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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2015-2016

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 20 octobre 2015

Présidence de Mme Sandrine Mazetier

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016 (suite)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016 (nos 3106, 3129, 3127).

Cet après-midi, l’Assemblée a rejeté la motion de rejet préalable.

Motion de renvoi en commission

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe Les Républicains une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Jean-Pierre Barbier.

M. Jean-Pierre Barbier. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État chargée de la famille, de l’enfance, des personnes âgées et de l’autonomie, monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016, quelques jours après qu’elle a fêté ses 70 ans.

Cet anniversaire a un goût amer car la Sécurité sociale de 2015 a perdu le sens que voulurent lui donner les hommes du Conseil national de la Résistance. Ils n’ont pas voulu cette grande usine à gaz où les milliards changent de caisse sans améliorer ni mieux garantir « à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs ».

L’ampleur des déficits est telle qu’il n’est plus possible de surseoir à un travail salutaire de remise à plat. Le défi que nous devons relever pour la pérennité de notre sécurité sociale est celui d’une construction nouvelle, plus efficace, plus responsable et plus lisible pour ses bénéficiaires, une construction nouvelle qui améliore les performances du système actuel.

Dans un contexte de mutations, de déficit structurel des comptes sociaux et de chômage de masse, nous ne pouvons plus nous satisfaire d’aménagements à la marge, de mesures cosmétiques si nous voulons sauver notre système de protection sociale. Il va falloir que beaucoup de choses changent si nous voulons que notre système de santé conserve son rang et tienne ses promesses. Mais force est de constater que c’est à nouveau un projet de loi de financement de la Sécurité sociale de renoncement qui est présenté par le Gouvernement.

Le renoncement principal concerne la réduction du déficit de la Sécurité sociale. « L’objectif affiché d’un équilibre des comptes sociaux en 2017 est désormais reporté à un horizon indéfini. » Ce n’est pas moi qui le dis, c’est la Cour des comptes dans son rapport annuel sur le financement de la Sécurité sociale, publié le 15 septembre dernier. Elle appelle donc de ses vœux des réformes structurelles qui ne viennent pas, en particulier sur la branche maladie. Et puisque vous aimez parfois rappeler les chiffres du passé, le déficit de l’assurance maladie était de 5 900 millions en 2012 alors qu’il devrait atteindre 7 200 millions en 2015 : expliquez-moi où est la maîtrise des déficits dans votre législature.

La Cour des comptes a d’ailleurs totalement désavoué la politique du Gouvernement. Vous aviez comme impératif d’infléchir fortement par des mesures structurelles la dynamique des dépenses d’assurance maladie. Or ce PLFSS ne répond pas à l’urgence de la situation. Il ne remplit pas les objectifs de réformes structurelles. Le déficit du régime général prévu pour 2016 est de 10 milliards d’euros, et de 14 milliards avec le Fonds de solidarité vieillesse.

Pour la branche maladie, dont le déficit connaît à nouveau une augmentation préoccupante, les réformes structurelles de l’offre de soins, en particulier de l’hôpital public, sont ajournées, et l’essentiel des économies seront à nouveau supportées par les produits de santé. C’était presque écrit d’avance. L’effort réclamé au secteur pharmaceutique s’alourdit. La facture globale pourrait s’élever à 1,7 milliard d’euros.

Le médicament est encore une fois victime d’une vision budgétaire profondément court-termiste. Il représente l’essentiel de la régulation des dépenses d’assurance maladie pour la quatrième année consécutive, alors même que M. Giorgi, président du Comité économique des produits de santé, indiquait lors de sa dernière audition devant la commission des affaires sociales que nous avions atteint les limites de ces dispositifs de baisse de prix et qu’il faudrait se consacrer à la baisse des volumes. Vous poursuivez en y associant une baisse des volumes, un niveau négatif du « taux L » de la clause de sauvegarde du médicament.

Ainsi, le Gouvernement paralyse les performances de ce fleuron qu’est l’industrie pharmaceutique française alors même qu’il s’agit d’un secteur stratégique pour l’économie nationale et pour l’emploi.

Les conséquences de la dégradation de cet environnement économique et de l’étranglement de l’industrie pharmaceutique sont fortes. Premièrement, l’industrie du médicament poursuit son recul en termes d’emploi, passant pour la première fois depuis dix ans sous la barre des 100 000 personnes. Deuxièmement, les investissements productifs dans le secteur pharmaceutique reculent en 2013 de 120 millions d’euros par rapport à 2010. Troisièmement, nos exportations de médicaments reculent. Les exportations de médicaments ont baissé de 5 % entre 2013 et 2014. Le solde de la balance commerciale du médicament connaît ainsi un repli historique, passant de 8,77 milliards en 2013 à 6 milliards en 2014. Pourtant, notre pays est à la recherche de secteurs nous permettant d’avoir une balance commerciale positive. Il est bien dommage que celui-ci soit abandonné.

Par l’utilisation de votre outil favori, la police fiscale, vous tondez vos moutons préférés. Ainsi, c’est un signal délétère aux investisseurs que vous envoyez. C’est l’attractivité de notre pays que vous pénalisez. C’est le chômage que vous favorisez.

M. Jean-Pierre Door. Eh oui !

M. Jean-Pierre Barbier. Donner à notre industrie pharmaceutique les capacités financières d’innover est pourtant essentiel. La mise au point d’une nouvelle molécule représente un investissement d’environ 1 milliard d’euros et demande plusieurs années de recherche et développement. Sur ce plan, notre pays recule. Ainsi, sur les 130 molécules autorisées en Europe entre 2012 et 2014, 8 seulement étaient produites en France, contre 32 en Allemagne, 28 au Royaume-Uni et 13 en Italie.

Contrairement à ce que dit la ministre, c’est aussi à l’innovation thérapeutique et à l’accès aux soins qu’il est porté atteinte car vous n’imaginez aucun dispositif pour financer ces nouveaux traitements, ces traitements innovants qui, demain, sauveront des vies.

Concernant l’accès aux soins, votre politique provoque également des tensions d’approvisionnement et les ruptures de stock se multiplient car les laboratoires préfèrent vendre à l’étranger, là où les prix sont plus attractifs.

Enfin, vous faites aussi une erreur stratégique car les études démontrent que l’effort croissant demandé chaque année au médicament n’a pas d’incidence sur la courbe du déficit de l’assurance maladie.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Il ne va tout de même passer un quart d’heure sur le médicament !

M. Jean-Pierre Barbier. Pourtant, cela devrait vous intéresser, madame Lemorton.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Tout m’intéresse, mais j’évite les conflits d’intérêts.

M. Jean-Pierre Barbier. Cela devrait vous intéresser en tant que présidente de la commission des affaires sociales !

Avec votre politique, c’est toute la chaîne du médicament que vous mettez à mal.

M. Patrick Mennucci. Il est pharmacien ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Oui !

M. Jean-Pierre Barbier. Justement, je parle de ce que je connais, et j’aimerais bien pouvoir terminer. Les vérités sont parfois difficiles à entendre.

M. Jean-Claude Buisine. N’importe quoi.

M. Bernard Accoyer. Peut-on laisser parler l’orateur ? C’est incroyable ! C’est un droit fondamental de pouvoir s’exprimer !

Mme la présidente. Poursuivez, monsieur Barbier.

M. Jean-Pierre Barbier. Au 1er juillet 2015, pas moins de 100 officines de pharmacie ont fermé définitivement. À ce rythme, 200 pharmacies devraient disparaître cette année, soit plus d’une officine tous les deux jours. Les déserts médicaux pourraient se transformer en déserts pharmaceutiques. Mais ce n’est pas très grave : dans quelques années, vous donnerez des subventions, des primes aux pharmaciens pour venir s’installer dans les zones rurales ! Avec aussi, bien entendu, des primes pour qu’ils ne délivrent aucun médicament, comme celles que vous versez aux médecins généralistes en ce moment.

Ce constat devrait enfin interpeller le Gouvernement, à défaut de le convaincre, sur la nécessité de lancer des réformes structurelles du système de santé. Mais vous préférez mettre la poussière sous le tapis et bricoler tant bien que mal pour présenter votre PLFSS. Et du bricolage, il y en a à tous les étages : la célèbre boîte à outils est bel et bien ouverte, et tout le monde s’en sert.

Premièrement, à l’article 7, vous reniez les engagements du Gouvernement, en repoussant du 1erjanvier au 1eravril 2016 la baisse des cotisations sociales pour les salaires compris entre 1,6 et 3,5 SMIC. Vous prenez le risque de casser le peu de confiance qu’il reste et dont ont besoin les entreprises pour investir et embaucher.

M. Bernard Accoyer. La confiance à dose homéopathique !

M. Jean-Pierre Barbier. C’est une nouvelle illustration du double discours du Gouvernement à l’égard des entreprises et de votre improvisation budgétaire.

Deuxièmement, à l’article 15, dans un article de tuyauterie comme votre PLFSS en compte trop,…

M. Bernard Accoyer. C’est infernal !

M. Jean-Pierre Barbier. …vous vous livrez à un nouveau tour de passe-passe, comme l’année dernière, en laissant croire que les allégements de charge votés pour les entreprises en loi de financement de la Sécurité sociale rectificative pour 2014 sont compensés, ce qui est faux, vous le savez. Vous renvoyez en réalité le financement de ces allégements de charge à la dette dans le projet de loi de finances.

M. Bernard Accoyer. C’est une escroquerie !

M. Jean-Pierre Barbier. C’est irresponsable. On parle tout de même de 4,1 milliards d’euros ! C’est aussi avec une incroyable légèreté et un mépris des parlementaires que vous procédez,…

M. Philippe Le Ray. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Barbier. …car vous nous fournissez très peu de documents et vous ne nous expliquez en fait pas ces mouvements de fonds.

Ce type d’article rend le PLFSS illisible et l’on peut se poser la question de la sincérité du projet de loi. M. Bapt ne nous aura d’ailleurs pas rassurés sur cet article en commission en évoquant « une tuyauterie complexe mais une simplification ». Comprenne qui pourra…

M. Jean-Pierre Door. Eh oui !

M. Jean-Pierre Barbier. Troisièmement enfin, un autre exemple de bricolage, à l’article 17 – et c’est peut-être le pire : vous autorisez la Caisse d’amortissement de la dette sociale – CADES – à reprendre dès 2016 les déficits accumulés à l’Agence centrale des organismes de Sécurité sociale – ACOSS. Il y avait en effet une possibilité à la CADES, les fonds présents étaient déjà préfinancés. Or cette reprise se fait sans l’affectation de recettes supérieures, alors même que la Cour recommande des recettes de l’ordre de 0,23 point de CRDS afin de ne pas prolonger la durée de vie de la CADES.

M. Bernard Accoyer. La Cour ne peut pas être plus claire !

M. Jean-Pierre Barbier. Comme l’a affirmé le Premier président de la Cour des comptes lors de son audition par la commission des affaires sociales le 16 septembre, « En matière de déficits, les miracles sont vraiment exceptionnels, et la magie fonctionne très rarement ». Et il ajoutait : « Il ne sert à rien de repousser certains sujets à plus tard ; en tout cas, cela ne les règle pas obligatoirement à moyen et long terme ».

J’ai le sentiment que l’on vide les caisses avant de partir. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Dans ces conditions, comment financerez-vous l’année prochaine l’augmentation du découvert de l’ACOSS, chers collègues socialistes ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Nous ne sommes pas encore partis !

M. Jean-Pierre Barbier. Peut-être laisserez-vous à vos successeurs – cela risque d’être nous, en tout cas je l’espère – la tâche d’augmenter la CRDS ou la CSG, ces deux contributions finançant la CADES par le biais du Fonds de réserve pour les retraites ? De telles manœuvres s’efforcent d’entretenir l’illusion afin de reculer l’échéance des décisions responsables, amorçant autant de bombes à retardement pour les futurs gouvernements. Mme la ministre prétend agir et réformer. En réalité elle renonce, tergiverse et recule devant l’obstacle. Pire, dans la perspective, déjà, de l’élection de 2017, elle crée de nouveaux droits sans étude d’impact ni évaluation. Elle procède à la manière d’un illusionniste, en reprenant d’une main discrète ce que le Premier ministre donne d’une autre visible et volontaire !

M. Bernard Accoyer. C’est du vol par ruse !

M. Jean-Pierre Barbier. J’en veux pour preuve les articles 21 à 23 du PLFSS qui visent à aménager la généralisation de la complémentaire santé. L’article 21, qui crée un dispositif spécifiquement réservé aux personnes de plus de 65 ans, amplifie la segmentation de la protection sociale alors qu’il existe déjà huit dispositifs d’accès à la complémentaire santé. En outre, on demande aux salariés et aux entreprises de payer pour les retraités par le biais de la taxe de solidarité additionnelle aux cotisations d’assurance facturée par les assureurs à leurs clients.

M. Bernard Accoyer. C’est la guerre des générations !

M. Jean-Pierre Barbier. L’article 22, relatif à l’aide individuelle de l’employeur destinée à l’acquisition d’une complémentaire santé par les salariés précaires, crée de nouvelles obligations pour les employeurs. Il est vrai qu’ils n’en ont pas assez, eux qui doivent mettre en place au 1er janvier 2016 le compte pénibilité, la déclaration sociale nominative, la réforme des contrats responsables et la généralisation de la complémentaire santé… La coupe est pleine ! Nous sommes inquiets que ces contraintes supplémentaires ne fassent renoncer les employeurs à embaucher ou conserver des salariés précaires. Il faut bien envisager cette conséquence ! Quant aux salariés demandant le versement d’un chèque santé afin de souscrire le contrat de leur choix, ils devront prouver qu’ils ne bénéficient pas déjà d’une aide pour acquérir une complémentaire santé, et déclarer fiscalement la participation de leur employeur à leur contrat. Tout cela participe très certainement du choc de simplification promis, que nous attendons toujours !

M. Bernard Accoyer. Pour un choc, c’est un choc !

M. Jean-Pierre Barbier. L’article 23 proroge la participation transitoire des organismes complémentaires au forfait médecin traitant, poursuivant la saignée des assurés et spécialement des actifs. En effet, ce ne sont évidemment pas les organismes complémentaires qui paieront les médecins mais les assurés, car les assureurs répercutent le coût de la fiscalité sur leurs tarifs. Cette politique est ubuesque. Le Gouvernement fait de la politique spectacle en donnant l’illusion de la solidarité alors qu’en réalité il crée de nouvelles tracasseries pour les entreprises et continue de faire les poches des Français. Triste continuité d’une politique que nous connaissons depuis maintenant plus de trois ans…

Enfin, l’article 39 crée une protection maladie universelle. Il justifie à lui seul un renvoi en commission du PLFSS car il constitue un changement très important, comme l’a affirmé elle-même Mme la ministre en commission. C’est le moins que l’on puisse dire !

Cet article soulève deux questions. La première porte sur la méthode : l’article est présenté comme une simplification mais il est long de seize pages illisibles ! M. Bapt, notre rapporteur, a d’ailleurs lui-même souligné en commission que le PLFSS contenait plusieurs articles très longs et complexes. Nous voilà bien servis !

M. Bernard Accoyer. Comme dit Martine Aubry, quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup !

M. Jean-Pierre Barbier. Quant au fond, cet article ne comporte aucune étude d’impact. Il ouvre la boîte de Pandore, et advienne que pourra ! Il s’affranchit complètement de la logique d’affiliation à la Sécurité sociale fondée sur l’activité professionnelle et donc la cotisation. Il s’agit d’un véritable changement de paradigme, que vous introduisez au détour du PLFSS alors même qu’il modifie l’un des fondements de notre rapport à la Sécurité sociale. Ce sujet mérite selon nous un débat d’ampleur.

M. Bernard Accoyer. C’est la casse de la Sécurité sociale !

M. Jean-Pierre Barbier. Il est en outre quasiment impossible à l’heure actuelle de mesurer les conséquences pratiques de cet article. Combien de personnes supplémentaires seront concernées ? Dans la mesure où les comptes de la branche maladie n’ont cessé de se dégrader depuis 2012, on ne peut qu’être inquiet d’une telle ouverture de droits sans aucune contrepartie !

M. Bernard Accoyer. Et de la fraude !

M. Jean-Pierre Barbier. Mme Delaunay a répondu en commission – car nous écoutons ce que vous dites, contrairement à vous… (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous répétez la même chose mot pour mot !

M. Jean-Pierre Barbier. Mme Delaunay a donc répondu que le dispositif « devrait jouer à périmètre constant ». L’usage du conditionnel montre que le Gouvernement navigue à vue sans se soucier du lendemain, des incidences financières, des conséquences en termes de fraude ou de notre rapport à la Sécurité sociale. Il ouvre encore et toujours plus de droits en négligeant les devoirs. Sous la rhétorique bienveillante d’un article farci de termes tels que « solidarité », « égalité » et « accès aux droits », le Gouvernement parachève l’étatisation de la Sécurité sociale et la déresponsabilisation des assurés.

M. Bernard Accoyer. Très bien !

M. Jean-Pierre Barbier. La Sécurité sociale se transforme en école de l’assistance et de l’irresponsabilité. Tel n’était pas le sens de la Sécurité sociale de 1945 !

M. Patrick Mennucci. C’est du Buisson !

M. Christophe Sirugue. Vous faites dans la dentelle !

M. Jean-Pierre Barbier. Oui, comme le texte qui nous a été présenté ! (Rires sur les bancs du groupe Les Républicains.) Rassurez-vous j’ai gardé le meilleur pour la fin.

M. Christophe Sirugue. On craint le pire.

M. Jean-Pierre Barbier. Pour en revenir à l’article 39, j’ai du mal à ne pas croire au caractère électoraliste de la carte Vitale à vie dont le Président de la République a fait l’éloge lors de son discours à la Mutualité française. Cette mesure, jointe à la généralisation du tiers payant, consiste à promettre la gratuité des soins aux assurés sociaux en laissant prospérer l’idée populiste selon laquelle la médecine est peu chère et chacun peut en profiter sans compter. Voilà qui entame l’indispensable lien de confiance entre les Français et la Sécurité sociale. Certains Français ont désormais le sentiment de cotiser au-delà de leurs moyens et de ne pas recevoir à la hauteur de leurs besoins. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Jacques Pélissard. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Barbier. Un sondage de l’Ifop d’août 2015 révèle que la protection sociale est perçue par les Français comme inégalitaire, inéquitable et intenable.

Ce PLFSS reporte sur vos successeurs la charge d’équilibrer les comptes et de faire les réformes structurelles nécessaires en matière de financement et d’organisation. Il est caractérisé par une absence de cap, de choix et de courage pour traiter les défis de notre protection sociale. Il a d’ailleurs été expédié : la commission des affaires sociales n’a débattu que huit heures pour examiner des recettes de 472 milliards d’euros et des dépenses de 478 milliards d’euros. Un record ! Mme la ministre a tout fait pour éviter le débat en méprisant l’opposition et en muselant la majorité, ou ce qu’il en reste – le vote tout à l’heure de la première partie du projet de loi de finances pour 2016 permet de s’interroger sur ce point. Absente ce soir, elle a très certainement préféré s’exprimer dans l’excellente revue parlementaire du mois d’octobre 2015.

M. Gérard Sebaoun. Excellente revue !

M. Jean-Pierre Barbier. Elle y dévoile sa vision de l’avenir du système de santé français et de l’hôpital public, appelé à s’investir dans le tourisme médical. (Rires sur les bancs des groupes Les Républicains et de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. Christophe Sirugue. Et alors ?

M. Bernard Accoyer. C’est scandaleux !

M. Jean-Pierre Barbier. Assurément, la France est devenue un pays attractif pour les touristes fortunés en quête d’excellents soins – car nous avons un système d’excellence – à des coûts toujours plus bas – car nous avons cultivé le moins cher !

Mme Joëlle Huillier, rapporteure de la commission des affaires sociales. Tant qu’ils paient !

M. Jean-Pierre Barbier. Que penseront de cette orientation les Français qui cotisent toujours plus et doivent attendre des mois pour voir un ophtalmologiste ou passer une IRM ?

M. Bernard Accoyer. Ou accéder à l’innovation !

M. Jean-Pierre Barbier. C’est décidément un bien triste anniversaire de la Sécurité sociale où le tourisme médical est censé renflouer l’hôpital public et l’acharnement sur la filière du médicament régler le difficile problème du déficit !

S’agissant de la solidarité nationale en matière de santé, le Gouvernement et nous-mêmes ne partageons très certainement pas les mêmes valeurs. Pour toutes ces raisons, sur le fond comme sur la forme, j’ai l’honneur de vous demander, chers collègues, d’adopter cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et de l’Union des démocrates et indépendants.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la famille, de l’enfance, des personnes âgées et de l’autonomie.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État chargée de la famille, de l’enfance, des personnes âgées et de l’autonomie. Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, que dire de votre propos, monsieur le député Barbier, tant il est outrancier ! (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.) Il y transparaît un rapport à notre système de protection sociale qui n’est en rien enraciné dans les principes de 1945.

Vous avez beaucoup évoqué les déficits, mais vous ignorez probablement que les déficits du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse seront en 2016 inférieurs de 10 milliards d’euros à ce qu’ils étaient en 2011, atteignant leur niveau le plus bas. Dès cette année, nous avons ramené la Caisse nationale d’assurance vieillesse – CNAV – à l’équilibre et la dette de la Sécurité sociale diminue pour la première fois depuis 2002.

Quant aux réformes structurelles que vous avez évoquées, c’est un concept !

M. Bernard Accoyer. Ce n’est pas un concept, c’est une exigence !

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. Vous n’avez pas donné l’ombre d’un indice sur celles que vous proposez ! S’agit-il de déremboursements ? S’agit-il à l’inverse d’adapter le niveau de protection sociale et de remboursement de l’assurance maladie au comportement des patients, de sorte que les fumeurs seraient moins remboursés ?

M. Philippe Le Ray. Tous ne sont pas malades !

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. Ce sont des idées qui ont cours dans les discussions sur la Sécurité sociale ! S’agit-il d’une protection sociale à deux vitesses ? D’une réduction des remboursements ? Vous n’en dites rien ! Les réformes structurelles demeurent donc pour vous un concept politique auquel vous ne donnez aucun contenu.

Par ailleurs, tout en parlant des déficits, les seules réformes que vous avez proposées consistaient en des dépenses supplémentaires : des dépenses de soutien à l’industrie pharmaceutique (« Mais non ! » sur les bancs du groupe Les Républicains), le refus du report d’une baisse de cotisation de six mois, une demande de financement pour la CADES… À aucun moment vous n’avez fait des propositions qui n’augmentaient pas les dépenses du PLFSS !

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Ce n’est pas vrai !

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. Pour conclure, par-delà les débats que nous avons au sujet des réformes de la Sécurité sociale, je ne suis pas sûre, monsieur le député, qu’il soit responsable de laisser penser aux Français que leur système n’est pas redistributif. Lorsque l’on connaît le prix des médicaments, le coût du traitement de l’hépatite C par exemple, que le Gouvernement a décidé de proposer à la Sécurité sociale de prendre en charge, lorsque l’on connaît les enjeux et le coût des traitements médicaux, le tout montrant à quel point notre système est redistributif, il n’est pas responsable de la part d’un représentant de la République de laisser entendre cela. Bien entendu, le Gouvernement demande le rejet de la motion de renvoi en commission.

Mme la présidente. Nous en venons aux explications de vote sur la motion de renvoi en commission.

La parole est à Mme Gisèle Biémouret, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Gisèle Biémouret. Une fois de plus, vous ne nous surprenez pas, chers collègues de l’opposition ! La motion de renvoi en commission que vous présentez, qui tourne à la posture, est complètement incompréhensible. Tout ce que nous comprenons, c’est que le rétablissement des comptes sociaux, qui se confirme en 2016 grâce aux politiques engagées depuis 2012, vous embarrasse. Ce que les Français, quant à eux, comprennent, c’est que le PLFSS améliore leurs droits sociaux en mettant en œuvre une protection universelle maladie. Ce que les Français constatent, c’est que nous améliorons leur accès aux soins grâce à des contrats de mutuelle moins chers pour les plus de 65 ans, une réforme de la filière visuelle et la garantie d’une couverture santé des salariés en contrat court.

Nous généralisons à tout le territoire le dispositif de la garantie contre les pensions alimentaires impayées, afin de lutter contre la pauvreté des enfants et des familles monoparentales.

M. Patrick Mennucci. Très bien !

Mme Gisèle Biémouret. Ce sont des mesures de justice sociale et de lutte contre les inégalités, accompagnées de maîtrise des dépenses, qui se font sans transfert vers les patients ou les complémentaires.

Permettez-nous de ne pas comprendre l’urgence d’un renvoi en commission : l’urgence, c’est de continuer à remplir le contrat social qui nous lie aux Français, avec une politique volontariste et efficace.

M. Philippe Vitel. L’urgence, c’est l’alternance !

Mme Gisèle Biémouret. Le groupe socialiste, républicain et citoyen votera contre cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme la présidente. Sur la motion de renvoi en commission, je suis saisie par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour le groupe Les Républicains.

M. Jean-Pierre Door. Nous sommes surpris que Mme la ministre ne soit pas au banc ce soir et espérons l’y voir très prochainement. Nous sommes aussi surpris de la réponse quelque peu hautaine que Mme la secrétaire d’État vient d’apporter aux réflexions de notre collègue.

M. Bernard Accoyer. Réponse fort dédaigneuse !

M. Jean-Pierre Door. M. Barbier est dans son rôle d’opposant : il a le droit et le devoir d’engager certaines réflexions. Aussi a-t-il eu raison de faire de la décroissance des industries pharmaceutiques en France un sujet majeur de son intervention, puisque ce sont elles qui financeront 50 % du plan d’économies de 3,4 milliards, avec une taxation négative de leur chiffre d’affaires – du jamais vu !

M. Barbier a aussi livré une analyse très fine des articles 15 et 18, ainsi que de l’article portant sur la CADES, révélant les faiblesses du texte. Notre dette sociale, faut-il le rappeler, est très importante, proche de celle de la Grèce !

Enfin, M. Barbier a souligné la dimension illusoire de ce projet, évidente dans les articles 21 et 23, relatifs aux complémentaires. En somme, notre collègue a tout à fait raison de plaider pour le renvoi en commission, afin de demander certaines études d’impact qui font défaut, notamment sur l’article 39. Le groupe Les Républicains votera cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Francis Vercamer. Il est difficile de deviner le cap que souhaite prendre le Gouvernement avec ce texte, malgré l’éloquence des deux ministres à la tribune. On nous explique qu’il s’agit d’un PLFSS extraordinaire parce que le déficit diminue : je rappelle que le Président de la République s’était engagé à réduire totalement les déficits en 2017 et que cette promesse vient d’être repoussée à 2020 – et peut-être même au-delà, selon la conjoncture. De ce fait, les effets de manche des ministres tombent à plat !

On aurait aimé que ce PLFSS contienne des réformes structurelles lourdes. On aurait voulu qu’il s’attaque au financement de la protection sociale, afin que celui-ci cesse de peser sur le travail, et donc sur la compétitivité. On aurait pensé y trouver une réforme de la carte hospitalière, ou une réforme de l’ambulatoire, toutes deux nécessaires à une réduction de la part de l’hôpital dans le budget global. Mais rien de cela !

Je rappelle que si les soins de premiers recours à l’hôpital augmentent de 6 % par an, c’est qu’il n’y a plus de permanences de soins et que les déserts médicaux et pharmaceutiques ne cessent de s’étendre, à cause de la politique économique menée sur le territoire ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Depuis trois ans maintenant, vous tapez sur l’industrie pharmaceutique, jouant sur l’emploi et sur l’économie. Maintenant, une pharmacie ferme malheureusement tous les deux jours, et 22 % de ces officines sont installées en milieu rural. Vous êtes en train de faire éclater la France, avec votre politique et ce PLFSS !

M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales. Et vous, qu’avez-vous fait ?

M. Francis Vercamer. Que voulez-vous faire avec ce PLFSS ? Là est la question ! Certes, les mesures concernant les soins de suite constituent une avancée, mais vous voulez nous faire signer un chèque en blanc sans nous donner leur coût exact. Dans l’étude d’impact, rien n’est inscrit pour les années 2017, 2018 et 2019. (« Bravo ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.) Comme il s’agit d’une obligation constitutionnelle, il est fort à parier que le Conseil constitutionnel les censurera. Il est donc souhaitable que ce texte soit renvoyé en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. Nous en avons terminé avec les explications de vote.

Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants75
Nombre de suffrages exprimés75
Majorité absolue38
Pour l’adoption21
contre54

(La motion de renvoi en commission n’est pas adoptée.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Dominique Orliac.

Mme Dominique Orliac. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la situation économique morose que traverse notre pays persiste et, bien que les années se suivent, les comptes de la Sécurité sociale ne se ressemblent pas. Personne ne conteste ici qu’il soit de notre devoir de combler au mieux nos déficits afin de laisser aux générations futures un pays aux finances saines, tout en instaurant une politique de santé de qualité, et cela alors que la Sécurité sociale fête son soixante-dixième anniversaire.

Toutefois, œuvrer pour des finances saines, en demandant à tous un effort de solidarité, ne peut se faire sans créer des situations difficiles. Dans ce contexte, il est plus que jamais de notre responsabilité de maintenir une cohésion nationale et sociale, ainsi qu’un socle républicain solide. Les mesures doivent répondre au souci d’un budget équilibré tout en prenant en compte la variable de l’équité et de la solidarité, et ce, sans créer d’inégalités.

Avec ce texte, le déficit cumulé du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse devrait atteindre 9,7 milliards d’euros en 2016, retrouvant ainsi le niveau d’avant la crise. Ramener le déficit du régime général à un niveau proche de l’équilibre : cela n’a jamais été constaté depuis 2002, et nous pouvons nous en féliciter ! À cet égard, je note que l’opposition tire à boulets rouges sur ce PLFSS et son déficit, qui se réduit, alors même que les progrès budgétaires que nous constatons sont, pour partie, les fruits d’une réforme parfois décriée sous la précédente majorité.

L’Objectif national des dépenses d’assurance maladie – ONDAM –, sous-exécuté en 2014, devrait être respecté en 2015 ; il sera donc revu à la baisse en 2016. La progression sera bloquée à 1,75 % l’an prochain, contre 2,1 % cette année. Si l’on peut se féliciter de ce taux historiquement bas qui permettra de pérenniser notre système de santé, il faut toutefois souligner qu’il aura des conséquences sur les territoires, particulièrement sur les territoires ruraux – je pense notamment à la rationalisation des transports et au risque de renoncement aux soins qu’elle comporte. Mais il aura aussi un effet sur la branche maladie – la plus déficitaire des quatre branches.

Madame la secrétaire d’État, les économies sur l’industrie du médicament sont problématiques. À nouveau, et comme depuis plusieurs années, elles sont majorées. Certes, elles sont ciblées et, de ce fait, plus faciles à réaliser à court terme. Mais il est malheureux de constater que, pour cette année encore, et comme depuis quatre ans, les coupes sont drastiques. Alors que le médicament représente 11 % des dépenses, 50 % des économies se font à son détriment !

C’est encore un signal négatif qui est envoyé à l’industrie pharmaceutique. Pourtant, celle-ci participe singulièrement à l’innovation dont notre pays a besoin et aux investissements industriels. Les mesures d’économies sur le médicament ont des conséquences désastreuses. Elles peuvent entraîner des délocalisations, des pertes d’emplois, une diminution des investissements en matière de recherche clinique. Et je ne mentionnerai pas le déclin des exportations, l’assèchement des capacités françaises d’innovation, ou encore la diminution drastique des investissements productifs. Alors que l’on invoque la croissance et l’emploi pour notre pays, force est de constater que, dans ce secteur, nous serons bientôt distancés par nos voisins européens !

Quant à la répartition pharmaceutique, élément essentiel du maillage du territoire pour les pharmacies, elle perd 50 millions d’euros avec ce PLFSS, ce qui fragilise toute la chaîne du médicament. Les acteurs de la répartition pharmaceutique assurent au quotidien une mission vitale de service public, en garantissant un accès égal au médicament sur l’ensemble du territoire. Le financement de la distribution des médicaments génériques est un élément important de cette problématique. Nous proposerons donc dans un amendement que la profession soit exonérée de la taxe sur la vente de médicaments génériques. Cette mesure est nécessaire à la stabilité de la profession. Une taxe additionnelle sur la vente de tabac permettrait de compenser la perte de recettes pour l’État.

Le réseau officinal est de plus en plus sinistré, surtout en milieu rural. La désertification pharmaceutique succède à la désertification médicale. La fin du professionnel de santé de premier recours aura un coût très lourd en termes de santé publique pour les patients. Dès lors, il est impératif de mettre en œuvre des mesures concrètes et immédiates pour soutenir l’ensemble du réseau. Je le rappelle : une pharmacie ferme tous les deux jours en 2015 et 400 fermeront en 2016. Telle est la réalité !

Les baisses de prix des produits matures sont présentées comme devant compenser les prix élevés des nouveautés comme le traitement de l’hépatite C. Il s’agit en réalité d’un leurre, car ces nouveautés sont dispensées par les pharmacies hospitalières, et comptabilisées dans les dépenses de ville. Le résultat est donc négatif pour le réseau officinal.

Il en va de même pour l’annulation de crédits hospitaliers d’environ 425 millions d’euros, prévue pour tenir l’objectif de réduction du déficit de l’assurance maladie : elle conduit à l’augmentation du déficit, déjà lourd, des établissements. En 2014, la même mesure avait creusé le déficit des hôpitaux de 400 millions d’euros !

Refusant les propositions du rapport Polton pour une réforme du mécanisme de remboursement des médicaments, la ministre de la santé a confirmé qu’elle était, à la différence de ses prédécesseurs, opposée au déremboursement des médicaments. Mais ce déremboursement existe ! Il est décidé par la commission de transparence, sous des prétextes scientifiques et avec une évaluation désuète du service médical rendu. C’est le cas des anti-arthrosiques, dont le déremboursement est dénoncé par 1,5 million de patients, qui ont signé une pétition à cet effet.

Enfin, nous pourrions faciliter la médication de premier recours dans le parcours de soins, comme c’est le cas dans la plupart des pays d’Europe.

J’aimerais également revenir sur l’article 42. Les amendements que nous avons déposés pour améliorer le dispositif ont été rejetés car ils contrevenaient à la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale. Nous déplorons que les dispositions relatives à la santé visuelle n’aient pas vraiment été négociées avec les acteurs de la branche. L’article 42 ne permet pas de susciter de manière satisfaisante le développement du « travail aidé » avec des professionnels paramédicaux à tarifs opposables. En effet, un contrat non renouvelable de trois ans ne sera pas très incitatif.

Par ailleurs, ceux qui le souhaiteront ne pourront travailler avec des orthoptistes libéraux que dans les maisons de santé et les centres de santé, alors que les cabinets libéraux d’ophtalmologie sont plus nombreux. Cela ne permettra pas de mobiliser tous les moyens pour la modernisation du secteur. L’extension du contrat collectif aux ophtalmologistes et orthoptistes qui se seraient regroupés pour former un pôle de santé ophtalmologique aurait été nécessaire pour atteindre l’objectif de l’article 42, qui est la réduction des délais d’attente. C’est la recommandation n10 du rapport de l’IGAS de Dominique Voynet.

Cependant, nous partageons un certain nombre de propositions de ce projet de loi. La première concerne l’instauration d’une véritable protection universelle maladie qui devrait voir le jour en 2016, accompagnée d’une simplification des conditions requises pour ouvrir le droit à remboursement mais surtout avec des droits désormais servis à chaque assuré individuellement. La carte Vitale, qui aura potentiellement vocation à durer toute la vie de l’assuré, devrait être proposée dès l’âge de 12 ans.

M. Dominique Tian. Sécurisez le dispositif !

Mme Dominique Orliac. Grâce à cette mesure, nous ne rencontrerons plus ces situations très problématiques où de jeunes adultes attendent parfois des mois avant d’obtenir leur carte Vitale. Je citerai un cas douloureux, celui de Matthias, diabétique, décédé quinze jours avant que sa carte Vitale puisse lui être délivrée.

Autre avancée, la généralisation de l’accès à une complémentaire santé de qualité pour les catégories défavorisées. Lors du PLFSS pour 2015, notre groupe avait proposé, avec d’autres groupes de gauche, de supprimer les franchises médicales pour les patients bénéficiant de l’aide à la complémentaire santé en sollicitant la remise d’un rapport au Parlement sur ce sujet, afin de jeter les bases d’un débat sur la place de ces franchises dans notre système de santé et les conséquences pour l’ensemble de nos concitoyens.

Cette mesure, marqueur fort d’une politique sociale plus juste, permet de renforcer notre pacte de solidarité.

Les dispositions relatives à la lutte contre l’obésité chez les enfants entre 3 et 8 ans, qu’elles touchent au médecin traitant, à la prise en charge financière de bilans d’activité physique ou à l’intervention de diététiciens et de psychologues, vont dans le bon sens. Toutefois, le texte ne vise que les centres de santé et les maisons de santé pluridisciplinaires. Dans un souci de proximité et d’accès aux soins, il nous semble pertinent d’ouvrir ce dispositif aux professionnels libéraux souhaitant s’investir dans ce travail de prévention. Nous avions déposé un amendement élargissant le champ des acteurs de la prévention car, plus il y a d’acteurs présents sur le terrain, plus la lutte contre l’obésité est efficace. Cet amendement a été rejeté, ce qui est bien dommage.

Enfin, le groupe des Radicaux de gauche et apparentés soutient vos propositions relatives à l’accès des mineures à la contraception.

Vous l’aurez compris, notre groupe portera plusieurs propositions. Les débats en commission ont été courts, mais nous présenterons un nombre significatif d’amendements en séance. Nous attendons donc de voir la direction que ce PLFSS prendra lors de nos débats dans l’hémicycle, en espérant que de véritables réformes structurelles soient adoptées. (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Par ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016, le Gouvernement poursuit, dans une démarche comptable confirmée, son objectif prioritaire, pour ne pas dire unique : réduire à tout prix les dépenses de santé. Et pour cause, puisqu’il faut compenser les milliards qu’il offre aux entreprises dans le cadre du CICE et du pacte de responsabilité.

Il s’agit donc d’économiser sur la santé 10 milliards d’euros en trois ans, dont 3,4 milliards en 2016, auxquels s’ajoutent 5,3 milliards d’exonérations de cotisations sociales patronales, que vous avez décidé d’élargir dans la mise en œuvre du deuxième volet du pacte de responsabilité.

J’ai parlé de démarche comptable car vous ne raisonnez pas à partir de la réponse aux besoins sociaux et de santé, en veillant bien sûr à la meilleure utilisation possible des deniers publics auxquels nous sommes très attachés et qui ne doivent pas être gâchés dans des dépenses inutiles. Vous faites l’inverse : vous commencez par fixer un cadre budgétaire contraint avant d’examiner ce qu’il est possible de faire avec cette enveloppe de plus en plus réduite.

Ce texte confirme la réduction des moyens financiers consacrés à la couverture des besoins sociaux et à la santé. Et vous osez prétendre qu’un tel choix n’aura pas de conséquences pour nos concitoyens ? Il faut être sérieux ! Personne ne peut vous croire car tout le monde sait que votre équation, mieux prévenir et mieux soigner avec des milliards d’euros en moins, est impossible à résoudre.

Vous brandissez un déficit estimé à 9,7 milliards d’euros pour 2016 en vous félicitant de l’avoir réduit. De fait, le déficit de la branche famille est divisé par deux, passant de 1,6 milliard en 2015 à 800 millions en 2016. Quant à la branche vieillesse, elle devrait être excédentaire de 900 millions d’euros en 2016, après avoir connu un déficit de 600 millions d’euros en 2015.

Mais quel est le prix à payer pour nos concitoyens ! S’agissant de la branche famille, l’amélioration des comptes est d’abord due au gel de la revalorisation des prestations familiales en 2014 et en 2015. L’entrée en vigueur, l’été dernier, de la modulation des allocations familiales y a également contribué.

Cette réforme, qui remet en cause le principe d’universalité et que vous avez présentée comme une mesure de justice sociale, est en réalité une mesure d’économie : 865 millions d’euros en moins pour les familles chaque année tandis que, selon une projection de la Caisse nationale des allocations familiales, 15 % des familles verront leurs allocations diminuer.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Lesquelles, justement ?

Mme Jacqueline Fraysse. Vous réalisez 865 millions d’euros d’économies, et vous ne les redistribuez pas !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Qu’avez-vous donc fait de votre slogan « Faire payer les riches » ?

Mme Jacqueline Fraysse. Il ne s’agit pas, pour vous, de donner l’argent des riches aux plus pauvres, mais d’économiser de l’argent sur les familles !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure de la commission des affaires sociales. Franchement…

Mme Jacqueline Fraysse. En ce qui concerne la branche vieillesse, rappelons que ce redressement s’explique essentiellement par le résultat cumulé des reculs sociaux engagés par la droite et que vous avez, hélas, poursuivis. La réforme conduite par le ministre Éric Woerth en 2010 fixe l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans au lieu de 60. Elle a été confortée par la réforme de 2011 allongeant la durée de cotisation de quarante à quarante et une année et demie. S’y ajoutent les dispositions que vous avez prises en 2014 allongeant la durée de cotisation à quarante-trois années pour disposer d’une retraite à taux plein, ainsi que celles décidées en 2015 pour augmenter les cotisations vieillesse et geler les pensions.

Par ailleurs, nous n’oublions pas la dégradation persistante du Fonds de solidarité vieillesse, dont le déficit s’établit à 3,7 milliards d’euros en 2015, ni les perspectives très préoccupantes des régimes complémentaires qui viennent d’être négociées par les partenaires sociaux – nouveau report de l’âge de départ et abaissement du niveau des pensions. Dans ce contexte, alors que la retraite figure parmi les premiers sujets de préoccupation des Français, votre autosatisfaction a quelque chose d’indécent tant elle cache une réalité amère pour nos concitoyens.

Concernant la branche accidents du travail-maladies professionnelles, les objectifs de dépenses pour le régime général sont identiques à ceux de l’an dernier, autour de 12 milliards d’euros. Cette branche, encore excédentaire cette année, dissimule mal la sous-déclaration massive des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Certes, un mécanisme de compensation à la branche maladie en atténue les conséquences, mais sans résoudre le problème de fond dont finalement, tout le monde s’accommode.

À ce propos, votre attitude à l’égard de la prévention des risques relatifs à l’amiante nous préoccupe. L’an dernier, sur ces mêmes bancs, je m’inquiétais du report de l’entrée en application d’un décret datant de 2012, qui fixait différents seuils d’exposition à l’amiante plus contraignants qu’auparavant. Ce décret n’est toujours pas complètement entré en application. Comment devons-nous interpréter cette inertie, sachant que la vie de dizaines de milliers de salariés est menacée ?

Ainsi, alors que les enjeux de santé publique et de prévention des risques, d’ailleurs source d’économies, sont plus que jamais essentiels dans cette société fortement touchée par le chômage et les inégalités, vous choisissez de réduire drastiquement l’Objectif national des dépenses de l’assurance maladie pour le fixer à 1,75 % pour 2016. C’est le seuil le plus bas depuis vingt ans, et bien en deçà de la progression tendancielle des dépenses, évaluée par les pouvoirs publics aux alentours de 4 %.

Autrement dit, en exigeant des établissements et des personnels de santé qu’ils limitent leurs dépenses à un peu moins de la moitié de celles réellement nécessaires pour répondre aux besoins, soit vous entretenez sciemment le déficit de la Sécurité sociale, qui vous est bien utile pour faire accepter les reculs sociaux, soit vous décidez autoritairement de ne pas répondre aux besoins sociaux et de santé de nos concitoyens. En réalité d’ailleurs, vous faites les deux.

Dans le détail, l’ONDAM pour les établissements de santé est fixé à 1,75 % et celui pour les établissements et services médico-sociaux à 1,9 %, alors que les prévisions de dépenses des premiers augmenteront mécaniquement de 2,87 % et celles des seconds de 3,21 %, ne serait-ce qu’en raison de l’inflation. Vous décidez donc de réduire encore leurs moyens, ce qui se traduira, sur le terrain, par de nouvelles baisses d’effectifs et de qualité des prestations offertes par des établissements pour la plupart déjà exsangues après plusieurs années consécutives d’efforts importants.

Ainsi, les hôpitaux, pourtant déjà à la limite de la rupture, devront économiser 1 milliard d’euros, qui s’ajoute aux 600 millions d’euros d’économies réalisées l’an passé. Pour tenir vos objectifs d’ici 2017, selon un document interne du ministère de la santé dont la presse s’est fait l’écho en mars dernier, c’est l’équivalent de 22 000 emplois de la fonction publique hospitalière qui devraient être remis en cause.

Quant au « virage ambulatoire », c’est encore pour vous l’occasion de réaliser des économies : vous en espérez 465 millions d’euros ! Si le développement de la chirurgie ambulatoire, c’est-à-dire sans hospitalisation, est effectivement à l’ordre du jour, vous faites délibérément l’impasse sur les investissements nécessaires pour réorganiser les pratiques, former les équipes soignantes, acquérir les équipements adéquats. Rien de tout cela ne vous préoccupe. Une fois de plus, votre seul souci est financier, comptable : vous exigez d’eux qu’ils fassent des économies sans précédent !

D’ailleurs, l’ONDAM du Fonds d’intervention régional, censé être le moteur de la rénovation des pratiques médicales et des modes d’exercice professionnel, est en contradiction totale avec l’exigence de développer la chirurgie ambulatoire et de rationaliser les pratiques hospitalières dans les territoires puisqu’il connaît une baisse vertigineuse, passant de 2,1 % en 2015 à 1 % en 2016 !

Quant à l’ONDAM des soins de ville, il est fixé à 2 %, réduisant chaque année un peu plus la marge de manœuvre des médecins de ville pour faire face au surcroît de consultations et au renforcement de leurs missions dans le cadre du développement de la médecine ambulatoire.

Votre obsession comptable, c’est évident, ne vous conduit pas à mesurer les conséquences de ces choix catastrophiques qui obligent un nombre toujours plus grand de nos concitoyens à renoncer à des soins indispensables, notamment les jeunes et les personnes âgées, qui laissent un peu plus de 47 000 personnes handicapées, dont plus de 12 600 enfants, sans aucune solution d’accompagnement, qui asphyxient nos hôpitaux publics et en réduisent sans cesse les activités, qui ne répondent pas aux nouveaux défis que constituent l’explosion des maladies chroniques, comme le diabète ou les maladies liées à la pollution de l’environnement, l’accroissement des pathologies liées à la pénibilité, à la précarité de l’emploi ou au chômage de masse, la prise en charge des personnes âgées ou encore le développement des soins palliatifs que vous avez pourtant promis.

Du coup, même si ce texte comporte quelques avancées (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen) telles que l’amélioration des droits à la complémentaire santé pour les CDD courts, la prévention de l’obésité, la généralisation du dispositif de garantie contre les impayés de pensions alimentaires ou encore la garantie du secret et la gratuité des consultations réalisées dans le cadre de la prescription d’un contraceptif pour les jeunes filles âgées de plus de 15 ans, ces quelques avancées apparaissent bien maigres au regard des priorités urgentes que votre projet de loi n’aborde pas, notamment la question cruciale du financement de la Sécurité sociale.

En effet, si vous prônez la rigueur pour les dépenses, nous vous sentons moins opiniâtres en matière de lutte contre la fraude aux cotisations patronales,…

M. Gérard Sebaoun. Ça, c’est vrai.

Mme Jacqueline Fraysse. …fraude dont le coût total est estimé par la Cour des comptes à plus de 20 milliards d’euros pour la seule année 2012 alors que vous n’avez récupéré que 850 millions en 2014.

M. Gérard Bapt, rapporteur. C’était pourtant un montant record !

Mme Jacqueline Fraysse. Nous plaidons pour que des moyens suffisants soient consacrés à cette tâche qui s’inscrit dans la lutte contre les déficits.

Il est évident que la Sécurité sociale, dont nous saluons cette année le soixante-dixième anniversaire, a besoin de moyens nouveaux pour continuer à remplir sa noble tâche, qui est, dans un cadre solidaire, de protéger tout le monde, notamment les plus vulnérables, contre les accidents de la vie. Contrairement à ce que vous voulez nous faire croire, ces moyens existent. Mais leur mise en œuvre relève de choix politiques courageux que vous refusez de faire.

Quand, par exemple, nous proposons de soumettre à cotisations sociales les revenus financiers des sociétés, c’est-à-dire les revenus qui ne sont pas investis pour créer des emplois, au même taux que celui des salariés, nous proposons une mesure qui est à la fois une source de recettes nouvelles et de justice sociale et une incitation au développement économique. Pourtant, vous vous y opposez obstinément, préférant pénaliser nos concitoyens en réduisant les moyens publics.

Vous tentez de nous rassurer en expliquant que l’État compensera aux caisses de la Sécurité sociale les dépenses engagées en faveur du patronat, certes, mais personne n’est dupe : ce n’est qu’un jeu d’écritures, car toutes les sommes « compensées » par l’État manqueront dans d’autres budgets, celui des collectivités locales par exemple, qui devront réduire leurs investissements et les services qu’elles offrent à la population. À l’arrivée, ce sont toujours les mêmes qui sont pénalisés !

Vous tentez de nous faire croire que l’assurance complémentaire permettra de combler l’insuffisance croissante des remboursements de la Sécurité sociale. Là encore, c’est un leurre. Les complémentaires sont des assurances privées que nombre de nos concitoyens ne peuvent pas s’offrir. Vous le savez, puisque vous tentez de mettre en place des sortes de rustines, à différents niveaux, pour aider un peu les personnes les plus en difficulté.

Cette année, ce sera en faveur des personnes de plus de 65 ans, dont vous venez de découvrir qu’elles payent cher. Eh oui, les complémentaires n’entrent pas dans le cadre de la solidarité ! Seule une meilleure prise en charge par la Sécurité sociale peut répondre à ces problématiques. Or non seulement vous ne proposez aucune avancée en ce sens, mais vous consacrez les reculs en poursuivant une véritable privatisation progressive de notre protection sociale, privatisation que la droite avait entamée et que, hélas, vous n’avez pas abandonnée.

Mme Joëlle Huillier, rapporteure. C’est faux !

Mme la présidente. La parole est à Mme Bernadette Laclais.

Mme Bernadette Laclais. Après le projet de loi de finances la semaine dernière, nous voici en séance publique pour l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016. Il est difficile de dissocier les deux débats et les deux textes puisque, faut-il le rappeler, les dépenses du pacte de responsabilité contenues dans ce PLFSS sont entièrement compensées par l’État dans le PLF.

Plusieurs points me semblent mériter d’être soulignés.

Tout d’abord, le rétablissement des comptes de la Sécurité sociale n’a cessé d’être, depuis 2012, le fil conducteur, et les efforts consentis permettent d’enregistrer des avancées. Le déficit du régime général s’est réduit en 2014 de 2 milliards de plus que la prévision de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015. Il s’élève finalement à 9,7 milliards d’euros. En 2016, les comptes sociaux retrouveront le niveau d’avant 2008. Le déficit du régime général a été réduit de 40 % en trois ans.

Au-delà de ces chiffres qui sont autant de bonnes nouvelles pour la préservation de notre modèle social, le plus marquant est que cette politique de redressement des comptes s’accompagne de mesures structurelles destinées à soutenir l’activité économique, à renforcer les droits des assurés et à faire évoluer notre système de santé pour en assurer la pérennité sans régression. On observe même des progrès, des droits nouveaux, des innovations : remboursement du traitement contre l’hépatite C pour tous les malades ; remboursement à 100 % de l’IVG ; revalorisation de 10 % de l’aide à la complémentaire santé pour les personnes âgées ; suppression des franchises médicales pour les bénéficiaires de l’aide au paiement d’une complémentaire santé. L’année 2016 apporte également des avancées : prime d’activité, protection universelle maladie, amélioration de l’accès à la contraception pour les mineures et aux soins ophtalmologiques, prévention de l’obésité, généralisation de la garantie de paiement des pensions.

Ensuite, ce PLFSS met en œuvre la deuxième étape du pacte de responsabilité et de solidarité. Selon l’étude d’impact, le dispositif d’exonération de contribution sociale de solidarité des sociétés s’étendra à 80 000 PME supplémentaires par rapport à 2015.

Le débat qui s’ouvre permettra de mesurer le chemin parcouru et celui qui nous reste à parcourir. À l’évidence, nous pouvons améliorer ce PLFSS et nous nous y emploierons dans l’esprit que je viens d’évoquer, par exemple pour renforcer le droit d’accès aux soins ou diminuer le reste à charge.

Le groupe socialiste défendra aussi avec conviction le bilan de ces trois années de spectaculaire redressement. Permettez-moi de le dire sans agressivité ni volonté polémique : je trouve étonnant, pour ne pas dire cocasse, que ceux-là même qui ont laissé filer les déficits viennent aujourd’hui nous donner des leçons de bonne gestion !

M. Gérard Sebaoun. Très juste !

Mme Bernadette Laclais. Bien sûr, de nouvelles avancées sont attendues, et nous les défendrons. Nous voulons préparer les nouvelles espérances que les principes fondateurs de la sécurité sociale portent en eux. Car la sécurité sociale, ce ne sont pas que des chiffres et des équilibres. Ambroise Croizat – hommage soit rendu à ce Savoyard né au cœur de la vallée industrielle de la Tarentaise, au pied des montagnes – le disait : « L’ambition est d’assurer le bien-être de tous, de la naissance à la mort, et de faire de la vie autre chose qu’une charge ou un calvaire. La Sécurité sociale doit être un lieu de solidarité, un rempart au rejet, à la souffrance et à l’exclusion. » Vaste programme et belle espérance, que nous avons la charge de protéger, de pérenniser et d’adapter aux enjeux d’aujourd’hui avec pour seul objectif de mieux répondre aux besoins de nos concitoyens.

Pour répondre à M. Accoyer, qui n’est plus dans l’hémicycle…

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Nous lui transmettrons !

Mme Bernadette Laclais. …l’espérance que nous porterons nous mènera bien plus loin que la crainte que vous ne cessez d’entretenir et de mettre en avant.

J’espère sincèrement que ce PLFSS nous permettra de préparer de nouvelles avancées. Plusieurs amendements ont été déposés en ce sens, qui nous donneront l’occasion, au-delà du débat, d’enregistrer des points, des rapports, des possibilités de travailler pour l’avenir.

À mon initiative, vous le savez, la commission a adopté un amendement concernant les restes à charge pour les pathologies cancéreuses, notamment les cancers féminins. Même si la question ne relève pas directement de votre compétence, madame la secrétaire d’État, je profite de votre présence pour redire que le droit des femmes, c’est aussi le droit de se reconstruire, dans tous les sens du terme, après l’épreuve. Il est utile d’y insister afin de sensibiliser le public à leurs attentes, en particulier en ce mois d’octobre où beaucoup participent à l’opération « Octobre rose ». Je vous invite à préparer ou à soutenir des actions volontaristes correspondant à ces attentes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Nous sommes réunis pour débattre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016. Il s’agit du quatrième PLFSS de l’actuelle majorité et le dernier en année pleine avant les échéances électorales de 2017.

Avec 472,8 milliards d’euros de recettes et 478,3 milliards de dépenses, M. Eckert le rappelait, les masses financières de ce PLFSS restent beaucoup plus importantes que celles du budget de l’État. Cela qui démontre l’intérêt de ce débat et le défi qui se présente à nous.

Le déficit prévisionnel, de 5,6 milliards d’euros, monte à 9,3 milliards si l’on tient compte du Fonds de solidarité vieillesse. Dans les couloirs de la Cour des comptes, on considère qu’il est urgent de s’attaquer au déficit de l’assurance maladie. Des gisements d’économie considérables existent, confirme le Premier président M. Didier Migaud.

Nous ne contestons ni la poursuite de la bonne prise en charge des assurés par la Sécurité sociale ni le montant du reste à charge, qui est l’un des plus faibles au monde. Nous ne contestons pas non plus la bonne maîtrise médicalisée, avec un ONDAM respecté qui démontre que les professionnels de santé, en particulier les médecins de ville, sont au rendez-vous et prennent leurs responsabilités. Mais nous rappelons avec force les menaces qui pèsent sur notre système social.

Célébrer le soixante-dixième anniversaire de la Sécurité sociale avec faste est une chose…

M. Gérard Bapt, rapporteur. Faste ? Plutôt modération !

M. Jean-Pierre Door. …mais pendant ce temps, beaucoup d’éditorialistes affirment que le financement de notre protection sociale est en fin de cycle et que la rénovation de notre système de santé est avant tout une question de vision, de conviction, de courage politique.

Or le retour à l’équilibre, programmé pour 2017, est maintenant renvoyé à 2020 – au moins, bien loin de vos promesses. Chômage en hausse, activité en baisse, impôts et taxes surmultipliés, croissance en berne : c’est l’échec sur toute la ligne.

En 2011, quand elle était dans l’opposition, Mme Touraine plaidait ici même pour des réformes de structure et se disait prête à assumer ses responsabilités.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. C’est ce qu’elle fait !

M. Jean-Pierre Door. Ce sont les termes mêmes de ses déclarations d’antan. Or, que montre ce PLFSS ? La question mérite d’être posée après notre débat en commission. Affirmer que le déficit de la branche maladie se réduit est une contrevérité, car il s’élève à 7,2 milliards d’euros en 2015 et à 7 milliards prévus en 2016, alors qu’il était à 5,9 milliards en 2012 et à 6,4 milliards en 2014.

Rendons à César ce qui est à César : l’amélioration de la branche vieillesse s’explique par le relèvement de 60 à 62 ans de l’âge du départ à la retraite, voté dans la loi Fillon de 2010.

Mme Sophie Rohfritsch. Eh oui !

M. Jean-Pierre Door. Ce PLFSS est un projet de renoncement, sans ambition, construit sur des économies en trompe l’œil. Les 3,4 milliards d’euros d’économies déclarées reposent, pour plus de 50 %, sur le médicament. Vous mettez en danger l’industrie pharmaceutique française, allant jusqu’à taxer une croissance négative du chiffre d’affaires, avec un taux L à - 1 %. C’est du jamais vu, il fallait le faire ! Vous infligez une double peine à un secteur très contraint que nous devrions considérer comme un fleuron de l’innovation, de la recherche et de l’économie françaises. Est-ce à dire que la gauche, par idéologie, n’aimerait pas l’industrie du médicament ?

Vous vous coupez aussi de vos relations privilégiées avec la Mutualité française. Car si l’idée de généralisation d’une complémentaire santé pour les seniors est séduisante, elle peut produire des effets indésirables. Le risque, ce sont les contrats au rabais, de type low cost, et la segmentation du marché de l’assurance entre contrats collectifs et contrats individuels. Est-ce de l’impréparation – il n’y a pas d’étude d’impact – ou une volonté déterminée d’agir sans négociation ? Les mutuelles l’ont compris et elles vous le rappellent !

Vous transférez à la CADES une partie de la dette de l’ACOSS, ce qui correspond, ne l’oubliez pas, à ce qui a été financé sous la précédente majorité. J’imagine que ce qui reste des 30 milliards non financés sera une sorte de cadeau que vous laisserez à vos successeurs en 2017 ? Cela augure logiquement d’une augmentation de la CRDS ou de la CSG que certains, y compris le Premier président Didier Migaud, évaluent déjà à 0,55 %. Jean-Pierre Barbier l’a rappelé : vous cachez sous le tapis les mauvaises nouvelles que devra annoncer le prochain gouvernement !

M. Guillaume Chevrollier. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Door. Je compte tout de même un point de satisfaction dans ce projet de loi : il s’agit de l’engagement de Mme la ministre Marisol Touraine à soutenir une proposition en faveur de la permanence des soins ambulatoires que Catherine Lemorton et moi avions préparée.

La presse, jour après jour, se fait l’écho, à propos de la loi santé, du divorce consommé entre votre Gouvernement, les médecins et les cliniques privées. L’opinion publique est triste. L’inquiétude est présente. L’avenir de la protection sociale fait peur aux Français. Marcel Proust disait : « L’audace réussit à ceux qui savent profiter des occasions ». Or vous ne profitez pas des occasions. Rien n’est opérationnel pour engager une réforme structurelle au niveau hospitalier. Pourtant, agir sur les RTT, les 35 heures et le jour de carence apporterait une bouffée d’oxygène à l’hôpital public. Vous êtes aux abonnés absents et c’est dommage. Vous ratez les occasions, y compris celle de la convergence public-privé que vous ne voulez pas reprendre.

Il y a quelques jours, madame la secrétaire d’État, le magazine Les Échos présentait ce résultat hallucinant : en additionnant les régimes retraite et maladie, depuis 2001, l’Allemagne a dégagé 28 milliards d’excédent et la France, 170 milliards de déficit ! Quelle différence en matière d’audace réformatrice ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Et Didier Migaud, encore lui – il semble que son ombre plane sur ce PLFSS – d’affirmer que des réformes structurelles ambitieuses ne peuvent plus être différées… Vous en êtes très loin et c’est pourquoi le groupe Les Républicains ne votera pas ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. L’examen de ce PLFSS, alors même que nous célébrons le soixante-dixième anniversaire de la création de la Sécurité sociale, confère à nos travaux un relief particulier.

Tandis que notre pays sortait exsangue de plusieurs années de guerre et d’occupation, les principes qui allaient assurer la protection de chacun contre les aléas de la vie et garantir une plus grande solidarité entre les générations étaient posés. La protection sociale est ainsi devenue, au fil des décennies, un marqueur significatif de notre modèle de société.

Ces principes ont accompagné les phases de prospérité et de croissance, comme ils ont, sans aucun doute, amorti les effets des crises économiques. C’est grâce à ce socle que notre société assure encore aujourd’hui une bonne part de sa cohésion sociale.

Depuis 1945, notre société a changé : on ne travaille plus aujourd’hui comme il y a soixante-dix ans, les parcours professionnels sont davantage fragmentés et la relation même au travail a changé. Le modèle familial a lui aussi évolué, avec des recompositions familiales qui s’opèrent au fil des hasards de la vie. La durée de vie s’allonge et les pathologies liées au vieillissement occupent désormais une plus grande place parmi les affections prises en charge par notre système de santé.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. Absolument !

M. Francis Vercamer. Ces évolutions profondes de notre société ne vont pas sans interrogations sur notre modèle de protection sociale et peuvent aller jusqu’à générer des tensions sur ses équilibres, sans toutefois le remettre en cause.

Réfléchir sur notre modèle de protection sociale, pour mieux en garantir la pérennité dans un contexte économique, social et sociétal en mouvement, devrait donc être notre mission première. Le PLFSS devrait ainsi traduire sur le plan budgétaire les orientations fondamentales prises pour garantir le retour à l’équilibre de nos différents régimes de sécurité sociale et assurer une protection optimale de nos concitoyens contre les aléas de la vie.

Chacun s’accorde à reconnaître que ce PLFSS s’inscrit dans une forme de continuité par rapport aux précédents exercices qui nous ont été soumis depuis 2012. Comme les précédents, il est en effet dépourvu des choix essentiels qui devraient être effectués pour assurer à nos concitoyens une meilleure prise en charge. C’est particulièrement vrai, nous y reviendrons, dans le domaine de la santé et des dépenses d’assurance maladie.

L’actualité nous montre pourtant qu’il est possible de faire des choix, certes difficiles, mais audacieux, pour éviter la faillite de nos régimes de protection sociale. Les décisions prises par les partenaires sociaux pour rétablir l’équilibre financier des régimes de retraite complémentaire, et ainsi garantir les retraites des salariés, montrent au Gouvernement la direction qu’il doit prendre en ce domaine.

À l’inverse, ce PLFSS est sans ambition. Il ne fait pas de choix, n’indique pas de cap et il est frappant de constater, avec ce quatrième exercice budgétaire, à quel point les professionnels de santé que notre groupe a rencontrés sont désabusés. Eux aussi ont des idées pour réformer notre protection sociale. Eux aussi ont des propositions pour assurer un retour à l’équilibre de l’assurance maladie. Mais ils ont le sentiment de ne pas être écoutés – comme l’opposition – et de ne pas pouvoir contribuer utilement au débat.

C’est d’autant plus regrettable que l’enjeu de la pérennisation de notre protection sociale suppose l’implication de ses acteurs, étape incontournable de leur responsabilisation et de leur adhésion aux mesures prises. En fait d’implication, nous avons davantage l’impression d’une démobilisation des acteurs de la branche maladie, quels que soient leurs spécialités et leur statut.

En son état actuel, nous craignons que ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale sans envergure ne fasse qu’entretenir la démobilisation. Son approche strictement financière n’incite, du reste, guère à l’optimisme.

En effet, la réduction du déficit du régime général entre 2014 et 2015 reste très limitée, à hauteur de 400 millions d’euros. Le Fonds de solidarité vieillesse accuse un déficit en 2014 de 3,5 milliards, déficit qui devrait s’accentuer dans les deux années qui viennent pour se monter à 3,8 milliards en 2015 et 3,7 milliards en 2016. Quant à la dette sociale, elle n’est que faiblement réduite en 2015 : 1,3 milliard d’euros de moins qu’en 2014.

Enfin, le retour à l’équilibre des régimes de base de la Sécurité sociale ne devrait intervenir qu’à l’horizon 2020 ou 2021, voire plus tard encore, alors qu’il avait été promis initialement pour 2017.

Si on ajoute à ce tableau inquiétant le fait, comme l’indique la Cour des comptes, que, sur toute cette période, la réduction des déficits est largement due à une augmentation des recettes tirée par l’augmentation des prélèvements, si on ajoute aussi la perspective d’un retour à l’équilibre de la branche vieillesse en 2016 largement dû à une faible inflation et aux réformes structurelles adoptées en 2010, dont le recul à 62 ans de l’âge de départ à la retraite – mesure que vous vous refusez à poursuivre alors qu’elle est la condition d’un retour à un équilibre pérenne – et enfin si on ajoute la perspective, en 2016, d’une croissance peu soutenue, qui pèsera sur les cotisations et n’assurera donc pas des recettes suffisantes, on voit mal comment une réduction durable et significative des déficits de la Sécurité sociale peut être envisagée.

Bien sûr, ce PLFSS contient quelques dispositions qui peuvent susciter un large accord entre nous. Il en va ainsi du mécanisme de garantie contre les impayés de pension alimentaire, de la mutualisation d’activités entre organismes de sécurité sociale ou de la prise de conscience d’un nécessaire développement de l’ambulatoire. Encore, sur ce dernier point, l’avancée au plan budgétaire semble-t-elle timide, puisque sur l’ensemble de ce budget, 500 millions d’euros seront consacrés au « virage ambulatoire », contre 400 millions l’année dernière. En fait de virage, vous semblez plutôt vous engager dans une courbe assez douce...

D’autres mesures suscitent nos interrogations, à l’instar de la mise en œuvre d’un régime d’assurance maladie universelle.

Si nous pouvons convenir du caractère louable de l’objectif poursuivi, il faut bien reconnaître que les travaux en commission n’ont fait que souligner le flou qui se dégage du dispositif prévu et de l’étude d’impact censée éclairer le législateur. D’autant qu’en dissociant la protection sociale de toute cotisation, cette disposition change également la nature du régime de sécurité sociale, comme l’a fait remarquer tout à l’heure Bernard Accoyer dans sa motion de procédure. Tant et si bien qu’on peut légitimement se demander si le Parlement, à cette heure, mesure bien tous les effets et toute la portée de cette disposition qu’il s’apprête à examiner...

De la même façon, la réforme du financement des établissements de soins de suite et de réadaptation, pour ambitieuse qu’elle soit, n’est pas sans zones d’ombre. Plusieurs inconnues demeurent, pour l’instant, quant aux effets de cette mesure, et l’étude d’impact, à nouveau, ne permet pas d’évaluer avec la précision suffisante ses conséquences financières dans les années à venir. Ce qui, du reste, n’est pas sans soulever des interrogations sur la constitutionnalité de la réforme proposée.

En outre, une fois encore, ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale élude la question majeure du financement, sur le long terme, de notre protection sociale. Certes, le Gouvernement poursuit la mise en œuvre du pacte de responsabilité et de solidarité, en confirmant la suppression progressive de la contribution sociale de solidarité et en réduisant le produit de celle-ci d’un milliard d’euros en 2016. Si cette disposition va dans le bon sens, elle laisse entière la question de la structuration même du financement de notre protection sociale.

À dire vrai, la position de l’exécutif, sur ce point, est incompréhensible. La TVA compétitivité existait. On la supprime. Presque aussitôt on la regrette, mais on ne veut pas l’avouer. Alors on invente un dispositif plus complexe, le CICE, mais moins efficace. Et comme péché avoué est à moitié pardonné, on prévoit pour 2017 une baisse pérenne des cotisations sociales !

En résumé, on s’offusque, on s’écrie, on s’esclaffe, les portes claquent, les fenêtres s’ouvrent, on se récrie, on se retrouve, on se confie, on se pardonne… C’est du Feydeau, madame la secrétaire d’État ! On en rirait si notre économie n’était pas en si mauvaise posture et si le chômage ne frappait pas autant de nos concitoyens.

En réalité, les recettes par lesquelles notre protection sociale est financée pèsent principalement et encore trop sur le travail. C’est pourquoi nous proposerons de remplacer le dispositif du CICE par une baisse massive des cotisations sociales familiales, baisse qui serait compensée, en cohérence avec les amendements présentés par notre groupe en première partie du projet de loi de finances pour 2016, par l’augmentation du taux normal de TVA dans le cadre d’une « TVA compétitivité ». Les recettes ainsi obtenues seraient également réparties entre baisse des charges patronales et baisse des charges salariales.

À défaut d’une telle réforme de fond, l’UDI sera attentive à ce que la réduction du taux de cotisations familiales soit bien applicable dès le 1er janvier 2016, et non le 1er avril comme le texte le prévoit, date qui peut d’ailleurs poser un problème de crédibilité.

À titre personnel, je tiens également à ce que les effets de seuil que ne manque pas de générer ce type de mesure soient limités, afin d’éviter que cette disposition ait pour conséquence la stagnation des rémunérations, ce qu’a signalé à plusieurs reprises la Cour des comptes.

Par ailleurs, on ne peut que regretter que ce projet de loi s’appuie sur les grands équilibres qui caractérisaient déjà les projets précédents, en particulier en ce qui concerne l’assurance maladie.

De nouveau, l’effort est en effet massivement porté sur le médicament, ses fabricants et ses prescripteurs, aux dépens d’une action structurelle sur l’offre et l’organisation des soins. Le secteur du médicament, et plus généralement des produits de santé, doit contribuer à hauteur de 1,7 milliards d’euros à la réduction des dépenses d’assurance maladie alors même qu’il n’en représente que 15 %.

La participation essentielle du médicament à la maîtrise des dépenses d’assurance maladie doit s’articuler de manière équilibrée avec l’ensemble des acteurs de la santé, sauf à paraître contre-productive. Ainsi, l’accent mis sur la baisse du prix du médicament peut sembler paradoxal avec l’objectif de développement de l’utilisation des médicaments génériques. Celui-ci passe par des mesures d’incitation qui vont au-delà de la seule baisse de prix qui, isolément, fragilise le secteur pharmaceutique.

En outre, les mesures relatives aux produits de santé touchent parallèlement le réseau des pharmacies officinales. Les professionnels s’inquiètent d’une baisse de leur activité et d’une hausse des fermetures de pharmacies, certains allant jusqu’à évoquer le chiffre d’une officine fermant tous les deux jours depuis le début de cette année, dont 22 % dans les communes de moins de 2 500 habitants.

Alors même que les officines, dans les secteurs péri-urbains et ruraux, constituent une porte d’entrée vers l’accès aux soins dans les territoires touchés par la désertification médicale, c’est bien la question de l’égal accès de nos concitoyens à la santé qui est à nouveau posée. C’est en réalité toute l’organisation de l’offre de soins dans les territoires qu’il est indispensable de repenser et de reformuler, et nous craignons que ce PLFSS n’y parvienne pas.

Ainsi, il est urgent d’accélérer le mouvement de réorganisation territoriale de l’offre de soins, fondée sur une meilleure articulation entre les soins de ville et l’hôpital.

En effet, dans de nombreux territoires, l’hôpital est encore trop souvent la voie de premier recours pour l’accès aux soins. L’offre hospitalière dans les territoires doit pouvoir s’articuler dans le cadre d’une répartition cohérente qui vise à assurer l’accès aux soins pour nos concitoyens, la recherche de complémentarités entre établissements, l’articulation avec la médecine de ville et enfin une offre de services qui privilégie la qualité, la sécurité et la pertinence des soins dans l’intérêt du patient.

L’organisation sur le territoire national des établissements de santé doit prendre en compte les besoins de santé identifiés au sein du territoire de santé dans lesquels ils sont implantés, ainsi que les spécificités sanitaires des populations, le contexte démographique du territoire et les conditions d’accès aux soins des populations des zones isolées, les engagements et les résultats des établissements en matière d’amélioration de la qualité, de la sécurité et de la pertinence des soins, et enfin les coopérations engagées entre établissements du territoire, le cas échéant dans le cadre transfrontalier.

L’adéquation de l’offre de soins aux réalités démographiques et sanitaires des territoires est, pour notre groupe, l’un des enjeux déterminants pour l’avenir et la qualité de notre système de santé. C’est la raison pour laquelle nous réitérons notre proposition de mieux articuler l’ONDAM et les réalités des territoires en région, avec la mise en œuvre d’objectifs régionaux de dépenses d’assurance maladie.

Cette proposition, régulièrement défendue par notre regretté collègue Jean-Luc Préel, a d’ailleurs été avancée par la Cour des comptes elle-même, dans son dernier rapport sur l’application des lois de financement de la Sécurité sociale.

Selon la Cour, la détermination d’objectifs régionaux de dépenses d’assurance maladie – ORDAM – permettrait de moduler la contrainte financière en fonction des besoins de rééquilibrage de l’offre de soins non seulement entre les secteurs, mais aussi entre les régions, à travers la fixation d’objectifs de résorption des inégalités d’accès aux soins. Notre groupe partage ce point de vue. C’est pourquoi nous proposons d’entamer la réflexion sur ce sujet.

Vous le constatez, pour le groupe UDI, ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale témoigne une fois encore d’un complet décalage avec la réalité de notre protection sociale : décalage entre les ambitions affichées et les mesures envisagées, entre les enjeux auxquels est confrontée la Sécurité sociale et les dispositions que vous prenez pour y faire face, entre les annonces de retour à l’équilibre et la réalité de déficits qui se prolongent. C’est la raison pour laquelle, en l’état, le groupe UDI ne le votera pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas.

M. Jean-Louis Roumegas. Après l’examen particulièrement rapide de ce texte par la commission des affaires sociales, je remercie nos collègues rapporteurs, ainsi que la présidente de la commission, pour leur investissement, dans un contexte budgétaire particulièrement contraint par les choix du Gouvernement.

Je rappelle aussi l’attachement du groupe écologiste à notre système de protection sociale qui, depuis soixante-dix ans, assure contre vents et marées nos politiques de solidarité.

Au cours des deux premières années, le groupe écologiste a soutenu la réduction des déficits et la maîtrise des dépenses, parce qu’elles lui paraissaient nécessaires, dès lors qu’elles étaient réalisées dans un souci de justice et que le niveau des prestations sociales était maintenu, voire augmenté pour les plus faibles.

En ces jours de commémoration de la naissance de la Sécurité sociale et compte tenu des contraintes budgétaires et de l’explosion de maladies chroniques – j’insiste sur ces deux points – l’enjeu est non seulement la pérennité de notre modèle social, auquel les Français sont très attachés, mais aussi la nécessité de faire face à la crise sanitaire.

Cependant, la logique a changé depuis l’application du pacte de responsabilité voté dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2014. Le Gouvernement s’est en effet engagé dans une politique dite de relance, fondée sur la compétitivité par la baisse du coût du travail, qui s’est traduite par une exonération de cotisations sociales pour les entreprises sans contrepartie ni condition. Cette politique représentait alors 6,3 milliards, mais, le curseur s’étant déplacé, elle coûte 3,5 milliards de plus. En outre, certaines prestations, notamment les aides personnalisées au logement, sont transférées au budget général de l’État.

L’exonération de la C3S – contribution sociale de solidarité des sociétés – passera de 3,25 millions à 19 millions de chiffre d’affaires. Cela se traduira par une perte de recettes d’1 milliard, alors que l’ONDAM progressera de 1,75 %, soit plus de 3 milliards, passant d’environ 475 à 478 milliards.

Depuis le début, nous avons contesté ces mesures, que nous ne croyons ni efficaces ni justes, et qui n’ont hélas produit aucun résultat positif en termes d’emploi. Nous ne pouvons soutenir des dispositions qui grèvent, une année encore, les ressources du budget de la solidarité nationale. C’est pourquoi nous défendrons des amendements de suppression des articles 7 et 8.

Le Gouvernement répète à l’envi que l’État compensera ces pertes de recettes pour la Sécurité sociale. Cependant, l’examen du PLF pour 2016, qui est en cours, met en évidence les coupes budgétaires dans des domaines aussi essentiels que les dotations aux collectivités locales ou l’écologie.

Comment maintenir la qualité des soins et responsabiliser tout un chacun quand les exonérations bénéficient principalement aux entreprises ? Il n’a échappé à personne que les exonérations initialement prévues au bénéfice des salariés en dessous du seuil de 1,3 SMIC ont été rejetées par le Conseil constitutionnel, ce qui déséquilibre l’engagement initial.

Nous saluons cependant la cohérence de la ministre qui, avec détermination, tente de tenir les deux termes d’une approche contradictoire, car il lui faut faire face à des besoins croissants d’accompagnement et de soins quand ses collègues de Bercy lui imposent année après année une réduction drastique des ressources.

Les réformes structurelles qui ont été engagées, madame la secrétaire d’État, ont permis de réduire significativement le déficit du régime général et du Fonds solidarité vieillesse. Cela a été dit. Une diminution de 8 milliards d’euros, soit de presque 40 %, entre 2011 et 2015, cela mérite d’être saluée.

Bien entendu, nous soutenons certaines mesures du PLFSS, comme celles qui visent à lutter contre l’abus des médicaments, par la promotion des génériques, à développer l’ambulatoire et à maîtriser le nombre d’examens et de diagnostics parfois inutiles et fastidieux. Ces mesures vont dans le bons sens, tout comme l’effort consenti en faveur de l’autonomie des personnes handicapées : l’augmentation de 2,1 % est un rattrapage utile et attendu.

La création d’une protection universelle et continue annoncée par le Président de la République, tenant compte de l’évolution des changements de vie et des ruptures potentielles de couverture, nous interpelle positivement, mais nous attendons les moyens concrets de sa mise en œuvre.

Nous approuvons votre volonté de renforcer encore l’accès à la contraception et l’autonomie des femmes, avec notamment la fin du statut d’ayant droit. Les caisses d’allocations familiales pérenniseront le versement de 100 euros mensuels aux mères isolées, abandonnées par des conjoints indélicats. Cette mesure de solidarité est positive.

La gratuité qui s’applique au dépistage du cancer du sein sera étendue aux examens supplémentaires réalisés pour les femmes présentant un risque plus élevé. Des programmes de prévention de l’obésité chez les jeunes enfants seront expérimentés. La gratuité et la confidentialité du parcours de contraception des mineures seront garanties. Nous souhaitons d’ailleurs porter ce dernier sujet plus loin et ouvrir le débat sur la contraception masculine.

En revanche, nous regrettons la faiblesse des moyens consacrés à la prévention primaire, alors même que la loi santé a introduit le concept majeur d’exposome. Nous restons convaincus que ce sont les investissements dans la prévention qui feront les économies de demain.

On ne peut maîtriser les enjeux budgétaires sans répondre à la crise sanitaire : c’est d’abord la multiplication de maladies chroniques non transmissibles qui grève durablement les comptes de l’assurance maladie. Faut-il rappeler l’impact sanitaire de nos modes de transport, du diesel et des particules fines sur la qualité de l’air que nous respirons ? Son coût se monte à 97 milliards par an selon le compte rendu de la commission d’enquête sénatoriale, sans parler de la qualité de l’air intérieur où nous passons 80 % de notre temps et dont l’ANSES – Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail – évalue l’impact sanitaire à 19 milliards par an.

La révélation sur la tricherie du groupe Volkswagen sonne le glas du tout-diesel. Des mesures ont été votées pour favoriser la convergence de la fiscalité de l’essence et du diesel. C’est un premier pas. De même, nous saluons les annonces, qui restent à confirmer, sur l’augmentation des primes à la conversion des véhicules roulant au diesel. Notons au passage que l’avantage fiscal accordé à ce carburant a coûté entre 7 et 8 milliards par an, selon un rapport de la Cour des comptes.

On ne peut renvoyer à la seule responsabilité des usagers et des patients la prolifération de maladies émergentes liées au choix de mode de transport et exonérer les pollueurs de tous ordres. C’est pourquoi nous défendrons à nouveau des amendements visant à limiter l’usage du diesel et d’autres tendant à renforcer la lutte antitabac, à sensibiliser aux méfaits de la mauvaise alimentation – l’huile de palme par exemple – et à prévenir les risques liés à l’usage abusif du médicament ou à la systématisation de certaines campagnes de vaccination. Je pense en particulier qu’une évaluation bénéfices-risques s’impose concernant le Gardasil.

Certains nous opposeront le maintien de l’emploi et l’évolution de notre modèle sanitaire. Ce débat est dépassé. Le monde industriel doit engager sa mutation par l’innovation et conformément au principe de précaution. On ne peut d’ailleurs que s’interroger sur les relais actifs, au sein de notre assemblée, de groupes de pression industriels, pharmaceutiques et agroalimentaires.

Inutile de caricaturer mon propos en arguant que nous créerions une panoplie de taxes supplémentaires ! Taxer n’est pas notre obsession. Il s’agit au contraire de renforcer les pratiques vertueuses, de donner une chance à des alternatives en les soutenant, de sortir de la multiplication des contentieux et de tracer la voie d’une société apaisée.

Si demain des crises sanitaires se multiplient parce que certaines alertes n’ont pas été entendues, il serait dommage que seuls les pouvoirs publics en portent la responsabilité et en assument les conséquences.

Enfin, la généralisation de la complémentaire santé est une bonne mesure. Cependant, nous défendrons un amendement visant à garantir la qualité des prestations.

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Claireaux.

M. Stéphane Claireaux. Nous voici amenés à débattre du projet de loi de finances de la Sécurité sociale pour 2016. Ma collègue Dominique Orliac étant intervenue plus longuement que je ne le ferai pour présenter le point de vue et les propositions du groupe RRDP sur le texte, je profiterai de cette tribune pour appeler dans un premier temps votre attention sur quelques points concernant l’outre-mer, plus particulièrement Saint-Pierre-et-Miquelon.

Alors que l’article 31 prévoit à juste titre l’applicabilité dans les collectivités territoriales ultramarines de Saint-Martin et Saint-Barthélemy du dispositif de garantie contre les impayés de pensions alimentaires, il semble ignorer la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon. Afin de lever toute difficulté d’ordre technique concernant cette avancée sociale, il me semble donc nécessaire de mentionner explicitement aussi Saint-Pierre-et-Miquelon. C’est le sens des discussions que j’ai eu avec votre cabinet, madame la secrétaire d’État, et je vous remercie pour cette collaboration qui, je n’en doute pas, aboutira.

Je vous remercie aussi pour l’extension de l’allocation de soutien familial et du complément de libre choix de mode de garde à Saint-Pierre-et-Miquelon, annoncée par le Président de la République. Je vous sais également gré d’avoir levé le gage concernant notre amendement n560 portant sur l’article 40.

Cet article est important, lui aussi, puisqu’il porte sur l’indemnisation des victimes d’actes terroristes et leur prise en charge au sein des régimes obligatoires de Sécurité sociale. L’amendement que nous avions déposé en commission afin d’étendre ce dispositif à l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon a été déclaré irrecevable au motif qu’il contrevenait aux dispositions de l’article 40 de la Constitution. En proposant le même amendement, vous nous permettez de débattre de cette extension.

Permettez-moi de revenir maintenant sur la principale réforme touchant à la Sécurité sociale, introduite dans le projet de loi.

Définie à l’article 22 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 et instituée par le général de Gaulle à la fin de la Seconde guerre mondiale, la Sécurité sociale, véritable pilier de notre socle républicain, est un de nos biens les plus précieux. Garante d’une solidarité entre les plus faibles et les plus forts, la Sécurité sociale fête cette année ses 70 ans. À travers les périodes fastes, comme moins fastes, de la Ve République, notre Sécurité sociale a su s’adapter tant aux bouleversements économiques qu’à l’allongement de la durée de la vie ou aux évolutions des structures familiales depuis 1945 : accroissement du nombre de familles monoparentales, réduction de la mortalité infantile, contraception renforcée ou encore allongement des études pour les jeunes adultes.

Un accès universel à la santé et à la solidarité n’est malheureusement pas à la portée de tous en dehors de nos frontières, et même si des cas d’abus ou de fraudes sont souvent la cible d’une droite voulant un système de santé performant pour les riches et minimal pour les moins aisés, notre système de Sécurité sociale continue de nous être envié par nos voisins proches ou moins proches. C’est pour cette raison que nous devons tout faire pour la conserver, par un effort partagé, en tentant évidemment de réduire les déficits pour un retour à l’équilibre espéré. Avec la création de la protection universelle maladie, accompagnée de procédures simplifiées et de plus de clarté, nous allons dans le bon sens. Ce n’est qu’avec des comptes sains que la Sécurité sociale sera pérenne et pourra pleinement contribuer à jouer son rôle solidaire pour les générations actuelles et à venir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’état de la branche accidents du travail et maladies professionnelles – AT-MP– est satisfaisant. Elle présentait un solde de 0,7 milliard en 2014, chiffre qui devrait atteindre 0,6 milliard en 2015.

M. le rapporteur Jacquat a exprimé la crainte que la branche AT-MP participe indûment à combler le déficit de la branche maladie. Il s’est ainsi ému que l’article 37 du projet de loi fixe à 1 milliard d’euros le versement destiné à compenser la sous-déclaration des maladies et accidents professionnels. Il sait pourtant que le montant de ce versement résulte d’une évaluation à laquelle il est procédé tous les trois ans par une commission présidée par un magistrat de la Cour des comptes.

M. Gérard Sebaoun. Absolument !

M. Denys Robiliard. En 2014, cette commission a évalué le coût de la sous-déclaration à une fourchette de 695 millions à 1 300 millions. C’est à la moyenne que le versement a été fixé.

Si la commission a réévalué le coût de cette sous-déclaration en 2014 relativement à 2011, c’est du fait de meilleures connaissances médicales. Le caractère professionnel de certains asthmes est ainsi mieux identifié. Il en est de même pour les cancers ou les affections du rachis lombaire. Il n’y a donc que justice et rigueur dans la fixation de cette compensation. S’il était légitime pour M. Jacquat de veiller à ce que le transfert d’une branche à l’autre soit exactement calculé, il sera tout aussi légitime que nous veillions à ce que la tarification appliquée par la branche AT-MP ne soit pas non plus une variable d’ajustement d’un équilibre à retrouver dans les régimes de retraite complémentaire.

M. Gérard Sebaoun. Très bien !

M. Denys Robiliard. L’excédent constaté devrait permettre de repenser l’indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles. Les principes en ont été fixés au XIXsiècle et reposent sur une indemnisation certaine, mais réduite, par rapport à l’indemnisation accordée en matière de responsabilité civile. Or, il ne me semble pas souhaitable que les accidents du travail continuent de ne pas être indemnisés intégralement comme le sont, pour ne prendre que cet exemple, les accidents de la circulation.

M. Gérard Sebaoun. Eh oui !

M. Denys Robiliard. Sans doute l’indemnisation est-elle plus satisfaisante quand une faute inexcusable est reconnue. Mais la décision du Conseil constitutionnel du 18 juin 2010 n’autorise l’indemnisation intégrale du préjudice que pour les dommages non couverts par le livre IV du code de la Sécurité sociale. Je regrette ainsi que nous ne donnions pas suite à l’invitation de la Cour de cassation qui, dans chacun de ses rapports annuels depuis 2010, suggère d’instaurer le principe de réparation intégrale par une nouvelle rédaction de l’article L. 452-3 du code de la Sécurité sociale. Elle souligne ainsi que l’état de la législation ne lui a pas permis, pour ne prendre que cet exemple, d’accorder la prise en charge du besoin d’assistance par une tierce personne après consolidation.

Ajoutons que, pour être indemnisé au-delà du minimum légal, il faut engager un procès devant le tribunal des affaires de Sécurité sociale pour faire reconnaître l’existence d’une faute inexcusable. On pouvait le comprendre tant que cette faute s’entendait – je cite – « d’une faute d’une gravité exceptionnelle dérivant d’un acte ou d’une omission volontaire, de la conscience du danger que devait en avoir son auteur, de l’absence de toute cause justificative et se distinguant [de la faute intentionnelle] par le défaut d’un élément intentionnel ». Mais cette définition, donnée par un arrêt des chambres réunies de la Cour de cassation du 15 juillet 1941, a été abandonnée par la chambre sociale de la Cour de cassation par deux arrêts du 28 février 2002 pour les maladies professionnelles, et du 11 avril 2002 pour les accidents du travail. La faute inexcusable est désormais reconnue dès lors que l’employeur a manqué à son obligation de résultat et qu’il avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié. Un procès ne devrait pas être nécessaire pour établir la violation d’une obligation de résultat.

Le 5 juillet 1985 était promulguée la loi Badinter tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accident de la circulation. Trente ans plus tard, l’essentiel du contentieux de ces accidents s’est tari au profit d’une indemnisation de principe qui n’est vraiment limitée que pour les conducteurs fautifs. La prévention des maladies et accidents professionnels est essentielle, mais elle ne saurait empêcher de s’atteler à une réforme permettant enfin une indemnisation complète et rapide des victimes de maladies et accidents professionnels. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Gérard Bapt, rapporteur. Sans oublier les victimes d’accidents sanitaires !

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, soixante-dix ans après sa fondation, notre Sécurité sociale est devenue un pilier de notre nation. Nous devons en être fiers. Nous devons aussi savoir la préserver pour les générations à venir. C’est pourquoi je concentrerai mon intervention sur votre politique familiale.

Si votre projet de loi ne comporte aucun bouleversement notoire dans ce domaine, il nous faut cependant analyser les conséquences de la politique que vous menez depuis trois années, des nombreux coups de rabots que votre gouvernement a portés à notre politique familiale. D’un point de vue purement comptable, le déficit de la branche famille devrait atteindre 1,6 milliard d’euros en 2015 contre 2,7 milliards en 2014, alors qu’il est de 8 milliards pour la branche maladie et la branche vieillesse cumulées. Vous vous attaquez donc au plus petit déficit des trois piliers de la protection sociale française. En d’autres termes, la branche famille continue de trinquer pour renflouer les autres branches. Depuis 2012, ce sont au bas mot 4,5 milliards d’euros que vous avez pris aux familles, et ceci sans parler des hausses d’impôts et de taxes : baisse du plafond du quotient familial, réduction de la prestation d’accueil du jeune enfant en 2013 et, fin 2014, modulation du montant des allocations familiales, avec 500 000 familles touchées et près de 800 millions d’euros qui leur seront retirés en année pleine.

Alors que l’effort de redressement des comptes de la protection sociale devrait être réparti sur tous les Français, vous avez fait le choix de mettre à contribution les seules familles avec enfants. Autant de mesures qui risquent de mettre à mal notre taux de fécondité, pourtant si important pour le renouvellement des générations. Mme Clergeau nous a répondu en commission que les ménages ne font pas des enfants pour percevoir des allocations familiales. Je partage totalement ce point de vue : ce serait effectivement extrêmement préjudiciable au bonheur de l’enfant. Je reste néanmoins convaincu que toutes les nouvelles contraintes que vous faites peser sur les ménages conduisent un certain nombre de parents à renoncer à leur projet d’enfant. On dénombre 10 000 naissances en moins depuis l’année dernière : les chiffres parlent d’eux-mêmes. Obliger les parents à partager leur congé parental alors qu’ils devraient avoir la liberté de choisir l’organisation qui leur convient le mieux en est un bel exemple.

Il est vrai que certains points de votre projet de loi retiennent mon approbation. La possibilité offerte, par l’article 31, aux caisses d’allocations familiales et à la Mutualité sociale de verser des pensions alimentaires dues aux parents isolés qui ne parviendraient pas à l’obtenir de leur ex-conjoint constitue à mes yeux une mesure juste et nécessaire. Attention cependant à ne pas déresponsabiliser le conjoint défaillant et tomber ainsi dans l’assistanat. De même, Mme Touraine a donné suite à mon interrogation sur la situation des marins résidant en France et travaillant à bord de navires immatriculés à l’étranger. Mais si j’ai pu, dans un premier temps, approuver l’article 19, il semble qu’il pose plus de problèmes qu’il n’en résout. J’y reviendrai au cours de la discussion mais d’ores et déjà, je ne pense pas que cet article puisse être adopté en l’état.

Pour conclure, si ce projet de loi présente un budget de la branche famille avoisinant l’équilibre, il ne nous paraît pas répondre aux exigences d’équilibre des comptes de la Sécurité sociale. Certes, et vous n’avez pas manqué de nous le rappeler en commission, le déficit de la Sécurité sociale devrait atteindre 12,8 milliards d’euros cette année alors qu’il était de 21 milliards au moment de l’élection de François Hollande. C’est sans doute oublier les inquiétudes qui pèsent sur la branche maladie, dont le déficit prévisionnel atteint 7,5 milliards d’euros, alors qu’il était de 5,9 milliards en 2012 et de 6,4 milliards en 2014. C’est une augmentation inquiétante face à laquelle vous ne proposez aucune réforme de structure, alors que des projets de loi concernant la santé et le vieillissement de la population ont pourtant été débattus.

C’est aussi une augmentation inquiétante dans la mesure où beaucoup de besoins restent non satisfaits. En matière de développement des soins palliatifs, Mme Touraine nous a annoncé en commission un plan de 40 millions d’euros : où sont-ils inscrits ? En matière d’accueil dans les structures spécialisées pour personnes handicapées, nous avons tous été alertés sur la situation alarmante que connaissent de nombreuses personnes n’ayant pas de solution d’accueil. En ce qui concerne les places de crèches dans nos collectivités, trop de familles ne savent pas comment faire garder leurs enfants, alors qu’il semblerait que des assistantes maternelles restent sans travail.

Madame la secrétaire d’État, alors que nous venons de fêter le soixante-dixième anniversaire de la Sécurité sociale, nous avons le devoir de tout faire pour qu’elle continue à offrir à chacun la garantie qu’en toutes circonstances, il disposera des moyens nécessaires pour assurer sa subsistance et celle de sa famille dans des conditions décentes.(Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Massonneau.

Mme Véronique Massonneau. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, malgré un contexte économique contraint, ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale réussit à réduire les déficits des comptes publics tout en préservant les droits et les acquis sociaux des Françaises et des Français.

Bien sûr, les réductions des dépenses publiques sont toujours difficiles à accepter, mais il serait irresponsable de fermer les yeux sur le déficit exorbitant de la Sécurité sociale. Préserver notre modèle social et de soins tout en rétablissant un équilibre budgétaire n’est donc pas un exercice facile. Pourtant, alors que le déficit excédait 17 milliards en 2012, il devrait être ramené à 9,7 milliards en 2016. Je tiens à saluer le travail effectué sur ce texte à la fois raisonnable et juste. Ce projet de loi contient plusieurs dispositions qui sont au cœur d’une politique de gauche que je défends, et particulièrement sur des sujets qui me tiennent à cœur.

Tout d’abord, la politique en faveur des personnes en situation de handicap ou de forte dépendance devra, certes, être encore plus ambitieuse, mais a le mérite d’être largement abordée par ce PLFSS. Je pense aux 45 millions d’euros supplémentaires affectés à la création de places dans les établissements et services pour personnes handicapées, aux 60 millions consacrés au plan Autisme et aux 40 millions dédiés aux plans Grand âge et Alzheimer. Enfin, la concrétisation des annonces faites par le Président de la République lors de la conférence nationale du handicap en décembre dernier, notamment en faveur des personnes en situation de handicap complexe, est une bonne nouvelle. Cela permettra un financement plus sûr et mieux adapté, et incitera, je l’espère, à la création de nouvelles places.

Par ailleurs, ma collègue Barbara Pompili et moi-même défendrons un amendement visant à mettre fin aux départs de milliers de personnes handicapées vers la Belgique faute de places adaptées à leurs besoins en France. Ces exils, souvent subis, coûtent 250 millions d’euros à la France. Cette somme, il serait selon nous plus pertinent de l’utiliser sur notre territoire. Créons des places adaptées qui permettraient d’éviter à ces personnes de devoir à la fois quitter leur pays et partir loin de leur domicile et de leur famille. Ce serait aussi l’occasion de créer des emplois en France. Les 15 millions d’euros annoncés par la ministre pour pallier cette situation incompréhensible sont un bon signal qui nous semble cependant encore insuffisant.

Je souhaite également souligner les avancées notables que permet l’individualisation de la gestion des droits à la protection universelle maladie en matière d’égalité entre les femmes et les hommes. Cette mesure ne concerne pas seulement les femmes, certes, mais elle leur apportera une protection, notamment en cas de séparation pour celles qui sont sans activité. Elle garantira en outre leur indépendance, donc la confidentialité de certains actes ou certaines prescriptions comme l’usage d’un contraceptif ou le recours à une interruption volontaire de grossesse. J’ajoute que l’accès gratuit et confidentiel à la contraception pour les mineures est aussi une mesure qui va bien sûr dans le bon sens et que je soutiens depuis longtemps.

Je terminerai par une question à l’adresse de Mme la ministre, qui est partie…

Mme Isabelle Le Callennec. Quel dommage !

M. Arnaud Viala. Voilà longtemps qu’elle est partie !

Mme Isabelle Le Callennec. Les deux ministres sont partis !

Mme Véronique Massonneau. … mais peut-être pourrez-vous me répondre, monsieur le secrétaire d’État ? Elle porte sur le plan triennal pour le développement des soins palliatifs et l’accompagnement de la fin de vie. Vous savez que ce sujet m’intéresse particulièrement. Pourrions-nous en savoir davantage sur les 40 millions d’euros annoncés ? Combien d’équipes mobiles et d’unités de soins palliatifs pourraient être ainsi créées ? Le développement nécessaire des soins palliatifs ne se fera en effet que s’il y a une vraie volonté politique et qu’un arbitrage budgétaire important est décidé. J’espère que nos travaux nous permettront d’apporter les précisions indispensables pour répondre à cette interrogation.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bompard.

M. Jacques Bompard. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mesdames, messieurs les rapporteurs, chers collègues, le modèle économique et social français est consternant. La préférence étrangère couplée à une politique de lutte contre la famille et l’ordre naturel produira immanquablement des lendemains cataclysmiques.

M. Gérard Sebaoun. L’ordre naturel ?

M. Jacques Bompard. Ce sont les deux principales tares idéologiques de ce texte, si l’on évite de s’attarder sur les énormités accessoires que sont l’infantilisation des assurés sociaux, les machineries technocratiques et le drame de la suppression du droit au travail pour tous.

Vous utilisez plusieurs stratégies d’explication devant cette gabegie. La première signe la démission du politique : c’est celle de la lourdeur des mécanismes à changer. Mais quand le budget de l’ensemble de l’assurance sociale s’élève à 462 milliards d’euros, seules les entourloupes électoralistes interdisent de réformer. Ajoutons que le fameux déficit de la Sécurité sociale se situe encore à 13,2 milliards d’euros en 2014, ce qui impose de facto des changements radicaux dans notre manière d’aborder ce sujet.

La France fait face aujourd’hui à un véritable grand remplacement. D’après les chiffres de l’INSEE d’octobre 2015, 11,5 % des habitants de notre pays sont nés à l’étranger.

M. Gérard Sebaoun. Et alors ?

M. Jacques Bompard. Il est évident que les comptes sociaux souffrent énormément de cette submersion migratoire. D’ailleurs, vous l’admettez dans les textes, mais jamais dans les discours, par peur sans doute d’une réalité qui exaspère les Français. Prenons un exemple : la mission « Immigration, asile et intégration » du projet de loi de finances augmente de 50 millions d’euros les crédits liés à la gestion du droit d’asile. Je vous rappelle que la Cour des comptes vient d’admettre que dans 96 % des cas, ceux qui se voient refuser le droit d’asile demeurent sur le territoire français. Couverture maladie universelle, allocation pour demandeur d’asile, aide médicale de l’État et autres avantages grèvent les budgets et les consciences : comment responsabiliser les assurés sociaux quand la préférence étrangère est inscrite au cœur de la loi et des budgets ?

La précarisation de nos compatriotes est une réalité violente, une violence dont chaque Français connaît les aspects, les souffrances, puisque depuis que la gauche et Mitterrand ont prétendu lutter contre l’exclusion et vaincre le drame des SDF, la situation n’a fait qu’empirer.

M. Philip Cordery. C’est complètement hors sujet !

M. Jacques Bompard. Dans trois régions, le taux de pauvreté est supérieur à 20 % et une enquête récente montrait qu’il manque en moyenne 450 euros par mois à nos compatriotes pour vivre confortablement. La misère sociale appelant la misère sociale, les rustines proposées dans ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale n’auront aucun impact sur l’avenir. Vous avez pris des engagements devant notre peuple ; la réduction du chômage, la bataille pour l’équité devant l’impôt. Toutes ces promesses résonnent sans doute dans les têtes des millions de chômeurs que vous trompâtes alors.

Par un étrange réflexe maladif, vous cherchez à soumettre le corps social à la toute-puissance de l’État. Je pense notamment à la contraception, par exemple, qui est déjà gratuite pour les jeunes de 15 à 18 ans. La consultation et les analyses préalables ont désormais été rendues gratuites et anonymes. Laurence Rossignol a défini cette philosophie : pour vous, les enfants n’appartiendraient pas à leurs parents. Alors à qui appartiennent-ils ?

M. Gérard Sebaoun. À eux-mêmes !

M. Jacques Bompard. Au molosse étatique ? À la philosophie socialiste ? À la fiction d’un contrat mêlant les pulsions individuelles et l’intrusion toujours plus oppressante de quelques idéologues dans la vie des familles ?

Mme Françoise Dumas. C’est malsain !

M. Jacques Bompard. Je ne suis pas favorable à l’extension de toutes les libéralités dans la manière d’aborder le sexe auprès du jeune public. Je sais qu’à l’inverse votre gouvernement s’inquiétait qu’on interdît un film au caractère franchement pornographique aux mineurs. Dans les collèges et les lycées, les élèves en viennent à se moquer de ces interventions rémanentes, intrusives et souvent mal comprises. L’ordre en haut et la liberté pour les familles et dans les périphéries : voilà la solution à notre problème ; ce n’est certainement pas l’utilisation de recettes dont l’inefficacité a été maintes fois prouvée qui changera quoi que ce soit.

Rappelons qu’en banalisant et en massifiant l’avortement, votre gouvernement encourage des travers dont personne ne nie combien ils blessent les femmes physiquement et psychologiquement.

M. Gérard Sebaoun. Propos honteux !

M. Jacques Bompard. J’espère donc que cet article sera combattu,…

M. Philip Cordery. C’est vous qu’il faut combattre !

M. Jacques Bompard. …car il sert parfaitement le projet de changement de civilisation que vous n’avez cessé de promouvoir.

M. Philip Cordery. C’est insupportable !

M. Jacques Bompard. Je dirai un mot enfin sur une des considérations absentes du texte : la lutte contre la fraude sociale. L’association Contribuables associés a organisé une rencontre passionnante dans ses murs à ce sujet. La fraude aux cotisations sociales est évaluée à 25 millions d’euros par an. En 2011, mon collègue Dominique Tian l’évaluait déjà à 3 milliards d’euros, chiffre complété ensuite par les travaux du réseau européen sur la fraude sociale et la corruption, qui donnait un chiffre ahurissant de 35 millions d’euros de fraude en France.

M. Christophe Sirugue. On en entend parler, des millions de la fraude sociale !

M. Jacques Bompard. Avec 60 milliards d’euros de fraude sociale, il y a beaucoup à faire pour résorber le déficit de la Sécurité sociale. J’imagine que certains de ces propos vous sont absolument insupportables. (« Ah ça oui ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Pourtant, ils ne sont que l’expression du bon sens des élus et des travailleurs politiques enracinés, de ce qu’ils ressentent. Qui ne sait pas ici que le budget des conseils départementaux est devenu une tirelire à gérer le RSA ?

Mme Sylviane Bulteau. C’est hors sujet !

Mme la présidente. Veuillez conclure, cher collègue !

M. Jacques Bompard. Qui n’a pas conscience parmi nous qu’il est insupportable que des djihadistes soient partis propager le terrorisme au Proche-Orient en continuant à être subventionnés par la Sécurité sociale ?

Mme Sylviane Bulteau. N’importe quoi !

M. Jacques Bompard. Revenons à la raison !

M. Christophe Sirugue. On ne vous le fait pas dire !

M. Jacques Bompard. Revenons à la défense du bien commun plutôt qu’au service des communautés électorales ! Il y va clairement du maintien de l’équilibre si précaire de notre société.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Le Houerou. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Christophe Sirugue. Allez Annie, relève le niveau !

Mme Annie Le Houerou. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, mon intervention ciblera les dispositions relatives aux dépenses d’assurance vieillesse qui font l’objet du titre II du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016, en particulier les articles 35 et 36.

Je commencerai par une remarque préalable : malgré un contexte économique peu favorable, nous devons souligner le redressement des comptes sociaux. La constance de ce gouvernement est marquée par la volonté de Mme la ministre Marisol Touraine de réduire les déficits pour ne pas laisser à nos enfants une dette insoutenable. Elle est tout aussi déterminée à préserver et à étendre les droits sociaux et notre système de Sécurité sociale, qui fête cette année ses 70 ans.

La loi de 2010 mais surtout celle de 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites portent leurs fruits. Le déficit de la branche vieillesse est à son niveau le plus bas depuis dix ans – 1,2 milliard d’euros – et en net recul par rapport à 2013. La loi du 20 janvier 2014 a intégré de nouveaux dispositifs, dont l’indemnisation du chômage au titre des validations de trimestres d’assurance vieillesse au régime général. Toutefois, ces évolutions n’ont pas été intégrées au code des transports restreignant les droits à pension pour les marins.

Les membres d’équipage français résidant en France et embarqués à bord de navires battant pavillon étranger ne bénéficiaient d’aucune couverture sociale, ce qui les contraignait à souscrire des assurances privées onéreuses et ne couvrant pas l’ensemble des risques. Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016 propose de réparer ces injustices qui nécessitent une évolution législative. L’article 35 prévoit une mesure d’alignement sur le régime général. Il complète également le dispositif prévu à l’article 19, qui permet l’affiliation à la Sécurité sociale des gens de mer de nationalité française embarqués à bord des navires battant pavillon étranger mais résidant en France.

Je pense par exemple aux salariés français du groupe Condor Ferries, dont les navires battent pavillon étranger. Les préoccupations des salariés portent sur leurs couvertures maladie et retraite. L’armateur a consenti à financer une assurance maladie privée minimale qui ne couvre ni les indemnités journalières, ni la pension d’invalidité ou le risque chômage, ni l’assurance vieillesse. Les périodes de chômage donnant lieu à la perception de revenus de remplacement ou d’allocations du type contrat de sécurisation professionnelle seront également prises en compte pour le calcul des droits à retraite des marins.

L’affiliation obligatoire à la Sécurité sociale est la bonne solution : elle permet un traitement équitable des salariés et le financement par les employeurs de leur part de la couverture sociale. Le budget de la Sécurité sociale pour 2016 permettra de régulariser ces situations. Désormais, les marins français pourront bénéficier d’une couverture sociale complète et d’une assurance vieillesse dans les mêmes conditions que tout autre salarié.

Une autre anomalie doit trouver réparation dans ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Elle concerne les mineurs. La loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites généralise à l’ensemble des régimes de retraite le principe de cotisations non génératrices de droits nouveaux à retraite en cas de reprise d’activité par un retraité. L’État s’était engagé à garantir l’intégralité de leurs droits, les plans de reconversion professionnelle ou de préretraite intégraient la possibilité de cumuler une activité professionnelle avec une pension de retraite. Il est donc proposé de maintenir l’équilibre défini lors des plans sociaux qui ont accompagné la progressive fermeture des mines, en particulier s’agissant des perspectives de reconversion proposées aux anciens mineurs. Ces derniers percevront leur retraite du régime des mines tout en poursuivant, jusqu’à l’âge légal de départ à la retraite, tous régimes confondus, une activité salariée qui leur permette d’ouvrir des droits à retraite.

Ce budget de la Sécurité sociale comporte aussi des mesures de simplification pour plus d’efficacité, comme le paiement des cotisations famille pour les marins par l’URSSAF sur son site de La Rochelle, ou la mise en place d’échanges dématérialisés de données avec les pays membres de l’Union européenne concernant les retraites des Français résidant à l’étranger, un amendement défendu par notre collègue Philippe Cordery, ou encore les amendements de clarification de la loi de 2014 présentés par Michel Issindou sur les pensions de réversion et la situation des travailleurs saisonniers.

Ce budget de la Sécurité sociale pour 2016 intègre également une aide adaptée à la situation des chibanis résidant en foyer de travailleurs migrants. Cette aide pourra atteindre 550 euros par mois. Elle permettra à ces anciens immigrés âgés de choisir librement leur lieu de résidence une fois à la retraite, d’effectuer des séjours de longue durée dans leur pays d’origine, de se rapprocher de leur famille restée au pays sans perdre le bénéfice de certaines prestations, ce qui est le cas aujourd’hui, alors qu’ils ont consacré leur vie professionnelle au service de notre pays.

Je tiens à souligner, à l’instar de mon collègue Michel Issindou, que la plupart des décrets relatifs à la loi retraite ont été pris, permettant des avancées essentielles pour les personnes ayant des emplois précaires, notamment les femmes et les jeunes. Les stages de formation professionnelle effectués par des demandeurs d’emploi seront comptabilisés dans le calcul de leur retraite ; le seuil de validation d’un trimestre est abaissé à 150 heures.

Le budget de la Sécurité sociale pour 2016 est la traduction de l’application de la loi du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites. Les efforts demandés aux Français depuis 2012 apportent des résultats. Nous pouvons aujourd’hui rassurer nos concitoyens sur la pérennité de notre système. Globalement, le déficit des comptes sociaux a été divisé par deux entre 2011 et 2016. Concernant la branche vieillesse du régime général, il reviendra à l’excédent – plus 500 millions d’euros – en 2016 pour la première fois depuis 2004. Il faut le faire savoir aux Français, en particulier aux plus jeunes, qui ne doivent pas douter des choix de solidarité pour lesquels nous avons opté et que le Gouvernement s’est attaché à mettre en œuvre et à adapter pour plus de justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Perrut.

M. Bernard Perrut. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016, avec 478,3 milliards d’euros de dépenses, constitue un budget particulièrement important, plus important que celui de l’État, et chacun en connaît l’enjeu. Mais, face aux menaces qui pèsent sur notre système social, vous n’engagez pas de réformes structurelles, et ce soixante-dixième anniversaire de la Sécurité sociale ne vous projette pas dans l’avenir avec une ambition que nous pourrions partager tous ensemble. Pour la Cour des comptes, l’objectif d’un retour à l’équilibre des comptes sociaux en 2017 est reporté à un horizon indéfini, ce qui est regrettable.

Quel mérite reconnaître à ce projet en trompe-l’œil ? Vous affichez des objectifs, mais c’est le texte du renoncement ! Le déficit de la branche maladie ne cesse de se creuser et rien n’est fait pour y remédier. Vous affichez 7 milliards d’euros en 2016, sans vous souvenir qu’il était bien inférieur en 2012, s’établissant à 5,9 milliards. La moitié des économies à réaliser vont porter sur le médicament, ce qui va paralyser le secteur stratégique de l’industrie pharmaceutique quand, sur le terrain, nos pharmacies ferment jour après jour.

Lorsque vous évoquez, monsieur le secrétaire d’État, une branche vieillesse sur le chemin du retour à l’équilibre, vous oubliez de parler du Fonds de solidarité vieillesse, dont le déficit ne cesse de se creuser. Soyez honnête, l’amélioration de la situation de la branche vieillesse est liée à la réforme des retraites que nous avons décidée en 2010, soit au relèvement de l’âge légal à 62 ans et non pas à l’action de l’actuel gouvernement. Soyez également honnête en reconnaissant que les allégements de charges ne sont pas plus compensés en 2016 qu’ils ne l’ont été en 2015. Vous renvoyez leur financement à la dette dans le projet de loi de finances.

Je trouve toutefois dans ce texte quelques motifs de satisfaction, notamment celui de voir la branche famille préservée cette année, après avoir été particulièrement touchée en 2015, avec la mise sous condition de ressources et la modulation des allocations familiales. Depuis l’arrivée de votre majorité, 4,5 milliards d’euros ont été pris directement aux familles, sans parler des hausses d’impôt et des taxes. Je suis également satisfait de constater votre engagement en faveur de l’efficience des dépenses hospitalières et du développement de la chirurgie ambulatoire.

Mais faudra-t-il encore avoir tous les moyens de cette ambition et développer une meilleure coordination entre la ville et l’hôpital ainsi que des programmes de retour à domicile. Les groupements hospitaliers de territoires prévus dans la loi santé pourront-ils conduire à de réelles mutualisations et à des économies structurelles ? Il faudra pour cela que les établissements privés comme publics y participent ensemble dans une indispensable complémentarité.

Certaines de vos mesures m’inquiètent pour nos entreprises, notamment le report de la baisse des cotisations sociales du 1erjanvier au 1eravril. C’est un mauvais coup porté aux petites entreprises confrontées à des difficultés de trésorerie. Plus généralement, nos entreprises devront faire face à la réforme des contrats responsables et à la généralisation de la complémentaire santé. Que de charges administratives nouvelles imposées trop rapidement !

L’article 39 qui s’étend sur seize pages instaure une protection universelle maladie, s’affranchissant de la logique d’affiliation ou d’ayant droit d’affiliés à la Sécurité sociale, fondée pourtant sur l’activité professionnelle et, partant, sur la cotisation. Il suffira d’être résident pour avoir des droits. Une telle évolution s’éloigne des fondements mêmes de notre système social. C’est la raison pour laquelle il nous faut un vrai débat pour en étudier toutes les conséquences.

Enfin, j’évoquerai la question des personnes handicapées en faveur desquelles je défendrai un amendement. Dans mon département du Rhône, plus de 800 enfants en situation de handicap sont en attente d’une solution d’accompagnement, tandis que 592 adultes sont inscrits sur des listes d’attente. Le plan de création de places lancé en 2008 n’est toujours pas achevé. Il reste à créer en France, selon la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, 8 310 places pour 47 428 personnes sans solution. Il est donc urgent que l’État engage un nouveau plan afin de répondre aux besoins des milliers de personnes sans solution. Nous savons que plus de 5 000 d’entre elles sont accueillies à l’heure actuelle en Belgique.

Pour conclure, en ce soixante-dixième anniversaire de la Sécurité sociale et devant les grands défis qui devraient nous rassembler, nous ne pouvons pourtant pas vous suivre, car votre démarche n’est ni assez audacieuse, ni assez responsable, ni assez courageuse, ni à la hauteur de ce qu’attendent les Françaises et les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Dumas.

Mme Françoise Dumas. Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016 poursuit les efforts de rétablissement des comptes de la Sécurité sociale, dans un esprit de justice sociale et de simplification. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En l’espace de trois ans, le déficit du régime général s’est réduit de 40 %. Cette année encore, les dépenses seront strictement maîtrisées, nonobstant la mise en œuvre de nouvelles mesures, telles que la protection universelle maladie ou la généralisation de l’accès à la complémentaire santé, qui faciliteront au quotidien le parcours de santé de tous les Français.

La première de ces mesures permettra à nombre de nos concitoyens, qui se trouvent en situation de rupture, de faire valoir leurs droits à une couverture maladie, tandis que la seconde viendra parachever les avancées de la loi relative à la sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013, en intégrant deux catégories auparavant exclues du dispositif d’accès à la complémentaire santé : les retraités et les salariés précaires.

La revalorisation des prestations relevant des organismes de Sécurité sociale s’effectuera à date unique, au 1eravril, sur la base de l’inflation constatée et non plus prévisionnelle. Je salue cette mesure de simplification, qui permettra d’offrir davantage de lisibilité à chaque assuré sur l’évolution de son pouvoir d’achat.

Concernant la politique familiale, enviée par nos voisins européens, quelques ajustements ont été effectués, mais aucune baisse de prestation n’est à noter. Pour l’année 2016, l’objectif de dépense de la branche famille est fixé à 49,6 milliards d’euros, ce qui représente une baisse de dépenses de près de 5 milliards d’euros. Le solde de la branche famille s’améliore. Il devrait atteindre l’équilibre dès 2018 et s’élève en 2016 à 800 millions d’euros, son meilleur niveau depuis 2008.

Ces résultats encourageants montrent que les réformes engagées sur les prestations familiales depuis deux ans portent leur fruit. Les efforts demandés aux familles les plus aisées permettent de soutenir les plus modestes, par effet de redistribution, avec notamment l’augmentation programmée du RSA. Il nous faut maintenir ce cap de solidarité et d’équité, socle de notre bien vivre ensemble et de notre pacte républicain.

Ce projet de loi traduit, à nouveau, pour 2016, la volonté du Gouvernement d’apporter un soutien appuyé en direction des familles les plus en difficulté, notamment des parents isolés. Parmi les mesures nouvelles, la généralisation de la garantie contre les impayés de pension alimentaire fait l’unanimité. C’est de fait une véritable avancée pour beaucoup de familles. Ce dispositif permettra de garantir une pension alimentaire minimale de 100 euros par enfant, versée par la caisse d’allocations familiales dans les cas de manquement de l’ex-conjoint.

Cette expérimentation, prévue par la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les hommes et les femmes et déployée dans vingt départements, représente un véritable levier de lutte contre la précarité, notamment contre celle des femmes. Le dispositif répond à une demande très concrète et permettra d’augmenter sensiblement le niveau de vie des familles monoparentales, des mères dans la plupart des cas, dont le taux de pauvreté s’est accru de 1,4 point entre 2011 et 2012.

Il s’inscrit également dans le prolongement du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et l’exclusion, qui souligne la situation de pauvreté aggravée des 2,7 millions d’enfants vivant dans des familles monoparentales, qui sont deux fois plus exposés que les autres au risque de la pauvreté. De surcroît, les caisses d’allocations familiales verront leur autonomie accrue et leur pouvoir renforcé, disposant des moyens de procéder directement au recouvrement des pensions alimentaires impayées.

Ce PLFSS nous amène un peu plus loin sur la voie de la pérennité financière. Plus encore, il maintient un haut niveau de prestations et de soins pour tous les assurés. Nous avons plus que jamais le devoir de protéger nos droits, de les adapter et de faire en sorte que les plus vulnérables, les plus jeunes et les plus âgés puissent être reconnus, soutenus et soignés. Nous devons plus que jamais préserver notre système de Sécurité sociale, créer les conditions de son financement par un retour à l’équilibre et le réformer pour l’adapter au mieux aux besoins de nos concitoyens.

Soyons responsables et vigilants pour perpétuer, en cette année anniversaire, notre système de soins et de protection sociale que le monde entier nous envie. Notre modèle social est notre socle. Les générations futures nous en seront reconnaissantes. Même si le modèle demeure perfectible, nous progressons dans l’intérêt de tous. C’est pour cela qu’il est de notre devoir de voter ce texte et de le défendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Rohfritsch.

Mme Sophie Rohfritsch. Monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, le PLFSS n’est pas un simple document financier. Il devrait être le socle sur lequel repose la politique de santé publique, au cœur de notre modèle social. Le document qui prévoit son financement pour l’année à venir devrait être visionnaire, pour permettre à notre système de protection sociale de rééquilibrer ses ressources, certes en faisant des économies, mais surtout en innovant. Innover en 2016 suppose notamment de tenir compte de l’évolution des pratiques et des expérimentations locales, mais aussi du développement de nouvelles technologies médicales.

Pour les pratiques expérimentales locales, je voudrais m’appuyer sur l’exemple alsacien de l’Eurodistrict. Cette zone de coopération transfrontalière permet d’abolir les frontières administratives. En matière de santé, les opportunités offertes par ce territoire permettent une véritable planification transfrontalière, afin de réaliser des économies d’échelle, en autorisant l’acquisition et la maintenance mutualisées d’équipements lourds et en en planifiant l’accès, de façon à mieux équiper le territoire concerné et à réduire les délais d’attente, qui sont en France excessivement longs.

En effet, la décision d’acquisition d’équipements lourds en Allemagne est prise directement par l’établissement hospitalier, au contraire de la procédure française, longue et complexe. Dès lors, en Allemagne, on n’attend qu’un jour ou deux pour faire une IRM, alors qu’en France, et plus particulièrement en Alsace où 2014 a été une année catastrophique, on peut attendre jusqu’à cinquante-huit jours. Je vous laisse imaginer le désarroi d’un patient attendant un examen complémentaire pour valider ou infirmer, dans le cadre d’un bilan thérapeutique, l’extension d’un cancer par exemple… C’est intolérable !

Dans ce contexte, la zone transfrontalière dont nous proposons la création permet une rapidité d’accès au système d’imagerie. De manière générale, les indications des IRM progressent très fortement dans notre pays. Elles ont, par exemple, augmenté de 32 % pour les cancers de la prostate, alors que, parallèlement, nous installons de moins en moins d’équipements. Le taux de couverture IRM en France est à peine de 10 pour un million d’habitants, alors que l’objectif est de 20 pour un million d’habitants, ce qui est d’ores et déjà le cas dans la plupart des pays d’Europe de l’Ouest. Les projets régionaux de santé, validés par votre ministère, prévoient un rythme de 10 % d’augmentation d’installations d’IRM par an, qui est très loin d’être respecté.

Cependant, vous n’avez absolument pas répondu aux diverses questions que je vous ai posées à ce sujet et vous n’avez pas accepté d’exploiter les possibilités offertes par ce territoire transfrontalier. Au contraire, vos services, par l’intermédiaire de l’Agence régionale de santé, se sont réfugiés derrière l’éventuelle création d’un observatoire des délais d’accès aux IRM, ainsi que derrière une étude détaillée de la pertinence de la prescription des examens par les généralistes ! Ce sujet aurait permis d’innover sur la base d’une expérience territoriale et de réaliser des économies d’échelle.

Après cet exemple, tiré d’une expérience territoriale, je voudrais insister sur l’innovation à l’hôpital. Ce PLFSS ne fait que peu, si ce n’est pas du tout, évoluer l’organisation hospitalière. Les résultats de la recherche en milieu hospitalier tendent à être relativement faibles et ne sont pas du tout à la hauteur des attentes.

Or, se multiplient parallèlement des infrastructures de recherche, nées suite aux appels à projets lancés par les pôles de compétitivité ou au titre du programme d’investissements d’avenir, et qui sont aujourd’hui en mesure de s’équiper. Le risque est grand de voir évoluer en parallèle la recherche et la pratique hospitalière sans que les patients hospitalisés ne puissent avoir accès aux techniques innovantes. De nombreux CHU souffrent aujourd’hui d’un manque de moyens qui les empêche d’acquérir les équipements nécessaires, par exemple aux opérations mini-invasives, ou de les mettre à niveau quand ils en disposent.

La fonte des moyens doit être anticipée puisque, de toute façon, ces techniques se mettront en place et qu’elles entraîneront une baisse des recettes pour l’hôpital. Il est important de réfléchir à cette question mais, je le répète, ce PLFSS ne tient pas du tout compte de ces innovations dans le secteur hospitalier alors qu’elles sont pourtant tout à fait nécessaires.

Il faudrait, et c’est d’ailleurs préconisé par le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, engager d’urgence une réflexion nationale sur le mode de gestion et de fonctionnement des grandes plates-formes d’imagerie médicale. Il faudrait aussi disposer d’un recensement exhaustif des cohortes de patients susceptibles d’avoir accès aux nouveaux outils technologiques, comme cela se fait en Hollande ou en Suède. Il est urgent de réaliser des économies, mais il est encore plus urgent de programmer une révolution complète de l’offre de soins. Les performances de nos dépenses de santé ne sont pas établies.

Mme la présidente. Il faudrait conclure, chère collègue.

Mme Sophie Rohfritsch. Je citerai, pour conclure – je vous remercie, madame la présidente, de m’accorder quelques secondes supplémentaires car c’est important – ces mots d’un discours de François Hollande : « L’accès pour tous à des soins de qualité est une priorité, c’est la qualité de la prise en charge initiale qui fera que l’avenir de chaque patient pourra être modifié. » Il faudrait que le Gouvernement en tienne enfin compte dans ce PLFSS. Il faudrait qu’il soit possible d’accéder rapidement aux équipements lourds et, parallèlement, que l’hôpital puisse bénéficier des grandes plates-formes aujourd’hui uniquement dédiées à la recherche publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philip Cordery, que j’invite à respecter, lui, contrairement aux orateurs qui l’ont précédé, le temps imparti.

M. Gérard Sebaoun. C’est la pression maximum ! (Sourires.)

M. Philip Cordery. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, chers collègues, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016 qui nous est présenté aujourd’hui est un budget sérieux, réaliste et lucide qui permettra de réduire encore le déficit de la Sécurité sociale.

M. Christian Hutin. Très bien !

M. Philip Cordery. Le rétablissement de nos comptes sociaux était une priorité du Gouvernement, et il se concrétise année après année grâce aux politiques volontaristes menées depuis 2012 par notre majorité. Nous l’observons notamment pour le régime des retraites, en excédent pour la première fois depuis 2004, et nous le voyons aussi avec le régime général, le déficit de 9,7 milliards d’euros du Fonds de solidarité vieillesse étant le plus faible depuis dix ans. À noter que ces efforts budgétaires sont réalisés sans déremboursements ni dégradation de la qualité de soins, bien au contraire.

Notre majorité va encore améliorer l’accès aux soins, avec la couverture santé garantie pour les salariés aux contrats courts notamment, le renforcement des droits sociaux avec, entre autres, la protection universelle maladie, et soutenir de grandes priorités de santé publique, telles que la contraception des mineures. Ce volontarisme permet de garantir la pérennité de notre système de protection sociale, d’assurer son financement au service de la croissance et de l’emploi, et de garantir une plus grande justice sociale pour nos concitoyens tout en étant rigoureux sur le plan budgétaire. Notre majorité soutiendra donc avec conviction ce budget de solidarité.

Sur le volet médico-social plus précisément, ce PLFSS permettra, en premier lieu, de faciliter les parcours des personnes handicapées en transférant le financement des dépenses de fonctionnement des établissements et services d’aide par le travail vers l’assurance maladie. L’objectif de cette mesure est de faciliter les passerelles pour les personnes en situation de handicap accueillies dans plusieurs structures spécialisées. Il s’agit là d’un véritable outil de simplification et de lisibilité qui permettra également aux agences régionales de santé de mieux piloter l’offre d’accompagnement à destination des personnes handicapées. De leur côté, les ESAT pourront mieux soutenir l’accès et le maintien en emploi ordinaire, notamment pour les jeunes adultes, et poursuivre l’évolution engagée en faveur du temps partiel pour les travailleurs handicapés vieillissants.

Ce PLFSS vise aussi à transformer l’offre médico-sociale en généralisant les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens – les CPOM – avec les établissements médico-sociaux et sociaux. Cette contractualisation permettra de renforcer les projets d’établissements au service des personnes handicapées, en lien avec les autorités compétentes – collectivités locales et agences régionales de santé –, ce qui améliorera l’offre d’accueil au sein de ces établissements.

Ces deux mesures, le financement des ESAT d’une part, la généralisation des CPOM d’autre part, permettront, j’en suis persuadé, une meilleure prise en charge du handicap au quotidien.

Je tenais à terminer mon propos en saluant l’annonce faite par Marisol Touraine et Ségolène Neuville sur la question de la prise en charge des personnes handicapées. Dès 2016, le Gouvernement engagera 15 millions d’euros supplémentaires pour permettre à chacun de trouver une solution près de son domicile et adaptée à ses besoins, et ainsi éviter un départ contraint vers la Belgique. Il s’agit d’un signal fort envoyé aux personnes concernées et à leurs familles, un premier pas important. Avec cette décision, le Gouvernement se donne les moyens d’atteindre un objectif essentiel : améliorer la capacité d’accueil des personnes handicapées sur le sol français et permettre de trouver des solutions de proximité. Il tient ainsi ses promesses et poursuit deux objectifs, d’un côté créer plus de places en France afin d’offrir un véritable choix aux familles ; de l’autre côté améliorer l’accueil des personnes handicapées en Belgique à travers l’accord-cadre ratifié l’année dernière. Je me félicite de cette décision qui permettra d’apporter une réponse positive aux trop nombreuses personnes handicapées en attente d’une place en établissement, ainsi qu’à leurs familles.

Chers collègues, vous l’aurez compris, la question du handicap, et plus largement du médico-social, est au cœur des préoccupations du Gouvernement. Il s’agit d’un engagement fort du Président de la République, relayé et porté par notre majorité, de poursuivre, encore et toujours, les efforts pour rendre notre société plus juste et plus inclusive. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme la présidente. Je vous remercie, monsieur Cordery, d’avoir respecté votre temps de parole.

M. Philip Cordery. C’était un plaisir.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vitel, que j’invite à faire de même.

M. Philippe Vitel. Madame la présidente, je vais essayer de faire pour le mieux.

Monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous voici réunis pour discuter du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016, court par son texte mais que le Gouvernement proclame ambitieux en matière d’économies.

En effet, les dépenses de santé sont à proprement parler cadenassées.

Ramener à l’équilibre la branche retraite, grandement aidé d’ailleurs dans cet objectif par la très bonne réforme que nous avions réalisée avec Éric Woerth en 2010 et qui devrait rapporter 5,1 milliards d’euros cette année, espérer faire redescendre le déficit global sous les 10 milliards, pourrait sembler au premier regard ambitieux si cela s’appuyait sur de véritables réformes structurelles. Mais, une fois de plus, celles-ci ne sont pas au rendez-vous : l’efficience des dépenses hospitalières ne s’appuie sur aucune réforme crédible puisqu’il faudra encore attendre plusieurs mois la très décriée loi de santé pour espérer de véritables restructurations grâce aux groupements hospitaliers de territoire, quand bien même les ARS garantiraient les équilibres entre le public et le privé.

L’ONDAM, fixé à 1,75 %, est à son plus bas niveau depuis 1997 alors qu’on peut s’attendre à une évolution naturelle des dépenses d’assurance maladie de 3 % du fait de l’évolution de l’espérance de vie et de celle des nouvelles technologies médicales.

Donc rien de nouveau, rien de positif sous le soleil !

C’est sur la politique de la famille que je voudrais m’attarder ce soir.

Le PLFSS 2016, conjugué au PLF 2016, est source d’inquiétude à un double titre au regard de la fragilisation de la politique familiale. Il y a certes d’un côté la baisse de la part des recettes assises sur les salaires, mais aussi de l’autre, la diminution du périmètre d’intervention de la branche famille.

Au niveau des recettes de la branche famille, 2016 verra l’application de la deuxième étape du Pacte de responsabilité et de solidarité. La baisse des cotisations famille pour les employeurs s’appliquera pour tous les salaires inférieurs à 3,5 SMIC, soit à 90 % des salariés ; avec application décalée au 1eravril 2016, cela représentera 3,1 milliards d’euros en 2016 et 4,5 milliards d’euros en année pleine. Comme en 2015, cette perte de recettes sera compensée par un transfert de charges de la branche famille à l’État. C’est la loi de finances qui l’organisera et il est envisagé de transférer à l’État le financement de l’aide au logement familial, prestation pourtant par nature familiale. Je m’étonne de ce choix.

En effet, le logement est bien une charge pour la famille, compensée par une prestation affectée à cet effet. Intégrer cette prestation familiale dans un bloc « aide au logement » à la main de l’État risque d’amoindrir cette dimension familiale au profit de dimensions plus redistributives et sociales. À l’heure des soixante-dix ans de la Sécurité sociale, il est important de rappeler que l’ALF est incluse depuis 1946 dans le périmètre de la branche famille pour des raisons d’intérêt familial évident.

D’autres transferts de dépenses de même ordre de grandeur étaient possibles sans remettre en cause le cœur du système des prestations familiales. À cet égard, il serait possible que l’État finance les majorations de pension pour enfants à charge – 4,5 milliards d’euros – ou la réaffectation de cette dépense au Fonds de solidarité vieillesse, quitte à équilibrer cette mesure par un transfert de CSG de la CNAF au FSV. Cela me semblerait une bonne solution.

En tout état de cause, avec les rétrécissements du champ de ses dépenses conjugués au faible dynamisme des prestations familiales, la branche famille ne pèsera plus que 49 milliards d’euros en 2016 : doit-on alors considérer qu’elle est en voie de marginalisation parmi les risques sociaux ? 2014 et 2015 ont été marqués par de nombreuses mesures d’économies infligées à la politique familiale. Malgré la compensation partielle que représente la revalorisation de l’ASF – l’allocation de soutien familial – et la majoration du complément familial, l’impact sur les familles, qui était de 1,33 milliard d’euros en 2014 et de 1,56 milliard d’euros en 2015 atteindra 2,2 milliards en 2016, et encore ces chiffres ne tiennent-ils pas compte de la fiscalisation des majorations de pensions et de la réforme du complément du libre choix d’activité.

Voilà, mes chers collègues, les quelques réflexions que m’inspire ce PLFSS. Au fil de l’examen des articles, nous aurons bien sûr l’occasion de dénoncer trop de mesures qui, faute d’un vrai courage réformateur, se contentent de chercher çà et là des boucs émissaires. Monsieur le secrétaire d’État, écoutez la Cour des comptes et son Premier président, votre ami M. Migaud, qui vous invite à mettre en œuvre sans tarder des réformes structurelles, seules à même d’infléchir durablement les dépenses. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. Je vous félicite, monsieur Vitel, d’avoir vous aussi tenu le temps de parole qui vous était imparti.

La parole est à M. Christophe Sirugue.

M. Christophe Sirugue. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, chers collègues, chacun des rapporteurs a pu tout à l’heure évoquer dans le détail les incidences des choix retenus par le Gouvernement concernant les recettes globales de ce PLFSS mais aussi celles de chacune des branches. C’est fort de ces analyses que je voudrais souligner ici ce qui constitue un fil conducteur depuis 2012, PLFSS après PLFSS, et que je résumerai en quatre mots : continuité, responsabilité, volonté et pérennité.

Tout d’abord, la continuité : il y a en effet continuité dans l’amélioration de la situation financière de notre Sécurité sociale et, cela a été rappelé, sans franchises supplémentaires, sans déremboursement de médicaments – méthode largement utilisée avant que nous n’arrivions aux affaires. Notre majorité a réduit de 40 % en trois ans le déficit du régime général de la Sécurité sociale, et il est prévu en 2016 un retour au niveau de 2008, avec un déficit de 9,7 milliards d’euros.

J’ai entendu des arguments développés par l’opposition selon lesquels nous reporterions les mauvaises nouvelles.

M. Philippe Vitel. En effet !

M. Christophe Sirugue. De tels discours sont pour le moins récurrents, pour ne pas dire convenus, puisqu’en préparant ce PLFSS, j’ai relu ce qu’avaient déclaré mes collègues de l’opposition, et j’ai constaté qu’ils disaient déjà la même chose pour le PLFSS 2014 et pour le PLFSS 2015.

M. Philippe Vitel. Et pour cause !

M. Christophe Sirugue. Pourtant, le déficit du régime général en 2014 s’est réduit de 2 milliards de plus que la prévision budgétaire et, en 2015, il devrait s’établir à 600 millions d’euros de moins que prévu. Il y a donc une vraie sincérité dans les chiffres avancés depuis trois ans par ce gouvernement. Il en sera de même pour cette année.

Le deuxième mot, c’est la responsabilité, celle qui amène à constater que tout en enregistrant ces bons résultats, il y a encore beaucoup d’efforts à faire. Chacun sait que ces déficits, s’ils ne sont pas combattus, sont des bombes à retardement pour les générations futures…

M. Philip Cordery. Tout à fait !

M. Christophe Sirugue. …ou, pis encore, de formidables arguments pour remettre en cause notre modèle de protection sociale – j’y reviendrai. Les efforts engagés, c’est déjà le choix d’un ONDAM à 1,75 %. C’est une exigence forte.

J’engage ceux qui n’ont que le mot de réformes structurelles à la bouche à examiner ce que cela induit déjà comme adaptation ou évolution dans nombre de services ou de pratiques.

La responsabilité, la volonté de réforme ont aussi prévalu dans la branche famille avec les modifications dans le versement des allocations familiales que la droite qui, pourtant, nous appelle à la réforme, n’a pourtant cessé de critiquer.

Venons-en à la volonté. Comme Mme la ministre chargée des affaires sociales et de la santé l’a rappelé, la réduction des déficits est une exigence mais elle ne saurait à elle seule résumer l’acte politique que constitue ce PLFSS 2016. Poursuivre l’objectif de mieux répondre aux attentes de nos concitoyens, c’est le choix qui est fait au travers des mesures visant à rendre effective pour tous la complémentaire santé. Ce sont les efforts voulus pour améliorer l’accès aux soins. Ce sont aussi, par exemple, la réforme de la tarification des établissements de santé et le renforcement des moyens du secteur médico-social.

En un mot, la volonté, c’est celle de poursuivre dans la voie d’une meilleure protection sociale pour nos concitoyens.

Pérennité enfin. Vous connaissez l’adage : « Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage ». Quand, tout en s’en défendant, on veut remettre en cause le modèle social, on laisse s’envoler les déficits, on multiplie les discours alarmistes sur l’avenir de certains volets de notre protection sociale, on nous parle de réformes structurelles que l’on n’engage jamais, pour, au bout du compte, tenter de mieux faire accepter sa remise en cause.

La volonté de réformer qu’évoquait tout à l’heure M. Accoyer, c’est en fait la volonté de mettre à mal notre système de protection sociale. Ce qu’il propose pour l’hôpital public est d’ailleurs sans équivoque.

Nous ne nous contentons pas de fêter les 70 ans de la Sécurité sociale. Avec ce PLFSS 2016 comme avec ceux proposés depuis 2012, nous lui proposons les soins nécessaires pour la rétablir parce que nous la souhaitons encore plus forte, pour lui permettre de continuer à garantir les droits et la protection de nos concitoyens et ce, pour longtemps. Cela mérite bien que nous votions ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, chers collègues, nous examinons le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016. Permettez-moi tout d’abord de regretter une nouvelle fois que cet examen intervienne en même temps que celui du projet de loi de finances. Je sais qu’il en a toujours été ainsi mais, compte tenu du calendrier des travaux, il est impossible de s’investir utilement sur les deux. C’est regrettable, car le budget de la Sécurité sociale, c’est cette année 478 milliards d’euros et près de 15 milliards de déficit ; quant à celui de l’État, il représente 375 milliards et 72 milliards d’euros de déficit.

M. Philip Cordery. C’était combien avant 2012 ?

Mme Isabelle Le Callennec. Les deux ont à traiter d’impôts, de taxes, de charges, mais aussi de dotations, de prestations, d’allocations, autant de préoccupations légitimes de tous les Français, autant de sujets sur lesquels notre assemblée légifère mal et n’évalue pas assez.

S’agissant du PLFSS, huit Français sur dix se disent inquiets de la pérennité de la Sécurité sociale…

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Avec vous, ils auraient des raisons d’être angoissés !

Mme Isabelle Le Callennec. …et les trois quarts d’entre eux estiment urgent de la réformer. Et ils ont raison. Le contexte qui a présidé à la création de la Sécurité sociale il y a soixante-dix ans a totalement changé : nombre de mécanismes mis en place après-guerre sont à bout de souffle et en décalage total avec l’évolution de notre société.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Allez la revisiter !

Mme Isabelle Le Callennec. C’est d’ailleurs toute la protection sociale qu’il convient de revisiter, à l’aune des défis – démographiques, économiques ou sociologiques – qui sont devant nous. Une réforme efficace et juste oblige à répondre à des questions de fond : quel niveau de protection sociale souhaitons-nous pour notre pays ? Quels moyens acceptons-nous d’y consacrer ? Qu’est-ce qui relève de la solidarité nationale ou locale, donc de l’impôt, et qu’est-ce qui relève de la responsabilité individuelle ? Peut-on continuer à la faire peser sur le travail, sous la forme de charges salariales et patronales, ce qui en réalité grève le pouvoir d’achat des ménages et obère la compétitivité des entreprises ?

Comment améliorer la gestion et le ciblage des prestations sociales de solidarité pour éviter le développement du sentiment d’assistanat, qui nuit à l’image même de notre système de protection sociale ?

Autant de questions qui devront trouver réponse dans les meilleurs délais pour améliorer les comptes publics, et rassurer les Français sur notre capacité collective à refonder un système efficace et juste.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Pour le moment, vous avez posé beaucoup de questions sans apporter de réponses !

Mme Isabelle Le Callennec. Autant de questions auxquelles notre groupe Les Républicains apporte d’autres réponses que les vôtres, en matière de retraite, de santé, de chômage, de politique familiale, de minima sociaux, d’aides au logement ou encore de politique en faveur des personnes handicapées.

Mais, comme je n’ai que cinq minutes de temps de parole, permettez-moi à cet instant de me concentrer sur quelques-uns des soixante articles du projet de loi. L’article 3 prive, cette année encore, le Fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés, de 50 millions d’euros de crédits. C’est incompréhensible quand on connaît les projets d’investissements de nombreux hôpitaux, dont les demandes sont retoquées par les Agences régionales de santé.

Mme Sylviane Bulteau. Je croyais que vous souhaitiez que l’on fasse encore davantage d’économies !

Mme Isabelle Le Callennec. L’article 7 repousse de trois mois l’allégement de charges pourtant promis aux chefs d’entreprises. La réduction du taux de cotisations d’allocations familiales pour les rémunérations comprises entre 1,6 et 3,5 fois le SMIC devait s’appliquer au 1er janvier. Les employeurs devront attendre le 1er avril.

S’agissant de l’article 10, il abroge au 1er janvier 2016 les exonérations de cotisations patronales applicables aux bassins d’emplois à redynamiser, aux zones de restructuration de la défense et aux zones de revitalisation rurale. C’est, à nouveau, un mauvais signal adressé aux zones rurales, quelques semaines après le déplacement en grande pompe du Président de la République à Vesoul, accompagné d’un tiers des ministres du Gouvernement, pour un comité interministériel censé soutenir la ruralité !

Quant à l’article 16, il transfère 40 millions d’euros de réserves du Fonds pour l’emploi hospitalier, alors que, là encore, les besoins en réorganisation, en gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ou en formation sont avérés. Je ne prendrai que deux exemples sur lesquels je reviendrai dans les débats : la formation aux soins palliatifs et la sensibilisation à la prématurité.

Nous aurons également l’occasion de revenir sur l’article 20, qui casse le lien entre cotisant et ayant droit, et tourne le dos à l’esprit même du mutualisme ; ou encore sur l’article 21, relatif à la couverture complémentaire santé des plus de 65 ans, qui doit, pour nous, reposer sur le libre choix des personnes. Il en va de même pour l’article 39, qui a pour but d’achever le processus d’universalisation de la prise en charge des frais de santé, avec force arrière-pensées.

L’article 44 nous obligera à débattre du rôle des Agences régionales de santé – ARS – dans les moyens dévolus à la permanence des soins ambulatoires et de l’implication des médecins généralistes dans leur mise en œuvre.

Enfin, nous redirons ce que nous avons déjà dit en commission des affaires sociales sur l’article 49, qui réforme le financement du secteur des soins de suite et de réadaptation, sans évaluation financière.

Pour conclure, ce PLFSS nous laisse un goût amer. Au mieux, il bricole le système à la marge ; au pire il le déstabilise sans étude d’impact. En tout état de cause, il n’a pas la puissance requise pour le sauver. Dans ces conditions, vous comprendrez qu’il me sera difficile de le voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, ce PLFSS 2016 maintient le cap fixé en 2012 : préserver notre modèle social dans un contexte difficile.

Comme l’ont montré les rapporteurs, plusieurs branches du régime général enregistrent de bons résultats. Cette politique volontariste de réduction des déficits ne remet pas en cause notre modèle social fondé sur la solidarité et le soutien envers les plus vulnérables. Depuis 2013, les inégalités régressent et les droits progressent pour l’ensemble des assurés.

En 2016, de nouvelles avancées telles que la couverture complémentaire santé pour les personnes de plus de 65 ans, les garanties de paiement des pensions alimentaires ou la protection universelle maladie permettront de mieux lutter encore contre les inégalités. De même, ce PLFSS permet de répondre aux objectifs d’adaptation de l’offre aux besoins des personnes et des établissements dans le secteur médico-social.

Plusieurs rapports, récemment publiés, insistent sur la nécessaire mise en œuvre d’une nouvelle approche en matière d’accompagnement des personnes, qu’elles soient handicapées ou âgées, afin d’apporter des réponses de proximité adaptées aux besoins de chacun. La notion de parcours de vie est un élément central de cette nouvelle approche. Elle a d’ailleurs été rappelée par plusieurs de nos collègues, et inscrite dans la Conférence nationale du handicap. Il faut parvenir à garantir à toute personne un cheminement de vie sans rupture, un parcours fluide et continu, et faire évoluer l’accompagnement dans les établissements.

L’objectif « zéro sans solution », le devoir collectif de permettre un parcours sans rupture, issu du rapport de Denis Piveteau en 2014, est certes ambitieux mais atteignable, si tant est que l’on dispose des bons outils. Ainsi, je me félicite des avancées proposées par le texte dans le secteur médico-social. Elles s’inscrivent dans cette démarche prévoyant d’abord le transfert du financement des dépenses de fonctionnement des établissements et services d’aide par le travail de l’État à la Sécurité sociale, qui permettra une meilleure adaptation des ressources au sein des établissements et favorisera la notion de parcours des personnes handicapées, en facilitant le recours aux passerelles entre établissements. Il faudra bien évidemment aller plus loin et proposer un plan de développement des solutions d’accueil pour les adultes en situation de handicap.

De même, le déploiement attendu des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens sur l’ensemble de notre territoire répond à une demande très concrète. C’est un bon outil : loin de figer les choses, il facilite la prévision pluriannuelle et une gestion plus souple des équipements et de leur transformation. C’est un des leviers de la mise en œuvre du parcours sans rupture.

Je souhaiterais enfin soulever un point spécifique dans cette discussion, celle de la fongibilité des enveloppes médico-sociales. En effet, l’ONDAM est très cloisonné entre personnes handicapées et personnes âgées. La situation des personnes handicapées vieillissantes mérite d’être examinée avec la plus grande attention. De nombreux projets attendent des financements. Plusieurs enquêtes sont actuellement en cours sur le sujet : l’Inspection générale des affaires sociales et la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie travaillent sur la question et devraient rendre leurs conclusions prochainement. J’espère que la ministre pourra nous indiquer dans quels délais nous connaîtrons les préconisations de ces études.

Mes chers collègues, soixante-dix ans après la création de la Sécurité sociale, le constat est unanime et partagé. Notre système de protection sociale nous a permis de traverser des périodes difficiles et a joué son rôle d’amortisseur social dans la crise que nous connaissons encore.

Ce PLFSS reste fidèle à l’esprit des fondateurs de la Sécurité sociale et répond aux nouveaux défis de notre société avec des choix justes, modernes et pérennes, et en renforçant les droits sociaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Sylviane Bulteau.

Mme Sylviane Bulteau. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, la création du Régime social des indépendants en 2006, et surtout la mise en place de l’interlocuteur social unique en 2008, dans les conditions kafkaïennes qu’il n’est nul besoin de rappeler ici, ont conduit à une situation particulièrement dégradée, tant pour les travailleurs indépendants que pour les salariés du régime lui-même.

Face à l’immobilisme total qui avait prévalu jusqu’en 2012 au regard du fonctionnement désastreux de ce régime social, et qui avait même conduit à l’arrêt du recouvrement des cotisations pour 40 % des comptes, notre collègue Fabrice Verdier et moi-même avons été chargés par le Gouvernement d’une mission sur l’amélioration de la qualité du service rendu par le RSI aux assurés et aux cotisants.

Cette mission s’inscrivait dans un contexte de forte tension depuis plusieurs mois entre le régime et certains de ses assurés. Avec 6,1 millions de ressortissants et 2,8 millions de cotisants, le RSI est, après le régime général, le deuxième régime de protection sociale par ordre de taille.

En 2014, il a servi 17,7 milliards de prestations dont 8,5 milliards d’euros en prestations maladie, 9 milliards d’euros en pensions de retraite et 288 millions d’euros en pensions invalidité-décès. Le RSI est donc bien utile à ses affiliés.

Sa création reste marquée de façon très négative par les graves problèmes de mise en œuvre, en 2008, de l’interlocuteur social unique en matière de recouvrement des cotisations et contributions sociales des commerçants et artisans.

Les dysfonctionnements ont en effet été à l’origine d’une déstabilisation durable du régime dans son ensemble et d’une sérieuse perte de confiance de la part de ses ressortissants.

Le climat de méfiance envers le régime s’est accru à la fin de l’année 2014 et au début de l’année 2015. La contestation qui renaît périodiquement dépasse désormais, pour certains groupes d’assurés, le cadre d’un mécontentement sur des dysfonctionnements pour s’inscrire dans celui plus global d’une remise en cause du régime lui-même, voire du principe même de l’affiliation obligatoire à un régime de sécurité sociale.

Le Premier ministre, tout en rejetant fermement toute remise en cause d’un régime d’assurance collective plus que jamais nécessaire pour maintenir un haut niveau de protection, a donc souhaité une objectivation des difficultés du régime et des propositions sur les moyens d’une amélioration rapide de la qualité du service rendu aux assurés.

Le rapport d’étape, comme le rapport final, proposent de simplifier et d’enrichir les prestations, ainsi que d’améliorer la relation à l’usager, notamment en matière d’information, de communication, de compréhension et de lisibilité du système. Les mesures retenues par le Gouvernement portent sur l’accompagnement des situations difficiles, le travail en proximité avec les assurés, une meilleure visibilité des cotisations et les facilités de paiement dont peuvent bénéficier les assurés.

Parmi ces mesures, je voudrais en citer quatre, emblématiques de la volonté d’amélioration du système : la mise en place de médiateurs dans chaque région RSI, comme cela a déjà été fait en Bretagne, la réinternalisation de la réponse téléphonique avec des agents du RSI formés et supervisés, pour en finir avec la privatisation réalisée au travers d’une plate-forme qui ne rendait pas le service attendu, la mise en place du temps partiel thérapeutique en cas de maladie grave – je vous remercie, chers collègues, d’avoir adopté à l’unanimité de la commission l’amendement correspondant –, la création d’un comité de suivi qui associera le RSI, ses assurés, les syndicats professionnels, ainsi que les deux députés rapporteurs.

Ceux qui n’ont rien fait hier font aujourd’hui du RSI un enjeu électoral. Je leur dis que nous devrions plutôt travailler ensemble à la consolidation du système et à la recherche du rétablissement du lien de confiance.

Je vous remercie, chers collègues, de votre attention à cette heure tardive. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Claudine Schmid.

Mme Claudine Schmid. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, chers collègues, je consacrerai mon intervention à l’article 15 du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Cet article a déjà été décrié par plusieurs de nos collègues, dont Bernard Accoyer et Jean-Pierre Barbier, car il pose des problèmes de lisibilité de la loi. Quant à moi, il me donnera à nouveau l’occasion de m’indigner contre la mesure inique qui consiste à étendre le prélèvement de la CSG et de la CRDS aux revenus immobiliers des non-résidents et non-affiliés.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez déclaré lors de la présentation de ce projet de loi, que le produit de la CSG et de la CRDS serait versé au Fonds de solidarité vieillesse et à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie par suite des arrêts du 26 février 2015 de la Cour de justice de l’Union européenne et du 27 juillet 2015 du Conseil d’État.

Avant d’aller plus loin, je voudrais revenir sur les dispositions prises pour assurer le remboursement des prélèvements effectués à tort.

Monsieur le secrétaire d’État, lors de la présentation en séance du projet de loi, vous avez annoncé que des consignes avaient été données en vue du remboursement, avec des modalités les plus simples possibles. Or nous ignorons encore quand ces consignes seront connues du contribuable…

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Elles le sont !

Mme Claudine Schmid. …et par quelles voies, puisque ma lettre est restée sans réponse.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Depuis cet après-midi, chère madame.

Mme Claudine Schmid. Pourtant, je vous ai écouté avec beaucoup d’attention…

Allez-vous respecter l’esprit de ces décisions et rembourser tous les contribuables non affiliés à la sécurité sociale ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Pas l’esprit, la lettre !

Mme Claudine Schmid. Je ne peux imaginer qu’il en soit autrement.

Pour en revenir au texte en discussion, le Gouvernement estime pouvoir contourner les décisions de justice en affectant la recette de la CSG à des prestations non contributives. Or le principe d’unicité de législation s’applique à toutes les législations nationales relatives aux branches vieillesse comme le précise le 1. de l’article 3 du Règlement européen n883/2004. Dès lors, le fait que les prestations sociales soient contributives ou non est inopérant. De plus, par ce texte, vous complexifiez encore le PLFSS et augmentez son illisibilité.

D’autre part, en substituant de la CSG fléchée à de la CSG affectée, l’article met un frein à la mobilité des capitaux. En effet, seuls les résidents en France peuvent bénéficier du Fonds de solidarité vieillesse ou de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, les dispositifs d’assistance sociale non contributifs étant territorialisés. Le mode de financement des dispositifs non contributifs doit être posé dans le cadre de la libre circulation des capitaux.

Par conséquent, si ce projet de loi était adopté en l’état, il engendrerait à nouveau un contentieux. C’est pourquoi se pose la question de la sécurité juridique de ce montage au regard du droit européen. Le rapporteur en est d’ailleurs bien conscient, puisqu’il écrit : « La solution retenue par le Gouvernement semble donc en première analyse compatible non seulement avec la lettre du règlement, mais également avec l’interprétation que pourrait en faire la Cour ». « Semble », « pourrait » : nous savons tous ce que cette rédaction signifie !

En commission des affaires sociales, le rapporteur s’était étonné que je ne propose pas d’alternative – mais dois-je proposer une autre solution alors qu’il s’agit du rétablissement du droit ?

Je peux toutefois vous proposer, si le texte était voté en l’état, de faire bénéficier les non-affiliés et les non-résidents du Fonds de solidarité vieillesse et de la CNSA. Ce serait juste. Il serait aussi juste de ne pas réduire la subvention accordée à la Caisse des Français de l’étranger, ni la dotation allouée au programme 151, qui prévoit une baisse des crédits d’intervention pour l’aide sociale – celle-ci incluant l’aide aux personnes âgées. Voilà ma proposition !

Le Conseil d’État organisait le 27 juin 2014 un colloque ayant pour thème : « Impôt et cotisation : quel financement pour la protection sociale ? ». La Haute autorité administrative considérait, dans le dossier de présentation, qu’« un prélèvement symbolise le caractère ténu de la frontière entre impôt et cotisation dans le système de droits et devoirs actuels : la CSG, qualifiée d’impôt, mais qui n’est duc en application de la jurisprudence de la Cour de justice, que par les personnes bénéficiant du système de sécurité sociale français ». Dans la mesure où cet article affecte la CSG sur les revenus du capital à des prestations sociales non contributives, il s’apparente à une première étape vers la fusion de la CSG et de l’impôt. Or une telle décision est du ressort du PLF et non du PLFSS.

Pour toutes ces raisons, je déposerai des amendements sur cet article.

M. Philip Cordery. Pas très clair, tout cela…

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Sebaoun.

M. Gérard Sebaoun. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 témoigne d’un rétablissement progressif des comptes de la Sécurité sociale avec une réduction continue du déficit. Je ne reviendrai pas sur les chiffres, préférant m’arrêter sur certains articles.

L’article 7 nous propose d’entériner la seconde étape du pacte de responsabilité et de solidarité, assise sur la baisse des cotisations sociales, en poursuivant la fiscalisation des allocations familiales. Autant je suis convaincu de l’efficacité sur l’emploi des réductions de cotisations sociales sur les bas salaires autour du SMIC, autant les porter au niveau des rémunérations représentant jusqu’à 3,5 fois le SMIC ne m’apparaît pas nécessaire. Je partage d’ailleurs la philosophie d’un amendement d’un de nos collègues du groupe SRC, qui nous proposera de réduire l’allégement à seulement 2,5 SMIC.

L’article 8 porte l’assiette d’exonération de la contribution sociale de solidarité des sociétés – C3S – à un chiffre d’affaires de 19 millions d’euros, contre 3,25 millions l’an dernier. En cumulé, cela représentera un manque à gagner de 2 milliard d’euros pour le Trésor public : 1 milliard en 2015, plus 1 milliard en 2016. Ce sont 20 000 entreprises, essentiellement les plus grosses PME/PMI, les entreprises de taille intermédiaire et les grandes entreprises, qui resteront assujetties à la C3S ; sans refaire le débat de l’an dernier, il serait à mon avis sage de s’en tenir là dans le prochain PLFSS.

Après l’article 7, je défendrai, avec d’autres collègues, un amendement proposant l’instauration d’une réduction dégressive de CSG. La CSG, qui a un rendement de 90 milliards d’euros par an, n’est pas un impôt, n’a rien de progressif et s’apparente plutôt à une flat tax. Cette mesure, si elle était adoptée, participerait directement au soutien du pouvoir d’achat des ménages.

Autre sujet d’importance que je souhaite aborder, la lutte qu’il convient de mener contre les méfaits du tabac. J’ai cosigné les amendements déposés par notre collègue Michèle Delaunay, qui s’inscrivent dans le droit fil du programme national de réduction du tabagisme et du projet de loi de santé présentés par la ministre des affaires sociales.

Selon le rapport mondial sur le cancer de 2014, 1 milliard de personnes pourraient mourir à cause du tabac au cours XXIsiècle. Ce chiffre devrait nous faire réfléchir ! 700 000 décès pourraient être évités dans l’Union européenne, dont plus de 10 % en France, avec 79 000 décès : plus de vingt fois le nombre d’accidents mortels sur la route.

Ayons toujours à l’esprit que le tabac est un agent cancérogène avéré pour l’homme et qu’il représente la première cause de mortalité par cancer en France, avec un coût, pour les seules dépenses de soins, de plus de 18 milliards d’euros. C’est également un facteur de risque majeur chez la femme enceinte – inutile de développer.

Le Baromètre santé 2014 de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé montre que 34 % de la population des 15-75 ans est concernée ; le pourcentage est stable chez les hommes, en baisse chez les femmes, sauf au-delà de 55 ans. Notons heureusement deux signes positifs : une légère baisse du nombre de fumeurs réguliers et des tentatives d’arrêt un peu plus fréquentes – sachant que cet arrêt est bénéfique à tout âge.

Nos amendements proposent une hausse de la fiscalité, car l’effet prix est clairement démontré. Le prix d’un paquet de cigarettes était de 3,60 euros en 2002 ; son augmentation de presque 40 % en deux ans, entre 2002 et 2004, sous la présidence de Jacques Chirac, jusqu’à 5 euros le paquet, a fait chuter de 28 % le tonnage de tabac vendu et de 31 % le nombre de cigarettes vendues. À titre comparatif, sur dix ans, entre 2004 et 2014, le prix a également augmenté de 40 %, mais avec un effet deux à trois fois moindre, avec une diminution de moins de 10 % du tonnage et de moins de 17 % du nombre de cigarettes.

J’ajoute qu’une étude publiée récemment par le cabinet de conseil en économie Microeconomix propose un chiffrage du coût social du tabac. Selon les auteurs, le prix actuel du paquet de cigarettes est quasi-neutre pour le budget de l’État. La prise en compte des pertes des entreprises devrait conduire à un paquet à 13 euros et jusqu’à plus de 15 euros si l’on ajoute la perte de revenus des fumeurs eux-mêmes.

Mme Michèle Delaunay, rapporteure de la commission des affaires sociales. Bravo !

M. Gérard Sebaoun. Bien sûr, ces chiffres méritent expertise, mais nous sommes loin d’une étude purement provocatrice, dès lors que l’on regarde le prix du paquet de cigarettes, actuellement à 10 euros outre-Manche et à presque 12 euros en Norvège.

Une augmentation sensible de la fiscalité sur le tabac va de pair avec l’instauration du paquet neutre, adoptée par notre assemblée en première lecture du projet de loi de santé et supprimée par le Sénat. Mes chers collègues, nous devrons le rétablir en seconde lecture, parce qu’il s’agit d’une mesure efficace.

Le tabac est un tueur qui n’a rien de silencieux.

Mme Michèle Delaunay, rapporteure. Très bien !

M. Gérard Sebaoun. Il nous appartient d’utiliser tous les textes à notre disposition, PLFSS et projet de loi de santé, pour faire chuter au plus vite sa consommation. S’arrêter de fumer entre 35 et 49 ans procure un gain moyen d’espérance de vie de dix ans : je pense que ce chiffre mérite toute notre attention ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme Michèle Delaunay, rapporteure. Excellent !

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Hutin.

M. Christian Hutin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, mon intervention sera très spécifique. Elle est habituelle, mais elle ne doit pas être usuelle, ni banale. Je vais vous parler du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante – FIVA – et de l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante – ACAATA.

Ces cinq minutes qui me sont accordées me permettent de dire un petit mot sur les victimes de l’amiante. Dans notre pays, il y a eu en effet un drame : celui de l’amiante. Ce drame est la préoccupation d’associations, qui méritent le respect, et de victimes.

Ce drame de l’amiante se traduit par des chiffres importants dans ce PLFSS. C’est mon travail de vérifier que tout se passe bien à cet égard. Il faut que vous sachiez que si nous observions une minute de silence pour chacune des victimes de l’amiante, notre assemblée devrait rester silencieuse pendant trois ou quatre jours ! Certains départements sont plus touchés que d’autres : le Nord, la Seine-Maritime, la Moselle, et l’on parle, monsieur le secrétaire d’État, de milliers de morts. Nous avons donc une responsabilité importante, au moment d’examiner ce PLFSS, vis-à-vis des victimes de l’amiante.

Je vous parlerai du FCAATA, le Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, et du FIVA. Heureusement, si l’on peut dire, le nombre d’allocataires du FCAATA diminue. C’est rassurant : cela signifie qu’il y a de moins en moins de personnes exposées à l’amiante, et que le nombre de personnes atteintes diminuera au fil des ans. Cela touchera encore, à mon avis, une génération complète, et la moitié de la génération qui suivra. Ce fonds est abondé substantiellement, à hauteur de 600 millions d’euros : je pense que les victimes de l’amiante peuvent en être satisfaites. Cette somme est importante pour elles : il est en effet très important, pour les personnes qui ont malheureusement été exposées à l’amiante, de pouvoir partir en retraite un peu plus tôt que prévu grâce à ce FCAATA.

Le nombre de personnes concernées par le FIVA, malheureusement, est, lui, en augmentation, de 3,8% je crois. Ces deux fonds touchent plus de 20 000 personnes : ce n’est pas rien. Le FIVA est lui aussi abondé par ce PLFSS. Nous ne pouvons qu’en être satisfaits, et il nous appartiendra donc de nous prononcer en conséquence au moment du vote.

Mais les victimes de l’amiante rencontrent une difficulté : elles veulent savoir si les responsables de ce drame paieront un jour. À qui profite le crime ? Je sais que cette question déborde le cadre de ce PLFSS. Par subrogation des victimes, le FIVA peut engager des poursuites pour récupérer un peu d’argent en cas de faute inexcusable de l’employeur ; cette année, cela représente environ 37 millions d’euros. Mais ceux à qui le crime a vraiment profité n’ont pour le moment jamais été inquiétés ni, a fortiori, condamnés.

Il n’y a pas très longtemps, des victimes et des veuves de l’amiante ont manifesté à Paris. Je pense qu’il est important, à un moment ou un autre, même dans le cadre de l’examen de ce PLFSS, de dire que l’argent dépensé par la branche accidents du travail et maladies professionnelles aurait pu être – pourrait être – payé par ceux qui sont coupables en cette affaire, en particulier le Comité permanent amiante. Environ 4,2 milliards d’euros ont été dépensés depuis 2002 – à juste titre – pour indemniser les victimes de l’amiante. Malheureusement, c’est la branche AT-MP qui paye, et les victimes de l’amiante attendent encore le procès auquel elles estiment légitimement avoir droit, et qui serait particulièrement juste au niveau de la responsabilité de l’État. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, chers collègues que je remercie d’être restés dans l’hémicycle jusqu’à cette heure tardive pour écouter mon intervention (Sourires), voilà une nouvelle fois un PLFSS pour rien ! Ce n’est pas notre collègue Jean-Frédéric Poisson qui dira le contraire !

Monsieur le secrétaire d’État, le quotidien Le Figaro décrivait dans son édition de ce matin la méthode que vous adoptez PLFSS après PLFSS, dans laquelle il voit l’une des clés de la longévité à la tête du ministère de la santé et des affaires sociales de Marisol Touraine – dont je regrette soit dit au passage qu’elle ne soit pas présente dans l’hémicycle à cet instant. D’une part, vous ne menez aucune réforme de structure, et laissez donc les déficits s’accumuler ; d’autre part, pour faire plaisir à la majorité parlementaire et au Président de la République, vous prenez quelques mesures marquées à gauche : je pense notamment à la généralisation du tiers payant et à la mise en place d’une protection universelle maladie – c’est une commande présidentielle – dont on ne sait pas combien elle coûtera puisque la mesure n’a fait l’objet d’aucune étude d’impact : on sait simplement que la carte Vitale sera donnée à vie – peut-être dès l’âge de douze ans, comme cela a été réclamé tout à l’heure. J’espère au moins, madame la présidente de la commission, monsieur le secrétaire d’État, que cette carte que l’on devra garder toute sa vie sera enfin sécurisée ! Cela ne coûterait qu’un ou deux euros par carte, et permettrait probablement d’éviter de nombreuses fraudes.

Ces mesures plombent les comptes de la Sécurité sociale : comme vous le savez, la dette sociale n’a cessé d’augmenter, et représente aujourd’hui 158 milliards d’euros, somme tout à fait considérable dont les Français n’ont d’ailleurs pas conscience. Je sais que ce propos déplaira à Catherine Lemorton, mais la Cour des comptes a commencé à travailler à une comparaison avec l’Allemagne : nous en parlons beaucoup en commission des affaires sociales. La Cour des comptes ne cesse de demander au Gouvernement de s’inspirer de la réussite allemande. Cela devrait nous amener à nous poser certaines questions !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Si vous voulez vous inspirer de l’Allemagne, alors il faut aller jusqu’au bout, et accueillir autant de réfugiés qu’elle !

M. Dominique Tian. La Cour des comptes relève par ailleurs que le retour à l’équilibre des comptes sociaux est une nouvelle fois repoussé à un horizon indéterminé, au plus tôt 2018, peut-être 2021. En 2014, le Gouvernement anticipait pourtant un retour à l’équilibre pour 2017 ! Aucun pays n’accepterait un tel déficit. Un orateur a évoqué tout à l’heure la dette de la Grèce : après tout, nous n’en sommes pas si loin.

Certaines mesures permettraient pourtant de progresser dans le sens de l’assainissement de nos dépenses sociales ; je pense notamment à la convergence tarifaire, que recommande la Cour des comptes.

M. Jean-Frédéric Poisson. Eh oui !

M. Dominique Tian. La convergence tarifaire entre les secteurs public et privé est encore reportée, alors que l’on sait qu’elle permettrait d’économiser des sommes considérables ! L’article 47 entérinera notamment le report à 2020 de la mise en œuvre de la tarification à l’activité, et ce, une nouvelle fois parce que l’on ne sait pas obliger l’hôpital à mieux gérer ; pourtant, nous savons à quel point la tarification à l’activité est utile !

La Cour des comptes a identifié les avantages du système allemand – même si l’on en rappelle souvent les limites. Les dépenses de santé du système allemand sont comparables aux nôtres : 3 600 euros par personne et par an en Allemagne contre 3 646 euros en France. Ces dépenses représentent 11,3 % du produit intérieur brut en Allemagne contre 11,6 % en France. Dans les deux pays, l’assurance maladie est obligatoire, seule son organisation diffère.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Je ne comprends pas : c’est comparable ou c’est différent ?

M. Dominique Tian. Je rappellerai quelques chiffres, monsieur le secrétaire d’État, qui sont cruels pour vous. L’Allemagne a fait de l’équilibre financier de l’assurance maladie une priorité : cette branche y est actuellement en excédent de 11 milliards d’euros, tandis que nous avons un déficit de 104 milliards d’euros. J’arrêterai là la comparaison avec l’Allemagne…

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Il vaut mieux ! Ou alors allons-y, accueillons autant de réfugiés qu’elle le fait !

M. Dominique Tian. Pourtant, madame la présidente de la commission, Dieu sait que la Cour des comptes nous presse de nous inspirer de l’exemple allemand ! Un jour ou l’autre, j’en suis convaincu, il faudra bien prendre les mêmes mesures. Or on ne trouve dans ce PLFSS aucune mesure structurelle qui permettrait enfin de mieux gérer notre système qui est menacé de mort, comme l’a indiqué tout à l’heure Bernard Accoyer. Au contraire, les réformes structurelles sont sans cesse reportées.

Certaines mesures semblent même inappropriées. Je pense notamment à l’article 49, avec la réforme, certes nécessaire, du financement du secteur des soins de suite et de réadaptation, mais dont la DGOS – la direction générale de l’offre de soins – a indiqué qu’elle n’était pas prête, son impact notamment n’ayant pas été évalué.

Mme la présidente. Merci de conclure !

M. Dominique Tian. On ne sait donc pas exactement quels en seront les effets. Faites attention à ce secteur menacé, ne condamnez pas à mort des centaines d’établissements privés faute d’étude d’impact, simplement parce que vous leur reprochez d’être moins chers que le secteur public, alors qu’ils s’occupent des mêmes malades dans les mêmes conditions.

Le redressement des comptes sociaux sera, je suppose, monsieur le secrétaire d’État, pour l’année prochaine... Et ce sera malheureusement à nous, quand nous reviendrons au pouvoir, de nous en occuper ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Orphé.

Mme Monique Orphé. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’état, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, chers collègues, tous les orateurs l’ont fait remarquer, l’examen de ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale intervient alors que nous venons de fêter le soixante-dixième anniversaire de la Sécurité sociale, créée à peine un an avant que les quatre plus anciennes colonies ne soient érigées en départements. Même si l’égalité sociale n’y a été réalisée qu’en 1995, les conditions et le niveau de vie de nos territoires se sont considérablement améliorés grâce aux droits sociaux.

Soixante-neuf ans après la départementalisation, l’espérance de vie a fait un bond considérable, passant de 50 ans en 1951 à 77 ans en 1990. Aujourd’hui, l’écart avec l’Hexagone s’est réduit de deux à trois points. Il faut donc se féliciter que ce PLFSS renforce encore les droits sociaux, nonobstant la politique de redressement des comptes nécessaire à la préservation de notre système de protection sociale. Plusieurs mesures vont dans le bon sens, qui amélioreront les conditions de vie des familles et les feront accéder à des droits nouveaux. Dans les territoires ultramarins, où les inégalités restent criantes et la précarité persistante, ces avancées ne peuvent être accueillies que favorablement.

J’insisterai sur quelques mesures qui prennent en compte nos préoccupations, et mettrai l’accent sur deux d’entre elles qui amélioreront les conditions de vie des familles. La première est la généralisation de la garantie contre les impayés des pensions alimentaires à partir du premier semestre 2016. Expérimenté depuis près d’un an dans vingt départements, dont La Réunion, ce dispositif est l’une des mesures phares de la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes. L’objectif de cette garantie versée par les caisses d’allocations familiales est de lutter contre la précarité des familles monoparentales – 80 % des parents isolés sont des femmes. Cette précarité touche aussi les enfants : dans l’Hexagone, un enfant sur cinq vit sous le seuil de pauvreté, mais à La Réunion ce sont six sur dix.

Le premier bilan de l’expérimentation menée à La Réunion est cependant mitigé, en raison de l’absence de communication autour de cette mesure. Je trouve regrettable qu’une telle mesure, destinée à lutter contre la pauvreté, ne puisse atteindre son objectif dans un département où 42 % des familles – dont un grand nombre de familles monoparentales – vivent sous le seuil de pauvreté.

Autre bonne mesure : l’extension de l’allocation de soutien familial et du complément de libre choix du mode de garde à Saint-Pierre-et-Miquelon. Faisant suite aux promesses faites par le Président de la République lors de son déplacement sur l’archipel à la fin de l’année 2014, elle participe de l’égalité entre les territoires. Les familles de Saint-Pierre-et-Miquelon étaient les seules à ne pas percevoir ces aides : cette injustice est aujourd’hui réparée.

Plusieurs autres mesures permettront d’améliorer l’accès à la santé. Elles sont tout sauf négligeables en outre-mer, où les retards persistent. La première, et non la moindre, est l’accès des salariés en contrat à durée déterminée très courte à une couverture complémentaire santé.

La deuxième est l’accès des retraités à une couverture complémentaire santé. Cette mesure doit être saluée : en effet, comme il est rappelé dans l’exposé des motifs du texte, « le coût d’une couverture complémentaire santé devient particulièrement élevé lorsque les personnes partent à la retraite. » En l’absence de couverture complémentaire, certains retraités renoncent même aux soins, ce qui est inacceptable, surtout à un âge où la santé devient plus fragile. Par ce PLFSS, le Gouvernement propose d’aider les personnes de plus de 65 ans confrontées à une hausse du coût de leur complémentaire santé à choisir leur contrat et à bénéficier d’une baisse de prix. J’espère que cela permettra à ces personnes d’accéder plus facilement à des soins dont elles sont aujourd’hui exclues.

Une autre mesure va dans le bon sens : la prise en charge des consultations ainsi que des examens de biologie en vue de la prescription d’un contraceptif pour les jeunes filles. Elle complète la prise en charge à 100 % du contraceptif lui-même. Vous savez, monsieur le secrétaire d’État, que le recours à l’IVG et les grossesses précoces sont des sujets qui nous préoccupent beaucoup outre-mer, où leur nombre est supérieur à la moyenne métropolitaine.

Enfin, je me félicite des mesures prises pour lutter contre l’obésité, fléau qui, là encore, touche fortement les territoires ultramarins et contre lequel nous nous efforçons de lutter. Lors des débats sur la loi santé, j’ai mis l’accent sur le taux de prévalence du diabète à La Réunion, deux fois plus élevé que la moyenne nationale. Les causes de cette maladie sont bien identifiées : le surpoids et l’obésité.

Pour terminer, je veux appeler votre attention sur l’urgente nécessité de publier le dernier décret d’application de la loi Lurel sur le sucre, conformément à un engagement pris par Mme la ministre lorsque je l’ai rencontrée en juillet dernier.

Mme la présidente. Merci de conclure.

Mme Monique Orphé. La Commission européenne et le commissaire à la simplification ont été saisis. J’espère donc une bonne nouvelle pour la fin de cette année.

M. Gérard Sebaoun. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Viala, dernier orateur inscrit.

M. Arnaud Viala. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, voici maintenant un mois que je suis arrivé à l’Assemblée nationale, et j’y suis arrivé à trois moments clés de l’année parlementaire, lesquels m’ont permis de m’immerger immédiatement dans les travaux de notre assemblée.

La rentrée parlementaire de septembre et son surcroît d’activité est la période opportune, s’il en est, pour un nouveau parlementaire. L’examen du projet de loi de finances pour 2016 m’a immédiatement donné une vision panoramique de la situation de notre pays, et a d’ailleurs confirmé l’image que je m’en faisais avant d’entrer au Parlement, image à tout le moins préoccupante, pour ne pas dire calamiteuse.

L’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale est une autre étape majeure de l’année parlementaire, tant les inquiétudes des Français quant à leur sécurité sanitaire et plus largement sociale sont immenses.

Sur ce dernier sujet, je dois vous dire mon étonnement et ma déception quant à la méthode de travail imposée pour l’examen d’un texte de cette importance. J’ai d’ailleurs eu l’occasion d’en discuter cet après-midi au cours de la courte, très courte, réunion de la commission des affaires sociales avec Mme la présidente,…

M. Jean-Frédéric Poisson. Mais la ministre des affaires sociales n’était pas là, c’est le problème !

M. Arnaud Viala. …qui se plaignait du trop grand nombre d’amendements déposés en séance publique. Entend-on nous reprocher de faire notre travail de parlementaire, alors même que Mme la ministre a quitté les bancs de cet hémicycle il y a plusieurs heures, au beau milieu de la discussion générale sur son texte ?

M. Christian Hutin. Propos lamentable !

M. Arnaud Viala. C’est avec la même précipitation que Mme la ministre, accompagnée de M. le secrétaire d’État au budget, nous a présenté son texte en commission le mercredi 7 octobre à seize heures quinze.

M. Christian Hutin. Vous venez d’arriver et vous allez nous expliquer comment doit fonctionner l’Assemblée ?

M. Jean-Frédéric Poisson. Il a raison !

M. Arnaud Viala. De fait, la présentation fut plus que rapide pour un sujet d’une telle importance puisqu’elle a duré à peine une heure ; au surplus, toutes nos demandes de précision se sont soldées par des réponses politiciennes soigneusement préparées à l’avance et toujours biaisées.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous n’étiez pas là pour l’examen des amendements en commission !

M. Arnaud Viala. Fort heureusement, les parlementaires n’en ont pas moins décidé de travailler assidûment, enchaînant à un rythme soutenu auditions et rédaction d’amendements – 298 au total en commission –, afin d’amener le Gouvernement à réfléchir sur de nombreux égarements du texte.

La commission, qui s’est vue saisie de ces amendements la semaine dernière, avait quatre réunions prévues entre le mardi et le mercredi. Les discussions se sont donc engagées le mardi et, à notre immense surprise – sans doute parce que vous n’aviez pas envie d’entendre nos arguments ni de débattre du fond –, vous nous avez imposé, madame la présidente de la commission, un examen nocturne des 298 amendements – jusqu’à une heure quarante du matin – et ainsi annulé toutes les réunions de la commission prévues le mercredi, sans autre forme de procès.

M. Jean-Frédéric Poisson. Exactement ! C’est scandaleux !

Mme Catherine Lemorton. Nous avions achevé l’examen des amendements ! De quoi aurions-nous débattu ?

M. Arnaud Viala. C’est ce que l’on appelle un examen express ou un travail bâclé, et je m’interroge sur le fait qu’il le soit sciemment (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Au vu de l’empressement avec lequel vous avez rejeté notre demande de renvoi en commission en début de soirée, on peut légitimement se poser la question. Mais venons-en à quelques questions de fond. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Christian Hutin. Quand même !

M. Arnaud Viala. Peut-être vouliez-vous faire oublier aux Français que, malgré vos annonces, et comme le dit clairement la Cour des comptes, rien ne s’améliore du côté des comptes de la Sécurité sociale puisque vous repoussez sans cesse le retour à l’équilibre, désormais prévu en 2020 dans le meilleur des cas, et que vous transférez, de surcroît, de nombreuses charges du budget de la Sécurité sociale au budget de l’État ?

Peut-être vouliez-vous faire oublier aux Français que ce sont les territoires les plus fragiles qui feront les frais de votre politique, aucune précision ne nous ayant été apportée, malgré nos demandes, sur le mécanisme de dotation qui se substituerait partiellement à la tarification à l’activité, la TAA, et qui est essentiel pour les hôpitaux de proximité.

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est vrai !

M. Arnaud Viala. Ceux-ci, contrairement à ce que vous laissez entendre, sont en grande difficulté, et ils sont devenus les tragiques étendards du déménagement tous azimuts de l’État dans nos territoires.

Sans doute espérez-vous aussi faire oublier que vous continuez à attaquer ces mêmes territoires en vous en prenant, à travers ce PLFSS, au dispositif des zones de revitalisation rurale, les « ZRR », et ce malgré les annonces faites le 14 septembre dernier lors du deuxième comité interministériel sur la ruralité : il y avait été indiqué que « pour les organismes d’intérêt général, l’exonération de charges sociales se poursuivra […] ».

Vous voulez aussi nous faire oublier que le PLFSS ne corrige pas les nombreuses injustices criantes et coûteuses pour notre système social dans sa déclinaison locale, notamment au niveau des départements. J’en veux pour preuve les dispositions de l’article 33, grâce auquel, dans notre pays où le placement en famille d’accueil est largement plus répandu que dans la grande majorité des démocraties occidentales, on continue de verser des allocations en tous genres aux familles génitrices, lesquelles n’assument aucune dépense pour l’éducation des enfants puisque ce sont les familles d’accueil, avec les prestations versées par les départements, qui assument ces charges.

Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur Viala.

M. Arnaud Viala. Vous voulez enfin nous faire oublier que, pour redresser nos finances publiques et offrir aux Français un système social qui puisse les prémunir contre les coups durs de la vie, il faudra renoncer au superflu pour préserver l’essentiel ; il faudra faire cesser cette hémorragie mortelle que vous accélérez, par exemple, avec la généralisation du tiers-payant,…

M. Christian Hutin. Quelle horreur !

M. Arnaud Viala. …quitte à compromettre à très court terme toute forme de protection sociale pour faire face au coût croissant de traitements lourds qui peuvent être indispensables.

Mme la présidente. Merci.

M. Arnaud Viala. Nous n’oublions cependant rien, madame la ministre, et surtout pas que cela fait maintenant trois ans que les Français vous demandent ces réformes, trois ans que vous paressez, trois ans que vous vous dérobez.

Quand allez-vous enfin entendre nos concitoyens et travailler à de véritables réformes structurelles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Christian Hutin. Pour un début, ce n’est vraiment pas terrible !

Mme la présidente. C’était la première intervention à la tribune de notre jeune collègue.

La discussion générale est close.

Prochaine séance…

M. Jean-Frédéric Poisson. Le Gouvernement ne répond pas aux orateurs ?

Mme la présidente. Il le fera demain, monsieur Poisson.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, aujourd’hui, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 21 octobre, à une heure cinq.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly