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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2015-2016

Compte rendu
intégral

Première séance du vendredi 16 octobre 2015

Présidence de M. Denis Baupin

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Projet de loi de finances pour 2016

Première partie (suite)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2016 (nos 3096, 3110, 3112, 3116).

Hier soir, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement n318 portant article additionnel après l’article 8.

Je vous rappelle qu’à la demande du Gouvernement, nous examinons par priorité les amendements nos 137 à 769 portant article additionnel après l’article 8, relatifs à la taxe sur les transactions financières.

Après l’article 8 (suite)

M. le président. La parole est à M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour soutenir l’amendement n137.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Cet amendement me donne l’occasion de faire un court rappel : en 2000, sous le gouvernement de Lionel Jospin, est créée la fameuse taxe Tobin à taux zéro. Mais comme tout le monde y est attaché, c’est notre majorité qui a décidé d’augmenter ce taux en mars 2012. J’avais alors l’honneur de rapporter le texte et je n’avais posé qu’une question : cette taxe sera-t-elle créée en Allemagne ?

À l’époque, on m’a répondu qu’elle le serait avant la fin de l’année et qu’il ne fallait pas s’inquiéter car il existait un stamp duty au Royaume-Uni.

Plus de trois ans plus tard, la taxe n’est toujours pas créée en Allemagne. Michel Sapin nous a indiqué avant-hier que la date, que je croyais quasiment certaine, du 1er janvier 2016 était reportée à 2017.

Puis, grande constance de l’exemple français que l’on ne cesse de présenter au monde admiratif, l’actuelle majorité double le taux de la taxe dès son arrivée. La commission des finances continue dans cette voie en adoptant un amendement visant à étendre l’assiette de la taxe aux transactions « intra-day », auxquelles le stamp duty ne s’applique d’ailleurs pas. Dans le même temps est adopté, il y a deux ans, le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires – Karine Berger a d’ailleurs fait un très bon travail. Et le commissaire Michel Barnier, que j’ai eu au téléphone à plusieurs reprises, nous rassure en expliquant que la directive européenne en préparation reprendra l’exemple français.

Aujourd’hui, le projet de règlement européen exonère toutes les banques britanniques, soumises à la réforme Vickers, ainsi que les filiales françaises des grandes banques d’affaires américaines. Seules sont dans le collimateur les activités de tenue de marché des banques françaises, qui sont extraordinairement mobiles.

Mme Marie-Christine Dalloz. Tout à fait !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Il est évident que les personnels, le savoir-faire et la valeur ajoutée sont en train d’être transférés massivement hors de la place de Paris.

M. le président. Je rappelle que les interventions doivent durer deux minutes !

M. Benoît Hamon. On connaît déjà tous ces arguments !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Et vous pensez que le monde entier va suivre notre exemple sur le plan fiscal et réglementaire, alors que celui-ci conduit à la destruction méthodique des quelques industries compétitives qu’il nous reste encore ! Majorité et opposition s’accordent à dire que cela suffit.

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. La taxe de solidarité sur les billets d’avion, que notre majorité avait créée, s’applique avant tout à Air France.

M. Pascal Cherki. Et alors ?

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Soyons un peu lucides : avec 5 millions de chômeurs, nous n’avons pas le droit de détruire nos industries à coup de taxes et de réglementations excessives, que seule la France a l’imagination de mettre en place.

Mme Marie-Christine Dalloz. Bravo !

M. le président. La parole est à Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n137.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Nous discuterons, à l’occasion des amendements suivants, tous intéressants, des moyens d’éviter que la France agisse seule, car une taxe sur les transactions financières – TTF – dans un seul pays n’aurait pas beaucoup de sens. Aujourd’hui, celle qui existe a l’avantage d’être appliquée dans beaucoup d’autres pays. Vous avez cité l’Allemagne, mais compte tenu des caractéristiques des marchés financiers de ce pays, les transactions sur les actions n’y sont pas nombreuses.

Il se trouve en effet que la France et la Grande-Bretagne sont les deux grandes places disposant d’un savoir-faire dans ce domaine. Or ces deux pays appliquent une taxe de même nature. Les inquiétudes sur le risque de délocalisation, qui peuvent être justifiées dans d’autres domaines, n’ont donc pas lieu d’être s’agissant de la taxe sur les transactions financières portant sur les actions. Le Gouvernement souhaitant, au niveau européen, avancer beaucoup plus loin en la matière, je ne veux pas que nous détruisions, en France, l’amorce de ce que nous voulons pour demain.

M. le président. La parole est à M. Pascal Cherki.

M. Pascal Cherki. Comme nous allons beaucoup discuter, à l’occasion des amendements suivants, non pas de la suppression de la taxe sur les transactions financières, mais de l’élargissement de son assiette, je me contenterai de proposer au président Carrez – que j’apprécie beaucoup, même si je ne partage pas du tout sa position sur la question – un petit moment d’élévation laïque et de citer le Pape qui disait, dans son encyclique sur l’écologie – je parle de cela car la question du financement de l’aide au développement et celle de la Conférence des parties, la COP, sont corrélées s’agissant de la taxation des transactions financières : « Aujourd’hui, nous ne pouvons pas nous empêcher de reconnaître qu’une vraie approche écologique se transforme toujours en une approche sociale, qui doit intégrer la justice dans les discussions sur l’environnement, pour écouter tant la clameur de la terre que la clameur des pauvres ». Je souhaite que nous soyons nombreux aujourd’hui, non seulement à écouter, mais aussi à voter en faveur de la clameur des pauvres.

M. Jean-Marc Germain. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il est dommage que l’amendement du président Carrez soit ainsi balayé d’un revers de main, sans argumentation solide. En réalité, vouloir être exemplaire, c’est bien, mais le faire au détriment des industries qui tiennent encore debout, c’est regrettable. Aujourd’hui, la taxe sur les transactions financières n’est supportée que par le système bancaire français. Comment peut-on accepter durablement cette situation ? Souhaitez-vous vraiment conforter plus encore le système bancaire anglo-saxon et assister demain à la délocalisation de nos emplois à forte valeur ajoutée ? Or, c’est la réalité, admettez-le !

Comme l’a justement rappelé le président Carrez, la taxe de solidarité sur les billets d’avion a pénalisé essentiellement une compagnie : Air France. Voyez les résultats aujourd’hui ! On ne peut pas continuer à jouer ainsi aux apprentis sorciers et à vouloir montrer l’exemple, quand cela met à mal des pans entiers de notre économie, puisque c’est de cela qu’il s’agit.

M. le président. Mes chers collègues, vous êtes nombreux à demander la parole, car le débat porte sur plusieurs amendements. Je propose qu’après ces prises de parole, l’examen des amendements soit plus rapide.

La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Je partage certains arguments de M. Carrez, mais pas tous. Comme lui, je m’inquiète du règlement bancaire en cours de discussion au niveau européen – le ministre pourra peut-être nous en parler – car, tout en m’efforçant d’être prudent et objectif sur le sujet, j’ai le sentiment que le Royaume-Uni bénéficiera de nombreuses exemptions, comme l’Allemagne dans une moindre mesure, et ce au détriment des banques françaises. Nous devons donc être très vigilants.

En revanche, s’agissant de la taxe sur les transactions financières, il faut faire preuve de volontarisme, tout en disant clairement que nous avons des intérêts à préserver. Nous disposons en effet d’une place financière en France, Euronext. D’ailleurs, lors de la cession de cette place financière par les Américains, le Gouvernement a, à juste titre, favorisé sa reprise en réunissant les banques françaises. Un équilibre doit donc être trouvé : il faut faire preuve de volontarisme pour avancer avec nos partenaires – même si cela prend du temps, nous devons soutenir les travaux de la coopération renforcée, qui finiront par aboutir, peut-être pas cette année mais éventuellement en 2017 –, mais il faut aussi veiller à nos intérêts.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. En présentant son amendement, M. Carrez a le mérite de mettre les pieds dans le plat en rappelant que ce que nous avions imaginé entre 1997 et 2000 n’a pas marché. De plus, il dénonce la faillite du projet européen et ce à juste titre, car les lobbies bancaires et les puissances de l’argent sont en train de gagner. Ce constat vaut aussi pour la loi de séparation et de régulation des activités bancaires. Rappelez-vous l’audition surréaliste de nos banquiers, notamment M. Prot, qui a dit que les dispositions de cette loi ne les toucheraient quasiment pas – seulement 0,5 % de leurs activités serait concerné.

Dès lors, deux chemins sont possibles. Soit, comme Gilles Carrez, on prend acte de la réalité qui rend tout impossible, sauf un impôt de bourse similaire au stamp duty britannique, comme cela se faisait auparavant ; soit on croit encore dans le génie de notre pays, dans l’exemplarité française et dans la force du Parlement français pour trouver une voie nouvelle. J’ai la faiblesse de croire que c’est cette dernière qu’il faut suivre.

M. le président. La parole est à M. Benoît Hamon.

M. Benoît Hamon. J’insiste sur le fait qu’une extension de la TTF aux opérations intra-day contribuerait à financer l’aide au développement et à augmenter la participation de la France à l’aide aux réfugiés afin que les pays qui en accueillent aujourd’hui des centaines de milliers ne soient pas déstabilisés et que ces réfugiés puissent un jour revenir chez eux. Et puis je rappelle à ceux qui s’inquiètent de l’avenir de nos industries financières, qu’au moment de la création de la TTF, le directeur général de Natexis évoquait une contribution à hauteur de 7 milliards d’euros pour sa banque, celle du Crédit Agricole devant atteindre 17 milliards d’euros. Des chiffres absolument extravagants, grotesques, mis en avant seulement pour éviter la mise en place d’une taxe sur les transactions financières. Dès lors que l’on soulève la question de la lutte contre la spéculation, on nous renvoie systématiquement à son impact sur l’économie réelle, aux destructions d’emplois et à la délocalisation de sièges sociaux. Mais nous, nous voulons que cette spéculation soit mise à contribution pour lutter contre le réchauffement climatique et pour augmenter l’aide au développement. C’est le seul objet du débat et du vote à venir.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, qui a lancé l’idée de la TTF ? C’est M. Tobin, qui est tout sauf un gauchiste puisque c’est un économiste libéral.

M. Nicolas Sansu. Exactement !

M. Charles de Courson. Lorsque son idée a rebondi bien des décennies plus tard, il a dit qu’il l’avait lancée parce qu’il cherchait un moyen de financer le développement international – d’autres pensaient à une taxe universelle sur l’énergie qui alimenterait un fonds dédié. Mais cette idée sympathique tient-elle la route ? Au passage, je rappelle qu’on est très loin du 1 % sur lequel la France s’était engagée puisque l’aide au développement représente aujourd’hui environ 0,60 % du PIB.

M. Jean-François Mancel et M. Jean-Marie Tetart. 0,36 % !

M. Charles de Courson. Cela dépend si l’on prend en compte ou non les DOM-TOM. De toute façon, les conditions du succès d’un tel mode de financement de l’aide au développement, c’est un accord quasiment mondial ou au moins des principales places financières. Lorsque j’entends parler de coopération renforcée en Europe, je rappelle que seuls onze des vingt-huit États de l’Union européenne seraient d’accord pour avancer dans ce domaine. Croyez-vous que le Luxembourg, qui a converti sa métallurgie en une industrie financière, va lâcher là-dessus ? Croyez-vous que nos collègues anglais, qu’ils soient travaillistes ou conservateurs, vont renoncer à protéger la City ? Il n’y a aujourd’hui aucun accord international incluant les grandes places financières pour la mise en place d’une TTF alors que c’est une condition primordiale.

M. le président. Je vous remercie de conclure, mon cher collègue.

M. Charles de Courson. Je vais conclure en évoquant la taxe de solidarité sur les billets d’avion, que je fus l’un des rares à combattre bien qu’étant dans la majorité à l’époque.

M. le président. Le temps de parole est limité à deux minutes pour tout le monde, monsieur de Courson !

M. Charles de Courson. On a évoqué l’exemplarité de la France, mais sachez que beaucoup de gens rigolent quand ils voient comment nous nous comportons. La taxe de solidarité sur les billets d’avion a-t-elle été généralisée ? On peut répondre que oui si on se limite au Chili et à quelques pays d’Afrique… C’est un échec ailleurs, et on se retrouve seuls avec notre taxe. Donc, arrêtons de déblatérer et de raconter des histoires à nos concitoyens.

M. le président. La parole est à M. Dominique Lefebvre.

M. Dominique Lefebvre. Alors que nous entamons l’examen d’une série d’amendements sur la taxe sur les transactions financières, je voudrais indiquer quelle est la position du groupe socialiste. Je remercie le président Carrez d’avoir déposé son amendement, car cela présente le mérite de clarifier les choses. Il y a bien deux catégories de députés dans cet hémicycle : ceux qui souhaitent une taxe sur les transactions financières efficace, qui ait du rendement, qui permette de financer des projets d’intérêt général pour le développement et l’avenir de la planète, et les autres. C’est pourquoi nous voterons contre votre amendement, monsieur le président Carrez. L’adopter serait renoncer à cette ambition. Je partage ce que vient de dire Nicolas Sansu : la France a un rôle à jouer en Europe en ce domaine.

Je suis d’accord sur le fait qu’elle ne peut pas le jouer seule, et c’est bien le sens de l’action du Président de la République, du Premier ministre et du Gouvernement, notamment de Michel Sapin, qui mènent depuis de nombreux mois une négociation internationale sur le sujet. D’aucuns disent que si les vingt-sept autres membres de l’Union ne se joignent pas à nous, ce n’est pas la peine de se lancer. Nous, nous estimons qu’il est déjà important d’être plusieurs, et c’est pourquoi nous devons tout faire pour que les discussions débouchent. Je suis certain que quand cette taxe sera mise en place à onze, dans le cadre d’une coopération renforcée, elle s’étendra, et sera alors efficace et rentable.

M. Charles de Courson. C’est du wishful thinking !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Tetart.

M. Jean-Marie Tetart. Je constate simplement qu’à Addis-Abeba, la France a dit au monde qu’il fallait s’engager sur l’augmentation de l’aide au développement en faisant la promotion des financements innovants. Je constate aussi que le Président de la République s’est engagé il y a quelques semaines à New-York, lors de son intervention aux Nations unies, à accroître l’aide publique au développement de 4 milliards d’euros d’ici à 2020, soit 800 millions de plus par an. Mais le budget de la mission « Aide au développement » devrait baisser de 6 %, soit 177 millions d’euros en moins. Le Gouvernement, dans une sage réaction, a essayé de corriger cette évolution en déplafonnant la part de la TTF affectée au développement, ce qui permettrait de capter 100 millions de plus pour au moins rester au niveau de l’aide au développement du budget précédent. Je rappelle qu’avec l’amendement du Gouvernement, plus d’un quart des ressources de l’aide au développement va provenir de la taxe sur les billets d’avion et de la taxe sur les transactions financières. Dans une économie française où les réformes structurelles n’ont pas permis de dégager les disponibilités financières suffisantes, comment notre pays va-t-il tenir son rang en matière d’aide au développement alors que c’est l’un des défis majeurs de notre époque ? Faire l’impasse sur ces financements, c’est nuire à la crédibilité de la France et ne pas répondre aux défis du monde alors qu’on se gargarise de conférences sur les dangers qui le menacent. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Carré.

M. Olivier Carré. Chaque fois qu’en matière de fiscalité il y a une arrière-pensée de moralisation, on aboutit à des débats sans fin. Et puis il y a un sujet qui n’a pas été évoqué par les partisans ou les opposants à cette taxe : la montée en flèche des dark pools, ces marchés virtuels qui se développent grâce aux nouveaux moyens de communication et qui représentent aujourd’hui environ 20 % des transactions financières mondiales. Ce pourcentage ne va pas cesser de croître, notamment du fait de ce débat qui anime aussi d’autres parlements que le nôtre. Il faut savoir qu’un certain nombre de banques françaises sont, elles aussi, à l’initiative de ces marchés. La Commission européenne a dû se résoudre à les prendre en compte dans la réglementation communautaire, mais il y aura de plus en plus de transactions qui s’effectueront de façon opaque, et je ne crois pas que nous en sortirons tous gagnants, loin s’en faut.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Germain.

M. Jean-Marc Germain. Je voterai contre cet amendement. Monsieur Carrez, avez-vous bien réfléchi au message que la France enverrait si on l’adoptait ? Oubliez-vous qu’il y a eu une crise en 2008 et les raisons qui l’ont provoquée ? Sans aller jusqu’à dire que mon adversaire, c’est la finance, là est tout de même le cœur du sujet : du fait de la dérégulation, on a laissé un petit nombre de personnes capter la quasi-intégralité des richesses du monde. Quatre-vingts personnes détiennent autant de richesses que quatre-vingts pays dans le monde.

M. Olivier Carré. Bill Gates est le premier contributeur à l’aide au développement !

M. Jean-Marc Germain. Il faut bien sûr faire progresser cette taxe au niveau européen, mais si la France baisse les bras ce matin, alors il n’y aura jamais de taxe sur les transactions financières. J’ajoute que celle-ci doit bien sûr concerner aussi les transactions intra-day, parce que le mode de financement de l’économie à long terme, que ce soit par des actions ou des obligations, n’est pas ici le sujet. La taxe doit porter sur cette finance qui n’est au service que d’elle-même.

Elle doit aussi évidemment servir à financer l’aide au développement pour régler le problème de répartition des richesses, que ce soit dans la finance ou dans d’autres domaines – je pense à l’économie du numérique – dans lesquels les fruits du travail de tous sont captés par un petit nombre, en France comme ailleurs sur la planète.

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Je suppose qu’avec son amendement, Gilles Carrez a voulu taper très fort. Mais je ne suis pas sûr qu’il veuille vraiment que l’on annule tout le travail mené sur la TTF. C’est sans doute uniquement une manière de déplacer le curseur pour le débat qui s’engage, comme l’a montré son intervention, passionnée, autant que l’extrême radicalité de l’amendement lui-même. Il feint de croire que nous allons commettre je ne sais quelle forfaiture, détruire notre industrie bancaire, plonger notre pays dans le marasme. Tout cela est totalement excessif. La réalité c’est que le type d’outils financiers concernés par cette taxe représente quasiment 50 % de l’activité des marchés, et il nous expose à une déflagration bancaire importante qui, par contamination, provoquerait une nouvelle crise financière.

Un tel débat est récurrent dans cet hémicycle. Je me souviens que, lors de l’examen de la loi bancaire, la mise en place du reporting pays par pays avait suscité chez vous, chers collègues de l’opposition, la même attitude : vous disiez qu’il ne fallait pas agir tout seul, que cela allait pénaliser la France et qu’on n’entraînerait personne.

Mme Marie-Christine Dalloz. On avait raison !

M. Éric Alauzet. Or il s’est passé exactement le contraire. Il est légitime de se poser la question de l’isolement, mais le pire n’est jamais sûr et il peut aussi y avoir un effet d’entraînement.

M. Olivier Carré et Mme Marie-Christine Dalloz. Pour l’instant, il n’y a personne !

M. Éric Alauzet. Si chaque pays émet un signe en ce sens, les efforts du Gouvernement pour faire converger l’ensemble des États peuvent aboutir. C’est aussi en donnant, chacun de nous, un signal favorable à cette taxe qu’on confortera nos ministres à l’échelle européenne.

Enfin, il y a beaucoup de discussions pour savoir si la taxe doit servir au développement, à combattre les grandes pandémies ou encore à lutter contre le changement climatique. Mais la piste choisie aujourd’hui, à savoir le climat, permet de répondre aux trois défis à la fois. Je crois que c’est la bonne piste qui devrait mettre tout le monde d’accord.

Mme Barbara Pompili et M. Romain Colas. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Caullet, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Après la morale, après la rhétorique, après la science financière, j’appelle la physique au secours de notre débat. On sait que la masse d’une particule tend à disparaître quand celle-ci approche la vitesse de la lumière. Il en est de même des transactions : plus elles sont rapides, plus elles sont déconnectées de la réalité de l’économie. Un des objectifs d’une telle taxe, dans son principe puis dans sa réalisation, est de donner une consistance réelle à la transaction financière pour qu’elle redevienne au service de l’économie réelle.

C’est alors que la physique vient encore une fois à notre secours : sans frottements, les mobiles n’avancent pas. De même, sans une petite régulation qui lui permet d’être réfléchie et reliée à l’économie réelle, la transaction financière se déconnecte de l’intérêt général et de l’économie. Elle ne permet alors plus à l’humanité de s’organiser de manière fluide et progressiste. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Jean-Luc Laurent. Remarquable !

M. le président. La parole est à M. Jean-François Mancel.

M. Jean-François Mancel. Ces amendements visent deux sujets entièrement différents : d’un côté, la taxe sur les transactions financières et les aspects financiers et économiques qui en résultent ; de l’autre côté, le bénéficiaire de l’élargissement de cette taxe, à savoir l’aide au développement.

En ce qui concerne l’aide au développement, nous sommes actuellement dans une situation catastrophique. Si nous continuons à ce rythme, l’aide publique au développement aura diminué de 25 % sous le quinquennat du Président Hollande. Cela n’est pas supportable, d’autant que la France, par la voix de son Président, ne cesse de faire des déclarations selon lesquelles elle compte augmenter de façon considérable les montants alloués à l’aide publique au développement.

La TTF peut avoir des conséquences graves, comme le soulignait tout à l’heure le président de la commission des finances. Aussi, monsieur le ministre, si vous comptez rejeter les amendements sur l’élargissement de la TTF, proposez-nous au moins des mesures efficaces pour augmenter l’aide publique au développement dans des proportions satisfaisantes.

M. Pascal Cherki. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Olivier Faure.

M. Olivier Faure. Je voudrais revenir sur le débat que nous avons depuis quelques semaines, celui des crises migratoires. Tous les membres de cet hémicycle ont exprimé à ce sujet la volonté d’accueillir et de sédentariser,…

M. Charles de Courson. « Sédentariser », le mot n’est pas le meilleur !

M. Olivier Faure. …c’est-à-dire permettre à des personnes qui, aujourd’hui, fuient la guerre, la famine, le climat, de rester dans leur pays d’origine pour ne pas venir s’ajouter à la misère du continent européen. Voilà ce que nous avons pu entendre sur tous les bancs.

S’agissant de la question centrale de l’aide au développement, posée par les députés de l’opposition comme de la majorité, l’idée selon laquelle nous pourrions fermer à la fois nos frontières extérieures et le robinet de l’aide au développement n’est pas acceptable. Elle n’a aucun sens et ne peut être une position réaliste. Si nous voulons limiter les migrations, nous devons forcément faire un effort important en matière d’aide au développement. Mais qui finance celle-ci ?

Je crois avoir compris que personne ne souhaitait augmenter la pression fiscale sur les ménages et les entreprises, car nous avons tous conscience du niveau excessif que cette pression atteint aujourd’hui. Cela suppose que nous trouvions l’argent « là où il se trouve », comme dirait Georges Marchais.

M. Nicolas Sansu. Belle référence !

M. Olivier Faure. La question est aujourd’hui de savoir si la haute finance ne pourrait pas, à son tour, être mise à contribution. Je reprends à cet égard ce que vient de dire Jean-Yves Caullet. Nous avons évoqué tout à l’heure les transactions intra-day, ces opérations à haute fréquence où, dans la même journée, on achète et on revend, sans lien direct avec l’économie réelle.

Ne pouvons-nous pas imaginer un moment, dans cet hémicycle, de faire ce pas ensemble ? Ce qui compte, en effet, ce n’est pas ce que la France fait seule. La France, seule, cela ne fonctionne pas. Mais si la France a pour seul objectif de suivre ses intérêts, qui peut la suivre ?

M. le président. Monsieur Faure, veuillez conclure !

M. Olivier Faure. La France ne peut convaincre au niveau européen que si elle dépasse ses propres intérêts. C’est la seule façon d’entraîner les autres pays.

Monsieur Carrez, je comprends votre exigence et votre réalisme. Mais il résulte de votre amendement et de son exposé sommaire que vous voulez supprimer la taxe de solidarité sur les billets d’avion, vous considérez que la loi de séparation et de régulation des activités bancaires est une mauvaise loi, que l’idée de responsabilité sociétale des entreprises n’a aucun intérêt, que la transparence fiscale et l’échange automatique d’informations entre administrations sur les rescrits fiscaux n’a pas de sens…

Mme Marie-Christine Dalloz. Ce n’est pas ce qu’il dit !

M. Olivier Faure. Cette liste à la Prévert est folle ! Elle nous conduirait à chaque fois à nous aligner sur le moins-disant. La France est un pays qui peut se glorifier de son haut niveau de civilisation. J’ignore si nous sommes toujours le phare du monde, mais nous ne pouvons pas non plus nous aligner sur les pires d’entre nous…

M. le président. Monsieur Faure, respectez votre temps de parole !

M. Olivier Faure. …et considérer qu’harmoniser c’est forcément s’aligner sur le plus faible ou sur celui qui fait le moins dans le domaine social. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste)

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. L’amendement de Gilles Carrez est tout à fait justifié pour les raisons inverses de celles qui viennent d’être dénoncées. Il est justifié tout simplement pour des raisons de confiance.

M. Jean-Luc Laurent. Ce n’est pas la confiance, c’est le libéralisme !

M. Hervé Mariton. L’évolution que certains députés souhaitent renforcer et le type de fiscalité auquel ils appellent, au-delà des difficultés techniques et de l’isolement de la démarche de la France, nécessitent des mesures qui, bien qu’elles engagent des sommes probablement peu considérables, créent des rugosités dans l’économie. Surtout, ces mesures, par l’imagination dont elles témoignent, suscitent de la défiance.

Or chacun d’entre nous sait que le climat de confiance est essentiel au rétablissement de l’économie. Cette imagination fiscale, y compris au nom de bonnes causes – que j’entends – contribue au climat de défiance qui pèse sur notre pays. À ce titre, l’amendement de Gilles Carrez mérite vraiment d’être soutenu.

M. Olivier Faure. Avec Mariton, c’est la poll tax pour tout le monde !

M. Hervé Mariton. La flat tax, ce n’est pas la poll tax !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre. Une partie de cet hémicycle est cohérente : elle soutient la taxe sur les transactions financières – en réalité, sur une partie des transactions, en l’occurrence celles en actions –, après l’avoir votée. Une autre partie l’est moins. Ces députés, du moins certains d’entre eux, ont voté la taxe, mais veulent aujourd’hui la détruire.

Je préfère la cohérence de ceux qui ont voulu cette taxe et qui souhaitent qu’elle soit efficace, qu’elle rapporte sans pour autant porter préjudice à une partie des activités financières, utiles à l’économie et que la France est fière d’illustrer.

Toute transaction financière n’est pas mauvaise en soi.

M. Charles de Courson. En effet !

M. Michel Sapin, ministre. Certaines d’entre elles sont même indispensables au bon fonctionnement de l’économie. Tant mieux si nous nous distinguons sur la place de Paris et si nos grandes banques sont bonnes dans ce domaine ! Cela fait partie des qualités – exceptions ou excellences – françaises.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement, en proposant de rejeter cet amendement, tient absolument à conserver la base sur laquelle construire une taxe sur les transactions financières plus vaste et plus efficace qu’elle ne l’est aujourd’hui.

Je comprends que l’on se demande ensuite à quoi va servir l’argent issu de la taxe. En la matière, il existe des points de vue différents et non moins respectables.

Je partage les propos sur l’aide au développement – une partie de la taxe sur les transactions financières lui est d’ailleurs aujourd’hui affectée – comme je me sens en harmonie avec la proposition du Président de la République de consacrer la majorité du revenu de cette taxe aux pays en développement, pour lutter contre le réchauffement climatique. Je suis également favorable à l’idée de consacrer une partie du produit de la taxe sur les transactions financières à la lutte contre les grandes pandémies dans le monde ou à la proposition de certains parlementaires, notamment du Parlement européen, selon laquelle la taxe doit être une ressource propre du budget européen, afin que l’Union européenne puisse mener à bien des investissements et, éventuellement, des politiques en faveur du développement.

Cependant, pour débattre du produit de cette taxe, encore faut-il instaurer une taxe capable de générer des revenus. C’est le sujet d’aujourd’hui.

La taxe sur les transactions financières rapporte aujourd’hui, sans avoir provoqué de véritables délocalisations. Cela s’explique par une raison simple : la place de Londres, notre seul grand concurrent dans ce domaine, se voit appliquer une taxe de même nature.

Si nous voulons élargir la taxe, ce pour quoi le Gouvernement français se bat, nous devons nous demander dans quelles conditions le faire et suivant quel calendrier. Au bout du compte, nous devons éviter de nous faire plaisir en votant une taxe, pour nous apercevoir qu’en fin de compte, elle n’aura rien rapporté.

M. Charles de Courson. Bien sûr !

M. Michel Sapin, ministre. C’est la raison pour laquelle j’invite l’Assemblée à repousser l’amendement du président Carrez.

(L’amendement n137 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 230, 121, 242, 307, 422, 704, 743 et 370, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 230, 121, 242, 307, 422, 704 et 743 sont identiques.

La parole est à M. Pascal Cherki, pour soutenir l’amendement n230.

M. Pascal Cherki. C’est un honneur pour moi de prendre la parole en quelque sorte au nom de Mme la rapporteure générale pour défendre un amendement dont elle est la première signataire. Cet amendement a été voté par la commission des finances, avec l’avis de sagesse de Mme la rapporteure générale, que je remercie à cet égard. Il a également été approuvé par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Je n’ose pas rappeler qu’il avait été défendu avec talent par notre ancien rapporteur général, aujourd’hui secrétaire d’État chargé du budget.

Cet amendement n’a qu’un objectif, qui a été rappelé par certains : nous souhaitons, le plus rapidement possible et si possible d’ici à la fin de cette mandature, sinon au début de la prochaine, que soit respecté l’engagement international pris par la France depuis fort longtemps, et pas uniquement par l’actuel Président de la République, de consacrer 0,7 % du revenu national brut à l’aide au développement.

La France, membre permanent du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, est l’un des cinq pays du monde qui peut, en utilisant son droit de veto, décider de la légalité internationale. Ce pouvoir exorbitant lui donne la responsabilité de tenir les engagements qu’elle prend à l’égard de la communauté internationale. Consacrer 0,7 % du revenu national brut à l’aide au développement n’est pas hors de sa portée.

Un autre pays, membre permanent du Conseil de sécurité et membre de l’Union européenne, a atteint cet objectif : c’est le Royaume-Uni.

M. Olivier Carré. Avec 5 % de chômage !

M. Pascal Cherki. Si nos cousins britanniques, dont on ne peut pas dire qu’ils soient des ennemis de la finance, y sont parvenus, pourquoi n’y parviendrions-nous pas ? Si nous considérons que cet objectif ne doit pas rester un mot creux, nous devons nous interroger sur les moyens à mettre en œuvre pour l’atteindre.

La situation actuelle le montre : ces moyens ne résident pas dans l’augmentation des ressources prises sur les particuliers, et encore moins sur les entreprises, puisque l’heure est à contenir la fiscalité. Dès lors, comment atteindrons-nous nos objectifs en matière de développement ?

Je vous rappelle d’ailleurs, chers collègues, que ces objectifs n’intègrent pas uniquement la question des prêts. Rapprocher l’Agence française de développement de la Caisse des dépôts et consignations réglera certes la question des prêts, mais pas celle des dons. Si la question des ressources n’est pas posée, notre engagement sera creux. Vous ne couperez donc pas à la nécessité d’élargir l’assiette de la taxe sur les transactions financières si vous voulez que la France soit au rendez-vous historique qu’elle s’est elle-même fixé avec le reste de la planète.

M. le président. La parole est à M. Joël Giraud, pour soutenir l’amendement identique n121.

M. Joël Giraud. J’ajoute à ce qui vient d’être excellemment dit que la taxation des transactions intra-journalières – pour parler français – s’inscrit dans la dynamique des négociations européennes, puisque la directive proposée par la Commission européenne préconise cette mesure. Les onze États membres associés à la coopération renforcée visant à instaurer une taxe européenne sur les transactions financières, dont la France, ont décidé, le 12 septembre dernier, de soutenir cette proposition. Il me semble par conséquent qu’il serait cohérent de voter un amendement qui ne fait qu’anticiper la future transposition de la directive européenne, tout en permettant, comme on l’a dit et répété, de remplir les engagements du Président de la République en matière de financement de la solidarité internationale, puisqu’il s’agit d’augmenter l’aide publique au développement de 4 milliards d’euros d’ici à 2020.

Au-delà, cela permettra aussi d’abonder les crédits de la lutte contre le changement climatique et, accessoirement, de limiter ces transactions vraiment très déstabilisatrices.

M. Dominique Baert. Non, ce n’est pas vrai !

M. Joël Giraud. Cela n’est pas négligeable !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Tetart, pour soutenir l’amendement n242.

M. Jean-Marie Tetart. Cet amendement est identique aux précédents. Je voudrais toutefois faire une proposition.

Si les choses ne sont pas suffisamment affinées techniquement pour passer immédiatement à la taxation des transactions intra-day, on peut prendre un peu de temps pour le faire – je songe par exemple à la dichotomie entre taxer les opérations utiles ou taxer celles qui ne le sont pas. On peut donc s’accorder du temps, et décider que l’on va créer la taxe tout en repoussant sa mise en application à dans un an, ce qui permettrait de créer un effet d’entraînement pour les autres pays européens.

En attendant, pourquoi ne pas affecter la totalité du produit de la taxe sur les transactions financières, dans son périmètre actuel, à l’aide au développement ? Sinon, nous n’en sortirons pas ! Le Gouvernement a trouvé une astuce pour relever le plafond, mais je crains que le fait de fixer une valeur, et non plus un pourcentage, ne nous bloque pendant des années au même seuil, sans que l’on puisse augmenter la part qui pourrait être accordée à un agrégat global – je vous le concède, monsieur le ministre –, incluant le développement, le climat, les pandémies, etc. Ce ne sera ensuite qu’une question de répartition interne.

Je pense par conséquent qu’il faut aller dans la direction proposée par les amendements ; on peut éventuellement prévoir une entrée en application de la mesure un peu plus tardive, mais il convient de donner dès aujourd’hui un signal fort et de transférer la totalité du produit de la taxe sur les transactions financières à l’aide au développement, dans l’acception la plus large du terme.

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement n307.

M. Éric Alauzet. Je voudrais pour ma part revenir sur trois points, qui sont en général présentés comme des obstacles à l’extension de la taxe sur les transactions financières aux transactions intra-day, c’est-à-dire intra-journalières.

D’abord, l’identification. On prétend que ce serait compliqué à faire ; comme les multiples allers et retours dans la journée ne seraient pas faciles à suivre, on n’aurait qu’à retenir la consolidation en fin de journée – sauf que si l’on retient cette valeur alors qu’il y a eu des dizaines ou des centaines de transactions, on ne va bien évidemment pas toucher le cœur de cible ! La solution à ce problème, c’est que dès lors que l’acquisition donne lieu à comptabilisation sur le compte de l’acquéreur, la transaction soit incluse dans l’assiette de la taxe. C’est un critère qui me paraît suffisamment objectif pour servir de référence. Je pense donc que l’on peut répondre à cet obstacle technique qui est parfois avancé.

Deuxième problème – certes difficile à résoudre, et je comprends que ce soit le principal argument évoqué par le ministre : doit-on le faire seul ou tous ensemble ? Il faut souligner que, dans beaucoup de pays, des initiatives ont été prises et des dispositifs sont déjà en place ; on a évoqué le cas de l’Angleterre, avec le stamp duty, mais c’est aussi celui de la Corée du Sud ; bref, une quarantaine de pays sont concernés, dont onze membres de l’OCDE. Ces dispositifs ont une efficacité réelle : les Anglais et les Coréens récupèrent 4 à 6 milliards par an. Cela marche donc. Quant aux fuites, monsieur le ministre, elles ne sont pas véritablement démontrées, en tout cas pour ce qui regarde l’actuelle taxe sur les transactions financières française.

Une façon de répondre à cette inquiétude serait de prendre une décision formelle, en reportant un peu l’échéance. Nous indiquerions ainsi clairement la direction que notre pays souhaite prendre, tout en nous laissant le temps de mener à bien les négociations. Tel est le sens de l’amendement n370, que je présente donc en même temps, monsieur le président, afin de gagner du temps.

Dernier point, pour répondre à l’argument selon lequel ces transactions seraient quand même utiles, car elles créeraient des liquidités. Le problème, c’est qu’en général, ce ne sont pas les grandes entreprises faisant l’objet de ces transactions qui récupèrent ces sommes, mais des traders, le plus souvent implantés en Angleterre – on en a parlé hier : elles sont ainsi captées par la place anglaise, via des sortes de pique-assiettes qui viennent s’insérer pour faire la transaction de plus, qui permet de gagner un peu d’argent, mais qui ne sert à rien et nous échappe financièrement. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. Pascal Cherki. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte, pour soutenir l’amendement n422.

Mme Fanélie Carrey-Conte. Deux arguments pour défendre cet amendement présenté par plusieurs de nos collègues.

D’abord, nous avons rendez-vous ce matin avec notre cohérence – cela a déjà été souligné à plusieurs reprises au cours de ce débat. L’aide publique au développement est une question centrale, essentielle, liée à nombre de sujets d’actualité qui nous préoccupent depuis plusieurs mois. Si nous voulons agir efficacement, notamment sur la question des réfugiés, du réchauffement climatique, du conflit syrien – car des questions géopolitiques sont aussi en jeu –, il convient d’agir efficacement sur l’aide publique au développement, en permettant à notre pays de se doter d’une doctrine et d’outils solides et pérennes en la matière. Cela inclut des outils financiers, et nous avons là un outil qui nous permettrait d’aller beaucoup plus loin.

Ensuite, si nous ne progressons pas ce matin sur l’intégration des transactions intra-day dans l’assiette de la taxe sur les transactions financières, nous aurons le sentiment d’une terrible occasion manquée. Nous devons cesser de nous impuissanter ! Nous avons là, tout de suite, dans cet hémicycle, l’occasion d’agir concrètement sur deux volets à la fois, en augmentant les moyens de l’aide publique au développement et en luttant contre la volatilité de la finance spéculative. En dehors, nos concitoyens, et tous ceux qui nous regardent, ne comprendraient pas que nous renoncions à utiliser des outils que nous avons à portée de main. Avec ces amendements, nous avons l’occasion d’aller beaucoup plus loin en matière d’aide publique au développement. Il n’y a aucune raison de différer encore les choses ! Grâce à ce moyen, la France pourrait entraîner l’ensemble des autres pays européens. Alors, encore une fois, mes chers collègues, ne nous impuissantons pas, et adoptons ces amendements !

M. le président. La parole est à Mme Viviane Le Dissez, pour soutenir l’amendement n704.

Mme Viviane Le Dissez. Défendu.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n743.

M. Nicolas Sansu. On note quand même une unanimité sur nos bancs en faveur de l’élargissement de la taxe sur les transactions financières aux mouvements intra-journaliers.

M. Olivier Carré. Dans votre camp !

M. Nicolas Sansu. D’ailleurs, les votes de la commission des finances et de la commission du développement durable en sont l’expression – mais on verra bien ce qu’il adviendra.

Cet élargissement a un double objectif. D’abord, améliorer le rendement de la taxe, aujourd’hui très faible en regard de l’explosion des produits dérivés, en tout cas trop faible pour assurer l’aide au développement ; cela a été dit, je n’y reviens pas. Ensuite, limiter la volatilité des marchés : les produits dérivés pèsent plus de dix fois le produit intérieur brut mondial ! Vous rendez-vous compte de la folie des marchés financiers ? Une telle taxation aurait sans nul doute une conséquence, la diminution de ces mouvements – mais c’est précisément son deuxième objectif.

Dans un article publié il y a environ un an par Alternatives économiques, Jean Gadrey, l’économiste bien connu, montrait que la finance, cet ennemi sans visage, pesait cinquante à cent fois plus que l’économie réelle. Je ne pense pas que l’on puisse continuer longtemps comme cela. On a vu ce que cela a provoqué dans les années 2008-2010.

J’ai cru comprendre, en écoutant M. le ministre, qu’on allait nous conseiller d’attendre ; mais j’ai cru comprendre aussi, en écoutant M. le président de la commission des finances, que si l’on attendait, on risquait de reculer – le président de la commission des finances ayant présenté un amendement visant à supprimer la taxe sur les transactions financières. C’est bien connu : qui n’avance pas recule, monsieur le ministre ! Et puisque de nouvelles négociations sont prévues, vous devriez profiter de la force du Parlement pour avancer. Voilà l’objectif de l’élargissement de la taxe aux opérations intra-journalières. Adopter cette disposition aujourd’hui vous donnerait plus de force ; vous auriez ensuite tout le temps de la navette pour améliorer les choses.

M. Jean-Luc Laurent. Exactement !

M. le président. Sur les amendements identiques nos 230, 121, 242, 307, 422, 704 et 743, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Nous en avons fini avec les amendements identiques.

Un amendement est en discussion commune : l’amendement n370. Monsieur Alauzet, vous avez dit que vous l’aviez déjà défendu ?

M. Éric Alauzet. C’est en effet le cas. On sait vos intentions, monsieur le ministre, mais si l’on veut donner un signal à nos partenaires sans pour autant faire peser sur notre pays une pression excessive qui risquerait de le fragiliser, fixer une échéance un peu plus lointaine – l’amendement propose une entrée en vigueur le 1er septembre 2016 au lieu du 1er janvier – permettrait de conjuguer les deux impératifs : affirmer une volonté et se préserver de ce que vous craignez.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je vais répéter ce que j’ai dit en commission – je rappelle que la commission des finances a adopté l’amendement n230. Nous avions eu alors une discussion sur la faisabilité de l’extension de la taxe, qui n’a pas été reprise ce matin, mais qui est importante.

Je ne discuterai pas du fond : j’entends les arguments évoqués sur tous les bancs concernant l’aide au développement. La France étant la cinquième puissance économique mondiale, elle doit avoir un positionnement extrêmement fort sur le sujet ; elle l’a toujours eu, et elle doit continuer à l’avoir.

M. Jean-François Mancel et M. Jean-Marie Tetart. Elle ne l’a plus !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. S’agissant de la structuration des marchés financiers, la commission des finances mène sur le sujet une mission, qui va toucher à sa fin, portant notamment sur le poids de la finance de l’ombre, ce que l’on appelle le « shadow banking ». L’OCDE vient de publier une étude éclairante sur le sujet.

Le troisième point, qui n’a pas été du tout abordé ce matin, concerne la faisabilité de la mesure. Aujourd’hui, les transferts de titres se font par l’intermédiaire des chambres de compensation, c’est-à-dire que lorsqu’un titre passe de M. A à Mme B, c’est enregistré dans une chambre de compensation ; cela se fait tous les jours, le soir, c’est-à-dire une fois par jour. Les amendements identiques tendent à ce que la taxe s’applique même sans transfert de propriété du titre. Mais on fait comment ? Cela ne peut reposer que sur du déclaratif : s’il n’y a pas transfert de propriété du titre, qui va payer la taxe ? Mais si c’est du déclaratif, j’imagine qu’il y aura des contestations, car personne ne voudra payer – il faut pousser le raisonnement jusqu’au bout !

Donc : on fait comment ? Moi, franchement, je ne sais pas faire.

M. Jean-Marie Tetart. Pas encore !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. À l’heure actuelle, pour que la taxe s’applique, il faut qu’il y ait un transfert de propriété du titre, et cela passe par les chambres de compensation ; le soir, tous les établissements bancaires arrivent, on mouline et on dit : « Untel est propriétaire de tel titre ». Cette taxe a d’ailleurs un rendement significatif – je suis sur ce point en désaccord avec le président de la commission des finances : entre 700 et 900 millions d’euros.

Je voudrais en profiter pour poser une question au ministre des finances : la taxe sur les transactions financières figure à l’article 1er du contrat de coalition entre le SPD et la CDU, qui comporte 300 articles.

Monsieur le ministre, que disent nos partenaires et amis allemands à propos de cette mesure qui figure au premier article de ce que l’on pourrait appeler leur « contrat de mariage », et qu’ils peinent à mettre en œuvre ?

M. Charles de Courson. Pas de danger qu’ils le fassent !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La commission des finances a voté cet amendement, mais je pose à nouveau la question de la faisabilité d’un tel dispositif. En l’état actuel des choses, il ne pourrait pas être mis en œuvre.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Merci, monsieur le président. Vous savez que je suis très économe de ma parole. L’usage veut que le président de la commission des finances puisse lui aussi rendre compte des débats qui ont eu lieu au sein de la commission. C’est d’autant plus important que ce sujet est compliqué.

J’ai évoqué en commission un autre argument que Mme la rapporteure générale. Je m’empresse de préciser – parce que les procès d’intention, ça suffit – que j’ai voté pour la taxe sur les transactions financières en mars 2012. Je suis pour cette taxe, mais à une condition : qu’elle s’applique au niveau européen. Je le répéterai inlassablement ! Il faut d’ailleurs que M. le ministre nous dise où l’on en est à cet égard.

Au passage, pour compléter ce que vient de dire Valérie Rabault, je précise que nous avons rencontré à plusieurs reprises, depuis un an, nos collègues allemands de la commission des finances du Bundestag, toutes sensibilités confondues. Nos échanges m’ont profondément inquiété : j’ai constaté un véritable désaccord, entraînant une paralysie. Cela explique un paradoxe : depuis des années, cette taxe est inscrite comme une priorité du gouvernement de coalition, mais elle ne voit pas le jour.

J’en viens à l’argument que j’ai développé en commission des finances, et qui m’inquiète, monsieur le ministre. Parmi les transactions intra-day, il y a effectivement des transactions à caractère spéculatif, des allers-retours à haute fréquence, mais il y a aussi ce que l’on appelle l’activité de tenue de marché. Cette activité est indispensable au financement de nos entreprises, qui passera de plus en plus par les marchés financiers, compte tenu des exigences de fonds propres auxquelles les banques sont soumises.

Cela rejoint la préoccupation que j’ai évoquée tout à l’heure au sujet du règlement européen. Nous avons adopté, monsieur Germain, une loi de séparation bancaire – comme je l’ai dit tout à l’heure, bien que je n’ai pas voté cette loi, j’étais plutôt pour. À l’époque, on nous disait que cette loi était en harmonie avec le futur règlement européen. Aujourd’hui, on s’aperçoit que le projet de règlement exonère complètement, au nom du système Vickers – Christophe Caresche l’a dit tout à l’heure – les banques britanniques, les filiales américaines de banques d’affaire, sans que l’on sache pourquoi, et même la structure de faîtage des caisses d’épargne allemandes. Nous sommes donc les seuls à risquer d’être victimes de ce règlement !

Que se passera-t-il ? Si nous assujettissons les transactions intra-day à la taxe sur les transactions financières, nous pénaliserons le financement de nos entreprises par les marchés, financement qui se développe. Ainsi, nous nous rendrons dépendants de banques américaines pour financer nos propres entreprises ! Imaginez que la crise frappe de nouveau : en 2008 et 2009, par exemple, les banques américaines se sont tout de suite désengagées de certains secteurs, et elles ont d’abord sacrifié les activités de financement en Europe, avant les activités américaines. Il y a là aussi un problème de souveraineté quant au financement de nos entreprises.

J’en terminerai en évoquant un dernier point, dont nous avons longuement discuté, toujours à propos des transactions intra-day. La taxe rapporte de 700 à 800 millions d’euros – je ne le conteste pas. Je ne conteste aucun des arguments de MM. Mancel et Tetart sur le financement de l’aide au développement : je suis même d’accord avec eux. Quoi qu’il en soit, comme l’a dit tout à l’heure M. le ministre à juste titre, il y a aujourd’hui un équilibre parce que le stamp duty s’applique à Londres. Mais les transactions intra-day n’entrent pas dans l’assiette du stamp duty !

Si votre proposition était mise en œuvre, elle se retournerait contre vos espérances car l’assiette de la taxe s’évaporerait, et dès 2016 le rendement de la TTF serait inférieur.

Nous avons donc eu un débat approfondi à cet égard en commission et, une fois de plus, je suis assez proche des positions de Mme la rapporteure générale.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Monsieur le président, vous m’autoriserez à prendre quelques minutes de plus dans ce débat, compte tenu du nombre d’amendements en discussion commune sur lesquels je dois me prononcer, et du nombre d’orateurs qui se sont exprimés. Je vous en remercie d’avance.

Il faut d’abord nous mettre d’accord sur plusieurs points. Le débat actuel ne porte pas – me semble-t-il – sur le niveau de l’aide au développement. À ceux qui m’ont demandé si nous allions augmenter le niveau de l’aide au développement par rapport au budget tel qu’il a été présenté, je répondrai oui. À la question : « Le ferez-vous en augmentant la part de la taxe actuelle sur les transactions financières qui lui sera affectée ? », ma réponse est à nouveau oui.

Vous pourrez en débattre : si certains veulent que cette part augmente, ou que la totalité du produit de la taxe sur les transactions financières actuelle soit affectée à l’aide au développement, ils pourront le proposer au moment où l’Assemblée examinera la mission « Aide publique au développement ».

Je tenais à le dire clairement, car beaucoup d’entre vous abordent ce débat en disant que l’extension de la taxe sur les transactions financières permettra d’augmenter le montant que la France met au service du développement. Je comprends cet argument, mais la question n’est pas de savoir à quoi utiliser le produit de cette taxe : c’est de trouver comment faire pour qu’elle soit efficace sans nuire à l’économie.

Ensuite, notre débat ne porte pas sur le règlement dont les instances européennes sont en train de discuter. Je vous propose de vous rapporter à ce qui a été décidé par le Conseil de l’Union européenne. Ce projet de règlement, tel que le Conseil de l’Union européenne l’a proposé, en accord avec la Commission européenne, ne présente pas les inconvénients que vous décrivez. Il y a à présent des débats au Parlement européen, car dans ce domaine il faut des « trilogues » – pour utiliser l’un de ces termes un peu barbares qui sont très utilisés au niveau européen. Quoi qu’il en soit, la position du gouvernement français a été adoptée en Conseil des ministres, et ne présente pas les inconvénients que vous décrivez.

Venons-en à présent à la taxe sur les transactions financières, et à son extension aux transactions intra-journalières – pour parler français – dans le domaine des actions. Il ne s’agit pas, en effet, d’étendre cette taxe à d’autres types de produits, quoique je sois favorable, pour ma part, à une telle extension – et je pense que vous l’êtes aussi.

La position française est celle que je défends au sein du groupe de onze pays qui sont en train de se mettre d’accord pour étendre la taxe sur les transactions financières. Parmi ces pays, on compte l’Allemagne, la France, l’Italie et l’Espagne. Ces quatre pays représentent à eux seuls de 60 % à 65 % du PIB européen. Les très grandes nations de l’Union européenne, et plus particulièrement de la zone euro, travaillent donc en commun pour aboutir à une taxe sur les transactions financières commune, dans des conditions comparables – pour ne pas dire identiques.

Ce dont nous débattons, c’est bien de l’opportunité d’inclure les transactions intra-day dans le champ de cette taxe. Je précise dès maintenant que je suis favorable à une taxation des transactions intra-journalières. J’ai défendu cette position personnellement, et – je ne crois pas trahir un secret en vous l’annonçant – c’est ce vers quoi nous nous dirigeons, à onze. Quand les onze pays concernés se seront mis d’accord, ces transactions intra-journalières seront taxées : il me paraissait utile de le préciser.

Elles seront taxées, certes, mais à deux conditions. Mme la rapporteure générale a très bien décrit la première condition. Si l’on décidait, pour donner l’exemple, d’élargir notre taxe sur les transactions financières à partir du 1er janvier prochain, ce serait impossible, car nous ne savons pas faire cela à l’heure actuelle. En effet, on ne peut pas comptabiliser ces transactions de la même manière que celles sur les actions, qui sont aujourd’hui enregistrées d’une manière assez simple. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a aucun moyen de taxer les transactions intra-journalières, mais il faut pour cela monter des dispositifs d’échanges d’informations très complexes qui ne peuvent être créés en l’espace de quelques semaines.

De toute façon, il n’est pas possible de taxer ces transactions à partir du 1er janvier prochain. Quand bien même vous adopteriez une telle disposition, elle serait matériellement impossible à mettre en œuvre. Vous demandiez, monsieur Alauzet, à quel horizon cela sera possible. Au niveau européen, nous visons le 1er janvier 2017. Puisque nous nous mettrons d’accord sur le dispositif d’ici à la fin de cette année, et je pense même d’ici à la fin du mois de novembre, il sera bientôt connu. Dès lors, tous les pays concernés pourront travailler sur les modalités techniques afin que cette nouvelle taxe sur les transactions financières entre en application.

Pardonnez-moi l’expression, mais vous pouvez toujours vous faire plaisir en adoptant aujourd’hui un amendement afin que la nouvelle taxe entre en application dès le 1er janvier prochain, mais cela ne se fera pas. Cela pourra se faire à une date ultérieure, et en coordination avec le niveau européen ; ce sera techniquement possible, mais cela demandera un gros travail.

La seconde condition est la suivante : nous ne devons pas être les seuls à agir.

M. Olivier Carré. C’est fondamental !

M. Michel Sapin, ministre. À l’heure actuelle, nous ne sommes pas les seuls à avoir mis en place une taxe sur les transactions financières dans le domaine des actions. Vous la comparez à celle qu’a mis en place le Royaume-Uni, et vous avez raison de le faire. Mais y a-t-il aujourd’hui en Europe des pays qui taxent les transactions intra-journalières ? Deux pays le font, le Royaume-Uni et la Belgique, mais leur système admet une exception : les transactions intra-journalières réalisées par des institutions financières ne sont pas concernées. Pour le dire autrement : les transactions intra-journalières de Mme Michu qui s’amuse sur son ordinateur plusieurs fois par jour à acheter et vendre sont taxées, et les autres ne le sont pas.

Je dis cela à l’intention de ceux qui seraient tentés de nous dire : « Oui, mais cela existe ailleurs. » Qu’ils sachent bien comment fonctionne, en réalité, ce qui existe ailleurs ! Cela signifie que si nous mettions en place cette taxation aujourd’hui, nous serions les seuls à le faire.

M. Olivier Carré. Exactement !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. C’est ce que je disais ! Et à cause de cela, l’assiette s’évaporerait !

M. Michel Sapin, ministre. En effet, le risque de transfert des activités financières et d’évaporation de l’assiette serait considérable. Il serait même tel qu’il porterait non pas seulement sur les transactions intra-journalières, mais sur toutes les transactions, alors que dans le système actuel, nous évitons ce danger. Je crois que cette taxe sur les transactions financières rapporte un peu plus de 1 milliard d’euros : si nous élargissions seuls son assiette, son produit diminuerait, et je pense que personne ici ne souhaite cela.

Je terminerai mon intervention en posant la question suivante : quelle est la bonne bataille ? Je comprends les réactions de ceux qui attendent cela depuis longtemps ; j’ai entendu l’un d’eux dire : « C’est l’Arlésienne. » Mais la bonne bataille, c’est celle que nous menons dans le cadre de cette coopération renforcée. La France aurait souhaité que les vingt-huit pays de l’Union européenne agissent ensemble. Mais vous savez que dans le domaine fiscal, c’est la règle de l’unanimité qui prévaut. Quand nous avons voulu avancer à vingt-huit, l’un des pays – un pays entouré d’eau – a levé le doigt pour dire qu’il n’était pas d’accord, ce qui a tout bloqué.

En revanche, nous avons trouvé onze pays – dont les quatre grands que j’ai cités – qui sont d’accord pour y travailler dans le cadre d’une coopération renforcée. Pendant plusieurs mois, cela a patiné. Depuis le début de cette année, et en particulier grâce au travail du ministre des finances autrichien, cela avance. Cela avance même vite ! Au mois de novembre prochain aura lieu une rencontre très importante entre ces onze pays. Cette rencontre doit permettre de nous mettre d’accord sur l’ensemble du dispositif : il sera question non pas simplement des transactions intra-journalières – j’ai déjà dit que j’y étais favorable, et que les autres pays s’orientaient aussi dans cette direction – mais aussi d’autres produits financiers, tout particulièrement les produits dérivés. Dans ce domaine également, il y a beaucoup de transactions : les taxer permettrait d’augmenter le rendement de la taxe. Cela permettrait aussi de réguler un peu ces transactions, car beaucoup d’échanges sont uniquement spéculatifs.

Je prends donc acte de votre volonté, qui est largement partagée puisqu’elle s’exprime sur d’autres bancs que ceux de la gauche. Je vous propose d’accompagner le gouvernement français qui travaille au sein du groupe de onze pays sur ce sujet, mais je vous engage à ne pas adopter ces amendements visant à mettre en place une taxe sur les transactions financières intra-journalières au 1er janvier prochain. Ce serait vain, car cette taxe ne pourrait pas être appliquée, et cela encouragerait les délocalisations, ce qui ne me semble pas utile. Faites donc passer votre message, dites que vous êtes favorables à cet élargissement de la taxe sur les transactions financières, comme le Parlement européen, et que vous soutenez la position du Gouvernement et du Président de la République – qui l’a exprimée avec beaucoup de force.

Le Président de la République souhaite que cette taxe ait une base large, avec des taux adaptés, pour pouvoir ensuite financer les pays en développement, afin de les aider dans leur bataille contre le réchauffement climatique. Voilà la position française ! Je tiens tellement à cette position que je ne voudrais pas qu’on l’abîmât par précipitation, partant de bonnes intentions que je respecte totalement, mais qui risqueraient de nuire à son efficacité.

M. Dominique Baert. Très bien !

M. le président. Sans vouloir trop simplifier votre discours, monsieur le ministre, j’en déduis que l’avis du Gouvernement est défavorable !

M. Michel Sapin, ministre. J’ai pourtant cherché à ne pas être désagréable !

M. le président. Vous êtes un certain nombre à vouloir vous exprimer dans ce débat, chers collègues, mais je rappelle qu’il nous reste 340 autres amendements à examiner. Je vous invite donc à la concision, et à respecter la limite des deux minutes par intervention.

La parole est à M. Mathieu Hanotin.

M. Mathieu Hanotin. Cosignataire de l’un des amendements en discussion, je ne reviendrai pas sur l’usage du produit de la taxe – même si je souscris à certaines analyses à ce sujet –, car cela nous mènerait dans des considérations un peu aléatoires.

En réalité, il faut surtout s’interroger sur le bien-fondé même de cette taxe.

M. Alain Fauré. Oui !

M. Mathieu Hanotin. Les transactions intra-journalières, ne l’oublions pas, ont été à l’origine de la déstabilisation du système financier mondial en 2008. Depuis, des avancées ont été obtenues au niveau mondial en termes de régulation, on peut le reconnaître avec lucidité, mais elles demeurent insuffisantes ; si bien que le monde de la finance et du trading à haute fréquence a repris du poil de la bête. La régulation est donc plus que jamais nécessaire ;…

M. Olivier Carré. Mais les solutions que vous proposez ne sont pas adaptées !

M. Mathieu Hanotin. …aussi la taxe serait-elle bénéfique pour la stabilité du système financier international.

Nous parlons de transactions journalières multiples qui, à ma connaissance, n’apportent pas de ressources aux entreprises et ne financent pas l’économie réelle.

M. Olivier Carré. Si !

M. Mathieu Hanotin. Vous dites, monsieur le ministre, qu’on ne pourrait appliquer la taxe dès le 1er janvier 2016 ; mais j’espère que l’on en a quand même quelques idées, dès lors que l’on en discute avec nos partenaires européens.

M. le président. Merci de conclure.

M. Mathieu Hanotin. De fait, on peut discuter de délais de mise en œuvre, que la date soit repoussée en mars, avril, mai ou juin 2016.

M. le président. Merci, monsieur Hanotin.

M. Mathieu Hanotin. La France a besoin de cette exemplarité. Je termine, monsieur le président, en posant la question : si nous ne mettons pas en œuvre la taxe maintenant, quand le ferons-nous ?

M. le président. La parole est à M. Benoît Hamon.

M. Benoît Hamon. Je serai bref. Je me réjouis de la position du ministre de l’économie…

M. Michel Sapin, ministre. Des finances !

M. Benoît Hamon. Des finances, veuillez m’excuser : vous ne m’en voudrez pas d’avoir élargi votre portefeuille…

Je me réjouis, disais-je, que vous soyez favorable à l’extension de la TTF aux transactions intra-journalières : cela règle la question de savoir si la mesure est techniquement applicable ou non. Si elle ne l’était pas, on imagine mal Bercy y être favorable, même si tout est possible…

M. Michel Sapin, ministre. Il faut le temps !

M. Benoît Hamon. En effet, et je puis le comprendre. Dès lors, la seule question est de fixer la date de mise en œuvre. Je le dis à mes collègues, non seulement de la majorité, mais de tous les bancs de notre assemblée : nous parlons d’une décision du Parlement. Le Gouvernement a ses propres contraintes ; il négocie au niveau européen et dialogue avec les institutions financières, ce qui rend l’équilibre plus difficile pour lui.

Mais il nous revient de nous prononcer sur l’augmentation du rendement de la taxe au bénéfice de l’aide au développement.

La question des migrants a récemment été au cœur du Conseil européen, et je reviens moi-même du Liban, où je me suis rendu au nom de l’Assemblée ; j’y ai visité un camp de réfugiés, lesquels sont au nombre de 1,2 million dans ce pays. Le Programme alimentaire mondial – PAM – et le Haut commissariat aux réfugiés – HCR – ne parviennent pas à répondre à 50 % des besoins des populations. La contribution du PAM se réduit aujourd’hui à 13 dollars par jour et par mois.

La réalité est que les moyens doivent être considérablement accrus pour permettre aux réfugiés de vivre correctement. C’est de cela que nous parlons, mes chers collègues : voulons-nous, oui ou non, augmenter le rendement d’une taxe pour financer l’aide au développement et permettre aux migrants de rester là où ils sont ?

Si le problème est d’ordre seulement technique, je suis d’accord pour un report de la mise en œuvre du 1er janvier au 1er juillet 2016, voire au mois de septembre, comme le propose M. Alauzet avec son amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Mancel.

M. Jean-François Mancel. Je ne suis pas indifférent à vos arguments, monsieur le ministre, mais je vous demande un effort supplémentaire.

Pourquoi ne pas affecter, disiez-vous, l’intégralité du produit de la TTF à l’aide publique au développement ? Pour que le Président de la République puisse tenir son engagement – je parle du dernier, puisqu’il en a annoncé d’autres, presque tous les ans, sans en tenir aucun – d’augmenter l’aide au développement de 4 milliards d’euros en cinq ans, il faudra trouver 800 millions par an.

L’amendement que vous défendrez, au nom du Gouvernement, à l’article 14 n’est assurément pas suffisant de ce point de vue : à peine permettra-t-il de maintenir une certaine stabilité des crédits alloués en 2016, au regard de l’effondrement précédent. Allez plus loin et dites-nous, si vous voulez qu’on vous suive, que vous déposerez un nouvel amendement, ou sous-amenderez celui dont j’ai parlé, pour augmenter le montant de ces crédits.

C’est en effet l’honneur et la grandeur de la France d’avoir une aide publique au développement importante ; et pour ce faire, il convient de relever le niveau de l’aide actuelle, dont le niveau, je le répète, s’est effondré. Merci d’avance, monsieur le ministre, pour cet effort supplémentaire.

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Je serai bref également, le débat étant bien engagé et le ministre ayant donné des arguments convaincants.

Vous avez raison, monsieur Giraud, il s’agit d’anticiper. Mais quelle serait la conséquence de cette anticipation ? Êtes-vous capable de mesurer, s’agissant de produits hautement volatils et délocalisables du jour au lendemain, l’impact de votre amendement sur la place financière de Paris ? La réponse est non.

La seule Société générale – je ne connais pas les chiffres pour les autres banques – emploie 15 000 personnes à La Défense. Je ne me hasarderai pas à voter un amendement sans connaître précisément ses conséquences sur l’emploi au sein de la place de Paris.

Je comprends les discours sur le volontarisme et les signaux politiques, mais les décisions que nous prenons, ne l’oublions pas, se traduisent sur le terrain économique et touchent un certain nombre de personnes. Je m’opposerai à votre amendement, car vous n’êtes absolument pas en mesure de nous exposer ses conséquences sur des activités essentielles au financement des entreprises, non plus que sur ceux qui vivent de ces activités.

M. Olivier Carré. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Olivier Faure.

M. Olivier Faure. Notre pays exprime une défiance à l’égard de sa classe politique ;…

M. Nicolas Sansu. Exactement !

M. Olivier Faure. …et cette défiance tient notamment au sentiment que l’on sait toujours comment taxer les petites gens…

M. Olivier Carré. De fait, vous les taxez beaucoup !

M. Olivier Faure. …mais pas les « gros poissons ».

Vous avez en la matière, monsieur Carré, un bilan qui devrait vous inciter à m’écouter davantage, bilan qui, au reste, conduit trop souvent les électeurs à nous confondre, à tort.

M. Olivier Carré. Non, ils ne nous confondent pas !

Mme Marie-Christine Dalloz. Ils ont compris !

M. Olivier Faure. Je veux revenir sur les acquis du débat. M. Sapin a d’abord déclaré, même si cela mérite quelques précisions, que la part de l’APD dans la TTF pouvait être augmentée ; mais sa position est un peu ambiguë puisqu’il a suggéré que cette proposition pourrait venir du Parlement. J’aimerais donc connaître la position du Gouvernement. Est-il prêt à un geste vraiment significatif qui, sans dédier l’intégralité de la TTF à l’APD, en augmenterait la part et, si oui, de combien ?

S’agissant de la taxation des transactions intra-day, je fais miennes les suggestions de Benoît Hamon : le projet, loin d’être fou, fait actuellement l’objet de négociations avec nos partenaires. Il est donc réaliste de penser qu’une avancée est possible.

Il y a, dès lors, deux façons de procéder. La première, qui est celle retenue jusqu’à présent par l’actuelle majorité, correspond aussi à la position naguère défendue par Christian Eckert lorsqu’il était rapporteur général du budget.

M. le président. Merci de conclure.

M. Olivier Faure. Celui-ci avait alors défendu un amendement similaire, avant de le retirer au bénéfice des explications du Gouvernement, tout en ajoutant qu’il ne le retirerait « pas éternellement ».

Devons-nous, aujourd’hui, retirer à nouveau les amendements en se disant que la mesure verra de toute façon le jour, ou bien soutenir le Gouvernement en exprimant la volonté du Parlement français à nos partenaires européens ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Ça ne suffit pas !

M. le président. Merci, monsieur Faure.

M. Olivier Faure. Je suis également d’accord avec Benoît Hamon sur la possibilité de différer la date d’entrée en vigueur de la mesure, dès lors que celle du 1er janvier 2016 paraît irréaliste, comme l’a indiqué M. le ministre. Que cette date soit reculée au 1er juillet, au 1er septembre ou au 1er janvier 2017, peu importe ; mais il me semble important de manifester une volonté claire afin de permettre au Gouvernement d’avancer. Chacun doit en effet comprendre que nous ne sommes pas les mercenaires bénévoles d’une cause qui n’est pas la nôtre.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Caullet.

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur pour avis. Évitons de passer du vertige de la toute-puissance à celui d’une prétendue impuissance.

Je comprends les inquiétudes qui se sont exprimées sur l’aspect technique, comme je comprends la nécessité d’une coordination européenne mais, à ce stade, si nous ne prenons pas position en faveur d’une avancée, nous donnerons l’impression de ne pas la vouloir. Malgré la volonté affichée par le Gouvernement dans la négociation, il y a en effet un consensus pour ne pas avancer sur le sujet.

Donnons-nous un an pour travailler, comme l’a suggéré Olivier Faure, de façon que notre décision devienne subsidiaire en cas de succès de la négociation.

Le chemin pris par la taxe actuelle obéit au principe d’un taux zéro puis d’une mise en œuvre. Mais une entrée en vigueur au 1er janvier 2017 nous laisserait, de même que la navette, tout le temps voulu pour réfléchir aux modalités. On pourrait tout à fait, monsieur le président de la commission des finances, envisager une franchise pour préserver une activité effectivement intéressante, tout en mettant un frein à la finance déconnectée de l’économie réelle.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Germain.

M. Jean-Marc Germain. Je me félicite de la position très claire du Gouvernement et des bonnes nouvelles qu’il nous annonce, qu’il s’agisse de la hausse de l’aide au développement – même si une ressource plus abondante permettrait d’aller plus loin –, ou de la volonté de pousser la position française sur la taxation des transactions intra-day et des produits dérivés.

Troisième bonne nouvelle : tout cela est faisable techniquement, même si cela nécessite un peu de temps.

À ce stade, je voudrais dire deux choses.

D’une part je m’associe ce qu’a dit Benoît Hamon : la responsabilité du Gouvernement et sa démarche au niveau européen, dans le cadre de la coopération avec les onze pays, sont essentielles.

D’autre part, le Parlement français doit prendre position et celle-ci n’a pas à se confondre avec celle du Gouvernement mais doit se conjuguer avec elle et la renforcer.

Je suis assez sensible à l’argument selon lequel il faut du temps pour que les choses soient faisables techniquement. Dès lors repoussons la date d’application, peut-être pas à 2017, car les Français risquent de se dire que ce sera une nouvelle période de notre vie publique, mais au 1er juillet 2016 ou – comme le propose notre collègue Alauzet dans son amendement – au 1er septembre 2016.

Au fond, ce dont on parle avec ces amendements, c’est de notre avenir commun dans un monde qui est en panne à cet égard au niveau tant national que local. Au fond, la question est de savoir comment faire pour que la finance serve l’économie réelle et les projets à long terme ? Et là je m’inscris en faux contre les propos tenus par l’un de nos collègues : nous devons nous préoccuper de notre secteur bancaire bien sûr, mais le vote de ces amendements permettra notamment de réorienter la finance vers les petites et moyennes entreprises.

M. Olivier Carré. C’est n’importe quoi !

M. Jean-Marc Germain. Aujourd’hui, ces entreprises frappent tous les jours à la porte des banques pour s’entendre dire : « Non, ce n’est pas possible. Nous n’avons pas d’argent pour aider vos projets, même s’ils sont bons. » Combien d’emplois perdons-nous à cause de cela ?

Voilà ce qu’il faut avoir en tête au moment de voter ces amendements. Je souhaite que tous ensemble, dans cet hémicycle, nous puissions nous rallier à l’amendement qui fixe une date courant 2016 ce qui, au fond, confortera notre ministre dans ses négociations.

M. le président. La parole est à M. Laurent Baumel.

M. Laurent Baumel. Prenons acte, d’abord, que dans ce débat, personne n’a osé dire que la cause de l’aide au développement n’était pas suffisamment légitime pour que l’on taxe des activités financières qui le seraient.

Que reste-t-il, finalement, comme objections ? L’argument classique de l’effet pervers qu’Albert Hirschman avait identifié, en son temps, comme une des ressources argumentatives de la rhétorique réactionnaire dont Christophe Caresche vient encore de donner un exemple. Je le résume : votre intention est généreuse, mais vous allez, en la mettant en œuvre, dans le sens inverse de vos intentions puisque vous allez détruire des emplois et cela sera catastrophique.

M. Dominique Lefebvre. C’est scandaleux !

M. Laurent Baumel. Cet argument ne tient pas, pour les raisons qui ont été expliquées par le ministre lui-même : si onze pays européens réfléchissent aujourd’hui à la mise en œuvre de cette mesure, c’est bien qu’elle n’est pas si absurde que cela, et qu’elle doit être réalisable.

M. Christophe Caresche. Pour les onze, oui !

M. Laurent Baumel. S’il faut que les techniciens, les bureaux et les experts trouvent la bonne date pour rendre cette mesure réalisable, choisissons en effet une telle date.

M. Olivier Carré. Il faut changer de siècle !

M. Laurent Baumel. Mais ici, dans l’enceinte de l’Assemblée nationale, exprimons ce que nous devons exprimer : la volonté politique de la nation. Eh oui, monsieur Carré, je crois, moi, à la France et à sa grandeur. Je me souviens qu’il est arrivé, au cours de l’histoire, que la France soit la première, et il est même arrivé qu’elle soit la seule : c’est pour cela qu’on l’aime dans le monde entier, qu’elle a fait battre des coeurs et qu’elle continue à en faire battre.

Alors, aujourd’hui, ici, dans l’hémicycle, soyons Français !  Soyons des députés français et montrons l’exemple de ce qu’il faut faire !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il faut, sur ce sujet, rappeler quelques évidences. Je ne sais pas, chers collègues, si vous avez clairement entendu, tout à l’heure, la rapporteure générale, mais elle a dit une chose sur le fond, et elle a rappelé les faits : ces amendements affaibliront juridiquement la taxe sur les transactions financières. En effet, c’est le transfert de propriété des titres qui est aujourd’hui l’élément déclencheur de cette taxe. Or les amendements visent à supprimer cette notion, ce qui aura pour effet d’affaiblir juridiquement l’effet de la TTF.

Ensuite, certains de nos collègues ont cité l’exemple de la Grande-Bretagne. M. le ministre a très judicieusement rappelé, tout à l’heure, que la Grande-Bretagne avait instauré une taxe, mais elle en a exonéré tous ses intermédiaires financiers. Cet exemple n’est pas probant, car le système bancaire anglo-saxon a ainsi été renforcé, et le nôtre, parallèlement, affaibli.

Il ne faut pas se tromper : vous voulez flécher cette recette supplémentaire vers l’aide au développement. C’est un objectif très louable, et l’on ne peut que le partager. Mais l’effet obtenu sera contraire à celui recherché : vous allez tellement affaiblir ce dispositif que les transactions partiront à l’étranger. Je rappelle que lorsque la taxe sur les transactions financières a été mise en œuvre, 20 % de celles qui se pratiquaient en France sont, du jour au lendemain, parties à l’étranger. C’est une réalité. Plutôt que d’accroître le produit de cette taxe, vous allez donc l’affaiblir et cela ne servira pas le développement.

Dernier élément, vous allez renchérir le coût du capital. Et dans le contexte économique actuel où l’accès au capital pour notre économie ainsi que pour le financement du budget de l’État et de nos collectivités est fondamental, je ne pense pas que ce soit une bonne chose. Pour toutes ces raisons, ces amendements doivent être rejetés.

M. le président. La parole est à M. Pascal Cherki.

M. Pascal Cherki. Deux remarques très brèves. Tout à l’heure, notre rapporteure générale a posé une question : il faut y répondre pour mettre un terme aux interrogations de certains collègues. Ayant été l’auteur de l’amendement adopté par la commission des finances, je prends ce débat très au sérieux.

D’abord, une instruction fiscale existe aujourd’hui. Sans vous en donner lecture in extenso, sa conclusion est la suivante : « Seul le solde net des acquisitions en fin de journée » – c’est-à-dire les transactions nettes – « est soumis à la taxe ». Il suffirait donc tout simplement de la modifier, une fois que cet amendement aura été voté.

Afin d’étendre la taxe aux transactions intra-journalières, il suffirait d’appliquer la taxe dès qu’il y a comptabilisation du titre sur le compte-titre de l’acquéreur, même si ce titre est revendu par la suite. Nous n’allons cependant pas entrer ici dans un débat entre députés sur la façon de rédiger une instruction fiscale, car c’est le rôle des pouvoirs publics.

Ensuite, le ministre a dit que le Gouvernement était favorable à l’élargissement du champ de la taxe sur les transactions financières aux transactions intra-day. Et il a indiqué que le processus se ferait au niveau européen, mais que le soutien des parlementaires était nécessaire. Il pense néanmoins que la meilleure manière de manifester notre soutien est de le faire de manière orale, sans l’inscrire dans un texte.

Le ministre a également indiqué que si, par extraordinaire, ces amendements étaient adoptés, et même s’il n’est pas en désaccord sur le principe politique, il ne serait pas capable de mettre en œuvre cette mesure au 1er janvier 2016. J’entends cet argument : je ne suis pas favorable au vote de textes virtuels.

S’il ne s’agit que d’un simple problème de délai, compte tenu de l’importance de la cause et du nombre d’années pour lesquelles nous nous battons, je suis prêt, dans la mesure où nous raisonnons par exercice budgétaire à accepter le report de l’application de cette disposition au 1er janvier 2017.

Si le Gouvernement a besoin d’une année – qui lui permettra de mener la bataille européenne – nous pouvons la lui donner. Cela me paraît normal. Mais pour que nous soyons parfaitement convaincus de votre détermination, monsieur le ministre, il faut que le Gouvernement donne aujourd’hui, avant le vote dans l’hémicycle, une indication de date.

M. le président. La parole est à Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. Je le disais en introduction à ce débat budgétaire, cela fait trente et un ans que l’on explique aux écologistes qu’on ne peut pas faire ou que l’on ne pourra faire que plus tard. Je retrouve, ce matin, les mêmes arguments qui nous sont servis à chaque fois pour ne pas faire.

Le premier registre d’arguments, incarné ce matin par le président de la commission des finances, revient à dire qu’il faut agir au niveau international, pour des raisons de compétitivité. Le second, également assez classique, porte sur l’infaisabilité technique : à ma grande surprise, il a été incarné ce matin par la rapporteure générale.

M. Michel Sapin, ministre. Elle a eu raison.

Mme Eva Sas. Je répondrai à cela en disant que nous pouvons – et même nous devons – faire au niveau français, car nous devons donner l’impulsion à la négociation au niveau européen. Nous devons donner l’exemple pour donner une impulsion à l’ensemble des pays européens qui souhaitent mettre en place cette taxe sur les transactions financières incluant les transactions intra-day.

S’agissant de la faisabilité, comme l’a très bien dit Pascal Cherki, si la question ne porte que sur la manière de comptabiliser, il suffit de ne retenir que le compte-titre de l’acquéreur. Il existe donc une possibilité technique de suivre ces transactions et de les prendre en compte.

Si la question est celle de la date d’entrée en vigueur, comme cela a également été dit à plusieurs reprises, il est possible de prévoir la mise en place de cette taxe sur les transactions financières incluant les transactions intra-day au 1er septembre 2016 – mon collègue du groupe écologiste Éric Alauzet a déposé l’amendement n370 qui va dans ce sens et que je vous invite à voter. Il est donc tout à fait possible d’ici là de mettre en place les éléments techniques nécessaires pour la comptabilisation et la faisabilité.

Je conclus en disant qu’on ne peut donner l’impression aujourd’hui de faire preuve de perméabilité à l’égard de la défense des intérêts des milieux bancaires. De nombreux citoyens nous regardent – peut-être l’Europe nous regarde-t-elle également – pour savoir quel signal nous allons donner et quelle relation nous entretenons avec ces milieux bancaires.

Si ce matin nous donnons le signal – c’est-à-dire une impulsion – que nous pouvons faire et qu’il existe une volonté effective de mettre en place cette taxe sur les transactions financières en incluant les transactions intra-day, nous aurons montré que la volonté du politique se sera affirmée contre les intérêts des milieux bancaires.

Au moment où va s’ouvrir la COP21, il y a également un signal à envoyer s’agissant du financement de l’aide au développement et tout particulièrement de l’adaptation au changement climatique des pays du Sud. Il s’agit d’un moment historique, et nous devons être au rendez-vous de l’histoire.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Monsieur le ministre, comme le disait Oscar Wilde : « La sagesse c’est d’avoir des rêves suffisamment grands pour ne pas les perdre de vue lorsqu’on les poursuit ».

M. Michel Sapin, ministre. Je ne suis que ministre ! (Sourires.)

M. Nicolas Sansu. L’objectif et l’honneur de la France, sans parler de la gauche seule, est de pouvoir porter des projets et des dispositions dont l’universalité tient dans l’exemplarité.

M. Hervé Mariton. C’est bien d’en avoir les moyens.

M. Nicolas Sansu. Telle est, d’abord, la réalité. Je ne reviendrai pas sur l’exigence de cette taxe sur les transactions financières portant sur les transactions intra-day, car cet aspect a été largement développé.

C’est la quatrième fois que cette disposition vient en discussion. Et aujourd’hui, deux ans après sa première présentation par le rapporteur général d’alors, aujourd’hui secrétaire d’État au budget, on nous dit que cela ne serait pas encore possible techniquement.

Je n’ose pourtant pas croire que dans les services, personne n’a travaillé pour faire en sorte que l’assiette de cette nouvelle taxe soit définie. Je n’ose croire qu’en deux ans ce travail n’a pas été fait, alors même que l’on nous dit que la France travaille à l’élargissement de la taxe sur les transactions financières.

Monsieur le ministre, je n’ose pas croire que ce travail n’a pas été fait. Si c’est le cas, c’est de la négligence. Je n’ose pas croire que, pendant ces deux années, nous n’avons pas mené de front ce travail et celui que nous faisons avec nos partenaires européens pour examiner la faisabilité technique de cette disposition.

Je vous connais, monsieur le ministre, et je sais que vous êtes un négociateur talentueux. Nous allons, sans doute, rejeter cette série d’amendements identiques – quant à moi, je voterai pour car je pense qu’il ne faut jamais lâcher la proie pour l’ombre –, mais l’amendement n370 prévoit de fixer une date d’application au 1er septembre 2016. Je vous annonce que mon groupe a demandé un scrutin public non seulement sur la série d’amendements identiques, mais également sur cet amendement n370.

Nous verrons donc bien si la volonté des uns et des autres se résume à une question de mise en œuvre technique, ou si elle est réellement politique.

M. le président. Cela tombe bien, monsieur Sansu, car je m’apprêtais à faire l’annonce : sur l’amendement n370, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, je trouve ce débat intéressant mais extrêmement confus. Il est confus parce que l’on confond la chute, depuis plusieurs années, des sommes affectées à l’aide au développement et la nécessité d’augmenter les crédits et les aides consacrés aux réfugiés avec cette taxe.

On peut parfaitement augmenter l’aide au développement et la taxe sur les transactions financières en faisant des choix à l’intérieur du budget tel qu’il est. Je rappelle que nous connaissons un déficit qui est encore considérable.

Deuxième remarque : certains justifient cette taxe comme un moyen de lutter contre la finance folle. Mais il existe bien d’autres moyens de le faire, comme l’interdiction d’un certain type de transactions, l’encadrement, et bien d’autres choses. Croire que la TTF est le nec plus ultra de la lutte contre la finance folle est une illusion.

Troisième remarque : cette taxe ne peut être créée que dans le cadre d’un accord européen extrêmement large, beaucoup plus large que les onze pays dont nous avons parlé. Sinon, elle se retournera contre nous et non seulement elle ne rapportera rien, mais elle fera perdre le peu qu’elle rapporte actuellement.

Cette position est la position allemande, plus exactement celle exprimée dans l’accord CDU-CSU-SPD.

Voici ce que dit cet accord : « L’instauration d’une taxe sur les transactions financières, à l’échelon européen, renforce la participation du secteur financier au coût de la crise et à ses enjeux d’avenir que sont la croissance et l’emploi. »

Les Allemands eux-mêmes sont conscients que cela ne peut être que dans un cadre européen.

Laissons donc les représentants des États négocier, mais n’ayons aucune illusion, parce que la coopération renforcée à onze évoquée par le ministre est tout à fait insuffisante. Tant que vous n’aurez pas les Anglais et les Luxembourgeois, vous ne ferez que leur servir la soupe. C’est l’extrême danger. Certains parlent d’exemplarité, il faut aussi du réalisme.

En conclusion, je voterai contre ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Dominique Lefebvre.

M. Dominique Lefebvre. Je tiens d’abord à rappeler que nous sommes la représentation nationale. Il n’y a donc que des députés français dans cet hémicycle. Si nous sommes là, c’est que nous avons rencontré le suffrage des électeurs. Il n’y a que des citoyens français qui nous élisent, il n’y a qu’à eux que nous rendons compte.

J’ai remercié tout à l’heure le président Carrez d’avoir déposé son amendement, parce qu’il nous a permis d’avoir un débat clair, avec un vote clair.

Je souhaite que le vote soit clair, ne serait-ce, cher Olivier Faure, que pour ce que vous appelez de vos vœux, c’est-à-dire la clarté et la confiance que doivent avoir nos concitoyens dans leurs représentants, soit assuré, et, de ce point de vue, cher Benoît Hamon, il ne faut pas donner à un vote un sens qu’il n’a pas.

Cet amendement porte-t-il sur le montant de l’aide au développement et notre volonté de l’augmenter ? Non, mais si la France met en place, de manière unilatérale, une taxation intra-day, la taxe n’aura aucun rendement parce qu’une taxe n’a de rendement que si elle a de la matière.

Cet amendement porte-t-il sur notre volonté de réguler la finance ? Oui mais sous conditions. La France ne la régulera pas seule. La finance sera régulée si, comme le ministre le négocie actuellement, nous avons un accord dans une coopération renforcée. Cela a déjà été un combat politique.

Je propose donc que nous en restions strictement, littéralement, à ce que nous avons à voter, et la question est simple : La France prend-elle aujourd’hui, par la voix de sa représentation parlementaire, la décision de mettre en tout état de cause de manière unilatérale la taxe sur les transactions financières intra-day ? Si c’est le cas, c’est effectivement une posture mais c’est tout sauf de l’efficacité.

Je rappelle donc la position du groupe socialiste : oui à une taxe sur les transactions financières, oui à une taxe efficace, oui à une taxe qui régule la finance et oui à une taxe qui a un rendement.

M. Nicolas Sansu. « Oui », mais jamais !

M. le président. La parole est à M. Marc Goua.

M. Marc Goua. J’ai cosigné l’un des amendements. Cela étant, il y a des engagements précis du ministre sur l’aide au développement et les négociations européennes pour mettre en place cette taxe intra-day.

J’avais signé parce que les transactions intra-day sont en général les plus spéculatives mais, compte tenu des engagements du ministre, je ne voterai pas ces amendements.

M. Jean-François Mancel et M. Jean-Marie Tetart. Il n’y a aucun engagement !

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Laurent.

M. Jean-Luc Laurent. Je ne voudrais pas qu’on oublie ce que nous avons initié en 2012. Deux choses ont été crantées, si j’ose dire. La première, c’est le doublement de la taxe par la France. La seconde, c’est l’engagement de discussions au niveau européen pour déboucher sur un accord de coopération renforcée. L’un n’est pas opposable à l’autre, l’un nourrit l’autre, et j’oserai dire que les positions que nous prenons ici, à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances, en demandant un élargissement du rendement de la taxe, un élargissement de son assiette – et je me félicite, monsieur le ministre, que vous ayez donné un accord de principe – sont une bonne démarche. Je pense que cela vous aide dans la discussion pour déboucher sur un accord de coopération renforcée.

Puisque nous sommes d’accord sur l’idée d’un rendement plus élevé, et je ne parle pas de l’affectation, donc sur la volonté d’augmenter le produit de la taxe sur les transactions financières, de lancer la démarche au niveau français et dans les discussions européennes, je pense qu’il nous faut voter le principe qui est proposé par ces amendements, dont je suis également l’un des signataires.

Reste la question de la date. Je m’étonne tout de même, pour avoir participé à la discussion de chaque projet de loi de finances depuis 2012 sur cette question, que l’on n’ait pas encore trouvé de modalités techniques à nous présenter.

S’il faut encore un peu de temps au Gouvernement, actons le principe…

M. Pascal Cherki. Bien sûr !

M. Jean-Luc Laurent. …et, lors de la navette ou maintenant, faites une proposition sur la période nécessaire pour présenter un dispositif et le mettre en œuvre…

M. Mathieu Hanotin. Voilà !

M. Jean-Luc Laurent. …afin que nous soyons dans la construction, le volontarisme, mais avec un délai raisonnable. Nous avons trop attendu, il faut désembourber le dossier.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre. Ce qui est gênant, c’est qu’on a le sentiment qu’il pourrait y avoir des désaccords profonds sur un sujet sur lequel il n’y en a pas.

M. Nicolas Sansu. Seuls les actes comptent !

M. Michel Sapin, ministre. La question qui est posée, c’est de savoir non pas si Oscar Wilde a raison, monsieur Sansu, mais si nous sommes capables, nous, de changer la réalité. Des vœux, des souhaits, des proclamations, tout le monde est capable d’en faire, mais changer la réalité, tout le monde n’en est pas capable.

M. Nicolas Sansu. Des engagements, tout le monde peut en prendre...

M. Michel Sapin, ministre. L’objectif du Gouvernement, c’est de changer cette réalité par l’adoption d’une taxe sur les transactions financières, qui soit large et qui soit efficace, dans la régulation des transactions financières lorsqu’il faut les réguler, et dans le rendement, pour financer par exemple le développement, la transition énergétique, la lutte contre le réchauffement climatique. C’est l’élément fondamental.

Qu’est-ce qui est le plus efficace ? Je crois beaucoup à l’exemplarité de la France, mais je sais que, lorsque l’on agit au niveau européen, avec d’autres et au même moment que les autres, c’est beaucoup plus efficace que si l’on agit tout seul. Dans ce cas, il n’y a éventuellement plus rien, tout est parti ailleurs, ou bien, six mois après, on revient en vous expliquant qu’il faut reporter nos décisions à plus tard, ce qui n’est bien meilleur pour l’image ni du Gouvernement ni du Parlement.

Le débat sur le niveau de l’aide en faveur du développement, sur l’augmentation du quota de la taxe sur les transactions financières aura lieu à l’article 14. Le Gouvernement proposera une augmentation de l’affectation de cette taxe de 100 millions d’euros et proposera par ailleurs une augmentation de 50 millions, ce qui fait donc 150 millions d’euros,…

M. Jean-Marie Tetart. Ce n’est pas suffisant !

M. Michel Sapin, ministre. …pour être totalement en harmonie et en cohérence avec les engagements pris par le Président de la République lors de l’Assemblée générale des Nations unies, mais ce n’est pas le débat d’aujourd’hui.

La rapporteure générale, qui connaît bien ce sujet et pas seulement de façon théorique, a raison d’expliquer que l’on ne sait pas techniquement mettre tout cela en place en l’espace de quelques semaines ou de quelques mois. On sait concevoir. Travailler en chambre, il y a des gens extrêmement intelligents et pertinents, j’en ai plein sous mes ordres, qui sont capables de le faire, mais, ensuite, il faut mettre en œuvre, changer des circuits informatiques, avoir des échanges d’information, parce que les informations sur l’infra-journalier, nous n’en disposons pas. Nous ne sommes donc pas capables aujourd’hui de mettre en œuvre cette taxe sur les transactions financières infra-journalières.

Est-ce que cela se fait en quelques semaines ? Non. Est-ce que cela se fait en un an ? Oui. C’est la raison pour laquelle, d’ailleurs, au niveau européen, nous travaillons tous ensemble à cette perspective. Ce n’est pas le seul argument, mais c’est un argument qui me paraît tout de même assez fort.

M. Nicolas Sansu. Cela fait deux ans que c’est proposé !

M. Michel Sapin, ministre. Je voudrais être clair et prendre un engagement.

Nous travaillons en ce moment à onze, mais pas sur le seul sujet des transactions infra-journalières. Nous parlons là de 10 % des transactions financières. Moi, je veux qu’on parle de 100 % de ces transactions. Quand le Président de la République explique qu’il veut une base large, c’est une base qui aille au-delà des seules actions. À onze, nous parlons de l’ensemble des transactions financières.

Dès lors qu’un accord sera intervenu, d’ici à la fin de l’année, entre les onze pays qui travaillent de manière extrêmement utile, avec la volonté d’aboutir avant la fin de cette année sur le principe, je prends l’engagement de présenter au cours de l’année 2016, sans forcément attendre la fin de l’année, un dispositif qui correspondra à l’ensemble de la taxe sur les transactions financières et pas seulement à la question de l’infra-journalier.

Ce n’est vraiment pas une taxe qui se vote par petits bouts, par rondelles, c’est une taxe qui a sa cohérence et sa force politique dès lors qu’on la considère dans son ensemble, et, aujourd’hui, personne n’est capable de faire une proposition qui touche l’ensemble des transactions que nous souhaitons les uns et les autres taxer.

Telle est, mesdames, messieurs, la proposition que vous fait le Gouvernement, et je vous demande, monsieur le président, une suspension de séance de dix minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures vingt-cinq, est reprise à onze heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. Le long débat de qualité que nous venons d’avoir montre que nous avons tous la volonté de voir aboutir le plus rapidement possible, dans un cadre européen, la création de cette taxe sur les transactions financières, dans laquelle la France joue un rôle moteur depuis plusieurs années.

L’amendement dont nous discutons vise à une mise en application de la taxe au 1er janvier 2016, ce qui est impossible. Pour qu’il ne soit pas qu’une vaine proclamation destinée à notre assemblée, il suffit d’en changer la date pour celle du 1er janvier 2017. Monsieur le ministre, durant toute cette période, nous soutiendrons l’action du Gouvernement, parce que nous pensons que la France doit jouer un rôle moteur dans la négociation avec nos partenaires européens et n’être à aucun moment isolée.

Nous suivrons, dans le cadre des travaux parlementaires, l’action de la France pour convaincre nos partenaires de mettre en œuvre cette partie de la taxe financière dans le cadre globalisé de l’Union européenne. Nous accepterons d’en discuter avec le Gouvernement et, éventuellement, de revoir cette question, de sorte que la France ne soit pas isolée, mais qu’elle montre par son vote d’aujourd’hui sa volonté d’avancer et de continuer à jouer un rôle moteur dans la création au niveau européen d’une taxe sur les transactions financières.

C’est pourquoi je propose de rectifier l’amendement n230 afin de modifier la date. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.)

M. le président. Approuvez-vous cette rectification, madame la rapporteure générale ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Oui, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n230 est ainsi rectifié.

La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Une erreur à terme reste une erreur.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Même si nous voyons bien l’arrière-plan politique qui se dessine derrière ce sous-amendement, soyons un peu sérieux. Monsieur le ministre, pouvez-vous confirmer devant la représentation nationale qu’il existe une probabilité très élevée de trouver un accord européen large avant le 31 décembre 2016 et que, à cette date-là, vous serez techniquement en mesure de lever cet impôt ?

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Le groupe écologiste soutiendra cette proposition, puisqu’il avait proposé une échéance au 1er septembre 2016. C’est un engagement très fort du ministre. Il ne faut sous-estimer ni l’ampleur de la tâche, ni sa difficulté. Vous devriez être rassurés sur les bancs de l’opposition, puisque ce sous-amendement laisse le temps à chacun de se préparer pour atteindre ce bel objectif.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Qui peut le plus peut le moins, mais je ne voudrais pas que le moins se transforme en jamais ! Cela fait deux ans que nous discutons de ce sujet. Les questions des chambres de compensation et, partant, de connaissance de l’assiette dans la chambre Euroclear auraient pu être réglées. D’ailleurs, ce serait un excellent moyen de connaître exactement ce qui se passe dans les transactions intra-day puisque, aujourd’hui, une chambre de compensation est souvent une chambre noire.

Je comprends bien l’objectif du sous-amendement, mais je pense que le délai est trop long, non pas tant au regard de la mise en œuvre de la taxe sur les transactions financières que de la respiration démocratique qui suivra et qui risquerait, si un nouveau report était proposé, de mettre cette taxe non pas sur les rails mais sous la terre. Je maintiens mon amendement.

M. le président. L’amendement n743 est donc maintenu sans modification, la date d’entrée en vigueur proposée restant le 1er janvier 2016.

La parole est à M. Jean-François Mancel.

M. Jean-François Mancel. La proposition du président du groupe socialiste me déçoit beaucoup car il oublie complètement l’aide publique au développement. J’ai rappelé tout à l’heure au ministre qu’il pouvait faire un effort dans ce domaine. Eh bien, il ne le prévoit pas, puisqu’il a indiqué très clairement qu’il maintenait l’amendement du Gouvernement à l’article 14, amendement sans commune mesure avec les besoins existants.

M. Jean-Marc Germain. Les moyens pour 2016 sont prévus. Ce dont il est question ici, c’est de 2017 !

M. Jean-François Mancel. J’y insiste, monsieur Le Roux, nous n’avons pas du tout avancé en ce qui concerne l’aide au développement !

M. Jean-Louis Dumont. On verra ça lundi soir !

M. le président. La parole est à M. Benoît Hamon.

M. Benoît Hamon. Je me félicite de cette proposition du président du groupe socialiste et m’inscris en faux contre les propos de M. Mancel. La question des migrants ne se posera pas qu’en 2016, hélas ! Elle risque de se poser longtemps, et quelques-uns dans cet hémicycle, notamment sur les bancs des Républicains, auront perdu toute crédibilité pour parler des réfugiés, dès lors qu’ils votent contre l’extension aux opérations intra-day d’une taxe dont l’objectif est de financer, demain, l’aide au développement. Il s’agit en effet d’une mesure clé qui est de nature, à moyen et long terme et dès 2017, à renforcer la contribution de la France en matière d’aide aux réfugiés au Liban, en Jordanie et en Turquie. Il est malheureusement probable que la question ne sera pas réglée dans les mois qui viennent !

M. le président. La parole est à M. Pascal Cherki.

M. Dominique Baert. On ne va pas refaire le débat à l’envers, monsieur le président !

M. Pascal Cherki. Ayant moi-même proposé tout à l’heure cette date du 1er janvier 2017 et ayant été convaincu par le ministre de la nécessité de disposer du temps qui convient à la fois pour être à même de mettre la mesure en œuvre et pour conduire les négociations européennes, je remercie le président du groupe socialiste, républicain et citoyen d’avoir repris cette proposition. Nous devons aider le ministre à soutenir un rapport de force. Un vote clair du Parlement français indiquant cette volonté d’avancer sera la meilleure manière d’appuyer le Gouvernement dans sa détermination à faire aboutir cette taxe.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre. Le Gouvernement s’en remettra à la sagesse de l’Assemblée sur cet amendement rectifié.

Permettez-moi cependant de vous exposer le contenu politique de notre position, qui est celle du Président de la République, du Premier ministre et du Gouvernement que je représente au niveau européen dans les négociations en cours. Notre volonté est de faire en sorte qu’il y ait une vraie taxe sur les transactions financières. Sortons de ces débats sans fin où, de discussion en discussion, d’année en année, on ne cesse de repousser la question ! Nous avons trop perdu de temps sur ce point, même si la principale raison en est que, parmi les vingt-huit pays auxquels nous nous sommes légitimement adressés, plusieurs, et pas des moindres, nous ont dit refuser de s’engager dans cette direction.

Nous sommes favorables à une taxe sur les transactions financières établie sur une base très large, appliquée à des produits financiers qui ne se résument pas aux seules actions – quand bien même on inclurait les ventes et achats d’actions intrajournaliers. Il y a bien d’autres types de produits, majoritaires, qu’il est tout à fait légitime de soumettre à la taxe et qu’il est souvent nécessaire, en outre, de soumettre à une régulation.

Car il y a deux aspects à cette taxe sur les transactions financières. Elle doit certes rapporter de l’argent, mais ce n’est pas son seul objet : elle doit aussi permettre de limiter l’utilisation d’un certain nombre d’instruments de transactions qui me paraissent être totalement déconnectés de l’économie réelle et s’inscrire uniquement dans une économie spéculative. La France se bat pour cela, y compris s’agissant des transactions infra-journalières.

Je ne veux pas m’étendre sur les questions techniques, mais ce n’est pas parce que l’on parle de technique que l’on est dilatoire. On ne peut occulter certaines réalités au motif que l’on veut se faire plaisir. Nous ne savons pas, et aucun autre pays ne sait, mettre en place au 1er janvier prochain une comptabilisation de ce type de transactions. Il faut que le dispositif soit indiscutable. Si c’est pour en arriver à des contentieux en pagaille, on n’aura pas avancé !

Il nous faut donc, aux uns comme aux autres, du temps. Une durée d’un an est parfaitement adaptée pour nous permettre – à nous et à d’autres – de nous mettre techniquement en condition.

Mais ce que je voulais surtout vous dire, et qui explique pourquoi je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée quant au vote de cet amendement avec entrée en application au 1er janvier 2017, c’est que la France veut que la taxe sur les transactions financières soit une taxe européenne, soit, au minimum, une taxe à onze, incluant les quatre plus grands pays de la zone euro, dont le PIB représente une très large part du PIB de la zone et où se fait l’immense majorité des transactions au sein de cette zone.

La France, je le répète, veut une taxe européenne et je me battrai pour cela. J’ai bon espoir que nous y parvenions. Les négociations en cours devraient déboucher avant la fin de cette année, ce qui permettra à chaque pays, justement, de se préparer tant en matière de transactions intrajournalières que sur d’autres sujets tout aussi compliqués : taxer certains dérivés n’est pas si simple tant les bases, les méthodes, les manières de comptabiliser sont différentes.

La France, donc, veut que l’on ait terminé avant la fin de l’année pour que la mise en œuvre, au cours de l’année 2016, puisse se faire dans de bonnes conditions.

Mais je me dois de vous dire que s’il n’y avait pas d’accord – ce que je ne souhaite pas et ce contre quoi je me battrai – d’ici à la fin de l’année ou au début de l’année prochaine, je serais obligé de revenir devant vous et, les conditions d’une taxe européenne n’étant pas réunies, de vous demander de modifier la date que vous aurez fixée en adoptant cet amendement.

M. Nicolas Sansu. Ah ça donne envie ! Quel aveu !

M. Michel Sapin, ministre. Je suis honnête, monsieur Sansu. Je ne vais pas vous dire : en route, allons-y quoi qu’il arrive ! La position française, encore une fois, est de soutenir une taxe européenne sur les transactions financières. Si, en cette matière comme en d’autres, vous voulez en faire une taxe française, il ne vous restera plus rien à la fin. Comme je sais que ce n’est pas ce que vous souhaitez, comme je suis persuadé que vous avez envie de dégager des moyens nouveaux, en particulier pour lutter contre le réchauffement climatique en aidant les pays en développement, je ne saurais imaginer que vous teniez un double langage et n’accordiez pas d’importance à la réalité du produit de la taxe. Si tout s’en va, vous n’aurez plus rien : pas de base, pas de revenus, quel que soit le taux !

Je résume. Nous sommes favorable à cette taxe sur les transactions financières, nous souhaitons qu’elle puisse être applicable à compter du 1erjanvier 2017 – il n’y a pas de différence d’appréciation quant à la date –, mais je me dois de vous dire que, si jamais nous ne réussissions au niveau européen, nous reviendrions devant vous.

M. Nicolas Sansu. En tout cas, on a la date des obsèques !

M. le président. Afin que la procédure soit bien claire, permettez-moi de récapituler à mon tour. Parmi les amendements identiques en discussion, le n230 est rectifié. Le n743, lui, ne l’est pas, et nous commencerons donc par le vote sur cet amendement.

Étant donné qu’une demande de scrutin public a été déposée sur le vote de l’ensemble des amendements appelés, nous procéderons à des votes par scrutin public pour tous les amendements, qu’ils soient rectifiés ou non, afin que personne ne soit désavantagé par le fait qu’il y a eu rectification.

Je vais maintenant vérifier auprès de leurs auteurs, que j’invite à répondre par oui ou par non, quels amendements ils acceptent de voir également rectifiés.

Le n121 l’est-il, M. Giraud, avec une entrée en vigueur le 1er janvier 2017 ?

M. Joël Giraud. Cela prendra plus de temps qu’un oui ou un non, monsieur le président, car une question de constitutionnalité me semble se poser. Dans la mesure où, avec ce report de l’entrée en vigueur à 2017, on n’affecte pas le solde des recettes de 2016, je me demande si la nouvelle date est vraiment bien choisie. Pour que la disposition soit constitutionnelle, ne vaudrait-il pas mieux fixer l’entrée en vigueur au 1er décembre 2016 ?

M. Nicolas Sansu. Vous avez raison !

M. Joël Giraud. Je préfère donc rectifier mon amendement en substituant aux mots : « 1er janvier 2016 », les mots : « 1er décembre 2016 », afin d’être sûr de rester dans le cadre constitutionnel.

M. le président. L’amendement n121 est donc ainsi rectifié.

Rectifiez-vous le n242, monsieur Mancel ?

M. Jean-François Mancel. Je n’y suis pas favorable mais je crois que le premier signataire de l’amendement, M. Tetart, l’est.

M. le président. Pardonnez-moi, monsieur Tetart, je ne vous avais pas vu…

M. Jean-Marie Tetart. J’accepte la date proposée par le Gouvernement, à savoir le 1er janvier 2017.

M. Hervé Mariton. Il y a une certaine malice à faire rectifier des amendements afin qu’ils ne soient pas conformes à la Constitution !

M. le président. S’agissant de l’amendement n307, j’ai cru comprendre que vous étiez d’accord avec cette même rectification, M. Alauzet. Si tel est le cas, retirez-vous votre autre amendement, le n370 ?

M. Éric Alauzet. Il faut régler ce problème juridique. J’étais tout à fait prêt à me conformer à la rectification, mais celle-ci n’a-t-elle pas pour conséquence de nous contraindre à déplacer la disposition en seconde partie du projet de loi de finances ? (Murmures sur divers bancs.)

M. Charles de Courson. Oui, c’est le cas.

Mme Véronique Massonneau. Il faut donc fixer la date au 31 décembre 2016.

M. le président. Quelle est votre position, monsieur Alauzet ?

M. Hervé Mariton. Le président Le Roux est un malicieux, un petit malin !

M. Éric Alauzet. Je souhaite rectifier l’amendement n307 en substituant aux mots : « 1er janvier 2016 », les mots : « 31 décembre 2016 ».

M. le président. L’amendement n307 est donc ainsi rectifié.

Retirez-vous, en conséquence, l’amendement n370 ?

M. Éric Alauzet. Oui, monsieur le président.

(L’amendement n370 est retiré.)

M. le président. Pour l’amendement n422, j’ai compris que vous suiviez la position du Gouvernement, monsieur Cherki.

M. Pascal Cherki. Je le rectifie en portant l’entrée en vigueur au 31 décembre 2016, afin d’éviter le risque éventuel que l’on a soulevé.

M. Michel Sapin, ministre. Il n’y a pas de risque.

M. Hervé Mariton. Quelle hypocrisie, monsieur le ministre ! C’est une farce !

M. le président. L’amendement n422 est ainsi rectifié.

Qu’en est-il de l’amendement n704, madame Le Dissez ?

Mme Viviane Le Dissez. Je me conforme à la proposition de M. Le Roux.

M. le président. Vous souhaitez apporter une précision, monsieur Le Roux ?

M. Bruno Le Roux. Je veux que les choses soient claires. La modification de la date d’entrée en vigueur doit servir à accompagner le Gouvernement dans les discussions qu’il mène.

M. Hervé Mariton. Si M. Giraud n’avait pas été là, le Gouvernement se serait fait avoir !

M. Bruno Le Roux. Il n’y faut voir aucune malice. S’il y a le moindre doute constitutionnel, je propose de rectifier de nouveau l’amendement n230 en substituant aux mots : « 1er janvier 2017 », les mots « 31 décembre 2016 », afin de dissiper tout soupçon quant à notre volonté d’accompagner le Gouvernement.

M. Hervé Mariton. Ben voyons !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je ne comptais pas intervenir, mais la sagacité de mes collègues me contraint à le faire.

M. Hervé Mariton. Eh oui ! Jusqu’à présent, nous faisions les ignorants !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. M. Giraud a raison, à ceci près que le problème n’est pas d’ordre constitutionnel mais d’application de la loi organique relative aux lois de finances. Dès lors que la disposition fiscale n’a pas d’incidence sur l’équilibre de l’année sur laquelle porte le projet de loi de finances, en l’occurrence 2016, elle relève de la seconde partie.

M. le président. Vous aviez indiqué le 1er décembre 2016 pour votre première rectification, monsieur Giraud, mais je comprends que vous êtes d’accord avec la date du 31 décembre 2016…

M. Joël Giraud. Oui, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n121 est donc rectifié en ce sens, de même que les amendements nos 230, 242 et 704, dont les auteurs ont indiqué qu’ils se ralliaient à cette position.

Je mets maintenant aux voix l’amendement n743, qui a reçu un avis défavorable du Gouvernement et de la commission.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants34
Nombre de suffrages exprimés30
Majorité absolue16
Pour l’adoption5
contre25

(L’amendement n743 n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 230, 121, 242, 307, 422 et 704 tels qu’ils viennent d’être rectifiés et qui ont reçu un avis de sagesse du Gouvernement.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants41
Nombre de suffrages exprimés40
Majorité absolue21
Pour l’adoption32
contre8

(Les amendements identiques nos 230, 121, 242, 307, 422 et 704, tels qu’ils viennent d’être rectifiés, sont adoptés.) (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.)

M. le président. Mes chers collègues, nous poursuivons nos travaux concernant la taxe sur les transactions financières. Nous avons consacré énormément de temps à cette première série d’amendements. En conséquence, j’appliquerai dorénavant le règlement : je ne donnerai la parole, avant de passer au vote d’un amendement, qu’à un orateur qui s’exprime pour et un orateur qui s’exprime contre.

La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n747.

M. Nicolas Sansu. Nous avons déposé deux amendements relatifs à la TTF telle qu’elle existe aujourd’hui – sachant qu’elle ne changera pas de périmètre au 1er janvier 2016 – afin d’en augmenter le rendement. Notre proposition rejoint les interrogations de nos collègues, notamment en matière d’aide au développement. Pour améliorer le rendement de l’actuelle taxe, nous proposons d’en abaisser le seuil, qui passerait ainsi de un milliard à 500 millions d’euros, pour les entreprises qui y sont assujetties, et d’en abaisser le taux de 0,2 à 0,5 %, comme le proposent certains de nos collègues.

Tel est l’objet de cet amendement et de l’amendement suivant, n741, que nous allons examiner dans quelques instants.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Avis défavorable.

(L’amendement n747 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements, nos 741, 767, 766, 120 et 769, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 741 et 767 sont identiques.

La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n741.

M. Nicolas Sansu. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour soutenir l’amendement n767.

M. Jean-Luc Laurent. Si vous me le permettez, j’évoquerai également les amendements nos 766 et 769, qui suivent la même orientation politique.

M. le président. Je vous en prie.

M. Jean-Luc Laurent. Ces amendements visent à augmenter le taux de la taxe sur les transactions financières.

Nous avons, dans la loi de finances de 2012, pris la décision de doubler le taux applicable en France. C’est une action volontariste qui a été engagée, parallèlement aux discussions européennes en vue d’un accord de coopération renforcée qui, il faut le reconnaître, prennent beaucoup de temps, voire s’embourbent.

Pour adresser un signe et montrer notre volonté d’avancer, nous proposons de modifier le taux de la taxe en le portant de 0,2 à 0,5 %, ou, à défaut, à 0,4 ou 0,3 % de telle sorte d’accroître le rendement de cette taxe dans le cadre de la régulation de la finance internationale.

M. le président. La parole est à M. Joël Giraud, pour soutenir l’amendement n120.

M. Joël Giraud. Cet amendement repose sur le même raisonnement et vise à porter le taux de la taxe à 0,4 %, ce qui permettrait d’atteindre le rendement initialement prévu.

M. le président. L’amendement n769 de M. Jean-Luc Laurent a été défendu.

Quel est l’avis de la commission sur ces cinq amendements ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Également défavorable.

(Les amendements identiques nos 741 et 767 ne sont pas adoptés.)

(L’amendement n766 n’est pas adopté.)

(L’amendement n120 n’est pas adopté.)

(L’amendement n769 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Eva Sas, pour soutenir l’amendement n318.

Mme Eva Sas. Je souhaitais une fois de plus, pour la troisième année consécutive, attirer l’attention de l’Assemblée sur le fait que le seul carburant en France qui ne soit pas taxé au titre de la TICPE, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, est le kérosène utilisé pour le trafic aérien.

Il est important de montrer qu’il nous est possible de taxer le trafic aérien, surtout au moment où nous augmentons la fiscalité sur les autres carburants, en l’occurrence le diesel et l’essence, et de nous interroger sur la taxation du kérosène.

Je vais toutefois retirer cet amendement car cette question, malheureusement, n’est pas encore mûre au niveau national.

(L’amendement n318 est retiré.)

M. le président. La parole est à Mme Eva Sas, pour soutenir l’amendement n185.

Mme Eva Sas. Cet amendement vise à mettre fin à l’exonération de TICPE dont bénéficient les gros bateaux de pêche.

Une fois de plus, la TICPE fait l’objet de nombreuses niches fiscales et exonérations. Cette exonération n’est pas justifiée car elle concerne plus particulièrement les gros navires de pêche, or ceux-ci peuvent consommer jusqu’à quinze fois plus de carburant par kilo de poisson pêché que les petits navires.

Cette aide favorise donc les modes de pêche les moins protecteurs des fonds marins, tels que les chalutiers qui consomment nettement plus de carburant par kilo de poisson pêché que les fileyeurs et les caseyeurs.

Poste de dépenses publiques le plus important dans le secteur de la pêche, cette aide bénéficie avant tout à la pêche industrielle. Elle favorise ainsi la consommation d’énergies fossiles et freine la transition énergétique.

Cette aide avait été pointée par Guillaume Sainteny dans son rapport de 2012 comme étant particulièrement défavorable à la biodiversité.

De plus, la France s’est engagée en 2010 à respecter les objectifs d’Aichi qui prévoient la remise en cause des incitations et subventions néfastes pour la diversité biologique d’ici à 2020.

On l’aura compris, cet amendement ne cible que la pêche industrielle, à travers les plus gros navires, et il a pour objectif d’orienter les aides sur les petits navires et la pêche artisanale, la plus créatrice d’emplois.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable. Nous avons déjà examiné cet amendement. Il avait été rejeté au cours de l’examen du projet de loi de finances pour 2015 au motif qu’il risquait de nous mettre en infraction vis-à-vis de nos obligations communautaires dans le domaine de la pêche. Car la directive 2003/96/CE du 27 octobre 2003 énonce que sont exonérés « les produits énergétiques fournis en vue d’une utilisation comme carburant ou combustible pour la navigation dans les eaux de l’UE, y compris la pêche ». Seuls les bateaux de plaisance sont exclus du bénéfice de cette exonération.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis.

M. le président. La parole est à Mme Eva Sas.

Je vais retirer cet amendement, mais je demande au Gouvernement d’en étudier la faisabilité avant la lecture définitive.

(L’amendement n526 est retiré.)

M. le président. La parole est à Mme Eva Sas, pour soutenir l’amendement n187.

Mme Eva Sas. En juillet 2014, plusieurs ONG ont décrypté les données de l’IFREMER sur l’impact du chalutage en eau profonde. Il s’avère que ce type de pêche est extrêmement préjudiciable pour la faune sous-marine et que de nombreuses espèces protégées en font les frais. C’est une réalité reconnue par tous ceux qui s’intéressent à ce sujet.

Les données de l’IFREMER montrent également que ce type de pêche est quasiment négligeable du point de vue économique puisqu’un tout petit nombre de chalutiers sont concernés.

Lors de l’examen du projet de loi relatif à la biodiversité, le groupe écologiste a demandé l’interdiction de ce type de pêche et l’amendement a été rejeté à quatre voix près. Par contre, en juillet dernier, le Sénat a adopté l’interdiction de ce type de pêche et nous espérons que cette disposition survivra à la navette parlementaire.

En attendant que l’interdiction soit définitivement actée, il paraît nécessaire de mettre fin à l’exonération de TICPE dont bénéficient les chalutiers qui pratiquent la pêche profonde. Si nous n’interdisons pas ce type de pêche, il est au minimum indispensable de ne pas la favoriser.

J’imagine, après avoir entendu l’argument que vient de présenter la rapporteure générale, que je vais pour cet amendement recevoir la même réponse.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La même, en effet !

Mme Eva Sas. Je voulais avec cet amendement attirer l’attention de l’Assemblée sur le sujet de plus en plus consensuel du chalutage en eau profonde. Je vais néanmoins le retirer, en attendant de connaître la faisabilité technique de la suppression de l’exonération de la TICPE, qui me paraît à terme nécessaire.

(L’amendement n187 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement n357.

M. Éric Alauzet. Le contenu de cet amendement ne doit pas être pris au sens littéral. Il s’agit d’un amendement d’appel, qui concerne un sujet sur lequel nous aurons l’occasion de revenir dans le cadre beaucoup plus large de l’examen du projet de loi de finances rectificative.

Nous avons mis en place dans la loi de finances 2015 une contribution pour les poids lourds afin de compenser partiellement la recette de l’écotaxe, notamment pour financer la modernisation des infrastructures de transport, soit près de 800 millions d’euros, 300 millions étant destinés à l’indemnisation d’Écomouv’.

Nous avons voté l’année dernière un remboursement de quatre centimes d’euros, dont deux au titre de la contribution climat-énergie, dont les poids lourds étaient initialement exonérés avant qu’elle ne soit supprimée, et deux au titre du rattrapage entre l’essence et le diesel, soit quatre centimes pour alimenter une recette de 320 millions d’euros.

La question se pose non pas d’augmenter cette recette mais de nous assurer qu’elle est pérenne. Car elle repose sur un système très complexe qui prévoit une restitution, au titre de l’article 265 septies du code des douanes, aux sociétés de transport. Cette restitution s’est élevée à 3,65 euros en 2014 et à 3,63 euros en 2015, mais si nous laissons aller les choses elle atteindra 5,62 euros, ce qui représente une perte de deux centimes.

Il ne s’agit pas d’augmenter la contribution des poids lourds, mais au moins de la stabiliser. En l’état actuel de la réglementation, il y aurait une perte de près de la moitié de 320 millions d’euros, soit de 160 millions d’euros.

Nous aurons l’occasion de revenir sur ce point. Le Gouvernement se doit d’étudier la possibilité de maintenir la contribution des poids lourds à la modernisation des infrastructures routières au niveau où elle se trouve cette année.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Il s’agit d’un amendement qui revient souvent dans cet hémicycle. Je vous rappelle qu’une réduction de quatre centimes a été appliquée le 1er janvier 2015, ce qui représente un montant de 320 millions d’euros. Vous voulez aujourd’hui ajouter quatre centimes.

M. Éric Alauzet. Non !

M. Charles de Courson. Si, ils s’ajoutent à ce qui existe déjà !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. C’est ce que j’ai compris. Vous souhaitez, monsieur Alauzet, ajouter quatre centimes, pour obtenir 320 millions d’euros supplémentaires.

Il faut être raisonnable… Si nous voulons obtenir des avancées en termes de transition énergétique, il faut agir de façon régulière mais sans provoquer des à-coups qui pourraient être difficiles à digérer par notre économie. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il me semble qu’il y a un malentendu entre la volonté, que je crois connaître, de votre collègue Alauzet et son amendement tel qu’il a été rédigé.

Je vous confirme que les quatre centimes institués le 1er janvier 2015 seront maintenus le 1er janvier 2016. C’est clair. La question qui se pose, c’est que le tarif plancher, qui s’applique à un certain nombre de professions, est fixe. De ce fait, l’évolution de la fiscalité, que ce soit sur les carburants fixée par la contribution climat-énergie ou via la TICPE, n’est jamais subie par ceux qui bénéficient du tarif plancher.

Nous pourrons évoquer cette question lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative. Peut-être faut-il remplacer le tarif plancher, fixé en euros, par un tarif fixant l’écart du remboursement entre la fiscalité ordinaire et la fiscalité des professionnels concernés.

C’est une piste à laquelle nous devons réfléchir, mais pour cela il nous faut engager le dialogue avec les organisations socio-professionnelles car son impact économique est évident.

Disons-le tranquillement, nous avons eu la chance, l’année dernière, de voir l’ensemble des acteurs accepter une augmentation de quatre centimes – qui, certes, se substituait à un autre dispositif. Nous devons approfondir le dialogue. Mais pour répondre à votre question, nous maintenons les quatre centimes ajoutés le 1er janvier 2015. Je vous demande donc de retirer cet amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. Je veux préciser notre intention. Nous souhaitons que l’augmentation de carburant de deux centimes que subissent cette année les ménages, en raison de l’augmentation de la contribution climat-énergie, soit également appliquée aux transporteurs routiers. C’est aussi simple que cela.

Je ne vois aucune raison de ne pas appliquer aux transporteurs routiers l’augmentation de deux centimes sur le carburant, qui concernera les ménages. Si nous n’adoptons pas l’amendement – que nous pouvons bien entendu rectifier et voter en deuxième lecture, ou encore déposer sur la deuxième partie en prévoyant une application différée –, le tarif des transporteurs routiers et celui des ménages augmenteront de deux centimes.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je suis toujours effrayé quand j’entends un collègue défendre un amendement qui peut avoir un effet destructeur sur le transport routier.

Savez-vous que, depuis deux ans, celui-ci a perdu des milliers d’emplois, alors que ses effectifs ont été longtemps en constante augmentation ? L’an dernier, quand la mesure a été prise, le Gouvernement avait prévu un dispositif qui la compensait presque entièrement.

J’aimerais vous entendre sur ce point, monsieur le secrétaire d’État. L’augmentation d’un centime, que nos collègues ont votée hier, s’applique-t-elle aux transporteurs routiers ? Je vous ai interrogé à ce sujet. Il semble que ce soit le cas.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Non !

M. Charles de Courson. Je vous ai donc mal compris. L’amendement de nos chers collègues – très chers, en effet – contribuera à dégrader l’emploi dans le secteur. Et qui en tirera profit ? La concurrence internationale.

Le transport routier français international, qui perd trois à quatre points par an, est en train de s’effondrer. Alors qu’il représentait 60 % des parts de marché pour les importations et les exportations françaises, il n’en détient plus que 35 %. Nos collègues veulent-ils augmenter le chômage au profit de la concurrence étrangère ? Une telle position leur semble-t-elle raisonnable ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je pensais avoir répondu à votre question hier, mais je veux bien me répéter aujourd’hui. La fiscalité pour les professionnels – agriculteurs, chauffeurs de taxi, transporteurs routiers…

M. Charles de Courson. …et marins !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …– est fixée en euros et ne dépend ni de l’évolution de la contribution climat énergie ni de toute autre décision que peut prendre le Parlement sur le niveau de la TICPE. C’est pourquoi M. Alauzet et Mme Sas proposent de majorer la fiscalité plancher qui s’applique aux professionnels.

Je l’ai dit, si nous souhaitons avoir une réflexion sur ce sujet, c’est avec les professionnels qu’il faut la mener, car je n’ignore par les difficultés, imputables à des raisons différentes, des trois secteurs que j’ai cités.

Il y a cependant une précision que je veux apporter, monsieur de Courson : les difficultés du secteur routier ne sont pas dues à l’augmentation de la fiscalité française sur les carburants, ni même au prix de ceux-ci, qui est le même pour les Français et pour la concurrence étrangère.

La fiscalité française n’a pas été majorée pour les professionnels – ce que semble regretter Mme Sas –, en dehors de l’augmentation de quatre centimes déjà évoquée, et décidée en concertation avec eux après l’affaire de l’écotaxe.

M. le président. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Alauzet ?

M. Éric Alauzet. Oui, monsieur le président, mais il est un point que je veux absolument clarifier. Il s’agit d’un amendement d’appel, qu’il ne faut pas prendre de manière littérale. Sur ces sujets d’une grande technicité, je veux faire passer un message.

Nous avons voté une augmentation de quatre centimes l’an dernier. Celle-ci est-elle maintenue ? Oui et non. Oui, formellement ; non, en raison du système de restitution au litre de gazole qui connaît cette année une hausse de deux centimes, de sorte que l’augmentation réelle est non de quatre mais de deux centimes. C’est un point qu’il faut absolument clarifier dans le PLFR.

Il y a deux débats distincts. Le premier, ouvert Mme Sas, consiste à savoir si l’augmentation s’applique aussi bien aux transporteurs qu’aux ménages. Le second se situe en amont : l’augmentation de quatre centimes est-elle stabilisée ou se réduit-elle in fine, en raison du prix plancher, à une augmentation de deux centimes ? Dans ce cas, la contribution des poids lourds s’élèvera non à 320 millions mais à 160. C’est ce point auquel il faut être attentif si nous voulons clarifier le débat.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je pensais avoir été clair, mais je reviens volontiers sur le sujet. Le tarif, qui était de 39,19 euros en 2014, a été porté à 43,19 euros en 2015, et restera identique en 2016. L’augmentation se monte à quatre centimes.

Bien entendu, le remboursement est calculé en fonction du prix que les professionnels paient à la pompe, par conséquent au même tarif que les particuliers, et il vise à réduire leur fiscalité à 43,19 euros.

Si le prix du carburant augmente pour le particulier du fait de la contribution climat énergie, la part remboursée augmentera elle aussi, puisque la fiscalité des professionnels est fixée en euros, à la différence de celle qui s’applique aux particuliers.

Nous devrons nous demander un jour ou l’autre si nous voulons fixer le prix plancher ou l’écart.

M. Pascal Popelin. C’est clair !

(L’amendement n357 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement n358.

M. Éric Alauzet. L’amendement porte sur un problème que nous avons déjà évoqué.

La contribution énergie climat doit tenir compte de la réalité des rejets carbone. Actuellement, ce n’est pas le cas pour le gaz, puisque le même niveau s’applique au gaz naturel, qui est fossile, et au bio-méthane, qui est issu de la transformation de la biomasse, donc renouvelable. Je rappelle que l’émission carbone liée au bio-méthane se neutralise.

L’amendement tend à instaurer sur le gaz naturel un montant de TIC strictement proportionnel à son contenu carbone. Il n’y a aucune raison de pénaliser le bio-méthane, d’autant qu’on sait parfaitement comptabiliser les quantités respectives des gaz, grâce à la garantie d’origine qui figure sur le registre national.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Si ma mémoire est bonne, nous avons déjà examiné l’amendement. Celui-ci semble satisfait par l’article 32 de la loi de finances de 2014, puisque le biogaz est désormais exonéré de taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel (TICGN) lorsqu’il n’a pas subi de processus de purification destiné à le transformer en biométhane, qui contient 10% de méthane.

La circulaire du 29 avril 2014, prise en vue de l’application de l’article 266 quinquies du code des douanes, précise d’ailleurs que le biogaz non mélangé au gaz naturel est exonéré de TICGN.

Je vous suggère donc de retirer l’amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Si l’amendement était maintenu, j’émettrai un avis défavorable. Nous nous sommes déjà longuement expliqués sur le sujet.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Intellectuellement, notre collègue a raison. Nous lui avons donné satisfaction quand le bio-méthane est utilisé à 100%. Le problème subsiste, cependant quand ce gaz est mélangé. En effet, beaucoup de biométhanisateurs se mettent en bordure de canalisation et procèdent à des injections.

Sur la partie oxygénée des essences, nous avons instauré un différentiel. Pour ma part, j’étais plutôt favorable, par souci de cohérence, à une exonération de la partie oxygénée.

Les pourcentages étant très variables, puisqu’ils dépendent d’une injection, ils posent une difficulté supplémentaire, de nature technique. Celle-ci n’existe pas pour les essences, qui sont standardisées. À ma connaissance, en effet, il n’existe pas de standard de gaz partiellement oxygéné.

En somme, l’idée de l’amendement est sympathique, et procède d’une certaine cohérence. Mais elle serait très difficile à traduire techniquement.

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. La question concerne le gaz qui est produit et immédiatement réutilisé par les agriculteurs. Demain, du fait des dispositions introduites dans la loi de finances, une grande quantité de biogaz, notamment de biométhane produit par les paysans, sera non plus immédiatement réutilisée par eux, mais massivement réinjectée dans le réseau.

Dès lors que le biogaz est une énergie renouvelable dotée d’un fort potentiel, ce sera demain un enjeu essentiel que d’identifier cette partie. La part réinjectée dans le réseau représentera peut-être 90 % à 95 % de l’ensemble.

Techniquement, on sait comptabiliser les molécules de gaz qui entrent dans le biogaz ou dans le gaz naturel. La première étape consiste à analyser précisément l’origine et l’utilisation du biogaz. C’est un point que nous n’avons pas encore intégré.

(L’amendement n358 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 401 et 517.

La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n401.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’amendement vise à exclure de la composante visant les émissions atmosphériques de la TGAP les émissions liées aux produits agricoles déshydratés, comme les luzernes et les pulpes de betterave.

Aujourd’hui, les structures étant concentrées, quatre coopératives acquittent 90 % de la taxe perçue au niveau national, dont le montant s’est envolé. En 2011, son produit représentait quelque 150 000 euros, contre 780 000 en 2015, soit une augmentation de 450 % depuis 2010.

La situation de ces coopératives se justifie d’autant moins qu’elles ont procédé entre-temps à des démarches environnementales relativement vertueuses.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n517.

M. Charles de Courson. Pour faire baisser leur prix de revient, les usines de déshydratation, qui traitent d’ailleurs d’autres produits que la luzerne, en viennent à utiliser le charbon.

Après la création de la taxe, les professionnels du secteur ont passé des accords avec l’ADEME et le ministère de l’environnement, pour mettre en place des technologies plus efficaces afin de réduire les émissions de CO2, ce qui les a amenés à intégrer de la biomasse dans leurs fours. Cependant, ils ont vu augmenter la TGAP.

Ils comprendraient qu’on les taxe pour être restés au charbon : ce ne serait que justice. Mais à partir du moment où ils ont utilisé les meilleures technologies disponibles aujourd’hui sur le marché, ils estiment qu’il n’est pas cohérent de les taxer et d’augmenter continûment la TGAP. Ils ne comprennent absolument pas le sort qui leur est réservé dans la mesure où la TGAP est faite pour orienter des choix, qu’ils ont suivis, en accord avec les pouvoirs publics. Voilà le fond du problème. J’ajoute que le maintien, le développement de la luzerne présente de nombreux intérêts en matière écologique ; elle constitue en particulier une trappe au nitrate.

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur pour avis. Comme le soja transgénique !

M. Charles de Courson. M. Popelin a évoqué la question : il a été envisagé de l’implanter dans les zones de protection des captages pour éviter les fuites de nitrate.

(Les amendements identiques nos 401 et 517, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement n360.

M. Éric Alauzet. Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai également l’amendement n361 rectifié. L’amendement n360 est un amendement général, de principe, tandis que l’amendement n361 donne quelques pistes d’application. Tous deux traitent de la TGAP sur les déchets et ont pour objet de faire évoluer les critères de modulation ou, plus précisément, de réfaction de la taxe. Depuis la loi sur le Grenelle de l’environnement, il était possible de réduire la TGAP en fonction d’un certain nombre de critères, relatifs en particulier à la performance des installations, à la quantité d’énergie produite, à la masse des rejets polluants, tels l’oxyde d’azote ou d’autres polluants, ou encore aux modalités de transport.

Aujourd’hui, si l’objectif est globalement atteint, il faut mettre en œuvre des modulations qui traitent le cœur du sujet, autrement dit la filière de traitement des déchets, conformément à la hiérarchie de traitement. Celle-ci, qui constitue une référence tant européenne que nationale, met au premier plan la prévention, puis la réutilisation, la valorisation de la matière, enfin, la valorisation énergétique et la mise en décharge.

L’objet de ces amendements est d’introduire des critères de modulation de la TGAP : le montant de la taxe serait diminué en présence de performances de tri et de valorisation de la matière supérieures. Ce serait de nature à encourager les collectivités, par la redevance incitative, le compostage en pied d’immeuble ou par d’autres moyens, à éviter l’incinération ou l’enfouissement des déchets.

Ces propositions ne sortent pas de mon chapeau mais sont issues du Comité pour la fiscalité écologique. Elles ont été largement débattues. Il faut à présent aborder une nouvelle phase de progrès.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cet amendement est trop imprécis pour ne pas encourir un risque d’inconstitutionnalité. En effet, vous prévoyez de faire varier les taux de la TGAP selon des critères dont il faudrait vérifier la conformité à la législation européenne, et, surtout, qui ne sont pas précisés. Par ailleurs, le législateur ne peut renvoyer au pouvoir réglementaire le soin de définir ces critères, alors que, je le rappelle, au sein de la hiérarchie des normes, la loi est supérieure au règlement. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. J’émets exactement le même avis que celui de la rapporteure générale, qui a rappelé à juste raison qu’il fallait vérifier la conformité de ces dispositions au droit communautaire.

(L’amendement n360 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 361 rectifié et 674, pouvant être soumis à une discussion commune.

M. Alauzet a déjà défendu l’amendement n361 rectifié.

La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n674.

M. Nicolas Sansu. Cet amendement concerne également la TGAP. Il a été rédigé par notre collègue Patrice Carvalho, qui est confronté à un problème particulier en relation avec cette taxe. Cet amendement vise à encourager les pratiques de recyclage et de valorisation des déchets et à avancer dans la mise en place d’une économie circulaire. Il concerne plus particulièrement les déchets ultimes non dangereux et non valorisables, par exemple des déchets minéraux légèrement pollués non acceptables dans les installations de stockage de déchets inertes. Cette situation existe dans la circonscription de notre collègue Patrice Carvalho. Bien que ce territoire soit un exemple en matière de collecte sélective et de valorisation des déchets, il existe des déchets ultimes qui proviennent du dragage des cours d’eau.

Un traitement spécifique doit donc leur être appliqué. Il convient, de ce point de vue, d’encourager un enfouissement identifiable. Cet amendement est inspiré par une philosophie proche de celle qui a inspiré les amendements d’Éric Alauzet, à savoir une modulation du taux de la TGAP en fonction du degré de valorisation et de collecte sélective. En l’état actuel du code des douanes, ces déchets se voient appliquer le tarif le plus élevé de TGAP, soit 32 euros la tonne. Le maintien d’une telle situation n’encourage pas le traitement de ces déchets, que nous risquons de retrouver dans la nature. C’est pourquoi, dès lors que ces déchets font l’objet d’un stockage particulier et maîtrisé, l’amendement propose de leur appliquer un tarif de TGAP à 14 euros. La diminution non significative des ressources issues de la nouvelle modalité tarifaire serait compensée par un relèvement de la TGAP sur les traitements les plus polluants.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements en discussion commune ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable sur l’amendement n361 rectifié. S’agissant de l’amendement n674, la commission a eu une longue discussion. Nous avons dressé un tableau qui met en regard l’état du droit et les propositions de l’amendement. Si l’on place des déchets dans une décharge, le tarif actuel est de 150 euros la tonne, tandis que l’amendement propose de passer à 200 euros. Si l’on met les déchets dans une installation de stockage autorisée, dans le cadre d’une organisation environnementale qui a fait l’objet d’un enregistrement européen spécifique ou d’une certification ISO 14001, avec des casiers séparés, la loi fixe un tarif de 32 euros la tonne ; l’amendement propose de faire passer ce tarif à 14 euros, ou de le porter à 34 euros en l’absence de casiers séparés pour les déchets susceptibles de produire du biogaz. Ces deux cas de figure concernent uniquement le stockage, non le retraitement.

À l’heure actuelle, la taxe décroît substantiellement en présence d’une valorisation énergétique du biogaz, ce qui n’est pas le cas dans les mesures que vous proposez. En effet, aujourd’hui, le taux est de 20 euros la tonne sur les déchets faisant l’objet d’une valorisation énergétique du biogaz de plus de 75 %. Si, de surcroît, les déchets sont stockés et traités selon la méthode du bioréacteur, le taux baisse à 14 euros. Pour votre part, vous proposez de maintenir ces deux taux et de les diviser par deux dans le cas d’un stockage avec des casiers séparés : il ne s’agit dans ce cas de figure ni de recyclage, ni de retraitement, mais cela consiste simplement à ajouter un casier. Dans le cadre de nos discussions en commission des finances, nous avons estimé que, malgré l’intérêt qui s’attache à la présence de casiers séparés, il serait difficilement envisageable de fixer un taux inférieur à celui du stockage des déchets faisant l’objet d’une valorisation. Cette disposition nous a paru quelque peu exagérée. L’avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement vous proposera, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2015 une réforme de la composante déchets de la TGAP. Celle-ci sera cohérente avec la dernière décision du Conseil constitutionnel, n2015-482, aux termes de laquelle « seules les quantités de déchets fermentescibles réceptionnées peuvent bénéficier des tarifs réduits "bioréacteurs" et "valorisation" du biogaz capté ». Cette proposition comportera la définition d’une trajectoire des tarifs de la TGAP « déchets » jusqu’en 2025, car chacun a besoin de visibilité. Elle sera construite de sorte à encourager les comportements vertueux par l’émission d’un signal prix clair, compréhensible, qui pourra également, bien entendu, inciter au tri et au recyclage des déchets, ce qui est, me semble-t-il, notre objectif commun. Au bénéfice de ces explications, je pense qu’il serait plus sage que vous retiriez ces amendements, faute de quoi le Gouvernement appellerait à leur rejet.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. J’ai bien entendu l’ouverture qui vient d’être faite par le secrétaire d’État au budget mais je maintiens l’amendement, car il a été déposé par un membre de mon groupe, et je ne peux prendre la responsabilité de le retirer. J’ai entendu la volonté du Gouvernement de régler un certain nombre de problèmes dans le cadre du projet de loi de finances rectificative. Patrice Carvalho reviendra vers vous à ce sujet.

(Les amendements nos 361 rectifié et 674, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Caullet, rapporteur pour avis, pour soutenir l’amendement n229.

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur pour avis. C’est un amendement qui a été accepté à la fois par la commission du développement durable et par la commission des finances. Il a pour objet d’élargir et d’uniformiser le régime de la TGAP en matière de gazole, en l’étendant au secteur non routier, à savoir aux tracteurs agricoles, aux travaux publics, à la SNCF et à la batellerie. Je rappelle, comme je l’ai fait en commission, que la TGAP est, en l’occurrence, une taxe destinée à ne pas être payée, puisqu’il suffit d’incorporer 7,7 % d’énergies renouvelables dans le gazole pour en être exonéré : c’est déjà le cas du gazole routier. Cet amendement a vocation à harmoniser le régime de taxation, en abolissant la séparation physique de ces produits, et à stabiliser les débouchés des producteurs d’énergies renouvelables, afin d’atteindre les objectifs en matière d’énergies renouvelables dans le transport, secteur très important en la matière.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Charles de Courson. C’est compliqué, manifestement !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je pense que l’adoption de cet amendement conduirait automatiquement à une augmentation du prix du gazole non routier, qui ne serait pas nécessairement en mesure de respecter les seuils d’intervention. En tout cas, je vous ai annoncé une discussion sur les TGAP et les fiscalités environnementales lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative. À ce stade, je ne suis pas favorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Caullet, rapporteur pour avis.

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur pour avis. J’ai bien entendu que le secrétaire d’État souhaitait que ces questions soient traitées lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative mais, encore une fois, sur le plan technique, il n’y a aucune différence entre les performances des moteurs non routiers et routiers : ce que peuvent faire les uns, les autres le peuvent également. Pour avoir rencontré les professionnels, j’ai constaté que les discussions portaient davantage sur les parts de marché que sur des sujets techniques tels que les capacités d’incorporation de telle ou telle énergie renouvelable dans le gazole. Je suis prêt à retirer cet amendement, mais à la condition expresse que ce problème soit réglé dans la loi de finances rectificative.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. L’objectif de l’amendement est louable, mais, pour avoir également rencontré les professionnels qui seront concernés par cette nouvelle forme de TGAP – dont les taux seront globalement en augmentation, à moins de souscrire aux règles –, je pense que les mesures proposées sont quelque peu prématurées.

Le mieux serait donc d’examiner cet amendement de façon différée dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, d’autant qu’il a été déposé sans que certains secteurs en aient été informés. Je me permets de le dire parce que j’ai eu l’occasion de rencontrer leurs représentants dans le cadre d’une commission d’enquête dont je suis rapporteur. Il serait donc sage que cet amendement soit retiré afin d’être retravaillé. J’ajoute que les grands distributeurs pétroliers ne fournissent peut-être pas les efforts nécessaires. Cet amendement a néanmoins le mérite de montrer qu’il est possible d’utiliser des carburants alternatifs.

M. le président. La parole est à M. Dominique Lefebvre.

M. Dominique Lefebvre. Sur ce point, les choses sont parfaitement claires, mon cher collègue. La commission des finances avait été saisie de cet amendement, et d’autres du même type ; elle y a donné un avis favorable pour marquer une intention. Cela étant dit, j’ai rappelé au début de la discussion que, comme le Gouvernement, le groupe socialiste entendait faire passer sur toutes ces questions un message d’ensemble cohérent et que tout cela devait être traité dans le cadre de la loi de finances rectificative. La seule entorse que nous ayons faite à ce principe est le vote de mercredi dernier sur l’augmentation d’un centime du prix du diesel et la baisse du même montant du prix de l’essence, étant entendu que cette entorse est intervenue dans un contexte précis et pour des raisons claires.

Je souhaite que cet amendement soit retiré afin d’être revu.

M. le président. Monsieur Caullet, j’ai compris que vous retiriez votre amendement.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Pour ma part, je souhaite le maintenir !

(L’amendement n229 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Lefebvre, pour soutenir l’amendement n714.

M. Dominique Lefebvre. Je présente cet amendement au nom de l’ensemble de nos collègues du groupe socialiste, républicain et citoyen originaires des départements d’outre-mer.

Je commencerai par une remarque d’ordre général : nous sommes tous favorables à l’instauration d’une fiscalité écologique, et notre objectif est qu’une telle taxe soit incitative, qu’elle permette de changer les comportements. Comme pour toute autre taxe, et sans vouloir faire référence à un débat sur d’autres taxes qui a eu lieu voilà quelques instants dans l’hémicycle, une taxe n’a d’intérêt que si elle atteint son objectif.

Dans les départements d’outre-mer, la taxe générale sur les activités polluantes est un problème de longue date, puisque son application a déjà été reportée à plusieurs reprises. Elle ne peut se traduire que par une augmentation du prix de l’essence, en l’espèce de 6 à 7 centimes par litre, puisqu’il n’y a aujourd’hui aucune alternative dans ces territoires. Je rappelle que le taux de cette taxe diminue si des biocarburants sont intégrés au fil du temps dans les carburants taxés. Or il n’y a pas de système de production de biocarburants dans les départements d’outre-mer et ce marché étroit ne permettra pas d’en fournir demain matin.

J’en appelle à votre responsabilité, mes chers collègues, car si nous ne reportons pas la date d’application de la TGAP dans les DOM au 1er janvier 2019, il faudra nous en expliquer à nos collègues des DOM et à la population de ces territoires. On l’a bien vu ces dernières années, le sujet du prix de l’essence est extrêmement sensible, et une telle décision équivaut ni plus ni moins à augmenter ce prix de 7 centimes dans les DOM, avec les conséquences que l’on sait sur le pouvoir d’achat de nos compatriotes d’outre-mer.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avant de donner l’avis de la commission sur cet amendement, je me permets de revenir sur l’amendement précédent. Il s’agissait d’un amendement de la commission, et il m’appartenait donc de le retirer, ce que je n’ai pas fait formellement. J’aurais en effet souhaité que M. Caullet apporte les éléments complémentaires dont il disposait et qui avaient bien éclairé notre débat en commission des finances.

M. le président. C’est M. Caullet lui-même qui m’a indiqué qu’il retirait l’amendement !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Certes, monsieur le président, mais il s’agissait d’un amendement de la commission, et je souhaite que les prérogatives de la commission soient respectées.

M. Charles de Courson. La rapporteure générale a raison !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Quant à l’amendement n714, la commission y a donné un avis favorable. Il s’agit, comme vient de l’expliquer M. Lefebvre, de reporter de 2016 à 2019 l’application dans les DOM de la TGAP sanction. Cette mesure répond en effet à une situation spécifique en outre-mer, où ces biocarburants ne sont pas disponibles. Il serait curieux de pénaliser pour cette raison nos concitoyens d’outre-mer par l’application d’une telle taxe.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. On ne peut bien évidemment pas obliger des gens à introduire dans les carburants des produits dont ils ne disposent pas et qu’il faudrait importer, donc transporter. Cela ne serait en outre pas vertueux sur le plan environnemental. Il faut donc laisser du temps pour le développement de productions locales, et je ne suis pas suffisamment spécialiste du sujet pour évaluer si cela est possible et, le cas échéant, dans quels délais. L’avis du Gouvernement est donc favorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, ce n’est guère que la quatrième fois qu’un report est envisagé… Cela pose un problème de fond : s’est-on complètement trompé voilà six ou sept ans au moment de l’instauration de la taxe ?

Permettez-moi de faire une observation. Les DOM ne doivent pas être confondus avec les territoires d’outre-mer, ou du moins les territoires qu’on nommait ainsi voilà encore quelques années. La Martinique, la Guadeloupe, la Guyane, de mémoire, ce qui est d’ailleurs assez incroyable, ne s’approvisionnent pas au Suriname, au Venezuela ou au Texas. D’après ce qu’on nous avait expliqué, les carburants consommés sur ces territoires viennent de France métropolitaine. L’application de la TGAP n’entraînerait donc pas de surcoût, mais plutôt une légère baisse si cela est bien géré. Que vous importiez de l’essence ou du gasoil, oxygéné ou non, puisque de toute façon il vient de France, cela ne me paraît pas être un problème. Est-il certain, au moins pour ces trois départements, que le problème se pose en ces termes ?

Le problème peut se poser en revanche pour La Réunion, qui importe ses carburants de Mozambique, me semble-t-il.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. On n’est pas couchés !

M. Charles de Courson. Pour la Martinique, et à moins que notre collègue dispose d’autres informations, je ne suis pas sûr que ce qui figure dans l’exposé sommaire de l’amendement soit exact. Ce le serait si l’approvisionnement se faisait au Suriname, au Venezuela, ou au Texas. A-t-on des informations sur ce point, monsieur le secrétaire d’État ?

M. Dominique Baert. Il vient de les donner ! Il a été précis !

M. Charles de Courson. Il serait important d’avoir une réponse avant que nous votions cet amendement.

(L’amendement n714 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n589.

M. Nicolas Sansu. Il est défendu.

(L’amendement n589, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n588.

M. Nicolas Sansu. Depuis plusieurs années, Paris et les Hauts-de-Seine concentrent une part importante de la création de bureaux en Île-de-France ; ces deux départements représentaient en 2014 60 % du parc francilien. Cette situation accentue le déséquilibre entre l’est et l’ouest de la région Île-de-France, ce qui est en contradiction complète avec les objectifs de rééquilibrage des pôles tertiaires vers l’est et d’effort de construction de logements dans le secteur ouest affichés par le schéma directeur de la région.

Pour permettre le rééquilibrage économique au profit des territoires en sous-densité d’emplois, il faut encourager fortement les entreprises à investir de nouveaux territoires et à y constituer des pôles économiques complémentaires à ceux qui existent déjà.

Le présent amendement vise donc tout d’abord à modifier la composition des circonscriptions pour tenir compte des spécificités de chaque territoire. Il instaure par ailleurs un important différentiel de tarifs entre la première circonscription et les trois autres. Enfin, il apporte une dernière modification significative pour les territoires les moins attractifs : le retrait de l’exonération de redevance pour création de bureaux dans le cadre des mètres carrés reconstruits lors d’opérations de renouvellement de bureaux dans la première circonscription et son maintien dans les deux autres circonscriptions.

L’amendement entend ainsi réduire le phénomène d’obsolescence croissante des parcs de bureaux de proche et grande couronne et favoriser un rééquilibrage devenu indispensable aujourd’hui pour la poursuite et le développement de projets urbains porteurs d’une réelle mixité fonctionnelle.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La commission a repoussé cet amendement. Le Gouvernement ayant annoncé qu’un débat élargi se tiendrait dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, il est souhaitable que son examen soit différé. Je demande donc à son auteur de le retirer ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. Nicolas Sansu. Je le retire !

(L’amendement n588 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 228 et 398.

La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement n228.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cet amendement a été signé par plusieurs de nos collègues issus de groupes différents et dépasse les clivages politiques. Il vise à créer une exonération de taxe sur les véhicules de société pour les véhicules mis gratuitement à disposition des collectivités territoriales ou des établissements publics par des entreprises.

Monsieur le secrétaire d’État, nous nous sommes interrogés sur deux points en commission des finances : la conformité de cet amendement à la logique de l’impôt sur les sociétés et l’évaluation qui peut en être faite. À la quasi-unanimité de ses membres, la commission a émis un avis favorable afin de soutenir cette proposition.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n398.

Mme Marie-Christine Dalloz. J’ai déposé un amendement identique à celui que Mme la rapporteure générale vient de présenter, et je ne comprends pas pourquoi la commission n’a pas repris ma signature, mais peu importe : je le défendrai dans le même état d’esprit.

Il y a une distorsion sur le plan du traitement fiscal. L’administration fiscale redresse les opérateurs qui mettent des véhicules à disposition des communes alors qu’ils n’en sont pas les utilisateurs. Une société a subi un redressement de 7 millions d’euros, ce qui représente une grosse partie de son chiffre d’affaires, les pénalités s’ajoutant aux arriérés. Alors que les collectivités territoriales, qui utilisent ces véhicules pour rompre l’isolement des personnes âgées, pour livrer des repas à domicile ou pour transporter les enfants dans le cadre des temps d’activités périscolaires, sont, en droit, exclues du champ de la taxe sur les véhicules de société, on impose aux opérateurs ayant mis ces véhicules à disposition de s’en acquitter.

Il y a donc une ambiguïté à ce sujet, et le traitement varie au plan national entre les territoires selon l’interprétation de l’administration fiscale. Il est donc nécessaire d’éclaircir la loi, d’autant que cet amendement n’est pas des plus onéreux.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements identiques ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Un contentieux a été jugé par la Cour de cassation. L’affaire a été perdue par une société qui tente aujourd’hui de revenir, pour l’avenir, à une pratique sur laquelle la plus haute juridiction française a clairement tranché. Le Gouvernement a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Avant l’arrêt auquel il vient d’être fait référence, les positions étaient très différentes d’un département à l’autre. Dans beaucoup de départements, on n’a jamais payé la TVS ; c’est le cas de celui de mon voisin, nous en discutions à l’instant. Il y a donc une pratique différenciée du fait de l’ambiguïté de la loi.

Cet amendement peut par conséquent être considéré comme un amendement d’interprétation ayant pour objet de mettre fin à ces contentieux et à l’inégalité devant l’impôt qu’induit la différence d’interprétation selon les départements. La position de la commission me paraît donc sage.

(Les amendements nos 228 et 398, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2016.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly