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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2016-2017

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 18 octobre 2016

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Souhaits de bienvenue à une délégation étrangère

2. Questions au Gouvernement

Situation à Alep

Mme Seybah Dagoma

M. Manuel Valls, Premier ministre

3. Souhaits de bienvenue à une personnalité grecque

4. Questions au Gouvernement (suite)

Projet de loi de finances pour 2017

M. Charles de Courson

M. Michel Sapin, ministre de l’économie et des finances

Indépendance de la justice

M. Georges Fenech

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Fiscalité des ménages

M. Alain Fauré

M. Michel Sapin, ministre de l’économie et des finances

Démantèlement de la « jungle » de Calais

M. Yann Capet

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Sécurité du personnel hospitalier

M. Vincent Ledoux

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Remplacement des enseignants absents

M. Jean-Michel Villaumé

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Application de la loi sur l’interdiction du voile intégral

M. Jacques Lamblin

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Fonds de soutien aux intermittents

M. Jean-Patrick Gille

Mme Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication

Avenir des chantiers navals STX

M. Jean-François Lamour

M. Michel Sapin, ministre de l’économie et des finances

Demandeurs d’asile en Guyane

M. Gabriel Serville

Mme Ericka Bareigts, ministre des outre-mer

Projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes

M. Philippe Gosselin

M. Manuel Valls, Premier ministre

Soutien aux victimes des attentats

Mme Elisabeth Pochon

Mme Juliette Méadel, secrétaire d’État chargée de l’aide aux victimes

Baisse de la CSG pour les petites retraites

M. Jérôme Lambert

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics

Avenir des arrondissements

M. Paul Salen

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Suspension et reprise de la séance

Présidence de Mme Sandrine Mazetier

5. Modernisation, développement et protection des territoires de montagne

Explications de vote

M. Philippe Folliot

M. Joël Giraud

M. André Chassaigne

Mme Marie-Noëlle Battistel

M. Laurent Wauquiez

Vote sur l’ensemble

M. Jean-Michel Baylet, ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales

Suspension et reprise de la séance

6. Projet de loi de finances pour 2017

Présentation

M. Michel Sapin, ministre de l’économie et des finances

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

M. François Pupponi, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques

M. Serge Bardy, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Suspension et reprise de la séance

Motion de rejet préalable

M. Hervé Mariton

M. Christian Eckert, secrétaire d’État

M. Paul Giacobbi

M. Nicolas Sansu

M. Dominique Baert

Mme Véronique Louwagie

Motion de renvoi en commission

Mme Marie-Christine Dalloz

M. Michel Sapin, ministre

M. Paul Giacobbi

M. Dominique Lefebvre

M. Marc Le Fur

7. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Souhaits de bienvenue à une délégation étrangère

M. le président. Je salue, en votre nom à tous, la présence, dans les tribunes, d’une délégation de citoyens de la ville d’Alep. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent vivement.)

Elle est composée de représentants des Casques blancs, du comité civil d’Alep et de la profession des médecins. À travers eux, la représentation nationale rend hommage à une population martyre, confrontée à des souffrances intolérables. En votre nom à tous, je rappelle ici la position de la France, qui appelle au respect des résolutions des Nations unies en Syrie et à la mobilisation de toutes les énergies pour construire la paix dans ce pays et dans la région. Face à l’horreur des combats en Syrie, je veux rendre hommage, au nom de la représentation nationale, au courage des habitants d’Alep et à leur action déterminée en faveur de la paix. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement applaudissent longuement.)

2

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Situation à Alep

M. le président. La parole est à Mme Seybah Dagoma, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

Mme Seybah Dagoma. Monsieur le Premier ministre, nous recevons aujourd’hui, à l’initiative de notre groupe, en particulier de Bruno Le Roux et d’Élisabeth Guigou, une délégation de Casques blancs. Les Casques blancs, dont on parle si peu, ce sont des médecins, des secouristes, des ambulanciers et des bénévoles qui, au prix de leur vie, portent quotidiennement secours aux civils, aux populations désarmées en Syrie. Je tiens ici à saluer leur courage et à leur témoigner toute notre admiration. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Alep est ravagée par la guerre et les affrontements. Les bombardements, de plus en plus intenses, ont détruit pratiquement toute la ville et fait des milliers de morts, parmi lesquels des femmes et des enfants. La France a pris une position particulièrement forte, marquant sa volonté de résoudre le conflit syrien. Nous avons présenté, devant le Conseil de sécurité de l’ONU, une résolution visant à faire cesser les bombardements. Il y a quelques jours encore, le Président de la République a placé son homologue russe face à ses responsabilités, et il a eu raison de le faire.



Mes chers collègues, Alep est assiégée. Les blessés ne sont plus évacués. Les populations sont prises en étau. Le régime syrien refuse tout accès aux associations humanitaires. Les médecins meurent les uns après les autres : il n’en reste plus que vingt et un pour 300 000 habitants. Dernièrement, un convoi du Croissant rouge a été bombardé. Les hôpitaux, les écoles et les ambulances sont ciblés.

Alors que les réfugiés affluent à travers le monde, la Russie continue de bombarder Alep et fait échouer toutes les initiatives de paix en Syrie. Alep, sous nos yeux, est en passe de devenir l’une de ces grandes tragédies qui noircissent l’histoire de l’humanité. La France a raison de s’y opposer avec fermeté. C’est le devoir de notre génération. Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous dire comment la France mobilise ses partenaires et la communauté internationale afin que cesse la tragédie d’Alep ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Madame la députée, je me joins aux propos que vient de tenir le président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone. C’est évidemment avec beaucoup d’émotion que nous accueillons dans cet hémicycle une délégation de personnalités civiles d’Alep. Je les salue à mon tour. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. François Rochebloine. Très bien !

M. Manuel Valls, Premier ministre. J’ai eu l’occasion de les rencontrer ce matin avec les membres de votre groupe, monsieur le président Le Roux, et je sais, madame la présidente Guigou, que vous les recevrez également dans le cadre de la commission des affaires étrangères. J’adresse une nouvelle fois à cette délégation le salut fraternel non seulement du Gouvernement, après celui du Parlement, mais aussi, j’en suis convaincu, des Français, qui suivent la situation avec une profonde inquiétude et leur manifestent fraternité et soutien dans ces moments particulièrement tragiques.

Nous sommes tous bouleversés par la tragédie que subissent Alep et ses habitants. En France, mais pas seulement, elle suscite une profonde émotion et une profonde compassion. Un débat sur le Levant se tient en ce moment même au Sénat, en présence du ministre des affaires étrangères, et nous aurons l’occasion, ici même, de discuter demain de la situation en Syrie et en Irak à l’occasion du débat sur nos opérations extérieures.

Quoi qu’il en soit, par-delà les clivages qui traversent cette assemblée, y compris parfois sur ces sujets, je ne doute pas qu’un même sentiment nous anime : le respect plein d’admiration pour l’action des Casques blancs, pour le dévouement sans limite des médecins d’Alep et pour le courage des comités civils, ces trois composantes de la société d’Alep représentées par la délégation assise dans les tribunes.

En répondant très concrètement à votre question, madame la députée, je lance un message plus large qui s’adresse aussi à vous très directement, citoyens d’Alep : la France ne vous abandonnera jamais, elle sera toujours à vos côtés, au nom de la liberté, de sa conception des droits de l’homme et des combats qu’elle a toujours menés contre la barbarie. Je le dis solennellement en ce lieu où bat précisément la démocratie : le combat pour sauver Alep est le combat de la France. Vous pouvez compter sur elle, même si c’est difficile. À vos côtés, vous pouvez compter sur elle pour exiger une nouvelle fois un cessez-le-feu et pas une trêve de quelques heures. Tel était le sens de la résolution présentée par la France au Conseil de sécurité.

Vous pouvez compter sur elle, comme vous me l’avez demandé ce matin, pour que l’aide humanitaire parvienne aux populations affamées et bombardées. Vous pouvez compter sur elle pour que soit organisée en toute sécurité l’évacuation des blessés. Vous pouvez aussi compter sur elle pour que les crimes de guerre commis à Alep soient dénoncés et poursuivis sans faiblesse. Vous pouvez enfin compter sur elle pour demander à nouveau à la Russie, qui est un grand pays, d’assumer pleinement ses responsabilités, au nom même de son rang, de son histoire et de l’idée que l’on peut se faire de la civilisation.

Il faut que les crimes commis à Alep cessent. Il faut un cessez-le-feu. Il faut renouer le dialogue afin d’instaurer enfin la paix et la démocratie. C’est l’appel de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur quelques bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

3

Souhaits de bienvenue à une personnalité grecque

M. le président. Je suis heureux de souhaiter en votre nom à tous la bienvenue à M. Constantinos Zouraris, président du groupe d’amitié Grèce-France du Parlement de la République hellénique. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)

4

Questions au Gouvernement (suite)

Projet de loi de finances pour 2017

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Charles de Courson. Monsieur le ministre de l’économie et des finances, en 2012, lors de la campagne des élections présidentielles, le candidat François Hollande avait formulé, dans son engagement n9, deux promesses en matière de finances publiques : ramener dès 2013 le déficit public à 3 % de la richesse nationale ; atteindre l’équilibre des finances publiques en 2017.

Hélas, par deux fois sous ce quinquennat, le Gouvernement a dû demander un report de deux ans du retour du déficit public sous les 3 %, et vous affichez dans le projet de loi de finances initial pour 2017 un déficit de 2,7 % de la richesse nationale.

Non seulement le Haut conseil des finances publiques qualifie d’ « improbable » le respect des 3 %, du fait d’une surestimation de la croissance – donc, des recettes – et d’une sous-estimation d’un certain nombre de dépenses, mais vous allez laisser derrière vous des bombes budgétaires :

L’augmentation du CICE de 6 à 7 %, pour un impact budgétaire de 3,3 milliards d’euros en 2018 ;

La non-budgétisation des 5 milliards d’euros de dotations en capital à Areva, pour sauver la filière nucléaire, dont l’essentiel est, en fait, une dépense budgétaire ;

Trois mesures d’anticipation des recettes 2018 dès 2017, mesures non reconductibles, pour 1,3 milliard d’euros ;

Enfin, un report d’un tiers des dépenses du Programme d’investissements d’avenir, à hauteur de 1,2 milliard.

Monsieur le ministre, ma question est simple : pouvez-vous confirmer que les bombes budgétaires que vous laissez à la prochaine majorité s’élèveront à au moins 10 milliards d’euros ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Philippe Cochet. Gérard Majax !

M. Michel Sapin, ministre de l’économie et des finances. Monsieur le député, vous êtes l’un des meilleurs spécialistes de la matière budgétaire ; je fais donc toujours très attention à vos questions et prends soin d’y répondre le plus précisément possible. Je ne peux cependant m’empêcher de vous dire deux choses.

D’abord, je veux rappeler dans quel état cette majorité a trouvé la France lors de l’alternance en 2012. (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Vous devriez dire, à chaque fois que vous commencez une question, que le déficit dépassait alors les 5 % et qu’il est aujourd’hui d’un peu plus de 3 %. Peut-être aurions-nous pu aller plus vite, mais la France a fait l’effort qui convenait. Vous-même, membre de la majorité précédente, avez accepté que le déficit se creuse jusqu’à atteindre 5 % ! Le chemin de la vertu budgétaire, c’est nous qui l’avons pris ces dernières années. (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme Bérengère Poletti. Menteur !

M. Michel Sapin, ministre. Ensuite, je vous le dis avec le sourire, et par-dessus les vociférations de quelques-uns qui ne sont pas dignes de l’intérêt de votre question,…

M. Patrice Verchère. C’est vous qui n’êtes pas digne d’intérêt !

M. Michel Sapin, ministre. …monsieur de Courson, vous avez tenu les mêmes propos sur les deux derniers budgets – parlant d’insincérité, de bombes à retardement, de dissimulation.

M. Christian Jacob. Et il avait raison !

M. Michel Sapin, ministre. Pourtant, alors que nous avions annoncé fin 2014 un déficit de 4,2 %, il n’a été que de 3,5 % en 2015. Et aujourd’hui, personne ne remet en cause le fait que l’objectif de 3,3 % que nous annoncions fin 2015 sera vérifié en 2016.

Lorsque nous prenons un engagement, nous prenons les moyens de le tenir. Nous agissons avec sérieux, en permettant aux impôts de baisser et en finançant nos priorités. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Indépendance de la justice

M. le président. La parole est à M. Georges Fenech.

M. Georges Fenech. Monsieur le garde des sceaux, à la suite de la publication d’entretiens intimes accordés par le chef de l’État à deux journalistes du Monde, c’est toute la magistrature qui est vent debout pour manifester son indignation et sa stupéfaction.

M. Bruno Le Roux. Vous pouvez parler !

M. Georges Fenech. En effet, François Hollande y étale son aversion pour le troisième pouvoir : « Cette institution, qui est une institution de lâcheté… Parce que c’est quand même ça, tous ces procureurs, tous ces hauts magistrats, on se planque, on joue les vertueux… On n’aime pas la politique ». Et il ajoute : « Ce n’est pas une engeance facile, la magistrature, il ne faut vraiment pas commettre de fautes, on peut être lynché ».

Certes, le Président de la République a exprimé ses regrets depuis, mais le mal est fait ! Monsieur le ministre, vous m’avez répondu la semaine dernière qu’il fallait juger le chef de l’État sur ses actes… Alors dont acte !

M. Jean Glavany. Un juge, condamné par la justice, qui vient faire la leçon !

M. Georges Fenech. Je vous invite à lire cet aveu, dans le même livre, page 404 : « En septembre 2014, le chef de l’État n’a pas placé par hasard un homme sûr, proche de lui, à la tête de la direction des affaires criminelles et des grâces, où convergent le plus légalement du monde les données sensibles issues des dossiers judiciaires. » Les journalistes poursuivent, voulant se rassurer : « Grâce à la Chancellerie, Hollande a donc pu, sans influer sur leur développement, obtenir des remontées d’informations portant sur certaines procédures en cours. » Et les auteurs de conclure : « le Chef de l’État l’assume totalement ».

Mme Claude Greff. Et voilà !

M. Georges Fenech. Monsieur le ministre, pouvez-vous garantir devant la représentation nationale qu’en aucune façon la justice n’est instrumentalisée à des fins politiques ? (Exclamations sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Jean Glavany. Il est gonflé !

M. Georges Fenech. Pouvez-vous assurer qu’il n’existe à l’Elysée aucun cabinet noir en liaison avec votre ministère ? Si cela était le cas, prendriez-vous toute mesure pour y mettre un terme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, l’exercice s’appelle les questions au Gouvernement. Vous en connaissez les règles, j’en sais les principes. Je connais votre question – vous me l’avez déjà posée –, vous connaissez ma réponse – je vais la répéter. Le Gouvernement, que ce soit celui de Jean-Marc Ayrault avec Christiane Taubira ou celui de Manuel Valls avec Christiane Taubira puis votre serviteur, vous a proposé à deux reprises des textes, l’un organique – voire constitutionnel –, l’autre ordinaire, qui visaient à supprimer tout lien entre l’exécutif et le parquet, l’autorité poursuivante.

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Ce n’est pas la question !

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Je comprends que cela vous courrouce que je vous le rappelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Christian Jacob. Et Cahuzac ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Je le dis sans esprit de vindicte : votre groupe n’a voté ni l’un ni l’autre. Cette majorité s’honore…

M. Sylvain Berrios. Quelle majorité ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. …d’avoir voté en 2013 (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains)… Laissez-moi le temps de construire en deux minutes une réponse qui soit argumentée ! En 2013, un texte a été voté, qui interdit au Gouvernement de donner des instructions individuelles sur n’importe quel dossier.

Mme Claude Greff. Et Hollande, il fait quoi ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Et comme si cela ne suffisait pas, nous vous avons proposé de modifier la Constitution pour que le Conseil supérieur de la magistrature ne subisse plus de perturbations politiques. Vous avez refusé ; nous avons accepté. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) Sur ce sujet, nous n’avons donc aucun ordre, aucun conseil à recevoir ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Fiscalité des ménages

M. le président. La parole est à M. Alain Fauré, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

M. Alain Fauré. La majorité, depuis 2012, s’est employée à redresser les comptes de la nation et à préserver les acquis sociaux des Français les plus modestes. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Guy Geoffroy. Comment oser dire cela !

M. Alain Fauré. J’entends, ici et là, que certains citoyens auraient du mal à faire la différence entre la politique de la gauche gouvernementale et celle de la droite. Le jeu des sept misères qui leur a été infligé jeudi soir à la télévision par les prétendants à la primaire de la droite et du centre va les aider à faire la différence (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants)

M. le président. S’il vous plaît !

M. Alain Fauré. …en attendant la politique, bien pire encore, du Front national. Tout cela donne un avant-goût de leurs intentions, qui sont fort éloignées des nôtres.

Quand nous mettons des moyens humains et financiers pour plus d’éducation et plus de sécurité, ils proposent de supprimer 300 000 à 500 000 postes de fonctionnaires et de diminuer le budget des ministères régaliens.

M. Christian Jacob. Ah bon ?

M. Philippe Cochet. Un million de chômeurs de plus remercient ce gouvernement !

M. Alain Fauré. Quand nous maîtrisons enfin la dette, ils proposent de la laisser filer, au détriment des plus pauvres, en supprimant notamment l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF.

M. Yves Censi. Nous sommes dans l’hémicycle, pas dans un meeting du Parti socialiste !

M. Alain Fauré. Quand nous soutenons les PME et redressons l’économie pour améliorer l’emploi, ils augmentent la TVA.

C’est évident : nous n’avons pas les mêmes préoccupations.

M. Claude Goasguen. La question !

M. Alain Fauré. À la fin de l’année 2017, nous aurons fait augmenter le niveau de vie des ménages les plus modestes de 5 % tout en faisant baisser leurs impôts de 6 milliards d’euros. Nous avons aussi recréé des emplois dans le secteur marchand.

La droite défend une vision qui entretient la misère ; décidément, elle n’a pas changé. Nous, c’est plus de justice, plus de soins, plus d’éducation et moins d’évasion fiscale.

M. Laurent Furst. Moins d’électeurs aussi !

M. Alain Fauré. Monsieur le ministre de l’économie et des finances, nous allons entamer cet après-midi l’examen du projet de loi de finances pour 2017. Pouvez-vous nous préciser en quoi la redistribution par la fiscalité et les prestations sociales s’en trouvera-t-elle améliorée ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Michel Sapin, ministre de l’économie et des finances. Monsieur le député, le projet de budget que l’Assemblée nationale va examiner, vous y avez fait référence, comporte de nouvelles dispositions qui visent à faire baisser les impôts des Français. Mais de quels Français ?

Un député du groupe Les Républicains. On se demande !

M. Michel Sapin, ministre. Au fond, répondre à cette question permet de faire la différence entre ce que nous proposons pour 2017 et ce que d’autres proposent pour après.

Le projet de loi de finances pour 2017 comporte deux mesures importantes.

La première consiste à faire baisser d’1 milliard d’euros supplémentaires – après 5 milliards précédemment, soit 6 milliards au total – l’impôt sur le revenu des ménages les plus modestes et des ménages moyens. Cela signifie que beaucoup de ménages paieront en 2017 moins d’impôts que ce qu’ils auraient payé, toutes choses égales par ailleurs, en 2011.

La seconde mesure, à laquelle je vous remercie de prêter une attention toute particulière, bénéficiera aux retraités percevant des petites pensions. S’ils ne payent pas forcément d’impôts, ils ont souvent besoin de bénéficier d’un accompagnement à domicile par des personnels qualifiés. Or, jusqu’à présent, ils en supportaient seuls le coût. Il vous est proposé que ce coût soit déduit de l’impôt sur le revenu, s’ils y sont assujettis, ou bien qu’il donne lieu à un remboursement, au moyen d’un chèque versé par l’administration fiscale – c’est ce qu’on appelle un crédit d’impôt, à distinguer des réductions d’impôt. Cette mesure de baisse d’impôt est typique des mesures de justice, de redistribution, bénéficiant aux plus faibles des Français, que nous avons prises.

De l’autre côté, que voit-on ? Pour les plus riches, une baisse de l’ISF. Pour tout le monde, une baisse de l’impôt sur le revenu de 10 %, ce qui signifierait, pour ceux qui paient 1 million d’euros d’impôt, une diminution de 100 000 euros. Une telle politique est injuste. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Démantèlement de la « jungle » de Calais

M. le président. La parole est à M. Yann Capet, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

M. Yann Capet. Monsieur le ministre de l’intérieur, j’associe à ma question mes collègues du Pas-de-Calais, qui ont toujours exprimé leur solidarité avec le Calaisis, confronté comme aucun autre territoire à la crise migratoire.

Le démantèlement du camp de Calais est une urgence pour les réfugiés, bloqués dans l’attente d’un passage de plus en plus improbable vers l’Angleterre, alors même que la plupart peuvent bénéficier du droit d’asile, car ce qu’ils fuient, c’est la guerre, les atrocités et le martyre d’Alep.

Ce démantèlement est aussi une urgence pour le Calaisis comme pour ses habitants, confrontés à des barrages et à de véritables assauts devenus quotidiens. Calais a connu plusieurs démantèlements depuis la fermeture du centre de Sangatte, avec les résultats que nous connaissons : les reconstitutions de camps sauvages et de squats en centre-ville.

Calais a besoin de la solidarité nationale et il est impératif de mieux répartir l’accueil des réfugiés.

Mme Valérie Boyer. Non !

M. Guy Teissier. Allez donc !

M. Yann Capet. Les centres d’accueil et d’orientation, déployés sur l’ensemble du territoire, leur permettront de vivre dans des conditions dignes et d’être correctement orientés. Ils permettront également de soulager les Calaisiens.

Je le dis à mes collègues Éric Ciotti et Laurent Wauquiez : s’opposer au déploiement des centres d’accueil et d’orientation revient à s’opposer au démantèlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Il n’est pas question ici de « mini-Calais », comme certains le disent de manière méprisante, mais de structures de taille raisonnable, organisées et implantées avec le concours des collectivités et entièrement financées par l’État. Car c’est l’honneur de notre République d’accueillir et de protéger ceux qui fuient les atrocités. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Le camp de Calais, ce sont aussi des centaines d’enfants et d’adolescents abandonnés à leur sort, alors qu’ils cherchent à rejoindre leur famille de l’autre côté de la Manche. Monsieur le ministre, je sais combien vous agissez pour que le Royaume-Uni accepte, lui aussi, d’accueillir ces jeunes particulièrement vulnérables.

Monsieur le ministre, il faut mettre un terme à la situation de Calais. Pouvez-vous nous dire comment sera organisé le démantèlement du camp, quel sera le sort des mineurs isolés et comment seront répartis les réfugiés ? (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. S’il vous plaît, il s’agit d’une question importante.

M. Yann Capet. Enfin, comment les reconstitutions seront-elles évitées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et sur quelques bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste. – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, vous m’invitez à vous indiquer les conditions dans lesquelles nous allons procéder au démantèlement de la « jungle » de Calais. C’est maintenant une question de jours : nous arrivons en effet au moment où nous allons engager cette opération.

Comment allons-nous procéder ? Tout d’abord, en mettant à l’abri, dans des conditions dignes, relevant de la tradition de notre pays au regard du droit d’asile, ces femmes, ces enfants, ces personnes en situation vulnérable, qui se trouvent depuis des mois dans la boue et qui, si nous ne faisons rien, affronteront le froid dans quelques semaines.

Nous le ferons en mettant à leur disposition des centres d’accueil et d’orientation. Les 164 petites unités d’ores et déjà ouvertes sur le territoire national ont permis d’accueillir près de 6 000 personnes, dont 80 % ont accédé à l’asile.

C’est donc conformément à la tradition de l’asile, avec une volonté humanitaire de protection de ces personnes vulnérables, que nous allons engager ce démantèlement. Le juge administratif l’a bien compris puisqu’à travers le jugement qu’il vient de rendre, il a donné raison au Gouvernement.

Ensuite, se pose la question des mineurs isolés. J’ai engagé avec le gouvernement britannique une discussion extrêmement dure. Nous ne pouvons en effet pas, nous Français, mettre à l’abri 13 000 personnes relevant du droit d’asile sans que le gouvernement britannique ne prenne ses responsabilités s’agissant des mineurs isolés qui ont des liens avec la Grande-Bretagne. Je le dis à la représentation nationale : ces discussions avec la Grande-Bretagne avancent de façon très positive et nous serons en mesure d’organiser le départ vers ce pays d’enfants y ayant des liens familiaux. Je veux en remercier les autorités britanniques, avec lesquelles les discussions se poursuivent afin que nous allions au bout de ce cheminement.

Enfin, dans les prochaines semaines, nous aurons également à poursuivre, sur l’ensemble du territoire national, la reconduite vers leur pays d’origine de ceux qui ne relèvent pas de l’asile en France. Cela a notamment été le cas à partir de Calais : 1 500 personnes en situation irrégulière ont fait l’objet de telles mesures. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Sécurité du personnel hospitalier

M. le président. La parole est à M. Vincent Ledoux, pour le groupe Les Républicains.

M. Vincent Ledoux. Ma question, à laquelle j’associe mon collègue Bernard Gérard, s’adresse à M. le Premier ministre.

Dans la nuit de samedi à dimanche, le personnel urgentiste du centre hospitalier de Tourcoing a été agressé par une quinzaine d’individus de la même famille accompagnant leur père victime d’un malaise. Les personnels, comme les patients, décrivent une scène d’une brutale sauvagerie. Avec mes collègues maires Gérald Darmanin et Marie Tonnerre, nous sommes allés à leur rencontre hier pour signifier notre solidarité. Nous avons vu des personnels debout ! Tous ont repris leur poste le lendemain malgré les blessures et les traumatismes. Hommage leur soit rendu !

Mais ces personnels ont peur, monsieur le Premier ministre, terriblement peur ! Leurs missions exigent pourtant la préservation d’un environnement professionnel de qualité, car les gestes qu’ils posent sont des gestes de secours et de vie.

Vous rendez-vous compte, mes chers collègues, qu’au moment même où des médecins se trouvaient confrontés aux coups violents d’agresseurs sans foi ni loi, d’autres, dans les mêmes lieux, intubaient un patient dont le pronostic vital nécessitait un dialogue intime avec la famille pour envisager un don d’organe ? Comment soigner, sauver des vies, accueillir les souffrants dans de telles conditions ?

Médecins et infirmiers ont peur et attendent réparation. Mais ils craignent qu’une fois encore l’impunité ne prévale sur la sanction.

Interpellés, présentés hier en comparution immédiate, les trois agresseurs les plus violents ont obtenu un report d’audience. Choquées, les victimes devront attendre trois longues semaines dans l’espoir que justice leur soit rendue.

Mais il y a pis : à peine remis en liberté, les agresseurs, dont certains sont bien connus des services de police, continuaient de menacer leurs victimes jusqu’au sein même du tribunal ! Pourquoi en irait-il autrement dans cette drôle de société qui ne prive pas immédiatement de liberté ceux qui frappent, molestent et insultent nos médecins ? Que faut-il de plus ?

« La justice est la liberté en action », écrivait Joubert. Aujourd’hui notre justice tient davantage de la remise en liberté en action !

Alors, monsieur le Premier ministre, pour éviter que cette violence ne soit qu’un élément statistique de plus, qu’envisagez-vous de faire pour protéger réellement celles et ceux qui pansent nos plaies et sauvent nos vies ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur de nombreux bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé. (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. David Douillet. Où est le ministre de la justice ?

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Vous l’avez dit, monsieur le député, dans la nuit du 15 au 16 octobre dernier, des faits d’une violence incroyable (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Jean-François Copé. Malheureusement, ce n’est plus incroyable !

Mme Marisol Touraine, ministre. …se sont produits à l’hôpital de Tourcoing. Incroyables, parce qu’il n’est pas acceptable et pas tolérable que des personnels soignants – médecins, infirmières – et des personnels administratifs soient pris à partie et fassent l’objet d’attaques violentes.

Un médecin a été frappé, ses cheveux ont été arrachés, et une infirmière a été plaquée au sol. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues !

Mme Marisol Touraine, ministre. Je veux rendre hommage aux professionnels de santé du service des urgences de Tourcoing (Vives exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains) et à l’ensemble des professionnels de santé des hôpitaux de France, qui sont parfois amenés à faire face à des scènes d’une grande violence. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Je veux également saluer les forces de l’ordre,…

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Elles n’en peuvent plus !

Mme Marisol Touraine, ministre. …qui sont intervenues très rapidement et ont permis l’arrestation de trois individus.

Avec Bernard Cazeneuve, nous avons travaillé à la mise en place d’un plan d’action qui s’applique à l’ensemble des établissements hospitaliers. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.) Depuis plusieurs années, des conventions entre les établissements hospitaliers, les services de police et les services de justice sont signées,…

M. Philippe Meunier. Bla-bla !

M. le président. Monsieur Meunier !

Mme Marisol Touraine, ministre. …qui permettent l’intervention de la police dans des délais rapides.

Au-delà de cela, en lien étroit avec l’ensemble des fédérations hospitalières, j’ai annoncé il y a une quinzaine de jours un certain nombre de mesures qui font l’objet de financements importants. Tout d’abord, des plans de sécurisation de l’ensemble des hôpitaux sont réalisés en lien avec les forces de l’ordre. Ensuite, des moyens financiers sont apportés pour la mise en place de dispositifs de protection et de sécurisation.

Je vous le redis, monsieur le député : dans l’affaire de Tourcoing, je souhaite que des sanctions exemplaires soient appliquées (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains)…

M. Guy Geoffroy. C’est comme ça partout en France !

Mme Marisol Touraine, ministre. …pour envoyer de manière forte un message à l’ensemble des professionnels. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme Claude Greff. Encore un message !

Remplacement des enseignants absents

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Villaumé, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

M. Jean-Michel Villaumé. Madame la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, l’école est le lieu de la réussite républicaine. Cela suppose l’accès de tous les élèves aux mêmes enseignements et au même nombre d’heures de cours. Or, chaque année, il arrive que des professeurs absents ne soient pas remplacés. (« Allô ! Allô ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.)

On estime qu’un collégien ou un lycéen perd en moyenne une semaine de cours par an. Le problème est aggravé dans les académies de Créteil, Versailles et Paris. On peut comprendre le désarroi des parents.

Les fédérations de parents d’élèves dénoncent régulièrement ces emplois du temps « gruyère » et réclament la continuité du service public de l’éducation.

En réalité, les professeurs ne sont pas plus absents que n’importe qui, mais leur absence a des conséquences importantes sur la scolarité des enfants.

C’est pourquoi, depuis 2012, cette majorité œuvre à améliorer le système des remplacements. Sur les 60 000 postes que nous aurons créés dans l’éducation nationale d’ici à la fin du quinquennat, 5 000 y sont dédiés.

Pour autant, il est vrai que des ajustements restent à faire, notamment pour améliorer et rationaliser la gestion des absences de courte durée et l’information des familles. Madame la ministre, c’est tout le sens des mesures que vous avez annoncées ce matin…

M. Christian Jacob. Il était temps !

M. Jean-Michel Villaumé. …pour mieux organiser les remplacements et mieux informer les parents. Pouvez-vous nous dire comment vous comptez les mettre en œuvre ? (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Je sais combien est sensible la question du remplacement des professeurs absents, monsieur le député, et combien est légitime l’inquiétude des parents qui voient la continuité du service public de l’éducation parfois rompue pour leurs enfants. C’est la raison pour laquelle j’ai voulu prendre ce dossier à bras-le-corps.

M. Christian Jacob. Cela fait quatre ans que vous êtes là !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Nous n’avons pas attendu aujourd’hui pour le faire. Comme vous l’avez indiqué, la première des réponses était évidemment de créer un vivier de remplaçants.

J’entends beaucoup de choses sur vos bancs, mesdames, messieurs les députés de l’opposition, mais faut-il vous rappeler à nouveau que, durant le précédent quinquennat (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains), lorsque vous avez supprimé 1 576 postes de remplaçants, vous avez asséché ce vivier, nous interdisant par là même de répondre aux besoins ?

Mme Julie Sommaruga. Très juste !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Nous l’aurons recréé sous ce quinquennat-ci, avec 5 000 postes de remplaçants.

Les hommes et les femmes sont donc là. Il n’en reste pas moins que la question de notre réactivité en tant qu’institution pour fournir des remplaçants très rapidement en cas d’absence se posait. C’est cette réactivité que j’ai voulu améliorer de différentes façons.

Dans le premier degré, nous organiserons désormais les remplacements au niveau des départements. En d’autres termes, nos viviers de remplaçants correspondront à un département et nous pourrons les solliciter quelle que soit la durée et quelle que soit la localisation, afin de maximiser nos chances d’avoir un remplaçant.

Dans le second degré, j’ai fixé des règles plus claires pour que les établissements – collèges ou lycées – sachent qu’ils peuvent recourir à leurs propres enseignants pour remplacer leurs collègues sur la base d’heures supplémentaires rémunérées.

S’agissant de ce qu’on appelle les absences « perlées », celles des enseignants qui sont amenés, parfois pour des raisons médicales, à s’absenter, à revenir et à repartir, nous effectuerons désormais un bien meilleur travail de prévention en recevant très tôt les personnes concernées et en organisant le service pour qu’elles soient accompagnées, « tutorées », « doublonnées » par un autre enseignant, ce qui permettra d’éviter ces situations.

M. Bernard Accoyer. Et les carences perlées ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Enfin, l’information de proximité délivrée aux parents sera améliorée. Ils sauront au jour le jour où l’on en est. Un indicateur sera rendu public chaque année pour mesurer comment la puissance publique améliore sa capacité à assurer les remplacements. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Application de la loi sur l’interdiction du voile intégral

M. le président. La parole est à M. Jacques Lamblin, pour le groupe Les Républicains.

M. Jacques Lamblin. Monsieur le ministre de l’intérieur, depuis des mois, un riche algérien, M. Nekkaz, s’efforce de rendre inopérante la loi interdisant le port du voile intégral en France. Pour cela, il paie les amendes à la place des contrevenantes et le fait savoir à la France entière. Pendant ce temps, le Gouvernement est inerte, voire complaisant.

Qu’on en juge : vendredi dernier, à Toul, la France sidérée a pu voir votre police bousculer Mme Morano, députée européenne (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain), et quelques personnes, âgées pour la plupart, pour aider ce provocateur – oui, l’aider – à récidiver.

M. Claude Goasguen. Très bien !

M. Jacques Lamblin. Pire encore : encouragé par cette victoire, bien décidé à vous narguer, M. Nekkaz est venu hier à Cherbourg, c’est-à-dire au cœur de votre fief, monsieur Cazeneuve, pour y payer encore une fois une amende, toujours sous l’œil de la police. Cette nouvelle provocation est terrible : c’est une gifle assénée publiquement au ministre de l’intérieur, vécue comme une humiliation par tous les Français.

Quel est le résultat de tout cela ? Faute d’avoir utilisé avec fermeté les moyens que l’état d’urgence vous accordait, comme l’assignation à résidence ou l’expulsion, pour ce promoteur de la burka, on voit aujourd’hui tout ce que la France compte d’islamistes et de salafistes exulter pendant que des millions de Français serrent les poings.

Monsieur le ministre, vous ne pouvez tolérer cette situation plus longtemps, sous peine de voir un fossé se creuser et un face à face mortifère s’installer en France. Allez-vous, oui ou non, redonner toute sa force à cette loi ? Ce serait « l’honneur de notre République », pour reprendre le propos de M. Capet. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Monsieur Lamblin, je partage tout à fait la volonté qui est la vôtre de donner de la force et de l’honneur à la République, mais, pour cela, il faut donner aussi de la force à la vérité.

M. Guy Geoffroy. Cela commence très mal !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Un petit détail, absent de votre question, fait toute la différence : le jour où Mme Morano s’est interposée entre M. Nekkaz et la trésorerie, le Sénat adoptait, sur proposition de mon ministère, un amendement visant à interdire la substitution à autrui pour le paiement des amendes. Ce que vous n’aviez pas fait, je l’ai fait, moi, avec mon ministère (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et sur quelques bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine), précisément pour mettre fin à ce type de pratiques absolument inacceptables, qui n’ont pas lieu d’être : dans la République, nul ne peut se substituer à quiconque doit payer une amende,…

M. Christian Jacob. Mais la loi de 2010 est-elle appliquée ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. …ce qui était le cas jusqu’à présent et qui rendait cette loi inapplicable.

M. Claude Goasguen. Et pourquoi donc ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Celui qui rendra la loi applicable en ayant déposé cet amendement – amendement adopté par une large majorité au Sénat et qui, j’en suis convaincu après avoir entendu votre question, sera adopté par une large majorité à l’Assemblée nationale, notamment par vous-même et vos amis –, c’est moi !

M. Jacques Lamblin. La situation dure depuis quatre ans !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Le fait de ne pas l’avoir dit relève d’une malhonnêteté intellectuelle absolue, mais votre question me donne la possibilité de rétablir les faits. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Quant à la fermeté vis-à-vis de tous ceux qui portent l’islamisme radical en France, je voudrais vous rappeler un certain nombre de choses extrêmement précises. Combien de mosquées avez-vous fermées lorsque vous étiez en situation de responsabilité ? Zéro ! (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.) Ceux qui ont fermé des mosquées, en utilisant l’état d’urgence et la loi, parce qu’on y prônait des propos appelant et provoquant à la haine, c’est nous !

M. Claude Goasguen. Une seule mosquée fermée !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Combien avez-vous expulsé, en cinq ans, de personnes qui appelaient au terrorisme ? Quinze ! Nous, nous en aurons expulsé près de quatre-vingt !

Un député du groupe Les Républicains. C’est normal, ils sont de plus en plus nombreux !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Monsieur Lamblin, dites à Mme Morano que nous n’avons aucune leçon à recevoir en la matière ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste. – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Fonds de soutien aux intermittents

M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Gille, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

M. Jean-Patrick Gille. Madame la ministre de la culture et de la communication, la semaine dernière, à l’occasion d’une visite du futur Centre de création contemporaine Olivier Debré, à Tours, vous présentiez devant les acteurs culturels locaux le fonds national pour l’emploi pérenne dans le spectacle.

On s’en souvient, en juin 2014, en plein conflit des intermittents, le Premier ministre confiait à Hortense Archambault, Jean-Denis Combrexelle et moi-même une mission de concertation avec l’ensemble des acteurs et partenaires sociaux du spectacle. Ce travail a permis à ces acteurs de se constituer en un secteur professionnel organisé et d’installer une nouvelle forme de négociation, désormais inscrite dans la loi, qui a abouti à la conclusion d’un accord unanime et porteur d’économies, pérennisant leur régime spécifique d’assurance chômage.

Le fonds que vous mettez en place aujourd’hui reprend une autre proposition du rapport que nous avions présenté en janvier 2015 : il traduit la volonté politique affirmée par le Premier ministre lors de la conférence pour l’emploi artistique de l’automne dernier, et inscrite dans le plan d’action en faveur d’un emploi de qualité signé en mai dernier par Mme la ministre du travail et vous-même. Destiné aux entreprises du spectacle vivant et enregistré, et bien évidemment aux artistes et techniciens que celles-ci emploient, le fonds encourage la création d’emplois durables en soutenant l’allongement des contrats à durée déterminée ou leur transformation en contrats à durée indéterminée et la sortie des pratiques de « permittence », soit une forme de sortie par le haut de l’intermittence.

Madame la ministre, les acteurs de la culture attendaient depuis longtemps une issue favorable des négociations – c’est fait – ainsi qu’un signal fort comme celui-là. Pouvez-vous préciser devant la représentation nationale le détail de ce dispositif pour l’emploi ainsi que son calendrier de mise en œuvre ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député, vous avez raison, derrière ce fonds, il y a la volonté du Gouvernement de favoriser l’emploi pérenne dans le spectacle. Car encourager l’emploi pérenne dans le spectacle revient à encourager la place de la culture sur tout le territoire, ce qui est le choix de ce gouvernement.

Voilà pourquoi, au terme d’un travail de concertation avec l’ensemble des acteurs, dans le même esprit que celui qui a prévalu à l’accord historique sur l’intermittence du 28 avril dernier, j’ai présenté, il y a quelques semaines, les mesures portées par ce fonds. Doté de 90 millions d’euros en année pleine, il sera financé et organisé par mon ministère, comme l’avait annoncé le Premier ministre.

Les aides apportées grâce à ce fonds agissent directement sur la création d’emplois en soutenant les entreprises et les salariés. Derrière chacune des neuf mesures qu’il contient, il y a la situation particulière d’un artiste ou d’un technicien et un dispositif très opérationnel pour l’accompagner vers l’emploi durable. Derrière chacune de ces mesures, il y a aussi une structure, une entreprise culturelle qui doit trouver les moyens de se développer. C’est par exemple une compagnie qui peut recruter son administrateur en CDI, un théâtre qui stabilise ses techniciens, un jeune danseur qui se voit proposer un contrat plus long. Nous faisons ainsi un pari sur l’emploi et donc un pari sur l’avenir et sur une autre approche des métiers de technicien et d’artiste. Ce fonds devrait concerner, en année pleine, environ 10 000 bénéficiaires, tous dispositifs confondus.

Parmi les neuf mesures de ce dispositif de soutien, je citerai l’aide à l’embauche d’un premier salarié en CDI, la prime à l’embauche en CDI d’une personne qui se trouvait auparavant sous le statut de l’intermittence ou l’aide à l’insertion des jeunes artistes diplômés.

D’ici le début du mois prochain, les premières mesures de ce fonds seront mises en œuvre par décret, et ainsi de suite jusqu’à début janvier. Ce fonds permettra des progrès considérables pour la stabilité de l’emploi et pour la présence de la culture sur tout le territoire. Nous aurons ainsi résolu de façon pérenne et équilibrée les problèmes non seulement d’intermittence mais aussi d’emploi. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Avenir des chantiers navals STX

M. le président. La parole est à M. Jean-François Lamour, pour le groupe Les Républicains.

M. Jean-François Lamour. Monsieur le Premier ministre, la vente en bloc du conglomérat STX pourrait être annoncée dès cette semaine, précisant ainsi le sort des chantiers navals de Saint-Nazaire, avant même la décision du tribunal sud-coréen en charge du dossier, prévue le 11 novembre prochain.

Le néerlandais Damen, qui a la préférence du gouvernement français, serait donc de fait écarté au profit soit d’un croisiériste chinois, soit peut-être d’un autre candidat dont on ne connaît pas l’identité.

Or le devenir des chantiers de Saint-Nazaire ne met pas seulement en jeu notre industrie navale civile. Il touche aussi à notre industrie navale de défense et donc à la souveraineté de la France. En effet, les chantiers de Saint-Nazaire sont les seuls en Europe à disposer des capacités nécessaires pour construire non seulement la coque du successeur du porte-avions Charles de Gaulle, mais également des pétroliers ravitailleurs de la Marine nationale.

J’étais samedi dernier avec mon collègue Éric Woerth à bord du sous-marin (Rires)… du porte-avions voulais-je dire, au large de Chypre. J’ai pu une nouvelle fois constater le caractère indispensable de cet outil qui prend part à la bataille de Mossoul à travers l’action des Rafale Marine. Et, au-delà de cette projection de puissance permise par le groupe aéronaval, le porte-avions contribue également au volet aéroporté de notre dissuasion nucléaire.

Monsieur le Premier ministre, votre gouvernement a déjà exclu de devenir actionnaire majoritaire de la société STX. D’où ma question : quelles garanties apportez-vous aujourd’hui pour préserver notre capacité stratégique à construire le successeur du Charles de Gaulle ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Michel Sapin, ministre de l’économie et des finances. Monsieur le député, le Gouvernement – je le dis très simplement – partage vos préoccupations. STX est un très beau chantier, qui rassemble des compétences exceptionnelles. Ce chantier qui, il y a quelques années, rencontrait de grandes difficultés, possède aujourd’hui des carnets de commande exceptionnels qui assurent son avenir. Pour cette raison, le maintien de l’emploi, nous nous battrons tous ensemble pour faire que l’avenir de STX soit droit, net, clair et précis.

M. Laurent Furst. Comme à Florange, comme chez Peugeot !

M. Michel Sapin, ministre. Mais il y a aussi la préoccupation que vous venez de décrire : la défense de nos intérêts nationaux, de notre souveraineté nationale, puisque ces chantiers sont les seuls capables de construire les très grandes coques, en particulier dans le domaine militaire auquel vous avez fait allusion.

C’est donc une des raisons pour lesquelles, là aussi, nous ferons prévaloir les intérêts de la France, dans un débat, ou dans une discussion, ou dans un dossier aussi difficile que celui-ci.

Nous disposons de deux armes. Vous les connaissez. La première c’est que nous avons un pacte d’actionnaires, puisque nous détenons un peu plus de 33 % de l’entreprise.

M. Michel Sordi. Merci Sarko !

M. Michel Sapin, ministre. De ce fait, l’État a aujourd’hui la capacité de s’opposer – je dis bien de s’opposer – à la prise de participation d’actionnaires qui nous paraîtraient mauvais pour la continuité économique et sociale de l’entreprise.

La deuxième arme dont nous disposons, c’est que nous avons la capacité de défendre les intérêts nationaux, les intérêts fondamentaux, les intérêts stratégiques de la France en nous opposant, en refusant qu’un actionnaire qui risquerait de mettre en cause notre indépendance devienne propriétaire d’un grand chantier comme celui-ci.

Voilà pourquoi, au fond, sur ce sujet comme peut-être sur d’autres, nous pouvons nous battre ensemble pour défendre l’intérêt de la France. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Demandeurs d’asile en Guyane

M. le président. La parole est à M. Gabriel Serville, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Gabriel Serville. Monsieur le Premier ministre, depuis quelques mois le territoire de la Guyane fait face à une crise migratoire sans précédent, largement liée à la situation catastrophique que connaît la République de Haïti et pour laquelle Ban Ki-moon, secrétaire général de l’ONU, regrette la trop faible mobilisation internationale.

En effet, à ce jour, la Guyane compte plus de 10 000 demandeurs d’asile qui, en réalité, ont fui leur pays pour des raisons d’ordre économique. Nous savons que les invitations à quitter le territoire, délivrées par la préfecture, ne seront pas suivies d’effet, notamment parce que leur pays d’origine vient tout juste d’être ravagé par l’ouragan Matthew, d’une puissance inégalée depuis des décennies, ce qui a placé de fait près de 1,4 million d’habitants en besoin d’assistance d’urgence.

Pour tout dire, ce sont certainement près de 25 000 nouvelles personnes qui auront foulé le sol guyanais, si l’on compte les épouses et les enfants des demandeurs d’asile. Cela correspond à environ 10% de la population locale.

Nous savons qu’à terme, nos collectivités sauront assumer les charges supplémentaires qu’induit cet afflux de population, particulièrement pour scolariser les enfants, tel que cela est rendu obligatoire par la loi. C’est d’ailleurs avec le plus grand humanisme, et dans le respect de la dignité de chacun, que les élus de Guyane respecteront ce principe.

Néanmoins, dans un contexte financier local extrêmement dégradé, je demande solennellement à l’État de me préciser les moyens qu’il compte mettre en œuvre au bénéfice de la collectivité territoriale et des communes de Guyane afin que celles-ci soient en mesure d’assumer les conséquences d’une telle augmentation brutale de la population en termes de scolarisation, de santé et de logement, tout en confortant les mesures déjà envisagées en vue de répondre favorablement aux besoins et aux attentes des citoyens et des contribuables. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des outre-mer.

Mme Ericka Bareigts, ministre des outre-mer. Monsieur le député, vous décrivez en Guyane une situation exceptionnelle. Et à situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. J’aborderai trois sujets.

Tout d’abord, les moyens d’agir que le Gouvernement met en œuvre. Entre 2012 et 2014, les crédits de paiement du budget de l’État en Guyane, tous ministères confondus, ont augmenté de près de 6 %, soit pour 2016 une dépense de presque 1,7 milliard.

Par ailleurs, les mesures économiques du Gouvernement donnent des résultats sur le front de l’emploi. Il est important de noter que, sur un an, le nombre de chômeurs de catégorie A en Guyane s’inscrit sur une baisse de 3 %, et de 8,6 % pour les jeunes.

La priorité donnée aux politiques en faveur de l’emploi est une première réponse que nous pouvons déjà donner pour lutter contre le sentiment d’exclusion de certains jeunes, donc pour lutter contre l’insécurité. La conviction que porte le Gouvernement est de deux ordres. D’abord, il faut continuer, bien sûr, à travailler. Ensuite, il n’y a pas de développement économique sans développement humain.

Vous parliez de moyens mobilisés pour les collectivités. Le pacte d’avenir, je vous le confirme, sera signé dans quelques semaines, avec un volet consacré aux constructions scolaires. Par ailleurs, l’État apportera en loi de finances sa garantie financière, à hauteur de 100 % de l’emprunt exceptionnel destiné à soutenir l’effort de la collectivité territoriale.

En ce qui concerne directement votre interpellation sur la sécurité, M. Cazeneuve est venu dernièrement en Guyane, et il a annoncé la création de zones de sécurité prioritaires.

Nous sommes mobilisés, comme vous le savez, monsieur le député, sur la situation des réfugiés également avec une mission de l’OFPRA…

M. le président. Merci, madame la ministre.

Projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour le groupe Les Républicains.

M. Philippe Gosselin. Monsieur le Premier ministre, je voudrais vous interroger sur la position, les positions, les divergences, les atermoiements – j’avoue chercher le mot juste – du Gouvernement sur le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. (« Ah ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.) C’est une affaire grave, je dirai même très grave.

La cacophonie qui règne au sein de la majorité sur la question de l’évacuation des « zadistes » soulève, vous le savez, de nombreuses questions quant à la date de lancement des travaux : quand seront-ils engagés ?

Alors que le Gouvernement est empêtré, depuis le début du quinquennat, dans des querelles internes sur ce projet, vous aviez, me semble-t-il, sorti du chapeau un référendum : la belle affaire ! On pouvait, à l’époque, s’interroger sur sa pertinence ; nous ne pouvons, à présent, que prendre acte de sa tenue. Mais, ce que les Français ne comprennent pas, monsieur le Premier ministre, c’est la possibilité de ne pas tenir compte du résultat. Le Président de la République peut ne pas souhaiter que le peuple s’exprime, puis souhaiter qu’il s’exprime, pour ensuite confier à des journalistes qu’il ne sait pas ce qu’il fera… Bref, on a bien compris que, ces derniers temps, il était occupé à autre chose qu’à régler ce problème à bras-le-corps.

Quoi qu’il en soit, monsieur le Premier ministre, vous avez, à plusieurs reprises, fait entendre votre voix. Mais, à chaque fois, vous avez été contredit par votre ministre de l’écologie, Mme Royal. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.) C’est un tournis incessant. La réalité, c’est que, dans cette affaire, l’autorité de l’État est affaiblie, bafouée. La réalité, c’est que l’État lui-même est bafoué.

M. François Rochebloine. Très bien !

M. Philippe Gosselin. Les querelles internes au Gouvernement conduisent à une situation de blocage. La réalité, enfin, c’est que la parole du peuple est bafouée, et ça, c’est inacceptable.

Alors monsieur le Premier ministre, en attendant que ça change – car ça va sans doute changer –, quelle est la position du Gouvernement dans l’affaire Notre-Dame-des-Landes ? Pour reprendre les termes de votre ministre, allez-vous « arrêter les frais » ou pas ? Je résume : stop ou encore ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur Gosselin, nous avons souvent eu l’occasion, au gré des questions posées par les parlementaires de la majorité comme de l’opposition, pour certains élus de la grande région des Pays de la Loire, d’évoquer ce sujet. C’est un dossier complexe, qui dure depuis déjà plusieurs années.

M. Christian Jacob. Jusque-là, on est d’accord !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Mais, à chaque étape administrative, à chaque recours administratif, ce dossier a avancé. (Exclamations sur quelques bancs du groupe Les Républicains.) Les élus, pour la plupart des Pays de la Loire – notamment de Loire-Atlantique – ou de Bretagne, régions directement concernées, les chambres de commerce, les acteurs économiques soutiennent ce projet.

M. Guy Geoffroy. Ça, on le sait !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Comme le Président de la République l’avait annoncé, il a été décidé d’organiser une consultation pour donner encore plus de force à ce projet. Or, contrairement à tous les pronostics, la majorité des électeurs de la Loire-Atlantique se sont déplacés, et une très nette majorité s’est prononcée en faveur de ce projet.

M. Claude Goasguen. Eh oui !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Les électeurs se sont exprimés en toute connaissance de cause, et pas sur n’importe quel projet, mais sur le projet de transfert de l’actuel aéroport à Notre-Dame-des-Landes,…

M. Christian Jacob. Et ça, ça change tout !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …après avoir participé à un débat et reçu toutes les informations nécessaires.

M. Jean-François Copé. Absolument !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Je crois, comme chacun d’entre vous, à la force du peuple. Quand le peuple se prononce, lorsque toutes les procédures juridiques ont été respectées, dans le plein respect de l’État de droit, la décision doit s’appliquer.

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Et Mme Royal ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. C’est ma conviction et, je n’en doute pas un seul instant, c’est la conviction de tous les parlementaires ici réunis, au-delà des positions prises par les uns et les autres. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Gosselin. Royal, démission !

M. le président. Monsieur Gosselin, s’il vous plaît !

M. Manuel Valls, Premier ministre. C’est la seule position qui puisse aujourd’hui valoir : le respect des procédures de l’État de droit et le respect de la parole du peuple et de la démocratie.

M. Guy Geoffroy. Il faut le dire à Mme Royal !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Il ne sert à rien de s’énerver : il y a un calendrier,…

M. Philippe Gosselin. Lequel ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. …qui doit être respecté. L’évacuation de l’actuelle ZAD – zone à défendre – de Notre-Dame-des-Landes, comme, d’ailleurs, la protection du centre-ville de Nantes, trop souvent saccagé par des casseurs qui ne respectent ni l’État de droit, ni la démocratie, sont évidemment pour nous des priorités. Le calendrier sera donc respecté : l’évacuation permettra la réalisation des travaux de préparation et l’édification du nouvel aéroport. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues !

M. Manuel Valls, Premier ministre. J’entends tous les cris, les tentatives d’interruption, j’entends, ici ou là, les commentaires, mais ce qui m’importe, pour ma part, c’est l’engagement du Gouvernement et le respect de la parole donnée.

Cependant, la ministre de l’écologie a raison de le signaler (Mêmes mouvements)

M. Jacques Myard. Elle fait la gueule ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. …et ceux qui connaissent le dossier le savent bien, à commencer par le ministre de l’intérieur, cette opération d’évacuation…

M. Claude Goasguen. Est risquée !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …sera périlleuse et risquée, en premier lieu pour les forces de l’ordre. Cependant, s’il y a violence, elle ne vient pas de l’État : la seule violence qui soit vient aujourd’hui de ces groupes « zadistes ». (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain, du groupe Les Républicains, du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

M. Claude Goasguen. Exactement !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Raison de plus pour ne pas céder à la violence. Raison de plus, comme le fait, sur chacun des dossiers, le ministre de l’intérieur, pour préparer cela avec précision et méticulosité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. Guy Geoffroy. Ne tardez quand même pas trop !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Raison de plus pour ne pas proférer des paroles qui perturbent l’action de l’État.

M. Joël Giraud. Très bien !

M. Manuel Valls, Premier ministre. J’en prends l’engagement devant le Parlement, car c’est ma conception de l’État de droit, c’est ma conception de la République, c’est ma conception de la démocratie, c’est ma conception de la responsabilité : cet aéroport se fera parce que les électeurs le demandent et parce que c’est ainsi que l’on regarde l’avenir en face et que l’on respecte les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain, du groupe Les Républicains, du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

M. Philippe Cochet. Royal, démission !

Soutien aux victimes des attentats

M. le président. La parole est à Mme Elisabeth Pochon, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

Mme Elisabeth Pochon. Madame la secrétaire d’État chargée de l’aide aux victimes, en sept mois d’existence de votre secrétariat d’État, votre champ d’intervention s’est progressivement élargi, au-delà des victimes du terrorisme, à toutes les victimes des incidents collectifs ou catastrophes naturelles. C’est une vraie politique de l’aide aux victimes qui a été construite durant ce quinquennat, avec la généralisation des bureaux d’aide aux victimes, le renforcement du maillage territorial des associations, le développement des réseaux référents et une augmentation sans précédent du budget qui y est consacré – de 10 millions en 2012, il est passé à 28 millions dans le projet de loi de finances pour 2017.

Des mesures spécifiques du PLF, fruits d’un travail interministériel, concernent les victimes des attentats, comme les exonérations fiscales, au profit des ayants droit, sur les impôts dus par les personnes décédées. Vingt-cinq postes pérennes de psychologues ont aussi été créés dans les hôpitaux des Alpes-Maritimes. Si la question de l’indemnisation n’est pas la première urgence, elle ne doit pas être une épreuve supplémentaire pour les personnes concernées. L’État doit rassurer en montrant que son engagement est total et en garantissant la capacité financière du fonds d’indemnisation.

Madame la secrétaire d’État, la priorité de l’État est d’éradiquer les terroristes, mais aussi d’assurer, dans un temps long, un accompagnement sans faille des victimes. Pouvez-vous nous indiquer quelles sont les options et les mesures que vous envisagez pour pérenniser cette politique publique d’aide aux victimes, afin qu’elle dépasse les alternances politiques ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’aide aux victimes.

Mme Juliette Méadel, secrétaire d’État chargée de l’aide aux victimes. Madame la députée, samedi dernier, trois mois, jour pour jour, après l’effroyable attentat qui y a été perpétré, j’étais à Nice, avec le Président de la République, pour l’hommage national aux victimes. Nous leur avons dit le soutien, la solidarité et la fraternité nécessaires de l’État. Cette fraternité doit se donner les moyens politiques de son ambition, qui se traduit, au quotidien, par des actes.

Ce fut, à Nice d’abord, l’ouverture d’un espace et d’un lieu unique d’accueil des victimes, où se sont retrouvés, quelques heures seulement après le drame, les services dont je dispose, en particulier la cellule interministérielle d’aide aux victimes, la CIAV, dont je veux saluer le travail remarquable. Le fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions, le FGTI, était également présent sur place, ce qui a permis de verser les premières provisions dans les dix jours suivant l’attentat, ce n’est pas négligeable.

Par ailleurs, cet été, le Gouvernement a lancé un portail unique d’information et de déclaration : le site internet guide-victimes.gouv.fr, sur lequel les démarches peuvent être réalisées en ligne.

Je ne méconnais certes pas les critiques dont le FGTI fait l’objet. Les victimes ont en effet le sentiment que les mécanismes d’indemnisation sont opaques ; elles peuvent aussi se sentir incomprises par le fonds, qui, longtemps, n’a pas assez pris en compte leur détresse dans ses relations avec elles. Depuis ma nomination, j’ai engagé, en collaboration étroite avec le FGTI, un travail de refonte de ces relations avec les victimes, pour fluidifier et simplifier la procédure d’indemnisation : accompagnement personnalisé, accessibilité renforcée, simplification et humanisation des procédures. Je veux vous dire ici que ce travail doit être poursuivi pour redonner pleinement confiance dans ce service public et remettre la victime au cœur de l’indemnisation.

Aujourd’hui, sur le plan financier, le FGTI dispose des réserves suffisantes pour indemniser toutes les victimes. Mais, face à la succession d’attentats que connaît notre pays depuis 2015, et dans un souci de responsabilité, j’ai mené ces derniers mois une réflexion approfondie. Le Gouvernement annoncera dans les prochains jours les grands axes de cette réforme. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Baisse de la CSG pour les petites retraites

M. le président. La parole est à M. Jérôme Lambert, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Jérôme Lambert. Ma question porte sur les taux de contribution sociale généralisée – CSG – appliqués aux revenus des retraités.

Avant 2012, il existait trois taux de CSG : un taux à 0 %, exonérant de CSG les retraites dont le montant était inférieur à environ 1 200 euros par mois ; un taux à 3,8 %, pour les retraites dont le montant était situé entre 1 200 et 1 500 euros, qui concerne environ 1 million de retraités ; un taux de 6,6 % pour les retraites supérieures à 1 500 euros par mois.

Après 2012, ce barème a été révisé. Le taux moyen de 3,8 % a été supprimé ; c’est désormais le taux supérieur de 6,6 % qui s’applique pour les retraités percevant entre 1 200 et 1 500 euros. Cela entraîne une augmentation des prélèvements équivalente à environ 3 % du montant des revenus. Pour des retraités percevant des ressources qui restent très modestes et se situent en dessous du montant moyen des retraites, cela s’est traduit par un prélèvement supplémentaire mensuel pouvant atteindre 45 euros par mois, soit près de 550 euros par an.

L’application de cette mesure, perçue comme une injustice fiscale et sociale, a provoqué beaucoup d’émois et chacun s’en souvient encore. Aujourd’hui, notre collègue Valérie Rabault, rapporteure générale, fait un certain nombre de propositions,…

Mme Karine Berger et M. Jean-Marc Germain. Très bien !

M. Jérôme Lambert. …dont l’une vise à rétablir un taux moyen permettant de surseoir à ce prélèvement supplémentaire, à l’heure où les comptes sociaux se portent mieux.

De nombreux députés, dont ceux du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, soutiennent cette proposition. Nous espérons que le Gouvernement approuvera l’impératif besoin de redonner du pouvoir d’achat à des retraités modestes, qui ont contribué toute leur vie par leur travail à la prospérité de notre pays. Quel est donc l’avis du Gouvernement sur cette question ? (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, et sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics. Monsieur le député, je vous répondrai par un constat, une volonté et une observation.

Le constat, vous l’avez fait : il existe trois taux différenciés de CSG pour les revenus de remplacement, essentiellement les retraites, mais aussi les indemnités journalières ou les indemnités de chômage. L’application de ces taux est fonction du revenu fiscal de référence des contribuables. Cette assiette a été modifiée par plusieurs éléments. Certains sont anciens – je pense à la demi-part des veuves, dont plusieurs ici doivent se souvenir. D’autres concernent notamment l’intégration de certaines majorations de pension dans le revenu fiscal de référence.

La volonté, qui est partagée par le Gouvernement, découle du redressement des comptes publics, que vous avez évoqué ; certains le contestent, mais c’est une réalité. Nous pouvons en effet passer à une phase de redistribution. La correction – certains diraient « le rattrapage » – du mécanisme que vous avez signalé redevient possible, à condition bien entendu d’en trouver la juste compensation, afin de ne pas modifier la trajectoire de redressement des comptes publics.

Le Gouvernement est donc ouvert à la proposition de Valérie Rabault et de nombre de vos collègues. Le coût de la mesure serait d’environ 250 à 300 millions d’euros. Il faudra calculer les seuils correspondants ; nous y travaillons actuellement.

Je ne doute pas que, puisque nous avons fait un même constat, que nous partageons une même volonté, le Parlement fera aboutir cette proposition.

Dernière remarque : certains veulent baisser l’ISF, tandis que d’autres veulent réduire proportionnellement l’impôt pour tous. J’attends avec gourmandise et avec sérénité le débat qui s’ouvrira tout à l’heure. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Avenir des arrondissements

M. le président. La parole est à M. Paul Salen, pour le groupe Les Républicains.

M. Paul Salen. Ma question s’adresse au Premier ministre. Je voudrais y associer mon collègue Dino Cinieri.

Monsieur le Premier ministre, à la suite de l’adoption de la loi NOTRe – loi portant nouvelle organisation territoriale de la République –, dans chaque département les commissions départementales de la coopération intercommunale – CDCI – se sont réunies à de nombreuses reprises afin de procéder au nouveau découpage des communautés de communes dans les départements, en concertation avec l’ensemble des élus locaux. Cependant, il semblerait que, dans certains départements, les préfets aient reçu des consignes afin que le périmètre des arrondissements se rapproche le plus possible de celui des communautés de communes ou des communautés d’agglomération.

Cet état de fait a entraîné le transfert de communes d’un arrondissement à un autre sans qu’aucune concertation ne soit menée ni avec les élus de cet arrondissement ni même au sein de la CDCI. Désormais, le jeu du Gouvernement apparaît clairement : supprimer des arrondissements préfectoraux sans concertation et en cassant la logique territoriale. Dans mon département, certaines communes de l’arrondissement de Montbrison pourraient ainsi être transférées dans l’arrondissement de Saint-Étienne, ce qui aurait pour conséquence de vider ce premier arrondissement d’un grand nombre de ses communes sans que les élus locaux n’aient été prévenus. Cet arrondissement se retrouverait donc coincé entre deux grosses agglomérations, celle de Saint-Étienne et celle de Roanne, et le Forez se trouverait divisé entre ces deux agglomérations. Nulle part dans la loi NOTRe il n’est précisé que ce découpage doit voir les périmètres des arrondissements et des communautés de communes ou d’agglomération devenir identiques.

Aussi, monsieur le Premier ministre, je souhaiterais vous poser trois questions. Est-il vrai qu’une consigne a été donnée aux préfets visant à faire coïncider le périmètre des arrondissements avec celui des communautés de communes ou d’agglomération ? Et cette consigne donnée en catimini aux préfets ne serait-elle pas l’aveu du souhait de voir disparaître de nombreux arrondissements, notamment celui de Montbrison, situé dans mon département, sans l’assumer pleinement devant les élus locaux et les habitants des communes concernées ? Enfin, quel est le nombre des sous-préfectures que vous pensez supprimer ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, je commencerai par répondre à votre dernière question. Combien de sous-préfectures souhaitons-nous supprimer ? Aucune. Je vous signale d’ailleurs que c’est vous qui avez supprimé le plus d’emplois dans les préfectures et les sous-préfectures puisque vous en avez supprimé exactement 2 725 en l’espace de cinq ans ; et croyez-moi, les personnels s’en souviennent. Quand on sait qu’une préfecture française compte en moyenne à peu près 220 employés, ce chiffre équivaut à la suppression d’une douzaine de préfectures.

Ne vous inquiétez donc pas : les préfectures et sous-préfectures supprimées l’ont été par vous, et c’est la raison pour laquelle nous n’avons pas du tout l’intention de poursuivre cette action funeste.

Mme Pascale Crozon et Mme Joëlle Huillier. Très bien !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Vous souhaitez également savoir si nous allons travailler sur les arrondissements ; c’est bien le cas. Cela aboutira-t-il à la suppression d’arrondissements ? Absolument pas. Vous savez que depuis la réforme Poincaré de 1926, il y a en France 335 arrondissements ; nous allons procéder à la fusion de deux d’entre eux et au jumelage de six d’entre eux. Je ne sais donc pas où vous voyez des arrondissements disparaître. En tous les cas, ceux qui fusionneront représentent 2 arrondissements sur 335. Voilà donc une deuxième erreur.

La troisième question que vous me posez porte sur l’instruction qui aurait été donnée aux préfets de modifier les frontières des arrondissements. Oui, instruction leur a été donnée de le faire en très étroite concertation avec les élus…

M. Paul Salen. Non ! Sans concertation !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. …qui, pour la plupart d’entre eux, ont été consultés, et qui pour beaucoup s’en félicitent. En effet, les arrondissements ne sont pas une création ex nihilo : ils correspondent au tissu intercommunal. Dès lors que le nombre d’intercommunalités est divisé par deux dans certains territoires, sauf à être complètement archaïque et à refuser toute modernisation du pays, il est tout à fait logique que nous procédions à la modernisation des arrondissements. Et nous le faisons, parce que nous sommes modernisateurs. Nous y procédons d’ailleurs en confortant l’administration préfectorale partout dans la République. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Sandrine Mazetier.)

Présidence de Mme Sandrine Mazetier

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

5

Modernisation, développement et protection des territoires de montagne

Vote solennel

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les explications de vote au nom des groupes et le vote par scrutin public sur l’ensemble du projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne (nos 4034, 4067, 4056).

Explications de vote

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Philippe Folliot. Madame la présidente, monsieur le ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, madame la présidente de la commission des affaires économiques, mesdames les rapporteures de la commission des affaires économiques, madame la rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, mes chers collègues, 1985 a été une date importante dans l’histoire de la montagne, puisque la loi qui fut votée constitua le point de départ d’une véritable prise en compte des spécificités des secteurs et des massifs montagnards dans notre pays et fait depuis référence.

Avec le texte que nous nous apprêtons à voter, nous vivons un moment particulièrement important, car il nous appartient de renouveler cette politique. S’il y a eu à l’époque unanimité autour des principes défendus, il importe aujourd’hui de retrouver le même élan.

Je tiens à saluer plus particulièrement M. le ministre, Mme la présidente de la commission et Mmes les rapporteures pour l’état d’esprit…

M. Jean-Luc Laurent. Excellent état d’esprit !

M. Philippe Folliot. …qu’ils ont fait prévaloir dans la préparation de ce texte, notamment en mettant en avant le rôle de l’Association nationale des élus de montagne, l’ANEM, qui a été très active pour que nous puissions trouver des équilibres et avancer, afin que la politique de la montagne soit mieux comprise et mieux prise en compte dans notre pays.

On ne peut pas dire « la » montagne : il faut parler « des » montagnes, tant les différences sont grandes entre les massifs, entre la haute montagne, qui bénéficie d’un certain nombre d’atouts, notamment touristiques avec les stations de ski – entre autres – et, pour certaines montagnes, la proximité de vallées industrielles particulièrement dynamiques, et d’autres massifs peut-être plus ruraux, qui connaissent un certain nombre de difficultés et dont il fallait souligner et mieux prendre en compte les enjeux spécifiques.

À travers les amendements qu’il a défendus, le groupe UDI a voulu améliorer ce texte. Un certain nombre d’entre eux ont été adoptés, ce dont nous remercions la représentation nationale et M. le ministre, qui a bien voulu nous appuyer. J’en citerai quelques-uns.

Concernant l’éducation, tout d’abord – les enjeux qui lui sont liés sont importants –, le « protocole montagne », expérimenté dans un premier temps dans le département du Tarn depuis 2008, généralisé par décret en 2011, entre enfin dans la loi et s’appliquera aux écoles primaires mais aussi, grâce à notre amendement, aux collèges. C’était important.

Concernant les problématiques de santé, un amendement relatif à la cartographie permet de tenir compte des spécificités des territoires de montagne – je songe aux groupements hospitaliers de territoire, aux enjeux relatifs à la démographie médicale et aux propharmacies. C’était aussi important.

Des progrès ont également été accomplis en matière d’aménagement du territoire – je songe plus particulièrement aux établissements publics fonciers locaux, dont les spécificités seront prises en compte grâce, là encore, à un amendement que nous avions proposé.

Pour autant, tout n’est pas parfait. Un certain nombre de questions n’ont pas été abordées comme nous l’aurions souhaité – je pense notamment au désenclavement numérique de nos territoires de montagne, pour lequel il reste beaucoup à faire. Peut-être avons-nous parfois été un peu trop timides…

Mme Marie-Noëlle Battistel. Ambitieux !

M. Philippe Folliot. …face aux opérateurs et à leurs lobbies.

D’autres enjeux importants demeurent pour ces territoires car des opportunités existent, qui doivent être mises en avant comme il se doit.

En conclusion, monsieur le ministre, même si nous votons un certain nombre de textes de la façon la plus consensuelle qui soit, nous considérons que l’État doit mettre en cohérence les paroles et les actes. J’ai notamment poussé un cri de colère quant à la politique de Bercy à l’endroit d’un certain nombre de territoires, en particulier s’agissant de la fermeture de services publics sans concertation avec les élus et les populations, ce qui ne manque pas de soulever des problèmes.

Au-delà de tous ces éléments, ce texte va dans le bon sens. À la fin de mon intervention lors de la discussion générale, j’ai évoqué un « printemps pour la montagne ». Eh bien, monsieur le ministre – même si je ne le mettrai pas en chanson (Sourires) –, je vous dis simplement du fond du cœur qu’il constitue une perspective et que le groupe UDI votera en faveur de ce projet !

Mme Frédérique Massat, présidente de la commission des affaires économiques, Mme Bernadette Laclais, rapporteure de la commission des affaires économiques et Mme Annie Genevard, rapporteure de la commission des affaires économiques. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Giraud, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Joël Giraud. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, mesdames les rapporteures, madame la rapporteure pour avis, mesdames, messieurs, chers collègues, il est des moments qui, dans la vie politique, tranchent sur les affrontements stériles et les dérives politiciennes.

L’acte II de la loi montagne a été un texte co-construit jusqu’au bout de la nuit, imaginé en 2014 au sein de l’ANEM, collectif – défendu par le Conseil national de la montagne et deux actrices de la politique de la montagne, Annie Genevard et Bernadette Laclais, que je tiens à remercier ici pour leur investissement, qu’il s’agisse de la rédaction du rapport qui a servi de support à la loi ou de leur rôle de co-rapporteures, aux côtés de Béatrice Santais, rôle peu aisé car leurs collègues montagnards sont têtus et exigeants – mais si tel n’était pas le cas, seraient-ils montagnards ? (Sourires)

En tout état de cause, au nom du groupe RRDP – en particulier avec Jeanine Dubié, députée des Hautes-Pyrénées qui a apporté à la fois sa pugnacité toute pyrénéenne et sa parfaite connaissance de la ruralité et du numérique – , je n’hésite pas à vous dire, monsieur le ministre, que nous avons vécu ensemble le meilleur moment de cette législature, qui a trop souvent été l’occasion d’oppositions parfois bien artificielles sur des sujets qui auraient pu nous rassembler. Le meilleur moment, parce que nous n’avons pas mené de combats individuels, égoïstes, mais des combats collectifs, au profit d’un territoire où vivent dix millions de Françaises et de Français qui, au-delà des handicaps naturels, veulent montrer la voie de l’auto-développement et de l’innovation à la nation française.

Je remercie également la présidente de la commission des affaires économiques, Frédérique Massat…

M. Jean Glavany. Une vraie montagnarde, elle aussi !

M. Joël Giraud. …qui, tant en commission qu’en séance, a mené rondement son affaire. Il m’a d’ailleurs semblé voir poindre, dans le débat, un bout d’Ariège, et beaucoup de l’ancienne présidente de l’Association nationale des élus de montagne. Puisque nous parlons de l’ANEM, je tiens à saluer, pour leur présence et leur efficacité, le président de cette association d’élus, Laurent Wauquiez, ainsi que sa secrétaire générale, Marie-Noëlle Battistel, devenue le week-end dernier dans les Vosges calife – montagnard bien sûr – à la place du calife. Tous deux ont beaucoup contribué à enrichir le texte.

Sur les bancs de l’opposition, permettez-moi de souligner le rôle particulier de mon prédécesseur à la tête de la présidence de la commission permanente du Conseil national de la montagne, Martial Saddier, et du président de l’Association nationale des maires des stations de montagne – ANMSM –, Charles-Ange Ginesy, dont notre groupe a voté de nombreux amendements, fidèle en cela à la tradition montagnarde de la cordée, qui s’embarrasse peu du positionnement sur l’échiquier politique dès lors qu’il s’agit d’atteindre le sommet ou, dans des circonstances difficiles, de préserver l’intégrité physique de la cordée.

Enfin, je serais incomplet si je n’achevais ces remerciements en félicitant le ministre Jean-Michel Baylet qui, bien que le point culminant de Valence d’Agen se situe à 66 mètres d’altitude, a compris l’esprit qui nous animait toutes et tous. Nous sommes avant tout, comme lui, les enfants d’un territoire où l’individu et le collectif, sans s’exclure mutuellement, ont forgé les mentalités. Monsieur le ministre, vous avez été en 1990 le créateur du slogan : « La montagne, ça vous gagne. » Aujourd’hui, grâce à votre liberté d’action, vous avez contribué à bâtir cette loi montagne et, ainsi, à faire gagner la montagne.

Votre cabinet, qui n’a pas ménagé sa peine, et que nous allons encore beaucoup solliciter, car les conséquences réglementaires de la loi sont parfois aussi importantes que la loi elle-même, doit également être remercié pour son engagement sans faille, jour et nuit, à nos côtés.

Je ne reviendrai pas dans le détail sur les bénéfices immenses que l’acte II de la loi montagne va engendrer dans nos territoires. De nombreuses circulaires, que nous avions arrachées, comme à l’école, sont désormais inscrites dans le marbre de la loi. Et, au-delà de la montagne, de nombreuses mesures que nous avons votées vont s’appliquer sur d’autres territoires, ou en faveur d’autres populations fragiles de France. Je pense en particulier aux mesures relatives aux saisonniers, à celles relatives à l’école, qui vont s’étendre par instruction à toute la ruralité, ou encore à celles relatives au tourisme, qui vont, s’agissant notamment des offices de tourisme, concerner toutes les stations classées ou en cours de classement, où qu’elles soient sur le territoire.

Chaque ligne de la loi est utile, jusqu’à celle qui concerne l’investissement de la Banque publique d’investissement en faveur de la mise aux normes de l’hôtellerie familiale. Il reste néanmoins deux questions urgentes à régler. Premièrement, il importe que ce texte soit rapidement inscrit à l’ordre du jour du Sénat, car certaines des mesures qu’il contient survivraient mal à une approbation définitive postérieure au 31 décembre. Deuxièmement, il importe de trouver une solution juridique, sans doute au moyen de conventions de gestion, à la difficulté de la gestion intercommunale de l’eau en montagne, sans remettre en cause le principe de la loi NOTRe. Une fois ces deux questions résolues, l’œuvre très utile que nous avons collectivement bâtie sera quasi parfaite.

En tout état de cause, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir porté haut et fort le droit à la différence que prônaient, unanimes, les législateurs de 1985, les Louis Besson, René Souchon, Robert de Caumont ou Augustin Bonrepaux. Un droit à la différence qui, petit à petit, s’étiolait dans le carcan administratif français, alors même que l’Europe, au moyen de l’article 174 du traité de Lisbonne, l’établissait.

Aujourd’hui, je pense à l’homme qui fut pour moi un ami et, pour tous ses contemporains, l’incarnation même de notre esprit de cordée, le guide de haute montagne et pasteur Paul Keller, qui aimait à dire que l’on fait de la montagne, mais que c’est la montagne qui nous fait. Puisse le vote d’aujourd’hui exprimer une rareté : l’esprit de cordée en politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, du groupe socialiste, écologiste et républicain et sur quelques bancs du groupe Les Républicains.)

Mme Jeanine Dubié. Bravo !

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. André Chassaigne. Monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires économiques, mesdames les rapporteures, mes chers collègues, avec le vote cet après-midi de ce projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne, on ne peut que se réjouir du travail parlementaire réalisé sur ce texte, qui présente des orientations spécifiques en matière d’aménagement, à destination de territoires oubliés depuis de trop nombreuses années.

Après une semaine de débats en séance publique, qui ont fait suite à nos riches travaux en commission, nous avons démontré, je le crois, et avec des échanges parfois passionnés, un attachement partagé à la vitalité et à la diversité de nos territoires de montagne, ainsi qu’à leurs habitants, et une volonté d’agir en prenant en compte leurs spécificités dans nos politiques publiques.

Vous l’avez répété à plusieurs reprises, monsieur le ministre, mesdames les rapporteures, l’ambition de ce texte était initialement de constituer l’acte II de la loi montagne de 1985 et de faire du « développement équitable et durable de ces territoires » un « objectif d’intérêt national ». À la lecture du texte résultant de nos travaux, on ne peut que se réjouir de voir reprises des problématiques bien identifiées par les élus de la montagne et qui étaient absentes du texte initial.

Je pense bien entendu à la question des services publics, notamment en matière de carte scolaire, au renforcement, quoique timide, du volet consacré au déploiement du numérique, mais aussi à la nécessité de revoir le cadre réglementaire lié au défrichement de parcelles boisées, afin de favoriser le maintien de l’agriculture et l’ouverture des paysages. J’ai également été sensible au fait que vous ayez accepté de prendre en compte, en adoptant certains de mes amendements, les conséquences du changement climatique en zone de montagne, mais aussi le développement des activités forestières, notamment en matière de transformation, dans la partie du texte consacrée à l’action spécifique de l’État.

Les députés de la Gauche démocrate et républicaine ont donc apporté, par ma voix, leur pierre à l’édifice montagnard, sous la forme d’amendements, dont la plupart étaient le fruit d’une co-élaboration avec les élus et les habitants de la circonscription dont je suis élu, qui ne compte pas moins de 108 communes classées en zone de montagne, sur un total de 132.

Mais l’appréciation de la portée de ce projet de loi ne saurait ignorer un constat de fond, qui mine la vitalité et les perspectives de nos territoires ruraux de montagne. Je veux parler des terribles coups portés, ces dernières années, aux moyens financiers de ces mêmes territoires, avec la baisse de 11 milliards d’euros des dotations aux collectivités, pour ne pas dire plus. Ces choix contraignent l’immense majorité des communes rurales et de montagne à revoir de façon drastique leurs investissements et les moyens assurant les services du quotidien aux administrés.

Quelle injustice et quel contresens politique quand, dans le même temps, plus de 30 milliards d’euros viennent d’être allègrement distribués à travers le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – CICE –, essentiellement aux grands groupes, sans contrepartie, et surtout sans aucune efficacité sur la création d’emplois ! Imaginez les politiques de soutien à nos collectivités et de renforcement de nos services publics en zone rurale et de montagne que nous aurions pu mettre en œuvre avec ces 30 milliards d’euros ! Si je reviens sur ce point, c’est aussi parce que les moyens financiers spécifiques accordés à des politiques différenciées sont absents du texte. Est-il raisonnable de prendre en compte les besoins spécifiques de ces territoires sans jamais faire référence aux moyens budgétaires qui doivent accompagner la recherche d’égalité et de développement durable de ces territoires ?

Par ailleurs, à de nombreuses reprises au cours des débats, nous avons eu à nous confronter aux conséquences immédiates de la loi NOTRe. Votre choix, monsieur le ministre, mesdames les rapporteures, de rejeter toute adaptation du cadre législatif induit par la loi NOTRe n’est pas satisfaisant. Et je regrette profondément que, sur des sujets aussi majeurs que la gestion de l’eau ou l’adaptation de certaines dispositions en matière d’urbanisme, nous ayons essuyé votre refus, au mépris des attentes et des besoins des habitants et des élus des territoires concernés. Au bout du compte, ce sont la démocratie de proximité et les conditions de vie sur nos territoires ruraux qui en seront les grands perdants. C’est d’autant plus regrettable que des majorités de raison auraient pu être acquises dans cet hémicycle.

Aussi, mes chers collègues, au moment de conclure cette courte explication de vote qui ne peut revenir sur l’ensemble de nos débats, j’éprouve un sentiment très partagé : celui d’aller, avec ce texte, dans la bonne direction, mais aussi d’être encore loin, très loin, de décrocher les montagnes. Cela aurait pourtant été nécessaire pour contrer trop d’années d’abandon, fruits des politiques libérales et d’austérité. Les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine voteront tout de même ce texte (« Ah ! » sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.), mais ils feront preuve d’une persévérance toute montagnarde pour continuer à œuvrer pour le bien-vivre de tous les habitants des territoires de montagne. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Marc Dolez. Très bien !

Mme la présidente. Sur l’ensemble du projet de loi, le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Madame la présidente, monsieur le ministre, Jean-Michel Baylet, madame la présidente de la commission des affaires économiques, chère Frédérique Massat, mesdames les rapporteures, Bernadette Laclais, Annie Genevard et Béatrice Santais, chers collègues, la semaine dernière, à cette même tribune, de nombreux collègues ont exprimé leur satisfaction et leur émotion de voir aboutir nos travaux sur le projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne.

Ambitieux, unanime, historique : au-delà de ces mots, qui résonnent rarement dans cette enceinte, ce sont des signes forts qui ont été donnés, et qui en disent long sur l’attente et l’engagement de chacun. Beaucoup a en effet été dit, à droite comme à gauche, pour saluer le travail, la méthode et le résultat. Beaucoup a été fait aussi, à droite comme à gauche – je salue d’ailleurs l’ensemble des collègues de droite qui ont participé à l’examen de ce texte de façon très constructive, autour de Laurent Wauquiez, président de l’ANEM –, au cours de ces derniers mois, pour mener des combats collectifs, qui ont permis d’aboutir à ce compromis ambitieux et exigeant, porteur d’avenir et de sens pour nos territoires et leurs habitants.

Dans un contexte politique parfois difficile, dans lequel nous construisons bien plus de murs que de ponts, je suis heureuse et fière, en tant que parlementaire, que nous ayons pu montrer un visage apaisé du débat politique, grâce à un travail de fond sur ce texte. Vous le savez, mes chers collègues, les montagnards savent travailler ensemble et, souvent, dépasser leurs clivages. Pour autant, l’unanimité n’est jamais une évidence ; elle va rarement de soi. L’unanimité, elle se recherche, elle se travaille, elle s’arrache, elle se gagne.

Permettez-moi de saluer la volonté forte et déterminante, imprimée par l’exécutif dès l’automne 2014 : elle a tracé le chemin qui nous a conduits jusqu’ici. Nous le savons, les élus de la montagne, interpellés sur le terrain, réclamaient l’évolution de la loi de 1985 depuis de très nombreuses années. Le Président de la République, devant le Congrès des maires, et le Premier ministre, à Chamonix, ont fait le premier pas et engagé cette démarche de façon volontariste. Sous leur impulsion, et grâce au travail d’écoute permanente et de co-construction que vous avez réalisé, monsieur le ministre, avec l’ANEM, avec la commission permanente du Conseil national de la montagne, avec les élus, nous avons pu concrétiser, tous ensemble, les attentes de chacun, et je veux ici vous en remercier très chaleureusement.

Un travail important en commission a permis de poser de manière forte les bases de la discussion. Je tiens à remercier la présidente de la commission des affaires économiques, Frédérique Massat, une vraie montagnarde, pour son efficacité, ainsi que les rapporteures, pour leur engagement déterminé et leur pugnacité. Je veux remercier également le président du Conseil national de la montagne, Joël Giraud, pour son rôle important, ainsi que les auteurs du rapport, Bernadette Laclais et Annie Genevard, car leur rapport a tracé les lignes de ce texte. Je veux remercier, enfin, le Gouvernement, pour sa vision transversale du développement de la montagne.

Notre politique en faveur de la montagne ne se limite pas au texte que nous allons approuver aujourd’hui. L’esprit de la loi, sa raison d’être, doit se décliner largement pour ne pas être trahi. Nous avons déjà agi en ce sens tout au long de cette législature, au travers de nombreuses mesures : instauration d’un contrat saisonnier, CDI intermittent, dans le cadre de la loi travail ; création de la caisse pivot et du guichet unique ; réhabilitation de l’immobilier de loisir au travers du dispositif Censi-Bouvard dans la loi de finances ; ou encore, dérogation pour les associés de GAEC. Cette loi montagne n’est pas une démarche isolée ; elle est la marque d’une volonté et d’une vision cohérente de la politique montagnarde, que nous manifestons sur chaque texte.

Je salue une fois encore l’importance de cet acte II : les principes fondateurs de la loi de 1985 sont maintenus ; ses dispositions législatives sont actualisées et modernisées. Si la volonté initiale est remarquable, les évolutions permises par le débat parlementaire grandissent encore le texte, et je vous remercie encore, monsieur le ministre, pour votre écoute tout au long du débat. Je songe notamment à la question des unités touristiques nouvelles, à la reconnaissance de la Corse comme île-montagne, au traitement de l’impatience numérique, à l’accès à la santé, à l’école, à l’agriculture, ou encore à la gestion de l’eau. Plus qu’un cadre et une méthode, trente ans après la loi de 1985, cette loi nous donne des perspectives concrètes, que les 10 millions de montagnards attendaient depuis longtemps, et qui permettront à nos territoires de poursuivre leur développement, tout en protégeant leur patrimoine exceptionnel.

Ni réserve d’Indiens, ni zone de non-droit, les territoires de montagne sont une chance pour la République, à condition que l’on tienne compte de leurs spécificités, de leur besoin de développement et de la nécessité de les protéger. C’est pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, que nous voterons avec enthousiasme ce texte, qui pose les fondations solides sur lesquelles nous bâtissons ensemble une vraie politique de montagne à vivre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Wauquiez, pour le groupe Les Républicains.

M. Laurent Wauquiez. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, mesdames les rapporteures, nous vivons un moment rare, assez hors norme, même, dans notre hémicycle, et très appréciable, puisque ce texte recueillera une très large majorité sur tous ces bancs, quels que soient nos partis.

M. Jean-Luc Laurent. On dirait que cela vous chagrine !

M. Laurent Wauquiez. Cette loi a été avant tout défendue par les élus de la montagne, notamment les membres de l’Association nationale des élus de la montagne. Permettez-moi de rendre hommage à ma prédécesseure, Frédérique Massat, qui s’est beaucoup investie sur le sujet, à Marie-Noëlle Battistel, la nouvelle présidente, et à Annie Genevard, la secrétaire générale. Je remercie également tous les députés qui se sont mobilisés depuis longtemps sur ce texte : Martial Saddier, au premier chef, Dino Cinieri, Lionel Tardy, Charles-Ange Ginesy, Pierre Morel-A-L’Huissier, Arnaud Viala, Jean-Pierre Vigier, Sophie Dion, mais aussi Jeanine Dubié, Joël Giraud, Philippe Folliot, Sylvia Pinel, Paul Giacobbi, et même André Chassaigne ! (Sourires.)

Je vois que cette liste de noms vous fait réagir ! Ce travail collectif n’aurait pu avoir de sens sans le rapport d’Annie Genevard et de Bernadette Laclais, qui a été le support indispensable du débat législatif. Qu’elles soient toutes les deux chaleureusement remerciées par l’ensemble des parlementaires de notre hémicycle !

Nous avons démontré, monsieur le ministre, que lorsqu’il s’agit des intérêts de la montagne, nous sommes capables de dépasser nos clivages. Mais nous vous devons aussi cette loi, car sans votre implication, nous n’aurions pas pu l’inscrire à l’ordre du jour. Sans votre engagement personnel sur de nombreux sujets, elle n’aurait pas abouti. Avec l’esprit républicain qui vous caractérise, vous avez permis à la montagne de progresser, et nous nous en souviendrons. Cette loi porte très clairement le sceau d’un ministre de l’aménagement du territoire qui a été capable d’entendre la parole des montagnards.

Cette loi est hors norme, d’abord parce qu’elle rappelle que la montagne est une chance pour la République et que l’enjeu n’est pas seulement de compenser les handicaps de ce territoire. En matière d’organisation de la République, ensuite, cette loi est hors norme parce qu’elle ouvre la voie à l’expérimentation : les règles conçues à Paris ne seront plus appliquées de manière uniforme, car il sera possible de les adapter. Enfin, cette loi est hors norme parce qu’elle affirme que c’est aux élus de la montagne de décider eux-mêmes de ce qu’ils souhaitent, et non aux administrations centrales, qui ont parfois des approches différentes en matière de développement économique ou d’innovation.

Surtout, cette loi a permis des avancées substantielles sur des sujets concrets et importants pour les montagnards. Je pense d’abord – et j’espère que le président de la commission des finances sera attentif à ce point – à la question des dotations aux collectivités locales, qui doivent clairement prendre en compte les handicaps naturels et les contraintes spécifiques de la montagne. Cette loi reconnaît également que l’organisation institutionnelle de la République ne doit pas seulement se fonder sur l’application pure et dure du principe d’égalité démographique, mais aussi prendre en compte la vocation d’aménagement du territoire et le territoire lui-même : une petite commune doit être respectée par la République pas seulement en fonction de son nombre d’habitants, mais aussi en fonction du territoire qu’elle permet d’occuper et d’aménager.

L’examen du projet de loi nous a permis d’aborder d’autres sujets importants, comme l’irrigation et les agriculteurs, la bonne régulation des prédateurs – le loup comme l’ours –, ou la présence des services publics en zone de montagne, notamment la présence médicale. Plus largement, nous avons défendu notre conception de la pérennité d’un service public, qui se fonde sur la qualité du service rendu bien davantage que sur les horaires d’ouverture, dont l’amplitude se réduit sans cesse.

Enfin, nous avons eu des débats extrêmement importants sur la reconnaissance de l’économie des stations de ski, sur laquelle l’engagement de Martial Saddier, de Charles Ange Ginesy et de Joël Giraud a été primordial. C’est une économie très importante pour nous. Vous nous avez permis de progresser à la fois sur la question des offices de tourisme et sur celle des unités touristiques nouvelles, en trouvant le bon équilibre entre la nécessité d’une régulation et la reconnaissance du caractère concurrentiel de ce secteur. Il convient, en effet, de ne pas pénaliser nos stations de ski, véritables petites entreprises soumises à la pression de leurs concurrentes autrichiennes, italiennes ou suisses, et qui doivent pouvoir continuer à investir.

Cela faisait des années que la politique d’aménagement du territoire reculait. Vous nous permettez de retrouver un souffle et de rappeler que la République représente non seulement des habitants, mais aussi des territoires. Soyez-en remerciés ! Notre groupe votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur quelques bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants527
Nombre de suffrages exprimés512
Majorité absolue257
Pour l’adoption511
contre1

(Le projet de loi est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales.

M. Jean-Michel Baylet, ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales. Je remercie l’ensemble des députés. Les cinq groupes qui se sont exprimés dans l’hémicycle ont tous appelé à l’adoption d’un projet de loi d’initiative gouvernementale : c’est un moment rare dans la vie parlementaire, qui nous a davantage habitués à des affrontements qu’à des consensus. Vous comprendrez que je sois fier d’être le ministre qui, au nom du Gouvernement, a présenté ce texte, lequel a quand même obtenu une voix défavorable, ce qui est bon pour la démocratie !

Ce résultat n’est pas le fruit du hasard et n’a pas été obtenu sans mal. Nous nous sommes fondés sur l’excellent et remarquable rapport de Bernadette Laclais et d’Annie Genevard, qui nous a donné un cadre de travail pertinent et nous a permis d’avancer vite et bien. Ce n’est pas le fait du hasard, car l’implication de tous les élus de la montagne, la main dans la main, au-delà de leurs divergences, a donné les moyens d’avancer dans les meilleures conditions. Je tiens à remercier la présidente de la commission, Frédérique Massat, qui a fait un travail tout à fait remarquable, et l’ensemble des commissaires. (Applaudissements sur plusieurs bancs.)

Je tiens à remercier Marie-Noëlle Battistel, qui s’est impliquée non seulement en tant que responsable du groupe socialiste, mais aussi en tant qu’élue de la montagne, et à la féliciter pour son élection à la présidence de l’ANEM, acquise de haute lutte il y a quelques jours à Gérardmer. Je tiens à m’adresser également à tous ceux qui ont œuvré en ce sens, en particulier aux groupes politiques. Je remercie d’abord le groupe communiste : cher André Chassaigne, merci de ce vote favorable, de votre implication personnelle et de la participation des communistes, qui ont obtenu l’adoption de beaucoup d’amendements. Je remercie le groupe socialiste, qui a œuvré jour et nuit, à l’image de François Pupponi – main dans la main avec Paul Giacobbi – pour que le statut d’île-montagne soit enfin reconnu à la Corse. Merci à vous !

Je tiens à m’adresser à mes amis radicaux, en particulier à Jeanine Dubié et à Joël Giraud, qui ont soutenu le texte avec passion et talent et su œuvrer en faveur de la montagne. Je remercie Philippe Folliot et son groupe, qui se sont montrés, eux aussi, constructifs et ont toujours essayé de créer les conditions pour que nous allions les uns vers les autres, dans l’intérêt de la montagne. Je m’adresse enfin au groupe les Républicains, et plus particulièrement à Laurent Wauquiez, dont nous avons pu constater qu’il sait aussi être un homme de rassemblement, de modération et de consensus (Sourires – Vifs applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.) Merci, mon cher Laurent ! Il fallait en faire la démonstration dans l’hémicycle ! Je remercie tous ceux qui, comme Charles-Ange Ginesy et Martial Saddier, ont œuvré à vos côtés, monsieur le président de région, pour que nous arrivions à ce superbe résultat, dans l’intérêt de la montagne.

C’est le groupe Les Républicains qui a obtenu le vote du plus grand nombre d’amendements, devant le groupe socialiste, ce qui prouve que, quand je parle de consensus, de co-construction et d’aller vers les autres, cela traduit une réalité : nous avons réussi à nous tendre la main. Souhaitons maintenant que le Sénat, dans sa sagesse, suive, pour une fois, la sagesse de l’Assemblée nationale, afin que soit définitivement adoptée, d’ici à la fin de l’année, cette belle et bonne loi Montagne, dans le meilleur intérêt de la montagne, de ses habitants et de ses élus ! (Applaudissements sur de nombreux bancs.)

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

6

Projet de loi de finances pour 2017

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances pour 2017 (nos 4061, 4125, 4127 et 4131).

Présentation

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Michel Sapin, ministre de l’économie et des finances. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics, monsieur le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les députés, nous nous retrouvons aujourd’hui pour engager la discussion sur le projet de loi de finances pour 2017. Ce budget est le cinquième de la mandature ; c’est au fond celui de la continuité de l’État. C’est pourquoi j’aime à dire qu’il vient avant d’autres, certes, mais aussi et surtout après d’autres budgets. Cette nouvelle séquence budgétaire du quinquennat doit donc être replacée dans le temps long de l’action que nous avons conduite depuis 2012.

De façon objective et sans vouloir polémiquer, je rappelle qu’au jour de l’alternance, il y a plus de quatre ans, la situation du pays était particulièrement dégradée. (« Cela commence mal ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Ce n’est pas moi qui commence mal, c’est vous qui avez mal fini !

Les perspectives de croissance étaient pour le moins médiocres…

M. Dominique Baert. C’est le moins que l’on puisse dire !

M. Michel Sapin, ministre. …les déficits élevés.

M. Dominique Baert. Abyssaux !

M. Michel Sapin, ministre. La dette publique ne cessait de s’accroître, nos entreprises étaient en grande difficulté – souvenez-vous de l’avalanche des plans sociaux – et le pouvoir d’achat, surtout celui des plus démunis, était au point mort.

Il est important de rappeler cette situation initiale, non pas pour nous exonérer de responsabilités, mais pour que chacun ait conscience qu’à notre arrivée au pouvoir en 2012, il n’y avait pas de choix faciles à faire : il y avait uniquement des choix responsables et exigeants. Je crois pouvoir dire que ces choix, nous les avons faits et nous pouvons les assumer.

Durant ces cinq années, nous nous sommes efforcés de mettre en œuvre une stratégie économique de progrès et cohérente, qui a reposé avec constance sur trois piliers : le rétablissement des comptes publics, réalisé à travers une maîtrise dans la durée de nos dépenses ; le renforcement de la compétitivité de nos entreprises, afin que celles-ci, de nouveau, créent des emplois et investissent ; la justice sociale, enfin, car c’est l’essence d’une politique économique de progrès que de renforcer le pouvoir d’achat et d’accroître la protection des plus démunis et des classes moyennes.

C’est également sur cette base que nous avons construit ce budget pour 2017, à savoir l’ensemble constitué par le projet de loi de finances, que nous examinons aujourd’hui, et par le projet de loi de financement de la sécurité sociale, que vous examinerez dès la semaine prochaine – ces deux textes étant, comme chacun le sait, étroitement articulés et dépendants l’un de l’autre.

Je vous en rappelle brièvement les grandes lignes. À partir d’une hypothèse de croissance de 1,5 % en 2017, ce budget prévoit une réduction du déficit à 2,7 % l’an prochain, après 3,3 % cette année. Ce retour sous le seuil des 3 % permettra – d’aucuns diront « enfin » – à la dette publique de se stabiliser et même de légèrement refluer à 96 % du PIB.

J’entends dire ici ou là que ce serait un budget électoraliste, c’est-à-dire construit en fonction d’une échéance électorale. C’est faux. Ce budget, qui est d’abord un budget sérieux et sincère, financera nos priorités et déploiera les moyens nécessaires à leur réalisation. Il mettra enfin en œuvre de grandes réformes, qui conforteront dans les années à venir le pays sur la voie du progrès.

Certains doutent – nous les avons entendus cet après-midi encore – de la sincérité de notre projet. Les spécialistes de droit constitutionnel et de droit des finances publiques ici présents le savent : le mot « sincérité » a une signification clairement établie dans notre langage législatif. Le principe de sincérité budgétaire, établi par la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, interdit – ce qui est nécessaire – à l’État français de chercher manifestement à biaiser les grandes lignes de l’équilibre qu’il présente dans la loi de finances. C’est le Conseil constitutionnel qui est seul juge en la matière. J’aimerais donc que chacun exerce de la retenue dans le choix des mots qu’il utilise pour décrire, voire critiquer, ce qui est tout à fait légitime en démocratie, ce projet de loi de finances.

Se fixer des objectifs ambitieux de réduction des déficits n’entache en rien la sincérité du projet que nous vous présentons. Un budget sincère est un budget qui tient compte de l’ensemble des informations disponibles : c’est bien notre approche, au stade de la présentation du projet de loi de finances et tout au long du débat, pour opérer le cas échéant, comme nous le faisons chaque année, les ajustements nécessaires.

Cela étant dit, je peux tout à fait comprendre les interrogations sur notre prévision de croissance. C’est pourquoi j’aimerais fournir quelques éléments d’explication. Pour construire ce budget, nous avons retenu une hypothèse de croissance de 1,5 % en 2016 et en 2017. C’est exactement celle du programme de stabilité d’avril dernier, tel qu’il a été discuté par votre assemblée. Au printemps, cette prévision était jugée excessivement prudente par la plupart des analystes, qui tablaient sur une croissance de l’ordre de 1,6 % à 1,7 % en 2016.

Plusieurs événements de nature exceptionnelle se sont alors produits en France : d’abord les grèves qui, à la suite des manifestations contre la loi travail, ont perturbé durant quelques semaines la production industrielle ; ensuite les attentats terroristes de l’été, qui ont pesé sur la consommation des ménages et sur le tourisme, sans oublier, à l’étranger, les résultats du référendum britannique. Ces événements ont malheureusement bien eu un impact négatif, bien que ponctuel, sur notre activité.

Face à ces vents contraires, nous avons décidé de maintenir l’hypothèse de 1,5 % pour cette année et l’an prochain. Pourquoi ? Tout d’abord, parce qu’un budget se bâtit sur la stabilité. Si nous devions changer nos hypothèses à chaque fois qu’une enquête de conjoncture est publiée, nous ne nous en sortirions jamais. Deuxièmement, ces facteurs temporaires ne remettent pas en cause la dynamique sous-jacente de reprise qui est la nôtre depuis l’an dernier : l’investissement repart franchement et, surtout, chacun le sait, les créations nettes d’emploi dans le secteur privé sont largement positives, ce qui permet de faire baisser notre taux de chômage sous la barre des 10 %. Les enquêtes de confiance les plus récentes indiquent que la reprise se consolide et confortent notre hypothèse pour 2017.

Enfin, et c’est le plus important, même si nous perdions un ou deux dixièmes de croissance en 2016 par rapport à notre prévision initiale, cela ne remettrait en rien en cause notre objectif de déficit, ni pour cette année ni pour l’année prochaine. Les données disponibles à ce stade de l’année le confirment : les rentrées fiscales et les dépenses constatées sont parfaitement en ligne avec notre engagement de tenir le déficit à 3,3 % cette année. Personne, aujourd’hui, ne met en cause cet objectif, qui était – c’est aussi cela la démocratie – très durement disputé l’année dernière à la même période.

À tous ceux qui doutent de notre sincérité, j’aimerais rappeler que, lorsque Christian Eckert et moi-même sommes arrivés au ministère des finances en 2014, nous n’avons pas hésité à mener une « opération vérité ». Face à une situation qui s’annonçait difficile, nous avons revu nos hypothèses de croissance et de réduction du déficit, car elles n’étaient pas tenables. Nous n’aurions pas hésité à le faire de la même manière cette année si la situation l’avait exigé. Tel n’est cependant pas le cas, et nous tiendrons nos engagements en 2016 et en 2017.

J’aimerais maintenant en venir à l’essentiel, c’est-à-dire au contenu de ce projet de budget. On se perd trop souvent en polémiques de dernière minute sur telles ou telles mesures qui font les gros titres des journaux : un budget, c’est avant tout un cap pour l’année qui vient et les années suivantes. Ce projet de budget pour 2017 s’est fixé des priorités claires et de progrès, pour lesquelles nous avons décidé de dégager des moyens importants.

D’abord, nous creusons le sillon des grandes orientations progressistes que nous nous sommes données depuis le début du quinquennat. Ce budget mettra en œuvre plusieurs mesures qui poursuivront notre action en faveur du pouvoir d’achat des plus démunis et des classes moyennes. Une quatrième baisse consécutive de l’impôt sur le revenu est inscrite dans ce projet de loi de finances pour un montant de 1 milliard d’euros, au bénéfice de 5 millions de foyers fiscaux. Depuis 2014, les baisses cumulées de l’impôt sur le revenu atteindront ainsi 6 milliards d’euros l’an prochain. Au total, ces réformes successives du barème, concentrées entre le quatrième et le huitième déciles des revenus, ont fait nettement baisser l’impôt acquitté par les classes moyennes. Ces mesures ont clairement renforcé la progressivité de l’impôt sur le revenu – c’est aussi cela, la réforme fiscale que nous pouvions souhaiter.

Par ailleurs, cette dernière étape d’allégement de l’impôt des classes moyennes est complétée par une mesure importante bénéficiant spécifiquement aux retraités aux revenus modestes. À compter des dépenses engagées en 2017, le crédit d’impôt accordé pour les dépenses de services à domicile sera généralisé à l’ensemble des contribuables, notamment les plus modestes. Alors que l’avantage fiscal bénéficiait jusqu’à présent uniquement aux retraités imposables, le Gouvernement propose de l’étendre à l’ensemble des retraités, y compris à ceux qui ne sont pas imposables, pour que l’accès aux aides à domicile soit égal pour tous.

Mme Christine Pires Beaune. Très bien !

M. Dominique Lefebvre. Voilà une mesure de justice.

M. Michel Sapin, ministre. Au total, c’est donc 1 milliard via l’allégement de l’impôt sur le revenu et 1 milliard via cette mesure ciblée sur les retraités modestes, soit 2 milliards de baisses d’impôt, qui viendront renforcer le pouvoir d’achat des ménages les moins aisés et des classes moyennes.

Ce budget poursuit également les efforts entrepris pour renforcer la compétitivité des entreprises et leur capacité à créer des emplois, avec la baisse du taux d’impôt sur les sociétés pour les PME à 28 %, le renforcement du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, dont le taux sera porté de 6 % à 7 % des salaires versés, et la réduction des cotisations pour les artisans. Au total, c’est l’équivalent de 40 milliards d’euros de mesures de soutien aux entreprises qui aura été mis en œuvre en 2017 en cumulé, ce qui aura permis à celles-ci – nous pouvons le constater non seulement dans les chiffres globaux, mais également entreprise par entreprise – de reconstituer leurs marges et surtout de recommencer à investir et à embaucher.

Troisième caractéristique : ce projet de budget poursuit l’effort continu de maîtrise des dépenses publiques. Avec une croissance en valeur de 1,6 % en 2017, les dépenses publiques continueront d’évoluer à un rythme modéré et leur part dans le PIB baissera. Je ne le dirai jamais assez, mais ce quinquennat aura marqué une véritable rupture dans la gestion des dépenses : quand celles-ci ont progressé de plus de 3,5 % par an entre 2000 et 2012, nous aurons ramené ce rythme à 1,3 % par an entre 2013, notre premier budget, et 2017, soit un rythme plus que divisé par deux. Ainsi, depuis 2013, les dépenses publiques rapportées au PIB baissent continûment et atteindront 54,6 % en 2017, hors crédits d’impôt, ce qui représente une baisse totale de 1,5 point.

Ce projet de budget 2017 affecte de nouveaux moyens aux priorités qui sont à la fois les nôtres et celles des Français. Tout d’abord, dans le contexte des événements tragiques que le pays a traversés ces derniers mois, nous avons décidé d’accroître les crédits en faveur de la sécurité de près de 2 milliards d’euros. Les moyens de la justice, de la police, de la gendarmerie et de l’armée seront ainsi considérablement renforcés. Au total, nous aurons créé 9 000 postes de policiers et gendarmes, alors que, chacun le sait, 13 000 avaient été supprimés au cours du précédent quinquennat.

Nous avons également décidé la mobilisation de 2 milliards d’euros supplémentaires par rapport à ce qui avait été prévu au printemps dernier en faveur de l’emploi, au travers du plan d’urgence pour l’emploi décidé par le Président de la République en janvier dernier. Alors que notre économie – c’est clair – recrée des emplois, ce plan permet d’intensifier cette reprise et, surtout, de donner aux chômeurs les moyens d’accéder notamment à des formations qualifiantes pour leur permettre de mieux rebondir.

Ce budget 2017 dégagera en outre 3 milliards d’euros de moyens nouveaux pour l’école et l’enseignement supérieur. Grâce à notre action depuis 2012, l’école de la République est de nouveau en mesure de former nos concitoyens aux évolutions du monde d’aujourd’hui et de demain et de jouer son rôle émancipateur afin que chacun, quelle que soit son origine sociale, puisse pleinement participer à la vie de la cité.

Ces trois grandes priorités en termes de dépenses et d’efforts sont la preuve qu’il est possible de construire un budget à la fois responsable et volontaire. Responsable car il maintient l’effort de maîtrise des dépenses publiques ; volontaire car il dégage des moyens pour financer les politiques publiques essentielles au bon fonctionnement de notre démocratie. C’est la preuve qu’il est possible simultanément de mettre en œuvre le sérieux budgétaire, d’agir en faveur de la compétitivité des entreprises et de rendre l’impôt plus progressif tout en renforçant l’action publique dans les domaines prioritaires.

Je qualifierai cette synthèse de progressiste. Ceux qui pensent que, pour faire des économies, il faut obligatoirement passer par des coupes aveugles dans nos dépenses, casser notre modèle social et affaiblir l’État se trompent lourdement. Un État stratège, c’est un État qui fait des choix. Or ces choix, nous les avons faits et ils nous permettent de réaliser ce que je me permettrai d’appeler le triangle vertueux des finances publiques.

Tout d’abord, avec ce budget sincère et sérieux, nous réduisons le déficit public de manière graduelle en faisant des économies structurelles et durables. Ce budget permet ensuite de baisser les impôts et les charges qui pèsent sur les ménages et les entreprises tout en renforçant la justice sociale. Il finance enfin les priorités de notre action, et donne davantage de moyens aux politiques publiques essentielles à la cohésion nationale et à l’efficacité économique du pays.

Diminuer nos déficits, diminuer les impôts et faire face aux enjeux prioritaires de notre pays : tel est le triangle vertueux des finances publiques que nous vous proposons aujourd’hui.

Enfin, j’aimerais évoquer deux mesures de ce budget qui engagent la France dans des réformes importantes et qui porteront des fruits pendant de nombreuses années. Lorsqu’on discute d’un budget et qu’on le vote, on ne le fait pas pour six mois ou pour un an, mais en pensant à la France d’après-demain.

M. Michel Ménard. Absolument !

M. Michel Sapin, ministre. La première mesure est l’engagement de ramener le taux de l’impôt sur les sociétés au niveau de la moyenne européenne de 28 % d’ici 2020. Nous proposons au Parlement de voter d’emblée l’ensemble de cette trajectoire en quatre étapes, afin d’offrir la prévisibilité nécessaire aux entreprises, notamment aux plus grandes qui ont des cycles d’investissement pluriannuels. Les PME, qui connaissent des cycles plus courts, sont ainsi traitées en priorité puisqu’elles verront leur impôt passer à 28 % dès 2017 pour leurs bénéfices jusqu’à 75 000 euros.

La deuxième grande réforme portée par ce projet de loi de finances pour 2017 est la mise en place du prélèvement à la source à partir du 1er janvier 2018. Régulièrement annoncée par les gouvernements de droite comme de gauche et régulièrement repoussée depuis cinquante ans, c’est une réforme importante que nous mettons en œuvre aujourd’hui. Je note avec satisfaction que les critiques et les peurs initiales, inévitables dès lors qu’on veut engager une réforme, sont de plus en plus rares. Cette réforme a été préparée avec le plus grand sérieux par les services de Bercy, dont je veux saluer le travail. La preuve a aujourd’hui été faite, auprès de tous les acteurs concernés, des bienfaits de cette évolution. De fait, cette réforme est désormais irréversible : Christian Eckert et moi sommes fiers d’être ceux qui la conduisent et la proposent dès maintenant à votre vote.

Vous en connaissez le fondement. Chacun a pu connaître au moins une fois dans sa vie ou dans celle de ses proches cette situation où l’on gagne moins d’argent mais où l’on doit payer beaucoup d’impôts parce qu’on avait gagné davantage l’année précédente… L’évolution que nous vous proposons paraît tellement évidente ! Certes, il est nécessaire de prendre en compte les difficultés et les complexités du sujet, de faire en sorte que ce changement soit le plus simple possible pour les entreprises, que les réductions et crédits d’impôts soient pris en compte,…

M. Marc Le Fur. Ils ne le seront que dix-huit mois après !

M. Michel Sapin, ministre. …mais nos concitoyens réclament depuis de nombreuses années de payer leurs impôts en fonction de leurs revenus du moment, et non de ceux de l’année précédente.

Mme Sophie Errante. Tout à fait !

M. Michel Sapin, ministre. Il suffit d’avoir été au chômage une année, d’avoir pris sa retraite – cela nous arrivera à tous ! – ou d’avoir connu des hauts et des bas dans sa vie professionnelle pour savoir combien il est difficile de payer un maximum d’impôts lorsqu’on a un minimum de revenus. Voilà le cœur de cette réforme, dont le bon sens me paraît tellement évident que je ne comprends pas comment on peut la refuser catégoriquement, même si les critiques ou les questions sur sa mise en œuvre sont parfaitement légitimes.

Dans un contexte où la démocratie permet légitimement à chacun d’entre nous de faire des propositions pour l’avenir, j’aimerais que nous prenions tous en héritage cet effort d’assainissement de nos finances publiques. Je demande que certains arrêtent de jouer aux pompiers pyromanes. Alors qu’ils se drapent du voile de la vertu budgétaire, je vois surtout, dans la plupart des programmes, le retour des dérapages de nos finances auxquels nous avons trop longtemps été habitués.

M. Dominique Baert. Eh oui !

M. Michel Sapin, ministre. Les engagements de baisses d’impôts immédiates et les promesses de réduction des dépenses remise à demain sont des péchés auxquels notre pays a trop souvent cédé.

M. Jean-Paul Bacquet. Eh oui !

M. Michel Sapin, ministre. Ces baisses d’impôts sont par ailleurs injustes, car elles bénéficient avant tout aux plus aisés, et ces réductions de dépenses sont douloureuses, car elles se font souvent au détriment des plus faibles.

M. Jacques Dellerie. Comme toujours !

M. Michel Sapin, ministre. Cette stratégie budgétaire reprise en chœur dans un débat récent me semble totalement irresponsable – je pèse mes mots. Pour financer de nouveaux cadeaux aux plus aisés des Français, certains sont prêts à mettre en danger la voix et la souveraineté de la France.

Mme Christine Pires Beaune. En effet !

M. Michel Sapin, ministre. Cette stratégie me semble totalement naïve lorsque ceux qui la défendent pensent que nos partenaires européens y accorderont le moindre crédit. Demander un nouveau délai, a fortiori pour de mauvaises raisons, ce serait prendre le risque de fragiliser plus encore l’édifice européen. C’est peu de dire qu’il n’en a pas besoin ces temps-ci.

Je le rappelle encore une fois ici : la seule stratégie budgétaire crédible et responsable est celle que nous vous proposons aujourd’hui de mettre en œuvre dans la continuité. C’est celle qui consiste en une maîtrise des dépenses publiques équilibrée et durable, qui permet de réduire graduellement le déficit et les prélèvements obligatoires tout en modernisant notre modèle social. C’est la seule voie qui renforcera la cohésion nationale comme la voix de la France en Europe et qui nous permettra de poursuivre notre marche vers le progrès. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et sur quelques bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les députés, comme d’habitude, Michel Sapin a raison : c’est le cinquième projet de loi de finances que nous présentons.

M. Nicolas Sansu et M. Jean-Louis Dumont. Jusqu’ici, nous sommes d’accord ! (Sourires.)

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Nous entrons dans la période d’examen des textes financiers. La semaine prochaine s’ouvrira la discussion générale du projet de loi de financement de la Sécurité sociale. En fin d’année, nous débattrons du projet de loi de finances rectificative, qui sera présenté mi-novembre. Nous débutons donc aujourd’hui l’examen d’un ensemble de textes dont toutes les parties se tiennent et se complètent.

La grande cohérence qui lie ces textes est aussi le reflet de la politique budgétaire conduite par le Gouvernement, une politique dont les différentes mesures sont solidaires les unes des autres et traduisent une même volonté : redresser les comptes publics tout en prenant les mesures qui s’imposent pour rendre la société plus juste et plus solidaire. Les efforts qui, ces dernières années, ont été demandés à tous n’ont jamais eu d’autre visée que de garantir à nos concitoyens le maintien d’un service public de qualité dans tous les territoires de la République. Il n’est pas inutile de le rappeler, en ces temps où les propositions mirobolantes des uns ou des autres semblent faire peu de cas de ce principe de bon sens. Tout au long de ce quinquennat, le Gouvernement a œuvré pour améliorer la solidarité entre nos concitoyens.

M. Dominique Baert. C’est vrai !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est un élément décisif de notre cohésion sociale – je dirai même de notre cohésion nationale. Personne ne doit en douter : meilleurs sont les effets redistributifs de notre système, plus grande est l’adhésion au projet commun de la nation, dont le Gouvernement trace les lignes directrices avant de les soumettre à votre assentiment.

Qu’il me soit permis de rappeler ici la cohérence d’ensemble de la politique budgétaire mise en œuvre depuis 2012. Au début de ce quinquennat, l’état alarmant de nos comptes publics nous imposait de travailler sans plus attendre à leur rétablissement. Nous mesurons aujourd’hui les effets positifs des mesures qui ont alors été prises. Elles prenaient l’exact contre-pied de celles qui avaient trop longtemps prévalu. Baisse du déficit, stabilisation de la dette : voilà deux points d’horizon pourtant capitaux que nos prédécesseurs semblaient avoir perdus de vue.

Que constatons-nous aujourd’hui ? Qu’en 2017, notre déficit public s’établira à 2,7 % du PIB et qu’il repassera donc, pour la première fois depuis dix ans, sous la barre des 3 %, alors qu’il s’élevait à 6,8 % en 2010. Que le déficit de l’État devrait passer sous la barre des 70 milliards d’euros dès cette année et s’établir à 69,3 milliards l’an prochain. Que le déficit de la Sécurité sociale est proche de zéro et que les comptes du régime général seront proches de l’équilibre en 2017, alors qu’ils présentaient – restez assis ! – un déficit record de près de 24 milliards d’euros en 2010. Qu’enfin, la trajectoire des finances locales connaît une réelle inflexion : les collectivités, certes aiguillonnées par l’État, ont pris les décisions nécessaires pour maîtriser leurs dépenses de fonctionnement.

Pour 2017, nous poursuivons le plan d’économies engagé en 2015. Si j’en crois les amendements déposés sur les taxes affectées, dont nous parlerons dans les prochains jours, les efforts demandés à certains organismes par le projet de loi de finances pour 2017 ne sont pas négligeables !

En outre, comme je l’ai longuement exposé devant votre commission des finances, nous avons rempli les engagements pris dans le cadre du pacte de stabilité d’avril dernier. Comme prévu, nous avons réussi à financer les dépenses nouvelles qui s’imposaient – j’y reviendrai –, ainsi que les allégements d’impôts au profit des ménages et des entreprises, tout en documentant, monsieur le président de la commission des finances, 5 milliards d’euros de mesures de redressement complémentaires.

C’est le point de départ de la discussion de ce texte. Bien entendu, le Gouvernement sera très attentif à ce que le débat parlementaire permette de maintenir strictement le solde budgétaire de l’État et celui des administrations publiques prévus dans ce projet de loi de finances. Toute dépense nouvelle, tout allégement complémentaire de fiscalité devra être gagé. Le cas échéant, nous intégrerons les conséquences des débats du projet de loi de financement de la Sécurité sociale et du projet de loi de finances rectificative, ainsi que les informations nouvelles qui pourraient nous parvenir.

Cette méthode exigeante a permis au Gouvernement et à la majorité d’être les artisans du retour à la sécurité financière. Il était devenu urgent de reprendre le contrôle de nos dépenses pour mieux stabiliser la dette, et nous y sommes aujourd’hui parvenus. C’est une force de savoir que notre endettement est sous contrôle. Ainsi, pour la première fois depuis bien longtemps, le programme d’émission à moyen et long termes de l’Agence France Trésor baissera légèrement en 2017.

Le redressement des finances publiques est un des succès de cette législature. Si des comptes en désordre sont le signe d’une nation qui s’abandonne, alors ce quinquennat aura été celui d’une France qui se reprend en main.

Parallèlement à cette remise en ordre des comptes publics, le Gouvernement s’est attelé à la lutte contre les inégalités. Pour ce faire, il a entrepris, par touches successives, une véritable réforme de l’impôt. Si certains auraient souhaité une révolution plus brutale, nous avons dessiné, texte après texte, les contours d’un système d’imposition plus progressif et plus juste.

Ainsi, le barème progressif de l’impôt de solidarité sur la fortune a été rétabli. La création d’une tranche supplémentaire de 45 % a accru la progressivité de l’impôt sur le revenu.

M. Jean-Paul Bacquet. Très bien !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. L’imposition des revenus du capital a été alignée sur celle des revenus du travail.

Mme Christine Pires Beaune. Au grand dam de certains !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Les niches fiscales ont été réduites.

M. Charles de Courson. Hum, hum…

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le quotient familial a été plafonné. À compter de 2014, les classes populaires et les classes moyennes ont bénéficié de baisses d’impôts grâce auxquelles leur niveau de vie a non seulement été préservé, mais s’est même amélioré de manière significative pour les plus démunis de nos concitoyens. Emporté dans le tourbillon des sujets accessoires, on oublie trop souvent de souligner ces résultats, alors même qu’ils sont de nature à restaurer la confiance de nos concitoyens en leur avenir.

J’entends d’ici ceux qui me répondent que cette amélioration s’est faite aux dépens des plus aisés, dont on a exigé – à raison – qu’ils contribuent davantage à l’effort de redressement de nos comptes publics. Nous n’avons pas à rougir de ce parti pris, qui est conforme à nos engagements et à nos valeurs. Que chacun contribue aux charges publiques à raison de ses facultés, c’est un principe pour lequel se sont battus les révolutionnaires de 1789, dont nous sommes les fidèles héritiers.

M. Jean-Claude Buisine et M. Alain Fauré. Tout à fait !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est, pour reprendre la formule de Victor Hugo dans Quatrevingt-treize, « l’immense concession réciproque que chacun doit à tous et que tous doivent à chacun, et qui est toute la vie sociale ».

Les mesures concernant les entreprises ont obéi à la même logique. Dans un premier temps, le Gouvernement a pris des mesures ciblées sur les grandes entreprises, tant pour lutter contre l’optimisation fiscale, comme cela a été le cas avec la non-déductibilité d’une partie des charges financières, que pour soutenir l’investissement au détriment du dividende, ce qui a été fait avec la taxe à 3 % sur les dividendes.

Puis, dans un deuxième temps, le CICE et le pacte de responsabilité et de solidarité sont venus alléger le coût du travail, afin de garantir à tous nos concitoyens leur place sur le marché de l’emploi. Telle a été notre politique fiscale tout au long de cette législature.

Ce gouvernement et cette majorité ont dû répondre à la grande fragilisation de notre tissu productif à la suite de la crise financière. C’est pour y remédier que nous avons fait le pacte et le CICE ; nous l’avons fait avec pragmatisme car, pour l’économie française du début de la décennie, c’était la solution à apporter pour amorcer la relance.

Nous avons dû aussi répondre à la hausse des inégalités à la suite de cette même crise financière. Et c’est pour résorber ces inégalités qu’en cinq ans, nous avons fait une réforme d’ensemble de l’impôt sur le revenu – une réforme favorable aux classes populaires et aux classes moyennes, une réforme conforme à nos valeurs.

Nous avons donc mené une réforme progressive de l’impôt durant ce quinquennat. Je voudrais à présent m’arrêter sur un élément majeur de ce projet de loi de finances : le prélèvement à la source.

La réforme du recouvrement de l’impôt sur le revenu a souvent été annoncée ; jusqu’ici, elle a toujours été différée, alors même que le prélèvement à la source est une mesure profitable à tous les Français. Cette mesure – dont nous discuterons en deuxième partie – bénéficiera à tous les contribuables. Elle leur permettra de mieux appréhender – au moins du point de vue de l’impôt – certains moments clés de leur vie. Avec le prélèvement à la source, les changements de situation, les moments de transition, parfois douloureux, seront très rapidement pris en compte par l’administration fiscale.

Au-delà du simple recouvrement de l’impôt, cette réforme doit être perçue comme un basculement culturel majeur, de nature à réconcilier les Français avec leur service public en modifiant leur rapport à l’impôt.

J’entends certains dire qu’elle ne changera rien, qu’elle ne serait rien de plus qu’une mensualisation obligatoire. Ceux qui le prétendent n’ont visiblement rien compris. Ils n’ont pas encore pris leur retraite – 700 000 de nos concitoyens prennent tous les ans leur retraite ; ils n’ont certainement pas fait l’expérience du chômage – 30 % des foyers fiscaux français connaissent des baisses significatives d’une année à l’autre de leurs ressources ; ils ont peut-être eu des enfants, mais ils n’avaient manifestement aucun problème de trésorerie pour avancer toutes les dépenses que suppose un heureux événement – chaque année, 800 000 de nos concitoyens connaissent une naissance dans leur foyer. Ils n’ont certainement jamais pris de congé parental, d’année sabbatique. Avec le prélèvement à la source, tous les changements de situation connaîtront un alignement quasi immédiat de l’impôt payé.

C’est bien là que réside l’avantage de cette réforme : quand le revenu varie, l’impôt s’adapte. Il s’adapte parce que son assiette est le revenu. Mais il pourra aussi s’adapter si les contribuables demandent un ajustement de leur taux d’imposition en cours d’année.

Je sais que, comme toute réforme, celle-ci peut susciter des craintes face aux changements qu’elle entraînera. Le débat viendra, et nous pourrons aborder chacun des aspects de cette réforme : la confidentialité des informations fiscales des salariés, que nous garantissons ; la réduction au minimum des diligences demandées aux employeurs ; le rôle toujours central et indispensable de l’administration fiscale dans le calcul de l’impôt et la relation au contribuable. Le prélèvement à la source est une promesse que nous tenons,…

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est bien la seule.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …il se fera en 2018, et tous les contribuables gagneront à la réforme.

M. Dominique Lefebvre. Très bien.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. J’en viens à la politique budgétaire que nous avons suivie pendant cette législature. Elle a permis une baisse continue du déficit public, je l’ai déjà souligné. Mais elle a aussi permis de dégager les moyens nécessaires pour rendre la vie meilleure dans ce pays. Car il y a eu une constante au cours de cette législature, c’est que nous n’avons jamais hésité à dégager les moyens nécessaires au profit de ceux qui ont besoin de l’aide de l’État : c’est le plan pauvreté qui a revalorisé de 10 % au-delà de l’inflation le revenu de solidarité active, le RSA ; pour ceux qui travaillent, c’est la prime d’activité ; pour nos jeunes, ce sont les revalorisations des bourses, les créations de postes d’enseignants, la garantie jeunes.

L’aide aux plus démunis a été la ligne directrice de notre politique budgétaire. Les politiques de solidarité et d’insertion ont bénéficié de 1,9 milliard d’euros de moyens supplémentaires entre 2013 et 2017. Pour l’accès et le retour à l’emploi, pour la formation professionnelle, ce sont 2,4 milliards d’euros de dépenses nouvelles qui ont été autorisées.

À côté de ce fil rouge, la sécurité des Français a exigé que nous relevions des défis que personne n’avait prévus en 2012. Ces défis, nous y avons fait face, tout en respectant notre contrainte budgétaire : nous avons mis tous les moyens nécessaires sur la défense, la police, la gendarmerie, la justice. Depuis la loi de finances initiale pour 2015, les moyens budgétaires alloués à ces différents secteurs ont progressé de près de 2,7 milliards d’euros.

Et dans le même temps où nous dégagions ces nouveaux moyens pour les Français, nous avons réduit les dépenses les moins utiles. C’est ce qui explique que nous ayons diminué de 6,9 milliards d’euros la dépense de l’État sur la législature, à périmètre constant : une baisse en euros sonnants et trébuchants, monsieur le président de la commission des finances ; pas par rapport à un tendanciel ; de loi de finances à loi de finances, de loi de règlement à loi de règlement.

M. Dominique Baert. Voilà qui est clair. M. Carrez a compris !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Mais il va répondre !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cette prudence et cette prévoyance ne me semblent malheureusement pas partagées par tous ceux qui siègent dans cette assemblée – ils se reconnaîtront. À entendre les propositions du principal parti d’opposition,…

Mme Marie-Christine Dalloz. Voilà !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …j’éprouve un mélange de désolation pour le manque d’imagination de leurs promoteurs,…

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Vous en avez l’air !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …mais surtout d’inquiétude pour notre pays, et quelque part de la colère face à la dilapidation annoncée des efforts des Français.

M. Dominique Baert. Chèrement acquis.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Une dette à plus de 100 % du PIB – c’est ce que vous écrivez –, plus importante que toute notre richesse nationale d’une année ! Un déficit à plus de 4 % du PIB ! Il est toujours commode de justifier ce déficit en se réfugiant derrière la prétendue insincérité supposée de notre budget.

Mais, monsieur le président de la commission des finances, mesdames et messieurs les rapporteurs spéciaux de l’opposition, vous avez des pouvoirs de contrôle sur pièces et sur place ! Vous semblez voir le déficit augmenter l’an prochain : venez donc à Bercy, les portes vous en sont ouvertes ! Venez prendre toutes les informations dont vous avez besoin pour donner un avis sur le déficit de l’an prochain !

M. Alain Fauré. Voilà !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Au moins, vous cesseriez d’attiser les peurs sur l’état de nos finances et nous pourrions débattre sur des chiffres, sur des faits, avoir une discussion un peu argumentée ! Mais vous ne voulez pas faire ce travail. Tout cela n’est que prétexte. Notre budget conduit à un déficit inférieur à 3 % l’an prochain. Vous, vous parlez de 3,5 %, de 4 %, voire de 4,5 % – pour M. Fillon, je crois. C’est admettre dès maintenant que vos cadeaux fiscaux feront augmenter le déficit !

M. Alain Fauré. Eh oui !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Car c’est le grand retour des cadeaux fiscaux. Tout votre programme fiscal est organisé autour d’une idée : payer le prix du soutien que vous apportent ceux qui, dans ce pays, sont les plus aisés. Comment comprendre autrement la suppression de l’ISF, la baisse des successions pour les plus riches ou la baisse de 10 % de l’impôt sur le revenu ? Qui profitera de la baisse de 10 % de l’impôt sur le revenu ?

Mme Véronique Louwagie. Les ménages.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Certainement pas ceux qui n’en paient pas : 10 % de zéro, c’est zéro. Qui en profitera le plus ? Certainement ceux qui en paient le plus. Par définition, ce sont ceux – j’en reviens au principe constitutionnel – dont la capacité contributive est la plus forte. Comment financerez-vous ces baisses ? Par des économies sur les retraites, l’éducation, les minima sociaux, par la suppression de l’aide médicale d’État, qui vous est chère – un milliard de dépenses ?

Mme Véronique Louwagie. Plus d’un milliard !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ou en supprimant l’aide au développement ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Et si vous parliez de votre projet de loi de finances ?

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Ils en ont honte, c’est pour cela qu’ils n’en parlent pas !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je veux mettre en garde la représentation nationale contre les déséquilibres inscrits dans les projets que vous portez.

Certains disent que la droite et la gauche n’existent plus, mais ils n’ont pas lu le programme des Républicains : donner plus à ceux qui ont beaucoup et demander des économies à ceux qui ont peu. Tel est le programme de la droite, et c’est tout le contraire de ce que nous avons fait depuis cinq ans ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Vous voulez supprimer 300 000 fonctionnaires : donnez-nous la liste !

M. François André. Oui !

Mme Marie-Christine Dalloz. Et vous, vous voulez augmenter leur nombre !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Lesquels ? Pas dans la défense, la police, la gendarmerie, ni dans les hôpitaux – comme je l’ai entendu récemment. Donnez-nous la liste de ces 300 000 fonctionnaires !

Mme Marie-Christine Dalloz. Il ne s’agit pas de discuter du programme de la droite ! Les Français jugeront et voteront !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Tenir de tels propos, c’est emmener le pays dans une impasse et décrédibiliser la parole politique.

La commission des finances a travaillé. Nous avons attentivement suivi ses travaux et enregistré les amendements qui ont pu être adoptés, ceux qui ne l’ont pas encore été ou ceux qui ont été déposés depuis. Comme d’habitude, le Gouvernement travaillera avec vous à rectifier, corriger, amender ses propositions avec le souci permanent de ne pas dégrader le solde – c’est pour nous un impératif –, mais aussi d’intégrer les mesures qui nous paraissent efficaces et justes.

Depuis cinq ans, nous avons mené une politique dont nous pouvons être fiers. Elle a conduit à tout mettre en œuvre – c’est essentiel, et nous en parlerons abondamment dans le PLFSS – pour préserver notre modèle social, bref, une politique responsable.

Je nous invite, même si je peux moi aussi parfois adopter un ton provocateur – mais j’entends tellement de choses que cela mérite nécessairement réponse –, à éviter les caricatures, les postures – certes commodes et prisées dans les périodes pré-électorales –, les raccourcis. Tenons-nous en aux faits, aux analyses. Essayons au moins d’en partager l’essentiel et – pourquoi pas ? – posons le débat « projet contre projet ». Nous attendons ce débat avec gourmandise…

Mme Marie-Christine Dalloz. La gourmandise est un vilain défaut.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …c’est l’un de mes défauts, mais aussi avec sérénité – et l’on me prête parfois cette qualité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et sur quelques bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Marc Le Fur. Ce sera peut-être plus sérieux !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, nous entamons la discussion du dernier projet de loi de finances initiale de cette législature. C’est donc l’occasion de dresser un premier bilan et de poursuivre les démarches engagées.

Un budget poursuit toujours plusieurs objectifs : assurer l’équilibre et la conduite des finances publiques, soutenir l’économie française, et pour certains, dont notre majorité fait partie, faire en sorte qu’il y ait une véritable redistribution des richesses pour que chacune et chacun se sente vraiment partie prenante dans notre aventure économique collective.

Poursuivre trois objectifs aussi ambitieux est très difficile. Certains diront que c’est impossible. Nous faisons partie, quant à nous, de ceux qui pensent qu’au contraire, c’est possible – mais, bien sûr, à plusieurs conditions.

J’évoquerai d’abord l’équilibre des finances publiques. Il s’agit d’un objectif, parce que c’est une condition indispensable pour disposer d’une marge de manœuvre. Quand on est lesté d’un déficit abyssal, on ne peut rien faire. Or, pour la première fois depuis 2008, un projet de loi de finances propose un déficit public qui se situe sous la barre des 3 % du PIB.

M. François André. Très bien !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je rappellerai quelques chiffres à nos collègues de l’opposition : en 2009, le déficit a atteint un niveau record de 7,2 % du PIB et se situait, en 2011, à 5,1 % du PIB. En 2015, il a été ramené à 3,5 % du PIB. Le déficit public a ainsi été réduit de plus de 1,5 point de PIB depuis le début de la législature. En 2016 et 2017, il devrait être ramené successivement à 3,3 % et 2,7 % du PIB. Au total, c’est une réduction de 40 milliards d’euros du déficit qui aura été engrangée.

Cette réduction n’est pas le fruit du hasard. Elle résulte pour l’essentiel d’une maîtrise inédite de la dépense publique. Alors que cette dernière a augmenté chaque année de plus de 36 milliards d’euros sonnants et trébuchants entre 2002 et 2007, et de plus de 34 milliards d’euros entre 2007 et 2012, la progression aura été réduite à 18 milliards d’euros entre 2012 et 2017.

Si l’on compare maintenant la vitesse de progression de la dépense publique à notre capacité collective à créer plus de richesse, les chiffres sont tout aussi implacables : entre 2002 et 2012, la dépense publique a augmenté de 40 %, tandis que le PIB n’augmentait que de 30 %. Chacun comprendra qu’un tel décalage plombe pour de nombreuses années l’économie française.

M. Pascal Terrasse. C’est une taxe sur les naissances !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Depuis 2012, la dépense publique n’augmente pas plus vite que notre capacité collective à créer de la richesse. C’est un résultat indéniable.

Pour l’année 2017, l’objectif est d’atteindre 2,7 % du PIB, ce qui suppose une baisse du déficit de 11,5 milliards d’euros par rapport à 2016. Pour y parvenir, le Gouvernement mise sur une hausse des recettes de l’ordre de 31,7 milliards, conforme à l’évolution du PIB en valeur, et sur une hausse des dépenses publiques limitée à 20 milliards d’euros. En commission des finances, nous avons fait la démonstration du bouclage de cette équation : les enchaînements fonctionnent, sous réserve bien entendu de l’hypothèse de l’évolution « naturelle », qui était de 23,7 milliards d’euros.

Revenons aux dépenses publiques, sur lesquelles l’effort consenti est réalisé sans affecter les priorités que sont l’éducation, l’emploi et la sécurité. Pour 2017, la sécurité bénéficiera ainsi de 2 286 créations de postes supplémentaires au sein de la police nationale et de la gendarmerie et de 1,6 milliard d’euros de plus par rapport à 2016. La politique de l’emploi bénéficiera quant à elle d’une augmentation de 1,8 milliard d’euros de ses crédits budgétaires. Pour l’éducation, les 60 000 postes seront bien recréés dans leur totalité d’ici fin 2017.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il va falloir se dépêcher !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. À propos des dépenses exceptionnelles, nous avons eu un débat en commission et avons interrogé le commissaire européen sur la possibilité de déduire ces dépenses ou de disposer d’une certaine flexibilité quant à leur prise en compte dans le déficit maastrichtien.

Je tiens aussi à évoquer brièvement la sincérité du budget. Nos collègues de l’opposition ont dit beaucoup de choses à ce propos, mais je ne suis pas certaine que leurs dires soient pleinement sincères.

Mme Marie-Christine Dalloz. Nous allons les étayer !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Madame Dalloz, la « sincérité budgétaire » est une notion juridique précise – et, ajouterai-je, sérieuse.

Mme Marie-Christine Dalloz. Rigoureuse !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Selon le Conseil constitutionnel, « la sincérité de la loi de finances de l’année se caractérise par l’absence d’intention de fausser les grandes lignes de l’équilibre qu’elle détermine ». Seule une « erreur manifeste » dans l’évaluation des recettes pourrait entraîner une censure du Conseil constitutionnel.

En l’espèce, le Gouvernement retient, pour calculer les recettes, une prévision de croissance de 1,5 %, soit légèrement moins que la prévision de l’INSEE. Je rappelle que, pour le PLF 2012, le gouvernement de François Fillon avait retenu une prévision de croissance de 1,75 %, alors que le consensus s’établissait à 1,2 %. L’écart était donc de plus de 0,5 point entre la prévision de croissance retenue pour le PLF 2012 et le consensus qui s’exprimait alors. Or, le Conseil constitutionnel n’avait nullement censuré le budget, alors même que l’écart entre l’hypothèse du Gouvernement et le consensus était bien plus élevé qu’aujourd’hui. Il faudrait donc un revirement extraordinaire – quasi tectonique – de la jurisprudence du Conseil constitutionnel pour que vous puissiez attaquer ce budget.

J’en viens aux recettes. Les prélèvements obligatoires rapportés au PIB devraient rester stables, avec même une légère baisse pour les entreprises. Pour les ménages, ces prélèvements obligatoires représentent environ 25 % du PIB. Nous avons collectivement voulu protéger le pouvoir d’achat des Français, et nous sommes plusieurs sur ces bancs à y voir une priorité absolue.

Aussi ce projet de loi de finances prévoit-il une nouvelle baisse d’impôt sur le revenu. L’intégration de cette baisse se traduit, entre 2012 et 2017, par la configuration suivante. Tout d’abord, on commence à payer de l’impôt sur le revenu plus tard, c’est-à-dire pour des revenus plus élevés qu’en 2012. Ainsi, alors qu’en 2012, un célibataire commençait à payer de l’impôt sur le revenu s’il gagnait plus de 13 490 euros sur l’année, ce ne sera le cas, en 2017, que s’il perçoit plus de 16 410 euros de revenus annuels. Cela revient à dire qu’entre 13 490 euros et 16 410 euros, on ne paie plus d’impôt sur le revenu.

Prenons maintenant l’exemple d’un couple avec deux enfants. En 2013, sur la base de ses revenus de 2012, il commençait à payer de l’impôt sur le revenu s’il gagnait plus de 27 160 euros sur l’année. En 2017, ce ne sera le cas qu’au-delà de 41 415 euros de revenus annuels. Chacun aura bien compris que tous ceux qui se trouvent dans ces tranches intermédiaires ne paieront plus d’impôt sur le revenu. Voilà pour l’entrée dans l’impôt sur le revenu.

Deuxièmement, 14 millions de ménages fiscaux acquittant l’impôt sur le revenu ont vu cet impôt baisser entre 2012 et 2017. C’est le cas des contribuables dont le revenu déclaré se situait entre 12 627 et 28 915 euros par unité de consommation – un ménage peut comporter plusieurs unités de consommation, un célibataire n’en représentant qu’une seule. Je me permets d’insister sur ces chiffres.

L’impôt sur le revenu, qui figure dans tous les projets de loi de finances, a ainsi dégagé du pouvoir d’achat pour de très nombreux ménages. Ont en revanche augmenté d’autres taxes, qui ne sont pas à la main de l’État et ont pu endommager le pouvoir d’achat de certains de nos concitoyens.

Dans le même sens, la commission des finances a adopté un amendement supprimant la contribution exceptionnelle d’un euro sur la contribution à l’audiovisuel public. Nous estimons en effet qu’il est essentiel, dans la période actuelle, de protéger le pouvoir d’achat des ménages.

M. Pascal Terrasse. Très bien !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Pour ce qui est de la fiscalité des entreprises, j’approuve pleinement la réorientation de la troisième étape du pacte de responsabilité et de solidarité, notamment en faveur des PME. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, notre commission a souhaité aller un peu plus loin en faveur des PME en adoptant un amendement étendant à toutes celles-ci le taux de 15 % d’imposition sur les 38 120 premiers euros de résultat net. Nous aurons certainement l’occasion d’y revenir, mais il nous paraît essentiel de donner un signal aux PME dans cette discussion budgétaire.

M. Pascal Terrasse. Absolument !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. À l’initiative de notre collègue Romain Colas, notre commission a adopté un amendement visant à remettre un peu de justice sociale dans le système d’attribution d’actions gratuites. Que ces dernières puissent, lors du lancement d’une entreprise, bénéficier d’une fiscalité très avantageuse, nous en sommes d’accord, mais qu’elles en bénéficient aussi lorsqu’elles sont distribuées à des cadres dirigeants d’entreprises du CAC 40, alors que cet avantage est nécessairement payé par l’État, c’est-à-dire avec les deniers publics, et donc par l’ensemble des citoyens, cela ne me semble pas devoir perdurer.

M. Gaby Charroux. En effet.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Ce projet de loi de finances est aussi l’occasion de s’intéresser à l’économie du futur. C’est ainsi que la commission des finances a voulu donner un premier signal en adoptant l’amendement de nos collègues Bruno Le Roux et Karine Berger tendant à instaurer ce qui pourrait être décrit comme une taxe sur les plateformes, afin que la richesse créée en France puisse aussi faire l’objet d’une forme de fiscalité dans notre pays. Nous reviendrons aussi sur ce point.

Enfin, près du quart des amendements déposés en commission des finances portaient sur la fiscalité écologique, proposant tant des hausses que des baisses ou des réajustements – il y en avait un peu pour tous les goûts.

Dans ce domaine, la commission a adopté trois amendements visant à « verdir » la fiscalité sans l’alourdir, trouvant là un consensus. Nous avons ainsi voté l’alignement progressif sur cinq ans de la déductibilité de la TVA sur les achats d’essence et sur ceux de  gazole pour les véhicules de société. Notre commission a également adopté deux amendements destinés à soutenir le gaz naturel pour les véhicules : le premier limite la hausse de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques et le second étend le bénéfice du suramortissement à l’acquisition de certains véhicules.

J’aborderai enfin les collectivités locales. Les concours financiers de l’État à celles-ci se composent de plusieurs vecteurs, qui sont aussi bien la dotation globale de fonctionnement – DGF – et ses composantes de péréquation que des exonérations en partie compensées par l’État aux collectivités locales. Le problème est que, dans le cadre d’une norme, l’augmentation du montant de l’un de ces vecteurs suppose la diminution de l’autre afin de respecter l’équilibre de la norme. De la sorte, lorsque le montant des compensations à opérer augmente, cette augmentation est prise sur l’enveloppe allouée à la péréquation. Inversement, lorsque les dotations de péréquation augmentent, l’enveloppe allouée à la compensation des exonérations diminue. Si, dans le même temps, le montant à compenser au titre des exonérations augmente, son augmentation est payée par l’ensemble des collectivités locales.

Au bout du compte, lorsqu’on met bout à bout les éléments de cette équation, on constate que la DGF est réduite de 2,36 milliards d’euros, au lieu des 3,7 milliards d’euros annoncés, mais que la résultante des exonérations conduit en revanche l’État à faire financer 787 millions d’euros aux collectivités locales. La somme des deux fait apparaître un impact budgétaire un peu plus élevé que prévu pour les collectivités locales. La commission des finances a jugé que ce n’était pas acceptable et a donc voté l’amendement de notre collègue Christine Pires Beaune.

Nous avons ainsi supprimé l’élargissement des variables d’ajustement à la dotation de compensation de réforme de la taxe professionnelle des départements et des régions, qui représentait pour les collectivités une perte de 462 millions d’euros. Nous avons par ailleurs souhaité que le budget de l’État prenne en charge le rééquilibrage de l’enveloppe de la dotation globale de fonctionnement des communautés d’agglomération, soit 70 millions d’euros.

Cela nous paraît d’autant plus important qu’il faut laisser aux collectivités locales de la marge de manœuvre pour investir. La France a tous les atouts pour réussir, mais elle a besoin de carburant. C’est un peu comme si nous avions une superbe voiture de course : si on n’y met pas de carburant, il est impossible d’en tester toutes les fonctionnalités.

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous y mettez du diesel !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Sans carburant, elle ne démarre pas. Or l’un des carburants de notre économie est l’investissement. Comme le disait François Mitterrand, le progrès n’a que l’âme de celui qui s’en sert. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, nous voulons être cette âme qui se sert du progrès, et cela passe par l’investissement.

L’investissement privé redémarre timidement, malgré les soutiens publics qui lui ont été apportés. Notre commission a donc souhaité conserver les dispositions fiscales relatives à la prospection commerciale. Nous avons également souhaité reporter à 2018 la suppression de l’amortissement accéléré pour les logiciels, notamment parce que certaines PME auront besoin d’acheter un logiciel pour mettre en place le prélèvement à la source.

M. Marc Le Fur. Un gros logiciel !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Quant à l’investissement public, qui représentait 4,1 % du PIB en 2007, il n’a pas encore retrouvé son niveau et se situe aujourd’hui à 3,6 %. Je me réjouis donc particulièrement du lancement du troisième programme d’investissements d’avenir – PIA –, d’un montant de 10 milliards d’euros, annoncé dans ce projet de loi de finances. Il faut cependant aller plus loin, ce qui suppose de ne pas entraver les collectivités locales, de les soutenir.

La discussion en première lecture, en présence des ministres, nous permettra de nouveau d’aborder l’ensemble de ces sujets avant de nous prononcer, je l’espère, par un vote positif sur cette première partie du projet de loi de finances pour 2017. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et sur quelques bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Pupponi, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.

M. François Pupponi, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure générale, chers collègues, pour la troisième année consécutive, la commission des affaires économiques s’est saisie pour avis de la première partie du projet de loi de finances, en se concentrant sur les articles relatifs au logement et à la politique de la ville.

Depuis le début de l’année 2016, le secteur de la construction de logements repart : les ventes de logements neufs ont augmenté de 30 % en un an et les mises en chantier sont reparties à la hausse pour la première fois depuis 2011. Cette embellie est en partie due au niveau très bas des taux d’intérêt des crédits immobiliers, mais tous les professionnels reconnaissent également que les mesures fiscales adoptées depuis deux ans par notre Parlement ont favorisé cette reprise. Je pense en particulier à la réduction d’impôt dite Pinel, mais aussi à l’élargissement du prêt à taux zéro – le PTZ – pour les primo-accédants, décidé l’année dernière. Dans le domaine de la rénovation énergétique des logements, les chiffres sont également très bons grâce au crédit d’impôt pour la transition énergétique – le CITE –, utilisé par plus de 600 000 ménages en 2015.

Le projet de loi de finances de cette année nous propose donc une certaine stabilité fiscale en prolongeant d’un an le dispositif Pinel et le CITE. Cette stabilité, nécessaire, est demandée par tous les professionnels et les particuliers. La commission des affaires économiques a donc émis un avis favorable à l’adoption de l’article 10, qui prolonge le CITE jusqu’au 31 décembre 2017 et autorise son cumul sans condition de ressources avec l’éco-prêt à taux zéro, dit éco-PTZ.

La commission des affaires économiques a également adopté huit amendements qui visent principalement à renforcer la mixité sociale dans les quartiers de la politique de la ville, conformément aux orientations arrêtées par le Comité interministériel à l’égalité et à la citoyenneté du 6 mars 2015. Tous ces amendements vont dans le même sens : il s’agit de corriger des anomalies législatives pour favoriser davantage encore la construction de logements, en particulier de logements intermédiaires, dans les quartiers où il en existe peu. Il s’agit également de faire le lien entre les dispositifs fiscaux et les mesures prévues dans le projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté, actuellement en discussion au Sénat.

Dans ce domaine aussi, de nombreux progrès ont déjà été réalisés. Depuis le 1er janvier 2015, un taux réduit de TVA de 5,5 % s’applique aux opérations d’accession sociale à la propriété dans les 1 500 quartiers prioritaires de la politique de la ville – les QPV – et dans une bande de 300 mètres autour d’eux, alors que cette mesure était auparavant limitée aux 200 quartiers dits « ANRU » – Agence nationale pour la rénovation urbaine.

Des études montrent que ce dispositif est un succès : ainsi, en Île-de-France, 27 % des ventes en accession à la propriété se sont faites en 2015 dans et autour des QPV, contre 0 % précédemment. Le taux réduit de TVA a donc eu un effet massif sur la localisation de la production et a permis de diversifier tant l’habitat que les parcours résidentiels dans ces quartiers.

Fort de ce succès, le Président de la République a annoncé à Romainville, le 8 avril dernier, que ce dispositif serait élargi à une bande de 500 mètres autour des QPV, comme c’était le cas pour la TVA dite « ANRU » jusqu’en 2014. La commission des affaires économiques vous proposera donc un amendement en ce sens. Votre rapporteur a noté que le Gouvernement présentera également un amendement, certes différent mais allant dans le même sens.

Le second outil permettant de diversifier l’habitat dans les quartiers de la politique de la ville est le logement intermédiaire. Depuis 2014, le logement intermédiaire, dont les plafonds de ressources et de loyers se situent entre le logement social et le logement libre, bénéficie d’un taux réduit de TVA de 10 %. Le Comité interministériel à l’égalité et à la citoyenneté a décidé d’encourager la construction de logements intermédiaires dans les QPV et les quartiers ANRU afin d’y renforcer la mixité sociale grâce à la venue ou au maintien de classes moyennes. Or, les plafonds de loyers et le taux de TVA prévus par la loi sont trop élevés pour ces quartiers. Des opérateurs, comme la SNI, refusent d’y aller pour l’instant. Un amendement de la commission des affaires économiques vous propose donc d’accorder un taux réduit de TVA de 5,5 % pour le logement intermédiaire dans les QPV et de créer des plafonds de loyers spécifiques, inférieurs de 15 % aux plafonds classiques. Ces logements intermédiaires bonifiés en QPV se situeraient entre le logement social et le logement intermédiaire classique.

Par ailleurs, un autre amendement proposera que les opérations de construction de logements intermédiaires soient exonérées de la nécessité de comporter 25 % de logements sociaux si ces opérations se situent dans une commune comptant déjà plus de 35 % de logements sociaux. La loi de finances pour 2015, à l’initiative de notre commission, avait exonéré de cette condition les logements intermédiaires construits dans les quartiers ANRU et dans les communes comptant déjà plus de 50 % de logements sociaux, afin que le logement intermédiaire y soit véritablement un facteur de mixité sociale. Cependant, le taux retenu est élevé afin que ces dispositions ne s’appliquent que de manière très isolée. Nous souhaitons donc perfectionner le dispositif adopté l’année dernière.

À titre personnel, j’ai également déposé plusieurs amendements concernant ces territoires prioritaires de la politique de la ville, portant sur la question des compensations d’abattements et exonérations d’impôts directs locaux, en particulier liés au logement social. Mme la rapporteure vient d’évoquer les réels problèmes posés par la non-compensation dans les quartiers les plus défavorisés, là où le logement est concentré. Au regard de l’impact financier important, mais dont l’ampleur reste mal connue dans l’attente de la transmission des chiffres promis ici même l’an dernier, je proposerai à notre assemblée que l’État compense intégralement ces abattements et exonérations, ou bien que les collectivités locales puissent délibérer sur la non-application de ces dispositifs dans leur territoire.

S’agissant de la politique de la ville elle-même, je proposerai un certain nombre de mesures pour renforcer ses moyens et ceux de la péréquation, notamment par une augmentation de 50 millions d’euros de la dotation politique de la ville. Puisque la DSU – dotation de solidarité urbaine – « cible » sera réformée dans ce projet de loi de finances, il me paraît important de compenser cette moindre évolution pour les communes les plus pauvres.

Enfin, j’ai déposé un amendement visant à traduire l’engagement pris par le Premier ministre au congrès de l’USH – Union sociale de l’habitat –, en présence de notre collègue Jean-Louis Dumont, d’un retour de l’État dans le financement de l’ANRU, en proposant qu’une enveloppe soit prévue annuellement dans la loi de finances.

Voilà, mes chers collègues, ce que propose la commission des affaires économiques. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Dominique Baert. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Bardy, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

M. Serge Bardy, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure, chers collègues, pour la deuxième fois de son histoire, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire s’est saisie pour avis de la première partie du projet de loi de finances. Ce projet est à la fois le dernier de la législature et le premier depuis l’accord de Paris de décembre 2015. Le président Jean-Paul Chanteguet a souhaité que cette saisine permette à nouveau à la commission de s’assurer de la cohérence du projet de loi de finances avec les engagements pris par le Gouvernement en matière de développement durable. L’accord de Paris et l’adoption des lois relatives à la transition énergétique et à la biodiversité rendent cet exercice plus que jamais pertinent.

Ce projet de loi de finances tranche avec celui de l’an dernier, lorsque mon prédécesseur, Jean-Yves Caullet, regrettait qu’« aucune disposition ne concerne le développement durable ». Il s’agit au contraire du budget le plus favorable au développement durable de ce quinquennat. Ainsi, le budget du ministère de l’environnement est en hausse de 7 % par rapport à l’an dernier, ce que la commission du développement durable a bien évidemment accueilli avec satisfaction.

Cette augmentation traduit la mise en œuvre des lois environnementales votées par notre assemblée, ouvrant les crédits nécessaires à la naissance de l’Agence française pour la biodiversité, laquelle disposera de soixante créations d’emplois sur un total de 1 227 agents. Les crédits destinés à financer les actions en matière de biodiversité augmenteront de 4 millions d’euros.

En 2017, 60 % des investissements verts du troisième programme d’investissements d’avenir seront consacrés à la transition énergétique et seront financés par des obligations vertes d’État, ou green bonds, que la France sera le premier pays à émettre. Le fonds de financement de la transition énergétique et de la croissance verte, créé par la loi du même nom, sera abondé de 250 millions d’euros en 2017. Il concernera désormais 500 territoires à énergie positive.

Les énergies renouvelables bénéficieront d’un milliard d’euros supplémentaires, soit 7 milliards au total. Cette montée en puissance sera financée par l’augmentation du prix de la tonne de C02, qui passera de 22 euros en 2016 à 30,50 euros en 2017, conformément à la trajectoire que notre assemblée a fixée l’an dernier sur proposition de la commission du développement durable.

La loi pour l’économie bleue, adoptée au printemps, connaîtra également une traduction budgétaire. Les crédits destinés à accroître l’attractivité du pavillon français seront augmentés de 19 millions d’euros et ceux consacrés à la préservation de la sécurité et de la sûreté de la navigation de 3,7 millions d’euros.

Enfin, le ministère investit également dans la sûreté nucléaire en dotant l’Autorité de sûreté nucléaire et l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire respectivement de trente et de vingt agents supplémentaires.

La commission du développement durable a concentré son action sur cinq articles de cette première partie du projet de loi de finances pour 2017. L’article 10 proroge d’une année le crédit d’impôt pour la transition énergétique, mis en œuvre le 1er septembre 2014 et dont les dispositions devaient, à l’origine, s’éteindre au 31 décembre 2016. Ce dispositif fiscal, qui favorise des dizaines de milliers d’emplois non délocalisables, a pour objectif d’inciter les ménages à s’engager dans une démarche d’amélioration de la performance énergétique des logements : sa prorogation constitue donc une excellente nouvelle. Cet article supprime par ailleurs la condition de ressources pour le cumul du CITE et de l’éco-prêt à taux zéro, dans le but de favoriser l’accès de tous les ménages au dispositif.

L’article 11 donne la possibilité au Syndicat des transports d’Île-de-France de financer ses projets en augmentant de quelques centimes, s’il le souhaite, la TICPE – taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques – perçue sur les carburants essence et gazole commercialisés sur le territoire de la région Île-de-France. Je m’étonne toutefois que la majoration ne soit pas la même pour le gazole et pour les autres carburants : même si l’écart est faible et ne porte que sur un dixième de centime, cela me semble être un mauvais signal.

L’article 22 du projet de loi de finances vise à augmenter les recettes du compte d’affectation spéciale « Transition énergétique ». L’objectif consiste à équilibrer le solde du compte en mettant à contribution les énergies carbonées pour un montant représentatif de la hausse du prix de la tonne carbone entre 2016 et 2017, selon la trajectoire adoptée en loi de finances rectificative pour 2015, adoptée à l’unanimité par la commission du développement durable avec le soutien remarqué de l’opposition. Cela doit nous permettre d’atteindre un prix de 56 euros en 2020.

Compte tenu des dispositions inscrites dans l’article 22, la contribution de la TICGN – taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel – sera portée en 2017 à 341 millions d’euros, celle de la TICC – taxe intérieure de consommation sur les houilles, lignites et cokes – sera réduite à 1 million d’euros et celle de la TICPE portée à 1 389 millions d’euros.

L’article 23 modifie et détaille le barème du malus automobile du compte d’affectation spéciale « Aide à l’acquisition de véhicules propres ». Le seuil d’application du barème est abaissé à 127 grammes d’émission de dioxyde de carbone – ou C02 – au kilomètre, les véhicules dont les émissions sont inférieures à ce seuil n’étant pas pénalisés. Par ailleurs, alors que l’ancien barème imposait un malus par tranches, le nouveau barème lisse, gramme par gramme, les pénalités qui sont infligées, de manière à éviter les effets de seuil induits par l’ancien dispositif.

Le bonus de 10 000 euros versé aux acheteurs de véhicules électriques est prorogé. Il est complété par un bonus de 1 000 euros versé aux acheteurs de scooters et de deux-roues électriques.

Concernant les transports, l’article 24 relève le niveau de la taxe d’aménagement du territoire affectée au compte d’affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs » afin d’assurer l’équilibre de ce compte sans augmenter la fiscalité pesant sur le système ferroviaire.

La commission du développement durable a par ailleurs souhaité aborder la question du financement de la politique des transports au travers d’amendements visant à augmenter les recettes de l’AFITF – Agence de financement des infrastructures de transport de France – via une augmentation de la TICPE, ce qui sera indolore pour les ménages étant donné le faible montant des carburants actuellement. Le sujet est crucial, puisque nous devons nous donner les moyens d’une politique des transports ambitieuse pour l’avenir de notre pays.

Au-delà de ces cinq articles, un mot tout de même sur la réforme de la taxe additionnelle sur les activités polluantes, dite TGAP. Sur ce point, le cabinet de la ministre m’a indiqué que le Gouvernement avait fait le choix de reporter la réforme au projet de loi de finances rectificative. On peut évidemment le regretter. La commission du développement durable a toutefois souhaité déposer des amendements d’appel afin d’aborder dès maintenant la question de la gestion des déchets, qui ne doit pas être le parent pauvre de la fiscalité écologique.

Je me permets, dans le cadre du rôle qui m’est confié, d’apporter des idées nouvelles et de poser les jalons des débats de demain sur le verdissement de notre fiscalité. Dans cette optique, je réponds à l’engagement de la ministre Ségolène Royal, qui souhaite que Paris devienne la « capitale de la finance verte », en abordant un débat d’avenir : le fléchage de l’épargne des Français vers des investissements plus durables.

D’autres mesures relatives à l’environnement figurent également dans la seconde partie du PLF, notamment dans les articles non rattachés : ainsi l’article 52 relatif à la dématérialisation de la propagande électorale, exemple éloquent d’une authentique mesure d’économie budgétaire que l’on maquille derrière un argument écologique au détriment de la démocratie.

M. Nicolas Sansu. Très bien !

M. Serge Bardy, rapporteur pour avis. Nous aurons à en reparler dans les semaines qui viennent, mais je tenais à en dire un mot pour signaler que je serai naturellement attentif à ces sujets.

Mme Véronique Louwagie. Très bien ! Nous aussi !

M. Serge Bardy, rapporteur pour avis. Compte tenu de toutes ces considérations et du travail que nous allons mener ensemble, je souhaite que nous soyons unanimes à voter ce budget. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Vous êtes tellement peu à l’aise pour évoquer votre projet de budget pour 2017, messieurs les ministres, que vous avez soigneusement évité d’en parler. Je vais donc essayer de le faire à votre place.

Commençons par quelques chiffres tout simples. Le coût de l’augmentation du taux du CICE, porté de 6 à 7 %, de zéro en 2017, passera à 1,6 milliard en 2018.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous êtes contre ?

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Le coût du crédit d’impôt en faveur des services à la personne, de zéro en 2017, passera à 1,1 milliard – voire plus – en 2018.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Votez contre !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Le coût du crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires, de zéro en 2017, passera à 450 millions en 2018. Le coût de la troisième tranche du programme d’investissements d’avenir, le PIA, de zéro en 2017, passera à 2 milliards en 2018. Le coût de la diminution du taux de l’impôt sur les sociétés, de 330 millions en 2017, passera à 1,450 milliard en 2018. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Quant au coût de la revalorisation de l’aide juridictionnelle, il passera de 9 millions en 2017 à 35 millions en 2018.

Si notre présidente était plus indulgente, je pourrais multiplier les exemples à l’infini. Malheureusement, je ne dispose que de quinze minutes.

Alors, monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi de vous féliciter et de vous remercier d’avoir si bien préparé le budget pour 2018 en lieu et place de votre successeur : le malheureux va trouver quantité de factures impayées dans son armoire.

Car tel est, chers collègues, la marque de fabrique de ce projet de budget pour 2017 : on gonfle les recettes à encaisser en 2017 et on reporte au maximum les dépenses sur 2018 et au-delà. Cela permet d’afficher un objectif de déficit public de 2,7 % du PIB pour l’an prochain. Les apparences sont sauves et Pierre Moscovici, le commissaire européen aux finances, va pouvoir dormir tranquille.

Peut-être pas tant que cela finalement, tant les artifices budgétaires sont plus nombreux que d’habitude dans ce dernier budget de la législature. Je vais vous faire plaisir, monsieur le ministre : je ne vais pas vous accuser d’insincérité, puisque vous avez eu la décence, dans votre présentation, de ne pas dissimuler vos innombrables tours de passe-passe.

Je ne vous critiquerai pas davantage votre prévision de croissance, parce que nous savons tous combien il est difficile de prévoir un taux de croissance à 0,2 ou 0,3 point près. Début juin, le consensus des économistes et des instituts de prévision s’établissait d’ailleurs autour de 1,5 %. Qui nous dit qu’il n’y sera pas à nouveau au mois de janvier ou de février prochain – en tout cas je l’espère.

Je me demande quand même si une prévision de 1,6 % de croissance de la consommation des ménages – avec à la clé plus de 4 milliards d’augmentation des recettes de TVA par rapport à la prévision rectifiée pour 2016 – n’est pas un peu optimiste. Il existe donc un risque, lié à la croissance, de 3 ou 4 milliards de recettes fiscales. Le Gouvernement l’assume, avec raison à mon avis.

En revanche, messieurs les ministres, je trouve plus inquiétante la prévision d’augmentation de la masse salariale de 2,7 %. Sachant qu’elle sert d’assiette aux cotisations sociales, il y a un risque pour les comptes sociaux – mais nous verrons cela la semaine prochaine dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale.

Revenons donc, chers collègues, sur le sujet des recettes de ce projet de loi de finances pour 2017. Vous faites feu de tout bois, messieurs les ministres ! 4,3 milliards à titre de récupération du fonds de garantie de la COFACE, ce n’est pas une paille – 0,2 point de PIB.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cela ne relève pas des critères maastrichtiens !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Cela n’entre pas dans la comptabilité nationale, je vous l’accorde, madame la rapporteure générale, mais « en budgétaire », ça aide, et vos successeurs ne pourront plus racler ce généreux fond de tiroir…

M. Alain Fauré. Ils seront obligés d’être sérieux !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. …puisqu’il aura été intégralement vidé par vos soins !

En revanche, madame la rapporteure générale, une créativité aussi extraordinaire dans les anticipations de recettes par les services de Bercy, cela compte au regard de la comptabilité maastrichtienne. Le cinquième acompte d’impôt sur les sociétés qu’on porte à 97 % ; l’acompte qu’on invente sur les livrets financiers des ménages ; un acompte encore plus extravagant sur la taxe sur les surfaces commerciales, la TASCOM, ce qui a donné d’ailleurs à certains collègues la bonne idée de l’étendre aux collectivités locales, puisque ce sont elles qui perçoivent l’essentiel de la TASCOM : tout cela fait un bon milliard. À cela s’ajoutent les réductions de plafonds de taxes affectées et les ponctions sur les trésoreries dormantes.

Même le Centre national du cinéma, pourtant si protégé, n’échappe pas à la casserole…

M. Alain Fauré. Vous en faites, vous, du cinéma !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Il en prend pour 30 millions d’euros ! Heureusement nos collègues Karine Berger et Pierre-Alain Muet veillent : ils ont réussi, malgré l’opposition de la rapporteure générale, à faire voter un amendement au bénéfice – tenez-vous bien ! – des plus riches d’entre les plus riches, monsieur Eckert, ceux que vous n’aimez pas vraiment : les privilégiés qui détiennent des parts de sociétés de financement d’œuvres cinématographiques ou audiovisuelles, les SOFICA, auront droit à un avantage fiscal supplémentaire, de même que va être prolongé ce si généreux crédit d’impôt pour les tournages de films à grand spectacle ou de séries télévisées.

Là aussi, vous grattez quelques centaines de millions, et nous pouvons collectivement décerner à nos deux ministres le diplôme d’expert « ès gonflette de recettes ». (Rires et applaudissement sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Cela tient-il pour autant lieu de politique fiscale cohérente, chers collègues ? Hélas non.

Nous sommes à la fin d’une législature qui aura été marquée par l’inconstance, l’improvisation et les divisions de la majorité socialiste. Souvenons-nous. En 2012 et en 2013, on augmente les impôts à tout va, ceux des entreprises comme ceux pesant sur les ménages.

M. Marc Le Fur. C’est le choc fiscal !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Et puis au début de l’année 2014, c’est la révélation : on se rend compte que si les entreprises françaises continuent d’être assommées de taxes, il n’y aura aucune chance qu’elles créent des emplois. C’est l’heure du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, qui se traduit par une baisse d’impôts de 40 milliards d’euros à l’horizon 2017.

Le pacte est annoncé, détaillé et mis en œuvre – je le reconnais – en 2014, 2015 et 2016. Mais il ne sera pas respecté en 2017. Il n’y aura pas de suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S ; il n’y aura pas de baisse de l’impôt sur les sociétés pour les entreprises de taille intermédiaire ou plus grandes. Deux considérations expliquent ce changement de pied.

D’abord des considérations budgétaires : on avait besoin d’un peu de « cash » pour bâtir le budget 2017. Mais il y a aussi des considérations politiques. En effet, nos collègues frondeurs ne veulent pas de ce qu’ils appellent les « cadeaux » aux entreprises – à la limite pour les PME, mais certainement pas pour les grandes entreprises.

L’impôt sur le revenu des ménages est le deuxième exemple. Il explose en 2013 et 2014 pour les classes moyennes et les trois ou quatre derniers déciles. Il baisse ensuite, mais seulement pour ceux pour qui il n’avait pas augmenté. Le résultat, c’est qu’aujourd’hui seuls 45 % des ménages acquittent l’impôt sur le revenu français, qui est devenu le plus concentré au monde.

M. Nicolas Sansu. Et l’un des plus faibles !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. L’autre résultat est l’accélération des départs de contribuables, notamment ceux dont le revenu annuel dépasse 100 000 euros. Cette hémorragie pénalise notre économie et nos finances publiques.

Monsieur le ministre, vous nous appeliez à faire des contrôles sur pièces et sur place. Je suis fatigué de devoir faire de tels contrôles.

M. Alain Fauré. Parce que vous ne trouvez rien !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je n’ai toujours pas le rapport de 2014 sur la délocalisation de contribuables. Serai-je obligé de me rendre à Bercy pour faire un autre contrôle sur pièces et sur place, comme l’an dernier ?

M. Alain Fauré. On vous y a invité !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Nos conditions de travail sont vraiment détestables.

Troisième exemple d’incohérence, le plafonnement de l’ISF. C’est merveilleux : plus d’un milliard d’euros en 2015, beaucoup plus que le bouclier fiscal dans ses meilleures heures !

M. Nicolas Sansu. C’est vrai !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je ne vois pas comment l’article 4 de la loi de finances pourrait corriger les choses. Vous êtes victimes de votre idéologie.

M. Dominique Lefebvre. C’est l’hôpital qui se moque de la charité !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Comment voulez-vous que cela marche, avec des taux d’ISF complètement déconnectés de la réalité du rendement du patrimoine aujourd’hui ?

Quatrième exemple – mais je pourrais là aussi les multiplier si j’avais plus de temps, madame la présidente, mais je suis sûr que cela vous passionne et que vous serez donc indulgente –, ce sont les niches fiscales. Alors que le Président de la République nous avait dit que leur nombre serait réduit, il s’envole, même sans compter le CICE !

M. Nicolas Sansu. Ce ne sont plus des niches, c’est un chenil !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Et comme par hasard, leur nombre explose à partir de 2018.

Faisons très attention au crédit d’impôt pour la transition énergétique, monsieur Bardy. Couplé avec le PTZ, il va coûter 1,7 milliard d’euros ! Je connais ce problème. Il remplace le crédit d’impôt développement durable, CIDD, mais c’est toujours l’article 200 quater du code général des impôts. En 2007, son coût était de 900 millions ; en 2010, on était à 2,6 milliards. On ne peut pas faire n’importe quoi !

Il est vraiment difficile de discerner un sens dans tout ce dédale et ces allers-retours de la politique fiscale de la législature, et la majorité de la commission des finances n’aide pas vraiment le Gouvernement : au contraire, elle contribue au désordre.

Vous avez évoqué tout à l’heure le dernier exemple en date. Notre collègue Romain Colas vient de faire adopter un amendement qui supprime purement et simplement le régime fiscal de l’attribution des actions gratuites. C’était un régime fiscal lié aux plus-values immobilières, et on bascule sur les revenus salariaux.

S’il ne fallait retenir qu’un mot pour décrire la politique fiscale de cette législature, ce serait celui d’incohérence, du début jusqu’à la fin.

J’aimerais bien évoquer avec autant de gourmandise que vous, monsieur le secrétaire d’État, la réforme du prélèvement à la source, mais je n’en ai pas le temps. Je n’en dirai qu’un mot : la déclaration pré-remplie et la mensualisation l’ont rendue techniquement inutile.

Surtout, vous ne faites pas confiance à vos services. Les services fiscaux ont fait des progrès extraordinaires dans le recouvrement de l’impôt. Ils sont d’une réactivité, d’une efficacité remarquables pour prendre en compte le moindre changement de situation du contribuable – n’est-ce pas, monsieur Buisine ?

Ce qui me désole, c’est que jusqu’ici vous affichiez ouvertement la vraie raison de cette réforme, la raison politique qui lui donnait un sens : permettre la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG. Et voilà que désormais vous nous affirmez la main sur le cœur qu’il n’en est pas question ! Cette réforme est donc absolument inutile.

Je terminerai mon propos par quelques mots sur les dépenses et les prélèvements sur recettes.

Les dépenses de l’État repartent à la hausse dans ce projet de budget : 15 milliards d’euros de plus par rapport à l’exécution de 2015. C’est d’autant plus regrettable, messieurs les ministres, que vous aviez fait un réel effort de maîtrise des dépenses, que j’ai été le premier à reconnaître, en 2013, 2014 et 2015. Aujourd’hui, cet effort est anéanti.

La masse salariale progresse à nouveau de 4 % du fait du point d’indice et de l’augmentation des effectifs. J’ai trouvé dans votre excellent rapport, madame la rapporteure générale, un chiffre vertigineux que je vous demanderai de me confirmer tant il me semble incroyable : fin 2017, le plafond d’emplois de l’État et de ses opérateurs, en ETPT – équivalent temps plein travaillé – sera supérieur de 42 143 au plafond prévu dans la loi de programmation de 2014.

Faute de réformes de structure, les limites de la régulation budgétaire et du rabot sont désormais dépassées.

Je suis d’accord, le calcul en tendance n’a plus aucun sens. Regardez l’ONDAM, l’objectif national des dépenses d’assurance maladie : la tendance, pour 2017, est à 4,3 %, alors qu’elle était à 3,7 % l’an dernier comme il y a deux ans et que la réalité est autour de 2 %.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est ridicule !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je propose que nous raisonnions sur des objectifs de valeur absolue par grandes catégories de dépenses…

M. Michel Sapin, ministre. Il faut le dire à tout le monde !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je n’arrête pas, monsieur Sapin ! Je le dis constamment, mes collègues en sont témoins.

M. Michel Sapin, ministre. Alors, c’est inefficace !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Nous finirons par convaincre.

Quelques mots pour terminer.

Mme la présidente. Il faut conclure rapidement, monsieur le président de la commission.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je demande la même indulgence que celle dont vous avez fait preuve à l’égard de la rapporteure générale.

Mme Pires Beaune a eu parfaitement raison de déposer un amendement, que nous avons voté, pour supprimer la contribution des départements et des régions au financement de la DGF du bloc communal. Sur le plan des principes, une telle évolution serait inacceptable, sans parler des difficultés financières spécifiques aux départements.

J’approuve aussi la stabilisation du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales – le FPIC. Il faut faire la chasse, dans la répartition des concours de l’État, à des mécanismes pervers qui encouragent l’augmentation de la dépense locale.

Un mot, pour terminer, sur les travaux de la commission des finances : elle va vous donner du fil à retordre, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État.

M. Dominique Lefebvre. Mais non !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Entre les collectivités locales, l’aide au développement, le refus de certaines ponctions de trésorerie ou de baisses de plafond de taxes affectées et la suppression de petites taxes, il y en a pour 1 milliard d’euros : 1 milliard de dégradation supplémentaire du déficit. Et je ne parle pas de la baisse de la CSG pour les retraités modestes, chère à notre rapporteure générale.

En résumé, aux yeux du Gouvernement et de la majorité, les déficits, c’est reparti ! En 2017, nous serons probablement autour de 3,5 points de PIB et non à 2,7.

Conclusion, mes chers collègues, et tout le monde sera d’accord : en mai 2017, nous devrons engager un audit rigoureux de nos finances publiques pour savoir exactement où nous en sommes. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures trente, est reprise à dix-huit heures quarante.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Motion de rejet préalable

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe Les Républicains une motion de rejet préalable, déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, une motion de rejet préalable, sur un projet de loi de finances, peut paraître une procédure quelque peu curieuse. Il faut évidemment une loi de finances à l’État mais la situation économique, budgétaire, fiscale dans laquelle nous sommes – le président de la commission des finances l’a très bien dit il y a quelques minutes – justifie au fond cette motion, tant est grand le discrédit de l’État. Comment discuter d’un projet de loi de finances quand la parole de l’État, l’autorité de l’État, sont mis en cause comme elles le sont aujourd’hui ?

Le cadrage économique de ce projet, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, est particulièrement imprudent, notamment dans l’évaluation de la croissance, au regard de ce que l’on constate en 2016 et en comparaison de la démarche plus sage, plus prudente, que vous aviez adoptée les années précédentes.

M. Michel Sapin, ministre. Ce n’était pas ce que vous disiez alors !

M. Hervé Mariton. La conduite au quotidien des affaires budgétaires et les réglages qu’elles requièrent ne sont pas nécessairement les pires tourments que cette majorité aura infligés aux Français. Mais alors, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, après avoir fait preuve d’un certain sérieux dans l’évaluation économique, davantage qu’à d’autres époques,…

M. Paul Giacobbi. Et pas la peine de remonter à Vercingétorix !

M. Hervé Mariton. …pourquoi, si ce n’est pour des raisons électoralistes, une telle facilité à l’approche de 2017 ?

Tout cela, au-delà des commentaires savants que nous pouvons échanger sur les hypothèses de croissance, a des conséquences évidentes sur les prévisions de recettes fiscales, celles de la TVA se trouvant enflées, comme sur celles concernant l’évolution de l’emploi et de la masse salariale : bref, des recettes publiques, qu’elles soient fiscales ou sociales, manifestement surévaluées.

Votre trajectoire financière, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, comme le dit avec pudeur et tact le Haut conseil des finances publiques, est « improbable ». Personne ne croit aux 2,7 % de déficit public en 2017 ; probablement vous-mêmes n’y croyez pas et vous êtes sans doute, au regard des exigences d’une part de votre majorité, résignés à ce que ce chiffre se dégrade au fil des prochaines semaines. Je reviendrai tout à l’heure sur ce point car il faut bien en définir la portée, même s’il appelle une critique évidente. Si le taux de 2,7 % n’est pas raisonnable, un chiffrage trop enflé de la trajectoire vraisemblable en 2017 n’est pas bienvenu non plus.

Les pratiques de cavalerie budgétaire ne sont pas une innovation absolue. Nombreuses, abondantes et généreuses dans le projet de loi de finances pour 2017, elles dénotent une facilité consistant à renvoyer les difficultés à la période à venir, au mandat à venir, à la majorité à venir, au Gouvernement à venir. Elles sont d’abord la preuve de l’irrespect de vos engagements, chers collègues de la majorité, pour dire les choses très directement.

Remplacer la baisse de la C3S ou de l’impôt sur les sociétés par un crédit d’impôt, ce n’est pas simplement une mesure de facilité et de cavalerie budgétaire, c’est aussi, si les choses ont un sens, un viol des engagements que vous avez pris auprès des entreprises. Non seulement vous chargez l’avenir à l’horizon de 2018 mais vous abîmez le présent, car les entreprises peuvent moins que jamais accorder leur confiance au Gouvernement, c’est-à-dire, hélas ! à l’État – mais sans doute ne vous faites-vous plus beaucoup d’illusions sur ce point.

J’en viens aux économies. Pendant quelques mois et même quelques années, vous n’avez eu de cesse, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, d’invoquer de façon un peu glissante le chiffre totem de 50 milliards d’économies. Vous reconnaissez aujourd’hui que ces économies ne sont pas au rendez-vous, quelles que soient les facilités de gestion que vous vous accordez. La gestion de la dette, évoquée tout à l’heure, va très au-delà d’une optimisation raisonnable : vous vous installez manifestement dans une facilité de gestion assez redoutable, reposant sur des initiatives qui ne pourront être multipliées inconsidérément, ni dans leur ampleur ni dans le temps.

En matière de dépenses, comme l’a rappelé M. le président de la commission des finances, il y a probablement eu, au cours de ce mandat, des moments où vous avez été plus attentifs que d’autres à la tenue de certaines dépenses : ce fut très inégal et très inconstant à certains égards mais il serait injuste de dire que rien n’a été fait et qu’aucun effort n’a été réalisé. Néanmoins, 2017 n’est clairement pas une saison d’efforts : la dépense est stable en volume et augmente en euros courants ; les effectifs de la fonction publique augmentent de 14 000 postes. On est très loin de votre engagement initial d’équilibrage entre l’augmentation des effectifs dans l’éducation nationale – qui, de notre point de vue, n’a jamais été garante d’une amélioration de la qualité de l’éducation – et des baisses d’effectifs dans d’autres ministères.

Nous souscrivons à l’idée selon laquelle les enjeux ont évolué et les tragédies auxquelles la France a été soumise justifient une augmentation de l’effort en matière de sécurité, de défense, de police et de justice. Toutefois, gouverner c’est choisir : l’augmentation de ces efforts devait trouver une contrepartie dans la gestion des effectifs d’administrations publiques correspondant à d’autres missions de l’État. Du reste, même dans ces secteurs prioritaires pour des augmentations d’effectifs, les événements de la nuit dernière rappellent, hélas ! que celles-ci ne compensent pas l’absence d’autorité et d’efficacité de l’État : quand on en arrive à des manifestations de policiers, la nuit, dans Paris, on peut penser que l’autorité de l’État est tombée bien bas et que la mission exigeante et indispensable de sécurité demande une volonté et une cohérence politiques davantage que la seule pratique des augmentations d’effectifs.

En outre, comme nous l’avons dit en commission et comme nous le répéterons au fil des heures de ce débat, le projet de loi de finances comporte un certain nombre d’impasses, dont vous avez justifié une partie – car je peux entendre certains raisonnements – mais ni leur globalité ni leur ampleur, comme les conditions de recapitalisation d’Areva. Que vous n’en connaissiez pas les termes exacts, nous pouvons l’entendre, mais ce que vous nous présentez aujourd’hui ne tient manifestement aucun compte de son éventuel coût pour l’État.

Par ailleurs, si votre mandat avait bien démarré sur des sujets qu’il m’est arrivé de suivre au fil des législatures, il s’est mal poursuivi, avec des arbitrages caractérisés par le manque de courage et d’affirmation du Gouvernement. Prenons l’exemple de la politique des infrastructures, sur lequel je pense que nous sommes d’accord, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État : alors que des enquêtes publiques et des démonstrations répétées contestent l’utilité de tel projet de ligne à grande vitesse, le Président de la République ou tel autre membre de l’exécutif déclare qu’il pense différemment et préfère telle ou telle infrastructure, qui ressemblera davantage à un « éléphant blanc » qu’à un véritable atout pour la vie de nos concitoyens ou la compétitivité de nos entreprises.

M. Marc Le Fur. Surtout quand on donne aux LGV la priorité sur les lignes TER !

M. Hervé Mariton. En supposant que tout cela soit réalisé, car, la parole de l’État ne comptant plus, il est probable, hélas ! dans ce domaine comme dans d’autres, que les annonces ne soient pas concrétisées.

Au discrédit de l’État s’ajoute une pratique fiscale particulièrement doctrinale et inefficace. Au fond, ce mandat n’aura pas été du temps perdu. Il aura été particulièrement rude pour les contribuables, spécialement les ménages, et vous aurez aussi fait in vivo la démonstration que trop d’impôt tue l’impôt, en particulier en matière de fiscalité des entreprises.

M. Nicolas Sansu. Elles n’ont pourtant pas été maltraitées !

M. Hervé Mariton. Certes, le choc fiscal ne date pas de 2012, vous l’avez souvent rappelé – sur ce point comme sur d’autres, l’excès de simplification ne facilite pas la démonstration. Néanmoins, notre pays ayant fait trop facilement, par le passé, le choix de l’augmentation de l’impôt plutôt que celui de la baisse de la dépense, il n’était pas indispensable d’en rajouter. Or vous en avez rajouté considérablement, avec des choix doctrinaux.

Les familles, en particulier, ont gravement souffert, tant de la fiscalisation des majorations de retraite que des atteintes répétées au quotient familial, dont la baisse du plafond a eu pour conséquence une baisse moyenne de 1 200 euros par an pour près de 1,5 million de familles. Mentionnons aussi la création d’une tranche supplémentaire d’impôt sur le revenu, lequel est au demeurant de plus en plus concentré.

Cette politique lourde et pénalisante a connu des allers-retours et des contradictions, comme l’ont montré les dispositions déjà contestées de la loi Macron relatives à la fiscalité du capital et vos mesures assurément contre-productives en matière d’ISF.

Il s’agirait à présent, selon le Gouvernement, d’engager la redistribution. J’entends bien que c’est le scénario promu au début de ce mandat. En réalité, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, ni l’état de l’économie ni celui des finances publiques ne justifient la moindre redistribution, en tout cas par la politique que vous menez. Si redistribution il devait y avoir, encore faudrait-il qu’elle fût juste, et tel n’est pas le cas. Vous faites un choix de doctrine, particulièrement malheureux, consistant à concentrer toujours davantage l’impôt sur le revenu en restreignant la base fiscale, alors même qu’en général, chacun le sait, un impôt est plutôt meilleur si sa base est large et son taux faible.

L’un de nos collègues a évoqué la fiscalité écologique, peu souvent abordée mais importante. Vous avez donné à la fiscalité écologique le tour le plus punitif possible. L’augmentation programmée de la contribution climat-énergie est une mauvaise nouvelle pour un grand nombre de nos concitoyens. C’est un vrai défi pour demain : intégrer la dimension écologique dans la fiscalité, car elle y a sa place, mais pas le faire de façon aussi massive et pénalisante que vous l’avez prévu – tout en restant d’ailleurs, en l’occurrence, assez modestes –, car la première mission d’un impôt est de financer les dépenses publiques, pas de s’ériger en parangon de vertu.

En matière de fiscalité des entreprises, l’instabilité est grande. Les entreprises de notre pays attendent de moins en moins des miracles de la part des gouvernants mais demandent au moins la stabilité.

L’absence de réformes de structure est une antienne qui reste valable. Certes, il serait injuste d’affirmer qu’aucun travail de maîtrise des dépenses n’a été réalisé car vous avez bien dû faire quelques efforts lorsqu’une espèce de doctrine partisane et le refus d’arbitrer vous obligeaient à des augmentations injustifiées dans certains secteurs. Il fallait alors réviser un certain nombre de missions de l’État ; vous ne l’avez pas fait, agissant pour l’essentiel par rabots et ajustements. Je suis assez curieux de savoir quels exemples concrets de réforme ambitieuse des missions de l’État menée au cours des quatre dernières années vous pourriez avancer, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État : pas beaucoup, je le crains.

Les problèmes de productivité de l’État demeurent dans les missions les plus diverses, y compris celles affichés comme prioritaires, je le dis. Un effort budgétaire et en matière d’effectifs est justifié en matière de sécurité et de police, par exemple, mais il ne dispense pas d’efforts de productivité – tous les spécialistes du sujet savent qu’ils sont possibles. La productivité et l’efficacité de l’État ne sont pas au rendez-vous.

Dès lors, que proposez-vous ? M. le président de la commission des finances en a brièvement parlé, sitôt que l’on vous interroge sur les réformes de structure, vous n’avez qu’un seul exemple à la bouche : la retenue à la source. Pardonnez-moi, mais la retenue à la source est tout sauf un bon exemple de réforme de structure, tout sauf un bon exemple de réforme de l’État.

La retenue à la source est populaire, d’après les sondages réalisés auprès de nos concitoyens, car ils se disent que l’impôt est rude et pénible mais qu’il en faut bien un peu, que même si c’est parfois trop il faut payer et qu’une fois réglée la douloureuse, on est débarrassé et on passe à autre chose. Mais le système que vous avez conçu comporte en réalité un impôt pour le prix de deux : l’impôt sur le revenu et celui sur son produit attendu. Car deux circuits de prélèvement coexisteront : le nouveau, à la source, coûteux et complexe pour les entreprises, que vous mettez en place ; le circuit traditionnel de la déclaration, du calcul et de l’ajustement. Cela, les Français ne l’ont pas tout à fait présent à l’esprit. Ils pensent payer et être débarrassés ; sans être certains que le Gouvernement soit génial, ils acceptent donc la mesure car ils croient qu’elle simplifiera les choses. Eh bien non ! Elle ne simplifie rien et, de surcroît, elle sera assurément plus coûteuse.

Les inconvénients de la retenue à la source sont nombreux, nous aurons l’occasion d’y revenir lorsque nous débattrons de la seconde partie du texte. Elle procède d’une philosophie d’individualisation de l’impôt et de la société qui n’est pas la nôtre, cher Marc Le Fur.

M. Dominique Lefebvre. Vous êtes seuls au monde !

M. Hervé Mariton. Elle fragilise le quotient familial : vous l’avez abîmé et prétendez le maintenir mais, en réalité, la retenue à la source le fragilise. Elle comporte le risque d’une revendication salariale fondée sur le salaire net de net, qui avantagera plutôt les Français les plus favorisés,…

M. Dominique Lefebvre. Depuis quand cela préoccupe-t-il les Républicains ?

M. Hervé Mariton. …ainsi qu’un risque inflationniste, et soulèvera des difficultés dans l’entreprise. Elle se heurte aussi à de nombreuses difficultés techniques, qui ont ralenti votre démarche – vous avez d’ailleurs présenté cette réforme avec beaucoup de retard sur votre ambition initiale.

En réalité, elle n’a de sens qu’assortie d’une réforme fiscale ambitieuse.

Mme Véronique Louwagie. Tout à fait !

M. Hervé Mariton. Le président de la commission des finances l’a dit, elle aurait eu un sens si vous étiez allés au bout de votre logique, particulièrement calamiteuse, c’est-à-dire la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG. Sans doute une part de votre majorité aurait applaudi.

M. Frédéric Lefebvre. Mais ils n’auront pas l’occasion de le faire !

M. Michel Sapin, ministre. Ne les poussez pas au crime ! (Sourires.)

M. Hervé Mariton. Vous n’allez pas au bout de votre logique ; tant mieux, car le pire n’est jamais sûr…

Cette réforme, qui aurait raisonnablement pu être la vôtre, vous ne la menez pas. On se demande donc pourquoi vous mettez en place la retenue à la source.

Une autre approche est possible, qu’il m’est arrivé d’exposer et qui emporte ma conviction : celle de la flat tax, impôt sur le revenu universel et proportionnel, pour lequel la retenue à la source aurait aussi du sens.

M. Nicolas Sansu. Et voilà ! On y vient !

M. Hervé Mariton. Mais le débat n’est manifestement pas mûr, dans notre pays, pour cela, et le Gouvernement fait le choix d’une réforme au mieux cosmétique, en réalité périlleuse et en rien indispensable, Gilles Carrez l’a très bien expliqué. Au regard de la modernisation de l’organisation des finances publiques, caractérisée par la déclaration préremplie, le télépaiement et la mensualisation, rien ne justifie cette mesure.

M. Marc Le Fur. Tout à fait !

M. Hervé Mariton. Sur ce point, les choses doivent être claires : nous sommes défavorables à la retenue à la source et serons attachés, si les électeurs nous le permettent d’ici quelques mois, à revenir sur cette mauvaise réforme. Votre département, monsieur le ministre, comme les entreprises et nos concitoyens doivent en être tout à fait informés : nous souhaitons revenir sur la réforme de la retenue à la source.

M. Alain Fauré. Vous ne tiendrez pas vos promesses car vous ne serez pas élus !

M. Hervé Mariton. La critique est facile, la pratique est plus difficile. Comment faire mieux ?

M. Dominique Baert. Cela s’annonce difficile, vu les candidats en lice à la primaire !

M. Michel Sapin, ministre. Il faut dire qu’il en manquait un !

M. Hervé Mariton. Je vous l’accorde. (Sourires.)

M. François Pupponi, rapporteur pour avis. Il a été retenu à la source ! (Rires.)

M. Hervé Mariton. Tout cela s’est passé un peu plus tard…

Faire mieux suppose sérieux et rigueur. La perspective d’un déficit des finances publiques à 2,7 % du PIB ne tient pas, vous le savez, elle est fausse. Mais je pense aussi, après avoir entendu le président de la commission des finances évoquer d’autres chiffres, que nous devons, dans l’opposition, être attentifs à ne pas trop charger la barque.

M. Michel Vergnier. Il vaut mieux, sinon vous coulerez !

M. Hervé Mariton. Je dis les choses telles que je les analyse, parce qu’elles me paraissent justifiées et souhaitables pour notre pays.

Lorsque l’on regarde l’analyse du Haut conseil des finances publiques et que l’on consulte certains experts, il apparaît que le taux de 2,7 % est faux et que le déficit tournera plus probablement autour de 3,2 % – ou de 3,5 % comme le pense le président de la commission des finances.

Mais comme l’on ne peut démontrer une chose et son contraire, et qu’à dire vrai, vous avez reporté à 2018 un certain nombre de dépenses, il n’y a pas de raison de surévaluer exagérément les difficultés de l’exercice 2017. Pour parler clair, je crois à la menace d’un déficit public compris entre 3,2 et 3,5 % – il est difficile d’être plus précis. La facilité qui consisterait à imaginer un déficit d’ores et déjà situé entre 4 et 4,5 % serait une erreur de stratégie car cela signifierait que nous nous inscrivons dans une logique keynésienne et une vision de dérapage de la dépense, impossible à maîtriser en six mois.

Pour tout vous dire, lorsque j’ai lu dans un journal, l’autre jour, que Thomas Piketty félicitait une partie de la droite de s’être convertie au keynésianisme, d’avoir oublié la rigueur budgétaire et le sérieux dans la gestion des finances publiques…

M. Michel Sapin, ministre. À votre place, je me serais méfié !

M. Hervé Mariton. Effectivement, monsieur le ministre, pour une fois, je suis d’accord avec vous : ce compliment, de la part de Thomas Piketty, incitait à la méfiance.

Je le dis en tant qu’orateur de mon groupe : s’il est important d’alerter sur le manque de sérieux consistant à afficher un déficit en deçà du vraisemblable, il ne faut pas non plus fonder son raisonnement pour demain et après-demain sur un déficit gonflé, qui priverait l’action publique du sérieux budgétaire dont nous avons absolument besoin.

M. Michel Vergnier. On a du mal à suivre !

M. Hervé Mariton. Je ne dis pas cela par bigotisme ou servilité à l’égard de Bruxelles – il n’est au demeurant pas mauvais d’éviter les conflits permanents avec la Commission européenne, et ne pas choisir entre la soumission et l’arrogance n’est pas nécessairement une mauvaise voie. Comme l’a souligné Valérie Rabault, la maîtrise des finances publiques est avant tout un enjeu à la fois pour notre capacité d’action, l’avenir et la souveraineté de notre pays.

Faire mieux, c’est s’appliquer au sérieux, à la rigueur, refuser le consentement actif ou passif au dérapage budgétaire. C’est aussi combiner la stabilité et le mouvement.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Rien que ça !

M. Hervé Mariton. Comment y parvenir ? Les acteurs économiques sont demandeurs de réformes mais nous réclament aussi de cesser de changer de direction tous les six mois. La réponse existe :…

M. Alain Fauré. Laissez-nous donc faire !

M. Hervé Mariton. …c’est la loi de programmation. Il n’est tout de même pas très heureux, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, que vous ayez modifié la loi de programmation des finances publiques au fil des années. Dans ce domaine, il convient, en début de mandat, de prendre des engagements forts et solides – maîtrise des dépenses, évolution de la fiscalité –, de suivre un cap clair pour les ménages et les entreprises, puis de ne pas céder à la facilité en pratiquant des changements, comme vous l’avez fait.

Pour les entreprises, soumises à l’enjeu de la compétitivité, vous vous étiez engagés à réduire l’impôt sur les sociétés. Je regrette que vous n’alliez pas au bout de vos engagements. Je souhaite que, demain, la trajectoire de baisse soit beaucoup plus claire et stable, et que les promesses soient tenues, loin des facilités budgétaires auxquelles vous avez cédé, comme le report à d’autres années.

M. Alain Fauré. Un taux de 28 % pour les PME, c’est déjà pas mal ! Vous en étiez restés à 33,3 % !

M. Hervé Mariton. S’agissant des particuliers, il faut faire tout le contraire de vous : cessons de restreindre la base de l’impôt sur le revenu ! Ce n’est certes pas démagogique mais il faut l’assumer : la base doit être plus large et les taux plus faibles.

Il faut aussi mettre en œuvre de réelles économies. Vous demandez toujours où. Lisez donc les propositions de notre famille politique et de notre groupe concernant la gestion de la fonction publique, la réforme des retraites ou la politique du logement ! Elles permettent d’avancer sur ce chemin des économies budgétaires et des réformes structurelles, de manière concrète et tangible.

Chers collègues, les membres du Gouvernement que nous avons devant nous cette après-midi ne sont pas nécessairement les moins sérieux du Gouvernement. (Sourires et exclamations.)

Mme Véronique Louwagie. Quel compliment !

M. Hervé Mariton. Ce n’est que la moitié d’un compliment… Mais ce que nous devons apprécier, au travers du budget, vous le savez, c’est l’action du Gouvernement tout entier. Au fond, nous sommes ramenés ce soir, comme souvent dans les débats budgétaires, à cette parole historique du baron Louis à François Guizot : « Faites-moi de bonnes politiques, je vous ferai de bonnes finances. »

Vous êtes deux ministres tout à fait respectables, sérieux, et vous avez fait probablement de votre mieux. Mais, quels que soient vos talents, sans doute très grands, comme vous aviez à traduire sur le plan budgétaire des politiques fondamentalement mauvaises, votre mission, si l’on se réfère au baron Louis, était impossible. Quand un gouvernement n’a pas d’autorité, il peut créer autant de postes de policiers que vous voulez, il se retrouvera quand même avec des manifestations de nuit, qui l’obligeront à augmenter encore les effectifs.

M. Michel Vergnier. Quel hommage aux forces de police !

M. Hervé Mariton. Quand un gouvernement a une mauvaise vision de ce que doit être la politique de l’éducation, il peut recruter des enseignants, il n’arrivera à rien car les remplacements ne seront quand même pas assurés, et on lui enjoindra encore d’augmenter les effectifs.

M. Pascal Terrasse. Cette démonstration n’a aucun sens !

M. Hervé Mariton. La mission était impossible : les Français n’auront eu ni bonnes politiques ni bonnes finances. Assurément, la France mérite mieux. Nous devons lui accorder notre sérieux, agir pour elle, lui donner espoir.

L’histoire nous apprend que les alternances ne suffisent à garantir ni bonnes politiques ni bonnes finances.

M. Serge Bardy, rapporteur pour avis. Je ne vous le fais pas dire !

M. Hervé Mariton. Mais alors, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, il faut que votre expérience et les contre-exemples – « trop d’impôt tue l’impôt », souvenez-vous de la révolte des « pigeons » – nous enseignent qu’une autre volonté et, sans doute aussi, une autre forme de modestie, sont nécessaires. Les prochains budgets, après ce que nous avons vécu et subi ces dernières années, devront être plus dignes d’une ambition pour la France. L’intendance – votre mission, en l’espèce, est considérable – ne suit pas toujours. La tâche est rude, elle est nécessaire, pour répondre à la demande de nos concitoyens, qui attendent des résultats. Or, qu’il s’agisse de l’emploi, de la qualité du service public, de la souveraineté de notre pays ou de sa sécurité, vous n’en avez obtenu aucun. Le budget exige de la cohérence pour produire des résultats. C’est ce qu’attendent les Français. Vous démontrez tout le contraire, hélas ! Je vous invite donc, chers collègues, à voter cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Nous avons encore de longues heures de débat devant nous mais je voudrais réagir aux propos d’Hervé Mariton ainsi qu’à quelques remarques entendues lors des interventions liminaires.

Monsieur Mariton, vous nous demandez d’aller au bout du pacte. Mais nous sommes allés au bout du pacte ! Nous avons déjà expliqué à de multiples reprises que les mesures prises fin 2015 ou au début de cette année – le suramortissement, qui ne figurait pas dans le pacte et dont les entreprises ont salué les bienfaits aussi bien sur le plan économique que sur le plan comptable, la prime à l’embauche, un véritable succès, ou encore l’augmentation du CICE – portent à 40 milliards les allégements consentis aux entreprises. Certes, la C3S n’a pas été supprimée cette année mais d’autres mesures, d’un montant similaire, ont été mises en œuvre, si bien qu’en volume, nous avons respecté nos engagements.

Dans le même ordre d’idée, vous nous reprochez aussi de reporter à 2018 un certain nombre de mesures par le dispositif de crédit d’impôt. Outre que cela n’est pas nouveau, je vous rappelle qu’une baisse des prélèvements, à hauteur de 5 milliards, était inscrite aussi bien dans la loi de programmation des finances publiques que dans le dernier programme de stabilité, transmis il y a quelques mois. Par les crédits d’impôts, nous retrouvons ces 5 milliards : la trajectoire 2018 ne connaîtra pas de changement par rapport à ce qui figurait dans les compteurs du programme de stabilité, je vous invite à vous y référer.

S’agissant de la différence de quelque 42 000 emplois par rapport à la loi de programmation des finances publiques, je vous invite à comparer les chiffres à périmètre constant.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. C’est Mme Rabault qui en a parlé !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je citerai un seul élément : la création de 8 500 ETPT, qui correspond à la transformation de contrats aidés en postes d’assistants d’éducation, ce qui n’est pas sans impact.

Mais, disons-le très simplement et très clairement : nous avions annoncé que nous créerions 60 000 postes dans l’éducation nationale, nous l’avons fait ; nous avions annoncé que nous renforcerions les effectifs dans la police, la gendarmerie et la justice, nous l’avons fait ; nous avions dit que nous diminuerions d’autant les emplois dans les autres secteurs, pour parvenir à un chiffre global stable, et nous avons effectivement dérogé à cet engagement.

M. Marc Le Fur. Le président de la commission l’a bien démontré !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. L’écart, sur la durée du mandat excède 30 000 emplois entre 2012 et 2017. L’évolution des effectifs du ministère de la défense a été infléchie, pour tenir compte de l’actualisation, en 2015, de la programmation militaire : en 2016, la suppression de 7 500 emplois a été gelée, tandis que 2 300 postes étaient créés, suite au second plan de lutte antiterroriste, ou PLAT 2 – soit un solde de 10 000 emplois, et un écart similaire est prévu en 2017.

Une hausse de 20 000 ou 30 000 emplois, cela peut certes paraître beaucoup. Toutefois, rapporté au nombre d’emplois publics – de l’ordre de 1,5 million –, c’est l’épaisseur du trait ou presque, compte tenu des priorités que nous avons dû assumer.

Je dirai aussi un mot du prélèvement à la source. Je comprends assez mal votre argumentation, monsieur Mariton. J’ai certes apprécié votre mesure, et j’y reviendrai. Mais vous êtes à la fois partisan d’une flat tax,…

M. Nicolas Sansu. En tout cas, il a raison de soulever le problème !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …ce que l’on peut concevoir, et d’une politique de « familialisation » de l’impôt.

M. Hervé Mariton. Prenez donc tout !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je ne vois pas comment concilier les deux principes de la flat tax et de la « familialisation » de l’impôt sans créer une sorte de double circuit : celui que vous nous reprochez, à savoir les prélèvements opérés notamment auprès des salariés et des retraités ; une déclaration, ensuite, qui viendrait, si j’ose dire, coiffer le tout, afin d’intégrer la « familialisation » de l’impôt. Avec la flat tax et la « familialisation », que vous appelez de vos vœux – et je le respecte, même si ce n’est pas mon cas –, vous créeriez immanquablement un tel double circuit.

M. Hervé Mariton. Non !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. J’en viens au point principal, sur lequel je conclurai mon propos. Il nous arrive à tous d’affronter des contradictions au sein de nos groupes respectifs, mais votre discours – et vous avez insisté sur le fait que vous interveniez au nom de votre groupe, dont acte – et ceux que j’ai entendus tout à l’heure ou que je lis, ici ou là, relèvent d’une vision complètement différente.

Par exemple, ce que vous nous dites de la prévision de croissance – 1,5 ou 1,3 %, et d’ailleurs Gilles Carrez, tout à l’heure, n’a pas dit autre chose – est peu différent de ce que nous en disons nous-mêmes. Certes, cette prévision peut varier au fil des mois, comme l’a également relevé Gilles Carrez. On a pris l’habitude de dire que l’incidence de la croissance sur les résultats budgétaires, notamment sur les recettes, est pratiquement automatique. Or l’expérience nous montre que ce n’est pas vrai : par exemple, la masse salariale a une incidence bien plus importante sur la réactivité des recettes de l’État, notamment en termes de cotisations sociales, que la croissance. L’année dernière, notre prévision de croissance de la masse salariale était de 2,3 %.

M. Gilles Carrez. Et elle a atteint 2,7 % !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Nous avons, bien sûr, corrigé cette prévision en cours d’année, et les mêmes qui jugent aujourd’hui notre prévision irréaliste doivent constater que la croissance de la masse salariale s’est élevée à 2,7 %. Pour 2017, le Gouvernement prévoit un niveau de croissance de la masse salariale identique, ou à peu près, puisque sa prévision est de plus 2,8 %. Cette augmentation n’est pas automatiquement corrélée à la croissance du PIB, nous aurons l’occasion d’y revenir.

Autre exemple : au mois de juin 2015, vous aviez prétendu – vos propos m’avaient choqué, je pourrais les retrouver – que la croissance n’y était pas, que l’inflation était nulle, qu’il manquerait 10 milliards d’euros de recettes. Or, en fin d’année, la loi de règlement, certifiée par la Cour des comptes, a constaté 1 milliard d’euros de recettes supplémentaires.

M. Razzy Hammadi. Eh oui !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Comme quoi la croissance n’est pas seule à influer sur les recettes de l’État. Les dépenses de consommation des ménages, que vous évoquiez tout à l’heure, monsieur Mariton, sont également très importantes, non seulement en volume mais aussi dans leur répartition. En effet, si les ménages achètent plus de produits manufacturés assujettis au taux de TVA de 20 %, une correction automatique s’opère sur les recettes constatées. Il s’agit d’ailleurs de l’un d’un des enseignements de l’année dernière.

Monsieur Mariton, vous avez donc tenu, s’agissant des prévisions de déficit, des propos radicalement différents de ceux que j’entends régulièrement, ou en tous cas beaucoup plus nuancés.

Parce que le passé éclaire l’avenir – j’apprécie cette formule –, le Gouvernement maintient ses prévisions. En 2015, vous nous aviez tous affirmé que nos objectifs étaient irréalistes. Or nous avons – ou plutôt le pays, car le Gouvernement ne contribue pas seul au déficit – « surperformé ».

Pour 2016, j’observe, comme je l’ai déjà dit, que personne n’a donné l’alerte s’agissant d’une impossibilité d’atteindre 3,3 % du PIB. Le Gouvernement est lui-même raisonnablement confiant quant à l’éventualité que la France atteigne, en fin d’exercice, cet objectif. Alors pourquoi donc mettre en doute, et de façon aussi théâtrale, ces 2,7 % ? Monsieur Mariton, ceux qui évoquent 3,5 ou 4 %, voire 4,5 %, semblent avoir oublié ce que représente un point de PIB : 20 milliards d’euros, pas moins !

J’ai donc apprécié la mesure de vos propos et je pense qu’il y a tout lieu de rejeter votre motion de rejet préalable.

M. Hervé Mariton. Pourquoi compliquer les affaires ? (Sourires.)

Mme la présidente. Nous en venons aux explications de vote sur la motion de rejet préalable.

La parole est à M. Paul Giacobbi, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Paul Giacobbi. Le renvoi en commission s’apparente à une figure de rhétorique, nous avons l’habitude de ce jeu.

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous vous trompez de motion, il s’agit de ma motion de rejet préalable !

M. Paul Giacobbi. M. Mariton, que j’ai écouté avec beaucoup d’attention, s’est livré à cet exercice comme il convient, comme toujours. Il est pourtant assez curieux que, dans son propos, l’objectivité soit parfois revenue, comme le naturel chassé revient au galop. Ce fut le cas à plusieurs reprises en effet, et d’ailleurs de manière tout à fait intéressante, cette objectivité le forçant parfois à aller plus loin qu’il ne l’aurait voulu.

S’agissant du dérapage budgétaire, le secrétaire d’État vient de répondre. Franchement, il n’est pas très raisonnable d’envisager le passage de 2,7 à 3,2 %, car si le niveau de déficit constaté ne sera pas nécessairement de 2,7 %, chacun sait qu’il pourra avoisiner 2,8 ou 2,9 %, soit une différence se situant dans une marge inférieure à notre capacité à mesurer exactement les choses – à moins que certains ici aient atteint un parfait degré de précision, et je m’empresserai alors de vous expliquer pour quelle raison cela ne me paraît pas vraisemblable.

Les décalages de l’exercice 2018 sont intéressants : ont-ils été obtenus exprès ou est-ce la nature des mesures prises qui implique que leurs effets ne se feront sentir qu’en 2018 ? C’est sans doute dû à leur nature, que nous avons d’ailleurs appréciée considérablement au cours des exercices 2012 puis 2013. Dois-je en effet rappeler la longue liste des mesures qui ont alors produit des effets et qui – je m’en souviens en tant que parlementaire – avaient été votées en 2011 ? Et il ne s’agissait pas de trois francs six sous.

Concernant l’impôt sur les sociétés, le Gouvernement a tenu bon, contre vents et marées, sur le crédit d’impôt recherche, le CIR. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est faux !

M. Paul Giacobbi. Il l’a notamment fait en dépit de vents et de marées venant parfois de la partie gauche de l’hémicycle.

Voulez-vous, monsieur Mariton, que je ressorte le compte-rendu du débat au cours duquel Mme Lagarde voulait remettre en cause le CIR et cédait par avance ?



Quant à Keynes, M. Mariton est trop bon connaisseur de l’économie pour ne pas le confondre avec les keynésiens. Je veux bien que l’on critique des économistes sans passé ni avenir, comme Thomas Piketty ou Paul Krugman, son thuriféraire, mais il me paraît exagéré de faire de Keynes, auteur du retour à l’orthodoxie budgétaire en 1937, l’apôtre du laxisme.



Pour toutes ces raisons, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste ne souhaite pas que cette motion de rejet préalable soit adoptée.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Nicolas Sansu. J’ai trouvé M. Mariton bien pudique : il a en effet peu défloré le programme de son champion, c’est le moins qu’on puisse dire.

Mme Claudine Schmid. Ce n’est pas le sujet !

M. Éric Straumann. Ni le lieu !

M. Yves Censi. Nous ne sommes pas là pour ça !

M. Nicolas Sansu. Il disposait pourtant d’une demi-heure pour le faire, ce qui est très confortable. Si nous disposions d’autant de temps, nous en profiterions. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Il est normal que cela vous agace un peu. Selon moi, si M. Mariton a usé de sa pudeur, c’est parce qu’il n’avait pas envie de déflorer le sujet, afin de ne pas entrer en contradiction avec ce qu’il pense au fond de lui-même.



Un mot sur la flat tax. Je partage l’avis du secrétaire d’État : le prélèvement à la source est le cheval de Troie de cette taxe.

M. Hervé Mariton. Pierre Laurent s’est exprimé ce matin à ce sujet.

M. Nicolas Sansu. Il peut être le cheval de Troie de la progressivité de la CSG mais aussi le cheval de Troie de la flat tax. Ce n’est donc pas forcément une bonne chose pour assurer la progressivité comme la justice de l’impôt.

M. Marc Le Fur. Nous sommes d’accord.

M. Nicolas Sansu. Vous avez parlé, monsieur Mariton, de la baisse de l’impôt sur les sociétés en critiquant son insuffisante baisse. Franchement, existe-t-il encore un impôt sur les sociétés dans ce pays ? Alors que 29 milliards d’euros sont inscrits dans ce projet de loi de finances en prévision de recettes, soit 1,4 % de PIB, la moyenne dans la zone OCDE s’élève à 2,9 % de PIB.

M. Michel Sapin, ministre. Mais il y a la CSG !

M. Nicolas Sansu. Notre impôt sur les sociétés est donc complètement mité et inexistant. Je veux bien qu’on consacre les gros titres à ce sujet, mais cet impôt ne représente plus rien en matière d’effort collectif. C’est bien cela le problème.

Enfin, un mot sur ce que vous avez tout de même bien voulu déflorer, monsieur Mariton : si je traduis bien votre pensée, vous avez affirmé qu’il fallait faire un peu plus payer les pauvres. En fait, vous vous présentez comme le nouveau Mazarin, le nouveau Louis XIV ou le nouveau Caillaux – je ne sais –, qui avaient tous fait leur le fameux adage : faisons payer les pauvres car ils sont plus nombreux.

M. Hervé Mariton. M. Laurent l’a dit ce matin.

M. Nicolas Sansu. Pour toutes ces raisons, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine ne votera pas votre motion de rejet préalable.

M. Serge Bardy, rapporteur pour avis. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Baert, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

M. Dominique Baert. Ce dernier budget de la législature nous permet, puisque M. Mariton souhaite parler chiffres et résultats, de dresser un bilan comparé.

Qu’en est-il ? Le déficit public, qui s’élevait en 2007 à 2,5 % du PIB et en 2011 à 5,1 %, est aujourd’hui de 2,7 %.

M. Marc Le Fur. Avez-vous entendu parler de la crise ?

M. Dominique Baert. Le déficit public s’est donc creusé sous la droite et amélioré sous la gauche.

Les prélèvements obligatoires sont passés de 42,1 % en 2007 à 43,8 % en 2012 et à 44,5 % en 2017, soit une augmentation de 1,7 point de PIB sous la présidence de Nicolas Sarkozy et de 0,7 point sous celle de François Hollande : la hausse des prélèvements obligatoires a été deux fois et demi moindre au cours de ce quinquennat qu’au cours du précédent.

M. Philippe Cochet. Mais il y a plus de « sans-dents » !

M. Dominique Baert. Ce mandat, monsieur Mariton, aura été bien moins rude pour les contribuables que le précédent.

La dette publique a connu, entre 2007 et 2012, une augmentation de 25,2 points de PIB, soit 617 milliards d’euros supplémentaires. Elle a été ramenée, entre 2012 à 2017, à 6,4 % du PIB. La dette publique aura donc augmenté quatre fois moins sous ce quinquennat et, surtout, elle a enfin été stabilisée et amorce sa décrue.

M. Éric Straumann. Sous ce quinquennat, la France n’a pas été en crise !

M. Dominique Baert. La charge de la dette, c’est-à-dire les intérêts payés, a connu l’évolution suivante : 39,6 milliards d’euros en 2007, 46,3 milliards d’euros en 2012 et 42,1 milliards d’euros en 2017. Faisons les comptes : sous la droite, la charge d’intérêts annuelle s’est accrue de 7 milliards d’euros ; sous la gauche, elle a baissé de 4,2 milliards d’euros. Cela représente autant d’euros disponibles pour financer les priorités.

M. Yves Censi. Quelle mauvaise foi ! Que ne faut-il entendre !

M. Dominique Baert. Dans un contexte global de redressement des comptes publics et sociaux, ce budget 2017 est marqué par la baisse de l’impôt sur le revenu pour les plus bas revenus – 150 000 contribuables en sortiront même –, par la baisse de l’impôt sur les sociétés pour les PME, par l’augmentation du CICE pour renforcer les entreprises, l’investissement et l’emploi, ainsi que par un renforcement significatif des moyens alloués à la sécurité, à l’éducation et à la défense.

M. Éric Straumann. Et le chômage ?

M. Dominique Baert. Monsieur Mariton, j’espère vous en avoir convaincu…

Mme Véronique Louwagie. Cela m’étonnerait.

M. Guy Geoffroy. Il faudra d’autres arguments !

M. Dominique Baert. …que nous aurons fait de bonnes finances pour faire de bonnes politiques.

M. Hervé Mariton. Tout va donc très bien ?

M. Dominique Baert. Voilà pourquoi votre motion de rejet préalable est sans fondement : le groupe socialiste, écologiste et républicain la rejettera. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Dominique Lefebvre. Excellent !

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour le groupe Les Républicains.

Mme Véronique Louwagie. Je reprendrai quelques-uns des points développés par notre collègue Hervé Mariton, qui a défendu cette motion de rejet préalable.

Le premier porte sur les recettes publiques, qui devraient s’élever, selon les prévisions, à 307 milliards d’euros : elles sont manifestement, au regard des hypothèses retenues, surévaluées. La TVA est gonflée et les recettes fiscales et sociales sont évaluées à un niveau bien supérieur à celui qui sera constaté en fin d’exercice. Ces recettes résultent par ailleurs d’artifices budgétaires, comme les 4,3 milliards d’euros provenant du fonds de roulement de la Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur, la COFACE, recette qui ne pourra être comptabilisée qu’une seule fois.

M. Éric Straumann. C’est de la cavalerie !

Mme Véronique Louwagie. La création d’un cinquième acompte d’impôt sur les sociétés, ou d’un autre sur la taxe sur les surfaces commerciales, la TASCOM, constituent d’autres artifices budgétaires.

Le deuxième point porte sur le niveau du déficit, fixé à 2,7 % du PIB, ce qui constitue un objectif probablement impossible à atteindre, car fondé sur des hypothèses peu vraisemblables.

Monsieur le ministre, vous avez argué de la difficulté à établir une hypothèse de croissance.

M. Michel Sapin, ministre. Eh oui !

Mme Véronique Louwagie. Peut-être cette sous-évaluation n’aura-t-elle que peu d’impact. Il n’en demeure pas moins que celle d’1,5 % retenue par le Gouvernement équivaut à celle prévue dans le cadre du programme de stabilité d’avril 2016. Or l’INSEE vient d’ores et déjà de revoir à la baisse sa prévision de croissance pour 2017, pour l’établir à 1,3 % : l’hypothèse de croissance du Gouvernement est donc dès aujourd’hui supérieure à celle de l’INSEE.

Troisième point : les dépenses. Effectivement, M. Mariton l’a indiqué, des efforts ont été accomplis. Mais ils ne seront pas du tout poursuivis en 2017 : au contraire, la dépense publique augmentera de 1,6 %, ce qui portera la part des dépenses publiques dans le PIB à 54,6 %. Le Haut conseil des finances publiques a indiqué que « les risques pesant sur les dépenses sont plus importants en 2017 que pour les années précédentes ». Les dépenses sont donc bien en train de déraper et elles vont s’emballer en 2018 puisque certaines mesures auront alors des impacts.

Certains choix doctrinaux ont été accomplis, comme la concentration de la pression fiscale sur les familles, qui subissent de ce fait une diminution de leur pouvoir d’achat.

Mme la présidente. Veuillez terminer, ma chère collègue.

Mme Véronique Louwagie. Je termine, madame la présidente.

Pour la quatrième année consécutive, le Gouvernement annonce une réduction des impôts, mais nous avons connu, entre 2012 et 2016, une augmentation de l’impôt sur le revenu de 13 milliards d’euros, c’est-à-dire une véritable concentration.

Enfin, comme M. Mariton l’a indiqué, en dépit du talent des membres du Gouvernement présents dans l’hémicycle, un mauvais budget ne peut que traduire une mauvaise politique. C’est exactement comme si un très bon cuisinier se voyait contraint d’utiliser de mauvais ingrédients : il n’arriverait pas à confectionner un bon plat, pas plus que nous ne réussirons à bâtir un bon budget.

M. Romain Colas. C’est M. Marmiton ! (Sourires.)

Mme Véronique Louwagie. Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe Les Républicains soutient la motion de rejet préalable présentée par Hervé Mariton. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Motion de renvoi en commission

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe Les Républicains une motion de renvoi en commission, déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, je tiens à dire, en préambule, que nous ne sommes pas ici pour étudier les diverses propositions du groupe Les Républicains, mais bien pour examiner le projet de loi de finances.

M. Alain Fauré. Heureusement !

Mme Véronique Louwagie. Il est bon de le rappeler !

M. Michel Sapin, ministre. Nous sommes d’accord là-dessus.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je tenais le préciser, monsieur le ministre, car vous avez consacré un tiers de votre intervention à nos propositions.

M. Michel Sapin, ministre. M. Mariton aussi !

Mme Marie-Christine Dalloz. Il y aura d’autres lieux pour en parler. Ce qui nous occupe ici, en l’occurrence, c’est votre projet de loi de finances pour 2017.

Monsieur le ministre, il est dommage que je ne sache pas chanter…

M. Alain Fauré. Oh non ! Il pleut déjà !

Mme Marie-Christine Dalloz. …car je suis tentée de vous dire, comme dans la chanson Paroles, paroles : « Encore des mots, toujours des mots, les mêmes mots. »

Mme Chantal Guittet. Quelle référence !

Mme Marie-Christine Dalloz. En effet, vous vous contentez d’affirmer les choses, là où, en commission des finances, nous préférons les éléments concrets. Ce sont les chiffres et les faits qui nous plaisent. Or je n’en ai pas entendu beaucoup dans votre présentation.

Quant à vous, monsieur le secrétaire d’État, vous soutenez que vous, vous n’êtes pas dans la posture. Eh bien moi non plus, et je vais vous en apporter la preuve en me référant concrètement à des éléments factuels, aux avis irréfutables de la Cour des comptes et du Haut conseil des finances publiques.

Ce dernier s’est montré d’une grande sévérité à l’égard de votre budget. Permettez-moi de rapporter vos propos à ce sujet, monsieur le ministre : « Le Haut conseil, peut-être est-ce dans sa nature, a toujours fait preuve de scepticisme devant les perspectives budgétaires de la France. »

M. Michel Sapin, ministre. Oui, et jusqu’à présent, il s’est toujours trompé !

Mme Marie-Christine Dalloz. Affirmation étonnante, car c’est cette majorité qui a instauré le Haut conseil,…

M. Alain Fauré. Cela ne nous empêche pas de constater qu’il dit n’importe quoi !

Mme Marie-Christine Dalloz. …instance indépendante chargée d’apprécier le réalisme des prévisions macroéconomiques. Son président, M. Didier Migaud, a d’ailleurs dit devant la commission des finances, le 28 septembre : « Je vous rappelle toutefois que cet organisme doit sa création à un traité – le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire –, lequel n’a pas été voté par les membres qui composent le Haut conseil, mais par le Parlement. Remettre en cause la légitimité de cet organisme, c’est en quelque sorte remettre en cause le Parlement lui-même – certains traités ont même été adoptés par référendum. La légitimité du Haut conseil est celle que lui ont conférée les représentants du peuple. »

M. Alain Fauré. Nous ne la remettons nullement en cause !

Mme Marie-Christine Dalloz. Enfin, ce budget fait peser la responsabilité sur la majorité qui sera élue l’année prochaine. Jamais un projet de loi de finances n’a comporté autant de mesures ayant un impact sur le quinquennat suivant : n’en déplaise à M. Giacobbi, qui vient de soutenir l’inverse, elles s’élèvent déjà à plus de 10 milliards d’euros et les annonces électoralistes non financées continuent de s’accumuler.

Commençons par examiner le contexte macroéconomique.

Le Gouvernement maintient la prévision de croissance d’avril, à savoir 1,5 %. Selon le Haut conseil des finances publiques, celle-ci est loin d’être acquise et « supérieure à la plupart des prévisions publiées récemment ». Et le Haut conseil d’ajouter : « À la différence des projets de loi de finances 2015 et 2016, le scénario de croissance retenu par le Gouvernement, qui cumule un certain nombre d’hypothèses favorables, tend à s’écarter du principe de prudence qui permet d’assurer au mieux le respect des objectifs et des engagements pris en matière de finances publiques. » Ce n’est pas moi, c’est M. Migaud qui le précise.

Je constate que la plupart des organisations internationales et des instituts de conjoncture ont pour leur part ramené leurs prévisions à 1,2 ou 1,3 %. Certes, comme l’indiquait Mme la rapporteure générale, on n’est peut-être pas à 0,2 ou 0,3 point près, mais, dans la perspective d’une échéance électorale et dans celle du passage du déficit public sous les 3 % de PIB, il aurait été intéressant que, cette année, l’exercice soit le plus juste possible.

Ensuite, des facteurs baissiers susceptibles d’infléchir la croissance potentielle se sont matérialisés ces derniers mois : atonie persistante du commerce mondial, Brexit, climat politique dans l’Union européenne et dans le monde, attentats, tous ces éléments risquent de peser sur la perspective de croissance.

Autre paramètre macroéconomique, le niveau des prélèvements. Je me propose de me livrer à un examen de l’ensemble de ses composantes.

Pour les entreprises, les prélèvements fiscaux et sociaux nets de subventions par rapport à la valeur ajoutée s’élèvent : à 13,8 % Allemagne, 10,4 % en cotisations sociales et 3,4 % en impôts nets de subventions ; à 16,4 % aux Pays-Bas, 12,6 % en cotisations sociales et 3,8 % en impôts nets de subventions ; à 19,3 % en Belgique, 16,2 % en cotisations sociales et 3,0 % en impôts nets de subventions ; en France enfin, malgré le CICE et toutes les autres mesures que vous avez prises, à 24,9 %. En comparaison internationale, la différence est donc colossale : le niveau des prélèvements est très défavorable à notre économie.

S’agissant des familles, je suis ravie de pouvoir vous rappeler, monsieur Giacobbi, et à vous aussi, monsieur Baert, qui venez d’avancer un chiffre contrastant, selon vous, avec les prétendus errements du passé, qu’entre 2012 et 2016, votre majorité et votre gouvernement ont augmenté de 12,9 milliards d’euros le produit de l’impôt sur le revenu – j’aurais pu arrondir à 13 milliards mais je voulais rester précise.

Conscient de cette réalité et de ce qu’on appelait il n’y a pas si longtemps le « ras-le-bol fiscal », le Gouvernement propose pour la quatrième fois consécutive une mesure ponctuelle de réduction d’impôt. En augmentant le nombre de contribuables non imposables, vous cherchez à limiter les effets de votre politique fiscale sur les bas revenus et vous prétendez désormais soulager les classes moyennes, monsieur le ministre. Or l’allégement en direction des classes moyennes est en réalité très faible dans ce projet de loi de finances : 194 euros en moyenne annuelle pour un ménage avec deux enfants ou pour un célibataire sans enfants, selon le revenu ; on ne peut pas dire que ce soit considérable. Songez que la défiscalisation des heures supplémentaires, elle, représentait en moyenne 400 euros d’allégement ! En termes de pouvoir d’achat, on va du simple au double, c’est une réalité.

M. Michel Vergnier. Au moins, vous reconnaissez que c’est une moyenne annuelle, et non pas mensuelle comme l’a prétendu M. Sarkozy !

Mme Marie-Christine Dalloz. Les classes moyennes sont les grandes perdantes de ce quinquennat, aussi bien du point de vue fiscal que du point de vue social : réduction des allocations familiales ; diminution du montant unitaire de la PAJE, la prestation d’accueil du jeune enfant ; dans les tuyaux, réforme des APL, les aides personnalisées au logement.

M. Marc Le Fur. Plus que dans les tuyaux !

Mme Marie-Christine Dalloz. Par ailleurs, le PLF pour 2017 prévoit une hausse de la dépense publique de 1,6 %, portant son montant à 54,6 % du PIB.

M. Michel Sapin, ministre. C’est plus ou c’est moins que les années précédentes, selon vous ?

M. Dominique Lefebvre. Vous voyez bien qu’elle se réduit par rapport au PIB, madame Dalloz !

Mme Marie-Christine Dalloz. Selon le Haut conseil des finances publiques, « les risques pesant sur les dépenses sont plus importants en 2017 que pour les années précédentes ». En effet, la dépense publique aura augmenté de 148,7 milliards d’euros depuis 2011 – vous m’excuserez d’inclure une partie du passif précédent en prenant cette année-là pour référence. En comparaison internationale, l’évolution des dépenses en pourcentage du PIB, entre 2009 et 2017, est de moins 1,6 point pour la zone euro, de moins 3,5 points pour l’Allemagne et de plus 0,4 point pour la France. La progression est particulièrement marquée cette année.

M. Michel Sapin, ministre. Faux !

Mme Marie-Christine Dalloz. Le président de la commission des finances l’a très justement indiqué, 2017 se caractérisera par un nouveau dérapage de la dépense publique.

M. Michel Sapin, ministre. Faux !

Mme Marie-Christine Dalloz. Selon la Cour des comptes, « à 96 points de PIB, la dépense publique dépasse de près de 20 points celle de l’Allemagne et de 5 points celle de la moyenne de la zone euro ». C’est la Cour des comptes qui le dit, c’est une réalité incontestable.

Il existe donc des risques avérés – je dis bien avérés, monsieur le ministre – quant à la sincérité budgétaire pour 2017, et les protestations que vous avez formulées à ce sujet au début de votre présentation étaient bien inutiles. Toujours pour le Haut conseil des finances publiques, « le remplacement des baisses d’impôts (C3S et IS) par des crédits d’impôts, afin de financer une partie des dépenses supplémentaires annoncées pour 2017, conduit à reporter sur le solde 2018 l’impact de ces baisses de recettes ». Du fait de ce report, l’objectif de solde structurel à moyen terme se trouve menacé.

Il a déjà été fait plusieurs fois état de ce risque de report sur les exercices ultérieurs. Mais le volet fiscal du présent texte a été commandé par une logique politique double : d’une part, réorienter le pacte de responsabilité en substituant à la suppression définitive de la C3S et à la baisse du taux normal de l’IS pour toutes les entreprises l’amélioration du CICE et la mise en place d’un taux d’IS différencié pour les PME – comme nous l’avons vu en commission des finances, une rectification a fort heureusement été opérée – ; d’autre part, rassurer une partie de votre majorité, car il faudra bien que vous trouviez une majorité pour voter ce projet de loi de finances, le dernier du quinquennat.

Parmi les reports sur les exercices ultérieurs, il faut compter le passage de 6 à 7 % du CICE, qui n’est rien d’autre qu’un tour de passe-passe : on érode le rendement de l’IS tout en maintenant un taux facial élevé. L’impact budgétaire s’élève à 3,3 milliards d’euros pour l’exercice 2018 en année pleine.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est faux. Nous le prenons en compte pour 2017. Vous le savez, madame Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Ce n’est pas en 2017 que vous allez restituer de l’impôt sur les sociétés, c’est en 2018. Quant au nouveau crédit d’impôt pour l’emploi à domicile en faveur des retraités non imposables, il aura un effet budgétaire d’1 milliard d’euros d’ici à 2018.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Les impôts et les crédits d’impôt sont fixés pour le même exercice, nous vous le répétons depuis trois ans !

Mme Marie-Christine Dalloz. En trésorerie, vous aurez ce montant en 2017, mais nous ne l’aurons plus en 2018.

Mais lisons ce qu’écrit la Cour des comptes au sujet de votre promesse électorale d’un retour à l’équilibre structurel des finances publiques en 2019 : « Cette perspective est très fragile car elle repose sur des hypothèses surévaluées de croissance potentielle et très ambitieuses de maîtrise des dépenses publiques. » Nous n’en sommes pas là !

Toujours à propos de vos promesses électorales, permettez-moi de faire le point sur différentes mesures. Plan d’urgence pour l’emploi : plus 2 milliards en 2017. Plan en faveur de l’élevage : plus 800 millions en 2016. Relèvement du point d’indice de la fonction publique : plus 2,4 milliards en 2017. Mesures en faveur des jeunes, dont garantie jeunes : plus 500 millions en 2017. Suramortissement : 200 millions, mais, comme la mesure est reconduite, le niveau sera certainement supérieur. Allégement des charges des indépendants : 150 millions. Mesure IR prévues à l’article 2 du PLF : 1 milliard, comme on l’a vu. Dépassement de la prime d’activité : 300 millions.

M. Alain Fauré. Que des bonnes nouvelles !

Mme Marie-Christine Dalloz. Demandeurs d’asile : pas de crédits supplémentaires prévus pour 2017. Collectivités : 1,2 milliard en 2017. Prime enseignants : 300 millions – soit dit en passant, toutes les catégories ont bien été listées. Intermittents : 100 millions. Plan pluriannuel carrières et rémunérations : 1,2 milliard en 2017. Convention médicale, avec l’impact de la consultation à 25 euros : 1,2 milliard.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Tout cela figure dans le budget.

M. Michel Sapin, ministre. Ou dans le PLFSS.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je ne le nie pas mais je voulais simplement montrer à quel point on avait recensé toutes les catégories pour leur donner satisfaction.

M. Michel Sapin, ministre. Vous allez donc voter contre chacune d’entre elles ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Il s’agissait d’étayer mon propos selon lequel vous donnez une orientation politique à ce projet de loi de finances. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Michel Sapin, ministre. Heureusement que nous en faisons, de la politique !

M. Alain Fauré. Et en plus, ces mesures soutiennent l’économie !

Mme la présidente. Je vous en prie, mes chers collègues ! Seule Mme Dalloz à la parole.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je termine avec l’aide à la rénovation du réseau SNCF : 100 millions. Soit un total de 10,55 milliards.

Après ces dépenses destinées à satisfaire le plus grand nombre, abordons les sous-estimations.

Le Haut conseil des finances publiques, toujours lui, affirme que les politiques menées au titre des missions « Défense », « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », « Solidarité, insertion et égalité des chances », « affectent la construction du PLF, de l’absence de toute nouvelle mesure significative d’économies clairement documentée en 2017 ». Une lecture pareille fait plaisir ! Cela prouve l’absence de réforme structurelle.

M. Michel Vergnier. Vous irez le dire aux agriculteurs !

Mme Marie-Christine Dalloz. Les économies que vous avez prévues avec l’UNEDIC – 1,6 milliard – sont jugées totalement irréalistes. Je ne sais pas où en est la négociation mais, concrètement, je ne vois pas où sont ces économies.

La réalisation d’économies de grande échelle prévues sur l’ONDAM reste incertaine, le président de la commission des finances vous l’a démontré.

Enfin, la recapitalisation de certaines entreprises du secteur de l’énergie aura des incidences sur le solde public.

Je vous fais grâce de l’opération concernant la COFACE et de toutes les mesures parallèles, qui, elles aussi, représentent des montants non négligeables.

J’en viens aux recettes et à leur surestimation.

Vous avez décidé de renoncer aux réductions d’impôt – baisse de la C3S et diminution du taux de l’IS – afin de financer des dépenses supplémentaires en 2017, en substituant à ces réductions le renforcement du CICE. L’impact de ces mesures, du point de vue comptable, ne sera constaté qu’en 2018. Selon le Haut conseil des finances publiques, « ce choix fragilise la trajectoire de finances publiques à compter de 2018 », monsieur le ministre.

J’en viens aux recettes « à un coup », pour parler français. Ce texte contient de nombreuses mesures de trésorerie destinées à augmenter les recettes de 2017 en avançant d’une année une partie des recettes de certains impôts, elles ont été rappelées tout à l’heure : acompte de l’IS et de la TASCOM. Quel cadeau pour la prochaine majorité ! Elle devra assumer ces recettes, qui ne se retrouveront pas les années suivantes.

M. Dominique Lefebvre. Pourquoi ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Parce que les entreprises n’accepteront pas de payer, l’année de perception de leurs résultats, l’acompte de l’année suivante.

M. Dominique Lefebvre. C’est vous qui avez inventé la méthode !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Tout à fait !

Mme Marie-Christine Dalloz. L’équilibre budgétaire, comme le montrent tous ces éléments, est en trompe-l’œil : la prévision du Gouvernement d’un déficit public à moins 2,7 % du PIB paraît inatteignable au regard des risques sur les dépenses considérées et les recettes surestimées, et compte tenu d’une croissance trop optimiste.

M. Alain Fauré. Je vous fais remarquer que tout cela est conditionnel !

Mme Marie-Christine Dalloz. Les comptes de l’État restent dans le rouge, avec un déficit de 69,3 milliards d’euros, contre 69,9 milliards en 2016. Les baisses d’impôt annoncées mais non financées sont bien là. Le Haut conseil des finances publiques estime improbables les réductions de déficit prévues dans le PLF pour 2017. Sous le titre « Un risque significatif de non-respect des objectifs de déficit dès 2017 », la Cour des comptes estime quant à elle : « Les risques qui pèsent sur la réalisation de la trajectoire de dépenses et de solde du programme de stabilité sont donc très importants, alors même que cette trajectoire ne suffirait pas à restaurer à l’horizon du programme de stabilité la situation des finances publiques. » C’est grave : on constate déjà, préalablement, une forme de dérive.

M. Dominique Baert. C’est vous qui le dites !

Mme Marie-Christine Dalloz. On peut envisager un point de sortie budgétaire aux alentours, selon certains, de 3, 3,2, 3,4, pourquoi pas 4 % PIB en 2017, ce qui supposera inévitablement, au-delà de 3 %, la négociation d’un nouveau délai auprès de la Commission européenne. Voilà quelle sera la réalité pour la prochaine majorité.

Concernant la dette publique, la Cour des comptes indique que, « en proportion du PIB, la dette publique a continué d’augmenter en France en 2015 (+ 0,4 point) alors qu’elle baissait en Allemagne (- 3,5 points) comme en moyenne dans la zone euro (- 1,3 point de PIB). » Elle ajoute : « À 96 points de PIB, elle dépasse de près de 20 points celle de l’Allemagne et de 5 points celle de la moyenne de la zone euro. » Il est fondamental de rappeler que la progression de la dette publique fait courir à nos finances publiques un risque grave.

M. Alain Fauré. Vous, vous l’avez fait augmenter de 25 points en cinq ans !

Mme Marie-Christine Dalloz. Aujourd’hui les taux d’intérêt sont nuls, ce qui est très favorable. Vous avez eu cette chance, et c’est bien ainsi, de bénéficier de tels taux d’intérêt.

M. Michel Sapin, ministre. Ce n’est pas une chance mais la récompense de notre politique ! Cela ne s’est pas passé ainsi au Portugal ni en Italie ! Cette situation n’est pas tombée du ciel !

M. Marc Le Fur. Reconnaissez que la baisse des taux d’intérêt est une chance, monsieur le ministre !

M. Alain Fauré. Votre candidat à la présidentielle prétendait que nous ferions remonter les taux d’intérêt !

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous allez donc laisser la pénalité de votre mauvaise gestion à la prochaine majorité.

Mme la présidente. Chers collègues, n’interrompez pas Mme Dalloz. Elle seule a la parole.

M. Dominique Baert. Mais elle dit tant de bêtises !

Mme Marie-Christine Dalloz. Merci madame la présidente.

L’emprunt à dix ans, aujourd’hui, se réalise à 0,1 %, contre près de 4 % il y a quatre ans. Mais cela risque de ne pas durer, pour de nombreuses raisons, indépendantes de votre bonne gestion – ou éventuellement de votre mauvaise gestion de l’année prochaine.

Car la politique dite « non conventionnelle » de la BCE – la Banque centrale européenne – prendra certainement fin en septembre 2017, avec un effet évident. La FED, la Federal Reserve, envisage un nouveau relèvement des taux compte tenu de la situation. Il convient de tenir compte des effets du Brexit sur les rendements des obligations souveraines, lesquels pourraient s’atténuer, en fonction du calendrier de sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne. Tous ces éléments doivent être pris en considération et auront un impact réel sur les taux d’intérêt.

La France creuse massivement les déficits entre 2017 et 2018, et pourrait ainsi devenir la cible de nos financeurs, qui, je le rappelle, sont aux deux tiers étrangers.

Après les travaux en commission des finances, voici la réalité : 319 amendements ont été discutés, dont 57 adoptés, pour 1 milliard d’euros de dégradation de solde. Après l’examen en commission, nous avons donc à retrouver 1 milliard d’euros de financement. Je vous épargnerai le détail de chaque article pour ne citer que les modifications apportées aux articles 2, 6 et 7.

Je m’étendrai toutefois sur un amendement, après l’article 7, défendu par le président du groupe SER, M. Bruno Le Roux, visant à proroger le crédit d’impôt pour dépenses de production exécutive d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles – crédit d’impôt international – jusqu’au 31 décembre 2022. Coût de cet amendement : 52 millions d’euros. Je rappelle que le montant du crédit d’impôt cinéma s’élève, en 2017, à 216 millions d’euros.

L’article 9 a été également modifié, pour un coût de 100 millions d’euros.

Après l’article 11, un amendement coûte 1,5 million d’euros.

À l’article 14, un autre coûte de 532 millions d’euros, mais celui-là est légitime car il vise à supprimer la minoration des dotations de compensation de la réforme de la taxe professionnelle des départements et des régions.

À l’article 17, 50 millions d’euros supplémentaires.

Enfin, encore 50 millions d’euros à l’article 18.

On le voit bien, ce projet de budget a nécessité un travail important,…

M. Michel Sapin, ministre. C’est normal !

Mme Marie-Christine Dalloz. …fait de discussions en commission des finances et d’aménagements, en particulier pour les collectivités territoriales et différents dispositifs. Je pense notamment au crédit d’impôt pour l’exportation : alors que les entreprises françaises éprouvent des difficultés pour exporter, vous n’avez rien trouvé de mieux que de supprimer le crédit d’impôt recherche pour les dépenses liées au développement des exportations. Quel non-sens !

La commission des finances a travaillé en vue de rétablir ce que vous vous plaisez à appeler « une certaine justice » et que, pour ma part, j’appelle de l’équité. D’ailleurs, nous n’entendons plus parler de justice. Auriez-vous perdu de vue la notion de justice ?

M. Alain Fauré. Pas du tout !

M. Michel Sapin, ministre. C’est dommage, vous n’avez pas écouté, madame Dalloz !

Mme Marie-Christine Dalloz. Au début de la législature, chacun et chacune d’entre vous n’avait que le mot justice dans la bouche. Aujourd’hui, je parlerai d’équité : ce projet de budget est redevenu équitable, mais il est dégradé d’1 milliard. Il faudra donc adopter des mesures d’équilibre.

J’ai quelques idées à vous proposer : supprimons l’article 2, tel que vous l’avez présenté, et nous atteindrons le parfait équilibre ! Cette baisse d’impôt en trompe-l’œil n’a pas lieu d’être aujourd’hui.

M. Dominique Lefebvre. Pourquoi parlez-vous de trompe-l’œil ? Parce que vous ne ferez pas partie des bénéficiaires ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Dans la mesure où elle n’aura pas un effet considérable, sa suppression serait une bonne idée.

M. Alain Fauré. Ben voyons !

Mme Marie-Christine Dalloz. Mais pour cela, vous l’aurez compris, il faut revenir en commission des finances.

Tout à l’heure, à la fin de son propos, le président de la commission des finances, Gilles Carrez, vous a proposé qu’un audit soit réalisé par un organisme indépendant en cas d’alternance. Il a omis de dire que ce sera nécessaire dès le début de 2017 : avant que l’alternance ne soit effective,…

M. Nicolas Sansu. Quelle alternance ?

Mme Marie-Christine Dalloz. …il faudra s’assurer de l’exécution précise du budget 2016. Car j’imagine que nous examinerons un projet de loi de finances rectificative pour 2016. Il sera donc intéressant que nous puissions assurer un suivi politique de l’exécution des comptes de 2016.

Puisque le doute est permis pour l’exercice 2016, vous comprendrez qu’il soit encore plus grand pour l’exercice 2017. Je pense qu’à ce stade, le déficit de 2017 tel qu’il est prévu n’est déjà plus d’actualité. Il est donc évidemment nécessaire, de façon consensuelle, de revenir en commission pour nous accorder sur un niveau acceptable de réduction du déficit public pour 2017 et les exercices suivants. C’est du moins ce que je vous propose à travers cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre. Madame la présidente, puisque nos débats se poursuivront ce soir et durant toute la semaine, je ne prendrai que quelques minutes pour répondre à Mme Dalloz. Mais il me paraît normal de lui apporter quelques éléments de réponse car elle s’est exprimée au nom d’un groupe important de l’opposition, à la fois par son nombre et par la qualité de ses membres.

Les sujets qui viennent d’être évoqués font partie du débat et ont déjà été abordés, en des termes légèrement différents, par M. Mariton.

L’un des débats porte sur l’hypothèse de croissance, nous en discutons chaque année, c’est normal. Nous en discutions déjà chaque année lorsque c’est l’opposition actuelle qui présentait le projet de budget. Au fond, le juge de paix de cette affaire serait la comparaison entre nos débats passés – par exemple ceux des deux dernières années – et le résultat obtenu. Car une hypothèse n’est qu’une hypothèse, et un jour intervient le résultat : on peut voir ce qui s’est passé effectivement au cours de l’année passée, voire de l’année en cours car, à ce stade de l’exercice, nous pouvons avoir un certain nombre de certitudes sur la situation exacte du budget.

Fin 2014, le projet de budget pour 2015 vous avait déjà été présenté par M. Eckert et moi-même. C’était le même couple de gens « sérieux », pour reprendre l’hommage que nous a rendu M. Mariton, que nous remercions pour cette appréciation. Il ne suffit certes pas d’être sérieux pour être efficace, mais c’est déjà quelque chose.

M. Hervé Mariton. C’est une condition nécessaire !

M. Michel Sapin, ministre. Je le répète – nous ne cessons de le faire –, nous vous avions donc présenté un projet de budget, dont l’opposition avait contesté, ce qui est assez habituel, l’hypothèse de croissance. Entre nous, vous étiez en bonne compagnie puisque le Haut conseil des finances publiques avait lui aussi considéré que cette hypothèse de croissance de 1 % était trop optimiste. Or, en 2015, la réalité fut une croissance de 1,2 %. Vous me direz que 0,2 point, ce n’est pas beaucoup. Mais, dans notre débat de ce soir à propos de la croissance de l’année prochaine, nous sommes à 0,2 point près. En 2015, cette différence de 0,2 point était une bonne chose car il est toujours satisfaisant de constater que la croissance dépasse les prévisions. À l’époque pourtant, jeu ou posture – mais cela nous est peut-être aussi arrivé par le passé –, vous aviez considéré que notre prévision était irréaliste. Et pourtant, nous l’avons respectée.

Cette année, je comprends qu’il puisse y avoir des débats sur la croissance. Avant l’été, on nous disait que l’hypothèse de 1,5 % était pessimiste et que nous atteindrions 1,7 %. Nous avons alors refusé de revoir nos hypothèses de croissance car il ne nous paraissait pas légitime de nous laisser porter au gré des vagues qui montent et qui descendent.

Aujourd’hui c’est l’inverse : on nous dit qu’une croissance de 1,5 % est un peu supérieure à ce qui est possible, parce que se sont effectivement produits un certain nombre d’événements extérieurs qui pèsent sur la croissance européenne et la croissance française – je les ai décrits moi-même et vous l’avez fait à votre tour, madame Dalloz, avec honnêteté. Mais, finalement, je ne pense pas que nous nous trompions beaucoup car 0,2 point, c’est ce que nous avons réussi à obtenir pour la croissance de 2016.

Pour ce qui est de l’année prochaine, cela ne vaut pas le coup, franchement, de nous chamailler – même si nous restons en bons termes – sur 0,1 point de plus ou de moins, car cela ne change pas la réalité des choses. Nous avons jusqu’à présent élaboré des estimations qui se sont avérées exactes ou même un peu inférieures à la réalité. Pourquoi devrions-nous avoir des débats aussi longs sur ces hypothèses de croissance ?

Je dirai la même chose, du reste, à propos des déficits. Je répéterai certains chiffres car il est important de les avoir en tête. Fin 2014, notre prévision pour 2015 était de 4,2 %, madame Dalloz, et, à l’époque, vous jugiez cette hypothèse irréaliste. Vous étiez d’ailleurs en bonne compagnie puisque le Haut conseil avait à peu près les mêmes appréciations que vous.

Mme Marie-Christine Dalloz. Voilà !

M. Michel Sapin, ministre. Pour 2016, alors que nous prévoyions 3,3 %, ce qui est grosso modo ce vers quoi nous nous orientons, vous mettiez en doute ce taux à peu près dans les mêmes termes que ceux que vous venez d’utiliser – peut-être sont-ils toutefois plus mesurés aujourd’hui que l’année dernière.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je me bonifie !

M. Michel Sapin, ministre. Je ne sais pas si vous vous bonifiez mais, compte tenu des débats qui vous agitent, au plan interne comme au plan externe, vous commencez à prendre conscience des difficultés, des réalités et de votre éventuelle capacité à agir.

Bref, sur tous ces sujets, les projections sont, non pas certaines, puisque nous parlons de l’avenir – si quelqu’un peut jamais avoir une certitude sur l’avenir, qu’il me le dise ! – mais du moins parfaitement réalistes.

Vous avez également formulé, sur l’évolution de la dépense publique, des remarques que je ne peux pas accepter, pardonnez-le moi, parce qu’elles ne sont pas exactes. Vous avez retenu un indicateur pertinent – la part de la dépense publique dans le PIB – mais en l’employant de manière biaisée.

En 2008, ce pourcentage s’élevait à 52 %. En 2009, il est monté à 55,9 % – soit, pour arrondir, comme vous le faites, à 56 %. Ce taux, que vous nous aviez laissé, nous l’avons à peu près maintenu jusqu’en 2012-2013. Puis, en 2013, nous avons fait le travail. Certains d’entre vous nous ont d’ailleurs rendu hommage pour notre sérieux dans la maîtrise de la dépense publique, nous les en remercions – certes, ils ne l’ont pas fait lorsque nous discutions du budget, mais un hommage, même rétrospectif, est toujours agréable.

M. Hervé Mariton. Ce que nous avons dit était plus subtil ! Vous avez l’oreille sélective !

M. Michel Sapin, ministre. Oh, peut-être était-ce plus subtil, mais à quels résultats sommes-nous parvenus ? 56 % en 2014, 55,5 % en 2015, 55 % en 2016. Il n’y a guère de raison de contester ces chiffres. Et, pour 2017, nous prévoyons un taux de 54,6 %. La réalité, c’est que, depuis que nous sommes aux affaires, la part de la dépense publique dans le PIB diminue.

M. Marc Le Fur. Surtout la part des dépenses des collectivités !

M. Michel Sapin, ministre. Elle diminuera même en 2017, alors que nous devrons faire face à des dépenses que vous ne contestez pas dans leur principe, notamment dans le domaine de la sécurité. En effet, la sécurité s’impose à nous tous, quelle que soit notre couleur politique, vous en conviendrez.

Avez-vous en mémoire des législatures pendant lesquelles les lois de programmation militaires auront été non seulement respectées mais même revues à la hausse, comme c’est le cas maintenant ?

M. Hervé Mariton. Allons ! Cela s’est produit à l’insu de votre plein gré ! Ce n’est pas de votre fait !

M. Michel Sapin, ministre. Cela n’a jamais été le cas au cours des législatures passées, je peux les recenser une à une.

M. Hervé Mariton. Ce n’est pas décent !

M. Philippe Meunier. Soyez sérieux !

M. Michel Sapin, ministre. Ne haussez pas le ton quand quelque chose vous déplaît ! Regardez les chiffres ! Dans le jargon du budget, cela s’appelle des courbes en « crêtes d’Iroquois » : les augmentations sont sans cesse repoussées dans le temps. Nous, nous avons respecté intégralement la loi de programmation et nous avons même augmenté les crédits nécessaires.

J’en viens à la question de la dette, qui n’est simple ni pour les uns ni pour les autres. Mais soyez un peu objectifs ! La dette publique atteint aujourd’hui 96,2 % du PIB, comme en 2015. Fin 2016, elle représentera environ 96,1 % du PIB. Vous m’objecterez peut-être qu’une diminution de 0,1 point est infime, d’autant que cette estimation contient peut-être une marge d’erreur. Disons que nous sommes aux alentours de 96 % et qu’en 2017, nous vous proposons de réaliser encore une légère baisse.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est grâce au rachat d’émissions de l’an dernier !

M. Michel Sapin, ministre. Non, cela ne change rien d’une année sur l’autre ; nous sommes bien à 96 %.

M. Marc Le Fur. Il est là, le résultat de la faiblesse des taux !

M. Michel Sapin, ministre. Simplement, reprenez les taux constatés. Je peux vous les donner, mais vous les avez, vous les connaissez : en 2007, la dette représente 64 % du PIB – nous étions pratiquement aux 60 % exigés par le traité de Maastricht. En 2011 et 2012, elle monte déjà à 89 %.

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous ne savez pas ce qui s’est passé en 2008 ?

M. Michel Sapin, ministre. Si, mais reconnaissez que notre action a consisté, depuis lors, à maîtriser l’endettement.

M. Alain Fauré. Eh oui !

M. Michel Sapin, ministre. Il faut comparer 25 points de hausse à 7 points de hausse. C’est cela, la réalité.

Mme Chantal Guittet. Exactement !

M. Michel Sapin, ministre. Vous nous dites que c’est parce que nous avons bénéficié de taux d’intérêt tombés du ciel.

M. Hervé Mariton. C’est vrai !

M. Michel Sapin, ministre. Mais les taux d’intérêt accordés à la France – non seulement à l’État mais à tous ceux qui ont besoin de se financer sur les marchés – sont-ils le fruit du hasard ?

M. Alain Fauré. Non !

M. Michel Sapin, ministre. Puisque nous sommes entre spécialistes, vous connaissez le terme spread, utilisé en bon berrichon : c’est en calculant la différence entre le taux d’intérêt allemand, toujours le plus bas, et le taux d’intérêt français, que les spécialistes évaluent – et ce n’est pas idiot – si la confiance accordée à l’Allemagne est un peu supérieure ou largement supérieure.

M. Philippe Meunier. On pourrait aussi comparer les charges dans les deux pays !

M. Michel Sapin, ministre. Vous pouvez plaisanter mais c’est stupide ! Intéressez-vous plutôt au sujet, adressez-vous à des gens qui le connaissent un peu et vous comprendrez !

Lorsque la droite a quitté le pouvoir, en 2011, la différence entre le taux d’intérêt allemand et le taux d’intérêt français était de 1,5 point, ce qui, en montants à payer, représente une différence considérable. Où en sommes-nous aujourd’hui ? La différence est tombée à 0,3 point. L’écart entre 1,5 et 0,3 point mesure la confiance que les acteurs économiques accordent à la France et à la politique que nous avons menée. Si nous n’avions pas eu le sérieux que M. Mariton nous a reconnue, nous emprunterions non au taux d’intérêt actuel mais à ceux, très élevés, qui s’applique à l’Espagne – que dirigent vos amis –, au Portugal ou à l’Italie.

Mme Marie-Christine Dalloz. Ou à la Grèce !

M. Michel Sapin, ministre. C’est grâce à notre gestion sérieuse que nous avons allégé le poids de la dette, et c’est en réalisant ces économies que nous finançons nos priorités : l’éducation, l’emploi et la sécurité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Dominique Baert. Très bien !

M. Serge Bardy, rapporteur pour avis. Lumineux !

Mme la présidente. Nous en venons aux explications de vote sur la motion de renvoi en commission.

La parole est à M. Paul Giacobbi, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Paul Giacobbi. Il n’y a pas de différence considérable, au sujet de la croissance attendue, entre les prévisions de Bercy et celles de l’INSEE. C’est inférieur à la marge d’erreur : 0,2 ou 0,3 point.

Mme Marie-Christine Dalloz. La prévision de l’OCDE diffère de 0,3 point.

M. Paul Giacobbi. Peu importe. Je félicite au passage l’OCDE pour ses magnifiques prévisions de 2005 et 2006, si différentes des résultats de 2007 ! Sur le plan académique, excusez-moi, l’OCDE se pose là !

M. Alain Fauré. C’est vrai ! Ils ont été brillants !

M. Hervé Mariton. Venons-en au fait !

M. Paul Giacobbi. Au fait, j’aimerais qu’on m’explique – car j’ai fait pas mal d’économie et très peu de mathématiques – comment, arithmétiquement, un différentiel de 0,1 ou 0,2 point de PIB concernant la croissance peut produire une baisse de 0,8 point de PIB des recettes fiscales. Je vous assure que c’est risible. Si c’est pour dire cela, ce n’est pas la peine de retourner en commission, car vous allez faire rire tout le monde, sur un sujet qui, pourtant, n’est pas si drôle.

M. Alain Fauré. Bien dit !

Mme Chantal Guittet. Quel talent !

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Lefebvre, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

M. Dominique Lefebvre. Bien évidemment, le groupe socialiste, écologiste et républicain ne votera pas la motion de renvoi en commission, qui n’a pas de justification.

La commission des finances s’est réunie pendant onze heures – les députés de l’opposition n’étaient pas très nombreux, ceux de la majorité étaient plus assidus – et l’ensemble de ces sujets ont été examinés.

Je comprends que vous formuliez des critiques. Le ministre venant de vous répondre, madame Dalloz, je ne m’étendrai pas davantage sur les hypothèses macroéconomiques et la dépense publique.

Pendant des années, j’ai rédigé pour la Cour des comptes les rapports sur la situation des finances publiques. Je peux vous rappeler les hypothèses macroéconomiques retenues par les gouvernements que vous souteniez pour construire leurs budgets, lesquelles, chaque année – à deux exceptions près –, étaient démentis par les faits : elles se sont toujours révélées inexactes, ce qui a conduit aux chiffres cités par le ministre et à la dette que nous avons trouvée en 2012.

M. Alain Fauré. C’est vrai !

M. Dominique Lefebvre. Je rappelle les 600 milliards de dette du quinquennat Sarkozy, que vous attribuez uniquement à la crise, et le fait qu’entre 2002 et 2007, pendant le quinquennat Chirac, la dette a augmenté de 400 milliards d’euros.

Votre autre argument est que la dette publique augmente de 1,6 % – quelle horreur ! nous y reviendrons au cours du débat –, notamment en raison des dépenses en faveur de l’éducation, de l’emploi et de la sécurité. Comment pouvez-vous nous reprocher une augmentation de 1,6 %, alors qu’en moyenne, entre 2002 et 2012, la dette a crû de 3,6 % ?

Vous avez commencé votre allocution en disant que nous n’étions pas là pour parler des primaires de la droite.

M. Serge Bardy, rapporteur pour avis. Parce qu’elles ne sont guère valorisantes !

M. Dominique Lefebvre. Je reconnais qu’il nous a fallu un peu d’allant, de ce côté-ci de l’hémicycle, pour que le débat se fasse aussi à l’intérieur de la gauche et pas seulement entre la gauche et la droite. Mais je rappelle que le débat budgétaire est un débat projet contre projet, gauche contre droite. Il faudra donc vous y habituer : jusqu’à vendredi soir, puis lors de la discussion de la seconde partie du budget, nous vous rappellerons vos véritables propositions.

Sur les chiffres et les faits, les choses sont simples, madame Dalloz. L’alternance le montre : chaque fois que la droite gouverne, les déficits se creusent ; chaque fois que la gauche est aux affaires, les finances publiques se redressent. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour le groupe Les Républicains.

M. Marc Le Fur. Monsieur le ministre, ni votre compétence ni votre énergie ne sont en cause, mais c’est l’ultime budget que vous nous présentez…

M. Dominique Lefebvre. L’ultime de ce quinquennat !

M. Marc Le Fur. …et il est marqué par ce qui restera dans les esprits comme la caractéristique de toute cette législature : le choc fiscal, dont notre pays ne se remet pas, qui a touché tous les Français, et non pas seulement les catégories moyennes et aisées, notamment par la disparition des avantages liées aux heures supplémentaires.

Après ce choc fiscal, vous avez hésité de nombreuses années entre ce que préconisait votre gauche et d’autres mesures plus raisonnables, dont le CICE est l’expression. Malgré tout, ce CICE est resté une usine à gaz,…

M. Alain Fauré. Une règle de trois n’est pas une usine à gaz !

M. Marc Le Fur. …un dispositif dont il faudra sortir au profit d’une véritable baisse des charges. D’ailleurs, il ne satisfait pas toutes les entreprises ; vous savez en effet qu’il reste des difficultés majeures, qui concernent notamment les coopératives.

Cet ultime budget est fondé sur un certain nombre d’artifices, sur des positions très démagogiques et catégorielles, et sur de la dissimulation. Mme Dalloz l’a parfaitement expliqué : plus de 10 milliards de dépenses ne sont pas financés.

Je vous sais gré toutefois de votre proposition de créer un crédit d’impôt au bénéfice des retraités salariant des emplois à domicile. C’est une idée que je portais depuis de nombreuses années…

M. Dominique Baert. C’est surtout une idée de M. Eckert !

M. Marc Le Fur. …et qui sera adoptée prochainement. C’est une bonne mesure. Curieusement, quand je la proposais, on me répondait qu’elle était très chère. Maintenant, elle l’est sensiblement moins. Il faudra nous expliquer qui avait tort : le ministre des finances d’autrefois ou celui d’aujourd’hui ?

M. Dominique Baert. Certainement pas le ministre actuel !

M. Marc Le Fur. J’insiste sur un autre aspect souligné par Mme Dalloz : vous avez une chance formidable. Vous bénéficiez de taux d’intérêt faibles, voire négatifs.

M. Dominique Baert. Parce qu’on est bons !

M. Marc Le Fur. Vous invoquez la faiblesse relative de ces taux comparés à ceux des autres pays. Mais attention : il faut les comparer dans le temps.

Mme la présidente. Merci, cher collègue…

M. Marc Le Fur. Les législatures précédentes n’ont pas connu cet avantage. Il est à craindre que les suivantes en soient également privées.

M. Dominique Baert. Surtout si vous gagnez les élections !

M. Marc Le Fur. Enfin, ce budget, nous y reviendrons en examinant les articles non rattachés, est entaché d’un défaut majeur : l’idée du prélèvement à la source, allant à l’encontre des avantages accordés aux familles et de la simplification. Nous devrons absolument sortir de ce dispositif si, comme je l’espère, nous regagnons la majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

7

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2017.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures quinze.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly