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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2015-2016

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 15 décembre 2015

SOMMAIRE

Présidence de Mme Laurence Dumont

1. Questions au Gouvernement

Lutte contre le chômage

M. Philippe Vigier

M. Manuel Valls, Premier ministre

Succès de la COP21

M. Denis Baupin

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international

Campagne des élections régionales

M. Claude Goasguen

M. Manuel Valls, Premier ministre

COP21

M. Philippe Martin

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international

Création de postes dans l’éducation nationale

Mme Julie Sommaruga

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Sursaut républicain

M. Alain Tourret

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement

Emploi

M. Gérard Cherpion

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Droits des femmes et COP21

Mme Catherine Coutelle

Mme Pascale Boistard, secrétaire d’État chargée des droits des femmes

Emploi

M. Bernard Perrut

M. Manuel Valls, Premier ministre

État d’urgence

M. Serge Bardy

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Coopération transfrontalière dans la lutte contre le terrorisme

Mme Virginie Duby-Muller

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Grippe aviaire

Mme Florence Delaunay

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Sécurité dans les écoles

Mme Annie Genevard

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Compte pénibilité

M. Alain Moyne-Bressand

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Revalorisation du SMIC

M. André Chassaigne

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Suspension et reprise de la séance

2. Projet de loi de finances rectificative pour 2015

Présentation

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Discussion générale

Mme Marie-Christine Dalloz

M. Charles de Courson

M. Éric Alauzet

M. Joël Giraud

M. Gaby Charroux

M. Jean-Pierre Vigier

Première partie

Articles 1er A et 1er

Article 3

Amendements nos 81 , 29

Article 3 bis

Article 4

Amendement no 112 rectifié

Vote sur l’ensemble de la première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2015

Présidence de Mme Sandrine Mazetier

Seconde partie

Article 5 et état B

Amendement no 63

Article 10

Article 11

Amendements nos 82 , 67 , 5 , 57 , 30 , 83 , 130 , 49 , 50 , 129

Article 11 ter

Amendement no 84

Article 12

M. Jean Lassalle

Amendement no 85

Article 12 bis

Article 12 quater

Article 12 sexies

Amendements nos 86 , 4

Article 12 septies

Article 13

M. Jean Lassalle

Amendement no 127

Suspension et reprise de la séance

Amendements nos 51 , 87 rectifié , 125 (sous-amendement)

Suspension et reprise de la séance

Amendements nos 68 , 117 rectifié , 56 , 61

Article 13 bis

Amendement no 14

Article 13 ter

Amendements nos 88 , 132 (sous-amendement)

Article 16

M. Marcel Bonnot

Amendement no 114

Article 16 bis A

Amendements nos 89 , 40

Article 16 quater

Amendements nos 90 rectifié , 33

Article 16 quinquies

Amendements nos 124 , 115

Article 16 sexies A

Article 16 sexies

Article 16 nonies

Article 16 terdecies

Amendement no 91

Article 16 quaterdecies

Amendement no 92

Article 18

Amendements nos 58 , 32 , 93

3. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Laurence Dumont

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement. (« Il est où, Bartolone ? » sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Lutte contre le chômage

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Philippe Vigier. Monsieur le Premier ministre, dimanche, les Françaises et les Français ont exprimé leur rejet d’un système impuissant, qui ne défend plus que lui-même, dans lequel nous avons une forme de responsabilité collective.

Ils ont exprimé leur inquiétude et leur colère face à un chômage qui monte depuis trop longtemps, face à l’insécurité, à l’abandon de la ruralité et de certains de nos quartiers.

Ce message appelle des réponses fortes : un profond renouvellement de la parole publique et du discours politique, une action politique enfin efficace, une proximité retrouvée, une parole publique plus digne.

Ce message appelle surtout des résultats concrets face à l’urgence du chômage.

Les mesures que vous avez annoncées semblent aller dans le bon sens, mais cette réponse, monsieur le Premier ministre, est celle de la dernière chance. Cette réponse ne doit dépendre ni des agendas personnels, ni des intérêts des uns et des autres, ni des intérêts de votre majorité, et encore moins de l’élection présidentielle de 2017. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.) Elle doit avoir pour seul objectif : plus de compétitivité, plus d’emplois, et donc plus de pouvoir d’achat et moins de désespérance sociale.

Nous vous faisons deux propositions simples qui répondent à cette exigence : la possibilité de négocier enfin le temps de travail au niveau de l’entreprise et la création d’un nouveau contrat de travail simplifié levant tous les obstacles à la création d’emplois.

Monsieur le Premier ministre, ma question est simple : êtes-vous prêt à lancer enfin la bataille de l’emploi en prenant des décisions courageuses allant dans ce sens et à entendre la colère des Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président Vigier, au lendemain de chaque scrutin, depuis quelques années, nous cherchons, les uns et les autres – moi, parmi d’autres – des explications, nous faisons des analyses, nous apportons des réponses.

Avant de répondre précisément à votre question et d’insister sur la lucidité nécessaire qui doit s’imposer à chacun de nous, je voudrais exprimer notre fierté dans ces moments-là.

Fierté vis-à-vis du peuple français, de la représentation nationale, dans notre capacité à tenir debout face au terrorisme et à mener la guerre contre l’islamisme radical, contre ceux qui veulent frapper nos libertés et notre mode de vie.

Fierté aussi de la réussite de la COP21, et je le dis devant Laurent Fabius. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, et sur quelques bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

La France, par la voix du Président de la République, avait souhaité, alors que personne ne le souhaitait, organiser ce grand rendez-vous. Ce succès, nous le devons bien sûr à la communauté internationale qui s’est mobilisée, aux scientifiques, aux ONG, mais nous le devons aussi au Président de la République et, essentiellement, à Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et président de la COP21. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Enfin, fierté, monsieur le président Vigier, vis-à-vis de l’attitude du peuple français. Car le sursaut entre les deux tours, sa volonté de dire non à l’extrême droite montrent l’attachement d’une majorité des Français à nos valeurs et aux valeurs que nous partageons ensemble. Il est bon de le rappeler.

Mais lucidité aussi, monsieur le président, non seulement face à la montée de l’extrême droite, mais aussi face à ce qui se passe dans un certain nombre de quartiers, où l’islamisme radical prospère dans une partie de notre jeunesse.

Lucidité aussi sur les causes économiques et sociales de ce vote. Je ne m’étendrai pas, mais il est évident que nous devons poursuivre, approfondir nos politiques pour lutter contre le chômage, soutenir la compétitivité de nos entreprises, redonner de l’espoir. J’ai fait, hier, un certain nombre de propositions et je rencontrerai les partenaires sociaux notamment pour ce qui concerne la formation des chômeurs, l’apprentissage, les facilités qui doivent être données aux entreprises pour embaucher.

Lors de la préparation des textes de lois ou des mesures, j’organiserai une consultation très large. Comme je l’ai dit, dimanche soir et encore hier soir, je veux être ouvert à toutes les propositions, dont les vôtres, qui peuvent être faites dans ce domaine.

M. Laurent Degallaix. Très bien !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Oui, c’est ensemble que nous devons répondre aux exigences des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

Succès de la COP21

Mme la présidente. La parole est à M. Denis Baupin, pour le groupe écologiste.

M. Denis Baupin. Le 12 décembre 2015 restera une date historique. Pour la première fois, à l’unanimité, les États du monde ont adopté un accord universel contre le dérèglement climatique.

Je veux tout d’abord en féliciter, en notre nom à tous, notre ministre des affaires étrangères. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) La réussite de la COP21 doit beaucoup à sa présidence, reconnue par tous comme talentueuse et rassembleuse. (Mmes et MM. les députés du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste se lèvent et applaudissent longuement ; – Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Cet accord n’aurait pas été possible si, depuis tant d’années, des millions de militants écologistes et d’acteurs de la solidarité internationale, des milliers de villes, les scientifiques, les organisations syndicales et des entreprises pionnières ne s’étaient pas mobilisés pour faire pression sur les États.

Samedi soir, en tant qu’écologiste, j’étais profondément ému et, je dois le dire aussi, j’étais fier que ce soit notre pays qui ait réussi cela. Pendant un an, la diplomatie française s’est mise en mouvement comme jamais celle d’aucun pays ne l’avait fait, Président de la République en tête, en s’appuyant sur des personnalités remarquables, particulièrement Laurence Tubiana et Nicolas Hulot, que je veux remercier ici. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Certes, le dérèglement climatique n’a pas disparu d’un coup. Cet accord ne permet pas, à lui seul, de respecter le seuil de 1,5 degré, mais un palier a été franchi. Nous avons une feuille de route, un agenda et des solutions pour la planète et pour l’emploi. Il y aura un avant et un après Paris 2015. Il y a maintenant urgence à mettre en œuvre cet accord et à agir de façon déterminée.

Pouvez-vous donc nous indiquer quelles actions notre pays compte engager pour que l’Europe renforce ses objectifs afin d’aller vers les 100 % d’énergies renouvelables, la mobilité sobre et propre, la finance et la fiscalité vertes, la mobilisation des territoires et le financement de la solidarité internationale, pour que notre pays reste à la hauteur du leadership que lui a confié la réussite de cette conférence historique ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international. (Mmes et MM. les députés du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste se lèvent et applaudissent longuement – Vifs applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. Monsieur Baupin, mesdames et messieurs les parlementaires, merci de cet accueil, que je sais chaleureux sur tous les bancs, même si les formes en sont diverses. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Il s’agit en effet du premier pacte universel climatique de l’histoire. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.) C’est vrai !

Je n’entrerai pas dans une discussion technique que nous aurons l’occasion d’avoir, mais il est vrai qu’il faudra maintenant appliquer tout cela. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.) La loi sur la transition énergétique le permet.

Le Président de la République, en clôture de la conférence, a annoncé des initiatives supplémentaires pour ce qui concerne le financement, le prix du carbone et différentes actions : nous allons nous y employer. L’Assemblée nationale sera, bien sûr, associée à tout cela, puisque vous aurez, mesdames et messieurs, à ratifier l’an prochain l’accord conclu ce 12 décembre, qui sera signé au mois d’avril. Je voudrais saisir cette occasion pour remercier l’ensemble de la représentation parlementaire, qui nous a soutenus dans cette tâche qui n’était pas des plus faciles. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Yves Fromion. Et Ségolène ?

Campagne des élections régionales

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Goasguen, pour le groupe Les Républicains.

M. Claude Goasguen. Monsieur le Premier ministre, je m’adresse à vous en votre qualité de deuxième personnage de la République – car tel est votre rang protocolaire.

Nous avons subi deux affronts pendant cette campagne électorale. Un personnage éminent de la République – qui, aujourd’hui, vient de déserter son bureau – a osé proférer à l’égard d’une candidate des insultes graves, qui relèvent du reste du pénal, au titre tant de l’injure publique que de la diffamation. (Vives exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Ces propos sont des incitations à la haine raciale. (« Occident ! » sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Ces propos, accusant Mme Pécresse de favoriser la race blanche, doivent être poursuivis pénalement. « Et Morano ? » sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

La deuxième insulte, monsieur le Premier ministre, nous la subissons quand le président de l’Assemblée nationale n’a pas le courage de venir s’expliquer devant l’hémicycle. (Huées sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Quant à vous, monsieur le Premier ministre, qui êtes le plus éminent représentant de la République après son Président et qui êtes également chargé de garantir la moralité des institutions, comment avez-vous pu ne pas réagir ? Pourquoi avez-vous approuvé par votre silence, voire par vos propos, quelque chose qui était purement infamant pour la VRépublique ?

Monsieur le Premier ministre, ma question est simple : aujourd’hui, allez-vous sortir de la campagne électorale et vous comporter comme le deuxième personnage de l’État, en condamnant les propos du président de l’Assemblée ? (Applaudissements, exclamations et huées sur les bancs du groupe Les Républicains. – Huées sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme la présidente. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur Goasguen, vous nous invitez à sortir de la campagne électorale ? Sortez-en vous-même. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Franck Gilard. Il est vrai que vous êtes déjà dans la suivante !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Les Français, cela a été dit tout à l’heure, qui ont voté ces deux derniers dimanches ont, je le crois, et même s’il faut être particulièrement lucide à cet égard, donné force à la démocratie par leur participation et par leur choix de barrer la route à l’extrême droite. (« Ce n’est pas la question ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.) Aujourd’hui, je préfère, quant à moi, me féliciter une nouvelle fois – vous auriez pu le rappeler, dans votre évocation des polémiques et des débats survenus au cours de cette campagne, notamment entre les deux tour – de l’attitude des responsables de la gauche qui, dans la région Nord-Pas de Calais-Picardie, dans le Grand Est et en Provence-Alpes-Côte d’Azur, ont permis à Xavier Bertrand, à Philippe Richert et à Christian Estrosi d’être élus. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Meunier. Quand répondrez-vous à la question ?

M. Jean-Luc Reitzer. Manipulation !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Il n’y a aucune manipulation : c’est un rappel.

En deuxième lieu, monsieur Goasguen, ce dont, précisément, les Français ne veulent plus, c’est de ce genre de séance, de ce genre de polémiques par lesquelles on cherche en permanence à nourrir la division. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. – « La question ! La question ! »sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Les polémiques sont derrière nous. Claude Bartolone a encore dit ce matin ce qu’il fallait dire sur le sujet. Il est président de l’Assemblée nationale. (Vives exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Claude Goasguen. Alors pourquoi n’est-il pas là ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. J’invite les uns les autres à respecter précisément les institutions et, plutôt que de chercher la polémique absurde et incessante, à nous respecter et à œuvrer pour les Français. C’est en effet ce qu’ils attendent de nous, et non pas ce genre de débats et de polémiques. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. – Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Laissez ces polémiques derrière nous, monsieur Goasguen, et soyons, encore une fois, à la hauteur de ce qu’attendent les Français. Je veux répéter une nouvelle fois mon soutien et ma confiance à Claude Bartolone. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. Vives protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Meunier. Comme d’habitude vous n’êtes responsables de rien !

COP21

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Martin, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Philippe Martin. Je voudrais tout d’abord dire combien c’est une chance pour l’Assemblée nationale d’avoir un grand président comme Claude Bartolone. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.– Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Monsieur le ministre des affaires étrangères et du développement international, nous sommes quelques-uns, sur tous les bancs, à avoir vécu l’échec du sommet sur le climat de Copenhague et les six années de doute et d’abattement qui ont suivi. Comment ne pas mesurer, tant sur la forme que sur le fond, les progrès qui ont rendu possible ce succès historique que constitue l’accord de Paris sur le climat, un accord attendu depuis plus de quarante ans ?

Sur la forme, je veux, au nom de notre groupe, saluer l’engagement total du Président de la République, féliciter le Gouvernement pour sa mobilisation et à vous, monsieur le ministre des affaires étrangères, qui l’avez incarnée depuis plus de deux ans et pendant toute cette négociation, dire notre reconnaissance et, si vous me le permettez, de manière plus intime et personnelle, mon admiration d’avoir replacé la diplomatie française au centre d’une révolution qui est bonne pour l’humanité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.)



Sur le fond, ma question porte sur le bilan que vous tirez de ces treize jours de négociations. Quelles sont, monsieur le ministre, les grandes avancées que contient l’accord de Paris ?

Mes chers collègues, samedi dernier, au Bourget, le Président de la République nous a dit que l’histoire était écrite par ceux qui s’engagent, pas par ceux qui calculent. Monsieur le ministre, avec cet accord, pouvez-vous nous dire comment nous allons engager la France dans la voie de la justice climatique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. Monsieur le député, je n’étais pas à Copenhague mais j’en ai tiré les leçons : il a fallu, pendant toutes ces journées, exorciser précisément le fantôme de Copenhague. Les circonstances ne sont pas les mêmes, mais une erreur avait été commise à Copenhague, dont nous avons tiré les leçons : les chefs d’État et de gouvernement avaient, à l’époque, été invités à venir à la fin.

De ce fait, les négociateurs n’ont pas négocié et lorsque le président Obama et quelques autres sont arrivés, ce n’est pas en deux jours qu’ils ont réglé la question – d’où la décision que nous avons prise, avec le Président de la République, de faire venir au début de la conférence, pour donner une impulsion politique, 150 chefs d’État et de gouvernement qui ont dit à leurs ministres et à leurs négociateurs : « Mesdames et messieurs, débrouillez-vous, mais à la fin de la conférence, il faut un succès ! » (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.)

Le succès est là, même s’il restera beaucoup à faire : en ce qui concerne l’objectif des deux degrés, et potentiellement de un degré et demi, en ce qui concerne les clauses de révision, même si l’on aurait pu souhaiter qu’elles soient plus précoces, en ce qui concerne le financement à 100 milliards et, au-delà de 100 milliards, au maximum en 2025, en ce qui concerne la référence à un prix du carbone, en ce qui concerne ce que l’on appelle les « pertes et dommages », tout est dans cet accord, et va nous permette maintenant de travailler, avec la France bien entendu au premier rang.

M. Christian Jacob. Et Mme Royal ?

M. Laurent Fabius, ministre. Je veux terminer en disant ceci : j’ai été, on l’a vu, assez touché au cours de cette conférence ; on comprend pourquoi. Mais l’une des choses qui m’ont le plus touché, mesdames, messieurs les parlementaires, c’est que, pendant toutes ces journées, venant des 195 pays du monde, on a bien parlé, et on a parlé en bien de notre pays, la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Création de postes dans l’éducation nationale

Mme la présidente. La parole est à Mme Julie Sommaruga, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Julie Sommaruga. Madame la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, vous venez de présenter les créations de postes dans l’éducation nationale pour la rentrée 2016. Ces 6 639 créations de postes d’enseignant sont un effort sans précédent, s’ajoutant aux plus de 35 000 créés depuis 2012, et qui influeront positivement sur la réussite de nos enfants.

Dans toutes les régions, malgré des disparités dans l’évolution démographique, des postes supplémentaires seront créés. Notre ambition est claire et connue de tous : après les années Sarkozy, qui ont été marquées par la suppression de 80 000 postes d’enseignant, notre volonté est de redonner de la force à l’école de la République, dans nos villes et dans nos campagnes, pour rendre à la communauté éducative les moyens d’exercer pleinement leurs missions.

Pour cela, notre majorité fournit des moyens financiers et humains sans précédent, mais ce n’est pas tout : de nombreuses mesures replacent également l’école sur les rails de la réussite, comme la réforme des rythmes scolaires qui, nous le savons, est un outil indispensable pour la réussite de nos élèves. La suppression d’une demi-journée d’enseignement dans le premier degré, décidée là aussi sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, avait eu des effets dévastateurs. Autre exemple, la lutte contre le décrochage scolaire, avec la baisse significative du nombre de décrocheurs constatée il y a quelques semaines, est un résultat là aussi très concret de notre politique.

Madame la ministre, nous en sommes convaincus : remettre l’école au cœur du pacte républicain est essentiel et permet de répondre aux inquiétudes de nos concitoyens concernant l’avenir de leurs enfants. Aussi, pouvez-vous nous dire quel bilan vous faites des créations de postes depuis 2012 et en quoi ces créations sont incontournables pour reconstruire l’école de la République ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame la députée, oui, la promesse du Président de la République de créer 60 000 postes dans l’éducation sera définitivement tenue d’ici à 2017, comme nous nous y étions engagés.

Un député du groupe Les Républicains. C’est le seul engagement qui sera tenu !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Si l’on fait les comptes très précisément, nous en serons à la rentrée 2016 à plus de 47 000 postes créés ; le solde sera créé pour la rentrée 2017. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

C’est évidemment une très bonne nouvelle : à la rentrée prochaine, vous l’avez dit, plus de 10 000 postes seront créés, dont plus de 6 000 postes d’enseignant. Concrètement, dans chaque territoire, les chiffres sont très conséquents : 450 postes supplémentaires dans l’académie de Montpellier, 300 dans celle de Grenoble, plus de 1 000 postes supplémentaires dans l’académie de Créteil, par exemple.

J’entends encore ici ou là, sur les bancs de la droite ou chez certains commentateurs, du scepticisme sur la nécessité de créer 60 000 postes dans l’éducation nationale : je veux y répondre clairement à l’occasion de votre question. Créer 60 000 postes dans l’éducation nationale nous permet d’abord de réparer les dégâts commis par la destruction de 80 000 postes par l’ancienne majorité. (Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Un député du groupe Les Républicains. Baratin !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Créer 60 000 postes dans l’éducation nationale a permis qu’en cette rentrée scolaire, qui s’est très bien passée, il y ait un enseignant dans chaque classe ; que nous ayons beaucoup moins de classes qui ferment ; que les conditions de travail pour les enseignants soient bien meilleures ; que nous ayons la reconstitution – je sais que vous y êtes sensible – d’un vivier de remplaçants, qui avait été complètement malmené sous l’ancienne majorité.

Créer 60 000 postes dans l’éducation nationale, c’est permettre la priorité au primaire et que le « plus de maîtres que de classes » comme la scolarisation des moins de trois ans montent en puissance durant les deux années qui nous restent. Créer 60 000 postes dans l’éducation nationale, c’est permettre de former les enseignants, comme nous l’avons voulu.

Enfin, parce que nous ne sommes pas que dans le quantitatif, mais aussi dans le qualitatif, créer 60 000 postes, c’est permettre de remédier aux inégalités sociales et territoriales car vous aurez remarqué que la répartition de ces postes tient compte des difficultés sociales comme des difficultés des milieux ruraux. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Sursaut républicain

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Tourret, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Alain Tourret. Madame la présidente, monsieur le Premier ministre, les élections régionales viennent d’avoir lieu. Le Front national n’a gagné aucun exécutif et aucune alliance ne lui permettra de participer à un quelconque exécutif régional.

Une députée du groupe SRC. Bravo !

M. Alain Tourret. Il faut se féliciter de ce sursaut républicain et de la décision courageuse prise par le Parti socialiste de retirer ses listes là où le Front national était en mesure de l’emporter. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Cette élection n’est pas sans vainqueur ni vaincu. En France métropolitaine, elle signe la victoire des républicains de gauche et des républicains de droite.

Cependant ce sursaut n’est qu’un sursis, il ne faut pas se voiler la face. Près de sept millions de Français se sont prononcés pour un parti dont la doctrine n’est pas républicaine, car on n’est pas républicain quand on préconise la peine de mort ; on n’est pas républicain quand on excuse la torture ; on n’est pas républicain quand on veut supprimer toutes les aides aux associations humanitaires. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

On n’est pas républicain si l’on considère qu’un étranger, un migrant, n’a le droit ni à notre compassion, ni à notre aide, ni même simplement à l’asile.

On pourrait se contenter de se féliciter du résultat, de préconiser telle ou telle accentuation sociale, se satisfaire d’un « ripolinage » de façade. Mais au moment où droite et gauche se sont retrouvées dans des votes consensuels pour lutter contre le terrorisme, pour promouvoir le renseignement, pour accepter l’urgence, ne faut-il pas aller au-delà ? Le moment de constituer un Gouvernement de combat pour les six mois à venir n’est-il pas venu, monsieur le Premier ministre ?

La République est en danger. Les Français veulent des lois de sécurité, de protection sociale, qui prennent en compte les plus fragiles ainsi que la situation des travailleurs pauvres.

Alors, monsieur le Premier ministre, ma question est simple : serez-vous demain l’homme du redressement public qui saura répondre à la France qui doute, à la France qui s’exaspère et qui, si rien n’est fait, fera connaître sa colère en 2017 ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme Marie-Jo Zimmermann. Et le Premier ministre, alors ?

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le député Alain Tourret, vous avez raison d’exalter ce sursaut républicain qui a vu, dans l’ensemble de nos régions, une majorité de Françaises et de Français se mobiliser pour empêcher qu’elles soient dirigées par l’extrême droite. Cette mobilisation avait été voulue, vous le savez, par ce Gouvernement et par le Premier ministre.

Au-delà, elle a rassemblé l’ensemble des responsables, des élus et des militants de la gauche, non dans le cadre d’un accord de circonstance ou pour servir je ne sais quel intérêt. Au contraire, ces derniers se sont sacrifiés en retirant leurs listes, parce qu’ils considèrent que leurs régions et notre pays ne doivent pas porter le stigmate d’exécutifs d’extrême droite.

Je note d’ailleurs que les nouveaux présidents de régions, même de droite, ont remercié les électeurs et les électrices de gauche, ce dont je me félicite.

Monsieur le député, nous sommes parfaitement lucides et personne n’a oublié aujourd’hui ce qui a été dit au travers de ces élections. Le Premier ministre vient de dire ici ce qu’il a répété ces derniers jours : le Gouvernement sera mobilisé pour faire des propositions dès le début de l’année et avancer sur les questions sociales essentielles, l’emploi, le travail qui, aujourd’hui, suscitent évidemment les inquiétudes des Français.

Au-delà, vous avez évoqué une méthode, monsieur le député. Nos institutions sont celles de la VRépublique mais nul doute que nos comportements, nos attitudes et nos postures doivent changer si nous voulons être à la hauteur des attentes des Français.

Les uns et les autres, nous devrons nous demander si un autre dépassement ne sera pas nécessaire pour rassembler la République.

Emploi

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cherpion, pour le groupe Les Républicains.

M. Gérard Cherpion. Je regrette, monsieur le Premier ministre, que vous n’ayez pas répondu à la question de notre collègue Claude Goasguen : où est la République exemplaire voulue par le candidat hollande ?

Mois après mois, la France s’enfonce dans le chômage, monsieur le Premier ministre : 3 850 900 demandeurs d’emploi de catégorie A, 5 470 600 demandeurs d’emploi toutes catégories. Ce sont ainsi 42 000 demandeurs d’emploi supplémentaires inscrits à Pôle emploi le mois dernier, auxquels il faut rajouter les 42 800 radiations administratives qui sont un moyen, pour vous, de limiter la casse.

La France poursuit sa régression en matière économique. Ainsi, notre place de premier partenaire économique de l’Allemagne nous a été ravie par les États-Unis, ce qui implique des pertes d’emploi supplémentaires.

Les résultats des élections régionales témoignent d’une exaspération des Françaises et des Français face à ce manque de résultats de votre Gouvernement.

Face à cela, monsieur le Premier ministre, vous annoncez sur un plateau télévisé un énième plan massif en faveur de l’emploi, pour l’année prochaine ! Pourtant, la situation est dramatique.

Vous annoncez un plan de formation des demandeurs d’emploi mais où en est votre réforme de la formation professionnelle de 2014, qui devait tout régler ? Pourquoi avoir saccagé l’apprentissage, véritable formation de réussite et d’excellence, qui est en baisse constante depuis 2012 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Monsieur le Premier ministre, d’annonces en annonces, la France recule et les Français souffrent.

Comment pouvez-vous annoncer un énième plan alors que vous n’êtes pas capable de nommer à des postes essentiels dans l’administration ? Ainsi, depuis près de quatre mois, la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle, la DGEFP, bras armé du Gouvernement dans la lutte contre le chômage et pour la création d’emploi, est sans tête. La déléguée générale n’a pas été remplacée, pas plus que le responsable du département des synthèses ni le chargé de mission à l’indemnisation du chômage.

La vacance de ces postes essentiels pour la mise en œuvre de vos politiques est de votre responsabilité et démontre votre incapacité à passer des paroles aux actes.

Monsieur le Premier ministre, quand cesserez-vous enfin la communication à outrance pour trouver des réponses concrètes à la première préoccupation des Français : l’emploi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Un député du groupe Les Républicains. Le Premier ministre se cache !

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Il y a en effet une urgence, monsieur le député Gérard Cherpion. Elle a été rappelée dimanche soir, et elle demande une mobilisation républicaine.

Vous le savez, la reprise économique est là (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Franck Gilard. Où ça ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. …mais elle est encore insuffisante.

En un an, les créations nettes d’emplois ont été de 40 000…

M. Thierry Solère. Combien de chômeurs supplémentaires ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. …après de nombreuses années de destructions nettes d’emplois. Mais, compte tenu de la croissance démographique, il en faudrait au minimum 120 000 pour faire reculer durablement le chômage et répondre à un tel défi démographique.

Nous avons donc mis en place des réformes structurelles comme le pacte de responsabilité et le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, qui permettent aux entreprises de retrouver confiance.

M. Gérard Cherpion. Ça ne marche pas !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Mais il faut regarder les réalités de notre pays en face : le chômage touche des personnes peu ou pas qualifiées puisque près de deux millions de demandeurs d’emploi n’ont que le niveau baccalauréat et près de 680 000 ont un niveau inférieur au CAP.

Il faut donc que nous allions bien au-delà en matière d’apprentissage et de formation des demandeurs d’emploi.

Le Premier ministre l’a dit : avec toutes les régions qui souhaiteront travailler avec nous, nous aurons l’occasion de prendre ensemble des mesures radicales pour améliorer la situation car l’apprentissage reste une voie d’excellence.

M. Dominique Dord. Qu’avez-vous fait jusqu’à maintenant ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. L’augmentation du nombre de création d’emplois est insuffisante, en effet, et cela pose question à l’ensemble des Français.

Cela fait trente ans qu’on parle de la valorisation des métiers manuels dans notre pays. Si, notamment dans l’industrie, nous ne prenons pas en compte la faible attractivité de certains métiers, nous ne pourrons pas résoudre le problème du chômage.

Là aussi, il convient de mettre en œuvre un front républicain pour aller beaucoup plus loin !

Mme Laure de La Raudière. Baratin !

Droits des femmes et COP21

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Coutelle, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Catherine Coutelle. Monsieur le Premier ministre, la France, qui s’est portée candidate pour accueillir la COP21, a réussi son pari. Les 195 pays représentés à cette conférence et l’Union européenne ont signé un accord mondial, historique et contraignant. Je salue le Président de la République pour sa détermination et, comme chacun l’a fait avant moi, Laurent Fabius, Ségolène Royal (« Enfin ! » sur les bancs du groupe Les Républicains), l’ensemble du Gouvernement et la diplomatie française, pour leur implication totale.

Je voudrais souligner un succès inespéré, et qui est passé inaperçu : dès son préambule, l’accord a érigé en principe l’égalité entre les femmes et hommes. C’est une grande première ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.) De nombreux pays acceptent, pour la première fois, la mention de cette égalité dans un accord international, et c’est par la question climatique qu’elle arrive.

Par cette mention, tous les pays reconnaissent que les femmes sont les premières victimes du dérèglement climatique. Elles représentent en effet 70 % des personnes pauvres dans le monde et elles sont quatorze fois plus victimes des accidents climatiques que les hommes. Mais les pays signataires ont aussi reconnu que les femmes sont les premières actrices de la lutte contre le dérèglement climatique et qu’elles doivent avoir toute leur place dans les décisions. À l’issue d’une forte mobilisation avec le Sénat, le Haut conseil à l’égalité et les organisations non gouvernementales, la Délégation aux droits des femmes est satisfaite.

Mais il y a un « mais ». Pour amplifier la portée de ce principe, nous aurions souhaité que les parties enfoncent le clou en inscrivant l’égalité entre les femmes et les hommes parmi les objectifs de l’accord, à l’article 2, et surtout dans l’article relatif au financement. En effet, même si nous ne nions pas la grande avancée qui a eu lieu, nous savons que si les droits des femmes ne sont pas garantis et financés, ils régressent.

Monsieur le Premier ministre, la France restera pendant un an la présidente de la COP. Pouvez-vous nous dire comment elle entend continuer à peser pour que l’accord de Paris garantisse intégralement les droits des femmes et que celles-ci aient toute leur place dans cette lutte pour l’avenir de la planète ? Elles ne représentent pas moins que la moitié de l’humanité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Yves Fromion. La pauvre Ségolène a été oubliée ! Où sont les droits des femmes ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des droits des femmes.

Mme Pascale Boistard, secrétaire d’État chargée des droits des femmes. Madame la présidente de la Délégation aux droits des femmes, la COP21 s’est conclue par un accord qui engage le monde en vue de changements majeurs, et qui inscrit l’égalité entre les femmes et les hommes au cœur de ses principes et de ses actions.

Les femmes sont en première ligne, aujourd’hui encore, face aux risques du dérèglement climatique. Mais les femmes ne sont pas seulement des victimes : elles sont aussi porteuses de solutions, même si elles sont encore limitées dans leur action, à cause notamment de cadres juridiques discriminatoires qui, dans de trop nombreux pays, les empêchent d’accéder à la propriété et d’être décisionnaires.

L’accord contient cinq références à l’égalité entre les femmes et les hommes dans la lutte contre le réchauffement climatique. Dès le préambule, dans l’accord, comme dans la décision, est posé le principe de l’égalité entre les femmes et les hommes. Le comité de suivi de l’accord s’emploiera d’ailleurs à poursuivre l’objectif de parité dans sa mise en œuvre des dispositifs, et l’adaptation fait également l’objet d’un objectif à long terme, reconnaissant l’importance d’assurer un meilleur équilibre entre l’atténuation et l’adaptation, ainsi que le besoin de garantir les financements publics et les dons. Ces stratégies d’adaptation des pays en développement devront prendre en compte les femmes.

Mesdames, messieurs les députés, le succès de cette conférence s’est construit bien avant le début de la COP, et il sera bien apprécié après. Il faut considérer qu’il s’agit là d’un point de départ, et non d’un point d’arrivée. La transition écologique est une promesse de création d’emplois pour les femmes, et de développement pour nos territoires. Mais c’est aussi, pour le Gouvernement, un engagement fort. Cette dynamique, portée par la présidence française à la COP21, continuera à s’exercer sous la présidence du Maroc. Nous travaillons très bien ensemble et je tiens à saluer l’implication sur cette question de l’ensemble du Gouvernement, et particulièrement de Laurent Fabius et de Ségolène Royal. (« Ah ! » sur quelques bancs du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Emploi

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Perrut, pour le groupe Les Républicains.

M. Bernard Perrut. Monsieur le Premier ministre, les résultats des élections régionales sont un avertissement pour toute la classe politique, mais plus encore un cri de désespoir des Français face au manque de résultats de votre gouvernement sur leur premier sujet de préoccupation : l’emploi.

Le chômage de masse ne cesse d’augmenter. On est bien loin de la fameuse promesse de l’inversion de la courbe des demandeurs d’emploi, avec 42 000 chômeurs de plus le mois dernier et, globalement, 5,7 millions de nos concitoyens inscrits à Pôle emploi.

Avec le temps de Noël vient le temps des promesses. De vos promesses, monsieur le Premier ministre ! Mais sont-elles crédibles ? Vous annoncez un plan massif pour l’emploi, mais combien de fois avons-nous entendu ces mots dans la bouche des membres de votre gouvernement ? Loi Macron, pacte de responsabilité, crédit d’impôt compétitivité emploi, dialogue social, et bien d’autres : toutes ces lois devaient être une réponse au chômage, mais toutes ont échoué, et les Français souffrent considérablement.

Alors, monsieur le Premier ministre, qu’attendez-vous pour présenter ce grand plan pour l’emploi, après trois années de pouvoir ? Allez-vous enfin accepter les propositions sérieuses et fondées de notre groupe pour le développement économique et contre le chômage ? (« Lesquelles ? » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen) Allez-vous tourner le dos au dogmatisme et au sectarisme, ce sectarisme dont le président de l’Assemblée nationale a lui-même fait preuve en Île-de-France pendant la campagne pour les élections régionales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.) Je note d’ailleurs qu’il n’est pas parmi nous cet après-midi.

À ce propos, je souhaite une pleine réussite à nos collègues Valérie Pécresse, Laurent Wauquiez, Xavier Bertrand, Christian Estrosi et Hervé Morin (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants) pour qui l’emploi et l’apprentissage seront la priorité dans leurs régions, ces régions qu’ils vont diriger avec conviction, détermination, compétence et dynamisme ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, il y avait tout dans votre question : le ton, l’amabilité, l’ouverture et la modestie. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Laurent Furst. C’était du Valls, en somme !

M. Yves Fromion. C’est une question réaliste !

M. Manuel Valls, Premier ministre. S’il y a une leçon à retenir de tout cela – et c’est dommage si vous ne pouvez l’entendre – c’est qu’il faut éviter les interventions péremptoires, celles qui visent à donner des leçons aux autres, notamment sur cette question de l’emploi. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Franck Gilard. Il faut donc interdire l’opposition !

M. Laurent Furst. Professeur Valls !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Le fait que nous vivions depuis trente ans avec le chômage de masse, au point que nous y avons habitué le pays ; la perte de compétitivité de nos entreprises depuis plus de dix ans, notamment par rapport à l’Allemagne : tout cela doit tous – je dis bien tous – nous interroger. C’est ce qui détermine l’action du Gouvernement : sans doute est-elle imparfaite, et sans doute la vôtre fut-elle parfaite, au cours du précédent quinquennat. (Exclamations sur quelques bancs du groupe Les Républicains.)

La compétitivité de nos entreprises, la baisse du coût du travail, le soutien à l’innovation et au numérique : dans tous ces domaines, il faut évidemment faire davantage. En effet, si la croissance mondiale peut nous inquiéter, nous savons aussi – et Myriam El Khomri le rappelait tout à l’heure – que la croissance française, qui s’élève à 1,1 % en 2015, et qui pourrait atteindre 1,4 % ou 1,5 % en 2016, sera insuffisante, même si elle existe. Des emplois sont créés – 40 000 depuis un an – mais, avec l’entrée des jeunes sur le marché du travail, et la réalité de notre marché du travail, nous savons que cela sera insuffisant.

Il faut donc faire davantage pour faciliter l’embauche, pour aider les entreprises, pour former les chômeurs les moins qualifiés, et donc pour encourager l’apprentissage, en associant l’État et les régions. Essayons, monsieur le député, dans les dix-huit mois qui restent avant la fin de ce quinquennat, de travailler ensemble : c’est la proposition que je ferai à l’ensemble des présidents de région, dans le cadre des compétences qui sont celles des conseils régionaux en matière d’apprentissage, de formation, d’innovation, de recherche, de mobilité et d’environnement, parce que nous pouvons faire mieux ensemble.

Essayons – c’est un conseil que je veux bien m’appliquer à moi-même – de nous parler les uns aux autres : c’est ce que je ferai avec les présidents de région. Essayons d’éviter tout sectarisme. Vous parliez, monsieur le député, du président de l’Assemblée nationale,…

M. Claude Goasguen. Où est-il ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. …mais j’aurais aimé, puisque vous avez cité un certain nombre de présidents de région, vous entendre saluer la gauche pour son attitude, car nous nous sommes retrouvés ensemble pour faire barrage à l’extrême droite. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Claude Goasguen. Cela n’a rien à voir !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Lutter contre le sectarisme, cela commence par se reconnaître mutuellement. C’est ainsi que l’on fait progresser le débat démocratique, la démocratie, et que l’on fait reculer l’extrême droite ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Bernard Roman. Très bien !

État d’urgence

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Bardy, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Serge Bardy. Monsieur le ministre de l’intérieur, c’était il y a un mois, le vendredi 13 novembre : la France était touchée en plein cœur par la barbarie terroriste. C’était il y a un mois à Paris et à Saint-Denis, mais à travers ces événements, ce sont tous les territoires de France qui ont été touchés. C’était il y a un mois : les terroristes ont voulu porter atteinte au cœur de l’âme de notre pays – la jeunesse, la culture, le sport, la convivialité, la fête. C’était il y a un mois et nous n’avons rien oublié.

Chers collègues, dès le samedi 14 novembre, à la suite du conseil des ministres, le Président de la République a décrété l’état d’urgence. Le Parlement a prolongé cet état d’exception, qui ne peut être que temporaire. Nous l’avons fait sans légèreté, conscients de la gravité de la situation. Nous devons rendre hommage au dévouement de ces femmes et de ces hommes qui œuvrent au service de notre sécurité. Nos forces de sécurité et de renseignement, nos forces armées et l’ensemble des pouvoirs publics sont engagés dans la lutte pour démanteler les cellules djihadistes qui ont frappé la France et qui veulent semer la terreur.

Les perquisitions se poursuivent. Elles permettent de saisir des armes et d’interpeller des complices – ce matin encore. Elles font aussi, comme vous le savez, 1’objet d’une attention particulière de nos concitoyens, qui sont légitimement attachés à ce que l’état d’urgence n’entrave pas les libertés publiques. Monsieur le ministre, alors qu’une réunion se tiendra ce jour à Matignon avec plusieurs responsables parlementaires, quel bilan tirez-vous de la mise en œuvre de l’état d’urgence ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Guy Geoffroy. Applaudissements très timides.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Vous avez indiqué par votre question, monsieur le député, le contexte qui prévalait il y a un mois et le niveau de menace qui pèse sur notre pays. Je tiens à dire à la représentation nationale qu’il reste extrêmement élevé.

Parce qu’il y avait un péril imminent qui résultait du fait que l’ensemble des terroristes n’avait pas été mis hors d’état de nuire, nous avons décidé de l’état d’urgence après que le Président de la République avait fait, la nuit même des attentats, une déclaration pour en annoncer le principe.

M. Pierre Lellouche. Dommage de ne pas avoir commencé en janvier.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Quel est le bilan de l’état d’urgence ? Celui-ci visait d’abord à récupérer des arsenaux d’armes, dont on sait qu’ils contribuent à la commission d’actes terroristes. Ce sont 431 armes qui ont été récupérées en trois semaines. Sur ces 431 armes, la moitié sont des armes longues, et quarante et une sont des armes de guerre. Nous avons ainsi récupéré en l’espace de trois semaines près d’un tiers du nombre d’armes total récupérées dans le cadre des procédures habituelles en un an. Nous poursuivons bien entendu ces perquisitions avec l’objectif de procéder au démantèlement de ces arsenaux d’armes longues et d’armes de guerre.

Deuxièmement, nous avions aussi pour objectif de procéder à la fermeture de lieux de culte au sein desquels des imams radicalisés appellent à la haine.

M. Pierre Lellouche. Très bien.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Ce sont trente-neuf lieux de culte qui ont été visités, une dizaine d’entre eux ont été fermés, et ce sont bien entendu des prêcheurs de haine qui seront expulsés. Je tiens à rappeler que, depuis le début de l’année, ce sont trente-cinq dossiers qui ont été instruits, ce qui a permis de procéder à des expulsions.

M. Pierre Lellouche. Très bien, il faut accélérer.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Troisièmement, nous avions la volonté d’assigner à résidence des individus qui représentaient un risque : 361 personnes ont été assignées à résidence. Tel est le bilan. Nous avons voulu agir dans le respect rigoureux des principes de droit. Je me réjouis que la représentation nationale veille à ce que efficacité et respect du droit…

Mme la présidente. Je vous remercie, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Coopération transfrontalière dans la lutte contre le terrorisme

Mme la présidente. La parole est à Mme Virginie Duby-Muller, pour le groupe Les Républicains.

Mme Virginie Duby-Muller. Monsieur le Premier ministre, un mois après les attentats de Paris, l’ordre de frapper la ville de Genève a été donné par l’État islamique. La police suisse recherche depuis jeudi au moins quatre djihadistes dans cette ville. Siège d’une trentaine d’organisations internationales, Genève est aussi une ville frontalière de la France.

Monsieur le Premier ministre, après les attentats de Paris, la mise en place de l’état d’urgence et la découverte d’une cellule djihadiste à Bruxelles, la question de la coopération transfrontalière est, aujourd’hui plus que jamais, au cœur de nos enjeux de sécurité et de protection du territoire.

Si de très nombreux points de passage entre la France et la Suisse donnent lieu à des contrôles renforcés, tous les points ne sont cependant pas surveillés et les vérifications restent aléatoires avec un très grand nombre de passages quotidiens. Aujourd’hui, c’est du pain bénit pour les djihadistes.

Le travail de nos douaniers est pourtant indispensable. Le Président de la République avait annoncé devant le Congrès un renfort des forces de l’ordre et, en particulier, la création de mille postes de douaniers. Ces annonces allaient dans le bon sens, mais on s’interroge aujourd’hui sur la pertinence de cette mesure, en contradiction avec le projet stratégique Douane 2018, la direction des douanes tablant plutôt sur la création de 250 emplois de douaniers.

Monsieur le Premier ministre, notre sécurité intérieure exige aujourd’hui des moyens réels et concrets. Le problème se pose également pour les fiches S, dont le système est géré directement par les renseignements français. La police suisse n’a pas accès à cette liste. Récemment, une personne fichée S a été employée en tant que bagagiste à l’aéroport de Genève-Cointrin. L’affaire dépasse le simple fait divers : comment faire pour repérer ces personnes à temps ? L’échange de ces informations n’est pas systématique, il se fait au cas par cas et le flux d’informations varie selon la complexité du dossier. La coopération transfrontalière est fondamentale pour cet échange de données.

Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous donner de véritables garanties concernant les échanges d’informations au plan européen ? Aujourd’hui plus que jamais, nous avons besoin d’unité et d’une mutualisation intelligente de nos renseignements. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Je vous remercie, madame la députée, de cette question très précise : elle soulève de vrais problèmes qui sont autant de points inscrits l’agenda européen de la France.

Premier point : les échanges d’informations sont trop faibles, comme l’est le contrôle aux frontières extérieures de l’Union européenne. C’est la raison pour laquelle nous avons demandé la modification de l’article 7-2 du code frontières Schengen, pour qu’il y ait des contrôles systématiques, coordonnés, avec interrogation systématique du système d’information Schengen – SIS –, aux frontières extérieures de l’Union européenne.

Deuxième point, cela ne suffit pas si l’ensemble des pays de l’Union européenne n’intègre pas dans le SIS les informations dont ils disposent sur les terroristes qui représentent un risque dans leur propre pays. C’est ce que nous avons, là aussi, demandé aux instances de l’Union européenne. En même temps qu’on modifiera le code frontières Schengen, on rendra automatique l’alimentation du SIS.

Troisièmement, nous avons absolument besoin de créer les conditions d’une coopération renforcée entre les services de renseignement. Vous avez évoqué la question de la coopération franco-suisse : il y a eu effectivement des interrogations sur des individus qui, au cours des derniers jours, ont franchi la frontière franco-suisse. Vous dites que tous les points de passage ne sont pas contrôlés : il y a des milliers de points de passage sur la frontière septentrionale et sur la frontière méridionale, mais nous avons augmenté sur les dix-sept principaux points de passage la présence des forces de sécurité en mobilisant deux escadrons de gendarmerie mobile supplémentaires. Deux individus ont été arrêtés : ce que je peux vous le dire à l’instant, c’est que la police fédérale et le parquet fédéral ainsi que la police et les services de renseignement français coopèrent pour identifier le rôle qui a pu être le leur et les éventuelles complicités dont ils ont pu bénéficier. Compte tenu du fait que les auditions sont en cours, je n’irai pas au-delà.

Je tiens enfin à insister sur le fait que nous renforçons les effectifs de police et des douanes pour être efficaces dans la lutte contre le terrorisme et dans les contrôles aux frontières. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Grippe aviaire

Mme la présidente. La parole est à Mme Florence Delaunay, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Florence Delaunay. Ma question, à laquelle j’associe notamment Henri Emmanuelli, s’adresse à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.

La France est le quatrième producteur mondial de volaille et compte 14 000 éleveurs. Tandis que nous commençons à surmonter la crise de l’élevage grâce aux mesures que vous avez prises, monsieur le ministre, les éleveurs sont touchés par la grippe aviaire. Quinze foyers d’infection ont été détectés dans cinq départements : la Dordogne, la Haute-Vienne, le Gers, les Pyrénées-Atlantiques et les Landes, où je suis élue. Dès que cette information a été confirmée, vous avez pris toutes les mesures nécessaires pour endiguer la propagation de la grippe. Vous avez déclenché un plan sanitaire d’urgence prévoyant la surveillance renforcée des élevages et de la faune sauvage.

Un périmètre de plusieurs kilomètres est établi autour des exploitations concernées afin que la grippe ne se transmette pas à d’autres animaux. Ceux qui sont susceptibles d’être contaminés sont abattus. Les préfectures ont mis en œuvre ces mesures strictes mais nécessaires. Mme la ministre de la santé et vous-même avez immédiatement saisi l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail – ANSES – afin d’évaluer les risques encourus par l’homme. Les conclusions sont claires : il n’y a aucun danger pour l’homme et il n’y a pas de transmission d’un animal à un être humain. Le contact avec les animaux contaminés et l’ingestion de viande, d’œufs ou de foie gras n’entraîne en aucun cas la transmission de la maladie.

Nous appliquons toutes les mesures de précaution nécessaires. Si certains pays étrangers comme le Japon ont interrompu l’importation de produits comme le foie gras, nous devons soutenir nos éleveurs pour surmonter cette crise au plus vite. Pouvez-vous détailler, monsieur le ministre, les actions mises en œuvre pour soutenir nos éleveurs ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Cinq départements sont en effet touchés par la grippe aviaire : les Landes, la Dordogne, le Gers, la Haute-Vienne et les Pyrénées-Atlantiques. Dès le 24 novembre, lorsque le premier cas a été détecté, Marisol Touraine et moi-même avons saisi l’ANSES. Il s’agit d’une influenza aviaire avec un virus de type H5N1 dont les conséquences sur la santé humaine ont été très graves en Asie. Le rapport de l’ANSES rendu hier est parfaitement clair : ce virus est de souche européenne et n’a rien à voir avec le virus de souche asiatique. Dès lors, il est très clair que cette influenza aviaire n’a aucune conséquence sur la santé humaine et sur celle des mammifères. Je le dis très clairement car certaines interprétations ont été avancées.

À partir de ces sujets, trois souches ont été repérées : H5N1, H5N2 et H5N9. Toutes sont de la même origine et 97 % des séquences du virus sont identiques. Nous disposons donc sur ce point d’informations rassurantes. Cela dit, des mesures de biosécurité ont été systématiquement prises dans toutes les zones où le virus a été détecté – zone de protection sur trois kilomètres et zone de surveillance sur dix kilomètres – pour éviter la transmission du virus et limiter son impact. Nous prenons aussi en compte les conséquences économiques de cette situation, dont l’évaluation est en cours. L’abattage des animaux vise à éviter la transmission et les éleveurs seront indemnisés. Enfin, Matthias Fekl et moi-même travaillons afin de garantir les débouchés de nos produits à l’exportation. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Sécurité dans les écoles

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Genevard, pour le groupe Les Républicains.

Mme Annie Genevard. Monsieur le Premier ministre, hier matin, nous apprenions avec effroi l’agression d’un enseignant en Seine-Saint-Denis au nom de l’État islamique. Même si l’enquête a révélé l’invention des faits par la prétendue victime, la menace est réelle depuis que Daech a officiellement déclaré la guerre à notre école. Il existe un vrai problème de sécurité des enseignants, et donc des élèves. Le monde éducatif est inquiet et attend des mesures concrètes. Il faut un véritable pacte de sécurité dans nos écoles et à proximité de celles-ci associant chefs d’établissements, police et collectivités. C’est une priorité absolue. En 2012 déjà, l’islamisme radical s’en était pris à notre école. Parce qu’ils étaient juifs, des enfants et un professeur avaient été froidement assassinés par Mohammed Merah.

Or s’attaquer à l’école n’est pas seulement un acte de plus contre la France et sa civilisation. S’en prendre aux enseignants, c’est franchir un palier terrifiant, c’est attaquer la transmission du savoir affranchi de la tutelle religieuse. C’est donc véritablement une emprise totale que l’État islamique entend exercer sur la société française par la radicalisation grandissante d’élèves dans des écoles musulmanes mal contrôlées, par l’intimidation qui amène des professeurs à renoncer à certains enseignements et par la terreur qu’inspirent ces menaces de mort. Comment comptez-vous, monsieur le Premier ministre, protéger l’école de l’obscurantisme meurtrier de l’État islamique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. C’est donc entendu, l’agression d’un enseignant hier dans une école maternelle d’Aubervilliers était une affabulation. Il n’en reste pas moins que la question de la sécurité dans nos écoles se pose et constitue pour nous un enjeu considérable. C’est la raison pour laquelle, dès les jours qui ont suivi les attentats du 13 novembre dernier, le ministre de l’intérieur et moi-même avons adressé à chaque établissement de France une circulaire précisant les mesures à prendre afin que les plans de mise en sécurité soient bien adoptés dans l’établissement, que chaque acteur de l’établissement scolaire connaisse ses missions, que les plans de l’établissement soient transmis à la préfecture au cas où il faudrait réagir et surtout que l’on fasse faire aux élèves, d’ici à Noël, un certain nombre d’exercices de sécurité, de confinement ou d’évacuation afin que chacun soit paré le jour venu si un malheur devait se produire.

Cela étant, votre question est double, madame la députée. En matière de sécurité, nous pouvons toujours faire mieux. Le ministre de l’intérieur et moi-même annoncerons d’ici à deux jours d’autres mesures visant notamment à former aux premiers secours un nombre très important d’adultes au sein des établissements scolaires. Mais vous soulevez aussi la question des établissements où, selon vous, on n’ose pas aborder certains enseignements ou certains sujets. Cette question, nous l’avons beaucoup évoquée au lendemain des attentats qui ont visé Charlie Hebdo en janvier dernier. Je tiens à vous rassurer pleinement : rien de ce qui se fait dans les murs de l’éducation nationale n’est mis sous le tapis. Aucun incident n’a été traité à la légère, comme vous avez pu le constater par vous-même. Tous les incidents sont désormais signalés, transmis et traités. Un suivi est opéré et chaque académie compte des référents qui se rendent dans les établissements où des problèmes se posent. Les enseignements sont bel et bien tenus. Nous y veillons. La laïcité n’a jamais été affirmée à l’école avec autant de force que par ce gouvernement ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Yves Fromion. Ça va !

Compte pénibilité

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Moyne-Bressand, pour le groupe Les Républicains.

M. Alain Moyne-Bressand. Monsieur le Premier ministre, hier, vous avez annoncé vouloir apporter des réponses pour l’emploi. Or, plus de deux ans après la loi Touraine, vous vous apprêtez à publier de nouveaux décrets sur le compte pénibilité, qui suscitent une grande inquiétude parmi les dirigeants de nos PME. Mesure complexe, modalités floues, critères ambigus : le compte pénibilité est une véritable contrainte pour les entreprises françaises.

M. Guy Geoffroy. Quand c’est flou, il y a un loup !

M. Alain Moyne-Bressand. Le pacte de responsabilité, que vous brandissez comme un étendard, cache en réalité tout un ensemble de mesures qui empoisonnent la vie de nos entrepreneurs…

M. Michel Pouzol. Non !

M. Alain Moyne-Bressand. …quand il faudrait au contraire les aider et les encourager. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Lucien Degauchy. C’est vrai !

M. Alain Moyne-Bressand. Je vous donne un exemple : l’obligation de publier les bilans, pays par pays, qui figure dans le collectif budgétaire actuellement en discussion dans notre assemblée, n’est en réalité qu’une obligation pour les entreprises françaises de communiquer leurs données stratégiques à leurs concurrents internationaux.

M. Lucien Degauchy. Aberrant !

M. Alain Moyne-Bressand. Monsieur le Premier ministre, croyez-vous vraiment que c’est avec ce genre de mesures que l’on défend la compétitivité de l’économie française ?

Que veulent nos entreprises ? Des mesures durables, un environnement normatif clair et stable, des règles fiscales incitatives et fixes. Que veulent nos entrepreneurs ? Moins de charges, moins de contraintes car ce sont eux qui créent l’activité et l’emploi. Que veulent nos entreprises ? Une France qui ne vive pas au-dessus de ses moyens et qui ne soit pas l’exception économique en Europe, avec les 35 heures et, maintenant, un compte pénibilité complexe et générateur de contraintes.

M. Marc Le Fur. Bravo !

M. Alain Moyne-Bressand. Il y a quelques mois, vous aviez accepté de repousser la mise en œuvre de certains critères devant la montagne que représente ce dispositif pour nos entreprises. Il faut aller plus loin et le supprimer ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. (« Le Premier ministre part ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Je voudrais vous rappeler, monsieur le député, que la mise en place d’un compte pénibilité a pour objectif de répondre à la différence d’espérance de vie entre nos concitoyens : ceux qui sont exposés à certains facteurs de pénibilité vivent jusqu’à dix ans de moins en bonne santé que les autres Français. C’est donc une mesure de justice forte, qui a commencé à entrer en vigueur puisque, parmi les dix facteurs de pénibilité identifiés par les partenaires sociaux – et non par le Gouvernement –, quatre sont entrés en vigueur dès cette année. Dès l’année prochaine, des salariés pourront bénéficier d’une retraite anticipée grâce aux droits qu’ils ont accumulés.

Restent les six autres facteurs de pénibilité, pour lesquels le Gouvernement a toujours indiqué sa volonté que la simplicité soit au rendez-vous. C’est pour cela qu’un travail approfondi a été mené. Je veux remercier en particulier Christophe Sirugue, qui a mené, avec d’autres, une mission pour voir comment simplifier la mise en place de cette mesure.

Des décrets d’application seront publiés vers la fin de l’année, qui viendront confirmer deux grandes orientations de simplification. D’une part, les facteurs de pénibilité entreront en application, non au 1er janvier de l’année prochaine, mais au 1er juillet 2016, pour donner aux entreprises le temps de s’adapter et de mettre en application les critères définis. D’autre part, un second décret confirmera que les fiches d’exposition ne seront plus de la responsabilité des entreprises, mais des caisses de retraite, qui auront la charge d’informer les salariés.

Comme vous le voyez, monsieur le député, cette mesure de justice sociale se mettra en œuvre dans la simplicité et avec le souci du travail des entreprises.

Revalorisation du SMIC

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. André Chassaigne. Ma question s’adressait à M. Le Premier ministre.

Au lendemain des élections régionales qui ont signé des victoires à la Pyrrhus et fait de l’abstention le premier parti de France, le Gouvernement a annoncé, pour la troisième année consécutive, qu’il ne donnerait pas de coup de pouce au SMIC.

Ainsi il n’augmentera que de 0,6 % au 1er janvier. Une personne rémunérée au salaire minimum touchera donc 1 143 euros nets mensuels, soit une hausse de six euros par rapport à 2015. Comment vivre dignement avec 1 143 euros par mois – et je ne parle là que des salariés employés à temps plein – ?

S’en tenir à l’indexation légale du SMIC est tout simplement incompréhensible au regard des attentes exprimées et des souffrances sociales des Français les plus modestes. Une inflexion de la politique économique et sociale du Gouvernement contribuerait pourtant à rétablir le lien entre le pouvoir et le peuple. Il existe pour cela des marges de manœuvre : ce n’est qu’une question de choix.

Entendons cette désespérance sociale qui s’exprime dans notre pays, alimentée aussi par les promesses non tenues. Un coup de pouce significatif au SMIC serait une première réponse aux appels de notre peuple, dont une partie de plus en plus importante, guidée par la colère et le désespoir, renonce à son droit de vote ou n’hésite plus à voter pour le parti de la haine.

Le Gouvernement doit sortir de son entêtement à poursuivre dans la voie actuelle pour offrir une alternative concrète à la désespérance. Et cette alternative, c’est l’espoir suscité par une sortie de l’austérité.

Le Gouvernement entend-il rester sourd aux appels, qui s’expriment de plus en plus largement, jusqu’au sein même de sa majorité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Nicolas Dupont-Aignan. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le président Chassaigne, bien sûr, nous entendons cette désespérance et nous savons qu’il est compliqué de vivre avec 1 143 euros par mois.

M. Marc Dolez. Il faut y répondre : qu’attendez-vous ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Je ne crois pourtant pas que la réponse soit d’apporter un coup de pouce au SMIC. Comme je l’ai indiqué, il y a une reprise de l’activité économique, avec 40 000 créations nettes d’emplois. Nous devons donc accompagner encore ce mouvement de reprise.

C’est précisément parce que notre priorité c’est l’emploi que nous avons décidé de ne pas aller au-delà de l’augmentation mécanique du SMIC à hauteur de 0,6 %. J’entends vos critiques et vos inquiétudes. Nous avons naturellement pris cette décision de manière responsable mais cela ne signifie pas que nous soyons insensibles à la question de la précarité. Le pouvoir d’achat des salariés est essentiel et les Français attendent que nous traitions cette question.

Nous la traitons d’abord sur le plan fiscal, en allégeant l’impôt sur le revenu des ménages, de près de deux milliards d’euros supplémentaires en 2016. Très concrètement cela représente un gain moyen de 252 euros, soit bien davantage qu’un coup de pouce au SMIC.

Mme Jacqueline Fraysse. Les smicards ne paient pas d’impôt !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Nous l’accompagnons également en mettant en place la prime d’activité au 1er janvier 2016, et en l’étendant aux jeunes actifs, apprentis et étudiants.

Plus que des mesures d’ajustement, nous voulons des résultats, notamment en matière d’augmentation du pouvoir d’achat. Ils nous permettent d’envoyer le signal que nous voulons favoriser le pouvoir d’achat des travailleurs les plus modestes. Il s’agira aussi de relever les minima sociaux dans vingt-trois branches, où ils sont inférieurs au SMIC – cela aussi, c’est inacceptable.

Alléger la fiscalité, c’est aussi une mesure de justice sociale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme la présidente. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

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Projet de loi de finances rectificative pour 2015

Nouvelle lecture

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de finances rectificative pour 2015 (nos 3344, 3347).

Présentation

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Madame la présidente, madame la rapporteure générale, mesdames et messieurs les députés, nous examinons aujourd’hui, en nouvelle lecture, le projet de loi de finances rectificative pour 2015. Il s’agit, après la nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2016, de la dernière étape importante de l’automne budgétaire.

Pour présenter ce nouvel examen du collectif budgétaire, je rappellerai les principaux composants du projet de loi déposé par le Gouvernement, ainsi que les enrichissements apportés en première lecture par l’Assemblée nationale.

Le volet fiscal du projet de loi comportait trois pans principaux : une mise en conformité du dispositif dit « ISF PME » – qui consiste à accorder une réduction de l’impôt de solidarité sur la fortune en contrepartie d’un investissement dans des petites et moyennes entreprises – par rapport au droit communautaire ; un ensemble de mesures destinées à moderniser le recouvrement de plusieurs taxes et à développer la dématérialisation dans les relations entre les contribuables et l’administration fiscale ; et, surtout, une réforme majeure de la fiscalité de l’énergie, qui a pour objet de poursuivre le déploiement de la fiscalité énergétique et de renforcer l’information du Parlement par une rebudgétisation complète de la contribution au service public de l’électricité.

Alors que la COP21 vient de s’achever, je veux insister sur les progrès accomplis par notre pays s’agissant de la fiscalité du carbone. Dès la loi de finances pour 2014, nous avions fixé une trajectoire de hausse du prix du carbone ; cette trajectoire permettait notamment de faire un premier pas vers la convergence de la fiscalité entre essence et gazole. Ce premier pas a été suivi d’un deuxième, cet automne, avec l’augmentation d’un centime de la taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques – TICPE – sur le gazole en 2016, compensée par une baisse équivalente de la taxe sur l’essence. L’outil fiscal est en effet essentiel pour orienter les comportements vers une consommation moins carbonée. Le rendement de cette fiscalité sera affecté aux baisses d’impôts sur les ménages et les entreprises.

Je veux maintenant revenir sur les compléments apportés au cours de l’examen du texte par votre assemblée en première lecture. Trois évolutions importantes ont été engagées.

D’abord, à l’initiative du Gouvernement, l’Assemblée a adopté la mise en conformité avec le droit européen du régime d’imposition dit « mère-fille », à la suite de l’arrêt Steria de la Cour de justice de l’Union européenne. Cette mise en conformité se fait par conséquent très rapidement après la décision de la Cour, et à coût neutre pour les finances publiques. Le dispositif supprime la neutralisation de la quote-part de frais et charges afférente aux dividendes versés entre sociétés d’un même groupe ; corrélativement, et compte tenu du coût que représente cet aménagement pour les groupes fiscaux, il abaisse à 1 % le taux de la quote-part de frais et charges afférente aux dividendes éligibles au régime mère-fille que perçoivent les sociétés membres d’un groupe, d’autres membres du groupe ou de sociétés établies dans un autre État de l’Union ou de l’Espace économique européen.

Le deuxième ajout important concerne la fiscalité agricole. Sous l’impulsion conjointe du Gouvernement et de votre collègue François André, l’Assemblée a introduit un certain nombre d’amendements relatifs, notamment, au dispositif de déduction pour aléas – DPA – et à la réforme du régime du forfait agricole. Ces dispositions ont fait l’objet d’un travail important avec les organisations syndicales, et je crois pouvoir dire que celles-ci les approuvent largement, dans la version adoptée par l’Assemblée nationale.

Enfin, parmi les nombreuses mesures fiscales contenues dans ce texte, la réforme de la surtaxe sur les terrains à bâtir n’est pas la moins importante. Le dispositif, qui s’est appliqué pour la première fois en 2015, était à la fois disproportionné et insuffisamment incitatif, en raison du manque d’information des contribuables. Nous proposons une réforme en deux temps, que j’ai présentée en première lecture et sur laquelle je ne reviendrai pas.

J’en viens au volet budgétaire du texte, dont je rappellerai les principaux éléments.

La dépense est tenue : la norme de dépenses de l’État, que nous avions abaissée de 700 millions d’euros au printemps, sera respectée ; nous avons su non seulement tenir la réduction des dépenses, mais aussi financer, au sein de cette enveloppe réduite, toutes les nouvelles dépenses en faveur de la sécurité de nos concitoyens. Les mouvements de crédits qui vous sont proposés le permettront.

Les impôts rentrent dans les caisses de l’État conformément à nos prévisions de recettes ; nous avons même revu à la hausse celle relative aux recettes de la TVA, ce qui nous permet de rembourser la dette de l’État envers la Sécurité sociale.

Au final, le déficit de l’État est revu à la baisse à hauteur de plus d’un milliard d’euros par rapport à la prévision de la loi de finances initiale pour 2015.

Enfin, le projet de loi comportait une série de dispositions importantes concernant les garanties accordées par l’État, avec notamment la refonte complète du régime des garanties à l’export. Un amendement du Gouvernement a en outre été adopté en première lecture afin de permettre la contribution de la France au Fonds de résolution unique, le FRU, outil essentiel pour la réforme de la supervision bancaire au plan européen. Je souhaitais le mentionner dans ce propos liminaire, car la plupart des articles relatifs aux garanties ont été adoptés conformes par le Sénat et ne seront donc pas réexaminés par votre assemblée aujourd’hui.

Voilà, madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, les principaux éléments à retenir de ce collectif budgétaire particulièrement substantiel.

La fin de l’année est aussi le bon moment pour faire le bilan des douze derniers mois.

Rappelez-vous la fin de l’année dernière, quand vous terminiez le précédent marathon budgétaire : on nous disait que le déficit allait augmenter, que les impôts ne rentreraient pas à cause du « ras-le-bol fiscal », ou encore que la Commission européenne allait prononcer des sanctions contre notre pays. Un an après, quel est le constat ? Le déficit public a diminué en 2014, il diminue en 2015 et il continuera à diminuer en 2016 ; les impôts rentrent conformément à nos prévisions ; les entreprises et les ménages bénéficient de nouveaux allégements ; enfin, nous respectons strictement la recommandation de la Commission européenne.

Le chemin vers l’assainissement complet de nos comptes est sans doute encore long, mais, grâce aux efforts de nos concitoyens et à la gestion prudente de ce gouvernement, les résultats sont au rendez-vous – et cela, les Français doivent le savoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous nous retrouvons cet après-midi pour examiner en nouvelle lecture le projet de loi de finances rectificative pour 2015, à la suite de l’échec de la commission mixte paritaire de lundi dernier.

M. Jean-Luc Laurent. On se demande pourquoi !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je vais y venir, cher collègue !

Je commencerai par un rapide point sur les statistiques. Je crois que le faible nombre d’articles restant en discussion témoigne du souhait commun de l’Assemblée nationale et du Sénat de travailler dans un esprit constructif sur le texte proposé par le Gouvernement.

Quelques statistiques, donc : le Gouvernement nous a transmis un projet de loi de finances rectificative qui comportait quarante-quatre articles ; l’Assemblée nationale a adopté soixante-six articles additionnels et le Sénat vingt-quatre ; au total, 134 articles ont donc été discutés. Sur ces 134 articles, soixante-cinq ont été adoptés en des termes identiques par les deux assemblées et ne sont donc plus en discussion. Il en reste soixante-neuf en discussion ; la commission des finances a proposé d’en reprendre quarante-sept dans la version adoptée par le Sénat et neuf partiellement. La plupart des mesures proposées ont donc suscité un consensus entre nos deux assemblées. Toutefois, ce consensus n’a pas empêché l’échec de la commission mixte paritaire, échec qui résulte de désaccords sur des points majeurs.

Pour mémoire, le présent projet de loi de finances rectificative pour 2015 vise quatre objectifs. Premièrement, procéder à des ajustements sur les dépenses et les recettes de l’État pour 2015, afin de respecter la trajectoire des finances publiques que nous avons fixée l’an dernier.

Le deuxième objectif consiste à faire évoluer la fiscalité écologique conformément aux exigences de la COP 21, qui a abouti à un accord samedi dernier. 195 pays se sont ainsi entendus sur des objectifs très ambitieux.

Le troisième objectif concerne la fiscalité agricole. Il s’agit de mettre en œuvre les recommandations de la mission d’information de la commission des finances dont notre collègue François André était rapporteur.

Le quatrième objectif consiste en des ajustements en faveur de l’investissement dans les PME. Il s’agit à la fois de mettre notre droit en conformité avec le droit européen, et de l’améliorer selon les recommandations suggérées dans le rapport de nos collègues Olivier Carré et Christophe Caresche.

Les deux chambres du Parlement sont tombées d’accord pour ce qui concerne les ajustements budgétaires. Le Sénat a en effet adopté conformes les articles liminaires et les articles d’équilibre, et n’a ajusté qu’à la marge – pour moins d’un million d’euros – les crédits du budget général. Il y a donc eu un accord entre nos deux assemblées sur la trajectoire budgétaire du Gouvernement et de sa majorité pour l’année 2015 : ce n’est pas sur ce point qu’ont porté les désaccords.

Le désaccord fondamental qui a conduit à l’échec de la commission mixte paritaire porte sur la réforme de la fiscalité écologique. Les divergences ont porté sur plusieurs points, que je vais reprendre un à un. Le Sénat a d’abord remis en cause plusieurs mesures que nous avions adoptées. Nous avions trouvé un équilibre concernant la répartition des taxes entre électricité et énergies fossiles, en diminuant l’augmentation de la fiscalité sur l’électricité, et en taxant les énergies fossiles. Le Sénat y a renoncé, ce qui a pour conséquence, du point de vue budgétaire, de réduire de 215 millions d’euros les rentrées fiscales dans les caisses de l’État.

Deuxième mesure remise en cause par le Sénat : nous avions prévu une convergence progressive de la fiscalité du gazole et des essences dans le cadre de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, la TICPE, et la mise en place, sur deux ans, de la déductibilité de la TVA sur l’essence achetée par les entreprises pour leurs flottes de véhicules. Le Sénat a diminué de 250 millions d’euros les recettes attendues en 2016 au titre de la TICPE, et a supprimé la mesure portant sur la TVA.

Troisième point de divergence concernant la fiscalité écologique : l’étalement sur plusieurs années de la déductibilité de la TVA sur l’essence, afin de laisser aux acteurs économiques le temps de s’adapter.

Malgré ces divergences, des accords – parfois partiels – ont été trouvés. Le Sénat a par exemple validé les dispositions relatives à la fiscalité agricole adoptées par notre assemblée, pour encourager l’épargne des exploitants agricoles. Il s’agissait avant tout de parer de manière plus souple aux aléas économiques et climatiques.

Les divergences avec nos collègues sénateurs concernant la réduction d’impôt dite ISF-PME étaient importantes ; ce n’est cependant pas ce point qui a conduit à l’échec de la CMP. Il s’agit de mettre les dispositions relatives au dispositif ISF-PME en conformité avec le droit européen. Nos collègues sénateurs ont ajouté d’autres dispositions concernant ce dispositif ; je vous proposerai de reprendre certaines d’entre elles au moyen des amendements que nous examinerons au cours de cette nouvelle lecture.

Les sénateurs ont d’abord proposé d’exclure les frais qui sont facturés par les intermédiaires, ceux qui mettent en contact les investisseurs et les entreprises qui bénéficient de ces investissements. Nous vous proposerons d’inclure cette disposition dans le texte final. Nous proposerons également de permettre aux fondateurs d’une société de moins de sept ans de bénéficier de l’ISF-PME ; en l’état actuel, ce seraient les seuls actionnaires ou investisseurs dans ladite entreprise qui ne pourraient pas en bénéficier, ce qui nous paraît injuste.

Enfin, ce projet de loi de finances rectificative contient des dispositions relatives aux finances locales, sur lesquelles nos deux assemblées se sont accordées. J’en citerai deux : l’assouplissement de la majoration de la taxe foncière sur les terrains non bâtis et constructibles dans 618 communes, et des aménagements destinés à faciliter les procédures d’intégration fiscale lorsque des communes fusionnent, ou lorsque le périmètre d’un établissement public de coopération intercommunale évolue.

Mes chers collègues, je vous invite à adopter ce projet de loi de finances rectificative à l’issue de cette nouvelle lecture. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, à l’issue de la commission mixte paritaire, des désaccords subsistent – Mme la rapporteure générale l’a dit. Le désaccord est profond au sujet de la réforme de la fiscalité écologique.

J’évoquerai brièvement quelques dispositions ayant fait débat, que le Sénat a adoptées en première lecture, et que j’approuve. À cause de la COP21, vous avez une vision à trop court terme de la réforme de la fiscalité écologique ; vous allez ainsi conduire certaines filières économiques de notre pays, dont dépend un nombre important d’emplois, dans une impasse. Après ces mesures, il faudra mettre en place un plan Marshall pour remédier au problème de l’emploi !

Nous examinons aujourd’hui, en nouvelle lecture, le projet de loi de finances rectificative pour 2015, qui a été – à mon sens – profondément amélioré par nos collègues sénateurs, contre l’avis du Gouvernement. Le Sénat a joué parfaitement son rôle d’opposition constructive : la majorité sénatoriale a largement remanié ce collectif budgétaire qui clôt l’année 2015 et signe indiscutablement l’échec de la politique budgétaire soutenue par votre majorité. Pardonnez-moi de doucher l’optimisme dont vous avez fait preuve en concluant votre intervention, monsieur le secrétaire d’État, mais telle est la réalité !

Permettez-moi de revenir sur les dispositions adoptées par le Sénat : réduction d’un centime d’euro par litre du tarif de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, la TICPE, applicable aux essences hors supercarburant SP 95-E 10 en 2016 ; baisse de 1,27 euro par 100 kilogrammes du tarif de TICPE applicable au gaz de pétrole liquéfié utilisé comme carburant, pour le budget 2016 ; préservation de l’écart de fiscalité entre l’essence et le gaz naturel véhicule, dit GNV, suite à la modification par le Gouvernement des valeurs de TICPE sur le gazole et l’essence ; suppression de l’article 30 ter, qui prévoyait la déductibilité de TVA au profit des véhicules à essence – c’est là une mesure de bon sens que le Sénat a adoptée – ; suppression de l’article 12 sexies qui prévoyait des mesures de coordinations avec l’article 32 bis du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, au motif que ce dernier ne remet pas en cause l’avantage fiscal lié aux services à la personne ; réforme du régime de la redevance pour création de bureaux en Île-de-France, qui deviendrait ainsi une taxe ; suppression de l’application rétroactive d’un taux spécifique de TVA de 2,1 % pour la presse en ligne à compter du 12 juin 2009.

Je ne vous ai pas entendu parler, madame la rapporteure générale, de ce dernier point. Je ne sais pas si tous mes collègues ont bien compris de quoi il s’agit : en première lecture, l’Assemblée nationale a ajouté à ce projet de loi de finances rectificative une disposition visant à appliquer rétroactivement un taux de TVA spécifique à certains médias en ligne. Cette mesure prendrait effet à la date du 12 juin 2009. À aucun moment, dans aucun débat sur une loi de finances, je n’ai vu une telle confusion !

Je poursuis l’énumération des dispositions adoptées par le Sénat : extension de l’exonération des dons reçus par un militaire, un policier, un gendarme, un pompier ou un douanier blessé dans l’accomplissement ; suppression de l’article 35 undecies qui obligeait les entreprises réalisant plus de 40 millions d’euros de chiffre d’affaires à publier en ligne les informations relatives à leur chiffre d’affaires, leur bénéfice, les impôts qu’elles paient et les subventions qu’elles reçoivent. À ce sujet, il me semble tout à fait normal que le ministère des finances, ou plus précisément la direction générale des finances publiques, dispose de ces informations, mais qu’elles soient diffusées auprès du grand public affaiblirait l’ensemble des entreprises françaises, et donc notre système économique, dans un contexte de concurrence internationale.

J’espère – peut-être cet espoir est-il vain, monsieur le secrétaire d’État – que la majorité tiendra compte de ces avancées, et ne les remettra pas systématiquement en cause au seul prétexte qu’elles émanent de l’opposition actuelle.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez pris conscience de l’imperfection du texte dont nous avons débattu en première lecture. En effet – je le rappelle pour mémoire – vous avez déposé tant d’amendements à l’Assemblée nationale que le texte initial a triplé de volume ! Voilà la réalité !

Monsieur le secrétaire d’État, les faits sont têtus : il est temps de changer de cap. Laissez-moi vous rappeler certains de ces faits, certains des records de l’année 2015 qui ne vous plairont pas : le taux de croissance sera en France de 1 %, contre 1,5 % dans la zone euro – vous semblez considérer que cette performance est bonne, mais nous ne pouvons vous en donner acte ; le taux de chômage est de 10,6 %, niveau le plus élevé depuis 1997 ; la réduction du déficit effectif se limite à 0,1 % du PIB ; le solde structurel ne baisse que de 0,4 %, moins que prévu par nos engagements européens ; la dette atteindra 96,3 % du PIB, soit 0,7 % de plus qu’en 2014.

Monsieur le secrétaire d’État, la Cour des comptes vient de publier ses prévisions. Elles sont bien loin de conforter votre optimisme. Quand prendrez-vous la mesure de la situation de notre pays ? Elle a réduit de 0,1 % sa prévision de croissance pour ce trimestre, le dernier de l’année, dont la dynamique passerait de 0,4 % à 0,3 %. Elle prévoit, de plus, que le taux de croissance de la France pour l’année 2016 sera de 1,5 % – sachant que d’autres économistes se montrent plus prudents, voire alarmistes, et tablent sur un taux de croissance de 1,3 % ou même 1,2 %.

La Banque de France est elle aussi bien pessimiste : « les perspectives de reprise de l’activité et de l’inflation restent sujettes à des aléas à la baisse », écrit-elle. Certes, selon elle, l’activité a repris en 2015, grâce à la baisse du prix du pétrole et à la dépréciation de l’euro, mais ces facteurs externes devraient jouer moins favorablement en 2016 et 2017. Vous faites donc courir un risque à notre économie. Autrement dit, toujours selon la Banque de France, « les effets positifs du contre-choc pétrolier sur la croissance du pouvoir d’achat des ménages devraient se dissiper progressivement » – cela, malheureusement, nous le constaterons aussi bien que vous.

La Banque de France et la Bundesbank ont publié simultanément leurs prévisions respectives. Le contraste de part et d’autre du Rhin est particulièrement éloquent ! Comme je l’ai dit, la Banque de France a abaissé sa prévision de croissance pour les années 2016 et 2017, passant de 0,4 % du PIB à 0,3 % ; la Bundesbank, quant à elle, a relevé de 0,2 % sa prévision pour 2017. Cela fait une différence de 0,5 %.

Le Sénat a corrigé vos erreurs, monsieur le secrétaire d’État. Les modifications qu’il a réalisées améliorent sensiblement ce projet de loi de finances rectificative. Accepterez-vous enfin de considérer objectivement les propositions de l’opposition ? Accepterez-vous de ne modifier qu’à la marge la rédaction de ce projet de loi de finances rectificative issue du Sénat ? Ferez-vous de 2016 l’année du rebond, c’est-à-dire l’année ou la croissance se traduira – enfin – par des créations d’emploi ? Ces créations d’emploi sont très attendues, car la baisse du chômage est nécessaire à notre pays, qui est en souffrance. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’irai droit au but.

Mme Christine Pires Beaune. Ah !

M. Jean-Luc Laurent. Fort bien !

M. Charles de Courson. Qu’est-ce qui va dans la bonne direction, et qu’est-ce qui n’y va pas ? Ce qui va dans la bonne direction, c’est la mise en conformité avec le droit européen – le groupe UDI, vous le savez, est très attaché à la construction européenne –, s’agissant d’abord de l’ISF-PME, même s’il est dommage de ne pouvoir contourner la règle des sept ans.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Vous saluez la mise en conformité aux règles européennes et vous voulez déjà les contourner ?

M. Charles de Courson. Notre pays a besoin d’entreprises de taille intermédiaire, taille qu’elles atteignent rarement sept ans seulement après leur création.

Vous avez invoqué, monsieur le secrétaire d’État, l’obstacle du droit communautaire.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Non, ce n’est pas ce que j’ai dit : nous en reparlerons.

M. Charles de Courson. En effet ; mais il est dommage de ne pas aller plus loin que ce que vous proposez. Le Gouvernement a accepté un certain nombre d’amendements, dont celui, qu’évoquait Mme la rapporteure générale, relatif aux fondateurs d’entreprise.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cette disposition a été supprimée par le Sénat.

M. Charles de Courson. Précisément : nous plaidons pour son rétablissement, de façon à aller le plus loin possible au regard du droit communautaire.

De même, je ne ferai pas grief au Gouvernement d’avoir cherché une solution qui maintienne une égalité de traitement fiscal entre les groupes intra-européens et extra-européens, sur la base d’un système de moyenne pondérée : tout cela va dans la bonne direction.

Je vous avais également proposé, monsieur le secrétaire d’État, un amendement qui simplifiait beaucoup le travail des services douaniers : je regrette que le Gouvernement ne l’ait pas accepté, d’autant qu’il faisait consensus au sein de la profession.

Nous avons beaucoup travaillé aussi sur la fiscalité agricole. Les mesures proposées vont dans la bonne direction, s’agissant en particulier de la déduction pour aléas, la DPA, mais elles demeurent très modestes. On n’est pas allé assez loin, me semble-t-il, dans la libéralisation de la DPA.

Quant à la disposition relative aux terrains à bâtir, reconnaissons, monsieur le secrétaire d’État, qu’elle s’apparente à du bricolage. À défaut d’avoir été raisonnable et d’avoir fait les simulations nécessaires, on a dû procéder à des modifications successives : c’est un peu triste… On a cru pouvoir mobiliser les terrains à bâtir à coup de taxations, avant de constater que cela conduisait à l’opposé du but recherché. Au moins le remède proposé atténue-t-il le mal.

J’en viens à ce qui ne va pas dans la bonne direction, ou n’y va que très partiellement, à commencer par la fausse amélioration du solde, à hauteur de 1 milliard d’euros.

M. Razzy Hammadi. C’est vraiment ce qui s’appelle aller droit au but !

M. Charles de Courson. Le compte d’avances aux collectivités territoriales dégage un excédent subit, qu’une petite phrase explique par une bonne nouvelle, les 800 millions d’euros supplémentaires venus de la CFE, la cotisation foncière des entreprises. Mais, monsieur le secrétaire d’État, cette somme ne revient pas à l’État : elle sera reversée aux collectivités territoriales, et ne contribue donc en rien au redressement du solde budgétaire. Elle aurait dû être neutralisée dans vos comptes, et l’aurait d’ailleurs été si vous aviez demandé aux services d’effectuer le reversement avant le 31 décembre 2015. Ce reversement n’intervenant qu’en 2016, il laisse croire que cette recette tombe dans l’escarcelle de l’État alors qu’elle tombe dans celle des collectivités. Mme la rapporteure générale s’en était d’ailleurs inquiétée, sans obtenir de grands éclaircissements sur cette affaire.

De même, le compte affecté aux prêts à des États étrangers est soudainement annoncé en amélioration de 600 millions d’euros. On devait, dit-on, annuler des prêts à un État africain que je ne citerai pas – mais que tout le monde connaît –, mais les choses ont pris du retard, si bien que l’opération ne se fera qu’en 2016. En fait d’amélioration, il ne s’agit donc pas d’une économie mais d’un report de charge.

Ces deux exemples montrent qu’en réalité le solde se détériore, certes pas dans des proportions considérables, quelques centaines de millions d’euros ; mais l’on ne peut dire que tout cela va dans la bonne direction.

Comme nos collègues de la majorité sénatoriale, nous estimons que le principal problème réside dans la fiscalité de l’énergie. Je ne critiquerai pas le Gouvernement d’avoir budgétisé la contribution au service public de l’électricité, la CSPE : le bon sens l’imposait, ne serait-ce que pour nous permettre de débattre de ce prélèvement, des recettes qu’il produit, de son solde et des dettes accumulées depuis des années.

D’autre part, le Gouvernement pousse plus avant la convergence fiscale entre le fuel et l’essence : là encore, la mesure est de bon sens, même s’il convient de l’étaler sur cinq, six ou sept ans. Elle pose des problèmes à l’industrie automobile française, très performante dans le domaine du gazole ; mais Carlos Ghosn en personne nous avait déclaré, en commission, que ces problèmes n’étaient pas insurmontables pourvu que la mesure soit étalée dans le temps et sa progressivité affichée, sans retour en arrière.

M. Éric Alauzet. Cela a toujours fonctionné ainsi !

M. Charles de Courson. En l’occurrence le Gouvernement a fait un peu compliqué, si vous me passez l’expression, avec des mesures adoptées dans le projet de loi de finances initial et d’autres dans le projet de loi de finances rectificative : la lisibilité en a souffert, même si quelques collègues de la commission des finances ont suivi ce dossier. Un texte unique aurait en tout cas donné plus de visibilité.

La première grande critique tient à l’alourdissement, à hauteur de 2 milliards d’euros par an pendant cinq ans – soit 10 milliards au bout du compte –, des charges qui pèsent sur les entreprises et les ménages, en l’absence d’étude d’impact fine. Certes, les entreprises électro-intensives bénéficieront d’une exemption de taxe carbone ; mais d’autres entreprises sont, elles aussi, de grosses consommatrices d’énergie – j’ai ainsi reçu plusieurs lettres qui me montraient un impact sensible sur leurs comptes.

La principale critique que nous, membres de l’UDI, qui sommes profondément européens, adressons au Gouvernement, est l’absence de coordination au niveau de l’Union pour ces mesures : adoptées unilatéralement en France, elles auront pour effet de dégrader la compétitivité d’une partie de nos branches industrielles, au détriment de l’emploi sur notre sol. Aussi ne pouvons-nous voter un tel dispositif sans étude d’impact précise.

Quant à mon amendement relatif à la TVA sur l’essence achetée par les entreprises pour leurs flottes de véhicules, vous vous y étiez montré ouvert, monsieur le secrétaire d’État, et j’ai eu la satisfaction de le voir adopté en commission : reste à débattre du rythme de mise en œuvre. Modéré par nature, j’avais proposé un calendrier de quatre ou cinq ans ; Mme la rapporteure générale, elle, propose deux ans : nous en discuterons. La mesure, en tout cas, va dans la bonne direction.

L’UDI rassemble des gens ouverts qui, hors de tout sectarisme, s’efforcent d’examiner les propositions avec réalisme : nous les votons lorsqu’elles vont dans le bon sens et nous y opposons dans le cas contraire. Mais en l’occurrence, avec ce projet de loi de finances rectificative, monsieur le secrétaire d’État, le compte n’y est pas. Certes, l’essentiel n’est pas dans la loi de finances rectificative ; mais l’essentiel, la question de fond, cela reste le redressement de nos finances publiques.

Or la réduction des déficits, y compris avec ce texte, reste symbolique. Les comptes qui s’améliorent sont ceux, pour la Sécurité sociale, de la branche retraite ; mais cette amélioration résulte des mesures auxquelles vous vous étiez opposé lorsque vous étiez dans l’opposition : l’un de vos collègues, à l’époque, avait d’ailleurs confié que vous n’y toucheriez pas une fois revenu au pouvoir, ce que vous vous êtes en effet, dans une large mesure, gardé de faire – et heureusement, d’ailleurs, pour l’équilibre temporaire de nos comptes.

Voilà quelques observations que je voulais faire, mais nous y reviendrons en examinant les articles.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est la première fois que je vois M. de Courson respecter son temps de parole ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, mon propos s’articulera autour de deux registres : l’équilibre des comptes publics, objet du présent texte, et les choix politiques, notamment au regard de la COP21 et du résultat des élections régionales.

Pour ce qui concerne l’équilibre du budget, il faut d’abord se féliciter que, pour la première fois depuis longtemps, les résultats – ou ce qu’on peut en anticiper – soient conformes aux prévisions. C’est presque un exploit, tant les mauvaises habitudes avaient consisté, jusqu’à présent, à esquiver les incertitudes, s’agissant notamment des risques sur la croissance.

Sans doute faut-il insister sur la réalisation des recettes au niveau attendu, alors que l’on invoquait un prétendu évitement des impôts, au vu de leur augmentation, par les ménages et par les entreprises. Ce discours a complètement disparu cette année, notamment dans les rangs de l’opposition. La question était au demeurant légitime, davantage que les réponses définitives de l’opposition qui, à l’époque, affirmait que les moindres recettes fiscales résultaient d’une « surpression » fiscale. Eh bien non, c’était avant tout la conséquence d’une moindre croissance.

C’est au niveau des recettes que l’exercice aura été plus difficile, du fait d’une inflation faible, qui limite l’impact des économies budgétaires et conduit à réduire les dépenses au-delà des prévisions ; et c’est précisément l’objet de ce PLFR que de procéder aux ajustements nécessaires, dans la justice mais aussi à travers une baisse, que nous regrettons, du budget de l’écologie.

La fiabilité des annonces budgétaires faites par le Gouvernement constitue un élément très important car elle renforce la parole de la France au sein de l’Union européenne. Notre pays a pris le chemin du redressement des comptes publics après quatre décennies de laisser-aller et une dépendance croissante vis-à-vis de ses créanciers. Cette fiabilité est une obligation morale vis-à-vis des générations futures ; mais elle pourrait aussi nous donner une nouvelle marge de manœuvre pour étaler un peu plus la trajectoire de réduction des déficits au profit de l’activité, de l’emploi et de la résorption de la précarité qui taraude notre République. Voilà la question de fond qui est posée.

Dans le détail, je veux souligner les évolutions liées au débat parlementaire, même si je regrette certains blocages du Gouvernement et les retours en arrière de nos collègues du Sénat.

Face à la question primordiale de l’emploi et la mise en cause des responsables politiques par nos concitoyens, notamment lors des récentes élections régionales, il faut noter les mesures issues du rapport et des amendements de nos collègues Caresche et Carré en faveur des PME, et notamment de l’investissement productif de long terme.

L’activité agricole bénéficie également de dispositions issues du rapport parlementaire sur la fiscalité : je pense en particulier aux amendements relatifs à la DPA, qui visent à apporter davantage de souplesse dans les provisions constituées en vue des aléas climatiques et économiques, ainsi qu’au financement des investissements dans les bâtiments d’élevage et pour l’accompagnement des éleveurs engagés dans des projets d’accroissement de leurs capacités de stockage des effluents d’élevage, avec, de plus, un impact favorable sur l’environnement.

Plus généralement, en matière d’écologie, alors que le Gouvernement avait annoncé des mesures importantes dans le PLFR, il faut relever un certain nombre d’avancées concrètes. La première est la poursuite de la trajectoire de la taxe carbone à 30,50 euros la tonne en 2017 et, nous l’espérons, la validation en séance de l’amendement de notre collègue Chanteguet – proche d’un amendement de Mme Sas, d’ailleurs – qui donne une perspective à l’évolution de la taxe carbone, en ligne avec la trajectoire, fixée dans la loi de transition énergétique, d’un prix de 56 euros la tonne en 2020 et de 100 euros la tonne en 2030. Aujourd’hui, monsieur de Courson, 90 % des pays qui représentent 75 % du PIB mondial sont engagés dans la taxation du carbone. La France n’est donc pas isolée en ce domaine : le mouvement est général.

Le signal donné aux agents économiques est clair et attendu, notamment par les entreprises, et ce sans augmenter les prélèvements – j’y insiste –, compte tenu des restitutions prévues en faveur des entreprises, comme ce fut le cas pour le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – CICE –, financé en partie par la taxe carbone de 2014 à 2016 ainsi que des ménages, prochainement, avec les mesures relatives à la transition énergétique.

Je veux aussi souligner plusieurs propositions du Gouvernement en matière de crédits budgétaires, qui renforcent encore la cohérence de l’action de l’État, notamment en cette période clé d’engagements environnementaux ambitieux.

Les 30 millions d’euros de crédits alloués au programme n209 « Solidarité à l’égard des pays en développement » ont notamment permis de faire bénéficier l’organisation UNITAID d’une dotation exceptionnelle.

Les 250 millions d’euros de crédits du programme n174 « Énergie, climat et après-mines », de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » ont également permis d’assurer le financement de ce fonds en 2015.

La proposition de notre rapporteure générale, Valérie Rabault, formalisée au travers de son amendement n310 et visant à utiliser les recettes issues de la taxe carbone portant sur les consommations de charbon, de produits pétroliers ou de carburants pour financer la transition énergétique mérite également d’être signalée.

Elle générerait, en effet, des recettes de l’ordre de 160 millions d’euros qui viendraient financer, en partie, le développement des énergies renouvelables et appuyer les engagements pris en faveur de la transition énergétique.

La baisse de 1 centime d’euro par litre de la TICPE sur le GPL et assimilés apportera à ce carburant un avantage par rapport au diesel, en cohérence avec les objectifs sanitaires poursuivis. Encore un sujet sur lequel le Sénat est revenu et qu’il nous faut réintroduire en nouvelle lecture !

Nous devons également confirmer, en séance, la déduction progressive, pour les véhicules de société, de la TVA sur l’essence, qui fait l’objet d’un amendement porté par notre collègue Denis Baupin. Cette proposition vient mettre fin à une aberration : celle qui a conduit les flottes automobiles des entreprises à n’être quasi-exclusivement composées que de véhicules diesel.

Mais d’autres orientations du Gouvernement sont moins favorables, comme la limitation de la convergence des taxes pesant sur les carburants diesel et essence, du fait de l’avantage donné à l’essence additionnée d’éthanol. Cet avantage a, en définitive, conduit à un rapprochement non plus de 2,4 centimes d’euros pour cette année comme cela était prévu, mais seulement de 1,4 centime. Or cette évolution ne nous permet plus de respecter un rythme assurant, dans un délai de cinq à six ans, la convergence.

Je pense également au rabotage de l’indemnité kilométrique vélo à 200 euros par an, ou du budget de l’écologie de 160 millions d’euros, sans parler des niches fiscales favorables aux énergies fossiles ou polluantes qui représentent encore 10 milliards – 10 milliards ! – d’euros.

Alors oui, il faut se replacer dans le contexte de la COP21 et des déclarations conclusives du Président de la République, car les propos qu’il a tenus en matière d’écologie sont importants.

François Hollande a affirmé : « Au cours de cette conférence, ont été présentées des initiatives qui vont révolutionner le monde et lui permettre d’assurer sa transition ». Pour lui, l’accord trouvé « n’est pas un aboutissement : c’est un début » – que nous devrons concrétiser ici – « et la France devra tout mettre en œuvre non seulement pour l’appliquer, car elle en a en a la responsabilité, mais aussi pour accélérer le mouvement ». Il s’agit, en effet, d’accélérer le mouvement !

Le Président de la République s’est d’ailleurs engagé, au nom de la France, à réviser, au plus tard en 2020, nos engagements de réduction d’émissions de gaz à effet de serre. Pour ce faire, il a annoncé qu’il ferait très prochainement « la proposition que les pays qui veulent aller plus vite » – et je ne doute pas que ce soit notre cas – « puissent réactualiser avant 2020 tous leurs engagements ». Ce sont là des promesses très fortes, volontaires et ambitieuses, qui honorent notre pays et nous engagent ici, dans cet hémicycle.

Par ailleurs, il ne faut pas oublier, même si ce n’est pas l’objet de ce projet de loi de finances rectificative pour 2015, les sommes importantes consacrées au crédit d’impôt pour la transition énergétique, qui est doté de 1,4 milliard d’euros par an et qui vise à aider les particuliers à améliorer leur habitat, à réaliser des économies d’énergie, et à gagner ainsi en pouvoir d’achat. Ce même crédit permet également de financer des projets territoriaux relatifs à l’énergie, aux déchets ou à l’air, à hauteur d’un montant à peu près équivalent, mais sur trois ans.

Nous avons aussi porté, au travers de ce projet de loi de finances rectificative pour 2015, des mesures en faveur de la justice sociale : je pense à l’amendement n28 que j’ai soutenu et qui propose des déductions fiscales pour les particuliers qui ont recours à des services agréés pour les personnes âgées dépendantes et handicapées. Je me félicite qu’il ait été adopté hier en commission, même si je regrette, une fois de plus, que le Sénat ait supprimé cette disposition.

Enfin, vous aurez compris de mes différentes interventions que mon cheval de bataille est le reporting public, pays par pays. Cette mesure, qui figurait à l’article 35, a malheureusement été supprimée par le Sénat.

Or ce refus est un non-sens total : une telle mesure est en effet nécessaire si nous souhaitons vraiment lutter contre l’évasion fiscale, qui nous fait perdre chaque année entre 40 et 60 milliards d’euros. Dans le contexte budgétaire qui est le nôtre, cela compte énormément.

En l’état, la mesure proposée par le Gouvernement reprend le modèle de reporting pays par pays proposé par l’OCDE dans son plan d’action Base Erosion and Profit Shifting – BEPS – qui consiste en un échange automatique d’informations entre les administrations des États.

Comme je l’ai expliqué lors de nos travaux en première lecture, il s’agit là d’un reporting non public, qui concerne seulement les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 750 millions d’euros : or cela exclut, tout de même, 85 % à 90 % des entreprises multinationales. Nous devons aller plus loin et encourager la publicité de ces informations : comme vous le savez tous, c’est déjà, depuis la loi du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires, le cas pour le secteur bancaire.

Je vous appelle, mes chers collègues, à voter en faveur de ces mesures-phares, sur lesquelles nous avons déjà longuement débattu et pour lesquelles nous nous étions accordés : elles s’inscrivent en effet dans le sens de la justice fiscale, du regain économique et de la transition écologique.

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Giraud.

M. Joël Giraud. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État au budget, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, nous entamons l’examen, en nouvelle lecture, du projet de loi de finances rectificative pour 2015.

Le texte qui nous revient du Sénat a été modifié mais a pu conserver, au cours de la navette, ses principales dispositions. Aussi a-t-il été adopté, au Sénat, par nos collègues des groupes socialiste, du Rassemblement démocratique et social européen ainsi que par ceux du groupe des écologistes, les sénateurs de droite s’étant abstenus.

Cela tend à démontrer que, sur des sujets aussi fondamentaux que la fiscalité de l’écologie, de l’agriculture ou de nos entreprises, les deux chambres peuvent légiférer de façon concordante, ce que les Françaises et les Français appellent de leurs vœux.

La commission mixte paritaire, qui s’est réunie hier, a, malgré tout, échoué du fait du dévoiement de certaines mesures de fiscalité écologique représentant un montant total de 1 milliard d’euros, comme l’a annoncé en commission des finances notre rapporteure générale : ce n’est pas négligeable. Cette nouvelle lecture se justifie donc pleinement.

Elle se justifie d’autant plus que ce projet de loi de finances rectificative pour 2015, tel qu’il avait été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale, prévoyait une réduction du déficit de l’État de 1,1 milliard par rapport à la loi de finances initiale pour 2016. La baisse de ce déficit anticipée en 2015 s’élève donc à 12,3 milliards d’euros, par rapport à 2014.

En dépit des circonstances particulièrement exceptionnelles de cette année 2015 qui s’achève – elle a commencé par les violents attentats du 7 janvier et s’est poursuivie par la tragédie du 13 novembre –, la majorité tient le cap et assure la maîtrise de nos finances publiques en parvenant à tenir ses objectifs de dépenses et de soldes budgétaire et public.

Cette vérité des chiffres, saluée par le Haut conseil des finances publiques, ne peut toutefois pas masquer que certaines réformes, plus structurelles, sont attendues, – notamment celles issues de la modernisation de l’action publique, la Map – et se font encore désirer.

Cette vérité ne peut pas, non plus, masquer le fait que certains secteurs sont, dans les faits, et au titre de la compétitivité, plus soutenus que d’autres, et que ce soutien est proportionnel à la taille des structures, alors que ces mêmes secteurs ne sont pas, pour autant, contraints à agir plus volontairement en faveur de l’emploi et de la formation.

Pour revenir au texte, le vote positif fortement exprimé par la chambre haute vendredi s’explique, en grande partie, par le véritable saut qualitatif opéré vers une fiscalité plus écologique.

Je rappelle ici ses principales mesures : la création d’un compte d’affectation spéciale pour la transition énergétique, l’encouragement à l’utilisation de l’essence E-10, c’est-à-dire l’essence dite « sans plomb 95 » contenant 10 % d’éthanol, annoncé début septembre par le Premier ministre dans le cadre du plan urgence agricole, la réforme de la taxe à l’essieu, la simplification et la sécurisation du recouvrement de la taxe générale sur les activités polluantes, et, bien sûr, la réforme de la fiscalité des énergies.

Cette dernière augure une petite révolution dans les modes de financement de la transition énergétique, révolution qui se profile à l’horizon 2017.

Les recettes attendues d’une plus forte taxation des énergies fossiles, ainsi que les affectations supplémentaires au profit du rachat de l’électricité éolienne et solaire, des tarifs sociaux et de l’aménagement du territoire, sont autant de signaux positifs.

Notre assemblée avait, en outre, en première lecture, renforcé les mesures en inscrivant dans le texte la trajectoire de la contribution climat-énergie pour les années 2017 à 2019.

En ce qui concerne l’article 11, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste se réjouit du maintien, sage et définitif, de son amendement visant à inclure le transport par câble dans la liste des activités de transport de personnes et de marchandises bénéficiant d’un taux de TICPE réduit de 0,50 euro par mégawattheure.

Comme je l’ai dit lors des débats en première lecture, qu’il soit aérien ou au sol, le transport guidé ou par câble est un transport utilisé, certes, dans les zones de montagne, mais également dans le transport urbain. Le fait de l’exclure du dispositif, alors que Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie venait de publier une ordonnance prévoyant de lui attribuer les mêmes servitudes publiques qu’à tous les autres modes de transport, urbain ou non, posait un problème. Notre groupe l’a résolu, avec le soutien de la commission des affaires économiques et à l’unanimité de la représentation nationale.

Concernant les collectivités, le Sénat n’est pas non plus revenu sur l’amendement de notre collègue Jeanine Dubié à l’article 24, qui visait à permettre aux établissements publics de coopération intercommunale – les EPCI – nouvellement créés de délibérer de nouveau sur une intégration fiscale progressive qui s’avérait inopérante dans la pratique, dans la limite des douze années fixée par le code général des impôts. Ces EPCI pourront donc, dès le mois de janvier prochain, délibérer.

Nous avions également déposé, après l’article 25, un amendement visant à appliquer aux remises gracieuses concernant les redevances des agences de l’eau et offices de l’eau des départements d’outre-mer – qui sont des taxes et impôts de toutes natures – les règles de droit commun prévues par le livre des procédures fiscales.

Adopté conforme par la haute assemblée, ce dispositif permettra d’accorder des remises gracieuses de majorations d’impôts à certains redevables, notamment aux régies publiques des services d’eau des collectivités locales.

S’agissant des questions agricoles, nous nous félicitons, également, que le Sénat ait adopté conforme mon amendement que notre assemblée avait adopté à l’unanimité et qui assouplit les règles en vigueur concernant la déchéance du droit de dégrèvement de cinq ans de la taxe foncière sur le non bâti dans les parcelles exploitées par des jeunes agriculteurs.

(Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gaby Charroux.

M. Gaby Charroux. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État au budget, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, le projet de loi de finances rectificative pour 2015 que nous abordons aujourd’hui, en nouvelle lecture, présente une multitude de dispositions diverses. Leur cohérence et leur ambition sont parfois surprenantes.

Il aborde deux thèmes essentiels sur lesquels la représentation nationale doit prendre position et faire preuve d’esprit d’innovation : le financement des entreprises et la fiscalité écologique.

Alors que notre pays peine à s’ouvrir de nouvelles perspectives économiques et qu’il doit mettre en œuvre les engagements pris lors de la COP21, ces deux sujets nous paraissent essentiels : nous partageons ce constat avec vous, monsieur le secrétaire d’État.

En ces temps de difficultés économiques, la question du financement des entreprises est évidemment centrale, chacun en conviendra. Bon nombre de nos entreprises peinent en effet à trouver les moyens qui leur permettraient tout simplement d’exister, de pérenniser une activité et des emplois ou de se développer.

Avec ce projet de loi de finances rectificative, vous entendez apporter plusieurs éléments de réponses à ces questions, en opérant des ajustements aux dispositifs ISF-PME et PEA-PME, entre autres. Vous proposez, ainsi, de rendre le PEA-PME plus attractif qu’il ne l’est actuellement

Monsieur le secrétaire d’État, au-delà de la question essentielle de l’efficacité de ces dispositifs et de leur coût pour nos finances publiques, que nous évoquerons au cours de nos débats à venir, je souhaiterais appeler votre attention sur plusieurs points, en particulier sur la façon dont, dans notre pays, l’épargne des ménages est fléchée.

Aujourd’hui, un produit-phare, le livret A, se trouve dans une situation délicate : il subit une décollecte majeure, inédite, que l’on ne peut ignorer tant les fonds qu’il draine remplissent des missions essentielles, notamment le financement du logement social. La faiblesse des taux du livret A pose de sérieuses questions et ne laisse rien augurer de bon.

Son attractivité doit être discutée par la représentation nationale : lorsqu’on veut rendre plus attractif un dispositif d’épargne, il faut être extrêmement vigilant et ne pas le faire au détriment d’autres qui remplissent également des missions essentielles.

Revenons-en à la question du financement des entreprises. Le climat économique est aujourd’hui préoccupant : tout le monde en conviendra. Nos entreprises, notamment les plus petites d’entre elles – les TPE et les PME – souffrent.

Elles souffrent de l’attitude des banques qui rechignent toujours à leur accorder des financements. Les relations entre les banques et les entreprises restent tendues, huit ans après l’éclatement d’une crise financière qui n’en finit pas de faire des dégâts : on le voit sur nos territoires.

Nos entreprises ont, pourtant, des besoins importants à la fois en trésorerie et en fonds propres. Cette situation n’est que peu tenable : d’un côté, les critères d’attribution du crédit par les banques sont bien trop restrictifs et, de l’autre – c’est un point essentiel – les entreprises souffrent de l’état de la demande dans notre pays. Leurs carnets de commande sont vides, les salaires stagnent, les collectivités peinent, et le chômage est endémique.

Sans reprise de la demande, point de salut ni de reprise durable. Et que fait la Banque publique d’investissement, la BPI, dans tout ça ? Est-elle efficace ? Ces questions méritent débat.

La BPI apporte un soutien aux entreprises innovantes mais quid de toutes ces petites entreprises locales qui connaissent aujourd’hui des difficultés ? Voilà bien un domaine où l’on peut réellement citer l’Allemagne en exemple : le secteur public bancaire y est puissant et accompagne, dans la durée, toutes les entreprises au niveau local. Nous devrions nous en inspirer.

Enfin, comme je l’ai déjà évoqué récemment, il serait utile de savoir où sont passés les 1 100 milliards d’euros de la Banque centrale européenne, la BCE. La politique monétaire doit se faire au service de l’économie réelle, pas au service des banques et des autres institutions financières au comportement prédateur et spéculateur.

Pour conclure sur cette question du financement des entreprises, nous pensons que vos propositions devraient avoir plus de force. Vous ne vous extrayez pas de cette tendance, de cette lame de fond qui entend renforcer et consolider des dispositifs de défiscalisation qui ne concernent que quelques dizaines de milliers d’intéressés, qui sont en général privilégiés. De ce fait, vous ratez la cible en revenant toujours aux vieilles recettes qui posent plus de questions qu’elles n’apportent de réponses.

La fiscalité écologique, je l’évoquais au tout début de mon intervention, est également un axe essentiel de ce projet de loi de finances rectificative.

Quelques jours après la conclusion de l’accord de la COP 21, les enjeux sont ô combien importants, et notre fiscalité tout entière doit être au service de la transition énergétique, tournée vers l’avenir afin d’apporter des solutions concrètes en incitant, en encourageant les pratiques vertueuses de nos concitoyens et de nos entreprises.

La fiscalité écologique dans notre pays ne date pas d’hier. Nous collectons actuellement 26,5 milliards d’euros de TICPE, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques. À ce montant, nous pourrions ajouter le produit de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, la TEOM. Le produit cumulé de ces deux taxes est supérieur à l’impôt sur les sociétés pour 2016. Voilà qui donne un ordre de grandeur intéressant.

Une mesure très concrète pour répondre de manière juste et ambitieuse aux enjeux auxquels nous faisons face pourrait être de mettre en place un nouveau livret d’épargne défiscalisé destiné à la transition écologique, qui pourrait, à titre d’exemple, financer l’investissement dans des infrastructures alternatives à la route, renforcer les opérations d’isolation et de performance énergétique des logements, ou encore permettre l’acquisition de véhicules peu polluants.

Nous reviendrons dans les prochains débats avec des propositions innovantes en la matière, tout en veillant à garantir un équilibre entre les différents produits d’épargne pour qu’ils soient tous tournés vers l’avenir et l’économie réelle.

Mes chers collègues, l’amélioration de notre empreinte énergétique passera nécessairement par la consolidation et le renforcement des moyens financiers publics. Le combat contre l’évasion fiscale doit nous permettre de retrouver les marges de manœuvre dont nous avons besoin aujourd’hui. Où en est la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales ? Le chantier auquel nous devons faire face est immense. Notre pays se doit d’afficher une détermination sans faille et d’obtenir des résultats concrets.

La question des prix de transfert est au cœur de la problématique. Voici quelques éléments de pédagogie pour rappeler les enjeux majeurs du débat.

Le commerce entre firmes d’un même groupe représente, selon les estimations, environ 40 % du commerce mondial. Or ces transactions n’ont pas obligatoirement de contrepartie en termes d’échanges de biens et de services. Elles correspondent parfois à des échanges purement fictifs ou à la surfacturation d’échanges bien réels dans le but principal d’échapper à l’impôt et de localiser les bénéfices dans un territoire à fiscalité privilégiée.

C’est ainsi que de nombreuses multinationales comme Starbucks, McDonald’s, ou Amazon paient un montant d’impôt dérisoire au regard de leur activité réelle. Si leurs revenus avaient été localisés dans les pays où sont implantées ces filiales, les États concernés auraient enregistré de fortes recettes fiscales, des États qui ont le couteau sous la gorge en raison de la dette.

En améliorant la transparence, en faisant la lumière sur ces procédés opaques qui bénéficient aux grandes entreprises et hauts patrimoines, nous parviendrons à faire en sorte que ces pratiques n’aient plus cours. La riposte politique doit être à la hauteur.

Voilà pourquoi la gauche, dans ses diverses sensibilités, socialistes ancrés à gauche, écologiques et députés du Front de gauche, fière de ses valeurs communes, propose une ambition, à la fois juste et réaliste : l’extension de l’obligation de reporting public à l’ensemble des grandes entreprises, quel que soit le secteur d’activité. Clairement, notre Assemblée doit aujourd’hui se mobiliser pour qu’une telle mesure soit adoptée afin de faire la lumière sur l’utilisation par les grandes entreprises des paradis fiscaux.

L’enjeu est colossal, cela a été souligné. Chaque année, la fraude et l’évasion fiscale coûtent à la France entre 60 et 80 milliards de recettes et environ 1 000 milliards à l’Europe. Gabriel Zucman estimait à 8 % le patrimoine financier mondial des ménages se trouvant dans les paradis fiscaux.

Ce combat contre les paradis fiscaux, mes chers collègues, n’est pas seulement financier, il est avant tout d’ordre démocratique. L’existence des paradis fiscaux réduit les moyens de la collectivité et de l’action publique, casse le consentement à l’impôt, augmente les inégalités. Notre Assemblée doit s’unir pour aller dans le sens de la justice fiscale en adoptant la disposition proposée par plusieurs des groupes. Elle enverrait ainsi un signal fort à l’ensemble de nos partenaires européens.

Telle est, mes chers collègues, la démarche qui sera la nôtre dans ces nouvelles discussions budgétaires. Cette ligne de conduite, ces positions fortes et ambitieuses qui doivent permettre de soulever une espérance dans notre pays, nous continuerons à les porter haut pour nos concitoyens et nous continuerons à faire vivre les valeurs de notre République. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Vigier.

M. Jean-Pierre Vigier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, tout d’abord, le projet de loi de finances rectificative pour 2015 confirme à quel point il est difficile pour nous, à cause du Gouvernement, d’effectuer un travail législatif de qualité. Le volume du texte a en effet doublé après son premier passage à l’Assemblée nationale.

M. Guillaume Chevrollier. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Vigier. Nous, députés, avons découvert la plupart des amendements en séance, et nous n’avions pas les moyens d’expertiser des dispositions parfois très complexes dans des délais très brefs.

Finalement, le collectif apparaît malheureusement comme un texte sans unité et sans ligne directrice.

Concernant l’équilibre général de ce projet de loi, les chiffres parlent d’eux-mêmes. En 2015, le taux de croissance sera seulement de 1 % dans notre pays, contre 1,5 % dans la zone euro. L’activité tarde à redémarrer, et le taux de chômage est de 10,6 % au troisième trimestre de 2015, son plus haut niveau depuis 1997.

M. Guillaume Chevrollier. C’est vrai !

M. Jean-Pierre Vigier. Le déficit public prévu pour 2015, 3,8 % du PIB, diminue modestement par rapport à 2014. Vu l’évolution de la dépense publique et faute de réforme d’envergure, l’objectif de 2016, c’est-à-dire 3,3 %, est inatteignable. La part de la dette publique continuera d’exploser. C’est un aveu d’échec.

De plus, la France reste le mauvais élève en Europe. En 2015, pour la réduction du déficit structurel, la France sera en dessous du minimum requis par le pacte de stabilité.

M. Guillaume Chevrollier. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Vigier. Pour 2016, la France sera encore à la traîne de l’objectif assigné, et l’engagement d’un retour du déficit sous les 3 % du PIB en 2017 ne pourra pas être tenu.

Concernant le volet dépenses, l’agriculture est encore sacrifiée, avec un prélèvement de 255 millions d’euros sur la trésorerie du Fonds national de gestion des risques en agriculture. C’est une véritable contraction des moyens de ce fonds. Le Gouvernement fait le choix inacceptable de laisser seulement 65 millions d’euros pour faire face aux besoins, notamment en cas de sécheresse. Comment osez-vous faire une telle ponction alors que nos agriculteurs, 14 % de notre économie nationale, subissent de plein fouet une crise structurelle et conjoncturelle, avec des événements climatiques qui les fragilisent encore plus ?

Déjà, les récentes décisions du comité national de gestion des risques en agriculture ont renforcé la colère de nos agriculteurs. Elles ne reconnaissent pas l’épisode de sécheresse pour l’ensemble des agriculteurs touchés. Au moment où notre agriculture a plus que jamais besoin de soutien et d’actions fortes, c’est un signe de faiblesse.

Et notre ruralité ? Abandonnée une fois de plus !

M. Guillaume Chevrollier. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Vigier. Ce n’est plus un sentiment d’abandon qu’elle ressent, c’est de l’abandon. À quoi auront servi deux comités interministériels aux ruralités ? À saupoudrer des mesures dans des textes ? Oui, et c’est tout.

C’est une loi dédiée à la ruralité dont ont besoin nos territoires ruraux, et non de réformes glissées dans des textes par-ci par-là. Le dispositif des zones de revitalisation rurale, important pour le développement économique de notre ruralité, a été relégué dans le projet de loi de finances rectificative, des dispositions fiscales figurant dans le PLF.

Monsieur le secrétaire d’État, voici comment je résumerais le texte du Gouvernement : sans ligne directrice, aucune rigueur budgétaire, toujours plus de dépenses et un mauvais coup de plus porté à notre agriculture et à notre ruralité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

J’appelle les articles du projet de loi de finances rectificative pour 2015 sur lesquels les deux assemblées n’ont pu parvenir à un texte identique.

J’appelle les articles du projet de loi de finances rectificative pour 2015 sur lesquels les deux assemblées n’ont pu parvenir à un texte identique.

Première partie

Mme la présidente. Nous abordons l’examen de la première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2015.

Articles 1er A et 1er

(Les articles 1er A et 1er sont successivement adoptés.)

Article 3

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 81 et 29, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement n81.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cet amendement rétablit le texte adopté par l’Assemblée nationale. Le Sénat a ajouté 1,9 milliard dans le compte d’affectation spéciale « Transition énergétique » à partir de 2017. À ce stade, nous proposons de respecter les engagements annuels présentés par le Gouvernement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Bernadette Laclais, pour soutenir l’amendement n29.

Mme Bernadette Laclais. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n29 ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je vous demande, madame Laclais, d’adopter l’amendement de la commission des finances et de retirer le vôtre, qui devrait alors être satisfait.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je suis favorable à l’amendement de la commission et demande moi aussi à Mme Laclais de retirer son amendement.

Mme la présidente. Le retirez-vous, madame Laclais ?

Mme Bernadette Laclais. Oui.

(L’amendement n29 est retiré.)

(L’amendement n81 est adopté.)

(L’article 3, amendé, est adopté.)

Article 3 bis

(L’article 3 bis est adopté.)

Article 4

Mme la présidente. Cet article avait été adopté conforme, mais je donne la parole à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n112 rectifié.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est un amendement technique, le solde budgétaire restant le même. Il vise à actualiser le tableau de financement en tenant compte des dernières réalisations et informations disponibles en matière de gestion de la dette et de la trésorerie.

Les autres ressources de trésorerie sont révisées en hausse de 4 milliards en raison de la hausse du montant de primes à l’émission nettes des pertes sur rachat enregistrées à l’issue du programme d’émission.

La baisse de l’encours de titres à court terme en fin d’année, permise notamment par les recettes de primes à l’émission, est accentuée de 7,1 milliards et s’établirait à 23 milliards au lieu de 15,9 milliards.

En conséquence de ces mouvements, la contribution des disponibilités du Trésor à la Banque de France et des placements de trésorerie de l’État s’établirait à 3,9 milliards, en hausse de 3,1 milliards par rapport au montant de 0,8 milliard inscrit dans le projet de loi de finances rectificative.

(L’amendement n112 rectifié, accepté par la commission, est adopté.)

(L’article 4, amendé, est adopté.)

Vote sur l’ensemble de la première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2015

Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble de la première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2015.

(L’ensemble de la première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2015 est adopté.)

(Mme Sandrine Mazetier remplace Mme Laurence Dumont au fauteuil de la présidence.)

Présidence de Mme Sandrine Mazetier

vice-présidente

Seconde partie

Mme la présidente. Nous abordons l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances rectificative pour 2015.

Article 5 et état B

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n63.

M. Charles de Courson. Cet amendement tend à réduire de 290 000 euros des dépenses de personnel. C’est l’équivalent de cinq équivalents plein-temps d’agents des douanes de catégorie C.

Ces économies résultent de la dématérialisation de la transmission par des professionnels vitivinicoles aux organisations interprofessionnelles reconnues de la déclaration récapitulative mensuelle mentionnée à l’article 302 D du code général des impôts.

Elles sont reprises par la douane. Mais, les dispositifs informatiques n’étant pas compatibles, c’est manuellement que les douaniers doivent les reprendre ! Mon amendement permettait de faire l’économie de 5 EPT. Hélas, le Gouvernement ne l’avait pas retenu. Mais ma proposition demeure, monsieur le secrétaire d’État.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Votre amendement est sympathique, mais la dématérialisation que vous proposez sera mise en œuvre par le Gouvernement au 1er janvier 2016.

M. Charles de Courson. Pas celle-là !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Si ! Vous proposez de réduire les crédits en 2015. Cela n’est pas cohérent. Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. C’était un amendement d’appel, monsieur le secrétaire d’État, comme vous le savez ! J’ai été étonné que vous ne receviez pas mon amendement qui avait pourtant reçu l’accord de toute la filière.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Mais c’est déjà fait !

M. Charles de Courson. Non, pas sur ce point ! Mon amendement vient en complément du vôtre. Je le retire, mais c’est une clause de revoyure, monsieur le secrétaire d’État ! Vos conseillers se trompent !

(L’amendement n63 est retiré.)

(L’article 5 et l’état B sont adoptés.)

Article 10

(L’article 10 est adopté.)

Article 11

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 82 et 67, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement n82.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Nous avons créé pour 2016 et 2017 deux dispositions relatives aux tarifs du gazole et de l’essence sans plomb. Cet amendement vise à rétablir les propositions de convergence faites par notre assemblée. Le Sénat a proposé une baisse de 1 centime sur l’essence qui n’est pas E-10, ce qui coûterait 250 millions d’euros. C’est pourquoi je propose de revenir au texte de notre assemblée.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n67.

M. Charles de Courson. Si nous voulons mener une politique efficace, qui ne détruise pas l’emploi en France, il faut une coordination. Monsieur Alauzet, vous parlez de coordination européenne en matière de contribution climat-énergie, mais vous oubliez de dire que l’industrie allemande en est exonérée ! C’est tout le problème : on ne peut pas faire une politique franco-française en la matière. Il faut une coordination, notamment avec les grands pays industriels d’Europe.

Mes chers collègues, si vous votez l’amendement de la commission, vous porterez une nouvelle atteinte à la compétitivité d’une partie de l’industrie française et vous le paierez en accélérant la baisse des emplois industriels. De la même façon que pour la fiscalité du tabac ou le paquet neutre, sans coordination au niveau européen, nous irons vers une destruction supplémentaire d’emplois. Je demande une pause, tant que nous n’avons pas trouvé d’accord sur une coordination fiscale européenne sur ces sujets.

M. Marcel Bonnot. Tout à fait !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Défavorable à l’amendement n67 de M. de Courson, qui contredit l’architecture globale des évolutions que j’ai déjà longuement expliquées sur le trio formé par la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques – TICPE –, la contribution climat-énergie et la contribution au service public de l’électricité – CSPE.

En revanche, l’amendement n82 de la commission recueille l’accord du Gouvernement, puisqu’il permet de revenir à la version initiale du texte de l’Assemblée, moyennant une légère baisse sur le gaz naturel pour carburants – GNV – et le gaz à pétrole liquéfié – GPL –, comme cela a été proposé par nos collègues sénateurs.

Mme la présidente. Maintenez-vous votre amendement, monsieur de Courson ?

M. Charles de Courson. Monsieur le secrétaire d’État, je regrette que vous ne disiez rien sur la coordination européenne, qui est au cœur du problème. Pourriez-vous nous dire deux mots à ce sujet ?

Mme la présidente. Pouvez-vous répondre à ma question, monsieur de Courson ? Maintenez-vous l’amendement n67 qui a reçu un avis défavorable de la commission et du Gouvernement ?

M. Charles de Courson. Cela dépend de la réponse du secrétaire d’État. S’il me dit qu’il est en pleine négociation européenne et que cette disposition n’est que provisoire, je retirerai mon amendement. S’il me dit que rien n’avance, je le maintiendrai.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement est en pleine négociation mondiale, puisqu’il sort de la COP21, où il a fixé une évolution du prix du carbone et pris un certain nombre d’engagements.

Mme la présidente. Vous retirez votre amendement, monsieur de Courson ?

M. Charles de Courson. Je le maintiens !

(L’amendement n82 est adopté et les amendements nos 67, 70, 6, 31, 39 et 71 tombent.)

Mme la présidente. La parole est à M. François-Michel Lambert, pour soutenir l’amendement n5.

M. François-Michel Lambert. Cet amendement a déjà été présenté et rejeté. Or, en cette période de COP21, j’avoue ma difficulté à comprendre pourquoi l’Assemblée ne souhaite pas aller de l’avant. Alors que des engagements importants ont été pris sur le climat, il importe également d’évaluer l’ensemble des avantages fiscaux pouvant être défavorables à l’environnement, mais aussi à des dynamiques qui vont dans le bon sens.

Le Président de la République a dit qu’il voulait que la France soit ambitieuse. C’est pourquoi, étant donné que le charbon est une cible particulière dans la lutte contre le réchauffement climatique et que plusieurs entreprises se sont engagées à ne plus y avoir recours, l’État doit faire de même au lieu d’inciter à l’utiliser.

Il existe une exonération de la TICPE sur le charbon pour les entreprises de valorisation de la biomasse dont les achats de combustibles et d’électricité représentent 3 % de leur chiffre d’affaires. C’est très ciblé. Cette exonération va de pair avec des achats favorables organisés par la Commission de régulation de l’énergie en faveur des entreprises valorisant la biomasse par l’usage du charbon.

Ces entreprises bénéficient donc d’un double avantage : on leur achète très cher l’électricité issue de la biomasse et on leur défiscalise l’utilisation du charbon. Je vous laisse imaginer qu’elles utilisent autant que possible le charbon défiscalisé plutôt que la biomasse vertueuse... Il serait temps de mettre fin à ce double avantage, d’autant que les entreprises qui n’utilisent, elles, que de la biomasse pour produire de l’électricité et de la chaleur n’en bénéficient pas. C’est pourquoi nous proposons de supprimer cette exonération, ce qui rapportera quelques millions d’euros au budget de l’État.

Mme Marie-Christine Dalloz. Taxons les entreprises !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Les entreprises dont vous parlez bénéficient effectivement d’une exonération, mais elles sont soumises à l’application des quotas d’émission de gaz à effet de serre, ce qui permet de leur imposer des mesures de réduction d’émission et de les inciter à des comportements plus vertueux. Ces entreprises étant assez fragiles et à faible valeur ajoutée, le Gouvernement ne souhaite pas l’adoption de cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je suis d’accord avec la position du Gouvernement. Notre collègue est-il bien conscient des incidences de son amendement ? Vous détruisez toute l’industrie de la luzerne, par exemple !

M. Jérôme Lambert. Vous n’avez pas compris mon amendement !

M. Charles de Courson. Si, je l’ai compris, puisque vous savez que les usines qui sèchent la luzerne sont alimentées par du charbon.

Mme la présidente. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Lambert ?

M. François-Michel Lambert. Charles de Courson est victime d’une confusion. Ce sont bien les usines de production d’électricité à partir de biomasse, qui bénéficieront de près de 2 milliards d’euros d’aides sur vingt ans de rachat d’électricité, comme la centrale de Gardanne, qui sont visées dans mon amendement. Ce ne sont pas des usines fragiles. Les aides sur le charbon viennent alimenter des actionnaires et non pas aider au développement d’une énergie réellement renouvelable.

(L’amendement n5 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements, nos 57, 30 et 83, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n57.

Mme Marie-Christine Dalloz. Mon amendement a trait à la progression de la CSPE, la contribution au service public de l’électricité, qui a fortement augmenté depuis sa création en 2002. Depuis 2012, l’accélération de sa progression pèse réellement sur  le pouvoir d’achat des ménages. Entre 2002 et 2015, elle a augmenté de 550 % ! La Commission de régulation de l’énergie considère que la CSPE représente 15 % de la facture moyenne d’un client résidentiel, contre 13 % en 2014 et 7 % au début de l’année 2012. Vous l’avez donc doublée entre 2012 et aujourd’hui.

La rapporteure générale a rappelé dans son rapport liminaire sur le projet de loi de finances pour 2016 que les recettes issues des taxes vertes auront augmenté de 8,7 milliards d’euros pendant le quinquennat. En 2016, elles auront progressé de 2 milliards. Il n’est pas normal que les ménages soient autant affectés par cette contribution.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous dites n’importe quoi.

Mme Marie-Christine Dalloz. Sans être opposée à la fiscalité écologique, à un moment donné, je dis que les ménages ont trop à supporter. Cet amendement vise à laisser la CSPE à hauteur de 19,50 euros par mégawattheure au lieu des 22,50 euros prévus. C’est une mesure de bon sens pour les ménages français qui ont subi de plein fouet et la crise et les augmentations de fiscalité de tous ordres.

Mme la présidente. La parole est à Mme Bernadette Laclais, pour soutenir l’amendement n30.

Mme Bernadette Laclais. Je me rallie à l’amendement n83 de notre rapporteure générale et retire donc le mien.

(L’amendement n30 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement n83 et donner l’avis de la commission sur l’amendement de Mme Dalloz.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Il vise à maintenir en 2017 à 22,50 euros par mégawattheure la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité – TICFE. C’est un retour au texte de l’Assemblée. Par conséquent, l’avis de la commission est défavorable à l’amendement de Mme Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est vraiment dommage !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ne serait-il pas possible de se mettre d’accord sur quelques points, madame Dalloz ? Je rappelle que la vocation de la CSPE – à laquelle va succéder la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité, dite « TICFE » – est quasiment pour les trois quarts de financer les énergies renouvelables, et non pas EDF, dont il s’agit seulement de compenser l’obligation de rachat en ce domaine. Ce dispositif est la conséquence d’une volonté partagée par de nombreux gouvernements, de droite comme de gauche – M. Borloo, l’un des promoteurs du développement des énergies renouvelables, n’était pas, que je sache, dans l’opposition d’alors. Nous avons aujourd’hui vis-à-vis d’EDF une dette accrue du fait de la multiplication, ce dont tout le monde se réjouit, de la production d’énergies renouvelables. Tout le monde applaudit debout les résultats de la COP 21, mais lorsqu’il s’agit, pour des raisons évidentes d’engagements tarifaires, de compenser EDF pour ce qu’on l’oblige à racheter plus cher que le coût d’autres énergies qu’elle produit, il n’y a plus personne de votre côté. Votre amendement coûte un milliard, madame Dalloz, et décrédibiliserait complètement l’évolution consistant à faire peser la CSPE sur l’ensemble des énergies fossiles et non plus sur la seule électricité à partir de 2017.

Mme Marie-Christine Dalloz. Ce sont bien les ménages qui supportent tout au final !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous dites que vous n’êtes pas contre la fiscalité verte, mais je note que vos propos sont alarmistes et stigmatisent l’évolution de la CSPE que nous construisons par le biais de la tarification de façon à stabiliser dès 2017 le niveau de cette contribution appliquée à la consommation d’électricité. Adopter une position excessive, consistant à ne pas présenter les choses clairement, dire à l’extérieur qu’on est pour et s’y opposer en essayant de faire peur à tout le monde quand vient le moment de prendre des décisions responsables et équilibrées, voilà ce qui finit par décrédibiliser le discours politique.

Le Gouvernement est favorable à l’amendement soutenu par Mme la rapporteure générale et, à défaut d’un retrait, défavorable à celui de Mme Dalloz.

M. Jean-Louis Gagnaire. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Malgré l’énervement de M. le secrétaire d’État, je maintiens mon amendement pour une raison très simple : je considère qu’il n’est pas normal que les ménages soient les plus mis à contribution. Je connais bien la finalité de la CSPE, je n’ai pas besoin de prendre des cours sur le sujet, monsieur le secrétaire d’État. Vous nous dites qu’en 2017, on arrêtera sa progression, mais comme j’ai quelque crainte que rien ne soit écrit dans le marbre – on a connu des taxes qui devaient arrêter de progresser et qui continuent toujours à augmenter –, je ne vous fais pas confiance sur le sujet. J’aurais préféré qu’on la maintienne à dix-neuf euros cinquante le mégawattheure. Il s’agit bien sûr d’un clivage politique car on n’a pas la même vision de la question. Pour ma part, je considère que l’impact sur le pouvoir d’achat des ménages devient trop important.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Goua.

M. Marc Goua. La réforme de la CSPE, M. le secrétaire d’État vient de le rappeler, élargit l’assiette aux énergies fossiles pour justement freiner la hausse de la CSPE. Et puis il a également évoqué les sommes extrêmement importantes dues à EDF, autour de 4 milliards.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est même 5 milliards actuellement !

M. Marc Goua. J’avais souhaité, en tant que rapporteur spécial du programme « Énergie », que l’assiette de la CSPE soit élargie. Cela va permettre de ralentir cette hausse constatée depuis quelques années, due en grande partie d’ailleurs à la frénésie sur le photovoltaïque qui a eu lieu un certain moment, qui a conduit à racheter à des tarifs extrêmement élevés une production dont a profité l’industrie chinoise.

M. Denis Baupin. Non, ce n’est pas vrai !

M. Marc Goua. Elle était chinoise en grande partie, mon cher collègue.

(L’amendement n57 n’est pas adopté.)

(L’amendement n83 est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 130 et 49, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n130.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je rappelle que l’objectif de toutes les dispositions budgétaires concernant la CSPE est de se mettre en conformité par rapport au droit européen. À cet égard, le Gouvernement a quelque doute sur le maintien du seuil de sept gigawattheures actuellement appliqué pour ouvrir droit à des exonérations pour les entreprises électrointensives. J’en profite au passage pour indiquer, madame Dalloz, que contrairement à ce que vous laissez entendre, il n’y a pas que les ménages qui la payent. Elle pèse aussi sur les entreprises. Aujourd’hui, il est prévu que si une entreprise est redevable d’une part de la CSPE supérieure à 0,5 % de sa valeur ajoutée et qu’elle a souscrit pour une puissance de plus de sept gigawattheures, elle peut bénéficier de tarifs réduits. La Commission européenne nous a fait savoir qu’elle estime qu’il y a un risque de distorsion de concurrence en raison d’un effet de seuil beaucoup trop élevé. Ainsi, une entreprise électro-intensive dont la consommation serait de 6,9 gigawattheures ne pourrait pas bénéficier du dispositif alors que celle qui serait à 7,1 gigawattheures passerait d’un coup d’un tarif normal à un tarif abaissé. Nous avons cherché en vain une solution à ce problème, et je propose donc de supprimer la seconde clause cumulative, celle des sept gigawattheures. Je me souviens que M. de Courson, il faut le reconnaître, avait proposé un amendement similaire.

Certes, cette modification du dispositif va faire perdre de l’argent à l’État : environ 211 millions d’euros car le nombre d’entreprises susceptibles de bénéficier d’un tarif réduit va considérablement augmenter. Peut-être un passage par paliers sera-t-il envisageable. Mais je précise que le solde budgétaire n’en sera pas dégradé, je tiens à vous rassurer sur ce point, monsieur de Courson : le produit de la CSPE étant affecté à un compte d’affectation spéciale et comme, dans un CAS, les recettes commandent les dépenses, il y aura forcément 211 millions d’euros de dépenses en moins. Par conséquent, cela n’affectera pas le solde budgétaire. J’ajoute qu’on pourra se rattraper en 2017 puisque ce compte d’affectation spéciale a alors vocation à être excédentaire en raison de l’apport que fournira l’autre étape de l’augmentation de la CSPE.

L’état des discussions avec la Commission n’a pas permis d’aboutir à une autre solution. Maintenir le dispositif tel quel nous aurait fragilisé devant elle et, si nous avions fait l’objet d’une mise en demeure de sa part, nous aurions été obligés de demander aux entreprises de restituer le montant des avantages tarifaires dont elles auraient bénéficié. Chacun voit que c’est un sujet financièrement lourd, technique de surcroît, mais je pense qu’il a déjà été évoqué assez largement en première lecture.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n49.

M. Charles de Courson. J’avais en effet déjà soulevé la question en première lecture puisqu’il y avait un double problème. D’une part, cela créait une rupture d’égalité entre les entreprises ne dépassant pas une consommation de sept gigawattheures et les autres, c’est-à-dire qu’on favorisait les grandes entreprises au détriment des petites et moyennes. D’autre part, et M. le secrétaire d’État l’a évoqué, il y avait un problème d’eurocompatibilité. Je ne vous cache pas, monsieur le secrétaire d’État, que le président de la commission des finances et moi-même nous serions fait un plaisir de revenir sur ce point dans le cadre du recours devant le Conseil constitutionnel. Je vous félicite pour votre ouverture d’esprit et d’avoir abrogé ce seuil. C’est la sagesse même. Je vois que le Gouvernement écoute de temps en temps l’opposition puisqu’elle a de temps en temps de bonnes idées. Je vais même retirer mon amendement, les deux étant quasiment identiques.

M. François Pupponi. Des fois on vous écoute tellement qu’on vote pour vous ! (Sourires.)

M. Charles de Courson. Ça dépend où !

(L’amendement n49 est retiré.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement du Gouvernement ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. J’avais donné à titre personnel un avis favorable à l’amendement de M. de Courson en première lecture. J’ajoute que pour un seul euro de valeur ajoutée, il n’y a pas de raison qu’une entreprise électro-intensive soit plus ou moins soutenu en fonction de sa consommation totale. Je note tout de même que cet amendement du Gouvernement, arrivé à l’instant, est très coûteux, monsieur le secrétaire d’État : 211 millions d’euros, c’est tout de même un montant significatif. J’entends votre argument sur le fonctionnement du compte d’affectation spéciale, mais cette somme joue sur le calcul du volume des prélèvements obligatoires.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Les dépenses diminueront d’autant, madame la rapporteure générale !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Certes, mais une telle disposition n’est pas totalement anodine. Ayant donné un avis favorable à l’amendement de M. de Courson, il en est de même pour celui-ci.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je voudrais seulement indiquer que nous avons dû introduire certains éléments dans ce PLFR, qu’il s’agisse de la CSPE ou encore de l’ISF-PME, pour des raisons de délai, y compris parfois par voie d’amendement du fait de discussions tenues jusqu’à très tard et ces dernières heures encore, avec la Commission. Voilà qui justifie ce que certains nous reprochent.

Mme la présidente. La parole est à M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. J’aimerais savoir combien d’entreprises seront concernées et quelle sera l’impact économique de cette mesure.

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Il faut être bien clair sur ce compte d’affectation spéciale. Il recevra 211 millions d’euros de moins en recettes, au bénéfice des électro-intensifs, par conséquent 211 millions d’euros de moins à dépenser pour les énergies renouvelables.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Voilà !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Ses recettes sont en effet affectées à des dépenses précises qui portent sur le secteur des énergies renouvelables. Il faut que les choses soient claires entre nous tous : ces recettes en moins correspondront à l’extension des exonérations pour les électro-intensifs, diminuant d’autant les sommes affectées aux énergies renouvelables.

(L’amendement n130 est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n50.

M. Charles de Courson. Nous venons de régler le problème des électro-intensives, mais demeure celui des énergo-intensives, c’est-à-dire des entreprises qui ont un taux élevé d’énergie dans leur consommation intermédiaire sans qu’il s’agisse forcément d’électricité. Conformément à la directive CE/ 2003/96, cet amendement vise donc à permettre à ces entreprises de conserver, elles aussi, leur compétitivité par rapport à la concurrence. Sans cette mesure, de nombreuses entreprises de notre tissu industriel risqueraient de disparaître ou de se délocaliser.

Cet amendement s’inscrit dans la logique des mesures d’exonération des industries électro-intensives. Chers collègues écologistes, vous pouvez critiquer ce qu’ont fait les Allemands, mais si l’Allemagne a perdu aussi peu d’emplois industriels dans les quinze dernières années, contrairement à la France qui en a perdu 1 million, c’est tout simplement parce qu’elle a exonéré l’industrie. Ce sont les Allemands qui ont raison. Nous, nous payons notre choix par un chômage croissant. Voilà pourquoi je vous propose une mesure qui va dans le sens du maintien de l’emploi dans les activités énergo-intensives.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable à cette mesure pour deux raisons. D’abord, on en ignore le coût, lequel semble potentiellement très élevé. Ensuite, elle n’inciterait pas à faire des économies d’énergie dans la mesure où l’on serait subventionné pour consommer plus d’énergie.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Les arguments de Mme la rapporteure générale sont convaincants. Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le secrétaire d’État, pourquoi propose-t-on une bonne mesure pour la compétitivité de notre industrie s’agissant de l’électricité, mais des autres formes d’énergie ? Ce n’est pas cohérent ! Je rappelle qu’une partie de l’électricité est produite à partir de produits d’origine pétrolière, gaz, voire charbon, et que l’énergie nucléaire n’est pas une énergie verte renouvelable. C’est une donnée technique. Je sais que le dispositif est coûteux, mais a-t-on mesuré les conséquences économiques de l’impossibilité de l’appliquer aux entreprises énergo-intensives ? Nous risquons d’assister à de nombreuses fermetures. Menons donc une politique à l’allemande : une politique pro-industrie !

(L’amendement n50 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n129.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le présent amendement vise à appliquer la réforme de la CSPE à Saint-Pierre-et-Miquelon. Il s’agit d’une disposition particulière compte tenu du statut de ce territoire.

(L’amendement n129, accepté par la commission, est adopté.)

(L’article 11, amendé, est adopté.)

Article 11 ter

Mme la présidente. Le Sénat a supprimé l’article 11 ter.

La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement n84.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Nos collègues sénateurs ont supprimé la trajectoire dite Chanteguet, du nom du président de la commission de la commission du développement durable, sur le prix du carbone. Cet amendement vise à rétablir cette trajectoire qui donne de la visibilité. Je rappelle, afin qu’il n’y ait pas de confusion, que tous les tarifs des taxes restent fixés par notre assemblée annuellement – ils font l’objet d’un vote. Avoir une perspective et donner une trajectoire peut être utile au monde économique et, de manière plus générale, à l’ensemble des acteurs.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Comme l’indique à juste titre Mme la rapporteure générale, il s’agit de toucher à un article de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, qui n’a pas de valeur contraignante par rapport à la loi de finances, puisque le prix du carbone est fixé en loi de finances.

Le Gouvernement n’avait pas l’intention de modifier la loi relative à la transition énergétique. Un amendement présenté par M. Caullet, me semble-t-il, déterminait, année après année, l’évolution de la valeur de la tonne de carbone jusqu’en 2020. Cela ne change pas grand-chose à cette loi puisqu’il ne s’agit que d’une précision. En tout état de cause, cela n’a aucune influence sur le budget de l’État. L’amendement s’apparente un peu à un cavalier budgétaire, mais le Gouvernement ne voit pas d’inconvénient à son adoption et s’en remet à la sagesse de l’Assemblée.

M. Denis Baupin. Très bien !

M. Charles de Courson. Le Conseil constitutionnel se chargera de trancher.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Les choses sont claires. Il s’agit, comme vous l’avez indiqué, d’un signal. Il n’est pas question d’arrêter, en 2015 ou en 2016, une taxe carbone pour les années suivantes. Il n’y a pas de politique de stop and go. C’est un message pour l’avenir et l’on concrétisera au fur et à mesure des exercices budgétaires. Mais ainsi personne ne pourra dire, dans quatre ou cinq ans, qu’il ne savait pas, comme c’est le cas aujourd’hui avec le diesel : le débat a eu lieu dans la société, mais les signaux politiques n’ont pas été assez nets il y a quatre ou cinq ans pour que les industriels et les ménages se préparent à la mutation.

Adopter cet amendement serait une façon de préparer la mutation sans mettre le couteau sous la gorge. En outre, cette taxe, on le sait, sera restituée d’une façon ou d’une autre aux agents économiques et aux ménages.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Le Gouvernement a raison. La question est de savoir si on veut se faire plaisir en votant la disposition et prendre le risque qu’elle soit annulée par le Conseil constitutionnel. Choisissez !

(L’amendement n84 est adopté et l’article 11 ter est ainsi rétabli.)

Article 12

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Lassalle, inscrit sur l’article.

M. Jean Lassalle. Ce n’est pas dans le cadre d’un projet de loi de finances rectificative que l’on aborde des sujets de fond, j’en suis conscient. J’avais néanmoins cru comprendre que tout le monde avait pris très au sérieux ce qui s’est passé le week-end dernier. J’espérais donc que cette nouvelle lecture, plus légère que la précédente, permettrait d’esquisser, à l’adresse d’un peuple encore meurtri, quelques pistes de réflexion qui sortiraient un peu de l’ordinaire et de dire que nous avons bien reçu le message, que nous allons réfléchir à l’avenir.

Or, à part les déclarations faites lors de la séance de questions au Gouvernement et les explications que tout le monde connaît, je n’entends pas grand-chose. Comment pouvons-nous traiter sérieusement d’un budget alors que notre appareil économique est totalement grippé, que nous n’avons plus ni industrie, ni agriculture, ni artisanat ? Que peut-on dire de la croissance à venir dans l’état actuel des choses ? Je ne vois pas ce que ce projet de loi de finances rectificative va apporter à ceux qui ont émis un vote de désespérance dimanche dernier.

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement n85.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Le Gouvernement a souhaité faire converger les taxations sur l’essence et sur le diesel. Pour 2016, cela donnait : plus un centime par litre pour le gazole, zéro centime pour l’essence SP 95 et moins un centime pour l’essence SP 95-E 10. Nos collègues sénateurs ont proposé plus 1 centime pour le gazole, moins 1 centime sur l’essence SP 95 et moins 1 centime sur l’essence SP 95-E 10.

Deuxième étape, le Gouvernement avait fait une proposition que nous avions adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale pour l’année 2017 : plus 1 centime sur le gazole, moins 1 centime sur l’essence SP 95 et moins 1 centime sur l’essence SP 95-E 10. Le Sénat a supprimé cette disposition, c’est-à-dire qu’il a supprimé la convergence qui figurait dans le texte issu de la première lecture.

L’amendement vise à rétablir la trajectoire proposée en première lecture.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Il faut soutenir Mme la rapporteure et maintenir le moins 1, plus 1 !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Merci !

M. Charles de Courson. C’est la sagesse.

(L’amendement n85 est adopté.)

(L’article 12, amendé, est adopté.)

Article 12 bis

(L’article 12 bis est adopté.)

Article 12 quater

(L’article 12 quater est adopté.)

Article 12 sexies

Mme la présidente. Le Sénat a supprimé l’article 12 sexies.

Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 86 et 4.

La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement n86.

M. Éric Alauzet. Le passage au régime juridique de l’autorisation prévu par l’article 32 bis du projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement aura pour conséquence de supprimer, pour les personnes âgées dépendantes et les personnes handicapées, le bénéfice des avantages fiscaux attachés aux activités de services à la personne. Le fait que ces services passent du régime de l’agrément, défini par le code du travail, à celui de l’autorisation leur fera perdre de tels avantages. Rappelons que les personnes âgées et handicapées peuvent déduire de l’impôt sur le revenu 50 % des frais engagés à ce titre. Le présent amendement vise à garantir les mêmes avantages fiscaux au profit des bénéficiaires des services à domicile autorisés.

Mme la présidente. Je suppose que vous avez défendu l’amendement identique n4, monsieur Alauzet ?

M. Éric Alauzet. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est au moins la quatrième fois que je dis que cet amendement est inutile. Avec une telle présentation, monsieur Alauzet, vous risquez d’effrayer un certain nombre de bénéficiaires de la mesure fiscale. Vous venez en effet d’affirmer que ces personnes pourraient perdre le bénéfice de la mesure fiscale qui leur permet de déduire 50 % du montant de leurs dépenses relatives aux activités de services à la personne.

Vous faites référence à un article du code du travail. La loi a été définitivement adoptée, mais elle n’est toujours pas promulguée. J’ai déjà dit à ce micro – et vous connaissez la valeur du propos d’un ministre en séance publique à l’Assemblée nationale – que la mesure en question ne présentait aucun caractère d’urgence et pouvait, au mieux, s’appliquer à compter de l’imposition des revenus en 2017.

De plus, s’agissant du passage du régime de l’agrément à celui de l’autorisation, je me suis engagé, en cas de problème, à régler par instruction le cas d’entreprises qui seraient aujourd’hui agréées, mais ne pourraient pas être autorisées suivant le nouveau régime en prévoyant des dispositions transitoires.

On dit souvent que la loi est complexe et bavarde. Or, ce que vous voulez y inscrire l’alourdirait inutilement. J’ai entendu défendre cet amendement au Sénat et à l’Assemblée nationale lors de l’examen de chacun des textes et, quand je dis que j’y ai répondu quatre fois, ce doit être en fait, si j’ai bien compté, au moins la sixième fois que je fais la même réponse. Je pourrai cependant recommencer demain au Sénat avec le même calme et la même sérénité.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Je vois bien votre agacement, monsieur le secrétaire d’État. Au moins vos propos sont-ils de nature à rassurer.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Après tout, ça ou autre chose…

M. Éric Alauzet. Nous souhaitions prendre une garantie et vous souhaitez vous-même prendre toutes les précautions nécessaires pour éviter les soucis, le moment venu. Je suis donc prêt à retirer cet amendement,…

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Votez-le donc, il ne sert à rien !

M. Éric Alauzet. …au vu de la passion avec laquelle vous avez défendu la protection des familles, car je ne doute nullement de votre sincérité.

(L’amendement n4 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je retire l’amendement de la commission.

(L’amendement n86 est retiré.)

Article 12 septies

(L’article 12 septies est adopté.)

Article 13

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Lassalle.

M. Jean Lassalle. Je pensais que cette deuxième lecture allégée, dans le droit-fil de toutes les déclarations faites depuis quarante-huit heures, aurait permis de suggérer quelques pistes. Pour ma part, j’en suggérerai deux.

Tout d’abord, puisque nous sortons de l’accord historique conclu à la COP21, pourquoi la France ne lancerait-elle pas le grand chantier qui la requalifierait et donnerait tant d’idées à nos frères, en Europe et dans le monde, pour passer véritablement aux projets d’énergies renouvelables, notamment d’énergie solaire ?

M. Denis Baupin. Très bien !

M. Jean Lassalle. Nous habitons en effet un pays où le soleil ne se couche pas et nous possédons la deuxième façade maritime du monde. Il y aurait donc là matière à recréer de la richesse, qui nous permettrait de régler les problèmes dont nous discutons cet après-midi sans beaucoup avancer, faute de solutions financières. Le fait, au contraire, d’engager ce double projet d’énergie solaire et d’énergie des marées serait de nature à relancer notre pays dans une dynamique très positive, dans laquelle nous retrouverions nos jeunes et redonnerions du courage à ceux qui n’en ont pas, car ils sauraient que nous avons un projet – ce qui n’est pas l’impression que je retire de nos propos de cet après-midi.

Mme la présidente. La parole est à Mme Bernadette Laclais, pour soutenir l’amendement n127.

Mme Bernadette Laclais. Cet amendement, dont je suis cosignataire avec Christophe Caresche, tend à réintroduire une mesure adoptée en première lecture, qui consiste à assouplir la condition de détention de cinq ans en cas de réinvestissement dans une société cible de l’ISF-PME.

C’est là un amendement que je présente avec une certaine constance. Il avait en effet été discuté lors de l’examen du projet de loi pour la croissance et l’activité. On nous avait dit alors qu’une telle disposition ne pouvait pas y figurer, car elle relevait d’une loi de finances. J’ai donc présenté l’amendement dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016 et la commission l’a adopté, après quoi il nous a été dit que le dispositif ISF-PME serait examiné dans le cadre du projet de loi de finances rectificatives. L’amendement a alors été présenté en première lecture. Or, le Sénat détricote avec constance les dispositifs visant l’ISF-PME – je ne peux, pour ma part, que le regretter. Vous avez été très nombreux, chers collègues, à voter cet amendement en première lecture et j’espère que vous le confirmerez par un vote cohérent cette fois-ci.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. L’amendement n’a pas été examiné par la commission, mais il a été vu à plusieurs reprises et a été adopté en première lecture. Donc avis favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement – il l’a déjà dit en première lecture et le répète en nouvelle lecture. (« Dommage ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.) La constance appelle la constance.

Le Gouvernement tient à rappeler toutes les mesures qui ont été adoptées dans ce texte, parfois à votre initiative, en faveur de l’investissement dans les entreprises : la mise en conformité de l’ISF-PME ; l’alignement du Madelin, qui a été élargi et aligné toujours sur le cas le plus favorable ; l’instauration de la condition de remploi des SICAV ; la réforme de l’éligibilité au PEA-PME en simplifiant les conditions d’éligibilité des entreprises et en visant les obligations convertibles en actions – OCA – et les obligations remboursables en actions – ORA –, ainsi que la création d’un cadre juridique pour les European Long Term Investment Funds – ELTIF –, produits que vous connaissez et qui peuvent désormais être intégrés au PEA-PME. Voilà donc déjà de nombreuses dispositions, toutes coûteuses, certes, mais que nous avons instaurées parce que nous sommes conscients qu’elles visent à développer l’investissement dans les PEA-PME.

Quant à la possibilité d’un remploi avant le délai minimum de cinq ans, lorsque nous en avions discuté – hors de l’hémicycle, il est vrai – vous aviez souligné les difficultés que pouvait rencontrer une entreprise se trouvant dans l’impossibilité de rembourser l’avantage fiscal obtenu alors qu’elle était en redressement. Or, le Sénat, à l’alinéa 44 de l’article 13, a bien étendu cette possibilité en ajoutant les termes : « ou d’une cession réalisée dans le cadre d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ». Ainsi, une personne qui serait tenue de vendre avant le délai de cinq ans parce que l’entreprise est en liquidation ou en redressement et qui aurait bénéficié initialement d’un avantage fiscal ne serait pas tenue de rembourser cet avantage. Nous avons donc déjà pris en compte un très grand nombre de situations.

Si nous ne sommes pas favorables à cet amendement, c’est parce que le but de ce dispositif est de favoriser l’orientation de l’épargne vers les PME lorsque ce n’est pas le cas, d’où l’idée d’intégrer à ce dispositif les SICAV et les premiers investissements, qui sont le fondement de l’ISF-PME.

Vous proposez aujourd’hui de permettre aux personnes ayant bénéficié d’un avantage fiscal de sortir du dispositif avant le délai de cinq ans – qui n’est pourtant pas énorme – et de réinvestir, de telle sorte que le flux financier investi dans les PME n’augmente pas.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cette disposition, en rappelant que figurent déjà dans ce texte de très nombreuses mesures en faveur de l’investissement dans les PME, moyennant à chaque fois, bien sûr, des dépenses fiscales.

Mme la présidente. La parole est à Mme Bernadette Laclais.

Mme Bernadette Laclais. Je maintiens cet amendement, qui a été adopté en première lecture. J’entends votre position, monsieur le secrétaire d’État, et je suis vraiment désolée de ne pas être en accord avec vous. Il s’agit, en fait, d’éviter que des entreprises ne déposent leur bilan parce qu’elles ont plus intérêt à le faire plutôt que d’aller jusqu’au bout de la période de cinq ans.

Il me semble dommage de renoncer à ce dispositif, dont la commission a admis l’intérêt, notamment pour des start-up qui ont besoin de procéder à un nouveau tour de table au bout de deux ou trois ans, qui permet à ces partenaires de sortir du dispositif sans désavantage fiscal. Je suis donc désolée, mais je maintiens cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Le groupe UDI appuie cette idée – qui du reste, monsieur le secrétaire d’État, n’a pas de grandes conséquences. Notre rapporteure générale demande souvent combien coûte une mesure : celle-ci ne doit pas coûter grand-chose. Elle est assez cadrée, ne va pas loin et permet de résoudre quelques cas. C’est une petite chose. Nous voterons cet amendement.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il faut toujours se méfier quand M. de Courson dit qu’il s’agit d’une petite chose !

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Cet amendement me semble en effet présenter un intérêt. On sait en effet que certaines entreprises manquent de trésorerie et de fonds propres. Comme vous l’évoquiez, monsieur le secrétaire d’État, en cas de redressement judiciaire ou de liquidation, se pose une vraie question de moralité.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Supprimez donc la condition de délai !

Mme Véronique Louwagie. Finalement, comme cela a déjà été dit, une entreprise aura plutôt intérêt à déposer le bilan, auquel cas les réductions ne seront pas remises en cause, à la différence de ce qui se produirait si une alternative pouvait être trouvée. Les députés Les Républicains soutiennent donc cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Au cours des travaux parlementaires que vous avez conduits, madame Laclais, monsieur Caresche, les échanges que nous avons eus nous ont permis de parvenir à des positions d’équilibre. Soit on garde ces équilibres, soit on ne les garde pas. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

(L’amendement n127 est adopté.)

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Madame la présidente, je vous demande une suspension de séance.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt-cinq, est reprise à dix-huit heures trente-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n51.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, vous vous souvenez tous de ce qu’avait déclaré le Président de la République dans son discours sur le pacte de compétitivité, le 17 décembre 2012 : « Le troisième impôt qui ne changera pas, ce sont tous les dispositifs en faveur de l’investissement dans les PME, aussi bien pour l’impôt sur la fortune que pour l’impôt sur le revenu, le régime des pactes d’actionnaires favorisant la détention et la transmission, ce que l’on appelle la loi Dutreil […] »

Le problème est que cet engagement du Président de la République s’est heurté à la position de l’Union européenne. Des négociations entre le Gouvernement et la Commission ont eu pour objet de réduire le champ de certaines mesures.

Cet amendement prend acte de cette situation et part du constat que le plafonnement global des niches fiscales à 10 000 euros, qui est de droit, s’applique à l’avantage procuré par l’ISF-PME. L’amendement a pour objet d’assujettir cet avantage au plafond de 18 000 euros qui est applicable aux crédits d’impôts SOFICA, Malraux et outre-mer. Est-il logique en effet de voter des dispositions plus favorables à l’investissement dans le cinéma qu’à l’investissement dans nos petites et moyennes entreprises ? L’amendement vise à instituer une mesure de justice, en permettant que toutes ces formes d’investissement bénéficient d’un plafond identique.

(L’amendement n51, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n87 rectifié qui fait l’objet d’un sous-amendement no 125.

La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement n87 rectifié.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. L’article 13 visait à réécrire une partie des dispositions relatives à l’ISF-PME pour les mettre en conformité avec le droit européen. En parallèle, le texte du Gouvernement contenait un certain nombre d’autres aménagements qui ne figurent pas dans le règlement européen – le règlement général d’exemption par catégorie, dit « RGEC ».

Le Sénat a supprimé des dispositions que nous avions votées et en a ajouté d’autres. Cet amendement de la commission vise à reprendre des dispositions proposées par le Sénat ainsi que d’autres mesures que nous avions adoptées en première lecture.

Je ferai part, en premier lieu, d’une disposition que nous avions adoptée en première lecture. Le règlement européen considère le créateur d’entreprise, tant que celle-ci n’existe pas, comme un investisseur indépendant. Au stade de la fondation de l’entreprise, une personne peut investir en effectuant un apport au moyen d’argent personnel. Si cette personne est éligible à l’ISF, elle peut bénéficier du dispositif de l’ISF-PME en ce qui concerne cette mise de fonds personnelle. Au fil du temps, jusqu’à ce que l’entreprise ait sept ans, elle peut réinvestir à son profit mais, dans le texte du Gouvernement, elle n’était plus alors considérée comme un investisseur indépendant : elle devenait le seul investisseur qui ne pouvait pas bénéficier de l’ISF-PME, alors que c’est elle qui fait tourner son entreprise, qui la fait vivre au quotidien.

Le règlement européen prévoit le cas des investissements de suivi : si l’on a déjà investi dans l’entreprise, on peut continuer à apporter de l’argent frais et à bénéficier de l’ISF-PME. Sur ce point, nous avons déjà eu une divergence avec le Gouvernement en première lecture : un amendement avait été adopté par notre assemblée, contre l’avis du Gouvernement, au titre, en quelque sorte, du bon sens. À s’en tenir au texte du Gouvernement, on se serait en effet trouvé dans une situation anormale : la seule personne qui n’aurait pu investir dans l’entreprise et bénéficier de l’ISF-PME aurait été le dirigeant lui-même. Je rappelle que le dispositif ISF-PME est bordé, puisque l’Europe en limite le bénéficie à des entreprises ayant moins de sept ans. Une fois cette échéance atteinte, on peut investir dans une autre entreprise créée depuis moins de sept ans.

À côté de cette mesure que nous avions adoptée en première lecture, il en est une deuxième, que cet amendement ne reprend pas : la possibilité d’imputer à l’ISF-PME des apports en nature – tels que des brevets et des marques – qui, de fait, donnent toujours lieu à des difficultés de valorisation.

Nous proposons de reprendre, dans cet amendement n87 rectifié, un certain nombre de dispositions émanant du Sénat. Il s’agit, premièrement, de l’exclusion du bénéfice de l’ISF-PME des sociétés ayant des activités uniquement immobilières, consistant en la construction d’immeubles en vue de leur location et de leur revente.

Deuxièmement, nous proposons de plafonner les frais et les commissions prélevés par les sociétés intermédiaires, c’est-à-dire les sociétés mettant en relation l’investisseur, qui bénéficiera du crédit d’impôt, et la PME. En effet, les frais d’intermédiation étaient pris en compte dans le calcul de l’avantage fiscal, jusqu’à représenter, dans certains cas, une part très significative de celui-ci.

Troisième disposition adoptée par nos collègues sénateurs que nous proposons de reprendre : la prise en compte des obligations remboursables en actions et des obligations convertibles en actions dans le quota d’investissement de 70 % des fonds d’investissement de proximité – les FIP – et des fonds communs de placement dans l’innovation – les FCPI.

Dernière mesure votée par nos collègues sénateurs que nous proposons de reprendre : la création d’un plafond d’investissement spécifique de 2,5 millions d’euros pour les entreprises solidaires d’utilité sociale, contre 15 millions d’euros dans le droit commun, étant rappelé que ces entreprises avaient été initialement exclues de l’article 13.

Deux mesures que nos collègues sénateurs ont ajoutées ne figurent pas dans cet amendement n87 rectifié : l’exclusion du bénéfice de l’ISF-PME de toutes les sociétés d’exploitation d’un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes – EHPAD – et la fixation d’un plafond de réduction de l’ISF de 18 000 euros en cas d’investissement par le biais d’un FIP ou d’un FCPI.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir le sous-amendement n125.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement est favorable à l’ensemble des dispositions qu’a présentées très précisément et très exactement la rapporteure générale, sauf une, qui fait l’objet de ce sous-amendement relatif au sort réservé aux investisseurs non indépendants, c’est-à-dire à ceux qui ont déjà abondé le capital de l’entreprise. Nous avons déjà eu cette discussion en première lecture. Je confirme l’analyse du Gouvernement : la disposition que vous prévoyez est absolument contraire au RGEC, comme la Commission me l’a confirmé par écrit.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je lirai cela avec intérêt !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je vais vous lire la fin du message que j’ai reçu : « À la lumière de ces éléments, l’amendement qui a été proposé [celui de la commission des finances] introduit une contradiction avec le principe de l’investisseur privé indépendant, tel qu’énoncé au point 72 du RGEC. » Telle est la conclusion d’un courriel de la Commission, à qui nous avons soumis l’amendement qui avait fait l’objet de nos débats en première lecture.

J’appelle l’attention de l’Assemblée sur le risque que ferait courir le rejet du sous-amendement du Gouvernement. Vous n’ignorez pas, en effet, que nous devons notifier à la Commission, dans les vingt jours qui suivent son adoption, le dispositif dans son ensemble. Certes, chacun peut apprécier différemment l’opportunité qu’il y a à autoriser le recours à un nouvel investissement.

J’ai bien écouté ce que vous avez dit et cela n’est d’ailleurs pas contradictoire avec l’idée que, dans le cadre d’investissements de suivi – lesquels sont donc prévus dans le plan de développement de l’entreprise –, le dispositif s’applique, comme l’autorise aussi explicitement le RGEC en précisant la définition de l’investissement de suivi. Si tel n’est pas le cas, ce règlement l’exclut.

Compte tenu de la nécessaire notification auprès de la Commission dans les vingt jours de son adoption, ce que vous proposez risque d’être considéré comme non-conforme à la réglementation européenne. Je vous rappelle que l’on parle d’un flux d’investissement de 1 milliard d’euros et que la mise en conformité que nous préconisons, si votre amendement était adopté tel quel, serait en péril.

Je suggère donc à l’Assemblée d’adopter ce sous-amendement afin d’éviter tout risque. Dès lors, le Gouvernement sera favorable à l’adoption de l’amendement présenté par Mme la rapporteure générale, qui reprend utilement toutes les dispositions qui ont été évoquées.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n125 ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je suis défavorable à ce sous-amendement.

Sur le fond, la seule personne qui ne peut plus réinvestir dans l’entreprise en bénéficiant de l’ISF-PME est celle qui fait « tourner » cette entreprise tous les jours. Nous pouvons certes débattre longuement de l’ISF-PME mais, pardonnez-moi l’expression, cette situation est tout de même assez délirante ! Tous les investisseurs extérieurs peuvent bénéficier de ce dispositif sauf la personne qui fait vivre l’entreprise – quoiqu’elle ne soit pas la seule, bien entendu, la plupart du temps !

Lorsque j’ai appelé la Commission, ce point-là n’avait pas été discuté même si le Gouvernement l’avait consultée sur bien d’autres sujets. Je peux lire devant l’Assemblée le mail que j’ai reçu à ce propos. La Commission était prête à étudier cet aspect-là.

La notion d’investisseur indépendant a, quant à elle, été ajoutée puisque la rédaction d’un règlement implique de prendre en compte 28 législations nationales, chaque État pouvant avoir une vision un peu particulière des choses.

J’ai donc contacté la Commission s’agissant des conditions nécessaires pour bénéficier de ce dispositif et il m’a été répondu ceci : « Cela ouvre donc la possibilité, sous certaines conditions, à un investisseur fondateur et actionnaire de sa société de procéder à une augmentation de capital. »

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il s’agit bien de l’investissement de suivi !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Mais votre sous-amendement prive du dispositif les fondateurs et actionnaires.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Non !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Lorsque vous ramenez de l’argent dans une entreprise, c’est toujours de l’investissement de suivi.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Non ! C’est très précisément écrit dans le RGEC !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Non, justement, le RGEC ne définit pas si précisément que cela ce qu’est un investissement de suivi.

En outre, selon la Commission européenne, l’ensemble des investissements doit être inscrit dans un business plan, or, je la mets au défi de connaître ce qu’une entreprise fera dans sept ans ! Si l’on veut tuer les PME et l’investissement… Si la Commission européenne exige d’inscrire noir sur blanc ce genre de choses dans un business plan, je me demande combien d’entreprises pourront bénéficier de ces dispositions !

En tout état de cause, la Commission m’a bien écrit ce que je viens de lire et je le maintiens. Il serait regrettable, d’un point de vue économique, que le seul à ne pas pouvoir bénéficier de ce dispositif soit le dirigeant de l’entreprise.

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Sur le fond, j’entends Mme la rapporteure générale : il est en effet un peu difficile de comprendre pourquoi le créateur et dirigeant d’une entreprise serait le seul à ne pas bénéficier de la possibilité d’investir et de disposer de cet avantage fiscal.

Cela dit, nous devons être prudents et ne pas prendre de risques vis-à-vis de la Commission européenne. Ce texte sera soumis à notification et j’entends donc aussi les propos de M. le secrétaire d’État. Après que celui-ci se sera à nouveau exprimé, une brève suspension de séance permettrait peut-être de procéder à certaines vérifications.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Pour que les choses soient parfaitement claires, je tiens à préciser la position écrite de la Commission.

Peuvent donner lieu à ISF-PME des versements effectués lorsqu’un actionnaire est déjà associé , certes, mais la Commission évoque également « les augmentations de capital d’une société dont il est associé ou actionnaire lorsque ses souscriptions constituent un investissement de suivi réalisé dans les conditions cumulatives suivantes : 1°, le redevable a bénéficié au titre de son premier investissement au capital de la société de l’avantage fiscal prévu au premier alinéa ; 2° de possibles investissements de suivi étaient prévus dans le plan d’entreprise de la société bénéficiaire des versements ; 3° la société bénéficiaire de l’investissement n’est pas devenue liée à une autre entreprise » – ce qui nous concerne peu.

La rapporteure générale a lu la conclusion : « Cela ouvre donc la possibilité, sous certaines conditions, à un investisseur fondateur et actionnaire de la société de procéder à une augmentation de capital. »

Puisqu’un doute a été émis – cela ne vous a pas échappé en première lecture – nous avons consulté à nouveau la Commission sur la base précise de l’amendement tel qu’il avait été adopté par l’Assemblée.

Je relis sa conclusion : « À la lumière de ces éléments, l’amendement qui a été proposé introduit une contradiction avec le principe de l’investisseur privé indépendant tel qu’énoncé au point 72 du RGEC. »

On peut trouver cela bien ou non, mais telle est la lecture, en l’état, du RGEC ! Si vous voulez adopter une disposition dont nous savons qu’elle est contraire à l’avis formel de la Commission, vous pouvez toujours le faire mais, je vous le répète, nous prenons un risque de non-conformité de l’ensemble du dispositif tel que nous l’adoptons et, éventuellement, si le contentieux dure quelque temps – ce qui est possible – de devoir demander un remboursement aux personnes qui auraient bénéficié de l’avantage.

Mme la présidente. A la demande du groupe SRC, je suspends la séance pour cinq minutes.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante, est reprise à dix-neuf heures.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Il est bien entendu hors de question pour nous de créer le moindre risque. Je souhaiterais donc quelques précisions supplémentaires, afin qu’elles figurent au compte rendu et que tout soit bien clair.

Supposons qu’une personne éligible à l’ISF crée une entreprise à partir d’un apport personnel. Dans ce cas, elle pourra bénéficier de l’ISF-PME. Imaginons que son business plan de départ prévoit qu’il faudra procéder à des augmentations de capital au cours de la vie de l’entreprise, sans toutefois en préciser le montant. On peut en effet imaginer que, en année n-7, elle n’aura aucune idée du chiffre d’affaires qu’elle fera sept ans plus tard, pas plus que du résultat net, et qu’elle n’aura même pas la certitude que son entreprise sera encore en vie à cette date.

Monsieur le secrétaire d’État, si cette personne prévoit uniquement dans son business plan qu’elle fera des levées de capital, sans en fixer ni le montant, ni la date, peut-on considérer que l’investissement de suite est mentionné dans le business plan et que cette personne, créatrice de l’entreprise, peut être éligible à l’ISF-PME ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je ferai la même réponse que tout à l’heure. L’article 13 du règlement général d’exemption par catégorie, le RGEC, fait référence à des investissements de suivi, qui sont définis dans un autre texte comme une prévision d’évolution de l’entreprise.

Vous parlez d’un business plan, de la fixation de montants et de délais : ceci n’est pas prévu dans le RGEC. Je crois l’avoir lu quelque part, en travaillant sur ce sujet, mais je ne saurais, à cet instant précis, vous donner la référence du texte. Sinon tout a été dit sur cette question.

(Le sous-amendement n125 est adopté.)

(L’amendement n87 rectifié, sous-amendé, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n68.

M. Charles de Courson. Cet amendement concerne la fameuse règle des sept ans. Le texte communautaire parle de sept ans à compter des premières recettes commerciales – on parle des premières ventes commerciales. Mais, selon la Commission européenne, les sociétés bénéficiaires des versements doivent satisfaire plusieurs conditions cumulatives, qui ont été rappelées tout à l’heure, dont l’une consiste à être en phase d’amorçage, de démarrage ou d’expansion au sens des lignes directrices communautaires concernant les aides d’État visant à promouvoir les investissements en capital-investissement dans les PME.

Le présent amendement a trois objectifs. Premièrement, il vise à éviter les risques de requalification pour les PME, en élargissant et en précisant le champ et l’objet des dépenses éligibles. Ensuite, il vise à être plus équitable vis-à-vis des entreprises en intégrant, non pas le chiffre d’affaires, mais la marge brute. Enfin, cet amendement propose d’abaisser le seuil des investissements éligibles.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. L’alinéa 5 c) de l’article 21 du RGEC dispose explicitement que les entreprises doivent avoir un besoin d’investissement initial en faveur du financement des risques qui, sur la base d’un plan d’entreprise établi en vue d’intégrer un nouveau marché géographique ou de produits, est supérieur à 50 % de leur chiffre d’affaires annuel moyen des cinq années précédentes. Votre proposition n’étant pas conforme au RGEC, le Gouvernement y est défavorable.

Mme la présidente. Monsieur de Courson, maintenez-vous votre amendement ?

M. Charles de Courson. Je le retire.

(L’amendement n68 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n117 rectifié.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il s’agit d’un amendement de coordination entre le dispositif « Madelin » et le dispositif « ISF-PME ». Désormais, la précision relative aux modalités de reprise de l’avantage fiscal en cas de non-respect du délai de détention des titres n’est plus mentionnée dans le code général des impôts. Il en résulte une incertitude quant à l’année au titre de laquelle l’avantage fiscal doit être repris.

Le présent amendement propose donc d’introduire cette précision dans l’article 13 relatif à la réduction ISF-PME et, en conséquence, d’aligner la date de reprise de l’avantage pour ces deux dispositifs.

(L’amendement n117 rectifié, accepté par la commission, est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 56 et 61.

La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n56.

M. Charles de Courson. Cet amendement propose d’étendre l’ISF-PME aux entreprises qui doivent mobiliser des fonds propres parce qu’elles n’arrivent pas à trouver de financement.

Actuellement, les critères retenus dans les lignes directrices – une ancienneté supérieure à sept ans et un besoin de financement inférieur à 50 % du chiffre d’affaires – ne couvrent pas ce cas. J’aimerais donc savoir, monsieur le secrétaire d’État, si une telle extension serait « eurocompatible ».

Mme la présidente. La parole est à Mme Bernadette Laclais, pour soutenir l’amendement n61.

Mme Bernadette Laclais. Nous avions présenté un amendement en première lecture, que nous avons finalement retiré, par crainte qu’une disposition, qui risquait d’être considérée comme non conforme par la Commission européenne, ne fasse s’effondrer tout le dispositif – c’est la même préoccupation qu’a exprimée tout à l’heure M. le secrétaire d’État.

Nous proposons, avec cet amendement, que le Gouvernement examine la possibilité, pour les entreprises de plus de sept ans, de bénéficier d’un dispositif fiscal à l’entrée lorsqu’il y a défaillance de marché, et qu’il informe le Parlement des résultats de son travail.

(Les amendements identiques nos 56 et 61, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

(L’article 13, amendé, est adopté.)

Article 13 bis

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Troallic, pour soutenir l’amendement n14.

Mme Catherine Troallic. Cet amendement, que j’ai déposé avec mon collègue Arnaud Leroy, a été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale. Il permet d’adapter la fiscalité du financement participatif de prêt aux spécificités des TPE et des PME, et de la différencier de celle d’un placement sans risque.

Dans cette logique, il est nécessaire d’étendre cette adaptation à l’ensemble des plates-formes de financement participatif de prêt, conformément à la loi du 6 août 2015. En effet, un traitement fiscal différencié selon les plates-formes ne peut être justifié et conduirait, au 1er janvier 2016, à une discrimination pénalisante pour l’activité de celles qui ne bénéficieraient pas de tels avantages.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement est tout à fait défavorable à cet amendement. Il souhaite en effet encadrer l’utilisation des bons de caisse, souvent anonymes, avant d’introduire ce type de disposition. Nous travaillons actuellement à l’élaboration d’une ordonnance qui fixera le cadre juridique dans lequel pourront être émis et souscrits les bons de caisse car nous avons constaté des abus et des risques d’utilisation aux fins de blanchiment.

Mme la présidente. Mme Troallic, maintenez-vous votre amendement ?

Mme Catherine Troallic. Je le retire.

(L’amendement n14 est retiré.)

(L’article 13 bis est adopté.)

Article 13 ter

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement de la commission, n88, qui fait l’objet d’un sous-amendement du Gouvernement, n132.

La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cet amendement tend à supprimer l’extension au dispositif « Madelin » du mécanisme de pondération qui s’applique actuellement à l’ISF-PME, extension introduite par le Sénat.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir le sous-amendement n132.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ce sous-amendement vise à lever toute ambiguïté sur les modalités de calcul de l’avantage « Madelin » en cas d’investissement intermédié. Il s’agit en réalité d’un amendement de coordination, qui précise l’alinéa 44 en excluant le renvoi au c) du 1 du III de l’article 885-0 V bis.

Sous réserve de l’adoption de ce sous-amendement, l’avis du Gouvernement sera favorable à l’amendement de la commission.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ce sous-amendement ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Favorable.

(Le sous-amendement n132 est adopté.)

(L’amendement n88, sous-amendé, est adopté.)

(L’article 13 ter, amendé, est adopté.)

Article 16

Mme la présidente. La parole est à M. Marcel Bonnot.

M. Marcel Bonnot. L’article 16 modifie le régime des sociétés mères et filiales. Ce régime mère-fille est une option fiscale utilisée dans les groupes de sociétés. Il permet à la société mère de bénéficier d’une exonération d’impôts sur les sociétés au titre des dividendes reçus par ses filiales. En contrepartie, une quote-part de frais et charges calculée au taux de 5 % sur le montant des dividendes reçus doit être réintégrée dans le résultat fiscal de la société mère.

Au terme de cet article 16, ce régime ne serait plus applicable, dès lors que le montage holding-filiales n’aurait plus de caractère « authentique », c’est-à-dire – selon la définition qui serait donnée à cette notion – dès lors qu’elle ne permettrait pas de justifier de motifs commerciaux valables reflétant la réalité économique.

Toutefois ce texte reste extrêmement flou quant à la définition du caractère authentique. Cette modification serait, semble-t-il, motivée par la transposition d’une directive européenne, modification qui demeure bien trop floue dans sa rédaction, puisque les dispositions ne s’appliqueraient pas aux dividendes distribués dans le cadre d’un montage ou d’une série de montages mis en place pour obtenir, à titre d’objectif principal ou d’un des objectifs principaux, un avantage fiscal qui ne serait pas authentique.

D’autre part, le texte précise qu’il faudra désormais justifier de motifs commerciaux pour bénéficier du régime mère-fille dans un montage de groupe de sociétés. Là encore, la notion est très approximative. Concrètement, dans le cas d’un rachat d’une PME par voie de constitution d’une holding de rachat, comment justifier d’un intérêt commercial ?

Faire disparaître le régime mère-fille revient à mettre en danger le rachat d’entreprise. En effet le rachat à titre personnel sans holding permet certes de déduire 25 % des intérêts d’emprunt, mais le coût fiscal reste trop important pour permettre un rachat à titre personnel.

Faire disparaître le régime mère-fille revient également à mettre en difficulté de nombreux schémas de rachat de PME en cours, puisque fiscaliser le dividende remonté de la fille vers la mère sans le bénéfice du régime mère-fille conduit à une altération pure et simple de la capacité de remboursement de la holding. En conséquence les TPE et les PME seront pénalisées financièrement, au péril des plus fragiles. Cette réforme serait un nouveau coup porté aux TPE et PME. Pour cette raison, il conviendrait de supprimer cet article.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement rédactionnel n114.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il est défendu.

(L’amendement n114, accepté par la commission, est adopté.)

(L’article 16, amendé, est adopté.)

Article 16 bis A

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 89 et 40, qui visent à supprimer l’article.

La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement n89.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je rappelle que, s’agissant des monuments historiques, nous avons voté, dans le cadre du PLF, la possibilité, y compris pour les monuments inscrits, de bénéficier de l’agrément ministériel. Le Sénat propose de nouveau d’étendre le dispositif. C’est pourquoi la commission souhaite supprimer cet article.

Mme la présidente. La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement n40.

M. François Pupponi. Il est défendu.

(Les amendements identiques nos 89 et 40, acceptés par le Gouvernement, sont adoptés et l’article16 bis A est supprimé.)

Article 16 quater

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 90 rectifié et 33, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement n90 rectifié.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cet amendement vise à rétablir cet article dans le texte de l’Assemblée nationale, qui prévoyait la possibilité d’appliquer le suramortissement de 40 % aux investissements en matière de fibre optique.

Toutefois, comme ce droit au suramortissement prendra fin en avril 2016, l’amendement prend comme référence la période qui va du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2016 afin de donner une année aux sociétés qui investiront dans la fibre optique – durée dont avaient également bénéficié les autres sociétés.

Mme la présidente. La parole est à M. Razzy Hammadi, pour soutenir l’amendement n33.

M. Razzy Hammadi. Cet amendement vise à rétablir la version initiale votée en commission et dans l’hémicycle. J’entends toutefois les arguments d’équité et d’égalité de notre rapporteure générale, qui sont également ceux que le Gouvernement a avancés, y compris en termes de neutralité technologique, même si, je tiens à le dire, les montants ne sont pas les mêmes. Lorsque j’ai proposé l’élargissement du suramortissement, mon argumentation prenait en considération la dimension de coût raisonné.

Je retire mon amendement au profit de l’amendement n90 rectifié.

(L’amendement n33 est retiré.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n90 rectifié qui prend notamment pour référence la période qui va du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2016.

(L’amendement n90 rectifié est adopté.)

(L’article 16 quater, amendé, est adopté.)

Article 16 quinquies

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Rabault, pour soutenir l’amendement n124, qui vise à supprimer l’article.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La commission a proposé à plusieurs reprises, à l’initiative notamment de François André, des amendements visant à modifier la fiscalité agricole. Nous avons d’ores et déjà adopté diverses dispositions visant à mieux tenir compte des difficultés inhérentes à l’agriculture – je pense en particulier à  la modification du dispositif de déduction pour aléa économique ou à la possibilité d’un étalement sur deux années.

L’amendement n124, que je soutiens à titre personnel, vise à revenir sur une disposition que nous avions adoptée et qui tend à substituer au régime forfaitaire agricole un régime micro-fiscal assorti d’exonérations.

Si je ne suis pas opposée sur le fond à cette disposition, la difficulté est que nous ne disposons d’aucune évaluation. Aujourd’hui, 365 339 agriculteurs sont au forfait : ce sont eux qui verront leur mode d’imposition changer. Je rappelle que la réforme concerne des contribuables aux revenus faibles – inférieurs à 10 686 euros. Selon des données que j’ai eues très tardivement, 52 % de ces 65 000 agriculteurs, soit quelque 30 000 agriculteurs, seraient perdants, sans que je puisse vous dire dans quelle proportion.

Je répète, notamment à l’adresse de M. André, qui est à l’initiative de cette proposition de réforme, que je ne suis pas opposée à son principe mais nous ne disposons d’aucune évaluation. Nous avons encore vérifié en octobre combien il était risqué de voter des dispositions sans disposer d’évaluation et pour ma part je répugne toujours à le faire.

C’est la raison pour laquelle j’ai pris l’initiative, à titre personnel je le répète – ma démarche n’engage pas la commission –, de déposer un amendement de suppression en l’absence d’une évaluation précise du nombre des agriculteurs perdants et, surtout, du montant de la perte.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Des députés travaillent sur cette réforme depuis plus d’un an et six pages de chiffres et six tableaux vous ont été communiqués, madame la rapporteure générale. J’ai là le texte des communiqués de plusieurs fédérations agricoles, dont celui de la Confédération paysanne, qui se félicitent de cette réforme du forfait agricole. M. Beulin et le Premier ministre se sont personnellement entretenus de cette réforme, notamment au moment de la crise agricole. Si les simulations font apparaître quelques perdants, je tiens à rassurer l’Assemblée : les pertes sont faibles,…

Mme Marie-Christine Dalloz. Pas si faibles.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …même s’il est vrai qu’il s’agit de populations aux revenus modestes.

Surtout la réforme s’appliquera progressivement. La première année, le nouveau dispositif ne concernera que la dernière année d’imposition et l’ancien dispositif les deux précédentes – les moyennes étant effectuées sur trois ans. Les effets se feront donc sentir progressivement, ce qui nous laissera le temps de corriger d’éventuels dysfonctionnements. Par rapport au statu quo, les effets du nouveau dispositif ne porteront donc mécaniquement que sur un tiers du total.

Deuxièmement, un fonds d’accompagnement est prévu pour certaines professions, dont les représentants avaient en effet appelé notre attention : je pense en particulier aux viticulteurs de certains départements – il ne s’agit évidemment pas des grands vignobles français. Nous avons pris toutes les précautions, la réforme, je le répète, est saluée par l’ensemble de la profession et nous avons fait le maximum de simulations possibles, s’agissant notamment des cotisations sociales – les simulations sont plus difficiles pour l’impôt sur le revenu, puisque, par définition, lorsqu’on est imposé au forfait, plusieurs éléments ne sont pas déclarés.

Toutes les précautions ont donc été prises s’agissant d’une réforme qui est très attendue par la profession et qui a fait l’objet d’engagements du Gouvernement, notamment au moment de la crise agricole.

Pour ces raisons le Gouvernement est défavorable à l’amendement de suppression.

Mme la présidente. La parole est à M. François André.

M. François André. Je suis très surpris de cet amendement parce qu’il est contraire à la fois aux conclusions des assises de la fiscalité agricole qui se sont tenues en septembre 2014 – or qui dit assises, dit participation de tous les acteurs de la profession –…

Mme Marie-Christine Dalloz et M. Jean-Pierre Vigier. C’est exact !

M. François André. …et – même si notre amour-propre pèse peu dans ce débat – aux conclusions du rapport d’information auquel différents collègues siégeant sur tous les bancs et moi-même avons participé.

Mme Marie-Christine Dalloz. Ainsi qu’aux orientations qui avaient été fixées.

M. François André. Sur la forme, je le trouve quelque peu inconvenant au regard du travail parlementaire qui a été effectué et du dialogue que le Gouvernement a mené avec les professions agricoles.

Comme je l’ai déjà souligné en première lecture, cette réforme du forfait n’est pas sorti d’un chapeau : elle est considérée aujourd’hui comme absolument nécessaire, au regard du maquis que constitue l’imposition forfaitaire. Je rappellerai deux chiffres : 8 000 forfaits sont appliqués à l’heure actuelle en France, selon les filières et le résultat des commissions départementales, qui débattent lentement. De plus, les services fiscaux départementaux consacrent pas moins de 150 équivalents temps plein à la gestion quotidienne de ce maquis. À l’heure où on parle de simplification, il est temps de simplifier tout cela et d’instaurer un dispositif à la fois plus lisible pour les exploitants et plus équitable car il existe à l’heure actuelle des distorsions très importantes.

Je n’étais pas dans le secret des discussions entre le Gouvernement et les organisations syndicales qui, je le rappelle, sont unanimement favorables à cette réforme. L’abattement de 87 % ne sort pas non plus d’un chapeau. Il vise, en termes d’imposition, à correspondre globalement au système antérieur. Il est possible qu’à l’extrême marge des situations évoluent, mais le ministre a souligné que ces cas tout à fait marginaux pourront éventuellement être pris en compte.

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien.

M. François André. Enfin, les économies de gestion que permettra de réaliser la simplification du système serviront à amortir les évolutions de cotisations sociales. Tant pour des raisons de forme que de fond, je suis donc défavorable à l’amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. La question du forfait agricole est un vieux serpent de mer qui revient régulièrement dans nos débats. La mission d’information sur la fiscalité agricole, dont Marc Le Fur était le président et François André le rapporteur, a permis de mettre en évidence les points qu’il convenait d’améliorer : le forfait agricole en fait partie.

Madame la rapporteure générale, vous avez affirmé que 52 % des 65 000 agriculteurs modestes soumis au régime du forfait seront perdants, soit 30 000 agriculteurs : c’est un nombre important.

Vous avez ajouté que les sommes étaient faibles, monsieur le secrétaire d’État. Elles le sont en effet sous le régime du forfait, par définition. Il y aura certes des perdants mais ce n’est pas très grave, selon vous, puisque la prise en compte d’une moyenne sur trois ans rend l’évolution progressive. Cela ne constitue pas selon moi un argument valable car à un moment donné on est perdant ou on ne l’est pas.

Je me réjouis d’apprendre que le taux de 87 % résulte de calculs, comme je pouvais l’imaginer. Néanmoins vous n’avez pas pu me dire lors de la première lecture comment il avait été obtenu, monsieur le secrétaire d’État, alors qu’il serait important de le savoir. On peut penser qu’il a été calqué sur le régime des micro-bénéfices industriels et commerciaux.

Quoi qu’il en soit, l’ensemble des exploitants attendent vraiment de sortir du forfait agricole. Vous affirmez disposer de tableaux selon lesquels les perdants seront peu nombreux et perdront peu, monsieur le secrétaire d’État. Nous vous faisons confiance. En tout cas nous retiendrons vos propos.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Il faut absolument soutenir la position du Gouvernement dans cette affaire, mes chers collègues, comme le font d’ailleurs les trois principales organisations agricoles qui sont toutes favorables à la réforme ! Le vrai problème est de déterminer l’écart entre le revenu forfaitaire et le revenu réel. En avez-vous une idée ?

M. François Pupponi. Énorme !

M. Charles de Courson. Il existe un tableau, autrefois tenu secret à la direction générale des impôts, selon lequel le rapport est de l’ordre de 60 % au nord de la France et se dégrade…

M. François Pupponi. Il va encore attaquer la Corse ! (Sourires.)

M. Charles de Courson. Il se dégrade en effet au fur et à mesure qu’on s’approche d’un département cher à monsieur Pupponi. En Corse, en effet 80 % des agriculteurs sont au forfait ! Et savez-vous quel est son montant ?

M. François Pupponi. C’est faux ! Fait personnel, madame la présidente ! (Rires.)

M. Charles de Courson. La mesure proposée est une mesure de justice. Certains paieront peut-être un peu plus, mais il s’agit de savoir sur la base de quel revenu.

Le principe de justice fiscale et d’égalité entre les citoyens, qu’ils soient du nord, du sud, de l’est ou de l’ouest, doit nous amener à voter cette réforme. Le dispositif proposé est beaucoup plus juste que le forfait, qui en outre fait l’objet de négociations à géométrie variable selon les départements sans harmonisation territoriale. Soyons raisonnables, mes chers collègues, appuyons cette réforme ! Sans parler des quelque 130 emplois concernés dans les services fiscaux, car il faut voir ce qu’exige la négociation du forfait agricole ! Simplifions la vie des services fiscaux avec ce bon système approuvé par les trois organisations syndicales et tenons bon face à tous ceux selon lesquels il ne faut jamais rien réformer !

M. Jean-Louis Gagnaire. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Je tiens à apporter un démenti catégorique à ce qu’a dit notre collègue de Courson.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Il a pourtant raison !

M. François Pupponi. Je sais de quoi je parle, mon cher collègue, car je suis sans doute ici, non seulement le seul corse, mais également le seul à avoir notifié des forfaits aux agriculteurs !

Mme Véronique Louwagie. Les pauvres ! (Sourires.)

M. François Pupponi. Absolument, et il n’y a pas si longtemps ! Je puis vous dire que les agriculteurs corses étaient surtaxés par rapport aux autres car nous faisions bien notre travail ! (Rires.- Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Supprimons ce forfait qui est une taxation d’un autre âge ! Revenons à une situation normale : les gens déclarent la réalité des bénéfices ou des déficits qu’ils ont réalisés. Nous entrerons ainsi dans le XXIsiècle, ce qui est la moindre des choses.

Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Pires Beaune.

Mme Christine Pires Beaune. Je soutiens la proposition de suppression de la fiscalisation au forfait. Il faut en effet moderniser l’impôt. Néanmoins, je voudrais, comme en commission, faire part de mon inquiétude au sujet des petits exploitants aux tout-petits revenus. Je crains pour eux les effets collatéraux de cette réforme. Je ne voudrais pas qu’elle aboutisse à une situation analogue à celle créée par la suppression de la demi-part des veuves. Le forfait fait bénéficier les petits exploitants de l’exonération de la taxe d’habitation, de bourses pour leurs enfants et des allocations logement. Je fais confiance à la clause de revoyure et à M. le secrétaire d’État pour éviter qu’une proportion significative d’agriculteurs soit privée demain de ces avantages sociaux.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Cela fait tout de même un certain nombre d’années que nous déplorons le manque de transparence, de lisibilité et de simplicité du régime forfaitaire agricole. Comme l’a montré la première lecture, les travaux menés cette année ont abouti à un équilibre approuvé par les organisations agricoles et qui fait consensus. Je crois en effet me souvenir que nous avons été très nombreux sur ces bancs, lors de la première lecture, à adopter ces dispositions. Je salue donc le travail mené par Marc Le Fur et François André qui constitue me semble-t-il un vrai travail de fond. Le monde agricole a besoin de cet accompagnement et de cette simplification.

Ce qui me surprend, madame la rapporteure générale, c’est votre revirement au sujet d’une mesure adoptée en première lecture il y a quelques semaines au motif qu’elle simplifie et rend lisible la fiscalité agricole. Je ne comprends pas pourquoi vous proposez de supprimer cette nouvelle disposition conforme à ce qui est demandé et qui est une réponse, même partielle, aux difficultés accrues du monde agricole.

Quant à ce que Mme Pires Beaune appelle les dommages collatéraux, la moyenne triennale et la clause de revoyure constituent un cadre qui permettra de constater d’éventuels impacts collatéraux qui n’auraient pas été envisagés, comme l’a précisé tout à l’heure M. le secrétaire d’État. Il sera toujours temps alors de réajuster le dispositif.

Encore une fois adoptons cette simplification, qui va dans le bon sens.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je ferai deux remarques.

Le seuil de 87 % a été calculé pour assurer la neutralité globale de la réforme, madame Louwagie. Nous avons d’ailleurs relevé le plafond limitant l’utilisation du régime des micro-bénéfices agricoles de 76 000 euros à 82 000 euros car nous avons constaté que beaucoup de gens l’avaient atteint.

Plusieurs d’entre vous, mesdames et messieurs les députés, ont fait allusion à la clause de revoyure. Je rappelle par ailleurs l’existence d’un fonds d’accompagnement dans lequel nous nous sommes engagés à verser les sommes – environ dix millions d’euros – dégagées grâce aux économies de gestion engendrées par une réforme qui simplifiera le travail de l’administration mais aussi des agriculteurs.

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Merci de ces précisions, monsieur le secrétaire d’État. J’ai déposé cet amendement – et je vous prie, monsieur André, de bien vouloir m’en excuser – afin que nous ayons cette discussion. Si je l’ai déposé tardivement, c’est que j’ai reçu les données il y a deux jours seulement et je ne pouvais pas le déposer avant de les avoir reçues.

J’ai ici une carte montrant que toutes les exploitations imposées au régime du forfait se situent dans le sud de la France, en particulier le sud-est et un peu moins autour des Pyrénées.

M. Charles de Courson. À 80 % !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Les agriculteurs concernés par la réforme résident donc dans ces départements. J’entends parfaitement que la réforme proposée va globalement dans le bon sens. Je m’inquiète simplement, et c’est aussi mon rôle, des 30 000 agriculteurs qui seront perdants. Mme Pires Beaune a rappelé les conséquences en chaîne que la réforme peut entraîner. Je voudrais donc avoir votre engagement, monsieur le secrétaire d’État, que l’ensemble des services de la direction générale des finances publiques et des acteurs publics intervenant auprès des agriculteurs seront mobilisés afin que l’on trouve des solutions pour ceux qui se retrouveraient en grande difficulté.

Cet engagement doit être pris ici, devant notre assemblée, afin d’éviter d’aggraver les difficultés de certains agriculteurs car je ne crois pas qu’il soit besoin d’en rajouter.

Je retire l’amendement que j’ai déposé afin que nous ayons cette discussion, non pas pour contester la simplification et la lisibilité proposées par le système mais pour que les 30 000 agriculteurs qui vont y perdre puissent bénéficier d’un suivi et d’un accompagnement de l’administration fiscale.

(L’amendement n124 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n115.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est un amendement de précision sur la nature des revenus dits accessoires.

Vous m’avez interrogé, madame la rapporteure générale, au sujet de l’accompagnement et de l’attention que doivent porter les services fiscaux aux difficultés rencontrées par certains agriculteurs. Bien évidemment des dispositions ont d’ores et déjà été prises en ce sens. Comme vous le savez, lors de la dernière crise qui a frappé la profession, notamment les éleveurs, et qui n’est pas complètement terminée, le Premier ministre et bien sûr notre ministère ont pris un tel engagement et sensibilisé les services de la direction générale des finances publiques afin qu’ils accordent des reports, des étalements, des dégrèvements voire des remises dans les situations particulièrement difficiles. Ce qui valait cet été et cet automne vaudra bien sûr dans les mois qui suivent.

(L’amendement n115, accepté par la commission, est adopté.)

(L’article 16 quinquies, amendé, est adopté.)

Article 16 sexies A

(L’article 16 sexies A est adopté.)

Article 16 sexies

(L’article 16 sexies est adopté.)

Article 16 nonies

(L’article 16 nonies est adopté.)

Article 16 terdecies

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement n91.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cet article a été introduit à la suite de l’adoption par le Sénat d’un amendement visant à affecter 100 % du produit de la taxe d’aviation civile au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », le BACEA. Je sais que cette disposition compte au moins un défenseur de poids dans cet hémicycle mais je me permets de rappeler que nous avons déjà, par la loi de finances rectificative pour 2014, affecté 50 % du produit de cette taxe à ce budget annexe. Pour cette raison, notre commission propose de supprimer cette disposition.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. L’avis du Gouvernement est favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. Je vous rappelle, madame la rapporteure générale, que cette mesure est recommandée par un rapport sur la situation de nos compagnies aériennes, qui vient d’ailleurs d’être suivi d’un autre au Sénat. Cette situation est difficile. Je persiste donc à approuver cette proposition, même s’il ne faut pas empiler les mesures les unes sur les autres mais tâcher d’élaborer un plan cohérent pour le transport aérien qui connaît de graves difficultés dans notre pays.

Dans ce contexte difficile pour le transport aérien, il me semble injuste d’affecter au budget général de l’État une taxe prélevée sur les transporteurs. Nous ne proposons pas de la réduire mais de l’affecter totalement au budget de l’aviation civile en vue du désendettement de celui-ci ou d’une réduction des redevances versées par les compagnies aériennes. Il s’agit selon moi d’une proposition de bon sens, même si elle se traduit par un manque à gagner pour le budget général de l’État.

La mesure adoptée l’année dernière ne portait pas sur la taxe de l’aviation civile mais sur la taxe pour les passagers en correspondance. Elle a d’ailleurs donné une bouffée d’oxygène à nos compagnies, notamment la compagnie nationale qui exploite le hub de Paris.

Je regretterais donc la suppression de cet article. Le Sénat a fait preuve de bon sens en l’adoptant et il serait utile de le conserver.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Ayant été pendant dix ans le prédécesseur de notre collègue Le Roux comme rapporteur spécial de ce budget annexe, j’ajouterai quelques arguments pour appuyer sa thèse.

Des pays comme les États-Unis financent les mesures de sûreté qu’ils mettent en place sur le budget fédéral, ce qui permet des taxes aéroportuaires plus faibles. En France, en revanche, nous ajoutons ces taxes aux redevances payées sur les services. Si nous voulons encourager le transport aérien et accroître la compétitivité de nos plates-formes, en particulier parisiennes, nous devons suivre la voie indiquée par notre collègue, Bruno Le Roux. Rappelons à ce titre que le groupe Air France-KLM représente près de 57 % des montants acquittés.

(L’amendement n91 n’est pas adopté.)

(L’article 16 terdecies est adopté.)

Article 16 quaterdecies

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement n92.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Il est fort à craindre que cet article introduit par le Sénat soit un cavalier budgétaire et c’est pourquoi la commission propose sa suppression.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous proposez de supprimer une disposition que le Gouvernement apprécie. Il s’agit en effet de pallier la baisse des taux d’intérêt et de permettre une meilleure rémunération des parts de coopérative. On pourrait y voir un cavalier mais l’augmentation de la part d’imposition permise améliorerait les recettes de l’État : la cavalerie serait donc légère. (Sourires.)

Tout en vous interrogeant sur sa forme – ce qui est compréhensible –, vous n’avez d’ailleurs pas contesté l’opportunité de l’amendement sur le fond, madame la rapporteure générale. Le Gouvernement est donc défavorable à la suppression de cet article, donc à cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Il est vrai que sur le fond la commission a considéré que l’amendement du Sénat était opportun, même si nous avons un petit doute sur la forme. Comme l’a indiqué M. le secrétaire d’État, ce supplément de rémunération entrant dans l’assiette de l’impôt sur le revenu procurera des recettes supplémentaires au budget.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Comme toutes les recettes, monsieur le président !

Mme la présidente. La parole est à M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Le risque juridique existe peut-être, mais adopter cet amendement ferait peser un risque majeur, à la fois sur les finances de l’État et sur les structures concernées.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Le système de plafonnement prévu par l’article 14 de la loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération prévoit n’est plus adapté à l’heure actuelle. C’est pourquoi la Fédération des coopératives demande que ce plafond soit relevé, ce qui permettra, comme l’a indiqué M. le secrétaire d’État, d’augmenter les revenus imposables et donc les recettes de l’État. C’est pourquoi M. le secrétaire d’État a évoqué une cavalerie très légère, ces dispositions pouvant se traduire par un surcroît de recettes au titre de l’impôt sur le revenu.

Mes chers collègues, puisque le problème ne porte pas sur le fond de cette disposition mais sur la possibilité qu’il s’agisse d’un cavalier, prenons donc le risque – fort faible – de voter le texte du Sénat !

(L’amendement n92 n’est pas adopté.)

(L’article 16 quaterdecies est adopté.)

Article 18

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n58.

Mme Marie-Christine Dalloz. Cet article a pour objet la redéfinition des zones de revitalisation rurale – ZRR. Alors que le programme national de rénovation urbaine, mis en œuvre par l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, a permis de trouver des solutions pour les villes et le « vivre ensemble » dans les quartiers, les territoires ruraux ont connu d’énormes difficultés, sources de protestations, voire d’expressions de colère. C’est pourquoi il faut impérativement définir des ZRR cohérentes au regard de la réalité des territoires.

Ma circonscription, que très peu connaissent ici, ne compte ni gare TGV ni tronçon d’autoroute : voilà la réalité. Un véritable travail de revitalisation rurale doit être mené dans ces territoires.

Vous avez retenu deux critères pour définir les ZRR : celui de la densité de population de l’établissement public de coopération intercommunale – EPCI ; d’autre part, celui de la richesse des habitants de l’EPCI. Cette modification conduira, j’en suis convaincue, à avoir « des trous dans la raquette ».

Je vous propose d’améliorer le dispositif en ajoutant trois critères, envisagés par rapport à une densité moyenne nationale, dont l’INSEE fournira les données : le nombre d’infrastructures ferroviaires, le nombre d’infrastructures routières et le nombre de services publics – j’aurais même pu ajouter « hospitaliers » car c’est un élément important. Les territoires où leur nombre serait inférieur à la moyenne devraient être placés dans la catégorie des zones de revitalisation rurale. C’est l’avenir de ces territoires, trop longtemps oubliés, qui se joue.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Nombreux sont les députés dont la circonscription ne compte pas de gare TGV. C’était mon cas, et c’est celui de M. Gagnaire, de Mme la rapporteure générale, de M. Pupponi, etc. Si la France comptait 577 gares TGV, cela se saurait. (Sourires.)

Lors de la première lecture, j’avais déjà pu indiquer combien ce dispositif serait difficilement applicable dans la rédaction proposée. Je ne vois pas par exemple comment on pourrait appliquer le critère de « la quantité des services publics inférieure à la densité moyenne nationale ».

Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement au deuxième tour comme il l’était au premier.

(L’amendement n58 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Vigier, pour soutenir l’amendement n32.

M. Jean-Pierre Vigier. La réforme des ZRR proposée par le projet de loi introduit une nouveauté, une entrée intercommunale, qui a des conséquences importantes sur le zonage. Cette solution a l’avantage de créer une logique de développement économique sur un territoire de projets.

La réforme aboutit toutefois, de manière contradictoire, à exclure du zonage des communes rurales de faible densité et peu riches, parce qu’elles appartiennent à un EPCI très peuplé, du fait d’une commune centre comportant une population dense. Conformément à ce que préconise le rapport parlementaire sur les ZRR, cette contradiction peut être résolue en écartant les communes de plus de 10 000 habitants du classement et donc du calcul de la densité démographique.

Le zonage retrouverait ainsi sa cohérence, en permettant le développement de territoires ruraux peu peuplés et dont le niveau de richesse est inférieur à la moyenne nationale. Tel est l’objectif de cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Vigier.

M. Jean-Pierre Vigier. Votre réforme, qui envisage les ZRR sous un angle purement financier, et non en termes d’aménagement du territoire, fera sortir les petites communes rurales des EPCI.

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Un des EPCI de ma circonscription, qui comptait 5 000 habitants, avait été classé en ZRR. Avec le relèvement du seuil des communautés de communes à 15 000 habitants, il sera inclus dans un ensemble de 40 000 habitants. Cet espace défavorisé, comprenant peu d’industries et de faible densité – qui aurait pu rester seul, s’il l’avait voulu – sera probablement exclus du dispositif de ZRR. Il faudrait donc adapter le système, faute de quoi ces territoires risqueront de se perdre dans un EPCI comprenant une ville d’environ 10 000 habitants, et des densités de population, bien plus élevées, à vingt kilomètres de distance. Ces dernières pourraient varier du simple au double, de quarante à quatre-vingt habitants par mètre carré.

Avec cette réforme on ne tient plus compte de cette finesse du territoire et de cette finesse d’échelle géographique, ce qui me paraît poser problème. Monsieur le secrétaire d’État, comment avez-vous pris en compte ces éléments dans vos simulations ? Quelles solutions apporterez-vous pour parvenir à un maillage géographique fin ?

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Pour illustrer les propos de mes collègues, je donnerai l’exemple de ma circonscription, très peu dense, où de nombreux secteurs ne comptent pas plus de sept habitants par mètre carré. Le regroupement dans de grandes intercommunalités, souvent avec une ville centre, conduirait à exclure ces communes du dispositif, alors que certains secteurs à la densité plus élevée demeureraient éligibles.

Est-il possible de trouver une solution à ce problème, monsieur le secrétaire d’État ? À terme, mon département comptera huit ou neuf intercommunalités, dont la plupart regrouperont quatre-vingt ou quatre-vingt-dix communes. Des parties très peu denses de ces intercommunalités seront exclues des ZRR. On assistera inévitablement, même si ce n’est pas la volonté du Gouvernement, à un phénomène de concentration autour de la petite ville centre. Est-ce bien ce que vous voulez, au risque d’accentuer le sentiment qu’il existe deux France ?

(L’amendement n32 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement n93.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Il s’agit de rétablir cet article, qui concerne les zones de revitalisation rurale, dans la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Vigier.

M. Jean-Pierre Vigier. Le motif avancé dans l’exposé sommaire de votre amendement vaut pour les entreprises, mais pas pour les communes. Il est fondamental de prévoir une sortie progressive du dispositif pour les communes qui ne répondront pas aux nouveaux critères de classement, afin de mieux accompagner leur sortie. Ces communes pourraient par exemple bénéficier d’une période transitoire de trois ans, durant laquelle elles continueraient à bénéficier de l’ensemble des mesures liées au classement. Cela permettrait aux territoires d’anticiper la sortie du dispositif et faciliterait l’acceptation par les élus locaux des conséquences de la perte du classement en ZRR.

(L’amendement n93 est adopté.)

(L’article 18, amendé, est adopté.)

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de finances rectificative pour 2015.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly