Accueil > Travaux en séance > Les comptes rendus > Les comptes rendus de la session > Compte rendu intégral

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session extraordinaire de 2015-2016

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 12 juillet 2016

SOMMAIRE

Présidence de Mme Catherine Vautrin

1. Règlement du budget et approbation des comptes de l’année 2015

Présentation

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Discussion générale

M. Dominique Lefebvre

Mme Marie-Christine Dalloz

M. Joël Giraud

M. Charles de Courson

M. André Chassaigne

M. Michel Vergnier

Mme Véronique Louwagie

M. Christian Eckert, secrétaire d’État

Discussion des articles

Article liminaire et articles 1er à 11

Vote sur l’ensemble

2. Modernisation de la justice du XXIe siècle

Discussion des articles (suite)

Article 17 ter

Amendements nos 32 , 120 , 175

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Amendements nos 33 , 121 , 34 , 122 , 137 , 9 , 35 , 136 , 36 , 231 , 37 , 124 , 38 , 125 , 39 , 127 , 40 , 129 , 41 , 130 , 135 , 42 , 131 , 134 , 43 , 44 , 45 , 46 , 47 , 243 , 211 , 48, 49, 50, 51

Article 18

Amendements nos 118 , 119 , 23

Articles 18 bis A à 18 bis

Article 18 quater

Mme Chaynesse Khirouni

Mme Pascale Crozon

Amendements nos 10 , 170 , 172 , 174

Suspension et reprise de la séance

Amendements nos 138, 139, 141 , 179 , 203 , 233 , 197 , 208 , 14 , 204 , 234 , 142 , 143

Présidence de M. Marc Le Fur

Amendements nos 180 , 205 , 144 , 232 , 145 , 206 , 235 , 202 , 207 , 240 , 209

Article 18 quinquies

Amendements nos 54 , 201 , 11 , 171

Articles 18 sexies et 18 septies

Article 19

Amendement no 149

Article 20

Amendements nos 15 , 109 , 150 , 110 , 151 , 117 , 152 , 16

3. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Catherine Vautrin

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Règlement du budget et approbation des comptes de l’année 2015

Nouvelle lecture

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2015 (no3938, 3941).

Présentation

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, mesdames, messieurs les députés, ce projet de loi de règlement vous revient en nouvelle lecture car le Sénat a fait le choix, pour la quatrième année consécutive, de le rejeter.

Le rejet du projet de loi de règlement est devenu une option courante depuis quelques années, alors qu’il était exceptionnel avant 2013 : il fallait, en effet, remonter jusqu’au projet de loi de règlement de l’année 1998 pour trouver un rejet par le Sénat de ce texte très particulier.

L’idée de rejeter le projet de loi de règlement a même gagné votre assemblée puisque, cette année, un grand nombre de députés de l’opposition a voté contre le texte.

Je voudrais rappeler le contenu de ce projet de loi.

Les quatre premiers articles se contentent de constater des données de l’exécution de l’année 2015. Ils relèvent du domaine obligatoire de la loi de règlement, prévu par l’article 37 de la loi organique relative aux lois de finances – LOLF – et par l’article 8 de la loi organique du 17 décembre 2012.

L’article liminaire constate le niveau du déficit public nominal qui a été mesuré par l’INSEE et le niveau du déficit structurel dont le calcul a été vérifié par le Haut conseil des finances publiques.

L’article 1er constate le montant des dépenses et des recettes du budget de l’État en comptabilité budgétaire ainsi que le solde qui en résulte.

L’article 2 fait état des modalités de financement de l’État en distinguant les ressources et les charges de trésorerie : c’est le tableau de financement.

L’article 3 établit les comptes de l’État en comptabilité générale, dont je rappelle qu’ils ont été certifiés par la Cour des comptes.

Les quatre articles suivants procèdent, comme il est d’usage, à diverses régularisations postérieures à la clôture de l’exercice.

L’article 4 opère, pour chaque programme du budget général, des ajustements mineurs sur les autorisations d’engagement et les crédits de paiement.

L’article 5 procède à des opérations de même nature sur les budgets annexes, de même que l’article 6 sur les comptes spéciaux.

Et l’article 7 arrête le solde définitif du compte spécial « Liquidation d’établissements publics de l’État et liquidations diverses ».

Enfin, l’article 8 reconnaît d’utilité publique des dépenses engagées dans le cadre d’une gestion de fait.

Ce texte se contente donc de constater l’exécution et de passer quelques opérations de régularisation comptable. Quel sens donner, alors, à un vote de rejet de ce projet de loi ? Je ne pense pas qu’un tel vote s’explique par le contenu du texte : à aucun moment, dans nos débats, je n’ai entendu de mise en cause de la qualité des comptes nationaux établis par l’INSEE ou des comptes de l’État certifiés par la Cour des comptes. Ces comptes sont incontestables et sont d’ailleurs reconnus comme tels sur l’ensemble des bancs.

Alors, quel sens donner à ce vote ? C’est peut-être l’illustration d’un travers de notre époque : la volonté de faire de tout, même du projet de loi le moins contestable, un objet de conflit et de clivage politique.

Ce travers est regrettable : il montre à nos concitoyens que, même sur les sujets les plus consensuels, nous sommes incapables de nous mettre d’accord. L’objet de ce projet de loi de règlement est, encore une fois, le simple constat factuel de l’exécution et il n’y a aucune raison objective de le rejeter.

Les comptes de l’État ne sont ni de gauche ni de droite, ils sont sincères ou insincères. Pour 2015, la Cour des comptes a confirmé la sincérité des comptes de l’État en comptabilité générale et les comptes nationaux établis par l’INSEE ne sont pas moins sincères : dans ces conditions, il n’existe aucune raison de rejeter ce texte et l’Assemblée nationale fera donc preuve d’une plus grande sagesse que le Sénat en adoptant à nouveau ce projet de loi de règlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, nous examinons cet après-midi en nouvelle lecture le projet de loi de règlement des comptes de l’année 2015. Cela devient une habitude puisque le Sénat rejette depuis 2012, de manière systématique, les projets de loi de règlement qui lui sont présentés.

Comme l’a rappelé M. le secrétaire d’État, il s’agit d’un texte de constatation, arrêtant les comptes et attestant que la gestion de l’exercice précédent a été conforme à ce que nous avions voté en loi de finances.

Cette pratique est récente, puisque le Sénat n’a rejeté qu’à sept reprises les projets de loi de règlement adoptés par l’Assemblée nationale : en 1981, en 1983, en 1998, puis le phénomène s’est accéléré durant les quatre derniers exercices : 2012, 2013, 2014 et 2015.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Cela va s’arrêter en 2017 ! (Sourires.)

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je ne sais, monsieur le président de la commission : c’est peut-être une tendance qui est en train de s’installer. Nous verrons bien !

Le rejet d’une loi de règlement n’emporterait pas de grandes conséquences : les recettes ont été perçues et les dépenses exécutées.

Néanmoins, je voudrais rappeler le travail en première lecture de l’Assemblée, qui a adopté ce projet de loi le 4 juillet dernier, après engagement de la procédure accélérée.

Le projet de loi comptait onze articles. Lors de cette première lecture, nous avons adopté deux amendements, l’un modifiant l’article 6, l’autre portant article additionnel.

Le premier amendement, déposé par le Gouvernement, a limité le solde créditeur reporté d’un compte de commerce. J’en remercie le Gouvernement puisqu’il s’agissait là de laisser un peu plus d’argent dans les caisses de la défense : je pense que cet amendement était le bienvenu.

Le second amendement, adopté en commission à l’initiative de notre collègue Monique Rabin, rapporteure spéciale des crédits du commerce extérieur, prévoit la création, en annexe du projet de loi de finances, d’un nouveau document de politique transversale relatif à des politiques publiques interministérielles dont la finalité concerne des programmes n’appartenant pas à une même mission : il vise à donner une vision globale des efforts engagés en matière de commerce extérieur.

Ce nouveau document concernera les politiques menées par le Gouvernement pour favoriser le développement international de l’économie française et le commerce extérieur.

Ainsi, le texte que nous avons transmis au Sénat comportait douze articles : les onze initiaux, dont un modifié, plus l’article ajouté par l’amendement de Monique Rabin.

Tirant les conséquences d’un désaccord de principe, la commission mixte paritaire, qui s’est réunie ce matin au Sénat, a constaté qu’elle ne pouvait parvenir à un accord. En effet, les deux assemblées n’ont pas répondu aux mêmes questions. L’Assemblée nationale s’est demandé si l’exécution du budget 2015 était conforme à ce que nous avions voté ; le Sénat a tenté de répondre à une autre question, qui n’était pas la question posée,…

Mme Marie-Christine Dalloz. Une question proche, tout de même !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. …puisqu’il a cherché à avoir un avis sur les objectifs poursuivis, ce qui n’est pas tout à fait la même chose que de vérifier l’exécution sincère du budget.

Devant ce désaccord, la CMP a constaté qu’il n’était pas possible de parvenir à un texte commun. C’est pourquoi nous avons cette nouvelle lecture.

Je ne reprendrai pas les éléments exposés lors des précédentes séances. Le point majeur de l’exécution 2015 est une réduction des déficits publics, toutes administrations confondues : l’État, les collectivités locales et les administrations de Sécurité sociale. Cette réduction est plus importante que ce qui était prévu en loi de finances initiale.

M. Michel Vergnier. C’est essentiel !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. C’est la première fois depuis l’année 2000 que nous observons une baisse du solde public total en même temps qu’une légère baisse des prélèvements obligatoires, je me permets de le rappeler ici.

Mme Marie-Christine Dalloz. Oh !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cette réduction, madame Dalloz, a été rendue possible par la maîtrise des dépenses publiques, sans que les priorités que sont la sécurité, l’éducation nationale, la justice en aient pâti : des créations de postes ont même été obtenues sur ces missions.

C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite, en cohérence avec notre position en première lecture, à adopter ce projet de loi de règlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Dominique Baert. Nous le ferons !

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Dominique Lefebvre.

M. Dominique Lefebvre. En entrant dans cet hémicycle, en ce mardi ensoleillé qui nous rapproche de la fin de la session, je me suis comme vous, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, demandé ce que nous allions faire ici.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Avoir le plaisir de vous entendre, cher collègue !

M. Dominique Lefebvre. S’agit-il de débattre des chiffres qui nous sont présentés ?

M. Dominique Baert. Ils sont bons !

M. Dominique Lefebvre. Ils le sont, en effet, et je vais y revenir.

Y a-t-il, sur ces chiffres, des interrogations, des contestations ? (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

L’autorisation parlementaire aurait-elle été dépassée, tronquée ? La réponse est non, M. le secrétaire d’État l’a rappelé, tout comme l’a fait ce matin Mme la rapporteure générale devant la commission mixte paritaire.

Si nous sommes ici, c’est que d’aucuns ont choisi de poursuivre un débat qui est sans rapport avec la loi de règlement. Cela devient une tradition, depuis le début du quinquennat. Ce n’est pas seulement un échec de la commission mixte paritaire, c’est un échec de notre assemblée dans la manière d’aborder ce projet.

J’ai déjà indiqué, en première lecture, que l’objet principal de ce texte est de vérifier que l’autorisation parlementaire a bien été respectée et de débattre du bon emploi des deniers publics.

C’est donc un échec collectif, mais nous nous en remettrons. D’ores et déjà, pour ne pas faire durer le suspense plus que nécessaire, j’annonce que le groupe socialiste, écologiste et républicain votera ce projet de loi de règlement.

M. Jean-Claude Guibal. C’est bien dommage !

M. Dominique Lefebvre. Toutefois, puisque nous avons ce débat général et puisque la posture politique l’emporte sur le fond, je voudrais procéder à quelques rappels simples, d’autant que notre débat de lundi dernier a eu lieu avant le débat d’orientation des finances publiques pour 2017 : nous avons entendu beaucoup de mises en cause infondées, en particulier sur la manière dont, depuis 2012, nous avons engagé le redressement des finances publiques. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Yannick Moreau. C’est une plaisanterie ! Notre collègue a beaucoup d’humour.

M. Dominique Lefebvre. Premier rappel : l’autorisation parlementaire est respectée. Comme le disait Dominique Baert à l’instant, les résultats de l’exercice 2015 sont bons : les recettes sont conformes aux prévisions et même légèrement supérieures, à hauteur de 1,2 milliard, à celles inscrites en loi de finances initiale ce qui témoigne du sérieux du Gouvernement. Il faut donc écarter ces procès d’intentions qui l’accusent de ne pas retenir de bonnes hypothèses quand il prépare le projet de loi de finances pour 2017. Si !

Il se trouve que, depuis 2014 en tout cas, les recettes sont conformes aux prévisions, et c’est une bonne chose.

Quant aux dépenses, elles sont inférieures de 1,8 milliard à celles de 2014. Le solde budgétaire est inférieur de 4 milliards à celui inscrit en loi de finances initiale à 70 milliards contre presque 86 milliards en 2014. L’amélioration est de 15 milliards en solde net et de 3 milliards hors dépenses exceptionnelles du PIA intervenues en 2014.

Ce résultat est d’autant plus remarquable que, il faut encore le rappeler, le budget de l’État a supporté en dépenses le coût de la compensation aux organismes de protection sociale du pacte de responsabilité et de solidarité à hauteur d’un peu plus de 10 milliards, qu’il a dû absorber le coût de mesures nouvelles en matière de sécurité et de défense – il ne viendrait à l’idée de personne, dans cet hémicycle, de les contester – et tout cela dans un contexte de faible inflation dont j’ai déjà dit que, d’un point de vue macro-économique, il n’était pas le plus favorable à l’ajustement budgétaire. A cela s’ajoute, j’y reviendrai, un niveau de prélèvements obligatoires en baisse.

Mme Marie-Christine Dalloz. Oh !

M. Dominique Lefebvre. Troisième point : les engagements de la France sont tenus.

M. Alain Fauré. Voilà qui nous change de l’époque de Mme Dalloz !

M. Dominique Lefebvre. Tout cela est conforme à la trajectoire de la loi de programmation des finances publiques que nous avons adoptée en 2014, tant en déficit nominal qu’en déficit structurel.

Le déficit public s’établit à 3,6 points de PIB et a été divisé par deux depuis le pic de la crise financière de 2009.

M. Dominique Baert. Cela les embête !

M. Dominique Lefebvre. Je ne me priverai pas du plaisir de rappeler qu’en juin 2012, le déficit voguait allègrement vers les 5,5 % – contre 5,1 % en 2011. Nous l’avons ramené, dès 2012, à 4,8 % et, depuis, il diminue continûment – tant le déficit nominal, qui constitue désormais la boussole de notre président de la commission des finances, que le déficit structurel, dont je rappelle qu’il a été divisé par plus de deux. Celui-ci se situe aujourd’hui à 1,9 % – 0,2 point en dessous de ce que nous avions voté en loi de programmation initiale. Quant au déficit public nominal, il est inférieur de 0,5 point à ce que prévoyait la loi de programmation.

Le déficit, qui a donc baissé continûment depuis 2012, a bien diminué en 2015 de 4 milliards et l’effort structurel réalisé depuis cette année-là n’avait jamais été accompli jusqu’alors. C’est ainsi que nous ajustons notre trajectoire budgétaire indépendamment de la conjoncture.

Des mesures significatives d’allégement des impôts et charges pour les ménages ont soutenu le pouvoir d’achat et la consommation. Surtout, de très importantes mesures d’allégement des charges et des impôts des entreprises ont été prises comme jamais auparavant. Nous en voyons aujourd’hui les résultats, s’agissant notamment du redressement du taux de marge des entreprises qui permet à celles-ci d’investir et de recommencer à embaucher. Ce contexte est donc favorable.

Je rappelle également que nous avons financé des dépenses nouvelles. Si le déficit public baisse, il faut encore répéter que les prélèvements obligatoires baissent aussi malgré les nouvelles dépenses inscrites au-delà de la loi de finances initiale. Des économies sont donc bien réalisées au-delà même de ce que prévoyait cette dernière. Le discours selon lequel nous ne tiendrions pas nos engagements non plus que la trajectoire budgétaire et nous ne maîtriserions pas la dépense publique est donc démenti par de tels chiffres.

M. Dominique Baert. En effet !

M. Dominique Lefebvre. C’est d’ailleurs peut-être pour cela que vous les contestez et ne voulez pas les voter – les voter serait reconnaître que vos propos sont démentis par les faits.

La dépense publique progresse faiblement et est inférieure, pour l’État, d’au moins 8 milliards – si ce n’est pas un peu plus – par rapport à ce qu’elle représentait en valeur en 2012. Malgré ce qui s’est dit jeudi dernier lors du débat d’orientation des finances publiques, la dépense de l’État sur l’ensemble du quinquennat – malgré des transferts de charges et bien que nous ayons dû faire face à des urgences en matière de défense, de sécurité et du fait de la crise migratoire – sera inférieure à ce qu’elle était en 2012.

La Cour des comptes l’a d’ailleurs reconnu puisqu’elle a rappelé, dans son rapport sur l’exercice 2015, que l’effort structurel a été intégralement réalisé via des économies de dépenses à hauteur de 0,5 point du PIB, le déficit ayant diminué de 0,4 point.

Cela signifie aussi que nous finançons les baisses d’impôt non par de la dette supplémentaire,…

Mme Marie-Christine Dalloz. Par la fiscalité !

M. Dominique Lefebvre. … mais par des économies par rapport à la trajectoire budgétaire.

Le temps passant, madame Dalloz, les dirigeants de l’opposition modifient leurs discours : il faudrait discuter à Bruxelles de l’augmentation massive des impôts, les économies étant ultérieurement réalisées, sans d’ailleurs avoir été très bien définies. Je vous souhaite bon courage si vous êtes amenés à conduire une telle politique !

En conclusion, mes chers collègues, telle est la réalité budgétaire.

Nous connaissons la réalité économique du pays – je l’ai rappelée la semaine dernière et je la rappelle à nouveau : en 2015, la croissance a repris, les créations nettes d’emplois se sont élevées à près de 180 000, le taux de chômage devrait quant à lui reculer sous la barre des 10 % et retrouver le niveau de 2012.

J’en terminerai par là : notre politique est marquée par cette exécution budgétaire, le redressement des comptes publics, le retour de la croissance économique, la préservation de la cohésion sociale.

Monsieur le secrétaire d’État, le projet de loi de règlement traduit ces exigences et c’est pourquoi, je l’ai dit, le groupe socialiste, écologiste et républicain le votera en nouvelle lecture ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme Marie-Christine Dalloz. Tout ce qui est excessif est vain !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, notre assemblée est appelée à examiner en nouvelle lecture le projet de loi pour le règlement du budget de l’exercice 2015 dans une urgence quasi absolue. En effet, en une seule journée, nous aurons discuté ce texte en commission mixte paritaire, en commission des finances et en séance.

M. Dominique Baert. Cela s’appelle l’efficacité !

Mme Marie-Christine Dalloz. Ces délais devraient plaire au Président de la République, qui se plaint de la lenteur législative.

S’agissant de la CMP, qui a eu lieu ce matin, mon explication diverge légèrement de celle de notre rapporteure générale. Les sénateurs Les Républicains et la majorité sénatoriale, au-delà de la question de l’insincérité ou de la sincérité budgétaires – ils ne remettent pas en cause cette dernière, monsieur le secrétaire d’État – contestent, et nous avec eux, le choix de la politique budgétaire et fiscale que le Gouvernement et le Président de la République ont mené. C’est cela que nous remettons en cause !

Comme vous avez pu le constater, monsieur le secrétaire d’État, les parlementaires Les Républicains ont voté contre votre projet de loi. Nous nous opposons avec la plus grande fermeté à la politique budgétaire et fiscale de ce gouvernement, qui a été conduite en 2015 et qui l’est en 2016. Nous suivons ainsi la Cour des comptes qui elle-même considère que la situation financière de la France est profondément dégradée. Ce n’est pas la vision du « tout va mieux » chère à M. Lefebvre !

M. Marc Goua. C’est l’ère Sarkozy !

Mme Marie-Christine Dalloz. Pourtant, la France bénéficie d’un incroyable alignement des planètes. Le contexte économique n’a jamais été aussi favorable depuis plusieurs années : baisse de plus de 40 % du prix du pétrole, politique monétaire volontariste de la Banque centrale européenne, plan de relance de la Commission européenne, reprise de l’activité économique en Europe et dans le monde. Tous ces éléments sont favorables.

Conséquence positive : le taux de croissance de notre pays est en augmentation avec 1,3 % pour 2015, ce qui est une bonne nouvelle.

M. Marc Goua. Ah ! Vous êtes obligée de le reconnaître !

Mme Marie-Christine Dalloz. Pourtant, un bémol à cette bonne note s’impose bien vite lorsque nous comparons notre pays à nos voisins européens. Regardez dans quel contexte nous évoluons ! La moyenne de croissance de nos voisins de la zone euro est de 1,7 % et, mieux, celle de nos voisins de l’Union européenne est, quant à elle, de 2 % ! La France est donc loin derrière.

Mais, plus grave encore, nous faisons partie des quatre derniers pays à être au-dessus des 3 % de déficit avec la Grèce, l’Espagne et le Portugal.

M. François André. Parole d’expert !

M. Marc Goua. Grâce à Sarkozy !

Mme Marie-Christine Dalloz. Quatre pays se situent au-delà des 3 % de déficit ! Monsieur le secrétaire d’État, le déficit est toujours en 2016 au-dessus des 3 % alors que le candidat François Hollande avait promis de passer sous cette limite en 2013.

M. Dominique Baert. On va parler de l’ère Sarkozy !

Mme Marie-Christine Dalloz. Soit le candidat Hollande a menti aux Français en 2012, soit le Président Hollande s’est trompé dans ses choix budgétaires et économiques.

Selon le Gouvernement, le déficit de l’État est en amélioration de 15,1 milliards d’euros par rapport à 2014 et de 3,9 milliards par rapport à la loi de finances initiale. En apparence, nous ne pourrions que nous en réjouir, mais c’est sans compter avec la différence entre la vision de la réalité du Gouvernement et ce qu’est vraiment la réalité du pays.

Ainsi, si nous enlevons le deuxième programme d’investissements d’avenir et le versement au Mécanisme européen de stabilité – c’est une contrainte –, l’amélioration est seulement de 300 millions d’euros. L’honnêteté aurait voulu que le Gouvernement prenne en compte ce chiffre.

Conséquence inévitable de cette politique : notre dette continue de s’envoler et rien ne semble pouvoir l’arrêter, pas même les arrangements du Gouvernement – j’ai évité un terme que vous n’aimez pas, monsieur le secrétaire d’État, en parlant d’arrangements. Elle atteignait à la fin de 2015 près de 2 100 milliards d’euros, soit 96,1 % du PIB ! Elle est ainsi plus élevée de 5 points par rapport à celle de la moyenne de la zone euro. C’est cela qu’il faut regarder, ce que font les pays qui nous entourent !

Pourtant, le Gouvernement essaie par tous moyens de la maquiller. Il a ainsi mis en place une politique de primes d’émission massive de dette. Sans cet artifice, la dette serait plus importante de 22 milliards d’euros. Cette politique de courte vue améliore en effet la dette sur le court terme, mais elle alourdit les échéances futures et c’est la prochaine majorité qui héritera de cette contrainte supplémentaire.

Mme la rapporteure générale nous dit que cette pratique a déjà été utilisée dans le passé : oui, mais avec des taux d’intérêt largement inversés ! Aujourd’hui, nous pourrions avoir la chance d’emprunter de l’argent à des taux historiquement bas et l’on va chercher des primes d’émission à des taux très élevés ! Quel est l’intérêt, si ce n’est de masquer momentanément une vérité ?

Toujours dans le cadre de cet alignement parfait des planètes, nous sommes face à des taux d’emprunt historiquement bas – je viens de le rappeler. Cela ne suffit pourtant pas à améliorer les finances de notre pays. La question que nous devons nous poser est la suivante : pour combien de temps ? Pour combien de temps ces taux seront-ils à ces niveaux avantageux ? Qu’arrivera-t-il le jour où les taux remonteront et où nos emprunts et notre dette exploseront ? Il ne s’agit pas d’être pessimiste, mais la responsabilité des politiques, notre responsabilité, est de prévoir toutes les situations. Je doute que notre pays soit prêt à cette éventualité après les quatre années de la présidence Hollande.

Enfin, le Gouvernement se targue d’une dépense publique maîtrisée. Il est vrai que les dépenses publiques ont baissé en 2015, mais les efforts du Gouvernement n’y sont pour rien. Ce sont bien les investissements locaux et la charge de la dette qui ont baissé, mais les coups de rabot opérés pour le gel du point d’indice et des prestations sociales sont les conséquences de cette baisse de la dépense publique.

L’État n’a ainsi pas tenu ses promesses en matière d’économie. Je vous rappelle, monsieur Lefebvre, qu’il nous avait promis 7,3 milliards d’euros d’économie pour arriver au final à seulement 1,7 milliard. Le delta est impressionnant !

C’est bien peu lorsque l’on demande autant aux autres comme, par exemple, aux collectivités locales, dont les dotations fondent et qui sont obligées d’arrêter, de freiner ou de reporter leurs investissements. Mais ce n’est rien comparé à ce que vous avez demandé et imposé aux ménages.

Vous aimez les chiffres et vous évoquez souvent ceux de 2007. Je vais vous en donner afin qu’ils alimentent votre réflexion pour les semaines à venir. Je remercie à ce propos notre rapporteure générale pour la qualité de son travail où figure la part de l’impôt des ménages : en 2007, celle-ci représentait 22,91 % du PIB ; en 2015, elle était de 25,47 % du PIB. Voilà la réalité : l’appauvrissement des ménages, et c’est vous qui en êtes responsables !

M. Jean-Louis Gagnaire. Et la part des entreprises ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Nous le savons, monsieur le secrétaire d’État, même si tous les ménages sont concernés, c’est surtout la classe moyenne de notre pays qui a subi vos multiples hausses fiscales et qui ne cesse de s’appauvrir, de voir baisser son pouvoir d’achat.

Enfin, tout cela arrive alors que le Président de la République s’est lancé dans la course à l’élection présidentielle, promettant à chaque sortie présidentielle une nouvelle dépense, un nouveau cadeau électoral. Pour la seule année 2016, François Hollande a déjà fait des promesses pour 6 milliards d’euros – et l’on va nous dire qu’on maîtrise la dépense publique ! Pour 2017 et les années suivantes, l’addition sera salée – pour l’année 2017, nous avons déjà 10 milliards d’euros au compteur, alors que nous sommes loin de l’avoir commencée…

Vous le comprendrez, monsieur le secrétaire d’État, nous nous opposons non seulement à ce projet de loi de règlement pour 2015, mais également à la politique de ce gouvernement. Les députés Les Républicains maintiennent leur vote négatif et resteront d’une extrême vigilance lors des prochains rendez-vous budgétaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Yannick Moreau. Bravo !

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Giraud.

M. Joël Giraud. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, après l’échec de la commission mixte paritaire qui s’est réunie quelques heures avant la présente séance, il nous appartient d’examiner, en nouvelle lecture, le projet de loi de règlement du budget 2015. Le texte ayant été rejeté par le Sénat en première lecture, le 7 juillet dernier, il était fort improbable qu’un accord puisse intervenir entre les délégués des deux chambres. L’examen des deux rapports effectués au nom des deux commissions des finances parlementaires est instructif : la grille de lecture adoptée pour expliquer la bonne tenue générale de nos finances publiques n’est pas la même, mais elle aboutit au même constat.

Notre rapporteure générale insiste sur la diminution des déficits, la baisse des prélèvements obligatoires et le ralentissement de la progression de la dette. Le rapporteur général de la commission sénatoriale force le trait sur la baisse des dotations aux collectivités territoriales et l’ampleur exceptionnelle des recouvrements de nature fiscale. Notre collègue Valérie Rabault conteste l’analyse livrée par la Cour des comptes dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, tandis qu’Albéric de Montgolfier la reprend à son compte.

Une parfaite objectivité et une étude attentive des éléments constitutifs du projet de loi de règlement devraient nous amener à considérer que la vérité est contenue dans les deux rapports, ou qu’elle se situe à mi-chemin. En effet, si l’annonce par le Gouvernement d’un programme d’économies de 50 milliards d’euros entre 2015 et 2017 relevait largement d’un exercice de communication, et si l’effort d’économies effectivement réalisé est moindre que celui qui était affiché, il ne faut pas pour autant sous-estimer la réalité des économies budgétaires réalisées.

Si la méthode de calcul retenue, fondée sur la hausse tendancielle des dépenses publiques, conduit évidemment à majorer plus ou moins artificiellement les économies affichées, ce n’est pas anormal et, en tout cas, ce n’est pas la première fois ! De plus, la comptabilité nationale étant une science que l’on pourrait qualifier de circulaire, la bonne tenue des dépenses dépend de la qualité des prévisions en termes de recettes. Et, comme tout le monde s’accorde à considérer que les prévisions gouvernementales se révèlent prudentes et conformes à la situation constatée ex post, on peut donc affirmer sans faire injure à quiconque que la gestion des finances publiques par le présent gouvernement est sérieuse. Il faut le souligner, aussi le soulignons-nous !

Notre rapporteure générale estime que les dépenses de l’État en 2015 respectent les deux normes de dépenses. Notre collègue de la Haute assemblée juge, quant à lui, que si la norme en volume est respectée « de justesse », la norme en valeur est dépassée en raison de l’insincérité de la budgétisation initiale de la mission « Défense ». Notre rapporteure générale calcule que la norme « zéro valeur » a été sous-exécutée de 100 millions d’euros par rapport à la prévision du collectif budgétaire pour 2015 ; le rapporteur du Sénat estime, de son côté, que cette norme a été dépassée de 1,4 milliard d’euros en exécution par rapport au projet de loi de finances initiale.

Si le collectif budgétaire de 2015 prévoyait 1,5 milliard d’euros d’annulation de crédits, tout le monde devrait s’y retrouver. D’autant plus que cette norme avait été revue à la hausse de 2,1 milliards d’euros en raison du transfert au budget général des dépenses du compte d’affectation spéciale « Gestion des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien », ce dont tout le monde se félicite au nom de la bonne gestion.

Bref, je ne tenterai pas davantage d’accorder les points de vue émis par les représentants des deux chambres, puisque cette démarche est maintenant vaine. Je me contenterai de réitérer les félicitations que je vous avais adressées, monsieur le secrétaire d’État, lors de l’examen, en première lecture, du projet de loi de règlement pour 2015.

En 2014, les dépenses du budget général étaient en baisse nette de 1,1 milliard d’euros par rapport à 2013. En 2015, la baisse des dépenses, y compris la charge de la dette et les pensions, se chiffre à 1,4 milliard d’euros par rapport à 2014. Cette tendance doit être confirmée, et aucun gouvernement, quel qu’il soit, ne devra s’en détourner. Le recours à quelques artifices comptables, aveu d’une solution de facilité, n’est pas préoccupant, tant qu’il reste exceptionnel.

La question est de savoir si l’environnement économique, encore plus fragilisé par le Brexit, nous permettra, en tant qu’État, de garder la maîtrise souveraine de nos finances, au moment où la situation économique s’améliore dans la zone euro, puisque la reprise s’y confirme, tandis que l’activité mondiale ralentit légèrement du fait d’un fléchissement de la croissance dans les pays émergents.

Pour l’instant, la divergence des politiques monétaires de part et d’autre de l’Atlantique n’a pas de conséquence négative, puisqu’elle était anticipée : le taux de change euro/dollar est globalement stable. Cependant, cela va-t-il durer ? La faiblesse de l’inflation qui pèse sur les prévisions de recettes et l’intégrité de certaines économies assises sur les prestations sociales – faiblesse qui repose principalement sur les bas prix du pétrole – va-t-elle perdurer quand les masses énormes de liquidités émises par les banques centrales viendront, enfin, irriguer ce qu’il est convenu d’appeler l’économie réelle ?

Les taux d’intérêt remonteront-ils brusquement, venant ainsi renchérir le coût de la dette, dont l’encours devient difficilement soutenable ? Alors que l’activité au sens large connaît toujours une croissance inférieure à son rythme d’avant-crise, que l’industrie continue inexorablement de détruire des emplois – destructions non compensées par les créations d’emplois dans les services –, alors que le taux d’emploi en France reste très faible, le déclassement économique nous guette-t-il ?

Ces préoccupations sont partagées sur tous les bancs de cet hémicycle. L’incertitude, la peur du risque, le confort de la rente, la volonté acharnée de certains à vouloir échapper à l’impôt, la farouche opposition de communautés nationales entières à toute forme de solidarité régionale ou internationale… Ces maux n’ont qu’un remède : la redéfinition d’un contrat social renouvelé, modernisé, où l’accès libre à un système de libertés, notamment économiques, soit garanti, et où chacun puisse avoir un avantage à vivre et prospérer au sein de la communauté nationale.

Nous devons tous engager ce débat. Et, en guise d’augure, je confirme, au nom des députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, que nous voterons ce projet de loi de règlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, ce projet de loi de règlement est le dernier que nous examinerons sous cette législature. En effet, comme nous ne siégerons plus à partir de la fin du mois de février 2017, nous n’aurons pas le plaisir d’examiner le projet de loi de règlement pour l’exercice 2016 avant la fin de cette législature.

M. Pascal Deguilhem. C’est dommage !

M. Charles de Courson. C’est bien dommage, en effet, et je souhaiterais, au cours de cette brève intervention, répondre à trois questions.

Premièrement, François Hollande a-t-il respecté ses engagements de campagne en matière de finances publiques ?

M. Marc Goua et Mme Marie-Anne Chapdelaine. Oui !

M. Thierry Benoit. Non !

M. Charles de Courson. La réponse est clairement non.

Parmi ses soixante engagements, je rappelle qu’il avait promis une croissance de 1,7 % en 2013, de 2 % en 2014 puis de 2,25 % en 2015, 2016 et 2017.

La croissance a finalement été limitée à 0,4 % en 2013, à 0,6 % en 2014, à 1,3 % en 2015, à 1,5 % en 2016, et, pour 2017, la prévision gouvernementale s’établit à 1,5 %. Ainsi, sur le quinquennat, le taux cumulé de croissance sera de 5,3 %, au lieu des 11 % annoncés, soit la moitié de sa promesse. Il reste d’ailleurs très inférieur aux taux de croissance que connaissent nos partenaires européens, et ce malgré une conjoncture internationale très favorable, puisque 0,3 point de croissance a été engendré par les bas prix du pétrole, 0,2 point par la baisse des taux d’intérêt et 0,2 point par la dépréciation de l’euro.

M. Yannick Moreau. Eh oui !

M. Charles de Courson. François Hollande avait également promis – ne vous évanouissez pas ! – que la dette serait ramenée de 88,7 % à 80,2 % du PIB entre 2012 et 2017. En fait, sur cette période, elle est passée de 89,6 % à 96 % – officiellement – en 2017 : elle a donc augmenté de 6,4 points, au lieu de baisser de 8,5 points.

M. Yannick Moreau. « Ça va mieux ! » De mieux en mieux !

M. Charles de Courson. C’est du Brel budgétaire : t’as voulu voir Anvers et on a vu Hambourg, t’as voulu voir la baisse et on a vu la hausse !

Le Gouvernement n’aura donc pas réussi à éviter de décrocher en fin de législature la médaille que je vous avais promise, monsieur le secrétaire d’État : la dette publique à 100 % du PIB.

M. Thierry Benoit. Chose promise, chose due ! Le secrétaire d’État doit être ravi !

M. Yannick Moreau. « Ça va mieux ! »

M. Charles de Courson. Vous allez me répondre que nous sommes à 96 %, et non à 100 %. Eh bien non, mes chers collègues, car les émissions sur souches anciennes, qui donnent l’illusion d’une moindre hausse de la dette, entraînent en réalité une augmentation des charges financières les années suivantes.

Où en sommes-nous ? Entre 2012 et 2015, le montant cumulé des primes d’émission représentait 45,3 milliards. Ce n’est pas nouveau, mais un montant de 22,5 milliards en 2015, c’est du jamais vu ! Si l’on ajoute 10 à 15 milliards cette année et l’année prochaine, on atteint 80 à 90 milliards, soit 4 points de PIB. La dette publique, mes chers collègues, ne représente donc pas 96 %, mais bien 100 % du PIB.

Vous avez donc mérité, monsieur le secrétaire d’État, la médaille que je vous avais promise. La dette publique à 100 %, contre les 80 % promis par le candidat que vous avez soutenu.

M. Michel Vergnier. Et vous, vous méritez la médaille d’or de la langue de bois !

M. Charles de Courson. Si vos collaborateurs ne trouvent pas les chiffres, je les tiens à votre disposition : ils figurent dans l’annexe aux soixante engagements.

Ainsi, de fin 2012 à fin 2017, le montant de la dette publique passera de 1 834 milliards à 2 217 milliards, soit une hausse de 383 milliards d’euros – si l’on ajoute à cela les 80 milliards d’euros que je viens d’évoquer, on arrive à 460 milliards. Que n’a-t-on entendu, sur les bancs de la majorité, au sujet des 600 milliards d’augmentation de la dette sous la précédente législature ! Mais il est vrai que l’on n’en parle plus…

M. Marc Goua. Au contraire, parlons-en !

M. Christophe Castaner. Merci de le rappeler, monsieur de Courson !

M. Charles de Courson. Chacun sait que 150 à 180 milliards ont servi à financer les mesures qui ont permis d’éviter un effondrement économique après la crise de 2008. Alors, inutile de nous faire des leçons de morale ! Pas vous, pas ça !

M. René Dosière. Ce n’est pas de la morale, ce sont des mathématiques !

M. Charles de Courson. Contrairement à la dette publique de nos voisins européens, la dette de la France évolue à la hausse, puisque la dette française dépasse de 20 points celle de l’Allemagne et de 5 points celle de la moyenne de la zone euro ! Il y a dix ans, nous avions le même niveau de dette.

M. Michel Vergnier. Et le Portugal ? Et l’Espagne ?

M. Charles de Courson. Le candidat François Hollande avait enfin promis que le déficit public serait ramené – tenez-vous bien ! – à 3 % dès 2013 et à 0 % en 2017. Je tiens à la disposition des collègues socialistes qui l’ont oublié le document de campagne.

En réalité, d’après vos propres prévisions, on en sera à 2,7 % de déficit en 2017, soit 60 milliards d’écart par rapport à vos promesses. Et le taux sera encore de 3,3 % en 2016, plaçant la France en queue de peloton, puisque seuls quatre pays de l’Union européenne conservent un déficit effectif plus dégradé que le nôtre. Nous faisons partie, en un mot, des mauvais.

Quant aux 2,7 % promis par le Gouvernement pour 2017, notre rapporteure générale elle-même indique qu’il faudrait abaisser le déficit d’environ 16 milliards d’euros sur les années 2016 et 2017 pour que l’objectif soit atteint.

Ni la Commission européenne ni la Cour des comptes ne jugent un tel miracle possible, cette dernière soulignant même qu’ « aucune indication n’est donnée sur les réformes à mettre en œuvre pour l’atteindre ». Quoi qu’il en soit, le montant du déficit cumulé sur le quinquennat atteindra 17,6 points de PIB, alors que l’engagement de François Hollande était à 7,7 points : on est toujours dans un rapport du simple au double.

Mme Marie-Christine Dalloz. Eh oui !

M. Michel Vergnier. Et si on parlait de François Fillon ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Et si on parlait d’Emmanuel Macron ?

M. Charles de Courson. J’en arrive à ma deuxième question.

M. René Dosière. Vous faites les questions et les réponses !

M. Charles de Courson. Cette modeste réduction du déficit public global – État, collectivités territoriales, Sécurité sociale – est-elle due à votre bonne gestion ? La réponse est non.

Je rappelle que le déficit baisse de 0,4 point en 2015, après être resté stable en 2014 par rapport à 2013, pour s’établir à 3,6 %. Si le déficit de la Sécurité sociale recule légèrement en 2015…

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Ah ! Quand même !

M. Charles de Courson. Attendez la suite ! Cette légère baisse est due principalement à la branche « Retraites », laquelle se redresse grâce à la courageuse politique de réforme menée par l’ancienne majorité.

Le déficit de l’État et des organismes divers d’administration centrale – ODAC –, quant à lui, reste stable, à 72,4 milliards d’euros en comptabilité nationale. En effet, 70 % de la baisse observée est due à une baisse du déficit des collectivités territoriales, le solde étant même devenu excédentaire en 2015, à la suite de la réduction excessive de leur dotation. Or, la baisse des dépenses des collectivités locales est elle-même due pour 90 % à la baisse des investissements de ces mêmes collectivités, à hauteur de 4,8 milliards d’euros. Vous êtes tout à fait conscient des effets néfastes de cette politique, monsieur le secrétaire d’État, puisque vous avez proposé, dans le budget de 2016, la création d’un fonds de soutien à l’investissement de 0,8 milliard d’euros.

Mais c’est une politique de Pieds nickelés ! Vous prenez des mesures de réduction des recettes de fonctionnement, puis vous vous étonnez que l’autofinancement, donc les investissements, s’effondrent et vous dites qu’il faut aider les collectivités à investir. C’est une politique de Shadoks !

M. Dominique Baert. Les Shadoks ou les Pieds nickelés ? Il faut savoir !

M. Charles de Courson. Troisième question : les 50 milliards d’économies promis seront-ils réalisés ? Encore une fois, la réponse est non.

En effet, alors que le Président de la République avait initialement promis de réaliser, en 2015, 21 milliards d’euros d’économies sur les 50 milliards prévus sur trois exercices, dans le cadre du plan dit d’économie, il a progressivement décalé cet effort vers la fin du quinquennat. En 2015, environ un gros tiers des économies promises pour l’État a été réalisé. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est la Cour des comptes : 3,3 milliards d’économies ont été réalisées sur le budget de l’État, alors que vous aviez annoncé 8,4 milliards. De plus, les 3,2 milliards d’économies chaque année sur les dépenses d’assurance maladie que vous aviez promis sont totalement fictifs, puisqu’ils sont calculés par rapport à un tendanciel d’augmentation des dépenses qui remonte à plus de cinq ans. C’est complètement surréaliste ! Les économies doivent se mesurer par rapport à l’année précédente.

Quant aux économies faites sur les collectivités territoriales, elles ne constituent pas une économie au niveau de la dépense publique consolidée car, selon les chiffres communiqués ce matin par le Comité des finances locales, la baisse de 3,6 milliards de la dotation des collectivités territoriales s’est traduite par une hausse des taux représentant 1,2 milliard d’augmentation des recettes fiscales de l’État, donc par une augmentation des prélèvements obligatoires. Le freinage des dépenses de fonctionnement représente environ 1 milliard d’euros, soit un tiers des dépenses annoncées.

En préférant maquiller son échec plutôt que de prendre des mesures structurelles courageuses pour redresser notre pays, le Gouvernement fait encore le choix de condamner un nombre toujours plus important de concitoyens au drame du chômage, et le groupe UDI le déplore.

M. Alain Fauré. C’est l’enfumage de M. de Courson ! Quel talent pour mentir !

M. Charles de Courson. Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce projet de loi de règlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains.)

M. Thierry Benoit. Excellent, comme toujours !

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, nous abordons aujourd’hui en nouvelle lecture le règlement des comptes de l’année 2015. Il s’agit ici de faire le bilan final de l’exécution budgétaire de l’année précédente, d’en tirer les enseignements pour 2016 et de préparer les débats budgétaires pour 2017, qui se tiendront à la rentrée prochaine.

Mes chers collègues, on ne saurait aborder ces débats sans parler d’Europe, car celle-ci est aujourd’hui au cœur des orientations budgétaires des États de la zone euro. Le Portugal et l’Espagne ne viennent-ils pas de faire l’objet d’une procédure pour déficit excessif, qui les soumet à une possible sanction financière ? Force est de constater que, depuis vingt ans et l’instauration de l’euro comme monnaie unique, l’intégration européenne s’est considérablement renforcée sur le volet budgétaire. On a d’abord eu le traité de Maastricht et le pacte de stabilité et de croissance, qui ont institué les sacro-saints indicateurs de déficit et de dette, considérés comme excessifs dès lors qu’ils dépassent respectivement 3 % et 60 % du produit intérieur brut.

Après l’explosion de la crise financière, les normes se sont empilées : six pack, two pack, ou encore le fameux Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de 2012, le TSCG, que le candidat Hollande promettait de renégocier puisqu’il gravait dans le marbre l’austérité éternelle pour les peuples européens. On connaît la suite de cette promesse malheureusement restée lettre morte. C’est finalement un véritable corset budgétaire que les États européens ont progressivement consenti à endosser. Ils peuvent même faire l’objet de sanctions, comme je l’évoquais préalablement pour les cas espagnol et portugais.

Ainsi, lorsque les États ont une dette publique supérieure à 60 % du PIB, ce qui est le cas de la plupart des membres de la zone euro, ils sont contraints d’adopter un rythme de réduction du déficit structurel supérieur à 0,5 % du PIB par an et de mettre en place des réformes dites structurelles. Telle est d’ailleurs l’origine de la funeste loi travail, largement minoritaire dans le pays, et que l’on impose aux Français à coups de 49.3.

M. Patrick Mennucci. C’est plutôt aux députés qu’on l’impose !

M. André Chassaigne. Par ailleurs, les dépenses publiques, vues comme le mal absolu, sont naturellement ciblées par l’Europe : leur augmentation ne saurait dépasser ce que l’on appelle la croissance potentielle. Et si l’État ne rentre pas ou plus dans les clous fixés, il peut être sanctionné d’une amende qui peut aller de 0,2 à 0,5 % de son PIB. Cette Europe de l’austérité, qui punit plutôt qu’elle ne protège, cette Europe loin du terrain, les peuples n’en veulent plus ! Ce corset budgétaire n’est d’ailleurs certainement pas étranger au désenchantement des populations à l’égard d’une technostructure bien incapable de proposer des perspectives politiques positives à toutes et à tous.

Dès lors, la France doit saisir le Brexit comme une opportunité. Depuis le référendum britannique, l’Union européenne cherche sa voie pour se réformer et recréer ce lien essentiel avec le peuple. Tour à tour, les dirigeants européens prennent la parole pour dire que rien ne saurait être comme avant. Ainsi du Président de la République, qui déclarait le 30 juin dernier que « l’immobilisme conduirait tôt ou tard à la dislocation ». Ainsi du Premier ministre, qui appelle à la « refondation » de l’Europe. Bien plus que des paroles, la situation exige des actes forts. Si notre pays n’endosse pas le rôle que l’histoire l’oblige à jouer, l’Europe se condamnera au statu quo, à l’immobilisme et à la rupture définitive avec les peuples.

Oui, notre pays doit prendre ses responsabilités : nous devons jouer cartes sur table avec l’Allemagne et combattre les projets rétrogrades portés par les néoconservateurs d’outre-Rhin. M. Schäuble, le ministre allemand des finances, n’est-il pas en train de préparer un contre-projet visant à renforcer la répression à l’égard des pays en déficit et ainsi tenter de tuer dans l’œuf tout projet politique européen ambitieux mettant la démocratie, l’emploi et l’investissement au premier rang des priorités ?

Que propose-t-il ? Tout simplement de permettre à l’Union européenne de rejeter les budgets nationaux si ceux-ci ne remplissent pas les critères du pacte de stabilité que j’évoquais à l’instant. Aussi propose-t-il le non-versement des aides structurelles si un État décide de ne pas se soumettre aux réformes exigées par Bruxelles. Enfin, considérant la Commission européenne comme trop politique, il conviendrait, selon lui, d’en réduire les prérogatives en matière budgétaire et de les confier à une autorité indépendante.

Ces propositions sont tout bonnement ahurissantes. Mais à vrai dire, elles ne sont guère surprenantes quand on en connaît l’auteur. Elles visent à mettre la règle au cœur de la question budgétaire afin que celle-ci s’applique de manière ferme et uniforme. Pis, elles visent à rompre définitivement le lien entre le pouvoir politique et les questions budgétaires, ce qui est par nature profondément antidémocratique. On confierait ainsi à des experts indépendants, des techniciens censés être neutres, le soin de juger la qualité des orientations et de l’exécution d’un budget, le mettant ainsi à l’abri des soubresauts de la vie politique et démocratique.

Ces propositions sont de la pure folie ! Quel est donc leur but ? En réalité, elles visent à garantir le statu quo, et c’est bien là notre crainte. En préparant un projet politique délirant, le ministre allemand des finances veut s’assurer de contrecarrer tout projet politique de solidarité, qu’il voit comme profondément néfaste.

M. Patrick Mennucci. Cela fait peur ! C’est l’apocalypse !

M. Dominique Baert. Quel est le rapport avec la loi de règlement des comptes de 2015 ?

M. André Chassaigne. Pourtant, cet ordo-libéralisme, que l’Allemagne sera parvenue à imposer à tous ses prétendus partenaires, conduit à des politiques profondément injustes, inefficaces et dramatiques. Il conduit à la paupérisation du plus grand nombre et à la généralisation de politiques déflationnistes qui s’avèrent économiquement et budgétairement ineptes. Loin de réduire l’endettement des États, ces politiques l’aggravent. C’est aujourd’hui une réalité incontestable.

En définitive, mes chers collègues, l’Europe est aujourd’hui dos au mur et appelle à une reprise en main politique très ferme. Mais avec l’ancien Premier ministre luxembourgeois à la tête de l’exécutif européen, nous pouvons dire – poliment – que les choses sont mal engagées. Et quand on apprend que son prédécesseur, M. José Manuel Barroso, vient d’être nommé à la direction du siège de la banque américaine Goldman Sachs, banque qui a contribué à mettre les États à genoux durant la crise de 2008, on se dit aussi que le chemin à faire est long.

M. Yannick Moreau. C’est une honte !

M. Charles de Courson. Il a raison !

M. André Chassaigne. Le budget 2015 de la France ne constitue en aucun cas une rupture avec cette Europe de l’austérité et de la politique de l’offre. Marqué du sceau du bien mal nommé pacte de responsabilité, il consacre, avec le CICE, la diminution de la fiscalité des entreprises, sans ciblage et sans contrepartie. Cette diminution est financée par le recul des services publics, de l’État, des collectivités territoriales et de la Sécurité sociale. Assurément, les options budgétaires retenues pour 2016 se sont également inscrites dans ce cadre. Et pour être tout à fait franc, nous n’en attendons pas moins pour 2017 : en témoigne la décision prise par l’exécutif de renforcer le CICE. Il est ainsi prévu qu’il passe de 6 à 7 % de la masse salariale correspondant aux salaires inférieurs à 2,5 SMIC. Le coût de cette mesure pour nos finances publiques est de 4 milliards d’euros, ce qui porte le coût total du CICE à 25 milliards par an. Ce faisant, notre pays rentre de plain-pied dans cette dangereuse concurrence fiscale que se livrent les États européens et qui les conduit à réduire progressivement l’imposition des entreprises pour pouvoir les attirer. D’où l’urgence d’aller vers une véritable coopération fiscale au niveau européen, priorité des priorités.

Par ailleurs, et au-delà de son inefficacité sur l’emploi et l’investissement, s’il est décidé de renforcer le CICE, les risques sont nombreux de créer les conditions de ce que l’on appelle une trappe à bas salaires. On tasserait les salaires sur le bas de l’échelle, renchérissant le coût de toute augmentation substantielle. Les dangers d’une surconcentration d’allégements sociaux et fiscaux sur les rémunérations aux alentours du SMIC sont connus. Nous tenions à vous alerter une nouvelle fois sur ce point.

Mme Marie-Christine Dalloz. Revenez à la réalité !

M. André Chassaigne. En conclusion, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les comptes de 2015, comme ceux des années précédentes, sont marqués du sceau de la politique de l’offre, une politique aux conséquences néfastes sur notre société tout entière. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Alain Fauré. Mensonges !

M. André Chassaigne. Pourtant, les urgences incitent à l’action : nouvelle architecture fiscale, justice économique, lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, crise écologique, encadrement des rémunérations indécentes.

M. Alain Fauré. On a tout fait, vous le savez !

M. Marc Goua. Cela a bien marché !

M. André Chassaigne. Monsieur le secrétaire d’État, il n’est jamais trop tard pour revenir sur le chemin du progrès, de l’émancipation collective, de l’ambition politique et de la République exemplaire. Telles doivent être les vraies boussoles guidant l’action budgétaire aujourd’hui. Les réactions de certains membres du groupe majoritaire montrent que leurs positions sont très proches de celles de la droite de cet hémicycle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Mme Marie-Christine Dalloz. Ne soyez pas désobligeants, on a subi vos propos !

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Vergnier.

M. Michel Vergnier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, je ferai quelques constats et une analyse avant d’en venir à des demandes exigeantes.

Lorsqu’en 2007 le Premier ministre François Fillon estimait qu’il était à la tête d’un État « en situation de faillite sur le plan financier », on ne pouvait s’imaginer qu’aux responsabilités il augmenterait la dette publique de 600 milliards d’euros et porterait le déficit public à 5,5 %, en dépit d’une ère de révision générale des politiques publiques dévastatrice pour les territoires.

C’est avec ce lourd passif que nous nous efforçons de maîtriser les dépenses publiques tout en finançant nos priorités. L’opposition nous promettait l’apocalypse en 2015.

M. Guy Geoffroy. On l’a déplacée.

M. Michel Vergnier. Or c’est la première année depuis longtemps où l’on réduit simultanément le déficit et les prélèvements obligatoires.

M. René Dosière. Très bien ! Il faut le dire.

M. Michel Vergnier. Les faits sont têtus : les signaux de la reprise sont là. Portée par une consommation des ménages et des exportations en hausse et des taux de marges des entreprises restaurés, la croissance s’élève en 2015 à 1,3 % – on pourrait dire seulement – contre 0,6 % en 2014. L’assainissement de nos comptes publics se poursuit et confirme la sincérité des prévisions qui ont été faites.

M. Jean-Pierre Barbier. « Ça va mieux ! »

M. Michel Vergnier. Pour la première fois depuis 2000, le déficit public a baissé en même temps que les prélèvements obligatoires. Et ce mouvement de réduction s’amplifie de manière plus rapide que prévu en loi de finances initiale. Avec 3,6 % en 2015, il s’agit du plus bas taux de déficit public atteint depuis 2008.

M. Guy Geoffroy. C’est la raison pour laquelle Emmanuel Macron reprend sa liberté...

M. Michel Vergnier. Personne ne peut contester cette performance, qui doit être soulignée.

Je tiens à rappeler l’effort fourni par les collectivités territoriales : avec le gel des dotations depuis 2010, dans le cadre d’une inflation tournant autour de 2,6 % ou 2,7 %, puis avec la baisse de ces mêmes dotations à partir de 2014, elles ont participé très largement au redressement des comptes publics à hauteur de 8,5 milliards d’euros.

M. Guy Geoffroy. Cela s’est traduit aux élections départementales...

M. Michel Vergnier. Mme la rapporteure générale constate, dans son rapport très honnête, que cette réduction des dotations aux collectivités a été compensée par une hausse de la fiscalité locale entre 2014 et 2015, ce qui n’est jamais agréable. Les collectivités ont dans le même temps diminué leurs dépenses de fonctionnement – 2,7 % en 2014 et 1 % en 2015 –, tout en se réorganisant et mutualisant les services.

M. Guy Geoffroy. Vous avez saigné les collectivités.

M. Patrick Mennucci. M. Geoffroy fait de la vieille politique.

M. Michel Vergnier. Elles ont été entendues, monsieur le secrétaire d’État, par le Président de la République, au Congrès des maires de France, puisque l’effort demandé a été divisé par deux : c’est une bonne nouvelle pour elles, car cette décision leur donne de l’air.

Je tiens à vous répéter, monsieur le secrétaire d’État, ce que j’ai dit au Président de la République qui nous a fait le plaisir de sa visite, dimanche, en Creuse : je me réjouis de cette décision et je n’ai pas l’habitude de cracher dans la soupe. Il subsiste toutefois encore trop d’inégalités entre les collectivités territoriales. L’effort demandé ne pèse rien sur certaines : dans mon département, quelques-unes peuvent même le supporter tranquillement. En revanche, pour d’autres, même si la marche s’est abaissée, elle sera encore trop haute. Il est donc grand temps d’engager diverses mesures.

D’aucuns commencent à évoquer l’examen, lors de la discussion budgétaire, d’une troisième partie concernant les collectivités territoriales, à côté de l’examen de la loi de financement de la sécurité sociale et de celui du budget de l’État. Je m’en félicite car un tel examen produirait de la clarté. J’ignore si nous y arriverons, en tout cas, ce serait une bonne chose.

Je tiens aussi à évoquer la réforme à venir de la dotation globale de fonctionnement – DGF. Je sais combien il est difficile de la réformer. L’Association des maires de France a demandé que cette réforme passe par une loi, ce qui a été acté. Il convient maintenant de poursuivre ce travail sans tarder.

Il y a enfin le prochain budget, dont l’adoption interviendra avant la réforme de la DGF – personne ne saurait imaginer le contraire. Les dotations de solidarité et de péréquation doivent permettre à certaines collectivités de mieux s’en sortir. Les mécanismes de péréquation via les dotations de solidarités – dotation de solidarité urbaine, dotation de solidarité rurale, dotation de péréquation nationale – peuvent être améliorés à enveloppe constante. Je demande que nous fassions cause commune. Tel était le mot d’ordre de la mobilisation lancée par l’Association des maires de France en 2015 afin de rappeler toute l’importance du bloc communal.

Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, pour votre écoute : je sais qu’elle m’est acquise. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie, dernière oratrice inscrite.

Mme Véronique Louwagie. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2015 revient dans notre hémicycle après l’échec de la commission mixte paritaire de ce matin. Après avoir évoqué un point positif et quatre points négatifs, je me pencherai sur la traduction d’une approbation de comptes.

Tout d’abord, le point positif : les prévisions de recettes se sont révélées plutôt réalistes.

M. Pascal Deguilhem. Eh oui !

Mme Véronique Louwagie. L’évolution spontanée des recettes fiscales s’est élevée à 1,7 % en 2015. Elle est positive pour la première fois depuis 2011 – il est important de le souligner. Certes, l’année 2015 a été une année record en matière de lutte contre la fraude. En effet, environ 40 000 fraudes, notamment sociales, ont été détectées l’année dernière pour un montant de 247,8 millions d’euros. Les bonnes rentrées fiscales sont essentiellement dues à un rendement élevé du contrôle fiscal, en hausse de 1, 8 milliard d’euros pour atteindre 12,2 milliards.

Venons-en maintenant aux points négatifs, que la Cour des comptes elle-même rappelle en estimant que la situation financière de la France est profondément dégradée. La situation nette, qui est la différence entre le passif et l’actif, est aujourd’hui négative, à hauteur de 1 115 milliards d’euros.

La croissance est le premier point négatif. Elle s’explique en effet largement en 2015 par des facteurs extérieurs favorables : baisse de 40 % des prix du pétrole, politique monétaire menée par la Banque centrale européenne, reprise de l’activité en Europe. Il faut malheureusement constater que la croissance en France demeure en retrait par rapport à celle de nos voisins. La hausse du PIB a en effet atteint en moyenne 2 % dans l’Union européenne et 1,7 % dans la zone euro en 2015.

Le deuxième point négatif est le déficit. En effet, si l’exercice 2015 a été marqué par un léger recul du déficit public, qui est passé de 4 % à 3,6 % du PIB, la France reste cependant un des quatre derniers pays dont le déficit excède 3 % du PIB, avec la Grèce, l’Espagne et le Portugal. Ces deux derniers pays vont du reste connaître des sanctions inédites résultant de la déclaration par la Commission européenne d’un déficit budgétaire excessif. Nous espérons que la France ne connaîtra pas le même sort dans les années à venir.

Le troisième point négatif est la dette publique de la France qui, après avoir atteint près de 2 100 milliards fin 2015, continue d’augmenter en 2016 : l’endettement culminait fin mars 2016 à 97,5 % du PIB. Depuis 2012, la dette s’est creusée à hauteur de 230 milliards d’euros, dépassant de près de vingt points celle de l’Allemagne et de cinq points celle de la moyenne de la zone euro.

Quatrième point négatif : la maîtrise de la dépense publique avancée par le Gouvernement est artificielle. En effet, comme l’a souligné l’orateur précédent, la décélération de la dépense a, pour l’essentiel, découlé, d’une part, de la baisse de l’investissement local et de la charge de la dette, d’autre part, du recours à des coups de rabot, avec en particulier les gels du point d’indice et des prestations sociales.

Je souhaite enfin développer ce qu’est l’approbation des comptes de l’année 2015, évoquée par M. le secrétaire d’État et Mme la rapporteure générale, à travers l’image fidèle des traductions des actions de l’État. Les comptes de l’année sont un état des lieux, une photographie des réalisations, un cliché à un instant « T ». Le vote que nous exprimons traduit certes une opinion sur l’établissement des comptes, mais il porte également sur l’expression et l’approbation des actions traduites dans ces comptes.

Les députés de l’opposition à l’Assemblée nationale et la majorité sénatoriale rejettent le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2015, pour marquer clairement leur rejet de la politique budgétaire et fiscale qui a été menée l’an passé. Il ne s’agit pas d’une posture. Notre vote traduit notre désaccord avec les actions entreprises, lesquelles sont exprimées en flux financiers.

Il existe dans le secteur privé et associatif une obligation de déclenchement de procédure d’alerte : lorsqu’on constate l’existence de faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation, une procédure particulière est engagée. Notre pays pourrait à juste titre établir une démarche de même nature et mettre en place des mesures efficaces pour améliorer la situation. Or, aucune action n’est engagée dans ce cadre contre les risques qui ont un impact sur la situation budgétaire catastrophique de notre pays.

Seules des réformes structurelles permettraient d’intervenir avec efficacité sur le niveau de déficit de notre pays. Le plus inquiétant est que cela va toujours nettement moins bien en France que dans les pays comparables, alors qu’ils sont soumis aux mêmes contraintes conjoncturelles. Qu’il s’agisse des taux de chômage, ou des taux de croissance, de déficit, d’endettement, de prélèvements obligatoires ou de dépenses publiques, nous sommes toujours à la remorque de nos principaux partenaires européens.

M. Xavier Breton. « Ça va mieux ! »

Mme Véronique Louwagie. Ce matin, un ancien Premier ministre que je connais bien a déclaré : « Au niveau économique, nous sommes passés du cinquième au sixième rang international. Au sein de l’OCDE, nos performances sont inférieures à celles de nos principaux concurrents. Six millions de Français pointent à Pôle emploi. Quelque 2 100 milliards de dettes vampirisent nos efforts et menacent notre avenir. » Bref, le dépôt de bilan est à craindre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je me contenterai de répondre sur quelques points.

Madame Louwagie, votre dernière remarque doit être contredite : si nous étions passés du cinquième au sixième rang, c’était par un effet de change, lorsque l’euro avait baissé par rapport à la livre sterling. Or les derniers événements l’ont fait plonger. Si vous considériez que c’était une mauvaise nouvelle, je vous en donne donc une bonne : compte tenu des effets de change, la France est repassée en cinquième position, puisque, je le répète, la livre a plongé.

Cette correction étant faite, j’interviendrai sur quatre points soulevés par les orateurs.

S’agissant des recettes, je vous remercie, madame Louwagie, d’avoir souligné avec d’autres qu’elles avaient été à la hauteur en 2015. Pour nous inviter à une plus grande réserve, je tiens à rappeler les discours que j’ai entendus dans cet hémicycle ou ailleurs en juin 2015. Le président Carrez, qui m’a présenté ses excuses de ne pouvoir rester, déclarait à cette époque qu’il manquerait 10 milliards d’euros de recettes.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’était en juin 2014, pas en juin 2015.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il l’écrivait dans la plupart des journaux économiques et financiers. En juin 2014, il faisait les mêmes remarques.

Mme Marie-Christine Dalloz. En juin 2014, pas en juin 2015.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Calmez-vous, madame Dalloz !

Et en 2014 comme en 2015, vous l’avez tous reconnu – personne n’en a parlé –, les recettes ont été conformes à nos prévisions.

Mme Véronique Louwagie. Dans mon intervention, à l’instant, j’ai qualifié ce point de positif.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. J’ai dit, madame Louwagie, que vous l’aviez reconnu. Vous n’êtes pas la seule, du reste. Je marque parfois un peu d’irritation : je veux simplement rappeler que, régulièrement, en milieu d’année, des Cassandre – je pourrais en citer d’autres – expriment leur crainte que les recettes ne soient pas au rendez-vous. Or leurs prévisions se sont révélées fausses en 2014 et en 2015, même s’il est vrai qu’il y a eu, dans un passé un peu plus lointain, des écarts entre les prévisions et leur réalisation.

Deuxième remarque : il est faux et injuste de prétendre que les dépenses de l’État n’ont pas été maîtrisées. M. Dominique Lefebvre l’a rappelé : l’État a supporté des transferts, repris des dépenses ou transféré des recettes à la sécurité sociale pour compenser les allégements de cotisations sociales des entreprises, qui sont massifs –– pour plus de 4,5 milliards depuis le 1er avril : or personne n’en parle.

Les dépenses de l’État, hors charges de la dette et des pensions et hors prélèvements, ont augmenté de 0,65 % par an durant cette législature.

M. Charles de Courson. Vous ne comptez pas les dépenses fiscales.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Eh bien, mesdames et messieurs les députés, puisque vous comparez la présente législature à la précédente, laissez-moi vous rappeler qu’elles avaient alors augmenté sur la même période de 3,5 %.

On nous accuse de gabegie quand nous augmentons les dépenses des ministères de 0,65 %, alors que la majorité précédente les augmentait de 3,5 %. Cela relève effectivement de la mauvaise foi.

M. Yannick Moreau. Ce n’est pas notre genre !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Les chiffres sont les chiffres : vous pouvez les constater par vous-mêmes.

M. Dominique Lefebvre. En matière de dépenses fiscales, la droite est championne. Sarkozy en a créé plein !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Un certain nombre de mes collègues ministres savent ce qu’est un budget serré ou un budget en diminution. J’ai aperçu tout à l’heure le garde des sceaux, qui attend son tour…

M. Charles de Courson. Son tour de vis ! (Sourires.)

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …pour siéger au banc du Gouvernement. On ne peut pas dire que les dépenses des ministères n’ont pas contribué à la maîtrise de la dépense publique.

Vous êtes nombreux à avoir évoqué la dette. Je souhaite m’y arrêter un instant et développer deux points.

Je reviens tout d’abord sur ces fameuses primes d’émission, qui opéreraient un « maquillage budgétaire » de la dette – vous n’avez pas utilisé les mêmes mots que la dernière fois, madame Dalloz. De quoi s’agit-il, mesdames et messieurs les députés ? J’ai déjà eu l’occasion de le dire : en matière de finances, rien ne se perd, rien ne se crée.

M. Guy Geoffroy. Tout se transforme, grâce aux socialistes !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je prendrai un exemple simple, que tout le monde pourra comprendre. Vous avez besoin d’emprunter 100 milliards d’euros. Aujourd’hui, les taux d’intérêt sont voisins de 0 % – nous avons émis la semaine dernière 10 milliards d’euros d’obligations autour de 0,16 % à dix ans, mais prenons 0 % pour simplifier. Si vous pouvez emprunter 100 à 0 %, alors vous rembourserez 0 pendant dix ans puis 100 à l’échéance du prêt. Cependant, si vous empruntez 100 à 1 % sur dix ans, vous rembourserez 1 chaque année pendant dix ans, puis 90 au terme. Ces deux options permettent de rembourser 100, ni plus, ni moins. Il n’y a là ni maquillage, ni escroquerie budgétaire ! En vertu des règles comptables, on comptabilise la dette due à la fin de la période de remboursement – en l’occurrence, 90.

Si cette méthode ne concerne pas la totalité de la dette – j’y reviendrai –, elle permet d’en assurer la liquidité. Plutôt que d’investir sur des durées courtes pour bénéficier de taux faibles voire négatifs – aujourd’hui, nos taux sont négatifs à partir de sept ou huit ans –, nous préférons limiter le risque d’augmentation des taux d’intérêt en souscrivant et en renouvelant des titres anciens, dont les taux sont effectivement plus élevés. Tous les pays agissent ainsi : de même que la Grande-Bretagne et l’Espagne, la France l’a fait à hauteur de 1 % de son PIB. Nous ne sommes donc pas les seuls à avoir ce genre de pratique. Nous avons donné ce mandat à l’Agence France Trésor, afin de sécuriser notre dette et d’amoindrir sa sensibilité à une augmentation potentielle des taux d’intérêt.

Faisons maintenant une comparaison. Entre 2007 et 2012, la dette publique est passée de 1 253 milliards à 1 870 milliards d’euros, soit une hausse de 617 milliards. Entre 2012 et 2015, elle a augmenté de 227 milliards d’euros. Vous aviez dit 230 milliards, je crois, madame Louwagie – en tout cas, je reconnais votre objectivité.

M. Charles de Courson. Pour comparer, il faudrait ajouter l’augmentation de la dette en 2016 et en 2017 !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. L’opposition actuelle a donc accru la dette de 617 milliards d’euros, mais elle crie au loup devant une augmentation de 227 milliards.

M. Guy Geoffroy. Le contexte est différent !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cela relève de la malhonnêteté intellectuelle, et je pèse mes mots.

M. Alain Fauré. C’est du de Courson tout craché !

M. Michel Vergnier. Pourtant, entre 2007 et 2012, M. de Courson votait le budget !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Rapportée au PIB, la dette est passée, entre 2007 et 2012, de 64,4 % à 89,6 %, soit une augmentation de 25 points. À la fin de l’année 2017, elle représentera environ 97,5 % du PIB, soit une hausse de 8 points pendant le présent quinquennat.

M. Charles de Courson. Sans compter les primes d’émission !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même en comptant les primes d’émission, ce que nous ne devrions pas faire, au regard des règles comptables,…

M. Alain Fauré. Bien sûr que non ! Ça, c’est la comptabilité de M. de Courson !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …le fait d’avoir augmenté la dette publique de 25 points de PIB devrait vous empêcher de vous moquer ou de crier au loup quand un gouvernement l’augmente de 8 points, c’est-à-dire trois fois moins.

M. François Cornut-Gentille. Vous oubliez la crise de 2008 !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Les choses sont très simples. Notre budget se solde par un déficit de 70 milliards d’euros : comment voulez-vous faire autrement que d’augmenter la dette publique ? Le déficit était presque deux fois plus élevé – 140 milliards d’euros – en 2009 et 2010.

Soyons objectifs et soyons clairs ! Mesdames et messieurs les députés de l’opposition, vous avez le droit – j’allais dire le devoir – de contester la politique du Gouvernement. Mais vous n’avez pas le droit…

M. Alain Fauré. De travestir la réalité !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …de déformer les choses, de tenir des propos caricaturaux et proches de la malhonnêteté intellectuelle. (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Je termine, madame la présidente, en évoquant les collectivités territoriales. Comme je l’ai déjà fait au Sénat, je propose d’organiser un débat sur cette question au sein de la commission des finances. Là encore, j’ai entendu un certain nombre de choses injustes ou déformées.

M. Alain Fauré. En effet !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Michel Vergnier a raison de dire que l’hétérogénéité des situations est un point extrêmement délicat. Je renvoie tout le monde à ses postures. Pour ma part, je suis favorable au renforcement des dispositifs de péréquation. Je l’ai toujours dit et j’ai toujours mené ce combat.

J’ai souvent entendu dire qu’il fallait mettre un coup d’arrêt à l’augmentation du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales – FPIC – et mettre un terme aux dispositifs de péréquation verticale comme la dotation de solidarité urbaine – DSU –, la dotation nationale de péréquation – DNP – et la dotation de solidarité rurale – DSR. Nous en débattrons à l’automne. Vous vous souvenez sans doute que j’ai beaucoup travaillé sur ce sujet l’an dernier, et que je me suis même beaucoup exposé. Sur tous les bancs, à gauche comme à droite, il y a des gens qui veulent faire de la péréquation, qui veulent tenir compte des disparités locales, mais il y a aussi des personnes qui bénéficient de rentes de situation – je le dis de façon tout à fait amicale –…

M. Charles de Courson. Les riches !

M. Thierry Benoit. En effet !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …et qui s’opposent systématiquement aux dispositifs de péréquation.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il y en a plus chez vous que chez nous !

M. François Cornut-Gentille. Toutes les collectivités territoriales souffrent !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Mesdames et messieurs les députés, je vous donne rendez-vous lors de l’examen du prochain projet de loi de finances pour en parler.

Monsieur Vergnier, vous avez proposé d’élaborer une loi de financement des collectivités territoriales. Vous pensez que cela résoudrait le problème.

M. Michel Vergnier. Cela éclaircirait les choses !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Personnellement, je n’en vois absolument pas la nécessité, mais c’est une question technique, qui touche à l’organisation des débats. Je me rallierai bien sûr à la décision qui sera prise mais, sur le fond, je ne vois pas franchement en quoi le fait de traiter de ces questions dans un autre cadre que celui des lois de finances…

M. Michel Vergnier. Ce serait plus clair !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Les choses sont claires ! J’ai été rapporteur général de la commission des finances pendant deux ans, et je suis secrétaire d’État chargé du budget depuis presque trois ans.

M. Yannick Moreau. Vous n’en avez plus que pour 300 jours !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. J’ai ainsi pu constater que les débats relatifs aux collectivités territoriales sont toujours nourris et clairs. Ce sont toujours les mêmes, d’ailleurs… Nous devrions en tirer quelques conséquences.

Je voudrais revenir un instant sur les analyses développées par quelques-uns d’entre vous sur la situation des collectivités territoriales. Certains prétendent que leur capacité d’autofinancement a diminué. C’est faux.

M. Charles de Courson. Si, c’est vrai !

Mme Marie-Christine Dalloz. Regardez les budgets des départements !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Les fichiers que le comité des finances locales a reçus et que j’ai diffusés montrent que la capacité d’autofinancement de la plupart des strates de collectivités territoriales a augmenté.

M. Guy Geoffroy. Il n’y a pas d’argent, mais « ça va mieux » !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Pas du tout ! Regardez ce tableau, monsieur le secrétaire d’État : il montre une baisse de 1,2 milliard d’euros !

Nous pourrons en débattre en commission des finances si vous voulez, monsieur de Courson. Vous n’avez pas le droit de montrer des documents, ni des graphiques.

M. Alain Fauré. Eh oui ! C’est interdit, monsieur de Courson !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je vous ai écouté, comme un élève écoute un professeur. Laissez-moi terminer mon propos !

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Écoutez M. le secrétaire d’État ! Prenez une leçon, monsieur de Courson !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Par ailleurs, à la fin de l’année dernière, les dépôts des collectivités territoriales sur les comptes du Trésor ont progressé de plus de 4 milliards d’euros. Ils s’élèvent traditionnellement à un peu plus de 30 milliards d’euros – je n’ai pas le chiffre exact. Il y a donc des disponibilités, monsieur le député,…

M. Charles de Courson. Pas pour les petites communes !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …avec des disparités considérables, je l’ai dit d’entrée de jeu.

Il est vrai que les dotations de l’État aux collectivités territoriales ont connu une baisse dont tout le monde connaît l’ampleur. Néanmoins, les recettes des collectivités ont progressé de 1,5 %, ce qui n’est pas seulement dû à la hausse des impôts, monsieur de Courson.

J’ai demandé quelle pouvait être l’origine de cette compensation, que l’on pourrait même qualifier de surcompensation, des produits fiscaux pour les collectivités territoriales. Cela vient d’abord de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises – CVAE –, qui a explosé, et des droits de mutation à titre onéreux – DMTO –, qui ont beaucoup augmenté.

M. Charles de Courson. Personne ne sait expliquer pourquoi !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous ne le contestez pas ! Les DMTO, la TICPE – taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques – et la CVAE ont beaucoup progressé, sans que le niveau des taux ait bougé.

Quant aux fameux impôts locaux, que tout le monde connaît, leur augmentation est due à trois facteurs. Elle est d’abord liée à l’augmentation nominale des bases.

M. Charles de Courson. Oui, de 0,9 %.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. En effet, monsieur de Courson. C’est le Parlement qui a pris cette décision,…

M. Jean-Louis Gagnaire. Nous avons été trop généreux !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …alors que le Gouvernement s’en était remis à la sagesse de l’Assemblée, comme il le fait traditionnellement pour de telles mesures. C’est donc vous – le Parlement dans son ensemble – qui avez décidé d’augmenter de 0,9 % l’ensemble des bases d’imposition.

M. Régis Juanico. L’inflation était nulle !

M. Alain Fauré. Si nous avions écouté M. de Courson, nous aurions voté une augmentation supérieure !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. L’augmentation des produits des impôts locaux vient également de l’augmentation physique des bases d’imposition.

M. Charles de Courson. Oui, de 1,1 %. En tout, cela fait donc 2 %.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il y a parfois des logements supplémentaires, une assiette d’imposition supplémentaire. Ce n’est pas le cas partout : en fonction des collectivités, l’augmentation est très inégale.

Mme Marie-Christine Dalloz. Ce n’est pas le cas des collectivités rurales.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Nous avons fait la part des choses. Je n’ai pas emporté les chiffres aujourd’hui…

M. Charles de Courson. Pour le moment, nous en sommes à 2 %.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je vous ai proposé un débat en commission des finances, monsieur de Courson, pour arrêter de dire des choses qui ne sont pas toujours exactes.

La troisième source d’augmentation des impôts locaux est liée au fait que certaines collectivités ont décidé – c’est leur liberté – d’augmenter les taux d’imposition. Mais c’est de loin la plus faible des sources d’augmentation : moins d’un tiers des communes et des groupements de communes ont décidé de modifier leurs taux d’imposition.

M. Charles de Courson. Et les départements ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Monsieur le député, je vous donnerai les montants correspondant à chacune des sources d’augmentation des produits fiscaux des collectivités territoriales.

M. Charles de Courson. Nous les avons déjà !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Si vous savez tout et si vous avez tout, ce n’est plus la peine de venir ! Faites votre discours, puis allez-vous-en, et on n’en parle plus ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Alain Fauré. Tirez-lui les oreilles !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Monsieur le président de la commission, madame la rapporteure générale, ma proposition est très claire. Pour lever ces ambiguïtés, au besoin pour s’en expliquer voire pour s’engueuler – ce n’est pas honteux –, je suggère que nous puissions analyser ensemble, en commission des finances, les origines de cette augmentation.

Mesdames et messieurs les députés, chacun s’est exprimé. Sur la forme, le fait d’adopter ou de rejeter un projet de loi de règlement ne changera pas grand-chose. Dans de nombreuses assemblées locales, l’opposition vote pour ou s’abstient sur le vote des comptes administratifs. Il s’agit ici de donner quitus au Gouvernement de l’exécution budgétaire, par rapport aux droits ouverts en loi de finances. L’opposition a fait le choix de voter contre – je ne l’approuve pas, mais c’est comme ça ! Comme disait Dominique Lefebvre, cela ne nous empêchera pas de poursuivre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Discussion des articles

Mme la présidente. J’appelle maintenant les articles du projet de loi.

Article liminaire et articles 1er à 11

(L’article liminaire et les articles 1er, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10 et 11 sont successivement adoptés.)

Mme la présidente. Nous avons achevé l’examen des articles du projet de loi.

Je n’ai pas reçu de demande d’explication de vote.

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

2

Modernisation de la justice du XXIsiècle

Nouvelle lecture (suite)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de modernisation de la justice du XXIsiècle (nos 3872, 3904).

Discussion des articles (suite)

Mme la présidente. Hier soir, l’Assemblée a commencé la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’article 17 ter.

Article 17 ter

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 32, 120 et 175 tendant à supprimer l’article 17 ter.

La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n32.

M. Patrick Hetzel. Par le biais d’un amendement du Gouvernement, la commission des lois a adopté cet article qui prévoit une déjudiciarisation du divorce, supprimant de la procédure du divorce par consentement mutuel, le passage, jusque-là obligatoire, devant un juge aux affaires familiales.

Ce passage est une garantie, notamment lorsque nous avons affaire à la protection des enfants mineurs. Une telle évolution prévoyant la disparition du juge est tout à fait dommageable. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons supprimer l’article 17 ter.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n120.

M. Philippe Gosselin. Nous souhaitons par cet amendement la suppression de la déjudiciarisation du divorce. Cet article, émanant d’un amendement du Gouvernement, inverse le processus actuel. Ce qui signifie qu’il n’y a pas eu d’étude d’impact. En outre, cet amendement nous a été présenté comme un élément de survie pour nos tribunaux. Le dispositif permettrait, en effet, d’économiser 4 millions d’euros par an, je sais que les temps sont durs... Ce matin à Bourg-en-Bresse, le Président de la République a annoncé l’augmentation du budget de la justice, en votre présence, monsieur le garde des sceaux. Je salue votre retour parmi nous, preuve en est que les transports sont efficaces dans ce pays, de temps en temps en tout cas. (Sourires.)

J’en reviens à l’amendement qui n’a fait l’objet d’aucune étude d’impact et dont le but est de faire des économies. Au-delà, nous assistons à une remise en cause importante du mariage et à une banalisation du divorce. Il aura pour conséquence de créer des déséquilibres importants au sein des couples et, surtout, de ne pas prendre en compte l’intérêt de l’enfant. Pour toutes ces raisons, nous proposons la suppression de l’article 17ter.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n175.

M. Marc Le Fur. Nous commettrions une erreur considérable en adoptant un tel article. C’est pourquoi nous proposons de le supprimer. La logique de votre réforme est pernicieuse. Elle consiste à dire que le mariage est un simple contrat. Pour nous, il est une institution. À cet égard, cette institution doit être protégée aussi par le juge qui a un rôle singulier à exercer.

Le juge protège celui qui, des deux membres du couple qui veut divorcer, est peut-être le plus faible ; celui des deux qui n’a peut-être pas conscience en allant vers un divorce facile du préjudice qu’il va subir. Le juge doit rester dans le dispositif, nous y tenons énormément.

Enfin, vous oubliez un élément fondamental, monsieur le garde des sceaux. Dans bien des cas, il ne s’agit pas simplement d’une affaire entre deux personnes, notamment lorsqu’il y a des enfants, en particulier des enfants mineurs. Même si a priori, il n’y a pas de difficultés, la présence d’un enfant mineur – dont le devenir est en jeu, dont l’éducation est en cause –, exige que nous gardions la présence d’un juge.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission sur cette série d’amendements identiques.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Permettez-moi de rappeler l’avis de la commission sur l’ensemble des amendements qui ont fait l’objet de discussions tant en commission que dans l’hémicycle, en première lecture. Le dispositif qui a été adopté concerne les époux qui sont d’accord pour divorcer ainsi que sur les conséquences du divorce. On ne parle donc pas de ceux qui ne sont pas d’accord ni sur les causes ni sur les conséquences.

M. Marc Le Fur. On ne parle pas des enfants !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Nous nous inscrivons dans le cadre où les époux sont d’accord pour divorcer. La procédure proposée par le Gouvernement vise à tenir compte du principe de l’accord sur le divorce et de ses conséquences ainsi que de la volonté de divorcer dans les meilleures conditions. Tel est l’objet du dispositif. Il n’y a aucune raison de désapproprier les époux de la manière dont ils rompent le lien familial, pas plus qu’on ne les a empêchés de provoquer leur union familiale.

Le cadre juridique est clair. La compétence des avocats qui interviendront pour chacun d’entre eux est également encadrée. L’acte sous signature privée contresigné par avocats sera déposé au rang des minutes d’un notaire pour lui donner une force exécutoire. L’ensemble des dispositifs qui a été examiné au cours de longues heures de débats est aujourd’hui encadré.

Aussi je vous confirme l’avis défavorable de la commission sur ces amendements, s’ils étaient maintenus.

Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. L’avis du Gouvernement est défavorable pour des raisons qui ont déjà été évoquées en première lecture et en commission. Je crains que je n’arrive pas, même en déployant de nouveaux arguments, à convaincre les parlementaires de l’opposition qui en font une question de principe.

M. Philippe Gosselin. En effet.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. L’approche du Gouvernement est bien plus pragmatique. À de nombreux titres, nous considérons que notre proposition est beaucoup plus protectrice, y compris en matière de droits de l’enfant, contrairement à ce qui a été dit. L’organisme représentatif des avocats, c’est-à-dire le Conseil national des barreaux, lui-même le reconnaît.

M. Patrick Hetzel et M. Marc Le Fur. On n’en doute pas !

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Contrairement à ce que j’ai pu entendre ou lire ici ou là, il soutient la réforme. Et je rappelle qu’une délibération du Conseil national des barreaux est favorable à la disposition. Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à toute proposition consistant à revenir sur ce que la commission des lois a adopté.

(Les amendements identiques nos 32, 120 et 175 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 33 et 121.

La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n33.

M. Patrick Hetzel. Il s’agit d’un amendement de repli visant à supprimer les alinéas 2 à 5 de l’article 17 ter.

Le mariage est un engagement pris devant la loi en présence d’un officier d’état civil. De ce fait – et le code civil est très clair à cet égard –, il semble logique qu’un juge soit chargé de recueillir le consentement des époux lors d’un divorce. Nous souhaitons que la présence d’un juge soit maintenue dans la procédure de divorce par consentement mutuel car nous considérons que cette présence est une garantie.

Puisque le Gouvernement prend pour argument le fait que la procédure de divorce ne fonctionne pas de manière satisfaisante, nous lui suggérons de traiter les causes de ce dysfonctionnement et de faire appliquer le code civil dans sa rédaction actuelle.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n121.

M. Philippe Gosselin. M. le rapporteur a défini le cadre très précis de cette procédure de divorce nouvelle et du consentement mutuel. Il semble méconnaître la réalité. En effet, le consentement mutuel peut cacher des apparences : les deux membres du couple peuvent souhaiter un divorce par consentement mutuel, mais l’un des deux peut le vouloir par lassitude, par facilité,…

M. Marc Le Fur. En raison de pressions.

M. Philippe Gosselin. …ou en raison de pressions, alors qu’en réalité, il n’y a pas réellement la volonté de divorcer par consentement mutuel. Dans un certain nombre de cas, la présence du juge permet de mieux apprécier ces situations de pression ou de volonté d’en finir rapidement. Cela étant, je ne sous-estime pas les difficultés liées à l’encombrement de la justice, notamment en matière familiale. Mieux vaudrait s’attaquer à ces difficultés plutôt que de les contourner par une nouvelle procédure.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. L’avis est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Capdevielle.

Mme Colette Capdevielle. Le groupe socialiste, écologiste et républicain s’oppose à cette série d’amendements.

M. Gilles Lurton. C’est dommage.

Mme Colette Capdevielle. En fait, la nouvelle procédure est, dans la pratique, bien plus protectrice, pour les époux comme pour les enfants. Actuellement, il est possible de divorcer par consentement mutuel avec un seul avocat, payé par un seul des époux, ce qui n’est pas du tout protecteur.

M. Pascal Deguilhem. Tout à fait.

Mme Colette Capdevielle. Cela d’autant moins que plus de 98 % des conventions de divorce sont homologuées par les juges aux affaires familiales au terme d’une audience qui dure en général entre six et huit minutes. Dans les 2 % de cas dans lesquels les époux sont appelés à revenir, le motif ne porte pas sur les conséquences du divorce, mais sur l’intention même de divorcer parce que le juge aura vérifié qu’en fait les époux ne sont pas tout à fait prêts.

Comme l’indiquait M. le garde des sceaux, la conférence des bâtonniers est très favorable à ces nouvelles dispositions.

M. Philippe Gosselin. On comprend pourquoi.

Mme Colette Capdevielle. Or la conférence des bâtonniers représente l’ensemble des barreaux de toute la France, notamment des petites juridictions, contrairement au barreau de Paris qui défend les intérêts corporatistes des cabinets de « divorceuses et de divorceurs. »

(Les amendements identiques nos 33 et 121 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 34 et 122.

La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n34.

M. Patrick Hetzel. Il s’agit également d’un amendement de repli visant à supprimer les alinéas 6 à 27 de l’article 17 ter.

Le mariage est une institution. Il importe de respecter le parallélisme des formes et que les juges garantissent les droits des parties en présence, pas uniquement ceux des époux, mais également ceux des enfants, mineurs notamment. Nous le constatons, le contrat de mariage s’assimile de plus en plus à un contrat commercial. Une telle dérive est surprenante. Vous êtes en train de dénaturer le code civil.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n122.

M. Philippe Gosselin. Je le défends rapidement, les arguments étant maintenant bien connus. Je veux cependant insister sur la perte du caractère institutionnel du mariage. Le mariage républicain n’est pas un simple contrat, ce n’est pas un acte banal. À partir du moment où l’on peut assez facilement divorcer, loin du regard du juge, il me semble que l’on banalise le mariage. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) Je le crois très sincèrement, mes chers collègues. Le mariage est une institution républicaine, mais chacun peut avoir sa propre interprétation. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, laissez parler l’orateur.

M. Philippe Gosselin. En tout état de cause, dans cette enceinte, c’est bien l’institution républicaine que nous sommes censés défendre. Or on note que, petit à petit, l’institution s’étiole.

Mme la présidente. Mes chers collègues, chacun peut s’exprimer, dans le calme, ce qui apportera de la sérénité à nos débats.

(Les amendements identiques nos 34 et 122, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l’amendement n137.

Mme Cécile Untermaier. Le présent amendement a pour objet d’encadrer au plus près la procédure de divorce par consentement mutuel. Dès lors que les époux se sont mis d’accord avec les avocats et que le notaire a reçu l’acte de dépôt de la convention, celle-ci doit être enregistrée sans délai. L’essentiel et le plus dur ayant été fait, nous ne souhaitons pas que ce dispositif dont l’objectif est l’efficacité et la rapidité soit soumis à un délai que pourrait prendre en considération un officier public ministériel.

Au lieu des notaires, on aurait pu confier l’enregistrement à des greffiers et laisser la procédure au cœur de la justice, mais alors il y aurait eu un délai.

Sans faire acte de discrimination ni faire offense à ces officiers publics ministériels, nous pouvons donner un signal de notre volonté de rapidité, sachant que cet acte n’appelle pas une étude particulière. C’est donc par principe de réalité et par pragmatisme que nous souhaitons voir ajouter à cet article les mots : « sans délai ».

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Chère collègue, je vous demande de retirer votre amendement, dont la rédaction n’a en effet pas pour effet de contraindre le notaire à enregistrer sans délai, mais les parties à déposer sans délai. Il viserait donc à provoquer l’accélération du dépôt par les parties elles-mêmes, ce qui est superfétatoire, car elles y ont bien évidemment intérêt. Le notaire, quant à lui, est instrumentaire et agit dans les délais les plus brefs, conformément à sa déontologie. C’est la raison pour laquelle je vous propose de retirer cet amendement, à défaut de quoi je devrais émettre un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement partage le souhait du rapporteur, même si ce n’est pas tout à fait pour les mêmes raisons – elles peuvent toutefois se rejoindre. Nous avons bien compris l’intention de Mme Untermaier, mais la terminologie employée dans l’amendement n’est pas conforme à l’usage. De fait, l’expression : « sans délai » existe déjà dans le code civil, mais elle y est employée uniquement dans des situations où elle fait peser sur le professionnel soumis au délai une obligation d’information. Au contraire, on ne la retrouve jamais lorsque, comme c’est le cas ici pour le notaire, il convient d’effectuer diverses formalités – ici l’obligation de contrôle des mentions nécessitant un minimum de diligences.

Nous comprenons donc bien la perspective, qui est d’accélérer le traitement du divorce, et pouvons y souscrire, mais l’expression qu’il est ici proposé d’ajouter serait source de confusion. Nous souhaitons donc que Mme la députée retire son amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Untermaier.

Mme Cécile Untermaier. Au vu des explications fournies, je retire donc cet amendement.

M. Patrick Hetzel. Quelle surprise !

Mme Cécile Untermaier. Je suis sensible aux explications de M. Le Bouillonnec sur le caractère impropre du terme. Du moins le compte rendu de nos débats consignera-t-il mon souhait d’affirmer la nécessité que les officiers publics ministériels ne retardent pas le consentement mutuel d’époux qui sont en souffrance et souhaitent cette séparation.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Très bien !

(L’amendement n137 est retiré.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements, nos 9, 35 et 136, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 35 et 136 sont identiques.

La parole est à M. Guy Geoffroy, pour soutenir l’amendement n9.

M. Guy Geoffroy. Cet amendement que j’ai l’honneur de présenter au nom de l’ensemble des membres du groupe Les Républicains vise à éviter toute erreur qui pourrait malencontreusement procéder des nouvelles dispositions instaurées par cet article. Nous avons bien compris que vous ne vouliez pas que soit remis en cause ce que vous avez décidé de nous imposer, mais vous avez une possibilité de montrer clairement si vous êtes, oui ou non, sensibles à la présence d’un enfant mineur dans le couple qui va mettre fin à la vie commune.

En effet, afin de se donner, dans un premier temps au moins, par prudence et par précaution, la possibilité de voir ce qui va se passer, cet amendement vise à réserver la nouvelle procédure de divorce par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par un avocat aux couples sans enfant ou ayant des enfants majeurs – ces derniers n’étant pas exposés aux mêmes difficultés que les enfants mineurs.

Il s’agit d’un amendement de prudence, de sagesse et de responsabilité. Si vous décidiez de ne pas l’adopter, vous afficheriez très clairement que vous vous souciez peu que des enfants mineurs puissent se trouver en difficulté du fait de la décision prise par leurs parents et des conditions dans lesquelles cette décision est mise en œuvre – ce que je n’ose pas croire.

Lorsque nous formulons certaines observations et prises de position vis-à-vis de l’institution du mariage, vous poussez des cris d’orfraie. Nous respectons, quant à nous, ceux qui pensent différemment de nous. Ce sujet n’est pas banal : il s’agit des enfants, mineurs de surcroît. J’espère que vous serez assez sages et assez responsables pour nous suivre.

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n35.

M. Xavier Breton. Nous ne sommes pas favorables à l’ensemble de cette procédure de divorce par consentement mutuel par acte sous signature privée. Cet amendement de repli tend donc à la réserver aux seuls couples sans enfant ou dont les enfants sont majeurs. En effet, lorsque des couples ont des enfants mineurs, ces derniers se trouveront dans une situation difficile. Comment, en effet, iraient-ils à l’encontre de l’accord de leurs parents ? Ils seront certes informés de la possibilité qui leur est donnée de faire appel au juge, mais ce sera une charge beaucoup trop lourde pour eux. On sait par ailleurs que les juges font aujourd’hui un important travail pour chasser impitoyablement les résidences alternées aberrantes ou les accords ne prévoyant pas de pensions alimentaires sérieuses. Qui le fera désormais ? C’est là en effet que l’intervention du juge permet de protéger l’intérêt de l’enfant. C’est la raison pour laquelle nous proposons que l’alinéa 14 précise que les conjoints « sont parents d’au moins un enfant mineur ».

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n136.

M. Philippe Gosselin. Cet amendement, identique au précédent, est défendu.

L’amendement présenté tout à l’heure par Mme Untermaier m’invite cependant à demander à M. le ministre quel sera le rôle exact du notaire dans la procédure. On peut en effet déposer sans délai ou demander au notaire d’enregistrer sans délai : est-ce à dire qu’on le considère comme un simple greffier de l’opération, se contentant de donner date certaine par un acte authentique ? Doit-il s’affranchir du rôle de conseil que l’on attend d’un officier ministériel ? C’est là une question très importante.

Pourriez-vous également nous confirmer que, comme j’ai cru le comprendre, l’enregistrement donnerait lieu à la perception de la somme de 50 euros ? Pour cette somme, le notaire se contentera-t-il, si je puis me permettre cette expression, de donner un coup de tampon pour donner date certaine et jouer un rôle de chambre d’enregistrement ou donnera-t-il, le cas échéant, quelques conseils ? Monsieur le ministre, pouvez-vous donc préciser le rôle du notaire dans cette affaire ?

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Si je m’en tiens aux amendements qui viennent d’être présentés, je tiens d’abord à affirmer que chacun dans cet hémicycle partage le souci de la situation des enfants dans le cadre des ruptures familiales – nous avons du reste, pour certains d’entre nous, assez d’antériorité professionnelle pour voir là ce qui est peut-être l’essentiel.

M. Guy Geoffroy. Merci de le dire ! Nous ne l’avions pas compris comme ça !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Il nous faut donc nous faire mutuellement crédit de cette capacité à apprécier les conséquences les plus éminentes du prononcé du divorce.

Pour le reste, les procédures de divorce par requête conjointe et par consentement mutuel sont exactement identiques pour ce qui concerne les enfants.

M. Erwann Binet. Exactement !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. On peut en effet demander l’audition de l’enfant, même si la grande majorité des procédures ne le demandent pas et si certains juges ne le souhaitent pas. Il n’y a donc aucune différence entre la prise en compte de la situation de l’enfant dans les procédures par consentement mutuel et dans celles que nous sommes en train de préparer.

En fait, ce n’est pas tout à fait vrai car le dispositif proposé par le projet de loi apporte une garantie nouvelle : la présence de deux avocats. La contradiction entre ces derniers sur les conséquences de la situation est en effet susceptible d’alimenter une plus grande garantie. Je ne veux pas dire par là que les parties seules n’apportent pas assez de garanties, mais la présence de deux avocats permettra de mieux examiner cet enjeu important, sur lequel vous avez eu raison d’insister. À cet égard, donc, la procédure proposée par le Gouvernement, qui facilite le règlement du divorce, n’a pas pour effet d’entamer les garanties apportées à la situation de l’enfant. Si ces amendements étaient maintenus, je maintiendrais donc l’avis défavorable de la commission.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le paradoxe d’une telle discussion est qu’elle donne le sentiment que l’existant est parfaitement satisfaisant. En effet, vous défendez en réalité le maintien du statu quo et proposez des amendements qui, comme vient de le dire très justement le rapporteur, n’apportent rien de nouveau. Chacun ici sait que le juge d’office entend peu les enfants. Chacun devrait se souvenir que, dans les procédures de divorce, les enfants sont souvent les plus malheureux et que nous devrions être animés de la volonté de les préserver. Vous savez aussi que le juge ne peut guère vérifier que l’enfant mineur a été informé de la possibilité qui lui est offerte d’être entendu ou non. Vous savez enfin que, dans notre projet de loi, lorsqu’un enfant mineur veut être entendu, c’est le juge qui prononcera le divorce. Il y a donc aucune inquiétude à avoir à ce propos. Le Gouvernement confirme que son projet de loi est plus protecteur que l’existant, y compris pour les droits de l’enfant.

Monsieur Gosselin, pour répondre à votre remarque incidente, qui n’avait guère de rapport avec l’amendement, je précise que le juge n’est pas remplacé par le notaire, qui vérifie ce qu’il lui incombe de vérifier pour donner date certaine au document. Ni les parties, ni les avocats ne viennent donc voir le notaire, qui n’est pas un juge.

M. Philippe Gosselin. Précisément ! Quel est alors son rôle ? Celui d’une simple chambre d’enregistrement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le notaire fait ce pour quoi la loi a prévu qu’il agisse : il enregistre et n’a pas besoin d’auditionner les parties, qui n’ont pas besoin de paraître devant lui. Je vous confirme que le Conseil supérieur du notariat s’est engagé sur un montant de 50 euros pour le prix de cette procédure.

Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. De nombreux arguments ont été produits et je ne reviendrai pas sur la méthode qui a fait introduire ces dispositions par voie d’amendement. Posons-nous seulement la question de savoir si le divorce sans juge présente un réel intérêt pour l’enfant. La réponse est clairement : non. Le fait d’informer l’enfant ne change pas grand-chose : quel enfant pourrait s’opposer à la décision de ses parents de divorcer sans juge ?

Même si ce gouvernement nous a habitués à balayer les alertes émises par les autorités administratives indépendantes, on ne peut qu’être inquiet de constater que le défenseur des droits craint qu’« une simplification légitime des procédures ait pour effet induit d’affaiblir les droits fondamentaux de l’enfant » et recommande que cette procédure soit réservée aux seuls couples sans enfants ou avec des enfants majeurs.

M. Guy Geoffroy. C’est ce que nous demandons !

M. Lionel Tardy. Tel est le sens de cet amendement, que j’ai cosigné et qui vise à réserver, au moins dans un premier temps, la nouvelle procédure de divorce par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats aux couples sans enfant ou dont les enfants sont majeurs. En effet, je le répète, je ne vois pas comment un enfant mineur pourrait s’opposer à la décision de ses parents de divorcer sans juge.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Houillon.

M. Philippe Houillon. Je souhaiterais obtenir de M. le garde des sceaux et de M. le rapporteur des éclaircissements sur le dispositif tel qu’il est actuellement rédigé, qui me semble créer une grande insécurité juridique. Il existe en effet deux procédures, l’une par acte sous seing privé d’avocat, l’autre devant le juge, selon que l’enfant demande ou non à être entendu.

Première question : à partir de quel âge et dans quelles conditions ? Deuxième question : comment apporte-t-on la preuve du fait que l’enfant a été informé – cette question n’est du reste pas la plus compliquée – et faut-il le faire à tout âge ? En effet, le texte ne le précise pas pour l’instant. Troisième question : comment apporte-t-on la preuve de la réponse transparente de l’enfant ? En effet, si tout cela n’est pas précisé, vous vous exposez à ce qu’un divorce par acte d’avocat donne lieu à des demandes en nullité fondées sur le fait que l’enfant avait voulu être entendu et qu’il n’en a pas été fait état. Si le texte est maintenu en l’état, il est donc nécessaire d’en préciser la rédaction afin d’éviter des contentieux, des nullités, donc une insécurité juridique ultérieurs.

Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Capdevielle.

Mme Colette Capdevielle. Pour ce qui concerne les enfants, le dispositif du projet de loi ne change rien à la procédure actuelle, car le juge doit également vérifier que les enfants ont été informés de la possibilité d’être entendus. Je précise également qu’une fois le divorce prononcé selon la nouvelle procédure, chacun des deux parents – qu’il s’agisse du père ou de la mère – a toujours la possibilité, s’il estime que la décision ne lui convient pas, de saisir à n’importe quel moment, le lendemain même s’il le souhaite, le juge aux affaires familiales pour demander un débat contradictoire.

J’évoquerai enfin l’intervention de M. Gosselin, qui entretient habilement la confusion. Le notaire intervient à deux niveaux. S’il y a des biens, il est indispensable que, dans le cadre d’une requête conjointe par consentement mutuel, les époux établissent un acte notarié qui liquide leur régime matrimonial, qu’il s’agisse de la communauté ou d’un autre régime.

M. Philippe Gosselin. C’est le droit commun !

Mme Colette Capdevielle. Le notaire interviendra dans ce type de procédure à deux niveaux : tout d’abord, si les époux sont propriétaires de biens immobiliers, c’est le notaire qui établira la convention notariée, celle-ci étant obligatoire puisqu’il y a des biens, donc une publicité foncière.

M. Philippe Gosselin. Cela peut être fait par un autre notaire !

Mme Colette Capdevielle. Ce travail est aujourd’hui réalisé par le notaire, soit avant le prononcé du divorce dans le cas des procédures par consentement mutuel, soit après pour les autres formes de divorce. Cela ne change donc rien.

M. Philippe Gosselin. Nous sommes bien d’accord !

Mme Colette Capdevielle. Ensuite, le notaire donne force exécutoire à la convention de divorce. Celle-ci sera ainsi opposable aux tiers : l’on pourra par exemple saisir un huissier pour le paiement d’une pension alimentaire ou de prestations compensatoires – c’est tout.

Monsieur Gosselin, n’entretenez pas la confusion : vous avez parfaitement compris que le notaire garde exactement le même rôle que celui qui était le sien s’agissant du patrimoine, donc des biens immobiliers.

M. Philippe Gosselin. Sur ce point, nous sommes bien d’accord !

Mme Colette Capdevielle. Simplement, étant un officier public ministériel, il donne ensuite force exécutoire à la convention passée entre les époux. Nous faisons vraiment de la simplification.

(L’amendement n9 n’est pas adopté.)

(Les amendements identiques nos 35 et 136 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour soutenir l’amendement n36.

M. Guillaume Chevrollier. Cet amendement vise à ce que l’enfant mineur soit informé par les avocats de ses parents, et non par ses parents, de son droit à être entendu par un juge dans le cadre de la procédure de divorce par consentement mutuel.

Si le consentement est contraint ou se fait dans l’urgence, aucun des deux parents n’aura intérêt à soumettre à son enfant mineur la possibilité d’être entendu par un juge. De ce fait, il est logique que ce rôle informatif revienne aux avocats des parents, afin que l’enfant mineur ne se sente pas contraint ou lésé par la situation.

Par ailleurs, quel enfant, pour peu qu’il soit en âge de le faire, oserait aller à l’encontre de la décision de ses parents ?

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Avis défavorable. Pourquoi nier la responsabilité des parents à l’égard de leurs enfants ? Pourquoi la suspicion devrait-elle entrer dans les relations entre les parents et les enfants, au seul motif que la réalité de la séparation de leurs parents est difficile à vivre pour les enfants ?

Bien entendu, il n’y a aucune raison que l’on introduise une démarche entre l’avocat, qui ne représente que les parents, et les enfants. Ce sont les parents qui divorcent, et ils l’assument pleinement.

Je vais même vous dire ceci : je n’ai jamais cessé de faire revendiquer par les gens qui divorcent la nécessité d’être encore meilleurs parents maintenant qu’ils sont séparés.

La responsabilité de chacun est d’accompagner les couples dans la rupture pour les aider à surmonter la souffrance qu’elle provoque et la sensation d’échec, avec l’exigence de construire un avenir pour les deux époux comme pour les enfants.

Je ne vois donc vraiment pas pourquoi des gens qui décident de divorcer en pacifiant leurs rapports et assumant en commun les conséquences de ce divorce, en viendraient à écarter l’intérêt de l’enfant : cela me paraît totalement aberrant.

Je comprends que vous vouliez prendre toutes ces précautions, mais celles-ci sont totalement superfétatoires au regard de la responsabilité des parents dont il faut proclamer la reconnaissance. Cette responsabilité, qui existait quand ils étaient unis par un lien matrimonial, perdure avec peut-être encore plus d’exigence après le prononcé du divorce.

Mme Cécile Untermaier. Excellent !

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Excellent, comme d’habitude ! (Sourires.)

M. Philippe Gosselin. C’est un peu dithyrambique…

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. C’est dit avec une telle sincérité que cela me coupe dans mon élan ! (Mêmes mouvements.)

Mme la présidente. Merci de bien vouloir écouter M. le ministre !

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. La barre est tellement haute que je ne vais pas y arriver !

Dans tous les types de divorce, il incombe aux parents d’informer les enfants. Pourquoi créer une condition particulière dans ce type de divorce ? Les parents sont les protecteurs des enfants ! L’avis est donc évidemment défavorable.

Pour répondre à Philippe Houillon, c’est le juge qui aujourd’hui apprécie le discernement.

M. Philippe Houillon. Nous sommes d’accord.

Mme Colette Capdevielle. Ce sont les juges qui savent.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Lorsque l’on parle de « l’enfant en âge de discernement », c’est le juge qui apprécie.

M. Philippe Houillon. Mais en l’occurrence, il n’y a pas de juge !

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Dans la pratique actuelle, c’est le juge.

M. Philippe Houillon. C’est obligatoire à partir de 13 ans.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Pour éviter la nullité que vous évoquez, la convention devra, demain comme aujourd’hui, faire figurer le fait que l’enfant a été informé. Les avocats de chaque partie s’assureront que cette information a bien été diffusée et que cela figure dans la convention.

M. Philippe Houillon. Non ! La réponse des enfants !

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Vous inventez des problèmes qui, dans la pratique, ont déjà trouvé une réponse.

M. Philippe Houillon. Je n’invente pas les problèmes : je les connais mieux que vous !

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Avis défavorable à cet amendement, comme aux autres, d’ailleurs.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Nous sommes un peu surpris par les arguments développés. Tout d’abord, j’aimerais rappeler que les amendements que nous proposons sont en fait suggérés par le Défenseur des droits.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Ce n’est pas parole d’Évangile !

M. Patrick Hetzel. Cela étant, vous mettez de côté un argument : il y aura un avant et un après. Avant la réforme, un juge intervenait ; après la réforme, ce seront des avocats. Nous, nous cherchons à protéger l’intérêt de l’enfant.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Nous aussi !

M. Patrick Hetzel. Pour être sûr que l’intérêt de l’enfant soit préservé, nous souhaitons que les avocats, dont c’est le métier de faire en sorte que les intérêts des uns et des autres soient préservés, puissent jouer ce rôle.

Du reste, nous présenterons tout à l’heure un autre amendement autorisant les avocats à certifier clairement que ces droits ont été signifiés aux enfants, parce qu’il est important que cela soit fait. Nous sommes surpris que vous ne preniez pas en compte les intérêts des enfants.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Houillon.

M. Philippe Houillon. Vous affirmez, monsieur le garde des sceaux, que j’invente des problèmes : j’aurais aimé que vous inventiez une réponse plus pertinente !

La question est très précise. Il existe deux procédures distinctes, selon que l’enfant demande à être entendu ou pas. La première phase porte donc sur l’information de l’enfant, la deuxième séquence portant sur la réponse de l’enfant. Selon la réponse, deux directions différentes peuvent être prises.

Si l’on prend la direction de l’acte d’avocat et que, ultérieurement – vous savez comme moi que les justiciables sont très inventifs –, l’un des deux parents, pour une raison X ou Y, affirme que l’enfant avait demandé à être entendu et que l’on n’en a pas tenu compte, alors il y a un risque de nullité de la procédure. (« Oh ! » sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Excusez-moi, mais c’est la pratique ! Ce n’est pas du tout une bataille idéologique, mais une bataille pratique, d’expérience. Il n’est donc pas très compliqué de sécuriser cette phase.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. C’est déjà le cas aujourd’hui !

M. Philippe Houillon. Monsieur le garde des sceaux, vous nous dites que c’est le juge qui apprécie : oui mais, justement, il n’y a plus de juge !

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Sauf s’il y a un juge !

M. Philippe Houillon. Il n’y a plus de juge, sauf si l’enfant demande à être entendu. Il faut donc que cette séquence soit sécurisée. Maintenant, si vous estimez que ce n’est pas nécessaire, nous constaterons plus tard que cela créera des contentieux ! Cela ne mange pas de pain, si vous m’autorisez cette expression, de sécuriser cela.

M. Patrick Hetzel. Bien sûr !

M. Philippe Houillon. C’est une bonne chose pour tout le monde que la preuve soit apportée, soit par un engagement sur l’honneur conjoint des deux parents, soit par un acte d’avocat, soit par toute modalité pratique que vous souhaiterez ; mais il est utile de sécuriser cette procédure pour éviter des contentieux subséquents.

(L’amendement n36 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour soutenir l’amendement n231.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cet amendement est rédactionnel.

(L’amendement n231, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n37.

M. Patrick Hetzel. Cet amendement s’inscrit dans le prolongement de la discussion que nous venons d’avoir. Il prévoit en effet de rédiger ainsi l’alinéa 23 de l’article 17 ter : « L’attestation des avocats indiquant que le mineur a été informé par eux de son droit à être entendu par le juge dans les conditions de l’article 388-1. » Encore une fois, cela va mieux en le disant et en l’écrivant car il est important de pouvoir donner ces garanties. Cette disposition a également été proposée par le Défenseur des droits.

Nous aimerions que l’on prenne en compte l’intérêt de l’enfant – il est d’ailleurs étonnant que vous vous obstiniez à rejeter ces amendements qui non seulement sont de bon sens, mais défendent fondamentalement l’intérêt de l’enfant.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Je rappelle simplement que l’alinéa 23 précise que l’acte doit comporter « la mention que le mineur a été informé par ses parents de son droit à être entendu par le juge ». Les parents signeront cet acte qui aura été rédigé par deux avocats.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Eh oui !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Nous avons donc anticipé la précaution que vous souhaitez prendre, le Gouvernement ayant présenté un amendement en ce sens.

M. Guy Geoffroy et M. Philippe Houillon. La réponse de l’enfant !

M. Dominique Raimbourg, président de la commission des lois. Elle est présumée, la réponse de l’enfant !

M. Patrick Mennucci. C’est juste pour donner du travail aux avocats !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Avis défavorable.

Mme la présidente. Madame Chapdelaine, si vous voulez que l’on entende votre position, demandez la parole et nous vous la donnerons : ce sera beaucoup plus simple.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement, comme le rapporteur, a un avis défavorable à cet amendement. Je note l’enthousiasme de Patrick Hetzel pour les recommandations du Défenseur des droits.

M. Patrick Hetzel. C’est vrai !

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Je l’invite à les suivre dans d’autres domaines, par exemple la procréation médicalement assistée, pour laquelle le Défenseur des droits promeut des solutions qui ne plaisent pas à Patrick Hetzel !

M. Patrick Mennucci. Très bien !

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Chacun trie dans les recommandations du Défenseur des droits ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Patrick Mennucci. Voilà un bon revers pour M. Hetzel !

M. Philippe Gosselin. Mme la ministre de la santé a fait son choix, elle aussi !

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Monsieur le ministre, vous avez parfaitement raison : il est des sujets sur lesquels nous sommes sur la ligne du Défenseur des droits, tandis que sur d’autres, nous ne le sommes pas – mais nous l’assumons !

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux et M. Dominique Raimbourg, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Nous aussi !

M. Patrick Hetzel. Très bien ! Pour revenir sur l’argument développé par notre collègue Philippe Houillon, même si la différence peut paraître mineure, elle ne l’est pas tant que cela. Nous souhaitons, au travers de cet amendement, que les avocats puissent recueillir la réponse de l’enfant et en attester. C’est extrêmement important car cela permettra d’éviter dans le futur un certain nombre de contentieux. Votre rédaction est en effet un nid à contentieux.

(L’amendement n37 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n124.

M. Philippe Gosselin. Il est défendu, madame la présidente.

Je ne comprends pas très bien cette volonté de ne pas ouvrir les yeux : nous savons tous que les enfants sont parfois pris en otage, ballottés entre les deux parents, sont l’objet de convoitise, sont tiraillés.

Notre proposition permettrait de sécuriser, de mettre un peu plus de sérénité dans une séparation toujours douloureuse, quand bien même elle serait le fait d’un consentement mutuel. Cette façon de persévérer est assez curieuse et je souscris évidemment à ce qu’ont dit mes collègues. Pour le reste, l’amendement est défendu.

(L’amendement n124, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 38 et 125.

La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n38.

M. Xavier Breton. Je souhaite en revenir à la place des enfants : on leur fait jouer un rôle qui les mettra dans une position très difficile. Effectivement, dans certains cas, les parents essayent de faire du mieux possible, le rapporteur nous disant même qu’ils sont souvent meilleurs parents qu’avant : cela existe, c’est vrai.

Mais dans d’autres cas, les enfants sont l’enjeu et se trouvent au milieu de tensions : ils prennent alors sur eux-mêmes, par un phénomène de résilience, pour que tout s’arrange entre leurs parents, qu’ils aimeraient voir choisir une autre voie.

Dans quelle situation allez-vous les placer ? Lorsque tout va bien, les enfants n’ont pas besoin d’être protégés. En revanche, il faut protéger l’intérêt de l’enfant dans les situations où cela va mal : il en existe, vous ne pouvez pas le nier.

On ne peut pas s’en tenir à une lecture abstraite, utopique, d’un monde où tout irait bien. Dans certains cas, les enfants se trouvent au cœur des conflits, au cœur des tensions, et votre dispositif les mettra dans une situation intenable.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n125.

M. Philippe Gosselin. Il y a vraiment une différence d’appréciation très nette. Je ne conteste pas que, le plus souvent, les parents tentent de soustraire leurs enfants aux pressions mais, en réalité, nous connaissons tous des exemples autour de nous, dans nos villes, dans nos quartiers, dans nos cités, dans nos communes, d’enfants pris en otage. Nous avons une bonne formule pour les soustraire le plus possible à cette forme de prise d’otage, et nous ne la retenons pas : je m’en étonne une fois de plus.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. S’il y a des conflits, s’il y a des contradictions d’intérêts, alors il n’y a pas de procédure par consentement mutuel. Avis défavorable.

M. Erwann Binet. Bien sûr ! C’est le juge !

M. Philippe Gosselin. Il n’y a pas dogmatisme là-dedans !

M. Patrick Mennucci. C’est purement idéologique !

(Les amendements identiques nos 38 et 125, repoussés par le Gouvernement, sont adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 39 et 127.

La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour soutenir l’amendement n39.

M. Guillaume Chevrollier. Cet amendement vise à maintenir la présence d’un juge dans la procédure de divorce par consentement mutuel.

Le mariage est un engagement pris devant la loi en présence d’un officier d’état civil. De ce fait, il semble logique qu’un juge soit chargé de recueillir le consentement des époux lors d’un divorce.

Le formalisme du passage devant un juge permet de garantir un juste traitement des deux parties afin que la plus faible ne soit pas contrainte de renoncer à ses droits comme la prestation compensatoire, la pension alimentaire ou l’autorité parentale.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n127.

M. Philippe Gosselin. Il est défendu.

(Les amendements identiques nos 39 et 127, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 40 et 129.

La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n40.

M. Frédéric Reiss. L’objectif est la simplification mais c’est la porte ouverte à un certain nombre de contentieux. Nous proposons donc de supprimer les alinéas 36 à 39 pour maintenir la présence d’un juge dans la procédure de divorce par consentement mutuel.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n129.

M. Philippe Gosselin. Il est défendu.

(Les amendements identiques nos 40 et 129, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 41 et 130.

La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n41.

M. Patrick Hetzel. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n130.

M. Philippe Gosselin. Il est défendu.

(Les amendements identiques nos 41 et 130, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n135.

M. Philippe Gosselin. Il est défendu.

(L’amendement n135, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 42 et 131.

La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n42.

M. Xavier Breton. Il est défendu.

Je regrette une nouvelle fois la méthode qui a été utilisée pour instaurer ce divorce sans juge. On l’a vu arriver sous forme d’amendement, sans étude d’impact, sans avis du Conseil d’État, ce qui aurait été pourtant utile, on le voit bien dans les débats que nous avons, même à l’occasion de cette nouvelle lecture, pour nous éclairer et nous permettre de trouver la meilleure solution pour protéger l’intérêt des enfants.

C’est un passage en force, en dernière minute, par le biais d’un amendement à un texte discuté en urgence. Nous le regrettons.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n131.

M. Philippe Gosselin. Il est défendu.

(Les amendements identiques nos 42 et 131, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n134.

M. Philippe Gosselin. Il est défendu.

(L’amendement n134, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n43.

M. Patrick Hetzel. Il est défendu.

(L’amendement n43, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n44.

M. Patrick Hetzel. Il est défendu.

(L’amendement n44, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n45, monsieur Hetzel ?

M. Patrick Hetzel. Il est défendu.

(L’amendement n45, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n46 ?

M. Patrick Hetzel. Il est défendu.

(L’amendement n46, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n47 est également défendu ?

M. Patrick Hetzel. En effet.

(L’amendement n47, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement n243.

Mme Colette Capdevielle. Je propose de permettre aux parents non mariés, qui vont devant le juge aux affaires familiales régler les conséquences de leur séparation, d’utiliser la même procédure.

Les parents, assistés chacun par un avocat, pourraient constater leur accord dans une convention prenant la forme d’un acte contresigné par leurs avocats, qui fixerait les conditions de la dévolution de l’autorité parentale, la résidence des enfants et la contribution alimentaire de l’un ou des parents. Le mineur, informé par ses parents, aurait le droit d’être entendu.

Cette procédure, inspirée par celle du divorce, concernerait les parents qui sont pacsés ou vivent ensemble et qui se séparent, puisqu’il faut bien organiser les conséquences de leur séparation pour les enfants. C’est une mesure d’égalité puisque ce serait la même procédure pour les parents qui ne sont pas mariés et ceux qui le sont.

Cela va dans le sens d’une simplification. Cela permettrait de simplifier les audiences puisque de nombreux parents sont d’accord pour régler à l’amiable les conséquences de leur séparation pour leurs enfants et encombrent les juridictions de ce type de demande.

Cela permettrait aussi d’apaiser les relations. Les parents n’ont pas besoin de comparaître devant un juge, de manière assez humiliante. Ils sont assez grands pour fixer ensemble les conséquences de leur séparation.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Je vous demande, madame Capdevielle, de retirer votre amendement.

L’objectif du Gouvernement, c’était de simplifier le divorce par consentement mutuel. Il le fait dans des conditions que nous approuvons et que nous avons tenté d’améliorer. L’autorité parentale, c’est un autre dispositif, qui peut être mis en œuvre dans des conditions différentes.

L’exercice de l’autorité parentale, je l’ai souvent rappelé, est présumé conjoint. Il n’y a pas besoin d’un juge pour que des parents non mariés qui vivaient ensemble et sont séparés continuent à assumer totalement cette autorité parentale conjointe, à l’égard de toutes les autorités.

Pour le fond, l’objectif du Gouvernement, que nous avons partagé, c’est bien de faciliter le divorce par consentement mutuel et de permettre aux époux de mieux le maîtriser. Je pense qu’il faut nous en tenir à cette première étape. Peut-être que, dans l’avenir, nous pourrons aller plus loin.

Je serai donc défavorable à votre amendement s’il n’est pas retiré.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. La question a déjà été évoquée, madame Capdevielle, même si la rédaction de votre amendement a été un peu améliorée, et je vais vous expliquer quels sont les projets de la Chancellerie en ce domaine.

Vous le savez, les parents peuvent saisir le juge aux affaires familiales afin de faire homologuer la convention par laquelle ils organisent les modalités d’exercice de l’autorité parentale.

Le code de procédure civile prévoit d’ores et déjà que l’accord auquel sont parvenues les parties grâce à une médiation, une conciliation ou une procédure participative peut être soumis, afin de le rendre exécutoire, à l’homologation du juge sans audience systématique, comme vient de l’expliquer le rapporteur. Le juge statue sans débat, à moins qu’il n’estime nécessaire d’entendre les parties.

Il nous est apparu que l’on pouvait aller encore plus loin et que, pour tout type d’accord, la procédure d’homologation pouvait s’effectuer ainsi sans audience devant le juge, sauf si ce dernier l’estime nécessaire.

Je vais donc prendre un décret dans quelques semaines, qui précisera le cadre procédural de ces homologations d’accord par le juge aux affaires familiales, l’audience devant le juge étant dès lors réservée aux seuls cas dans lesquels il existe un véritable litige entre les parents.

Par ailleurs, afin de faciliter encore davantage la démarche, nous avons créé un formulaire de requête type, qui sera mis en ligne sur le site Service-Public.fr.

Je considère que l’allégement de la procédure d’homologation des accords parentaux répond à votre légitime préoccupation et, en conséquence, le Gouvernement souhaiterait que vous retiriez votre amendement parce qu’il ne voudrait pas être désagréable envers vous en lui donnant un avis défavorable. (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Capdevielle.

Mme Colette Capdevielle. Je vais évidemment retirer cet amendement.

M. Philippe Gosselin. Fin du suspense !

Mme Colette Capdevielle. Je suis très satisfaite de voir que tant M. le rapporteur que M. le garde des sceaux comprennent cette préoccupation des justiciables non mariés, qui ont besoin eux aussi vis-à-vis des tiers d’avoir une décision homologuée.

Je suis ravie de voir que, par ce décret, les choses vont avancer et que nous partageons le même état d’esprit.

Je retire donc cet amendement, ainsi que le suivant, l’amendement n211.

Mme la présidente. Je vous remercie.

(Les amendements nos 243 et 211 sont retirés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n48.

M. Patrick Hetzel. Je vous propose, madame la présidente, de défendre en même temps les amendements nos 49, 50 et 51 parce que l’argumentation est la même.

Mme la présidente. Je vous en prie.

M. Patrick Hetzel. Comme vous le savez, nous sommes opposés à cette procédure. Avec le dispositif tel qu’il est prévu par le Gouvernement, on ne garantit pas les droits des différentes parties en présence. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons le maintien du recours au juge.

(Les amendements nos 48, 49, 50 et 51, repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

(L’article 17 ter, amendé, est adopté.)

Article 18

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n118.

M. Philippe Gosselin. Cet amendement concerne les seconds registres d’état civil. C’est un sujet qui peut paraître anecdotique mais qui ne l’est pas en réalité. On va peut-être acter la disparition de ces seconds registres, qui ont permis de garantir l’authenticité de données lorsque le premier exemplaire avait disparu.

Les communes doivent mettre en place des procédures informatiques, numériques assez lourdes de protection, et on comprend l’intérêt d’avoir une protection dans un domaine aussi sensible que l’état civil, mais il paraît préférable de conserver un second registre pour améliorer la sécurité et mieux garantir l’authenticité des données.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Défavorable.

Il y a deux registres et ce n’est que si les services ont des matériels informatiques et les utilisent conformément aux dispositions réglementaires qu’ils peuvent se dispenser du second. Ce dernier, je vous le rappelle, était transmis au tribunal de grande instance, et il n’y avait ensuite aucune modification.

Si vous maintenez cet amendement, je serai obligé de vous rappeler l’avis défavorable de la commission.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Défavorable, évidemment.

Je suis revenu il y a huit jours des Antilles, où je suis allé voir les trois juridictions ainsi que les établissements pénitentiaires. Là-bas, il y a un troisième état civil puisque les juridictions doivent tenir à jour les états civils des communes. Elles ne le font plus depuis plus de trente ans. Si je l’avais su à l’époque, j’aurais déposé un autre amendement pour supprimer aussi cette obligation et alléger.

M. Guy Geoffroy. Il est encore temps !

M. Philippe Gosselin. Il y a eu suffisamment d’amendements du Gouvernement !

(L’amendement n118 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n119.

M. Philippe Gosselin. Il est dans la même veine et concerne les actes d’état civil établis par le ministère des affaires étrangères.

(L’amendement n119, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n23.

M. Patrick Hetzel. Il s’agit d’un amendement déposé à votre initiative, madame la présidente.

Les enfants nés avant 2005 portent automatiquement le nom du père si ce dernier les a reconnus. Il n’est pas prévu dans la loi que ces enfants puissent adjoindre le nom de la mère de façon simplifiée.

Cet amendement permettrait à l’enfant majeur qui en ferait la demande d’adjoindre le nom de l’un ou l’autre parent de son plein gré. Les publications au Journal officiel et au journal d’annonces légales du département restent évidemment obligatoires.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. C’est bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Je vais m’adresser à vous, madame la présidente.

Mme la présidente. Je vous remercie, monsieur le rapporteur, mais je préside et je ne pourrai pas vous répondre, c’est frustrant.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Le principe d’immutabilité du nom existe. C’est un principe qui ne présente pas d’aléas et a deux conséquences très anciennes, l’indisponibilité et l’imprescriptibilité. Il y a cependant, comme pour toute règle de notre code civil, des exceptions, dont la liste est très précise.

Par ailleurs, avec les dispositions concernant l’adjonction du nom des parents lors de la naissance, des procédures transitoires ont été mises en place, qui sont toujours en œuvre actuellement.

Il n’est donc absolument pas nécessaire d’ouvrir un champ nouveau à la majorité alors que la situation est la conséquence de la décision des parents, et je suis défavorable à ce bel amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Pour ne pas être désagréable avec Mme Capdevielle, je lui ai demandé de retirer son amendement. Je ne voudrais pas non plus être désagréable envers vous, madame la présidente, mais le Gouvernement est très attaché à l’immutabilité du nom, consacrée depuis la loi du 6 fructidor de l’an II.

Il est vrai que des assouplissements ont été apportés, notamment par la loi du 4 mars 2002 puis, plus largement, par la loi du 16 janvier 2009.

Il y a même eu une opportunité qui a été ouverte jusqu’au 30 juin 2006 pour adjoindre le nom de l’autre parent à celui de l’enfant. Tout cela a été validé par la CEDH. Le Gouvernement souhaite donc en rester à la procédure actuelle, laquelle est certes lourde, à cause du principe d’immutabilité auquel nous restons attachés.

(L’amendement n23 est adopté.)

M. Guy Geoffroy et M. Patrick Hetzel. Très bien !

(L’article 18, amendé, est adopté.)

Articles 18 bis A à 18 bis

(Les articles 18 bis A, 18 bis B et 18 bis sont successivement adoptés.)

Article 18 quater

Mme la présidente. La parole est à Mme Chaynesse Khirouni, inscrite sur l’article.

Mme Chaynesse Khirouni. Je souhaite évoquer les dispositions importantes de la section 2 de cet article. Dans sa décision-cadre du 24 juin dernier, le Défenseur des droits, Jacques Toubon, a salué les avancées proposées par le texte,…

M. Guy Geoffroy. Il ne faut pas toujours l’écouter…

Mme Chaynesse Khirouni. …notamment la fin de l’exigence de preuves de l’irréversibilité de l’apparence, donc de la stérilité. Toutefois, il a également regretté que la procédure proposée reste en partie médicalisée, via la demande d’attestation médicale, et que les critères d’ordre social demeurent flous. Ces derniers risquent de faire l’objet d’une évaluation et d’une interprétation subjectives, variables d’un juge à l’autre.

Il est vrai que le Gouvernement rappelle que l’objectif poursuivi n’est pas d’enfermer les modes de preuve dans une liste qui, bien qu’indicative, pourrait imposer une interprétation stricte, qui serait préjudiciable aux personnes souhaitant cette modification. Il rappelle également que l’absence d’acte médical n’est jamais un motif de rejet de la demande de changement de la mention de son sexe à l’état civil.

Assumons totalement cette logique et prévoyons une procédure efficace et simple qui réponde aux attentes des personnes transgenres. Avec ma collègue Annie Le Houérou, nous proposons un amendement qui prévoit un changement d’état civil des personnes transgenres libre et gratuit devant l’officier d’état-civil. Je rappelle qu’en la matière cet officier agit toujours sous le contrôle et le pouvoir hiérarchique du procureur.

Ce changement d’état civil libre et gratuit, fondé sur l’autodétermination, ferait de la France l’un des premiers pays à respecter les principes de Jogjakarta et les résolutions 1728 et 2048 du Conseil de l’Europe. Plusieurs pays ont déjà modifié leur législation en ce sens : la Colombie, l’Irlande, le Danemark, Malte, la Norvège ou encore la province du Québec, soutenus par de très nombreux élus, y compris conservateurs. Aujourd’hui, la France se doit d’être aux avant-postes de ce beau combat pour l’égalité des droits et contre les discriminations.

Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Crozon.

Mme Pascale Crozon. Cela fait maintenant vingt-cinq ans que le droit de changer de sexe à l’état civil existe en France, sans qu’à aucun moment le législateur n’ait assumé sa responsabilité de l’inscrire et de l’organiser dans nos lois.

M. Erwann Binet. Absolument !

Mme Pascale Crozon. Permettez-moi, alors que nous abordons la discussion de l’article 18 quater, de souligner l’importance de ce moment et ma fierté, notre fierté avec Erwann Binet, d’y contribuer. Depuis plus de trois ans nous partageons, avec quelques autres collègues, une conviction forte : il est impossible de protéger les personnes transgenres contre les discriminations si nous ne protégeons pas leur vie privée et il est impossible de protéger leur vie privée, si nous soumettons la modification de leur état civil à une quelconque condition médicale. En effet, ce n’est pas la biologie qui produit ces discriminations, mais la discordance entre l’identité légale et l’identité dans laquelle nous nous présentons à la société.

Depuis le début de nos travaux, nous recherchons le meilleur compromis possible entre la protection de la vie privée et la sécurité juridique. Le texte que nous avons adopté en première lecture, à cause d’une rédaction trop subjective, ne nous prémunissait pas suffisamment contre une jurisprudence contraire à notre volonté de démédicalisation. Tel est le sens des amendements adoptés en commission et de ceux que nous défendrons aujourd’hui.

Je me félicite que le débat ait pu se nouer avec les associations au plus haut niveau de l’État. Je remercie le Gouvernement et les rapporteurs d’être restés ouverts au dialogue, pour clarifier la volonté du législateur et simplifier la vie de dizaines de milliers de personnes dans notre pays.

M. Erwann Binet et M. Patrick Mennucci. Très bien !

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 10 et 170.

La parole est à M. Guy Geoffroy, pour soutenir l’amendement n10.

M. Patrick Mennucci. Ça va être progressiste !

M. Guy Geoffroy. Nous avons évoqué, à de multiples reprises, la création d’obligations nouvelles pour les collectivités, non compensées par les recettes correspondantes. Nous avons même entendu le secrétaire d’État au budget dire tout à l’heure, sur un ton assez badin, que vous aviez peut-être frappé un peu fort sur les collectivités, mais qu’il y avait encore de la marge… Il a même sorti des chiffres de je ne sais où pour expliquer que, depuis que l’État les matraque, les collectivités économisent beaucoup plus et dégagent beaucoup plus de capacités d’auto-financement.

M. Patrick Mennucci. Et les 100 milliards d’euros d’économies que vous voulez faire, vous les prenez où ?

M. Guy Geoffroy. Nous souhaitons supprimer la disposition prévue dans les alinéas 1 à 5, selon laquelle le changement de prénom ne relève plus du magistrat, mais de l’officier d’état civil. C’est une charge de plus, sans aucune compensation !

M. Patrick Mennucci. Oh ! Il y en aura tant !

M. Guy Geoffroy. Il serait intéressant que vous nous expliquiez dans le détail comment tout cela sera compensé. Vous aviez esquissé l’amorce du début de ce qui aurait peut-être été une réponse, lors de la première lecture. Cette fois, vous nous répondez par un silence qui commence à devenir inquiétant.

M. Patrick Mennucci. La France s’inquiète !

M. Guy Geoffroy. Nous ne portons pas de jugement sur la disposition en tant que telle, mais sur le fait qu’elle pénalise une fois de plus les collectivités et leurs services d’état civil. Il est très regrettable que nous n’ayons pas de réponse, et j’espère que nous en aurons enfin une.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n170.

M. Philippe Gosselin. Toute une série d’amendements visent à supprimer les modifications de prénom, de nom et de sexe. Nous voyons bien les charges nouvelles qui pèsent sur les états civils des collectivités sans compensation. Mais c’est un élément qui me paraît secondaire.

En réalité, le Gouvernement se contredit en permanence. Il y a quelques instants, le garde des sceaux évoquait son attachement viscéral à l’immutabilité du nom, à laquelle on peut adjoindre celle du prénom et de l’état. Or, ce qui nous est proposé, c’est la possibilité, sans coup férir, de changer très simplement de prénom, mais aussi de nom et de sexe, sans formalité particulière. L’intégralité de l’identité d’une personne pourra être modifiée sur simple demande à l’officier d’état civil.

On m’objecte que cela se fera sous le contrôle du procureur de la République. Mais encore faut-il qu’il soit saisi ! Vous savez bien comment fonctionne l’état civil dans nombre de collectivités qui ne s’estiment pas en droit de contester un prénom, fût-il ridicule, ou de faire la moindre remarque sur un nom de famille. La procédure, aujourd’hui, est peut-être un peu lourde, laquelle requiert le Conseil d’État et prend de longs mois, si ce n’est de longues années, mais là, c’est une simplification à l’extrême ! Nous ouvrons une boîte de Pandore extrêmement dangereuse, en mettant à mal l’intangibilité du nom. C’est une vraie révolution dans l’état civil français, dont je voudrais que chacun ait réellement conscience.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Défavorable. Il s’agit d’ouvrir la faculté à nos concitoyens de demander à l’officier d’état civil le changement de prénom, sa substitution ou une agglomération de prénoms. C’est une facilité nécessaire. Il y a un peu plus de 2 000 changements de prénoms par an, ce qui ne représente donc pas une charge extraordinaire. Je ne veux pas examiner cette question sous l’angle de la charge des communes. Certes, ce débat est possible, mais pas dans le cadre des dispositions du droit et de la tenue de l’état civil, dans une loi qui vise à ouvrir le code civil.

Bien évidemment, il faut avoir un intérêt légitime à cette demande de modification ou d’adjonction, et il appartient à l’officier d’état civil de s’en assurer. S’il considère que les motifs légitimes ne sont pas réunis, comme dans le cas d’un divorce, il en réfère au procureur de la République, sous l’autorité duquel il agit.

M. Philippe Gosselin. C’est totalement illusoire !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Le dispositif facilite les choses et les simplifie, en tenant compte des réalités de vie de nos concitoyens. Cette réforme va dans le sens de la simplification et de l’allégement des procédures.

M. Philippe Gosselin. Pour simplifier, c’est tellement simplifié qu’il n’y a plus de règles !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Je ne vais pas revenir sur les arguments que vient de donner le rapporteur, mais simplement rappeler la question du transfert qu’évoquait Guy Geoffroy tout à l’heure. En l’espèce, il y a, par an, environ 2 750 demandes de changement de prénom pour 36 000 communes. Je ne sais pas combien il y a eu, monsieur le député-maire, de demandes de changement de prénom, l’année dernière, à Combs-la-Ville ou à Remilly-sur-Lozon, monsieur Gosselin, mais je pense que ce nombre reste supportable pour les collectivités locales. Le transfert n’impose donc pas vraiment de lourdeurs.

Quant aux arguments de fond, Jean-Yves Le Bouillonnec a excellemment tout dit. Aujourd’hui, dans 93 % des cas, le juge judiciaire valide le changement de prénom. À la naissance, c’est l’officier d’état civil qui choisit la pertinence du prénom. Pourquoi ce qui est valable dans ce cas ne le serait plus à d’autres moments de la vie ?

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Monsieur le ministre, je suis désolé, mais vous venez de vous arroser ! Vous utilisez un argument qui se retourne rétroactivement contre vous.

M. Éric Ciotti. C’est l’arroseur arrosé !

M. Guy Geoffroy. Hier, quand je signalais, sur un sujet identique, que le transfert des PACS vers les communes conduirait à une lourde dépense supplémentaire, je mettais sur la table des chiffres qui ne sont pas contestables. Je les remets sur la table ! Le nombre des enregistrements et des dissolutions de PACS est identique au nombre des mariages prononcés dans les communes.

Je reprends donc l’argument que vous venez d’utiliser concernant le nombre ridiculement petit des changements de prénom, par rapport au nombre des actes ! Vous n’avez pas voulu répondre à ma question hier, mais comme vous venez de nous tendre une très belle perche, je la saisis. Que répondez-vous à mes chiffres, que vous n’avez pas contestés, car ils ne sont pas contestables, puisque c’est la réalité ?

(Les amendements identiques nos 10 et 170 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. L’amendement n72 n’est pas défendu, pas plus que l’amendement n80, ni l’amendement n108…

M. Patrick Mennucci. Ils ne sont jamais là !

M. Éric Ciotti. Ils sont à Marseille !

M. Patrick Mennucci. Dans le Vaucluse…

Mme la présidente. La parole est donc à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n172.

M. Philippe Gosselin. Une fois de plus, je m’élève avec force contre ce qui est en train de se faire ! Le changement de prénom devant l’officier d’état civil pose déjà une vraie difficulté, me semble-t-il, en touchant à l’intangibilité de l’état civil. Pour autant, je veux bien admettre que ce soit éventuellement une porte d’entrée pour tenter de résoudre des questions liées à l’identité des transsexuels, comme cela est ressorti de la discussion sur l’article 18 quater. Cette fois, il ne s’agit pas simplement du prénom, mais de l’essence même de ce qui constitue l’identité : le nom de famille.

Pouvoir changer de nom de famille me paraît nécessaire dans un certain nombre de cas, lesquels sont du reste déjà bien identifiés : francisation ou nom rendu ridicule par le prénom qui lui est accolé – nous avons tous, à cet égard, des exemples en tête, et il suffit de regarder certaines éditions du Journal officiel de la République française pour s’en rendre compte.

Là, on va beaucoup plus loin : ce changement dans la simplicité méconnaît les nécessités impérieuses d’authentification et de sécurisation de l’état civil. C’est là une grave erreur. Telle est la justification de l’amendement n172, qui vise à supprimer les alinéas 6 à 22 de l’article.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Chers collègues, votre amendement ne correspond pas au dispositif des alinéas 6 à 22 : celui-ci est relatif au changement de sexe, alors que votre argumentaire concerne le changement de nom – un débat qui est derrière nous. Sur le fond, je donne un avis défavorable à la suppression des alinéas 6 à 22.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Même avis.

M. Philippe Gosselin. Au temps pour moi !

(L’amendement n172 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Chaynesse Khirouni, pour soutenir l’amendement n174.

Mme Chaynesse Khirouni. Mes chers collègues, de qui parlons-nous ? Des personnes transgenres qui demandent simplement que leurs papiers d’identité reflètent leur identité de genre.

Deux possibilités s’offrent à nous en matière de changement de sexe à l’état civil : une réunion suffisante de faits, comme le prévoit la rédaction actuelle du texte – susceptible de faire l’objet d’interprétations subjectives et variables d’un juge à l’autre – ou alors, comme nous le demandent le Conseil de l’Europe dans sa résolution 2048 (2015), ainsi que le Défenseur des droits dans sa décision-cadre du 24 juin 2016, une procédure d’autodétermination reposant sur un consentement libre et éclairé.

Ma collègue Annie Le Houerou et moi-même proposons de suivre ces avis pour permettre aux personnes transgenres un changement d’état civil libre et gratuit, devant un officier d’état civil, sur la base d’une procédure déclarative et simple. Je rappelle que l’officier d’état civil agit toujours sous le contrôle et l’autorité hiérarchique du procureur. À l’instar de Malte et de l’Irlande, nous devons lever l’insécurité juridique qui pèse sur ces personnes en faisant le choix de la seule procédure qui soit, selon le Défenseur des droits, totalement respectueuse de leurs droits fondamentaux. Mes chers collègues, c’est une occasion historique ; saisissons-la !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Vos deux rapporteurs, Jean-Michel Clément et moi-même, n’avons cessé d’accompagner l’évolution du dispositif législatif que nous mettons en place, en coordination avec le Gouvernement. Nous l’avons fait dans le respect de la réalité que vivent ceux de nos concitoyens qui veulent changer de sexe, et en tenant compte des souhaits exprimés en matière de liberté, y compris dans les dispositions qui viennent d’être évoquées. Personne n’imagine que les gens qui saisiront les juridictions seront contraints ; il s’agit bien d’une démarche libre, et je ne suis pas certain que les recommandations du Conseil de l’Europe ou du Défenseur des droits signifient qu’il ne faut pas judiciariser la demande. Nous devons faire en sorte que la volonté du demandeur s’impose chaque fois que les conditions posées par la loi sont réunies. C’est dans ce sens qu’il faut mener la réflexion. C’est pourquoi nous vous proposons de retirer votre amendement pour adopter le dispositif qui a été conçu avec le Gouvernement – que je remercie –, Jean-Michel Clément et nos collègues, notamment Erwann Binet et Pascale Crozon, sous l’autorité du président de la commission des lois, Dominique Raimbourg.

Nous voulons entrer dans ce dispositif qui, avant tout, tient compte de la volonté des personnes concernées. Nous souhaitons ensuite garantir l’accès à cette démarche de changement de sexe chaque fois que les éléments imposés par la loi sont réunis. Nous voulons faire sauter les oppositions, les clivages et les verrous que vous avez évoqués à plusieurs reprises.

Pour cheminer dans la construction du dispositif, nous avons déposé plusieurs amendements qui reprennent chaque élément. Le Gouvernement souhaitait passer par un amendement unique ; nous préférons agir d’une autre manière, mais en quasi totale conformité avec sa position.

Pour accéder le plus largement possible aux demandes de nos concitoyens, qui se trouvent souvent dans un état de souffrance, nous ne pouvons pas choisir une procédure purement déclarative à l’état civil. Notre droit positif et les responsabilités en cause l’empêchent. Mais nous avons fait en sorte que tout ce qui a animé votre réflexion et celle des associations soit traduit dans le texte : procédure simple, sans obligation d’assistance d’un avocat, gratuite et assortie de conditions qui préviennent tous les refus auxquels se confrontaient les personnes concernées. Pour avancer dans la construction de la loi, je vous demande de retirer votre amendement au profit de la démarche que nous souhaitons, à cet instant, engager avec vous.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le sujet, chacun en convient, est sensible et compliqué. Ce dispositif ne relevait pas de la volonté du Gouvernement ; en première lecture, Erwann Binet et Pascale Crozon ont déposé un amendement en ce sens, et le Gouvernement avait accepté d’engager le débat. Au bout de trois amendements, le dispositif est désormais sinon totalement satisfaisant, du moins balisé et sécurisé.

L’amendement proposé par Chaynesse Khirouni et Annie Le Houerou heurte frontalement le principe de l’indisponibilité de l’état des personnes, le sexe étant un des éléments fondamentaux de celui-ci. Le Gouvernement ne peut pas suivre les parlementaires sur cette voie ; c’est pourquoi je souhaite que l’amendement soit retiré. Nous pourrons alors engager le débat qu’évoque le rapporteur, dans lequel le Gouvernement ne risque pas d’être majoritaire… (Sourires.) Lucide sur sa capacité de conviction, il sera donc extrêmement attentif à ce que diront les rapporteurs et les auteurs de l’amendement. Le retrait de cette proposition nous permettrait d’entrer dans l’étude du dispositif ; à défaut, nous donnerions un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Chaynesse Khirouni.

Mme Chaynesse Khirouni. Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, je salue bien évidemment votre travail, ainsi que celui de Pascale Crozon et d’Erwann Binet. Tout au long de l’examen de ce texte, nous avons échangé et débattu sur cette question. Mon amendement vise précisément à prendre en compte la demande des personnes transgenres et des associations qui les représentent. Ces associations souhaitent que l’on prévoie une autodétermination qui simplifierait la procédure. En effet, le juge apprécie la volonté de la personne à partir d’un faisceau de faits et de preuves, ce qui reste compliqué ; l’autodétermination permettrait d’y remédier. Plusieurs pays, tels que Malte et l’Irlande, ont adopté ce dispositif qui ne me semble pas décalé par rapport à notre réalité juridique ; au contraire, l’appréciation des faits par le juge provoque une insécurité juridique que l’autodétermination permettrait de lever.

Mme la présidente. La parole est à M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Je voudrais apporter mon soutien à l’amendement de ma collègue. Je ne mésestime pas les difficultés auxquelles est confronté le Gouvernement qui, dans cette affaire, joue le rôle du gardien du temple, en l’occurrence de la rigidité du droit civil français. Je ne mésestime pas non plus le travail réalisé par le rapporteur ; ce débat, qui nous occupe depuis longtemps, a été marqué par le compromis que nous avons essayé de construire avec Pascale Crozon et Erwann Binet en déposant un amendement en ce sens. C’est un combat de longue date ; aux difficultés de notre droit et à l’insécurité juridique, souvent évoquée, on peut opposer l’insécurité des personnes elles-mêmes qui doivent effectuer un véritable parcours du combattant. Ces revendications s’expriment depuis des dizaines d’années dans une indifférence générale ; si l’on peut se féliciter aujourd’hui – car peut-être allons-nous franchir un pas important –, même au cours de ce quinquennat la question a parfois été balayée d’un revers de main. En effet, ce n’est pas la première fois qu’un texte de loi aborde ce problème, mais cela se fait toujours en urgence.

À mes collègues de l’opposition, je voudrais rappeler que de nombreux pays – l’Argentine, Malte, l’Irlande ou la Norvège – ont décidé de mettre en place non seulement un dispositif d’autodétermination, ce qui me paraît normal, mais un dispositif déclaratif, gratuit et démédicalisé. Depuis, le monde ne s’est pas écroulé et les choses fonctionnent plutôt bien. Le nombre de demandes n’a pas augmenté, on n’a pas constaté de troubles sociaux ni de désordres publics, comme certains pouvaient le craindre. Je voudrais rassurer nos collègues : le monde ne s’est pas écroulé après le mariage pour tous, il ne s’écroulera pas après les dispositions relatives aux conditions de changement de sexe à l’état civil. Je soutiens l’amendement de ma collègue et j’espère qu’elle ne le retirera pas.

Mme la présidente. La parole est à M. Erwann Binet.

M. Erwann Binet. Cela fait de nombreux mois et même de nombreuses années que Pascale Crozon et moi-même travaillons sur la question, en contact permanent avec les associations représentant les personnes transidentitaires. Nous avons notamment présenté, en commission, mais également aujourd’hui, des amendements communs avec les rapporteurs. Depuis le début de la réflexion, nous avons indiqué aux associations que nous rejetions l’idée de l’autodétermination au nom du principe de l’intangibilité de l’état des personnes rappelé par le garde des sceaux, mais également pour d’autres raisons.

Madame Khirouni, vous avez évoqué la possibilité d’interprétation par le juge ; je veux pour ma part souligner celle qui concerne le maire. En 2010, nous avons fait face à 130 demandes ; depuis, aucun chiffre n’a été rendu public car le dispositif n’existe pas dans notre code civil, mais nous avons affaire à environ 130 cas par an. Je veux envisager la possibilité que les maires ressentent sinon un malaise, du moins une incompréhension devant la situation, et saisissent systématiquement le procureur. Nous reviendrions alors au sein du tribunal de grande instance. Nous avons donc voulu, comme l’a rappelé M. le procureur… pardon, M. le rapporteur (Rires sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Philippe Gosselin. Lapsus intéressant !

M. Philippe Houillon. Les masques tombent !

M. Erwann Binet. …répondre point par point à toutes les demandes des associations – démédicalisation, procédure rapide et gratuite – afin de simplifier au maximum la démarche au sein du TGI. C’est pourquoi nous avons choisi le dispositif de la possession d’état où il revient aux juges de constater un état de fait créant du droit pour la personne. Dès le début de nos discussions, nous avons, en accord avec les associations, écarté l’idée de la déclaration devant l’officier d’état civil, et nous avons travaillé pour parvenir au résultat présent. Celui-ci est une horloge suisse ; nous allons l’améliorer, mais il est très fragile, bien que conçu en accord avec les associations.

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. Nous devons rester prudents dans nos propos car certains parcours impliquent des difficultés qu’il convient de prendre en compte. En même temps, nous sommes là pour écrire la loi et non pour nous faire les porte-parole d’associations ou de lobbies. Je voudrais remercier M. le garde des sceaux d’avoir rappelé le principe d’indisponibilité du corps humain, que vous évacuez régulièrement malgré son caractère essentiel, crucial dans notre droit. Ce principe consiste à dire que le corps humain n’est pas une chose que l’on invente, mais qui nous est donnée et avec laquelle nous devons composer. Certains veulent faire table rase de tous les déterminismes, mais malheureusement nous sommes parfois contraints par la réalité.

Quand j’entends parler d’autodétermination, je m’inquiète de l’absence de limites que cette notion induit. Nous avons, au contraire, besoin de limites, lesquelles sont notamment corporelles. Nous devons accepter notre corps, vivre avec lui, et non le subir comme une fatalité. J’exclus bien évidemment les situations particulières qui relèvent de la médecine. Mais vous voulez justement sortir le sujet du domaine médical, pour aller sur un terrain où il n’y aurait plus de limites. Il serait dangereux de légiférer de cette manière car, sous prétexte de traiter quelques cas isolés et de transmettre à l’ensemble de notre société un message,…

M. Patrick Mennucci. Lequel ?

M. Xavier Breton. …cette disposition pourrait déséquilibrer l’ensemble de notre droit.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Mennucci.

M. Patrick Mennucci. Je voudrais apporter mon soutien à Mme Khirouni, dont je voterai l’amendement. Le Gouvernement, le rapporteur et la majorité de la commission des lois ont fait des efforts très importants mais il me semble que l’amendement de notre collègue permet en réalité de concrétiser les intentions de cet article. En effet, dans la rédaction actuelle, le juge « constate » le genre d’une personne. Or quelqu’un d’autre que la personne concernée, laquelle ressent au plus profond d’elle-même cette transformation, peut-il réellement la constater ? C’est une véritable question de conscience, mais il ne s’agit bien évidemment pas, ici, de faire passer un quelconque message. Ce que j’entends sur les bancs de l’opposition m’inquiète : quel message les personnes désireuses de changer de sexe voudraient-elle faire passer à la société ? En dehors d’un message de souffrance et de difficultés, je ne vois vraiment pas de quoi il pourrait retourner. En tout cas, cela ne peut pas être un message politique.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin.

Je suspendrai la séance après son intervention, à la demande du groupe socialiste, écologiste et républicain.

M. Philippe Gosselin. Les députés de la majorité profiteront sans doute de cette suspension pour accorder leurs violons. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Je voudrais appeler votre attention sur un certain nombre de sujets. Nul ne conteste la difficulté pour les intéressés de changer de sexe et d’assumer les lourdes contraintes qui en découlent. Si nous pouvons partager en général le souci de simplifier les procédures, il en va différemment en l’espèce. S’il pouvait se faire sur simple déclaration et gratuitement, le changement de sexe deviendrait beaucoup trop simple.

J’ai bien entendu les propos de notre collègue, mais l’état civil, du moins en France, n’a pas été créé pour faire plaisir aux intéressés. L’état civil trouve son origine dans l’ordonnance de Villers-Cotterêts, d’août 1539, et a survécu jusqu’à nos jours, sans que les régimes successifs n’en interrompent le fonctionnement, pas plus la République que l’Empire ou la monarchie. Et c’est dans l’intérêt de la société que ce dispositif a perduré jusqu’à aujourd’hui, sans discontinuer.

Nous devons concilier l’intérêt de la société et l’intérêt individuel, en tenant compte de la souffrance des uns et des autres, que nul ne conteste. Permettre de changer de sexe par une procédure aussi simple, ce serait passer à côté de l’essentiel et cela nous empêcherait d’assurer l’équilibre entre l’intérêt de la société, qui tient aux principes d’intangibilité du nom et d’indisponibilité du corps humain – principe à valeur constitutionnelle –, et celui des individus. Nous jouerions à un jeu dangereux, en prenant en otage les personnes concernées, ainsi que l’État. Je vous dis tout cela avec le plus grand respect pour les personnes dont nous parlons.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit heures quinze.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Nous en sommes donc à l’amendement n174, dont M. le garde des sceaux a demandé le retrait.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Avec insistance !

Mme la présidente. Sur cet amendement, je suis saisie par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Madame Khirouni, maintenez-vous votre amendement ?

Mme Chaynesse Khirouni. Oui, madame la présidente.

M. Philippe Gosselin. Ce n’est pas bien de tenir tête au garde des sceaux !

Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Capdevielle.

Mme Colette Capdevielle. M. le rapporteur et M. le garde des sceaux nous ayant rassurés quant au caractère protecteur de la procédure prévue, que M. Le Bouillonnec nous exposera dans un instant, et cette procédure, affinée au fur et à mesure de la discussion, ayant été validée par l’ensemble des associations, le groupe socialiste, écologiste et républicain votera contre cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n174.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants33
Nombre de suffrages exprimés33
Majorité absolue17
Pour l’adoption4
contre29

(L’amendement n174 n’est pas adopté.)

(Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Gosselin. Enfin un peu de bon sens !

Mme la présidente. Je suis saisie de six amendements, nos 138, 139, 141, 179, 203 et 233, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 179, 203 et 233 sont identiques.

La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n138.

Mon cher collègue, pourriez-vous présenter simultanément les amendements nos 139 et 141 ?

M. Sergio Coronado. Je vais essayer, madame la présidente !

Ces amendements visent à répondre aux situations relatées par les associations. En effet, l’une des difficultés soulevées par cet article est qu’il exclut les mineurs de la procédure, à l’image de l’alinéa 9, qui s’applique à toute « personne majeure ». La loi réserve ainsi la possibilité de changer son état civil aux seules personnes majeures.

Or nous savons que cette exclusion absolue contrevient aux dispositions de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant, que la France a ratifiée, aux préconisations du Défenseur des droits, et puis, surtout, elle contrevient à la réalité, aux récits des expériences des personnes que nous rencontrons. En effet, la volonté de changement d’identité de genre n’apparaît pas brusquement au lendemain de la majorité : ce type d’expériences peut trouver son origine beaucoup plus tôt, voire au cours de l’enfance – on en a un certain nombre d’exemples. Il serait tout à fait néfaste de priver ces enfants, ces adolescents, de la possibilité de changer d’état civil, d’autant plus que ce changement est déjà accessible au titre de l’intérêt supérieur de l’enfant, que l’article 3.1 de la convention précitée garantit, tout en prenant en compte le degré de développement de leurs capacités. Tel est l’objet de l’amendement n138.

Le deuxième amendement est un amendement de repli puisqu’il vise à abaisser l’âge auquel il sera possible de demander un changement d’état civil, sans autorisation parentale préalable, de 18 ans à 16 ans.

Le troisième amendement vise à abaisser encore plus l’âge auquel il sera possible de demander un changement d’état civil, précisant que, pour les mineurs de 6 ans à 16 ans, l’autorisation d’au moins un des deux parents serait requise et qu’en cas d’opposition de l’autre parent, l’autorité administrative trancherait, dans l’intérêt de l’enfant.

Je crois qu’il faut atténuer la rigidité de la solution proposée : il ne s’agit pas de situations qui naissent du jour au lendemain, on est confronté tous les jours à des témoignages de parcours qui ont débuté bien avant la majorité.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Tourret, pour soutenir l’amendement n179.

M. Alain Tourret. Il s’agit de permettre que des mineurs émancipés, et pas seulement des majeurs, puissent demander la modification de la mention de leur sexe à leur état civil. Cette précision s’avérera forcément très utile pour éviter tout conflit d’ordre familial.

Mme la présidente. La parole est à M. Erwann Binet, pour soutenir l’amendement n203.

M. Erwann Binet. Il existe des mineurs qui se trouvent dans un parcours de transition dans le domaine que nous évoquons, et d’ailleurs, avec évidemment l’autorisation de leurs parents, une équipe de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, sous la direction du docteur Cohen, met en place des protocoles à cet effet. Pour autant, le changement de sexe doit rester une décision propre au mineur et ne doit pas dépendre, selon Mme Crozon, M. Raimbourg et moi-même, signataires de cet amendement, de ses parents. C’est la raison pour laquelle nous proposons que le mineur émancipé puisse engager une demande de changement de sexe à l’état civil, d’autant plus que chacun connaît les conditions nécessaires pour l’émancipation. Mais il est nécessaire de le préciser dans le code civil parce que certains droits sont inaccessibles au mineur, même émancipé, notamment le droit au mariage ou le droit à être adopté sans le consentement de ses parents, ainsi que tous les actes jugés d’une portée suffisamment grave.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour soutenir l’amendement n233 ainsi que pour donner l’avis de la commission sur les autres amendements en discussion commune.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Je rappelle que, dans notre droit, les mineurs n’ont pas la capacité à agir en justice, et que ce principe fondamental couvre tous les secteurs de notre organisation sociétale.

M. Philippe Gosselin. Évidemment !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. On ne va donc pas remettre ce principe en cause sur la base d’un seul élément, fût-il considéré comme important par certains. Une loi peut évoluer pour telle ou telle raison, mais les principes fondamentaux doivent être reconsidérés à l’aune de l’ensemble de leurs conséquences dans notre État de droit.

M. Philippe Gosselin. Je suis d’accord avec le rapporteur !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Il n’est donc pas envisageable que l’on ouvre aux mineurs une démarche qui ne peut appartenir qu’à un majeur ou à une ou des personnes disposant de l’autorité parentale. C’est pourquoi nous proposons le retrait des trois amendements soutenus à l’instant par M. Coronado – concernant celui sur les mineurs âgés de 6 ans à 16 ans, il a même poussé son argumentaire jusqu’au bout, à la limite de l’absurde.

En revanche, nous sommes d’accord avec les amendements soutenus par M. Tourret et par M. Binet, ce qui nous conduits, M. Clément et moi-même, à présenter un amendement identique au leur. En précisant qu’il peut s’agir de majeures ou de mineurs émancipés, nous réglerons la situation complexe des mineurs qui deviennent majeurs par émancipation, dans le cadre de relations avec leurs parents compliquées du fait de la situation à laquelle se rapporte cet article. La suggestion de mes collègues est donc pertinente.

Nous suggérons donc à M. Coronado de retirer ses amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements puisqu’il considère qu’ils ne répondent à aucun besoin : un seul nous a été signalé. Je ne vois donc pas pourquoi nous ferions évoluer le dispositif prévu pour y inclure les mineurs, émancipés ou pas.

M. Philippe Gosselin. Très sage !

Mme la présidente. Monsieur Coronado, maintenez-vous vos amendements ?

M. Sergio Coronado. Oui, madame la présidente.

(Les amendements nos 138, 139 et 141, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

(Les amendements identiques nos 179, 203 et 233 sont adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 197 et 208, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. le garde des sceaux, pour soutenir l’amendement n197.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Crozon, pour soutenir l’amendement n208.

Mme Pascale Crozon. Je le retire, madame la présidente.

(L’amendement n208 est retiré.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Je proposerai au Gouvernement de retirer son amendement – ce qu’il ne va bien sûr pas faire (Sourires) – au profit d’un autre amendement qui va permettre de décliner les modalités de la procédure, et qui deviendrait sans objet s’il était adopté. À défaut de retrait, l’avis sera donc défavorable.

(L’amendement n197 n’est pas adopté.)

M. Philippe Gosselin. Pourtant, à tout prendre, l’amendement du Gouvernement était moins pire que le reste !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Houillon, pour soutenir l’amendement n14.

M. Philippe Houillon. Cet amendement devrait être consensuel puisqu’il vise à substituer à une formule quelque peu floue et approximative celle retenue habituellement par la Cour de cassation.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Si l’amendement était maintenu, l’avis serait défavorable car la commission a déjà apporté à la rédaction de l’alinéa 9 une modalité d’application beaucoup plus pertinente et que nous allons bientôt examiner.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Défavorable.

Mme la présidente. Monsieur Geoffroy ?…

M. Guy Geoffroy. Nous retirons l’amendement.

(L’amendement n14 est retiré.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 204 et 234.

La parole est à Mme Pascale Crozon, pour soutenir l’amendement n204.

Mme Pascale Crozon. Il est de précision.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour soutenir l’amendement n234.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Il s’agit en effet d’un amendement de précision, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces amendements ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée.

(Les amendements identiques nos 204 et 234 sont adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n142.

M. Guy Geoffroy. Ah, ce satané adverbe : « notamment » ! (Sourires.)

M. Sergio Coronado. Cet amendement vise effectivement, monsieur Geoffroy, à compléter l’alinéa 10 par le mot : « notamment ». En effet, comme le précise l’article, les éléments de preuve pouvant être apportés par tous moyens par la personne, et énumérés dans le même article, ne peuvent être cumulatifs.

M. Philippe Houillon. C’est un amendement de confusion et non de précision !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Monsieur Coronado, l’indication que vous souhaitez apporter risque d’avoir les conséquences inverses de ce que vous recherchez. En effet, je rappelle que l’alinéa 10 commence par les mots suivants : « Les principaux de ces faits », ce qui sous-entend que d’autres faits peuvent être invoqués par la personne requérante sans pour autant figurer dans la liste mentionnée aux alinéas suivants. Si vous ajoutez l’adverbe « notamment », vous fermez dans une certaine mesure les autres cas possibles, ce qui serait contradictoire avec votre intention comme avec les alinéas suivants. Voilà pourquoi, à défaut de retrait, l’avis serait défavorable.

Mme la présidente. Monsieur Coronado ?…

M. Sergio Coronado. Je retire mon amendement, madame la présidente.

(L’amendement n142 est retiré.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 143, 180 et 205.

La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n143.

M. Sergio Coronado. Tous ces amendements vont dans le même sens : démédicaliser la procédure car l’exigence d’une réunion suffisante de faits dont les principaux sont énumérés par loi et parmi lesquels figurent justement les traitements médicaux possibles tend à minimiser la portée de la garantie que le texte semble offrir en la matière. En effet, si l’absence de traitement médical ne peut suffire à motiver le refus de faire droit à une demande de changement d’état civil, elle peut toutefois venir compléter une appréciation défavorable relative aux autres conditions, ce qui, on le sait, est parfois le cas dans la jurisprudence, ces dernières présentant alors des limites et des risques pour les personnes concernées.

Au regard des pratiques actuelles des juridictions civiles relatives au changement d’état civil, le risque est grand que, dans les faits, l’exigence d’un traitement médical demeure un critère déterminant pour accepter le changement d’état civil, et que perdurent des pratiques hétérogènes, selon les tribunaux, quant à l’existence et à la nature des traitements médicaux requis, provoquant ainsi une rupture d’égalité entre les personnes.

(M. Marc Le Fur remplace Mme Catherine Vautrin au fauteuil de la présidence.)

Présidence de M. Marc Le Fur

vice-président

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, pour soutenir l’amendement n180.

M. Alain Tourret. Cet amendement a pour objet de supprimer le suivi de traitements médicaux de la liste indicative des faits permettant d’obtenir la modification de la mention du sexe à l’état civil. Potentiellement vexatoire pour la personne concernée, cette précision d’ordre médical apparaît en effet inutile et inopportune.

M. le président. La parole est à M. Erwann Binet, pour soutenir l’amendement n205.

M. Erwann Binet. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 14 de cet article alors que, lors de l’examen du texte en commission, j’avais déposé avec Pascale Crozon un amendement visant seulement à modifier ce même alinéa.

La démédicalisation s’imposait dans l’alinéa 17. S’agissant de l’alinéa 14, nous en demandons la suppression car nous avons pu constater qu’il suscitait des interrogations et des craintes quant à notre volonté de faire échapper la décision du juge à la prédominance du dossier médical. Cela n’empêche évidemment pas le demandeur ou la demanderesse de produire des éléments médicaux, à sa convenance.

Appuyant le refus de l’amendement du Gouvernement, je précise que nous avons choisi de conserver la construction et les termes de l’article 311-1 du code civil relatif à la possession d’état, bien maîtrisés par le juge et la jurisprudence depuis des années. C’est la raison pour laquelle l’article recense ces principaux faits, qui peuvent être rapportés par tout moyen par le demandeur pour obtenir le changement de sexe à l’état civil, dont nous souhaitons supprimer le 4°.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Avis favorable. Les observations de MM. Coronado, Tourret et Binet, dont les amendements visent à supprimer le 4° de l’alinéa 14, sont pertinentes. La médicalisation présentait un aléa lourd et peu acceptable.

(Les amendements identiques nos 143, 180 et 205, acceptés par le Gouvernement, sont adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n144.

M. Sergio Coronado. Nous avons déjà débattu de ce sujet à propos de l’amendement de Mme Khirouni visant à déjudiciariser la procédure.

Comme vous le savez, l’Argentine – qui fait partie de ma circonscription – a ouvert le mariage civil aux personnes de même sexe bien avant la France. Elle a ensuite révolutionné son droit civil pour qu’il soit possible de changer de sexe facilement, de manière déclarative et totalement gratuite. Cet exemple étant concluant, nous pourrions le suivre. Pourtant, cette proposition n’a pas été retenue au terme du débat dans notre hémicycle. Je retire donc cet amendement.

(L’amendement n144 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour soutenir l’amendement n232.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Il est rédactionnel.

(L’amendement n232, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 145, 206 et 235.

La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n145.

M. Sergio Coronado. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Erwann Binet, pour soutenir l’amendement n206.

M. Erwann Binet. Défendu.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour soutenir l’amendement n235.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Cet amendement de précision est identique aux amendements de M. Coronado et de M. Binet. Il vise à supprimer le mot : « seul ».

(Les amendements identiques nos 145, 206 et 235, acceptés par le Gouvernement, sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements, nos 202, 207, 240 et 209, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 207 et 240 sont identiques.

La parole est à M. le garde des sceaux, pour soutenir l’amendement n202.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Cet amendement de précision formelle a suscité un communiqué prêtant au Gouvernement des intentions qui ne sont pas les siennes.

Le tribunal décide en fonction des éléments qui sont produits au débat, dans le respect du contradictoire : il ne lui revient pas de constater quoi que ce soit, mais uniquement d’ordonner le changement de la mention du sexe, si des éléments suffisants ont été apportés en ce sens.

Par ailleurs, le Gouvernement est attaché à maintenir le caractère judiciaire de la procédure. Contrairement à une idée répandue depuis quelques jours, le débat contradictoire, l’essence même du débat judiciaire, est tout le contraire de l’arbitraire. C’est ce qui assure à chacun de pouvoir justifier son point de vue. Cette possibilité est elle-même confortée, notamment par le contrôle opéré de la motivation de la décision dans le cadre des voies de recours.

Le Gouvernement est également décidé à proposer un texte permettant de mettre en œuvre une procédure simplifiée, entièrement démédicalisée, garante du droit à la vie privée des intéressés, et d’application homogène en jurisprudence.

Enfin, cet amendement vise à supprimer le délai de trois mois pour faire exécuter la décision. L’amendement n209 du Gouvernement, ainsi que plusieurs amendements des parlementaires, tend à ramener ce délai à quinze jours.

M. le président. La parole est à M. Erwann Binet, pour soutenir l’amendement n207.

M. Erwann Binet. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour soutenir l’amendement n240.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Comme le précédent, cet amendement vise à rédiger différemment l’article. Avec son amendement, le Gouvernement supprime les mots : « constate que le demandeur satisfait aux conditions fixées à l’article 61-5 et ordonne la modification, sous trois mois ».

Nous ne souhaitons pas, pour notre part, revenir sur le processus de constat. En revanche, nous souhaitons nous aussi supprimer le délai de trois mois. L’amendement n240 vise ainsi à inscrire, à l’alinéa 19, que la modification des mentions relatives au sexe et, le cas échéant, aux prénoms, en marge des actes d’état civil de l’intéressé, s’effectuera à la requête du procureur de la République, dans un délai de quinze jours. Il s’agit là du délai habituel de transcription par le procureur de la République.

La commission donne donc, par avance, un avis défavorable à l’amendement n202 du Gouvernement, au bénéfice de cet amendement, qui est identique à celui déposé par Mme Crozon.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, pour soutenir l’amendement n209.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Cet amendement, qui s’inspire de la pratique en matière d’adoption plénière, vise à appliquer la décision le plus rapidement possible. Sa rédaction est proche d’autres amendements présentés notamment par les rapporteurs.

Le délai de quinze jours pour modifier l’acte de naissance ne pose pas de difficulté au Gouvernement. En revanche, il lui paraît difficilement compatible avec le droit d’opposition ouvert aux proches par le texte dont nous débattons aujourd’hui. À ce titre, il serait préférable que le texte adopté cible non pas tous les actes d’état civil, mais uniquement l’acte de naissance.

M. le président. Monsieur le rapporteur, vous vous êtes déjà exprimé sur les autres amendements en discussion commune.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n209 du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Après avoir examiné la question soulevée par M. le garde des sceaux, la commission a elle aussi estimé pertinent de faire référence non aux actes d’état civil mais au seul acte de naissance. En effet, parmi tous les actes d’état civil, certains ne concernent pas l’intéressé.

Aussi, monsieur le président, si vous nous y autorisez, nous rectifierons l’amendement n240 en indiquant que la modification « du sexe et, le cas échéant, des prénoms est portée en marge de l’acte de naissance de l’intéressé ».

Mme Pascale Crozon et M. Erwann Binet. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 207 et 240, ainsi rectifiés ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. La rectification apportée par M. le rapporteur rend inutile l’amendement n209 du Gouvernement, qui est donc retiré à leur profit. Cela dit, le Gouvernement maintient l’amendement n202.

(L’amendement n209 est retiré.)

M. le président. Pour que les choses soient claires, monsieur le garde des sceaux, je précise toutefois que l’adoption de l’amendement n202 ferait tomber les amendements nos 207 et 240.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. En effet, monsieur le président. (Sourires.)

(L’amendement n202 n’est pas adopté.)

(Les amendements identiques nos 207 et 240, tels qu’ils viennent d’être rectifiés, sont adoptés.)

(L’article 18 quater, amendé, est adopté.)

Article 18 quinquies

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 54 et 201.

La parole est à M. Jean-David Ciot, pour soutenir l’amendement n54.

M. Jean-David Ciot. Cet amendement, qui a trait à la protection du droit des enfants, apporte une précision technique au code civil, qui permettra d’épargner à nombre de nos concitoyens des souffrances intimes causées par une histoire familiale troublée.

La Convention internationale relative aux droits de l’enfant précise que l’enfant a le droit de préserver son identité, y compris son nom. L’article 57 du code civil prévoit que l’acte de naissance, dressé dans les trois jours après l’accouchement, comporte la mention du nom de famille du nouveau-né, et l’article 331-21 de ce même code, détermine les conditions dans lesquelles le nom de famille est attribué à l’enfant, lorsque la filiation de celui-ci est établie à l’égard de ses deux parents simultanément.

Toutefois, si la filiation n’est établie qu’à l’égard d’un seul des parents, c’est le nom de celui-ci qui est dévolu à l’enfant. Si le second lien de filiation est établi durant la minorité de l’enfant, les parents peuvent demander à l’officier d’état civil de changer le nom porté sur l’acte de naissance. Cette dérogation expire à la majorité de l’enfant.

En conséquence, le jeune adulte qui souhaite reconstituer la trame de son identité est contraint d’emprunter la voie, beaucoup plus ardue, de l’article 61 du code civil, procédure que vous connaissez parfaitement, chers collègues. Qu’un enfant reconnu sur le tard par son père ou né sous X et ayant retrouvé sa mère souhaite prendre le nom de ce parent ou l’accoler au sien semble bien légitime. L’article 61 du code civil prévoit cependant un dispositif très lourd pour obtenir ce changement de nom.

Cet amendement vise donc à maintenir le dispositif de cet article, tout en le simplifiant. Il s’agit de compléter l’article 61, pour faire bénéficier l’enfant non reconnu à la naissance qui engage une démarche visant à prendre officiellement le nom d’un de ses parents, de la présomption légitime de la demande.

Cet amendement, tout en conservant la procédure existante, en simplifie donc le motif.

M. le président. La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement n201.

Mme Colette Capdevielle. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Je demande le retrait de ces amendements. À défaut, je maintiendrai l’avis défavorable donné en première lecture.

J’évoquais précédemment les droits fondamentaux de la personne, parmi lesquels figure l’immutabilité du nom. Ces droits ne visent pas à contraindre, mais à protéger.

De même, pour garantir les droits de l’enfant, que vous mentionniez à l’instant, cher collègue, il faut en particulier préserver son identité, donc, notamment, son nom.

L’immutabilité du nom, principe fondamental du code civil, est une garantie pour toute personne. Rappelons ici que le nom est porté par toute la fratrie.

Parmi les éléments permettant de déroger à cette immutabilité, figurent le risque d’extinction du nom, qui est bien connu ; l’erreur dans la transcription, y compris de l’intention du parent dans l’acte de reconnaissance pendant la minorité de l’enfant ; un intérêt légitime lorsqu’un nom est susceptible d’entraîner le ridicule ou le déshonneur ; un changement de filiation, s’il entraîne aussi un changement de famille, dans des conditions d’ailleurs restreintes aujourd’hui puisqu’en matière d’adoption simple, en particulier, si les enfants sont majeurs, ils conservent leur nom ; enfin, le cas d’une filiation, qui n’a pas été établie simultanément.

Toutes ces dispositions sont autant de garanties.

M. Philippe Gosselin. En effet !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Nous suggérons de ne pas nous engager vers des dispositifs qui instaureraient une sorte de droit incontrôlé et incontrôlable au changement du nom.

M. Guy Geoffroy. Voilà qui est sage !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Si nous faisions cela, je pense que nous provoquerions plus de difficulté…

M. Philippe Gosselin. Et de trouble !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. …pour les personnes qui ont besoin d’être protégées que nous n’ouvririons de droits dans des situations qui pourraient être difficiles – il doit sûrement y en avoir.

Pour l’ensemble de ces raisons, nous demandons le retrait de ces amendements ; à défaut, les rapporteurs maintiendraient l’avis qu’ils avaient émis en première lecture : défavorable.

M. Philippe Gosselin. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-David Ciot.

M. Jean-David Ciot. Ces amendements ne créent aucun problème. Pour l’heure, on donne un droit au parent plutôt qu’à l’enfant. Le projet de loi ne remédie en rien au besoin de reconstruction dans certaines situations compliquées, touchant notamment à la filiation, alors qu’il répond à des demandes bien plus baroques.

Il s’agit là, je le répète, d’une filiation réelle et reconnue : il n’est pas question ici de permettre de changer de nom pour le plaisir. Je maintiens donc mon amendement, en vous demandant de penser, en votre âme et conscience, au droit des enfants, et pas seulement à celui des parents.

(Les amendements identiques nos 54 et 201 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 11 et 171.

La parole est à M. Guy Geoffroy, pour soutenir l’amendement n11.

M. Guy Geoffroy. Il s’agit, sur cet article comme sur d’autres, du questionnement relatif au transfert de charges sans transfert des moyens correspondants. J’espère que nous aurons cette fois l’amorce d’une réponse du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n171.

M. Philippe Gosselin. Pour ma part, je mettrai l’accent non pas sur les charges nouvelles pour les communes, mais sur la difficulté à réaliser de la sorte les changements de nom. Il s’agit ici des personnes qui ont un nom inscrit sur un registre d’état civil étranger et qui demandent à le faire reconnaître en France. Par cohérence avec mes amendements précédents, je propose de supprimer les alinéas 6 à 11.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Maintien de l’avis défavorable émis en première lecture.

(Les amendements identiques nos 11 et 171, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

(L’article 18 quinquies est adopté.)

Articles 18 sexies et 18 septies

(Les articles 18 sexies et 18 septies sont successivement adoptés.)

Article 19

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n149.

M. Patrick Hetzel. Cet amendement propose de supprimer les alinéas 4 à 6 de l’article 19. Ce faisant, il vise à empêcher l’application des dispositions relatives à l’action de groupe « socle » aux actions de groupe concernant l’environnement, la santé et les données personnelles.

Une telle généralisation de la procédure de l’action de groupe, sans étude d’impact, enverrait un signal extrêmement négatif aux entreprises et présenterait en outre le risque d’une multiplication des contentieux, alors que la supériorité d’un tel mode d’action pour résoudre les litiges en cause n’a pas été démontrée.

L’action de groupe est une procédure judiciaire longue et coûteuse, qui s’oppose au développement d’autres modes de règlement des litiges qui ont déjà largement fait la preuve de leur efficacité, tant en France que dans un certain nombre d’autres États membres de l’Union européenne.

Par ailleurs, on peut légitimement s’interroger sur la sécurité juridique qui découlerait de la généralisation d’un tel socle commun. Il serait préférable d’attendre qu’un premier bilan de l’action de groupe telle qu’elle existe en matière de consommation et de concurrence soit dressé. Ce n’est qu’une fois que l’on aura un peu de recul qu’il sera pertinent d’avoir ce débat. Aujourd’hui, cela nous paraît précipité.

Pour toutes ces raisons, il convient de ne pas généraliser les dispositions relatives à l’action de groupe « socle » à l’ensemble des actions de groupe.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Avis bien évidemment défavorable : il s’agit du cœur du dispositif.

Il convient de souligner que, dans le domaine de l’action de groupe, la France n’a pas été révolutionnaire et qu’elle ne s’est guère précipitée : nous sommes plutôt les derniers de la classe. Il est impératif d’y remédier.

L’action de groupe a été instituée, je le rappelle, par la loi sur la consommation. Quel est le dispositif que nous avons conçu ? Nous avons créé un texte « socle », qui institue des règles communes et prévoit l’application de ces dispositions à toutes les actions, sauf celles qui, parce qu’elles posent des problèmes spécifiques, nécessitent des supports spécifiques, que la loi renseigne – et je pense que d’autres textes feront de même. On ne peut donc pas accepter, cher collègue, un amendement qui ferait s’écrouler tout le dispositif et irait à l’encontre de la logique que le Gouvernement et la majorité ont privilégiée. Il y aura enfin une action de groupe généralisée dans notre droit positif, et je pense que ce sera un progrès.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Même avis.

(L’amendement n149 n’est pas adopté.)

(L’article 19 est adopté.)

Article 20

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 15, 109 et 150.

La parole est à M. Guy Geoffroy, pour soutenir l’amendement n15.

M. Guy Geoffroy. Cet amendement tend à rétablir le premier alinéa de l’article dans la rédaction que le Sénat, dans sa grande sagesse, avait adoptée.

Nos collègues sénateurs ont apporté au texte la précision selon laquelle seules les personnes physiques peuvent agir selon la procédure de l’action de groupe. Le présent article, dans la version initialement adoptée par l’Assemblée, étendait en effet la qualité pour agir aux personnes morales.

Or l’action de groupe en matière de consommation et de concurrence et celle en matière de santé n’impliquent que des personnes physiques. De surcroît, l’action de groupe en matière de discrimination ne saurait viser que des manquements subis par des personnes physiques.

Dès lors, il est essentiel que le cadre de référence commun indique expressément que, dans le cadre de la procédure, seules les personnes physiques peuvent faire partie d’un groupe, à l’exclusion des personnes morales.

D’où la modification proposée, qui vise à rétablir la rédaction adoptée par le Sénat, afin de réserver la qualité pour agir aux seules personnes physiques. C’est une question de bon sens ; il s’agit d’une précision de bon aloi, extrêmement utile. J’espère que notre rapporteur et le Gouvernement accepteront de soutenir cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n109.

M. Philippe Gosselin. Quelques précisions à l’adresse du rapporteur, qui affirmait tout à l’heure – à juste titre, d’ailleurs – que nous étions les derniers de la classe. Ce sera un plaidoyer pro domo.

Je vous signale en effet l’existence d’un excellent rapport, que j’avais eu l’honneur de commettre en 2011 avec celle qui est devenue ministre des outre-mer, George Pau-Langevin, sur l’amélioration de l’accès au droit, rapport dans lequel nous demandions l’instauration des actions de groupe.

Cela étant, il me semble important, par parallélisme avec les actions de groupe relatives à la consommation, à la concurrence et à la santé, de réserver la procédure aux personnes physiques et d’en exclure les personnes morales. Peut-être sera-t-il temps par la suite d’élargir le dispositif, mais seulement après avoir dressé un bilan de cette première et belle étape.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n150.

M. Patrick Hetzel. Un point a manifestement dû échapper au rapporteur : le fait que si l’on raisonne en termes d’action de groupe, notamment en matière de discrimination, il ne peut s’agir que de manquements subis par des personnes physiques. Il s’agit là d’un problème très particulier, et l’on a l’impression que vous n’en avez pas tenu compte. C’est pourquoi le présent amendement tend à préciser que ce sont des personnes physiques qui peuvent procéder à de telles actions.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Il s’agit du dispositif « socle » de l’action de groupe. Il faut que, dans ce cadre, on ait une conception large des victimes, qui intègre à la fois les personnes physiques et les personnes morales. C’est pourquoi nous avons procédé ainsi. Avis défavorable, donc – si les amendements étaient maintenus.

(Les amendements identiques nos 15, 109 et 150, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 110 et 151.

La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n110.

M. Philippe Gosselin. Il s’agit encore d’établir un parallélisme avec, d’une part, l’action de groupe en matière de consommation et de concurrence telle qu’issue de la loi du 17 mars 2014, et, d’autre part, l’action de groupe en matière de santé telle qu’issue de la loi de modernisation du système de santé. Ces deux lois, qui fondent les actions de groupe telles que nous les connaissons aujourd’hui, font référence à une situation « similaire ou identique ». L’idée est de reprendre la même formulation, afin d’assurer un juste équilibre.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n151.

M. Patrick Hetzel. La loi sur la consommation de 2014 utilise effectivement une certaine formulation et il serait souhaitable que, par parallélisme des formes, on reprenne la même dans le présent texte.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Avis défavorable : la précision n’apparaît pas d’une incommensurable nécessité.

M. Guy Geoffroy. C’est une question de cohérence !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Défavorable.

M. Philippe Gosselin. Deux lois, deux régimes ? Voilà qui ne serait pas très cohérent !

(Les amendements identiques nos 110 et 151 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 117 et 152.

La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n117.

M. Philippe Gosselin. L’action de groupe implique de s’assurer que le groupe de personnes placées dans une situation similaire – ou identique, si les amendements précédents avaient été adoptés – présente une réelle homogénéité, c’est-à-dire que les spécificités de chacun des membres du groupe qui requièrent un examen individuel ne jouent qu’un rôle mineur. Il est donc nécessaire de souligner la dimension collective de l’action de groupe.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n152.

M. Patrick Hetzel. L’idée est que l’action de groupe ne doit pas être dévoyée. Qu’elle soit conduite par des personnes physiques ou par des personnes morales, il convient de vérifier que la dimension collective est dûment justifiée. C’est pourquoi nous proposons, à travers cet amendement de repli, qu’il en soit fait état dans la loi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Avis défavorable : l’adjectif « similaire » se suffit à lui-même. Il n’y a aucune nécessité à préciser que la procédure justifierait un traitement collectif.

(Les amendements identiques nos 117 et 152, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy, pour soutenir l’amendement n16.

M. Guy Geoffroy. Cet amendement, que Philippe Gosselin et moi avons cosigné, a pour objet d’insérer, à l’alinéa 2, après le mot : « préjudices », le mot : « individuels ». En effet, il s’agit d’une action formée au nom, non pas d’un intérêt collectif, mais de la somme des intérêts individuels qui ont été lésés. Il convient par conséquent de préciser la nature des préjudices réparables dans le cadre de l’action de groupe, puisque la vocation de celle-ci est l’indemnisation de préjudices de nature individuelle, et en aucun cas l’atteinte à un intérêt présumé collectif.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable, et les rapporteurs s’y tiendront.

M. Philippe Gosselin. Et votre avis à titre personnel ?…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Le problème que vous soulevez se pose, nous le reconnaissons, mais je maintiens l’avis de la commission, auquel je suis d’ailleurs tenu.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement comprend la démarche des auteurs de l’amendement.

M. Guy Geoffroy. Ah !

M. Patrick Hetzel. Voilà qui est mieux !

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. À plusieurs reprises, il avait d’ailleurs défendu la même précision terminologique ; mais, si elle ne figure pas expressément dans le projet de loi, elle n’apparaît pas indispensable car le caractère individuel du préjudice va de soi.

M. Guy Geoffroy. Cela irait encore mieux en le disant !

M. Philippe Gosselin. Eh oui, le préjudice est bien individuel !

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. L’action de groupe visant à faciliter la réparation des préjudices subis par les victimes d’un manquement, elle est conçue pour permettre des réparations individuelles, non pour défendre des intérêts collectifs. C’est pourquoi l’article 20 précise que l’« action de groupe peut être exercée en justice au vu des cas individuels présentés par le demandeur ». La logique du dispositif me semble donc claire, et le Gouvernement s’en remet, pour cet amendement, à la sagesse de l’Assemblée.

M. Philippe Gosselin. Cela veut dire favorable ! C’est un propos à l’usage de la majorité !

(L’amendement n16 n’est pas adopté.)

(L’article 20 est adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de modernisation de la justice du XXIsiècle.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly