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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Première séance du vendredi 03 avril 2015

SOMMAIRE

Présidence de M. Marc Le Fur

1. Modernisation du système de santé

Discussion des articles (suite)

Après l’article 5 quater (suite)

Amendement no 1935

Rappel au règlement

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales

Après l’article 5 quater (suite)

Amendement no 1053

M. Olivier Véran, rapporteur de la commission des affaires sociales

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Amendements nos 1803 , 2310 , 1924

Rappels au règlement

M. Bernard Accoyer

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales

Après l’article 5 quater (suite)

Amendement no 310

Rappels au règlement

M. Arnaud Robinet

M. Jean-Pierre Door

M. Philippe Vigier

Suspension et reprise de la séance

Amendements nos 312 rectifié , 1434 rectifié

Rappels au règlement

M. Bernard Accoyer

M. Jean-Pierre Door

M. Olivier Marleix

Suspension et reprise de la séance

Rappels au règlement

M. Philippe Vigier

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales

M. Arnaud Robinet

M. Philippe Vigier

M. Jean-Pierre Door

M. Bernard Accoyer

Suspension et reprise de la séance

Rappels au règlement

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales

M. Bernard Accoyer

Article 5 quinquies

Mme Michèle Delaunay

M. Élie Aboud

M. Arnaud Robinet

M. Nicolas Dhuicq

M. Bruno Le Roux

M. Jacques Lamblin

M. Bernard Accoyer

Rappel au règlement

M. Bernard Accoyer

Article 5 quinquies (suite)

M. Bernard Accoyer

M. Jean-Pierre Door

M. Olivier Marleix

M. Philippe Vigier

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur de la commission des affaires sociales

Rappel au règlement

M. Arnaud Richard

Article 5 quinquies (suite)

Mme Valérie Boyer

Mme Marisol Touraine, ministre

Amendements nos 1702 , 1288 , 2041 , 2396 , 2042 rectifié, 2043, 2045, 2046, 2047, 2048 , 2397 , 1280 , 2049 , 1 , 2050 , 2051 , 2052 , 2053

Après l’article 5 quinquies

Amendement no 581

Article 5 sexies

M. Élie Aboud

Amendements nos 474 , 2054 rectifié

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Marc Le Fur

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Modernisation du système de santé

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi de modernisation de notre système de santé (nos 2302, 2673).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Mercredi soir, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant aux amendements nos 1935 et 1053 portant articles additionnels après l’article 5 quater.

Après l’article 5 quater (suite)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 1935 et 1053, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Valérie Boyer, pour soutenir l’amendement n1935.

Mme Valérie Boyer. Cet amendement est issu d’une proposition de loi dont je suis l’auteure et que j’avais déposée en 2009 à la suite de ma proposition sur la pénalisation de l’extrême maigreur qui avait été votée dans cet hémicycle et dont vous avez repris les termes en vous les appropriant, il y a deux jours.

À la suite de ces travaux entrepris avec les professeurs Rufo et Poulain, j’avais eu l’idée de faire en sorte que lorsque des photographies ont été retouchées à l’aide d’un logiciel de traitement de l’image, cela puisse être signalé. J’avais prévu d’inscrire ce dispositif dans le code du commerce, puis dans celui de la santé publique.

Aujourd’hui, nous discutons du code de la santé publique. Il s’agit donc de faire en sorte qu’une telle disposition soit insérée dans ce code, tout en prévoyant une sanction en cas de non-respect de l’obligation.

C’est une idée révolutionnaire. Dans notre lutte pour la santé publique, il est important que les personnes auxquelles sont destinées les images corporelles standardisées puissent savoir si celles-ci ont été modifiées par un logiciel de traitement d’image, d’autant que nous disposons des techniques pour ce faire.

Nous sommes soumis à plus de 2 000 signaux publicitaires par jour, qui utilisent bien souvent le corps des femmes en particulier. En proposant une image standardisée des corps, ils fixent aux personnes des objectifs impossibles à atteindre, puisque les modèles que l’on nous donne à imiter n’existent pas : c’est un logiciel de traitement de l’image qui leur permet d’apparaître tels que nous les voyons dans les magazines.

Le présent amendement vise donc à compléter le chapitre III du titre III du livre Ier de la deuxième partie du code la santé publique par un article ainsi rédigé : « Les photographies publicitaires de personnes dont l’apparence corporelle a été modifiée par un logiciel de traitement d’image doivent être accompagnées de la mention : ’’Photographie retouchée afin de modifier l’apparence corporelle d’une personne’’. »

Bien sûr, la façon dont figurera cette mention sera définie ultérieurement. Il est en outre prévu une amende.

Mon amendement ne vise pas exclusivement le monde de la mode et de la beauté ; il concerne toutes les photos retouchées. Il n’empêchera pas d’utiliser un logiciel pour modifier l’apparence d’une personne, mais permettra simplement de signaler qu’on l’a fait, afin que les personnes destinataires de l’image soient informées de la réalité.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales, pour un rappel au règlement.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, il me semblait que, selon notre règlement, l’on ne disposait que de deux minutes pour défendre un amendement. On peut être généreux quand le texte examiné n’est pas trop lourd et fait l’objet de peu d’amendements, mais sur un tel projet de loi, il serait bon de respecter les règles, comme nous l’avons fait en commission.

M. Arnaud Richard. C’est un sujet lourd ! (Sourires.)

M. le président. Madame la présidente, je connais le règlement, rassurez-vous.

Après l’article 5 quater (suite)

M. le président. La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte, pour soutenir l’amendement n1053.

Mme Fanélie Carrey-Conte. Cet amendement, dont ma collègue Maud Olivier est à l’initiative, va dans le même sens que celui de Mme Boyer, puisqu’il s’agit de lutter contre les troubles alimentaires tels que l’anorexie ou la boulimie.

Nous avons rappelé mercredi les dangers et les très lourdes conséquences de ces troubles sur les personnes. Il s’agit donc de les combattre en encadrant les photographies d’images corporelles retouchées, pour lesquelles sera imposé l’ajout d’une mention.

Nous considérons en effet que la politique de prévention passe notamment par l’encadrement des photographies d’images corporelles retouchées. Ces images peuvent en effet conduire des personnes à prendre pour des réalités des modèles qui n’existent pas, ce qui contribue à les entraîner dans la spirale de la maigreur extrême.

L’objectif de cet amendement est d’informer le public des retouches réalisées pour modifier la corpulence et la silhouette des modèles. Il ne s’agit pas de s’attaquer à toutes les retouches : la modification doit porter sur un affinement ou un épaississement.

Je précise que cet amendement ne vise que les photographies à usage commercial, ce qui exclut les photos d’art et les photos de communication politique lorsqu’elles ne sont pas utilisées à des fins publicitaires.

Enfin, cette nouvelle rédaction prend en compte un certain nombre de remarques faites par le rapporteur en commission, notamment sur le manque de précision quant aux modalités de mise en œuvre et au champ des images visées. Les précisions nécessaires ont été ajoutées dans l’amendement.

M. le président. La parole est à M. Olivier Véran, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour donner l’avis de la commission sur les amendements nos 1935 et 1053.

M. Olivier Véran, rapporteur de la commission des affaires sociales. La commission a donné un avis favorable à l’amendement n1053. Si les deux amendements présentés peuvent paraître avoir le même objectif, la définition donnée dans celui de Mme Carrey-Conte paraît de nature à mieux atteindre l’objectif assigné, puisqu’il s’agit bien de photographies de mannequins à usage commercial – cela préserve la liberté de publier des photos, y compris celles qui comportent des fantaisies.

Les caractéristiques graphiques de la mention seront précisées par voie réglementaire, afin que le texte soit lisible.

Malheureusement, madame Boyer, la commission est défavorable à votre amendement parce que vous donnez une définition très large des photographies publicitaires, ce qui nous semble aller au-delà de l’objectif poursuivi.

J’ajoute à titre personnel que j’étais venu vous voir, à l’issue des travaux de la commission et compte tenu de votre engagement sur ce sujet en 2008, pour vous proposer de participer au travail d’écriture d’un amendement qui serait valable en droit et pourrait faire l’objet d’un consensus, mais que vous n’avez pas souhaité participer à cette réflexion collective.

La commission est donc défavorable à l’amendement n1935 et favorable à l’amendement n1053.

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, pour donner l’avis du Gouvernement.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Même avis.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. À défaut d’honnêteté, monsieur le rapporteur, vous pourriez au moins faire preuve d’élégance ! Vous m’avez en effet proposé de participer à la rédaction d’un amendement, mais après avoir fait une pure copie du mien en commission, sans même en citer les auteurs. Cela dit, à la limite, pourquoi pas ? Mais je note que vous procédez comme vous l’avez fait avec mon amendement sur l’extrême maigreur : vous aviez prévu un cadre beaucoup plus étroit, sans citer les auteurs de l’amendement initial, alors même que Mme Touraine l’avait adopté quand elle était députée en 2008, tout comme Mme la présidente de la commission.

Ce n’est pas très élégant ! Quand un parlementaire est l’auteur d’une proposition de loi, la moindre des choses, quand on copie quasi-intégralement son travail ou que l’on s’en inspire plus que fortement, est d’avoir la courtoisie de le prévenir et de l’associer au texte, au lieu de se livrer à du pillage intellectuel.

M. Bernard Accoyer. Oui !

M. Philippe Vigier. C’est vrai !

Mme Valérie Boyer. Je suis contente que cette idée aboutisse, mais votre façon de procéder relève d’un dogmatisme et d’un sectarisme incroyables ! Je suis extrêmement choquée que sur ces sujets, vous qui prônez en permanence l’unité nationale, vous adoptiez une façon de travailler à ce point inélégante, voire malhonnête intellectuellement. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)

(L’amendement n1935 n’est pas adopté.)

(L’amendement n1053 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas, pour soutenir l’amendement n1803.

M. Jean-Louis Roumegas. Cet amendement vise à poser la question de la dénutrition chez les seniors. Selon certaines études, cette pathologie toucherait près de 800 000 personnes en France, y compris dans les établissements spécialisés.

Je vous renvoie à l’étude récente d’UFC-Que choisir, selon laquelle entre 15 et 38 % des seniors placés dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes – EHPAD – souffrent de dénutrition.

Il s’agit d’inscrire la lutte contre la dénutrition dans les priorités du code de la santé publique.

(L’amendement n1803, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Véran, pour soutenir l’amendement n2310.

M. Olivier Véran, rapporteur. Je vous propose, avec cet amendement, un dispositif simple et cadré. Tout d’abord, il s’agit de cesser de nuire, en ne permettant pas à une personne en état de dénutrition d’exercer une activité de mannequin tant qu’elle se trouve dans cet état dangereux pour elle et qui véhicule une image du corps dangereuse pour autrui.

L’état de dénutrition sera apprécié au regard de l’indice de masse corporelle. La Haute Autorité de santé proposera des critères qui permettront d’établir si l’état de santé d’un mannequin est compatible avec l’exercice de son travail.

Un décret en Conseil d’État définira les conditions de vérification par l’employeur. Ce sera un appui précieux pour les services de santé au travail : dans ce secteur, les personnes concernées ont été nombreuses à prendre contact avec nous ces dernières semaines.

Enfin, une sanction sera prévue au cas où l’employeur ne respecterait pas les dispositions prévues dans cet amendement. Nous sommes convaincus que la seule perspective de cette sanction aura un effet régulateur sur l’ensemble du secteur.

Il s’agit de faire face à ce que nous constatons en France comme dans d’autres pays : un amaigrissement qui devient inquiétant des mannequins amenés à défiler ou à poser pour des photographies de mode. L’Espagne a déjà légiféré en ce sens, l’Italie a pris des dispositions équivalentes, tout comme l’État d’Israël.

La France a mis en place en 2008 une charte des bonnes pratiques, dont les effets pratiques ont été malheureusement insuffisants.

Pour répondre aux arguments qui ont pu être opposés, au motif qu’il y aurait discrimination au travail, je dirai que la disposition proposée s’insérerait au sous-chapitre relatif à l’activité de mannequin. La discrimination au travail, dans cette catégorie, est déjà prévue dans notre droit puisque l’employeur peut choisir de recourir pour un même travail à un homme ou à une femme, de sélectionner quelqu’un de plus ou de moins d’un mètre soixante-quinze, qui aurait un tour de hanche de moins de quatre-vingt-dix centimètres. Cela n’est pas discriminatoire. En revanche, embaucher un mannequin parce qu’il est très maigre et le pousser à maigrir pour qu’il entre dans du 34 en mesurant un mètre quatre-vingts ne le serait pas… C’est assez compliqué. Nous avons revu le droit du travail et modifié l’amendement pour qu’il soit compatible avec la législation.

À titre personnel, je soutiens donc une telle disposition, même si un amendement similaire a été repoussé en commission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement. Il est exact que la présentation de mannequins en état de maigreur excessive est préoccupante pour diverses raisons sur lesquelles je ne reviens pas.

Le code du travail prévoit un suivi de ces personnes, mais celui-ci peut être renforcé et amélioré.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. Je souscris à l’esprit de cet amendement, mais pas à sa forme et vous proposerai d’adopter l’amendement suivant, n1924, mieux rédigé, qui a été expertisé par des spécialistes du droit du travail.

Celui que M. Véran vient de présenter, contrairement à ce qui a été dit, introduirait en effet une discrimination forte à l’embauche. En effet, l’apparence physique fait bien partie des discriminations dont fait état l’article L. 1132-1 du code du travail.

De plus, la disposition proposée par M. Véran ne protégerait pas le mannequin, puisqu’elle ne s’appliquerait qu’au moment de l’embauche. Elle pourrait même, ensuite, permettre à l’employeur de se dédouaner.

M. Olivier Véran, rapporteur. Pas du tout !

Mme Valérie Boyer. Si, l’IMC évolue après l’embauche, l’employeur pourra prétendre que ce n’est pas de sa faute et qu’il n’avait pas embauché la personne dans cet état-là.

Il faut donc aller beaucoup plus loin et élargir la disposition à l’ensemble du code du travail. Mon amendement n1924 est plus protecteur et plus cohérent que celui de M. Véran.

M. le président. La parole est à M. Élie Aboud.

M. Élie Aboud. Comme je l’ai dit en commission, monsieur le rapporteur, je comprends bien l’esprit de cet amendement qui vise, en quelque sorte, à mettre des « airbags » autour de ces femmes, mais il faut faire la différence entre les effets exogènes et les effets endogènes. Je m’explique.

Aujourd’hui, des femmes souffrent de cette véritable maladie qu’est l’anorexie mentale. Prenons donc garde à un possible effet discriminatoire : ces femmes, qui sont médicalement suivies, ont aussi le droit au respect et au travail. Un tel amendement pourrait avoir des effets collatéraux.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Cet amendement mérite en effet un débat que nous n’avons pas eu le temps d’avoir en commission,…

M. Bernard Accoyer. Il faut dire que nous avons travaillé dans des conditions inacceptables !

M. Gérard Bapt. …raison pour laquelle il a été repoussé par une majorité de députés appartenant à plusieurs groupes.

M. le rapporteur nous présente aujourd’hui un amendement remanié dont je note qu’il renvoie à un décret en Conseil d’État la définition des conditions dans lesquelles toute personne qui exploite une agence de mannequins ou qui s’assure le concours d’un mannequin veille au respect de l’interdiction dont il est question.

Au-delà de la remarque désagréable sur les airbags, j’imagine que le ministère du travail, qui est concerné par l’arrêté conjoint avec le ministère de la santé sur proposition de la Haute autorité de santé, a examiné les arguments que vient de présenter Valérie Boyer.

En outre, si un problème constitutionnel majeur devait se poser, j’imagine que le Conseil constitutionnel, que vous ne manquerez pas de saisir, dira le droit.

Voilà pourquoi je me rallie à l’amendement présenté par M. le rapporteur, qui constitue l’un des éléments de la prise en charge générale de cette maladie chronique qu’est l’anorexie mentale.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Olivier Véran, rapporteur. Je souhaite compléter très brièvement mes propos et répondre aux interrogations qui ont été formulées.

Comme Gérard Bapt l’a très bien dit, un décret en Conseil d’État établira une définition réglementaire des conditions permettant de vérifier que l’état de santé, notamment nutritionnel, des mannequins est compatible avec l’exercice de ce métier.

Il s’agit non pas de cesser toute vérification après l’embauche mais, au contraire, de permettre des vérifications au long cours.

Rappeler l’état actuel du droit et donc les dispositifs prévus dans le code du travail, comme le fait Mme Boyer, me paraît en revanche être en deçà de l’enjeu.

Pour bien saisir celui-ci, je vais vous lire quelques extraits d’une lettre que m’a écrite un ancien top model qui a fait partie des dix ou quinze mannequins les plus prisées dans notre pays voilà quelques années à peine et que nous avons entendu présenter son histoire dans les médias parce qu’elle en a gros sur le cœur :

« Je n’ai pas été choisie par une célèbre agence française de mannequins, car j’avais trop de poitrine. Je faisais alors du 85 A, ce qui était la plus petite taille de soutiens-gorge.

« Mon agence de mannequin, la plus grande de France, m’a applaudie parce que j’avais perdu du poids alors que je venais de m’écrouler dans la rue une semaine plus tôt, de faim et de fatigue.

« Un mannequin est décédé pas loin de moi pendant la fashion week en 2011 en sortant du défilé, elle aussi morte de faim après avoir subi un arrêt cardiaque.

« J’ai toujours été choquée que la France, qui se vante d’être le pays des droits de l’homme, ne protège pas toute cette profession.

« Merci de le faire et, surtout, de lutter contre la montée de l’anorexie. Les mesures existantes aujourd’hui ne suffisent pas.

« On nous a conseillé d’utiliser des laxatifs, quand les filles ne se font pas vomir. Les agences encouragent à être toujours plus maigres et nous félicitent lorsque nous perdons du poids.

« Je faisais pour ma part moins de 45 kg pour 1m80 – un IMC à 15, considéré comme un état de famine. Je n’avais plus mes règles et ces carences ont entraîné un début d’ostéoporose. J’ai été félicitée par les agences de mannequins », etc.

Nous ne pouvons plus détourner les yeux.

Mme Valérie Boyer. Absolument !

M. Olivier Véran, rapporteur. Nous pouvons aujourd’hui faire ce geste dès lors qu’il est conforme au droit du travail et à la Constitution.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. Vous êtes médecin et ce n’est pas mon cas, monsieur le rapporteur, mais il existe une différence entre l’incitation à l’extrême maigreur – nous en avons parlé, elle sera maintenant punie par le code pénal – et l’anorexie, qui est une maladie.

M. Olivier Véran, rapporteur. En effet !

Mme Valérie Boyer. En l’occurrence, nous discutons du code du travail.

Les agences de mannequin sont soumises à une règle générale, l’obligation de sécurité de l’employeur à l’égard de son salarié.

Je propose quant à moi qu’une telle disposition soit érigée en règle spécifique pour ce métier très exposé dont il faut prendre en compte les exigences propres.

Aujourd’hui, la notion très large d’obligation de sécurité n’est pas appliquée rigoureusement et elle est même rarement appliquée par les agences de mannequins.

L’érection d’une règle spécifique serait beaucoup plus efficace que le texte que vous proposez. Nous serions ainsi cohérents avec le code du travail alors que vous créez un nouveau dispositif.

Nous avons déjà eu cette discussion. Dès lors que l’on s’inspire de la provocation au suicide telle que mentionnée dans le code pénal, il est bon que les règles soient cohérentes.

Vous l’avez dit et vous venez encore de l’avouer, si j’ose dire : l’incitation à l’extrême maigreur peut conduire à la mort. Je le répète, il serait plus efficace de faire en sorte qu’une règle spécifique soit érigée dans le code du travail afin de renforcer le droit applicable à ces agences plutôt que d’instaurer une discrimination à l’embauche qui, de toute façon, sera vraisemblablement cassée à l’issue des différents recours.

J’ajoute que d’autres personnes peuvent d’ailleurs être concernées. Imaginons, demain, une discrimination à l’embauche pour des personnes en surpoids parce que tel travail, pour quelqu’un dont l’IMC est supérieur à 20 ou 25, mettrait en péril sa santé ? Nous ne sommes pas cohérents. Une règle spécifique, en revanche, permettrait de protéger tout le monde.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. J’ai bien entendu M. le rapporteur, dont nous partageons la volonté sur tous les bancs.

Mme Valérie Boyer. Bien sûr !

M. Philippe Vigier. Nous connaissons les désastres provoqués par l’anorexie et la situation de nombreux mannequins, femmes ou hommes, soumis à des exigences qui peuvent entraîner de très graves pathologies.

Mme Valérie Boyer. Pas seulement les mannequins ! C’est une pression qui s’exerce sur toutes les femmes !

M. Philippe Vigier. Comme Valérie Boyer l’a très bien dit à l’instant, une disposition spécifique serait préférable.

Je souhaite également, monsieur le rapporteur, que l’on réfléchisse une seconde à ceci : une visite médicale atteste qu’une personne satisfait aux critères d’IMC fixés par un décret en Conseil d’État et est donc recrutée ; ce n’est pas le cas pour une autre, qui n’est donc pas embauchée ; elle grossit ensuite de cinq kilos : organiserez-vous donc des visites régulières, tous les quinze jours, tous les mois, tous les mois et demis ? Comment mettrez-vous tout cela en place ?

Mme Valérie Boyer. C’est inapplicable !

M. Philippe Vigier. Je suis persuadé que cela ne marchera pas.

En outre, prenons garde à ce que nous faisons : demain, le code du travail précisera-t-il que l’on peut accéder à tel ou tel métier selon son IMC ?

Lorsque l’on connaît le drame de l’obésité, certains ne seront-ils pas tentés d’interdire l’accès à tel ou tel travail en raison des risques que cela comporterait ?

M. Olivier Véran, rapporteur. Ne soyez pas hypocrite, monsieur Vigier !

M. Philippe Vigier. N’écartez pas cela d’un revers de la main ! C’est extrêmement grave ! Vous ne pouvez pas accuser l’UDI de ne pas vouloir lutter contre ce fléau dramatique qu’est la surcharge pondérale !

Une simple inscription dans le code du travail comporte un vrai risque et je ne suis pas persuadé de l’effectivité du contrôle qui pourrait être exercé dans le temps car cela demanderait des dispositions spécifiques.

L’engagement qui a été pris avec la profession ne suffit pas, je l’entends bien. Il serait donc plus efficace de le renforcer. Je me permets simplement de vous appeler à réfléchir à ce sujet.

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Cette discussion est consécutive au manque de temps dont nous avons souffert en commission en particulier pour débattre de questions complexes dont les conséquences sont importantes.

C’est l’amendement de Mme Boyer qui s’impose, car il opère une différence fondamentale entre l’anorexie mentale, qui est une maladie très grave – nous ne sommes pas dans un pays où la loi traite des pathologies psychogènes, à moins d’être dans un autre monde – et ce qui doit être considéré comme une discrimination à l’embauche ou à l’aptitude à certains emplois.

Mme Valérie Boyer. En effet !

M. Bernard Accoyer. Ce débat qui, madame la ministre, semble vous laisser complètement indifférente – c’est préoccupant compte tenu de la gravité du sujet – aurait mérité un travail beaucoup plus approfondi afin d’éviter une confusion aussi grossière.

L’amendement de Mme Boyer s’impose donc par sa précision et sa qualité, à la différence de celui de M. le rapporteur.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Robinet.

M. Arnaud Robinet. Beaucoup de choses ont été dites et je rejoins bien sûr les positions de mes collègues de l’opposition, notamment de M. Vigier et de Mme Boyer.

Outre que la proposition qui nous est faite est inapplicable, elle discriminera les mannequins français,…

M. Bernard Accoyer. Encore une discrimination…

M. Arnaud Robinet. … les mannequins étrangers n’étant pas concernés. En effet, les agences de mannequins étrangères, puisque les communications sont maintenant internationales, n’embaucheront plus de mannequins français.

Mme Valérie Boyer. C’est exact !

M. Élie Aboud. Je ne crois pas…

M. Arnaud Robinet. Il faut donc modifier profondément le code du travail afin d’avoir une vision plus globale. De ce point de vue-là, l’amendement de Mme Boyer va dans le bon sens.

J’ajoute que ses dispositions ont été expertisées afin de ne pas entraîner de discriminations alors que cela peut être le cas avec le dispositif que vous proposez.

M. Olivier Véran, rapporteur. Non !

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas.

M. Jean-Louis Roumegas. Puisque le débat s’est finalement engagé autour des deux amendements, je m’interroge : un problème se pose, certes, mais il est très particulier et j’ai l’impression que l’on est dans une espèce d’hypertrophie législative, ce qui n’est pas de bon aloi.

Mme Valérie Boyer. Il a raison ! C’est pour cela qu’une modification globale du code du travail s’impose !

M. Jean-Louis Roumegas. Ne pourrait-on pas tout simplement donner des moyens spécifiques à l’inspection du travail dans ce domaine professionnel-là pour contrôler ce qui s’y passe ?

La médecine du travail existe, de même que des règles qui pourraient être appliquées afin de lutter contre les abus de certains responsables d’agences de mannequins.

J’ai l’impression que les textes, en l’occurrence, visent à pallier une carence en personnels pour exercer des contrôles que la loi permet déjà.

Mme Valérie Boyer. C’est pour cela qu’il faut une règle spécifique !

(L’amendement n2310 est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour soutenir l’amendement n1924.

Mme Valérie Boyer. Je veux le dire aux Français qui nous regardent et qui nous reprochent une inflation législative : mon amendement s’inscrit dans une cohérence d’ensemble.

Je le répète : le code du travail prévoit une obligation de sécurité. Si celle-ci est transformée en règle spécifique, des contraintes supplémentaires pèseront sur les employeurs, notamment dans les agences de mannequins, et toute discrimination à l’embauche sera impossible contrairement à ce qui se passera avec l’amendement que vous venez d’adopter par esprit partisan – il fallait absolument le voter parce qu’il était défendu par un député socialiste, tandis qu’il faut rejeter une proposition venant de l’UMP ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C’est bien ainsi que cela se passe !

Il serait plus intéressant de veiller à l’intérêt des Français, de protéger les personnes qui sont en situation de grande fragilité et de rendre sa cohérence à notre droit.

Nous sommes là pour écrire la loi, pas pour créer des usines à gaz, comme ce sera le cas avec l’amendement que vous venez de voter.

Sur tous les bancs, nous sommes soucieux de faire en sorte que le contrôle de l’image que nous avons de notre corps n’ait pas de conséquences néfastes pour la santé. Mais nous devons agir dans le cadre de règles de droit améliorées, pas dans l’emphase législative comme vous venez de le faire.

Je maintiens donc mon amendement qui, je pense, est beaucoup mieux rédigé que le précédent.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Véran, rapporteur. Nous commençons à saisir l’argument que vous répétez comme un leitmotiv depuis ce matin, madame Boyer, à savoir que nous recopions vos textes. Nous avons probablement beaucoup de leçons à recevoir de la part de quelqu’un dont l’équipe, si j’ai bien compris ce qui s’est passé cette semaine, s’est beaucoup inspirée d’internet pour rédiger certains amendements ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Valérie Boyer. Absolument, car moi je fais des vérifications, contrairement à vous !

M. Olivier Véran, rapporteur. Nous sommes prêts à recevoir en toute humilité vos leçons en matière de copier-coller, madame Boyer ! De ce point de vue, nous n’arriverons jamais à votre hauteur.

Vous prétendez que nous ne sommes pas disposés à vous écouter, à adopter vos amendements ou à travailler en bonne entente avec vous. Je suis pourtant venu vous voir personnellement, madame Boyer – et vous l’avez vous-même reconnu – pour que nous essayions, sur ce sujet important qui ne devrait pas faire l’objet de clivages politiciens, de montrer aux Français que nous pouvons travailler ensemble. Mais vous m’avez donné une fin de non-recevoir, et je comprends aujourd’hui pourquoi : c’était pour mieux venir nous dire aujourd’hui, dans cet hémicycle, que nous ne vous écoutons pas et que nous faisons de la politique politicienne.

Mme Valérie Boyer. C’est ce que vous faites !

M. Olivier Véran, rapporteur. Alors, par pitié, passons à autre chose !

Mme Valérie Boyer. Votre comportement est scandaleux ! Lamentable !

M. Olivier Véran, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour un rappel au règlement.

M. Bernard Accoyer. Monsieur le président, mon intervention se fonde sur l’article 58, alinéa 3, de notre règlement.

Monsieur le rapporteur, vous avez imposé au Gouvernement un rythme de travail insupportable parce que vous ne serez plus député dans quelques jours…

M. Olivier Véran, rapporteur. C’est vraiment très élégant de votre part, monsieur Accoyer. Bravo !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’est inélégant et scandaleux !

M. Bernard Accoyer. …mais vous ne pouvez pas tout vous permettre à l’égard de députés qui ont été élus par leurs concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Gérard Sebaoun. Respectez M. Véran ! Il est député au même titre que nous tous !

M. Bernard Accoyer. Mon rappel au règlement n’est pas terminé, monsieur le président, car je veux aussi dénoncer nos conditions de travail de ce matin. Nous sommes aujourd’hui un vendredi, et de surcroît le Vendredi saint (Exclamations sur les bancs du groupe SRC),…

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Et alors ? On s’en moque que ce soit Vendredi saint !

M. Gérard Sebaoun. Nous sommes en République !

M. Bernard Accoyer. …au début d’un grand week-end. Et l’on voit bien que le nombre des parlementaires présents est insuffisant pour débattre d’un texte dont Mme le ministre nous a dit qu’il devait refonder le système de soins français.

Pourquoi nos conditions de travail sont-elles inacceptables ? D’abord, parce qu’on ne respecte pas le règlement de la session unique, qui veut que l’Assemblée nationale ne siège que le mardi, le mercredi et le jeudi. Nous ne travaillons aujourd’hui que pour la convenance personnelle de M. le rapporteur et du Gouvernement.

Mme Martine Pinville. Il n’est pas exceptionnel que nous travaillions le vendredi !

M. Gérard Sebaoun. Rien ne vous empêche de quitter l’hémicycle !

M. Bernard Accoyer. Ensuite, parce que nous travaillons dans l’urgence. Or vous conviendrez, madame la ministre, qu’il est inacceptable d’examiner en procédure accélérée un texte dont vous nous dites qu’il est d’une importance majeure.

Enfin, les conditions de travail de la commission ont été indignes. Vous les avez vous-même dénoncées, madame la présidente de la commission, certains amendements déposés à la dernière minute ayant pour objet de réécrire totalement les articles essentiels de ce texte.

M. Philippe Vigier. C’est vrai !

M. Bernard Accoyer. Nul doute que ce débat devra être porté devant le Conseil constitutionnel ! Madame la ministre, vous qui donnez constamment des leçons de démocratie et de justice à tout le monde, vous feriez bien de réfléchir aux conditions de travail que vous imposez aux représentants de la nation !

Mme Valérie Boyer. Bravo !

M. le président. La parole est à Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Ce vendredi est un vendredi comme les autres : il n’est pas plus saint qu’un autre ! Nous sommes dans un lieu où prévaut la laïcité, je tenais à le rappeler !

Mme Valérie Boyer. La laïcité, ce n’est pas le laïcisme !

Après l’article 5 quater (suite)

M. le président. Nous en revenons à l’amendement n1924.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Élie Aboud.

M. Élie Aboud. Je souhaiterais revenir sur le fond de l’amendement et sur ce qu’a dit Arnaud Robinet au sujet des conditions de travail des mannequins. Nous sommes aujourd’hui dans un monde connecté, madame la ministre, et les agences de mannequins ont des sièges partout en Europe. Or nous sommes en train, une fois encore, de fabriquer une loi franco-française qui ne sera pas respectée par tout le monde. Nous allons donc pousser les agences qui souhaitent recruter ces femmes à délocaliser leur activité dans d’autres pays d’Europe. Je parlais tout à l’heure des effets collatéraux de votre dispositif : il en aura sur l’emploi et sur le code du travail en France.

Mme Valérie Boyer. Absolument ! Cela va être encore pire !

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. En ce jour particulier pour une grande partie de la population française, et à une semaine d’un jour particulier pour une grande partie de la population russe, je veux rappeler à nos collègues que nous disposons d’excellentes études sur les rapports entre les saintes au Moyen Âge et l’anorexie mentale.

Je me demande si, à force d’adopter des amendements de ce genre, sous-tendus par la volonté, qui n’est certes par perverse, de lutter contre les abus de la promotion de la maigreur, nous ne produirons pas l’effet inverse de celui qui est recherché. Vous êtes en pleine contradiction, mesdames, messieurs les membres du Gouvernement et de la majorité. Vous voulez tout interdire, légiférer sur tout, mais vous refusez les amendements de bon sens de Valérie Boyer, qui depuis des années travaille sur ce sujet.

Par ailleurs, la République est laïque, certes, mais la laïcité ce n’est pas la haine des religions.

M. Gérard Sebaoun. Cela n’a rien à voir !

M. Nicolas Dhuicq. Science et religion peuvent aller de pair et ne sont pas contradictoires. Et je tiens à ce que nous ayons le droit de rappeler dans cet hémicycle que nous sommes aujourd’hui Vendredi saint.

M. Gérard Sebaoun. Non, non, non !

M. Nicolas Dhuicq. Ce n’est pas une atteinte à la laïcité ! Continuez ainsi, mes chers collègues, et vous verrez très rapidement le résultat de votre politique dans les urnes.

Mme Valérie Boyer. Ils l’ont déjà vu !

(L’amendement n1924 n’est pas adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous informe qu’à la demande de la commission, en application de l’article 95, alinéa 4, du règlement, l’Assemblée examinera en priorité l’article 9, à l’issue de la discussion en cours sur les amendements après l’article 5 quater.

M. Bernard Accoyer. Nous sommes toujours informés au dernier moment !

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour soutenir l’amendement n310.

Mme Valérie Boyer. Cet amendement vise à prévoir que les conventions conclues entre le CSA et les opérateurs privés fixent les mesures en faveur du respect de la diversité corporelle. Nous l’avons évoqué maintes fois : l’obésité est non seulement un problème de santé publique, mais aussi un problème de société et un problème humain. Il n’y a pas lieu de stigmatiser les personnes obèses, qui bien souvent souffrent de leur situation. Or les médias valorisent parfois la minceur excessive et provoquent ou accentuent, en créant des frustrations, des troubles du comportement alimentaire. Il conviendrait donc de parvenir à une représentation plus équilibrée de la diversité corporelle, en particulier dans les médias.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Véran, rapporteur. L’article 28 de la loi du 30 septembre 1986 prévoit déjà des mesures de lutte contre les discriminations, dans le respect de la diversité. Je vous invite donc à retirer cet amendement, madame Boyer, sinon l’avis de la commission sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

(L’amendement n310 n’est pas adopté.)

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Arnaud Robinet, pour un rappel au règlement.

M. Arnaud Robinet. Mon rappel au règlement porte sur l’information que vous venez de nous donner, monsieur le président, à savoir que nous allons entamer l’examen de l’article 9 à l’issue de la discussion des amendements après l’article 5 quater. Notre groupe vient tout juste de l’apprendre et je tiens à dénoncer les conditions de travail dans lesquelles nous examinons ce texte. Je ne vois pas en quoi l’article 9 est plus important que d’autres articles de ce projet de loi.

Nous devons réunir le groupe UMP. En outre, les députés qui souhaitaient débattre de ce sujet ne sont pas encore arrivés. Je demande donc une suspension de séance de quarante-cinq minutes.

M. Élie Aboud. Très bien !

M. le président. La demande de suspension de séance ne peut venir que de M. Door, car c’est lui qui a la délégation.

La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Monsieur le président, je demande en effet une suspension de séance de quarante-cinq minutes, compte tenu de la décision qui a été prise brutalement d’examiner en priorité l’article 9. Cet article est important et nous avons besoin de nous réunir, d’autant plus – et Mme le ministre le sait très bien – que l’article 9 intéresse de nombreux élus parisiens…

M. Gérard Bapt. Pourquoi ne sont-ils pas là ?

M. Jean-Pierre Door. …qui sont actuellement retenus dans les embouteillages, mais qui vont arriver.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Je souhaite moi aussi que la séance soit suspendue quelques instants. J’aimerais surtout, madame la ministre, que l’on nous dise pourquoi nous allons examiner en priorité l’article 9. La représentation nationale a le droit de connaître les raisons pour lesquelles vous modifiez à votre guise l’ordre de l’examen des articles. La moindre des choses, c’est que l’on nous donne un argument ! J’imagine que la présidente de la commission pourra nous répondre avec la précision qu’on lui connaît.

M. Jacques Lamblin. Très bien !

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix heures dix, est reprise à dix heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à Mme Valérie Boyer, pour soutenir l’amendement n312 rectifié.

Mme Valérie Boyer. Cet amendement tend à prévoir que les sociétés du secteur public de la communication audiovisuelle mettent en œuvre des actions en faveur de la diversité corporelle. À cette fin, je propose qu’à la troisième phrase du deuxième alinéa de l’article 43-11 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, après le mot : « culturelle » soient insérés les mots : « et corporelle ».

Contrairement aux réponses qui m’ont été données, ces demandes ne sont pas satisfaites aujourd’hui puisque les vérifications ne sont pas faites. Il n’y a qu’à regarder nos écrans de télévision pour voir que la diversité corporelle n’est pas représentée sur les différentes chaînes, qu’elles soient publiques ou privées. La plupart des personnes qui apparaissent à l’écran ont des corps standardisés. Il est important que personne ne soit exclu de nos images.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Véran, rapporteur. Madame Boyer, l’article 43-11 de la loi du 30 septembre 1986 prévoit que les chaînes de service public proposent une programmation reflétant la diversité de la société française, mettent en œuvre des actions en faveur de la lutte contre les discriminations et assurent une mission d’information sur la santé.

Je partage complètement votre objectif d’assurer, à côté de la diversité culturelle, la diversité de la représentation des images corporelles, mais votre amendement est satisfait par la loi de 1986. La commission a émis un avis défavorable. À titre personnel, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.

(L’amendement n312 rectifié, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Véran, pour soutenir l’amendement n1434 rectifié.

M. Olivier Véran, rapporteur. Cet amendement vise à encadrer l’utilisation des appareils de bronzage.

Les ultraviolets artificiels font partie de la catégorie des cancérogènes certains pour l’homme : leur utilisation à des fins esthétiques constitue donc un nouveau risque pour la santé publique. Pourtant, l’utilisation de cabines de bronzage est de plus en plus répandue en France. On compte des centaines de centres spécialisés ; des milliers d’appareils sont mis à la disposition du public dans différents centres de beauté. L’offre s’accroît et l’utilisation de ces appareils a tendance à se banaliser.

Selon l’Institut national de veille sanitaire, 500 à 2 000 décès liés à l’utilisation excessive de ces cabines pourraient survenir au cours des trente prochaines années : c’est autant que le nombre de décès liés au Mediator.

En décembre 2013, la ministre de la santé a pris un décret afin d’instituer une obligation de qualification des opérateurs de ces cabines et d’obliger les prestataires à informer les utilisateurs des risques sanitaires auxquels ils s’exposent.

Cependant, une enquête récente du magazine 60 millions de consommateurs a révélé qu’en pratique, ces centres n’appliquaient pas ou appliquaient insuffisamment ces règles. Certains continuent même d’affirmer que l’exposition aux rayons ultraviolets pourrait être bénéfique pour la santé.

L’amendement n1434 rectifié vise donc à poursuivre l’encadrement de la mise à disposition des appareils de bronzage artificiel en portant ces mesures au niveau législatif, ce qui permettra d’interdire les pratiques les plus dangereuses.

En pratique, cet amendement vise notamment à interdire l’accès aux cabines aux personnes âgées de moins de 18 ans, ainsi que la publicité pour les services de bronzage artificiel et la vente ou la cession de ces appareils aux particuliers. La mise à disposition d’appareils relèvera d’un régime d’autorisation et non plus d’un régime de déclaration. Les exploitants auront des obligations de formation aux risques pour la santé. Enfin, les infractions pourront être constatées, exposant leurs auteurs à des sanctions.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Tout a été dit par le rapporteur. Il s’agit d’un sujet de préoccupation croissant en matière de santé publique.

On a vu se développer une pratique de bronzage tenant à des considérations esthétiques. On constate malheureusement une augmentation très significative du nombre de cancers de la peau, qui nous amène à nous interroger sur des pratiques non régulées. Nos concitoyens n’ont pas conscience des risques qu’ils prennent en pratiquant des séances de bronzage dans des cabines UV de manière parfois excessive. De même, nous sommes préoccupés par l’utilisation à domicile de ces appareils, qui ne font pas toujours l’objet de l’information nécessaire.

Cet amendement vise donc à encadrer plus précisément ces pratiques, et à informer de manière forte et obligatoire les utilisateurs de ces cabines ou de ces appareils. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement y est favorable.

M. Bernard Accoyer et M. Arnaud Robinet. Il faudrait aussi interdire l’accès aux plages !

M. le président. La parole est à Mme Michèle Delaunay.

Mme Michèle Delaunay. Je n’ai pas l’habitude de parler de mes anciennes fonctions, mais je suis spécialiste en cancérologie cutanée…

M. Bernard Accoyer. Ici, nous sommes tous des députés de la nation !

Mme Michèle Delaunay. …et je peux témoigner que le mélanome, cancer grave pouvant être mortel, augmente de 10 % par an à cause des habitudes de bronzage, particulièrement à cause des expositions aux UV artificiels des peaux claires de personnes qui n’osent pas rentrer de vacances sans être bronzées et se soumettent donc à des risques incontrôlés. Il est aujourd’hui de notre devoir d’adopter cet amendement, qui prévoit des mesures de santé publique très importantes. Le mélanome est, derrière le cancer du poumon de la femme, le cancer qui augmente le plus aujourd’hui.

M. le président. La parole est à M. Élie Aboud.

M. Élie Aboud. Sur le fond, nous sommes tout à fait d’accord avec les propos de M. le rapporteur et de Mme Delaunay.

J’ai simplement besoin d’une précision. Le IV de cet amendement dispose que « la vente ou la cession, y compris à titre gratuit, d’un appareil de bronzage pour un usage autre que professionnel est interdite. » À quoi les mots « autres que professionnel » font-ils référence ?

M. Olivier Véran, rapporteur. Ils signifient « autres que thérapeutique ».

M. Élie Aboud. Pardon, monsieur le rapporteur ?

M. le président. M. le rapporteur vous répondra tout à l’heure, monsieur Aboud.

M. Élie Aboud. Quelle est la définition du mot « professionnel » ? Qui est professionnel dans ce domaine ? Attention à ne pas mettre en place une usine à gaz.

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Nous n’allons pas discuter du fond de cet amendement : tout le monde connaît les conséquences de l’exposition aux rayons ultraviolets.

Je veux appeler l’attention de Mme la ministre sur le caractère léger de son projet de loi, qui est en réalité un texte politique visant avant tout à instaurer le tiers payant généralisé. Madame la ministre, vous avez donné à votre texte une certaine coloration en le qualifiant de « loi de santé ». Mais si vous voulez vraiment lutter contre les effets des excès de l’exposition aux rayons ultraviolets, il faut le faire non pas de manière aussi fragmentaire, mais dans le cadre d’un programme d’information et de prévention…

Mme Michèle Delaunay. Cela fait vingt ans que l’on en fait !

M. Bernard Accoyer. …qui aurait une autre portée que de s’attaquer à ce seul problème, dont je ne nie pas la réalité. Encore une fois, je ne remets pas en cause le fond de cet amendement, que je voterai. Mais, madame la ministre, je voulais souligner l’indigence des mesures de santé publique contenues dans ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Véran, rapporteur.

M. Olivier Véran, rapporteur. Pour répondre à la question précise de M. Aboud, les particuliers ne pourront pas avoir d’appareils ou de cabines de bronzage. Les seuls habilités à détenir des appareils à rayons ultraviolets seront des professionnels, dans des salons qui auront été certifiés, accrédités, et qui accueilleront du personnel formé.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Robinet.

M. Arnaud Robinet. Comment allez-vous vérifier que les particuliers ne possèdent pas d’appareils à rayons ultraviolets chez eux ?

M. Philippe Vigier. Il faut interdire la vente !

M. Arnaud Robinet. Allez-vous envoyer des policiers ou des inspecteurs chez chaque particulier ? Il faut aller beaucoup plus loin et interdire la vente de ces appareils !

Mme Valérie Boyer. Soyez cohérents !

M. Arnaud Robinet. Il faut être cohérent !

M. le président. La parole est à M. Olivier Véran, rapporteur.

M. Olivier Véran, rapporteur. Monsieur Robinet, prenez le temps de lire l’amendement.

Mme Valérie Boyer. Si nous l’avions eu dans les temps, nous aurions pu le lire !

M. Olivier Véran, rapporteur. Il est écrit que la vente aux particuliers sera interdite,…

M. Arnaud Robinet. Et pour les cessions à titre gratuit ?

M. Olivier Véran, rapporteur. …mais si des gens ont des appareils chez eux, on ne va pas aller les chercher ! C’est écrit précisément dans l’amendement.

M. Philippe Vigier et M. Arnaud Robinet. Interdisons la mise en vente !

M. le président. La parole est à Mme Michèle Delaunay.

Mme Michèle Delaunay. Il y a deux jours, M. Accoyer déclarait qu’on ne pouvait pas faire telle ou telle chose parce que cela n’avait pas été fait dans les autres pays. Voilà une réflexion très stimulante, qui nous prive de tout moyen d’action ! Et aujourd’hui, M. Accoyer déplore que cette mesure soit trop partielle !

De la prévention, monsieur Accoyer, nous en faisons depuis vingt ans mais, bien que le dépistage du mélanome soit maintenant plus précoce, nous n’avons pas les résultats que nous voulons. Il n’y a pas de mesure partielle. Les politiques de prévention, en particulier du cancer, doivent combiner un certain nombre de mesures, de portes d’entrée,…

M. Bernard Accoyer. Je ne parlais pas de cela !

Mme Michèle Delaunay. …pour que les citoyens puissent comprendre et partager ces objectifs de santé publique.

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Chère collègue, il ne faut pas mélanger les sujets. Avant-hier, je m’exprimais sur une autre question. Aujourd’hui, je suis totalement d’accord pour prendre des mesures et notamment adopter cet amendement, mais je suis en train de dénoncer le caractère tout à fait parcellaire de la prévention et de la lutte contre les excès d’exposition aux rayons ultraviolets.

Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit ! Ce reproche, je le fais au Gouvernement.

Mme Valérie Boyer. Bravo !

(L’amendement n1434 rectifié est adopté.)

M. le président. Nous allons maintenant examiner l’article 9, appelé par priorité.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour un rappel au règlement.

M. Bernard Accoyer. Monsieur le président, j’ai dénoncé tout à l’heure, lors d’un rappel au règlement fondé sur l’article 58, alinéa 3, les méthodes de travail que le Gouvernement nous impose.

Aujourd’hui, Mme la ministre décide que nous allons examiner en priorité l’article 9, ce qui aura pour effet de repousser la discussion de très nombreux articles. Cela bouleverse complètement le déroulement de nos travaux. Ce n’est pas correct, madame la ministre. En effet, les parlementaires de tous les groupes ont des spécialités : ils connaissent particulièrement certains sujets, et je veux le saluer. S’agissant d’une question aussi grave que celle des salles de shoot, il est scandaleux que vous soyez à l’origine de ce nouveau coup de force.

Si vous le voulez bien, monsieur le président, relisons l’article 95, alinéa 4, du règlement relatif aux demandes de réserve ou d’examen prioritaire : « La réserve ou la priorité d’un article ou d’un amendement, dont l’objet est de modifier l’ordre de la discussion, peut toujours être demandée. » Une note de bas de page précise que cet alinéa a été modifié par la résolution n437 du 28 novembre 2014 et a été déclaré conforme à la Constitution sous réserve – je cite le Conseil constitutionnel – « qu’il ne saurait être recouru à la priorité de discussion de telle manière que cette priorité prive d’effet les exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire ». Madame la ministre, nous sommes bien dans ce cas-là.

Il est absolument impossible que nous continuions à discuter de ce texte, dont vous nous dites qu’il révolutionnera la santé des Français, alors que l’article 9 touche à un débat d’une grande complexité et d’une grande gravité. Madame la ministre, je vous demande de revenir sur votre décision, qui est infondée au regard de notre règlement et qui est même contraire à ce dernier, et de nous permettre de poursuivre le débat selon le déroulement prévu, en suivant l’ordre normal des articles de ce texte.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Je veux compléter les propos de Bernard Accoyer. Au lieu d’examiner les articles 5 quinquies à 5 sexdecies relatifs à la lutte contre le tabagisme, on nous annonce que nous passons à l’article 9, auquel sont consacrées plus de soixante-dix pages du rapport de ce projet de loi de modernisation de notre système de santé.

M. Bernard Accoyer. C’est scandaleux !

M. Jean-Pierre Door. Or nous ne pouvons pas avoir immédiatement tous nos documents en main. Nous avons donc besoin d’une suspension de séance de dix minutes pour retrouver nos marques et aller chercher nos dossiers.

Mme Valérie Boyer. Eh oui !

M. Gérard Bapt. Vous avez déjà eu plus d’un quart d’heure tout à l’heure !

M. Jean-Pierre Door. Passer de l’article 5 quinquies à l’article 9, c’est très compliqué. Vous êtes d’ailleurs dans la même situation que nous, chers collègues de la majorité. Ne faites pas semblant de ne pas comprendre !

M. Bernard Perrut. Ils ont sans doute été prévenus avant !

M. Jean-Pierre Door. Vous étiez peut-être prévenus, mais nous, nous ne l’étions pas. Nous demandons donc une suspension de séance de dix minutes pour récupérer tous nos dossiers.

M. le président. La parole est à M. Olivier Marleix.

M. Olivier Marleix. J’interviens sur le fondement de l’article 58 de notre règlement. Madame la ministre, il est extrêmement difficile de suivre ce texte. Je suis membre de la commission des lois, pas de celle des affaires sociales, et je ne suis pas un spécialiste des questions de santé. C’était déjà compliqué mercredi puisqu’au moment où nous débattions de ce texte en séance publique, la commission des lois examinait un projet de loi important sur le renseignement.

M. Denys Robiliard. Et alors ?

M. Olivier Marleix. Aujourd’hui, je me suis organisé pour revenir dans cet hémicycle où devait être débattu un sujet important pour le monde rural, qui concerne les buralistes – je veux parler du paquet neutre.

M. Bernard Accoyer. Absolument !

M. Olivier Marleix. Or nous découvrons à la dernière minute que le Gouvernement fait un caprice,…

M. Bernard Accoyer. Une manœuvre !

M. Olivier Marleix. …qu’il a recours à une manœuvre : pour éviter d’être confronté à des majorités qui le dérangeraient, il fait modifier le déroulement de nos débats. C’est un grand manque de respect pour le travail parlementaire, que le Gouvernement utilise selon son bon vouloir, pour la question du tabac, dont nous allons débattre, et pour la situation des débitants de tabac et des buralistes. Cette façon de procéder est extrêmement choquante.

M. Bernard Accoyer. Très bien !

M. le président. Mes chers collègues, la possibilité d’examiner en priorité un article est désormais inscrite dans notre règlement. Il appartiendra à l’opposition, monsieur le président Accoyer, si elle l’estime nécessaire, d’en faire mention dans le recours qu’elle ne manquera pas de faire auprès du Conseil constitutionnel.

Quant à la demande de suspension de séance, elle est de droit, mais deux minutes suffiront. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Puis, nous reprendrons nos travaux avec l’examen de l’article 9.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix heures quarante-cinq, est reprise à dix heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour un rappel au règlement.

M. Philippe Vigier. Je vous demande une suspension de séance, monsieur le président. Je m’explique. Tout à l’heure, j’ai demandé très poliment au Gouvernement et à la présidente de la commission des affaires sociales quelle était la raison pour laquelle on avait changé l’ordre d’examen des articles. Nous aurions en effet pu terminer ce matin l’examen de l’article 5.

Si nous n’obtenions pas de réponse cela signifierait que c’est une affaire de pure convenance personnelle. Nous avons déjà connu pareille situation lors de l’examen de la loi dite Macron pour la croissance et l’activité. Je me souviens très bien – j’étais là tout le temps – que lorsque nous avons abordé le thème du travail le dimanche, il a fallu attendre que les députés parisiens soient présents. Ce n’était pas très respectueux de la représentation nationale.

J’ajoute que nos collègues spécialistes des questions traitées par l’article 9 avaient prévu d’être présents en séance cet après-midi. Il serait dommage que notre assemblée se prive de leur expertise.

M. Arnaud Robinet. En effet !

M. Philippe Vigier. Enfin, je remarque que l’on adapte l’ordre de nos travaux en fonction des disponibilités des parisiens, mais que pour les provinciaux, qui viennent pourtant de loin, alors là, peu importe ! Ce n’est guère respectueux de la représentation nationale.

Lorsque vous étiez dans l’opposition, madame la ministre, vous ne vous priviez pas de demander des explications. Comprenez que nous en fassions autant. Aussi, je vous demande de nous dire pourquoi vous souhaitez passer directement à l’examen de l’article 9.

M. le président. Vous souhaitez une suspension de séance de combien de temps, monsieur Vigier ?

M. Philippe Vigier. Un quart d’heure, monsieur le président.

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Je tiens à rétablir les faits, monsieur le député. Ce n’est pas Mme la ministre qui a demandé l’examen en priorité de l’article 9. C’est moi-même au nom de la commission.

M. Bernard Accoyer. Autrement dit, vous portez le chapeau !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Si nous avons modifié l’ordre d’examen des articles – et cela n’a rien d’inélégant, contrairement à ce que j’ai pu entendre tout à l’heure –, c’est parce que Olivier Véran, notre rapporteur, va devoir nous quitter à la fin de la journée, Mme Fioraso retrouvant son siège de député après son départ du Gouvernement.

M. Bernard Accoyer. Et alors ? Ce n’est pas une raison.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Or, M. Véran s’est beaucoup investi sur l’article 9.

M. Arnaud Robinet. Et les autres ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Il faut lui rendre cet hommage. Il était donc important qu’il soit présent lors de l’examen de cet article, lequel me tient également très à cœur. Chacun sait que je me suis beaucoup investie dans les réseaux de réduction des risques depuis près de vingt ans.

Nous souhaitons un débat serein où chacun pourra s’exprimer. Avant ce long week-end…

M. Arnaud Robinet. Week-end de Pâques !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. …qui tient à cœur à tout le monde, nous devons réunir les conditions d’une discussion calme et sereine. Ce vendredi…

M. Arnaud Robinet. Saint !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. …me paraît être le bon moment. C’est pourquoi j’ai demandé cet examen en priorité.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Robinet.

M. Arnaud Robinet. Il est souhaitable qu’en ce vendredi, nous ayons un débat sain.

Mme Valérie Boyer. Saint !

M. Arnaud Robinet. Nous le souhaitons tous.

Quant à l’argument relatif au départ de notre rapporteur, il n’est pas très recevable. Vous connaissez l’amitié que j’ai pour Olivier Véran. Je reconnais tant son implication dans le projet de loi que son expertise en tant que professionnel de santé sur les salles de shoot, dites de consommation à moindre risque ou d’injections protégées.

Cela étant, il existe aussi, dans l’opposition, des parlementaires spécialisés en la matière qui se sont investis pleinement, qui se sont déplacés sur tout le territoire pour se rendre compte de ce qui existait en matière d’accompagnement des toxicomanes. Il est important de ne pas se priver de leur analyse, de leur réflexion et de leur expertise.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Je remercie Mme la présidente de la commission des affaires sociales d’avoir apporté un certain nombre d’éléments de réponse. Je suis ravi d’entendre qu’elle fait appel à l’expertise des parlementaires, notamment celle d’Olivier Véran. Je ne demandais pas autre chose. Mais les parlementaires de l’opposition connaissent également bien ces questions et ils avaient prévu d’être présents cet après-midi. Alors pourquoi ne pas décaler cette discussion à quinze heures ?

En tout état de cause, nous aurions au moins pu en parler. Se parler, c’est le début de la compréhension !

Nous savions très bien que Mme Fioraso allait revenir et un très bel hommage vous a d’ailleurs été rendu mercredi après-midi dans l’hémicycle, monsieur le rapporteur. Je trouve légitime que vous soyez là pour parler de ces questions, et personne ne se serait opposé à ce que nous examinions l’article 9 à quinze heures. Cela aurait permis aux collègues de l’opposition spécialistes de ces questions d’être présents pour ce vrai débat de fond.

À Mme la présidente de la commission qui faisait référence à la laïcité, je dirais que l’esprit de Pâques veille au-dessus de nous. J’ai bien compris que dans ses mots, cela avait un sens.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Madame la présidente de la commission, vous avez en quelque sorte exonéré Mme la ministre de sa responsabilité en disant que c’est vous qui aviez pris cette décision. En tant que vice-président de la commission des affaires sociales, je regrette profondément que nous n’ayons pas été informés en amont de votre choix.

Mme Valérie Boyer et M. Bernard Accoyer. En effet !

M. Jean-Pierre Door. Vous avez fait un choix personnel, et c’est regrettable.

Par ailleurs, nous reconnaissons que M. Olivier Véran est tout à fait compétent dans ces domaines et qu’il a beaucoup travaillé.

M. Philippe Vigier. C’est vrai !

M. Jean-Pierre Door. J’ai, au demeurant, eu avec lui des débats très sereins. La sérénité s’impose en ce week-end pascal. (Sourires.)

Mais si vous n’aviez pas pris cette décision, madame la présidente de la commission, nous aurions pu consacrer la matinée à l’examen des articles 5 quinquies et suivants relatifs au tabac et cet après-midi à l’examen des articles 8 et 9 relatifs notamment à l’expérimentation de salles de shoot.

Alors que tout était orchestré, vous venez perturber l’ordre du jour. Nous avons déjà perdu près d’une heure, c’est regrettable parce que nous voudrions terminer cet après-midi dans les délais prévus avant le week-end pascal.

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Mon intervention est fondée sur l’article 58, alinéa 3, du règlement.

Madame la présidente de la commission, en cette veille de Pâques, il ne faudrait pas nous prendre pour des poussins sortis de l’œuf. (Rires.) Votre manœuvre, vous la faites à la place du Gouvernement, pour des raisons évidentes de majorité.

Nous reconnaissons tous la compétence d’un grand nombre d’entre nous sur certains sujets que, du fait de leur profession, certains parlementaires connaissent mieux que d’autres, mais il est inacceptable de regarder l’Assemblée sous cet angle.

M. Hervé Féron. Ça lui va bien !

M. Bernard Accoyer. En effet, l’Assemblée est dotée de services et d’administrateurs en tous points remarquables, grâce auxquels n’importe lequel d’entre nous, député de la Nation, quelles que soient sa formation, sa culture et sa profession, doit pouvoir parler d’absolument tous les sujets.

Madame la présidente de la commission, si nous avons des devoirs, nous avons aussi des droits !

M. Hervé Féron. Des droits, mais pas de mémoire !

M. Bernard Accoyer. Madame la ministre, puisque vous avez demandé cet examen en priorité – car c’est évidemment vous qui l’avez demandé –, vous devrez l’assumer, parler du fond et vous lever pour répondre à de vraies questions sur les conséquences de l’article 9, de cette volte-face s’agissant de la prise en charge des addictions. Vous ne voulez peut-être pas le faire, mais nous avons le droit de vous entendre sur ces questions et d’être considérés comme des députés de la Nation, tous égaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Mes chers collègues, il sera fait droit à cette demande de suspension de séance pour dix minutes, et pas plus. À notre retour, je n’accorderai pas de nouvelle suspension et je demanderai à chacun d’être raisonnable.

M. Bernard Accoyer. Monsieur le président, votre intransigeance est insupportable !

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures cinq, est reprise à onze heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales, pour un rappel au règlement.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Chers collègues, j’ai entendu tous les arguments, ceux de M. Door, de M. Robinet, de M. Vigier…

M. Bernard Accoyer. Et pas les miens ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Les vôtres aussi, monsieur Accoyer : comment pouvais-je vous oublier ?

Cela n’enlève rien aux raisons pour lesquelles j’avais demandé l’examen prioritaire de l’article 9 ; cela étant, je vous ai entendus. Je sais notamment que l’un de vos parlementaires en pointe sur la question – même si je ne partage pas du tout son point de vue – n’est pas présent. Je reviens donc sur ma demande d’examen prioritaire, monsieur le président, afin de poursuivre les débats sur ce projet de loi dans l’ordre initialement prévu. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Je demande toutefois que l’on fasse preuve de raison et que l’on évite, si possible, de pratiquer l’obstruction pour l’obstruction.

Nous allons donc entamer le débat sur les dispositions proposées par Mme la ministre en matière de lutte anti-tabac.

M. Élie Aboud. C’est tout à votre honneur, madame la présidente !

M. le président. Nous allons donc en revenir à l’examen de l’article 5 quinquies.

La parole est à M. Bernard Accoyer, pour un rappel au règlement.

M. Bernard Accoyer. Je salue ce retour au bon sens ; néanmoins, la méthode est inacceptable.

Mme Michèle Delaunay. Oh, ça va !

M. Bernard Accoyer. Certains de nos collègues sont actuellement dans le train ou dans leur voiture, parce que nous les avons appelés à nous rejoindre : ils vont donc devoir faire demi-tour. Ce sera d’ailleurs la même chose pour ceux de la majorité. (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Goujon. Cela vous fait rire ?

M. Bernard Accoyer. Ne riez pas trop parce que ce genre de manœuvres, de la part du Gouvernement ou de la commission, cela se termine rarement bien !

Beaucoup de nos collègues sont donc sur la route,…

M. Gérard Bapt. Attention aux radars : il ne faut pas qu’ils roulent trop vite !

M. Bernard Accoyer. …à l’exception de nos collègues d’Alsace-Moselle. En effet, vous l’ignorez sans doute, madame la présidente de la commission, mais sur ce territoire, le Vendredi Saint est un jour férié ! Cela pose donc à l’évidence un problème de droit du Parlement, monsieur le président : je vous demande d’y réfléchir et de soumettre cette question à la Conférence des présidents.

M. Hervé Féron. Le Vendredi Saint, il ne devrait pas y avoir de mauvaise foi !

M. le président. Nous reprenons le fil de nos travaux.

Article 5 quinquies

M. le président. La parole est à Mme Michèle Delaunay, première oratrice inscrite sur l’article 5 quinquies.

Mme Michèle Delaunay. Nous abordons des articles totalement essentiels. Le tabac est la plus toxique de toutes les drogues que nous consommons, et la plus addictive aussi : six points de plus d’entrée en dépendance que l’héroïne !

Cette drogue est par ailleurs la plus universelle puisque tous les pays sont touchés ; tous les âges sont concernés – on commence à fumer à partir de douze ans – et, malheureusement aussi, tous les sexes.

Dans ce domaine se font face des forces de pression extrêmement lourdes et bien organisées, en raison des intérêts financiers qui sont en jeu – parti parfaitement cynique – et, l’inverse, des gouvernements qui jouent en ordre dispersé alors que, devant l’universalité de l’enjeu, il faudrait le faire de manière groupée.

En entamant ce débat, il faut savoir d’ores et déjà – mais vous le savez bien – que le tabac a tué beaucoup plus que le nucléaire. Il faut savoir afficher l’enjeu, c’est-à-dire la sortie du tabac dans une dizaine d’années. Tous les amendements que je présenterai personnellement poursuivent cet unique objectif.

Aujourd’hui, vous le savez, personne ne voudrait plus légaliser le tabac : nous sommes face à un défi dont vous me permettrez de dire qu’il est d’égale importance à celui de l’abolition de la peine mort.

M. le président. La parole est à M. Élie Aboud.

M. Élie Aboud. Il est évident que nous tous, parlementaires de toutes sensibilités politiques, sommes conscients du danger du tabagisme, de la morbidité et de la mortalité qui y sont liées. En revanche, ce qui nous gêne, madame la ministre, c’est cette décision de déconnecter notre pays, la France, de tous ses voisins. Dans la vie, on peut parler vrai ; mais quand on parle vrai sur une base qui est fausse, tout devient faux ! On ne peut pas comparer des enjeux de santé publique dans une île comme l’Australie à ceux de la France, qui est connectée avec tous ses voisins européens.

Nous souhaitons tous une véritable politique de santé publique contre le tabagisme dans ce projet de loi, avec des passerelles entre tous les centres de soins, une implication des médecins généralistes, des spécialistes et des professionnels paramédicaux. Or que faites-vous ? Vous donnez l’impression de désigner des coupables : les buralistes, qui n’ont rien à voir avec tout cela, qui subissent,…

M. Olivier Véran, rapporteur. Mais non !

M. Élie Aboud. Bien sûr que si, monsieur le rapporteur, c’est une vérité ! Ces artisans, ces commerçants, qui sont présents sur le territoire, ne demandent rien. Or vous êtes en train de leur dire : « Le tabagisme, c’est de votre faute ! » Autant nous sommes tout à fait désireux de lutter contre le tabagisme, autant nous sommes contre la désignation de coupables. Enfin, le produit de ces taxes et surtaxes que l’État prélève depuis des années devrait au moins être injecté dans la santé publique et la préventologie !

M. le président. La parole est à M. Arnaud Robinet.

M. Arnaud Robinet. Nous abordons un article ô combien important concernant la prévention et la lutte contre le tabagisme. Nous sommes conscients, et ce constat est partagé sur les bancs de cet hémicycle, des méfaits du tabac, de ses conséquences sur la santé de nos concitoyens, des drames et des souffrances subis aussi bien par les patients – les personnes atteintes du cancer du poumon par exemple – que par les familles qui les accompagnent.

Mais au-delà, il faut être pragmatique : si nous voulons lutter contre le tabagisme, il faut prendre des mesures rapidement applicables, dans le respect de la législation, notamment le droit des marques. Pour cette raison, l’opposition et le groupe UMP défendent ardemment l’application par la France de la directive européenne concernant le paquet de cigarettes, qui impose de recouvrir ce dernier à hauteur de 65 %, avec bien sûr des messages sanitaires et des photos montrant les dégâts du tabac sur le corps humain et les conséquences pour les patients.

Le paquet neutre pose en outre un problème juridique, puisqu’il bafoue le droit des marques. Celui-ci repose en effet sur cinq critères : or quatre critères sur cinq sont bafoués. Il existe donc des risques juridiques. Je connais la réponse qui nous sera donnée, notamment par Mme Delaunay : il s’agirait d’un argument de l’industrie du tabac. Certes, mais il faut le prendre en compte.

J’ai une autre proposition à vous faire. Nous avons tendance depuis plusieurs années, à droite comme à gauche, à taxer et à re-taxer l’industrie pharmaceutique, l’industrie du médicament, dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Cette industrie a certes pu être mêlée, il y a quelques années, à des scandales sanitaires, mais l’industrie du médicament et de la santé est là pour soigner et pour guérir. Elle accompagne les soins de nombreux patients de notre pays et même au-delà. Si nous taxons des industries qui soignent, qui accompagnent le soin et qui guérissent,…

M. Gérard Bapt. Et qui sont rentables !

M. Arnaud Robinet. …nous ne taxons pas assez en revanche les entreprises du tabac qui, elles, peuvent être considérées comme des industries de la mort.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Madame le ministre, votre texte de loi – on le constate avec l’article 9 – cède en permanence à une confusion, entretenue depuis des années, entre un produit, le tabac – au sujet duquel je comprends la logique de mes collègues somaticiens puisqu’il favorise le cancer de la vessie, que l’on tend à oublier, le cancer des poumons, etc. –, et un autre produit que l’on fume et qui est tout aussi cancérigène : le cannabis.

Mme Michèle Delaunay. C’est faux !

M. Nicolas Dhuicq. Le cannabis, cela se fume avec du tabac, accessoirement – petit problème de génération, peut-être, ma chère consœur !

Mme Michèle Delaunay. C’est faux, monsieur !

M. Nicolas Dhuicq. Je voudrais vous alerter sur cette confusion absolue que vous entretenez dans les esprits. En ce week-end pascal, je me souviens d’un des maîtres à penser qui rappelait que Dieu est un fumeur de havanes (Sourires) et, accessoirement, je sais que Freud est mort d’un cancer buccal.

M. Bernard Accoyer. Oui, mais c’était à cause de la pipe ! Or ils ne s’occupent pas de la pipe !

M. Nicolas Dhuicq. Je voudrais néanmoins, plus sérieusement, rappeler quelques éléments de réalité. Une dépendance, c’est la rencontre entre un produit, une personnalité et une culture. Toute personne entrant en contact avec un produit ne va pas déclarer une dépendance. Par ailleurs, toutes les civilisations humaines ont utilisé des produits ayant des effets psychotropes ; le tabac en fait partie. La majorité des personnes consommant du tabac ne vont pas forcément déclarer une dépendance.

Je m’insurge donc contre cette société qui veut mettre des interdits dans tous les sens, au risque de lancer une véritable chasse aux sorcières. Dans le même temps, le Gouvernement veut, à l’article 9, légaliser la consommation de produits psychotropes aux effets bien plus dangereux du point de vue de leur influence sociétale et psychologique, en particulier l’héroïne – même si, ma chère consœur, je connais des gens de votre génération qui ont consommé de l’héroïne et qui en sont sortis !

Mme Catherine Quéré. Arrêtez avec cette histoire de génération !

M. Nicolas Dhuicq. Accessoirement, et contrairement au sens commun, des patients souffrant de certaines formes de psychose se soignent avec de l’héroïne ; on peut rappeler ces choses-là.

M. Gérard Sebaoun. Ne comparez pas l’héroïne et le tabac !

Mme Chaynesse Khirouni. Il mélange tout !

Plusieurs députés du groupe SRC. C’est le lobby du tabac qui parle !

M. Nicolas Dhuicq. Je pense que le puritanisme hygiéniste qui est à l’œuvre aujourd’hui entraînera encore plus de confusion dans les esprits ; nous y reviendrons lors de l’examen des amendements.

Je rappelle que ces mesures de prévention n’empêchent en rien un phénomène que nous déplorons tous : l’attrait que les préadolescents et les adolescents éprouvent à l’égard des produits illicites, dont le tabac.

M. le président. Merci, cher collègue ; nous y reviendrons !

M. Nicolas Dhuicq. Alors de grâce, attaquez-vous aux vraies questions et cessez la guerre à nos buralistes ruraux !

M. Gérard Sebaoun. Le tabac et l’héroïne, enfin ! C’est scandaleux !

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. Je tiens à répondre notamment aux propos de M. Aboud, car il s’agit d’un sujet extrêmement important. L’objectif est, non pas de placer des interdits, mais d’apporter une protection contre un risque avéré,…

M. Nicolas Dhuicq. Le risque du socialisme !

M. Bruno Le Roux. …lié à la consommation de tabac. Cela peut passer par la prévention ou encore par la régulation de l’accès. À cet égard, les propositions de la ministre vont dans le bon sens.

Néanmoins, il faut toujours veiller à l’incidence de nos décisions sur certains réseaux, comme celui des buralistes, dont certains sont demandeurs d’une politique pouvant aller dans le sens de la prévention et de la restriction, mais aussi de l’aggravation des peines en matière de vol, de recel ou de commerce illicite. Toutes ces politiques ne sont pas incompatibles : une politique résolue de santé publique contre les effets néfastes du tabac ne conduit pas forcément à désigner une cible, et encore moins d’identifier les buralistes à cette cible. Il faudra préciser ce point dans le cadre non seulement du présent projet de loi mais également du prochain projet de loi de finances, qui devra comprendre des mesures visant à mieux répartir les revenus issus du tabac entre les buralistes et les producteurs de tabac.

Nous pouvons donc poursuivre les deux objectifs en parallèle : d’une part mener une politique de santé publique, d’autre part préserver dans tous nos territoires un réseau de commerçants,…

M. Philippe Vigier. Ah !

M. Bruno Le Roux. …accompagner ces derniers dans la diversification de leurs missions et, surtout, améliorer leur sécurité.

Enfin, nous connaissons l’origine des amendements favorables au tabac, notamment celui visant à restreindre les messages sanitaires à 65 % de la surface des paquets. Soyons donc très vigilants !

Plusieurs députés du groupe UMP. Cette disposition est prévue par la directive européenne !

M. le président. La parole est à M. Jacques Lamblin.

M. Jacques Lamblin. À mon tour, je tiens à souligner l’asymétrie de ce texte : nous avons failli examiner les dispositions relatives à la création des salles de shoot tout à l’heure et nous revenons maintenant au tabac. Jusqu’à preuve du contraire, vendre et consommer du tabac sont des activités légales en France. Or votre dispositif confine à l’acharnement et vous n’avez recours qu’au seul bâton de la répression. À l’inverse, s’agissant de la politique légitime de lutte contre la drogue, vous êtes davantage dans le registre de la pédagogie empathique ou de la compréhension.

Mme Claude Greff. Pour ne pas dire du laxisme !

M. Jacques Lamblin. Votre politique à l’égard du tabagisme revient à créer un îlot franco-français d’extrême sévérité dans un océan européen de liberté. Ma circonscription est située à la frontière du Luxembourg et de l’Allemagne ; je vous affirme que toutes vos mesures sont contournées méthodiquement et sont donc inefficaces, à tout le moins sur une grande partie du territoire national. En effet, on obtient désormais beaucoup plus facilement dans les pays voisins ce qu’on ne peut se procurer facilement et à bon marché en France, ce qui se traduit par des trafics et entraîne la mort des buralistes. Or ces derniers ne vendent pas seulement du tabac ; ils sont aussi, je vous le rappelle, des commerces de proximité.

Vous devriez en priorité vous attaquer à l’harmonisation des règles et des tarifs en matière de tabac au niveau européen. À défaut, toutes vos mesures seront inefficaces.

M. Bernard Accoyer. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Monsieur le président, je voudrais faire à la fois un rappel au règlement et une intervention sur l’article.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour un rappel au règlement.

M. Bernard Accoyer. Je viens de recevoir un message écrit du député Patrick Hetzel, l’un de nos collègues alsaciens et mosellans. Il indique ne pouvoir participer aux travaux de l’Assemblée nationale puisque, comme je l’ai déjà évoqué, le vendredi saint est un jour férié en Alsace et en Moselle. Patrick Hetzel a tenu à nous le rappeler à la sortie de la messe. (« C’est une blague ? » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Bruno Le Roux. C’est ridicule !

Article 5 quinquies (suite)

M. le président. La parole est à nouveau à M. Bernard Accoyer, inscrit sur l’article.

M. Bernard Accoyer. L’article 5 quinquies concerne l’interdiction des additifs utilisés par les industries pour séduire les jeunes. Il témoigne de l’improvisation dans laquelle nous travaillons sur ce sujet et d’une inversion de priorités. Nous convenons tous de la nécessité de lutter contre la consommation de tabac, en particulier chez les jeunes. Nous connaissons ses effets sur la santé. Nul besoin de faire référence à mon expérience professionnelle passée : ce n’est pas le lieu et tout le monde sait que le tabac provoque des maladies graves, cancéreuses mais également cardio-vasculaires, pour ne citer que ces affections.

Néanmoins, l’interdiction dans notre seul pays de certains additifs, disposition introduite subrepticement en commission par amendement, nous entraîne sur une pente dangereuse, la divergence avec les pays européens et le reste du monde. Mais parlons de l’Europe car nous sommes, madame la ministre, des Européens convaincus – en tout cas je le suis : comment pouvons-nous continuer à mener des politiques qui ignorent cette communauté, cette zone de libre-échange qu’est l’Union européenne ?

Votre dispositif va évidemment favoriser les trafics, qui concernent déjà une cigarette sur quatre consommée en France. Vous aggraverez donc l’économie souterraine et la contrebande. La sécurité, sujet sur lequel je rejoins M. Le Roux, n’en sortira pas renforcée. Cet article ne nous paraît donc pas devoir être adopté.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. On assiste ce matin à une valse des articles 5 et 9, qui ont en commun de concerner des drogues – certes différentes, mais aussi tueuses l’une que l’autre. Votre conduite sera-t-elle la même à l’égard des deux ou serez-vous plus laxiste dans un cas que dans l’autre ? Je n’en sais rien.

Le programme national de réduction du tabagisme que vous proposez, madame la ministre, a été introduit dans le projet de loi par amendement. Il comporte une série de mesures assez ambitieuses visant à réduire le nombre de fumeurs, objectif que nous ne pouvons qu’accepter, car nous sommes conscients des drames du tabac, notamment lorsque nous y avons été confrontés en raison de notre ancienne profession – M. Accoyer l’a rappelé.

J’ai entendu certains membres de la majorité nous accuser de céder à des lobbies. Or en matière de lutte contre le tabagisme, l’UMP n’a certainement pas à rougir. C’est un ministre de notre sensibilité politique, Xavier Bertrand, votre prédécesseur, qui a interdit le tabac dans les lieux publics, avec un résultat formidable : aujourd’hui, cette mesure est acceptée par tous, dans les discothèques, les bars, les restaurants et ailleurs. De plus, notre ancien collègue Yves Bur a été l’un des porte-parole de cette lutte. Chaque année, dans le cadre de l’examen des projets de loi de financement de la Sécurité sociale, il intervenait en ce sens et nous acceptions souvent ces propositions.

Quant au paquet neutre, nous ne savons pas s’il constitue vraiment une solution – nous en débattrons lors de l’examen des amendements. Certains pays, peu nombreux, l’ont adopté, d’autres le refusent dans l’immédiat – ce fut le cas de l’Italie très récemment. En effet, à notre grande satisfaction, la directive européenne de 2014, approuvée par tous les Etats membres, a permis de coordonner leur politique. Il suffit d’appliquer les dispositions qu’elle prévoit – vous avez d’ailleurs signé, madame la ministre, un arrêté en ce sens. C’est une étape supplémentaire dans la lutte contre les effets néfastes du tabagisme.

En tout état de cause, vous ne pouvez nous accuser d’être sous l’emprise des lobbies !

M. le président. La parole est à M. Olivier Marleix.

M. Olivier Marleix. Personne ne remet en cause la politique de lutte contre le tabagisme qui s’est affirmée dans notre pays, même si on a le sentiment qu’il y a deux poids deux mesures : au vu de l’acharnement manifesté d’un côté, y compris contre les lobbies – avec des articles dont la lecture prête à sourire –, on aimerait voir la même énergie consacrée à la lutte contre le cannabis – j’y reviendrai.

Bruno Le Roux nous a parlé tout à l’heure des acteurs économiques. Les détaillants et les débitants de tabac, de même que la filière organisée autour de la e-cigarette subissent régulièrement les coups de boutoirs des différents gouvernements. Il était un temps possible de prétendre que l’on ne pouvait pas anticiper certains effets, mais cet argument n’est plus pertinent aujourd’hui. Entre 2000 et 2012, le marché de la cigarette s’est effondré de moitié dans notre pays. Tant mieux, sans doute, mais les conséquences sont désastreuses pour ces acteurs économiques.

Il existe un débat juridique très ancien sur la responsabilité du fait des lois. Le premier jugement à ce sujet date de l’arrêt Duchâtellier de 1838, concernant justement un fabricant de tabac – de tabac factice. À l’époque, le Conseil d’État avait écarté la responsabilité du fait des lois mais la jurisprudence a évolué depuis. C’est pourquoi nous devrions tenir compte dans nos débats de la responsabilité de l’État à l’égard des acteurs de la filière du tabac. On ne peut pas les ruiner ainsi sans s’en préoccuper un seul instant.

M. Philippe Vigier. Exactement !

M. Olivier Marleix. Je le rappelle, quand M. Macron, ministre de l’économie, a eu l’audace de toucher aux notaires dans son projet de loi, il a eu la prudence – les sachant bon juristes – d’introduire un article visant à empêcher la mise en cause de l’État en raison de la responsabilité du fait des lois. Madame la ministre, je regrette que vous balayiez d’un revers de main et avec une certaine forme de mépris le sujet de notre responsabilité à l’égard des débitants de tabac. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Arnaud Richard. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Sur tous ces bancs, nous partageons les objectifs de prévention et de lutte contre la consommation de tabac.

M. Bernard Accoyer. Bien sûr !

M. Philippe Vigier. Chacun sait qu’une action politique et publique forte est nécessaire. Nous avons tous en mémoire les 73 000 décès par an et les 200 personnes affectées chaque jour. Nous savons également que le tabac tue vingt fois plus que la route.

Néanmoins, Bruno Le Roux l’a fort bien compris, il existe un maillage territorial très fort et des acteurs économiques – M. Marleix vient de les défendre à l’instant. Il ne sert à rien de les stigmatiser : ils sont simplement des artisans, qui vendent à des consommateurs les produits qu’ils reçoivent, sous le contrôle de l’État. Nous tenons à ce maillage territorial et à ces activités, qui ont été sévèrement affectées depuis quelques années.

Par ailleurs – et j’imagine, madame la ministre, que vous en serez d’accord –, une véritable ambition serait de parvenir à harmonisation de la politique de lutte contre le tabagisme en Europe. Je ne comprends pas, et l’un de nos collègues l’a très bien dit tout à l’heure, que l’on puisse faire comme si la France se situait sur une île d’autant que les pays qui nous entourent ne disposent de pas la même législation, ou du moins ne l’appliquent pas simultanément. Nous demandons donc une harmonisation européenne. Nous la réclamons d’ailleurs sur nombre d’autres sujets. Pourquoi donc faire exception à la règle ?

Enfin, il existe d’autres leviers. Je pense notamment à la tarification, ou à la loi de 2009 qui permet, comme vous le savez, de vérifier que la délivrance de tabac ne se fait pas à des mineurs. Je pense également à un autre levier majeur, sur lequel je veux insister : celui de l’éducation. Pourquoi n’y aurait-il pas, dès le plus jeune âge, un enseignement obligatoire en la matière ? Il faut aller beaucoup plus loin que ce qui se fait actuellement.

Dans ma petite commune, je donne un peu de mon temps pour aller parler des addictions au collège. Or ces interventions n’ont jamais lieu pendant le temps scolaire, mais pendant le temps péri-scolaire. J’aurais aimé, madame la ministre, que vous portiez une ambition éducative très forte, justement pour expliquer aux consommateurs potentiels les risques liés aux addictions.

Il faut que nous soyons capables de lutter plus efficacement contre le tabagisme. C’est la raison pour laquelle le groupe UDI a déposé un certain nombre d’amendements, qui visent non pas à stigmatiser les débitants de tabac – ces derniers n’ont cessé d’être pointés du doigt au cours des dernières semaines – mais à satisfaire une exigence de santé publique et à lutter, comme l’a très bien dit le président Accoyer, contre les réseaux qui prospèrent dans les zones frontalières et contribuent à reporter la vente de tabac vers les pays voisins. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Touraine, rapporteur de la commission des affaires sociales.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur de la commission des affaires sociales. Je souhaite tout d’abord féliciter Mme la ministre pour son courage et sa détermination dans la lutte contre le tabagisme. En ce qui me concerne, et par courtoisie naturelle autant que par tendance à la réserve et à la modération, je ne peux dénoncer le soutien apporté par nos collègues de l’opposition au tabagisme. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

En revanche, un leur ancien collègue – d’ailleurs cité par M. Door –, Yves Bur, dorénavant président de l’Alliance contre le tabac, leur a écrit, avec une certaine cruauté, pour leur faire part de sa déception.

M. Arnaud Robinet. C’est inacceptable !

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je cite M. Bur : « Je suis en colère : pas un amendement déposé pour lutter contre le tabagisme, que des amendements rédigés par la confédération des buralistes, copié-collé sans discernement. Comment des médecins, qu’ils soient cardiologues ou oto-rhino-laryngologues, peuvent-ils à ce point ignorer la santé publique et la lutte contre le tabagisme qui fait plus de 73 000 morts tous les ans ? »

M. Bernard Accoyer. C’est un amalgame !

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. « Il est vrai que ces morts anonymes ne présentent plus aucun intérêt électoral pour l’UMP », poursuit Yves Bur. « L’UMP de Sarko préfère, à l’évidence, défendre les intérêts des multinationales du tabac, dont le lobbying a trouvé au groupe UMP des oreilles complaisantes pour préserver son commerce mortifère. Quelle tristesse de voir des députés qui affirment défendre la santé se renier à ce point par électoralisme ou par manque de courage ! Mais il est peut-être encore temps de se reprendre. »

M. Arnaud Richard. C’est une insulte !

Mme Claude Greff. C’est tellement facile de parler des autres : parlez de vous !

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Tel est le message que M. Yves Bur adresse à ses anciens collègues de l’UMP en espérant qu’ils se reprennent. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Michèle Delaunay. Bravo !

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard, pour un rappel au règlement.

M. Arnaud Richard. Ce rappel a lieu sur la base de l’article 58, alinéa 3, de notre règlement. Mon cher collègue, comment pouvez-vous utiliser ce genre de propos ? Au groupe UDI, nous n’avons, sur ce sujet, reçu que M. Yves Bur, un ancien collègue pour lequel nous avons, comme vous, le plus grand respect. C’est un grand défenseur de la santé publique, et un grand connaisseur des projets de loi de financement de la sécurité sociale – ils ne sont pas si nombreux que cela, dans ce pays comme dans cet hémicycle. Nous avons entendu ses propositions, mais pour tout vous dire, elles ne m’ont pas, à titre personnel, convaincu. Je vous le dis très simplement. Je ne crois pas que cette solution soit la bonne.

Le président du groupe socialiste se demande comment un certain nombre de propositions sont arrivées sur la table, mais nous ne faisons que nous référer à la directive européenne de 2014 pour réclamer son application.

Mme Claude Greff. Eh oui !

M. Arnaud Richard. Je ne crois pas, madame la ministre, à la solution que vous défendez. Je la respecte, car vous partagez notre combat dans la lutte contre le tabac, mais et je trouve dommage que notre collègue Touraine use, au cours de notre séance, de facéties pour insulter ses collègues. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et UDI.)

M. le président. Mon cher collègue, nous sommes un peu éloignés d’un rappel au règlement. Si vous souhaitez vous exprimer, il faut vous inscrire dans le débat sur l’article, comme l’ont fait d’autres orateurs inscrits avant vous.

Article 5 quinquies (suite)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. Je veux à mon tour m’associer au souvenir d’Yves Bur (« Il est mort ? » sur les bancs du groupe SRC), qui a effectivement énormément participé, en tant que parlementaire, à nos travaux et qui nous a beaucoup apporté. S’agissant des amendements que vous proposez, comme de votre texte relatif à la santé publique, que l’on attend depuis si longtemps, on aurait envie d’un cap, d’une cohérence et d’un chemin à montrer aux Français. Ce qui me choque dans votre approche générale, alors qu’il n’existe aucun doute sur le fait que nous partageons tous le désir et l’envie de lutter contre les ravages du tabac, de l’alcool ou des drogues, c’est que il y a, toujours, deux poids deux mesures.

L’ensemble manque de cohérence et souffre de contradictions : quand il s’agit du tabac et de l’alcool, vous faites de la morale, et quand il s’agit de la drogue, vous faites preuve de permissivité.

M. Bernard Accoyer. C’est bien ça le problème.

Mme Valérie Boyer. Madame la ministre, vos messages sont totalement incohérents, et vous hésitez en permanence entre prévention et prohibition, sans savoir garder un cap : c’est un problème. Nous n’examinons pas une loi de santé publique, mais un fourre-tout de vos fantasmes et de vos amalgames en matière de santé. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Vous avez évoqué les lobbies. Or, madame la ministre, vous avez cédé à ceux de l’agro-alimentaire en refusant les amendements destinés à encadrer ou restreindre la publicité sur les émissions télévisées destinées à la jeunesse. Vous avez cédé à des lobbies puisque vous avez refusé d’accepter des dispositions pour lesquelles vous aviez personnellement voté lors de la précédente législature. Là aussi, votre contradiction s’avère totale : d’un côté vous cédez, de l’autre vous hésitez, et on ne voit pas bien les objectifs de vos politiques.



Puisque vous teniez tellement à délivrer des messages de santé publique, il fallait donner plus de moyens à l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, l’INPES. Or vous vous y êtes refusée, en cédant une nouvelle fois aux lobbies de l’agro-alimentaire et de la télévision. C’est vraiment dommage, car il aurait été possible de diffuser davantage de messages anti-tabac et de participer à des programmes d’éducation pour la santé. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Les quelques mots que je vais prononcer ne nous éviteront sans doute pas d’avoir à revenir, à l’occasion de l’examen de chacun des articles, sur les mesures précises qui sont présentées.

Puisque vous avez été nombreux à vous exprimer sur l’ensemble du dispositif, je regrette d’abord, sans m’y attarder, que certains propos excessifs fassent perdre de vue l’objectif que nombre d’entre vous affirment partager. Or c’est ma seule préoccupation.

Mme Michèle Delaunay. Bravo !

Mme Marisol Touraine, ministre. Il n’existe pas, à mon sens, d’enjeu de droite ou de gauche, mais un seul enjeu de santé publique, avec 73 000 personnes qui meurent du tabac chaque année,…

Plusieurs députés du groupe UMP. On le sait !

Mme Marisol Touraine, ministre. …soit 200 personnes par jour. La vérité est que nous sommes nombreux, à droite comme à gauche, à avoir, sur ce sujet, tiré la sonnette d’alarme. Mais ces alertes n’ont pas suffi, puisqu’entre 2000 et 2005 – c’est-à-dire avant comme après 2002, là n’est pas le sujet – la proportion de fumeurs en France a diminué, passant de 25 % à 23 %. À partir de 2005, elle a recommencé à augmenter de façon très régulière, puisqu’elle s’élevait en 2009-2010 à 27 %. En 2012-2013, les dernières données disponibles nous indiquent que cette proportion a atteint près de 30 %.

Au cours de cette décennie, la Grande-Bretagne a suivi un chemin inverse. Je ne souhaite pas que notre débat soit un débat de confrontation, ni un débat agressif – d’ailleurs, sur cette question, je ne suis pas agressive – car j’entends que ma préoccupation est partagée. Demandons-nous plutôt comment réagir. J’ai annoncé au mois de septembre un plan global, qui comporte un ensemble de mesures et qui s’appuie sur la directive européenne.

M. Olivier Marleix. Le paquet neutre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Je veux bien qu’on fasse, par principe, de la provocation ou de l’obstruction, en disant que la France ne peut pas réussir seule, mais les pays européens se sont engagés dans une démarche qui prévoient, sans l’imposer, la possibilité du paquet neutre. Certains pays européens, comme la Grande-Bretagne, ont, depuis un certain temps, engagé des démarches dans cette direction. D’autres, à l’instar de la France, ont d’ores et déjà notifié leur intention d’adopter le paquet neutre. D’autres encore ont marqué leur intérêt et se préparent à agir dans ce sens.

M. Jean-Pierre Door. D’autres pays l’ont refusé.

Mme Marisol Touraine, ministre. Pour autant, je ne crois pas qu’il y ait une mesure qui, à elle seule, permette de faire reculer le tabagisme.

Plusieurs députés des groupes UMP et UDI. Ah ! Très bien.

Mme Marisol Touraine, ministre. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il n’y a pas un article consacré au tabac, mais un ensemble d’articles et de mesures qui s’y rapportent. Nous savons que nous devons tout faire pour éviter que des jeunes, et parfois des très jeunes, ne tombent dans le tabagisme. À titre d’exemple, la directive européenne prévoit l’interdiction des arômes artificiels, contrairement à ce que j’ai entendu. Il s’agit de mécanismes qui attirent les jeunes, pour qui fumer du tabac parfumé, par exemple à la fraise, peut s’avérer séduisant. Le projet de loi comporte donc des dispositions visant à lutter contre ces arômes artificiels. Nous devons également faire en sorte que le tabagisme passif soit, au maximum, restreint : d’où l’interdiction de fumer en voiture en présence d’enfants de moins de douze ans.

Certaines personnes, jeunes et moins jeunes, ont développé une addiction au tabac et essayent, passez-moi l’expression, de décrocher, mais sans y parvenir. Nous devons les aider et les accompagner : d’où les dispositions visant à favoriser le sevrage et à améliorer la prise en charge des dispositifs concernés. Pour qu’un plan soit complet, nous savons également qu’il doit permettre de lutter contre la contrebande et contre les trafics qui par définition sont illicites.

Le troisième pilier du plan que j’ai présenté repose sur un ensemble de mesures. Certaines de ses dispositions sont reprises dans ce projet de loi, d’autres ont été adoptées dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, et d’autres le seront dans celui des lois de finances à venir. Ce troisième pilier vise donc à lutter contre le trafic illicite et contre la vente sur internet : il met en avant la transparence. En effet, lutter contre ce qui est interdit impose aussi que le poids des lobbies soit identifié et que la transparence soit effective.

J’entends, sur tous les bancs, une volonté de lutter contre le tabagisme. Alors allons-y ! Allons-y ensemble ! Il s’agit à mon sens d’une mesure de santé publique. Au fond, nous nous honorerions collectivement à faire de ce débat un vrai grand débat de santé publique et pas un faux débat opposant la droite et la gauche. Car ce débat ne devrait pas être partisan.

M. Bernard Accoyer. Ce n’est pas du tout ça.

Mme Marisol Touraine, ministre. Je le dis, en tous cas, clairement : je suis guidée, parce que je suis ministre en charge de la santé, par cet objectif de santé publique. Je ne peux me résoudre à ce qu’un fumeur qui a commencé à fumer à l’âge de dix-sept ans sur deux meurt du tabac. Un sur deux ! On ne peut s’y résoudre : prenons donc des mesures fortes puisque celles qui ont été prises jusqu’à présent ne suffisent pas. Ma détermination, mon engagement, ma volonté et ma conviction m’y portent.

Nous pourrions nous retrouver sur cet objectif partagé et je regrette qu’il y ait eu des propos qui s’en démarquaient. Cet objectif, nos amis britanniques ont été capables de le porter ensemble : la majorité conservatrice…

M. Philippe Vigier. Conservatrice ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Que je sache, le Parti conservateur n’a pas changé de nom. La majorité conservatrice a donc mis cet objectif en avant, et les travaillistes l’ont largement soutenue sur ce point. À la Chambre des communes, le paquet neutre a ainsi été adopté par une majorité des trois quarts. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Nous en venons à l’examen des amendements. La parole est à M. Élie Aboud, pour soutenir l’amendement n1702.

M. Élie Aboud. Madame la ministre, à ma connaissance, il n’y avait de notre part aucune agressivité. Je ne comprends pas pourquoi vous dites que nous sommes agressifs : aucun de mes collègues n’a agi de cette façon. En revanche, pour répondre à notre collègue Touraine, pour lequel j’ai beaucoup de respect, isoler deux phrases du contexte dans lequel Yves Bur, ancien parlementaire, les a prononcées, et ne pas faire référence à l’intégralité de ces propos ne me paraît pas tout à fait juste ni honnête sur le plan intellectuel.

M. Jean-Louis Touraine. J’ai cité la totalité de ses propos. Seul manquait le mot : « Amitiés. » !

M. Élie Aboud. Madame la ministre, nous pouvons partager le diagnostic – nous sommes tous conscients de l’intérêt pour la santé publique de lutter contre le tabagisme –, mais diverger sur la façon de régler le problème.

J’entends M. Le Roux, nous disons la même chose. Comment faire de la prévention tout en préservant des artisans, des commerçants qui n’ont rien demandé, qui favorisent la proximité et l’aménagement du territoire, et que l’on désigne comme fautifs ?

Sur les arômes, je suis entièrement d’accord avec vous, c’est une question de santé publique pour les jeunes, mais attention au décalage par rapport à ce que font nos voisins européens parce qu’il y a un danger de contrebande et de délinquance urbaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Véran, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Avant-hier soir, je vous ai parlé du plaisir.

Plusieurs députés du groupe SRC. Oh là là !

M. Nicolas Dhuicq. À force d’avoir une vision hygiéniste, ce que je peux comprendre de la part de confrères somaticiens, vous oubliez la dimension psychologique. À force de poser en permanence des interdits sur des toxiques qui sont utilisés culturellement – tout dépendant de la dose, du rythme et du mode de consommation –, vous envoyez à la jeunesse de France un discours extrêmement paradoxal quand, dans le même temps, vous ouvrez largement les portes à des produits qui, certes, ne sont pas cancérigènes…

M. Bernard Accoyer. Le cannabis est cancérigène, plus que la cigarette !

M. Nicolas Dhuicq. Je parle de l’héroïne. Vous avez parfaitement raison, le cannabis est inhalé, fumé, souvent d’ailleurs avec du tabac.

Il y a donc une espèce d’idéologie délirante à ce sujet. Vous envoyez, madame la ministre, un message totalement contradictoire.

Vous voulez atteindre une pureté absolue, interdire tout principe de plaisir dans ce pays, quitte à mettre en danger des commerçants, qui sont aussi des agents de l’État, qui assurent la sécurité sur le territoire national, qui, accessoirement pour nos collègues écologistes, font baisser le bilan carbone, puisque la proximité, c’est tout de même important pour ce qu’on appelle les circuits courts.

M. Gérard Bapt. Incroyable !

M. Nicolas Dhuicq. Votre gouvernement devrait avoir le courage d’attaquer les majors américaines qui fabriquent des paquets de cigarettes et les vendent à des prix différents dans les pays de l’Union européenne. Comment pouvez-vous accepter de ne pas connaître et de ne pas transmettre à la représentation nationale le prix auquel les majors américaines vendent le paquet de cigarettes en Pologne, en France, en Belgique, parce que la différence de prix n’est pas forcément due à la taxation, mais tient aussi du prix de départ ? Ou alors seriez-vous inféodée, vous, au lobby des majors américaines ?

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Madame la ministre, vous avez souligné que, sur tous les bancs, nous avions la volonté de lutter contre le tabagisme et rappelé les chiffres de ce fléau que j’avais donnés, 73 000 morts, 200 décès par jour, et, malheureusement, vingt fois plus de décès chaque année à cause du tabac qu’à cause des accidents de la route.

Madame Delaunay, j’ai été un peu surpris par le tweet que vous venez de m’envoyer, et j’imagine que M. Le Roux sera heureux d’avoir un problème supplémentaire à régler dans son groupe. Vous estimez simplement que « les buralistes doivent devenir un point santé comme ils sont un point social et non pas vendre des produits mortels ». Si j’ai bien compris, il faut interdire aux buralistes de vendre du tabac.

Mme Michèle Delaunay. Dans dix ans !

M. Philippe Vigier. C’est excessif et totalement incompréhensible. Je ne vous agresse pas, je ne fais que citer le tweet que vous avez eu la délicatesse de m’adresser. Allez au bout, déposez un amendement, tout le monde doit savoir que vous voulez interdire la vente du tabac en tous lieux publics.

Madame la ministre, mes collègues ont demandé tout à l’heure pourquoi il n’y avait pas d’harmonisation européenne et si nous étions capables d’avoir un programme européen de lutte contre le tabagisme, ce qui impliquerait évidemment qu’il y ait une cohérence à la fois sur l’arrivée des paquets neutres et sur la tarification. Il y a de plus en plus de paquets qui passent les frontières chaque année, vous le savez parfaitement, et le nombre de ces réseaux parallèles ne fera qu’augmenter. La tarification est donc également un sujet majeur.

Enfin, vous ne m’avez pas répondu, ce qui m’a un peu surpris, sur l’éducation en milieu scolaire, ce à quoi je tiens beaucoup. Il faut commencer dès le plus jeune âge. Pourquoi ne pas envisager un enseignement obligatoire dès le plus jeune âge et pourquoi ne pas conférer aux médecins scolaires une nouvelle responsabilité, celle de faire de la prévention et de lutter contre les addictions, en particulier le tabagisme, dès le plus jeune âge, avec des rencontres obligatoires avec l’ensemble des collégiens et des lycéens ?

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. Je reconnais la volonté sans faille de la ministre mais il faudra du temps.

Je souhaite que nous luttions de façon résolue contre le tabagisme, en étant peut-être à la pointe du combat par rapport à d’autres pays,…

Mme Michèle Delaunay. Exactement !

M. Bruno Le Roux. …et je veux dès à présent en mesurer tous les effets, notamment économiques, sur ceux dont une grande partie de l’activité est consacrée à vendre du tabac.

Je ne pense pas que la solution soit de leur dire qu’ils sont condamnés soit à vendre indéfiniment du tabac, soit à disparaître. Il y a d’autres possibilités, avec une période de transition dans un premier temps,…

Mme Michèle Delaunay. Exactement !

Plusieurs députés du groupe UMP. Lesquelles ?

M. Bruno Le Roux. …pour que la baisse de la vente de tabac ne s’accompagne pas d’une baisse de leur rémunération. Il faut pour cela changer un certain nombre de règles et faire évoluer la façon dont ils permettent d’avoir un maillage sur le territoire pour accompagner la volonté de l’État de lutter résolument contre le tabagisme.

La lutte que nous devons mener tous ensemble contre les effets du tabagisme ne doit pas être freinée par ses effets collatéraux sur le réseau des commerçants, qui doivent être au premier rang de nos préoccupations.

M. Olivier Marleix. Que proposez-vous ? C’est du baratin !

M. le président. La parole est à Mme Michèle Delaunay.

Mme Michèle Delaunay. Si vous aviez quelque honnêteté, monsieur Vigier, vous auriez aussi cité mon tweet précédent où je disais que nous voulions accompagner les buralistes vers la sortie du tabac dans les dix années à venir, exactement ce qu’a dit M. Le Roux de manière plus générale. Je lui ai proposé de créer un groupe de travail, auquel je vous invite à participer, pour préparer avec les buralistes une sortie du tabac dans les dix années à venir. Au demeurant, ce sont aussi les objectifs de la lutte contre le cancer.

Monsieur Dhuicq, vous parlez du plaisir. Connaissez-vous un fumeur qui ne désire pas arrêter ?

M. Nicolas Dhuicq. Oui !

Mme Michèle Delaunay. Savez-vous quelle est leur culpabilité quand ils apprennent que leur maladie est due au tabac ? Savez-vous combien ils sont dans la douleur, deux fois, vis-à-vis d’eux-mêmes et vis-à-vis de leurs familles ?

Monsieur Vigier, je vous ai envoyé un autre tweet. Vous parlez tous de la contrebande et des trafics illicites. Savez-vous que ce sont les cigarettiers qui l’entretiennent, que 20 % de leur production disparaît pour que vous puissiez utiliser de tels arguments (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI), c’est-à-dire la différence de prix entre les pays, et prétendre que nous ne pouvons agir tout seuls et que nous devons attendre les autres pays.

Non ! Comme l’a dit M. Le Roux, nous devons être à la pointe de ce combat anti-tabac. Mme la ministre a annoncé très récemment, et même dans cette enceinte, qu’elle allait rencontrer ses collègues européens pour lancer une dynamique dans ce sens. Ce n’est pas une raison pour être paralysé aujourd’hui. Donnons l’exemple.

M. le président. La parole est à Mme Claude Greff.

Mme Claude Greff. Je suis surprise par tout ce que j’entends.

D’abord, il faut arrêter d’être angélique, la quasi-totalité des fumeurs savent que le tabac est nocif pour leur santé. Franchement, ouvrez les yeux, nous le savons tous, ils le savent tous.

Franchement, madame la ministre, quand je vois les mesurettes que vous proposez, je me demande quel est votre objectif. Voulez-vous aider les fumeurs ou stigmatiser les buralistes ? J’ai entendu il n’y a pas si longtemps le Président de la République nous parler d’un programme national de réduction du tabagisme. Vous interdisez de fumer dans une voiture où il y a des enfants de moins de douze ans, mais que faites-vous de ceux qui vont langer leur enfant la cigarette au bec ? Ce n’est pas ainsi qu’il faut aborder le sujet. On a l’impression que vous voulez vous satisfaire, mais vous n’êtes pas du tout en train de vous occuper de celles et de ceux qui fument.

Le fait qu’il y ait des paquets neutres n’empêchera en rien les fumeurs de fumer. Ils se contenteront d’acheter un paquet neutre avec une photo dessus. Arrêtez d’imaginer que c’est par de telles mesurettes que l’on combattra le tabagisme !

Oui, je suis contre la consommation du tabac, mais, franchement, ce que vous nous proposez ne sert à rien si ce n’est à opposer les fumeurs et les buralistes. Vous êtes aujourd’hui plus que jamais en train de détruire toute l’économie qui existe en France et non de la réguler ou même de l’organiser. Ce sont des mesurettes qui n’apportent rien pour l’objectif que nous avons tous, à droite comme à gauche, faire en sorte que les Français fument moins. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

(L’amendement n1702 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n1288.

M. Philippe Vigier. C’est un amendement purement rédactionnel qui permet une transposition fidèle de l’article 7 de la fameuse directive européenne 2014/40/UE, qui interdit les arômes.

J’ai bien entendu, madame la ministre, que vous vouliez accélérer la mise en place de la directive, mais pourquoi ce décalage par rapport à l’Union européenne ? J’en profite, madame Delaunay, pour vous dire qu’en matière d’ambition européenne, vous aurez du mal à donner à l’UDI des leçons d’engagement, dans tous les domaines, qu’ils soient économiques ou sociaux. Je préconisais même qu’il y ait une politique européenne.

Une fois de plus, il y aura un décalage avec les pays voisins et il y a aura toujours plus de produits importés de ceux qui nous entourent. Nous savons très bien qu’il y aura deux types de produits en vente, les produits « français », sur lesquels il y aura eu des restrictions, et les produits européens, qui peuvent encore contenir des arômes.

Tout cela devait faire partie d’un programme de lutte contre le tabagisme. Prenons des dispositions à l’échelle européenne. Il me semble que ce serait le bon moyen pour avancer sur cette question, même si elle peut poser de vraies difficultés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Véran, rapporteur. Défavorable. L’amendement est déjà satisfait mais l’intention générale paraît moins vertueuse. En réalité, quand on le lit dans le détail, on a l’impression que cela s’inscrit dans une volonté générale d’aller moins loin que ce que la commission propose pour lutter contre le tabagisme.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Nous savons que surtransposer les directives européennes, ce qui est finalement l’objet de l’article 5 quinquies, est contre-productif.

D’abord, c’est un signe négatif alors qu’il y a un besoin pressant de faire converger nos législations. Le retard que nous avons pris a des conséquences majeures, nous le savons bien, sur les différents pays de l’Union, en particulier sur la France, pour notre compétitivité, notre économie et donc l’emploi et le chômage.

Par ailleurs, la quasi-totalité des pays frontaliers, l’Allemagne, la Belgique, l’Italie et l’Espagne, ont décidé d’appliquer totalement la directive européenne, selon un calendrier que nous devrions suivre scrupuleusement parce que c’est collectivement que nous devons agir contre le tabagisme.

La Suisse est, elle, très en retrait quant à l’application de cette directive. Par conséquent, madame la ministre, avec cet article introduit par amendements, non seulement vous portez un mauvais coup à l’Union européenne et à la politique européenne que vous entendez conduire, mais surtout vous vous exposez, de manière certaine, à un échec. Les trafics de contrebande en tous genres vont exploser ; le réseau de distribution de services, qui s’appuie sur les débitants de tabac, sera encore plus mis à mal. En réalité, une vraie politique de prévention et de lutte contre le tabac passe par l’harmonisation de nos politiques. Madame la ministre, puisque vous avez, semble-t-il, quelques ambitions, peut-être pourriez-vous devenir le porte-drapeau d’une politique de convergence européenne en ce domaine. Cela vous honorerait ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme Michèle Delaunay. Elle le fera !

(L’amendement n1288 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Véran, rapporteur, pour soutenir l’amendement n2041.

M. Olivier Véran, rapporteur. Rédactionnel.

(L’amendement n2041, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n2396.

M. Philippe Vigier. Olivier Véran a dit que nos applications de la directive différaient, alors qu’il n’en est rien. Nous ne souhaitons que l’application de toute la directive, rien que la directive. Certes, elle a pu être mal rédigée, mais encore faudrait-il voir à quel endroit précisément. Tant qu’elle n’est pas appliquée dans les États membres, elle peut être modifiée, d’autant qu’il existe un délai d’application. Je ne vois pas pourquoi la France serait déconnectée des pays qui l’entourent.

Mme Delaunay nous dira qu’il faut être ambitieux…

Mme Michèle Delaunay. C’est vrai !

M. Philippe Vigier. …et aller plus vite. En ce cas, allez à Bruxelles ! Faites le tour des capitales européennes ! J’ai d’ailleurs été heureux d’entendre tout à l’heure le président Accoyer reprendre l’un de mes arguments en ce sens. Vous pourriez être une très bonne ambassadrice, madame Delaunay, pour expliquer que ce programme doit être porté avec ambition par l’Union européenne. Qu’attendez-vous ?

Par ailleurs, madame la ministre, j’ai bien compris que ces produits et ces arômes risquent d’avoir un effet incitatif sur la consommation. Cependant, y a-t-il eu des éléments médicaux d’évaluation ou des publications, disposant du recul nécessaire, qui attestent une augmentation de la consommation ou une appétence nouvelle pour les consommateurs, du fait de l’utilisation de ces arômes ? Sur quelles références scientifiques s’appuie-t-on pour comprendre ce phénomène ? Quels éléments de nocivité sont pris en compte ? Pour résumer ma question : y a-t-il eu des évaluations scientifiques qui ont montré que, au-delà d’une augmentation de la consommation, il y avait des incidences médicales particulières liées à l’adjonction de ces arômes ?

Se pose également le problème de la distorsion dans l’application de la réglementation. Or, cela n’est pas bien du tout, quand nous essayons de faire de l’Europe notre bien commun. Une telle attitude conduit au chacun pour soi, qui n’est pas le bon chemin pour l’Europe.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Véran, rapporteur. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que tout à l’heure.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Michèle Delaunay.

Mme Claude Greff. Pour une fois qu’elle parle au lieu de tweeter !

Mme Michèle Delaunay. Monsieur Vigier, puisque vous m’y invitez, je voudrais vous dire que nous avons formé avec M. Jean-Louis Roumegas un groupe européen qui a l’intention d’agir non seulement contre le commerce illicite, mais également contre la pression que les lobbies des cigarettiers font peser sur l’Europe. Je pourrais vous citer le nom de nombreux autres députés, en particulier de députés européens engagés dans ce combat. Je pense que notre mesure et la politique de Mme Touraine seront adoptées, de même que, je l’espère, certains des amendements positifs que nous vous présenterons. Nous pourrons nous placer en tête de peloton de l’Europe et je suis sûre que la ministre sera en première ligne pour aller encore plus loin et entraîner ses collègues.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Je reste très dubitatif et très inquiet devant cette vision d’une société sans tabac, voire sans alcool.

M. Bernard Accoyer et M. Philippe Vitel. Mais avec des salles de shoot !

M. Nicolas Dhuicq. La vie est tout de même un risque ! Certes, nous avons tous connu des patients morts dans des souffrances atroces de pathologies diverses provoquées par l’abus de substances. Néanmoins, il n’y a pas de société humaine sans utilisation de toxiques. Cela n’existe pas. Nous pouvons tous rêver d’un monde idéal,…

M. Xavier Breton. Le meilleur des mondes !

M. Nicolas Dhuicq. …d’un monde dans lequel nous serions tous si merveilleux et si puissants et dotés de cerveaux si extraordinaires que nous pourrions tous nous contenter du plaisir de penser et de l’autoérotisme qu’il suscite. Néanmoins, nous sommes inégaux dans notre vulnérabilité face à la dépendance. Tous ceux qui entrent en contact avec un produit ne vont pas tous devenir dépendants. Il ne faut pas oublier le principe de plaisir ! Mais ce monde, que vous souhaitez pur, blanc et sans aucune accroche, est terrible. Je vous le dis honnêtement et sans provocation, vous rêvez d’un monde qui fait fuir la jeunesse de ce pays et qui l’entraînera vers des épopées violentes, comme nous les connaissons aujourd’hui. Les épopées violentes au Proche et au Moyen-Orient sont aussi provoquées par un monde qui devient totalement puritain. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

La société française est en échec. Les gouvernements successifs sont en échec, parce que vous n’êtes pas capables de proposer à notre jeunesse une espérance, une vision et un avenir pour le pays.

M. Xavier Breton. Très bien !

M. Nicolas Dhuicq. Pis encore, vous ne parlez que de la mort en permanence. Il y a quelques semaines, c’était l’euthanasie ; bientôt, ce seront les salles de shoot. Dans le même temps, vous voulez un monde absolument pur. C’est un puritanisme politique insupportable ! Rejoignez les Shakers ou les Quakers ! (Sourires.) Votre monde appartient au passé et je n’en veux pas. Je veux un monde de responsables et de liberté. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Xavier Breton. Ils veulent un monde aseptisé !

(L’amendement n2396 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 2042 rectifié, 2043, 2045, 2046, 2047 et 2048, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Olivier Véran, rapporteur, pour les soutenir.

M. Olivier Véran, rapporteur. Ce sont des amendements rédactionnels.

(Les amendements nos 2042 rectifié, 2043, 2045, 2046, 2047 et 2048, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n2397.

M. Philippe Vigier. Il est défendu.

(L’amendement n2397, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Vous gardez la parole, monsieur Vigier, pour soutenir l’amendement n1280.

M. Philippe Vigier. Il est défendu.

(L’amendement n1280, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 2049 et 1, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Olivier Véran, rapporteur, pour soutenir l’amendement n2049.

M. Olivier Véran, rapporteur. Il est rédactionnel.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour soutenir l’amendement n1.

M. Jean-Pierre Door. Jean Leonetti, qui a cosigné cet amendement, souhaite plus que tout que la France ne soit pas une exception européenne, en interdisant la mentholisation et pénalisant, par là, l’industrie nationale. Cette technologie a été créée en France, où elle représente environ 250 emplois. L’investissement avait été majeur, puisqu’il s’est élevé à plus de 65 millions d’euros depuis 2008. La seule réponse proportionnée serait de conserver le texte européen en l’état et de permettre une transition rapide, mais durable, avant cette interdiction. Nous ne devons pas accélérer le rythme, au risque de perdre des emplois et une industrie. Prenez garde à ne pas faire un contresens sur cet amendement et à risquer le pire !

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements soumis à une discussion commune ?

M. Olivier Véran, rapporteur. La commission est favorable à l’amendement n2049, qui est rédactionnel, et défavorable à l’amendement n1.

Mme Claude Greff. Évidemment, c’est l’UMP qui le propose !

M. Olivier Véran, rapporteur. Il va trop loin dans sa rédaction et aurait des conséquences qui iraient au-delà de l’intention de M. Door. Contrairement à ce que laisse entendre l’exposé sommaire des motifs, les dispositions que cet amendement entend corriger résultent d’une erreur, et non d’une intention délibérée. La rédaction que j’ai proposée paraît plus claire et adaptée que la rédaction que vous avez proposée.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Monsieur le président, pourriez-vous demander à l’ensemble de l’assemblée qui a compris les arguments que vient d’avancer M. le rapporteur ?

Mme Claude Greff. La gauche, évidemment !

M. Bernard Accoyer. Pour notre part, nous n’avons strictement rien compris.

M. le président. Cela arrive, parfois !

M. Bernard Accoyer. Monsieur le rapporteur, pourriez-vous répéter votre explication ? Sans doute ne bénéficions-nous pas de votre câblage cérébral, mais si vous nous réexpliquez les choses, nous devrions vous comprendre.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’est un problème de génération, comme dirait l’autre !

M. le président. Monsieur le rapporteur, nous comptons sur vos qualités de pédagogue ! (Sourires.)

M. Olivier Véran, rapporteur. Je vous dois effectivement une explication. En réalité, il y avait une erreur initiale dans le texte qui faisait entrer en vigueur l’interdiction des arômes en 2020 au lieu de 2016. Or, c’est bien en 2016 que cette interdiction doit être mise en œuvre, conformément à la directive européenne. Cette erreur du texte initial est corrigée par un amendement rédactionnel que j’ai déposé. Monsieur Door, vous avez également déposé un amendement rédactionnel, parce que vous avez eu l’ouïe fine. Mais les dispositions prévues dans votre amendement vont au-delà de l’intention que je viens de détailler.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Monsieur le rapporteur, je défendais avec cet amendement, surtout soutenu par M. Leonetti, le problème du menthol.

M. Olivier Véran, rapporteur. Oui !

M. Jean-Pierre Door. J’ai bien compris que la directive fixe à 2016 l’interdiction des arômes. Mais notre amendement vise à aller vers cette interdiction de façon un peu plus progressive. Les entreprises, pour pouvoir sortir par le haut sans courir le risque économique d’une désindustrialisation, demandent de prolonger l’autorisation jusqu’au 20 mai 2020. Il faut se donner un peu plus de temps pour leur permettre de sortir de ce problème. Elles s’organiseront autrement et feront autre chose. À l’époque, elles avaient été soutenues dans la mentholisation ; désormais, on leur ferait quitter ce circuit. L’année 2016, c’est demain ! Si les 250 emplois concernés venaient à disparaître, c’est vous qui en porteriez la responsabilité, et non pas nous.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Olivier Véran, rapporteur. Les menthols seront interdits en 2020. La directive européenne prévoit d’interdire les autres arômes en 2016. C’est cette règle que nous instaurons par cet amendement. Votre intention est donc satisfaite. Dans votre rédaction, c’est l’interdiction de l’ensemble des arômes qui serait repoussée à 2020, ce qui va à l’encontre de la directive européenne s’agissant des arômes non mentholés.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Nous continuons sur la même ligne que celle que j’évoquais. Certes, l’industrie du tabac utilise toutes les recettes comportementalistes possibles pour attirer un public de plus en plus jeune vers une consommation de tabac. Mais nous entendons bien, monsieur le rapporteur, madame la ministre, que vous voulez supprimer les cigarettes mentholées dans le territoire national. Cela veut-il dire que les consommateurs de cigarettes mentholées vont devoir franchir les frontières et aller chercher leur tabac à l’extérieur et donc porter encore atteinte aux commerces ruraux des buralistes, qui sont aussi des agents de l’État ? En quoi faudrait-il, en termes de santé publique, interdire le menthol ?

La cigarette mentholée ne fait pas partie des produits mis récemment sur le marché afin d’attirer la jeunesse. Je me souviens que, lorsque j’étais enfant, les dames avaient pour habitude d’en fumer ; elles ne sont pas mortes d’un cancer du poumon pour autant.

Mme Catherine Quéré. Ça, vous n’en savez rien !

M. Nicolas Dhuicq. Pourquoi ? Parce que leur consommation était adaptée.

J’ai aussi connu dans mon enfance un pilote de chasse qui avait abattu un zeppelin pendant la Première guerre mondiale, avant l’invention des balles explosives – il fallait être sacrément fort ! Ce monsieur avait une discipline toute militaire : il fumait les années paires et ne fumait pas les années impaires. (Rires et exclamations sur divers bancs.) Il est mort à 90 ans passés !

Cela veut bien dire qu’il existe une inégalité structurelle et naturelle face au déclenchement d’une dépendance. Je ne vois pas ce que l’interdiction des cigarettes mentholées changera, si ce n’est que cela va détruire 240 emplois sur le territoire national et que cela renforcera encore l’industrie américaine du tabac – car la seule question qui vaille, madame la ministre, est de savoir d’où vient la différence de prix qu’appliquent les majors du tabac en Pologne et en France. Le prix des cigarettes est un fléau majeur, qui entraîne la contrebande, détruit notre tissu rural, provoque des violences et des alcoolisations associées, entraîne la fermeture de commerces. Au nom de quoi le Gouvernement de la France tolère-t-il que les majors américaines vendent les mêmes cigarettes à des prix différents au sein de l’Union européenne ? Voilà l’action que vous devriez mener, madame la ministre ! À quand une réponse du Gouvernement au Parlement sur cette question majeure ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

(L’amendement n2049 est adopté et l’amendement n1 tombe.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Véran, pour soutenir l’amendement n2050.

M. Olivier Véran, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, monsieur le président.

(L’amendement n2050, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un autre amendement rédactionnel, n2051, de M. Olivier Véran.

(L’amendement n2051, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Véran, pour soutenir l’amendement n2052.

M. Olivier Véran, rapporteur. Lui aussi est rédactionnel, monsieur le président.

M. le président. Il est vraiment rédactionnel ?

M. Olivier Véran, rapporteur. Tout à fait, monsieur le président.

(L’amendement n2052, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un dernier amendement rédactionnel, n2053, de M. Olivier Véran.

(L’amendement n2053, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 5 quinquies, amendé, est adopté.)

Après l’article 5 quinquies

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas, pour soutenir l’amendement n581.

M. Jean-Louis Roumegas. Si nous soutenons l’action du Gouvernement, c’est qu’il s’agit, non pas, comme vous le prétendez, chers collègues, d’instaurer la prohibition du tabac, mais de lutter contre la stratégie de l’industrie qui vise à contourner l’esprit de la loi interdisant toute publicité et toute promotion du tabac. Nous ne sommes pas pour la prohibition, nous sommes contre le tabagisme, c’est-à-dire l’addiction au tabac et les maladies qu’elle entraîne : cela n’a rien à voir.

Parmi les stratégies de l’industrie, il y a non seulement les arômes, mais aussi les capsules. Il s’agit d’un dispositif ludique, qui fait des ravages auprès des jeunes – il n’est qu’à voir les mégots que l’on ramasse à proximité des établissements scolaires.

Cela fait partie, je le répète, de stratégies que l’industrie a mises en place pour, malgré l’interdiction de publicité, donner un aspect ludique à la consommation de tabac et attirer les jeunes publics. Nous pensons qu’il est nécessaire de l’interdire. Ce serait dans l’esprit, non seulement de la loi française, mais aussi de la directive européenne et de la convention-cadre de l’Organisation mondiale de la santé pour la lutte antitabac que la France a ratifiée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Véran, rapporteur. Monsieur Roumegas, vous souhaitez par cet amendement interdire dès aujourd’hui les capsules dans les cigarettes. Or l’article 5 quinquies, que nous venons d’adopter, interdira tous les arômes à partir de 2016 – date limite de transposition de la directive européenne –, à l’exception du menthol, qui sera interdit d’ici à 2020. Votre amendement laisse très peu de temps pour mettre en œuvre la mesure d’interdiction, alors que les capsules seront de fait interdites à partir de 2016. C’est pourquoi je vous suggère de retirer votre amendement ; à défaut, la commission y émettrait un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Je ne comprends pas. Nous allons mettre au chômage 240 personnes d’ici à 2020 en interdisant les cigarettes au menthol. En revanche, le Gouvernement s’oppose à l’amendement de notre collègue Roumegas, qui est pourtant un bon amendement : précis, il cible la stratégie des majors américaines pour faire tomber en dépendance nos adolescents et nos préadolescents, qui commencent à fumer de plus en plus tôt.

Pour une fois qu’il y a un amendement de la majorité précis et raisonnable, vous le refusez – alors que vous venez de détruire 240 emplois ! Encore une fois : pourquoi, madame la ministre, tolérez-vous, en tant que ministre de la République française, que les prix initiaux du tabac soient différents en Pologne et en France, ce qui suscite de la contrebande ? La différence de prix ne provient pas, pour l’essentiel, de la taxation. Mais il existe une sorte d’omerta sur le sujet : on n’arrive pas à obtenir de réponse. C’est pourtant sur cette question que vous devriez vous battre, si vous vouliez vraiment lutter contre les lobbies !

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas.

M. Jean-Louis Roumegas. Je ne retirerai pas l’amendement. La question des capsules ne se réduit pas à celle des arômes, même si les deux sont liées : il s’agit d’un dispositif ludique supplémentaire, qui cible tout particulièrement les adolescents, parmi lesquels il fait des ravages. C’est une invention de l’industrie qui a suivi l’interdiction des cigarettes bonbons. Si nous avions eu connaissance de ce projet à l’époque, je suis certain que l’Assemblée aurait intégré les cigarettes à capsules dans les produits interdits. Je ne comprends pas que le Gouvernement ne nous suive pas. Nous passons notre temps à courir après l’industrie, qui déploie des trésors d’inventivité pour contourner la loi. Les cigarettes à capsules ne sont qu’un contournement de la disposition sur les cigarettes bonbons. Il convient de les interdire dès maintenant. Je le répète : ce n’est pas la même que chose que les arômes.

M. Nicolas Dhuicq et M. Philippe Vitel. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Nous souhaiterions, madame la ministre, que vous vous exprimiez de manière plus approfondie sur le texte. Vous n’apportez aucune réponse, aucune justification à vos avis – c’est à peine si vous daignez vous lever pour les donner. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Je trouve pour ma part cet amendement intéressant et je le voterai. Il vise en effet à lutter contre la pratique consistant à introduire à l’intérieur d’une cigarette un dispositif incitatif.

Je vous saurais gré, madame la ministre, de prendre la peine de nous répondre.

M. Philippe Vitel. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Monsieur Roumegas, je comprends parfaitement votre préoccupation et votre objectif. Il est évident que les capsules sont une invention marketing ciblant tout particulièrement les jeunes. Le débat n’est pas là.

Le problème – et je m’adresse tout particulièrement à mesdames et messieurs de l’opposition, si attentifs au respect des termes de la directive européenne –, c’est que la directive européenne s’est concentrée sur l’interdiction des contenus et ne permet pas l’interdiction du contenant. Peut-être est-ce absurde, mais nous ne pouvons pas, par une disposition législative nationale, interdire le contenant, à savoir la capsule en tant que telle, indépendamment de ce qu’elle contient. On pourrait envisager un contenant sans contenu, par exemple une capsule sans rien dedans. Aux termes de l’article 24 de la directive tabac, on peut interdire ce qu’il y a dedans, mais pas le principe même de la capsule.

Pour ces raisons juridiques, je suis donc obligée de donner un avis défavorable à votre amendement, monsieur Roumegas. Je le répète : il ne s’agit pas d’une divergence de fond, c’est simplement que la directive européenne ne permet pas à la législation nationale d’interdire le principe même de la capsule, alors qu’on peut en interdire le contenu.

M. le président. Monsieur Roumegas, maintenez-vous votre amendement ?

M. Jean-Louis Roumegas. Oui, car si j’entends les arguments de la ministre, je fais une interprétation différente de la directive : je crois plutôt qu’il existe un vide juridique sur cette question et il me semble que si l’Assemblée nationale adoptait cet amendement, ce serait un signal fort en faveur d’une évolution de la législation européenne.

Si les capsules ne sont pas prévues par la directive, c’est tout simplement parce que, lorsqu’elle a été rédigée, l’industrie ne les avait pas encore inventées. Ne pourrions-nous pas donner un signal clair à l’échelle européenne ? Nous avons bien su être en avance sur d’autres questions ! Je comprends l’obstacle que vous soulevez, mais attendons la réponse de la Commission européenne, et essayons d’avancer !

Mme Sophie Errante et Mme Véronique Massonneau. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Les parlementaires de l’opposition voteront en faveur de cet amendement, qui va dans le sens de la protection de la jeunesse de France.

Mais quel argumentaire, madame la ministre, tout de même – alors que des jeunes viennent nous écouter ! Il existe une souveraineté nationale, et c’est le peuple français qui s’exprime ici. Il est inadmissible d’entendre un ministre de la République céder en permanence notre souveraineté nationale à la technocratie bruxelloise. Pourquoi avoir des députés et des ministres de la nation si vous expliquez systématiquement au peuple français qu’ils ne servent à rien ? Vous donnez raison à celles et ceux qui ne vont plus voter ou qui, comme dimanche dernier, votent d’une manière qui ne vous convient pas !

Madame la ministre, il serait bon que les gouvernants de ce pays recommencent à parler de la souveraineté de la nation et du peuple. Votre argumentaire est insupportable !

Mme Claude Greff et M. Philippe Vitel. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Michèle Delaunay.

Mme Michèle Delaunay. Il faudrait quand même choisir votre argumentation ! Tout à l’heure, vous nous rebattiez les oreilles de la directive européenne, en exigeant sa pleine et stricte application, le petit doigt sur la couture du pantalon, et maintenant vous demanderiez le contraire ? La psychiatrie n’exclut pas le respect de la logique, monsieur Dhuicq ! (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Nicolas Dhuicq. Vous vous trompez, chère amie : tout à l’heure, j’ai voté contre !

M. Jean-Pierre Door. C’était moi !

M. Nicolas Dhuicq. Il faut écouter !

(L’amendement n581 est adopté.)

Article 5 sexies

M. le président. La parole est à M. Élie Aboud, inscrit sur l’article.

M. Élie Aboud. Madame la ministre, vous savez comme moi qu’il existe actuellement un débat de santé publique sur la cigarette électronique. Pour l’heure, ce débat n’est pas tranché sur le plan scientifique. Certains sont favorables à son autorisation, d’autres la recommandent même comme un moyen sûr de sortir du tabagisme. Je trouverais maladroit que le législateur et surtout l’exécutif prennent des décisions avant toute lecture scientifique par le corps médical.

D’autre part, il nous semble illogique d’interdire dans les bureaux de tabac la publicité non visible de l’extérieur. Comment quelqu’un qui entre dans un tel établissement serait-il incité à acheter du tabac en raison de ce qu’il y voit ?

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Cet article 5 sexies, introduit par voie d’amendement en commission, s’en prend au vapotage. Chacun sait que le vapotage est un moyen efficace de désintoxication, un moyen de rompre l’addiction des grands fumeurs pour la nicotine. Aussi, madame la ministre, il est quelque peu hâtif de vouloir le mettre de côté alors que nombre de tabacologues considèrent que, dans bien des cas, il est utile pour permettre à de grands fumeurs, exposés aux complications bien entendu gravissimes d’un tabagisme chronique, d’être ainsi protégés. C’est pour cette raison que cet article me paraît injustifié et aller à l’encontre de l’objectif que nous partageons, mes chers collègues : la lutte contre le tabagisme.

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. Cet article concerne en effet le vapotage, mais aussi la publicité à l’intérieur des bureaux de tabac. Madame la ministre, je ne parviens pas à comprendre pourquoi, à l’alinéa 3, vous voulez interdire les affiches et les affichettes disposées par les buralistes à l’intérieur des bureaux de tabac. Qu’elles soient interdites à l’extérieur, c’est compréhensible, mais quand on a fait la démarche d’y entrer pour acheter du tabac, je ne vois pas en quoi la publicité qui s’y trouve serait incitative à la consommation.

M. le président. La parole est à M. Olivier Marleix.

M. Olivier Marleix. Une fois encore, nous sommes devant une forme d’outrance, de lutte quelque peu extrême, qui se déroule maintenant à l’intérieur des bureaux de tabac. Madame la ministre, allez sur internet et vous verrez que la disposition que vous proposez va créer encore une distorsion de concurrence complètement grotesque. On est vraiment là dans la chasse aux buralistes, il s’agit de leur compliquer la vie en permanence. Je vous invite à lire l’excellent rapport de la Cour des comptes, fait à la demande de la commission d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée nationale, sur les fraudes dans notre pays. Les chiffres sont édifiants : chaque année transitent par Roissy trente-cinq millions d’envois postaux de moins de deux kilos, ce qui veut dire environ 300 tonnes de petits paquets par jour, pour une dizaine de douaniers seulement. Que trouvent-ils à chaque fois qu’ils font des contrôles – lesquels sont ciblés parce qu’ils ont l’œil – ? Ils trouvent évidemment des cigarettes de contrebande, plusieurs centaines de tonnes par an, c’est le constat de la direction générale des douanes.

M. Bernard Accoyer. En Haute-Savoie, c’est terrible !

M. Olivier Marleix. On est vraiment dans un système où il y a deux poids, deux mesures : vous consacrez toute votre énergie, toute votre intelligence et toute l’ingéniosité des services de votre ministère à enquiquiner la vie du petit buraliste (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP) alors que vous ne proposez rien pour lutter contre la fraude provenant de l’étranger,…

M. Bernard Accoyer. Cela va même l’aggraver !

M. Olivier Marleix. …à la différence de ce qu’ont proposé Jean-Pierre Door et plusieurs de mes collègues. Ce deux poids, deux mesures est complètement grotesque. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Vous voulez lutter contre la dépendance, mais dans celle-ci il y a le produit mais aussi le rituel de consommation dudit produit, madame la ministre. La cigarette électronique induit un clivage salutaire entre les deux : elle maintient le rituel tout en diminuant la consommation. Dans la majorité des cas, elle permet de sortir de l’esclavage de la dépendance et de retrouver sa liberté. Si on est pour la liberté, on devrait donc soutenir, même s’il est imparfait, le processus de la cigarette électronique. Quant aux études sur les substances qui sont alors inhalées, elles sont biaisées puisque basées sur les résultats de fortes doses de produits brûlés à de très hautes températures, ce qui n’est pas le cas dans la consommation réelle. L’immense majorité de mes confrères qui essayent d’aider des patients à sortir de l’esclavage du tabagisme, c’est-à-dire d’une dépendance au tabac, soutiennent la cigarette électronique.

M. Bernard Accoyer. Bien sûr !

M. Nicolas Dhuicq. Nous verrons dans les années à venir si l’état de nos connaissances progresse à ce sujet, mais je rappelle à Mme Delaunay et à ceux qui tiennent ce type de raisonnement que si aujourd’hui un laboratoire inventait l’aspirine, il n’aurait pas le droit de la mettre sur le marché parce qu’elle a une très faible faculté anticoagulante, alors que l’aspirine sauve des vies humaines. Ce principe de précaution absolue est en train de tuer toute capacité d’innovation en France. Madame la ministre, monsieur le rapporteur, vous allez porter atteinte avec cet article à un moyen technique qui permet à de nombreux Français de sortir de l’esclavage du tabagisme. Je ne comprends pas votre raisonnement.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour soutenir l’amendement n474.

Mme Valérie Boyer. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Véran, rapporteur. Je vais me permettre, monsieur le président, de faire une réponse groupée s’agissant de l’ensemble des amendements de l’opposition (« Non ! », « Non ! » sur les bancs du groupe UMP), qui visent à dépiauter l’article, alinéa par alinéa, parce que la commission a évidemment émis des avis défavorables.

Cet article propose d’interdire la publicité pour la cigarette au sein des bureaux de tabac. Un citoyen qui y entre et voit un affichage pour des produits tabagiques peut avoir un comportement d’achat impulsif (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) qui participe d’une consommation contre laquelle nous souhaitons lutter. Cela va dans le sens du paquet neutre.

Deuxième point : l’article propose de supprimer la publicité pour le vapotage. Il ne s’agit pas d’une disposition contre le vapotage.

Mme Claude Greff. C’est la même chose !

M. Olivier Véran, rapporteur. Il ne faut pas confondre un produit de substitution au tabagisme avec un produit de consommation comme un autre. Je suis sûr que dans les villes de vos circonscriptions, vous avez, vous aussi, des échoppes qui vendent des produits pour des e-cigarettes avec des noms de marques en gros, des images affichées à même les vitrines. J’ai même vu qu’à Grenoble il y a une vitrine sur laquelle on promet un essai gratuit d’une e-cigarette ! Si celle-ci peut être un produit de substitution au tabac, il n’en reste pas moins que la plupart d’entre elles contiennent de la nicotine, ce qui, vous en conviendrez, mes chers collègues, est une substance psychoactive. Promettre sur une grande vitrine, à une centaine de mètres d’un lycée, un essai gratuit pour une substance psychoactive ne semble pas aller dans le sens de l’intérêt général et de l’amélioration de la santé des Français.

M. Arnaud Robinet. Et les patchs ?

M. Olivier Véran, rapporteur. Je le répète : il ne s’agit pas de lutter contre la e-cigarette mais d’encadrer la communication qui se développe autour.

Troisième et dernier point : l’article prévoit l’interdiction des publications, qu’elles émanent ou non de lobbies, qui traitent du tabac en dehors des réseaux du tabac, je pense notamment à celles que nous recevons en tant que parlementaires, ainsi que les fonctionnaires en responsabilité.

Mme Claude Greff. Ridicule !

M. Olivier Véran, rapporteur. J’ai encouragé ces mesures en commission et nous ne reviendrons pas dessus en séance. L’avis est donc défavorable pour cet amendement ainsi que pour les suivants.

Mme Claude Greff. Vous vivez dans un autre monde !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Robinet.

M. Arnaud Robinet. Si j’entends les arguments du rapporteur, il faudrait encore aller plus loin et supprimer tous les substituts nicotiniques, je pense aux patchs, ainsi que la publicité qui s’y rapporte. Les cigarettes électroniques contiennent certes de la nicotine, mais aussi les patchs et certains chewing-gums. Je rappelle que ce n’est pas la nicotine qui est en cause dans le cancer du poumon ou de la vessie, mais le goudron et les autres substances contenues dans la cigarette.

M. Gérard Sebaoun. C’est la nicotine qui crée la dépendance !

M. Arnaud Robinet. Je reconnais que nous manquons encore de recul, mais les cigarettes électroniques peuvent être considérées à ce jour comme un substitut nicotinique, et je ne vois pas pourquoi on en interdirait la publicité alors qu’elles permettent à un grand nombre de nos concitoyens, beaucoup de tabacologues le reconnaissent, de se détacher de la cigarette et, pour certains, d’arrêter totalement la consommation du produit de substitution au bout d’un certain nombre de mois, et de retrouver une vie saine. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Vitel. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Les arguments avancés par notre collègue Arnaud Robinet sont frappés au coin du bon sens, et je rappelle que c’est un spécialiste incontesté de la pharmacologie. Madame la ministre, monsieur le rapporteur, il est évident que vous confondez nicotine et goudron comme vous avez confondu prévention et prohibition.

M. Gérard Sebaoun. Pas du tout ! C’est bien la nicotine qui entraîne la dépendance !

M. Bernard Accoyer. Cela pose tout de même un problème préoccupant à ce stade de nos débats.

Je note par ailleurs que cet article s’en prend exclusivement aux débitants de tabac. Loin de moi l’idée que le tabac soit une substance sans danger, mais votre fixation discriminatoire à leur encontre est en train d’ouvrir une autoroute au commerce de la cigarette sur internet. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Aujourd’hui, il est déjà florissant, et si on y ajoute la contrebande et les trafics en tout genre,…

Mme Claude Greff. Et on ne sait pas ce qu’on va trouver dans ces cigarettes !

M. Bernard Accoyer. …vous êtes en train de créer des conditions sanitaires défavorables et des conditions économiques négatives. Vous vous en prenez à une profession dont l’un des membres a été condamné très lourdement il y a deux jours pour des faits qui ressemblent fort à de la légitime défense contre un cambrioleur. Le parquet avait d’ailleurs requis la relaxe.

Madame la ministre, nous vous demandons un peu de logique dans votre politique de prévention contre le tabagisme, de la cohérence, de l’efficacité et de la lucidité : il y a une différence entre goudron et nicotine, entre fumer des cigarettes et vapoter. Il faut aussi comprendre que si vous tuez les bureaux de tabac, ce sera un « booster » fantastique pour les trafics en tout genre, pour la contrebande et pour l’e-commerce. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

(L’amendement n474 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement rédactionnel, n2054 rectifié, présenté à titre personnel par M. le rapporteur.

(L’amendement n2054 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, à quinze heures :

Suite de la discussion du projet de loi relatif à la santé.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly