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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2015-2016

Compte rendu
intégral

Troisième séance du mardi 24 novembre 2015

SOMMAIRE

Présidence de Mme Catherine Vautrin

1. Modernisation du système de santé

Discussion des articles (suite)

Article 1er (suite)

Amendements nos 518 , 592

M. Gérard Sebaoun, rapporteur de la commission des affaires sociales

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Amendements nos 468 , 613 , 431 , 496 , 593 , 600 , 469 , 618

Article 1er bis

Amendement no 162

Article 1er ter

Amendement no 622

Article 2

Amendements nos 708 , 756 , 18 , 621 , 50 rectifié , 764

Article 2 bis AA

Article 2 bis AB

Amendement no 723

Articles 2 bis A et 2 bis B

Article 2 bis

M. Gilles Lurton

Mme Jacqueline Fraysse

Amendement no 634 rectifié

Articles 2 ter et 2 quater

Article 3 bis

Amendement no 763

Article 4

Mme Anne-Yvonne Le Dain

M. Gilles Lurton

M. Denis Jacquat

M. Arnaud Richard

Mme Brigitte Allain

Article 4 ter

M. Bernard Perrut

M. Charles de Courson

M. Arnaud Robinet

M. Paul Giacobbi

M. Alain Suguenot

M. Éric Straumann

M. Philippe Armand Martin

M. Thierry Benoit

M. Jacques Valax

Mme Catherine Quéré

M. Michel Piron

Mme Marie-Christine Dalloz

Mme Monique Orphé

M. Julien Aubert

M. Élie Aboud

M. Kléber Mesquida

M. Philippe Plisson

M. Jacques Krabal

Mme Dominique Orliac

Mme Michèle Delaunay

Mme Marie-Hélène Fabre

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur de la commission des affaires sociales

Mme Marisol Touraine, ministre

Amendement no 715

Mme la présidente

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales

Amendement no 725 rectifié

Article 5

Mme Jacqueline Fraysse

Mme Anne-Yvonne Le Dain

M. Michel Liebgott

Amendements nos 761 , 470 , 87 , 500 , 88 , 502 , 594 , 6 , 101 , 488 , 523 , 744 , 271

Article 5 bis AA

Amendement no 536

Article 5 bis A

Amendement no 811

Article 5 bis B

Article 5 bis

Article 5 ter

Article 5 quater

Article 5 quinquies A

Amendement no 714

Article 5 quinquies B

Amendements nos 344 , 345

Article 5 quinquies C

Amendement no 112

Article 5 quinquies D

Amendements nos 19 , 466 rectifié , 636 , 819 , 148 , 152 , 272 , 695 , 762

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Catherine Vautrin

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Modernisation du système de santé

Nouvelle lecture (suite)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif à la modernisation de notre système de santé (nos 3103, 3215).

Discussion des articles (suite)

Mme la présidente. Cet après-midi, l’Assemblée a commencé la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant aux amendements identiques nos 518 et 592 à l’article 1er.

Article 1er (suite)

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour soutenir l’amendement n518.

Mme Isabelle Le Callennec. Madame la présidente, madame la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, cet amendement vise à inscrire dans la politique de santé de l’État la prévention individuelle et collective de l’usage des drogues, en particulier du cannabis, par l’information et l’éducation dès le plus jeune âge.

Chacun connaît les effets néfastes, voire dévastateurs, de la consommation régulière de cannabis sur la santé. Or cette consommation est très répandue dans notre pays, qui en la matière bat des records en Europe : 41 % des personnes âgées de 15 à 64 ans, en France, auraient ainsi déjà goûté au cannabis, et 22 % des jeunes adultes âgés de 15 à 34 ans – qui sont les plus gros fumeurs – en ont consommé au cours des douze derniers mois.

Le projet de loi traite de l’alcool et du tabac mais fait, hélas, l’impasse sur le cannabis.

M. Jean Leonetti. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour soutenir l’amendement n592.

Mme Valérie Boyer. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Sebaoun, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour donner l’avis de la commission sur ces amendements identiques.

M. Gérard Sebaoun, rapporteur de la commission des affaires sociales. Plusieurs alinéas de l’article 1er, notamment l’alinéa 11, traitent de la prévention collective et individuelle. De plus, l’article 2 organise le parcours éducatif de santé à l’école, dès le plus jeune âge.

Il ne m’apparaît pas nécessaire d’énumérer l’ensemble des politiques de prévention,…

M. Jean Leonetti. Vous n’êtes pas sûr : c’est donc qu’il y a un doute !

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. …d’autant que l’article 1er a pour but de définir le cadre de la politique de prévention, et non de détailler les différentes actions qui la composent. Cela dit, je ne méconnais pas l’importance du sujet dont vous avez parlé.

Je vous invite donc à retirer ces amendements, faute de quoi l’avis serait défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, pour donner l’avis du Gouvernement.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Il faut distinguer deux questions. La première est de savoir s’il convient d’inscrire l’objectif visé à cet endroit du texte ; la seconde, de savoir s’il faut mener des politiques de prévention à l’égard de l’addiction au cannabis, question à laquelle nous répondons bien entendu par l’affirmative. Plusieurs dispositions y contribuent, que ce soit le parcours éducatif de santé ou les tests salivaires. Une politique globale est menée en la matière.

En tout état de cause, je ne vois pas pourquoi l’on devrait mentionner spécifiquement cette politique de prévention parmi les objectifs généraux de la politique de santé. Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Ce débat revient régulièrement dans le cadre des textes relatifs à la santé. Il faudrait, une fois pour toutes, inscrire dans le marbre la mesure dont nous parlons.

Il y a plusieurs années, une mission d’étude de notre assemblée, réunissant le docteur Ghysel, élu du Nord, très compétent dans ce domaine, Claude Bartolone et moi-même, s’était penchée sur le problème ; elle avait conclu à la nécessité de mettre en place, à court terme, une politique similaire à celle que réclame aujourd’hui Mme Le Callennec.

On nous explique toujours que ce n’est pas le bon moment : dans ce cas, indiquez nous la bonne date ! L’essentiel est la promesse que cette politique de prévention sera mise en œuvre à court terme. Ne l’oublions pas, selon les statistiques néerlandaises reprises au niveau national, environ 73 % des consommateurs de cannabis consommeront des drogues dures, et 7 % de ceux qui le font présentent des troubles psychiatriques.

(Les amendements identiques nos 518 et 592 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour soutenir l’amendement n468.

Mme Véronique Massonneau. Le diagnostic de certaines pathologies est parfois rendu compliqué du fait de spécificités propres à la personne qui en est atteinte. Prendre en compte les particularités du patient au regard de sa situation sociale, de ses pratiques ou de son environnement est souvent un moyen de pallier les difficultés du diagnostic ainsi que d’y apporter les traitements les mieux adaptés.

L’humain et ses spécificités individuelles ne doivent pas être occultés par la dimension systémique de la biologie médicale.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. Déjà présenté en première lecture, cet amendement avait reçu un avis défavorable de la commission. De fait, il est satisfait par plusieurs alinéas de l’article, à commencer par l’alinéa 6, qui traite des « conditions de vie favorables à la santé », de « l’amélioration de l’état de santé », de « la réduction des inégalités sociales et territoriales » et de « l’accès effectif de la population à la prévention et aux soins ». L’alinéa 8, lui, traite de la notion d’exposome, dont on a parlé tout à l’heure ; l’alinéa 9, des risques liés à l’alimentation et aux facteurs environnementaux, ainsi que des « conditions de vie susceptibles d[…]’altérer » la santé.

Votre amendement me paraissant pleinement satisfait, je vous invite à le retirer ; à défaut, l’avis serait défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Massonneau.

Mme Véronique Massonneau. Je retire l’amendement.

(L’amendement n468 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Sebaoun, pour soutenir l’amendement n613.

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. Il est rédactionnel.

(L’amendement n613, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements identiques, nos 431, 496, 593 et 600.

La parole est à Mme Valérie Boyer, pour soutenir l’amendement n431.

Mme Valérie Boyer. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à Mme Bérengère Poletti, pour soutenir l’amendement n496.

Mme Bérengère Poletti. Défendu également.

Mme la présidente. La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement n593.

M. Denys Robiliard. Cet amendement, présenté sur l’initiative de Mme Carrey-Conte, tend à substituer à la consultation de l’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire, l’UNOCAM, la consultation particulière de chacune des trois familles qui la composent : les mutuelles, les institutions de prévoyance et les compagnies d’assurance n’ont pas la même politique en matière de santé, malgré les points communs qui justifient leur regroupement au sein d’un même organisme. Chacun de ces acteurs doit être consulté séparément.

En commission, on avait objecté à Mme Carrey-Conte la trop grande imprécision de son amendement ; elle en a donc revu la rédaction pour le rendre opératoire.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Moignard, pour soutenir l’amendement n600.

M. Jacques Moignard. Le rôle de l’UNOCAM a des incidences financières, mais les questions générales de santé publique dépassent son champ de compétences : les mutuelles et les complémentaires santé, qui ne sont pas des payeurs aveugles à ces questions, doivent donc être consultées spécifiquement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. Cet amendement est effectivement la réécriture d’un autre, un peu différent, présenté en commission ; spontanément, je lui aurais volontiers donné un avis favorable, mais il omet le régime local d’assurance maladie complémentaire obligatoire de l’Alsace-Moselle, autrement dit des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, explicitement mentionné à l’article L. 182-3 du code de la Sécurité sociale. Je me vois donc obligé d’émettre un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. J’invite au retrait de ces amendements qui, à vrai dire, ne soulèvent pas une petite question, même si l’idée d’entendre les composantes de l’UNOCAM via des consultations spécifiques peut sembler un point de détail. Dans la pratique, ces composantes pourront être entendues séparément, et d’ailleurs le seront, dès lors qu’elles conduisent chacune des politiques différentes.

Toutefois, le présent article définit les politiques de santé, non leur gouvernance ou les modes de représentation des organismes complémentaires. Il n’est donc pas le bon véhicule pour ouvrir la porte à une transformation de l’UNOCAM, même si je ne nie pas l’intérêt, et même la pleine légitimité, d’une réflexion sur le sujet.

Quoi qu’il en soit, ne faisons pas comme si nous parlions d’un sujet secondaire pouvant être traité à la faveur d’un amendement à cet article.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Je remercie Mme la ministre d’avoir reconnu l’intérêt, et même la nécessité des dispositions visées par ces amendements : dans ces conditions, adoptons-les ! La rédaction qu’ils proposent a la préférence de l’ensemble des complémentaires santé. La loi n’en serait pas plus bavarde, et, au fond de vous-même, madame la ministre, vous semblez assez d’accord avec ce que nous proposons.

(Les amendements identiques nos 431, 496, 593 et 600 sont adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour soutenir l’amendement n469.

Mme Véronique Massonneau. Le respect d’un objectif chiffré de réduction du taux de maladies chroniques implique d’identifier l’ensemble des facteurs responsables de l’épidémie, notamment l’exposition des populations à des facteurs d’environnement.

La question de la santé environnementale est indissociable du constat fait par l’Organisation mondiale de la santé, l’OMS, d’une épidémie mondiale de maladies chroniques.

Ce constat met en lumière la probabilité suivante : les facteurs d’environnement, liés aux modes de vie, peuvent expliquer la différence de taux de maladies chroniques entre deux pays au développement similaire. La « santé environnement » est donc l’une des réponses à l’objectif de diminution des maladies chroniques affiché par le Gouvernement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. Vous avez raison de mettre en avant les maladies chroniques, madame Massonneau, mais, comme l’a rappelé tout à l’heure Richard Ferrand lors de la présentation du texte, la loi de 2004 avait énoncé une centaine d’objectifs, dont très peu se sont concrétisés.

En mettant soins et prévention au même niveau, l’article 1er donne tout son sens à la politique de santé. La question des maladies chroniques est importante, mais elle ne concerne pas directement l’objet de l’article ; de ce point de vue, l’amendement tombe dans la même ornière que la loi de 2004 en pointant telle ou telle maladie en particulier. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable également, pour les mêmes raisons. Nous avons déjà eu un débat sur ce sujet en première lecture. Honnêtement, si nous fixions un objectif chiffré de réduction du taux de maladies chroniques, nous en arriverions à un ensemble des tableaux de bord totalement ingérables.

Que, dans le suivi des politiques concrètement menées et évaluées par les autorités sanitaires, des objectifs soient fixés, c’est une bonne chose, mais vous voyez bien qu’il faut les réévaluer en permanence pour tenir compte d’un certain nombre de situations. Ce n’est donc pas dans la loi qu’il faut fixer de tels objectifs ; je demande le retrait de cet amendement.

Mme la présidente. Madame Massonneau, retirez-vous votre amendement ?

Mme Véronique Massonneau. Non, madame la présidente, je le retire.

(L’amendement n469 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Sebaoun, pour soutenir l’amendement n618.

M. Gérard Sebaoun. Il est rédactionnel.

(L’amendement n618, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 1er, amendé, est adopté.)

Article 1er bis

Mme la présidente. Nous en venons aux amendements à l’article 1er bis. La parole est à Mme Monique Orphé, pour soutenir l’amendement n162.

Mme Monique Orphé. Cet amendement vise à faire prendre en compte, dans la stratégie nationale de santé, les objectifs propres aux départements et régions d’outre-mer, ainsi qu’aux collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et des îles Wallis et Futuna.

Il s’agit également de prévoir que l’État puisse proposer à la Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie de s’associer, par convention, à la coopération régionale ultramarine en matière sanitaire.

Ces dispositions ont été adoptées par l’Assemblée nationale en première lecture, ce qui a permis de montrer que nos spécificités dans l’accès au droit à la santé étaient prises en compte. Le Sénat a jugé nécessaire de reformuler les alinéas 2 à 4 de cet article 1er bis. Après une relecture de la nouvelle rédaction proposée par le Sénat, j’ai constaté que tous les éléments contenus dans la première rédaction y demeuraient. Par conséquent, je retire l’amendement.

(L’amendement n162 est retiré.)

(L’article 1er bis est adopté.)

Article 1er ter

Mme la présidente. La commission a supprimé l’article 1er ter.

Je suis saisie d’un amendement, n622, visant à le rétablir.

La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir cet amendement.

M. Dominique Tian. Madame la ministre, dans la mesure où il s’agit d’une loi traitant de la santé, nous pensons, avec mes collègues, qu’il est important que nous nous occupions des 8 millions d’aidants non professionnels qui, comme chacun sait, jouent un rôle central dans l’aide et l’accompagnement de leurs proches. Ces personnes font face à une fatigue psychique et physique, sans compter les enjeux affectifs ; ils sont guettés par le stress ou, puisque le terme est à la mode, par le burn-out. Il nous apparaît donc important que l’on prenne ces enjeux en considération dans une loi relative à la santé.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. La commission a, en fait, rétabli la rédaction initiale du projet de loi en première lecture, qui avait été modifiée par le Sénat. Vous souhaitez, pour votre part, revenir à la rédaction votée par le Sénat.

Comme vous le savez, il existe déjà plusieurs rapports, que j’ai cités en commission, qui sont consacrés aux aidants familiaux. La Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie – la CNSA –, notamment, en a produit un.

Dans l’article 1er, que nous venons d’adopter, figure déjà une phrase évoquant les besoins des aidants familiaux. Je pense donc que votre amendement est satisfait et vous demande de le retirer. À défaut, la commission y serait défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Je voudrais apporter à M. Tian, ainsi qu’aux cosignataires de l’amendement n622, la précision suivante : de nombreuses enquêtes statistiques permettent déjà d’apprécier le rôle, les modalités d’intervention, la santé – et éventuellement les coûts sociaux induits – des aidants. Je vous renvoie notamment aux enquêtes statistiques dites « handicap-santé » relatives aux ménages et aux aidants informels menées par l’INSEE et par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques – la DREES –, sans oublier d’autres enquêtes et recherches plus qualitatives. Il ne me semble donc pas utile de procéder à la remise d’un autre rapport.

Mme la présidente. Monsieur Tian, maintenez-vous l’amendement ?

M. Dominique Tian. Oui, madame la présidente.

(L’amendement n622 n’est pas adopté.)

Article 2

Mme la présidente. À l’article 2, je suis saisie de plusieurs amendements.

La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour soutenir l’amendement n708.

Mme Véronique Massonneau. L’éducation à la santé doit commencer dès le plus jeune âge et se poursuivre tout au long de la scolarité des élèves. Elle ne peut se résumer à la seule information sanitaire, dont l’efficacité n’a jamais été démontrée, mais doit se construire, dans une approche plus positive, afin de faire acquérir aux élèves un regard critique vis-à-vis de leurs comportements et de leur environnement.

Les liens entre santé et éducation ne sont plus à démontrer et l’instauration d’un parcours éducatif de santé permettra de renforcer ces liens pour faire des élèves de véritables acteurs au service de leur santé et de leur bien-être.

De plus, il est essentiel que ce parcours soit organisé non seulement en coordination avec les médecins et infirmiers de l’éducation nationale, dont le rôle est primordial pour la promotion de la santé à l’école, notamment par l’intermédiaire du comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté – CESC – mais aussi avec l’ensemble de la communauté éducative car la santé est bien plus qu’un simple problème médical. Les élèves doivent être acteurs de ce parcours qui doit se faire dans un souci permanent de coéducation avec les familles.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. Cet amendement a déjà été présenté en première lecture et avait fait l’objet d’un avis défavorable de la commission. Vous introduisez deux dispositions nouvelles qui ne semblent pas indispensables, car le rôle des médecins et des infirmières scolaires est consacré par l’article L. 121-4-1 du code de l’éducation, qui prévoit que la promotion de la santé à l’école relève en priorité de ces deux catégories de personnels de l’éducation nationale.

La compétence du CESC de l’établissement découle d’un autre article. Ce renvoi me paraît donc inutile. Qui plus est, vous savez bien qu’en réalité, dans les établissements, l’ensemble de la communauté éducative participe au projet d’établissement, notamment en matière de santé. Je vous demande donc de retirer cet amendement. À défaut, la commission y serait défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Il est identique, mais cet amendement me permet de préciser l’objectif que poursuit le Gouvernement à travers le projet de de parcours éducatif de santé à l’école.

Il ne s’agit absolument pas d’introduire ce que l’on pourrait appeler des « cours de santé ».

Mme Véronique Massonneau. Ce n’est pas notre proposition.

Mme Marisol Touraine, ministre. J’entends bien, mais je précise qu’il ne s’agit pas d’adopter une démarche strictement médicale. L’objectif est que les gestes de la santé et les actes de prévention soient intériorisés par les élèves à travers des débats, des discussions et des démonstrations qui doivent s’inscrire dans des cours – y compris de français – et, pour les tout-petits, dans des activités plus ludiques.

Au-delà même des arguments que vient de fournir M. le rapporteur, il ne me semble pas utile que la loi entre trop dans les détails. Toutefois, votre démarche est donc bien inscrite dans le projet du Gouvernement. Je veux insister sur le fait qu’un tel parcours de santé n’existe pas aujourd’hui. Il représente donc une avancée tout à fait importante, qui fait d’ailleurs partie des recommandations du Haut Conseil de la santé publique.

(L’amendement n708 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement n756.

M. Arnaud Richard. Cet article vise à organiser des actions de promotion de la santé tout au long de la vie scolaire afin de constituer un réel parcours éducatif de santé, comme l’a dit Mme la ministre.

Cet amendement vise à compléter cette démarche, que notre groupe soutient, en ajoutant, dans l’article 2, la formation aux gestes de premiers secours, en particulier en cas d’arrêt cardiaque. Il convient en effet de favoriser l’information relative aux gestes de premier secours ainsi que leur apprentissage afin de lutter contre les arrêts cardiaques extra-hospitaliers, qui sont responsables de 40 000 décès par an, soit 110 décès par jour.

Mes chers collègues, un chiffre : aujourd’hui, en France, à peine une personne sur cinq connaît vraiment les gestes qui sauvent.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. Monsieur Richard, vous soulevez une question importante, mais qui est déjà traitée dans le cade de l’éducation nationale. Vous souhaitez, avec ces gestes de premiers secours, ajouter un 8° au champ de la mission de promotion de la santé à l’école.

En réalité, cette promotion est d’ores et déjà obligatoire, comme l’atteste une circulaire de 2006. Il existe également un dispositif nommé « Apprendre à porter secours à l’école », par l’intermédiaire d’une convention signée entre la Direction générale de la santé et la Direction générale de l’enseignement scolaire.

Enfin, comme vous le savez, existe au collège le PSC 1 – prévention et secours civiques de niveau 1. Votre amendement me semble donc satisfait. Faute d’un retrait, l’avis de la commission serait défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Même avis, pour les mêmes raisons : l’amendement me semble satisfait.

Mme la présidente. Monsieur Richard, retirez-vous l’amendement ?

M. Arnaud Richard. Non, madame la présidente.

(L’amendement n756 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n18.

M. Gilles Lurton. Cet amendement vise à associer étroitement les médecins de l’éducation nationale à la conduite à l’école de la promotion de la santé, dont ils sont les principaux acteurs.

Il s’agit également d’un amendement d’appel, car l’application de cet article 2 pose un réel problème, déjà été signalé à plusieurs reprises : un médecin scolaire doit théoriquement s’occuper de 12 000 élèves.

Comment, dans ces conditions, voulez-vous mettre en place tout ce que vous prévoyez à l’article 2 ? Actuellement, aucun effort n’est fait pour recruter des médecins scolaires. Tout ce qui est proposé ici me paraît donc totalement inapplicable.

Madame la ministre, vous allez nous répondre que la médecine scolaire relève de l’éducation nationale, mais il n’empêche que, dans ce projet de loi relatif à la santé, il nous semble important d’insister sur ce manque flagrant, même si les infirmiers et infirmières jouent eux aussi, évidemment, un rôle très important.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. Monsieur le député, je partage votre constat relatif aux difficultés de recrutement de la médecine scolaire. Vous soulignez le rôle des médecins et des infirmières de l’éducation nationale,…

M. Gilles Lurton. Il n’y a pas de médecins !

M. Denis Jacquat. C’est vrai !

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. …mais il faut dire qu’ils accomplissent pleinement leur mission.

Vous dites qu’il n’y en a pas ; dites plutôt que leur nombre est insuffisant, ce qui peut s’entendre – peut-être Mme la ministre répondra-t-elle sur ce point.

M. Gilles Lurton. Il y a un médecin pour 12 000 élèves !

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. Les recrutements sont difficiles, notamment chez les infirmiers et infirmières, qui connaissent un vieillissement. Je vous ai donné acte de ce constat.

Il n’en reste pas moins que leur rôle au sein de l’éducation nationale est aujourd’hui parfaitement reconnu. Votre amendement n’apporte donc rien de particulier, quant à leurs missions, par rapport à la rédaction actuelle de l’article 2. L’avis de la commission est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable. Comme l’a dit M. le rapporteur, l’amendement n’apporte aucun élément complémentaire – mais vous avez vous-même indiqué, monsieur Lurton, qu’il s’agissait d’un amendement d’appel.

La réponse que je vais vous faire ne porte pas sur le fait que le ministère de la santé n’a pas la responsabilité des médecins scolaires, même si, il est vrai, cette responsabilité incombe, comme vous l’avez dit, au ministère de l’éducation nationale.

Comme je le disais tout à l’heure à Mme Massonneau, c’est une erreur fondamentale que d’analyser l’article 2 comme créant des missions supplémentaires pour les personnels soignants de l’éducation nationale. Le parcours éducatif de santé ne repose pas – en tout cas pas exclusivement, ni même principalement – sur les professionnels de santé de l’éducation nationale. Il s’agit d’introduire dans le cursus des élèves des références à la santé.

Ainsi, on peut parler de santé en étudiant un texte de français qui abordera des questions sanitaires, ou faire des mathématiques à partir d’exercices concernant la santé. Pour les tout-petits, des activités peuvent mettre en avant des gestes de prévention ou d’hygiène.

Les professionnels de santé sont évidemment mobilisés, mais cela ressortit du projet éducatif de l’établissement, placé sous la responsabilité du chef d’établissement.

Mme la présidente. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. En commission, cet amendement d’appel avait déjà été défendu par M. Lurton et vous lui aviez répondu, madame la ministre, que cela relevait non pas de votre compétence, mais de celle de la ministre de l’éducation nationale.

Dans ce cas, comme dans celui sur lequel je suis intervenu tout à l’heure, c’est toujours la même chose : on remet à plus tard. Or, d’année en année, la situation de la médecine scolaire se dégrade. La médecine scolaire a pourtant toute sa place dans la politique de prévention.

On sait très bien, d’une part, qu’un vieillissement affecte les médecins scolaires, et d’autre part que leur spécialité n’attire pas. Compte tenu de ces constats, il convient de mobiliser les moyens nécessaires à une véritable politique de prévention et non de botter en touche.

(L’amendement n18 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Sebaoun, pour soutenir l’amendement n621.

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. Il est rédactionnel.

(L’amendement n621, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guénhaël Huet, pour soutenir l’amendement n50 rectifié.

M. Guénhaël Huet. Il s’agit d’un amendement utile puisqu’il aborde le chapitre relatif à la prévention et à la promotion de la santé. Chacun s’accorde à reconnaître que le sport est un outil de prévention en matière de santé publique.

L’objet de l’amendement est d’associer le monde sportif ainsi que les associations sportives à des actions de prévention et de promotion de la santé.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. L’activité physique et le sport sont évidemment indispensables, notamment aux premiers âges de la vie, à l’école, à l’université, mais il est déjà prévu dans le code de l’éducation que l’éducation physique et sportive et le sport scolaire et universitaire contribuent à l’éducation de la santé. Dans les établissements, il y a déjà une complémentarité avec l’ensemble du monde associatif des villes où se trouvent nos écoles, collèges et lycées. La commission est donc défavorable à votre amendement.

(L’amendement n50 rectifié, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement n764.

M. Arnaud Richard. Cet amendement vise à informer les élèves qu’il existe plusieurs dispositifs de protection hygiénique, sujet dont nous avons déjà discuté dans cette assemblée en examinant un amendement de Mme Coutelle, repoussé ici, tendant à faire passer à 5,5 % la TVA sur les produits de protection hygiénique féminine, amendement qui a été adopté par nos collègues sénateurs samedi 21 novembre dans le cadre du projet de loi de finances.

Il nous apparaît indispensable de délivrer au moins une information complète aux jeunes filles sur les différentes méthodes existantes, leurs coûts et leurs risques. Il s’agit évidemment non pas d’imposer une méthode plutôt qu’une autre mais bien de permettre aux jeunes filles de faire leurs choix en toute connaissance de cause.

Vous savez, madame la ministre, qu’il existe un certain nombre d’inquiétudes. L’un de nos collègues sénateurs a d’ailleurs posé une question sur ces produits de santé. Comme ils ne sont pas considérés comme tels, les fabricants n’ont donc pas à fournir la liste complète des ingrédients.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. Autant je comprends que l’on se soit préoccupé lors de l’examen du projet de loi de finances du taux de TVA applicable aux protections hygiéniques, qui a été abaissé au Sénat, autant, là, nous sommes dans de l’information. J’ai reçu les syndicats des infirmiers scolaires notamment, et ce point n’a évidemment pas été évoqué. Il ne me semble pas que ce soit du domaine de la loi.

Il n’est plus question de TVA, il s’agit bien d’autre chose, d’une information spécifique pour les jeunes filles ou les jeunes femmes. À ce stade, je ne sais pas comment serait délivrée cette information, par qui et dans quelles conditions.

Je suis donc défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Je vous demande de retirer votre amendement, monsieur le député. Sinon, j’y serai défavorable. La loi n’a pas à entrer autant dans le détail.

On ne sait pas quels seraient les professionnels concernés. L’article 2, je le répète, vise non pas exclusivement les professionnels de santé mais l’ensemble du personnel éducatif.

Les personnels engagés aborderont évidemment les questions d’hygiène de vie dès le plus jeune âge, par exemple, pour les tout-petits, le brossage de dents, pour que ce réflexe soit acquis dès le plus jeune âge. Mais il ne peut y avoir une liste exhaustive. Je ne vais pas citer maintenant toute une série d’autres questions qui pourraient être inscrites dans la loi, mais on voit bien que la liste risque d’être extrêmement longue !

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. C’était un amendement d’appel, appel auquel, madame la ministre, vous n’avez évidemment pas répondu. Je suis donc extrêmement déçu parce que vous ne prenez pas la balle au bond pour dire des choses importantes sur la santé publique. C’est dommage. Cependant, je retire mon amendement.

(L’amendement n764 est retiré.)

(L’article 2, amendé, est adopté.)

Article 2 bis AA

(L’article 2 bis AA est adopté.)

Article 2 bis AB

Mme la présidente. La commission a supprimé l’article 2 bis AB.

La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l’amendement n723, qui tend à le rétablir.

M. Bernard Accoyer. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. M. Accoyer a déjà soulevé en commission ce point important qu’est le suivi de la couverture vaccinale des jeunes à l’entrée à l’école et ensuite dans leur parcours scolaire.

Il y a aujourd’hui trois vaccinations obligatoires, contre la diphtérie le tétanos et la polio, et c’est le rôle des infirmiers et infirmières scolaires de suivre cette vaccination. Cependant, l’Académie de médecine a récemment indiqué que la couverture vaccinale dans notre pays devrait probablement être revue au plus près, certaines vaccinations comme la rougeole, les oreillons ou la rubéole posant des difficultés. C’est donc un sujet important.

Cela dit, pour en revenir plus précisément à l’amendement, le suivi des vaccinations est très correctement effectué par les infirmiers. Il représente d’ailleurs entre 22 % et 24 %, selon les années, des recommandations qu’ils formulent. La commission est donc défavorable à cet amendement mais, sur le fond, le sujet doit être évidemment traité.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Je partage l’objectif, qui est évidemment essentiel. Le suivi vaccinal en milieu scolaire est important. Il est réalisé par les personnels de santé, infirmiers et médecins, à l’occasion de bilans de santé. Le code de l’éducation, en son article L. 541-1, a d’ores et déjà prévu ces missions, qui ont été précisées par un arrêté du 3 novembre 2015 relatif à la périodicité et au contenu des visites médicales et au dépistage obligatoire à l’école. Votre préoccupation me semble donc satisfaite par les textes existants, monsieur le député.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Je remercie le rapporteur et la ministre pour leurs explications et je retire donc cet amendement.

Vous auriez pu profiter de ce texte, madame la ministre, pour prendre quelques initiatives pour redonner confiance dans la vaccination. Des polémiques, qui ne sont pas scientifiquement justifiées, se sont développées notamment autour de la vaccination contre l’hépatite B ou le cancer du col de l’utérus. Vous le faites de temps en temps mais je crois qu’il serait bon que le Gouvernement s’exprime régulièrement et de façon beaucoup plus pédagogique pour mettre un terme à ces campagnes contre la vaccination, qui sont évidemment très négatives pour la santé publique.

(L’amendement n723 est retiré et l’article 2 bis AB reste supprimé.)

Articles 2 bis A et 2 bis B

(Les articles 2 bis A et 2 bis B sont successivement adoptés.)

Article 2 bis

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton, inscrit sur l’article 2 bis.

M. Gilles Lurton. Vu la réduction de crédits que nous avons infligée dans le cadre de la mission « Travail, emploi et apprentissage » aux missions locales, je crains que vous n’ayez quelques difficultés à leur faire assumer toutes les missions que vous leur assignez.

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Je reviens moi aussi sur l’article 2 bis B, qui confie aux missions locales une prérogative supplémentaire puisqu’il s’agit d’aider les jeunes qu’elles reçoivent à accéder aux droits et aux systèmes de santé. C’est une bonne disposition et nous la soutenons. Il me paraît intéressant de s’appuyer sur des structures existantes, que les jeunes connaissent et fréquentent, pour les aider à accéder à la santé, d’autant que ces publics sont souvent exposés à des problèmes de santé parce que ce sont des publics en difficulté.

Comme je l’ai indiqué lorsque nous avons examiné les crédits le 6 novembre dernier, je regrette que l’on ait diminué les crédits alloués aux missions locales. On augmente leur charge de travail et on diminue les crédits. C’est dommage parce que ce sont des lieux utiles. Il n’y a pas de cohérence : non seulement on leur donne des tâches nouvelles sans leur octroyer les crédits correspondants, mais on va jusqu’à diminuer les crédits actuels, ce qui est fort dommageable.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Costes, pour soutenir l’amendement n634 rectifié.

M. Jean-Louis Costes. L’alinéa 7 de l’article 2 bis insère un nouvel article dans le code de la santé, qui permet aux infirmiers de prendre des mesures de prévention, de dépistage ou de traitement pour les jeunes, notamment dans le domaine de la santé sexuelle. Il prévoit que l’infirmier peut se dispenser d’obtenir le consentement de l’autorité parentale, mais sous la responsabilité du médecin. C’est une mention qui est source de confusion. La décision de l’infirmier relève en effet de sa propre responsabilité dans le cadre de sa compétence autonome. Il y a un problème de responsabilité. Cet amendement vise donc à supprimer cette mention.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. Je vous remercie, monsieur Costes, d’avoir présenté cet amendement. Effectivement, l’infirmier peut faire lui-même certaines actions quand d’autres sont nécessairement couvertes par le médecin. Avis favorable.

Cependant, un autre élément du texte me préoccupe : comment concilier la notion de personne majeure pouvant accompagner le mineur hors de l’établissement – élément qui a été repris dans un autre article du code – avec le rôle du chef d’établissement qui, a priori, doit informer les titulaires de l’autorité parentale lorsqu’un mineur quitte son établissement ? Il y a là une question qui ne me paraît pas totalement résolue et j’aurai besoin de l’avis du Gouvernement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Comme l’a dit le rapporteur, il y avait un risque de confusion et il faut bien clarifier les responsabilités respectives des infirmiers et des médecins dans les cas où l’on peut se dispenser de recueillir le consentement parental. L’infirmier est évidemment sous l’autorité du médecin pour l’exercice de certains actes professionnels mais pas pour se dispenser d’obtenir le consentement du ou des titulaires de l’autorité parentale lorsqu’il s’agit de la santé sexuelle et reproductive des personnes mineures.

Votre amendement, qui lève une ambiguïté, me paraît judicieux. J’y suis donc favorable.

(L’amendement n634 rectifié est adopté à l’unanimité.)

(Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

(L’article 2 bis, amendé, est adopté.)

Articles 2 ter et 2 quater

(Les articles 2 ter et 2 quater sont successivement adoptés.)

Article 3 bis

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement n763.

M. Arnaud Richard. Il est retiré.

(L’amendement n763 est retiré.)

(L’article 3 bis est adopté.)

Article 4

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, inscrite sur l’article 4.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. C’est un sujet délicat puisqu’il faut faire la part entre publicité et information. Nous vivons dans l’ambiguïté en ce qui concerne nos vins, lesquels sont, par leur nom même, liés à un terroir, une culture, une tradition et qui, dans l’esprit de tout le monde, sont liés à notre histoire.

Je comprends et je partage évidemment l’opinion selon laquelle il ne faut pas faire de publicité pour l’alcool de manière générale. Cela dit, la publicité est aujourd’hui autorisée, tout en étant certes très encadrée. Elle ne permet cependant pas d’aller jusqu’au bout et d’assurer la promotion de nos vins en direction de nos concitoyens, dans notre territoire.

C’est pourquoi je crois qu’il faut véritablement changer cela. L’article dont nous parlons est pertinent et il faut absolument le conserver, tout en continuant à avancer sur cette question du rapport de notre société à ses addictions. Le vin est un marqueur culturel. La France a été capable de faire du vin une boisson du plaisir, de la culture et du partage. Nous devons pouvoir continuer ainsi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

Je veux vous montrer rapidement un document… (Mme Le Dain déroule la reproduction d’une affiche publicitaire.)

Mme la présidente. Ma chère collègue, vous savez qu’il est interdit de montrer quelque élément que ce soit dans l’hémicycle.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Excusez-moi, madame la présidente.

M. Thierry Benoit. Trop tard !

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Je pense donc avoir tout dit. Redonnons à notre vin ses heures de gloire, en liaison avec notre culture, ou alors changeons tout ! À titre personnel, je pense qu’il faut interdire toute publicité en faveur de ce qui peut entraîner une addiction. Toutefois, dans ce cas précis, il y a une dissonance dans notre communication, ce qui rend les choses difficiles à comprendre pour la population. Changeons tout, et allons jusqu’au bout !

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. Je partage totalement cet avis. Le Sénat a adopté un texte qui nous convient parfaitement. La commission des affaires sociales, la semaine dernière, malgré un amendement de suppression de cet article, l’a conforté.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous parlez de l’article 4 ter et non de l’article 4 !

M. Gilles Lurton. L’article permet de faire clairement la différence entre publicité et communication. Je pense qu’il faut le maintenir tel qu’il est rédigé actuellement.

Mme la présidente. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Nous avons un peu anticipé la discussion à venir… Les articles 4 et 4 bis concernent l’alcool, si j’ai bonne mémoire, et l’article 4 ter la question de la publicité. Le fait que nous anticipions montre d’ailleurs l’importance du sujet.

J’avais participé à la discussion de la loi Évin – à l’époque, j’étais l’un des porte-parole de l’UDF. Le problème de l’œnotourisme n’avait jamais été évoqué, et je ne pense pas qu’il s’agissait d’un oubli de cette loi.

Aujourd’hui, d’après ce que j’ai vu, entendu et lu – certains articles de journaux ont par exemple été condamnés –, je pense qu’il faut aborder ce problème. Il y a ici des élus des terroirs concernés. Je parlerai d’une façon générale du passé, tout en étant extrêmement vigilant à ce qui va se dire.

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Sauf erreur de ma part, nous examinons l’article 4 dont l’objectif est de lutter contre la consommation massive d’alcool, en particulier chez les jeunes. Je pense que nos collègues ont anticipé sur l’article 4 ter !

M. Thierry Benoit. Sans doute ont-ils vu rouge !

M. Arnaud Richard. Le présent article vise à renforcer les moyens de lutte contre les nouvelles pratiques de la jeunesse en matière d’alcoolisation massive – bizutage ou incitations à la consommation excessive. Nous partageons cet objectif et nous sommes satisfaits de la suppression de la disposition prévoyant que le contenu de l’avertissement sanitaire était défini par un décret. Cette disposition ne nous semblait pas fidèle à l’esprit de la loi du 10 janvier 1991 relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme.

Par ailleurs, il y avait fort à craindre qu’elle conduise à une stigmatisation des produits et non pas de l’abus. Notre seul regret est que l’impact de l’avertissement sanitaire actuel sur la consommation d’alcool ne puisse être mieux évalué, afin de démontrer son éventuelle insuffisance avant de légiférer. Plus largement, mes chers collègues, la question de l’alcoolisation chez les jeunes et les jeunes majeurs reste encore sans réponse et demande une prise en compte renforcée de ce phénomène de la part des pouvoirs publics.

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Allain.

Mme Brigitte Allain. Je souhaitais plutôt intervenir sur l’article 4 ter… Il permet de parler de l’œnotourisme. Tel qu’il est rédigé, il est tout à fait satisfaisant et ne doit pas être remis en cause. L’œnotourisme permet de valoriser nos vignobles, dont certains sont inscrits au patrimoine de l’UNESCO. D’ailleurs, il est soutenu par le Gouvernement, puisque M. Fabius est venu consacrer l’un des premiers projets territoriaux d’œnotourisme à Monbazillac, en Dordogne. Tout comme le Jura vante le Comté et le pays basque l’Ossau-Iraty, sur leur « route du lait », les pays vitivinicoles ont la route des vins et des châteaux qui les produisent.

M. Thierry Benoit. Eh oui !

Mme Brigitte Allain. Comment ose-t-on associer cette promotion de nos territoires et de leur patrimoine culturel à l’alcoolisme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.) L’alcoolisme est une maladie qui, comme toutes les addictions, doit être soignée. La prévention de l’alcoolisme, comme de toute autre maladie ou mal-être, passe par la connaissance et l’éducation. Les adultes et les adolescents savent d’ailleurs distinguer le nom d’une ville de celui des vins qui y sont liés, sans quoi il faudra changer soit le nom de nos vins soit celui de nos villes.

Madame la présidente, je vais blasphémer. Bordeaux ! Cognac ! Bergerac ! Monbazillac ! Le département du Calvados ! La région Champagne !

M. Yves Fromion. Et Sancerre !

M. Éric Straumann. Et l’Alsace !

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons rester calmes ; nos débats n’en seront que plus utiles.

(L’article 4 est adopté.)

Article 4 ter

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Perrut, inscrit sur l’article et premier d’une longue liste d’orateurs, ce qui ne surprendra personne.

M. Bernard Perrut. Le but de cet article est de distinguer publicité et information sur les boissons alcoolisées, comme le vin. Mais il ne vise nullement à remettre en cause les exigences en matière de santé publique que nous partageons tous.

M. Bernard Accoyer. Très bien !

M. Bernard Perrut. Il s’agit non pas d’autoriser de nouveaux supports ou de nouvelles formes de publicité, mais d’apporter une sécurisation juridique et d’éviter que l’on n’assimile un contenu journalistique, œnotouristique, culturel ou artistique à de la publicité.

Chacun de nous, sur ces bancs, veut donner de sa région un visage positif et valoriser ses atouts à travers les productions, les vignobles, les paysages, l’attractivité touristique, les traditions et, bien évidemment, les vins. Nos communes, nos associations, nos offices de tourisme et nos entreprises contribuent à la valorisation de nos territoires sans pour autant inciter à une consommation excessive.

M. Thierry Benoit. Très bien !

M. Bernard Perrut. Madame la ministre, ce n’est pas en s’opposant à la clarification de la loi Évin que le problème de la consommation excessive sera résolu, mais c’est en s’investissant plus largement dans la prévention et dans l’éducation à une consommation responsable.

M. Bernard Accoyer. C’est vrai !

M. Bernard Perrut. La filière viticole y est très attachée. Remettre en cause cet article équilibré reviendrait en quelque sorte à durcir la loi Évin et à s’éloigner de son esprit originel. Ce serait aussi donner un pouvoir d’interprétation restrictive au juge et faire courir à chacun, à tout moment, un risque d’attaque et de condamnation.

Demain, nos villages, nos fêtes, nos entreprises, nos marques économiques pourront-elles encore porter le nom d’une région qui est aussi celui d’un vignoble ? Je pense au Bordelais, au Beaujolais, à l’Alsace ou à la Champagne – je pourrais tous les citer ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.) C’est dire combien nous sommes attachés à nos territoires et comme nous voulons défendre cet article équilibré qui peut créer un consensus sur tous nos bancs. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Gérard Charasse. In vino veritas !

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, servons-nous encore à quelque chose ?

M. Thierry Benoit. Servons-nous à boire !

M. Charles de Courson. L’article 4 ter reprend strictement l’amendement que le Gouvernement avait fait adopter en juin dernier dans le cadre du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. Le texte avait été, par la suite, censuré par le Conseil constitutionnel sur ce point pour une simple question de forme, puisqu’il s’agissait d’un cavalier législatif. Le Premier ministre s’était alors engagé en personne à le présenter dans un nouveau véhicule législatif, en l’occurrence le projet de loi relatif à la santé dont nous discutons ce soir.

Je rappelle que l’article 4 ter a été adopté au Sénat en septembre à une écrasante majorité – 287 voix pour et 33 contre. Il a été maintenu le 9 novembre dernier par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale.

Sur le fond, on ne peut pas laisser dériver la jurisprudence concernant l’interprétation de la loi Évin. La Cour de cassation définit l’acte de publicité comme « tout acte en faveur d’un organisme, d’un service, d’une activité, d’un produit ou d’un article ayant pour effet, quelle que soit la finalité, de rappeler une boisson alcoolique ». Cette interprétation va beaucoup trop loin. Le grand avantage de l’article 4 ter, c’est qu’il cadre bien le débat et qu’il ramène à une interprétation qui ne pourra pas être complètement dévoyée par la justice.

Telles sont les deux raisons pour lesquelles nous devrions voter unanimement contre l’amendement de suppression de l’article 4 ter, sans quoi cela signifierait que nous ne servons à rien et que nous laissons les magistrats interpréter les textes contrairement à l’intention du législateur. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants, du groupe Les Républicains, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur plusieurs sur bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Robinet.

M. Arnaud Robinet. Cet article, en clarifiant la loi Évin, permet de développer l’information sur l’activité vitivinicole et sur l’œnotourisme, dans un cadre légal clair, sans toutefois remettre en cause les dispositions existantes en matière de publicité, car des exigences s’imposent pour préserver la santé publique. Il nous faut mettre fin à cet imbroglio juridique. Je sais, madame la présidente, que vous partagez cette position. (« Non ? » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Il s’agit uniquement de sécuriser le travail journalistique et la possibilité de favoriser une zone de production. Celles-ci ont déjà été citées : le Bordelais, le Beaujolais, la région Champagne, le Calvados ou les pays de Loire,…

M. Yves Fromion. Le Sancerrois !

M. Laurent Furst. Et l’Alsace !

M. Arnaud Robinet. …toutes ces dénominations qui font rêver les touristes et le monde entier. Arrêtons de nous tirer une balle dans le pied. Il faut sécuriser le travail journalistique et permettre de valoriser ces régions, leur histoire, leur patrimoine culturel, car c’est notre histoire et notre culture, qui représentent des pans très importants de notre économie, notamment dans les exportations.

Les règles de publicité existantes demeurent totalement inchangées. Il faut le souligner. Il n’y a pas de nouveau support publicitaire autorisé, de nouveau contenu autorisé, ni de suppression des avertissements. Il s’agit seulement de mettre de la clarté dans un imbroglio juridique. L’amendement déposé par Mme Lemorton vise à remettre en cause le vote des parlementaires. Je rejoins, à cet égard, ce qu’a dit notre collègue Charles de Courson – député de la Marne, comme moi-même –, en faveur de la clarification de la loi Évin.

Cette disposition avait été présentée lors de l’examen de la loi Macron, pendant lequel elle avait fait l’objet d’un vote. La position du Président de la République, du Premier ministre et du ministre des affaires étrangères est très claire. Assouplissons la loi Évin pour plus de clarté juridique et arrêtons de nous tirer une balle dans le pied. La viticulture, c’est notre patrimoine, c’est notre culture. Défendons-la ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du groupe Les Républicains, du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Giacobbi.

M. Paul Giacobbi. Sans épiloguer à mon tour sur l’aspect juridique des choses et la procédure, je noterai tout de même qu’il ne faudrait pas que l’on revienne sans cesse sur ce qui a été décidé. Par ailleurs, sur le plan juridique, la clarification opérée est absolument indispensable, comme l’a d’ailleurs reconnu le Gouvernement. Ce n’est pas parce que le Conseil constitutionnel a censuré un cavalier législatif qu’il faut empêcher cette disposition sage et indispensable de revenir devant nous.

Nous n’avons pas été toujours excessifs dans ce domaine. Le professeur Jean Bernard écrivait, il y a de nombreuses années, qu’une politique de qualité devait être poursuivie avec constance, car cette politique, soutenue et encouragée par les pouvoirs publics, constituait un élément de lutte contre l’alcoolisme. À cette époque, on savait faire intelligemment la part des choses.

Si nous acceptions aujourd’hui l’amendement de suppression ou un amendement consistant, sous prétexte de précision, à vider l’article de son contenu, bien des choses seraient interdites. De fait, si nous adoptons l’amendement selon lequel les « contenus, images, représentations, descriptions, commentaires ou références […] ne doivent pas délivrer de message ou comporter une mise en scène valorisant et incitant à la consommation d’une boisson alcoolique », on ne pourra plus faire de routes des vins, M. Fabius ne pourra plus encourager la gastronomie – car je crois savoir que le vin n’est pas rigoureusement exclu de la gastronomie qu’il encourage, pas plus d’ailleurs qu’il n’est exclu des tables de la République. Il sera nécessairement interdit de téléviser les toasts portés lors des dîners d’État – car on ne les porte pas avec de l’eau, plate ou à bulles, ni avec du jus d’orange. On ne pourra pas non plus faire figurer à la télévision un événement commémoratif d’une haute portée liturgique auquel j’assiste souvent et dont je me réjouis, où l’on dit régulièrement : « Prenez et buvez-en tous » en évoquant la coupe du salut. (Rires.)

Je prends tous ces exemples pour vous montrer l’absurdité juridique d’un texte qui, tel qu’il est interprété, est une véritable perversion de son objet. La rédaction du Sénat, qui était celle de cette assemblée et du Gouvernement, doit donc être adoptée. (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Suguenot.

M. Alain Suguenot. Sans faire d’archéologie législative, je tiens à souligner que la loi Évin de 1991 est un texte très particulier en droit français, car c’est l’une des seules lois qui précisent que tout ce qui n’est pas dans la loi est interdit – c’est d’ordinaire l’inverse. C’est la raison pour laquelle nous sommes plusieurs dans cet hémicycle, depuis vingt-trois ans, à nous efforcer de dire tout simplement que, pour qu’une loi puisse être appliquée dans de bonnes conditions, il faut qu’elle soit claire.

Il restait encore une importante source de malentendus et, si nous soutenons l’article 4 ter, c’est pour opérer la distinction entre publicité et information et préciser que les restrictions ne doivent, bien entendu, s’appliquer qu’à la publicité – ce que nous venons tous de faire. Ces dernières années, en effet, plusieurs médias ont été condamnés pour des reportages sur des régions viticoles françaises et, qui plus est, d’une manière un peu anachronique ou très contradictoire, certaines publicités étant interdites tandis que d’autres ne l’étaient pas. Cette situation était, bien sûr, contraire à notre désir d’unification du droit. Nous appelons donc aujourd’hui à une clarification.

Alors que les climats du vignoble de Bourgogne et la Champagne ont été inscrits au patrimoine de l’UNESCO et que le monde entier nous regarde, ce serait un comble que, sur ce territoire qui a vu se développer les plus beaux cépages et les plus belles appellations d’origine contrôlées, on ne puisse pas faire tout simplement la promotion, non du produit ou de l’excès de sa consommation, mais de notre culture, du produit de civilisation que nous représentons.

Revenir, comme le propose l’amendement, sur cette position de bon sens reviendrait à maintenir l’amalgame fâcheux qui est à l’origine de conséquences économiques désastreuses – non pas pour les territoires qui ont été cités, mais pour d’autres territoires viticoles qui ont aujourd’hui besoin de faire la promotion de l’œnotourisme, car celui-ci représente une source de développement économique majeure pour les territoires qui ont été oubliés.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Straumann.

M. Éric Straumann. Cette problématique vaut aussi pour la route des vins d’Alsace, qui est la plus ancienne de France, sinon du monde – elle a été créée en 1953 – et s’étend sur 170 kilomètres. Des milliers de professionnels vivent autour de cette activité et nous recevons 5 millions de visiteurs par an, mais on ne peut pas en faire la promotion. Au-delà de la dimension viticole, elle revêt une dimension économique et je partage à cet égard le sentiment de nombreux collègues. On peut se demander à quoi nous servons si nous ne parvenons pas à faire face à des dérives jurisprudentielles qui sont, du reste, contraires à l’esprit de la loi Évin.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Armand Martin.

M. Philippe Armand Martin. Madame la ministre, je rappellerai rapidement les faits : le dispositif proposé dans l’article 4 ter a été rédigé et proposé par le Gouvernement sous forme d’amendement et largement soutenu par les députés et les sénateurs lors de l’examen du projet de loi Macron. À la suite de la censure de ce dispositif par le Conseil constitutionnel – pour des raisons de forme, et non de fond –, le Sénat, dans le cadre du débat sur le projet de loi de modernisation du système de santé, a réintroduit cette mesure, à une très large majorité rassemblant – pour une fois, on peut le souligner – toutes les sensibilités politiques. Elle a également été maintenue, le 9 novembre, par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale.

Par trois fois, donc, cette disposition proposée par votre gouvernement a été adoptée par les deux chambres. Dès lors, on ne comprendrait pas qu’elle soit aujourd’hui retoquée, en contradiction flagrante avec la volonté du Gouvernement et des parlementaires.

Cet article 4 ter, reprenant stricto sensu la rédaction de l’amendement du Gouvernement, permet de développer l’information sur l’activité vitivinicole et sur l’œnotourisme dans un cadre légal clair, sans toutefois remettre en cause les dispositions existantes en matière de publicité et les exigences qui s’imposent en matière de santé publique. J’en appelle donc, madame la ministre, à votre sens de la cohérence ou, mieux encore, à votre sagesse.

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Qui a appelé à « clarifier la loi Évin tout en en respectant l’équilibre » ? Le Président de la République, François Hollande, au salon Vinexpo, à Bordeaux. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains et du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Charles de Courson. Excellent !

M. Thierry Benoit. Madame la ministre, madame la présidente de la commission, je ne voudrais pas vous faire offense et nous sommes conscients – je le dis aussi à M. le rapporteur – que nous débattons ici d’un texte de loi sur la santé.

Cependant, au terme de près de vingt-cinq ans d’application, la loi Évin nécessite, sur la base de ce que le ministre Emmanuel Macron appellerait la « vraie vie », un ajustement. C’est ce qu’ont fait les sénateurs voilà quelques mois, lorsqu’ils ont proposé de faire preuve de discernement et de distinguer publicité, communication sur les alcools et promotion des territoires. C’est la raison pour laquelle, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, je soutiens l’article 4 ter proposé par les sénateurs.

Je rappelle aussi que l’Organisation de coopération et de développement économiques – OCDE – rappelle régulièrement à la France le manque criant des moyens et des budgets qu’elle consacre aux actions d’éducation et de prévention. Actuellement, la France mobilise en effet un budget de 5 millions d’euros pour la prévention et l’éducation aux addictions, aux comportements déviants et à l’excès de consommation d’alcool.

Je souligne également que notre jeunesse, confrontée à des addictions liées au tabac, aux drogues – comme l’a rappelé tout à l’heure Mme Le Callennec – et aux alcools, n’est pas portée sur la consommation des vins fins.

Enfin, je citerai à nouveau le Président de la République, qui déclarait au salon Vinexpo que les millions de touristes qui viennent en France y viennent principalement pour sa gastronomie et pour ses vins. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Valax.

M. Jacques Valax. Respecter la loi, oui, bien entendu, mais aussi et surtout respecter nos territoires : voilà l’enjeu ce soir. Nous demandons, madame la ministre, qu’il soit permis à nos régions de défendre non pas seulement leurs intérêts – ce qui serait égoïste –, mais aussi et surtout leurs spécificités, de continuer à faire le promotion de l’œnotourisme et par le biais de celui-ci, j’en suis persuadé, de créer des emplois.

Les viticulteurs et les viticultrices ont choisi un métier difficile et l’exercent avec talent et passion. Dans cette profession, la tradition n’est pas synonyme d’obscurantisme, mais elle permet au contraire une très grande modernité. On ne peut tolérer ici que certains parlementaires, certes très peu nombreux, puissent comparer les vignerons à une profession d’empoisonneurs. (Exclamations sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.) Ne condamnons pas les vignerons au nom de l’hygiène et de la santé, alors que l’éducation et la connaissance du vin sont les meilleurs moyens de lutter contre d’éventuels abus. Nous devons donc permettre aux viticulteurs de vivre de leur métier, d’investir, d’embaucher et, surtout, de continuer à faire vivre nos territoires. (« Très bien ! » sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains.)

Notre patrimoine viticole est indissociable de l’image de la France, de ses paysages, de sa culture et de son savoir-faire. Il constitue en outre une valeur économique et sociale sans équivalent par sa contribution au rayonnement international et au déploiement d’emplois sur notre territoire.

J’évoquerai pour conclure, en pensant particulièrement au département du Tarn, ce que nous pouvons tous connaître dans nos départements : qu’y a-t-il de mieux qu’une dégustation avec un producteur de vin ancré depuis des générations dans son territoire ? Observer, sentir, trinquer, goûter, à la recherche de sens oubliés, guidé par les conseils de nos vignerons, qui sont de vrais passionnés de la vigne et de la nature, voilà ce que l’information sur l’œnotourisme nous permettrait de promouvoir. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains.)

M. Yves Fromion. Eh oui ! C’est la vie, ça !

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Quéré.

Mme Catherine Quéré. Le seul objectif de cet article 4 ter est de ne plus ouvrir d’interprétation en contentieux. Le but de toute loi n’est-il pas d’assurer la sécurité juridique ?

M. Thierry Benoit. Avant tout !

Mme Catherine Quéré. Force est cependant de constater qu’un manque de clarté dans l’application de la loi Évin a entraîné une dérive injustifiée et contre-productive dans la définition du champ de la publicité, provoquant de fait l’assimilation d’un contenu journalistique, œnotouristique ou culturel à de la publicité.

M. Philippe Armand Martin. Eh oui !

Mme Catherine Quéré. L’absence d’une définition claire a conduit à une interprétation très restrictive de la part des tribunaux et, en conséquence, la condamnation de plusieurs journaux, tels que Le Parisien et Les Échos. Ce n’est pas en s’opposant à cette clarification de la loi Évin que le problème des consommations excessives sera résolu, mais en continuant à investir dans la prévention et dans l’éducation à une consommation responsable.

M. Charles de Courson. Très bien !

Mme Catherine Quéré. Les amendements déposés à l’article 4 ter visent donc, pour l’un, à supprimer et, pour l’autre, à dénaturer cet article, voté au Sénat à une large majorité et qui avait du reste également été voté largement lors de l’examen du projet de loi pour la croissance et l’activité. Les sénateurs et les députés ne sont pas des irresponsables.

M. Yves Fromion. Exactement !

Mme Catherine Quéré. Il n’est nullement question pour nous de mettre à mal la loi Évin ni, surtout, la lutte contre l’alcoolisme. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

Mes chers collègues, il est temps de clarifier enfin les frontières entre publicité et information relative au vin. Nous repousserons donc les deux amendements proposés à l’article 4 ter. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur plusieurs bancs du groupe Les républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. La démonstration a été parfaitement établie et développée tout à l’heure : il s’agit d’abord et avant tout de sécuriser juridiquement la communication et la promotion du vin. Voilà ce qui est en jeu. De ce point de vue, la version sénatoriale du texte a apporté une sécurité attendue depuis longtemps, compte tenu d’une jurisprudence pour le moins hésitante, voire parfois aberrante.

Quand je lis l’ajout que l’on voudrait nous faire adopter, je me demande ce que serait une promotion qui n’inciterait pas à la consommation. J’aimerais qu’on me l’explique ! J’en reste donc à la rédaction sénatoriale.

Je me pose cependant quelques questions. Pourquoi cet acharnement à vouloir continuer à confondre l’usage et l’abus ? Là où l’abus est évidemment condamnable, l’usage du vin est, je le répète, hautement recommandable. Qui ne voit en effet le lien entre le vin, les terroirs aux noms qui chantent, qui ont déjà été évoqués, les paysages, l’histoire et l’usage ? Rappelant que bonum vinum laetificat cor hominis, je me permets de dire une nouvelle fois, madame la ministre, que réduire le vin à l’alcool est à tout le moins la marque d’une grande inculture. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants, sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Madame la ministre, l’article 4 ter, tel qu’il est rédigé, convient parfaitement. Tel que vous entendez le réécrire, en revanche, il ouvrira la porte à une considérable liberté d’interprétation en matière de publicité.

Or la publicité est aujourd’hui très précisément encadrée par la loi Évin : laissons les choses en l’état. Mes collègues ont fait référence tout à l’heure à des appellations géographiques qui correspondaient à des régions – avant que vous ne décidiez de changer les régions : il y avait la région de Champagne, la région de Bourgogne, la région d’Alsace…

M. Razzy Hammadi. Ce n’est pas le sujet !

Mme Marie-Christine Dalloz. Nous aurons plus de difficultés à situer ces appellations dans le capharnaüm des nouvelles régions. Il n’empêche qu’il est plus simple d’avoir une indication géographique.

Je vais vous parler d’un terroir que beaucoup d’entre vous connaissent : le vin jaune. (« Ah ! » sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains.) Le vin jaune est jurassien, comme chacun sait,…

M. Thierry Benoit. Comme Louis Pasteur !

Mme Marie-Christine Dalloz. …mais il ne correspond pas à un territoire précis : c’est un savoir-faire, c’est un terroir – c’est le Jura ! Il ne faut pas que les dérives que vous voulez mettre en œuvre interdisent demain la publicité pour le vin jaune. Un poulet au vin jaune et aux morilles, cela restera un poulet au vin jaune et aux morilles ! C’est notre culture gastronomique française.

Pour toutes ces raisons, il est nécessaire de garder un cadre légal clair et de stabiliser la législation en matière de publicité. Pour cela, il est urgent de maintenir en l’état l’article 4 ter, tel qu’il a été adopté par le Sénat. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Thierry Benoit. Tout à fait !

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Orphé.

Mme Monique Orphé. Je vais faire entendre une voix discordante pour alerter sur la dangerosité de cet article 4 ter. En ouvrant la voie à des assouplissements, il marque le début de la fin de la loi Évin.

M. Bernard Accoyer. Mais non !

Mme Monique Orphé. Madame la ministre, va-t-on demain autoriser la publicité pour le rhum, puisque le rhum est issu de la canne à sucre ?

M. Éric Straumann. On va interdire la Route du rhum !

Mme Monique Orphé. Contrairement à ce que j’ai entendu ici, je persiste à dire que l’alcool tue 49 000 personnes par an ; mais peut-être n’est-ce pas suffisant ? L’alcool est également la cause de violences intrafamiliales et d’accidents de la route, notamment chez les jeunes. C’est donc un mauvais signal envoyé aux professionnels qui luttent contre les addictions, dont l’alcoolisme chez les femmes enceintes. C’est aussi un mauvais signal adressé à ces malades qui tentent de se désintoxiquer.

M. Yves Fromion. Le rhum, ce n’est pas le vin !

Mme Monique Orphé. Peut-être est-ce même un encouragement à boire un petit coup de vin puisque, apparemment, cela n’est pas dangereux.

Je ne me fais pas d’illusions : au vu de la mobilisation des parlementaires de l’opposition comme de la majorité – j’espère qu’ils resteront jusqu’à la fin de l’examen de ce projet de loi ! –,…

M. Christian Assaf. Un peu de respect pour vos collègues !

Mme Monique Orphé. …l’amendement que nous présentons sera rejeté.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il est vrai que le vin mobilise !

Mme Monique Orphé. Madame la ministre, permettez-moi de saluer votre engagement sur ces graves problèmes de santé publique que sont le tabac et l’alcool. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme Véronique Massonneau. Très bien !

M. Éric Straumann. Cela n’a rien à voir !

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. L’ironie veut que ce débat ait lieu juste après que nous avons fêté les primeurs partout en France. Il est vrai que pour un député du Vaucluse, où le vin représente une industrie et une filière extrêmement importantes – 15 % du territoire de mon département est planté de vignes ; le Côtes du Rhône, le ventoux et l’appellation Provence génèrent 6 000 emplois directs –, le débat qui a lieu ce soir sur l’article 4 ter prend une signification particulière.

Je voudrais souligner deux choses : premièrement, ce n’est pas forcément la publicité ou l’information qui crée l’addiction. Il y a, madame le ministre,… (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Plusieurs députés du groupe socialiste, républicain et citoyen. Madame « la » ministre !

M. Julien Aubert. …17 millions de Français qui affirment avoir fumé du cannabis.

M. Razzy Hammadi. Madame « la » ministre !

Mme la présidente. Du calme, s’il vous plaît, monsieur Hammadi !

M. Razzy Hammadi. Il a été rappelé à l’ordre, madame la présidente ! Il faut toujours qu’il sème la pagaille !

M. Julien Aubert. Un tiers des Français se déclarent consommateurs réguliers de cannabis ; et pourtant, il n’y a aucune information, aucune publicité sur le cannabis,…

M. Razzy Hammadi. Madame « la » ministre !

Mme la présidente. Un peu de calme !

M. Julien Aubert. …alors qu’en matière d’alcool, 19 % des Français ont déclaré avoir été ivres dans les douze derniers mois, et 13 % sont des consommateurs quotidiens. Bien que l’on interdise la publicité, il y a plus de consommateurs de cannabis que de buveurs d’alcool et d’alcooliques.

Deuxième contradiction, qui relève de la schizophrénie : alors que Laurent Fabius constitue le pôle d’excellence « œnotourisme » au Quai d’Orsay, en juin 2015, pour développer le tourisme français, je ne comprends pas que, dans le même temps, on interdise toute information sur les terroirs de notre pays, madame le ministre. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme la présidente. Allons ! Restons sur le fond du dossier ! Calmez-vous, s’il vous plaît !

M. Julien Aubert. Il ne faut pas confondre l’usage et l’abus car, madame le ministre, l’eau est un produit qui, à l’usage, ne pose aucun problème. Néanmoins, un abus d’eau, cela s’appelle une noyade, preuve qu’il y a bien une différence entre l’abus et le produit ! (Mêmes mouvements.)

M. Razzy Hammadi. Merci, monsieur la députée !

Mme la présidente. Mes chers collègues, un peu de calme !

La parole est à M. Élie Aboud.

M. Élie Aboud. Je ne voudrais pas, mes chers collègues, tomber dans un piège, comme cela fut le cas lors de la loi HPST – loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires –, dont les plus anciens d’entre nous se souviennent.

Il n’y a pas, d’un côté, celles et ceux qui défendent la santé publique et, de l’autre, les parlementaires – je vois que nous sommes nombreux aujourd’hui – qui seraient actionnés par des lobbies ou qui comptent un grand nombre de vignerons dans leur circonscription.

Je m’adresse à Mme la présidente de la commission et à mes collègues soucieux de santé publique : si j’ai un profond respect pour ce qu’ils pensent, je souhaite leur dire qu’ils parlent vrai, mais sur une base qui est fausse. Quand on parle vrai sur une base fausse, malheureusement, tout devient faux.

Mme Marie-Christine Dalloz. Bravo ! C’est très bien !

M. Élie Aboud. Notre collègue a parlé d’usage et d’abus ; pour ma part, je vais rester sur le terrain médical, madame la présidente Lemorton. Vous le savez comme moi, parce que vous êtes aussi une professionnelle de santé publique, beaucoup de méta-analyses, beaucoup d’études rétrospectives ont démontré d’une façon claire qu’une consommation modérée de vin, constante, avec des quantités bien définies, fait baisser la morbidité et, par la suite, la mortalité. Ce n’est pas une vue de l’esprit : de grands scientifiques l’ont prouvé.

M. Thierry Benoit. Eh oui !

M. Élie Aboud. Je ne veux pas me prononcer sur l’aspect idéologique, mais force est de constater qu’aujourd’hui on ne peut pas parler dans notre pays d’œnotourisme et de développement économique pour le seul secteur de notre pays qui ne soit pas délocalisable. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Kléber Mesquida.

M. Kléber Mesquida. Les députés sont des gens responsables : ils sont très attachés à la lutte contre l’alcoolisme, à la prévention, à l’éducation, aux préconisations. Mais il s’agit aujourd’hui d’un problème de communication pour un certain nombre de terroirs : un journaliste qui s’attellerait à la rédaction d’un article évoquant des contenus, des représentations, des descriptions voire la toponymie de régions et zones de production serait condamné – cela fut le cas pour Le Parisien et Les Échos.

Nous voulons sécuriser la loi pour permettre de communiquer. Ce n’est pas de la publicité, c’est de la communication. Sans cela, la jurisprudence continuera à gêner la production et la consommation dans le cas de certains terroirs, territoires et paysages.

Je voudrais rappeler que la consommation de vin a baissé de 45 % alors que l’alcoolisme est en hausse – je ne vois donc pas de corrélation entre les deux phénomènes. Le chiffre d’affaires à l’export est de 7,6 milliards d’euros, l’équivalent de 150 Rafale. En termes de tourisme, un tiers de clients citent l’œnotourisme comme motivation de leur séjour. Enfin, 550 000 emplois sont liés à la viticulture.

La situation actuelle pose problème : les marques d’alcool peuvent communiquer parce que ce sont des marques, tandis que le vin – mais aussi le rhum, qui a été cité – sont des produits. Pourquoi les produits ne pourraient-ils pas communiquer alors que les marques le peuvent ? Il y a là une discrimination. Nous demandons simplement l’équité républicaine, afin que les productions du terroir puissent librement communiquer.

M. Thierry Benoit. Bien sûr ! C’est le bon sens même !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Plisson.

M. Philippe Plisson. Ce débat n’a pas lieu d’être car il a été tranché. La disposition a déjà été votée avec la bénédiction de la plus haute autorité de l’État : j’ai été pris à témoin par le Président de la République quand il s’est engagé auprès des viticulteurs, à Marcillac, à défendre ce patrimoine national.

M. Thierry Benoit. Très bien ! Bravo !

M. Yves Fromion. Voilà un rappel utile !

M. Philippe Plisson. Je parle de « patrimoine » car ce vin que le monde entier nous envie et copie est une des signatures de la France : il mériterait d’être reconnu par l’UNESCO.

La France de la légèreté, de la chaleur humaine, de la relation à l’autre, que des barbares ont agressée avec haine ce 13 novembre, est aussi dans ce verre de vin de Blaye, de Côtes de Bordeaux ou de Côtes de Bourg, que l’on déguste ensemble aux moments heureux de la vie. Ce verre de vin, c’est le fil rouge de la détente, du vivre ensemble, de tout ce qui donne de la douceur à la vie et fédère les relations humaines.

M. Yves Fromion. C’est beau comme l’antique !

M. Philippe Plisson. L’assimiler à la débauche, à l’orgie, à l’alcoolisme, c’est soit de l’ignorance soit de la manigance. Je plains sincèrement celles et ceux qui ignorent ou boudent ce plaisir ! Après le rejet de l’amendement, je les invite à la buvette pour déguster un verre de vin,…

M. Yves Fromion. De Sancerre !

M. Philippe Plisson. …maintenant qu’ils ont compris que leur combat est vain ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Krabal.

M. Jacques Krabal. Je ne reviendrai pas en détail sur ce que j’ai déjà exprimé lors de la discussion générale. Je regrette un peu la tournure prise par le débat : il n’y a pas, dans un camp, celles et ceux qui défendent leur terroir et, dans l’autre, celles et ceux qui luttent contre l’alcoolisme.

Mme Monique Orphé et Mme Jacqueline Fraysse. Si, malheureusement !

M. Jacques Krabal. Nous travaillons tous ensemble.

Je voudrais vous dire avec beaucoup de calme, madame la ministre, que vous portez une part de responsabilité dans la façon dont le débat est aujourd’hui engagé. J’ai participé à tous les débats sur cette question. Vous vous étiez engagée, lors de la première lecture, à mettre en place une commission et à réfléchir sur ce qui pourrait être fait : cela n’a jamais été organisé. Ensuite, le texte a suivi le cheminement que nous connaissons. Ce passage en force n’honore pas l’Assemblée nationale, ni la démocratie.

Chaque fois qu’il y a eu débat, discussion, chacun s’est accordé à dire qu’il fallait mettre un terme à l’instabilité juridique qu’entraîne la loi Évin. Mais il faut continuer de lutter contre l’alcoolisme chez les jeunes : je rappelais tout à l’heure que la consommation de vin a diminué d’une manière très forte, et pourtant l’alcoolisme chez les jeunes est en augmentation. Et ce n’est pas le vin qui est en cause ! Cela devrait nous conduire à nous interroger.

M. Thierry Benoit. Exactement !

M. Jacques Krabal. Madame la ministre, il faut revenir à la sagesse, laisser l’article 4 ter en l’état et ne pas proposer d’amendement.

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

M. Jacques Krabal. Il faut clarifier la loi Évin : c’est une nécessité économique, une nécessité pour défendre nos terroirs.

Mme Marie-Christine Dalloz. Et même une nécessité culturelle !

M. Jacques Krabal. Je compte donc sur votre sagesse, madame la ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Orliac.

Mme Dominique Orliac. Il ne suffit bien évidemment pas d’assouplir la loi Évin, qui a été votée et qui est indispensable. Nul d’entre nous, dans cet hémicycle, ne refuserait de lutter contre les méfaits de l’alcoolisme, quand on sait ce que cela coûte à la société et en termes de santé publique.

Aujourd’hui, il s’agit de clarifier et de préciser – c’est l’objet de cet article – les frontières entre la publicité et l’information : ce point est essentiel. Nos filières viticoles font partie de notre culture, de notre pays, de la France. Chez moi, quand on parle de « Cahors », on évoque le vin, mais aussi la ville. Ce débat est donc absolument essentiel : vous devez entendre ce que nous vous disons sur tous les bancs de l’hémicycle.

Il faut bien sûr lutter contre l’alcoolisme, faire de la prévention, de la responsabilisation, même si nous savons que l’obligation n’est pas une solution. Tout à l’heure, nombre d’entre nous ont voulu intervenir dès l’article 4 alors que c’était l’article 4 ter qui était en cause. Au sein du groupe RRDP, nous soutiendrons le texte qui nous vient du Sénat.

Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle Delaunay.

Mme Michèle Delaunay. Madame la présidente, madame la ministre, je suis bordelaise et particulièrement fière de mon territoire, de sa réputation multiséculaire mondiale.

M. Arnaud Robinet. Et de votre maire ! (Sourires.)

Mme Michèle Delaunay. Des œnotouristes heureux, qui apprécient notre civilisation du vin, à laquelle je suis aussi très attachée, en sillonnent les routes, de château en château.

Mais je souhaite préciser deux points.

Nous examinons aujourd’hui une loi de santé publique dont le seul objet doit être la santé et la protection de la santé de nos concitoyens, dont certains sont d’ailleurs fort peu représentés ici – un de mes collègues, derrière moi, faisait remarquer que peu de députés de banlieue sont présents ce soir.

M. Arnaud Robinet. Je ne vois pas le rapport.

M. Julien Aubert. Pas d’amalgame ! (Sourires.)

Mme la présidente. Un peu de calme !

Mme Michèle Delaunay. En revanche, les députés qui siègent en commission des affaires sociales – ce que l’on appelle aux États-Unis la « santé sociale » – sont, eux, très nombreux.

Ce serait un très mauvais signe si, dans le cadre d’une loi relative à la santé publique, nous détricotions ce texte fondateur de la santé publique qu’est la loi Évin.

Mme Monique Orphé. Très bien !

Mme Michèle Delaunay. J’ajoute qu’une telle modification ou évolution me paraît inutile. Pendant que nous discutions de cet article en commission, le Figaro

M. Yves Fromion. Enfin un bon journal !

Mme Michèle Delaunay. …a publié six pages sur les châteaux médocains et la route du Médoc – six pages, que j’ai envoyées à mes collègues !

L’association nationale de prévention en alcoologie et addictologie, l’ANPAA, vous a quant à elle fait parvenir un dossier complet comportant l’ensemble des publicités qui paraissent chaque jour en la matière.

Je vous appelle donc à plus de raison.

M. Thierry Benoit. Les deux minutes sont écoulées !

Mme Michèle Delaunay. Comme il s’agit d’une question de culture et de communication, je vous invite, si vous le souhaitez, à proposer à la ministre de la culture l’ouverture d’un débat sur cette question, mais à ne pas modifier le projet de loi relatif à la santé sur ce plan.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales et Mme Monique Orphé. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Hélène Fabre.

Mme Marie-Hélène Fabre. L’article 4 ter dont nous discutons reprend à la virgule et au mot près les dispositions de l’amendement présenté par le Gouvernement dans le projet de loi Macron. Il précise ce que recouvre la notion de publicité, dont la chambre criminelle de la Cour de cassation a retenu une définition extensive.

Ainsi, la communication sur un terroir – comme le département de l’Aude dont je suis l’élue, dans lequel le patrimoine est traditionnellement lié à des produits viticoles – ne s’exposera plus à un risque juridique. À l’heure où l’on cherche à mettre en valeur de nouvelles destinations touristiques, il est nécessaire de pouvoir communiquer sur l’œnotourisme.

Cette situation complexe tient notamment au fait qu’un même nom désigne à la fois un terroir et un produit. Que seraient les Corbières sans le vin de Corbières ?

Nous souhaitons donc que l’on puisse communiquer en toute sécurité juridique sur les terroirs, la toponymie, les itinéraires touristiques et, plus généralement, en faveur de ce patrimoine viticole, gastronomique et culturel qui est le nôtre, et cela sans remettre en cause la loi Évin.

Mes chers collègues, nous sommes tous ici bien conscients du problème de santé publique que pose l’alcoolisme, notamment chez les jeunes. Promouvons plutôt une véritable politique de prévention à leur endroit, avec les financements idoines !

Vous l’avez compris : je voterai contre tout amendement modifiant l’article 4 ter issu du Sénat.

Mme Catherine Quéré et M. Yves Fromion. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Touraine, rapporteur de la commission des affaires sociales.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, mes chers collègues, je ne méconnais pas certains intérêts commerciaux…

M. Éric Straumann. Économiques !

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. …tout à fait respectables dans ce domaine.

Pour autant, nous examinons aujourd’hui un projet de loi visant à moderniser notre système de santé, dans lequel nous essayons – enfin, avec beaucoup de retard et après la plupart des autres pays européens – de promouvoir des démarches de prévention qui, jusqu’à présent, ont fait défaut chez nous.

Je souhaite corriger quelques erreurs commises par certains des précédents orateurs.

Tout d’abord, il est très rigoureusement établi sur un plan scientifique qu’il existe une relation directe entre l’augmentation de l’exposition aux noms des vins et des alcools et leur taux de consommation.

M. Éric Straumann. Qu’est-ce que cela signifie ?

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Ensuite, il est aussi scientifiquement prouvé que, dans notre pays, le vin et les alcools sont la deuxième cause de catastrophe en matière de santé publique après le tabac.

M. Yves Fromion. Et les socialistes !

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Enfin, il est scientifiquement démontré, comme l’a établi le Centre international de recherche sur le cancer, que même à faible dose – je répète, même à faible dose – la consommation de vins et d’alcools de toute nature augmente l’incidence des cancers.

M. Alain Suguenot et M. Élie Aboud. C’est faux !

M. Éric Straumann. L’espérance de vie augmente dans notre pays ! Que faites-vous du paradoxe français ?

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. C’est démontré et personne ne peut le contester. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, les orateurs s’expriment les uns après les autres. Merci de les écouter ! Seul M. Touraine a la parole.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Un organisme international, reconnu par tous les gouvernements du monde, a établi les facteurs cancérogènes : le vin et les alcools en font partie, même à faible dose.

Par ailleurs, les effets vasculaires parfois positifs de très faibles doses de vin – mais également de jus de raisin, ce qui montre que c’est tout à fait indépendant de l’alcool – sont inférieurs aux effets néfastes, dont l’accroissement des cancers.

Voilà pourquoi je considère que, même si les intérêts commerciaux peuvent être entendus, ce n’est certainement pas dans une loi sur la santé publique qu’il faut les prendre en compte.

M. Éric Straumann. Mon Dieu…

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Je souhaite dire quelques mots – peut-être un peu plus puisque vous avez été très nombreux à vous exprimer d’une manière, je dois le dire, relativement apaisée.

Élie Aboud a rappelé le débat que nous avons eu voilà quelques années lorsque l’une de mes prédécesseurs, Mme Bachelot, a présenté la loi dite HPST, laquelle comprenait des mesures d’encadrement de la publicité sur l’alcool.

Les débats avaient été d’une extrême violence – ils s’étaient d’ailleurs poursuivis à l’extérieur de l’hémicycle, certains en venant pour ainsi dire aux mains.

M. Yves Fromion. Mais non !

Mme Marisol Touraine, ministre. Il est peu de débats qui mobilisent autant sur les bancs de cet hémicycle.

Je regrette que certains d’entre vous aient jugé utile de glisser des attaques personnelles à mon égard.

Je tiens à rappeler quelle était initialement la teneur du texte. Ce n’est pas moi qui ai fait porter le débat sur l’alcool et le vin, pour une bonne raison : parce que, précisément, j’avais en mémoire les débats de 2009.

J’ai donc considéré que, dans un texte poursuivant un certain nombre d’objectifs, il faut savoir fixer des priorités. La loi Évin, en matière de vin et d’alcool, me semblait et me semble toujours présenter un équilibre satisfaisant.

Sur le vin ou, plus précisément, sur l’alcool, j’ai introduit une seule mesure – celle que vous avez votée il y un instant, qui figure à l’article 4, sur lequel M. Richard s’est exprimé pour le soutenir –, qui vise à dissuader les jeunes de s’adonner à des pratiques de consommation importante et d’alcoolisation rapide – le binge drinking, pour utiliser la formule que tout le monde connaît, lequel fait des ravages.

En ce qui me concerne, j’avais souhaité n’apporter aucune modification aux équilibres existants et ce n’est pas moi qui ai introduit le moindre élément dans le texte pour qu’il en soit autrement.

Lorsque j’entends qu’il faudrait absolument voter telle ou telle disposition pour éviter la régression induite par ce texte ou par ma personne, je ne peux que le répéter : le texte initial qui vous a été présenté au mois d’avril dernier ne comportait aucune mesure concernant l’alcool ou le vin et visant à limiter encore plus les possibilité de faire de la publicité ou de présenter l’intérêt de l’œnotourisme.

Mme Delaunay s’est exprimée très justement lorsqu’elle s’est dite bordelaise et attachée à ce que cela signifie.

Je suis moi aussi l’élue d’un territoire vinicole, comme beaucoup d’entre vous. Je suis étonnée lorsque certains considèrent que la défense de la santé publique implique – je l’ai entendu – d’ignorer le plaisir de boire un verre de vin. Quelle drôle de conception des choses ! Quelle drôle de manière de les voir, comme si le fait d’être sensible au nombre de morts dû chaque année à l’alcool – cela n’a pas été évoqué jusqu’à maintenant – interdit d’éprouver du plaisir à boire du vin de façon mesurée et modérée !

Mme Michèle Delaunay. Très bien !

M. Yves Fromion. Ce n’est pas ce que nous avons dit !

Mme Marisol Touraine, ministre. La défense de l’œnotourisme ne me paraît pas contradictoire avec la définition d’une politique de santé publique.

Le tout est de savoir si, aujourd’hui, les textes existants autorisent la publicité et la promotion de l’œnotourisme. À entendre certains d’entre vous, j’ai eu l’impression que l’enjeu était de permettre une telle promotion. Depuis une éternité, dans mon département, il existe de nombreuses routes des vins que rien n’entrave et que personne n’a jamais songé à remettre en cause juridiquement, à condamner ou à interdire.

Depuis des années, la publicité existe, y compris pour les terroirs. Lorsque vous ouvrez des journaux, vous voyez non seulement de la publicité pour tel ou tel alcool ou tel ou tel vin, mais également – et régulièrement – la promotion de telle région ou de telle appellation.

On peut d’ailleurs se demander pourquoi il faudrait changer une loi qui permet l’œnotourisme et la promotion du vin des terroirs.

J’aurais aimé entendre plus de voix s’élever en faveur de la santé publique. Vous balayez cela de quelques mots, en affirmant que, bien sûr, vous y êtes attachés, mais je suis quant à moi ministre de la santé et, comme telle, j’en suis comptable : 48 000 morts par an, ce n’est pas rien !

Selon l’Institut national du cancer, l’INCA, l’alcool est l’une des deux principales causes de mortalité évitables.

Mme Michèle Delaunay. Très bien !

Mme Marisol Touraine, ministre. M. Arnaud Richard s’est interrogé pour savoir s’il existait des études démontrant l’impact de la publicité, notamment chez les jeunes, en matière de consommation. Eh bien, l’INCA a répertorié treize études internationales, qui figurent sur son site internet.

Les publications de cet institut, par ailleurs, montrent qu’il existe un lien direct entre l’augmentation des dépenses pour la promotion de l’alcool par la publicité et celle de la consommation, notamment chez les jeunes.

Mesdames et messieurs les députés, ne nous voilons pas la face : si la publicité n’avait pas d’impact, nul ne chercherait à en faire.

Il y a là une forme de paradoxe : certains, parmi vous – dont Mme Quéré, par exemple – ont dit ne pas chercher à détricoter la loi Évin mais vouloir la clarifier.

M. Éric Straumann et M. Philippe Armand Martin. C’est vrai !

Mme Marisol Touraine, ministre. D’autres, dont M. Robinet, on dit qu’il serait enfin possible de déverrouiller cette loi. Mme Dalloz a quant à elle évoqué l’ouverture considérable d’une porte de liberté.

Je m’interroge donc sur ce qui est recherché.

En effet, depuis que la loi Évin existe, moins de cinq articles de presse ont été sanctionnés par un juge. Aucun n’a été condamné sur son seul contenu rédactionnel : soit le message sanitaire obligatoire n’apparaissait pas, soit l’article ne décrivait pas le produit dans des termes objectifs, soit l’article comportait des visuels trop incitatifs.

M. Éric Straumann. C’est subjectif !

Mme Marisol Touraine, ministre. Je pense à cette publicité détournée pour du vin de Champagne, disons-le clairement, avec une actrice de cinéma mondialement connue qui tenait une bouteille de champagne sans que cela soit défini comme publicité.

M. Charles de Courson. Et James Bond ? (Sourires.)

Mme Marisol Touraine, ministre. C’est donc cela qui a été censuré.

L’article 4 ter ne se contente pas de clarifier la loi Évin : il déverrouille, comme dit M. Robinet, la publicité sur internet et à la télévision. Il ouvre donc de nouveaux champs. Il ne respecte pas l’équilibre de la loi Évin originelle mais le modifie profondément.

Je m’interroge d’ailleurs sur le caractère constitutionnel de la différence de traitement introduite entre les boissons pouvant bénéficier de ces nouvelles dispositions selon qu’elles ont ou non une appellation d’origine.

Il y a là une inégalité de traitement qui me semble assez étonnante.

Je n’ai pas beaucoup de doutes quant à l’issue du vote, non pas sur le texte du Gouvernement, qui ne fait d’ailleurs que répondre à vos interventions, mais sur l’amendement que la présidente de la commission présentera dans un instant. Je n’ai pas beaucoup de doutes, pour vous avoir écoutés et avoir suivi les débats.

À ce propos, si le groupe de travail annoncé n’a pas été mis en place, monsieur Krabal, c’est parce que les dispositions ont été votées avant, dans le cadre d’un autre vecteur législatif. Nous nous sommes retrouvés face à un état de fait totalement nouveau.

La loi Évin, telle qu’elle existe aujourd’hui, n’interdit rien. Ma position ne traduit pas un refus de l’activité économique, ni du plaisir que représente le vin pour nous tous. Ce n’est pas seulement une question de culture, c’est aussi un art de vivre – je l’ai déjà dit et cela ne me pose aucun problème.

En tant que ministre de la santé, je trouve plus que regrettable, triste, même, que ce soit à l’occasion de l’examen d’une loi de santé publique que la loi Évin, qui est l’une de nos grandes lois de santé publique, soit défaite. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Et je trouve extrêmement dommage et triste que ce débat ait donné lieu à si peu de prises de position sur l’enjeu majeur que représente l’alcoolisme en termes de santé publique dans notre pays. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n715 tendant à supprimer l’article 4 ter.

Sur cet amendement, je suis saisie par le groupe Les Républicains et le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales, pour soutenir cet amendement.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, une politique de santé publique est toujours une politique à moyen et long terme. La loi Évin a été votée il y a vingt-cinq ans, et ce n’est pas le lendemain ou le surlendemain de son adoption que ses effets se sont fait sentir, mais à long terme. Et l’on n’en a peut-être même pas senti tous les effets, puisqu’elle a déjà subi des coups de boutoir qui l’ont écornée, en 1994, en 2005, en 2007, puis en 2009, avec l’autorisation de la publicité sur Internet.

Il a beaucoup été question des régions viticoles. Je me félicite de la vitalité de nos territoires et du fait que ce secteur d’activité présente un solde excédentaire en termes de balance commerciale. Je suis la première à m’en féliciter.

Mais je m’adresse aussi à d’autres personnes qui nous écoutent aujourd’hui : les membres de réseaux de prévention des addictions, les médecins addictologues, les personnels soignants accompagnants, les éducateurs de rue, les assistantes sociales, qui débusquent les violences conjugales, souvent liées à l’alcool.

Je ne voudrais pas que l’on oppose l’alcool fort au vin, parce que, si on libéralise la loi Évin et si l’on y pratique une nouvelle ouverture, ce ne sont pas vos territoires qui vont en profiter, mes chers collègues, mais les alcooliers d’alcools forts. On l’a déjà constaté : ce sont eux qui utilisent les vecteurs de publicité.

Mme Michèle Delaunay. Très bien !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. S’il était encore nécessaire d’appuyer les propos de la ministre, je citerais cette étude de l’Institut national du cancer : la semaine du 22 septembre – cette semaine a été choisie au hasard – dans la presse écrite, on ne recense pas moins de 34 couvertures consacrées aux territoires viticoles et huit publicités. Il y a deux semaines, encore, L’Express publiait dix pages, recto verso, mentionnant toutes les marques de champagne, les Côtes de Provence, les vins d’Alsace : tout y était, et cela n’a pas été attaqué. On y parlait des régions, du vin, et on y présentait même des coffrets cadeaux pour Noël. La loi Évin n’empêche pas cela.

J’aimerais rappeler également les dégâts sociaux et sanitaires liés à l’alcool et leur coût pour les finances publiques : selon l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies, l’alcool coûte 120 milliards d’euros à notre pays. La Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives – MILDECA – dont la présidente, Mme Danièle Jourdain Menninger, fait un travail qui mérite d’être salué, a interrogé pas moins de 605 dirigeants encadrants et personnels chargés des ressources humaines, ainsi que 253 représentants du personnel ou de syndicats. Cette enquête montre que, dans les rapports entre les personnes dans les entreprises, l’alcool est responsable de 72 % des troubles du comportement et des relations au travail.

Le ministre de l’intérieur, M. Bernard Cazeneuve, que je salue pour son action depuis les drames que nous avons vécus, et à qui on ne peut pas reprocher d’être déraisonnable, pour réagir à l’augmentation du nombre d’accidents de la route en 2014, a proposé, entre autres mesures, au mois de janvier, de baisser le taux d’alcoolémie autorisé pour les conducteurs novices de 0,5 à 0,2 gramme par litre de sang. M. Cazeneuve n’est pas quelqu’un d’inconséquent : c’est bien qu’il y a un lien entre les accidents de la route et l’alcoolisme ou, en tout cas, la consommation massive d’alcool. Et cela ne concerne pas seulement les alcools forts, mais aussi les vins de nos terroirs : c’est ainsi.

Mes chers collègues, comme Mme la ministre, je ne donne pas cher de la peau de mon amendement tendant à supprimer l’article 4 ter.

Mme la présidente. Merci de conclure, madame la présidente.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Mais c’est avec conviction que je vous l’ai présenté, en songeant à tous les membres de ces réseaux de prévention des addictions, qui sont en train de suivre nos débats et qui ne cessent de m’écrire. (Interruptions sur les bancs du sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. Merci de conclure.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Je vais conclure, madame la présidente, mais il me semble que les défenseurs des terroirs ont bénéficié d’un long temps de parole.

Mme la présidente. Madame la présidente de la commission, je vais être très claire : le temps de présentation d’un amendement est de deux minutes et vous parlez depuis près de cinq minutes.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Je vous remercie, madame la présidente.

Je conclurai en citant une étude portant sur des jeunes ayant regardé des films où l’on buvait de l’alcool : au terme de deux années d’enquête, le fait de voir des films, des supports où de l’alcool était bu ou acheté expliquait, selon les auteurs, 28 % des premières consommations et 20 % du passage à la recherche de l’ivresse.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. La commission a donné un avis défavorable à cet amendement.

M. Patrice Martin-Lalande. Ah !

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. …dont je suis cosignataire. À titre personnel, j’y suis donc favorable.

Je soutiens cet amendement de suppression car, comme l’a dit la ministre, la publicité pour le vin, le terroir, la région de production est déjà possible aujourd’hui. Personne ne peut contester cette évidence. Elle est déjà utilisée sur de nombreux supports, dans le cadre du droit positif actuel. Ma crainte, mon inquiétude – je l’ai déjà dit en commission – concerne les alcooliers qui, de façon subtile, parce que déguisée, contournent déjà très largement la loi Évin.

M. Arnaud Robinet. Personne ne dit le contraire !

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. J’en ai donné deux exemples en commission, que je veux rappeler ici. Dans tous les concerts de musique où se pressent les très jeunes générations – et je fais là le lien avec l’article 4 – la marque Pression Live, qui existe depuis presque dix ans, est omniprésente. Elle est devenue incontournable. L’agence qui s’en occupe assure sa visibilité, notamment sur les réseaux sociaux. Elle a été créée par un groupe majeur, fabriquant de bière, et est souvent citée sur le site de la maison mère. Vous pouvez aller vérifier, même si je ne peux pas donner son nom ici. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Paul Giacobbi. Cela n’a rien à voir !

M. Jean-François Copé. Donnez l’avis de la commission !

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. J’ai donné l’avis de la commission, monsieur Copé !

Mme la présidente. Mes chers collègues, ne vous énervez pas. Le rapporteur n’a pas dépassé son temps de parole et il va conclure.

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. J’ai donné l’avis de la commission et je défends par ailleurs cet amendement à titre personnel, comme j’ai le droit de le faire.

Je donnerai un dernier exemple : l’association Entreprise et Prévention, qui a été créée en 1990, vient utilement de changer son nom : elle s’appelle, depuis le 6 octobre 2015, Avec Modération.

M. Yves Fromion. Nous sommes d’accord !

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. Selon les pères fondateurs de cette association, les alcooliers qui prônent une consommation responsable des boissons alcoolisées n’attendent qu’une occasion pour bondir au-delà de ce qu’ils font aujourd’hui. Je répète que la commission a donné un avis défavorable à cet amendement, mais que j’y suis personnellement favorable. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme Véronique Massonneau. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Mon avis sur cet amendement est défavorable : c’est évidemment ce que l’on attend de la ministre de la santé.

Je voudrais remercier et saluer Mme la présidente de la commission pour son travail et pour la constance de son engagement. Beaucoup d’entre vous ne partagent pas sa position, mais vous me permettrez de la saluer pour le travail qu’elle a accompli, et de la remercier pour le courage dont elle a fait preuve en défendant cet amendement, après les interventions que nous avons entendues.

M. Yves Fromion. Bel éloge funèbre !

Mme Marisol Touraine, ministre. Je veux à mon tour saluer toutes celles et ceux qui s’engagent dans les réseaux de lutte contre les addictions – certaines d’entre elles semblent vous préoccuper davantage que celle à l’alcool. (Exclamations sur quelques bancs du groupe Les Républicains.)

M. Bernard Accoyer. Il n’y a pas un mot dans le texte sur le cannabis !

Mme Marisol Touraine, ministre. Moi aussi, je salue le travail de ces professionnels de santé, de ces addictologues, de ces personnes engagées. Je veux leur dire que nous avons évidemment toujours besoin d’elles.

M. Jean-Louis Dumont. Vous dites cela en coupant toutes les subventions aux associations !

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Savary.

M. Gilles Savary. Je regrette un peu l’hypocrisie de ce débat : il n’y a pas, d’un côté, les ligues de vertu, et de l’autre, les ligues de débauche ; d’un côté, le politiquement correct, et de l’autre, le politiquement incorrect ; (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains) d’un côté, les empoisonneurs, et de l’autre, les purificateurs.

J’invite tous mes collègues à aller faire un tour au bout de la rue Saint-Dominique, à l’angle du boulevard Saint-Germain : vous y trouverez, sur un abribus, une magnifique publicité pour une marque de vodka. Bordeaux est aujourd’hui couverte de publicités, que j’ai montrées à Michèle Delaunay, pour le Clan Campbell. En effet, madame la ministre, la loi Évin n’a, hélas, jamais empêché ce type de publicité.

Mais je tiens à dire que nous n’entendons pas la modifier – il faut arrêter de dire des contre-vérités. Nous voulons seulement rectifier une jurisprudence, et non des articles de la loi Évin.

M. Arnaud Robinet et M. Thierry Benoit. Très bien !

M. Gilles Savary. Cette jurisprudence, en effet, fragilise l’œnotourisme et le simple fait d’évoquer un terroir. Lorsqu’un terroir a donné son nom à une vigne, le simple fait de nommer ce terroir, qui rappelle un produit alcoolisé, peut se révéler risqué. Il est vrai, je vous en donne acte, que cela ne débouche pas toujours sur un procès. Il y en a pourtant eu un à Bordeaux, à propos d’une affiche qui disait : « Buvez moins, buvez meilleur. » Quel crime de dire cela ! Et pendant ce temps-là, les publicités pour la vodka fleurissent dans toutes les rues de Paris. Voilà ce que ressentent nos viticulteurs. Et il n’est pas besoin de lire Fernand Braudel pour savoir que, de temps immémorial, le vignoble fait partie du patrimoine de la France, de son identité, de ses paysages, de son attractivité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains, du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Jean-François Copé. Très bien ! Vous avez raison !

M. Gilles Savary. Si on n’était pas hypocrite, on aurait le courage de demander l’arrachage de toutes les vignes. Mais comme on est hypocrite, on fait du politiquement correct dans nos assemblées. Je crois qu’il faut retrouver un peu de mesure. Surtout, je vous le dis, les Français commencent à être saturés d’infantilisation et d’interdits. (Applaudissements et « Bravo ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. J’aimerais que vous tous fassiez preuve d’autant de passion sur beaucoup d’autres sujets. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Laisser entendre que les défenseurs de la loi Évin ne défendraient pas le patrimoine est absolument irrecevable. J’entends de grandes envolées lyriques sur la gastronomie, les vins, les régions, le terroir, notre patrimoine : personne ne le conteste. Figurez-vous qu’il y a même une vigne à Suresnes, en banlieue parisienne. Je défends donc la vigne de Suresnes. Mais ces envolées lyriques n’ont pas grand-chose à voir avec la santé publique. Or c’est de cela que nous parlons.

L’adoption de l’article 4 ter serait un retour en arrière, sur une loi qui vise à éviter l’excès de consommation d’alcool. Ce serait un mauvais signal donné à notre société. Ce serait ouvrir des portes dangereuses. J’ajoute que la loi Évin – et cela a été dit – n’a jamais empêché, ni la route des vins, ni l’œnotourisme, ni personne de déguster le bon vin de notre terroir.

M. Arnaud Robinet. Nous sommes d’accord, mais ce n’est pas le sujet !

Mme Jacqueline Fraysse. Par conséquent, nous ne parlons pas de la même chose : nous parlons ici de santé publique, et j’aimerais que nous restions dans le sujet.

Je voterai donc l’amendement n715 présenté par Catherine Lemorton. Je voterai ensuite contre l’article 4 ter et je demande, madame la présidente, un scrutin public sur l’article lui-même.

Il faut dépassionner le débat et veiller à ne pas dévier du sujet abordé.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales et M. Philippe Noguès. Très bien !

Mme la présidente. Sur l’article 4 ter, je suis donc saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. L’article 4 ter adopté par le Sénat est parfaitement équilibré. Comme tous nos collègues l’ont déjà dit, il ne s’agit pas du tout d’assouplir l’encadrement de la publicité, mais bien de clarifier juridiquement cette notion de publicité.

L’amendement n715 de Mme Lemorton a suscité une longue discussion, qui s’éternise depuis plus d’une heure alors que nous examinons un projet de loi relatif à la santé. En fait, les signataires de l’amendement veulent détricoter ce qui a été fait au Sénat. Chacun s’est exprimé en faveur de ses terroirs : nous avons fait un tour de France des vignobles et de l’œnologie. C’est très bien, mais il faut maintenant passer au vote. Le groupe Les Républicains a demandé un scrutin public. Nous voterons contre l’amendement n715, de même que nous voterons contre l’amendement n725 rectifié que M. Sebaoun présentera tout à l’heure. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n715.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants137
Nombre de suffrages exprimés134
Majorité absolue68
Pour l’adoption32
contre102

(L’amendement n715 n’est pas adopté.)

(Applaudissements sur divers bancs.)

Mme la présidente. Nous en venons à l’amendement n725 rectifié, sur lequel je suis saisie par le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Gérard Sebaoun, pour soutenir l’amendement.

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. Cet amendement vise à compléter l’article 4 ter, adopté par le Sénat, qui vient d’être conforté, à une écrasante majorité, par le vote de l’Assemblée. Plusieurs députés ont rappelé le fondement juridique de cet article 4 ter et insisté sur la nécessité de le maintenir dans le texte issu du Sénat. Mais je les ai écoutés très attentivement et j’ai retenu ceci : s’il est nécessaire de conforter nos territoires, nos vignobles, l’œnotourisme et notre patrimoine, il est tout aussi nécessaire de préserver la santé publique. C’est l’objet de ce projet de loi.

C’est pourquoi j’ai déposé cet amendement n725 rectifié, qui s’inscrit dans la droite ligne de nombreuses interventions que j’ai écoutées très attentivement. Il vise à compléter l’article 4 ter en prévoyant que « les contenus, images, représentations, descriptions, commentaires ou références » mentionnés à l’alinéa précédent « ne doivent pas délivrer de message ou comporter une mise en scène valorisant et incitant à la consommation d’une boisson alcoolique ». J’ai donné quelques exemples dans mon intervention précédente.

Cet amendement peut être débattu. Néanmoins, il a le mérite de marcher sur ses deux jambes. D’un côté, il respecte l’article 4 ter dont l’Assemblée vient de refuser la suppression. De l’autre, il rappelle ce que beaucoup ont dit ici : la consommation d’alcool est délétère. Dans une loi de santé publique, je pense qu’il est important de le rappeler.

Mme la présidente. Monsieur le rapporteur, la commission s’est-elle prononcée sur cet amendement ?

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Non !

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. Non, madame la présidente, elle n’a pas examiné cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Je ne veux pas entrer dans la discussion visant à chercher quelle serait la meilleure rédaction de l’assouplissement de la loi Évin. Comme je l’ai dit au rapporteur, pour atteindre l’objectif poursuivi par ceux qui ont introduit l’article 4 ter, la rédaction proposée par le rapporteur est plutôt meilleure en termes juridiques et rédactionnels. Cependant, je donne pour ma part un avis défavorable à cet amendement, par cohérence avec la position qui est la mienne.

M. Jean-Claude Buisine. Très bien !

Mme Marisol Touraine, ministre. Je considère que l’assouplissement de la loi Évin doit être refusé, quelle que soit la rédaction adoptée pour cela.

M. Serge Janquin. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Avec un peu de ruse, l’amendement de M. Sebaoun vise à revenir sur l’article 4 ter tout en le maintenant. En effet, le second alinéa s’efforce de neutraliser les effets du premier. Cela appelle de ma part deux réflexions.

Tout d’abord, je m’interroge sur la portée juridique de cet amendement. Actuellement, aux termes de l’article L. 3323-2 du code de la santé publique, la propagande ou la publicité non conformes à la loi Évin sont pénalement réprimées. Si nous suivions M. Sebaoun, je ne sais pas, en lisant les deux alinéas successivement, si ce qui n’est pas une propagande ou une publicité par définition de la loi serait pénalement sanctionné. Ma première incertitude concerne donc la portée juridique de cet amendement : existe-t-il une sanction pénale ? Il est tout de même assez redoutable de ne pas savoir si un comportement est pénalement répréhensible ou non !

J’en viens à ma deuxième observation. Quelle est l’origine de l’article 4 ter ? Il vient d’une volonté de clarifier non pas la loi Évin, mais l’interprétation qu’en a donnée, de façon assez extrême, la Cour de cassation dans un arrêt de sa chambre criminelle du 3 novembre 2004. L’amendement adopté par le Sénat, qui reprend une rédaction gouvernementale, a au moins l’immense mérite d’être parfaitement clair.

M. Patrice Martin-Lalande. Excellent !

M. Denys Robiliard. Avec l’amendement de M. Sebaoun, cette clarté devient obscurité.

M. Jean-Claude Mathis. Eh oui !

M. Denys Robiliard. Clarté d’un côté, obscurité de l’autre : voilà un clair-obscur qui fait de M. Sebaoun un Rembrandt de l’amendement. (Sourires.)

M. Arnaud Robinet. Un Dark Vador !

M. Denys Robiliard. Je ne crois pas que cela soit suffisant pour adopter son amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Suguenot.

M. Alain Suguenot. Sans vouloir personnaliser le débat, je souhaite m’exprimer en tant que président des Hospices de Beaune. Il y a huit jours, nous avons organisé une vente pour permettre à l’Institut Curie de créer son premier institut d’immunothérapie pour lutter contre le cancer.

Permettez-moi de donner une interprétation de la loi Évin datant d’il y a dix années. À l’époque, il existait encore, sur nos courriers, des flammes postales des Hospices de Beaune. L’une de ces flammes représentait un verre vide et les Hospices de Beaune. Savez-vous ce que la loi Évin nous a contraints de faire ?

M. Thierry Benoit. De remplir le verre ! (Sourires.)

M. Alain Suguenot. De supprimer les Hospices de Beaune. Avec une interprétation particulière de la loi, nous avions le droit de garder le verre de vin, mais nous devions supprimer les Hospices…

Mme Jacqueline Fraysse. Cela n’a rien à voir avec la loi Évin !

M. Alain Suguenot. …qui permettaient paraît-il de valoriser le vin. C’est la raison pour laquelle l’amendement de M. Sebaoun est encore pire que le précédent.

M. Dominique Tian. Eh oui !

M. Alain Suguenot. Il apporte une complexité supplémentaire, alors que nous cherchons la clarification.

L’article 4 ter que nous avons soutenu tout à l’heure va complètement à l’encontre du désir de complexification que certains poursuivent encore aujourd’hui. Ce n’est pas parce que c’est la loi Évin, et que nous la défendons tous, que sa rédaction est parfaite. Aujourd’hui, grâce à l’article 4 ter, nous allons la simplifier. Il est nécessaire de voter l’article 4 ter et de rejeter l’amendement n725 rectifié.

M. Michel Piron. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Notre collègue Robiliard a entièrement raison. Mes chers collègues, si nous votions cet amendement, il serait interdit de diffuser tout James Bond à la télévision ou au cinéma, parce que James Bond boit du champagne Bollinger. (Sourires et exclamations.)

M. Bernard Accoyer. C’est pire que la prohibition !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n725 rectifié.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants130
Nombre de suffrages exprimés124
Majorité absolue63
Pour l’adoption11
contre113

(L’amendement n725 rectifié n’est pas adopté.)

(Exclamations sur divers bancs.)

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. Je n’ai pas eu le temps de voter, madame la présidente !

Mme la présidente. Mes chers collègues, j’annonce les résultats issus du vote. Ceux d’entre vous qui ont rencontré un problème iront voir le service de la séance.

Je mets aux voix l’article 4 ter.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants135
Nombre de suffrages exprimés131
Majorité absolue66
Pour l’adoption102
contre29

(L’article 4 ter est adopté.)

(Applaudissements sur divers bancs.)

Article 5

Mme la présidente. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 5.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. L’article 5 vise à offrir aux industriels de l’agroalimentaire et à la grande distribution la possibilité de procéder à un étiquetage nutritionnel.

Ceux qui ne s’occupent de la santé publique que lorsqu’on discute de l’alcool et qui quittent actuellement l’hémicycle pourraient-ils faire silence ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Ayez au moins la décence de quitter l’hémicycle en silence ! Le débat sur la santé publique continue !

Nous considérons que l’article 5 comporte une mesure utile, propre à combattre la malbouffe et à prévenir l’obésité.

Nous savons cependant que cette mesure fait débat. D’un côté, le Haut Conseil de la santé publique a publié en août dernier un rapport préconisant l’utilisation d’un code couleur pour informer les consommateurs sur la qualité nutritionnelle des produits alimentaires. Ce rapport recoupe partiellement celui que le professeur Serge Hercberg, nutritionniste à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale – INSERM –, a publié en 2013. De l’autre, l’industrie agroalimentaire et la grande distribution sont fermement opposées à cette mesure et multiplient les actions de lobbying pour la torpiller.

Malheureusement, ces groupes de pression sont très puissants, bien organisés et disposent de moyens financiers pour lutter contre ces dispositions. Ils sont notamment parvenus à enterrer une tentative de l’Union européenne de mettre en œuvre un tel étiquetage nutritionnel. C’est ce qu’indique par exemple le rapport d’une ONG hollandaise, qui a montré que l’industrie agroalimentaire a dépensé un milliard d’euros en actions de lobbying pour que le projet européen visant à instaurer des feux tricolores pour l’étiquetage des produits agroalimentaires ne passe pas. Il s’agit évidemment d’une somme relativement modeste pour un secteur qui brasse 985 milliards d’euros par an.

Mme Isabelle Le Callennec. Certes, mais c’est un secteur qui ne va pas très bien en ce moment !

Mme Jacqueline Fraysse. Je ne doute pas que, dans notre hémicycle, certains collègues défendront les arguments de l’industrie agroalimentaire. J’espère que nous aurons la force d’imposer, en France et en Europe, cet étiquetage indispensable pour l’intérêt général.

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Il me semble que l’emballage et l’étiquetage d’un produit font désormais partie des préoccupations de notre population. Cette dernière est attentive non seulement à la qualité de l’emballage, à son image, à l’impression qu’il renvoie, mais aussi à son contenu. Un nombre croissant de nos concitoyens regardent de manière très précise ce qui est écrit sur l’étiquette : ils font des comparaisons sur le taux et la nature des matières grasses, sur les additifs, sur les taux de glucides ou de protides. Cette évolution positive reflète une meilleure éducation de la population, et donc une meilleure alimentation et une meilleure nutrition.

Il me semble tout à fait indispensable d’aller dans ce sens, de conforter encore cet accès à une information nutritionnelle simple, bien présentée et visuellement compréhensible.

Il faut aller dans ce sens d’une manière astucieuse et nous affinerons progressivement. Mais il faut le faire car c’est utile pour la population. Il faut éduquer tant les adultes que les jeunes. On sait que les enfants sont un vecteur important dans cette éducation. Ils peuvent jouer un rôle important et inciter les parents à manger mieux.

Bien sûr, ils mangeront toujours des bonbons et des chocolats avec volupté, mais ils pourront aussi empêcher leurs parents d’acheter des aliments trop gras ou trop industriels. Je soutiens pour ma part l’agroalimentaire en France, mais il me semble que l’étiquetage va dans le bon sens et rendra service à tout le monde.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Liebgott.

M. Michel Liebgott. Je profite de l’article 5 pour élargir le propos et ne m’exprimer qu’une seule fois. Il a été dit tout à l’heure que l’exercice physique peut être remboursé par la Sécurité sociale, c’est une excellente chose. Les actions anti-obésité devraient l’être également. Nous étions à deux doigts tout à l’heure de considérer que la consommation modérée d’alcool pouvait l’être aussi. Nous avions en effet évoqué à demi-mot les effets cardiovasculaires positifs. D’autres ont au contraire fait valoir que les effets étaient négatifs pour ce qui concerne les cancers, notamment en cas d’abus de consommation de vin.

J’en viens aux sujets qui nous intéressent avec cet article 5, et je veux parler du paquet neutre.

M. Bernard Accoyer. Ce n’est pas l’objet de cet article.

M. Michel Liebgott. En tant qu’élu frontalier, cette question me concerne à plus d’un titre. Un journal local titrait ce matin : « Coup de tabac dans le commerce ».

M. Bernard Accoyer. On ne parle pas du paquet neutre.

M. Michel Liebgott. Depuis l’instauration de l’état d’urgence et de contrôles aux frontières, les consommateurs ne se rendent plus dans le pays voisin, en l’occurrence le Luxembourg, mais consomment de nouveau en France, afin de ne pas être contrôlés.

M. Bernard Accoyer. Ce n’est pas l’article 5. Il s’est trompé, madame la présidente.

M. Michel Liebgott. Dès lors qu’ils consomment à nouveau en France, les affaires reprennent pour les vendeurs de tabac en France. Je le dis clairement, je suis mandaté, comme d’autres l’étaient sur l’alcool, pour demander que des mesures particulières soient prises en direction des personnes qui sont lésées…

M. Bernard Accoyer. Ce n’est pas le bon article !

M. Michel Liebgott. Je sais, mon cher collègue, qu’il s’agit de l’article suivant, mais cela évitera que je m’exprime une nouvelle fois.

M. Bernard Accoyer. C’est pour pouvoir partir plus tôt !

Mme la présidente. Seul M. Liebgott a la parole.

M. Michel Liebgott. Je dis clairement que je souhaite des mesures de compensation par rapport au paquet neutre. Pour autant, je serai fidèle à l’orientation du Gouvernement, car il faut lutter contre la consommation excessive de tabac.

M. Bernard Accoyer. N’importe quoi.

M. Michel Liebgott. Dernier point, même si cela peut vous énerver, je conclus en disant que cette loi est excellente, y compris sur les sujets sur lesquels je ne me suis pas exprimé.

M. Bernard Accoyer. Et alors ?

M. Michel Liebgott. Je rencontre beaucoup de médecins qui doutent de cette loi, et pour autant, je suis favorable au tiers payant même si cela énerve certains.

M. Arnaud Robinet. N’importe quoi.

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement n761.

M. Arnaud Richard. L’article 5 pose le principe, dans le code de la santé publique, d’une information nutritionnelle synthétique, simple, largement accessible. La mise à disposition de cette information serait volontaire de la part des producteurs et des distributeurs.

La forme que prendrait cette information pourrait s’appuyer sur des recommandations dont les modalités d’établissement seraient renvoyées à un décret d’application. Ces recommandations devront se fonder sur une analyse scientifique. Nous considérons que la mise en œuvre d’un étiquetage complémentaire doit mobiliser l’ensemble des professionnels du secteur de l’alimentation et faire l’objet d’une concertation approfondie de manière à ce que son impact sur les comportements alimentaires soit le plus efficace possible.

Si nous soutenons les objectifs poursuivis par cet article, nous estimons néanmoins souhaitable que la mise en œuvre d’un tel étiquetage nutritionnel complémentaire fasse au préalable l’objet d’une expérimentation permettant d’en mesurer l’impact et les effets en termes d’information du consommateur avant une éventuelle généralisation.

Il nous faut un étiquetage simple et compréhensible par tous, largement répandu. Tel est l’objet du présent amendement. L’idée de l’expérimentation vise surtout à faire en sorte que l’État édicte par décret des recommandations appropriées pour une pleine et entière généralisation dans de bonnes conditions.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. M. Richard demande une expérimentation alors que le dispositif de l’article 5 est facultatif. Je reconnais volontiers que la lecture même de l’article qui fait quatorze lignes, avec des virgules, mais sans points, pose une réelle difficulté.

Mme Isabelle Le Callennec. Exactement !

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. Le verbe important dans cette phrase est « pouvoir ». Il est donc possible pour les industriels d’aller dans le sens de cet article, c’est-à-dire de mettre en place une information nutritionnelle pour le public.

M. Arnaud Richard. Cela ne marchera pas. On se fait plaisir à bon compte !

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. L’expérimentation ne paraît pas légitime dans la mesure où les industriels peuvent le faire. Avis défavorable, donc.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Je profite de l’amendement de M. Richard, auquel je donne un avis défavorable pour les raisons qui viennent d’être exprimées par le rapporteur, pour indiquer quelle est la logique qui sous-tend l’article 5, dont la mise en œuvre se fera sur la base du volontariat.

Quel est l’enjeu ? Faire face à l’un des défis de santé publique majeur auquel nous sommes confrontés en France, ailleurs dans le monde également, mais nous travaillons pour notre pays, à savoir ce que l’on appelle désormais « l’épidémie de diabésité ».

De plus en plus, on voit des jeunes et des moins jeunes en surpoids, parfois obèses. Et l’on s’aperçoit qu’il y a un lien très direct avec la qualité et la nature de l’alimentation.

Sur les produits industriels transformés figure toute une série d’informations. L’article 5 ne propose pas d’ajouter une information supplémentaire ni d’apporter un élément nouveau. Il vise à synthétiser les éléments qui aujourd’hui figurent sur les emballages de manière à ce qu’ils soient plus simples, plus lisibles, plus compréhensibles par les acheteurs, les consommateurs.

Je veux insister sur ce point. Si on ajoutait un élément, on pourrait avoir l’impression que l’on viendrait complexifier la lecture des informations sur des paquets de biscuits par exemple, des produits industriels préparés et qu’en fin de compte l’on ne s’y retrouverait plus.

Mais je mets au défi quiconque ici de comprendre quelle est la qualité nutritionnelle d’un produit entre les différentes informations : la quantité de gras, le nombre de calories, le sucre, le sel. Bref, on est incapable de l’identifier. L’objectif est bien la clarification.

Vous demandez une expérimentation, mais le processus sera volontaire. Le journal UFC-Que choisir s’est fortement engagé en mettant sur son site et en publiant dans un de ses numéros une appréciation nutritionnelle de toute une série de produits à partir du logo nutritionnel établi par M. Hercberg, c’est-à-dire sur des bases scientifiques. C’est très intéressant car chacun peut découvrir que des produits qu’il pensait être de moindre qualité nutritionnelle que d’autres étaient en réalité tout à fait positifs au regard de l’alimentation et que d’autres qui paraissaient sains, l’étaient beaucoup moins en raison de la présence de produits qui n’apparaissent pas sur l’étiquetage.

L’enjeu de cet article, c’est d’informer les consommateurs, de leur donner des moyens de mieux choisir, de mieux consommer pour mieux protéger leur santé.

Le caractère volontaire de la démarche, monsieur le député, permet de répondre à vos inquiétudes.

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. C’est précisément parce que je crois à ce que vous dites, madame la ministre, que je pense que la démarche ne doit pas être volontaire. Cela ne marchera pas. N’imaginez pas que les différents secteurs d’activité vont mettre en œuvre cet article. Vous vous mettez le doigt dans l’œil, madame la ministre.

Grâce à l’expérimentation que je propose, la puissance publique pourra jouer son rôle, M. Sebaoun ne me contredira pas, et décider d’une expérimentation dans tel secteur d’activité ou sur tel type de produit. Avec cet article, vous allez vous faire plaisir, mais il ne se passera rien. Ma proposition est de faire en sorte que l’État se donne les moyens de faire advenir quelque chose : expérimenter dans un secteur d’activité, établir un cahier des charges commun. Et ce débat, nous l’avons depuis des années, je ne le découvre pas. Avec le volontariat, il ne se passera rien !

(L’amendement n761 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Roumégas, pour soutenir l’amendement n470.

M. Jean-Louis Roumégas. L’ensemble du groupe écologiste soutient l’article 5. J’ajouterai aux propos du rapporteur et du Gouvernement que cet article ne se borne pas à ouvrir une possibilité. Il l’encadre et permet que les fabricants ou les distributeurs n’apposent pas n’importe quel logo nutritionnel, mais qu’ils se conforment au travail de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail – l’ANSES – qui fixera les règles.

J’ajoute qu’un certain nombre de producteurs demandent de pouvoir utiliser ces logos ; cela peut donc avoir un effet d’entraînement. Contrairement à M. Richard, je ne pense pas que cela soit inutile.

M. Arnaud Richard. On verra.

M. Jean-Louis Roumégas. Cela étant, je déplore que l’on s’en tienne à l’aspect nutritionnel au sens très classique du terme, c’est-à-dire la quantité de sucre, de sel et de matières grasses. C’est évidemment utile, mais c’est insuffisant. Vous avez parlé de diabésité, madame la ministre. De nombreuses recherches montrent que le diabète et l’obésité ne sont pas seulement liés à la surconsommation de sucre ou de matières grasses, mais également aux problèmes de perturbation endocrinienne. De nombreuses études le prouvent.

Pour ma part, au-delà de l’information nutritionnelle, j’aurais souhaité que l’on mentionne aussi les additifs alimentaires, les colorants, les exhausteurs de goût, les conservateurs ainsi que les produits ajoutés par l’industrie agroalimentaire, lesquels posent aussi un problème. En ce domaine, c’est encore plus difficilement lisible que les informations nutritionnelles. Je ne veux pas que cette information sur les additifs soit obligatoire, mais comme pour la qualité nutritionnelle, je souhaite que l’on ouvre la possibilité d’un étiquetage simplifié pour signaler les additifs ou l’absence d’additifs.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. Nous avons eu ce débat en commission, monsieur Roumégas. Je partage la philosophie de votre amendement. Néanmoins, les additifs sont déjà présents sur les emballages.

M. Jean-Louis Roumégas. Mais ils ne sont pas lisibles.

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. En effet, ils sont difficilement lisibles, comme l’a bien dit Mme la ministre. L’article 5 représente déjà une avancée significative. Cette première étape est nécessaire. Votre amendement est peut-être prématuré. L’illisibilité étant organisée aujourd’hui, commençons par rendre lisibles nos emballages. Si vous ne retiriez pas votre amendement, je donnerai un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Je comprends la préoccupation de M. Roumégas et je ne conteste pas le fait que des questions de santé puissent éventuellement être liées à des additifs. La présence ou non d’additifs figure sur le paquet. Certes, elle n’est pas très lisible, mais elle y figure. Pourquoi ne pas l’introduire dans le dispositif proposé ? Nous ne disposons pas d’éléments scientifiques qui permettraient d’avoir un logo intégrant l’ensemble de ces éléments.

Ce qui est proposé dans la loi est d’aller vers un logo du type de celui proposé par le professeur Hercberg qui a analysé les éléments tels que le gras, le sucre, le sel. C’est à partir de ces éléments qu’il a mis en place son code couleur. C’est à partir de ces éléments que la revue UFC-Que choisir propose une appréciation qui permet de calculer la valeur nutritionnelle des produits.

Vous proposez, monsieur Roumégas, d’ajouter un élément que nous ne saurions pas intégrer, d’un point de vue technique, dans le calcul global de la valeur nutritionnelle du produit. Je ne dis pas que cela ne sera pas possible un jour, mais à ce stade, nous ne sommes pas en mesure de le faire. Je donne donc un avis défavorable à votre amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Roumégas.

M. Jean-Louis Roumégas. L’objet de l’amendement est bien de mettre le Gouvernement et les agences sanitaires au travail sur cette question, comme cela a été fait sur la valeur nutritionnelle. La proposition du professeur Hercberg n’est pas la seule, et vous savez bien, madame la ministre, qu’il y a débat pour savoir si elle sera choisie. Vous ouvrez une possibilité d’information complémentaire et nous demandons seulement d’en ouvrir une autre concernant les additifs alimentaires. Au niveau européen, l’EFSA, European Food Safety Authority, travaille déjà sur ce sujet, qui va donc revenir. Il ne s’agit pas de verrouiller la question ici, mais au contraire d’en affirmer la réalité ; au Gouvernement ensuite de donner aux agences sanitaires de travailler là-dessus. Les études scientifiques existent, mais il faut encore avancer. Je ne vois pas en quoi le vote de cet amendement serait impossible aujourd’hui. Je le maintiens.

(L’amendement n470 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 87 et 500.

La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour soutenir l’amendement n87.

M. Jean-Pierre Door. Il n’y a pas eu de réelle interrogation sur la pertinence et l’intérêt scientifique du système mis en place par rapport au but recherché. Cet amendement propose donc de préciser clairement les étapes qui permettraient d’évaluer les différents systèmes possibles et leur intérêt pour le consommateur.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l’amendement n500.

M. Bernard Accoyer. En complément de ce qui vient d’être dit, j’ajoute que si on n’en connaît pas la pertinence, on n’en connaît pas non plus les effets. Il pourrait y avoir un effet favorable sur un certain plan, mais défavorable sur le plan psychologique. On connaît les origines des troubles du comportement alimentaire et il convient donc d’être prudent. C’est pourquoi ces amendements me paraissent importants.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. Ces amendements avaient été repoussés en première lecture car les travaux d’expertise menés par l’ANSES permettent d’apprécier la capacité globale du score nutritionnel, de différencier la qualité nutritionnelle des aliments par catégories et par familles de produits. L’expertise de l’ANSES, que personne ne conteste, constitue elle-même un élément d’appréciation du système proposé et donc de sa pertinence. De plus, le Haut Conseil de la santé publique a publié un avis, en août dernier, relatif à l’information sur la qualité nutritionnelle des produits alimentaires afin de fournir une évaluation globale de la pertinence des différents systèmes de différenciation en ce domaine. Les éléments à notre disposition montrent clairement la pertinence du dispositif proposé à l’article 5. L’avis est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Avis défavorable parce qu’il existe déjà des études scientifiques sur le sujet en France et au niveau européen. Le rapporteur a évoqué une étude de l’ANSES et celle du Haut Conseil de la santé publique, récente puisqu’elle date du mois d’août dernier, relative à l’information sur la qualité nutritionnelle des produits alimentaires dans le but de proposer une évaluation globale de la pertinence des différents systèmes d’information nutritionnelle synthétiques existant dans le monde.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Bricout.

M. Jean-Louis Bricout. J’ai un avis très réservé sur ce dispositif qui devrait favoriser l’équilibre alimentaire – on pense entre autres aux problèmes d’obésité –, mais l’information complémentaire ne portera que sur un produit à la fois alors que l’équilibre alimentaire se mesure par rapport à un ensemble de produits consommés, un menu par exemple. Vous avez parlé d’un dispositif fondé sur le volontariat, mais si je prends l’exemple du fromage, cela veut dire qu’on incitera par une pastille d’une certaine couleur à choisir un fromage complètement pasteurisé, à 0 % de matière grasse…

M. Bernard Accoyer. Touchez pas au reblochon ! (Sourires.)

M. Jean-Louis Bricout. …plutôt qu’un maroilles. Pourtant, le maroilles est-il mauvais pour la santé si on le consomme tranquillement, en fin de repas ? (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

(Les amendements identiques nos 87 et 500 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 88 et 502.

La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour soutenir l’amendement n88.

M. Jean-Pierre Door. L’avis du Conseil national de l’alimentation devrait être également demandé en raison de l’approche socio-économique que cette instance développe.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l’amendement n502.

M. Bernard Accoyer. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. S’agissant du Conseil national de l’alimentation, il émet en effet des avis éclairés, mais ce n’est pas une instance scientifique comme l’exige le règlement européen. Par ailleurs, le décret prévoira les modalités de contribution des différents groupes d’intérêts, certains étant déjà représentés au Conseil national de l’alimentation – je pense aux producteurs et aux distributeurs. L’avis est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Même avis. Mais je voudrais dire à M. Bricout qu’il fait dire à cet article beaucoup plus que son contenu. Il ne s’agit pas d’autre chose que d’informer sur la qualité d’un produit à partir d’informations qui existent déjà sur les paquets, mais en termes plus simples, plus compréhensibles. Nous ne sommes donc pas dans une démarche de régulation de la composition des menus. Mais il y a débat sur la meilleure manière de rendre ces indicateurs synthétiques plus lisibles.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Bricout.

M. Jean-Louis Bricout. Ce sera certes volontaire, mais on va tout de même flécher certains produits à 0 %. Si on leur colle une pastille verte, cela veut dire que les autres méritent une pastille rouge.

Cela veut dire qu’on choisira moins les produits qui font partie de notre patrimoine, tels que les fromages comportant des matières grasses sans être forcément mauvais pour la santé.

M. Bernard Accoyer. C’est exactement ça ! Il s’agit d’un hygiénisme obsessionnel !

M. Arnaud Richard. Ne vous inquiétez pas, il ne se passera rien !

M. Jean-Louis Bricout. Je mange du maroilles sans être pour autant obèse.

(Les amendements identiques nos 88 et 502 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Pellois, pour soutenir l’amendement n594.

M. Hervé Pellois. S’il est important de parvenir à un étiquetage nutritionnel simple, incontestable et cohérent avec notre modèle alimentaire, il est tout aussi important de préciser que l’élaboration de ce logo doit faire l’objet d’une concertation entre les acteurs concernés : producteurs, industriels, distributeurs, scientifiques et associations de consommateurs. Plusieurs propositions de logo ont été faites par ces acteurs, et dans l’intérêt de tous, il est indispensable d’arriver à un consensus validé par les scientifiques et par les acteurs de la chaîne alimentaire qui seront chargés de sa mise en œuvre.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. Je remercie MM. Garot et Pellois d’ouvrir le débat sur ce point. J’ai dit que l’ANSES avait les capacités d’expertise concernant l’étiquetage et que le Conseil national de l’alimentation, s’il avait également la capacité d’émettre un avis, n’était pas un expert en la matière. Ils nous proposent d’introduire, aux côtés de l’ANSES, des « représentants des producteurs, des industriels, des distributeurs, des associations de consommateurs et des scientifiques ». En y réfléchissant, il me semble que le nombre des intervenants pourrait être considérable au sein de chacun des secteurs précités. À ce stade, l’avis d’une agence aussi reconnue que l’ANSES suffira puisque celle-ci met en œuvre une expertise collective et contradictoire en confrontant les opinions et les connaissances scientifiques en toute indépendance. Dans un certain nombre de cas, elle peut également enrichir son rapport de contributions venues de responsables des organisations professionnelles que vous évoquez, et ces contributions sont rendues publiques. L’Agence fera donc une analyse détaillée dans le cadre de l’élaboration de ses recommandations. L’amendement me semble dès lors satisfait, mais j’aimerais entendre le Gouvernement.

M. Jean-Louis Dumont. Y a-t-il encore de la place pour le brie au lait cru ?

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Il y a de la place pour tout, monsieur le député. L’alimentation peut être variée tout en étant modérée et raisonnable. Il s’agit d’informer, et les consommateurs le demandent d’ailleurs. C’est totalement ignorer les évolutions de la société que de ne pas le voir. Ensuite, ils prennent les décisions qu’ils souhaitent, sur une base éclairée, pour consommer tel ou tel produit à telle ou telle occasion ou de façon plus régulière. Un groupe de travail se réunit depuis le mois de mars dernier. Il réunit acteurs, consommateurs et scientifiques.

Par conséquent, tous ceux que vous avez évoqués, monsieur Pellois, travaillent déjà ensemble – ce qui ne veut pas dire qu’ils aillent nécessairement tous dans le même sens – pour faire des propositions. Ce groupe de travail s’est déjà réuni six fois et une prochaine réunion est prévue début décembre. Il n’a jamais été question de laisser les acteurs économiques de côté, d’autant moins que, comme le disait M. Richard, l’un des enjeux est de susciter des volontaires pour apposer sur les produits le logo qui sera retenu pour informer les consommateurs. L’intérêt de tous, c’est donc évidemment que chacun participe, soit écouté et apporte sa contribution. Par ailleurs, nous disposons d’un rapport de l’ANSES et des recommandations du Haut Conseil de la santé publique. C’est à partir de tout cela que se prendront les décisions sur le type de dispositif à mettre en place. Par conséquent, à bien des égards, votre demande est satisfaite. Je demande donc le retrait. À défaut, l’avis serait défavorable.

Mme la présidente. Monsieur Pellois ?…

M. Hervé Pellois. Je le retire, madame la présidente.

(L’amendement n594 est retiré.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’une série amendements identiques, nos 6, 101, 488, 523 et 744.

La parole est à M. Gérard Bapt, pour soutenir l’amendement n6.

M. Gérard Bapt. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. Élie Aboud, pour soutenir l’amendement n101.

M. Élie Aboud. Des règles d’information générales seraient susceptibles de brouiller l’information destinée à certaines populations, voire d’aller à l’encontre des recommandations particulières édictées par les professionnels de santé : je pense aux nourrissons, à des intolérants au gluten. Tel est le sens de cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Pellois, pour soutenir l’amendement n488.

M. Hervé Pellois. Pour des produits spécifiques, c’est une aberration de prévoir un système trop contraignant.

M. Bernard Accoyer. Bien sûr !

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour soutenir l’amendement n523.

Mme Isabelle Le Callennec. L’article 5 concerne la déclaration nutritionnelle obligatoire et l’introduction de graphiques. L’alinéa 4 expose que les modalités seront précisées par décret. Nos amendements visent à insérer, après l’alinéa 4, l’alinéa suivant : « Ce même décret peut préciser les catégories de produits d’alimentation particulière pour lesquelles les informations mentionnées au premier alinéa ne sont pas pertinentes du fait de besoins nutritionnels spécifiques différents de ceux de la population générale. » Cela concerne près de 18 millions de personnes. Il s’agit en effet des nourrissons, des enfants en bas âge, des malades et des personnes âgées dénutris, des intolérants à certains constituants comme le gluten, des personnes qui souhaitent perdre du poids ou le stabiliser, et des grands sportifs. Il serait donc sage de préciser dans ce décret que toutes ces catégories sont exclues du nouveau dispositif, d’autant plus que les aliments concernés font déjà l’objet de réglementations spécifiques, nationales ou européennes.

Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Guittet, pour soutenir l’amendement n744.

Mme Chantal Guittet. J’ai les mêmes arguments. Je crains qu’une mère de famille qui achète du lait pour son nourrisson, voyant un symbole signifiant « Lait très gras », en soit dissuadée.

M. Bernard Accoyer. On va faire une génération d’anorexiques avec tout ça !

Mme Chantal Guittet. Mon amendement est peut-être prématuré parce que ce n’est pas encore obligatoire, mais il est important de signaler le problème à titre préventif.

M. Bernard Accoyer. On n’aura plus qu’à prendre des anxiolytiques !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements identiques ?

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. Ces amendements visent à exclure certaines denrées alimentaires, destinées à des population particulières, du champ d’application de la réglementation prévue à l’article 5. Cela me paraît inutile puisque je rappelle que le dispositif sera facultatif. Les producteurs et les distributeurs de ces produits auront donc le choix de mettre en œuvre ou pas la réglementation. Ceux qui ne le souhaiteront pas n’y seront pas contraints. L’avis est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. C’est une demande de retrait. À défaut, l’avis serait défavorable. En effet, d’une part, la notion de « catégories de produits d’alimentation particulière » ne permet pas d’identifier précisément les produits qui seraient concernés…

Mme Isabelle Le Callennec. On l’a précisé dans l’exposé sommaire !

Mme Marisol Touraine, ministre. …et, d’autre part, il ne peut pas y avoir d’étiquetage obligatoire dans l’état actuel du droit européen. La démarche sera donc volontaire et encadrée par la réglementation communautaire. Celle-ci indique si un État membre peut déroger au caractère volontaire ou non d’une mesure.

En matière d’information portée sur les paquets, l’Union européenne dispose que les États membres peuvent faire ce qu’ils souhaitent, dès lors que la démarche introduite est volontaire, mais qu’ils ne peuvent pas imposer de contraintes supplémentaires d’étiquetage. Les préoccupations exprimées me semblent donc bien trouver là une réponse.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Les explications données par M. le rapporteur et Mme la ministre nous satisfont : cet amendement d’appel était avant tout destiné à leur faire préciser que ces dispositions ne concernent pas certaines alimentations strictement normées. Au nom de Mme Maquet, je retire donc cet amendement.

(L’amendement n6 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Pellois.

M. Hervé Pellois. L’amendement n488 est retiré.

(L’amendement n488 est retiré.)

(Les amendements identiques nos 101, 523 et 744 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Orliac, pour soutenir l’amendement n271.

Mme Dominique Orliac. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. Votre amendement, madame Orliac, vise à rétablir une disposition adoptée par le Sénat, prévoyant que l’arrêté déterminant la teneur maximale en sucres ajoutés contenue dans les denrées alimentaires distribuées outre-mer soit signé par le seul ministre chargé des outre-mer, non plus également par les ministres chargés de la santé, de l’agriculture et de la consommation.

La commission a supprimé cette disposition qui est aujourd’hui sans objet. Depuis son vote au Sénat, un accord interministériel a été trouvé sur l’arrêté, qui a été notifié il y a deux semaines à la Commission européenne.

Sur le fond, s’agissant d’une question de santé publique, il importe que la ministre de la santé y soit associée : dans ce dossier transversal, il n’aurait pas été pertinent de revenir sur ce caractère interministériel. Je vous suggère donc, madame Orliac, de retirer votre amendement. À défaut, je demanderai à l’Assemblée de le rejeter.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Même avis.

(L’amendement n271 n’est pas adopté.)

(L’article 5 est adopté.)

Article 5 bis AA

Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n536.

M. Lionel Tardy. La semaine dernière, en adoptant un de mes amendements, la commission a supprimé un rapport qui aurait conduit à perdre du temps. Il en va de même avec cet amendement de suppression de l’article 5 bis AA, qui prévoit un rapport sur l’amélioration de l’information nutritionnelle dans la restauration collective.

Chacun sait que ces rapports sont rarement remis en temps utile, quand bien même ils sont remis. L’article précise que « cette mesure s’intègre dans un projet de santé publique, qui articule la qualité d’accueil dans les restaurations collectives avec un projet d’éducation à la santé, permettant aux usagers de la restauration collective, en premier lieu les élèves des établissements scolaires fréquentant la cantine, de faire des choix nutritionnels, adaptés à leur santé et à leur activité physique ». On ne peut qu’adhérer à un tel projet, notamment pour lutter contre l’obésité infantile. Mais, si le Gouvernement est favorable à un plan comportant de telles mesures d’information, qu’il l’applique plutôt que d’attendre six mois après la promulgation de la loi, pour remettre un rapport.

Cette disposition, je le rappelle, a été ajoutée par le Sénat. Elle ne peut être qu’un vœu pieux : il revient au Gouvernement de prendre de telles décisions, plutôt que de perdre du temps. Nous attendons des réponses à ce sujet.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. J’entends l’aversion de M. Tardy pour les rapports, sentiment auquel l’on peut souscrire. Néanmoins, la restauration collective, vous l’avez vous-même remarqué, monsieur Tardy, concerne nos enfants, les étudiants, les salariés de ce pays, donc des millions de personnes qui ont droit à une information, la plus précise possible. En ce sens, un rapport pourra être fort utile. Je partage donc l’avis du Sénat, et donne un avis défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Même avis.

(L’amendement n536 n’est pas adopté.)

(L’article 5 bis AA est adopté.)

Article 5 bis A

Mme la présidente. Deux orateurs sont inscrits sur cet article.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet article vise à interdire les fontaines à boissons sucrées en libre accès dans les lieux recevant du public. Comme l’étiquetage nutritionnel, il s’agit d’une bonne mesure pour la santé publique, car elle participe de la lutte contre l’épidémie d’obésité.

Nous ne comprenons cependant pas pour quelles raisons et à quel titre les ministres de l’agriculture et de la consommation devraient être cosignataires, avec la ministre de la santé, de l’arrêté fixant la liste des boissons concernées. En effet, s’agissant d’une mesure qui a essentiellement trait à la santé publique, seul le ministre de la santé est habilité à trancher : qu’il consulte ses collègues de l’agriculture et de la consommation semble normal, voire indispensable. Prévoir une cosignature de l’arrêté revient en revanche à multiplier inutilement les obstacles.

Ne nous voilons pas la face : cette liste fera l’objet d’une âpre bataille, où s’opposeront de nombreux groupes de pression. Le débat sur l’opportunité d’y faire figurer telle ou telle boisson peut avoir lieu – je ne dénie pas aux industriels le droit de faire valoir leurs arguments. Pour que ce débat reste essentiellement guidé par des préoccupations de santé publique, il apparaît toutefois nécessaire que seul le ministre de la santé ait le dernier mot en la matière.

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Le groupe UDI est à l’origine de cet article, qui vise à interdire la pratique dite du free refill ou renouvellement gratuit, consistant pour une enseigne à proposer des sodas à volonté. Cette pratique, qui se développe en France depuis quelques années, va à l’encontre des préconisations en matière de santé publique, et met en danger les populations, souvent les plus fragiles et défavorisées, touchées par l’obésité. Les sodas, qui apportent des calories en nombre, favorisent le surpoids, l’obésité et les pathologies nutritionnelles comme le diabète et l’hypertension.

Avec le premier Programme national nutrition santé, en 2001, la France a été pionnière dans l’adoption d’une politique effective et durable de santé publique nutritionnelle. Ce programme, qui visait à réduire de 25 % la proportion des enfants consommant plus d’un demi-verre de boisson sucrée par jour, avait également pour objectif de promouvoir le repère de consommation « Eau à volonté » : l’eau est la seule boisson indispensable. Désolé pour cette minute de publicité en faveur de l’eau… (Sourires.)

Il semble donc cohérent de poursuivre dans cette voie, en interdisant les promotions au volume pour des aliments et boissons dont la qualité nutritionnelle est considérée comme défavorable à la santé. Cet article donne un cadre contraignant à la pratique des fontaines à sodas : sans toucher à la possibilité de vendre à l’unité, il interdit de mettre à disposition un surplus.

La nouvelle rédaction proposée par le Gouvernement circonscrit le champ des prestations interdites – le libre-service, mais pas l’offre forfaitaire proposant un service –, permettant non seulement de répondre au principe de proportionnalité mais aussi de délimiter le champ des lieux concernés.

J’entends le refus exprimé par Jacqueline Fraysse d’un arrêté pris par trois ministres. J’espère que le Gouvernement, en appliquant cette disposition à laquelle il est manifestement favorable, puisqu’il reprend notre proposition en l’améliorant, privilégiera l’angle de la santé publique, justement souligné par Jacqueline Fraysse.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement n811.

Mme Marisol Touraine, ministre. Comme vient de l’indiquer M. Arnaud Richard, le groupe UDI avait proposé en première lecture à la commission un article, devenu l’article 5 bis A, visant à interdire dans le code de la santé publique la mise à disposition en libre-service, payant ou non, de fontaines proposant des boissons avec ajout de sucres ou d’édulcorants de synthèse, dans tous les lieux ouverts au public ou recevant du public.

Vous avez rappelé, monsieur le député, que la France a été et est pionnière, en matière d’information et de lutte contre ce qui favorise l’obésité. Les Programmes nationaux nutrition santé, dont le premier date en effet de 2001, ont été poursuivis sans relâche dans les années suivantes. Nous avons pris de nouvelles dispositions en la matière il y a peu de temps.

Les statistiques du surpoids en France attestent que la constance de l’action publique a donné des résultats : le nombre d’enfants ou d’adultes obèses ou en surpoids est moins important en France que dans d’autres pays. Néanmoins, les modes et les modèles de consommation évoluant, les pratiques commerciales changeant, – les fontaines à sodas en sont la preuve –, de nouveaux mécanismes susceptibles de favoriser l’obésité apparaissent.

L’Assemblée avait adopté votre amendement, monsieur Richard ; le Sénat en a réécrit partiellement les dispositions, en retirant toute référence à la notion de gratuité ou de paiement. En deuxième lecture, la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale a adopté sans changement la rédaction issue du Sénat, notamment le passage de « l’offre à volonté » à la « mise à disposition en libre-service, payant ou non ».

L’amendement du Gouvernement vise à améliorer encore la rédaction de l’article, pour mieux assurer l’égalité de traitement entre les différentes offres à volonté, qu’elles prennent la forme de fontaines, de boissons à volonté inscrites dans un menu, d’offres gratuites ou assorties d’un forfait financier.

Je vous propose également, mesdames et messieurs les députés, d’ajouter le terme de « restauration » et d’inscrire qu’il s’agit notamment de cibler les lieux fréquentés par des mineurs, car les enfants sont les plus grands consommateurs de boissons sucrées. Le principal objectif de ces dispositions reste d’éviter que ne s’instaurent de mauvaises habitudes alimentaires dès l’enfance.

Cet amendement, qui s’inscrit dans le droit fil de la réflexion engagée en première lecture à l’Assemblée nationale, vise donc à préciser davantage la portée des dispositions adoptées.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. Cet amendement a été accepté par la commission des affaires sociales au titre de l’article 88. Je voudrais abonder dans le sens d’Arnaud Richard et du Gouvernement : ces fontaines à soda sont un véritable drame, notamment aux États-Unis.

La revue Obesity publie ainsi les résultats d’une étude sur 43 enfants obèses âgés de 9 à 18 ans, qui présentaient un trouble métabolique chronique majeur. Soumis à un régime alimentaire à plus faible teneur en sucres durant neuf jours, ces enfants n’ont pas perdu de poids mais ont vu l’ensemble de leurs paramètres métaboliques s’améliorer. Abaisser très significativement le sucre chez de tels patients constitue donc une valeur sûre, pour lutter contre l’obésité comme pour améliorer la santé publique.

(L’amendement n811 est adopté.)

(L’article 5 bis A, amendé, est adopté.)

Article 5 bis B

Mme la présidente. La commission a supprimé l’article 5 bis B.

Article 5 bis

Mme la présidente. La commission a supprimé l’article 5 bis.

Article 5 ter

Mme la présidente. La commission a supprimé l’article 5 ter.

Article 5 quater

(L’article 5 quater est adopté.)

Article 5 quinquies A

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Lemorton, pour soutenir l’amendement n714.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cet amendement tend à supprimer l’article créant un délit d’incitation à la maigreur excessive, visant ainsi les sites dits « pro-ana » sur Internet.

Cet article est en effet consacré exclusivement à l’anorexie. Or les troubles du comportement alimentaire dépassent très largement les sites « pro-ana » : il existe aussi des troubles liés à la pré-obésité et au surpoids. Axer nos efforts uniquement sur l’anorexie serait à mon avis une erreur.

En outre, j’ai entendu les professionnels qui s’occupent de ces jeunes femmes ; ils m’ont expliqué que ces sites étaient pour eux une mine d’informations, qu’ils leur permettaient de savoir comment elles se parlent entre elles et comment elles vont chercher des informations.

Je n’insisterai pas davantage sur ce point, mais ce ne sont pas ces sites qui incitent à la maigreur. L’anorexie mentale est une maladie psychiatrique, qu’il importe de soigner ; ce n’est pas en allant sur de tels sites que les jeunes filles décident d’entrer en anorexie et de maigrir. Cette tendance existe déjà chez elles ; aller sur un site leur permet d’établir des contacts avec d’autres personnes. Cela permet aux familles, aux accompagnants, aux personnes qui les suivent, aux soignants d’étudier leur comportement, de savoir où les chercher et comment leur parler.

Cet article ne me paraît donc pas aller dans le bon sens.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur cet amendement de suppression ?

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. L’article ayant été réintroduit en commission, la commission ne peut que donner un avis défavorable à l’amendement.

Néanmoins, en commission, les débats ont été longs. L’article prévoit une peine d’un an de prison et de 10 000 euros d’amende pour toute incitation à la maigreur excessive comportant des risques majeurs pour la santé, allant jusqu’à un danger de mort. En commission, j’ai fait part, à titre personnel, de mes interrogations concernant l’efficacité de telles sanctions, alors que, comme l’a rappelé Mme la présidente de la commission, les professionnels nous mettent en garde contre le fait qu’une telle mesure soit contre-productive.

Depuis plusieurs années, il existe des blogs, des forums de discussion, où les internautes parlent de leurs troubles alimentaires. L’étude ANAMIA, menée par des chercheurs reconnus entre 2010 et 2014, a pointé le risque qu’engendrerait une neutralisation de ces espaces : il serait alors difficile d’entendre la parole de ces jeunes femmes – pour l’essentiel, 90 % des personnes atteintes d’anorexie étant des femmes.

Dans un souci de cohérence avec le vote de la commission, j’émettrai donc un avis défavorable sur l’amendement, mais vous aurez compris qu’à titre personnel, je m’interroge.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. J’annonce d’emblée que j’émettrai un avis favorable sur l’amendement de la présidente de la commission. Cela requiert quelques explications, car ces dispositions ont soulevé beaucoup d’interrogations en première lecture, avec des débats nourris en commission comme en séance. Je rappelle que c’est à l’époque le rapporteur Olivier Véran qui avait poussé à creuser cette thématique de la lutte contre l’anorexie mentale, en précisant qu’il s’agissait d’un trouble du comportement alimentaire d’origine multifactorielle.

M. Bernard Accoyer. C’était un véritable « TOC » de sa part !

Mme Marisol Touraine, ministre. Olivier Véran s’étant fortement engagé en faveur de ces dispositions et ayant souligné l’importance qu’il leur accordait, je veux préciser qu’évidemment, nous devons faire en sorte que les troubles du comportement alimentaire soient rigoureusement pris en charge et encadrés.

L’image du corps dans notre société et la pression qui s’exerce en faveur de la minceur ont des conséquences incontestablement délétères sur les comportements alimentaires et la position sociale des personnes dont l’apparence ne correspond pas à ces critères. Cette préoccupation-là, qui était portée par le rapporteur de l’époque, nous ne pouvons pas l’écarter d’un revers de la main. C’est pourquoi je souligne que le Programme national nutrition santé ne se préoccupe pas uniquement de l’obésité, mais aussi de ce qu’il y a en miroir, c’est-à-dire la maigreur excessive.

Plusieurs dispositions du texte avaient été introduites par le rapporteur Olivier Véran. Celle que nous examinons actuellement consiste à réprimer l’incitation à la maigreur excessive, que l’on peut notamment observer sur certains sites. Toutefois, des spécialistes de la prise en charge de la maigreur excessive nous ont signalé que l’option envisagée, à savoir une modification du code pénal prévoyant des peines d’un an d’emprisonnement et de 10 000 euros d’amende pour le fait de provoquer une personne à rechercher une maigreur excessive en encourageant des restrictions alimentaires, pourrait soulever des difficultés.

En effet, il importe de ne pas rejeter dans la clandestinité des jeunes – et des moins jeunes – qui seraient en situation de maigreur excessive. Il semble indispensable de ne pas rompre le contact avec les sites qui s’adressent à ces personnes et de maintenir coûte que coûte un lien entre les malades et les professionnels susceptibles de les prendre en charge.

C’est pourquoi, à la suite des discussions que nous avons eues avec les professionnels ainsi qu’avec plusieurs membres de la commission, j’émets un avis favorable sur l’amendement de la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Je partage l’avis de Mme la présidente de la commission et de Mme la ministre. Je pense que le rapporteur avait dû faire une fixation sur cette question. Il s’agit en réalité d’un trouble du comportement alimentaire, qui comprend une alternance de phases d’anorexie et de boulimie. Tout cela relève de psychopathologies. Pénaliser la psychopathologie ou ceux qui font les intermédiaires entre les malades ne me paraît pas particulièrement judicieux ; c’est pourtant ce à quoi aurait abouti cet article.

Je voterai donc l’amendement de la présidente – mais cela devient une habitude !

Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle Delaunay.

Mme Michèle Delaunay. À la suite du rapporteur, je voudrais vous faire part de mes interrogations.

J’ai moi aussi longuement débattu avec des professionnels dans des réunions publiques. Il semblerait que ces sites aient un effet aggravant sur l’anorexie. Ainsi, le port d’un ruban rouge au poignet de la main qui va prendre de la nourriture rappelle l’interdit que l’on s’est forgé et renforce la privation d’alimentation.

Or l’on sait que l’anorexie est guérissable au cours des premiers mois ; si on la laisse s’installer et s’aggraver, elle ne le sera plus, et elle perturbera la vie entière de la patiente, allant quelquefois jusqu’à entraîner sa mort.

Je ne suis pas opposée à cet amendement, mais je veux souligner que, comme l’a noté le rapporteur, il soulève beaucoup d’interrogations. Pour avoir moi aussi examiné ces sites, je crains qu’ils soient, non pas un vecteur de lien social, mais un lieu d’enfermement quasi-sectaire.

(L’amendement n714 est adopté, les amendements nos 343 et 707 tombent et l’article 5 quinquies A est supprimé.)

Article 5 quinquies B

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour soutenir l’amendement n344.

Mme Valérie Boyer. Je regrette le vote précédent, car je crois qu’il découle d’une mauvaise compréhension de la disposition proposée. Quand des sites donnent des conseils morbides du style : « Mens à ta mère, coupe-toi les cheveux pour ne pas laisser voir qu’ils tombent, va courir, ne mange pas, etc. », ce sont des incitations à de mauvais comportements. Si je partage certains aspects de ce qui a été dit, je crois aussi que la loi doit montrer l’exemple et ne pas favoriser les comportements morbides ni faire l’apologie de la mort – ce qui est le cas de ces sites.

Je rappelle que cette disposition, qui avait effectivement été proposée par Olivier Véran, reprenait une proposition de loi que j’avais déposée (« Ah !… » sur divers bancs), et qu’elle avait été votée sans que l’on en comprenne les enjeux ; c’est la raison pour laquelle vous l’avez rejetée aujourd’hui. Je souligne que ma proposition de loi avait été inspirée par un article du code pénal qui traite de l’incitation au suicide. Quand on connaît le taux de mortalité des personnes souffrant d’anorexie mentale ou d’extrême maigreur, ainsi que les ravages provoqués, on peut aisément faire un parallèle entre ces agissements et l’incitation au suicide. Certaines personnes ont suffisamment d’emprise sur d’autres pour les inciter à se priver de nourriture au point d’altérer leur santé : il importe que la loi signale que ces incitations doivent être réprimées. Je regrette donc ce vote et votre mauvaise compréhension de cette disposition.

J’en viens à l’amendement n344. Cet amendement propose que les photos d’images corporelles retouchées portent la mention que ces photos ont été retouchées afin de modifier l’apparence d’une personne. Il s’agit donc, non pas d’interdire, mais de signaler. On dispose aujourd’hui, grâce à des algorithmes, de moyens techniques permettant de dire si une image a été modifiée et dans quelles proportions : 10 %, 20 %, 30 %, 40 % ou 50 %.

Il s’agit là d’un débat sur la déontologie de l’image. On le sait, notre exposition aux signaux publicitaires est extrêmement importante : nous sommes soumis à plus de 2 000 signaux publicitaires par jour, et ces signaux utilisent souvent le corps des femmes ; ce corps est en général retouché, donnant à penser que les modèles présentés sont la réalité, ce qui suscite des objectifs impossibles à atteindre, engendre des frustrations et provoque de mauvaises représentations.

Il s’agit donc, non pas d’interdire, mais de montrer ; l’objectif de la disposition proposée est de signaler à la personne qui reçoit l’image que celle-ci a été modifiée par un logiciel de traitement de l’image. Cela permettrait de respecter le destinataire de l’image et de ne pas donner d’objectifs inatteignables à certaines personnes, surtout des femmes, en particulier les plus vulnérables.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. La commission n’a pas examiné cet amendement qui ne semble pas apporter de modifications considérables au texte. Nous avons eu en commission un long débat sur la notion de photo retouchée.

Mme Valérie Boyer. C’est très facile avec un logiciel.

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. Ce qui est certain, c’est que l’on ouvre avec cet article un champ très vaste – je me suis déjà exprimé sur le sujet en commission. Il y a là matière à réflexion.

Néanmoins, j’émettrai un avis défavorable sur l’amendement de Mme Boyer, car je ne trouve pas qu’il apporte de précision particulière.

En outre, il me semble qu’il y a une erreur au troisième alinéa de l’exposé sommaire.

Mme Valérie Boyer. En effet.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Je comprends la préoccupation exprimée par Mme Boyer, mais en l’état, la rédaction de l’article répond à son objectif d’information au cas où une image aurait été retouchée – dans un sens ou dans l’autre, d’ailleurs.

Mme Valérie Boyer. Peu importe !

Mme Marisol Touraine, ministre. Peu importe, en effet : dans ce cas, l’image ne correspond pas à la réalité de la personne photographiée. On voit bien sur quoi peuvent porter les modifications : des affinements, parfois des grossissements, la suppression de rides et de taches…

Tout cela est prévu par l’article, qui précise que si une apparence corporelle a été modifiée, le public doit en être informé : c’est ce que signifie la mention « Photographie retouchée ».

Honnêtement, je ne suis pas sûre de comprendre ce que votre précision ajouterait à la loi. Dès lors qu’une personne apparaît sur une photographie, et que cette photographie est retouchée, l’on voit mal quel serait l’objet de la modification si ce n’est l’apparence corporelle de cette personne !

Mme Valérie Boyer. Ce serait plus précis dans le code de la santé publique !

Mme Marisol Touraine, ministre. Il me semble que la mention « photo retouchée » apparente suffira. Je donne donc un avis défavorable à votre amendement. Je comprends son objectif, mais je ne suis pas certaine que cela soit utile de l’inscrire dans la loi.

M. Bernard Accoyer. Dommage !

(L’amendement n344 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour soutenir l’amendement n345.

Mme Valérie Boyer. Je l’ai défendu en même temps que l’amendement n344.

(L’amendement n345, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 5 quinquies B est adopté.)

Article 5 quinquies C

Mme la présidente. La commission a maintenu la suppression par le Sénat de l’article 5 quinquies C.

La parole est à Mme Chantal Guittet, pour soutenir l’amendement n112 tendant à le rétablir.

Mme Chantal Guittet. Cet amendement vise à revenir au texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture, qui prenait en considération la prévention de la dénutrition des seniors. Il vise également à prendre en compte les multiples situations vécues par les personnes atteintes de pathologies chroniques, comme l’insuffisance respiratoire, l’insuffisance rénale et les maladies neuromusculaires.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. Madame Guittet, la lutte contre la dénutrition est absolument essentielle, mais des mesures permettent déjà de le faire. Ces mesures ont été prises notamment dans le cadre du Programme national nutrition et santé. D’autres mesures sont en cours d’examen dans le cadre du plan national d’action de prévention de la perte d’autonomie. Il y a également les bonnes pratiques dans les EHPAD – les établissements hospitaliers pour personnes âgées dépendantes.

Votre amendement n’apporte donc pas d’élément supplémentaire qui justifierait son adoption. J’y suis donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Même avis. Je tiens cependant à m’exprimer, car cet objectif est important : nous avons eu cette discussion au moment de l’examen en première lecture de ce projet de loi. Je rappelle que la priorité donnée à la lutte contre la dénutrition des personnes âgées figure à l’article L. 3231-1 du code de la santé publique. La question n’est donc pas de savoir si la lutte contre la dénutrition est pour nous un enjeu de santé publique, mais de savoir si inclure les dispositions que vous proposez à ce projet de loi serait utile.

La lutte contre la dénutrition chez les personnes âgées figure parmi les objectifs du Programme national nutrition santé, des actions explicitement inscrites dans ce plan. Il me semble donc que la rédaction actuelle du code de la santé publique est suffisante, puisqu’il mentionne « la prévention, le dépistage et la prise en charge des troubles nutritionnels dans le système de santé » : c’est une formule englobante.

(L’amendement n112 est retiré.)

Article 5 quinquies D

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 19 et 466 rectifié.

La parole est à Mme Virginie Duby-Muller, pour soutenir l’amendement n19.

Mme Virginie Duby-Muller. J’associe à cet amendement Gilles Lurton et mes collègues du groupe Les Républicains. C’est une proposition de bon sens ; nous partageons votre objectif : garantir la bonne santé des mannequins.

L’article 5 quinquies D introduit une référence à l’IMC, l’indice de masse corporelle. Elle a été réécrite par M. le rapporteur : il faut qu’un médecin atteste, par un certificat médical, que l’IMC de la personne considérée est compatible avec l’exercice de l’activité de mannequin. Malgré cette réécriture, la mention de l’IMC nous semble malvenue.

Cet indicateur était à l’origine prévu pour mesurer l’obésité et non la minceur. De plus, autoriser ou empêcher un mannequin de travailler en fonction de son IMC constituerait de facto une discrimination à l’embauche, qui serait très rapidement dénoncée.

De plus, comment arbitrer, au quotidien, avec des modèles dont la minceur fait réellement partie de leur morphologie naturelle ? Cette référence à l’IMC causera aussi des dommages économiques beaucoup plus importants que l’on n’imagine. Toutes les agences internationales ont un bureau à Paris et feront le choix de la délocalisation ; les mannequins, à 90 % étrangers, choisiront alors de travailler pour des agences à l’étranger. Or comme vous le savez, Paris est la capitale mondiale de la mode. Cela entraînera, en conséquence, la disparition des agences françaises, les seules susceptibles d’être à la fois délaissées par les mannequins internationaux et passibles d’amendes.

Si les créateurs se trouvent soumis à une législation restrictive pour présenter leurs collections – au cours de six périodes dans l’année – ils feront aussi le choix de faire défiler leurs modèles hors de l’Hexagone. Cette disposition sera ainsi responsable d’une perte d’activité et d’emploi dans d’autres domaines, tels que l’hôtellerie, la restauration, les taxis, qui bénéficient de la notoriété de certains événements tels que les fashion shows.

Madame la ministre, notre proposition tend à protéger la santé des mannequins par un suivi médical organisé dans le cadre de leur emploi actuel par les agences françaises de mannequinat. Cet amendement est fondé sur la capacité des médecins à diagnostiquer des risques sanitaires graves pour ces modèles. Les syndicats, tant patronaux que de salariés de cette branche, ont d’ailleurs pris l’initiative d’un accord de santé à ce sujet. Il conviendrait d’obtenir du ministère du travail l’extension de cet accord. Notre amendement implique donc aussi les utilisateurs bénéficiaires des prestations de mannequins, qui sont les véritables décideurs des critères physiques des modèles sélectionnés.

Nous proposons ainsi d’associer tous les acteurs du processus selon un dispositif encadré et validé par l’ensemble de la profession.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l’amendement n466 rectifié.

M. Bernard Accoyer. Je compléterai ce qu’a dit Véronique Duby-Muller par une réflexion qui s’adresse aussi bien à Mme la ministre qu’à nos collègues. Petit à petit, nous légiférons sur tout : tout ce que nous mangeons, tout ce que nous buvons, la forme du corps. Aujourd’hui, c’est l’IMC, demain, ce sera une autre mensuration : la taille, le tour de hanches… Franchement, je crois qu’il y a des limites. Il faut comprendre que la société, quand on l’enferme de toutes parts, finit par se révolter !

Cette multiplication de normes – qui ne relèvent d’ailleurs pas de la loi, mais du bon sens, de l’éducation sanitaire et des examens à l’embauche – nous paraît tout à fait délirante, surtout rapportée à de vrais problèmes de santé tels que le diabète, les maladies cardio-vasculaires, l’obésité, les troubles psychopathologiques – dont font partie, d’ailleurs, les troubles du comportement alimentaire.

Tous ces amendements, et particulièrement cet épisode au sujet du poids des mannequins, formeront des pages d’anthologie de ce qu’il ne faut pas faire dans une assemblée chargée de légiférer !

M. Jean Leonetti. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. Nous avons eu ce débat en première lecture ; nous avons encore longuement débattu en commission de la notion d’IMC. À présent vous nous proposez de réécrire l’article 5 quinquies D pour le rétablir tel qu’il a été adopté par le Sénat.

Cet amendement pose une première difficulté. Vous vous appuyez sur la médecine du travail, ce qui semble plutôt de bon sens, sauf que celle-ci, dans l’immense majorité des cas, ne sera pas compétente dans le cadre que vous visez. Cela rend cette rédaction peu efficace.

Deuxième élément : certes l’IMC n’est pas un indice totalement satisfaisant, comme vous le soulignez dans votre exposé sommaire. Il n’en demeure pas moins que cet indicateur est employé par l’OMS, l’Organisation mondiale de la santé, pour mesurer la maigreur excessive ou estimer le surpoids ou l’obésité chez les adultes : on est maigre, par exemple, en dessous d’un IMC de 18,5.

Il est vrai, en revanche, que l’IMC méconnaît – vous l’avez dit – la maigreur constitutionnelle. Celle-ci caractérise 5 % de la population française ; parmi ces personnes, la majorité est en bonne santé. C’est cependant l’indice retenu par les différents pays qui se sont lancés dans cette voie : Israël, qui est précurseur en la matière, la Grande-Bretagne, et l’Espagne où existe une législation contraignante. Dans d’autres pays, la Belgique ou les États-Unis, c’est une charte qui recommande un meilleur repérage. Faute de mieux, l’IMC est aujourd’hui le meilleur indice.

Nous avons aussi parlé en commission de la question de la discrimination à l’embauche. Le droit actuel parle de l’« apparence physique ». Le texte adopté en commission sur ma proposition conditionne l’activité à la délivrance d’un certificat médical qui atteste de la compatibilité de l’IMC avec l’exercice du métier…

M. Xavier Breton. C’est Le Meilleur des mondes !

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. …et renvoie, après avis de la Haute Autorité de santé, les modalités d’application à un décret.

Il me semble en tout cas que la formulation adoptée en commission permet d’intégrer l’ensemble des mannequins, et non seulement les mannequins salariés, qui sont largement minoritaires – je le dis car ce sont ces derniers mannequins qui sont concernés par ces amendements, auxquels je suis défavorable. Je sais cependant que ce sujet est brûlant !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Je vois bien que les dispositions proposées par notre rapporteur de l’époque continuent de susciter beaucoup de débats. On peut s’interroger sur la manière de rédiger le texte, sur les critères à prendre en compte, mais je ne peux suivre monsieur Accoyer – qui, d’ailleurs, n’est plus là…

M. Denis Jacquat. Ne vous inquiétez pas, il est toujours vivant ! (Sourires.)

Mme Marisol Touraine, ministre. Je n’en doute pas. À tout le moins, je l’espère !

Un député du groupe Les Républicains. Elle l’a déjà enterré ! (Sourires.)

Mme Marisol Touraine, ministre. Ce débat ne concerne pas uniquement le modèle dominant en matière d’apparence physique. Il suffit de regarder les photos parues dans la presse depuis 50 ans ou plus pour s’apercevoir que les modèles physiques diffèrent selon les périodes.

M. Jean Leonetti. Ah, Rubens ! Botero !

Mme Marisol Touraine, ministre. Cela, ce n’était pas dans la presse ! Quoi qu’il en soit, on valorise différents modèles physiques selon les périodes, les régions, les pays. C’est vrai pour les femmes comme pour les hommes. La question n’est donc pas de définir ce qui doit être considéré comme beau ou non à une époque donnée. Nous voulons rester sur le terrain de la santé, et de la prévention visant à empêcher des comportements qui débouchent sur une incitation à ne pas s’alimenter correctement et à être excessivement maigre – ou, plus précisément, à être maigre d’une manière telle que l’on met en danger sa santé.

Il ne s’agit donc pas de porter de jugement esthétique, de dire que telle ou telle apparence physique est belle ou non. Il s’agit uniquement d’éviter que ce qui est défini comme joli fasse courir des risques aux mannequins. On voit bien que les mannequins véhiculent l’idée que la maigreur excessive peut être belle, au détriment de la santé. C’est pourquoi l’avis du Gouvernement est défavorable à ces amendements.

Vous demandez si l’IMC est le bon critère. Pour moi, c’est un critère parmi d’autres ; je défendrai dans quelques instants un amendement tendant à modifier cet article pour ne pas faire de l’IMC l’alpha et l’oméga en la matière. Mais s’en remettre uniquement à la médecine du travail, cela me semble tautologique, car le médecin du travail est déjà chargé de vérifier l’aptitude des mannequins à exercer leur activité à l’occasion d’un défilé ou d’une séance de photographie.

Je pense donc que vos amendements reviennent complètement sur la logique du texte. J’y suis donc défavorable.

(Les amendements identiques nos 19 et 466 rectifié ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour soutenir l’amendement n636.

Mme Valérie Boyer. Je pense que cet amendement apporte la solution à la difficulté que vous avez soulevée ! Je pense qu’en effet, le critère de l’IMC est discriminant ; de plus, il ne tiendra pas le choc en cas d’examen par le Conseil constitutionnel au titre d’une question prioritaire de constitutionnalité. Cela reviendrait à introduire une discrimination dans le code du travail.

De plus, cela ne correspond pas du tout à la réalité de la profession de mannequin. Nous avons affaire, en effet, à des personnes au physique hors normes, hors du commun, et qui sont – la plupart du temps – minces, voire très minces. Cela a déjà été dit : il existe des personnes naturellement maigres, sans que leur maigreur signifie qu’elles sont en mauvaise santé.

Nous débattons aujourd’hui de modifications à apporter au code de la santé publique, pour préserver la santé des Français – particulièrement les plus fragiles d’entre eux. En tant que législateurs, nous devons agir concrètement. Il est vrai – comme vous l’ont dit Mme la ministre et ma collègue Virginie Duby-Muller – que le métier de mannequin est bien l’un de ceux qui symbolisent la promotion de l’extrême maigreur. C’est pourquoi cet amendement vise à faire appliquer, dans les agences de mannequins, l’obligation de sécurité prévue par le code du travail. Il y a en effet, dans le code du travail, une règle générale prévoyant l’obligation de sécurité de l’employeur envers son salarié.

Je propose, par cet amendement, d’ériger un régime spécifique pour ce métier si exposé.

En effet, l’exercice de ce métier et les exigences qui lui sont propres ne doivent pas mettre en danger la santé de l’intéressé.

Une sanction pénale est définie pour les employeurs de mannequins qui ne veilleraient pas au respect de cette obligation, en conformité avec les mesures pénales applicables aux agences de mannequins telles que définies par le code du travail.

En conclusion, prévoir une règle spécifique au métier de mannequin contraint les agences à plus de vigilance envers la maigreur excessive de leurs mannequins, autrement dit envers leur état de santé, et à considérer cette maigreur excessive comme un facteur de risque important pour la santé du salarié.

Plutôt que d’introduire la notion d’IMC, discriminante, je propose d’appliquer une règle simple dans le code du travail…

Mme la présidente. Merci.

Mme Valérie Boyer. …aux termes de laquelle « l’employeur met en place un suivi spécifique régulier auprès du médecin du travail qui contrôlera que les conditions de travail de l’intéressé ne mettent pas en danger son état de santé et sa croissance » – car il s’agit souvent de mineurs – « et peut prescrire dans le cadre des dispositions des articles L. 4624-1 et L. 4624-3 toutes mesures pertinentes ».

Une telle disposition, de bon sens et de protection, devrait recueillir l’assentiment sur tous nos bancs.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. Tel qu’il est rédigé, l’amendement ne me semble pas recevable. La précision selon laquelle « l’employeur met en place un suivi spécifique régulier auprès du médecin du travail » méconnaît le code du travail…

Mme Valérie Boyer. Pas du tout, l’amendement a été expertisé !

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. …lequel fixe des obligations et laisse le soin d’une éventuelle surveillance au seul médecin du travail, non à l’employeur.

Votre rédaction laisse aussi supposer que c’est l’employeur qui peut prescrire des mesures, ce qui n’est évidemment pas le cas. De plus, votre amendement se fonde sur une notion de croissance très difficile à mesurer. Je vous invite donc à le retirer, faute de quoi l’avis serait défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Même avis.

(L’amendement n636 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 819, 148, 152, 272, 695 et 762, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 148, 152, 272, 695 et 762 sont identiques.

La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement n819.

Mme Marisol Touraine, ministre. Afin de tenir compte des interrogations qui se sont exprimées relativement au choix de l’IMC comme seul critère, le présent amendement tend à en faire un élément de l’état de santé parmi d’autres pour l’autorisation d’exercer le métier de mannequin.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bapt, pour soutenir l’amendement n148.

M. Gérard Bapt. En commission, nous avions noté la prudence du rapporteur quant au choix du seul IMC pour la délivrance du certificat d’aptitude au métier de mannequin. Ses arguments portaient sur la fragilité juridique d’une telle disposition, mais aussi sur le fond : il les a rappelés tout à l’heure en mentionnant le pourcentage de personnes qui, présentant une maigreur constitutionnelle – mais en bonne santé malgré tout –, peuvent déroger aux normes fixées pour l’IMC.

C’est pourquoi j’avais proposé de remplacer l’expression : « indice de masse corporelle » par les mots : « état de santé ». Par le fait, le médecin qui rédige un certificat d’aptitude tient compte aussi, bien entendu, du rapport taille-poids.

Je vois que M. Accoyer, une fois n’est pas coutume, m’a suivi dans cette voie en déposant le même amendement.

L’amendement du Gouvernement me semble aller dans le même sens.

Mme la présidente. Retirez-vous donc votre amendement au profit de celui du Gouvernement, monsieur Bapt ?

M. Gérard Bapt. J’aimerais savoir ce qu’en pense Mme la ministre… (Sourires.)

Mme la présidente. Je ne pense pas qu’elle le dira : je vous posais la question, au cas où…

La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour soutenir l’amendement n152.

M. Jean-Pierre Door. Défendu.

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Orliac, pour soutenir l’amendement n272.

Mme Dominique Orliac. L’exercice de l’activité de mannequin est aujourd’hui conditionné à la délivrance d’un certificat médical, sur la base de l’indice de masse corporelle.

Or, certaines personnes possèdent un IMC bas : elles représentent aujourd’hui 5 % de la population. En ce sens, mon amendement vise à remplacer cette notion très controversée par celle d’« état de santé », ce qui permettra au médecin de jouer pleinement son rôle dans la prévention, tant dans le constat d’un risque pour la santé – l’anorexie est une maladie psychique complexe – que dans ses recommandations médicales auprès de l’agence de mannequins concernée.

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour soutenir l’amendement n695.

Mme Valérie Boyer. Défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement n762.

M. Arnaud Richard. Si l’anorexie mentale est un fléau qui doit être fermement combattu, elle ne relève pas du domaine législatif, Bernard Accoyer l’a fort justement souligné, et ne peut encore moins être réduite à un simple calcul mathématique. De fait, la pertinence de ce critère d’évaluation suscite de nombreuses réserves.

L’anorexie mentale est une maladie qui doit être appréhendée de manière globale par le médecin et non par un simple indicateur. De plus, les seuils d’IMC recommandés par l’OMS ne varient pas selon la morphologie d’une personne, son sexe ou son âge. Il convient donc de les interpréter avec une grande prudence. L’IMC ne prend pas en compte, par exemple, les différences de constitution, la masse corporelle ou osseuse.

Le critère d’IMC, tel qu’il figure dans la rédaction initiale, est une photographie à un instant T, alors que le rapport des mannequins avec leur poids doit s’appréhender dans la durée : c’est l’état de bonne santé du mannequin tout au long de sa carrière qu’il nous faut garantir.

Enfin, la confusion entre maigreur et anorexie est néfaste : il est essentiel de bien cerner ce qui relève de la pathologie. Nous devons donc faire preuve de la plus grande prudence en la matière.

La volonté de lutter contre les comportements jugés dangereux ne doit pas aboutir à imposer des normes corporelles. L’introduction d’une norme dans un tel domaine est la porte ouverte à de nombreuses dérives.

Pour toutes ces raisons, notre amendement vise à remplacer la notion d’IMC par celle d’état de santé, afin de permettre au médecin de jouer pleinement son rôle.

Mme la ministre, avec son amendement, essaie de faire la synthèse entre nos propositions, mais tout le problème est dans le « notamment » : comment demander à un médecin d’évaluer un état de santé « notamment » au travers de tel ou tel aspect ? Le médecin fait son travail : il n’a pas besoin qu’on le lui explique.

Mme Valérie Boyer. Tout à fait !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements ?

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. La commission n’a pas examiné l’amendement du Gouvernement ; sur les autres, elle a émis un avis défavorable.

La fragilité juridique, monsieur Bapt, demeure même avec la notion d’« état de santé », aussi discriminatoire que celle d’apparence physique : on peut le vérifier en ouvrant le code du travail.

L’amendement du Gouvernement, en particulier grâce à l’adverbe « notamment », me paraît une synthèse raisonnable.

M. Arnaud Richard. Cela ne sert à rien !

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. Le code du travail réserve un traitement spécifique au mannequinat : personne, ici, ne pourra mettre en doute l’idée qui motive la prise en compte de l’IMC, à savoir la maigreur constitutionnelle, qui peut être excessive chez les mannequins. L’IMC, à cet égard, est un indice utile. J’émets donc un avis favorable à l’amendement du Gouvernement.

Mme la présidente. Retirez-vous votre amendement, monsieur Bapt ?

M. Gérard Bapt. Oui, madame la présidente.

(L’amendement n148 est retiré.)

Mme la présidente. Retirez-vous aussi le vôtre, monsieur Door ?

M. Jean-Pierre Door. Oui, madame la présidente.

(L’amendement n152 est retiré.)

Mme la présidente. En faites-vous de même avec votre amendement, madame Orliac ?

Mme Dominique Orliac. Oui, madame la présidente.

(L’amendement n272 est retiré.)

Mme la présidente. Retirez-vous aussi votre amendement, madame Boyer ?

Mme Valérie Boyer. Oui, madame la présidente.

(L’amendement n695 est retiré.)

Mme la présidente. Retirez-vous le vôtre, monsieur Richard ?

M. Arnaud Richard. Non, madame la présidente, je le maintiens.

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. L’amendement du Gouvernement me paraît intéressant, mais je ferais volontiers mienne la position de M. Bapt, déjà exprimée en commission : cet amendement maintient la notion d’indice de masse corporelle, ce qui risque d’avoir des conséquences négatives sur l’emploi des salariés français dans le domaine d’activité dont nous parlons.

(L’amendement n819 est adopté et l’amendement n762 tombe.)

(L’article 5 quinquies D, amendé, est adopté.)

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Déclaration du Gouvernement sur l’autorisation de la prolongation de l’engagement des forces aériennes au-dessus du territoire syrien, suivie d’un débat et d’un vote par scrutin public ;

Discussion de la proposition de résolution pour accéder, au-delà de la COP 21, à une société bas carbone, et de la proposition de résolution tendant à promouvoir la prise en compte des outre-mer dans les négociations de la COP 21.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 25 novembre, à une heure dix.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly