était attendue par l’ensemble des professionnels de la filière. Je me félicite que nos deux chambres parlementaires, l’Assemblée nationale et le Sénat, aient su trouver, en bonne intelligence avec le Gouvernement, un accord qui permettra à la presse de prendre un tournant vers le numérique pour assurer sa vitalité et sa qualité.

Cette proposition de loi porte tout d’abord sur la distribution de la presse, secteur en crise où se distinguent deux acteurs majeurs, Presstalis et les Messageries lyonnaises de presse. Elle contient également une amélioration considérable du statut de l’AFP, notre agence de presse mondiale et généraliste à laquelle nous voulons rappeler notre attachement ici, attachement à la fois à la qualité de l’information qu’elle fournit et à l’ensemble de ses salariés. Ce texte crée enfin le statut d’entreprise solidaire de presse d’information, afin de favoriser demain l’émergence de nouveaux modèles économiques autour de la presse.

Depuis de nombreuses années, un manque de décisions claires a engendré une situation préoccupante pour le système coopératif de distribution de la presse papier. Cette proposition de loi tend à renforcer les principes de coopération et d’équilibre financier pour garantir la survie du système. Il est notoire que le système coopératif de distribution de la presse connaît à tous les niveaux une crise de structure qui fragilise les messageries, les dépositaires et les diffuseurs et, de fait, limite l’accès des lecteurs à la totalité des titres de presse sur l’ensemble du territoire.

Il convient de mettre un terme à cette inégalité. Alors que les intérêts fondamentaux de la filière ont été gravement menacés, de profondes réformes ont été menées. Leur conception et leur mise en œuvre ont mobilisé fortement les éditeurs et les acteurs de la distribution, avec le concours actif des pouvoirs publics. Les éditeurs ont accepté de faire des efforts importants pour assurer leur exécution, malgré la situation économique d’ensemble très difficile. Une restructuration de la filière doit maintenant s’amorcer. Nous voulons accélérer la transition de ce secteur tout en évitant la rupture.

En outre, la réforme de la gouvernance de l’AFP est au cœur de cette proposition de loi. En effet, le texte que nous examinons est une loi de sauvetage de l’Agence France-Presse. Il va même au-delà, puisqu’il en fait une agence unique au monde. Pour prendre parfaitement le virage de l’ère numérique, l’AFP, troisième agence de presse mondiale et entreprise d’intérêt national, se doit de développer une nouvelle vague d’investissements à même de lui permettre de proposer des produits diversifiés, innovants et intégrant l’exigence de qualité qui fait la reconnaissance mondiale de l’Agence. Mais ses instances de direction doivent également traduire cette modernisation.

L’Agence France-Presse n’est pas une agence comme les autres. À la différence des agences américaines ou anglaises, l’AFP regroupe 2 900 collaborateurs répartis dans 165 pays, qui rendent compte en six langues de la marche de la planète, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, en vidéo, texte, photo, multimédia et infographie. Ce réseau unique au monde permet une couverture de fond de l’actualité internationale, et non une information sans profondeur s’inscrivant dans la culture du « buzz » qui se développe dans la plupart des grandes agences de presse mondiales.

Cette proposition de loi offre à l’AFP trois garanties majeures : l’absence de licenciement du personnel, le maintien du statut d’agence généraliste et la valorisation de l’exception culturelle française à l’international.

Aujourd’hui plus que jamais, la presse doit se diversifier et s’orienter vers de nouveaux modèles. Avec le souci permanent de l’indépendance, de la pluralité et de l’avenir du secteur, le législateur doit porter ce nouveau modèle entrepreneurial et faciliter l’accès à la presse. C’est la troisième voie que nous ouvrons ici ensemble en créant le statut d’entreprise solidaire de presse d’information, inspiré des entreprises de l’économie sociale et solidaire. Dans un contexte difficile pour la presse écrite, où de nouvelles sources d’information apparaissent sur de nouveaux supports en dehors des circuits classiques, il est indispensable de soutenir la vitalité de la presse d’information politique et généraliste. Les entreprises solidaires de presse seront plus fortes parce qu’elles réinvestiront leurs bénéfices dans leur activité.

Je tiens ici à me féliciter, au nom au groupe socialiste, républicain et citoyen, de l’accord unanime trouvé à l’occasion de la CMP du mercredi 18 février dernier sur cette proposition de loi. Chaque chambre a ainsi pu contribuer à l’évolution du texte.

Revenons rapidement sur les principales conclusions de la CMP.

Au titre Ier relatif à la régulation de la distribution de la presse, la CMP a prévu que le Conseil supérieur des messageries de presse devra rendre à l’Autorité de régulation de la distribution de la presse son avis motivé sur l’homologation des barèmes, dans un délai maximal de quatre semaines à compter de leur réception.

S’agissant des dispositions relatives à l’AFP, qui font l’objet du titre II, le point de divergence entre nos deux chambres concernait la création d’une commission de surveillance en lieu et place du conseil supérieur et de la commission financière existants. La solution retenue par la CMP consiste à appliquer au conseil supérieur de l’AFP toutes les dispositions introduites au Sénat par le biais d’une commission de surveillance, afin de renforcer son rôle de contre-pouvoir au conseil d’administration, lui-même consolidé par des dispositions introduites par notre rapporteur en première lecture.

Le conseil supérieur de l’Agence France-Presse est ainsi doté de compétences élargies et de nouveaux pouvoirs. Se réunissant au moins chaque semestre, il garantit la pérennité de l’AFP. Il est consulté par le président-directeur général sur toute décision stratégique pour l’AFP et sur le projet de contrat d’objectifs et de moyens. Il peut recevoir du PDG tous les documents et renseignements utiles à sa mission. Il auditionne le PDG sur l’activité, la gestion et l’indépendance de l’AFP. Chaque année, il rend compte au Parlement de la situation économique, financière et sociale ainsi que du respect de la déontologie et de l’indépendance de l’AFP, dans le cadre d’un rapport remis avant le 30 juin.

Le conseil d’administration de l’AFP se réunira au moins quatre fois par an. Trois des cinq personnalités qualifiées qui y siégeront devront justifier d’une expérience significative au niveau européen ou international.

Le titre III, qui concerne le soutien à la presse, crée notamment le statut d’entreprise solidaire de presse d’information. Il a été complété par deux mécanismes : la réduction d’impôt accordée au titre des souscriptions en numéraire au capital des entreprises de presse, et l’amendement « Charb » relatif à la défiscalisation des dons des particuliers aux associations ou aux fonds de dotation œuvrant pour le pluralisme de la presse, sous réserve de deux précisions destinées à en sécuriser l’application : l’organisme bénéficiaire des dons devra être reconnu d’intérêt général et il ne devra exister aucun lien entre le donateur et l’entreprise de presse bénéficiaire du don.

Permettez-moi enfin de me féliciter à nouveau de la qualité de nos échanges, entre parlementaires de tous les bancs, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, et avec le Gouvernement, pour engager une étape majeure de la modernisation du secteur de la presse.

Je conclurai mon intervention par ces mots de Maximilien de Robespierre dans son discours sur la liberté de la presse : « Après la faculté de penser, celle de communiquer ses pensées à ses semblables est l’attribut le plus frappant qui distingue l’homme de la brute. Elle est tout à la fois le signe de la vocation immortelle de l’homme à l’état social, le lien, l’âme, l’instrument de la société, le moyen unique de la perfectionner, d’atteindre le degré de puissance, de lumière et de bonheur dont il est susceptible. » (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et GDR.)

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation et M. Michel Françaix, rapporteur. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Virginie Duby-Muller.

Mme Virginie Duby-Muller. Madame le président, madame le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, le parcours législatif de ce texte de compromis arrive à sa fin. Nous ne pouvons que nous satisfaire des conclusions de la CMP, qui ont permis une franche évolution de cette proposition de loi relative à la modernisation du secteur de la presse.

Le rapporteur nous a présenté les grands axes des décisions qui ont été actées. La régulation a été renforcée par le transfert de l’homologation des barèmes des messageries à une Autorité de régulation de la distribution de la presse devenue autorité administrative indépendante. Les éditeurs de presse ont été mis devant leurs responsabilités en matière de couverture de coûts de distribution. La logistique de distribution est mieux appréhendée, avec la possibilité de régler la question du dernier kilomètre. Toutes ces évolutions vont dans le bon sens.

Nous saluons aussi le maintien dans la loi des trois dispositifs d’aide à la presse votés au Sénat, que je rappelle brièvement : la réduction d’impôt accordée au titre des souscriptions au capital d’entreprises de presse d’information politique et générale, prévue à l’article 15 bis ; la possibilité, pour les fonds de dotation, de concourir à des actions de développement et de modernisation de la presse, prévue à l’article 16 ; la réduction d’impôt accordée au titre des dons aux associations ou fonds de dotation œuvrant pour le pluralisme de la presse, prévue à l’article 17 et issue d’un amendement du groupe UMP dit « Charb ». La commission mixte paritaire a toutefois adopté deux dispositions visant à préciser cet article 17 : l’organisme bénéficiaire des dons devra être reconnu d’intérêt général et aucun lien ne devra exister entre le donateur et l’entreprise de presse bénéficiaire du don.

Si la création d’un nouveau statut d’éditeur de presse ne soulève pas d’opposition particulière, elle suscite quelques interrogations dans la mesure où il ne s’agit que d’une coquille vide dans l’attente du vote d’un prochain volet financier dont nous savons peu de choses.

Malgré toutes ces avancées, madame la ministre, la question de l’avenir du secteur reste posée. Cette loi, comme les précédentes, en reste aux demi-mesures. Le fait que le rapport Jevakhoff relatif à l’avenir du schéma de diffusion de la presse écrite soit resté confidentiel n’est pas de nature à nous rassurer. Auditionné par le Sénat, son auteur considère qu’avant la fin de la décennie, la distribution de la presse quotidienne nationale va encore diminuer de quarante points, celle de la presse magazine de trente à trente-cinq points et que de nouveaux titres disparaîtront.

Nous connaissons toutes et tous la situation difficile du secteur de la presse, pris dans le tourbillon du numérique sans avoir anticipé la transition de son modèle économique. Résultat : un effondrement des ventes toutes catégories, qui se répercute sur la situation des messageries déjà fragilisées et sur le chiffre d’affaires déjà très bas des diffuseurs, sur fond de fort interventionnisme de l’État. Que faire pour que le secteur ne se transforme pas en tonneau des Danaïdes ? N’arrivons-nous pas aux limites de l’exercice ? Cette séance publique met un point final à une proposition de loi mais ne peut refermer le débat sur l’avenir du secteur.

Les événements tragiques du 11 janvier dernier ont douloureusement rappelé à chacune et chacun le combat protéiforme qu’entraîne la responsabilité de publier un titre de presse écrite – un combat économique, un combat pour la libre parole, et même parfois un combat où l’on risque sa vie. Les siècles passent et la responsabilité de l’État vis-à-vis de la presse devient plus complexe : il ne s’agit plus seulement de garantir la liberté d’expression et le pluralisme, mais également de garantir la pérennité même du secteur.

La décision de la Cour de justice de l’Union européenne relative à l’application du taux de TVA réduit aux livres électroniques aura aussi un impact sur la presse. Suite à l’adoption de la proposition de loi Le Roux-Bloche-Françaix tendant à harmoniser les taux de TVA applicables à la presse imprimée et à la presse en ligne, en vigueur depuis le 1er février 2014, la Commission européenne a engagé une procédure d’infraction contre la France et a envoyé au Gouvernement une lettre de mise en demeure. Elle pourrait désormais envoyer un avis motivé. Madame le ministre, vous avez défendu une position constante sur la neutralité technologique. Nous espérons que vous parviendrez à introduire ce principe dans le droit européen, permettant ainsi l’application de taux réduits.

Avant de conclure, je souhaite revenir sur deux points précis du texte. D’abord, nous saluons le compromis auquel nous sommes arrivés en matière de gouvernance de l’AFP. Ainsi, le conseil supérieur de l’Agence intègre désormais un parlementaire de chaque assemblée.

Quant à la possibilité pour les journalistes d’accompagner les parlementaires lors des visites des lieux privatifs de liberté, nous avons soutenu cette disposition mais, à titre personnel, j’appelle l’attention et la vigilance de Mme le ministre sur la rédaction du futur décret d’application, qui devra encadrer strictement ce droit, notamment en matière de prises d’images, afin de maintenir les conditions de sécurité des établissements.

Le groupe UMP votera pour cette proposition de loi modifiée par les amendements de précision que le Gouvernement a déposés aujourd’hui.

M. Michel Françaix, rapporteur. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Degallaix.

M. Laurent Degallaix. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la liberté de la presse, son indépendance et son pluralisme sont intrinsèquement liés à la démocratie. La presse est en effet aussi essentielle pour l’équilibre des pouvoirs qu’elle est indispensable à la vitalité du débat citoyen. Elle est également un produit économique confronté à une crise profonde : pénalisées par la faiblesse du réseau de distribution, par des coûts d’impression et de diffusion élevés, par l’absence de stabilité et de visibilité financières, les entreprises de presse sont aujourd’hui également fragilisées par la concurrence du numérique et par l’émergence de nouveaux formats plus compétitifs.

Notre groupe estime qu’il est par conséquent essentiel de veiller à ce que la presse puisse continuer d’exercer ses missions fondamentales, tout en s’adaptant à un environnement économique, social et culturel bouleversé par de profondes mutations. Tel est l’objectif auquel concourt la présente proposition de loi qui, à défaut de révolutionner le monde de la presse, permettra néanmoins d’accompagner ses nécessaires évolutions.

Il va sans dire que nous aurions souhaité que la majorité privilégie une réflexion plus globale sur un modèle de développement viable et pérenne pour la presse, et qu’elle adopte une approche globale cohérente qui permette à la presse de réussir son adaptation aux défis du XXIsiècle.

Si elle ne constitue pas la grande réforme attendue, cette proposition de loi nous semble équilibrée et les mesures qu’elle prévoit pragmatiques. Les objectifs sont clairs : accélérer la régulation du système de distribution de la presse papier, adapter la gouvernance de l’Agence France-Presse afin qu’elle puisse valoriser son savoir-faire à l’échelle mondiale, soutenir les acteurs de la nouvelle économie pour favoriser le pluralisme de la presse.

Le texte vise en premier lieu à renforcer la régulation du système coopératif de distribution de la presse vendue au numéro pour garantir sa pérennité à court terme.

Le maintien du système actuel, caractérisé par des barèmes opaques et des iniquités fortes, était incompatible avec l’équilibre économique de la filière.

Il sera institué une procédure d’homologation du barème des tarifs des deux sociétés coopératives de messageries de presse par le Conseil supérieur des messageries de presse, rendue exécutoire par l’Autorité de régulation de la distribution de la presse.

À cet égard, nous nous félicitons que l’indépendance des réseaux extérieurs, notamment ceux de la presse quotidienne régionale, ait été confortée, et qu’il ait été précisé sans ambiguïté que le champ de compétences du Conseil supérieur des messageries de presse et de l’Autorité de régulation de la distribution de la presse vise bien le seul système coopératif.

Le deuxième objectif de cette proposition de loi est de faire entrer de plain-pied l’Agence France-Presse dans le XXIsiècle, en faisant prendre à sa gouvernance le virage de la modernité.

Enfin, cette proposition de loi envisage la création d’un statut d’entreprise solidaire de presse d’information. Il s’agit de créer les conditions de l’émergence de nouvelles entreprises de presse, inspirées du modèle des entreprises de l’économie sociale et solidaire cher à mon collègue et ami Francis Vercamer et qui participent de la vitalité de notre économie.

Nous nous réjouissons que l’appellation initiale d’entreprise citoyenne de presse d’information, impropre, inadaptée et inopportune, ait été modifiée. Une telle appellation aurait en effet créé une confusion regrettable : la presse est citoyenne par essence, quel que soit le mode de gestion des entreprises.

J’appelle néanmoins l’attention de la représentation nationale sur un sujet qui me semble de toute première importance : la création de ce statut d’entreprise solidaire de presse d’information s’accompagne nécessairement de mesures fiscales incitatives, afin de rendre plus attractif le choix de ce statut. Ce levier fiscal permettra en effet de rendre possible la prise de participation du lectorat dans des projets innovants ou la reprise d’entreprises en difficulté grâce au financement participatif. Il me semble par conséquent utile que le nouveau statut bénéficie d’un avantage fiscal.

Cela ne signifie pas pour autant que l’inscription dans la loi d’août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse de la notion d’information politique générale, au sens de l’article 39 bis A du code général des impôts, nous paraisse adaptée. En effet, la définition de la notion d’information politique générale relève à la fois du code général des impôts et du code des postes et télécommunications, justifiant ainsi le bénéfice de dispositifs dédiés.

La création d’une nouvelle catégorie, en concurrence avec les deux périmètres existants, sera, selon nous, de nature à engendrer une confusion que nous aurions pu éviter. Il eût été préférable, je le pense, de procéder à une refonte globale des aides à la presse qui permette de soutenir davantage la presse quotidienne régionale et de mieux cibler les aides, afin de favoriser la modernisation du secteur de la presse.

Enfin, un amendement a été adopté par notre Assemblée pour que le droit d’accompagner des parlementaires dans les établissements pénitentiaires, les zones d’attente et les centres de rétention soit ouvert aux journalistes titulaires d’une carte de presse. En ouvrant la prison, cette institution républicaine, à la presse, nous faisons œuvre de transparence sur la réalité carcérale et nous pouvons, je crois, en être fiers.

Le Sénat a utilement enrichi cette proposition de loi, dont l’équilibre avait été préservé à l’issue de la première lecture à l’Assemblée nationale, à travers trois mesures.

La première introduit, à l’initiative du sénateur David Assouline sous-amendée par le Gouvernement, une réduction d’impôt pour la souscription au capital d’une entreprise de presse. La deuxième conforte le dispositif d’aide à la presse existant en élargissant le champ d’action des fonds de dotation au soutien à la modernisation de la presse. Enfin, la dernière transcrit dans la loi la défiscalisation des dons émanant de particuliers effectués au bénéfice d’associations ou de fonds de dotation exerçant des actions concrètes pour le pluralisme de la presse d’information politique et générale, dont la pratique repose aujourd’hui sur un rescrit fiscal.

Parvenir à un accord de la commission mixte paritaire dépendait dès lors de deux conditions.

La première était que le périmètre de la proposition de loi ne soit pas élargi à des dispositions qui, aussi pertinentes soient-elles, soulevaient des problématiques juridiques majeures et rendaient son adoption difficile. Je pense ici à la délicate question de la protection juridique des sources des journalistes à laquelle nous sommes toutes et tous attachés et qui, indiscutablement, mérite d’être traitée de manière complète et approfondie dans un texte à part.

La deuxième était que l’apport significatif du Sénat sur la gouvernance de l’Agence France-Presse puisse être pris en compte. La rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire le permet.

Mes chers collègues, l’accord auquel est parvenue la commission mixte paritaire donne à voir une représentation nationale unie autour d’un objectif vital : protéger la liberté de la presse, la liberté d’expression et les valeurs de notre démocratie. L’unité autour de ces valeurs et la détermination à les défendre sont précieuses, comme nous l’ont brutalement rappelé les attentats qui ont frappé la France en janvier dernier.

Cette préoccupation constante, ainsi que les avancées permises par ce texte, amèneront notre groupe à voter en faveur de cette proposition de loi.

M. Michel Françaix, rapporteur. Très bien.

Mme la présidente. La parole est à Mme Gilda Hobert.

Mme Gilda Hobert. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous devons nous exprimer sur un texte qui a fait l’objet d’un consensus qui s’est traduit par un accord en commission mixte paritaire, ce dont nous pouvons nous réjouir. En dépit de ce consensus et des avancées qu’il comporte, ce texte répond-il à l’ensemble des problématiques de la presse ?

La presse, qu’il s’agisse des médias écrits, audiovisuels ou électroniques, traverse une crise profonde depuis de nombreuses années. Or notre mission, à nous législateurs, est d’assurer à nos concitoyens une presse libre et indépendante d’un point de vue économique et éditorial.

Car les deux notions sont intimement liées. Comment assurer économiquement la subsistance d’une presse libre et indépendante sans la soumettre aux exigences du milieu économique et du pouvoir politique qui la soutiennent ?

En 1997, les journalistes avaient un livre de chevet : celui de Serge Halimi, Les nouveaux chiens de garde. Le propos de cet ouvrage ? L’analyse, par l’exemple, des compromis et compromissions, des collusions entre pouvoirs médiatique, politique et économique ; les liens tissés entre les journalistes et la classe politique, les uns et les autres ayant souvent fréquenté les mêmes écoles ; le phénomène de domination des médias par un nombre restreint de grands groupes industriels et financiers.

Sur ce point, Serge Halimi citait alors le magazine américain Fortune qui établissait, en 2005, souvenons-nous, que plus de la moitié des dix premières fortunes de France étaient investies dans le secteur de la communication : Bernard Arnault pour 17 milliards de dollars, Serge Dassault, 7,8 milliards de dollars, François Pinault 5,9 milliards de dollars, Martin Bouygues, 2,4 milliards de dollars…

Il y a là sans doute matière à réflexion sur de nouveaux modèles économiques à élaborer. Par exemple, et c’est là l’objet d’une partie de cette proposition de loi, l’instauration d’un nouveau statut des entreprises éditrices de la presse, à savoir celui d’entreprises citoyennes de presse d’information, inspiré des entreprises commerciales intervenant dans le secteur de l’économie sociale et solidaire. Il s’agit ici de permettre l’émergence de nouvelles formes de diffusion de l’information par la mobilisation de financements pouvant provenir d’investisseurs, de dons du public ou de participation des salariés dans un projet collectif. Cette disposition s’appliquera aux entreprises de presse électronique en phase de lancement.

Cela étant, ce mode de financement existe déjà depuis de nombreuses années dans notre pays, même s’il est appliqué de façon résiduelle, à la marge. C’est par exemple le cas du Monde diplomatique. C’est une piste particulièrement intéressante, d’autant que le mode de financement de cette publication va encore plus loin. En effet, Le Monde diplomatique reçoit des dons, mais sa politique de financement fait de sa ligne éditoriale une véritable force économique puisqu’elle découle notamment de collaborations étroites avec d’autres médias étrangers et le milieu universitaire international, une pratique qui lui assure un rayonnement mondial et, par conséquent, une grande indépendance vis-à-vis de la politique française.

D’autres mannes financières sont possibles, avec notamment les liens qui peuvent se tisser entre la presse nationale et la presse étrangère, mais encore entre le format papier et le web.

Ainsi, à côté des médias traditionnels que sont la presse écrite et audiovisuelle, a émergé depuis plus de quinze ans maintenant la presse en ligne. Aujourd’hui, les médias traditionnels offrent une extension de leurs contenus sur le web. Ils se sont enrichis d’un contenu actualisable à volonté et sont également devenus réactifs en temps réel.

L’interaction entre les médias traditionnels et le numérique offre une richesse accrue quant à leur ligne éditoriale. L’adaptation des médias aux nouvelles technologies est aujourd’hui parfaitement intégrée et correspond aux demandes et habitudes de lecture des citoyens.

Mais la presse a cependant besoin d’un soutien pour sa diffusion. À cet égard, la proposition de loi vise à renforcer le financement de la distribution de la presse écrite en confiant l’homologation des barèmes à l’Autorité de régulation de la distribution de la presse, après avis du Conseil supérieur des messageries de presse. Il s’agit là d’une mesure essentielle qui vise à éviter les disparités d’une vente au numéro fragilisée depuis trop longtemps.

La proposition de loi se penche également, et il était temps, sur la situation de l’Agence France-Presse. L’AFP possède un rayonnement international qui n’est plus à démontrer. Forte de plus de 2 000 journalistes et techniciens, et d’un chiffre d’affaires de 287,8 millions d’euros en 2013 dont 40 % proviennent d’abonnements de l’État, l’AFP dispose de l’un des réseaux les plus complets et les plus maillés au monde. Tous les journaux français sont abonnés à l’AFP. Les difficultés de cette agence sont donc aujourd’hui principalement liées à son financement et à son mode de gouvernance.

Au-delà de la nécessité d’assurer à l’AFP un financement viable, il s’agit aussi de lui permettre de poursuivre sa mutation vers les nouvelles technologies et les nouveaux supports d’information qu’elle développe, à l’instar des vidéos en ligne. Enfin, il s’agit également mais aussi peut-être avant tout d’assurer à l’Agence son indépendance éditoriale.

Ce sont en tout cas les objectifs poursuivis par la proposition de loi qui nous occupe. Le texte vise en effet à ce que l’AFP demeure, comme elle l’est depuis 1957, indépendante de l’État et des puissances économiques en donnant plus de pouvoirs à ses organes de gouvernance.

La proposition de loi ouvre ainsi le conseil d’administration à des personnalités qualifiées et à l’international ; elle instaure le principe de parité, et crée une commission de surveillance qui cumulerait les compétences en matière de déontologie du conseil supérieur et la compétence financière de la commission financière.

Concernant le conseil supérieur, il comprendra désormais deux parlementaires parmi ses membres et disposera du droit, non négligeable, de révocation du président-directeur général. Les compétences du conseil supérieur seront également renforcées. Il sera ainsi consulté par le président de l’AFP sur le projet de contrat d’objectifs et de moyens de l’Agence. Cette consultation en amont, décidée lors de la CMP, est particulièrement intéressante. Elle permettra d’affirmer le rôle du conseil supérieur dans la définition des objectifs et des moyens de l’AFP.

S’agissant donc de l’Agence France-Presse, les mesures prévues par la proposition de loi vont dans le bon sens. Elles permettent d’enclencher une évolution significative de l’AFP.

La proposition de loi instaure enfin des dispositions diverses relatives au secteur de la presse. Elle modifie notamment le code général des impôts pour favoriser les réductions d’impôt accordées au titre des souscriptions au capital d’entreprises de presse et, par ailleurs, pour encourager les dons aux associations ou fonds de dotation œuvrant pour le pluralisme de la presse.

L’article 15 bis instaure ainsi une réduction d’impôt au titre des souscriptions au capital d’entreprises de presse. L’article 16, quant à lui, a été retiré en CMP au motif que l’article 15 bis propose une disposition très proche et qu’il existe déjà, dans le budget général, un fonds stratégique de développement de la presse. Enfin, l’article 17 pose désormais que les donateurs peuvent affecter leurs dons au financement d’une entreprise de presse ou d’un service de presse en ligne en particulier, à condition qu’il n’existe aucun lien économique et financier, direct ou indirect, entre le donateur et le bénéficiaire.

Ces mesures ne sont pas anodines. Elles ambitionnent de faire passer le financement de la presse par les citoyens et non plus exclusivement par les grands industriels. Car si la presse rapporte à ces derniers, encore faudrait-il qu’elle puisse subsister.

Nous pensons, comme vous, que stabiliser le financement de la presse est un enjeu fondamental pour notre démocratie. Qualifiée souvent de quatrième pouvoir, la presse est en tout cas un pilier de notre République qu’il nous incombe de protéger.

Cette proposition de loi, que le groupe RRDP appuiera sans équivoque, est un pas important qu’il fallait franchir. Cela étant, d’autres problématiques restent encore sans réponse et nous comptons sur le Gouvernement pour qu’il soumette à notre Assemblée un projet de loi plus complet. Beaucoup, en effet, reste à faire en matière de formation des journalistes, de stabilité et de pérennité des emplois dans la presse, de transparence dans l’octroi de la carte de presse, ou encore de mise en place d’un conseil de déontologie de la presse. Aujourd’hui, la réflexion ne s’achève pas : elle commence. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Barbara Pompili.

Mme Barbara Pompili. En décembre dernier, lors de l’examen de cette proposition de loi en séance publique, j’insistais pour dire combien la liberté de la presse participe de la vie de nos démocraties et demeure, à ce titre, un enjeu. Les terribles événements que nous venons de connaître illustrent dramatiquement que le combat pour cette liberté doit rester une priorité.

Toute fragilisation de cette liberté constitue en effet un risque grave de déstabilisation pour tout État de droit digne de ce nom. Il en va de même des libertés d’expression et d’opinion, intrinsèquement liées à celle de la presse. Les attentats contre Charlie Hebdo viennent donc nous rappeler que nous devons veiller, ici même, perpétuellement et sans relâche, à ce que ces principes fondateurs de notre démocratie ne souffrent d’aucune remise en cause.

Garantir ces libertés implique un devoir de vigilance constant. C’est pourquoi tout ce qui viendra confirmer et renforcer le pluralisme de l’information et la liberté d’expression doit être soutenu. Nous avons besoin d’une presse diverse, libre et plurielle, qui puisse vivre et se déployer sur l’ensemble de notre territoire – et, bien sûr, sans peur d’une éventuelle menace, quelle qu’elle soit et d’où qu’elle vienne. Je pense, bien sûr, à la terreur orchestrée contre une liberté d’expression qui dérange des extrémistes religieux, mais je pense aussi à la censure ou, plus simplement, car elles ont un impact indéniable sur le pluralisme, aux difficultés que traverse actuellement la presse. Ces difficultés ne peuvent plus être minorées, car elles menacent la pluralité de l’offre en matière d’information, pluralité qui concourt elle-même à la démocratie.

Pour pérenniser ce pluralisme, les mutations économiques et technologiques auxquelles la presse papier est confrontée exigent une remise à plat des aides à la presse. Nous sommes nombreux à avoir évoqué ce point lors des différentes discussions sur cette proposition de loi, à l’Assemblée comme au Sénat. Mon collègue André Gattolin, par exemple, tout en soulignant les efforts de transparence engagés depuis 2012 par la publicité des sommes allouée aux deux cents titres les plus aidés, a très bien souligné l’aberration des critères retenus dans l’attribution des aides au regard des objectifs affichés.

En 2013, le magazine Télé 7 Jours est ainsi au 9e rang des aides perçues alors que Le Canard enchaîné pointe au 86e rang, précédé par Gala et battant de justesse Le Journal de Mickey, qui se trouve en 87e position. Et que dire de l’absence du Monde diplomatique ou de Politis ! Quant à Charlie Hebdo, dont les difficultés financières étaient déjà connues, il n’apparaît tout simplement pas au palmarès des deux cents titres les plus aidés en 2013.

Nous sommes nombreux à plaider, depuis longtemps, en faveur d’une réforme d’envergure des aides à la presse. Si les critères retenus aujourd’hui peuvent susciter l’interrogation, il faut aussi voir combien le secteur a changé – et les aides doivent prendre en compte ces évolutions.

On ne peut continuer à agir uniquement par petites touches, sans cohérence globale, en se contentant de maintenir temporairement le système actuel. La baisse des ventes de la presse papier, la diminution du nombre des lecteurs, les fermetures de kiosques ou encore la mauvaise santé des messageries sont les symptômes d’une crise contre laquelle il faut à réagir, sans se voiler la face, pour que le secteur ne subisse plus les évolutions en cours mais y prenne part.

L’essor de la presse numérique, et les bouleversements inhérents, doivent être pris en compte dans les aides et dans les évolutions en cours du secteur. C’est pourquoi je regrette que cette proposition de loi n’aille pas plus loin dans la réforme structurelle des aides à la presse, prenant en compte les médias dans leur globalité et dépassant le critère du type de support. La porosité des frontières entre ce qui est lu, ce qui est vu et ce qui est écouté est un constat que nous partageons tous ici.

Le souci d’égal traitement entre médias sur papier et médias numériques était d’ailleurs au fondement du soutien des écologistes à l’harmonisation des taux de TVA.

Si cette proposition de loi ne procède pas à la remise à plat que nous demandons, elle comporte plusieurs avancées notables, au service d’une presse libre et plurielle. D’où notre soutien à ce texte.

Tout d’abord, pour être effective, la liberté de la presse doit être accompagnée d’une garantie de l’acheminement vers le lecteur. Cette proposition de loi renforce justement l’esprit de la loi Bichet du 2 avril 1947 qui organise la distribution de la presse et vise à empêcher toute discrimination entre les titres publiés.

Cette proposition de loi prévoit en effet de prendre en compte les difficultés des messageries, en les accompagnant dans leur mutation. Il s’agit bel et bien d’assurer la pérennité du système de distribution en renforçant la mutualisation et la solidarité des deux coopératives.

Cette évolution va donc dans le bon sens, même si je réaffirme ici qu’il faut veiller à ce que cela ne se fasse pas au détriment des citoyens en affectant le prix de la presse.

L’autre grande avancée que je souhaite saluer est la création du statut d’entreprise solidaire de presse d’information. Ce nouveau statut, qui s’inspire de l’économie sociale et solidaire, est une très bonne nouvelle. C’est là une façon de soutenir le pluralisme en matière d’information via l’émergence de nouveaux éditeurs. J’espère qu’il apportera un vrai changement et permettra vraiment aux pure-players de se développer.

Les incitations fiscales introduites au Sénat, en hommage notamment à Charb, vont également dans le bon sens. On ne peut que regretter que ces dispositions fiscales arrivent trop tardivement pour certains. Comme je l’ai indiqué en décembre dernier, si ce statut et ces dispositifs avaient vu le jour plus tôt, chez moi, à Amiens, le site d’informations en ligne Le Télescope aurait probablement pu éviter la fermeture.

Quoiqu’il en soit, cette disposition va dans le bon sens. Mais comme je l’ai fait au sujet des messageries, je souhaite revenir sur quelques points, abordés lors des différents débats et qui auraient mérité d’être approfondis. Je regrette que ce statut soit limité aux entreprises en ligne et à la presse d’information politique et générale. D’autres sites sont aussi innovants et intéressants que ceux dits « IPG » et ce statut pourrait intéresser des entreprises de la presse quotidienne régionale ou nationale rencontrant des difficultés.

Autre regret, en lien justement avec ces difficultés : pour favoriser les reprises, nous avions proposé d’étendre à l’ensemble des entreprises de presse la procédure d’information aux salariés en cas de difficultés économiques, en s’inspirant de ce qui avait été voté dans la loi sur l’économie sociale et solidaire. L’occasion de mettre en place une telle procédure, favorisant les opportunités de cession aux salariés, aurait dû être saisie puisque cette proposition de loi tend justement à pallier les crises qui touchent notamment la presse papier.

Autre avancée de cette proposition de loi que je souhaite souligner : son article 15 qui nous permet, nous parlementaires, d’être accompagnés par des journalistes lorsque nous visitons des établissements pénitentiaires. Aucun lieu ne devrait être interdit aux journalistes, qui doivent exercer leur pouvoir d’information partout et tout le temps. À travers leur travail, les journalistes ont un devoir d’alerte et d’information en matière d’atteinte aux droits des hommes et femmes, ce qui fait d’eux les véritables garde-fous de notre démocratie.

C’est en cohérence avec cette analyse que nous avions d’ailleurs proposé de renforcer davantage ce droit, gage de liberté de la presse, notamment en l’élargissant aux centres éducatifs fermés ou encore en permettant aux journalistes d’entrer dans les établissements pénitentiaires sans la présence d’un parlementaire.

Enfin, concernant l’AFP, nous avons été nombreux à avoir fait part de nos craintes et à relayer celles des salariés, qu’il s’agisse du statut des personnels, des risques d’une désolidarisation financière de l’État, avec les conséquences inhérentes pour ses filiales, ou encore de la perte de l’outil technique en cas de difficultés financières.

Au cours des débats, des garanties sérieuses ont été apportées. Nous aurons à cœur de nous assurer qu’elles seront effectives, notamment lors de l’examen du contrat d’objectifs et de moyens. Ces évolutions ne doivent en effet en aucun cas fragiliser l’AFP mais, au contraire, sécuriser son avenir car cette agence est une fierté que nous devons pérenniser. L’AFP doit être en capacité de donner une information objective et exhaustive, en France comme dans le reste du monde. C’est là un des points forts qui contribuent à sa notoriété et à son excellence.

Quant aux dispositions relatives à la gouvernance de l’Agence, essentielles pour préserver son indépendance et lui permettre de relever les défis actuels et à venir, elles sont nécessaires et doivent aussi apparaître comme une opportunité pour se moderniser.

Si nous nous réjouissons des avancées que constituent la parité ou le renforcement de la présence des rédactions dans la gouvernance de l’Agence, nous regrettons que cette rénovation de la gouvernance ne soit pas allée plus loin pour faire écho aux nouvelles orientations stratégiques de l’AFP, notamment en ce qui concerne le numérique.

En conclusion, nous aurions certes pu nous montrer plus ambitieux, mais cette proposition de loi va dans le bon sens et contribue à renforcer la pluralité et la liberté de la presse. C’est pourquoi nous le voterons sans hésitation. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Texte de la commission mixte paritaire

Mme la présidente. J’appelle maintenant le texte de la commission mixte paritaire.

Conformément à l’article 113, alinéa 3, du règlement, je vais d’abord appeler l’Assemblée à statuer sur les amendements dont je suis saisie.

Mme Fleur Pellerin, ministre. Je voudrais m’excuser auprès des députés pour le dépôt tardif – hier soir – des amendements du Gouvernement. Il s’agit pour l’essentiel d’amendements de coordination, ou rédactionnels, qui ne modifient pas les équilibres sur lesquels nous nous sommes mis d’accord. L’amendement n2 lève ainsi une ambiguïté rédactionnelle.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Françaix, rapporteur. Avis favorable.

(L’amendement n2 est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement n5.

Mme Fleur Pellerin, ministre. C’est un amendement de coordination.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Françaix, rapporteur. Avis favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, président de la commission mixte paritaire.

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Les autres amendements de coordination que nous examinons ne modifient en rien le texte de la CMP. Pour que les choses soient claires, je voudrais savoir si c’est bien le cas de l’amendement n5, qui vise à substituer aux mots « avis publics » les mots « observations publiques ». Je voudrais être certain que cette modification ne réduit en rien la portée de ce que peut rendre public le conseil supérieur de l’AFP et qu’il ne s’en trouvera pas limité.

M. Franck Riester. Tout à fait !

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Le mot « avis », dans les textes de loi que nous votons, a plus de force que le mot « observation ». Je souhaite donc connaître l’intention du Gouvernement.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Fleur Pellerin, ministre. Il n’y a pas d’agenda caché derrière cet amendement rédactionnel. (Sourires.) Il y est prévu que le conseil supérieur de l’AFP peut prendre publiques ses « observations », plutôt que ses « avis », par coordination avec l’article 11 A qui prévoit de telles « observations ». Cet amendement n’obéit qu’à un souci de coordination et non à celui de rendre moins solennelles les observations de ce conseil.

(L’amendement n5 est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement n4.

Mme Fleur Pellerin, ministre. Il est de coordination.

(L’amendement n4, accepté par la commission, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement n6.

Mme Fleur Pellerin, ministre. Coordination.

(L’amendement n6, accepté par la commission, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement n3.

Mme Fleur Pellerin, ministre. Il est de coordination.

(L’amendement n3, accepté par la commission, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement n7.

Mme Fleur Pellerin, ministre. Coordination.

(L’amendement n7, accepté par la commission, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement n1.

Mme Fleur Pellerin, ministre. Il est de coordination. Le Gouvernement lève le gage à l’alinéa 8 de l’article 17.

(L’amendement n1, accepté par la commission, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Bloche, président de la commission mixte paritaire.

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Je ne veux pas prolonger les débats, mais comment ne pas marquer cet instant où l’hémicycle est rassemblé pour adopter ces dispositions tant attendues ? Elles amélioreront la distribution de la presse, mais aussi, grâce à un travail parlementaire fourni, tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale, permettront à de nouveaux modèles d’entreprises de presse d’exister et, pour certaines d’entre elles, de bénéficier de dons émanant de particuliers.

Ce texte d’initiative parlementaire, travaillé en relation étroite avec vous, madame la ministre, a été défendu par Michel Françaix, notre rapporteur. Au terme de ce débat, il va être adopté sur tous les bancs, après une CMP que j’ai eu l’honneur de présider et qui a été très productive puisqu’elle a permis, avec intelligence, de faire coïncider deux textes qui comportaient, avouons-le, des différences.

Je terminerai en rendant tout particulièrement hommage à Michel Françaix, qui est notre référence en matière de presse à l’Assemblée nationale.

M. Franck Riester. C’est vrai !

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Son investissement sur ces questions profite pleinement, et depuis longtemps, à ce texte qu’il porte de manière militante depuis déjà un certain temps. Sans aller jusqu’à dire que le vote d’aujourd’hui est un accomplissement, il consacre un parlementaire qui sert son pays, et particulièrement la presse de son pays, c’est-à-dire la liberté d’expression. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. Franck Riester. Très bien !

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, modifié par les amendements adoptés par l’Assemblée.

(La proposition de loi est adoptée.)

3

Débat sur le rapport d’information relatif au contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat sur le rapport d’information relatif au projet d’avenant au contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions.

La Conférence des présidents a décidé d’organiser ce débat en deux parties. Dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes, puis le Gouvernement. Nous procéderons ensuite à une séance de questions-réponses. La durée des questions et des réponses sera limitée à deux minutes, sans droit de réplique.

La parole est à Mme Barbara Pompili.

Mme Barbara Pompili. Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, alors que le dépôt des candidatures pour la présidence de France Télévisions est bientôt clos, nous sommes nombreux à nous interroger sur l’avenir du groupe. Il n’y a pas, à travers ce débat, de velléité d’ingérence dans la procédure de nomination menée par le CSA : son indépendance doit être le gage d’une liberté de la presse et des médias, qui ne sauraient subir aucune pression, d’où qu’elle vienne.

M. Franck Riester. C’est loupé !

Mme Barbara Pompili. Nous avons d’ailleurs eu, par le passé, l’occasion de dénoncer certaines pratiques où le copinage semblait l’emporter dans les critères retenus pour pourvoir des postes de responsabilité. Mais cette nomination, indissociable du futur COM – contrat d’objectifs et de moyens – en préparation, dont l’État est partie prenante, ne peut être dissociée de la trajectoire qui se dessinera ainsi pour France Télévisions ; d’où l’exigence démocratique de mener ce débat sur l’avenir du service public de l’audiovisuel, débat dans lequel les parlementaires ont toute leur place.

Lors des ébats sur l’exécution des différents COM et leurs avenants, nous avons exprimé nos doutes, nos craintes, mais aussi nos attentes. Le rapport de notre collègue Martine Martinel sur l’avenant au COM a ainsi été l’occasion d’insister sur la nécessité de mieux représenter la diversité de notre société. Nous avons plaidé pour que France Ô ne devienne pas l’« alibi diversité » du groupe, pour reprendre son expression.

Nous avons indiqué combien le service public devait être exemplaire en ce qui concerne la place des femmes et leur visibilité ou la question du handicap, qu’il s’agisse de l’accessibilité des programmes, de l’emploi de personnes en situation de handicap ou encore de leur présence à l’écran.

Comme le signalait déjà Martine Martinel dans son rapport, et comme cela n’a eu de cesse d’être répété par la suite, malgré quelques avancées, l’urgence d’amplifier les efforts au-delà des symboles demeure ! Le rapport d’exécution du COM 2013 souligne lui-même une baisse du reflet de la diversité.

En outre, au vu du vieillissement de l’audience, autre sujet préoccupant, il nous paraît important de mieux répondre aux attentes des jeunes et de mieux les associer. Des initiatives intéressantes existent, par exemple de l’autre côté de la Manche, pour proposer une offre répondant à leurs nouveaux modes de consommation. Il pourrait être intéressant de regarder cela de plus près.

S’agissant de l’identité éditoriale des chaînes, je pourrais aujourd’hui encore reprendre le constat dressé par Martine Martinel : « Un effort indéniable de clarification est engagé mais (…) des améliorations [sont] encore possibles ». Si les rapports sont unanimes sur le besoin de renforcer les identités des chaînes, l’absence d’évolution est inquiétante.

Pour ce qui est de France 3 – sans empiéter sur les propos de mon collègue Paul Molac –, cette chaîne doit devenir la chaîne des territoires et non demeurer une chaîne nationale avec des décrochages régionaux. Il est donc grand temps d’inverser cette logique et de privilégier concrètement les territoires et l’offre de proximité. Alors que l’on ne cesse d’évoquer le besoin de renforcer le vivre-ensemble, nous disposons ici d’un outil exceptionnel largement sous-utilisé.

Cette sous-exploitation génère, parmi les salariés de France 3, un malaise parfois dramatique. Le sentiment de choix éditoriaux faits au coup par coup, sans vision stratégique globale, sans ligne éditoriale claire, tout cela nuit au travail des équipes. Certaines sont en surcharge de travail, d’autres en sous-charge alors qu’elles ne demandent qu’à produire.

Cette détérioration des conditions de travail est dénoncée depuis de nombreuses années, et pas uniquement à France 3. Le rapport Vacquin est ici éloquent et appelle, par extension, à s’interroger sur l’organisation structurelle du groupe. Il est nécessaire de redonner des perspectives aux salariés de l’ensemble du groupe ; les grèves actuelles témoignent de l’urgence d’agir.

Le projet « Info 2015 » n’échappe pas à ce besoin. La fusion des rédactions entre France 3 national et France 2 ne saurait avoir pour seule finalité la réalisation d’économies, avec les conséquences inhérentes sur l’emploi ou les conditions de travail. La question du projet éditorial et celle des valeurs du groupe doivent être posées et l’ensemble des personnels doit être associé à cette démarche.

Les nouvelles annonces des ministères de tutelle ont, à ce propos, semé le doute parmi les syndicats. Ces derniers appellent à un recentrage sur les missions de service public et plaident pour que la mission d’information soit réaffirmée.

La création d’une arche numérique de service public dédiée à l’information et favorisant les synergies entre les différents supports nous semble, à ce titre, une idée à creuser – avec les salariés, bien entendu.

Enfin, la question du financement est d’autant plus essentielle que les diminutions des dotations de l’État sont inquiétantes. C’est pourquoi, si la ré-internalisation de certaines productions ou une meilleure mutualisation des moyens sont des questions à poser, il paraît aussi nécessaire d’explorer d’autres pistes comme celle, par exemple, du financement par la création.

Aujourd’hui, dans le contexte des négociations du COM, l’État doit prendre sa part dans l’élaboration d’objectifs clairs allant de pair avec des financements appropriés.

Des choix ambitieux pour faire de l’audiovisuel public une force doivent être faits, en associant bien entendu l’ensemble des parties prenantes.

J’espère que ce débat permettra de faire entendre les attentes des parlementaires sur le service public de l’audiovisuel auquel nous aspirons tous.

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation et Mme Gilda Hobert. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, le 13 janvier dernier, notre commission des affaires culturelles et de l’éducation procédait à l’audition de M. le président du CSA sur le bilan des résultats de la société France Télévisions.

Ainsi, régulièrement, et je m’en félicite, l’activité et le devenir de l’audiovisuel public font partie des préoccupations et des travaux des parlementaires, notamment à l’occasion des débats sur les contrats d’objectifs et de moyens liant les sociétés de l’audiovisuel public et l’État, ou lors des débats que nous avons chaque année sur le budget de la culture et de la communication.

Aujourd’hui, nous avons souhaité, avec nos collègues du groupe Écolo, revenir sur la situation de France Télévisions pour mieux cerner la réalité et les enjeux existant autour de l’audiovisuel public.

Je voudrais ici mettre au jour une contradiction et l’éclairer par un exemple. La contradiction est la suivante : chacun s’accorde à dire que France Télévisions est un bel outil ; le rapport Schwartz parle d’un « acteur de référence » dont « la place est unique ».

France Télévisions reste le premier financeur de la création audiovisuelle française avec 402 millions investis en 2013. Je voudrais rendre hommage à l’énergie et au professionnalisme de ses équipes, sans lesquelles tout cela ne serait pas possible.

Chacun s’accorde également sur les exigences à l’égard du groupe en qualité, créativité, audience ou rayonnement. Mais, et c’est le deuxième terme de cette contradiction, le Gouvernement et notre assemblée ne prennent jamais les décisions financières lui donnant les moyens de ces ambitions.

Prenons l’exemple du sport, au moment où la candidature aux Jeux olympiques se précise. On demande aux chaînes de France Télévisions de couvrir la plus grande diversité de pratiques sportives et handisport, sans se limiter aux plus rentables d’entre elles ; on lui demande de donner la place due au sport féminin – je me félicite d’ailleurs de l’attribution récente de la coupe du monde de foot féminin à la France. Très bien ! Cette qualité et cette diversité en font des chaînes reconnues, voire « ressources » en matière sportive. Mais les téléspectateurs risquent de ne bientôt plus avoir accès gratuitement à de grandes épreuves sportives car la télévision publique ne pourra plus les acheter.

Le budget consacré aux retransmissions sportives est en baisse et les fédérations et les ligues privilégient parfois une rentrée d’argent plus importante au détriment de la visibilité de leur pratique. Face aux chaînes comme beIN Sports, la retransmission du Tour de France a été préservée, mais pour combien de temps ? Et le rugby ? Comment trouver l’équilibre entre la baisse des moyens et des effectifs et la demande d’excellence et de qualité ?

Chers collègues, nous le savons, le groupe public est aujourd’hui fragilisé, d’abord par les réformes successives qu’il a connues et les difficultés, notamment pour les personnels, pourtant compétents, à se projeter vers l’avenir en toute sérénité. Ceux-ci étaient d’ailleurs en grève la semaine dernière pour remettre l’humain et le social au cœur de la stratégie de France Télévisions.

Nous avons connu la restructuration en entreprise commune en 2009, la suppression de la publicité après 20 heures en 2010, quatre schémas organisationnels en quatre ans et enfin le rapprochement souhaité des rédactions nationales avec le projet « Info 2015 ».

Sur ce dernier point, le rapport d’expertise diligenté par les syndicats de l’entreprise en souligne les risques en termes de répercussions sur la santé et l’équilibre des personnels, notamment journalistes, mais aussi pour le devenir des différentes chaînes avec une fusion-absorption de la rédaction de France 3 au profit de France 2 et un déclassement des éditions de France 3.

L’État a contribué à cette fragilisation en imposant des objectifs multiples à France Télévisions, avec des COM souvent modifiés, tout en réduisant ses moyens au nom d’un contexte contraint des finances publiques, comme le souligne l’éditorial des quatre ministres présentant le rapport Schwartz.

Le groupe est aussi fragilisé par le nouveau contexte audiovisuel, avec la multiplication du nombre de chaînes gratuites, l’avènement du numérique et ses conséquences dans le rapport à la télévision et à ses modes de réception.

Aujourd’hui, seuls 31 % des foyers reçoivent la télévision par voie hertzienne et les supports mobiles – smartphones et tablettes – représentent 40 % du trafic internet. Cette situation est à relier à la perte d’audience de France Télévisions – 28,8 % en 2014 contre 40 % en 2003 – et au vieillissement de son public.

Enfin, le groupe est touché par les coupes claires opérées dans ses moyens financiers. Successivement, France Télévisions s’est vue privée de publicité après 20 heures et a vu baisser la subvention d’État. Lors de sa participation à notre commission, en novembre 2014, le P.-D.G. de France Télévisions nous indiquait qu’en 2013, France Télévisions avait perdu 26 millions d’euros de ressources publiques et 10 % de recettes publicitaires, soit 70 millions d’euros.

Dans ce contexte, comment comprendre le refus du Gouvernement d’une ouverture maîtrisée de nouveaux espaces publicitaires sur certaines plages horaires ou certaines cases spécifiques, avec par exemple des pages de publicité commerciale pendant les mi-temps de retransmissions sportives ?

Et quelle concrétisation de la proposition de modification de l’assiette de la redevance ? On ne pourra pas augmenter indéfiniment le montant de celle-ci en pénalisant toujours un peu plus les mêmes. Pourquoi ne pas imaginer une redevance étendue à tous les supports, établie sur la base des revenus du foyer ?

Et l’on ne pourra pas non plus indéfiniment utiliser les personnels comme variable d’ajustement. Comment en effet résoudre ce dilemme entre exigence de qualité et insuffisance des moyens pour l’emploi ? Sept cents emplois équivalent temps plein en moins entre 2012 et 2016 ! Jusqu’où ira-t-on avant que la qualité de l’offre n’en pâtisse ?

Je partage encore une fois l’opinion du rapport Shwartz indiquant : « Il est indispensable que France Télévisions bénéficie d’un soutien actif de son actionnaire, lui donnant une meilleure stabilité dans la mise en œuvre de sa stratégie. »

C’est pourquoi je voudrais vous inviter à débattre d’une question qui est à mes yeux essentielle pour l’avenir de France Télévisions : voulons-nous vraiment qu’existe et se développe un service de l’audiovisuel public ? Pensons-nous que l’information, la création, le divertissement, d’abord tournés vers le public et non la rentabilité, soient aujourd’hui dépassés ?

Nous avons agi pour intégrer les services audiovisuels dans l’exception culturelle au niveau de l’Union européenne. Allons-nous vraiment travailler à dégager la culture, et donc les services publics de l’audiovisuel, des griffes des marchands ? Ne faut-il pas réfléchir d’abord au rôle que peut jouer le service public pour participer à l’émancipation et à la liberté créative de notre peuple, contribuer à son esprit critique, à ses connaissances, à son plaisir, à sa curiosité – bref, à sa culture ?

On parle de développer la citoyenneté, mais le service audiovisuel ne joue-t-il aucun rôle dans ce domaine ? Et en nous interrogeant ainsi, ne posons-nous pas la question du type de société dans laquelle nous souhaitons vivre : une société faite pour l’argent ou une société faite pour l’être humain et son épanouissement ?

En débattant de cela, chers collègues, je suis certaine que nous pourrions donner un nouveau souffle à l’audiovisuel public. Nous pourrions ainsi envisager autrement le débat sur le nombre de chaînes, le contenu de chacune d’entre elles, leurs programmes, leur public et leur audience. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC, écologiste et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Travert.

M. Stéphane Travert. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, chers collègues, à la demande des groupes Écolo et GDR, nous débattons aujourd’hui du contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions.

Nous sommes tous ici attachés à un service public audiovisuel de qualité, à sa mission de proximité, au développement de stratégies nouvelles, à l’identité de chacune de ses composantes et à une offre de service public régionale et locale.

C’est la nécessité d’une réforme voulue et souhaitée par les salariés du groupe. Aussi est-il tout à fait normal que l’État assume ce rôle de tutelle et de contrôle sur le service public audiovisuel. C’est ce que nous faisons à travers ce débat. Nous devons poser les bases d’une réflexion sur des objectifs ambitieux pour établir une feuille de route claire à l’intention des futurs dirigeants du groupe. Le paysage audiovisuel français évolue au rythme des mutations numériques. Le regard sur la télévision change. La télévision publique doit donc bouleverser sa façon de regarder le monde. L’une des missions essentielles de la télévision de service public est d’être un vecteur indépendant d’information au service du débat citoyen et de la démocratie dans notre pays. C’est aussi d’être une fenêtre ouverte sur le monde, qui doit ressembler à celles et à ceux qui la regardent. Dans son dernier rapport, ma collègue Martine Martinel faisait l’amer constat d’un traitement inégal de la diversité, ainsi que de la place prépondérante des hommes, dans la chaîne hiérarchique de la télévision publique.

Le groupe France Télévisions, et nombre de ses salariés en particulier, traverse en ce moment une période de doute. Des mouvements de grève s’amplifient depuis quelques jours, illustrant, s’il en était besoin, les attentes des collaborateurs des chaînes, mais aussi leurs inquiétudes concernant la place de France Télévisions comme acteur majeur du rayonnement culturel et de l’innovation. Le vieillissement continu de l’audience est une source d’inquiétude partagée par tous. Des fragilités du modèle économique sont apparues aussi, quand l’ancienne majorité, ou plutôt l’ancien Président de la République qui porte une responsabilité lourde dans la baisse des ressources du groupe, a décidé unilatéralement de l’arrêt de la publicité après 20 heures.

La télévision publique reste et demeure en quête d’identité : France 2, chaîne d’information généraliste ; France 3, chaîne des territoires – j’y reviendrai ; France 4, chaîne dédiée à la jeunesse qui peine à trouver son public et sa place ; France 5, chaîne des savoirs qui, en revanche, a su trouver à la fois son public et porter une identité forte ; France Ô, qui ne fédère pas, mais constitue l’alibi de la diversité requise pourtant sur toutes les chaînes du groupe. On peut s’interroger, me semble-t-il, et j’exprime là une opinion tout à fait personnelle, sur la nécessité de conserver France 4 et France Ô et dégager de véritables moyens pour faire place à une vraie chaîne d’information en continu du service public qui pourrait s’appuyer sur tous les supports numériques, mais aussi sur le réseau territorial de France 3 pour une couverture pertinente de l’information.

Enfin, je souhaite évoquer la situation de France 3, aux niveaux national et régional. Tout d’abord, nous devons constater l’immense désarroi des journalistes devant ce que l’on pourrait appeler le monopole éditorial de la chaîne amiral du groupe entraîné par la fusion des rédactions de France 2 et de France 3. Si des efforts de mutualisation et de collaboration doivent être consentis, il est nécessaire de conserver les bases d’une équipe qui a fait ses preuves sur le terrain et qui porte un autre visage de l’information. La rédaction nationale de France 3 trouve un appui avec les stations régionales qui maillent notre territoire pour une information de qualité et de proximité. France 3 ne peut constituer la variable d’ajustement du groupe France Télévisions. Or, c’est un peu le ressenti des personnels que nous rencontrons sur le terrain jour après jour.

Après de nombreux rapports sur l’avenir de France 3 dont le mien, puis celui d’Anne Brucy et enfin celui de M. Schwartz, il va sans dire que la réforme de France 3 tarde à venir et qu’elle devra occuper une place prépondérante dans la future feuille de route du prochain – ou de la prochaine – PDG de France Télévisions.

Mme Marie-George Buffet. Très bien !

M. Stéphane Travert. Notre réflexion doit également porter sur la situation des antennes régionales situées dans les régions qui, au 1er janvier 2016, seront fusionnées, comme en Basse-Normandie et en Haute-Normandie. Depuis septembre 2014, ces deux antennes partagent un seul délégué régional. Les journaux d’informations locales sont fusionnés pendant les vacances scolaires. La réunification des territoires ne saurait servir de prétexte à une remise en cause des missions essentielles en lien avec les territoires et les téléspectateurs. Nous devons prendre garde aux incidences sur l’emploi, mais aussi aux orientations stratégiques qui encadreraient la mutualisation, puis la fusion des bureaux régionaux, au risque de perdre la richesse des contenus et une information qui parle au plus près de nos concitoyens. La réflexion sur l’avenir du réseau France 3 doit s’accompagner d’une analyse de la notion de proximité et d’une évaluation des attentes des téléspectateurs.

Un ancien président du CSA avait déclaré que le problème majeur de France Télévisions était France 3. Il se trompait, car l’innovation, la richesse culturelle et l’information émanent de tous les territoires. Si l’on décide demain de valoriser ce travail, les chaînes régionales, pour peu que l’on ait la volonté de leur donner les outils et de leur ouvrir un chemin pour faire de la télévision, constitueront un atout majeur de son développement. L’avenir de la télévision publique reste encore à définir. Nous portons la volonté de l’inscrire dans la modernité, dans le respect de toutes ses composantes et dans la diversité de notre territoire. Le groupe a de nombreux atouts : ses journalistes et ses collaborateurs d’abord, mais aussi le fait qu’il soit un instrument essentiel de la création, du rayonnement culturel et artistique et de la morale commune, pour reprendre vos termes, madame la ministre.

France Télévisions doit être l’expression du pluralisme, un acteur du rayonnement de la création française, parler de la France et des Français, où qu’ils soient dans le monde, porter nos valeurs et l’image d’une France qui entreprend, réussit, fédère et partage ; bref, une multitude de voix et d’images qui sont le reflet de notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP, écologiste et GDR.)

Mme la présidente. La parole est à M. Franck Riester.

M. Franck Riester. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, mes chers collègues, je me réjouis de ce que nous débattions aujourd’hui à l’Assemblée nationale de France Télévisions et de son contrat d’objectifs et de moyens. Ce débat permet de rappeler que, quelle que soit notre couleur politique, nous reconnaissons tous le rôle essentiel de l’audiovisuel public. Je déplore néanmoins que, aujourd’hui, tant en termes de gouvernance que de financement, nous ne lui donnions pas les moyens de remplir ses missions. Tant s’en faut !

Je souhaiterais, tout d’abord, évoquer le sujet crucial de la gouvernance insoluble de France Télévisions. L’entreprise souffre d’un manque total de lisibilité dans ses relations avec l’exécutif et, en particulier, de l’affaiblissement très grave de son ministère de tutelle, le ministère de la culture et de la communication. À l’occasion de la remise du rapport Schwartz, il y a trois semaines, pas moins de trois ministres de Bercy participaient à une conférence de presse sur les enjeux et les missions de France Télévisions, vous reléguant, madame la ministre, au rôle de simple figurante. Le Gouvernement douterait-il à ce point de votre capacité à définir les missions de service public de France Télévisions, pour faire ainsi appel à un groupe de travail interministériel plutôt qu’à vous-même ? Manifestement, suite aux coupes répétées du budget de la culture et de la communication depuis 2012, c’est à présent Bercy qui prend les décisions concernant l’audiovisuel public.

Pour ajouter à cet imbroglio de la gouvernance, à ce manque de clarté et de transparence, je note que, moins d’un an et demi après avoir fait adopter une loi prétendant consacrer l’indépendance de l’audiovisuel public, le Gouvernement s’ingère à présent dans le processus de désignation du président de France Télévisions, en dressant dans le rapport Schwartz le portrait du futur dirigeant idéal. Votre gouvernement a redonné au CSA le pouvoir de nomination du dirigeant du groupe depuis 2013 ; vous cherchez à présent à influencer sa décision. Quelle hypocrisie encore, lorsque l’on voit comment vous traitez le patron de Radio France, convoqué aujourd’hui comme s’il était l’un de vos employés ! Si vous cherchez, madame la ministre, un responsable des difficultés actuelles de l’audiovisuel public, il n’y a pas besoin de convoquer qui que ce soit : c’est vous et le Gouvernement, qui êtes responsables !

M. Guillaume Chevrollier. C’est vrai !

M. Franck Riester. Depuis 2012, vous avez sciemment plongé les entreprises du service public dans la crise. Vous sabrez les budgets, vous ne respectez pas les engagements financiers pluriannuels prévus dans les contrats d’objectifs et de moyens des groupes. Dois-je vous rappeler les 87,5 millions d’euros qui n’ont pas été versés à Radio France depuis l’arrivée de votre majorité aux responsabilités ? Ou encore les 20 millions d’euros qui ont été ponctionnés sur le fonds de roulement de l’INA l’an dernier, d’une façon insupportable ? Pourtant, les ressources existent ! Mais ces ressources, celles que la précédente majorité a créées pour l’audiovisuel public, vous prévoyez de les garder dans le budget de l’État. Je veux parler de la taxe télécom, dite taxe« telco », et de la taxe sur les recettes publicitaires, qui ont rapporté près de 280 millions d’euros en 2013. Dès cette année, ce sont 130 millions d’euros qui auraient dû revenir à l’audiovisuel public et qui sont confisqués par l’État. Madame la ministre, c’est un hold-up que je dénonce avec force !

Aujourd’hui, la situation est grave. À Radio France, la grève en est à son septième jour consécutif, dans un contexte d’élections où l’éclairage impartial du service public est indispensable. Dans cette crise, vous prétendez respecter les salariés de Radio France et vous tentez de vous présenter en recours ; mais c’est l’inverse ! Votre attitude est celle d’un pompier pyromane ! Comment s’étonner que les entreprises de l’audiovisuel public peinent à boucler leurs budgets et à mobiliser leurs équipes sur les importants efforts de gestion qu’ils doivent réaliser, si de son côté l’État n’honore pas sa part du contrat ? Comment s’étonner de la colère des équipes, qui ne peuvent pas faire confiance à leur ministre de tutelle et à son ministère ? Vous devez prendre vos responsabilités, plutôt que de faire du dirigeant de Radio France le bouc émissaire de votre propre incurie. Mathieu Gallet a certes fait une erreur, qu’il a d’ailleurs lui-même reconnue ; mais dans le fond le sujet n’est pas là : il est dans l’attitude inconséquente et inconsidérée du Gouvernement qui opère des coupes de budget aveugles, au mépris des engagements de l’État, sans les justifier par le moindre projet de réorganisation ni avoir aucune vision pour ces entreprises.

Madame la ministre, si nous voulons donner à l’audiovisuel public les moyens d’être à la hauteur des ambitions qui lui sont fixées, il est essentiel de rompre avec ces pratiques. Vous devez clarifier les rôles des différentes parties prenantes, instaurer une véritable indépendance de l’audiovisuel public et restaurer des relations de confiance avec l’État. La relation avec le ministère de la culture doit être rénovée. Vous devez réaffirmer le rôle de tutelle de la rue de Valois, en vous concentrant uniquement sur la définition des grandes missions de service public des opérateurs, en accompagnant les réformes menées par leurs dirigeants, plutôt qu’en leur mettant des bâtons dans les roues, et en garantissant les budgets négociés. Encore faut-il, madame la ministre, que vous en ayez le courage et le poids politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Degallaix.

M. Laurent Degallaix. Comme il est souligné très justement dans le rapport, les contrats d’objectifs et de moyens sont difficiles à respecter dans un contexte de raréfaction budgétaire et de mutations importantes du paysage audiovisuel français. Nous savons que les errements en matière de gestion ont rendu impossible la réalisation des économies et la bonne exécution du COM prévu pour les années 2011 à 2015. Nous pouvons trouver plusieurs bonnes raisons qui ont rendu les économies impossibles. La suppression de la publicité en soirée a fait chuter les recettes publicitaires dans une proportion bien plus importante que pour le reste des chaînes de télévision. Les taxes prévues pour compenser la suppression de ces recettes n’ont pas suffi. Des recettes commerciales ont été plombées par l’accélération de la chute du marché du DVD. Je crains, en outre, que l’extinction progressive d’ici à 2017 des dotations du budget général affectées au financement de l’audiovisuel public ne puisse pas être compensée par la hausse de la contribution à l’audiovisuel public.

Pour pallier ces incertitudes budgétaires, l’avenant prévoit de garantir la publicité en journée après 2015. Toutefois, nous ne sommes pas en mesure de chiffrer le montant des ressources publicitaires pour les années à venir, ce que l’avenant a l’honnêteté de reconnaître. Je m’interroge donc sur le sort de France Télévisions, dans le cas d’une éventuelle baisse de ses recettes publicitaires. Dans cette hypothèse, devrons-nous à nouveau procéder à une augmentation d’impôts ou trouverons-nous enfin une solution durable pour le financement du groupe France Télévisions, sans le démanteler – je pense à France Ô ?

Comme vous le soulignez dans votre rapport, les deux plans successifs de départs à la retraite n’ont pas porté leurs fruits. Après que 58 millions d’euros ont été engagés dans ces deux plans sociaux, les effectifs ont augmenté en raison d’un effort simultané de réduction de l’emploi non permanent. Il est essentiel que les efforts de gestion de France Télévisions se concentrent dans une seule et même direction. C’est pourquoi je soutiens ce qui a été relevé dans le rapport, à savoir la volonté d’instaurer un dispositif de suivi précis de la mise en œuvre du nouveau plan de départs volontaires à la retraite. Dans le même objectif, il me paraît indispensable de travailler à la bonne information des instances de France Télévisions sur les pistes d’économies envisagées et le développement des nouveaux projets.

Le groupe UDI salue les efforts d’investissement de France Télévisions en faveur de la création. Il est essentiel que le service public continue à promouvoir la création et la diversité culturelle dans le paysage audiovisuel français. Je rappelle cette rumeur un peu insistante, selon laquelle France Ô serait supprimée, alors que cette chaîne est très importante pour la diversité culturelle. Je salue également les efforts de France Télévisions pour maintenir ou développer son maillage territorial. Il s’agit d’une force indéniable du groupe, pionnier en la matière. La TNT a vu l’arrivée des chaînes privées locales, un dispositif déjà existant à France Télévisions et qui mérite d’être approfondi. Ces efforts sont indispensables pour réussir à redresser les audiences et à préparer un avenir durable à France Télévisions.

Chers collègues, vous l’aurez compris, le groupe UDI regrette que les dispositions du précédent COM n’aient pas eu les effets escomptés. Nous devons être plus attentifs au respect des dispositions que nous discutons et décidons dans cet hémicycle, avec le soutien, je l’espère, de Mme la ministre. Toutefois, je reste inquiet des solutions qui seront apportées à une nouvelle baisse de recettes. J’ai envie de croire que l’augmentation de la redevance ne sera pas la seule solution, systématiquement envisagée, à la difficile gestion de France Télévisions.

Mme la présidente. La parole est à Mme Gilda Hobert.

Mme Gilda Hobert. Madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, le débat qui nous rassemble n’est pas nouveau et nous nous félicitons qu’il ait lieu aujourd’hui encore. Nous n’avons toujours pas de réponses durables aux questions qui minent l’audiovisuel public, notamment en ce qui concerne son financement.

D’abord, je tiens à remercier chaleureusement notre rapporteure, Martine Martinel, experte de ce secteur et dont le rapport témoigne d’un solide travail.

Nous sommes tous ici profondément attachés à notre audiovisuel public et nous devons entendre les inquiétudes des salariés. Certes, France Télévisions a encore devant elle une marge de progression et les députés du groupe RRDP sont fiers de la qualité et de la spécificité de ses programmes, de son investissement dans la création et de sa modernisation dans le torrent de la révolution numérique.

Avec la suppression de la publicité en soirée et une dégradation du marché publicitaire, l’adoption de l’avenant pour la période 2013-2015 au COM 2011-2015 s’est faite dans un contexte d’impérative nécessité. Elle a permis de répondre à l’urgence en garantissant la capacité du groupe à remplir ses missions de service public.

Conclu en novembre 2011, le COM 2011-2015 manquait manifestement de sincérité et était fondé sur des hypothèses de recettes publicitaires irréalistes. Les parlementaires de la majorité actuelle l’avaient dénoncé à juste titre. Au final, le manque est de 100 millions d’euros. Il a donc fallu réviser la trajectoire des ressources, réexaminer les objectifs assignés à France Télévisions et soutenir l’entreprise pour un retour à l’équilibre en 2015.

Certes, l’exercice du COM, outil de planification stratégique et financière, n’est pas aisé. Il doit affirmer des priorités fortes avec des prévisions crédibles tout en gardant un cadre souple afin d’anticiper les mutations permanentes. Si cette capacité d’adaptation du COM est nécessaire, elle doit être accompagnée d’un contrôle plus régulier, comme le préconise notre rapporteure.

Rares sont ceux qui contestent la nécessité et la légitimité du maintien de la publicité en journée. Nous sommes tous engagés dans un effort de redressement des comptes publics, difficile mais inévitable, chacun doit en prendre sa part. Il serait irresponsable d’augmenter les dépenses publiques pour financer l’arrêt total de la publicité.

À ce propos, le modèle antérieur à la réforme mérite que l’on s’y attarde. Avec, d’une part, la redevance et, d’autre part, les recettes de la publicité, il assurait un financement autonome et une réelle indépendance financière – de loin l’indépendance la plus importante.

La nomination des trois présidents de l’audiovisuel public par le CSA est un juste retour des choses, au moins symboliquement, mais l’enjeu crucial reste l’indépendance financière. Comment y parvenir ? Le défi démocratique est immense et nous en portons la responsabilité politique. J’ai bien conscience qu’à la simple évocation de l’indépendance financière de France Télévisions, deux écueils irrémédiables se profilent : la présomption et l’angélisme. Alors, « soyons réalistes, exigeons l’impossible » ? Permettez-moi de vous confier une conviction personnelle : nous devons avoir de l’ambition là où elle est attendue. Que voulons-nous faire de France Télévisions ? Quel visage de l’audiovisuel public désirons-nous pour nos enfants ?

Pour le groupe RRDP, l’indépendance financière est fondamentale. Plusieurs pistes existent. Repenser la redevance ? Moderniser le fait générateur ? Élargir ce dernier aux nouveaux supports pour respecter le principe juridique de l’équivalence technologique ? Adapter les exonérations pour les foyers les plus modestes ? À la direction générale du Trésor, à la Cour des comptes, au Sénat ou à l’Assemblée, rapports après rapports, ces solutions sont proposées – et elles sont légitimes – mais la redevance subit de plein fouet les effets collatéraux d’un ras-le-bol fiscal au moins aussi légitime. Il n’est certainement pas opportun de faire supporter aux couches moyennes et populaires le fardeau d’une hausse.

Deuxième solution, partielle mais inévitable : une amélioration de la performance de France Télévisions à travers un renforcement de la mutualisation ou bien grâce à des contrats d’achats de programmes.

Enfin, troisième solution, celle qui nous semble prioritaire : accélérer la réforme de la fiscalité du numérique et faire participer les grands acteurs au financement de notre audiovisuel public.

Tout ou presque reste à faire pour bâtir ensemble, dans l’intérêt général, un avenir durable et un financement pérenne afin de garantir la spécificité et la qualité que nous souhaitons pour France Télévisions et ses programmes.

Notre débat de ce jour nous invite à exprimer collectivement des interrogations et à formuler des propositions. Tel était le sens de mon intervention : amorcer une réflexion et ouvrir un chemin. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC, écologiste et GDR.)

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Molac, dernier orateur inscrit dans ce débat.

M. Paul Molac. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, après les propos de ma collègue Barbara Pompili qui se voulaient plus généraux sur l’avenir de France Télévisions, je vais me concentrer spécifiquement sur la nécessaire évolution de France 3.

Si la nomination prochaine du nouveau président de France Télévisions ne nous concerne pas, nous exprimons nos attentes dans le cadre du prochain contrat d’objectifs et de moyens pour 2015-2020 à la lueur de celui en cours. Ainsi, l’avenant au COM pour 2013-2015 prévoyait l’organisation d’une réflexion sur l’avenir de l’offre régionale et locale de France 3.

Ce thème est abordé à la fois dans le rapport pour avis que notre collègue Stéphane Travert avait rédigé dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014 et dans le rapport de Mme Anne Brucy intitulé « France 3 : un avenir régional ».

Le premier rapport, excellent au demeurant, de notre collègue Stéphane Travert était, à juste titre, très sévère. Notre collègue notait en effet qu’au regard de l’objectif affiché par la direction du groupe visant à renforcer les liens de proximité de la chaîne avec ses téléspectateurs et à valoriser les identités régionales, « le bilan apparaît très négatif ».

Si l’actuelle direction a souhaité accroître le volume des programmes régionaux, cela doit être nuancé dans la mesure où un même programme peut être diffusé plusieurs fois ou sur plusieurs antennes. Surtout, les programmes régionaux sont diffusés dans des créneaux qui ne leur sont guère favorables : le matin ou tard le soir, avec peu de visibilité et de promotion. Ils sont même carrément supprimés lors des vacances scolaires et des grands événements sportifs.

Dans ce cas, on ne peut dire que l’offre ait été réellement améliorée – et nous sommes encore à des années-lumière de ce qui se fait en Europe, notamment au Royaume-Uni, en Espagne ou en Allemagne. Les programmes régionaux et en langues régionales sont indigents, ce qui suscité un fort ressentiment dans la population.

Stéphane Travert proposait deux solutions afin d’améliorer le rôle de proximité de France 3 : soit revoir la place des programmes régionaux au sein de la grille de France 3, soit créer de véritables chaînes régionales de plein exercice.

La première option a sa préférence. Elle consiste à inverser la logique pour faire de France 3 une chaîne régionale avec des décrochages nationaux et non plus une chaîne nationale avec des décrochages régionaux. Cette option est partagée par une grande majorité des salariés de France 3, hors Île-de-France. Le 18 décembre 2012, ils avaient d’ailleurs observé une journée de grève, très suivie, dont le mot d’ordre était précisément l’inversion du modèle de la chaîne. Cette option, déclinable sur l’ensemble du territoire national, constituerait évidemment une évolution positive que nous soutiendrions mais je dois vous avouer que, dans certains cas, l’option qui a ma préférence est bien celle de véritables chaînes régionales de plein exercice.

Stéphane Travert jugeait ainsi intéressante l’expérience de ViaStella, chaîne régionale de service public de plein exercice en Corse, mais il écartait l’extension de ce modèle à toutes les régions car, si le bilan en est globalement positif, il s’agit d’un modèle répondant à un objectif politique et culturel et qui est adapté à une population à la forte identité culturelle. J’observe que la demande exprimée en Bretagne par les salariés et les délégués de France 3 Bretagne, par les représentants politiques et par la société civile répond en tous points aux critères posés par notre collègue, – j’y reviendrai lors de la question que je poserai tout à l’heure à Mme la ministre.

Le rapport d’Anne Brucy, quant à lui, indique que, dans les territoires pertinents, le réseau public pourra lancer des expériences d’offres de complément diffusées sur des canaux dédiés. Pourtant, force est de constater que l’on ne voit rien venir : ni inversion de la logique de France 3, ni chaîne publique régionale de plein exercice, même là où la demande est forte. Le groupe semble d’ailleurs hésiter entre l’approche nationale et une approche plus décentralisée, comme le montre le tout récent rapport Schwartz. Rémy Pflimlin avait aussi proposé au Gouvernement une régionalisation des antennes mais le projet, jugé trop coûteux, avait été refusé par la ministre de l’époque.

Concernant les coûts, des marges de productivité importantes existent. L’exemple de Via Stella est, de ce point de vue, très instructif : le projet a suscité l’adhésion et fortement mobilisé les équipes, dont la productivité est aujourd’hui la plus élevée du groupe. L’ensemble des observateurs le constatent : les antennes régionales pourraient produire beaucoup plus à moyens constants. D’ailleurs, les délégués régionaux et les syndicats qui nous interpellent très régulièrement assurent qu’il est particulièrement difficile aujourd’hui d’obtenir une prise d’antenne événementielle, ce qui entraîne frustration et découragement des équipes.

Nous constatons également que la fermeture temporaire d’éditions locales devient une façon de réguler l’activité. En effet, les éditions locales jouent de facto un rôle de variable d’ajustement en fonction de l’évolution des ressources du groupe. Les équipes ont le sentiment que les arbitrages sont systématiquement rendus au détriment de l’offre de proximité.

Le rapport remis par le sociologue Henri Vacquin à la demande de France Télévisions met l’accent sur le climat social dégradé et les risques psycho-sociaux au sein de l’entreprise publique. Les salariés de France 3 expriment souvent leur désarroi et leur sentiment d’être quasiment déclassés.

Au regard de tous ces éléments et à la suite des conclusions de la mission confiée à Mme Brucy ainsi que du rapport de notre collègue Stéphane Travert, la réforme de France 3 devra faire l’objet d’un engagement résolu du président de France Télévisions et être inscrite au cœur du prochain mandat par le ministère de tutelle. Dans la perspective du prochain contrat d’objectifs et de moyens pour 2015-2020, nous espérons qu’enfin le Gouvernement effectuera un choix clair afin de développer une vraie politique audiovisuelle en région. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC, RRDP et GDR.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication. Mesdames et messieurs les députés, permettez-moi tout d’abord de remercier le groupe GDR d’avoir pris l’initiative de ce débat. Il est important que la représentation nationale puisse discuter régulièrement de l’avenir de France Télévisions, singulièrement au moment où le Gouvernement en dessine les grandes orientations stratégiques. J’étais il y a une semaine devant la commission des affaires culturelles et de l’éducation, je suis aujourd’hui devant vous : je m’en félicite.

L’audiovisuel public, France Télévisions, son avenir, son cap stratégique, ses priorités, en somme « ce que nous voulons collectivement en faire », doivent faire l’objet d’un débat démocratique et d’une large consultation du Parlement. L’ensemble des interventions d’aujourd’hui démontre au fond le niveau d’ambition et les attentes légitimes que le Parlement place dans la télévision publique. Vous avez raison de porter cette ambition : Gouvernement et Parlement sont dans leur rôle lorsqu’ils défendent de concert un très haut niveau d’exigence pour le service public audiovisuel.

Je souhaite vous détailler la stratégie du Gouvernement pour France Télévisions, ce qui me permettra de répondre à certaines questions que vous avez souhaité soulever.

Ma première priorité, c’est de porter une ambition forte pour le service public de l’audiovisuel.

Les terribles événements du mois de janvier nous l’ont tristement rappelé : nous avons besoin d’un espace commun d’échange et de partage, un espace où la parole est libre et où l’information, de qualité, puisse rendre compte du pluralisme des idées, un espace dans lequel chacun peut se reconnaître et partager des valeurs communes. L’audiovisuel public doit incarner cette ambition et constituer pour les Français cet espace où s’échangent les idées, où s’apprennent l’altérité et l’ouverture, où se nourrit la conversation nationale. France Télévisions doit réaffirmer sa singularité et ses valeurs qui font de ses entreprises des acteurs déterminants de la politique culturelle et du rayonnement de notre pays, des acteurs au service de la citoyenneté et du mieux vivre ensemble. C’est tout le sens de la réflexion que nous avons conduite pour tracer la feuille de route du futur président ou de la future présidente de France Télévisions.

Mon ambition, ce sont des priorités renouvelées autour d’un nouveau triptyque : comprendre, rayonner, participer.

Comprendre, tout d’abord, parce qu’aujourd’hui, être citoyen, c’est pouvoir décrypter un environnement complexe et comprendre le monde qui nous entoure. Le rôle du service public est d’apporter une information riche et indépendante qui permette l’expression du pluralisme et l’épanouissement du débat d’idées tout en favorisant la mise en perspective. L’information doit permettre le décryptage de la réalité et contribuer à la formation de l’esprit critique du public.

Nous attendons donc du prochain dirigeant de France Télévisions des propositions pour renforcer l’offre publique d’information en continuant la modernisation des rédactions et en étroite coopération avec les autres entreprises du service public de l’audiovisuel.

C’est aussi le sens, bien sûr, du contrat d’objectifs et de moyens signé avec France Médias Monde – je pense en particulier à la possibilité qui est désormais donnée à RFI et à Monte-Carlo Doualiya d’être diffusées en France, parce que ces radios contribuent à la cohésion nationale et à la promotion des valeurs républicaines.

Enfin, parce que les salariés du service public de l’audiovisuel sont fiers, à juste titre, de leurs entreprises et de leurs missions de service public, je souhaite qu’ils soient mobilisés pour participer à des actions d’éducation aux médias partout en France et que cet engagement citoyen soit reconnu et valorisé dans les entreprises.

Rayonner, ensuite, parce que France Télévisions est un acteur majeur du rayonnement de la création et de la créativité française, donc, un aiguillon de l’innovation.

Le principal risque, aujourd’hui, c’est de ne pas en prendre. France Télévisions doit faire preuve d’audace créative, proposer des formats innovants et des écritures nouvelles mais, aussi, accompagner les artistes et les créateurs pour leur permettre de révéler tout leur talent. Soutenir la création française, la langue française, c’est un enjeu essentiel de la diversité culturelle, de la différenciation de l’offre du service public par rapport, notamment, à celle des géants de l’internet.

France Télévisions doit également jouer son rôle d’incubateur, faire émerger une nouvelle génération de créateurs pour faciliter le renouvellement de la création. Là aussi France Télévisions doit remplir son rôle, notamment en matière de production de fictions et de séries. L’entreprise, qui a su proposer Un village français et Fais pas ci fais pas ça, doit aussi pouvoir proposer les Borgen, les Real Humans, les House of Cards de demain.

J’ajoute que la réussite de tels projets ne doit pas se jauger uniquement en termes d’audience. Évidemment, il ne peut pas y avoir de télévision publique sans public. Mais la créativité, l’ambition artistique, la générosité de l’intelligence sont des critères dont France Télévisions doit tenir compte.

Participer, enfin, parce que les médias, aujourd’hui, doivent repenser leur rapport au public. Le service public de l’audiovisuel doit ressembler aux Français. Deux priorités doivent nous animer dans cette volonté de faire de la télévision le média de tous les Français : attirer la jeunesse et promouvoir la diversité.

S’agissant de la jeunesse, force est de constater – et Stéphane Travert le rappelait dans son intervention – que le public du service public est plus âgé que la moyenne. Or l’une des missions centrales du service public doit être de favoriser l’entrée de la jeunesse dans le monde. Pour reconquérir ce public, il faut que le service public se réapproprie les codes et les genres de la jeunesse.

Reconquérir la jeunesse, cela implique aussi de développer fortement l’offre en ligne, parce que c’est là, aujourd’hui, que les jeunes découvrent les œuvres, accèdent à l’information, échangent avec leurs pairs. Développer une offre internet riche, lisible et attractive, capable, entre autres, de concurrencer les messages antirépublicains, ce sera l’une des grandes priorités de la prochaine présidence de France Télévisions. Et c’est une condition essentielle de la pérennité de notre service public de l’audiovisuel que d’imaginer les services, les pratiques, les programmes de demain.

S’agissant de la diversité – et Martine Martinel le soulignait également dans son rapport – il faut reconnaître que l’objectif de parler à tous les publics, qui doit être au cœur de la mission du service public de l’audiovisuel, est inégalement rempli. Or le service public de l’audiovisuel doit être le reflet de notre richesse, et non le miroir de nos blocages. Des progrès incontestables ont bien sûr été accomplis, mais ils restent insuffisants. Or c’est à tous les Français que le service public doit s’adresser, quels que soient leur origine, leur environnement social, leur âge ou leur sexe.

Participer, enfin, parce que la convergence pousse à repenser les rapports entre les différents médias du service public. Il nous faut aujourd’hui fédérer davantage les initiatives, en instaurant des coopérations plus fortes entre les diverses composantes de l’audiovisuel public. C’est un sujet que le Président de la République a déjà évoqué et, sur ce point aussi, l’État prendra toutes ses responsabilités, en instituant un comité de pilotage stratégique rassemblant toutes les entreprises de l’audiovisuel public pour leur permettre d’échanger, sur leur développement et leur politique d’investissement, par exemple.

Ma deuxième priorité, c’est de moderniser l’exercice de la tutelle. Dès mon arrivée rue de Valois, j’avais exprimé ma volonté de saisir l’occasion de la nomination par le CSA – qui renforce effectivement, comme plusieurs de vous l’ont souligné, l’indépendance de l’audiovisuel public – pour réfléchir aux priorités de la télévision publique.

À ce propos, monsieur Riester, vous avez une conception un peu étrange du travail gouvernemental. Vous semblez ignorer qu’il existe, au sein de l’administration, une Agence des participations de l’État, qui exerce une tutelle sur l’entreprise publique France Télévisions. Par conséquent, lorsque je prends une initiative qui implique d’autres de mes collègues, lorsqu’on me remet un rapport que j’ai commandé, à la demande du Président de la République, il me semble courtois de convier également mes collègues chargés de l’économie et des finances. Cela s’appelle la courtoisie ; cela s’appelle la solidarité gouvernementale. Mais peut-être n’avez-vous pas, dans la France moderne et humaniste que vous promouvez, le sens du respect pour le travail gouvernemental et la collégialité ?

Dès ma nomination rue de Valois, disais-je, j’ai souhaité réfléchir aux priorités de la télévision publique. Là encore, il ne s’agit nullement de dresser le portrait-robot du futur président de France Télévisions ou de prédéterminer le choix du CSA, mais de tracer des perspectives, comme vous le faites d’ailleurs très bien sur votre blog, monsieur Riester, puisque vous avez votre opinion sur le nombre de chaînes, sur leur rôle et sur leur programmation. Il ne s’agit en rien de s’ingérer dans la gestion de l’entreprise ou d’empiéter sur les prérogatives du CSA, mais c’est bien la mission de l’État actionnaire que de définir les priorités stratégiques qu’il souhaite assigner à l’entreprise publique. Et c’est exactement à cet exercice que nous nous sommes livrés.

Ce travail nous a d’ailleurs permis, dans le respect le plus strict de l’indépendance du CSA, d’éclairer les candidats sur les attentes de l’État, les attentes légitimes de l’État actionnaire. Je rappelle que la redevance et les financements qui sont apportés par l’État, c’est-à-dire par les contribuables, par nos concitoyens, représentent 3 milliards d’euros et qu’il est donc tout à fait légitime que nous fixions de grandes orientations pour l’audiovisuel public. Les candidats seront donc éclairés sur les attentes de l’État vis-à-vis de l’entreprise publique et sur le cadre budgétaire dans lequel elle aura vocation à évoluer. Il ne s’agit pas, je le répète, de se prononcer sur le périmètre du bouquet de France Télévisions ou sur l’identité des chaînes. Tout cela relèvera de la responsabilité de la future présidence, car c’est bien à l’entreprise qu’il appartiendra d’élaborer un projet et de le proposer à l’État dans le cadre des négociations des contrats d’objectifs et de moyens. L’État arbitre. Il n’est pas là pour se substituer aux entreprises ni à leur direction.

L’objectif de ce travail était d’établir un diagnostic étayé sur la situation de l’entreprise et sur ses perspectives stratégiques, pour que les discussions sur le contrat d’objectifs et de moyens puissent avancer rapidement, sur la base d’un projet à la fois clair et cohérent avec les priorités et les moyens de l’État. Je souhaite que ce type de travail puisse être reconduit, sous une forme adaptée, avant toute nouvelle désignation par le CSA à la tête d’une entreprise du service public de l’audiovisuel.

Ma troisième priorité, je l’ai déjà dit, consiste à moderniser le financement de l’audiovisuel public. Je sais que votre commission des finances vient d’engager un travail sur cette question, et je l’en remercie. Je tiens, en premier lieu, à rappeler que nous avons pris toutes nos responsabilités en proposant au Parlement d’augmenter la redevance pour sécuriser le financement des missions du service public de l’audiovisuel et pour le rendre vraiment indépendant : c’est pourquoi nous supprimons progressivement la subvention budgétaire versée par l’État à ces organismes.

Renforcer la place de la redevance dans le financement du service public, c’est conforter son financement et son indépendance. Je m’étonne donc, mesdames et messieurs les députés de l’UMP, que ceux-là même qui nous demandent sans cesse d’augmenter les ressources de l’audiovisuel public n’aient pas voté l’augmentation de la redevance. Il y a là un paradoxe : vous ne pouvez pas demander à la tutelle d’apporter de nouvelles ressources et, lorsqu’il s’agit de prendre collectivement nos responsabilités, refuser d’accroître ces mêmes recettes.

Vous avez évoqué, monsieur le député Franck Riester, les taxes instituées en 2009, au moment où la suppression de la publicité après 20 heures a été décidée sans véritable étude d’impact. Vous aviez tout le loisir, à cette époque, d’affecter ces taxes, mais vous ne l’avez pas fait !

M. Franck Riester. Où sont les 130 millions d’euros ?

Mme Fleur Pellerin, ministre. Vous n’avez pas souhaité, à l’époque, affecter ces taxes. Vous ne pouvez pas, aujourd’hui, nous reprocher vos propres turpitudes. Aujourd’hui, nous prenons nos responsabilités pour faire en sorte que le financement de l’audiovisuel public soit réellement indépendant et qu’il provienne en totalité de la contribution à l’audiovisuel public.

Comme le Président de la République l’a annoncé, nous travaillons également à la modernisation de l’assiette. Plusieurs orateurs ont rappelé qu’il n’est pas juste que la charge et les hausses de la redevance pèsent toujours sur les mêmes foyers. C’est pourquoi nous travaillons à une modernisation de l’assiette. C’est nécessaire, parce que les pratiques ont changé : aujourd’hui, davantage de nos concitoyens accèdent à l’audiovisuel, non plus à travers la télévision hertzienne, mais par d’autres moyens. Je voudrais, à cet égard, rappeler quelques chiffres. Le taux d’équipement des foyers en téléviseurs baisse continûment depuis 2010 : il y a donc de moins en moins de foyers redevables. Cela étant, le nombre de vidéos visionnées en télévision de rattrapage explose – 3,7 milliards de vidéos ont été vues en 2014, soit une hausse de 30 % à périmètre constant.

Ce travail de modernisation est donc engagé, et je souhaite que le Parlement puisse y être associé rapidement. De la même façon, vous savez que nous étudions les moyens de faire contribuer davantage les géants de l’internet, qui aujourd’hui ne contribuent à rien et ne paient pas d’impôt sur les sociétés. Ce travail, vous le savez, me tient à cœur. Il est engagé depuis deux ans et je pense que l’on ne peut pas reprocher à mes collègues chargés des finances et du budget de n’avoir plus aucune prérogative ou d’être dépossédés de leur portefeuille, parce que je travaille avec eux sur ces sujets. C’est bien là, une fois encore, ma conception du travail interministériel.

La modernisation du financement de l’audiovisuel public, c’est aussi la question des ressources propres. Sur ce sujet – je l’ai également dit dès ma prise de fonctions – il faut être pragmatique. Là encore, j’examinerai avec beaucoup d’intérêt les conclusions du groupe de travail de votre commission des finances et de son rapporteur, Jean-Marie Beffara.

Nous l’avons dit : parce que nous souhaitons encourager l’audace, parce que nous sommes attentifs aux équilibres du marché publicitaire, le Gouvernement estime que les conditions pour modifier le régime publicitaire de France Télévisions ne sont pas réunies aujourd’hui. La dynamisation des ressources propres de France Télévisions reste toutefois un enjeu important de l’entreprise, et nous publierons au début du mois d’avril le décret autorisant les diffuseurs à prendre des parts de coproduction lorsqu’ils financent significativement une œuvre, ce qui permettra à France Télévisions de bénéficier de couloirs de recettes en fonction de l’exploitation des œuvres qu’elle a financées.

Je conclurai, avant de répondre à vos questions, en soulignant toute l’ambition qui est la nôtre pour le service public de l’audiovisuel. Nous avons besoin d’un service public audacieux, en prise avec son époque, ce qui imposera à l’État, comme à France Télévisions, d’assumer des choix exigeants. La télévision publique est chère au cœur des Françaises et des Français – plusieurs d’entre vous l’ont souligné à juste titre. Elle occupe une place importante dans leur vie et crée entre eux un lien indéfectible, un horizon d’avenir commun. Vous pouvez compter sur mon engagement extrêmement fort pour la défendre et l’accompagner dans cette ambition, comme je sais pouvoir compter sur vos initiatives et sur votre soutien. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP, écologiste et GDR.)

Mme la présidente. Nous en arrivons aux questions des groupes. Je rappelle que le temps de parole est de deux minutes pour la question et deux minutes pour la réponse.

La parole est à M. Paul Molac, pour le groupe écologiste.

M. Paul Molac. Madame la ministre de la culture et de la communication, la régionalisation de France 3 était un objectif assigné par le contrat d’objectifs et de moyens en cours. Or il s’agit d’un échec patent. Les émissions locales de fin de semaine, dont celles en langue régionale, sont régulièrement annulées pour cause de manifestations sportives, ou fortement réduites pendant les vacances scolaires.

Un moyen de pallier cette insuffisance serait la création d’une chaîne régionale bilingue publique de plein exercice, à l’image de la chaîne corse Via Stella. Tant Stéphane Travert qu’Anne Brucy, dans leurs rapports respectifs, estimaient qu’il s’agit d’un modèle répondant à un objectif politique et culturel, et qu’il est adapté à une population à forte identité culturelle. Anne Brucy suggère clairement de « tester des chaînes régionales de complément, en coopération avec les collectivités volontaires, là où l’identité régionale le justifie comme en Bretagne ». Rémy Pflimlin, lui-même, disait que nous devons « mener des expérimentations à l’image de ce que nous faisons en Corse avec la création de Via Stella sur un canal parallèle ».

Il s’agit d’une demande forte en Bretagne, exprimée par les salariés et les délégués de France 3 Bretagne, par les représentants politiques et par la société civile. Ainsi, en 2013, vingt-sept parlementaires des cinq départements bretons écrivaient en ce sens à la ministre Aurélie Filippetti. Le Conseil régional de Bretagne a également adopté des vœux dans ce sens et le pacte d’avenir pour la Bretagne nous annonçait une possibilité d’expérimentation pour le « développement d’une offre audiovisuelle régionalisée ». Enfin, le 8 juin 2014, un grand rassemblement en Centre-Bretagne réunissait près de 1 000 personnes pour demander la création d’une telle chaîne.

Le contribuable de Bretagne administrative participe annuellement à hauteur de 125 millions d’euros à la redevance audiovisuelle. Le quart de cette somme serait largement suffisant pour financer une chaîne publique régionale de plein exercice. La BBC Alba, par exemple, chaîne publique de plein exercice en Écosse, a un budget annuel de 25 millions d’euros, toutes ressources confondues, alors qu’il s’agit d’un média global – télévision, radio, internet. Ce budget est d’ailleurs inférieur au budget actuel de France 3 Ouest, à savoir 32 millions d’euros. Le budget de Via Stella est, quant à lui, de 24 millions d’euros.

Il serait d’autant plus facile de renforcer les programmes en régions que les moyens techniques et humains existent et sont sous-utilisés dans bon nombre de cas. La Bretagne bénéficie par ailleurs de l’existence de producteurs et de diffuseurs dynamiques, en français et en breton. Conseil régional, chaîne publique décentralisée et opérateurs privés peuvent rapidement mettre en place un modèle particulièrement efficace au service de la population, de la création, de la diffusion et de l’information.

Madame la ministre, serez-vous favorable à la création d’une telle chaîne publique régionale de plein exercice en Bretagne et dans les autres régions qui le demanderaient ?

Mme Barbara Pompili. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Fleur Pellerin, ministre. Monsieur le député Paul Molac, je l’ai dit tout à l’heure lors de mon intervention à la tribune : je suis tout à fait ouverte et prête à étudier les propositions qui seront formulées par les candidats à la présidence de France Télévisions, puis par son président, lorsque nous établirons le contrat d’objectifs et de moyens.

Un cadrage et de grandes orientations budgétaires ont été définis par la tutelle, mais c’est au président qu’il reviendra de proposer des initiatives de nature à répondre aux demandes qui s’expriment dans la société. France 3 consacre déjà des moyens importants, vous l’avez rappelé, à une télévision régionale, une télévision de proximité, qui consacre beaucoup de place à l’information locale. Il faut valoriser le travail déjà réalisé par les équipes de France 3, qui suscite beaucoup d’adhésion et qui est cher au cœur des Français.

Des expérimentations ont été menées : vous avez évoqué le cas de la Corse, mais il en a également été question en Alsace. Si cela rentre dans l’enveloppe budgétaire, si cela répond à une demande et si cela permet de mutualiser un certain nombre de moyens, pourquoi pas ? Je n’ai aucun tabou, ni a priori idéologique sur ce type d’initiative. Dans le cadre d’une réflexion plus générale et de la réforme en cours des régions, nous pourrons réfléchir aux moyens de développer de telles offres et nous serons ouverts aux propositions qui pourront être faites.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Marie-George Buffet. Madame la ministre, l’objectif initial des décrets Tasca était de doter la France d’un outil industriel susceptible de rivaliser avec les studios anglo-saxons. À cet effet, l’outil de production du service public a été amoindri, ses droits à produire restreints et l’obligation de financer la production privée sans cesse renouvelée dans les différents contrats d’objectifs et de moyens. En vain des voix se sont élevées pour que le service public, financeur, puisse obtenir des droits patrimoniaux sur la diffusion des œuvres.

Le système français d’obligation de commande à des producteurs français, sans intention stratégique, aboutit certes à une relative diversité, mais au détriment de la puissance d’investissement et de la visibilité désormais étendue à tous les modes de réception.

Du fait de leur taille, les acteurs en lice ne pourront longtemps résister à la puissance financière des studios anglo-saxons et des nouveaux acteurs, qui peuvent financer scénaristes, acteurs ou techniciens de renom.

Le paysage actuel de l’audiovisuel condamne le système hérité des décrets Tasca. Il est grand temps de changer les règles de la production audiovisuelle en France et de doter prioritairement le service public d’une capacité d’investissement et de retour sur investissement, à l’instar de la BBC, qui exporte ses programmes et qui génère, grâce à la détention des droits des programmes qu’elle finance, plus du quart de ses ressources.

Mme Barbara Pompili. C’est vrai.

Mme Marie-George Buffet. Madame la ministre, quel est votre plan d’action pour créer des acteurs majeurs dans le domaine audiovisuel français, aptes à rivaliser avec ces mastodontes américains qui, profitant de notre immobilisme, risquent fort de mettre à mal le principe de l’exception culturelle ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Fleur Pellerin, ministre. Vous avez raison, madame la députée : face à l’émergence d’acteurs mondiaux capables de distribuer leurs programmes directement sur tous les écrans, les producteurs et les diffuseurs français – de façon générale et pas seulement dans la sphère publique – doivent impérativement refonder leurs partenariats pour faire vivre l’exception culturelle à laquelle nous restons très fortement attachés.

France Télévisions doit évidemment jouer un rôle majeur et moteur dans la structuration de l’industrie de la création audiovisuelle. Avec le décret relatif aux parts de production, qui sera publié dans les prochains jours, le groupe sera davantage intéressé aux résultats.

À titre de comparaison, 30 % des recettes de la BBC sont des recettes commerciales issues de la vente de programmes. Il y a donc des marges de manœuvre à rechercher, pas nécessairement du côté de la redevance ou des dotations publiques, mais du côté de la valorisation de la capacité de production de France Télévisions, y compris à l’exportation. Cela vaut du reste aussi bien pour les programmes de flux que pour les fictions.

En modifiant la réglementation, donc, nous voulons permettre à l’entreprise publique de mieux mettre en valeur ses productions et de trouver un intérêt financier à produire des formats destinés à rencontrer davantage de succès en France et à l’étranger.

Vous le voyez, nous avançons bien sur cette question, ce qui doit également se traduire par un meilleur partage des risques au sein de la filière. Il faudra d’ailleurs réfléchir aux rôles respectifs du producteur délégué et du producteur exécutif. Mais c’est un autre sujet, soumis actuellement à concertation.

Mme la présidente. Nous en venons aux questions du groupe socialiste, républicain et citoyen.

La parole est à M. Pierre-Yves Le Borgn’.

M. Pierre-Yves Le Borgn’. Ma question, madame la ministre, a trait à la diffusion en ligne et en rattrapage des programmes de France Télévisions vers l’étranger, sujet dont je vous ai déjà entretenue il y a quelques mois. Lorsqu’ils se trouvent à l’étranger et qu’ils essaient de se connecter au site pluzz.francetv.fr, les Français, les francophones et les francophiles se retrouvent face à un écran noir, du fait d’une géolocalisation qui interdit l’accès aux programmes recherchés à ceux qui ne se trouvent pas sur le territoire national. Le phénomène concerne beaucoup de programmes importants, des porte-étendards de la production publique française tels que Thalassa, Des Racines et des Ailes, C dans l’air, Mots croisés, Envoyé spécial.

Si un très grand nombre de personnes vivant à l’étranger se voient privées de ces émissions, c’est parce que France Télévisions n’a pas de politique d’achat des droits globaux et aussi, malheureusement, parce que l’ambition internationale du groupe est faible, en contradiction avec la politique de la France en faveur de la diversité culturelle à l’échelle globale.

D’autres grandes chaînes internationales, par exemple la chaîne espagnole TVE Internacional, achètent des droits globaux, y compris pour la fiction. Ne conviendrait-il pas dès lors de reprendre une des propositions du rapport Schwartz et de faire évoluer France Télévisions de telle sorte que le groupe possède les droits des programmes qu’il produit ?

Comment le Gouvernement réagit-il à la situation que j’ai décrite ? Quelles initiatives concrètes entend-il prendre, sachant qu’il existe une forte attente chez nos compatriotes et chez les centaines de millions de francophones et de francophiles de par le monde ?

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Le Roch.

M. Jean-Pierre Le Roch. Madame la ministre, le projet d’avenant dont nous débattons prélude à une nécessaire réflexion sur l’avenir de France 3, l’État souhaitant examiner tout particulièrement « l’offre de proximité du service public après 2015 ». France 3 est aujourd’hui confrontée à des enjeux éditoriaux, d’organisation et de coûts de gestion. La chaîne doit se réorganiser afin de maîtriser ses coûts mais aussi de mieux répondre aux attentes du public.

L’avenant fixe comme priorité stratégique à la chaîne de « développer au sein de ses programmes les valeurs de proximité et de partage ». Force est de constater que cet objectif flou et ambivalent est en contradiction avec les faits. Il est en effet délicat d’atteindre un objectif de proximité et de défendre une ligne éditoriale marquée et originale tout en diminuant le volume des programmes régionaux.

C’est ainsi que l’on m’alerte régulièrement de la réduction, voire de la suspension, des émissions et journaux télévisés en langue bretonne, qui semblent servir de variable d’ajustement sans que l’on arrive pour autant à en connaître la justification et alors que les téléspectateurs y sont attachés. Ces dispositions vont au rebours des recommandations sur les programmes d’information figurant dans le rapport de M. Schwartz remis il y a un mois.

Il est certes nécessaire de réfléchir à l’avenir de France 3, mais il me semble important de trouver des réponses territorialisées, ce qui pose non seulement la question de la ligne éditoriale et de la place accordée aux identités régionales, mais également celle de l’organisation et du maillage des rédactions, dans un contexte de réforme territoriale.

Je souhaiterais donc savoir quelles pistes sont envisagées, aussi bien en termes d’organisation que de ligne éditoriale, pour conforter la plus-value de service public offerte par France 3.

M. Paul Molac. Très bonne question !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Fleur Pellerin, ministre. Vous vous faites l’écho, monsieur le député Pierre-Yves Le Borgn’, d’une préoccupation exprimée de façon récurrente par de nombreux expatriés français. Je comprends bien le souhait légitime de nos compatriotes d’accéder à ces programmes, sachant toutefois que des centaines de programmes sont déjà diffusés sur l’ensemble des chaînes du bouquet de France Télévisions, notamment les journaux télévisés, désormais en libre accès sur pluzz.francetv.fr – le service de télévision de rattrapage du groupe – et directement identifiables par un onglet spécifique.

Certes, ce dispositif ne concerne pas tous les programmes. Les séries de fiction et les œuvres cinématographiques qui sont diffusées en France sur les chaînes du service public ne sont pas accessibles à l’étranger car, comme vous l’avez souligné, cela supposerait que France Télévisions acquière systématique les droits de diffusion mondiaux, hypothèse malheureusement incompatible avec la trajectoire budgétaire des chaînes du service public.

France Télévisions s’efforce cependant, dans la mesure du possible, de libérer les droits mondiaux de certains de ses programmes afin de les rendre accessibles sur TV5 Monde et sur le site de télévision de rattrapage de cette chaîne. Je souhaite bien évidemment que cette pratique se développe.

Je rappelle aussi qu’Arte est diffusée simultanément en France et en Allemagne.

Plus généralement, la question de la territorialité des droits est au centre de la discussion que nous menons avec l’ensemble de nos partenaires européens au sujet de la réforme du droit d’auteur souhaitée par le président de la Commission européenne. Il y a là un enjeu considérable pour la diversité culturelle et pour la conception que nous avons du droit d’auteur en France. La territorialité est en effet ce qui nous permet de garantir la pérennité de ce droit, mais aussi la pérennité d’acteurs européens qui, s’ils étaient confrontés à la négociation des droits pour l’ensemble du territoire européen, n’auraient sans doute pas l’assise financière pour se défendre face à des géants multinationaux ou mondiaux.

Bref, nous travaillons à ce sujet et nous avons bien conscience des attentes de ceux de nos concitoyens expatriés, étant entendu que la question s’inscrit dans des débats extrêmement sensibles sur le droit d’auteur au niveau européen.

Pour ce qui est des émissions en langue bretonne de France 3 et, plus généralement, la politique de la chaîne, monsieur le député Jean-Pierre Le Roch, je partage avec vous le souhait d’une clarification des objectifs et des priorités. C’est tout l’objet du travail de redéfinition des missions que j’ai lancé.

Cela dit, la clarification de l’identité des chaînes figure parmi les défis que la prochaine présidence aura à relever et, conformément au vœu émis par M. le député Franck Riester, je me garderai bien de m’ingérer dans ce qui relève des prérogatives de cette présidence. La question de l’identité des chaînes, de leur périmètre, de leur programmation, de leurs grilles, ressortit par nature au projet d’entreprise. Ce que je souhaite, c’est entendre les propositions des candidats.

Les Français plébiscitent France 3, dont la très forte dimension de proximité est un ferment de la citoyenneté. Il faut s’attacher à l’apport de cette chaîne en matière locale et régionale. Je veillerai à la prise en compte de cet élément, quelles que soient les régions concernées, dans les projets d’entreprise qui seront présentés pour la prochaine présidence.

Mme la présidente. Nous en venons aux questions du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Madame la ministre, je souhaite évoquer la place de la musique sur les chaînes du service public.

Chacun sait combien il est important pour un artiste, surtout au début de sa carrière, de pouvoir être exposé à la télévision. Même à l’heure du numérique, la télévision reste, après la radio, le média le plus « prescripteur » pour ce qui est de la découverte de nouveaux artistes.

À ce titre, l’article 4 du cahier des charges de France Télévisions impose au groupe public de diffuser « au moins un programme culturel chaque jour en première partie de soirée » et précise que les émissions musicales entrent dans le champ de l’émission culturelle quotidienne. Cette obligation a d’ailleurs été renforcée dans le cadre de l’avenant au contrat d’objectifs et de moyens pour la période 2013-2015.

L’article 5, quant à lui, prévoit que « France Télévisions diffuse régulièrement des émissions à caractère musical » et que « le contenu de ces émissions doit permettre de faire connaître aux téléspectateurs les diverses formes de musique, de rendre compte de l’actualité musicale et de promouvoir les nouveaux talents ».

Dans les faits, l’exposition de la musique sur ces antennes, notamment en ce qui concerne les prestations dites scéniques comme le live musical, n’a que peu de place. Le constat est sans appel : selon les chiffres publiés par Yacast, la musique n’a représenté en 2014 que 2,3 % du temps d’antenne sur France 2, 4,1 % sur France 3 et 3,3 % sur France 4. La situation est encore pire aux heures de grande écoute, en prime time, où l’on passe sous la barre des 1 %.

Pourtant, ces programmes ont un public, hélas trop peu nombreux, qui répond présent à chaque rendez-vous. J’en veux pour preuve le franc succès du programme « Musiques en fête » diffusé sur France 3 le 20 juin dernier.

Le bilan est donc amer pour le monde musical, qui déplore le manque d’ambition de France Télévisions en la matière. Le constat n’est guère meilleur sur les chaînes dites musicales des groupes privés, qui relèguent finalement la musique à des heures de faible écoute.

La musique est devenue le parent pauvre du paysage audiovisuel français, alors que tout citoyen est en droit d’exiger davantage de musique sur les antennes de France Télévisions.

Madame la ministre, ma question est simple : profiterez-vous de la négociation du prochain contrat d’objectifs et de moyens et du prochain cahier des charges pour mettre davantage en valeur les talents de notre scène musicale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Fleur Pellerin, ministre. Madame la députée, je partage totalement votre point de vue et votre diagnostic sur le fait que l’exposition à la télévision, et à la radio, est très utile pour faire émerger et découvrir de nouveaux talents. Je sais à quel point la diffusion de musique à des heures de grande écoute a un rôle prescripteur pour beaucoup de spectateurs.

Certains programmes permettent de diffuser de la musique, comme Alcaline, une pastille quotidienne, ou Prodiges, une émission qui met en avant les talents des Français, valorisant ainsi la pratique artistique, et notamment musicale. Certains événements ont remporté beaucoup de succès, comme Les Victoires de la musique classique, qu’il n’était pas forcément évident de programmer en prime time, à une heure de grande écoute, et dont l’audience a atteint pratiquement celle des Victoires de la musique. Cette émission a permis de mettre en avant de jeunes talents et de montrer comment la scène musicale classique se renouvelait. Un public qui n’en a pas nécessairement l’habitude a ainsi pu apprécier des esthétiques qui lui étaient étrangères.

Je suis d’accord avec vous, c’est bien l’audiovisuel public qui doit promouvoir l’émergence des talents et des esthétiques exigeantes. Je veillerai à ce que, dans le prochain contrat d’objectifs et de moyens, une place importante soit réservée à la musique et aux autres arts du spectacle vivant, mais pas en toute fin de soirée, à des heures où plus personne ne se trouve devant son poste. C’est une préoccupation que je partage avec vous et que je relaierai.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier.

M. Guillaume Chevrollier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, à l’heure où l’on parle beaucoup du choix du nouveau président de France Télévisions, on peut s’étonner qu’il y ait encore des candidats, tant la situation de France Télévisions est préoccupante !

Il faut dire que cette entité est prise en étau entre un cahier des charges de plus en plus lourd et complexe et le désengagement, notable, de l’État. S’agissant du cahier des charges, il suffit de voir le nombre d’avenants apportés aux contrats d’objectifs et de moyens, pourtant conclus fort régulièrement, pour comprendre que les missions attribuées à France Télévisions sont de plus en plus nombreuses.

Quant au désengagement de l’État, ce ne sont pas moins de 4,6 millions d’euros de dotations qui feraient défaut pour la seule année en cours. Depuis 2012, les dotations annuelles prévues dans le contrat d’objectifs et de moyens et ses avenants successifs n’ont jamais été respectées. En dépit de cela, la feuille de route de l’entreprise d’audiovisuel public reste toujours aussi exigeante, avec l’énoncé de priorités, comme renforcer l’information, soutenir la création ou encore, renouer avec la jeunesse.

Pour résumer la situation, il sera demandé à la nouvelle direction de faire mieux, avec moins de moyens. Il est vrai que c’est dans l’air du temps ! Une des solutions proposées serait de faire disparaître une des chaînes. Même si on ne peut qu’approuver la recherche d’économies, on pourrait demander aussi à l’État de respecter tout simplement ses engagements.

Madame la ministre, je voudrais insister sur deux priorités. La première est le maintien du rôle régional de France 3. Pour nos départements ruraux, cet impact local est nécessaire. Mais encore faut-il que la représentation des départements soit bien équilibrée. Ainsi, la Mayenne, plus petit département de la région Pays de la Loire, est trop souvent oubliée dans les actualités régionales.

Le rôle de France Télévisions en matière de défense de la langue française et de promotion de la francophonie est une autre priorité, qui doit être mise en œuvre toute l’année, et pas seulement pendant la Semaine de la langue française et de la francophonie, dont la dernière édition s’est terminée il y a quelques jours. La francophonie est une cause importante, avec ses quelque 280 millions de locuteurs !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Fleur Pellerin, ministre. Monsieur le député, là encore, je partage votre préoccupation de voir le pilotage de France Télévisions simplifié et clarifié. Une de mes premières initiatives en tant que ministre de la culture et de la communication a été de me faire transmettre le contrat d’objectifs et de moyens et le cahier des charges, et de récapituler dans un tableau l’ensemble des indicateurs et des objectifs assignés à l’audiovisuel public. Ce tableau faisait une trentaine de pages, en format B3 ! Et je me suis aperçue qu’il existait une soixantaine d’indicateurs, parfois contradictoires les uns avec les autres.

Il est impossible d’assurer une tutelle éclairée sur une entreprise publique en lui envoyant en permanence des signaux ou des injonctions contradictoires. Avec Emmanuel Macron et Michel Sapin, nous souhaitons revoir en profondeur les conditions d’exercice de la tutelle, limiter le nombre d’objectifs et réduire le nombre d’indicateurs à dix au maximum. La performance de l’entreprise sera évaluée sur ces objectifs et ces indicateurs. Voilà ce à quoi nous nous sommes engagés en matière de simplification et de lisibilité des indicateurs et des objectifs assignés à l’audiovisuel public.

S’agissant des financements, le rapport remis par Marc Schwartz apporte, et ce n’est pas là le moindre de ses avantages, des éléments de comparaison à l’échelle européenne et mondiale. Certains audiovisuels publics ont entrepris des réformes structurelles d’ampleur ces dernières années. Ainsi, d’ici à 2017, la BBC devra faire 700 millions de livres sterling d’économies sur son budget. D’autres chiffres, en Espagne ou en Italie, montrent qu’il existe en Europe un mouvement général de contribution de l’audiovisuel public à l’effort de redressement des finances publiques.

Nous entendons donner à France Télévisions des objectifs clairs, dans un cadre budgétaire contraint. Il est naturel que nous puissions nous engager désormais sur des perspectives financières stables, et que ces objectifs soient respectés. Je suis entièrement d’accord avec vous : il est impossible de conduire une entreprise sans lisibilité financière. Nous aurons à travailler pour garantir le respect des engagements du contrat d’objectifs et de moyens.

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Degallaix, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Laurent Degallaix. Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur l’extinction progressive, d’ici à 2017, des dotations du budget général affectées au financement de l’audiovisuel public, permise par la progression du rendement de la contribution à l’audiovisuel public.

Alors que l’État considère que les conditions ne sont pas réunies pour une modification du régime publicitaire de France Télévisions, cette décision fait de la redevance la seule ressource de l’entreprise. Nous souhaitons vous faire part de deux inquiétudes. Tout d’abord, nous considérons que les hausses successives de la contribution à l’audiovisuel public ne peuvent constituer une modalité de financement satisfaisante de l’audiovisuel public.

Ensuite, nous ne sommes pas certains que mettre fin aux dotations budgétaires d’ici à trois ans laisse des marges de manœuvres suffisantes à France Télévisions pour adapter son modèle aux défis que l’entreprise doit relever.

Surtout, madame la ministre, nous souhaiterions que vous puissiez nous indiquer si cette suppression des dotations amorce un désengagement de l’État et la fin de sa tutelle sur l’entreprise, comme peut le laisser penser votre communication du 4 mars, dans laquelle vous écriviez que « les relations entre l’État et France Télévisions doivent évoluer pour permettre une plus grande agilité et une plus grande responsabilité de l’entreprise » ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Fleur Pellerin, ministre. Monsieur le député, le contexte budgétaire est contraint et nous avons souhaité en 2012 faire contribuer l’ensemble des entreprises du service public de l’audiovisuel à l’effort de redressement des finances publiques. Nous prenons l’engagement de négocier des contrats d’objectifs et de moyens raisonnables, avec les ressources dont nous disposons. Il est très facile de s’engager sur des ressources dont on ne dispose pas, mais plus difficile de respecter cet engagement après une alternance ! Nous entendons donc négocier un contrat d’objectifs et de moyens réaliste, qui tienne compte de la contrainte budgétaire externe et qui puisse être respecté scrupuleusement par la tutelle.

J’entends vos interrogations sur la capacité de l’audiovisuel public à assurer ses missions, remplir ses objectifs et nourrir des ambitions, avec des ressources à l’évolution limitée. Il existe pourtant des moyens de développer ses ressources propres, comme le fait la BBC avec ses recettes commerciales. En la matière, la marge de progression de France Télévisions est considérable ! Aujourd’hui, la part des recettes liées à l’exportation ou à la vente de formats ou de séries n’atteint pas 5 %, ce qui est bien inférieur à ce que l’on peut observer dans d’autres entreprises d’audiovisuel public. Ces marges de manœuvre pourront être sollicitées pour financer de nouvelles ambitions.

Des synergies peuvent aussi être trouvées avec d’autres entreprises de l’audiovisuel public. Il ne faut pas avoir une approche incrémentale et inflationniste des budgets de l’audiovisuel public. Il convient d’abord de se demander quelles sont les ambitions et de voir comment financer au mieux ces objectifs. Il ne serait pas raisonnable d’ajouter sans cesse de nouvelles couches, et donc de nouveaux financements. Ce ne serait pas là une bonne gestion, respectueuse des deniers publics. Il nous faudra réfléchir, avec la future présidence, à la manière dont nous pouvons assurer un meilleur financement de l’audiovisuel public.

Mme la présidente. Nous terminons par une question du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste. La parole est à M. Joël Giraud.

M. Joël Giraud. Madame la ministre, alors que le rapprochement des rédactions de France 2 et de France 3 doit se concrétiser, les jours qui ont suivi les attentats terroristes de Paris ont vu une chaîne en écraser une autre volontairement, suscitant ainsi une nouvelle polémique autour de leur rivalité, avec des lignes éditoriales dont je doute de la compatibilité avec la mission de service public. Une telle guerre entre rédactions est, de plus, contre-productive et coûteuse en moyens humains et financiers.

On parle de processus de fusion des rédactions. Ce processus présente sûrement un intérêt pour la rentabilité des moyens engagés, mais il se heurte à la logique du service public. En effet, l’intérêt d’une couverture nationale pour France 3 est limité, dès lors que nous bénéficions de cette couverture sur France 2. Ne serait-il pas opportun de réaffirmer le rôle de France 3 au niveau des territoires et d’affiner la répartition de l’information entre France 2 et France 3, en consacrant totalement cette dernière à la couverture des éléments locaux ?

Le découpage régional reste trop vaste et ne permet pas une couverture satisfaisante de l’information au niveau local. Un département comme les Hautes-Alpes, que je connais bien, est en décrochage depuis la région PACA. La prédominance du sud de la région fait que le journal régional est presque uniquement axé sur les métropoles du sud, avec très peu d’interactions locales. Mieux encore, la locale proposée dans les Hautes-Alpes par France 3 est le journal de la ville de Marseille, à 300 kilomètres de là, au bord de la mer – et j’ajoute en plaisantant, sans traduction simultanée ! (Sourires.) Le non-ramassage des poubelles de Marseille – qui n’est d’ailleurs plus un scoop – devient donc l’information locale des Haut-Alpins, lesquels ont connu le tri sélectif vingt ans avant que Marseille ne le découvre… pas. (Sourires.)

Ne vaudrait-il pas mieux concentrer les moyens de France 3 sur sa mission régionale, et doter celle-ci de moyens accrus, pour apporter une réelle information locale, plus ciblée et répondant mieux aux attentes de la population ? Il pourrait en découler une meilleure cohésion au niveau local, avec une perspective intéressante sur le développement du vivre-ensemble. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC et écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Fleur Pellerin, ministre. Monsieur le député, j’entends bien votre préoccupation. Il nous faut clarifier l’identité des chaînes, mais cela relève davantage, là encore, de la prochaine présidence de France Télévisions et des discussions que nous aurons dans le cadre du contrat d’objectifs et de moyens.

Je l’ai dit tout à l’heure et plusieurs d’entre vous l’ont également souligné, les Français sont très attachés à la double identité de France 3, à la fois chaîne nationale et locale. Ils plébiscitent ainsi France 3 national, qui est une chaîne qui produit beaucoup de programmes de fiction et d’information. Il convient de garder cela à l’esprit lorsque l’on réfléchit à l’identité des chaînes.

Le rapport de Marc Schwartz souligne, vous l’avez dit, la nécessité d’une relance de France 3, aussi bien sur le plan éditorial que financier, avec la poursuite des efforts de gestion. Dans le contexte de la réforme territoriale, France 3 sera amenée à se réorganiser pour répondre de la manière la plus efficace possible aux attentes des publics, notamment en matière d’information et de proximité. Il faudra jouer sur cette double identité, qui est dans l’ADN de France 3, et à laquelle les Français sont très attachés.

Mme la présidente. Le débat est clos.

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Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, demain, à neuf heures trente :

Questions orales sans débat.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly