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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 27 mai 2015

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Hommage à Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Germaine Tillion, Pierre Brossolette et Jean Zay à l’occasion de leur entrée au Panthéon

2. Questions au Gouvernement

Lutte contre les accidents du travail et les maladies professionnelles

M. Alain Tourret

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Rapport de l’OCDE sur les inégalités

M. Marc Dolez

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion

Universités de Bretagne

M. Marc Le Fur

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Attractivité économique de la France

M. Dominique Baert

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Affaire de Tarnac

M. Sergio Coronado

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Dialogue social et emploi

M. Gérard Menuel

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Lutte contre Daech

M. Meyer Habib

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international

Lutte contre Daech

M. Nicolas Dhuicq

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international

Lutte contre le tabagisme

M. Frédéric Barbier

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Réformes de l’économie

M. Charles de La Verpillière

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Inscription sur les listes électorales

Mme Elisabeth Pochon

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Budget de la culture

M. Guénhaël Huet

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication

Nomination des présidents de l’audiovisuel public

M. Rudy Salles

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication

Avenir des retraites

M. Thierry Mariani

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Proposition de loi sur le football

M. Christian Hutin

M. Thierry Braillard, secrétaire d’État chargé des sports

Suspension et reprise de la séance

Présidence de M. David Habib

3. Dialogue social et emploi

Discussion des articles (suite)

Article 1er (suite)

Amendement no 243

M. Christophe Sirugue, rapporteur de la commission des affaires sociales

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Amendements nos 157 , 266, 269 , 456 , 234 , 471 , 52 , 282 , 135 , 380 , 681 , 156 , 126 , 283 , 381 , 667 , 284 , 3 , 632 , 373 , 247 , 633 , 437 , 440 , 382 , 250, 252, 257, 254 , 610 , 441 , 444 rectifié , 285 , 363, 364 , 446 , 447 , 281 , 448 , 317, 322 , 365 , 319

Après l’article 1er

Amendements nos 93 , 136 , 383 , 384 , 385 , 324 , 22 , 39 , 57 , 169 , 54 , 168 , 56 rectifié , 37 , 160, 159 , 161 , 59 , 55 , 2 , 460 , 248 , 36

Avant l’article 2

Amendement no 609

Article 2

M. Lionel Tardy

M. Michel Liebgott

Mme Véronique Louwagie

Mme Isabelle Le Callennec

M. François Rebsamen, ministre

Amendements nos 671 , 60 , 591 , 325 , 341 , 590 , 386 , 61 , 313 , 607 , 286 , 387 , 624 , 31

4. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Hommage à Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Germaine Tillion, Pierre Brossolette et Jean Zay à l’occasion de leur entrée au Panthéon

M. le président. Mes chers collègues, avant de me rendre avec les membres du bureau de l’Assemblée nationale au Panthéon pour rendre hommage, au nom de la représentation nationale, à Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Germaine Tillion, Jean Zay et Pierre Brossolette, je tiens à évoquer devant vous la figure particulière de Jean Zay, qui fut l’un des nôtres.

Brillant avocat, député radical à 27 ans, il fut un pilier de l’aventure du Front populaire en assumant, sous la direction de Léon Blum, les fonctions de ministre de l’éducation nationale et des beaux-arts. Éducation populaire, démocratisation du lycée, enrichissement de l’imaginaire de tous les enfants, conciliation des objectifs d’exigence et de justice : Jean Zay fut un grand ministre. Incarcéré par Vichy à la demande de l’occupant nazi, il fut assassiné par trois de ses compatriotes, trois miliciens fanatiques et antisémites, dans le dos, en juin 1944.

En honorant Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Germaine Tillion, Jean Zay et Pierre Brossolette, la République, plus que jamais, rend la Résistance irréversible. (Mmes et MM. les députés ainsi que les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent longuement.)

2

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Lutte contre les accidents du travail et les maladies professionnelles

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Alain Tourret. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, c’est un grand honneur pour le député radical que je suis de prendre la parole après l’hommage que vous avez rendu à Jean Zay, ce grand ministre radical, grand ministre de l’éducation nationale, un modèle pour nous tous.

Ma question s’adresse à M. François Rebsamen, ministre du travail. À l’occasion de la journée mondiale pour la santé et la sécurité au travail, qui aura lieu demain, le 28 avril, nous apprenons que 59 % des salariés ont déjà eu un accident du travail ou un problème de santé lié à leur activité – taux qui passe à 70 % chez les ouvriers.

En 2013, la France a connu 555 accidents mortels du travail, 306 accidents mortels de trajet et 430 décès dus à des maladies professionnelles reconnues. Le secteur du BTP est le plus accidentogène. Alors qu’il ne rassemble que 8,5 % des effectifs, il enregistre 145 décès, soit près de 30 % de ceux-ci.

En 2013, j’interrogeais déjà le Gouvernement pour lui demander d’ériger la lutte contre les accidents du travail et les maladies professionnelles en grande cause nationale, comme cela a été décidé pour le cancer, le tabac ou la violence routière. À ce jour, cette proposition n’a pas encore reçu de réponse.

Est-il normal, enfin, que les accidentés du travail soient moins bien indemnisés que les accidentés de droit commun ? Comment ne pas souligner que les dommages versés au titre du pretium doloris, en cas de mort du salarié restent très bas – pour ne pas dire ridicules ? Montrer le sein d’une actrice peut coûter 40 000 euros à un photographe. Être responsable de la mort d’un salarié ne coûtera que 20 000 euros environ à une entreprise ! Le Gouvernement ne pourrait-il pas prévoir des indemnités minimales, ainsi qu’il compte le faire en matière de licenciement ?

Monsieur le ministre, le Gouvernement prévoit-il de faire de la lutte contre les accidents du travail et les maladies professionnelles une grande cause nationale ? Nous l’espérons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Plusieurs députés du groupe UMP. Et du chômage !

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Alain Tourret, votre question et vos préoccupations vous honorent. En tant que ministre du travail, je ne puis que les partager. La prévention des accidents du travail est et reste une priorité du Gouvernement.

Si le nombre des accidents du travail demeure beaucoup trop élevé, il y a eu des évolutions positives – vous devez le reconnaître – et nous devons continuer d’agir dans ce sens. Ainsi, depuis 2007, le nombre global des accidents du travail a diminué de 12 %. Certains secteurs ont vu leur situation s’améliorer, preuve de l’efficacité et du caractère indispensable des politiques de prévention. Il en va ainsi du secteur du BTP, qui a toujours été accidentogène – vous l’avez souligné –, où le nombre des accidents du travail a été réduit de près d’un quart.

Mais la situation n’est pas encore satisfaisante. C’est pourquoi nous allons amplifier notre mobilisation, conformément aux conclusions des partenaires sociaux. Le futur plan « Santé au travail », sur lequel nous travaillons avec eux, mettra l’accent sur la réparation mais aussi, pour la première fois, sur la prévention des accidents du travail. À cet égard, Michel Issindou m’a remis la semaine dernière un rapport contenant des propositions sur l’amélioration et le suivi de la santé au travail des salariés.

Tous ces éléments me semblent répondre à vos préoccupations, et les débats sur le projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi permettront de prolonger cette réflexion.

M. Michel Issindou. Très bien !

Rapport de l’OCDE sur les inégalités

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Marc Dolez. Monsieur le Premier ministre, selon un rapport de l’OCDE, la France est l’un des pays développés où les inégalités entre les riches et les pauvres se sont le plus creusées ces dernières années. Sur trente-quatre pays, c’est même la troisième augmentation la plus importante. Inégalités de revenus, et inégalités de patrimoines, puisque les 10 % les plus riches détiennent la moitié du patrimoine net des ménages tandis que les 40 % les plus pauvres en détiennent 2 %.

Ce sont des inégalités qui en engendrent beaucoup d’autres, des chiffres qui interpellent d’autant plus que l’égalité est à l’origine et au cœur du projet républicain. Comme le disait Condorcet, « il ne peut y avoir ni vraie liberté, ni justice, dans une société, si l’égalité n’y est pas réelle ». Pour sa part, l’OCDE est catégorique : ne pas s’attaquer aux inégalités, c’est compromettre la croissance économique.

Monsieur le Premier ministre, pour lutter contre les inégalités et redresser le pays, le Gouvernement est-il prêt à remettre la question sociale au cœur de son action en rompant résolument avec la logique d’austérité et en engageant enfin l’indispensable et grande réforme fiscale ?

C’est aujourd’hui le soixante-douzième anniversaire du Conseil national de la Résistance. Les temps ont changé mais dans le combat pour l’égalité, il y a urgence à retrouver le souffle émancipateur dont son programme était porteur. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Monsieur le député, vous interrogez le Gouvernement sur la question des inégalités de revenus suite au dernier rapport de l’OCDE, qui montre qu’elles ont augmenté dans l’ensemble des pays de l’OCDE entre 2007 et 2013. S’agissant plus particulièrement de la France, il en ressort que si les inégalités ont en effet augmenté entre 2007 et 2011, elles se sont stabilisées ces dernières années.

M. Marc Dolez. Ce n’est pas vrai.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État. Bien sûr, je ne veux pas minimiser l’importance du phénomène, qui doit être abordé avec le plus grand sérieux au regard de la promesse républicaine d’égalité.

M. Yves Fromion. Langue de bois !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État. Si nous avons pu contenir la croissance des inégalités, c’est grâce au rôle d’amortisseur qu’a joué notre système de protection sociale,…

M. Christian Jacob. Ah ! Et M. Dolez ne savait pas cela…

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État. …système qu’un plan de lutte contre la pauvreté est venu renforcer à partir de janvier 2013 : augmentation du RSA de 2 % chaque année,…

M. Éric Straumann. Augmentation des chômeurs !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État. …augmentation du montant du complément familial et de l’allocation de soutien familial chaque année, hausse du seuil d’éligibilité pour la CMU complémentaire et pour l’aide à la complémentaire santé. Autant de mesures qui permettent de protéger nos concitoyens contre la précarité.

M. Christian Jacob. Et le quotient familial ?

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État. Au-delà de ces mesures protectrices qui permettent de limiter les conséquences des inégalités, nous poursuivons un objectif plus profond : celui de lutter contre la reproduction de ces inégalités. Nous avons par conséquent engagé des réformes structurelles afin de favoriser la scolarisation des enfants de moins de trois ans, de lutter contre les inégalités à l’école – c’est la réforme du collège menée par la ministre de l’éducation nationale – de favoriser l’accès à la formation tout au long de la vie et d’accompagner les demandeurs d’emploi.

Donner sa place à tous, c’est bien ce que nous souhaitons et le Gouvernement tiendra ses promesses. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Universités de Bretagne

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Marc Le Fur. Ma question porte sur l’enseignement supérieur et la recherche mais curieusement, il n’y a pas un ministre chargé spécifiquement de ces questions dans le Gouvernement. (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC.) Aussi vais-je m’adresser à vous, monsieur le Premier ministre.

Je voudrais faire état des déceptions des universités bretonnes.

M. Jean Launay. Prenez un bonnet rouge !

M. Marc Le Fur. Rennes I, Rennes II, Nantes, Brest, Bretagne-Sud s’étaient fédérées pour obtenir un pôle pluridisciplinaire d’excellence, le classement IDEX. Ce classement permet d’obtenir quelques crédits, certes, mais surtout de se projeter dans l’avenir et de se positionner sur un plan international. Or, ce classement leur est refusé en dépit de leurs efforts et de leur travail, ce qu’elles vivent très mal, monsieur le Premier ministre.

Nous vous appelons à mettre fin à cette déception et à autoriser un nouvel examen du dossier, en espérant qu’il ne se conclura pas sur une nouvelle déception car nous avons déjà souffert de la perte de 200 millions dans le cadre du contrat de plan.

Après les déceptions, les inquiétudes, dans le domaine de la recherche cette fois. Votre prédécesseur, le 13 décembre 2013, avait promis de transférer à Brest le siège de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer – IFREMER, sorte de CNRS de la mer. Vous avez confirmé cette décision, monsieur le Premier ministre, en décembre 2014, et c’est très bien. Malheureusement, il ne se passe rien dans les faits !

M. Yannick Moreau. En effet !

M. Marc Le Fur. J’en veux pour preuve ce document de soixante-quatre pages de l’IFREMER, largement diffusé et qui n’évoque nullement le transfert. Pas un mot non plus sur le site officiel de l’Institut. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Assez de pétitions de principe ! Nous voulons des décisions. Les Bretons attendent un calendrier précis et contraignant. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

M. Marc-Philippe Daubresse. Qui trop étreint mal embrasse.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le député, le Gouvernement, depuis 2012, a décidé de renforcer son soutien à l’enseignement supérieur et à la recherche, grâce notamment au programme d’investissement d’avenir dont nous avons rénové le fonctionnement, avec des programmes IDEX et I-SITE qui permettent d’accompagner l’aménagement du territoire.

Vous évoquez le dernier jury qui s’est tenu et qui, sur une vingtaine de candidatures, a présélectionné dans toute la France huit candidats qui pourront être IDEX ou I-SITE. En effet, la Bretagne et les Pays de la Loire, qui présentaient ensemble un projet auquel je trouvais d’ailleurs pour ma part un grand intérêt, n’ont pas été retenus.

J’ai reçu ce matin un certain nombre d’élus de cette région pour leur conseiller de regarder de près les indications de ce jury international, présidé par Jean-Marc Rapp. Le contour scientifique de ce projet pourrait être affiné et amélioré. Il est possible de déposer à nouveau sa candidature l’année prochaine et j’invite vos collectivités à soutenir une telle candidature, pour l’IDEX ou pour l’I-SITE.

Par ailleurs, le jury s’est penché sur le sujet de la gouvernance. C’est l’occasion pour moi, comme je l’ai dit aux élus ce matin, d’insister pour que l’ensemble des universités rejoigne bien la COMUE – communauté d’universités et d’établissements, ce qui est attendu d’elles depuis que nous avons adopté la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, car la meilleure façon de prouver qu’elles peuvent travailler ensemble même si elles appartiennent à deux régions différentes, est bien d’adhérer à cette COMUE.

Le Gouvernement, en tout état de cause, sera aux côtés de ces deux régions…

M. Marc Le Fur. Et l’IFREMER ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. …car l’enseignement supérieur et la recherche y jouent un rôle fondamental. Nous invitons les acteurs à déposer à nouveau leur candidature. Ils doivent le faire, nous serons là.

Quant à l’IFREMER, nous tenons nos engagements. La convention entre l’État et les collectivités a été préparée et est soumise depuis la fin de semaine dernière aux instances représentatives du personnel. L’IFREMER déménage bien à Brest. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Attractivité économique de la France

M. le président. La parole est à M. Dominique Baert, au nom du groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Dominique Baert. Souvenez-vous, chers collègues, de ce que nous pouvions lire en 2012 sur les manchettes de journaux et dans les enquêtes expliquant combien les investisseurs étrangers se détournaient alors de la France !

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. C’est vrai !

M. Dominique Baert. Il est vrai qu’en 2007, M. Fillon, alors Premier ministre, disait la France en faillite, et que la présidence de M. Sarkozy a ensuite augmenté la dette publique de 600 milliards d’euros, creusé les déficits, fait des cadeaux fiscaux aux plus riches,…

M. Laurent Furst. Allez !

M. Philippe Meunier. Arrêtez !

M. Dominique Baert. …paupérisé les services publics de l’État et supprimé 350 000 emplois industriels, tout cela avec pour résultat un déficit commercial de 70 milliards d’euros témoignant non seulement de l’affaiblissement de notre industrie et de sa perte de compétitivité, mais aussi et surtout de la perte d’attractivité de la France !

Non, la France de Nicolas Sarkozy ne donnait plus envie d’investir !

M. Laurent Furst. Mensonge !

M. Dominique Baert. Aujourd’hui, la situation a changé.

M. Philippe Meunier. Énorme !

M. Dominique Baert. La croissance française se redresse à 0,6 % au premier trimestre, ce qui annonce – nous l’espérons tous – un retour à des taux supérieurs à 1,5 %, qui sont créateurs d’emplois.

M. Éric Straumann. Et le chômage ?

M. Dominique Baert. La France redresse ses comptes publics, respecte ses engagements européens et emprunte à des taux d’intérêt plus bas que jamais, ce qui atteste de sa bonne crédibilité économique et financière.

M. Patrice Verchère. Grâce à Hollande ?

M. Dominique Baert. Surtout, ce qui a changé, c’est que la France est redevenue attractive ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Le baromètre 2014 des investissements directs étrangers est publié aujourd’hui. Que montre-t-il ? Que les investissements en France sont en hausse de 18 % par rapport à 2013 et de 30 % depuis 2012 ! Cette forte progression est la meilleure parmi les grands pays européens ! (Mêmes mouvements.)

M. Laurent Furst. Il sort de la salle de shoot !

M. Dominique Baert. Ce résultat n’est pas le fruit du hasard, mais la conséquence des mesures prises depuis 2012 : relance d’une politique industrielle, pacte de responsabilité et crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, création de la Banque publique d’investissement, simplification et retour des grands investissements d’avenir.

En matière d’investissements industriels, la France est la première destination en Europe, et c’est tant mieux ! (« Charlatan ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Monsieur le ministre de l’économie, comment appréciez-vous ce regain de confiance dans la France et dans ses atouts, (Rires et vives exclamations sur les bancs du groupe UMP) si fondamental pour que l’emploi des Français puisse bientôt profiter à plein d’une croissance aussi espérée qu’utile ?

Plusieurs députés du groupe UMP. Allô ?

M. le président. Chers collègues, je vous propose d’écouter dans le calme la réponse de M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Cessez donc de le soutenir, vous allez le compromettre ! (Rires.)

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Dominique Baert, en matière d’investissements directs étrangers, les résultats que vous citez, qui ont été publiés ce matin par une institution privée, sont bons. (« C’est faux ! » sur certains bancs du groupe UMP.) Ils sont pour l’essentiel le fruit de quatre éléments de notre politique économique.

M. Patrick Ollier et M. Bernard Deflesselles. Citez plutôt la Cour des comptes !

M. Emmanuel Macron, ministre. Tout d’abord, la politique de compétitivité menée depuis 2012 s’appuie sur le CICE, sur le pacte de compétitivité, mais aussi sur le maintien du crédit impôt-recherche et des dispositifs d’innovation ; elle vaut tout autant pour les entreprises françaises que pour celles et ceux qui décident d’investir en France.

Ensuite, la politique de réforme et de modernisation de notre économie se poursuit avec la loi de modernisation du dialogue social, qui est en cours de discussion dans votre Assemblée, avec les lois qui ont été adoptées en matière de formation professionnelle et de sécurisation de l’emploi, et avec la loi pour la croissance et l’activité ainsi que les réformes de l’école, qui modernisent notre économie et nos structures. Toutes ces réformes sont importantes pour les entreprises qui viennent investir en France.

Troisième axe : la politique de stabilité. Le pacte de stabilité et les mesures qu’il contient apportent de la stabilité dans le temps et donnent de la visibilité aux investisseurs étrangers – c’est fondamental.

M. Yves Fromion. En somme, il faudra donc réélire Hollande ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Enfin, nous défendons avec Laurent Fabius et Matthias Fekl un dispositif à l’étranger qui permet là encore de simplifier notre organisation. La création de Business France nous permet de nous projeter à l’international. La simplification concerne aussi bien celles et ceux qui veulent investir en France que nos PME et nos ETI exportatrices. De plus, nous avons réactivé le Conseil stratégique de l’attractivité afin de prendre en compte les demandes de ces entreprises.

Oui, les mesures concernant le délit d’entrave et les bons de souscription pour les créateurs d’entreprise ainsi que les mesures de simplification que nous prenons sont bonnes pour l’attractivité. Voilà ce que le Président de la République présentera le 16 juin prochain ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Affaire de Tarnac

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour le groupe écologiste.

M. Sergio Coronado. Après plus de six ans d’instruction, madame la garde des sceaux, le procès de Tarnac approche. Dans les réquisitions transmises à la presse, le parquet requiert le renvoi de trois militants en correctionnelle pour terrorisme,…

Plusieurs députés du groupe UMP. Il a raison !

M. Sergio Coronado. …sans étayer cette inculpation d’une extrême gravité.

Il apparaît de plus en plus clairement, pour reprendre les mots de François Hollande en 2009, que la qualification de terrorisme a été utilisée bien imprudemment et que la procédure a été engagée bien précipitamment. On accuse ces trois individus d’avoir participé à des manifestations, à des réunions même, en Europe et aux États-Unis. On les accuse d’avoir organisé une communauté dans un village de Corrèze.

Un député du groupe UMP. Chez Hollande !

M. Sergio Coronado. Présents dans les fêtes, appréciés par la population, militants au grand jour, ces jeunes ont repris pour les uns une ferme, pour d’autres l’épicerie de Tarnac.

M. Patrice Verchère. Absurde !

M. Sergio Coronado. Le parquet accuse ces trois individus d’avoir lu et diffusé un ouvrage, et de s’en être inspirés. Ce livre, que je tiens à la main (M. Coronado brandit un ouvrage), que j’ai acheté et que j’ai lu comme 60 000 de nos concitoyens, est connu sous le titre de L’insurrection qui vient. (« Il n’a pas le droit de faire cela ! » sur les bancs du groupe UMP.) En somme, madame la garde des sceaux, c’est un livre qui nourrit les réquisitions du parquet.

François Hollande l’avait dit avec clarté et force ; l’affaire dite de Tarnac est politique. Comment la ministre de l’intérieur de l’époque a-t-elle pu déclencher avec le concours du parquet une procédure qui ressemble encore aujourd’hui à une farce ?

L’affaire est même une conséquence de la politique gouvernementale d’alors. Le 13 juin 2008, une circulaire de Mme Rachida Dati ordonnait aux parquets de se dessaisir des dossiers impliquant les « anarcho-autonomes » en faveur de la section antiterroriste du parquet de Paris. Cette circulaire s’inscrivait dans le droit fil des efforts déployés par Mme Alliot-Marie visant à ressusciter le spectre des années de plomb.

Le gouvernement a changé, mais cette circulaire est toujours en vigueur.

Pouvez-vous, madame la ministre, informer la représentation nationale en indiquant le sort que vous réservez à cette circulaire ? Notre pays doit affronter des menaces terroristes réelles ; il apparaît bien irresponsable de s’inventer des terroristes qui n’en sont pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Sergio Coronado, vous comprendrez sans difficulté que je ne porte strictement aucune appréciation sur une procédure en cours. Je vous répondrai donc de façon générale : il est hors de question de criminaliser des positionnements politiques. L’appartenance à une mouvance anarchiste ou autonomiste, par exemple, relève d’une liberté et ne peut être criminalisée si ce positionnement respecte la loi.

La circulaire que vous évoquez invite tous les parquets à se concerter pour se répartir les procédures. Je vous précise que si des voies de fait sont commises, démontrées et établies, elles relèvent du droit commun, car la République ne recourt pas à des qualifications terroristes pour réprimer des contestations sociales.

L’acte terroriste est très clairement défini dans le code pénal, dont l’article 421-1 précise bien qu’il a pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur. Il va de soi que les contestations sociales n’en sont pas.

La société française retrouve du goût pour Voltaire : nous savons bien que même les points de vue dérangeants ont droit de cité tant qu’ils sont exprimés dans le cadre du droit.

Si des actes font l’objet de procédures, les magistrats doivent juger et, surtout, doivent pouvoir juger en droit. C’est ce qu’a voulu ce Gouvernement, et c’est pourquoi il vous a présenté la loi du 25 juillet 2013, que vous avez adoptée et qui interdit toute instruction individuelle. C’est dans cet esprit que nous voulons parachever l’indépendance du parquet et le statut de la magistrature par la réforme constitutionnelle qui permettrait effectivement cette indépendance.

M. Bernard Roman. Sur ce sujet, nous attendons la droite !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous savez qu’il nous faut recueillir les trois cinquièmes des voix du Parlement et que l’opposition s’y oppose avec opiniâtreté, mais nous continuerons à œuvrer en faveur de l’indépendance de la magistrature ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Dialogue social et emploi

M. le président. La parole est à M. Gérard Menuel, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Gérard Menuel. Monsieur le Premier ministre, depuis hier, l’Assemblée nationale examine votre projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi alors même que le taux de chômage n’a jamais été aussi élevé. Avec 615 000 demandeurs d’emploi supplémentaires depuis mai 2012, votre projet de loi n’a d’emploi que le nom. Il ne fait rien pour favoriser la création des postes et inverser la courbe du chômage. Vous auriez au moins pu suivre votre ministre du travail et modifier les seuils, ou du moins les geler, car ils sont un frein à l’embauche.

Concernant le dialogue social, malgré de bien maigres avancées, votre texte cible les petites entreprises. Vous allez ouvrir leurs portes aux syndicats, alors même que le dialogue social fonctionne très bien dans les entreprises de moins de onze salariés ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.) En effet, ces entreprises de taille humaine sont le lieu d’un dialogue permanent entre employeurs et salariés.

Pire, la majorité de gauche de la commission des affaires sociales a encore alourdi cette mesure, déséquilibrant ainsi le texte du Gouvernement.

Les petites entreprises ne s’y trompent pas : elles ne font pas confiance à votre gouvernement. Seulement 29 % de patrons de TPE se déclarent optimistes, et ce ne sont malheureusement pas vos récentes annonces sur le compte pénibilité qui vont les rassurer.

Après deux ans de tergiversations au cours desquels l’UMP vous a toujours mis en garde, vous avez accepté quelques évolutions, mais par le biais d’amendements de dernière minute. Les dix facteurs et critères restent pourtant inchangés. Vous allez ainsi créer de nouveaux régimes sociaux de retraite alors que notre système de retraites ne peut plus se le permettre !

Monsieur le Premier ministre, quand allez-vous enfin faire confiance aux entreprises ? Quand allez-vous enfin passer des paroles aux actes ? Que répondez-vous à ces 71 % de créateurs d’emplois et à la très grande majorité des Français qui ne vous font plus confiance ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Pierre Lequiller. Bravo !

M. Marc-Philippe Daubresse. Ils aiment l’entreprise, mais ils ne le montrent pas !

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le député, votre question appelle deux types de réponse. La première concerne le projet de loi sur le dialogue social, dont j’ai depuis hier soir l’occasion de débattre avec vos collègues. Je vous invite d’ailleurs à participer à ce débat. Vous avez déjà évoqué hier soir des questions concernant la représentation des salariés dans les très petites entreprises. Je suis toujours très surpris que vous ne vous réjouissiez pas du fait que l’ensemble des salariés de ce pays bénéficient d’un système de représentation.

Car, dans notre société, ce sont 4,6 millions de salariés qui, travaillant dans les très petites entreprises, n’avaient jusqu’à présent aucun système de représentation. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Il n’y a rien de plus juste que d’assurer leur représentation.

Vous dites que cela vous inquiète – inquiétudes dont vous vous faites d’ailleurs le chantre – alors même que dans l’artisanat, et pour l’UPA, l’Union professionnelle artisanale, qui le représente, cette représentation a fait ses preuves depuis 2001.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Très bien !

M. François Rebsamen, ministre. Car elle existe depuis 2001 ! Si vous y étiez opposés, pourquoi, pendant dix ans, ne l’avez-vous pas supprimée ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.) Il faut vous poser la question ! Si vous ne l’avez pas fait, c’est qu’il est utile de permettre à tous les salariés d’être représentés.

M. Yves Fromion. Combien de salariés sont syndiqués ?

M. François Rebsamen, ministre. Le Premier ministre a pris hier un certain nombre de mesures de simplification pour mettre fin à la complexité que vous aviez vous-mêmes créée en instaurant, en novembre 2011, la fiche individuelle. C’est votre œuvre, c’était une œuvre de complexité et heureusement, le Premier ministre et le Gouvernement ont pris des mesures de simplification. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Paul Molac. Très bien !

Lutte contre Daech

M. le président. La parole est à M. Meyer Habib, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Meyer Habib. Monsieur le Premier ministre, réveillons-nous. La stratégie de lutte contre Daech est un échec total, nous l’avons vu ces derniers jours. À Palmyre, à Ramadi, Daech progresse sur tous les fronts. La suite, hélas, nous la connaissons : crimes de guerre, viols, épuration ethnique, destruction de trésors archéologiques.

En 2015, on crucifie des chrétiens dans leur berceau historique. En 2015, on crucifie des chrétiens ! Au Levant, un siècle après les génocides arménien et assyro-chaldéen, les premières communautés chrétiennes disparaissent sous nos yeux, dans un silence assourdissant. On en parle, oui, on s’émeut, mais concrètement, rien !

Cette guerre est à nos portes : Toulouse, Charlie, Hyper Cacher, Aurélie Châtelain… Dois-je rappeler que, le mois dernier, seul un hasard invraisemblable – la providence, diront les croyants – nous a épargné un massacre dans les églises du Val-de-Marne ?

Face à l’urgence, Obama a improvisé une non-stratégie de frappes aériennes, sans vision ni efficacité, avec pour seul objectif d’avaliser à tout prix un mauvais accord, un terrible accord, sur le nucléaire iranien. Obama cède à la République islamique d’Iran qui, depuis trente ans, est la matrice du djihad mondial. Daech n’existerait pas sans l’Iran.

Une stratégie se juge aux résultats. Or, à ce jour, ils sont catastrophiques. Les frappes aériennes ne suffisent pas : on ne gagne pas une guerre par procuration.

M. François Rochebloine. Très bien !

M. François Sauvadet. Bravo !

M. Meyer Habib. Cette guerre ne se gagnera qu’au sol ou ne se gagnera pas, ou a minima grâce à un appui terrestre à des alliés fiables, ce qu’a démontré la bataille de Kobané.

Avant qu’il ne soit trop tard, le monde, ou à défaut la France, doit prendre ses responsabilités. Dans moins de deux heures, le Président de la République fera entrer au Panthéon quatre résistants à la barbarie nazie. La France doit montrer la voie face à cette nouvelle barbarie qu’est le « nazislamisme » !

Monsieur le Premier ministre, par-delà les mots, allons-nous plaider mardi prochain pour un appui terrestre de la coalition face à la barbarie djihadiste ? La France ne peut abandonner les chrétiens d’Orient. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. Monsieur le député, il y a beaucoup de choses dans votre question, mais je retiens d’abord l’indignation légitime qui est la vôtre face aux massacres commis au Proche-Orient et au Moyen-Orient et qui ont une série de conséquences en France.

Une question me sera posée dans un instant sur l’Irak et la Syrie, aussi ne relèverai-je qu’un aspect de votre intervention, vous m’en excuserez : il concerne l’Iran, sujet auquel vous êtes, je le sais, très attaché.

Je recevais hier le directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique. Nous avons discuté de ce qu’il fallait faire, ou ne pas faire, dans la perspective de l’accord ou du désaccord sur le nucléaire iranien. Nous sommes tombés d’accord sur le fait qu’il fallait rechercher un accord, mais que cet accord ne serait acceptable – c’est en tout cas la position de la France, puissance indépendante – que s’il est robuste et ne permet en aucun cas à l’Iran de se doter de l’arme nucléaire.

M. Georges Fenech. Très bien !

M. Laurent Fabius, ministre. Je vous réponds avec précision sur le point suivant : il n’y aura pas d’acceptation de la France s’il n’est pas clair que toutes les installations iraniennes, y compris les sites militaires, pourront être vérifiées. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et UMP.)

M. Alain Marty. Ce n’est pas la question !

M. Laurent Fabius, ministre. Sur ce point, j’aimerais que la totalité des cinq autres grands pays qui discutent avec nous face aux Iraniens adoptent la position française. Oui à un accord, mais non s’il permet à l’Iran de se doter de la bombe atomique. Telle est la position de la France, puissance indépendante et puissance de paix. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Lutte contre Daech

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Nicolas Dhuicq. Monsieur le président, mes chers collègues, le sang des victimes n’a pas encore séché que de nouvelles se préparent ! Les combattants du huitième califat, impies qui combattent au nom d’une foi dévoyée, continuent leurs massacres sur les décombres de ce qui fut l’Irak et la Syrie ! Monsieur le ministre des affaires étrangères, vous prophétisiez dans ce même hémicycle au mois de juillet dernier la mort d’Assad. Mais si le régime d’Assad tombe, ce sont les chrétiens d’Orient, inestimable passerelle entre l’Occident et l’Islam, qui seront égorgés ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. François Rochebloine. C’est hélas la vérité !

M. Nicolas Dhuicq. Monsieur le ministre, à l’heure où nous, qui avons le ventre plein et vivons en paix, voyons le réel revenir dans l’Histoire qui est tragique par essence, le Gouvernement dont vous êtes membre collabore comme les précédents avec ceux-là mêmes qui ont financé le monstre Daech ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Qui finance Daech ? Pour combien ? Où va l’argent saoudien et qatari ? Alors même que vous ne cessez d’invoquer la laïcité, le Président de la République s’est rendu dans un pays qui décapite pour motif religieux, l’Arabie saoudite. Il n’y a plus de politique étrangère française…

M. Philippe Baumel et M. Jean-Pierre Dufau. Et quoi encore ?

M. Nicolas Dhuicq. …car vous suivez aveuglément la politique américaine jusque dans ses aventures funestes !

M. Nicolas Bays. Il est frappé !

M. Jean-Claude Perez. Chez le psychiatre !

M. Nicolas Dhuicq. Le Gouvernement dont vous êtes membre allume un feu de paille pour faire croire à la représentation nationale qu’il investit suffisamment dans la défense (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC) mais quel que soit le courage de nos marins, de nos aviateurs et de nos soldats, c’est au sol que la guerre se gagnera en effet !

M. Nicolas Bays. Irresponsable !

M. le président. S’il vous plaît, monsieur Bays !

M. Bruno Le Roux. Internez-le !

M. Nicolas Dhuicq. Elle se gagnera idéologiquement, en particulier à l’université al-Azhar. J’attends des imams sunnites qu’ils condamnent fermement les actions de Daech et la folle idée du huitième califat dont la prochaine cible est la ville de Dabiq puis Jérusalem pour la bataille finale ! Nous sommes face à une dangereuse secte millénariste ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. J’ai tâché d’écouter votre question en dépit du bruit, monsieur le député, et vous prie de m’excuser si je n’en ai pas tout entendu. Elle porte sur un certain nombre de sujets dont le principal est Daech, si j’ai bien compris. Daech est un ennemi pour tous ceux qui sont ici, pour tous les démocrates et pour tous ceux qui ont tout simplement une fibre humaine. Ses exactions sont sans équivalent. Je ne suis pas d’accord avec vos propos selon lesquels le rôle de la France serait d’aller combattre Daech au sol. Si je vous interrogeais les uns et les autres pour savoir si vous souhaitez l’engagement au sol de la France en Irak et en Syrie, votre réponse serait non, à raison. La réponse, monsieur le député, nous n’avons cessé de la demander. Elle est d’ordre politique. Nous sommes ici pour faire de la politique et proposer la solution grâce à laquelle vaincre Daech à la fois en Irak et en Syrie.

En Syrie, où c’est probablement le plus difficile, la réponse ne consiste pas à prendre parti pour M. Bachar el-Assad, non seulement pour des raisons morales mais aussi pour des raisons pratiques. En effet, si nous prenions parti pour M. Bachar el-Assad qui est aujourd’hui affaibli, nous jetterions la majorité du peuple syrien dans les bras du groupe terroriste Daech. La France, puissance indépendante, ne s’aligne sur personne. Vous avez cité les États-Unis d’Amérique mais de nombreux exemples illustrent les positions indépendantes de la France qui demande la conclusion d’une alliance entre d’un côté, certains éléments de l’opposition, et de l’autre, des éléments du régime à l’exclusion de M. Bachar el-Assad car c’est la seule manière de parvenir à une Syrie intègre et libre et de lutter enfin efficacement contre le groupe terroriste Daech ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et plusieurs bancs du groupe écologiste.)

Lutte contre le tabagisme

M. le président. La parole est à M. Frédéric Barbier, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Frédéric Barbier. Ma question s’adresse à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Ce dimanche 31 mai aura lieu la Journée mondiale antitabac, consacrée cette année à la lutte contre le commerce illicite de tabac. Ce fléau représente selon l’Organisation mondiale de la santé 12 % des quelque 6 000 milliards de cigarettes fabriquées dans le monde chaque année. En France, le commerce parallèle représenterait 20 % du commerce légal. Le commerce illicite nuit gravement aux politiques de santé publique en faisant circuler du tabac bon marché principalement destiné à nos adolescents. Or les jeunes qui commencent à fumer aujourd’hui seront les fumeurs « accros » de demain. Il entraîne aussi un manque à gagner fiscal énorme estimé à 12 milliards d’euros par an dans l’Union européenne et plus de 2 milliards d’euros en France. Il est également la cause de plusieurs centaines de fermetures de bureaux de tabac par an.

Plus de 90 % du commerce parallèle est composé de cigarettes fabriquées et vendues par les cigarettiers eux-mêmes. Responsable du groupe de travail sur l’avenir des buralistes, je l’ai constaté au Luxembourg et en Andorre. Nous, députés socialistes, souhaitons intensifier la lutte contre le trafic. Nous débattrons ici le 8 juin prochain, à l’initiative de notre collègue Philip Cordery, de la coordination des politiques européennes en matière de prévention et de lutte contre le tabac. L’Union européenne doit ratifier à son tour le protocole de l’OMS signé le 20 décembre 2013 et chaque État membre est invité à faire de même. Il en va de la santé publique, de la lutte contre les trafics, de la pérennité de nos commerces de proximité que sont les buralistes et de la garantie de nos recettes fiscales. Majorité et opposition doivent travailler ensemble en France et avec tous nos partenaires européens. Nous soutenons les mesures proposées dans votre projet de loi, madame la ministre. Que comptez-vous faire pour assurer l’harmonisation des prix et des pratiques de vente des produits du tabac avec nos partenaires européens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Laurent Furst. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Nous avons engagé une politique résolue de lutte contre le tabagisme, monsieur le député Frédéric Barbier. Il faut commencer par rappeler les chiffres. Le tabac tue en France plus de 75 000 personnes chaque année et les jeunes sont les premiers concernés car on commence à fumer trop tôt.

M. François Sauvadet. La question porte sur l’harmonisation !

Mme Marisol Touraine, ministre. C’est pourquoi le plan national de réduction du tabagisme inscrit dans la loi de modernisation de notre système de santé s’adresse d’abord aux jeunes en essayant de rompre l’attrait qu’exerce sur eux le tabac. C’est tout le sens, en particulier, de la mise en place du paquet neutre auquel s’intéressent de plus en plus de pays européens, car il faut une réponse européenne. Lutter contre le tabagisme et ses ravages consiste aussi à aider les adultes désireux d’arrêter de fumer par le biais d’une campagne de communication choc et grâce au triplement de l’aide financière au sevrage. Cela consiste aussi, comme vous le soulignez, monsieur le député, à lutter résolument contre les trafics et les achats illicites de tabac.

Vous y êtes particulièrement sensible et vous vous y attachez dans le cadre de votre groupe de travail. Le Gouvernement, lui aussi, agit et intervient. Nous avons ainsi renforcé les sanctions pénales à l’encontre des responsables de tels trafics. Nous avons limité le nombre de cartouches de cigarettes que les consommateurs sont autorisés à rapporter des pays membres de l’Union européenne pour leur usage individuel. Le conseil des ministres a adopté le 29 avril dernier le protocole de l’Organisation mondiale de la santé améliorant la traçabilité des produits du tabac. Ce texte sera soumis très prochainement à votre assemblée. Comme vous le voyez, monsieur le député, le Gouvernement agit avec fermeté ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Réformes de l’économie

M. le président. La parole est à M. Charles de La Verpillière, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Charles de La Verpillière. Monsieur le Premier ministre, avec le Président de la République, vous répétez sans cesse que les réformes vont continuer jusqu’en 2017. Tous ceux qui comprennent le hollandais traduisent le discours présidentiel ainsi : « Ne faisons rien, ne risquons pas de fâcher les syndicats, les fonctionnaires, les frondeurs, les écologistes, les intermittents du spectacle ou les ratons laveurs ». (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Michel Pouzol. Quelle honte !

M. Charles de La Verpillière. Les Français ne sont pas dupes. Ils ont compris la stratégie de M. Hollande : deux ans de campagne électorale avec des commémorations, des déplacements et des lois bavardes, des lois cosmétiques, des lois Bisounours. (Mêmes mouvements.)

Monsieur le Premier ministre, votre inaction est une faute. En ne faisant rien, vous gaspillez les facteurs conjoncturels externes qui pourraient relancer durablement la croissance française : la baisse du prix du pétrole, le cours de l’euro, qui facilite les exportations, et les taux d’intérêts bas, favorables aux investissements.

Monsieur le Premier ministre, la croissance de 0,6 % au premier trimestre est une bonne chose, mais elle ne doit pas servir d’alibi à votre immobilisme. Ce sera un feu de paille si aucune réforme structurelle n’est entreprise sur la durée du travail, les seuils sociaux, qui découragent l’embauche, la pression fiscale, qui fait fuir le capitaux, les dépenses publiques, les plus élevées en Europe, et enfin un déficit qui s’est accru de 10 milliards d’euros selon le rapport de la Cour des comptes, très sévère, publié ce matin, dont M. Macron a oublié de parler à l’instant. (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur le Premier ministre, en l’absence de réformes structurelles, notre économie ne repartira pas durablement et le chômage ne baissera pas. Les Français attendent. Et vous, qu’attendez-vous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Monsieur le député, je veux vous rassurer : les réformes continuent, et continuent d’ailleurs sous vos yeux et avec vous. De fait, plusieurs réformes sont aujourd’hui soumises à l’Assemblée nationale, comme la modernisation du dialogue social, avec le projet de loi que porte François Rebsamen. Dans les prochains jours, le Premier ministre conduira aussi des auditions avec les partenaires sociaux en prévision d’une réunion et de décisions qui seront prises au début du mois de juin pour faire bénéficier les TPE et les PME de mesures de simplification. Ce sont des réformes importantes.

Mais, monsieur le député, on ne réforme pas une économie sans prendre en compte les intérêts des « gens », comme vous dites : on réforme une économie en écoutant les syndicats, en croyant au dialogue social, en travaillant dans la concertation et, comme vous le voyez, en continuant à avancer avec les uns et les autres. En effet, ces réformes qui vous sont proposées, à travers les projets de loi qui forment l’agenda gouvernemental, sont autant de réformes, pardon de vous le dire, que vous n’avez pas faites. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Jacob. Dieu merci, celles-là, on ne les a pas faites !

M. Emmanuel Macron, ministre. Il vous est arrivé de faire de grandes déclarations, à l’emporte-pièce, il vous est arrivé souvent d’agir dans la brutalité, avant de vous arrêter. La réforme qui construit progressivement le consensus social, le dialogue social, tout en avançant résolument, constitue la marque de ce gouvernement et de celui qui l’a précédé.

M. Christian Jacob. Et la réforme du collège ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Je n’ai pas oublié tout à l’heure, monsieur le député, en répondant à une question relative à l’attractivité, de parler des finances publiques. J’essaie de répondre à chaque question en restant à peu près dans le sujet. Mais puisque vous m’y invitez, je peux ouvrir une parenthèse pour vous dire qu’effectivement, la loi de règlement qui a été présentée ce matin est dans les clous et a fait l’objet de différentes validations par le Haut conseil des finances publiques. Nous ne pouvons que nous féliciter que l’exécution des comptes en 2014 ait été en ligne, et même un peu meilleure, comme vous le savez, que ce qui était prévu.

Donc, oui, l’agenda de réforme continue et continuera jusqu’au dernier quart d’heure, et je ne pense pas qu’il faille troubler les Français avec votre obsession des campagnes présidentielles : c’est votre problème, ce n’est pas celui du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et quelques bancs des groupes écologiste et RRDP.)

Inscription sur les listes électorales

M. le président. La parole est à Mme Elisabeth Pochon, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Elisabeth Pochon. Monsieur le ministre de l’intérieur, j’espérais ne pas avoir à vous interpeller de nouveau sur le projet de réouverture exceptionnelle de l’inscription sur les listes électorales en 2015, avant les prochaines élections régionales, prévues les 6 et 13 décembre prochains, tant il me paraissait acquis que, sur tous nos bancs, nous avions pleinement conscience que le suffrage universel est notre capital commun et que nous avions à cœur de faciliter son accès au plus grand nombre de citoyens, assumant, par là même, notre responsabilité de législateur.

Parmi les questions multiples qui nous sont posées par cette désaffection des urnes par nos concitoyens, il en est une, pragmatique, qui consiste à s’assurer que les modalités d’inscription sur les listes électorales ne sont pas un frein supplémentaire à l’accomplissement du devoir électoral de chacun. Or, des freins, nous en avons identifié plusieurs, certains gênant l’inscription, d’autres décourageant ou compliquant le vote.

Le rapport, adopté à l’unanimité par la commission des lois, que nous avons remis en décembre 2014 avec M. Jean-Luc Warsmann faisait état de vingt-trois propositions. La première d’entre elles affirmait la nécessité de rouvrir exceptionnellement les délais d’inscription à tous nos concitoyens sur la liste électorale de 2015, et préconisait la tenue d’une deuxième révision des listes pour tenir compte du report programmé des élections régionales.

Quelle mouche a donc piqué l’UMP, la poussant à rompre le consensus et à se dédire en séance à l’Assemblée, en votant seule contre la proposition de loi qui visait à cette réouverture ? C’est d’autant moins compréhensible qu’avec M. Warsmann, nous sommes déjà au travail sur un nouveau texte de toilettage de notre code électoral, pour améliorer ce parcours démocratique.

Mais, surtout, qu’est-il arrivé à la droite au Sénat, qui a dénaturé cette proposition de loi, hypothéquant son adoption obligatoire dans les meilleurs délais, pour en permettre l’application ? De fait, le Sénat a fait une autre proposition législative, qui n’est pas viable.

M. Christian Jacob. Peut-on répondre à la place du Gouvernement ?

Mme Elisabeth Pochon. Monsieur le ministre, quels arguments comptez-vous avancer pour convaincre les sénateurs que la loi a pour objet d’améliorer le système, non de l’emboliser ? Quelles sont nos dernières chances d’y parvenir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Madame la députée, vous m’interrogez sur ce que l’on peut faire pour appliquer un dispositif sur lequel vous avez beaucoup travaillé, et qui était destiné à faire en sorte que, dans le compromis, dans le consensus, on puisse rouvrir les listes électorales, pour lutter efficacement contre l’abstention.

M. Guy Geoffroy. Ce n’était pas le seul sujet !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Un travail très important a été mené de façon consensuelle avec Jean-Luc Warsmann et l’opposition ; vingt-trois propositions en ont émané, que vous avez traduites dans une proposition de loi dont l’Assemblée nationale a débattu, avant que le Sénat ne le fasse à son tour, la semaine dernière. De quoi s’agissait-il ? D’ouvrir, pour l’année 2015, de façon exceptionnelle, la possibilité de s’inscrire sur les listes électorales, de telle sorte que ceux qui vont voter au mois de décembre – il est de fait exceptionnel de voter à cette période – puissent s’inscrire le plus tard possible. Bref, qu’ils puissent voter.

Il est absolument indispensable de remplir cet objectif, pour des raisons qui tiennent en deux chiffres : en France, 3,5 millions de personnes ne sont pas inscrites sur les listes électorales et 6 millions sont mal inscrites. Le Sénat n’a pas voté conforme le texte de l’Assemblée nationale, alors qu’il aurait pu y avoir un consensus, préférant généraliser une disposition dont il n’a pas vérifié la faisabilité technique. De fait, pour sympathique qu’elle soit, la mesure qu’il a adoptée est inopérante sur le plan technique et opérationnel, car elle ouvre la possibilité d’une double inscription, ne permet pas à l’INSEE de faire une liste nationale et pèse de tout son poids sur les communes.

J’espère que la commission mixte paritaire permettra d’aboutir à un accord. Si tel n’est pas le cas, nous ferons en sorte que le texte puisse être examiné dans les meilleurs délais. Je forme le vœu qu’avec Jean-Luc Warsmann et l’ensemble des groupes nous puissions étudier une mesure de portée générale, qui fera l’objet d’un deuxième texte de loi qui sera adopté, je l’espère, dans le courant de l’année 2015. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Budget de la culture

M. le président. La parole est à M. Guénhaël Huet, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Guénhaël Huet. Ma question s’adresse à Mme le ministre de la culture et de la communication.

« Cela a été une grave erreur au cours des deux premières années du quinquennat de François Hollande de baisser le budget de la culture […]. C’était un mauvais signe. » Cette formule n’émane ni d’un dirigeant d’une association culturelle, ni d’un élu de l’opposition : elle a été prononcée par le Premier ministre, Manuel Valls, en visite à Cannes lors d’un colloque sur les droits d’auteur. Une fois n’est pas coutume, nous sommes en accord avec M. Valls, à ceci près que, à notre sens, il ne s’agit pas seulement des deux premières années du quinquennat, et que le mauvais signe perdure.

La preuve en est qu’une médiatrice culturelle d’un centre national des arts situé dans le Nord vient de publier une « cartocrise » culturelle qui recense, région par région, les festivals et les structures artistiques qui ont disparu depuis quelques mois faute de financements suffisants. Le verdict est sans appel, madame le ministre : depuis l’été dernier, 150 festivals ont disparu en France. Toutes les régions, toutes les expressions artistiques sont concernées. Pour un gouvernement qui ne cesse de dire que la culture est une priorité, voilà une belle réussite !

La réponse facile, voire même simpliste, madame le ministre, sera de nous dire que c’est de la faute des collectivités locales.

Mme Audrey Linkenheld. C’est de la vôtre !

M. Guénhaël Huet. C’est cependant ce gouvernement qui depuis 2012 réduit les crédits de la culture, c’est ce gouvernement qui cette année sabre de 3,7 milliards d’euros les dotations de l’État aux collectivités locales.

Madame le ministre, pour la culture, le moment est grave : le service public du spectacle vivant et, plus largement, le service public de la culture a une vraie signification dans notre pays. Allez-vous réagir ou allez-vous laisser s’allonger cet été la liste des festivals sacrifiés et, avec eux, ces moments de rassemblement et d’émotion qui sont partagés dans toute la France ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, monsieur le député, le ministère de la culture a en effet participé à l’effort de redressement des comptes publics que ce gouvernement, de manière très responsable, a mis en œuvre à partir de 2012.

Cela étant dit, je m’inscris en faux contre vos propos : à partir de 2015 et jusqu’en 2017, ainsi que le Premier ministre l’a indiqué à de nombreuses reprises, le budget du ministère de la culture sera dans un premier temps stabilisé, puis augmenté au cours des prochaines années. Telle est ma première réaction à ce que vous avez affirmé.

Par ailleurs, vous évoquez la question des festivals. Je n’ai évidemment pas attendu votre question pour me pencher sur le sujet. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Sachez que les festivals en France sont, pour l’essentiel, financés par les collectivités territoriales. Il n’est pas question de se défausser sur les uns ou les autres, dire que c’est de la faute d’untel ou d’untel ne m’intéresse pas. Je prends mes responsabilités et je travaille en partenariat avec l’ensemble des collectivités locales. (Nouvelles exclamations sur les mêmes bancs.)

Je vais vous rapporter un chiffre très intéressant. Il existe en France plus de 1 600 festivals de musiques actuelles. L’année dernière, 51 festivals ont été supprimés mais, parallèlement, 45 nouveaux festivals ont été créés. En réalité, pour les musiques actuelles, seuls 7 festivals ont disparu. Il y a donc une vie des festivals, qui peut s’expliquer, comme l’a indiqué très récemment la directrice de la Fédération française de festivals de musique et spectacle vivant, par le fait que certains d’entre eux ne trouvent pas leur public ou pâtissent de conditions économiques difficiles parce qu’un certain nombre d’artistes augmentent considérablement leur cachet.

J’ai ainsi pris plusieurs mesures. Le Premier ministre et moi-même avons tout d’abord signé la semaine dernière des pactes culturels pour engager les collectivités à maintenir leurs crédits pour la culture.

M. Éric Straumann. Avec quels moyens ?

Mme Fleur Pellerin, ministre. Parallèlement, je désignerai très prochainement une personnalité qualifiée qui aura pour charge de faire le tour des collectivités locales et de veiller à ce que nous puissions au cas par cas trouver des solutions pour les festivals. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. François Sauvadet. On parle de l’État, pas des collectivités !

Nomination des présidents de l’audiovisuel public

M. le président. La parole est à M. Rudy Salles, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Rudy Salles. Ma question s’adresse à madame la ministre de la culture.

Souvenez-vous ce que disait le candidat François Hollande sur l’audiovisuel public en 2012 : « Moi, Président de la République, je n’aurai pas la prétention de nommer les directeurs des chaînes de télévision publique […]. » Si le candidat nous promettait transparence, exemplarité et impartialité, le bilan du Président de la République est aujourd’hui entaché de reniements graves.

M. Jean Glavany. Pas du tout !

M. Rudy Salles. Depuis lors, en effet, l’Assemblée s’est vue privée d’un débat sur la nomination d’Olivier Schrameck, ancien directeur de cabinet de Lionel Jospin, au Conseil supérieur de l’audiovisuel, nomination que nous avons apprise par un communiqué de presse de la présidence de la République.

Depuis lors, le Président de la République a lui-même nommé la directrice de l’audiovisuel extérieur de la France, Marie-Christine Saragosse, en septembre 2012.

Depuis lors, madame la ministre, vous avez également tenté de déstabiliser M. Mathieu Gallet, président de Radio France, en le convoquant pour qu’il rende compte de la gestion catastrophique dont vous êtes responsable !

Depuis lors, surtout, la présidence de France Télévisions a été confiée à une candidate n’ayant aucune expérience dans le domaine de l’audiovisuel ni de l’information, à une candidate qui aurait bénéficié de fuites, de manœuvres lors du renouvellement partiel du CSA et des modifications de la procédure de vote, d’après ce que relate la presse.

Madame la ministre, je n’aurai pas le mauvais goût de rappeler en outre l’expérience de l’Institut national de l’audiovisuel,…

M. François Rochebloine. Si, si, faites-le !

M. Rudy Salles. …dont la présidente, démissionnaire pour avoir dépensé 40 000 euros en frais de taxi alors qu’elle disposait d’une voiture avec chauffeur, a été recasée par vos soins au ministère de la culture.

M. Philippe Meunier. Cela commence à faire beaucoup !

M. Rudy Salles. Alors madame la ministre, ma question est simple : entre copinages et manœuvres, est-on en train d’assister à une prise de contrôle rampante de l’exécutif sur l’audiovisuel public ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, monsieur le député, la majorité a voté en 2013 une loi sur l’indépendance de l’audiovisuel public. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. François Rochebloine. Vous plaisantez !

Mme Fleur Pellerin, ministre. Vous avez choisi, chers députés de l’opposition, de voter contre, et vous avez décidément beaucoup de mal avec l’indépendance de l’audiovisuel public. (Nouvelles exclamations sur les mêmes bancs.)

M. François Sauvadet. Comme vous !

M. le président. S’il vous plaît, chers collègues ! On écoute la réponse de la ministre.

Mme Fleur Pellerin, ministre. C’est votre droit, mais ce gouvernement et cette majorité sont extrêmement fiers d’avoir mis un terme à la pratique qui consistait à décider de manière totalement arbitraire qui devait diriger les entreprises de l’audiovisuel public. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Nous assumons donc parfaitement cette réforme, une réforme d’indépendance à laquelle nous sommes extrêmement attachés.

Comme l’a indiqué hier Olivier Schrameck lors de son audition devant vous – car vous l’avez auditionné –, il y a peut-être des modifications à apporter (« Ah ! » sur les bancs des groupes UMP et UDI) sur les modalités de mise en œuvre de cette loi. En tous les cas, nous sommes attachés à cette indépendance et continuerons de la mettre en œuvre.

M. Rudy Salles. Ce n’est pas vrai !

Mme Fleur Pellerin, ministre. Vous dressez ensuite un catalogue de critiques qui reposent pour la plupart sur des rumeurs publiées dans la presse mais sans une once de vérité. Laissez-moi vous répondre que, depuis ma nomination voilà environ neuf mois,…

M. Patrice Verchère. C’est la catastrophe !

Mme Fleur Pellerin, ministre. …j’ai fait en sorte que pour les entreprises de l’audiovisuel public nous ayons en amont des processus de nomination une réflexion et une vision sur ce que l’État actionnaire attend de l’audiovisuel public. Cela n’avait jamais été fait avant.

Vous vous concentrez uniquement sur l’identité de la personne qui ira à tel endroit ou sera placée à tel autre, alors que, pour ma part, je préfère parler de projets pour l’audiovisuel public.

M. Dino Cinieri. Quel culot !

Mme Fleur Pellerin, ministre. Je préfère parler des valeurs que nous défendons pour l’audiovisuel public, cela m’importe davantage.

Par ailleurs, en matière d’exemplarité, je l’ai dit et je le répète ici, je serai intraitable. (Vives exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Philippe Meunier et M. Patrice Verchère. On le voit en effet !

M. le président. S’il vous plaît, écoutez la réponse jusqu’au bout !

Mme Fleur Pellerin, ministre. Il y a des procédures dans le droit de la fonction publique.

M. Philippe Vigier. 40 000 euros de taxi !

Mme Fleur Pellerin, ministre. Qu’auriez-vous dit si nous avions pris la décision de révoquer Mme Agnès Saal, décision qui aurait été censurée par le Conseil d’État en raison de son irrégularité ? Pour ma part, je préfère agir dans les règles, afin que les décisions que je prendrai en matière disciplinaire et en matière pénale soient appliquées. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC ; huées sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI)

Avenir des retraites

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Thierry Mariani. Monsieur le Premier ministre, depuis février, des négociations entre patronat et syndicats ont lieu sur l’avenir des régimes de retraite complémentaire. Ces négociations sont cruciales pour la pérennité du système de retraites complémentaires, fragilisé par l’arrivée des papy-boomers à la retraite et la réduction de l’assiette des cotisants due à un chômage élevée.

L’enjeu est de sauver l’AGIRC et l’ARRCO – l’Association générale des institutions de retraite des cadres et l’Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés. Si rien n’est fait, les réserves seront épuisées dès 2018 pour l’AGIRC et en 2027 pour l’ARRCO. Les discussions semblent vives, pour ne pas dire tendues, et les négociateurs n’excluent pas de prolonger les discussions au-delà de juin.

Après l’échec des négociations sur le dialogue social, alors que votre gouvernement se targue d’être le gouvernement de la concertation, permettez-nous d’être très inquiets de la tournure que prennent les événements. Plus de 18 millions de salariés du privé sont concernés.

Dans un rapport publié en décembre 2014, la Cour des comptes préconise d’allonger de deux ans la durée du travail. Ce rapport précise par ailleurs que les mesures adoptées depuis 2012 auraient un impact net négatif sur le solde annuel des régimes complémentaires de près de 1,4 milliard d’euros à l’horizon 2020. Voilà l’effet de votre action depuis le début de votre mandat, chers collègues de la gauche !

Lors de la réforme des retraites de 2014, l’UMP avait fait, concernant le régime général, des propositions sur l’âge de départ et la durée de cotisation. Vous les avez balayées d’un revers de la main. Pourtant, la pérennité du système général et celle des retraites complémentaires sont liées. Une véritable réforme structurelle d’ampleur est nécessaire.

Monsieur le Premier ministre, alors qu’une nouvelle réunion des partenaires sociaux a lieu aujourd’hui, que comptez-vous faire pour sauver nos retraites ? Attendre, gagner du temps, reporter, ajourner, tout cela constituerait une grave faute. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Le Gouvernement est évidemment extrêmement attentif à l’évolution de nos régimes de retraite, monsieur le député, et il a pris des mesures courageuses dans la loi de 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites. Contrairement à ce que vous dites, nous avons assumé nos responsabilités, en particulier en allongeant la durée de cotisation, désormais portée à quarante-trois annuités. Et nous l’avons fait tout en prenant des mesures de justice. De cette façon, nous avons divisé par cinq – par cinq ! – le déficit de nos régimes de retraite entre 2011 et 2014, le ramenant de 6 milliards d’euros à un peu plus de 1 milliard. Nous serons à l’équilibre en 2017. Dans le même temps, nous améliorions les retraites des femmes, nous instaurions le compte pénibilité, nous ouvrions des perspectives pour les personnes ayant commencé à travailler très tôt.

Mais nous devons également être attentifs aux retraites complémentaires,…

M. Thierry Mariani. C’est le sujet !

Mme Marisol Touraine, ministre. …qui relèvent, comme vous le savez, de la seule responsabilité des partenaires sociaux. Le déficit des régimes complémentaires existe depuis 2008. À plusieurs reprises déjà, les partenaires sociaux ont fait preuve de leur sens des responsabilités. Le Gouvernement suit avec une extrême attention les discussions en cours entre le patronat et les organisations syndicales. Il fait toute confiance aux partenaires sociaux pour aboutir à un accord de responsabilité et de justice, car il y va de l’intérêt de l’ensemble des salariés du régime général.

M. Thierry Mariani. Habile !

Proposition de loi sur le football

M. le président. La parole est à M. Christian Hutin, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Christian Hutin. Monsieur le secrétaire d’État chargé des sports, parlons un peu football – plus précisément, football français.

M. Thierry Braillard, secrétaire d’État chargé des sports. C’est préférable !

M. Christian Hutin. Récemment, plusieurs parlementaires ont soutenu une proposition de loi visant à permettre aux spectateurs et aux supporters de devenir des acteurs majeurs et citoyens d’un football moderne en France. L’idée est de permettre au public d’intégrer les clubs et les instances nationales d’une manière directe et légale. Cette proposition émanait de tous les bancs de l’Assemblée : aile droite, centre, aile gauche… tout le monde était d’accord pour aller au but !

L’idée est également de permettre aux clubs de supporters et aux spectateurs d’intégrer les instances économiques qui possèdent les clubs professionnels.

M. Jean Glavany. Excellent !

M. Christian Hutin. Enfin, il est proposé que chacun, par le biais de l’actionnariat populaire, puisse accéder à la possession d’une petite part de son club favori, comme cela se fait par exemple en Espagne.

L’objectif général est de lutter contre la violence et la xénophobie, ainsi que contre différentes formes de prosélytisme et de recrutement pratiquées par des organisations extrémistes – le ministre de l’intérieur sait bien de quoi je parle – bref, de responsabiliser de manière citoyenne l’ensemble des supporters de football.

Permettez-moi pour finir d’adresser un petit clin d’œil à M. le Premier ministre : « Que nous soyons du nord ou du sud, nous sommes tous d’accord : un drapeau nous rassemble ! » Ces paroles de l’hymne du Barça traduisent bien l’esprit de cette initiative. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des sports.

M. Thierry Braillard, secrétaire d’État chargé des sports. Alors que notre pays s’apprête à accueillir l’Euro de football en 2016 et la coupe du monde de football féminin en 2019, nous avons tous envie de voir des stades pleins, festifs, dans une ambiance populaire. Cependant, nous avons assisté ces dernières années à des dérives et à des excès. Le Gouvernement, ministère de l’intérieur en tête, a pris les mesures qui s’imposaient, notamment en termes de sanctions, contre les supporters s’étant rendus coupables de faits parfois délictueux.

Comme vous l’avez dit, il est désormais de notre devoir de lancer un vrai dialogue avec les supporters, tant au niveau local qu’au niveau national. Un rapport parlementaire que j’avais cosigné avec Guénhaël Huet, Pascal Deguilhem et Marie-George Buffet contenait déjà des prises de position très précises sur ce point. Le groupe de travail sur le « football durable », présidé par Jean Glavany et auquel participait le sociologue Nicolas Hourcade, a également repris des propositions sur le « supportérisme ».

Avec Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, nous avons décidé de relancer ces initiatives. J’ai été au conseil national des supporters français. J’ai rencontré également rencontré François de Rugy, qui m’a informé de l’élaboration d’un texte.

Nous attendons évidemment d’en connaître la teneur, mais sachez que, sur des sujets tels que l’organisation locale et nationale des supporters et la possibilité d’instaurer un actionnariat populaire dans les sociétés propriétaires de clubs qui le souhaiteraient, le Gouvernement considérera les initiatives avec bienveillance. Nous aurions certes préféré que cela se passe de facto, sans avoir à passer par la loi. Ce n’est pas le cas. Nous attendons donc votre proposition de loi et nous l’accueillerons, comme je l’ai dit, avec bienveillance. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de M. David Habib.)

Présidence de M. David Habib

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

3

Dialogue social et emploi

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi (nos 2739, 2792, 2770, 2773).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Hier soir, l’Assemblée a commencé la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement n369 à l’article 1er.

Article 1er (suite)

M. le président. L’amendement n369 n’est pas défendu.

La parole est à M. Christophe Sirugue, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour soutenir l’amendement n243.

M. Christophe Sirugue, rapporteur de la commission des affaires sociales. Il est rédactionnel, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Favorable.

(L’amendement n243 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement n157.

M. Francis Vercamer. Cet amendement vise à simplifier la vie des très petites entreprises, dites TPE. Le groupe UDI n’était déjà pas favorable aux modifications apportées à l’article 1er par la commission, notamment celles rendant intrusives la commission paritaire régionale ; mais si, en plus, ne peuvent siéger dans cette commission que les salariés des TPE, alors, quand elle se réunit, ces entreprises qui ne comptent parfois que quelques salariés auront la malchance de voir disparaître une part importante de leurs forces vives lorsque l’un de leurs salariés y siège – pour une entreprise de trois ou quatre salariés, cela représente 25 % de son personnel.

Il est donc proposé de préciser que les membres de cette commission paritaire ne sont pas forcément issus des TPE, qu’ils peuvent venir du monde salarial en général. Même si l’objectif est de discuter de dispositions sociales applicables aux TPE, il n’est pas nécessaire d’une entreprise de ce type pour avoir une bonne connaissance du code du travail et des conventions collectives.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Nous avons débattu de manière intense de ces deux positions : la première, que vous avez développée, consiste à désigner, parmi les dix représentants des salariés, quelques-uns qui ne seraient pas forcément issus des TPE ; il s’agirait donc de représentants des organisations syndicales, pour dire les choses un peu directement. La seconde option considère que, dès lors que ces commissions ont vocation à représenter les salariés des TPE, ces dix salariés doivent provenir des TPE.

Si nous avons finalement opté pour cette seconde option, c’est tout d’abord parce que nous avons été sensibles aux éléments communiqués lors des auditions par certains représentants d’organisations patronales, lesquels nous ont signifié qu’il fallait « parler le même langage » – je reprends leurs termes. Dans leur esprit, cela implique que des salariés de TPE occupent les dix sièges attribués aux représentants des salariés des TPE.

Autre élément, auquel vous avez fait référence et que nous devons avoir en tête : lorsque l’un de ces dix salariés sera absent de son entreprise, soit pour participer aux travaux de la commission, soit au titre des cinq heures accordées en plus des travaux de la commission, il existe en effet un risque que cela désorganise l’entreprise, surtout si elle est très petite. Mais il nous a semblé que ce chiffre de dix salariés, dans chacune des treize grandes régions, pouvait être considéré comme raisonnable, même si, à l’évidence, une organisation particulière devra être mise en place dans l’entreprise dont l’un des salariés siège dans cette commission – raison pour laquelle nous avons adopté un amendement relatif au délai que doit respecter le salarié pour prévenir de son absence. Par conséquent, nous avons choisi l’option consistant à considérer que ces dix salariés doivent être exclusivement issus des TPE. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Il y a un autre problème : les salariés qui composeront cette commission seront des salariés protégés et les TPE dans lesquelles ils travaillent seront obligés de les remplacer, d’autant qu’ils représenteront 20 % ou 25 % des effectifs. Lorsqu’à l’issue de leur mandat ces salariés réintégreront l’entreprise, les effectifs de celle-ci augmenteront d’un coup de 20 %, ce qui risque de fragiliser ses finances.

C’est là une raison supplémentaire de prévoir que les représentants des salariés ne seront pas nécessairement issus d’une TPE : il est plus facile pour une entreprise plus grande de réintégrer un salarié à l’issue de son mandat.

(L’amendement n157 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 266 et 269, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Francis Vercamer, pour les soutenir.

M. Francis Vercamer. Il s’agissait par ces deux amendements de coordination de tirer les conséquences de deux de mes amendements examinés hier, qui visaient à étendre le principe de ces commissions aux entreprises de moins de cinquante salariés et à celles de moins de vingt-six salariés et de supprimer en conséquence les délégués du personnel. Mes propositions ayant été refusées, ces amendements n’ont plus de raison d’être et je les retire.

(Les amendements nos 266 et 269 sont retirés.)

M. le président. La parole est à Mme Monique Orphé, pour soutenir l’amendement n456.

Mme Monique Orphé. Cet amendement vise à enrichir les attributions des commissions paritaires régionales interprofessionnelles en intégrant la question de la mixité des métiers dans leur champ de compétence. Il a été signé notamment par Mme Mazetier, qui a fait un excellent travail au sein de la délégation aux droits des femmes et a veillé scrupuleusement à ce que le texte intègre les avancées de la loi Roudy sur l’égalité professionnelle.

Comme il est clairement exprimé dans l’exposé des motifs de l’accord national interprofessionnel du 1er mars 2004, l’emploi des femmes est un facteur de dynamisme social et de croissance économique.

Monsieur le rapporteur, vous m’avez répondu en commission que l’exigence de mixité était satisfaite par la mention de l’égalité professionnelle. Je ne peux pas accepter cet argument, dans la mesure où l’ANI de 2004 mettait l’accent sur la mixité et l’égalité.

L’année 2014 a été celle de la mixité, avec une mobilisation nationale amorcée par Najat Vallaud-Belkacem et l’ensemble des acteurs de l’emploi afin de mettre en œuvre des mesures allant en ce sens.

L’égalité professionnelle étant un enjeu stratégique du développement des entreprises, toutes les entreprises se doivent d’être attractives pour les femmes, en particulier les entreprises de moins de onze salariés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Je crois en effet que la précision dont vous proposez l’ajout va dans le sens d’une démarche tout à fait vertueuse et c’est pourquoi j’émettrai un avis favorable sur l’amendement que vous avez déposé.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. La mixité des emplois étant une condition essentielle pour faire avancer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, le Gouvernement est favorable à cet amendement.

(L’amendement n456 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 234 et 471.

La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement n234.

M. Francis Vercamer. Cet amendement vise à supprimer une disposition introduite par la commission des affaires sociales.

Le rôle assigné par le projet de loi initial à la commission paritaire régionale interprofessionnelle d’informer et de faire le lien entre le sommet des négociations interprofessionnelles et la TPE était somme toute assez séduisant. Malheureusement l’alinéa 30 introduit par le groupe socialiste et qui vise à prévenir les conflits en permettant à cette commission de s’ingérer dans la gestion des TPE, me paraît dévoyer l’esprit initial du texte.

C’est pourquoi je propose de supprimer cet alinéa, ce qui permettra aux partenaires sociaux, qui sont extrêmement remontés contre cette disposition, de revenir à de meilleurs sentiments. Je pense notamment à l’Union professionnelle artisanale, l’UPA : alors qu’elle était à l’origine favorable à votre proposition, elle ne l’est plus à cause de cette disposition. C’est aussi le cas du groupe UDI : je vous rappelle que c’est à cause de cet ajout que notre groupe n’est plus favorable à l’adoption de l’article 1er.

M. le président. La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement n471.

M. Gérard Cherpion. Il est défendu

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Avec ces deux amendements, nous revenons sur un débat que nous avons déjà eu hier, notamment lorsque nos collègues se sont exprimés sur l’ensemble de l’article 1er.

Vous voyez dans la mission de médiation que nous avons ajoutée aux compétences de ces commissions régionales une forme d’intrusion dans la gestion des très petites entreprises. Comme je l’ai dit hier, je suis assez surpris de l’image que vous donnez de la médiation. Celle-ci n’est pas forcément un élément de cristallisation des conflits, au contraire. J’ai rappelé hier que c’est dans les TPE qu’il y a le plus de conflits et des conflits qui vont jusqu’aux prud’hommes. Cette mission de médiation doit réintroduire du dialogue à l’intérieur de ces TPE et permettre aux employeurs et aux salariés de poursuivre leurs échanges. C’est précisément parce que cette commission a un caractère paritaire qu’elle a vocation à assurer cette médiation.

Pour toutes ces raisons, nous n’entendons pas revenir sur cet ajout, qui constitue un incontestable enrichissement de la mission de ces commissions. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Vous avez évoqué les difficultés qui pourraient naître de cette disposition, qui selon vous susciterait une opposition assez vive, notamment au sein de l’UPA.

Je suis assez surpris par ces propos. En effet, des expériences de médiation ont été menées avec les commissions paritaires régionales interprofessionnelles de l’artisanat, les CPRIA, de deux grandes régions, la Bretagne et le Languedoc-Roussillon et elles ont été jugées concluantes par l’UPA. Cela nous laisse penser qu’il est possible d’étendre les missions des futures CPRI jusqu’à la médiation, même si je ne nie pas le caractère novateur de cette proposition.

Il ne s’agit pas de transposer le conflit au sein de l’entreprise, mais au contraire de faciliter sa résolution, puisque cette médiation ne pourra avoir lieu qu’à la demande des deux parties. Si les deux parties sont d’accord pour mettre en œuvre cette médiation, il n’y a pas de raison de s’y opposer, et c’est pourquoi je ne l’ai pas fait en commission et je ne le ferai pas ici.

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. La crainte des représentants des employeurs était que ces commissions deviennent de plus en plus importantes et se voient conférer des missions excédant leur rôle initial, qui est de représenter les salariés des entreprises de moins de onze salariés. Or c’est exactement le dérapage auquel on a assisté en commission. L’attribution à ces commissions d’une mission de médiation des conflits n’était pas prévue et, je le redis avec force à la suite de mes collègues, elle est inappropriée.

Sur le principe, c’est un véritable message de défiance qui est envoyé aux chefs de petites entreprises. Visiblement, vous continuez à penser que les conflits se régleront mieux par l’intermédiaire de représentants situés à des centaines de kilomètres de l’entreprise – à Lyon pour les entreprises de mon département de la Haute-Savoie – plutôt qu’au sein des entreprises, par le biais d’un dialogue direct.

Tout cela est complètement déconnecté du réel ; on ne sait même pas avec quels moyens cela sera financé. Même si la commission ne pourra intervenir qu’avec l’accord des parties concernées, ce n’est de toute façon pas son rôle. Ce n’est rien d’autre que de l’ingérence, au mépris de la volonté des partenaires sociaux, y compris de ceux qui s’étaient montrés favorables au dispositif initial.

M. le président. La parole est à Mme Joëlle Huillier.

Mme Joëlle Huillier. Je suis un peu étonnée de vous entendre justifier votre opposition en arguant de la défiance que traduirait notre proposition, alors qu’il s’agit au contraire de donner une chance supplémentaire à la résolution des conflits, puisque l’employeur et le salarié devront être d’accord pour que cette médiation soit mise en œuvre.

M. Lionel Tardy. Il existe déjà des procédures de conciliation !

Mme Joëlle Huillier. Ce n’est donc pas un signe de défiance, mais au contraire de confiance dans le dialogue social.

M. le président. La parole est à M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. Des instances de médiation existent déjà. Ainsi, les prud’hommes peuvent être une instance de conciliation. Je ne pense pas qu’il soit nécessaire que la loi prévoie une instance supplémentaire de médiation. En faisant cela, vous perdez la confiance des petites entreprises.

Je vous rappelle, monsieur le ministre, que je n’avais pas déposé d’amendement de suppression de cet article parce qu’il ne prévoyait pas initialement cette faculté d’ingérence. En dépit de ce que vous dites, cet ajout pose problème aux organismes patronaux, notamment à ceux qui représentent les artisans.

Restons-en donc aux dispositifs qui existent déjà. N’en rajoutez pas.

(Les amendements identiques nos 234 et 471 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n52.

M. Lionel Tardy. Avec le trente et unième alinéa, l’extension des missions des commissions régionales va encore plus loin, puisque vous avez voulu, monsieur le rapporteur, leur permettre de faire des propositions en matière d’activités sociales et culturelles, sous prétexte que c’est déjà le cas dans l’artisanat.

Si c’est le cas, tant mieux, mais nous parlons là de commissions interprofessionnelles censées se réunir une fois par mois pendant cinq heures : elles auront sans doute bien d’autres priorités à gérer en matière de dialogue social. Vous prétendez que ces commissions sont indispensables, et vous ne cessez pas de multiplier leurs missions, comme s’il s’agissait de les occuper. C’est assez étrange, et en tout cas ce n’est pas raisonnable, à moins que ces commissions ne siègent à temps plein, ce qui ne semble pas être leur objet initial.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Il ne s’agit, monsieur Tardy, que d’ouvrir une faculté à ces commissions paritaires régionales. Si, de manière consensuelle, leurs membres décident de développer une politique en direction des salariés des très petites entreprises en matière d’activités sociales et culturelles, je ne vois pas au nom de quoi nous pourrions nous y opposer.

M. Lionel Tardy. Comment le pourraient-elles si elles siègent cinq heures par mois ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Vous avez raison de dire que les CPRIA se sont déjà dotées d’une telle faculté avec la mise en place des COSCA, les comités des œuvres sociales et culturelles de l’artisanat, qui fonctionnent parfaitement. Nous ne faisons qu’étendre cette possibilité : si les commissions n’ont pas envie de développer de telles actions, elles ne seront pas obligées de le faire.

M. Lionel Tardy. À moins de siéger à plein temps !

M. Christophe Sirugue, rapporteur. En ce qui concerne la question du financement, je vous rappelle que nous ne l’avons pas abordée.

Faisons confiance aux vingt personnes qui siégeront dans ces commissions et, en l’espèce, laissons-les décider s’ils veulent ou non développer des activités de cette nature.

L’avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Même avis.

(L’amendement n52 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n282.

Mme Jacqueline Fraysse. Je constate que nos démarches sont diamétralement opposées.

M. Lionel Tardy. Oui : nous faisons confiance aux chefs d’entreprise !

Mme Jacqueline Fraysse. Nous faisons confiance, nous, au dialogue social et nous pensons que les employeurs sont des êtres humains avec qui on peut discuter et qui peuvent entendre un certain nombre de préoccupations exprimées par leurs employés.

Nous nous félicitons que la commission ait élargi les prérogatives des commissions paritaires régionales interprofessionnelles en leur confiant un rôle de médiation ainsi que la possibilité d’examiner des questions sociales et culturelles.

On nous dit que le dialogue est facile dans les petites entreprises. Certes, on y parle : on y parle de tout, mais pratiquement jamais du salaire, des conditions de travail, de la carrière, ni même de l’état économique de l’entreprise. Les salariés, le plus souvent, n’ont aucune idée des chiffres. Les statistiques, d’ailleurs, montrent que les salaires au SMIC sont plus nombreux dans les PME. Les rémunérations, en moyenne, sont plus basses dans les PME, les avantages sociaux sont moindres et j’ajoute l’argument qu’a rappelé hier le rapporteur : ce sont les salariés des TPE qui sont les plus souvent aux prud’hommes pour résoudre les conflits.

Nous voulons progresser en matière de dialogue social avec cet amendement. Il s’agit de rapprocher les missions des représentants de ces petites entreprises de celles des délégués du personnel en leur ouvrant la possibilité de présenter à l’employeur des réclamations individuelles ou collectives relatives aux salaires, aux droits sociaux ou à la santé, mais aussi de saisir l’inspection du travail de toutes les plaintes et observations relatives à l’application des dispositions légales : le but est, encore une fois, de valoriser le dialogue social, dans l’intérêt de tous.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Ce que vous souhaitez reviendrait à transformer les membres des commissions paritaires régionales en super-délégués du personnel.

M. Lionel Tardy. Il faut arrêter !

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Cela poserait plusieurs problèmes. Le premier, auquel je sais que vous répondrez tout à l’heure par un autre amendement, est celui des moyens. En effet, dans la limite des cinq heures qui leur sont accordées, on voit mal comment ils pourraient assumer la mission que vous souhaitez leur donner.

Sur le fond, votre amendement conduirait à accepter, comme l’évoquait M. Vercamer, que des salariés aient vocation à être complètement sortis de l’entreprise, tant serait lourde la charge que représenterait leur mandat. Cela ne manquerait pas d’avoir des incidences économiques sur le fonctionnement des TPE.

Pour toutes ces raisons, avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. Je crois que faire confiance aux entreprises et aux entrepreneurs ne veut pas dire tout inscrire dans la loi. Plus on fait confiance, moins on a besoin de la loi.

Par ailleurs, dans votre amendement, vous proposez des choses qui existent déjà. Il est tout à fait possible de saisir l’inspection du travail ou la médecine du travail. Nous ne sommes pas obligés d’ajouter une page au code du travail, qui en compte déjà suffisamment.

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, même si nous chercherons ensuite à n’avoir qu’un orateur par groupe sur chaque amendement.

M. Lionel Tardy. Très rapidement, mais quand on donne une telle image des TPE, il faut tout de même réagir. On a l’impression que, dans ces entreprises, tous les salariés souffrent, qu’ils sont tous aux prud’hommes et tous mal payés.

Mme Jacqueline Fraysse. Je n’ai pas dit « tous ».

M. Lionel Tardy. Prenons l’exemple des prud’hommes. Je suis chef d’entreprise et j’emploie quinze salariés. Eh bien, nous nous retrouvons aux prud’hommes parce que nous sommes bons sur le fond, mais pas sur la forme : nous n’avons pas le temps de faire un recommandé chaque fois qu’il y a un problème avec un salarié. Effectivement, dans les TPE, il y a souvent des affaires portées devant les prud’hommes, parce qu’il n’y a pas de service des ressources humaines : le dirigeant doit tout faire, c’est une réalité.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Ce n’est pas la seule raison !

M. Lionel Tardy. Vous nous dites que les salariés des TPE sont mal payés. Cela dépend de la situation. En Haute-Savoie, nous avons la Suisse à côté. Si nous les payons mal, ils partent. Arrêtez de dire que les PME, c’est Zola !

Vous voulez y introduire des délégués du personnel. Nous faisons des élections régulièrement. Nous informons les salariés que des élections vont se tenir et, systématiquement, il y a carence. Cela veut dire que le dialogue social ne se passe pas si mal que ça : nous sommes capables de prendre le café avec nos salariés le matin et de discuter de tout ce qui doit être discuté.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Je ne doute pas que M. Tardy prenne le café avec ses salariés : cela ne règle pas le problème des salaires et des conditions de travail.

Vous nous donnez acte, finalement, des difficultés rencontrées dans les TPE, avec des éléments qui les expliquent. Nous sommes ici, et vous aussi, pour essayer de surmonter ces difficultés qui sont liées aux spécificités des toutes petites entreprises.

M. Cherpion dit qu’il faut faire confiance aux entreprises et que ce n’est pas la peine de tout inscrire dans la loi. Je peux vous retourner l’argument : s’il n’y a pas de problème de confiance, on peut écrire certaines choses dans la loi.

M. Gérard Cherpion. Il n’y a donc pas de confiance !

M. Lionel Tardy. Vous ne ferez que complexifier la loi !

Mme Jacqueline Fraysse. Je voudrais encore préciser un point à l’attention du rapporteur : nous tenons beaucoup à ce que les représentants des salariés soient dans l’entreprise, et non conduits à en sortir, c’est-à-dire à perdre le ressenti et l’expérience des salariés.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Eh oui, c’est le risque !

Mme Jacqueline Fraysse. Nous souhaitons élargir les prérogatives inscrites dans le texte, mais avec cette préoccupation que nous partageons : nous ne souhaitons pas que ces salariés soient sortis de l’entreprise.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Absolument !

(L’amendement n282 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 135, 380 et 681.

La parole est à M. Philippe Noguès, pour soutenir l’amendement n135.

M. Philippe Noguès. Selon une étude de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques qui remonte à 2010, un demi-million de salariés ne relèvent d’aucune convention collective ou d’aucun statut – et leur nombre est en augmentation. Cela représente près de 2 % de l’ensemble des salariés français.

Plus de la moitié de ces salariés non couverts travaillent dans des entreprises employant moins de dix salariés. Et nous avons tous ici, nous députés, des collaborateurs qui sont dans ce cas. À l’heure où nous abordons ce projet de loi sur le dialogue social, il me semble impossible d’ignorer cette réalité.

Ces salariés sont dépourvus du bénéfice d’une couverture conventionnelle. Ils ne peuvent pas non plus élire des délégués du personnel, signer des accords d’entreprise, ni bénéficier d’un comité d’entreprise ou d’un CHSCT. Ils sont donc totalement exclus du dialogue social organisé.

Cet amendement vise donc à rendre effectif ce droit qui leur est reconnu par le préambule de la Constitution de 1946, dont le huitième alinéa dispose : « Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises. »

Nous résoudrons ainsi un problème évident à l’Assemblée nationale, à l’heure où nous écrivons la loi pour tous.

M. le président. La parole est à M. Christophe Cavard, pour soutenir l’amendement n380.

M. Christophe Cavard. Nous cherchons, comme nous l’avons déjà fait en commission, à ce que ce texte concerne bien l’ensemble des salariés. Cet article 1er, tout particulièrement, doit aussi bénéficier à celles et à ceux qui travaillent dans les toutes petites entreprises.

Ces amendements visent à mandater la commission paritaire régionale interprofessionnelle, pour qu’elle joue pleinement son rôle là où il n’existe pas de conventions collectives ni de représentation. Vous comprendrez, monsieur le ministre, l’intérêt de ces amendements, qui éviteront que des milliers de salariés, privés de tout dialogue social, se trouvent dans l’impossibilité de négocier.

M. le président. La parole est à M. Christophe Premat, pour soutenir l’amendement n681.

M. Christophe Premat. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Nous revenons, mes chers collègues, au débat que nous avons eu hier soir. Il partait d’un postulat que nous partageons tous : le regret qu’il y ait des salariés et des entreprises non couverts par des accords de branche.

Mais la solution que vous suggérez est extrêmement délicate : là où il n’y a pas d’accord de branche, les commissions paritaires régionales s’y substitueraient. Je pense que c’est un énorme risque qu’on ferait prendre au dialogue social.

J’imagine que ce qui nous rassemble – en tout cas dans cette partie de l’hémicycle – est la volonté de corriger l’absence de représentation du personnel dans des secteurs où, selon la loi, elle devrait exister. Mais vouloir corriger cette situation en proposant cette solution de facilité, si j’ose dire, provoquerait presque une inversion de la hiérarchie des normes qui me paraît extrêmement dangereuse.

Nous avons dit hier à nos collègues Jean-Marc Germain et Pascal Cherki que nous allions travailler sur ces questions. Pour les mêmes raisons qu’hier, je ne peux pas donner un avis favorable à ces amendements. Je préconise que vous les retiriez, sinon je serai conduit à émettre un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Je suis sensible à l’argumentation : il est vrai qu’il existe des vides conventionnels, c’est une vraie préoccupation que nous avons en commun. Mais ce n’est pas le rôle des commissions paritaires que de les pallier.

La vraie solution réside dans la recherche d’une meilleure structuration des branches. Il y a en France trop de branches dont certaines – pardonnez l’expression, un peu trop facile – sont devenues des branches mortes. C’est plutôt dans ce sens que nous devons travailler. Ce n’est pas aux CPRI de combler les vides conventionnels.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau.

Mme Marie-Françoise Clergeau. M. Noguès a évoqué la situation des collaborateurs que nous employons, les uns et les autres, ici à l’Assemblée nationale. Je ne pense pas que ces amendements puissent régler le problème.

Cela dit, avec la volonté forte du président de l’Assemblée nationale et tout le travail engagé par les questeurs en lien avec les syndicats et associations de collaborateurs parlementaires, nous avons déjà obtenu des avancées importantes et sans précédent. Nous continuons à travailler et nous avons pensé qu’il nous fallait un éclairage juridique extérieur. Nous avons mandaté un cabinet d’avocats qui doit rendre ses conclusions dans le courant du mois de juin, pour voir comment avancer vers un cadre d’emploi, un statut, une convention, de façon à sécuriser la situation de ces collaborateurs.

Je ne pense pas que ces amendements, en l’état, suffisent à régler le problème, mais je suis très heureuse que les députés se montrent soucieux du statut de leurs collaborateurs.

M. le président. La parole est à M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. Mme Clergeau vient de formuler un certain nombre d’arguments importants quant aux suites qui pourraient être données à la situation évoquée.

Dans la même veine, je souhaite interroger le ministre et le rapporteur.

Depuis hier soir, nous cherchons à trouver des solutions afin que les gens s’organisent au sein des branches. De ce point de vue-là, l’exemple que vous venez de donner est juste et important. Vous ne l’ignorez pas, ce n’est un secret pour personne puisque certains se sont exprimés publiquement : comment les employeurs que nous sommes – jusqu’à preuve du contraire – pourraient faire ce que vous demandez ? C’est une évidence, les 577 employeurs qui siègent ici ne peuvent pas négocier un accord de branche !

J’entends que de véritables réflexions juridiques seront menées à ce propos mais il n’en reste pas moins que des cas particuliers existent – prenons le nôtre, c’est aussi simple – où des employeurs se situent en dehors des cadres juridiques habituels qui, même s’ils le souhaitent, ne peuvent pas en l’état répondre à ce que vous voulez, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, c’est-à-dire à faire en sorte que les représentants soient en plus grand nombre et que les choses s’organisent mieux au sein d’un certain nombre d’entreprises.

Nous retirons donc notre amendement mais nous nous montrerons très vigilants quant à la suite de nos travaux. Nous veillerons aussi à faire en sorte qu’un certain nombre de solutions soient trouvées dans les semaines à venir et que l’on vérifie si d’autres types d’employeurs ne seraient pas également concernés par le débat que nous avons soulevé.

(L’amendement n380 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. À ce stade de l’examen du texte, je souhaite que le ministre nous éclaire un peu sur le fonctionnement de ces commissions paritaires régionales.

Nous avons bien compris qu’elles comporteront vingt membres et qu’elles se réuniront normalement une fois par mois pendant cinq heures.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Non !

M. Lionel Tardy. Je constate que, sans arrêt, des missions supplémentaires leur sont octroyées par rapport au texte initial. Le but est-il de les transformer en commissions permanentes ? Je ne le crois pas car les personnes qui y siégeront sont des salariés et devront donc travailler par ailleurs mais j’aimerais tout de même être éclairé car plus l’examen du texte avance, plus on rajoute des choses et plus on se dirige vers la mise en place de commissions qui semblent permanentes.

Est-il donc possible d’avoir des informations à ce sujet ?

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Je souhaite prendre la parole non pour soutenir ces amendements mais pour souligner que l’explication du rapporteur n’est pas tout à fait juste.

Nous l’avons voté : ces commissions s’adressent aux entreprises de moins de onze salariés.

En outre, l’alinéa 7 de l’article dispose qu’elles représentent les salariés et les employeurs des entreprises dont les branches « n’ont pas mis en place, par un accord de branche ou de niveau national et interprofessionnel ».

Les amendements laissent entendre simplement que la création de branches serait bienvenue, ces commissions visant à faire en sorte qu’un certain nombre d’accords soient conclus et que le dialogue social soit engagé.

Je n’y adhère pas pour autant mais il n’en reste pas moins que votre explication, monsieur le rapporteur, n’est pas bonne.

Je tenais à intervenir afin que cela soit noté dans le Journal officiel et qu’un certain nombre de gens n’interprètent pas vos propos d’une façon inappropriée : il s’agit toujours des entreprises de moins de onze salariés dans lesquelles il n’y a pas de délégués du personnel puisque la loi ne l’autorise pas. La question a été évoquée mais il n’y avait donc pas lieu de faire référence à ces derniers.

M. le président. Monsieur Noguès, retirez-vous votre amendement ?

M. Philippe Noguès. Oui, monsieur le président, je le retire.

(L’amendement n135 est retiré.)

M. le président. Et vous, monsieur Premat ?

M. Christophe Premat. Je retire également le mien.

(L’amendement n681 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement n156.

M. Francis Vercamer. Cet amendement se situe dans le même esprit que celui qui visait à supprimer l’alinéa 30.

À mon sens, les commissions paritaires régionales tendent à informer les salariés et les employeurs des TPE, mais aussi à constituer autant de courroies de transmission entre ces derniers et la négociation interprofessionnelle nationale, voire avec le code du travail et les conventions collectives.

Autoriser ces commissions à s’immiscer dans les entreprises, même avec l’accord des uns et des autres, comme le prévoit l’alinéa 32 – que cet amendement vise donc à supprimer – me paraît être un détournement de son rôle initial.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Il nous a semblé un peu surprenant d’écrire dans la loi que des représentants du personnel étaient interdits de séjour dans les entreprises. Dans une loi sur le dialogue social, certaines formulations m’auraient paru un peu radicales ou excessives.

Pour être totalement transparent, je vous avoue que dans un premier temps j’avais envisagé un amendement de suppression concernant cet aspect-là du texte.

M. Francis Vercamer. Ah !

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Je me suis néanmoins ravisé, considérant que cela pouvait finalement susciter une interrogation : les membres de ces commissions sont-ils ou non assimilés à des représentants du personnel, au sens habituel, lesquels, dès lors, pourraient rentrer au sein d’une entreprise ?

Faute de le préciser dans la loi, il m’a semblé que le risque de contentieux était probablement assez élevé.

Cela m’a donc amené à reformuler le texte et à considérer qu’il n’était bien évidemment pas question de leur interdire l’accès des entreprises. L’alinéa 32 dispose ainsi : « Les membres de la commission ont, pour l’exercice de leurs fonctions, accès aux entreprises, sur autorisation de l’employeur. »

Cela permet à la fois d’éliminer certaines formulations par trop excessives et de fournir une indispensable sécurisation.

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Même avis et même analyse.

Ces jours derniers, certains commentaires m’ont surpris selon lesquels cet alinéa – dont le rapporteur a très bien rappelé l’objet – modifierait complètement l’esprit du texte que nous avions initialement présenté.

M. Lionel Tardy. C’est évidemment le cas !

M. François Rebsamen, ministre. Or ce n’est pas du tout le cas, comme cela vient d’être rappelé.

Il est clair que les membres de la commission ne peuvent entrer dans l’entreprise sans l’accord exprès, je dis bien exprès – cela sera utile – de l’employeur lui-même.

M. Lionel Tardy. Comment sera-t-il informé des règles en la matière ?

M. François Rebsamen, ministre. La formulation retenue – j’en remercie la commission – est plus adaptée à un texte sur le dialogue social que celle que nous avions retenue. Je m’y range donc et j’invite tout le monde à en faire autant.

Rien n’a donc changé par rapport à l’intention première du Gouvernement.

Avis défavorable.

(L’amendement n156 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n126.

M. Lionel Tardy. Très honnêtement, cet alinéa 32 porte l’ingérence à son comble !

Le texte initial prévoyait explicitement que les membres de la commission n’auraient pas accès aux locaux des entreprises pour l’exercice de leur fonction et c’était logique car tel n’est pas leur rôle.

Mais voilà que le rapporteur a chargé la barque en commission. Le revirement est complet : désormais, les membres de la commission pourront accéder aux entreprises sur autorisation de l’employeur. Or cela constitue selon moi un filtre insuffisant. Il suffit que le chef d’entreprise soit un peu sous pression ou peu informé des règles et voilà que des membres d’une commission pénétreraient dans son entreprise. Pour quoi faire ? C’est là aussi toute la question. Ce ne sont ni des juges ni des inspecteurs du travail. D’où provient donc une telle absurdité ? Que feront-ils dans l’entreprise après y être entrés ?

Les pouvoirs de ces commissions paritaires régionales sont devenus déraisonnables. Très honnêtement, il est urgent de revenir au texte proposé par le Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Avis défavorable pour les raisons précédemment évoquées.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. Depuis notre travail en commission, j’ai moi aussi rencontré des partenaires sociaux, salariés et patrons. Ces derniers ne sont pas favorables à l’alinéa 32, lequel soulève donc un problème.

De surcroît, que signifie la formule « sur autorisation de l’employeur » ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Cela signifie que l’entreprise est une propriété privée !

M. Gérard Cherpion. Cette autorisation est-elle écrite ? Qu’est-ce que cela signifie ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. On peut le préciser dans le texte, si vous le souhaitez !

Mme Jacqueline Fraysse. C’est de la souplesse, comme le dialogue devant la machine à café ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Je souhaite parler moi aussi du problème qu’est l’entrée d’un certain nombre de gens dans les entreprises.

Je rappelle tout de même que différentes structures peuvent intervenir au sein des entreprises afin de régler des conflits ou d’informer, telles l’inspection du travail ou la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, ou DGCCRF. Il est également possible de faire intervenir les prud’hommes dans le cadre d’une mission de conciliation.

Tous ces gens-là et toutes ces structures visent à donner des conseils et à essayer de régler des conflits.

Nous venons encore de créer une nouvelle structure à l’échelle des TPE, qui aura les mêmes compétences et les mêmes droits que celles auxquelles je viens de faire référence, mais en ce qui concerne une petite partie du droit, de l’information ou du règlement des conflits. Honnêtement, la complexification est quant à elle de plus en plus grande.

M. Lionel Tardy. Bien sûr !

M. Francis Vercamer. Je m’en tiens donc à la position que j’ai exprimée depuis le début de notre débat : je suis favorable à ce que les commissions soient des courroies de transmission entre le niveau national et les TPE, dont les responsables n’ont pas forcément l’habitude d’aller fouiller dans le code du travail, de lire les conventions collectives et de connaître un droit qui évolue tout le temps – puisque nous légiférons ici même tous les quinze jours…

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Et même, parfois, tous les jours ! (Sourires.)

M. Francis Vercamer. …et parfois même pour modifier un texte qui n’est pas encore appliqué, je songe par exemple à la fiche individuelle de pénibilité.

Nous passons donc notre temps à modifier le code du travail et je comprends qu’un chef d’entreprise ne puisse pas suivre. Ce n’est donc pas mal qu’une commission lui explique comment cela se passe, si tant est qu’elle le comprenne elle-même, mais si on commence à lui donner les mêmes prérogatives qu’à l’inspection du travail, à la DGCCRF ou à la mission de conciliation des prud’hommes – j’en oublie sans doute –, cela revient à compliquer les choses.

Voilà pourquoi je soutiens l’amendement de M. Tardy.

(L’amendement n126 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 283 et 381.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n283.

Mme Jacqueline Fraysse. Nous n’avons ni l’intention ni la volonté de complexifier la situation et de rendre ainsi les choses ingérables, au contraire.

L’objectif de ce texte est de créer toutes les conditions pour que les difficultés recensées et que vous-mêmes ne contestez pas – M. Tardy l’a précisé tout à l’heure –,…

M. Lionel Tardy. Ce sont les conditions de l’emploi qu’il faudrait modifier !

Mme Jacqueline Fraysse. …soient surmontées dans un climat serein de dialogue et d’échange. Il faut que les différents points de vue puissent être sinon partagés, du moins exprimés.

Je ne vois pas comment les représentants des salariés pourront exercer leurs responsabilités s’ils ne peuvent pas entrer dans l’entreprise.

M. Lionel Tardy. Ils peuvent le faire en terrain neutre !

Mme Jacqueline Fraysse. Nous venons de leur conférer un rôle utile de médiation, y compris peut-être afin d’éviter des conflits devant les prud’hommes – c’est en tout cas ce que j’espère.

Comment voulez-vous que ces représentants du personnel puissent exercer correctement leur rôle de médiateurs s’ils ne peuvent pas entrer dans l’entreprise ?

Il ne s’agit évidemment pas d’y pénétrer en donnant un coup de pied ou en cassant un carreau ! Il s’agit d’entrer dans l’entreprise pour parler aux salariés et aux chefs d’entreprise et essayer d’apporter une aide à la conciliation. Je ne vois vraiment pas où est le problème. Nous pensons quant à nous que ce droit d’entrer dans les entreprises devrait être sans entrave.

M. Lionel Tardy. De toute façon, à raison de vingt par région, ils ne pourront pas le faire !

Mme Jacqueline Fraysse. J’entends parler du droit de propriété. Personne ne vous volera votre entreprise, messieurs, ne vous inquiétez pas !

Le conseiller d’un salarié qui assiste ce dernier lors de son entretien préalable au licenciement entre bien légalement dans l’entreprise. Voilà comment je vois les choses. Il n’y a pas lieu de s’agiter à ce point !

Notre amendement tend donc à supprimer l’autorisation préalable de l’employeur car cela ouvre la porte, si vous me passez l’expression, à un refus de l’ouvrir pour que le responsable syndical puisse parler avec le salarié.

M. Lionel Tardy. Ils peuvent se voir en terrain neutre !

M. le président. La parole est à M. Christophe Cavard, pour soutenir l’amendement n381.

M. Christophe Cavard. Je souhaite rouvrir ici le débat que nous avons eu en commission afin de prolonger notre discussion.

Très concrètement, nous avons conféré un rôle de médiation à ces commissions – nous avons compris que certains n’étaient pas d’accord, mais nous avons quant à nous voté cette orientation.

Je rappelle, comme nous l’avons fait en commission, que le but de la médiation n’est pas de remplacer des instances comme, par exemple, les prud’hommes – lesquels peuvent être saisis à n’importe quel moment dans le cadre du droit – mais d’éviter précisément d’aboutir à ce type de conflit.

Je rappelle aussi que 70 % des affaires qui se retrouvent aux prud’hommes émanent des TPE.

Dans le cadre du dialogue social, le but est bien de désamorcer en amont des conflits qui peuvent être dus à des quiproquos ou des incompréhensions.

Notre amendement ne vise pas seulement à ce que des représentants des salariés de la commission paritaire régionale puissent accéder à l’entreprise : s’il a besoin de parler au chef d’entreprise pour mener à bien cette médiation – car il est souvent préférable de s’entretenir avec ses pairs –, le représentant des employeurs siégeant au sein de la commission paritaire régionale doit avoir la possibilité de se rendre dans l’entreprise.

Il ne semble cependant pas nécessaire de préciser que l’accord de l’employeur est requis, puisque, l’entreprise étant une entité privée, on n’y entre pas en cassant la porte, comme l’a dit justement notre collègue Jacqueline Fraysse. Par principe, un représentant des employeurs siégeant au sein de la commission paritaire régionale qui essaie de désamorcer un conflit pour éviter qu’il n’aille jusqu’aux prud’hommes doit pouvoir aller discuter tranquillement dans l’entreprise avec l’employeur concerné, afin de mener à bien cette médiation.

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, ce que vous ajoutez à l’alinéa 32 n’a donc, à mon sens, aucun besoin d’être inscrit dans la loi, puisque le droit français permet déjà à un employeur de s’opposer à l’entrée dans son entreprise d’une personne extérieure. Pourquoi, dès lors, ajouter cette précision, si ce n’est pour rassurer les employeurs ? On dit parfois que la loi bavarde : cette précision est inutile, puisque l’idée qu’une personne puisse entrer dans une entreprise contre le gré de l’employeur relève du fantasme.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Madame Fraysse, monsieur Cavard, nous n’avons pas rédigé cet alinéa dans le but de rassurer qui que ce soit, mais pour affirmer l’esprit de la médiation que nous avons mise en place. Nous avons pris le soin de dire que cette médiation devait, pour les deux parties prenantes, se faire sur la base du volontariat. Partant de là, nous considérons que les représentants de ces commissions paritaires n’ont pas vocation à se transformer en pseudo-inspecteurs du travail, ou que sais-je encore, parce qu’ils ne sont pas des représentants du personnel, au sens où le sont ceux qui siègent dans certaines instances reconnues. Ils n’ont donc pas vocation à s’introduire, pour reprendre les termes employés par nos collègues de droite, dans l’entreprise. Ils ont vocation à porter ce message de médiation.

Dans cet esprit, il nous a donc semblé cohérent, dès lors qu’il y a accord entre les parties, d’indiquer que le chef d’entreprise autorise le représentant de la commission à entrer dans son établissement : c’est une manière d’indiquer que la médiation est fondée sur un accord. Voilà pourquoi nous avons rédigé l’alinéa 32 de cette manière.

M. Christophe Cavard. Mais cela existe déjà !

M. Christophe Sirugue, rapporteur. J’entends ce que vous dites, mais il ne me semble pas que cette formule soit redondante et qu’elle ne fasse que formuler ce qui existe déjà. Nous n’avons pas écrit une loi bavarde. Il me semblait nécessaire de rappeler l’esprit de la médiation. Avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Avis défavorable. Je ne reprendrai pas l’argumentation du rapporteur, mais je tiens à faire remarquer, des deux côtés de l’hémicycle, que ce texte est équilibré, et qu’il a été élaboré à partir de discussions approfondies avec les partenaires sociaux. Je répète que la création de ces commissions paritaires régionales représente une avancée, une grande avancée, pour 4,6 millions salariés, ce qui n’est pas rien. Cette disposition se calque sur ce qui existe déjà, dans le domaine de l’artisanat par exemple, et nous n’entendons pas aller au-delà de ce qui constitue déjà une grande avancée en matière de représentation des salariés.

(Les amendements identiques nos 283 et 381 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 667 et 284, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Chantal Guittet, pour soutenir l’amendement n667.

Mme Chantal Guittet. Nous avons effectivement fait une avancée dans la représentation des salariés des petites entreprises, en leur permettant d’être représentés au sein d’une commission paritaire régionale. L’amendement que je présente vise à renforcer cette représentation.

Le nombre de salariés employés dans les petites entreprises correspond, lorsqu’on les additionne, aux effectifs d’une grande entreprise, ce qui signifie que la commission régionale paritaire représentera l’équivalent d’une grande entreprise. Je ne vois pas, dès lors, pourquoi les heures de délégation qui sont accordées dans les grandes entreprises, et qui se montent à vingt-cinq heures, ne seraient pas également accordées aux délégués de cette commission paritaire régionale, pour qu’ils puissent faire correctement leur travail.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n284.

Mme Jacqueline Fraysse. Le nombre d’heures de délégation accordées aux membres de la commission paritaire régionale nous semble très insuffisant, puisque le texte les a fixées à cinq heures par mois, en plus du temps consacré aux séances de la commission.

Permettez-moi de vous soumettre un calcul simple : avec 10 représentants des salariés par région et treize régions, nous aurons donc 130 représentants des salariés dans les commissions paritaires pour le pays entier. À raison de cinq heures de délégation par mois et par représentant, cela fait 650 heures pour 4,6 millions de salariés, soit environ une minute de délégation mensuelle pour 118 salariés !

M. Lionel Tardy. Et en plus, vous voulez leur confier de nouvelles attributions !

Mme Jacqueline Fraysse. Je vous accorde que ma démonstration est amusante et qu’elle ne correspond pas exactement à la réalité, puisqu’il va de soi que les salariés n’auront pas tous besoin au même moment des services de ces commissions. Mais elle illustre tout de même le fait que nous sommes loin de disposer du temps qui serait nécessaire pour aider les salariés concernés. Nous proposons donc d’augmenter ce nombre d’heures et de le porter à quinze, comme cela se fait pour les délégués du personnel. Tel est l’objet de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Je voudrais rappeler brièvement ce que prévoit le texte. Premièrement, ces cinq heures de délégation s’ajoutent au temps consacré aux séances de la commission. Deuxièmement, nous avons déjà introduit, en commission des affaires sociales, des éléments de souplesse qui me paraissent extrêmement intéressants : nous avons en effet permis que ces heures puissent être annualisées et mutualisées.

Mme Jacqueline Fraysse. Je le reconnais.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Il est vrai que l’on ne peut pas dépasser sept heures cinquante, mais il me semble que c’est déjà là un élément de souplesse significatif, dont il faut tenir compte.

Si nous adoptions votre amendement, madame Guittet, ces vingt heures représenteraient trois jours d’absence par mois, et même quatre jours et demi si l’on intègre l’annualisation dont je viens de parler, soit une semaine, au cours de laquelle le salarié serait absent. Or je reviens à ce que disait tout à l’heure Mme Fraysse : notre but n’est pas que le salarié sorte de l’entreprise. C’est pourtant le risque que ferait courir l’adoption de votre amendement.

Si, par ailleurs, ce salarié est employé au sein d’une très petite entreprise, comptant par exemple deux ou trois salariés, son absence pendant une semaine par mois pourrait désorganiser de manière substantielle le fonctionnement de l’entreprise. Or ce n’est vraiment pas l’objet du dispositif que nous mettons en place…

M. Lionel Tardy. Bien sûr !

M. Rémi Delatte. C’est incompatible avec le fonctionnement de nos très petites entreprises !

M. Lionel Tardy. Comme les « circonstances exceptionnelles » !

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Il me semble donc que le nombre d’heures de délégation doit être limité à cinq, avec l’annualisation et la mutualisation. Le mieux étant l’ennemi du bien, il faut savoir ne pas aller trop loin. Par souci d’équilibre, j’émets donc, sur ces amendements, un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Avis défavorable, pour les mêmes raisons.

(Les amendements nos 667 et 284, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n3.

M. Lionel Tardy. J’ai proposé tout à l’heure que les commissions paritaires régionales ne concernent que les entreprises de plus de cinq salariés. Nous n’avons fait qu’effleurer ce débat, or vous allez voir qu’il aurait été utile de réfléchir à la question.

Le salarié ou l’employeur qui siège au sein de l’une de ces commissions doit s’absenter de l’entreprise. Or, dans des petites structures, l’absence d’un seul membre peut être très pénalisante, et c’est d’autant plus vrai dans les entreprises comptant un ou deux salariés, comme l’a dit tout à l’heure le rapporteur. Il va pourtant falloir que les représentants se rendent disponibles. Le texte a fixé le temps de délégation à cinq heures par mois, ce qui me paraît raisonnable, à condition de ne pas sortir de ce cadre. Or vous laissez la porte ouverte à un allongement de ce temps, en introduisant des « circonstances exceptionnelles ». Le problème, c’est que l’on ne sait pas de quelle nature peuvent être ces circonstances exceptionnelles. Faute de précision, et pour éviter que le délai ne s’allonge, nous proposons donc de supprimer cette mention.

J’aimerais également savoir comment seront désignés ces représentants au sein des commissions paritaires régionales. Quand vous allez présenter cette affaire, aussi bien aux salariés qu’aux chefs d’entreprise, il faudra qu’ils sachent exactement à quoi ils s’engagent. Cette délégation se limitera-t-elle effectivement à cinq heures par semaine ? Ou bien, en fonction de circonstances exceptionnelles, qui seront invoquées de plus en plus souvent, cela leur prendra-t-il des heures et des heures ? Et comment, pendant ce temps-là, leur entreprise tournera-t-elle ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Monsieur Tardy, il faut arrêter de dire n’importe quoi ! Nous ne parlons pas de cinq heures par semaine, mais de cinq heures par mois. Pour la clarté des débats, évitons de dire des choses inexactes.

M. Lionel Tardy. Bien sûr, je voulais dire « cinq heures par mois » ! C’était un lapsus.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. J’ai cru que vous l’aviez dit volontairement, mais je veux bien admettre qu’il s’agissait seulement d’une erreur d’expression, et je retire ce que je viens de dire.

Cela étant, je pense qu’on ne peut pas tout inscrire dans la loi, et qu’il ne faut pas adopter une rédaction qui nous priverait de souplesse – c’est toujours le même problème qui se pose.

Pour notre part, nous faisons confiance, par principe, aux vingt personnes qui vont siéger au sein de ces commissions régionales paritaires, et qui ont vocation à s’organiser entre elles. Je ne pense pas que le fait de mentionner des « circonstances exceptionnelles » fasse courir le moindre risque d’abus, tout simplement parce que le fonctionnement de ces commissions sera décidé au sein même de celles-ci, qu’il s’agisse du nombre de réunions, du rythme de travail, ou encore de la méthode de travail. Il faut à la fois garantir une certaine souplesse, et veiller à ce qu’il n’y ait pas de débordement – je vous rejoins sur ce point. La dimension paritaire devrait garantir cet équilibre. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Je suis moi aussi défavorable à cet amendement. Vous m’avez interrogé tout à l’heure sur le nombre d’heures de délégation et sur les conditions dans lesquelles elles pourraient s’exercer, et vous avez désormais votre réponse.

Vous posez à présent la question des « circonstances exceptionnelles ». Il s’agit d’une formulation traditionnelle, qui figure déjà dans le code du travail. Vous en trouverez un exemple à l’article L. 2315-1, relatif aux délégués du personnel. Le code du travail laisse toujours une certaine souplesse en cas de « circonstances exceptionnelles », lesquelles sont, par définition, exceptionnelles. (Sourires.)

(L’amendement n3 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Sirugue, pour soutenir l’amendement n632.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Cet amendement a pour objectif, à la fois de préciser une disposition qui n’était pas très claire dans la première rédaction du texte, et de réduire le délai pour prévenir l’employeur, que nous avions fixé en commission à quinze jours.

L’amendement, tend donc, premièrement, à préciser le délai d’information, en insérant la phrase suivante : « Le salarié informe l’employeur dans un délai de huit jours avant la date prévue pour son absence. » Il vise, par ailleurs, après réflexion et discussion, à ramener ce délai à huit jours, puisque ce délai semble suffisant pour que l’employeur, ainsi que les membres du personnel siégeant au sein des commissions, puissent s’organiser. Tel est l’objet de cet amendement, qui n’a pas été examiné en commission.

(L’amendement n632, accepté par le Gouvernement, est adopté et l’amendement n372 tombe.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement n373.

M. Gérard Cherpion. Il s’agit d’un amendement de suppression de l’alinéa 36, qui prévoit : « Les membres des commissions paritaires régionales peuvent répartir entre eux le crédit d’heures de délégation dont ils disposent. Ils en informent l’employeur dans un délai de quinze jours. Cette mutualisation ne peut conduire un membre à disposer, dans le mois, de plus d’une fois et demie le crédit d’heures de délégation dont il bénéficie. »

Nous sommes à nouveau en train de rigidifier le système, et je pense que c’est totalement inutile. Il y a là, finalement, une contradiction, car tout à l’heure vous nous disiez qu’il fallait laisser de l’ouverture, et que les gens ne devaient pas pouvoir entrer dans l’entreprise sans l’autorisation de l’employeur – nous sommes d’accord là-dessus –, mais vous rigidifiez ensuite le fonctionnement de cette commission.

Rappelons que cela représente tout de même cinq heures par mois, monsieur le rapporteur, au cours desquelles des sujets importants peuvent être traités. Il n’est pas nécessaire de rigidifier le système.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Monsieur Cherpion, qui rigidifie ? Celui qui écrit dans l’exposé sommaire de son amendement : « Le nombre des heures de délégation doit être fixe pour chaque salarié désigné » – comme vous le faites – ou ceux qui, au sein de la commission, ont proposé l’annualisation et la mutualisation des heures pour les représentants du personnel ? Qui rigidifie, si ce n’est vous ?

La souplesse que nous avons accordée, vous proposez de la supprimer par cet amendement. Je pense que c’est une erreur, parce que les TPE ont des tailles différentes, et qu’il peut être intéressant, pour des salariés dont l’absence peut être plus facile à gérer que dans des structures plus petites, de permettre de disposer des heures, notamment sur les questions de médiation qui ont été introduites par la commission dans le texte. Je pense donc que la souplesse que nous suggérons est plutôt gage de bon fonctionnement. Avis défavorable.

(L’amendement n373, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Sirugue, pour soutenir l’amendement n247.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Amendement rédactionnel.

(L’amendement n247, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Sirugue, pour soutenir l’amendement n° 633.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. C’est un amendement de cohérence, lié à ce que nous venons d’évoquer.

(L’amendement n633, accepté par le Gouvernement, est adopté et l’amendement n516 tombe.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement n437.

M. Gérard Cherpion. Cet amendement tend à supprimer la seconde phrase de l’alinéa 39. Rien ne justifie que les salariés désignés soient considérés comme des salariés protégés, et bénéficient de ce fait de toutes les protections fournies aux salariés chargés de négocier et signer les accords collectifs. Là encore, c’est un problème de souplesse, monsieur le rapporteur.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Je ne partage pas votre appréciation, ce n’est pas un élément de souplesse. Si l’on adopte cette disposition, il n’y aura pas de candidats. Si ce ne sont pas des salariés protégés, je ne vois pas comment ils exerceraient leurs fonctions.

Je trouve votre position très maximaliste, car aucune organisation syndicale ou patronale n’a formulé cette demande.

Mme Jacqueline Fraysse. Il souhaite qu’il n’y ait pas de candidats !

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Je pense que cela montre bien l’esprit dans lequel vous envisagez le rôle de ces représentants du personnel. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Avis défavorable. Je ne comprends pas le sens de cet amendement.

(L’amendement n437 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement n440.

M. Gérard Cherpion. C’était un amendement de cohérence ; je le retire.

(L’amendement n440 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Cavard, pour soutenir l’amendement n382.

M. Christophe Cavard. Nous parlons beaucoup de souplesse depuis quelques minutes. Cet amendement vise à permettre aux commissions paritaires régionales de s’adapter aux réalités de certaines TPE, notamment par l’intermédiaire de leur règlement intérieur. Nous en avons cité quelques-unes précédemment, mais nous pensons ici plus particulièrement à des secteurs comme l’économie sociale et solidaire, qui seront évidemment représentés dans les commissions paritaires régionales.

Cet amendement prévoit la possibilité, pour les commissions paritaires régionales, de s’organiser en commissions thématiques, soit pour permettre aux TPE de se regrouper au-delà de la représentation classique qui existe au sein des CPR, afin de travailler sur un certain nombre de sujets qui leur sont spécifiques, soit pour créer des groupes fondés sur une dimension territoriale. En effet, dans la mesure où les CPR fonctionneront à l’échelle des treize nouvelles grandes régions, il est possible que ces commissions souhaitent mettre en place des commissions concernant un territoire particulier, pour lequel il peut y avoir un intérêt spécifique à faire vivre le dialogue de la CPR à cette échelle. Ce serait donc une simple possibilité ouverte aux membres de la CPR par son règlement intérieur.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Rien dans le texte n’empêche ces commissions de mettre en place des collèges ou une organisation par commissions thématiques. Je ne pense pas que cela relève de la loi. Cela nous ramène à la souplesse que j’évoquais tout à l’heure : laissons-leur le soin de s’organiser en fonction des particularités qu’elles veulent développer.

Je n’ai pas de désaccord de fond avec vous, mais je ne vois pas ce qui interdit aujourd’hui ce que vous proposez, donc cet amendement est, à mes yeux, redondant. Je vous demande donc de le retirer ; à défaut, mon avis serait défavorable, bien que nous soyons d’accord sur le fond.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Même avis.

Monsieur Cavard, vous nous reprochiez tout à l’heure de rédiger des lois bavardes. Avec cet amendement, ce projet risquerait de l’être ! Je pense donc qu’il vaut mieux le retirer.

M. le président. La parole est à M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. Comme je ne voudrais pas me contredire, je vais retirer cet amendement, mais je tiens à dire au ministre et à notre collègue rapporteur que l’argument qui m’est opposé pourrait leur être retourné concernant l’échange précédent sur l’autorisation des employeurs, puisque c’est aussi redondant. Mais je retire volontiers cet amendement, puisqu’il a été réaffirmé par les uns et par les autres que cette possibilité existe bel et bien.

(L’amendement n382 est retiré.)

M. le président. Les amendements nos 250, 252, 257 et 254 de M. Sirugue sont rédactionnels.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Tout à fait, monsieur le président.

(Les amendements nos 250, 252, 257 et 254, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

M. le président. La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte, pour soutenir l’amendement n610.

Mme Fanélie Carrey-Conte. Je présente cet amendement avec notre collègue Denys Robiliard. Dans l’esprit de ce que défendait M. Cavard, cet amendement tend à prévoir que la commission, au regard de sa compétence territoriale et du nombre d’entreprises concernées, puisse agir autrement qu’en formation plénière. Il vous est proposé de préciser que la commission puisse déléguer à certains de ses membres, selon des modalités qui devront respecter le paritarisme. Je crois que c’est une précision importante pour les cas de délégation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. La thématique est identique à celle qui a été développée par notre collègue M. Cavard. Selon moi, c’est au règlement intérieur qu’il revient de définir l’organisation. De plus, dès lors que la commission est composée de manière paritaire, je pense que ses membres, lorsqu’ils mettront en place des commissions thématiques – ou qu’ils organiseront des réunions de différents types –, auront le soin de maintenir la parité. Je ne suis pas sûr qu’il soit nécessaire de l’inscrire dans la loi, même si je comprends le souci des auteurs de l’amendement.

Je vous suggère donc de retirer l’amendement, sinon j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte.

Mme Fanélie Carrey-Conte. Je retire l’amendement.

(L’amendement n610 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement n441.

M. Gérard Cherpion. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport à ce que nous demandions tout à l’heure concernant la mutualisation des heures de délégation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Nous avons considéré que la rédaction était bonne, et qu’il n’était donc pas nécessaire de renvoyer cela au décret. Avis défavorable.

(L’amendement n441, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement n444 rectifié.

M. Gérard Cherpion. Cet amendement tend à supprimer les alinéas 53 à 58, puisque ces dispositions sont déjà prévues à l’alinéa 39, avec l’application du livre IV de la deuxième partie du code du travail. Là, c’est de la loi bavarde !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Ma remarque sera similaire à celle que j’ai faite concernant l’amendement n437 : si l’on adoptait votre amendement, cela reviendrait à supprimer les protections accordées à ces représentants des salariés. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Je partage l’analyse du rapporteur. Je crains que cet amendement ne soit assez habile. (Sourires.) Avis défavorable.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. La ficelle est grosse !

(L’amendement n444 rectifié n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n285.

Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur le président, je vous propose de défendre en même temps les amendements nos 363 et 364.

M. le président. Je vous en prie, ma chère collègue.

Mme Jacqueline Fraysse. Les membres de la commission paritaire régionale interprofessionnelle seront donc des salariés protégés, c’est une bonne chose, et je ne reviens pas sur ce que vient de dire très opportunément notre rapporteur sur la nécessité évidente de cette disposition.

Ces amendements tendent à accorder le même statut aux membres des commissions paritaires locales. Ce projet prévoit en effet des commissions paritaires locales, qui coexisteront avec les commissions paritaires régionales interprofessionnelles. Les membres de ces commissions locales devraient bénéficier d’une protection identique à celle des commissions paritaires régionales, pour les mêmes raisons.

Or le texte précise aujourd’hui que ce sont des accords qui détermineront les modalités de protection contre le licenciement des salariés membres de ces commissions, et les conditions dans lesquelles ils bénéficient de la protection prévue par les dispositions du livre IV relatif aux salariés protégés. Cela signifie que des différences de régime pourraient exister entre les commissions locales elles-mêmes, et en tout état de cause, avec les commissions paritaires régionales.

En résumé, le but de ces amendements est d’instaurer une égalité de traitement entre tous les représentants des salariés, qu’ils siègent dans les commissions régionales ou locales.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Nous avons souhaité que ce projet de loi ne porte pas sur les commissions locales existantes, pour une raison simple : elles ont été établies par accord. Cela veut dire que les organisations syndicales les ont validées. Je ne suis donc pas sûr qu’il faille légiférer pour préciser ces éléments. Il ne faut pas croire qu’un accord soit nécessairement moins protecteur que la loi. En l’occurrence, je plaide pour ne pas toucher à ce qui existe et qui fonctionne bien au niveau local. Avis défavorable à ces trois amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Madame la députée, vos amendements sont satisfaits. Comme vient de le dire le rapporteur, nous comprenons votre préoccupation d’accorder aux membres des commissions paritaires régionales une protection suffisante contre les licenciements, c’est aussi la nôtre, qu’il s’agisse des commissions régionales mises en place par la loi ou de celles qui seront mises en place par accord de branche. L’engagement syndical est un droit qui doit être garanti.

Mais la loi répond déjà à cette préoccupation. Le code du travail prévoit, à l’article L. 2234-3, alinéa 2, que les accords déterminent les conditions dans lesquelles les salariés des commissions créées par accord bénéficient de la protection légale prévue par le code du travail. Les principes sont donc bien les mêmes pour tous. Le Conseil constitutionnel, dans une décision de 1996, a eu l’occasion de rappeler que le régime actuel, qui renvoie à l’accord, est conventionnel dans la mesure où il permet une protection équivalente. Votre amendement est donc satisfait.

(Les amendements nos 285, 363 et 364, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement n446.

M. Gérard Cherpion. Il vise à supprimer l’alinéa 58, qui est très imprécis et comporte un risque juridique évident. Il dispose en effet que l’autorisation de licencier un salarié membre de la CPRI est « requise dès que l’employeur a connaissance de l’imminence de la désignation du salarié sur la propagande électorale ». Cela ouvre la porte à toute contestation : il y a donc là un risque juridique important.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Cet alinéa est extrêmement important et nécessaire.

M. Gérard Cherpion. Il est très mal écrit !

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Nous voulons nous assurer qu’un employeur ne puisse pas dissuader son salarié d’être candidat. Je pense comme vous que la jurisprudence viendra probablement éclairer cette disposition, s’agissant notamment des moyens de savoir si l’employeur était informé ou non de la candidature de son salarié, mais il est indispensable de maintenir cet alinéa afin de garantir une protection qui me paraît tout à fait indispensable. Avis défavorable.

(L’amendement n446, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement n447.

M. Gérard Cherpion. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Cet amendement tendant à supprimer les alinéas 62 à 70 s’inscrit dans la même logique. À mon sens, il placerait les salariés susceptibles de déposer leur candidature à la CPRI dans une situation de risque. Avis défavorable.

(L’amendement n447, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Sirugue, pour soutenir l’amendement n281.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Rédactionnel.

(L’amendement n281, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement n448.

M. Gérard Cherpion. Je le retire, monsieur le président.

(L’amendement n448 est retiré.)

M. le président. Les amendements nos 317 et 322 de M. Sirugue sont rédactionnels.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. En effet, monsieur le président.

(Les amendements nos 317 et 322, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n365.

Mme Jacqueline Fraysse. Il est lié à l’amendement n285 : il est donc devenu sans objet.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Effectivement !

M. le président. Merci, madame Fraysse, de nous aider à assurer la clarté des débats. Je considère que vous retirez cet amendement.

(L’amendement n365 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Moignard, pour soutenir l’amendement n319.

M. Jacques Moignard. Cet amendement technique, que je défends en lieu et place de mon collègue Stéphane Claireaux et sans l’accent de sa lointaine contrée maritime, vise à permettre l’application des dispositions relatives à la commission paritaire territoriale sur l’ensemble du territoire national, et en particulier dans la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, qui exerce l’ensemble des compétences régionales et départementales.

À ce titre, il est important de remplacer le mot : « régionale » par le mot : « territoriale » et de prévoir l’adaptation par décret de la composition de cette commission paritaire aux spécificités du territoire, dont son exiguïté. Sans cela, Saint-Pierre-et-Miquelon serait privé de commission paritaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Il est évident que Saint-Pierre-et-Miquelon constitue un cas particulier, ne serait-ce que par la taille et le nombre d’habitants de cette collectivité. Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Reconnaissant la spécificité de cette belle île, le Gouvernement est favorable à l’amendement n319.

M. Jacques Moignard M. Francis Vercamer et M. Thierry Benoit. Très bien !

(L’amendement n319 est adopté.)

(L’article 1er, amendé, est adopté.)

Après l’article 1er

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 1er.



La parole est à M. Éric Woerth, pour soutenir l’amendement n93.

M. Éric Woerth. Monsieur le ministre, votre projet de loi ne comporte pas de réforme des seuils. Vous en aviez rêvé ; d’une certaine façon, nous le faisons.

Le présent amendement vise en effet à multiplier par deux le niveau des seuils. Ces derniers sont généralement extrêmement handicapants pour les entreprises, notamment pour les plus petites. Ils créent des obligations et les empêchent de façon artificielle de se développer, et donc d’embaucher.

Outre la protection des salariés, la priorité du droit social est de favoriser les embauches dans les entreprises. C’est contre le chômage que nous menons, comme vous, notre véritable combat : notre action consiste à faire en sorte que les entreprises retrouvent le chemin de l’emploi, et donc l’envie et surtout la possibilité juridique d’embaucher. Même s’ils ne sont pas les seuls en cause, les seuils contribuent à la mise sous carcan et à la rigidification de la vie sociale française. C’est pourquoi nous proposons de doubler le niveau des seuils en France.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. J’ai déjà eu l’occasion de répondre à cette question relative aux seuils, en commission mais également hier soir en séance publique.

Au fond, monsieur Woerth, pour vous, moins les salariés sont représentés dans une entreprise, mieux c’est. Dans un texte sur le dialogue social, nous avons besoin de tenir compte des particularités des entreprises dont nous débattons : nous ne pouvons donc pas vous suivre sur cette proposition. Par ailleurs, d’autres codes seraient concernés par votre proposition mais ne sont pas visés dans votre amendement. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Nous avons déjà débattu hier soir de la possibilité que vous nous proposez. Dans ce texte, nous en avons choisi une autre.

J’avais proposé de suspendre, pour une durée de trois ans, les effets du passage du seuil de cinquante salariés, mais les partenaires sociaux l’ont refusé. Or je ne fais pas de dialogue social sans tenir compte de l’avis des partenaires sociaux : je n’ai donc pas choisi cette voie.

Comme nous le verrons plus tard au cours de l’examen de ce texte, nous souhaitons agir sur les effets de seuil en rénovant en profondeur le nombre des obligations inhérentes au franchissement des seuils. Cette simplification passera par l’institution d’une délégation unique du personnel élargie et par des regroupements : ainsi, les dix-sept obligations d’information et de consultation annuelles du comité d’entreprise seront remplacées par trois grandes consultations, tandis que les douze négociations obligatoires en entreprise seront regroupées en trois négociations stratégiques.

Il y a bien là une volonté de donner plus de souplesse aux entreprises. C’est la voie que nous avons choisie : je donne donc un avis défavorable à votre amendement.

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth.

M. Éric Woerth. Monsieur le rapporteur, il ne s’agit pas de dire qu’une bonne entreprise est une entreprise dans laquelle les salariés ne sont pas représentés ou sont le moins représentés possible. Une bonne entreprise est d’abord une entreprise qui produit, qui vend, qui peut verser des salaires décents et dont les résultats profitent à l’ensemble des salariés, par le biais des mécanismes d’intéressement, par exemple. Une bonne entreprise est une entreprise qui embauche et qui réussit. Pour qu’elle embauche, il faut évidemment éviter de lui imposer des contraintes qui entravent sa croissance.

M. le ministre a cité le seuil le plus célèbre, celui de cinquante salariés, mais il y en a plein d’autres. Dans votre propre circonscription, monsieur le rapporteur, vous voyez bien combien de chefs d’entreprise préfèrent n’employer que quarante-huit ou quarante-neuf salariés plutôt que de passer le seuil des cinquante.

M. Thierry Benoit. Tout à fait !

M. Éric Woerth. Je n’entends pas des voix, je vois la réalité ! J’entends des chefs d’entreprise qui le disent systématiquement !

M. Thierry Benoit. Il faut aller sur le terrain !

M. Éric Woerth. Ils ne veulent pas d’ennuis, ils ne veulent pas entrer dans un mécanisme qui leur échappe. C’est, au fond, l’idée de cet amendement.

J’ai bien entendu, monsieur le ministre, que vous avez aussi eu cette idée-là. Elle n’est donc pas marquée idéologiquement : c’est une idée de bon sens. Vous ne l’avez pas fait prospérer, parce que les partenaires sociaux que vous avez consultés vous ont dit que ce n’était pas une bonne idée. Mais avez-vous consulté tous ceux qui sont exclus de votre travail de concertation à cause de ces fameux seuils ? Non, évidemment, parce qu’ils n’ont aucun représentant. Dans la situation actuelle de la France, il faut lever ces rigidités.

M. Thierry Benoit. Il a raison !

(L’amendement n93 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 136 et 383.

La parole est à M. Philippe Noguès, pour soutenir l’amendement n136.

M. Philippe Noguès. Je m’appuie à nouveau sur l’étude de la DARES que j’ai déjà citée, et qui dénombre 250 000 salariés français qui travaillent dans des TPE sans être rattachés à une convention collective, à un accord de branche ou à un statut particulier. Comme je l’ai déjà dit tout à l’heure, ces salariés sont dépourvus de couverture conventionnelle.

Je ne vous lirai pas le huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, cité dans l’exposé sommaire. Le présent amendement vise à rendre effectif ce droit constitutionnel pour les salariés de TPE, en commençant par établir un état des lieux des salariés concernés par cette situation. Cet état des lieux pourra ensuite être utilisé par le ministre du travail pour mettre en place un véritable plan d’action destiné à améliorer la couverture de ces 250 000 salariés français qui se trouvent aujourd’hui dans un angle mort du dialogue social. C’est bien cela le plus important !

M. le président. La parole est à M. Christophe Cavard, pour soutenir l’amendement n383.

M. Christophe Cavard. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mon amendement permet, comme celui de M. Noguès, d’aller dans le sens que vous voulez. La loi doit permettre d’améliorer la situation d’un certain nombre de salariés qui se trouvent, comme le disait mon collègue Philippe Noguès, dans l’angle mort de la représentation du personnel.

Cet amendement prévoit juste que le ministère du travail évalue chaque année le nombre de salariés qui auront pu, grâce à la loi que nous allons voter, entrer dans le dispositif de la représentation du personnel. Si ce rapport montre que certains salariés continuent d’être privés de cette représentation, alors vous devrez trouver des solutions pour remédier à cette situation. Bien sûr, nous vous accompagnerons dans cette démarche.

Cet amendement n’est pas bien méchant, si je peux me permettre cette expression. Il nous permettra de disposer d’une évaluation qui nous aidera à atteindre l’objectif recherché, que vous avez présenté tout à l’heure.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Il est exact qu’il existe un véritable angle mort : comme nous l’avons dit tout à l’heure, un nombre important de salariés de TPE ne sont pas rattachés à un accord de branche. Dès lors, il faut évaluer cette situation en vue d’y remédier.

Peut-être faciliterait-on les choses en prévoyant que le rapport ne soit pas annuel. En ce qui me concerne, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée. Je vous laisse le soin, monsieur le ministre, de répondre à cette demande.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Je demande à M. Noguès et à M. Cavard de retirer leurs amendements, qui sont en réalité satisfaits. En effet, depuis la loi de mars 2014, nous avons engagé un chantier très important de restructuration des branches professionnelles. Nous nous sommes donné l’objectif de supprimer cent branches la première année, et nous avons fixé aux partenaires sociaux, avec qui nous faisons ce travail, un horizon de cent branches professionnelles en France d’ici à dix ans. Ce vaste chantier est mené dans le cadre de la Commission nationale de la négociation collective, la CNNC. Nous faisons régulièrement le point avec les partenaires sociaux, à qui nous rendons compte de notre plan d’action chaque année.

Nous pourrions diffuser ces conclusions, par exemple en les communiquant à la commission des affaires sociales – je peux en prendre l’engagement. Des bilans réguliers sont établis, ils continueront de l’être et pourront intégrer les plus petites entreprises. Un conseiller d’État, M. Patrick Quinqueton, que vous connaissez peut-être, suit ce sujet en particulier.

Mais un rapport supplémentaire, assorti d’un plan d’action supplémentaire, alors que nous avons déjà engagé ce travail et que nous disposons de bilans réguliers, me paraît superfétatoire. Le mieux est que je m’engage à vous communiquer les conclusions du travail en cours.

M. le président. La parole est à M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. Nous savons, monsieur le ministre, que vous menez un travail, salutaire au demeurant, visant à revoir le nombre de branches et de le ramener à une centaine alors que l’on en dénombre 500, si ma mémoire est bonne, dont certaines n’existent que sur le papier.

Mais en l’occurrence, notre amendement porte sur le cas des TPE de moins de onze salariés, c’est-à-dire sur les 250 000 salariés non couverts par une convention collective, un accord de branche, un ensemble d’accords ou un statut spécial – bref, ces salariés qui sont dans l’angle mort dont on a parlé tout à l’heure.

Les travaux en cours, auxquels vous avez fait référence, ne permettront pas, compte tenu de l’amplitude du champ qu’ils recouvrent, de porter un regard particulier sur la question que nous soulevons dans notre amendement.

Dans la mesure où notre amendement vise à améliorer le texte, il va de soi que je ne le retirerai pas. J’ai bien entendu le rapporteur qui a exprimé son désaccord sur l’annualité du rapport. Il est vrai que c’est compliqué pour les services et l’on pourrait revoir la question de la périodicité. Cela dit, essayons de nous doter d’un outil qui nous permettra de dire si, sur ce sujet précis, l’objectif de la loi a été atteint. C’est la raison pour laquelle je demande la publication d’un rapport sur ce thème.

M. le président. La parole est à M. Philippe Noguès.

M. Philippe Noguès. Un rapport sur l’ensemble des branches est une bonne chose ; une clarification dans ce domaine est bienvenue. Mais là, il s’agit des 250 000 salariés qui se trouvent dans l’angle mort du dialogue social et du droit social dont j’ai parlé tout à l’heure. Il faut leur donner un signe supplémentaire, ce qui irait dans le sens de vos explications, monsieur le ministre, s’agissant de nos premiers amendements.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur le ministre, nous apprécions le travail très vaste qui est en cours. Le présent projet de loi s’attache à créer les conditions pour que l’ensemble des salariés soient représentés, ce qui est extrêmement important. L’amendement de nos collègues met l’accent sur une particularité : certains salariés sont actuellement dans ce fameux angle mort. Nous avons la volonté, comme vous, monsieur le ministre, de régler le problème de ces salariés.

Cet amendement vise tout simplement à évaluer l’efficacité des mesures que nous prenons. En cela, il est très pertinent. C’est pourquoi je le soutiens et le voterai. Nous devons nous assurer que les mesures que nous prenons sont efficaces et, si elles se révèlent insuffisantes, il faudra les modifier.

J’espère vous avoir convaincu, monsieur le ministre.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Rebsamen, ministre. Je partage votre sentiment et comprends le sens des amendements. Mais je vous demande également de comprendre le sens du travail que nous menons. Vous ne pouvez pas nous demander de rédiger un rapport alors qu’un travail est engagé visant à supprimer des branches mortes afin de permettre à des salariés qui ne sont pas couverts actuellement par des accords de branche de l’être.

Laissez-nous au moins un an, le temps de faire ce travail et de supprimer une centaine de branches. Nous vous en rendrons compte ensuite. Demander un bilan, alors que le travail est en cours avec les partenaires sociaux, qu’il est soumis à la CNNC et que nous sommes en train d’élaborer un plan d’action, cela mettrait les services en difficulté. Il faut dire les choses clairement. Les services ne peuvent pas défaire ce qu’ils sont en train de construire.

C’est la raison pour laquelle je propose de vous communiquer des comptes rendus au cours de cette première année de travail sur le sujet. Si cela vous semblait insuffisant, nous agirions ensuite ensemble. Supprimer des branches est un vaste chantier. Pour les cent premières, me disait-on, il n’y guère de problème. Eh bien, je n’en suis pas persuadé : plus on avance, plus on s’aperçoit que cela devient difficile, alors même que, chaque fois que l’on supprime des branches mortes, on permet à des salariés non couverts de l’être.

En tout état de cause, le rapport que vous demandez n’est pas utile, permettez-moi de vous le dire. Il n’apporte rien de plus. C’est pourquoi je demande le retrait de ces amendements. À défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable, mais je suis conscient de l’incompréhension entre nous.

M. le président. Retirez-vous l’amendement, monsieur Noguès ?

M. Philippe Noguès. Oui.

(L’amendement n136 est retiré.)

M. le président. Maintenez-vous le vôtre, monsieur Cavard ?

M. Christophe Cavard. Oui, monsieur le président.

(L’amendement n383 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Cavard, pour soutenir l’amendement n384.

M. Christophe Cavard. Je défendrai en même temps l’amendement suivant, n385, qui s’inscrit dans le même esprit. Le présent amendement s’inscrit dans une démarche punitive, puisqu’il vise à instaurer une amende dans le cas où l’employeur refuse de désigner un représentant, dans le but d’entraver la mise en place de négociations collectives demandées par une organisation syndicale.

Vous l’aurez compris, nous sommes les premiers concernés – j’ai bien entendu, à cet égard, les propos de notre collègue Mme Clergeau. Il est nécessaire de trouver une solution juridique. Si les parlementaires ne répondaient pas favorablement, dans le cadre du dialogue social entre nos salariés et nous-mêmes, notre amendement s’appliquerait directement à eux – et à moi au premier chef.

La sanction n’est pas un objectif en tant que tel, mais une incitation pour obliger les employeurs à jouer le jeu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Nous sommes d’accord sur deux constats. Premièrement, un nombre important de salariés de TPE ne sont pas couverts par des conventions et ne sont pas rattachés à des branches professionnelles.

Deuxièmement, la spécificité des TPE consiste en une très faible représentation syndicale – 3 % – et un fort lien de subordination.

Dans votre amendement, vous suggérez, monsieur Cavard, de punir un employeur qui refuse d’organiser la représentation professionnelle. Au demeurant, je ne suis pas certain qu’une telle proposition soit recevable du point de vue constitutionnel. Votre approche est de considérer qu’il y aurait un délit d’entrave au motif que l’employeur ne veuille pas organiser la représentation. C’est quelque peu hasardeux. Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable à cet amendement, comme au suivant, qui participe du même esprit.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Même avis que la commission.

M. le président. La parole est à M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. Je vais retirer l’amendement qui propose des sanctions, monsieur le président. Je voudrais faire remarquer au rapporteur qu’un certain nombre d’employeurs, dont nous faisons partie, n’ont pas de branche de référence pour l’instant.

Notre objectif était de mettre la pression non pas sur un individu, mais sur les employeurs, collectivement, qui refuseraient volontairement de s’organiser. Je retire volontiers mon amendement ; nous discuterons ultérieurement de ce sujet.

(L’amendement n384 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Cavard, pour soutenir l’amendement n385.

M. Christophe Cavard. L’amendement a été défendu.

(L’amendement n385, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement n324.

M. Francis Vercamer. Le présent amendement vise à faire évoluer le syndicalisme vers un syndicalisme de services. Il est fréquent de comparer le taux de syndicalisation français à celui en cours dans d’autres pays. Or le syndicalisme ne fonctionne pas de la même façon partout. Dans certains pays, le syndicalisme est un syndicalisme de services. Pour adhérer à une mutuelle, par exemple, vous devez être syndiqué.

En France, vous avez l’effet erga omnes : chaque fois qu’un accord est signé, il s’applique à tous les salariés, y compris à ceux qui ne sont pas syndiqués. Dans certains pays, seuls les syndiqués bénéficient de l’accord. Tel est l’objet de cet amendement.

En France, le taux de syndicalisation a été divisé par quatre durant les soixante dernières années. Il se situe à environ 8 % et la présence syndicale est très faible au sein des TPE – de l’ordre de 3 % environ.

L’engagement syndical est encore trop souvent perçu négativement par les employeurs. M. le rapporteur a fait remarquer que l’opposition a une perception négative du syndicalisme, mais c’est aussi le cas des employeurs. L’idée est donc de changer de registre et de se diriger vers un syndicalisme de services qui permettrait aux seuls salariés syndiqués de bénéficier des accords conclus.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Monsieur Vercamer, votre proposition, qui fait penser au modèle américain, entraînerait un profond changement de notre système. La tradition française veut que ce qui est obtenu dans le cadre des négociations menées par les organisations syndicales vaut ensuite pour l’ensemble des salariés, ce qui, à mes yeux, est extrêmement positif.

En effet, l’on s’engage pour défendre non pas uniquement une cause personnelle, mais une cause plus vaste, qui a vocation à couvrir l’ensemble des salariés, dès lors que l’on obtient des avancées.

Vous mettez en avant un syndicalisme de services – pis, corporatiste –, aux antipodes de la tradition française. Nous ne pouvons soutenir une telle vision. Avis défavorable, donc.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. L’avis du Gouvernement est également défavorable. Je comprends l’intérêt que vous voyez dans la mesure que vous proposez, à savoir un développement de l’adhésion aux syndicats. Je ne vous fais donc aucun procès d’intention.

Introduire un tel système serait un véritable bouleversement de notre modèle de relations sociales. Ce serait contraire à notre histoire et – mais vous le savez – aux demandes des organisations syndicales elles-mêmes.

Surtout, une telle décision ne peut être prise au moyen d’un amendement, fût-il déposé par vous. Avis défavorable, donc.

M. le président. La parole est à M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. L’amendement de M. Vercamer est excellent. Il s’agit en effet d’un amendement de responsabilisation : ce sont ceux qui s’engagent qui bénéficient de l’accord. De fait, les accords nationaux interprofessionnels – ANI – sont signés par trois ou quatre partenaires pour les salariés et certains signataires des 40 000 accords signés chaque année dans les entreprises n’ont pas signé au niveau national. La proposition de M. Vercamer va dans le bon sens et je voterai donc son amendement.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Monsieur le rapporteur, j’entends bien que la mesure proposée n’est pas l’habitude en France, et c’est précisément pour cette raison que je la propose. Il s’agit en effet de changer la méthode de représentation syndicale en France : seuls les salariés adhérant à une organisation syndicale pourraient bénéficier des accords, comme l’a dit M. Cherpion.

Mais ce qui m’étonne le plus, c’est que l’article 9 de la proposition de loi que vous avez déposée et qui instaure des actions de groupe – c’est-à-dire une sorte de « syndicalisme » – en matière de discrimination précise bien que, lorsqu’il y a un accord, celui-ci n’est opposable qu’aux victimes qui adhèrent dans les délais et les modalités fixées. Si vous estimez qu’en matière de discrimination, seuls ceux qui adhèrent à votre action de groupe peuvent bénéficier des transactions réalisées, je ne vois donc pas pourquoi, dans le domaine du syndicalisme, le bénéfice des accords signés par le syndicat ne se limiterait pas aux seuls adhérents. Le parallélisme est facile à établir.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Cela n’a rien à voir !

M. Francis Vercamer. Peut-être cette proposition est-elle quelque peu excentrique, mais votre proposition de loi ne l’est pas moins.

M. le président. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Tant la question, qui a un côté quasiment révolutionnaire, que la réponse, qui a un côté très conservateur, me laissent perplexe. On nous dit que ce n’est pas dans la tradition ou dans les habitudes, mais il n’est pas certain que des habitudes qui se traduisent par un tel taux de désyndicalisation dans notre pays doivent servir d’argument d’autorité pour ne rien changer. Le moins que l’on puisse dire est qu’il y a actuellement une vraie crise de la représentation. Cet argument ne me convient donc qu’à moitié, et même pas du tout.

Je suis conscient, cependant, du risque étroitement corporatiste que pourrait comporter la proposition. Un chemin ne pourrait-il être trouvé entre les deux, au moins sur certains sujets ? La proposition a au moins le mérite d’ouvrir cette question.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Monsieur Vercamer, l’action de groupe est une chose très différente : elle a pour seule vocation de réparer un préjudice. Cela n’a rien à voir avec le fait que, lorsqu’une négociation portée par des organisations syndicales a une issue positive, son application s’étend à l’ensemble des salariés. Je ne comprends pas du tout la comparaison que vous avez voulu faire, même si j’en comprends, bien évidemment, l’esprit.

(L’amendement n324 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement n22.

M. Gérard Cherpion. Cet amendement tend à insérer après l’article 1er un article additionnel concernant la représentation du personnel – dont, M. Éric Woerth a bien souligné, monsieur le rapporteur, que l’utilité dans l’entreprise n’est pas remise en cause. En revanche, cette représentation ne doit pas gêner la bonne marche de l’entreprise, comme l’a également dit M. Woerth. Il convient donc de poser un principe général de proportionnalité entre le nombre des salariés occupant des mandats représentatifs et le nombre total des salariés de l’entreprise.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. J’avoue ne pas avoir compris ce qu’est le principe de proportionnalité. En effet, il existe déjà une distinction selon la taille des entreprises. Par ailleurs, comment tenir compte, si l’on suit votre démarche, de l’élément important que constitue la différence entre les délégués du personnel, les comités d’entreprise et les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ? Je ne comprends pas l’esprit de votre amendement. Avis défavorable, donc.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. J’ai étudié avec intérêt l’amendement déposé par M. Cherpion. Il existe déjà dans le code du travail, cela vient d’être dit – mais ce n’est pas non plus l’objet de cette discussion –, des dispositions qui font varier le nombre de représentants en fonction de l’effectif des entreprises. Vous proposez, monsieur le député, la proportionnalité, et il est vrai qu’il existe des différences de représentation, en proportion, entre les petites entreprises – par exemple celles de plus de cinquante salariés – et les très grandes. Souhaitez-vous étendre la proportion des petites entreprises aux très grandes ? Si tel est le cas, je peux y être favorable. (Sourires.) Dans le cas contraire, avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. C’est habile, monsieur le ministre ! (Sourires.) La proportionnalité n’a pas vocation à être intégrale et à se poursuivre indéfiniment, mais elle pourrait s’appliquer par tranches. Vous refusez la suppression des seuils, or nous avons ici un moyen de lisser les seuils pour un certain nombre d’entreprises. On retrouvera cette question dans d’autres amendements et à propos de la désignation des représentants salariés dans les conseils d’administration, où certains représentants sont en nombre fixe.

On peut fort bien adopter une proportionnalité par tranches, qui permettrait, dans un premier temps, de lisser intérieurement les différents seuils sans pour autant, comme vous le souhaitez puisque les partenaires sociaux, dites-vous, ne sont pas d’accord, toucher aux seuils.

(L’amendement n22 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements, nos 39, 57, 169, 54 et 168, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement n39.

M. Gérard Cherpion. Cet amendement vise à lisser les effets de seuil dont sont victimes les entreprises qui se développent, en raison de la hausse de leurs obligations en matière sociale lorsqu’elles passent de dix à onze salariés et, surtout, de quarante-neuf à cinquante.

Le I élève le seuil à partir duquel la mise en place de délégués du personnel devient obligatoire, de onze à vingt et un salariés.

S’inspirant d’une disposition applicable en matière de financement de la formation professionnelle, le III institue une période de trois ans, à compter du franchissement d’un seuil, durant laquelle les entreprises en croissance seraient exonérées de l’application des obligations auxquelles le droit commun les soumet en matière de représentation et de consultation du personnel – concernant notamment le délégué syndical, les délégués du personnel et le comité d’entreprise.

L’objectif est bien de lever l’un des blocages – peut-être psychologiques – au développement des entreprises et de l’emploi en France et de remédier à un facteur indéniable de la faiblesse de l’activité économique aujourd’hui. Il s’agit bien d’une période transitoire, durant laquelle les entreprises sont évidemment libres de mettre en place des institutions représentatives du personnel, si elles le souhaitent – certaines le font, du reste, avant d’atteindre le seuil de cinquante salariés.

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n57.

M. Lionel Tardy. Monsieur le ministre, vous ne serez sans doute pas étonné de tous ces amendements sur les seuils sociaux – vous sembliez même ouvert sur le sujet lors de votre nomination, mais on vous a peut-être rappelé à l’ordre car, dans ce gouvernement, mieux vaut être en contact avec l’aile gauche qu’avec le réel.

Relever les seuils sociaux n’est pas le remède à toutes les difficultés. Du reste, ce relèvement ne saurait s’entendre sans celui des seuils fiscaux, qui sont tout aussi problématiques dans notre pays. La question n’est pas non plus de savoir le nombre d’emplois potentiellement créés – dans le contexte actuel, que dix emplois soient créés ou un seul, cela vaudrait déjà la peine de le savoir.

Ce serait surtout une manière de libérer les chefs d’entreprises de toutes les contraintes liées au passage d’un seuil à l’autre. En effet, nombre d’entreprises freinent volontairement leur croissance à cause de ces seuils. Ce n’est pas un mythe.

Le premier seuil auquel il convient de s’attaquer est celui qui déclenche l’instauration des délégués du personnel, afin d’éviter un dialogue social chronophage dans de petites structures et de privilégier, là encore, le dialogue direct. Ce seuil pourrait être porté de onze à vingt-et-un salariés – c’est l’objet de mon amendement n54 – ou, mieux encore, à cinquante, comme le propose mon amendement n57.

Une fois encore, monsieur le ministre, ne soyez pas dogmatique à propos des seuils. Ces effets de seuil existent et, parmi toutes les options que nous proposons ici, quelques-unes devraient vous convenir, qui pourraient libérer l’activité et l’emploi pour les PME. Dans le contexte actuel, cela me semble important. On ne peut ignorer cette question.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement n169.

M. Francis Vercamer. J’ai déposé plusieurs amendements tendant à la modification des seuils – l’un, pour porter le seuil de dix salariés à vingt-et-un, puis un autre pour faire passer celui de cinquante salariés à soixante. J’ai en outre déposé les mêmes amendements assortis d’une proposition d’expérimentation sur une année, qui permettra d’observer l’efficacité de ces modifications.

Dans le document d’orientation que vous avez transmis en juillet 2014 aux partenaires sociaux, avec un constat critique sur les effets de seuil, vous souhaitiez vous-même lisser les seuils pendant quelques années, compte tenu de la croissance atone et de la hausse continue du nombre de chômeurs en France. C’était une bonne réflexion, monsieur le ministre – vous voyez que nous ne sommes pas toujours négatifs à votre endroit ! C’était, de fait, une réflexion de bon sens que de souligner que les effets de seuil étaient un frein à l’emploi et à la croissance des entreprises et qu’il convenait de réfléchir aux moyens de les modifier.

Vous aviez proposé d’opérer un lissage sur plusieurs années et d’en observer les effets. Nous proposons, quant à nous, de porter le seuil de dix à vingt salariés et, dans un amendement que nous examinerons plus tard, de faire passer l’autre seuil de cinquante salariés à soixante, afin de procéder à un test et de voir si cette mesure fait effectivement évoluer le nombre de salariés des entreprises.

En effet, comme je l’ai souligné dans mon intervention au cours de la discussion générale, les entreprises de neuf ou dix salariés sont beaucoup plus nombreuses que celles de onze salariés – de mémoire, elles sont 2,8 fois plus nombreuses. Il en va de même pour les entreprises de quarante-neuf salariés par rapport à celles de cinquante. L’effet de seuil est donc très prononcé.

Il s’agit donc, en relevant de dix salariés le niveau de ces seuils, de voir si ces entreprises du « club des quarante-neuf » ou du « club des dix » passent à onze, douze ou treize salariés dans les prochaines années, ce qui permettrait de prendre des dispositions pour continuer à traiter ces effets de seuil pour les autres seuils figurant dans la loi – comme ceux de vingt-six, cinq cents ou trois cents salariés que nous venons de créer.

Je précise que, selon certaines études, il serait démontré que la probabilité qu’une entreprise passe de neuf à dix salariés passe de 24,5 % à 29 % selon qu’il y a, ou non, un effet de seuil. Cette probabilité est supérieure de 9 points pour le passage de dix-neuf à vingt salariés et de quatorze points pour le passage de quarante-neuf à cinquante salariés. Il y a donc véritablement un effet de seuil très important.

M. Michel Piron. C’est probant !

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n54.

M. Lionel Tardy. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement n168.

M. Francis Vercamer. Cet amendement tend à instaurer une expérimentation d’une durée d’un an, afin de pouvoir vérifier si les entrepreneurs, qui disent qu’ils ne veulent pas embaucher à cause de l’effet de seuil, embaucheraient réellement si nous supprimions cet effet en relevant de dix unités le niveau du seuil.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Une nouvelle fois, ce qui me frappe, c’est que dans votre esprit, la présence d’un délégué du personnel est une sanction. Et comme il ne doit pas y avoir de représentant, il faut modifier les seuils. Ainsi, vous aboutissez à supprimer ni plus ni moins les délégués du personnel dans les entreprises de onze à vingt-et-un salariés.

Il y a presque une forme d’incohérence dans votre argumentation. L’étude d’impact montre que trois quarts des entreprises de onze à quarante-neuf salariés n’ont pas d’instances représentatives du personnel, donc pas de délégué du personnel. C’est dire que la réalité n’est pas ce que vous dites et que la problématique n’est pas celle à laquelle vous vous attaquez. Les seuils ne font office ni de totem ni de chiffon rouge.

Dès lors que l’on parle de dialogue social, il doit y avoir des représentants du personnel. Or nous observons, dans les entreprises de onze à quarante-neuf salariés, un déficit de représentants du personnel. Ce n’est pas en faisant sauter le seuil que nous réglerons cette question, à laquelle nous devons tous chercher une réponse. Votre objet étant de supprimer des délégués du personnel là où il y en a, l’avis sur ces amendements est bien sûr défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. J’ai déjà eu l’occasion d’expliquer quelle était ma position, et celle du Gouvernement. Nous avons décidé de donner de la souplesse aux entreprises. La mise en place d’une délégation unique du personnel dans les entreprises de moins de 300 salariés, la valorisation des parcours des élus syndicaux sont des dispositions qui, si elles sont adoptées, permettront peut-être de résoudre le problème de l’absence de représentation, notamment dans les entreprises de onze à vingt salariés.

Vous avez proposé hier d’étendre les commissions paritaires régionales interprofessionnelles, ce qui démontre que vous partagez ce constat. Pour notre part, nous préférons susciter des vocations.

S’agissant des entreprises de plus de cinquante salariés, nous apportons incontestablement de la souplesse. Les partenaires sociaux ont conclu aussi à cette nécessité, mais ils travaillent sur une autre formule, celle de l’instance unique. Quant à l’idée de l’expérimentation sur un an, je peux déjà répondre que c’est insuffisant pour donner de la lisibilité.

M. Michel Piron. Disons trois ans alors !

M. François Rebsamen, ministre. Nous avons choisi une autre voie, celle de la souplesse, aussi l’avis est-il défavorable.

M. le président. La parole est à M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. L’objet de ces amendements n’est pas de remettre en cause les délégués du personnel, mais de développer les entreprises et de créer des emplois. En adoptant l’amendement de notre collègue Vercamer, nous justifierons au moins la présence du terme « emploi » dans le titre du projet de loi, puisqu’il pourrait permettre d’intégrer quelques-unes des 3,6 millions de personnes qui se trouvent à la porte des entreprises et voudraient y entrer !

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Nous espérions que ce texte permettrait de faire évoluer les seuils, puisque vous-même, monsieur le ministre, en aviez évoqué la possibilité. Nous continuons de penser que ces seuils, de onze à vingt et de quarante-neuf à cinquante salariés, constituent des freins au développement des entreprises et de l’emploi. Mais c’était oublier, monsieur le ministre, que nous sommes à quelques jours du congrès du Parti socialiste…

M. Michel Issindou. Voilà que ça recommence ! C’est pénible.

Mme Isabelle Le Callennec. …et qu’il vous faut, sur ces sujets, être beaucoup plus modéré que dans les annonces que nous avons pu entendre.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Changez de disque !

Mme Isabelle Le Callennec. Début mai, le Premier ministre a installé la mission Combrexelle, lui donnant une feuille de route dans laquelle il est clairement indiqué que des marges peuvent être données aux entreprises pour déroger au droit du travail, notamment en matière de licenciement, de temps de travail et de salaire. Je vous demande donc directement, monsieur le ministre, si la question des seuils, qui revient comme un serpent de mer, figure dans cette feuille de route et si elle sera examinée.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Monsieur le rapporteur a semblé nous accuser de menacer, ou de nous plaindre des IRP.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Je n’ai pas parlé de menaces, j’ai dit que vous vouliez les supprimer !

M. Francis Vercamer. Je n’ai cité ni les IRP ni les DP. J’ai simplement parlé de l’emploi. Il y a un principe de réalité : on s’aperçoit que les entreprises sont plus nombreuses en deçà du seuil qu’au-delà. C’est un constat. L’idée est de tenter d’estomper l’effet de seuil, qui empêche le développement de l’emploi.

Monsieur le rapporteur, vous avez fait remarquer vous-même que trois quarts des entreprises de moins de cinquante salariés n’ont pas d’IRP.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Ce n’est donc pas cela qui leur fait peur !

M. Francis Vercamer. On voit bien que, dans un certain nombre d’entreprises, la représentation ne fonctionne pas, et qu’il y a un constat de carence. L’idée est donc de faire glisser le seuil. C’est la raison pour laquelle, d’ailleurs, j’avais proposé que les commissions paritaires soient étendues aux entreprises de moins de cinquante salariés : ainsi les salariés auraient-ils eu au moins une instance à laquelle s’adresser. Car aujourd’hui, suite au constat de carence, les délégués du personnel n’existent pas et les salariés n’ont rien à quoi se raccrocher.

(Les amendements nos 39, 57, 169, 54 et 168, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements portant article additionnel après l’article 1er, nos 56 rectifié, 37, 160 et 159, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n56 rectifié.

M. Lionel Tardy. Vous ignorez le problème du passage des seuils sociaux, et surtout du plus important d’entre eux, celui de quarante-neuf à cinquante salariés. Celui-ci implique trente-quatre nouvelles obligations, dont je vous épargnerai la liste. En réduire le nombre, comme il en est question, n’effacera pas pour autant l’effet de seuil, d’autant qu’il convient d’ajouter à ces obligations des contributions fiscales supplémentaires. Selon le rapport Attali de 2008, le passage à cinquante salariés entraînerait un surcoût équivalent à 4 % de la masse salariale !

Cet amendement prévoit donc de porter, une fois pour toutes, le seuil déclenchant la création d’un comité d’entreprise de 50 à 250 salariés. Ce n’est pas l’existence du CE qui pose problème, mais bien toutes les obligations, notamment de négociation. La thérapie de choc doit avoir lieu, monsieur le ministre ; c’est le sens de cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n37.

Mme Véronique Louwagie. Cet amendement propose de porter le seuil de cinquante salariés à 100 salariés. Il faut rappeler que les entreprises disposant d’un effectif de quarante-neuf salariés sont vingt-cinq fois plus nombreuses que les entreprises disposant d’un effectif de cinquante salariés ! Ce chiffre doit nous interpeller. Il s’agit d’un véritable blocage. Ces entreprises, que nous souhaiterions tous voir embaucher, ne passent pas le cap. Pourtant, elles ont une taille qui leur permet d’accéder à des marchés, y compris à l’international ; leur force de frappe est plus importante que celle des TPE. Mais les chefs d’entreprise se crispent devant les trente-quatre obligations supplémentaires, et n’embauchent pas. On peut le regretter, comme vous-même l’aviez fait en 2014, monsieur le ministre. Il est dommage que vous soyez revenu en arrière !

M. le président. Monsieur Vercamer, vous avez la parole pour soutenir l’amendement n160, et si vous en êtes d’accord, l’amendement n159.

M. Francis Vercamer. Comme l’a dit M. Tardy, le seuil de cinquante salariés a un effet encore plus important, puisque son passage représente, selon les estimations, 4 % environ de la masse salariale, sans compter le nombre important d’obligations supplémentaires.

Le présent amendement vise à porter ce seuil à soixante salariés. L’amendement n159 propose de le faire à titre expérimental, pour une durée d’un an – mais c’est avec grand plaisir que j’accepterais un sous-amendement du ministre portant cette durée à trois ans.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Ces amendements portent respectivement le seuil de 50 salariés à 250 salariés, à 99 salariés et à 60 salariés ; le dernier propose de le porter à 60 salariés pour une durée expérimentale d’un an. De deux choses l’une : soit vous acceptez que la souplesse d’organisation, que vous appelez de vos vœux, puisse résider dans la possibilité offerte aux entreprises de moins de 300 salariés de mettre en place une délégation unique du personnel regroupant les DP, le CE et le CHSCT – chacune de ces institutions conservant ses attributions au sein de la DUP ; soit vos amendements ne visent qu’à supprimer ou à réduire la représentation, approche que nous ne pouvons que rejeter.

L’avis sur ces amendements est défavorable, mais je vous donne rendez-vous à l’article 8, relatif à la mise en place de la DUP. J’imagine que vous soutiendrez alors pleinement les dispositions qui figurent dans le texte du Gouvernement.

M. Lionel Tardy. On attend de voir !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Le débat sur les seuils n’est pas nouveau.

Mme Isabelle Le Callennec. On n’aboutit pas !

M. François Rebsamen, ministre. Madame la députée, vous avez évoqué le congrès du Parti socialiste ; j’aurais pu vous rétorquer qu’en dix ans de pouvoir, vous pouviez les modifier, ces seuils ! Pourquoi n’avez-vous pas fait ce qui vous semble si simple aujourd’hui ?

M. Lionel Tardy. Nous avions autre chose à faire en 2008 et en 2009 !

M. François Rebsamen, ministre. Les partenaires sociaux n’ont pas voulu modifier les seuils, c’est ainsi. Plutôt que de nous lancer dans un débat qui n’a plus lieu d’être, je vous propose de vous tourner vers l’avenir et de soutenir la mise en place de la DUP dans les entreprises de 50 à 300 salariés, qui apportera une nouvelle souplesse. De surcroît, les partenaires sociaux ont donné leur accord à cette disposition, qui constitue une avancée pour les entreprises et pour les salariés.

Madame Louwagie je ne veux pas être méchant, d’autant plus que ce n’est pas ma nature, mais il me semble bien que vous avez oublié une virgule dans votre chiffre. Il ne peut pas y avoir vingt-cinq fois plus d’entreprises de quarante-neuf salariés que d’entreprises de cinquante salariés. À la rigueur, deux fois et demie plus, mais pas vingt-cinq !

Tournons-nous vers l’avenir et réfléchissons ensemble aux propositions que nous formulons pour assouplir le fonctionnement des entreprises, améliorer la représentation des salariés et avancer ensemble dans la recherche du point d’équilibre, du consensus. Nous l’avons atteint avec cette mesure. Ne ravivons pas les débats du passé et adoptons ce texte qui comporte un certain nombre d’avancées : la délégation unique du personnel, la nouvelle disposition relative aux entreprises de 50 à 300 salariés, la garantie du parcours professionnel, les simplifications nécessaires à la vie des entreprises et à la qualité du dialogue social, lequel devient moins formel et plus stratégique. Tout le monde y gagnera.

Avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Je maintiens le chiffre évoqué que je vous invite, monsieur le ministre, à vérifier. Il y a en effet vingt-cinq fois plus d’entreprises disposant d’un effectif de quarante-neuf salariés que d’entreprises disposant d’un effectif de cinquante salariés. Je ne parle pas d’entreprises de plus de cinquante salariés.

Monsieur le ministre, je voudrais revenir sur l’interview publiée dans Le Monde du mardi 26 mai. Interrogé sur votre proposition en 2014 de suspendre les obligations des entreprises quand elles atteignent le seuil de cinquante salariés, vous déclarez, ce qui est fort intéressant, avoir formulé une telle proposition pour vérifier que cette mesure créerait bien des emplois comme l’assurait le patronat. Puis, vous revenez en arrière et expliquez ne pas être allé plus loin au motif que les responsables de centrales syndicales y étaient hostiles.

C’est regrettable car nous devrions tous nous battre pour l’emploi. Nous devons agir aujourd’hui pour débloquer la situation car l’enjeu est d’importance. Vous avez la possibilité de le faire mais vous vous y refusez. Allez-vous revenir plus tard sur ce point ? Vous avez là un levier essentiel pour favoriser le recrutement par les entreprises et réduire le chômage.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Je suis favorable à la délégation unique du personnel – c’est même l’une des mesures de ce texte qui va dans le bon sens. Il n’empêche que, depuis des semaines et des mois, les chefs d’entreprise entendent tout et son contraire.

Je me permets d’insister parce que vous n’avez pas répondu, monsieur le ministre, à ma question relative à la mission confiée à M. Combrexelle. Nous sommes en train de voter une loi dont personne ne sait, et surtout pas les chefs d’entreprise, ce qui s’appliquera au final. Quand l’instabilité est manifeste, que les annonces se succèdent les unes aux autres sans aller dans le même sens, on ne sait plus qui croire. On dit qu’il faut redonner de la confiance mais pour cela, il faut de la lisibilité. Si vous lisez la presse, nous avons chaque jour une version différente et nous ne savons toujours pas quel est le cap de ce gouvernement par rapport à l’économie et au soutien aux entreprises, notamment les petites entreprises.

En raison du flou qui entoure ce texte, les entreprises continuent à imaginer, malgré nos discussions dans l’hémicycle, que la situation demeurera compliquée et que de nouvelles contraintes naîtront des seuils. Pour le moment, pardonnez-moi de vous le dire, vous n’avez pas gagné la bataille de la communication à leur égard car ils ne sont pas rassurés et encore moins persuadés que ce texte pourra leur accorder la flexibilité qui va de pair avec la sécurisation du parcours professionnel des salariés.

Comme les annonces se succèdent et ne sont pas les mêmes, nous ne savons plus qui croire. Qui aura le dernier mot ? M. Combrexelle ? M. le ministre du travail ? M. le Premier ministre ? M. le Président de la République ? Nous n’en savons rien et peut-être n’en saurons-nous pas davantage une fois ce texte voté !

M. le président. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. J’ai bien écouté votre réponse, monsieur le ministre, et je vous donne acte de la délégation unique. C’est incontestablement une mesure de simplification, qu’on ne peut qu’approuver. Pour autant, sera-t-elle suffisante ? Regardons la situation en face. Vous savez très bien, tous les économistes s’accordent pour le dire, que les créations d’emplois se jouent, pour la plupart, sur les très petites entreprises ou les PMI-PME. Tout le monde le sait et les chiffres en attestent. Notre modèle économique, dans le cadre de la mondialisation, est peu créateur d’emplois pour les entreprises mondialisées parce que les emplois se créent ailleurs. Il l’est chez nous, mais avec tous les effets de seuils que nous avons évoqués.

Par ailleurs, vous avez évoqué le refus des centrales syndicales, d’une partie des partenaires sociaux. Que vous les écoutiez, c’est tout à votre honneur et c’est votre rôle. Pour autant, pouvions-nous attendre des centrales syndicales, compte tenu du paysage syndical tel qu’il est, qu’elles réagissent autrement ? Ce n’est pas vraiment surprenant. Non seulement elles ne pouvaient pas faire une telle proposition, mais elles ne pouvaient pas y acquiescer. Étiez-vous obligé de suivre leur avis ? La simplification intéressante que vous proposez suffira-t-elle à débloquer un effet de seuil que tout le monde constate ? Je crains que non, aussi avons-nous formulé des propositions intermédiaires, qui présentaient au moins le mérite d’essayer de débloquer une situation sans doute beaucoup plus grave et préoccupante que vous ne le pensez.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Rebsamen, ministre. J’ajouterai simplement quelques éléments de réflexion pour ne pas allonger inutilement ce débat. Je comprends les arguments avancés mais nous répondons au blocage par un projet de loi qui assouplit la vie des entreprises, améliore la représentation des salariés, simplifie la vie des entreprises. Vous vous plaignez, les uns et les autres, d’une complexité excessive, de réunions trop nombreuses. Eh bien il y en aura moins et elles seront plus intéressantes ! La DUP élargie est une grande avancée comme la représentation des salariés dans les entreprises de moins de onze salariés.

Madame Le Callennec, j’ai compris ce que vous disiez mais, d’une certaine manière, vous vous plaisez à entretenir cette inquiétude, par vos remarques permanentes.

Revenons à cette fameuse interview. Nous avons tellement entendu les responsables patronaux nous promettre des millions d’emplois à la moindre disposition qu’ils proposaient qu’on en subit aujourd’hui les conséquences. Un million d’emplois par ci, un million par là mais à la fin, et au bout du compte, il n’y a pas d’emplois ! J’avais proposé aux partenaires sociaux et aux organisations syndicales de suspendre les seuils pendant trois ans pour vérifier si cette mesure créerait des emplois ou non. Ils ont refusé. Très bien. De toute façon, cela n’aurait pas créé un million d’emplois, pas plus que d’autres dispositifs. C’est la croissance qui crée de l’emploi. En période de croissance, les seuils s’effacent et on les oublie. Ils sont beaucoup plus prégnants en cas de crise économique et de ralentissement de la croissance. Je ne le nie pas. C’est pourquoi nous apportons ces réponses : plus de souplesse, moins de complexité, plus de simplification et des garanties pour les salariés de représentation et de développement équilibré du dialogue social.

(Les amendements nos 56 rectifié, 37, 160 et 159, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement n161.

M. Francis Vercamer. Il s’agit là d’un amendement d’appel de M. Morin, que je représente aujourd’hui, pour nous inviter à réfléchir au rôle de la loi, de la négociation collective et du dialogue social au sein de l’architecture qui gouverne nos entreprises en matière sociale.

Si la loi fixe des moyens d’ordre public, la négociation collective détermine un certain nombre de fonctionnements au sein même de l’entreprise.

Cet amendement vise à laisser à la négociation collective la fixation de la durée légale du travail et les heures supplémentaires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Après les effets de seuil, la durée du temps de travail ! Nous aurons droit à tous les débats habituels. Je ne vous ferai pas la même réponse que M. le ministre sur ces dispositions que vous évoquez depuis si longtemps et que vous ne modifiez pas une fois au Gouvernement.

La durée du travail est fixée par la loi. Ce n’est pas une durée maximum. C’est la durée au-delà de laquelle les heures travaillées sont des heures supplémentaires. Vous proposez que le temps de travail soit fixé par négociation collective alors que c’est un élément déterminant de l’organisation de nos entreprises.

M. Francis Vercamer. Vous n’aimez pas les partenaires sociaux !

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Je ne suis d’ailleurs pas certain des bénéfices que nous pourrions en tirer. En tout état de cause, ce n’est pas notre position. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Je veux bien qu’on me reproche de ne pas aimer les instances représentatives du personnel mais en l’espèce, c’est vous qui n’aimez pas le dialogue social. En préférant la loi à la négociation collective pour fixer le temps de travail, vous témoignez d’une certaine défiance à l’égard des partenaires sociaux.

(L’amendement n161 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n59.

M. Lionel Tardy. La loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi a prévu que l’employeur dispose d’un délai d’un an à compter du franchissement du seuil de cinquante salariés pour se conformer complètement aux obligations récurrentes d’information et de consultation du comité d’entreprise.

C’est une bonne chose car cela permet de lisser des obligations à défaut de les supprimer.

Comme beaucoup de bonnes idées, celle-ci n’est pas appliquée car vous n’avez pas pris le décret d’application. Il est urgent de le prendre, de faire ce petit pas salutaire, monsieur le ministre, en rendant applicable cette disposition dès que possible. À défaut, cet amendement tend à supprimer le décret, dont je ne vois pas trop quelles précisions il pourrait apporter. La loi me paraît suffisamment claire : le chef d’entreprise a un an, à compter du franchissement du seuil.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Peut-être M. le ministre pourra-t-il nous informer quant à la date de parution de ce décret ?

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Je suis favorable à votre amendement, monsieur le député, car il tient compte du fait que les dispositions de l’article L. 2322-2 du code du travail sont applicables directement, et qu’il n’y a pas lieu de prendre un décret.

M. Michel Piron. Très bien !

(L’amendement n59 est adopté.)

Mme Véronique Massonneau. Tout arrive !

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n55.

M. Lionel Tardy. Vous pouvez considérer cet amendement comme un amendement de repli, puisque vous refusez d’avancer concernant les seuils sociaux. Il prévoit une sorte de gel des seuils – ce que vous souhaitiez faire, monsieur le ministre – mais non pas à titre expérimental. Il s’agit plus précisément d’une période de souplesse qui offrira un délai afin que les chefs d’entreprise intègrent les nouvelles obligations nouvelles.

L’idée est d’instaurer une période transitoire de trois ans à compter du franchissement d’un seuil – qu’il s’agisse de vingt-et-un ou de cinquante salariés – pendant laquelle l’application des obligations auxquelles les entreprises sont en théorie soumises en matière de représentation et de consultation du personnel est suspendue.

En toute logique, cela favorisera l’emploi pendant les trois prochaines années et, si la croissance est revenue d’ici là, l’emploi ne sera pas perdu. Je précise que nous parlons ici de PME ; il ne s’agit pas de grosses entreprises disposant de tous les moyens nécessaires en termes d’administration et de ressources humaines. Dans les petites structures, le poids des obligations est réellement important.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Aussi longue soit-elle, la période de transition se termine un jour. Je ne vois donc pas ce qu’apportent les éléments que contient l’amendement de M. Tardy ; avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Avis défavorable.

(L’amendement n55 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n2.

M. Lionel Tardy. Celui-ci n’est pas mal… (Sourires.) Lorsque l’on fait la grève, on n’est pas payé : c’est la règle et elle s’applique sans exception, en tout cas aux salariés. En effet, figurez-vous que, sauf erreur de ma part, elle n’est pas explicitement inscrite dans le code du travail. Cela signifie que ce principe fait l’objet de dérogations : dans les faits, il existe des arrangements visant à ce que les salariés grévistes soient rémunérés.

Dans les entreprises publiques, où existent des syndicats très puissants, le paiement des jours de grève fait partie des conditions de négociation de l’accord de reprise du travail, et il est accepté, ou en tous cas il l’a été, notamment à la SNCF jusqu’en 2010, date à laquelle Guillaume Pepy y aurait mis fin.

Ainsi, ces pratiques ont existé et il n’est pas exclu qu’elles existent encore. Bien entendu, la plupart des employés du secteur public, comme les enseignants, n’ont jamais connu ce genre de dérogations, et la règle du tantième indivisible s’applique. Cependant, il faut sur cette question éviter toute rupture d’égalité entre le privé et le public.

L’objet de cet amendement – auquel vous souscrirez tous – consiste donc à inscrire ce principe dans le code du travail en précisant que tout accord dérogatoire est nul et non avenu. Cela permettra également d’éviter certaines interrogations des Français qui, si elles relèvent parfois du fantasme, existent bel et bien concernant le paiement des jours de grève.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. En effet, voici un amendement de taille ! En clair, vous dites – je vous lis – qu’il faut « prohiber définitivement » le paiement des jours de grève.

Tout d’abord, votre argumentation semble supposer que faire grève est un plaisir, et que c’est là un critère de distinction entre les grévistes et les non-grévistes.

M. Lionel Tardy. Oui, si vous êtes payés !

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Pardonnez-moi de vous préciser que lorsque les salariés d’une entreprise sont amenés à faire grève, c’est probablement qu’il s’est produit un défaut de dialogue social. Voilà le premier élément qu’il convient de mettre en avant.

Deuxièmement, monsieur Tardy, j’ignore où vous avez vu que les jours de grève sont payés ?

M. Lionel Tardy. Pourquoi y a-t-il une différence entre le public et le privé ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Où avez-vous vu que les jours de grève sont payés ? Je renonce à vous convaincre. Il peut y avoir des négociations en arrière-plan, mais on ne saurait d’un côté appeler à la souplesse comme vous ne cessez de le faire tout en considérant de l’autre que, le cas échéant, les négociations doivent être remises en cause.

Le droit de grève est constitutionnel et il est extrêmement important ; il doit être préservé dans l’esprit et la forme qui sont les siens. L’avis de la commission est donc extrêmement défavorable.

M. Gérard Sebaoun. Bravo !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Avis tout aussi défavorable. On l’a dit : les jours de grève donnent déjà lieu à une retenue sur salaire. Aucune raison ne justifie une interdiction générale de payer ces journées puisqu’en la matière, il faut laisser la liberté aux parties prenantes au conflit, qui sont les mieux à même – vous le savez bien, car il faut voir ce qu’est un conflit – d’apprécier ce qu’il convient de faire pour en sortir.

Surtout, une telle disposition serait manifestement contraire au principe à valeur constitutionnelle de la liberté contractuelle : voilà la vraie raison !

(L’amendement n2 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Monique Orphé, pour soutenir l’amendement n460.

Mme Monique Orphé. L’article 1er du projet de loi prévoit la création de commissions paritaires régionales pour les salariés et les employeurs des entreprises de moins de onze salariés. Le nombre fixé par la loi est inadapté aux besoins et aux capacités des collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon. Le présent amendement a pour but qu’un décret fixe le nombre de représentants des organisations professionnelles d’employeurs et des organisations syndicales de salariés en tenant compte de la situation de ces territoires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Nous avons adopté tout à l’heure un amendement qui tenait compte de la spécificité de Saint-Pierre-et-Miquelon ; vous souhaitez y ajouter Saint-Barthélemy et Saint-Martin. Je vous propose donc de rectifier cet amendement en remplaçant les mots : « à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon » par les mots : « à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin ».

M. le président. Acceptez-vous de rectifier l’amendement en ce sens, madame Orphé ?

Mme Monique Orphé. Oui, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n460 devient ainsi l’amendement n460 rectifié. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Avis favorable.

(L’amendement n460 rectifié est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement n248.

M. Francis Vercamer. Sans doute vous rappelez-vous du rapport Perruchot, monsieur le ministre, qui n’a jamais vu le jour. J’appartenais à la commission : Arnaud Richard, Nicolas Perruchot et moi-même avions voté ce rapport qui, hélas, n’a donc pas vu le jour, faute de majorité au sein de la commission.

Il concernait pourtant le financement syndical, et M. Perruchot avait abordé un certain nombre de dispositifs quelque peu particuliers, ce qui avait donné lieu à plusieurs modifications du financement syndical. Certes, cela allait dans le bon sens, mais peut-être n’avons-nous pas été jusqu’au bout. Ainsi, lors de l’examen de la loi de 2014 sur la formation professionnelle, certains d’entre nous ont demandé que soient prises des mesures supplémentaires pour contrôler les 60 millions d’euros affectés au fonds paritaire créé à cette occasion.

Mon amendement est simple : il vise à ce que nous fixions dans la loi un montant de crédits inscrits dans le projet de loi de finances et affectés au financement des organisations syndicales. Je propose donc que ce montant soit fixé au prorata de la représentativité issue des élections professionnelles, laquelle est désormais complète puisque les TPE votent également.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Je vous répondrai en deux points. Tout d’abord, nous ne pouvons pas voter une loi qui s’imposerait à la loi de finances. D’autre part, c’est le montant global des crédits affectés au fonds qui est adopté en loi de finances, et non leur répartition. L’avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Je compléterai les justes remarques de M. le rapporteur par plusieurs éléments. L’objectif que vous poursuivez de mieux répartir le financement des organisations syndicales en fonction de leur audience, puisque c’est de cela qu’il s’agit, est tout à fait légitime. Comme cela a été dit plusieurs fois, c’est une question de démocratie et de transparence.

Cependant, cet objectif est satisfait par les dispositions de la loi du 5 mars 2014 sur le fonds paritaire de financement et par ses décrets d’application. En effet, les crédits de ce fonds sont répartis entre les organisations représentatives selon des règles claires qui tiendront compte de l’audience. Ainsi, l’adoption d’une telle règle en loi de finances serait inutile et inadaptée au mécanisme du fonds, qui relève de la gestion paritaire des partenaires sociaux. L’avis est donc défavorable.

(L’amendement n248 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n36.

Mme Véronique Louwagie. Par cet amendement, nous vous proposons finalement de mettre en place le dialogue social, puisqu’il s’agit du titre même du projet de loi que nous examinons. Vous l’avez fait savoir à plusieurs reprises, monsieur le ministre : vous aimez le dialogue social. Nous vous offrons donc là un instant de vérité !

Nous examinons un projet de loi qui fait suite à l’échec des négociations entre partenaires sociaux en janvier dernier, échec qui a finalement conduit le Gouvernement à intervenir en proposant le présent texte. Nous vous proposons donc une séance de rattrapage, puisque cet amendement vous permet – c’est plutôt sympathique – d’éviter que ne se produise une grande désillusion vis-à-vis du dialogue social et de mettre en place un accord national interprofessionnel et un accord national multiprofessionnel qui proposeraient au Parlement, dans un délai de deux ans – soit un délai conséquent, tout à fait admissible –, les moyens de déterminer les modalités de représentation au niveau territorial des salariés des entreprises de moins de cent salariés. Au fond, nous vous proposons de redonner la parole aux partenaires sociaux afin qu’ils puissent intervenir dans le cadre du dialogue social. Je ne vois donc guère quelles pourraient être les motivations qui vous empêcheraient d’être favorables à un tel amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Je n’ai pas entendu, au cours des auditions, formuler la demande d’un big bang tel que celui que vous évoquez. Je rappelle qu’à ce stade, les choses sont relativement claires : dans les entreprises d’au moins onze salariés, les délégués du personnel sont obligatoires. À partir de cinquante salariés, il est créé un comité d’entreprise et un CHSCT. Enfin, une délégation unique du personnel, choisie par 64 % des entreprises, est instaurée dans les entreprises ayant jusqu’à 200 salariés aujourd’hui, et 300 demain. Les choses étant claires, je ne vois pas ce qu’apporterait de plus l’amendement que vous proposez ; avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Même avis, pour les mêmes raisons.

(L’amendement n36 n’est pas adopté.)

Avant l’article 2

M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement n609.

M. Denys Robiliard. Il s’agit d’un amendement que nous avions examiné en commission et que j’avais retiré afin que l’on tente de trouver une rédaction consensuelle, mais sans doute n’a-t-on pas eu le temps d’y parvenir. Peut-être puis-je profiter de cet exposé pour clarifier la portée de cet amendement.

Très clairement, les délégués syndicaux correspondent à une réalité juridique stricte. Il existe dans l’entreprise d’autres personnes que les délégués syndicaux qui reçoivent un mandat syndical : je pense au représentant syndical au comité d’entreprise, qui n’est pas un délégué syndical et qui a pourtant un mandat. Il me semble que le système de valorisation de l’activité syndicale qui est prévu à l’article 2 mérite de bénéficier à ces représentants syndicaux.

D’autre part, il existe des salariés de l’entreprise qui sont titulaires de mandats syndicaux à l’extérieur de l’entreprise. Compte tenu du nouveau mode de désignation des conseillers de prud’hommes par les syndicats, on peut considérer qu’un mandat prud’homal sera désormais un mandat syndical. De la même façon, si vous êtes membre du conseil d’administration d’une caisse primaire d’assurance maladie au titre d’un syndicat, vous détenez un mandat syndical.

Ces personnes ont un mandat syndical qui s’exerce à l’extérieur de l’entreprise, mais il me semble que la valorisation de cette activité et les compétences nouvelles qu’elle leur permet d’acquérir méritent d’être considérées de la même manière que pour les élus du personnel.

Voilà pourquoi je souhaitais modifier l’intitulé du chapitre II.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Je vous concède, monsieur Robiliard, que nous n’avons pas eu le temps de nous revoir pour repenser la rédaction de cet amendement. Fort logiquement, je vais reprendre les propos que j’ai tenus en commission. Nous considérons que le chapitre II ne traite que des instances représentatives du personnel et des délégués syndicaux qui sont dans l’entreprise. Étendre, comme vous le suggérez, les dispositifs de l’article aux conseillers prud’homaux reviendrait à nous intéresser aux représentations à l’extérieur de l’entreprise.

Cela présente une difficulté, notamment en ce qui concerne l’entretien particulier et les garanties financières qui sont apportées en ce qui concerne les évolutions de rémunération. Le fait que le salarié se trouve à l’extérieur de l’entreprise pourra être présenté par le chef d’entreprise comme une difficulté dans les discussions avec ce salarié, notamment à propos des deux aspects que je viens de mentionner.

Je comprends l’esprit qui vous anime, cher collègue, mais il serait, me semble-t-il, délicat d’introduire des représentants exerçant leur mandat syndical en dehors de l’entreprise.

Pour ces raisons, que j’ai déjà exprimées en commission, j’émets un avis défavorable. Encore une fois, nous n’avons pas eu le temps de trouver les ajustements nécessaires, mais en tout état de cause nous pourrions peut-être étendre l’entretien particulier, et encore, mais la question de l’égalité salariale présente à l’évidence plus de difficultés.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. C’est une réflexion intéressante que vous nous proposez, monsieur Robiliard.

Je souscris en partie à l’argumentaire que vient de développer le rapporteur. Ce chapitre vise expressément les délégués syndicaux et non les titulaires d’un mandat syndical. C’est ce qui est ressorti des débats que nous avons eus avec les partenaires sociaux et c’est le point qui me gêne le plus.

L’objectif de ce chapitre est de mettre fin à la situation précédente dans laquelle les représentants du personnel pouvaient être pénalisés, en garantissant le maintien du salaire mais aussi en faisant en sorte que l’exercice d’un mandat syndical dans l’entreprise soit valorisé, notamment en prenant en compte les entretiens.

Je comprends parfaitement l’intérêt de votre proposition, mais le prisme à travers lequel doit être regardé ce projet de loi, c’est l’entreprise, et ces dispositions sont adaptées à l’exercice d’un mandat dans l’entreprise. C’est ce qu’avaient en tête les partenaires sociaux. Je suis parti des avancées émises par les uns et des autres au cours du dialogue entre partenaires sociaux, puis de celles émises lors de nos rencontres. Je me suis nourri de leurs propositions. Ce sont les partenaires sociaux qui m’ont proposé ces avancées pour les délégués syndicaux dans l’entreprise, c’est pourquoi je vous propose d’en rester là pour le moment.

M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Votre position pose un problème de méthode et un problème de fond.

Le problème de méthode vient de ce que nous sommes en train de discuter des points d’accord entre partenaires sociaux bien qu’il n’y ait pas d’accord. Déjà lorsqu’il existe un accord national interprofessionnel dûment signé, son interprétation varie selon les signataires, mais là aucun accord n’a été signé, et pourtant nous devons considérer les éléments qui pourraient faire l’objet d’un accord. Je sais que certains syndicats sont d’accord avec cette proposition. Il est possible que d’autres ne le soient pas, mais pour autant, je ne pense pas qu’elle soit sortie de ma seule cervelle…

J’en viens au problème de fond. S’agissant d’un dispositif visant clairement à combattre la discrimination salariale, celle-ci n’est pas plus acceptable à l’égard d’un syndiqué exerçant son mandat à l’extérieur de l’entreprise qu’à l’égard d’un délégué syndical exerçant son mandat à l’intérieur de l’entreprise.

Puisqu’il s’agit de valorisation de l’activité syndicale, les compétences qu’acquiert le syndiqué qui exerce son mandat syndical à l’extérieur de l’entreprise tout en restant salarié de cette entreprise ainsi que le travail qu’il accomplit sont valorisables à l’intérieur de l’entreprise, de la même façon que pour un élu du personnel.

Je voudrais évoquer un dernier point, sur lequel je pense que vous pourriez a minima me donner raison, et qui porte sur l’interprétation de la notion de délégué syndical. Celle-ci devrait au moins intégrer – et cela peut être fait dans une déclaration orale de votre part, monsieur le ministre – le représentant syndical au comité d’entreprise, dans la mesure où il est chargé d’un mandat syndical au sein de l’entreprise. Je ne vois pas pourquoi il aurait un statut inférieur à celui du délégué syndical, qui exerce lui aussi au sein de l’entreprise.

Voilà les trois points que je voulais vous signaler. Dans l’hypothèse où, par extraordinaire, mon amendement ne serait pas adopté, peut-être pourrons-nous avancer dans le cadre de la navette.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Une nouvelle fois, je vous concède, monsieur Robiliard, que si nous avions eu le temps d’échanger, nous serions probablement parvenus à une position commune car je me retrouve assez dans les arguments que vous venez de développer, notamment ceux qui portent sur la deuxième partie de votre propos.

Il existe deux solutions : ou bien vous retirez cet amendement et nous étudierons cette proposition dans le cadre de la navette, ou bien j’émets un avis de sagesse en attendant de connaître la façon dont le Gouvernement prendra en compte cette disposition. Je vais donc m’en remettre à la sagesse de l’Assemblée.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Rebsamen, ministre. Monsieur Robiliard, contrairement à ce que vous laissez penser, je n’ai pas remis en cause votre argumentation et je vous demande de considérer la mienne.

Je me réfère à la concertation que j’ai menée avec les partenaires sociaux. C’est vrai, lorsqu’un accord est signé, la transposition n’est pas faite intégralement, même si celui qui défend l’accord et rien que l’accord, c’est-à-dire souvent le Gouvernement, se trouve en difficulté lorsqu’il s’oppose à des amendements apportant des améliorations. C’est un peu le cas de votre amendement.

L’argument qui me touche le plus, c’est qu’à travers cette partie du texte nous voulons encourager et valider tous les titulaires d’un mandat syndical. C’est vrai, nous voulons susciter des vocations et faciliter la reconnaissance du fait syndical, de l’engagement syndical, de l’engagement militant au service des autres.

Cet engagement, je ne le nie pas, n’existe pas uniquement dans l’entreprise. Vous avez cité le cas des prud’hommes, par exemple, et il existe peut-être d’autres cas. Votre amendement élargit le champ de l’article : après tout, si cela peut susciter des vocations ou mettre fin à la pénurie de vocations, pourquoi pas ? Je ne sais pas si vous pensez uniquement aux entretiens, mais la question du salaire, disons-le clairement, peut être un élément de blocage pour un salarié qui envisage de représenter les autres en devenant délégué syndical. Je m’en remets donc, à l’instar du rapporteur, à la sagesse de l’Assemblée.

Mme Joëlle Huillier. Très bien !

(L’amendement n609 est adopté.)

Article 2

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, premier orateur inscrit sur l’article 2.

M. Lionel Tardy. J’aimerais évoquer mon expérience personnelle pour dire que chaque nouvelle obligation doit être réfléchie et, si elle doit vraiment être instaurée, elle doit l’être avec précaution.

À partir de quinze salariés, le chef d’entreprise passe son temps à gérer les ressources humaines et à s’occuper d’administratif et de dialogue social. C’est gênant parce que pendant ce temps-là, il ne prend pas les décisions qui permettraient de générer du chiffre d’affaires supplémentaire, et donc, par extension, de créer des emplois.

Dialogue social et emploi sont liés, mais à vouloir trop en faire le premier devient souvent l’ennemi du second. C’est le cas lorsque le dialogue social est plus centré sur la quantité que sur la qualité. À force d’obligations mises bout à bout sans réflexion, le dialogue social en France est devenu une suite d’obligations et de contraintes, et ce n’est pas au bénéfice de l’entreprise et de ses membres.

Il faut absolument revenir sur cette logique désastreuse, et pour cela modifier l’article 2, qui en est malheureusement un exemple.

M. le président. La parole est à M. Michel Liebgott.

M. Michel Liebgott. Cet article 2 illustre le fait que le dialogue social doit se poursuivre et reposer sur des délégués syndicaux qui auront plus de facilités qu’ils n’en ont eu jusqu’à présent pour exercer leurs fonctions. Il démystifie ce que pensent beaucoup d’entrepreneurs, les enquêtes le démontrent, à savoir que les délégués syndicaux sont là plutôt pour entraver l’entreprise, et il démystifie également ce que ressentent les délégués syndicaux, qui considèrent que leur engagement freine l’évolution de leur carrière. Cela contribue à restaurer un climat de confiance entre les uns et les autres : c’est l’esprit même de ce projet de loi et de l’article 2. Nous devons nous aussi y contribuer, comme nous l’avons fait tout à l’heure.

Hier soir, nous avons participé à un débat extraordinaire en envisageant, à la demande de la majorité et de l’opposition, d’étendre les commissions paritaires régionales. Il faut effectivement plus d’échanges et plus de reconnaissance de l’intervention syndicale. Encore faut-il que la confiance règne entre les uns et les autres et que les règles soient clairement établies.

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. L’article 2 prévoit un entretien individuel et apporte des éléments nouveaux en ce qui concerne l’entretien professionnel. Il s’agit, en tout état de cause, de nouvelles obligations à la charge de l’entreprise.

Je voudrais faire deux remarques.

La première porte sur l’entretien individuel. L’article prévoit que « le représentant du personnel titulaire ou le délégué syndical bénéficie d’un entretien individuel ». Monsieur le ministre, cet entretien individuel est-il obligatoire ou non ? La manière dont le texte est formulé, avec l’emploi du terme « bénéficie », ne permet pas, à la première lecture, d’affirmer que cet entretien est obligatoire.

La seconde remarque concerne l’entretien professionnel. L’article précise que « l’entretien permet de procéder au recensement des compétences acquises au cours du mandat et de préciser les modalités de valorisation de l’expérience acquise ». Je m’interroge sur les risques qui pourraient exister pour l’employeur. En effet, lorsqu’au terme de son mandat, les compétences acquises par le salarié sont établies, l’employeur ne risque-t-il pas de se retrouver en situation de difficulté si le salarié, en vertu du statut protecteur dont il bénéficie, refuse un changement de conditions de travail qui résulterait du projet de l’employeur ou une modification de son contrat de travail qui ne peut être imposée à aucun salarié sans accord préalable ?

Il sera fait état de modalités de valorisation de l’expérience acquise. J’ai bien entendu qu’il ne s’agissait pas de reclassement, mais l’employeur ne sera-t-il pas dans une situation délicate s’il est dans l’incapacité de respecter une obligation de résultats ? Ne risque-t-il pas une sanction ?

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Cet article 2 vise à valoriser les parcours professionnels des élus et des délégués syndicaux dans l’entreprise ainsi que, si j’ai bien compris, à la faveur de l’adoption de l’amendement de nos collègues, des titulaires d’un mandat syndical.

Les chefs d’entreprise sont les premiers à souhaiter dialoguer régulièrement avec des représentants formés, mais constructifs, quand l’entreprise va bien et – c’est l’objet d’amendements que nous déposons régulièrement sur les fameux accords offensifs – quand l’entreprise va moins bien et que des décisions douloureuses sont à prendre.

Nous sommes tous ici très attachés au dialogue social. J’ai personnellement beaucoup de respect, soit dit en réponse à notre collègue, pour ceux qui s’engagent dans les associations, les syndicats et les partis politiques. Il me semble donc normal voire indispensable que les délégués du personnel et les délégués syndicaux reçoivent une formation au début de leur mandat comprenant si possible un module portant sur les enjeux économiques. J’estime en effet que l’économie, tant la microéconomie que la macroéconomie, n’est pas toujours correctement enseignée et l’est parfois de façon très orientée. Je suis également tout à fait favorable à la reconnaissance de l’expérience acquise par les délégués du personnel à condition, comme le propose un amendement que je défendrai, qu’elle relève d’un jury extérieur à l’entreprise. J’approuve ce que vient de dire notre collègue Véronique Louwagie. Je ne pense pas que la formulation de cette reconnaissance et la validation des acquis des personnels engagés au service des entreprises relèvent de l’employeur. Nous pourrions nous inspirer très fortement de ce qui est pratiqué en matière de validation des acquis et de l’expérience.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Rebsamen, ministre. Afin d’éclairer les deux dernières intervenantes, j’annonce que nous débattrons d’un amendement précisant que l’entretien n’est pas obligatoire et a lieu à la demande du salarié concerné, ce qui répond à la question posée par Mme Louwagie.

Par ailleurs, pour mettre un terme à un débat précédent, je précise qu’il existe 1 600 entreprises de quarante-neuf salariés et 620 de cinquante salariés, soit en effet deux et demie fois plus.

Enfin, il ne faut pas confondre, madame Le Callennec, VAE et VEA. Il ne s’agit pas de la validation des acquis de l’expérience mais de la valorisation de l’expérience acquise, ce qui n’est pas la même chose. La valorisation de l’expérience acquise, l’alinéa 3 en précise les modalités. La certification ne vaut pas validation des acquis de l’expérience.

M. le président. Nous en venons à l’examen des amendements.

La parole est à M. Gérard Sebaoun, pour soutenir l’amendement n671.

M. Gérard Sebaoun. Cet amendement n’aurait pas dû exister car nous avons adopté en commission, à l’initiative de notre groupe, l’alinéa 4 de l’article 2 visant à favoriser le syndicalisme notamment parmi les femmes, largement sous-représentées. À la relecture de l’alinéa 4, il m’a semblé que la formulation retenue comportait une ambiguïté. Il est pour l’instant rédigé comme suit : « Par ailleurs l’employeur doit veiller à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux fonctions syndicales et électives ». L’expression « veiller à favoriser » me semble receler une ambiguïté car l’employeur, me semble-t-il, ne peut pas favoriser l’accès des uns ou des autres à des fonctions syndicales. C’est pourquoi nous sommes quelques-uns à nous permettre de proposer une autre rédaction, qui n’est peut-être pas parfaite mais lève cette ambiguïté. L’objectif est de faire en sorte que l’entreprise compte des éléments favorisant notamment la vie personnelle, professionnelle et syndicale des uns et des autres, femmes et hommes bien sûr.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. J’avoue hésiter un peu au sujet de cet amendement. À l’évidence, l’accord serait plus effectif mais sa mise en œuvre risque d’être plus longue, ce qui me laisse dubitatif, même si je ne peux pas être en désaccord avec la proposition de M. Sebaoun. Je me demande néanmoins si l’adoption de cet amendement ne comporte pas le risque de remettre à plus tard l’avancée assez intéressante adoptée en commission sur proposition de la délégation aux droits des femmes, et ce en raison de la nécessité de l’accord d’entreprise.

M. Lionel Tardy. Que de flottements !

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Je me tourne donc vers M. le ministre pour confirmer l’avis favorable que j’émets non sans une forme d’inquiétude dont je ne peux pas ne pas faire état en émettant cet avis.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Le sujet est compliqué car le mieux est souvent l’ennemi du bien ! Je comprends l’amendement qui rappelle l’objectif d’égalité et prévoit qu’un accord syndical veille à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux fonctions syndicales. Cet accord détermine les mesures à mettre en œuvre pour concilier vie personnelle, vie professionnelle et fonctions syndicales et électives en veillant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes et prend en compte l’expérience acquise dans le cadre de l’expérience des mandats. Si nous sommes certains, à l’instant où je parle, qu’il s’agit bien d’une avancée susceptible d’être mise en œuvre, alors je suis favorable à l’amendement.

Mme Isabelle Le Callennec. Une avancée ?

(L’amendement n671 est adopté et les amendements nos 522, 342 et 344 tombent.)

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n60.

M. Lionel Tardy. On parle souvent de simplification du code du travail mais il est clair que, ici, nous n’y sommes pas. Lors de l’examen de la loi relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, je me suis interrogé sur l’instauration d’un entretien obligatoire après une période d’absence de l’entreprise due à un congé maternité, une maladie ou un mandat syndical. Je maintiens qu’il est étrange de considérer qu’un mandat syndical équivaut à une période d’absence de l’entreprise mais c’est peut-être ainsi que vous le concevez, monsieur le rapporteur, malheureusement.

L’article 2 introduit un peu de clarté car l’entretien avec un ex-élu syndical servira à faire une sorte de bilan. Sans préjuger de l’utilité d’un tel entretien, je propose de regrouper tout ce sur quoi il porte dans un seul et même article du code du travail, l’article L. 6315-1. En commission, M. le rapporteur a déposé un amendement identique puis l’a retiré sans pour autant adopter celui-ci. Il est purement rédactionnel mais c’est avec ce genre d’amendement qu’on améliorera la lisibilité du code du travail.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Votre amendement n’est pas rédactionnel, cher collègue, mais légistique. Pour ma part, je ne vois pas l’intérêt de rassembler deux éléments distincts dans un même article. J’émets donc un avis défavorable.

M. Lionel Tardy. Au diable la simplification !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Même avis.

(L’amendement n60 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement n591.

M. Denys Robiliard. C’est le même amendement que celui défendu tout à l’heure, appliqué ici au corps du texte. Par conséquent, je considère qu’il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. C’est un amendement de cohérence avec ce qui a été décidé tout à l’heure. L’avis est donc favorable.

(L’amendement n591, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Sirugue, rapporteur, pour soutenir l’amendement n325.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Il est rédactionnel.

(L’amendement n325, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 341 et 590.

La parole est à M. Christophe Sirugue, rapporteur, pour soutenir l’amendement n341.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Il est rédactionnel.

M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement n590.

M. Denys Robiliard. Défendu.

(Les amendements identiques nos 341 et 590, acceptés par le Gouvernement, sont adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Cavard, pour soutenir l’amendement n386.

M. Christophe Cavard. Il reprend un débat que nous avons eu en commission où j’ai déposé un amendement proposant que le salarié soit obligatoirement accompagné lors de l’entretien. Cet amendement a évolué en raison des arguments de M. le rapporteur et M. le ministre. Je propose donc de conserver les mots « une personne de son choix » en supprimant la fin de l’alinéa de sorte que ladite personne ne fasse pas nécessairement partie de l’entreprise. Il s’agit tout de même de petites entreprises. Je prends donc en compte les arguments qui m’ont été opposés. Le salarié pourra ainsi disposer d’un accompagnement par une personne qui, peut-être, ne sera pas directement liée à l’entreprise. Compte tenu de la taille des entreprises concernées, le texte tel qu’il est rédigé peut poser un certain nombre de problèmes pratiques.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Je pense au contraire qu’il est plus judicieux, dans le cadre de la petite entreprise, que la personne accompagnant le salarié appartienne à l’entreprise, car les interventions extérieures sont particulièrement difficiles.

Mme Isabelle Le Callennec. Et les commissions paritaires régionales ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Je ne reprends pas le débat que nous avons eu il y a maintenant quelques heures. L’avis est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. Je fais le parallèle avec les procédures de licenciement en vigueur dans les entreprises : la personne doit appartenir à l’entreprise si celle-ci comporte un délégué du personnel et peut ne pas y appartenir sinon. Pourquoi ne pas laisser aux petites entreprises cette possibilité ?

M. le président. La parole est à M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. Je remercie mon collègue Gérard Cherpion de venir en renfort ! L’argument est réel, monsieur le ministre. Très sincèrement, il s’agit d’un aspect pratique qui n’a rien d’idéologique, d’autant plus que le droit du travail prévoit déjà cette possibilité dans des cas très précis. Il s’agit vraiment d’un sujet moins compliqué que le licenciement ou d’autres problèmes pour lesquels nous avons trouvé des solutions.

(L’amendement n386 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n61.

M. Lionel Tardy. L’article crée un nouvel entretien, l’entretien de début de mandat syndical. Conformément à l’esprit des amendements que j’ai défendus précédemment, je propose que cet entretien soit intégré à l’entretien professionnel qui existe déjà et dont je rappelle qu’il a lieu tous les deux ans, ce qui recouvre largement la durée d’un mandat syndical. Il s’agit toujours de limiter la multiplication des entretiens qui ne favorise ni la simplification ni la qualité du dialogue social. Il est temps de faire confiance aux chefs d’entreprise, monsieur le rapporteur ! Ce n’est pas parce qu’on rend possible la fusion des deux entretiens que les sujets sur lesquels ils portent se confondront forcément, contrairement à ce que vous pensez.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Notre collègue Tardy a bien anticipé ma réponse, qui celle que j’avais faites en commission. Je pense en effet qu’il existe un vrai risque. Si l’on rassemble les deux entretiens en un seul, on perd l’un des intérêts du texte tel qu’il est rédigé car leurs objets respectifs non seulement se rassemblent mais aussi se confondent. Les rassembler est selon moi une erreur, car certaines questions particulièrement précises méritent d’être examinées.

M. Lionel Tardy. Lesquelles ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. C’est pourquoi il est nécessaire de conserver deux entretiens. C’est aussi pourquoi je me suis opposé tout à l’heure au regroupement que vous suggériez. L’avis est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Même avis.

(L’amendement n61 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour soutenir l’amendement n313.

Mme Isabelle Le Callennec. Je ne comprends pas que vous ne compreniez pas mon amendement relatif à la valorisation des acquis et de l’expérience, monsieur le ministre ! Vous évoquez la valorisation de l’expérience acquise mais l’article 3 prévoit une liste de compétences faisant l’objet d’une certification et permettant d’obtenir des dispenses dans le cadre de la validation des acquis de l’expérience. On trouve donc bien, dans votre esprit comme dans le mien, l’idée d’une certification et d’une véritable valorisation des compétences des délégués syndicaux et des représentants du personnel. C’est pourquoi j’ai déposé cet amendement car je maintiens qu’elles ne relèvent pas de la compétence du chef d’entreprise. Il faut absolument que les compétences acquises soient déterminées et recensées par une personnalité ou un jury extérieur à l’entreprise car l’article 2 prévoit de préciser les modalités de valorisation des acquis.

On n’a pas besoin d’une VAE pour que le chef d’entreprise et le salarié s’entendent sur une éventuelle valorisation de ces acquis. En revanche, si on veut être véritablement utile aux délégués syndicaux et aux représentants du personnel, et leur donner une vraie vision du travail qu’ils auront réalisé, il faut passer par la certification : c’est d’ailleurs ce que vous dites à l’article 3. Je ne comprends donc pas que vous repoussiez mon amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Je pense qu’il y a une véritable confusion entre la VAE, qui obéit à des règles bien particulières et qui, assurément – je vous rejoins sur ce point – ne peut pas se traduire simplement par l’entretien entre l’employeur et le salarié, et ce que nous suggérons. Votre demande est d’ailleurs satisfaite par l’article 3 du projet de loi, qui prévoit qu’il sera mis en place un recensement des certifications comportant les compétences que le salarié pourrait se voir reconnaître à l’issue de son mandat.

Il y a donc là deux choses différentes. De fait, si c’était une VAE, un regard extérieur, tel qu’il est prévu dans le texte, serait probablement nécessaire, mais il ne s’agit pas de cela. Je vous renvoie à l’article 3, qui clarifie les choses de manière conforme à ce que nous souhaitons. L’avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Même avis. J’apporterai juste une précision en complément. La validation des compétences acquises par le délégué syndical pourrait donner lieu à une validation des acquis de l’expérience. C’est ce que nous verrons lors de l’examen du processus défini à l’article 3, qui a précisément pour objet de permettre un tel parcours.

(L’amendement n313 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement n607.

M. Denys Robiliard. C’est un amendement de cohérence avec notre amendement précédent et celui qui a été adopté sur le titre.

(L’amendement n607, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n286.

Mme Jacqueline Fraysse. Tous les salariés bénéficient d’un entretien professionnel annuel obligatoire avec leur employeur. L’article 2 prévoit que, lorsqu’il s’agit de représentants du personnel parvenus à la fin de leur mandat, cet entretien permet de « procéder au recensement des compétences acquises au cours du mandat et de préciser les modalités de valorisation de l’expérience acquise. » C’est évidemment une très bonne chose.

Le problème réside dans le fait que seuls les représentants du personnel ou les délégués syndicaux disposant d’un nombre d’heures de délégation au moins égal à 30 % de la durée du travail prévue par leur contrat bénéficient de cette disposition. Il nous apparaît que cette mesure est discriminatoire et injuste, puisqu’elle induit, sans le dire explicitement, que les représentants du personnel ou les délégués syndicaux exerçant moins de 30 % de leur temps de travail en heures de délégation ne pourront pas bénéficier du recensement de leurs compétences acquises au cours du mandat, et encore moins de la valorisation de ces dernières. Pourquoi cette discrimination injuste ? Elle l’est d’autant plus qu’elle est fondée uniquement sur le nombre d’heures de délégation. Or, il s’agit d’un indicateur parmi de nombreux autres. En effet, ces salariés travaillent beaucoup, en plus de leurs heures de délégation, qu’ils ne peuvent d’ailleurs souvent pas exercer, car ils doivent remplir leurs tâches professionnelles. Ils sont parfois contraints de travailler les week-ends et le soir, en sortant de leur entreprise.

Voilà pourquoi nous pensons que ce droit au recensement des compétences et à leur valorisation doit être accessible à tous les représentants du personnel, quel que soit leur temps de délégation. Tel est, monsieur le président, l’objet de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Nous avons déjà eu ce débat en commission. Il est important de se rappeler quelle a été notre base de travail. S’il n’y avait pas eu d’accord entre les partenaires sociaux, ces derniers avaient toutefois convenu d’un seuil de 50 %. Le seuil fixé par le projet de loi – 30 % – est donc en deçà de l’accord engagé. Au-delà de la question de l’existence ou non d’un accord – puisqu’il n’a pas été signé, on ne peut pas s’y référer pour certains sujets et l’ignorer pour d’autres –, il faut rappeler que l’objet du texte est de reconnaître l’importance de ceux qui ont un engagement syndical fort. Il n’y a là rien de péjoratif pour les salariés qui, dans le cadre de leur engagement syndical, ont moins d’heures de délégation. Mais, objectivement, ce sont les salariés éloignés de l’entreprise de manière substantielle qui subissent des contreparties dont beaucoup d’études ont montré qu’elles étaient réelles, à la fois sur leur parcours professionnel, mais aussi quant au niveau de rémunération.

Je pense donc qu’à vouloir baisser ce seuil – voire le supprimer, pour ce qui est de votre amendement –, on prend le risque de diluer le dispositif, qui concernerait de la même façon des salariés absents quelques heures, dont l’action de représentation syndicale ne joue pas ou joue peu sur leur place dans l’entreprise, et ceux qui assument véritablement une action de représentation syndicale – le chiffre de 30 % correspond à la situation de ceux qui sont absents de l’entreprise durant la moitié de leur temps de travail. Or, d’après les études que nous connaissons tous, ces derniers sont ceux qui subissent objectivement cette discrimination, pour reprendre le terme que vous avez utilisé. C’est elle que nous voulons combattre grâce à ces dispositions.

Le seuil de 30 % me paraît tout à fait correspondre à l’esprit dans lequel nous avons voulu construire ce texte avec le Gouvernement. Le supprimer reviendrait à ne pas reconnaître la particularité de ceux qui exercent un gros investissement syndical, au travers de leurs heures de délégation. J’émets donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Nous avons eu, en effet, ce débat en commission, et le rapporteur vient de rappeler les raisons qui nous ont fait retenir ce seuil de 30 %, qui concerne les mandats que l’on peut qualifier de « lourds ». On ne peut pas abaisser ce seuil. L’avis est donc défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. J’entends tout à fait les arguments qui sont avancés. Il est vrai que ce sont les représentants des salariés assumant les plus lourdes délégations – et qui, souvent, les cumulent –, qui sont éloignés de l’entreprise et qui sont les plus pénalisés, c’est indiscutable. Mais notons bien que, si cette mesure est légitime, elle pénalise et dissuade d’autres salariés qui, nous l’avons dit tout à l’heure, sont en lien avec l’entreprise et assument utilement des responsabilités, puisqu’ils ne sont pas éloignés de l’entreprise. J’insiste sur le fait qu’ils peuvent, eux aussi, être pénalisés. Va-t-on les dissuader de s’engager ? Il y a peut-être un autre équilibre à trouver. Il est possible qu’en voulant supprimer le seuil de 30 %, j’émette une proposition excessive, mais ce dernier est énorme, puisqu’il représente 45 heures par mois.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Ce sont ces salariés qui sont pénalisés !

Mme Jacqueline Fraysse. Il est vrai que ceux-là sont les plus pénalisés, mais entre 45 et 5 heures, il y a tout de même une marge qui permettrait de définir un compromis entre nous.

(L’amendement n286 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 387 et 624.

La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour soutenir l’amendement n387.

Mme Véronique Massonneau. Je partage ce que vient de dire Mme Fraysse. Monsieur le rapporteur, je vous ai bien entendu lors des débats en commission. J’ai proposé le même amendement que celui de Jacqueline Fraysse, afin de permettre aux salariés, dès les premières heures de délégation, de bénéficier de cet entretien professionnel, qui permet de discuter des compétences acquises lors de ces mandats.

On l’a dit, il y a véritablement une crise de vocations syndicales. Les femmes ont encore du mal en la matière, éprouvent quelques blocages à l’idée d’exercer des mandats syndicaux. L’amendement n387 a donc pour objet d’abaisser le seuil en question à 10 % du temps de travail, ce qui permet de ne pas partir de la première heure de délégation.

Mme Jacqueline Fraysse. C’est une bonne solution !

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l’amendement n624.

Mme Sandrine Mazetier. Je défendrai simultanément l’amendement no 624 et l’amendement n626, à l’article 4, qui reposent sur le même principe. Les articles 2 et 4 font partie des grandes avancées de ce texte. Ils contiennent des dispositions souhaitées par le Gouvernement et les partenaires sociaux pour susciter des vocations et reconnaître, ou en tout cas compenser, les discriminations dont pâtissent les femmes ou les retards que subissent les représentants du personnel et les délégués syndicaux dans leur progression de carrière. Ils s’engagent pour défendre leurs collègues et, parfois, le payent un peu, à la fois dans leur rémunération et dans le déroulement de leur carrière. Ce sont donc, encore une fois, deux excellents articles.

Néanmoins, le seuil prévu de 30 % du temps de travail en heures de délégation nous semble trop élevé pour concerner les nouveaux venus, ceux que l’on souhaite attirer dans l’engagement et, en particulier, les femmes. Comme je l’ai dit en commission, l’étude d’impact du projet de loi est, de ce point de vue, très complète ; elle donne la répartition par sexe des mandats exercés. On se rend compte que des femmes s’engagent, malgré les freins à l’exercice d’un mandat, mais, en général, elles n’en exercent qu’un seul. Elles ne seront donc pas concernées par les dispositions – encore une fois, excellentes – des articles 2 et 4. C’est pourquoi la délégation aux droits des femmes a souhaité abaisser à 10 % d’heures de délégation le seuil fixé par ces deux articles.

Par ailleurs, je regrette très sincèrement l’adoption de l’amendement n671 de notre collègue Sebaoun, qui revient sur une disposition qui avait été adoptée par la commission des affaires sociales, sur la base d’un amendement proposé par la délégation aux droits des femmes, qui visait justement à ce que les employeurs s’investissent pour favoriser l’égal accès des femmes et des hommes à l’exercice des mandats électifs et syndicaux, sans que cela soit renvoyé à un accord. L’amendement qui vient d’être adopté écrase l’alinéa 4 de l’article 2. C’est tout à fait regrettable et assez peu respectueux du travail de la délégation aux droits des femmes et de la commission des affaires sociales. Je ne suis pas sûre, de surcroît, que cela permette de lever les freins à l’investissement et à la crise des vocations que l’on constate dans l’engagement syndical.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. S’agissant des amendements identiques de Mmes Massonneau et Mazetier, je vais essayer de formuler les choses de telle sorte qu’elles ne soient pas mal prises. On se connaît assez pour ne pas se faire de procès sur la question de la représentation des femmes. Je pense que c’est une mauvaise porte d’entrée sur le sujet dont nous parlons. Si je constate comme vous, que, malheureusement, les titulaires de mandats lourds – 30 %, pour reprendre le chiffre qui figure dans le texte – sont très majoritairement des hommes, je pense que notre objectif doit être avant tout de reconnaître l’engagement des présents, de ceux qui, parfois depuis de nombreuses années, assument ces fonctions. Cela concerne aussi des femmes : j’en ai reçu un certain nombre au cours des auditions, et je pense que c’est également le cas de Sandrine Mazetier.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Nous devons bien sûr éviter que, parmi les titulaires d’un mandat syndical, ce soit les femmes qui bénéficient de 10 % d’heures de délégation et les hommes de 30 %, mais il me semble important surtout de reconnaître celles et ceux, femmes ou hommes, qui se sont engagés de manière substantielle. Or, la discrimination à l’encontre des représentants syndicaux n’est pas la même selon le nombre d’heures de délégation que comportent leurs mandats.

Je partage totalement vos convictions, madame Mazetier, mais si nous devions suivre le raisonnement que vous adoptez dans les amendements que vous avez déposés, nous serions alors en contradiction avec l’esprit des dispositions inscrites dans cette partie du texte. Il est question ici de défendre celles ou ceux qui sont fortement impliqués dans une activité de représentation syndicale et qui, à ce titre, ont des parcours professionnels moins soutenus que d’autres, des rémunérations moins élevées que d’autres.

Parce que je veux coller à l’esprit qui présida à la rédaction de ces articles – non seulement l’article 2, mais aussi l’article 4, que vous avez eu raison de mentionner, madame Mazetier – et parce qu’il me semble que le sujet traité est en réalité non pas l’égalité entre les hommes et les femmes, dont il sera question plus loin, mais la reconnaissance de celles et de ceux qui ont choisi de donner leur temps et de sacrifier en partie leur parcours professionnel pour représenter les autres, je suis tenté de vous demander de retirer vos amendements, chères collègues. À défaut, j’y donnerai, à contre-cœur, croyez-le bien, un avis défavorable. Je partage votre point de vue, mais il me semble que vous ne choisissez pas le bon véhicule, si je puis dire, pour parvenir à vos fins.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Le rapporteur l’a exprimé avec conviction : madame Massonneau, madame Mazetier, l’esprit de cet article, et même de ce chapitre, est de prendre en compte la situation spécifique des représentants du personnel, hommes ou femmes, qui ont développé des compétences en dehors de leur poste de travail. L’entretien de fin de mandat vise bien à considérer la situation spécifique de ceux qui ont été absents pendant longtemps de leur poste de travail. Lorsqu’on bénéficie d’une délégation d’heures de 10 % du temps de travail, vous le savez, on n’est pas absent très longtemps de son poste de travail, on n’a donc pas besoin d’un entretien spécifique, qu’on soit homme ou femme, et il est exclu d’introduire une discrimination inversée en l’espèce.

Nous poursuivrons l’œuvre que vous avez commencée pour rétablir, garantir, valoriser l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes lors de l’examen des articles, tel que l’article 4, qui répondent à un tel objectif, mais à cet endroit du texte, ce n’est pas la bonne entrée. Le mieux serait donc que ces amendements soient retirés par leurs auteurs.

Quand les partenaires sociaux avaient discuté de ce seuil, ils l’avaient fixé à 50 %, comme le montrent les comptes rendus de leurs débats, qu’il s’agisse des syndicats réformistes ou des organisations patronales, lesquelles souhaitaient d’ailleurs qu’il soit même un peu plus élevé.

Mme Isabelle Le Callennec. Quelle est la définition d’un syndicat ?

M. François Rebsamen, ministre. Nous avons abaissé le seuil à 30 % pour prendre en compte un nombre plus important de représentants, mais il me semble qu’en bénéficiant d’une délégation d’heures de 10 %, on est présent dans l’entreprise.

M. le président. Madame Mazetier, souhaitez-vous maintenir votre amendement ?

Mme Sandrine Mazetier. Non, je le retire, monsieur le président.

(L’amendement n624 est retiré.)

M. le président. Et vous, madame Massonneau ?

Mme Véronique Massonneau. Je le maintiens, monsieur le président, et je m’en expliquerai ensuite.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Je serai brève. Des gestes volontaristes doivent être faits pour favoriser l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, nous sommes tous d’accord. Toutefois, je souscris aux observations du rapporteur confirmées par M. le ministre : il s’agit bien ici de défendre les salariés très engagés, qu’ils soient hommes ou femmes.

À cet égard, je le répète, je suis en désaccord sur le fond : le seuil de 30 % retenu pour ces salariés-là, hommes et femmes, me paraît trop élevé, car il correspond à 45 heures par mois. Il est proposé dans les amendements d’abaisser ce seuil à 10 %, mais vous ne trouvez pas cela raisonnable ; retenons alors 20 %.

Mme Véronique Massonneau. Pourquoi pas 15 % ?

Mme Jacqueline Fraysse. Le taux de 30 % est franchement trop élevé et prive un grand nombre de salariés, hommes et femmes, du bénéfice de cette disposition. Nous attendons une autre proposition.

M. le président. La parole est à M. Michel Liebgott.

M. Michel Liebgott. Dans la mesure où Sandrine Mazetier a retiré son amendement, je n’ai pas grand-chose à ajouter. Il ne faut pas qu’on se trompe de débat. Certes, il y a un débat sur l’égalité entre les femmes et les hommes – et non pas entre les hommes et les femmes, pour être tout à fait clair, je l’ai précisé en commission – mais ce qui nous importe ici, c’est de permettre à un certain nombre de femmes et d’hommes d’accéder à des fonctions syndicales, et ce, dans les meilleures conditions, c’est-à-dire sans être pénalisés dans leur carrière future.

Nous travaillons pour l’avenir, nous ne travaillons pas pour régler les problèmes du passé. Et pour se projeter dans l’avenir, il faut effectivement que les femmes et les hommes bénéficient des mêmes dispositifs. Sinon, on basculerait dans l’absurde : il faudrait qu’il y ait des dispositifs particuliers pour chacun des sexes, et ce n’est pas ce que nous souhaitons les uns et les autres,…

M. Jean-Frédéric Poisson. Ce n’est pas possible !

M. Michel Liebgott. … car ce serait inéquitable et profondément injuste, voire insultant pour les femmes.

Mme Véronique Louwagie. Tout à fait !

M. le président. La parole est à Mme Véronique Massonneau.

Mme Véronique Massonneau. J’ai bien parlé des femmes et des hommes, cher collègue.

Je suis embêtée. Ces mesures d’accompagnement et de reconnaissance sont très intéressantes mais, comme je l’ai déjà dit, vous allez maintenir le cumul des mandats de ces représentants syndicaux. Comme vous le savez, nous faisons un effort aujourd’hui pour limiter le cumul des mandats politiques. Je souhaiterais donc que, pour laisser la place aux nouveaux entrants, notamment aux femmes, il faut également limiter le cumul des mandats syndicaux.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Pardonnez-moi d’y revenir, mais on ne peut pas ignorer que l’exercice de certains mandats nécessite un nombre d’heures substantiel, nonobstant la question du cumul.

M. François Rebsamen, ministre. Bien sûr !

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Je rejoins Véronique Massonneau sur le fait que la question du cumul est un élément du débat. Cependant, certains mandats, qu’ils soient exercés par des femmes ou par des hommes, nécessitent jusqu’à vingt heures, un nombre d’heures relativement conséquentes, si on veut bien le reconnaître. L’objet n’est donc pas de mettre tous les représentants syndicaux sur un pied d’égalité, et sur ce point je suis en désaccord avec Jacqueline Fraysse, car la question est bien de savoir combien de temps on est éloigné de son poste de travail ; voilà le sujet.

Mme Jacqueline Fraysse. Bien sûr !

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Quand vous avez d’une délégation d’heures de 10 %, vous êtes nécessairement beaucoup moins éloigné de votre poste de travail que lorsque ce taux s’élève à 30 %.

M. Jean-Frédéric Poisson. Voilà qui est clair !

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Certes, mais parfois il vaut mieux dire les choses de manière précise.

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est vrai !

M. Christophe Sirugue, rapporteur. J’entendais Mme Catherine Coutelle demander pourquoi on avait retenu le taux de 30 %, plutôt que celui de 25 %, 20 % ou 15 %. C’est parce que, en termes d’heures, ce taux correspond à un mi-temps. Les salariés qui ont ces délégations-là sont véritablement discriminés, nous le savons, et bien plus que ceux qui exercent leur délégation pendant un nombre d’heures correspondant à 10 % de leur temps de travail. Je le répète, et je vous le dis tel que je le ressens : en retenant un seuil de 10 %, on ne témoigne pas à celles et à ceux qui se sont véritablement engagés pour tous les salariés de leur entreprise la reconnaissance qu’ils méritent. Et nous souhaitons voir reconnaître aujourd’hui, ce sur quoi nous étions tout à l’heure en désaccord avec quelques collègues de l’opposition, que le mandat syndical vaut pour tous les salariés de l’entreprise, qu’ils soient syndiqués ou non.

Voilà pourquoi je plaide pour que nous conservions le seuil de 30 %, et non pas ceux de 25 %, 20 % ou 15 %, qui me paraissent bien moins aisés à justifier. Le taux qui a été retenu me paraît préférable à celui de 50 %, pourtant acté par les partenaires sociaux.

Je le dis avec beaucoup de conviction, et j’espère que vous le vivez comme tel : cet article nous donne l’opportunité d’accomplir un véritable devoir de reconnaissance, et il serait regrettable de le diluer par une telle approche, que je respecte par ailleurs et pour laquelle je milite avec beaucoup sur ces bancs, mais que nous retrouverons plus utilement à l’article 4 et à l’article 5 car la place des femmes n’est assurément pas assez importante en matière de représentation syndicale. Mais, de grâce, ne confondons pas les valeurs, les symboles. Le symbole que nous portons ici est trop fort pour que nous puissions l’atténuer au travers des propositions que vous formulez. Je répète donc que l’avis est défavorable.

Mme Véronique Massonneau. Je retire mon amendement.

(L’amendement n387 est retiré.)

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n31.

Mme Véronique Louwagie. Cet amendement reprend les propos que j’ai tenus sur l’article 2 au sujet du risque que la formulation du texte fait apparaître pour l’employeur : celui-ci serait dans l’obligation de reclasser le salarié au terme de son mandat syndical afin de valoriser les compétences qu’il aurait acquises en cours de mandat. L’employeur serait ainsi lié par une obligation de résultat en matière de reclassement.

Je vous ai interrogé à ce propos dans mon intervention de tout à l’heure, monsieur le ministre, mais vous n’avez pas répondu. Une telle disposition risque en effet de mettre l’employeur en difficulté si le salarié refuse, en vertu de son statut protecteur, le simple changement des conditions de travail qui résulterait du projet de l’employeur ou bien une modification du contrat de travail qui ne peut être imposée à aucun salarié sans son accord préalable.

C’est pourquoi nous vous proposons une rédaction alternative consistant à simplement « évoquer avec le salarié ses possibilités d’évolutions professionnelles au regard de ses compétences ». Le risque de reclassement nous paraîtrait ainsi moindre.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Madame Louwagie, où avez-vous vu dans le texte une obligation de reclassement ? À quel endroit du texte est-il fait mention d’une telle obligation ? Nulle part. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous mettons en place à la fois l’entretien et l’évaluation, laquelle était l’objet des amendements qui viennent d’être discutés.

Ne comprenant pas l’objet de cet amendement, j’émets un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Même avis ; je m’en suis expliqué voilà quelques instants.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Coutelle.

Mme Catherine Coutelle. Monsieur le ministre, je trouve cet alinéa 3 particulièrement intéressant. Certes, nous nous sommes expliqués longuement sur le choix du seuil, 30 % ou 10 %, mais cette disposition est vraiment une très grande avancée qui permettra aux femmes de réintégrer l’entreprise.

Je suis désolée, j’étais au Panthéon cet après-midi ; je n’y suis pas entrée, j’en suis ressortie. (Sourires.)

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Ne désespérez pas !

M. Jean-Frédéric Poisson. C’eût été un peu tôt !

Mme Catherine Coutelle. J’étais à la cérémonie, qui était très belle, et ne découvre qu’à l’instant, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, qu’un amendement a supprimé l’alinéa 4 ; cela me désole, et je souhaite le faire observer au nom de la délégation aux droits des femmes.

M. le président. Il me semble que Mme Mazetier l’a fait avec talent à l’instant, madame Coutelle.

La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Ce que le ministre a dit tout à l’heure m’a interpellée. Vous avez bien parlé des compétences acquises, y compris à l’extérieur de l’entreprise, monsieur le ministre ? J’aimerais revenir sur ce point.

Un entretien aura lieu avec l’employeur sur des compétences qui auront été acquises à l’extérieur de l’entreprise. Il sera donc fondé sur une simple déclaration du salarié. Comment un employeur peut-il être la bonne personne pour juger des compétences qui auront été développées et acquises à l’extérieur de l’entreprise ?

Mme Catherine Coutelle. Il suffit de faire un entretien d’évaluation !

(L’amendement n31 n’est pas adopté.)

(L’article 2, amendé, est adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

4

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures quarante-cinq :

Suite de la discussion du projet de loi sur le dialogue social et l’emploi.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures quinze.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly