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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2016-2017

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du jeudi 20 octobre 2016

SOMMAIRE

Présidence de Mme Sandrine Mazetier

1. Projet de loi de finances pour 2017

Première partie (suite)

Article 4 (suite)

Amendement no 14

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics

Amendement no 243

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Amendements nos 292 , 293

Après l’article 4

Amendements nos 262 , 774 , 76 , 106 , 110 , 107 , 549 , 291 , 463 , 746 , 504 , 773 rectifié , 79 , 15 , 108

Article 5

Mme Véronique Louwagie

M. Marc Le Fur

M. Charles de Courson

Mme Christine Pires Beaune

Amendements nos 172 , 691, 692 , 367

Article 7

M. Paul Giacobbi

Amendements nos 18 , 148 , 174 , 369

Suspension et reprise de la séance

Après l’article 7

Amendements nos 552 , 665 , 12 , 11 , 493, 490 , 449 , 59 , 296 rectifié

Rappel au règlement

Mme Marie-Christine Dalloz

Mme la présidente

Après l’article 7 (suite)

Amendements nos 142 rectifié , 34 , 339 , 535 , 812 (sous-amendement) , 434 , 465 , 575 , 438 , 466 , 561 , 446 , 467 , 562 , 767, 768 , 60 , 399

M. François Pupponi, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques

Amendements nos 697 , 402

Suspension et reprise de la séance

Amendements nos 828 (sous-amendement) , 522 , 492 , 327 rectifié , 740 , 752 , 167 , 274 , 61 , 448 , 508 , 204 , 250, 583, 249, 584 , 10 , 122 , 370, 376 rectifié , 529 , 206 , 27 , 624 , 297 , 203 , 186 , 325

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Sandrine Mazetier

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Projet de loi de finances pour 2017

Première partie (suite)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2017 (nos 4061, 4125, 4127 et 4131).

Ce matin, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles de la première partie du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement n14 à l’article 4.

Article 4 (suite)

Mme la présidente. L’amendement n14 a déjà été défendu ce matin.

M. Marc Le Fur. Non, il ne l’a pas été !

Mme la présidente. Si, cher collègue : il a été défendu par M. Reiss.

La parole est à Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission sur cet amendement.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics, pour donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n14.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Nous avons déjà débattu de l’impôt de solidarité sur la fortune – ISF – ; on voit bien qu’il existe, entre la gauche et la droite, deux analyses, deux philosophies complètement différentes.

Je voudrais réagir aux propos tenus par notre collègue Colas juste avant la levée de la précédente séance. Il a dit que la lutte contre la fraude et l’optimisation fiscale était quelque chose qui concernait la gauche et que la droite n’était, en fin de compte, pas intéressée par cela. Je le répète : ce n’est pas du tout le cas. Nous sommes farouchement contre la fraude fiscale. En revanche, ce qui concerne l’optimisation fiscale doit être appréhendé avec une nuance différente ; il convient de combattre toute optimisation fiscale qui ne répondrait pas aux vertus que l’on recherche, ainsi que tout ce qui serait excessif.

Nous vous proposons de supprimer l’ISF, car c’est un impôt qui affaiblit l’économie française. Cela, vous ne pouvez pas le nier : certaines personnes refusent d’habiter en France, voire quittent la France à cause de cet impôt – entre autres motifs.

Je voudrais aussi revenir sur la question des holdings, que vous allez mettre en difficulté avec cet article 4. Les holdings ont une vertu : elles assurent la transmission de nos entreprises. Or nous avons en France un vrai problème de transmission des petites et moyennes entreprises – les PME – et des très petites entreprises – les TPE. Il nous faudrait soutenir les entreprises familiales. Là, en mettant en difficulté les holdings, en les montrant du doigt, vous n’allez pas aider à la transmission des entreprises.

Au demeurant, la difficulté que soulève l’article 4, c’est qu’il faudrait supprimer l’ISF. Je crois que c’est ainsi que nous apporterions une vraie réponse.

(L’amendement n14 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour soutenir l’amendement n243.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le secrétaire d’État, ce matin, vous avez indiqué que, vu la fragilité de l’article 4, vous aviez prévu de prendre des mesures complémentaires dans le cadre d’une loi de finances rectificative – du moins, c’est ce que j’ai cru comprendre. Mon amendement vise à vous éviter cette peine, puisqu’il tend à consolider la rédaction de l’article 4 : son objet est de supprimer, d’une part, l’adjectif « principal » – puisque chacun sait qu’il faut lui préférer « exclusif » –,…

Mme Marie-Christine Dalloz. En effet : sinon, c’est la porte ouverte à toutes les interprétations !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. …d’autre part, l’expression « diminution artificielle », car on risque de tomber dans l’arbitraire ou dans l’incompétence négative. Il s’agit donc d’un bon travail juridique, pour venir à votre secours, monsieur le secrétaire d’État ! (Sourires.)

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Il n’est pas prévu de pénalités, c’est vrai, mais ce n’est pas pour autant que cela va passer, même si mon amendement est adopté. Je reste convaincu qu’il y a des limites, notamment pour ce qui est de la libre appréciation de l’administration – qui, il est vrai, est renforcée par la rédaction que je propose. L’article continuera, à mon avis, à poser un problème juridique ; toutefois, comme vous pouvez le voir, mon amendement est animé par d’excellentes intentions !

Je voudrais prendre un instant pour m’adresser à M. Muet et à Mme Berger, qui aiment tous deux les mathématiques.

Prenons un excellent citoyen, qui aurait un patrimoine de 10 millions et qui voudrait rendre service à M. Eckert en lui prêtant ces 10 millions pour financer le déficit de l’État ; supposons que ce patrimoine ait une rentabilité de 2 % – même si ce n’est plus le cas aujourd’hui.

M. Marc Le Fur. En effet, ce n’est plus le cas !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. De ces 2 %, on lui prendra 45 % au titre de l’impôt sur le revenu – car il se trouve probablement dans cette tranche –, plus 15,5 % au titre des prélèvements sociaux, soit 60 % au total, c’est-à-dire 1,2 %. Il lui restera 0,8 % ; mais comme l’ISF est à 1,5 %, il n’aura pas assez pour payer : il sera donc obligé de vendre une partie de son patrimoine.

M. Marc Le Fur. Et qui sera la victime ? M. Eckert !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Vous voyez bien que cela ne marche pas !

Le Conseil constitutionnel, quand il avait examiné la loi de finances de 2013, avait fixé une limite au caractère confiscatoire de l’impôt, autour de 70 % ou 75 %. Dans l’exemple que je viens de donner, on est à plus de 100 % ! Donc, le plafonnement, de toute façon, on en a besoin.

Il faut transformer l’ISF ; je comprends que vous soyez pour cet impôt, mais, au moins, fixez-lui un barème raisonnable !

Mme Marie-Christine Dalloz et M. Marc Le Fur. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La commission a pris bonne note du soutien du président de la commission des finances…

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. De son souci !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. …et de son souci que cet article 4 connaisse, jusqu’au bout, un sort heureux. Néanmoins, elle s’est souvenue des débats que nous avions eus dans ce même hémicycle en 2013 sur les adjectifs « principalement » et « exclusivement ». Cela avait donné lieu à de très longs développements juridiques. Elle a fait la balance entre les deux et elle a rejoint la position…

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. La prise de risques !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. …la prise de risques, si vous voulez, qui avait été retenue à l’époque. Nous proposons de réitérer cette décision. Avis défavorable, donc.

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous ne voulez rien entendre ! Vous restez sourds aux bons arguments !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Monsieur le président de la commission des finances, vous êtes sympathique,…

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Ah ? Ce matin, j’étais un bateleur ! (Sourires.)

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …sauf que je n’ai pas vu d’amendements tendant à modifier le taux de l’ISF. Je ne vois que des amendements qui visent à le supprimer ! Vous avez donné un exemple en expliquant que c’était le taux qui était en cause. Mais non, ce n’est pas le taux : tous vos amendements remettent en question le principe même de l’ISF – ce qui est d’ailleurs votre droit.

L’ISF n’est pas anti-économique. Le dispositif assure quand même la protection de l’outil de travail – si j’ose dire –, des biens professionnels. J’ai même entendu des personnes qui disaient : « Mais si l’on supprime l’ISF, on sera obligé de supprimer l’ISF-PME ! ».

M. Charles de Courson. Oh !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ce ne sont pas spécialement des trotskistes qui ont tenu des propos de ce genre…

M. Charles de Courson. Non, ce sont des pervers fiscaux ! (Sourires.)

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je nous mets donc en garde.

Plus sérieusement, cela fait deux ou trois fois que j’entends dire que cet article s’attaquerait aux holdings, mais ce n’est pas vrai : le président de la commission des finances vient presque de justifier le mécanisme, en soulevant la question des holdings qui ne sont destinées qu’à encaisser les dividendes que l’on ne perçoit pas pour qu’ils ne figurent pas au dénominateur pour le calcul du plafonnement. Ce sont des choses connues.

Nous aurons l’occasion d’évoquer d’autres situations avec l’amendement de Charles de Courson. On sait ce que sont les holdings, de même que l’on sait ce que sont les holdings animatrices – qui font d’ailleurs l’objet d’un vaste débat.

M. Charles de Courson. En effet : ce n’est pas simple !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ces structures sont souvent utilisées pour incorporer, dans certaines proportions, du cash. Eh oui, cela sert aussi à cela !

M. Charles de Courson. C’est mixte !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. On sait aussi ce que sont les « cash box », sociétés destinées uniquement à retenir les dividendes et à en piloter la perception. Certains ont cité des noms, en disant « Untel ne paie pas l’ISF » ; mais ces personnes peuvent très bien payer l’ISF certaines années, ou accepter de le payer les années où elles ont besoin d’accumuler un revenu, quitte à effectuer en parallèle d’autres opérations, de façon à ce qu’ensuite, elles n’aient plus besoin de percevoir des revenus. Eh oui : c’est comme cela que ça se passe ! Il faut donc être très prudent.

Nous n’avons pas l’intention de nous attaquer aux holdings, ni aux biens professionnels ; avec cet article, nous avons l’intention d’éviter un certain nombre d’abus, parce que nous en avons repéré. Vous prétendez, monsieur le président de la commission des finances, préciser lesquels. Pourquoi pas ? Sauf que ce faisant, vous restreignez le champ d’application du dispositif : un grand nombre de situations que l’article 4 pourrait corriger ne le seront pas si nous restreignons la portée de celui-ci en adoptant votre rédaction.

J’ai dit tout à l’heure ce qu’il en était de la prétendue incompétence négative attachée à cet article. Je n’ai rien à ajouter sur ce point.

L’avis du Gouvernement est défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, je crois qu’il faut voter contre l’amendement de Gilles Carrez, parce que si nous l’adoptions, cela ôterait à l’article l’un de ses motifs d’inconstitutionnalité. Il serait par conséquent astucieux que le Gouvernement maintienne le texte en l’état, de façon que le Conseil constitutionnel puisse y mettre un peu d’ordre ! (Rires et exclamations sur plusieurs bancs.)

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Eh oui, c’est un amendement qui vient au secours du Gouvernement !

(L’amendement n243 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n292 de la commission des finances.

M. Charles de Courson. Eh bien, c’est un amendement que j’ai déposé pour montrer l’absurdité de l’article 4. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Ce n’est pas pour cette raison que la commission l’a adopté !

M. Charles de Courson. En effet, le texte que nous propose le Gouvernement n’essaie de combler que l’un des multiples trous qui permettent de contourner l’ISF. L’objet de l’amendement est donc de signaler au Gouvernement qu’il n’y a pas que le cas des holdings dites « mères », grâce auxquelles on accumule les dividendes et l’on vit avec le « SMIC des riches » – comme on dit. Il existe aussi une autre technique, monsieur le secrétaire d’État, que vous évoquez d’ailleurs dans l’exposé des motifs, mais sans pour autant régler le problème : certaines personnes très riches refusent toute distribution de dividende – je rappelle que les grandes fortunes françaises sont des fortunes mobilières, et non des fortunes immobilières – et vivent à crédit : elles vont voir leur banquier et obtiennent des crédits à la consommation. Si j’ai déposé cet amendement, c’est donc pour montrer l’absurdité du système : l’ISF est condamné à mort.

J’ai failli déposer un autre amendement visant ceux qui utilisent les contrats d’assurance-vie pour contourner l’ISF. Vous connaissez tous le dispositif, qui consiste à souscrire un contrat d’assurance-vie à 100 millions d’euros sur lequel on effectue un retrait, celui-ci n’étant pas assimilé à un revenu. Des montages encore plus subtils sont également possibles, par exemple via des prêts adossés au contrat. À qui ces mécanismes sont-ils réservés, selon vous ? Aux « petits riches » ? Pas du tout ! À ceux qui possèdent de très grosses fortunes, bien entendu.

Je me tue à le rappeler : l’ISF est fondamentalement contraire au principe d’équité, puisque les Français les plus riches – notamment les onze premiers – y échappent.

Mme la présidente. Merci, monsieur de Courson.

M. Charles de Courson. Je termine, madame la présidente.

Quant aux biens professionnels, monsieur le secrétaire d’État, j’ai expliqué ce qu’il en était : il suffit aux intéressés d’occuper, jusqu’à leur mort, la présidence d’un conseil de surveillance. C’est grâce à cela que Mme Bettencourt, par exemple, échappe à l’ISF sur l’essentiel de sa fortune, à savoir ses participations aux capitaux des groupes l’Oréal et Nestlé.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous avez déclaré, monsieur le député, avoir déposé un amendement pour vous « amuser ».

M. Charles de Courson. Non, pour montrer l’absurdité de l’ISF !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement, lui, n’a pas le temps de s’amuser. Avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix cet amendement de la commission des finances…

M. Charles de Courson. Je vote contre ! J’entendais, avec cet amendement, montrer l’absurdité du dispositif.

M. Paul Giacobbi. Le règlement ne prévoit-il pas de sanctions dans ce cas de figure ? (Rires.)

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l’amendement n292, mis aux voix par assis et levé, n’est pas adopté.)

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous votez contre un amendement de la commission, madame la rapporteure générale ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Voyez qui l’a défendu !

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, pour soutenir l’amendement n293.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Nous avons eu beaucoup de mal, cette année, à obtenir les tableaux relatifs au plafonnement de l’ISF, avec une ventilation entre les déciles de revenus et les montants patrimoniaux. Nous ne les avons reçus que la semaine dernière. Je souhaite donc que, dorénavant, cette question fasse l’objet d’un rapport remis chaque année au Parlement.

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Nous parlons en effet d’un peu plus de 1 milliard d’euros : il me semble donc normal que les parlementaires soient tenus informés tous les ans sur le sujet.

M. Damien Abad. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. M. Carrez nous demande tous les ans cette information ; et tous les ans, il déclare l’avoir obtenue trop tard, avant de la communiquer au journal Les Échos le lendemain de sa réception. (Sourires.)

M. Dominique Baert. Parfois même la veille ! (Sourires.)

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Mes prédécesseurs faisaient les mêmes observations ! Demandez donc à M. Migaud et à M. Cahuzac !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Revoilà le bateleur de foire ! (Sourires.) Si vous voulez un rapport, pourquoi pas…De toute façon, M. Carrez nous dira que le rapport lui a été communiqué trop tard ou qu’il est incomplet…Il peut venir quand il veut à Bercy : on lui paiera même le café. (Sourires.) Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée.

(L’amendement n293 est adopté.)

(L’article 4, amendé, est adopté.)

Mme la présidente. Avant d’en venir aux amendements portant article additionnel après l’article 4, je me permets de faire le point sur l’avancement de nos travaux.

Il reste, sur la première partie du projet de loi de finances – PLF –, 556 amendements et 26 articles à examiner, et 27 heures de séance ouvertes. Or, au rythme où nous allons, 37 heures de débats seraient nécessaires pour achever nos travaux :…

M. Paul Giacobbi. Rude journée en perspective !

M. Marc Le Fur. Les débats s’accélèrent toujours vers la fin, vous le savez bien !

M. Charles de Courson. Et dimanche, on ne peut pas siéger ? (Sourires.)

Mme la présidente. …cela nous obligerait à ouvrir de nouvelles séances ce week-end, ce qui, j’en suis sûre, déplairait à un certain nombre d’entre vous !

M. Paul Giacobbi. Cette perspective nous réjouirait tous ! (Sourires.)

Après l’article 4

Mme la présidente. Nous en venons donc aux amendements portant article additionnel après l’article 4.

Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 262 et 774.

La parole est à M. Christophe Castaner, pour soutenir l’amendement n262.

M. Christophe Castaner. Cet amendement vise à élargir l’épargne salariale au financement de la transition énergétique et écologique. Il s’agit, en résumé, d’orienter les capitaux privés vers le financement d’entreprises qui contribuent à cette transition.

L’idée est donc de flécher l’épargne salariale vers des fonds solidaires, comme c’est le cas aujourd’hui, mais en élargissant ce fléchage, disais-je, vers des fonds verts, afin de soutenir l’investissement dans le secteur énergétique. Le différentiel observé entre les types d’investissements rend nécessaire, me semble-t-il, ce « coup de pouce » aux investissements consentis en faveur du bas carbone.

Les subventions allouées aux énergies fossiles atteignent en effet 4,750 milliards d’euros par an, alors même que 80 % du charbon doit rester dans le sol. Bref, il s’agit, à travers cet amendement, d’encourager le financement de la transition énergétique ; pour ce faire, il est proposé d’élargir le bénéfice social et fiscal accordé à l’épargne solidaire à l’épargne dirigée vers la transition énergétique.

Mme la présidente. La parole est à Mme Eva Sas, pour soutenir l’amendement n774.

Mme Eva Sas. Cet amendement a pour objectif d’orienter une partie de l’épargne salariale vers le financement d’entreprises qui contribuent à la transition énergétique et écologique en donnant la possibilité aux salariés de souscrire à des fonds verts, selon le modèle applicable aux fonds solidaires.

La mesure, j’insiste sur cet aspect, ne coûterait rien : elle donnerait seulement aux salariés, je le répète, la possibilité d’investir leur épargne dans des fonds verts. C’est l’une des préconisations que nous avions formulées, Sophie Rohfritsch et moi, dans notre rapport d’information relatif au financement de la transition écologique par les PIA – programmes d’investissements d’avenir.

Comme vous le savez, la transition écologique est un puissant moteur de création d’emplois – elle pourrait générer environ 317 000 emplois d’ici à 2030, selon l’ADEME, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie. L’orientation d’une partie de l’épargne salariale vers cette transition est donc souhaitable, en complément des financements publics.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La commission s’est montrée intéressée par l’idée ici proposée, tout en s’interrogeant sur le périmètre exact des « fonds verts » : elle préfère attendre, sur ce point, un retour d’expertise du Gouvernement. Son avis défavorable, à ce stade, traduit seulement un principe de prudence, étant entendu qu’elle reste ouverte dans l’attente de ces précisions. En particulier, la « transition énergétique et écologique » ici visée n’est pas vraiment définie pour les fonds verts.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement s’interroge sur la présence d’un tel amendement dans le projet de loi de finances, M. Castaner ayant lui-même reconnu qu’il n’aurait pas d’incidence fiscale : il s’agit donc, à mon avis, d’un cavalier législatif.

M. Christophe Castaner. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je crois pourtant vous l’avoir entendu dire… En tout cas l’amendement, a-t-il été précisé, n’aurait pas de coût pour les finances publiques : il concerne donc davantage, à mon sens, le code monétaire et financier.

Le Gouvernement promeut évidemment les fonds verts et les obligations vertes, dont je crois savoir qu’elles seront bientôt émises, ou l’ont été récemment – je ne suis pas en charge de ce type de dossier.

Je crains, quoi qu’il en soit, que ces amendements n’ouvrent une légère concurrence avec les investissements dirigés vers l’économie sociale et solidaire. Le Conseil d’orientation de la participation, de l’intéressement, de l’épargne salariale et de l’actionnariat salarié – COPIESAS –, dont vous êtes me semble-t-il vice-président, monsieur Castaner, nous a adressé des premiers retours qui mettent en avant cette inquiétude.

À ce stade, le Gouvernement n’est donc pas favorable à la mesure proposée, mais pourrait s’y montrer ouvert dans le cadre d’un autre véhicule législatif. Bref, avis plutôt défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Castaner.

M. Christophe Castaner. Nous avions déjà défendu le même amendement dans le cadre d’autres véhicules : on nous avait alors renvoyés au projet de loi de finances. L’amendement prévoit en effet une exonération d’impôt sur le revenu sur les sommes investies, sur les plus-values et sur les revenus issus de ce type d’épargne, ainsi que l’assujettissement des plus-values à la contribution sociale généralisée – CSG –, à la contribution au remboursement de la dette sociale – CRDS – et aux prélèvements sociaux. Nous sommes donc bien dans le sujet.

M. le secrétaire d’État a toutefois raison : les gestionnaires de fonds se montrent un peu inquiets quant à un possible assèchement des fonds solidaires. Cela dit, les fonds dédiés à la transition énergétique sont aujourd’hui bien identifiés ; ils reçoivent un label, assez simple à obtenir, du ministère de l’environnement. Aujourd’hui, 1 milliard d’euros sont mobilisés dans ce cadre : je ne doute donc pas qu’un élargissement soit possible, sans que cela n’entraîne une concurrence avec les fonds de l’économie solidaire, laquelle ne se résume pas, au demeurant, à l’appellation d’« économie sociale et solidaire ». Ce serait, pour notre pays qui s’est félicité de la COP21, un signe important que le renforcement de sa capacité à lever des fonds pour le financement de la transition énergétique.

Mme la présidente. La parole est à Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. J’irai dans le même sens que M. Castaner.

La mesure me semble à sa place dans un projet de loi de finances, dès lors qu’un bénéfice fiscal est consenti à l’épargne salariale.

Quant à la définition de la transition énergétique et écologique, l’amendement indique qu’elle sera précisée par décret.

Enfin, de nombreux rapports soulignent la nécessité d’orienter des flux d’épargne privée vers la transition écologique, en complément des financements publics. De fait, si cette dernière ne repose que sur des financements publics, elle restera lente et limitée ; d’où la nécessité de mobiliser aussi l’épargne privée : il est plus que temps d’avancer dans cette direction.

(Les amendements identiques nos 262 et 774 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n76.

M. Damien Abad. Cet amendement vise à harmoniser le régime fiscal applicable aux contrats d’assurance-vie en supprimant la distinction faite entre les contrats souscrits entre le 1er janvier 1983 et le 31 décembre 1989 et les autres. Il a également pour objet de ramener de huit ans à six ans la durée minimale ouvrant droit au régime fiscal le plus avantageux.

Alors que la France se caractérise par un régime social particulièrement protecteur, le taux d’épargne des ménages est parmi les plus hauts au monde. En ouvrant la possibilité de libérer de façon plus précoce l’épargne constituée sur les contrats d’assurance-vie, le présent amendement, également défendu par mon collègue Frédéric Lefebvre, devrait soutenir la consommation.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Défavorable également. La durée de vie de la fiscalité applicable aux contrats d’assurance-vie a été revue il y a trois ou quatre ans. Le Gouvernement n’entend pas modifier les paramètres.

(L’amendement n76 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n106.

M. Damien Abad. Cet amendement, dont M. Lefebvre est là encore le premier signataire, vise à ajouter au dispositif déjà envisagé en France pour pousser l’investissement dans les créations d’entreprises, une réduction de l’impôt sur les plus-values : selon les études anglaises, celle-ci s’avère aussi importante que la réduction initiale de l’avantage Madelin, mais son impact n’apparaît qu’en cas de succès et si le Trésor s’est donc déjà remboursé d’avance sur les produits générés par la création d’entreprises.

Il s’agit, avec cet amendement, de combler le retard que la France accuse en matière de création d’emplois marchands.

(L’amendement n106, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n110.

M. Marc Le Fur. Cet amendement reprend un amendement excellemment déposé en commission par certains de nos collègues socialistes, notamment MM. Juanico, Terrasse et Cherki. Il vise à réduire, lors de la vente d’un immeuble, la durée de détention au-delà de laquelle les plus-values immobilières ne sont plus imposées.

Aujourd’hui, ce délai permettant d’être exonéré des plus-values est de vingt ans pour l’impôt et de trente ans pour les cotisations sociales : il est apparu long à nos collègues, et je partage leur sentiment.

C’est la raison pour laquelle je me suis permis de reprendre cet amendement dont l’adoption est souhaitable si l’on veut que les biens circulent, qu’ils fassent l’objet d’échanges et que le patrimoine immobilier des Français puisse donner lieu à des transactions.

Il me semble nécessaire d’éviter d’inciter les propriétaires à conserver leurs biens jusqu’au terme du délai légal les soumettant à une imposition. C’est pour ces raisons qu’un délai de quinze ans me semble suffisant : il n’y a plus lieu, au-delà, d’imposer les plus-values sur les biens immeubles.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Monsieur Le Fur, vous nous dites, et d’ailleurs à raison, que la stabilité fiscale est importante. Or le régime des plus-values immobilières, qui n’avait pas évolué depuis plusieurs années, a été revisité et revu il y a trois ans. Nous souhaitons donc maintenir cette stabilité fiscale.

M. Jean-Luc Laurent. Pas d’amendement coucou !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. L’amendement coûterait 430 millions d’euros par an, ce qui en soit pourrait constituer un argument suffisant pour le rejeter. Et si cela ne suffit pas, je rappelle le dynamisme actuel du marché immobilier. D’ailleurs, les produits des droits le montrent, car leur progression est à deux chiffres.

M. Charles de Courson. En moyenne !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. En moyenne, vous avez raison : je ne peux cependant pas vous donner ici de statistiques département par département ou commune par commune. Il ne s’agit donc pas d’un facteur de rétention.

Quoi qu’il en soit, je parle de progression à deux chiffres et nous nous trouvons presque dans le cas où le premier de ces deux chiffres est précisément un deux – 16 %.

M. Marc Le Fur. Quand les taux d’intérêt remonteront, cela changera !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

(L’amendement n110 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n107.

M. Damien Abad. L’amendement vise à modifier l’article 156 du code général des impôts : il empêche en effet l’incitation proposée de produire ses effets, car il fait évoluer les revenus en tunnel et ne permet en définitive de faire jouer la déduction qu’au cas où les bénéfices sont de même nature.

Or on sait que ce dispositif prive du bénéfice de cette déduction la plupart des investisseurs potentiels car les pertes sont souvent comptabilisées en bénéfices industriels et commerciaux, alors que les revenus sont le plus souvent salariaux.

Cela est vrai pour les cadres supérieurs d’entreprise ou, s’agissant des revenus mobiliers, pour les créateurs d’entreprises. Il s’agit donc de redéfinir les contours de l’article 156 du code général des impôts.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cet amendement a été examiné à plusieurs reprises, tant dans l’hémicycle qu’en commission des finances : il y a toujours reçu un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je confirme qu’il s’agit d’un amendement récurrent : le Gouvernement y est également défavorable.

(L’amendement n107 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n549.

M. Charles de Courson. C’est très simple : depuis la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, les salariés peuvent effectuer des versements individuels facultatifs si le contrat souscrit les y autorise. Par souci d’égalité entre les salariés et les travailleurs indépendants, cet amendement a pour objet d’étendre le bénéfice de cette mesure aux détenteurs de contrats Madelin.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La commission craint, sans doute à raison, que l’amendement proposé par M. de Courson n’aboutisse à un dispositif cumulatif. Pour cette raison, elle a émis un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il est également défavorable.

(L’amendement n549 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 291 et 463, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Karine Berger, pour soutenir l’amendement n291.

Mme Karine Berger. Cet amendement, qui a été adopté par la commission des finances, poursuit une idée assez simple : aujourd’hui, il existe un mécanisme de levée de fonds pour le financement de la production d’œuvres audiovisuelles. Il donne droit à une défiscalisation et s’appelle le mécanisme des sociétés de financement de l’industrie cinématographique et audiovisuelle – SOFICA.

Il faut bien comprendre que cette défiscalisation a pour simple effet de limiter les pertes en capital. Si vous investissez 10 euros dans ce mécanisme des SOFICA, vous avez une chance sur dix de récupérer à terme votre capital, et neuf fois sur dix la malchance de ne pas le récupérer. C’est pour cette raison qu’a été mise en place cette défiscalisation : afin d’augmenter un tout petit peu la probabilité de recouvrer l’intégralité du capital investi. Elle fait passer la probabilité de recouvrer ce capital d’une chance sur dix à deux chances sur dix.

Dans la situation actuelle, si l’on conserve le taux de défiscalisation au niveau fixé il y a trois ans, c’est-à-dire 36 %, la chance de recouvrer ex post sa mise sera non plus d’une sur dix, mais de zéro chance sur dix, ou à peu près.

Par conséquent, soit, si l’on en reste au statu quo, le mécanisme de financement de la production audiovisuelle française sera complètement abandonné ; soit l’on considère que ce mécanisme peut continuer à faire fonctionner le secteur de manière correcte, mais il faut alors rehausser le taux de défiscalisation à un niveau permettant de redonner quelque chance de rentabilité aux capitaux investis.

Bien évidemment, nous avons assorti cette évolution d’une condition très forte : qu’elle serve la culture et la langue françaises, et notamment les séries télévisées qui doivent pouvoir s’exporter. Il s’agit évidemment d’un élément indispensable de notre politique d’exception culturelle française.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Bloche, pour soutenir l’amendement n463.

M. Patrick Bloche. Je me réjouis que la discussion de ces deux amendements se fasse avec l’avis favorable de la commission des finances. L’amendement n291, très proche de celui que je défends, a été d’ailleurs co-signé par un certain nombre de nos collègues, et notamment le président du groupe socialiste, écologiste et républicain.

Karine Berger vient à l’instant de fort bien expliquer l’aspect très vertueux du dispositif des SOFICA, qui a été créé par le législateur il y a plus de trente ans, à l’initiative d’un ministre de la culture qui s’appelait Jack Lang. Il conduit des investisseurs à prendre des risques et à les partager avec les producteurs ainsi qu’avec les distributeurs.

Je le dis afin d’éviter toute confusion entre les SOFICA et le crédit d’impôt et pour que l’on ne nous dise pas : nous avons déjà beaucoup fait sur le crédit d’impôt l’année dernière, il n’est donc pas nécessaire de faire cette année quelque chose s’agissant des SOFICA. Le dispositif proposé par l’amendement est en effet de nature totalement différente.

Il s’agit en effet de pouvoir soutenir la production de séries de fiction ou d’animation – secteur qui a besoin d’être soutenu – mais avec des contreparties, notamment en termes d’investissement. En outre, il s’agit d’un soutien très efficace à l’exportation : or, dans ce domaine, la concurrence est rude, notamment avec la Grande-Bretagne et l’Allemagne, en termes d’heures produites exportées.

Il faut donc vraiment que ce volume de production exportée soit plus important. Pour toutes ces raisons, et parce que la mesure est bonne pour l’industrie culturelle qu’est le cinéma, ainsi, évidemment, que pour l’emploi, l’amendement n463 vise à rendre les SOFICA à nouveau attractives, car, à l’évidence, avec un avantage fiscal de 36 %, elles le sont beaucoup moins aujourd’hui qu’hier.

Il s’agit donc de revaloriser cet avantage fiscal en portant son taux à 48 %.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je trouve curieux que cet amendement ait été déposé en première partie du projet de loi de finances.

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Non pas que ce soit un cavalier, mais s’il est examiné dans le cadre de cette partie, cela implique qu’il va rendre éligibles les opérations de l’année en cours. Je ne vois pas très bien son caractère incitatif. Le Gouvernement n’est donc pas favorable à l’adoption de cet amendement à cet endroit.

M. Marc Le Fur. C’est le bon sens !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. On verra quelle pourra être la position du Gouvernement s’il s’avérait que la disposition porte sur les opérations réalisées au cours de l’année 2017, mais, à ce stade, le Gouvernement est défavorable à ces amendements et souhaite que la question soit rediscutée en seconde partie.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. La majorité actuelle a une vision de l’industrie qui n’est pas la nôtre. Son attitude diffère complètement selon qu’il s’agit de l’industrie de production de biens ou de l’industrie culturelle.

M. Marc Le Fur. C’est les misérables ou les riches !

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est incroyable ! Je rappelle qu’hier nous avons contrôlé et pratiquement supprimé le dispositif d’attribution gratuite d’actions – AGA.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Nous l’avons conservée pour les PME !

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous avez mis en place la taxe dite intra day et augmenté le taux de la taxe sur les transactions financières : or toutes ces mesures auront un impact fort et irrémédiable sur notre économie. Mais dès que l’on parle de concurrence internationale et qu’il s’agit notamment de production culturelle et cinématographique, alors là, il n’y a plus de limites. C’est extraordinaire d’avoir, en matière d’industrie, cette vision et ce prisme !

L’industrie serait noble lorsqu’elle est culturelle et cinématographique, mais dès qu’elle produit des biens, quels qu’ils soient, elle serait forcément à condamner et susciterait la suspicion. C’est extraordinaire !

Cet amendement ne concerne que les riches : voilà la réalité !

M. Marc Le Fur. Les très riches !

M. Damien Abad. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, sur ces affaires j’ai, l’année dernière, piqué un coup de sang.

Nous aimons en effet tous le cinéma, mais j’ai piqué un coup de sang car dans ma circonscription, ce n’est pas l’industrie cinématographique qui domine ; ce sont les industries agro-alimentaire et textile ainsi que la métallurgie. Et les ouvriers du textile ou de la métallurgie ont peut-être le droit, eux aussi, d’être soutenus.

M. Damien Abad. Très bien !

M. Charles de Courson. Pourquoi il en faut toujours plus pour l’industrie du cinéma ? Monsieur Bloche, combien de contribuables bénéficient du dispositif ? À peine 3 000 ! Et ils sont tous extrêmement fortunés.

M. Damien Abad. C’est scandaleux !

M. Charles de Courson. On nous dit que le taux de l’avantage fiscal doit être augmenté car l’investissement dans la production cinématographique n’est pas rentable. Eh bien si ce n’est pas rentable, arrêtons ! Pourquoi n’appliquez-vous pas la même règle au textile, à la métallurgie, à la sidérurgie et à d’autres secteurs ?

M. Damien Abad. C’est la niche socialiste !

M. Charles de Courson. Qu’est-ce que c’est que cette justice ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Pensez-vous de temps en temps aux ouvriers ? Pourquoi la plupart d’entre eux ne veulent-ils plus voter pour vous ? Êtes-vous proches des gens ? Vous rendez-vous compte de l’image que nous donnons avec le petit milieu parisien de 3 000 personnes qui bénéficient du dispositif ?

M. Jean-Yves Caullet. Arrêtez !

M. Charles de Courson. Monsieur Bloche, j’aime beaucoup le cinéma, mais j’ai dans ma vie toujours essayé d’être juste et d’assurer l’équité entre les différentes couches sociales et les différentes filières.

M. Jean-Yves Caullet. Ça n’a pas toujours marché !

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Il serait bon d’avoir, sur ce sujet, une réflexion économique. Dans cette assemblée, personne ne s’opposerait à ce que l’État subventionne massivement la recherche fondamentale, et pour une raison très simple : si on ne la subventionne pas, dans la mesure où elle est fondamentalement non rentable, elle disparaîtrait à court terme.

Mme Marie-Christine Dalloz. Comparer cinéma et recherche fondamentale, il faut le faire !

M. Pierre-Alain Muet. Par conséquent, une économie qui choisirait cette voie disparaîtrait. Or il se trouve que le cinéma est, toutes choses égales par ailleurs, un secteur dans lequel l’investissement est tout aussi risqué, mais dans une moindre mesure, que dans la recherche fondamentale.

Comme l’a très bien dit Karine Berger, plus de la moitié des investissements réalisés ne sont pas rentables. Laissez-moi terminer mon raisonnement économique : si vous voulez que le cinéma existe, cela implique donc qu’une aide publique fasse en sorte que le seuil de rentabilité moyen soit positif.

Dans le cas contraire, il n’y a plus d’œuvres cinématographiques, ce dont on peut être très fier. Quoi qu’il en soit, les seuls pays qui ont su maintenir un cinéma performant et utile pour l’ensemble des nations sont les États-Unis et la France, grâce à tous nos dispositifs.

Sur le plan strictement économique, madame Dalloz, il est évident qu’il faut subventionner un secteur qui ne pourrait pas se développer sans subventions publiques.

Il faut calculer le bon taux, car celui de 36 % ne suffit pas à rendre ce type d’investissement rentable en moyenne ; il ne permet pas de développer la production.

J’ajoute que cet amendement aurait un coût de 7 millions d’euros.

Mme Marie-Christine Dalloz. Le problème ce n’est pas le taux, c’est le principe !

M. Pierre-Alain Muet. Or l’importance de l’industrie cinématographique pour notre pays justifie un tel effort.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Je remercie Pierre-Alain Muet de son intervention qui recentre le débat. Il faut éviter cette fausse idée selon laquelle nous ferions des choses exceptionnelles pour l’industrie cinématographique et pas pour d’autres secteurs industriels. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme Marie-Christine Dalloz. Pourtant c’est le cas !

M. Patrick Bloche. Je rappelle que via le Centre national du cinéma et de l’image animée – CNC – le cinéma s’autofinance en ne faisant à aucun moment appel directement au budget de l’État. En effet, il s’autofinance grâce à trois taxes : celle que nous payons sur notre ticket de cinéma, la taxe sur les ventes et les locations de vidéogrammes destinés à l’usage privé du public, et, dorénavant, la taxe élargie aux fournisseurs d’accès à internet.

Je voudrais au moins corriger une erreur, l’idée que les SOFICA feraient appel à l’épargne des plus riches et pas à l’épargne populaire.

M. Charles de Courson. Eh oui !

M. Patrick Bloche. L’avantage fiscal repose sur une réduction d’impôt indépendante du taux marginal d’imposition. Seuls 6,12 % des particuliers ayant souscrit à une SOFICA en 2012 étaient soumis à la tranche marginale d’imposition, 45 %. Le taux moyen d’imposition pour l’ensemble des souscripteurs s’établit à 10,30 % en 2011 et 10,88 % en 2012.

M. Marc Le Fur. Raisonnez en masse !

M. Patrick Bloche. Chaque année, la collecte réunit environ 7 500 souscripteurs, et une souscription est donc d’environ 8 200 euros, soit une déduction d’impôt de moins de 3 000 euros.

Je donne ces éléments précis pour montrer que les SOFICA, ce n’est pas l’épargne des plus riches. C’est une véritable épargne populaire, l’épargne de ceux qui aiment le cinéma et qui veulent prendre le risque de le financer via ce dispositif trentenaire.

Ai-je besoin de dire que cette dépense fiscale est plafonnée et génère des recettes fiscales directes très supérieures au manque à gagner ? C’est donc en plus un dispositif vertueux pour le budget de l’État.

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. Je trouve un peu particulier qu’on veuille opposer une industrie à une autre.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est ce que vous faites !

M. Bruno Le Roux. Moi, je n’oppose pas les industries les unes aux autres.

L’industrie des métiers du cinéma aurait pu disparaître il y a quelques années si nous n’avions pas pris des mesures fortes pour assurer l’attractivité de notre territoire. Il y a rarement industrie plus délocalisable que celle-là. Autour de nous, de nombreux pays se sont organisés pour bâtir des studios, les équiper, former des techniciens. Ils avaient des studios moins bons que ceux que nous avons en France, ils avaient des techniciens moins formés, mais ils attiraient les productions européennes, internationales, françaises.

Nous avons rompu avec un dispositif cohérent. Les SOFICA ne jouent plus le rôle qu’elles avaient et qu’elles devraient retrouver avec, notamment, cette part de risque que l’on partage quand on décide de confier une partie de ses économies à ce secteur.

Là, nous sommes dans la cohérence. Nous avons agi collectivement dans ce domaine, même si vous y avez pris une moindre part que nous ces dernières années. Reprenez les différents rapports qui ont été faits soit par la Cour des comptes soit par le CNC. Si je prends simplement le crédit d’impôt, pour un euro de crédit d’impôt, nous avons presque douze euros de rentrées fiscales et sociales pour notre pays. Il n’y a pas beaucoup d’exemples dans l’industrie où l’on puisse avoir ce ratio.

Mme la présidente. Monsieur Bloche, retirez-vous votre amendement au profit de celui de la commission des finances, qui est très légèrement différent ?

M. Patrick Bloche. Oui.

(L’amendement n463 est retiré.)

(L’amendement n291 est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Rabin, pour soutenir l’amendement n746.

Mme Monique Rabin. Il s’agit de corriger une petite erreur que nous avons commise dans la loi relative à la protection de l’enfant défendue notamment par Annie Le Houerou et adoptée en mars 2016.

Cet amendement tend à rétablir pour les adoptés simples les dispositions applicables aux transmissions à titre gratuit du vivant de l’adoptant afin qu’ils puissent bénéficier du tarif en ligne directe, quelles que soient les conditions de leur adoption.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement vous remercie d’avoir corrigé cette erreur, madame Rabin, et il est favorable à cet amendement.

(L’amendement n746 est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n504.

M. Gilles Lurton. Cet amendement vise à dénoncer l’absurdité d’un impôt qui, finalement, coûte plus cher à l’État qu’il ne lui rapporte – nous en avons longuement discuté ce matin sur l’article 4.

Le président de la commission des finances nous le rappelait, le plafonnement de l’impôt de solidarité sur la fortune a coûté à l’État plus de 1 milliard d’euros en 2015, soit un cinquième du produit de l’ISF. Le nombre de personnes bénéficiant de ce plafonnement a en effet augmenté en 2015. De plus, ses principaux bénéficiaires sont les foyers les plus riches, disposant d’une fortune supérieure à 10 millions d’euros. Ils ont capté à eux seuls 944 millions d’euros sur le milliard.

Cet amendement tend donc à supprimer l’article 885 A du code général des impôts.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. On peut être contre l’ISF, nous en avons déjà discuté, mais je trouve l’argumentation particulièrement curieuse.

Parce qu’il y a un plafonnement qui représente une niche fiscale de 1 milliard, il faudrait se priver de 5 milliards de recettes, ou même un peu plus. C’est en effet ce que coûterait votre amendement au budget de l’État. Si j’étais taquin, je vous demanderais par quoi vous les remplacez. De la dette ? Des droits sur le tabac ? Mme Delaunay va encore sourire. De la TVA ? Si c’est du déficit, c’est de la dette.

Le débat a eu lieu, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

(L’amendement n504 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Eva Sas, pour soutenir l’amendement n773 rectifié.

Mme Eva Sas. Ce n’est pas un amendement d’appel, c’est un amendement de rappel quelque part.

En 2011, sous la législature précédente, le seuil d’entrée dans l’ISF était passé de 800 000 euros à 1,3 million pour réduire le nombre de personnes assujetties.

Nous nous étions engagés à revenir sur cette réforme. Il y a eu en effet une modification des barèmes au cours de cette législature, mais, pour une raison encore inexpliquée à ce jour, le Gouvernement a souhaité maintenir le seuil d’entrée à 1,3 million de patrimoine.

À défaut d’avoir pour cet amendement un avis favorable, que je n’espère plus, j’aurais au moins aimé, modestement, avoir une explication, monsieur le secrétaire d’État. Pourquoi ne pas être revenu au seuil d’entrée dans l’ISF qui était en vigueur avant la réforme de 2011, à savoir 800 000 euros ?

(L’amendement n773 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n79.

M. Damien Abad. Cet amendement de Frédéric Lefebvre tend à aligner le régime juridique des plans de retraite par capitalisation souscrits par les expatriés prenant leur retraite en France sur le régime du plan d’épargne retraite populaire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Nous en avons longuement discuté l’année dernière et j’avoue que j’étais d’accord sur un certain nombre de points. Il me semble toutefois qu’il y a eu une doctrine fiscale sur le sujet et que l’amendement est satisfait, mais vous allez peut-être le repréciser, monsieur le secrétaire d’État.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Défavorable.

Mme la présidente. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Abad ?

M. Damien Abad. Je vais le maintenir et, en fonction de la doctrine, nous pourrons éventuellement le retirer au cours de la navette.

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je vais vous lire un extrait du BOFIP-I, monsieur Abad : « D’une manière générale, cette mesure a pour effet de rendre éligibles à l’exonération prévue à l’article 885 J du code précité les rentes viagères constituées auprès d’organismes étrangers non soumis à la réglementation du code des assurances ou de la mutualité tels que les fonds de pension, toutes les autres conditions prévues pour l’application du dispositif devant par ailleurs être réunies. »

Nous avons compris que votre amendement était satisfait, c’est la raison pour laquelle nous y sommes défavorables.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je confirme les propos de la rapporteure générale. J’avais tenu les mêmes l’année dernière, mais M. Lefebvre a une confiance tout à fait relative dans les propos que le Gouvernement tient au banc.

L’amendement est satisfait, je le confirme, cela avait été dit.

Mme la présidente. Dans ces conditions, monsieur Abad ?

M. Damien Abad. Je vais essayer de convaincre Frédéric Lefebvre de cette doctrine. Je retire l’amendement et nous le déposerons éventuellement à nouveau si jamais les réponses du Gouvernement, de Mme la rapporteure et de la doctrine ne sont pas satisfaisantes pour notre collègue.

(L’amendement n79 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n15.

M. Damien Abad. C’est un amendement classique, qui vise à exonérer la résidence principale de l’ISF.

En effet, 80 % des redevables de l’ISF sont dans les deux premières tranches du barème, uniquement à cause de la flambée des prix de l’immobilier, et on sait bien que cet impôt est inefficace.

Nous sommes favorables à la suppression de cet impôt, qui touche les propriétaires de leur logement principal, qui, on le sait, provoque la fuite des capitaux et pénalise les investissements et la prise de risque. Les défauts de l’ISF ne sont pas corrigés en dépit de nombreuses niches fiscales et de nombreux colmatages. Ce n’est pas en mettant des rustines sur le ballon crevé du patrimoine que nous allons résoudre les problèmes de l’exil fiscal, monsieur le secrétaire d’État, ou la question du patrimoine.

Je crois que la France est le seul pays en Europe avec l’Espagne à avoir un impôt périodique sur le patrimoine des ménages. Il est temps de dépassionner ces débats, d’en finir avec l’idéologie et avec cet impôt inefficace économiquement.

(L’amendement n15, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n108.

M. Damien Abad. Il s’agit de renforcer le lien entre l’impôt de solidarité sur la fortune et le dynamisme économique et donc de doubler le plafond de la réduction liée à l’ISF-PME pour le porter à 500 000 euros.

À défaut de vouloir supprimer cet impôt, monsieur le secrétaire d’État, faisons au moins en sorte qu’il serve à nos petites et moyennes entreprises.

(L’amendement n108, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Article 5

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie, inscrite sur l’article 5.

Mme Véronique Louwagie. Je suis un peu gênée par cet article.

Les élus peuvent actuellement s’acquitter de l’impôt sur le revenu sur leurs indemnités suivant deux modalités, soit la retenue à la source, liquidée par les ordonnateurs, qui est le régime automatiquement appliqué, sauf dispositions différentes prises par l’élu, et qui est en règle générale assez intéressant ; soit l’application de l’impôt sur le revenu avec une interruption de la retenue à la source, possible à tout moment. L’élu a donc le choix, et c’est de son seul ressort.

Je ne partage pas du tout vos arguments : vous souhaitez profiter du passage à la retenue à la source pour supprimer la différence entre les élus locaux et les autres contribuables percevant des revenus réguliers. En clair, vous dites que le système actuel peut produire des différences de traitement entre les élus et les autres contribuables, mais avec le système de prélèvement que vous proposez, ces différences ne sont plus acceptables. C’est un peu contradictoire : si l’on peut partager le souci d’équité qui vous amène à souhaiter un traitement équivalent pour les élus et les autres contribuables, je trouve choquant de le justifier en disant que le système de prélèvement que vous proposez au 1er janvier 2018 ne serait pas, en l’état, forcément favorable aux élus, et que cette situation vous gêne.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. On commence à découvrir, à l’occasion de l’article 5, les difficultés que générera le prélèvement à la source. La mesure aura des conséquences dès cette année puisqu’on l’inclut dans la première partie du projet de loi de finances. L’une des difficultés qui apparaît clairement, c’est que les élus disposant d’un mandat de cinq ans ne seront imposés que sur quatre années ; voilà la réalité objective qui deviendra publique. On le découvre à l’occasion d’une disposition relative aux indemnités d’élus ; l’affaire est sensible car l’opinion, qui sera victime du prélèvement à la source, va constater que dans certains cas, le dispositif est curieusement favorable à certaines catégories. Vous risquez donc de porter préjudice à la réputation de nos élus locaux. Le problème ne tient pas à l’article 5, mais bien au prélèvement à la source qui va occasionner ce type de difficultés, dont nous découvrons ici une première facette et dont nous reparlerons le 10 et le 17 novembre.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Eh bien, moi, je soutiens l’article 5.

M. Dominique Baert. C’est là qu’on doit s’inquiéter !

M. Charles de Courson. Le problème était le même s’agissant des indemnités des parlementaires, mais un amendement d’Alain Lamassoure, que j’avais soutenu, les a fait revenir dans le droit commun il y a quinze ou vingt ans. C’est vrai qu’il n’est pas normal que les indemnités des élus locaux ne suivent pas le régime de droit commun ! Cela ne nous fait pas plaisir parce que beaucoup d’entre nous sommes élus locaux, mais nous devons respecter le principe d’égalité. D’ailleurs, en cas de question prioritaire de constitutionnalité devant le Conseil constitutionnel, je ne suis pas sûr que ce régime dérogatoire tiendrait longtemps… Ne nous battons donc pas pour ce système ; ne donnons pas le sentiment de vouloir échapper à l’impôt.

Le problème, c’est la phase de transition. On en a longuement parlé, et notre collègue Le Fur a raison de l’évoquer. Les indemnités perçues en 2016 font l’objet d’un prélèvement à la source – je rappelle que 98 % des élus locaux ont choisi la retenue à la source, ce qui montre qu’ils sont pleins de bon sens, et que ce système, avec un barème particulier, est plus avantageux que l’impôt sur le revenu, à quelques très rares exceptions près. Le problème est le suivant : les retenues à la source sont en cours, mais le futur système n’entrera en vigueur qu’en 2018 ; en 2017, on sera donc confronté à un problème d’imposition des revenus de 2016.

J’avais proposé d’appliquer aux indemnités des élus pour 2016, dès 2017, une imposition de droit commun, mais de déduire le montant des retenues à la source de celui de l’impôt sur le revenu calculé selon les règles de droit commun. Cela permettrait de résoudre le problème et de dire qu’à compter du 1er janvier 2016, les indemnités seraient traitées selon le droit commun. Je rappelle que le texte gouvernemental maintient l’exonération de la partie égale au montant des indemnités des maires des communes de moins de 500 habitants.

Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Pires Beaune.

Mme Christine Pires Beaune. Moi aussi, je veux soutenir cet article, et je rejoins M. de Courson : il est temps de faire entrer ces indemnités d’élus dans le droit commun, sans d’ailleurs jeter le discrédit sur les élus. Quelques chiffres : il y a 608 000 élus locaux en France, mais seuls 91 000 perçoivent des indemnités. Ils peuvent aujourd’hui choisir entre deux systèmes : retenue à la source ou droit commun. Ce qui pose problème, c’est le prélèvement à la source et non cette mesure en tant que telle. Le prélèvement à la source simplifiera les choses puisque toutes les indemnités d’élus seront traitées de la même façon. Je soutiens cet article, sachant que pour éviter l’année blanche – qu’on qualifie ainsi jusque dans le rapport –, il aurait fallu imposer la retenue à la source à tout le monde au titre des indemnités de 2017, faisant démarrer le prélèvement à la source en 2018. C’était la solution la plus simple, mais que cela ne nous empêche pas d’adopter cet article sans trop en faire !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n172.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je propose de supprimer l’article 5. En effet, à ce jour, les élus locaux comme nationaux ont la possibilité de choisir entre deux régimes : impôt sur le revenu ou prélèvement à la source. Je suis très à l’aise avec ce sujet car, à titre personnel, je n’ai jamais opté pour le prélèvement à la source ; cela me permet d’aborder le débat sereinement. En réalité, les élus imposables, qui perçoivent des indemnités – et on a bien rappelé que 85 % des conseillers municipaux ne sont pas indemnisés, et échappent donc à la fiscalité –, bénéficieront, en 2017, d’une année blanche, tout comme les contribuables qui perçoivent d’autres revenus, par exemple les salariés du public et du privé, puisque l’année blanche concerne toutes les rémunérations. C’est là que réside la vraie difficulté. On devrait opérer une retenue au titre du rattrapage des revenus perçus en 2017, par cohérence avec les efforts demandés à tous les Français. C’est pourquoi je propose la suppression de cet article. Si cette mesure n’avait vraiment pas de coût, elle ne figurerait pas à l’article 5, dans la première partie du projet de loi de finances. En passant à côté de cette réalité, vos services ont commis une erreur.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il s’agit de sujets sensibles puisque tout le monde se demande si des régimes particuliers sont plus favorables pour certaines catégories, et notamment pour les élus. Mais abordons-les sereinement, et de la façon la plus factuelle possible. Pourquoi traiter cette question ? Essentiellement parce qu’il existe deux régimes. Même si la répartition est très déséquilibrée, la plupart des élus optant pour le prélèvement à la source, certains restent au barème. Et même s’ils ne représentent que quelque 1, 2 ou 3 % du total, conserver ce statu quo poserait problème vis-à-vis du principe d’égalité devant l’impôt, puisque l’effacement de l’année 2017 n’aurait pas été possible pour tout le monde. Il le sera forcément pour ceux qui sont au barème, mais il ne l’aurait pas été pour ceux qui sont au prélèvement à la source. Nous aurions probablement fait face à une difficulté constitutionnelle.

Ensuite, est-il juste que des élus bénéficient d’une année blanche, où l’impôt sur les revenus ne sera pas acquitté, alors que d’autres n’en bénéficieraient pas ? Non, avec le prélèvement à la source, tous les contribuables bénéficieront d’une année de remise d’impôts. Ils ne le verront qu’à leur départ à la retraite, ou à leur mort,…

M. Charles de Courson. Ce sont leurs héritiers qui le verront !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …mais tous les contribuables bénéficieront d’une année de remise qui se matérialisera pour eux au moment où ils arrêteront de payer l’impôt. Il n’y a donc pas de différence avec les élus qui seront imposés une année de moins que la durée de leur mandat.

Pourquoi avoir choisi ce dispositif et pourquoi dès cette année ? Ceux qui sont au barème bénéficieront du crédit d’impôt qui annulera l’impôt dû au titre de 2017 ; il fallait donc bien le faire pour tout le monde, sous peine de créer, là aussi, une inégalité. Pour M. Le Fur, tous les prétextes sont bons pour critiquer le prélèvement à la source, mais il ne faudrait pas que ce point relativement mineur nous bloque. Mme Pires Beaune a donné les chiffres, mais songez aussi que beaucoup d’élus indemnisés ne paient pas d’impôts puisqu’il existe un abattement de 650 euros pour les frais d’emploi, grâce auquel tous les élus des communes inférieures à 808 habitants ne paient aucun impôt sur le revenu. C’est également le cas de beaucoup d’autres ; tout dépend de leur situation globale et familiale.

M. Marc Le Fur. Quel est le coût de la mesure ?

Mme Monique Rabin. Trente millions d’euros !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. N’exagérons donc pas les choses : cette mesure prouve notre volonté de mettre tout le monde au même régime et de gérer l’année de transition en partant du souci d’égalité. Les associations d’élus la trouvent scandaleuse. Certes, l’année blanche sera perçue immédiatement par les élus et en fin de vie pour les autres contribuables ; c’est une différence, je vous l’accorde, mais elle n’est pas choquante du point de vue de l’égalité des contribuables. Cette mesure remet les indemnités des élus dans le droit commun, et on pourrait s’en réjouir plutôt que de chipoter sur telle ou telle situation ou d’en tirer argument pour entamer d’ores et déjà le combat contre le prélèvement à la source, pour des raisons dogmatiques.

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Rabin.

Mme Monique Rabin. Il est un peu difficile de parler après le ministre, mais je voudrais à mon tour apporter mon soutien à cet article 5. La discussion annonce des débats houleux à l’article 38 consacré à la retenue à la source – je refuse de parler d’impôt à la source, car l’impôt est de toute façon payé. Je ne peux pas, monsieur Le Fur, vous laisser tenir ces propos sur les élus. La plupart d’entre eux sont des bénévoles ; seuls 15 % sont visés par l’article 5. En effet, il y aura un petit manque à gagner pour l’État : 30 millions d’euros. Mais cette mesure représente une des dernières avancées qui nous manquaient depuis le début de l’évolution entamée en 1992. C’est en effet depuis cette date que nous avons progressivement assaini la situation, amenant les élus, à la satisfaction de la population – qui peut en être fière – à payer des impôts. Cet article ajoute le dernier étage à la fusée, et c’est plutôt une bonne chose.

En revanche, il est vrai que la mesure coûte 30 millions d’euros. Il serait intéressant de réfléchir avec le Gouvernement et avec la rapporteure générale pour voir s’il est possible, à la faveur de la navette parlementaire, de proposer un amendement permettant de récupérer cette somme d’une manière ou d’une autre. On pourrait tout à fait imposer, en 2017, la retenue à la source à tous les élus. Alors le problème serait réglé : nous serions d’accord sur le plan idéologique, juridique et financier.

Mme Karine Berger. Excellent ! Bravo !

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Je confirme : cet article nous laisse entrevoir les difficultés que générera le prélèvement à la source. Après 2018, les élus seront au droit commun ; on est d’accord et il n’y a rien à dire à ce propos. Mais ils ne seront jamais imposés au titre des indemnités qu’ils percevront en 2017 !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. C’est exact !

M. Marc Le Fur. Qu’ils aient fait le choix du prélèvement à la source ou du droit commun, ils ne seront jamais imposés. Donc un élu qui fait cinq ans de mandat ne paiera que pour quatre ans.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Exact !

M. Marc Le Fur. C’est assez difficile à expliquer à l’opinion ! La meilleure preuve, c’est que la mesure coûte 30 millions d’euros, et ces 30 millions que nous voyons ici pour les élus, nous les retrouverons dans le raisonnement général pour d’autres catégories, quand nous discuterons des articles non rattachés relatifs au prélèvement à la source, au mois de novembre. Nous voyons la vraie difficulté du prélèvement à la source.

Vous accordez, en définitive, une année blanche aux élus : ils paieront leurs impôts au titre de l’année 2016 en 2017 ; puis leurs impôts au titre de l’année 2018 en 2018 ; mais ils ne paieront jamais d’impôts au titre de l’année 2017. Ce cadeau – entre guillemets – que vous leur faites représente quand même 30 millions d’euros. Tout cela, je le dis pour défendre les élus locaux, qui seront la cible, à cause de vous, de critiques qui n’ont pas lieu d’être, puisqu’ils n’ont pas demandé cette année blanche. C’est simplement le résultat de cette réforme irréfléchie qu’est le prélèvement à la source.

(L’amendement n172 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 691 et 692, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à Mme la rapporteure générale, pour les soutenir.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Ces deux amendements sont rédactionnels.

(Les amendements nos 691 et 692, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n367.

M. Charles de Courson. Je tiens à rappeler certains chiffres à mes collègues. Parmi les 86 000 de nos collègues élus locaux dont les indemnités sont imposables, 85 000 ont choisi la retenue à la source, soit près de 99 % : ce système rapporte 30 millions d’euros sur les 515 millions d’euros d’indemnités assujetties. Il est dommage que vous n’ayez pas chiffré l’impact de l’article 5 de ce projet de loi dans le document intitulé « Évaluations préalables des articles du projet de loi de finances » ; mais je dirais qu’à partir de 2018, le dispositif modifié rapportera de l’ordre de 75 à 80 millions d’euros, soit environ 50 millions d’euros de plus.

M. Jean-Yves Caullet. Évidemment !

M. Charles de Courson. Je suis sensible à l’argument développé par Marc Le Fur. C’est pourquoi j’ai proposé en commission d’appliquer dès 2017 le droit commun sur les revenus de l’année 2016, en déduisant les montants retenus à la source au cours de l’année 2016. Il serait intéressant, monsieur le secrétaire d’État, d’étudier cette possibilité. Cela nous permettrait de dire, dès le 1er janvier 2017, que le régime d’imposition des indemnités des élus locaux est de droit commun.

Le passage à la retenue à la source tel qu’il est conçu pose un problème, monsieur le secrétaire d’État, du fait qu’il coûtera 30 millions d’euros en 2017. Par la suite, il est vrai, à partir de 2018, il rapportera une cinquantaine de millions d’euros supplémentaires. Cela a le grand avantage de répondre à l’objection de Marc Le Fur, qui est tout à fait juste.

Mais vous préjugez là du comportement de la future majorité : en cas d’alternance, maintiendra-t-elle la retenue à la source ? Avec la solution que je propose, monsieur le secrétaire d’État, que le prélèvement à la source soit maintenu ou non, il y aura une vraie égalité devant l’impôt entre tous les citoyens, élus locaux ou non.

J’en viens à présent à mon amendement proprement dit. Il s’agit d’un petit amendement de réflexion, visant à mettre en lumière un problème qui n’est pas traité par votre projet de loi : celui du cumul des indemnités des élus locaux. Le contrôle de ce cumul pose un vrai problème. J’ai lancé le débat en commission : je suis favorable à ce que le respect des plafonds soit contrôlé non par les collectivités locales, l’Assemblée nationale ou le Sénat, mais par la Direction générale des finances publiques. Que pensez-vous de cette idée, monsieur le secrétaire d’État ?

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Ce débat a déjà eu lieu en commission mercredi dernier ; la commission a rejeté cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je répondrai à plusieurs questions. Tout d’abord, concernant l’année qui sera – entre guillemets – pas payée.

M. Marc Le Fur. Pas imposée, vous voulez dire !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Encore une fois, je le répète, avec le passage au prélèvement à la source, un contribuable imposable pendant les quarante années de sa vie professionnelle ne paiera que trente-neuf années d’impôts, c’est ainsi.

M. Marc Le Fur. Cela, c’est si vous rapportez l’imposition à une vie professionnelle entière. Mais si vous la rapportez à un mandat électif ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il est vrai que, par définition, un mandat n’a qu’une durée limitée, et peut ne pas être renouvelé. C’est d’ailleurs pour cela que ce cas vous saute aux yeux ! Mais le même phénomène pourra être observé sur la durée de la vie professionnelle d’un contribuable non élu local : les deux cas sont traités sont de la même façon.

Pourquoi n’avons-nous pas retenu la suggestion de M. de Courson, qui semble intéressante ? Tout simplement parce que la retenue à la source est libératoire de l’impôt sur le revenu.

M. Charles de Courson. On ne peut pas changer cela ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Non, on ne peut pas le faire de façon rétroactive. Nous avons déjà rencontré ce problème, par exemple, quand nous avons transformé le prélèvement forfaitaire libératoire en prélèvement forfaitaire obligatoire : le Conseil constitutionnel nous avait obligés à repousser la date d’entrée en vigueur de la réforme d’un an, au motif qu’il n’était pas possible de le faire de façon rétroactive. C’est pour cette raison précise que votre solution a été écartée, monsieur de Courson : nous avions nous-même examiné cette idée.

Pour le reste, nous ne sommes pas favorables aux mesures que vous préconisez par cet amendement : c’est au préfet qu’il revient d’exercer ce contrôle, non au directeur général des finances publiques. Je pense d’ailleurs que ce genre de problème ne doit pas se poser très fréquemment.

M. Charles de Courson. Évidemment, puisqu’il n’y a pas de contrôle !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. L’avis du Gouvernement est donc défavorable.

(L’amendement n367 n’est pas adopté.)

(L’article 5, amendé, est adopté.)

Article 7

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Giacobbi, inscrit sur l’article.

M. Paul Giacobbi. Monsieur le secrétaire d’État, je me suis inscrit sur cet article pour évoquer une série d’amendements. J’en ai commis certains ; d’autres ont déposé les mêmes sans que, bien sûr, nous nous soyons concertés. Ce sont des amendements ratione loci, pour lesquels Sarcelles s’associe parfois avec la Corse, sans que j’arrive à savoir pourquoi. (Sourires.)

De quoi s’agit-il ? Le raisonnement est imparable. La Corse est très en retard en matière de recherche et développement, non seulement par rapport à la moyenne nationale, non seulement par rapport à la moyenne des îles de la Méditerranée, mais aussi par rapport à l’outre-mer français, et de manière sensible. Nous demandons donc, en matière de crédit impôt recherche et de crédit d’investissement à l’innovation, de pouvoir bénéficier des mêmes dispositions que l’outre-mer. En d’autres termes, il s’agit d’étendre à la Corse les dispositifs prévus par la loi de finances pour 2015 en faveur des départements d’outre-mer, et consistant à majorer les taux du crédit impôt recherche et du crédit d’impôt innovation.

Je sais ce que l’on va me répondre, car c’est ce que l’on me répond en général. Je ferai néanmoins trois remarques. Premièrement, le CIR, ça marche ! Je ne le défends pas aujourd’hui parce qu’il s’agit de l’appliquer à la Corse : je l’ai défendu depuis de longues années, notamment dans un rapport au Président de la République – pas l’actuel, le précédent. Je l’ai défendu dans cette assemblée chaque fois que l’on semblait vouloir y toucher, y compris au cours d’autres législatures que celle-ci. Bref, je le répète, le CIR, ça marche, c’est la bonne méthode !

Deuxièmement, on m’oppose souvent qu’on ne peut faire de différence ratione loci. Mais alors, pourquoi a-t-on institué une différence de taux pour l’outre-mer ? Troisièmement, on dit que l’outre-mer, en matière de recherche et développement, serait plus défavorisé encore que la Corse ; ce n’est pas vrai, la situation de la Corse sous ce rapport est moins favorable que celle de l’outre-mer français.

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements identiques, nos 18, 148, 174 et 369, tendant à supprimer l’article 7.

La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n18.

M. Damien Abad. Afin de financer la cascade d’annonces nouvelles tout en respectant ses objectifs en matière de déficits publics, le Gouvernement a recours à une manœuvre qui consiste à accroître le cinquième acompte d’impôt sur les sociétés pour les grandes entreprises, celles dont le chiffre d’affaires dépasse 250 millions d’euros. L’on prélèvera ainsi sur les grandes entreprises des recettes fiscales qui auraient dû être encaissées ultérieurement, et ce pour financer des mesures qui ont été décidées – on le sait – à l’approche des échéances électorales.

Ce versement anticipé, additionné aux quatre versements précédents, représentera 80 % de l’impôt dû pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est compris entre 205 millions et 1 milliard d’euros, puis 90 % au lieu de 85 % pour les sociétés dont le chiffre d’affaires est compris entre 1 et 5 milliards d’euros, et 98 % au lieu de 95 % pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 5 milliards d’euros.

Autrement dit, cette mesure de trésorerie aura pour seul effet de gonfler artificiellement les recettes de 2017 en minorant artificiellement celles de 2018. Est-ce un présage, monsieur le secrétaire d’État ? Cet article signifie-t-il que vous tirez déjà les conséquences de la défaite de votre camp lors des prochaines élections présidentielles ?

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n148.

Mme Véronique Louwagie. Nous proposons, par cet amendement, de supprimer l’article 7, qui prévoit une majoration de l’acompte d’impôt sur les sociétés. Cette majoration, dont le produit est estimé à 500 millions d’euros, contribuera à accroître les ressources de l’État, afin de tenter de respecter vos objectifs de déficits publics.

Toutefois, cette recette supplémentaire en 2017 sera compensée par une diminution équivalente des recettes en 2018. En 2018, en effet, le solde d’impôt sur les sociétés des entreprises concernées sera moindre : la différence sera de 500 millions d’euros. J’insiste : si ce dispositif augmente les recettes de 500 millions d’euros en 2017, il les diminuera d’autant en 2018, c’est mathématique !

Vu sous un autre angle, il s’agit de déplacer de la trésorerie depuis les comptes des entreprises vers ceux de l’État. Je le répète, il s’agit de prélever 500 millions d’euros de plus sur la trésorerie des entreprises en 2017.

Dernier point : la méthode. Nous verrons que vous recourez aux mêmes techniques sur d’autres points, comme la majoration de la taxe sur les surfaces commerciales, le prélèvement sur les chambres de commerce et d’industrie, le prélèvement sur le fonds de roulement de la COFACE – la compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur… Cette méthode obère notre avenir : ce n’est pas admissible. C’est pourquoi je propose de supprimer l’article 7.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n174.

Mme Marie-Christine Dalloz. Cette mesure de trésorerie est uniquement faciale. Cet impôt, dû au titre de l’année ultérieure, au lieu de l’échelonner en 2017 et sur une partie de l’année 2018, vous le ponctionnerez dès 2017. C’est ce que j’ai appelé, en présentant notre motion de renvoi en commission, une recette « à un coup ». Ce cinquième acompte d’impôt sur les sociétés aura pour contrepartie une baisse évidente de la trésorerie des entreprises. Pour l’État, ce n’est qu’une mesure d’affichage, pour préserver artificiellement l’équilibre budgétaire.

Ces 500 millions d’euros, qui auraient dû être perçus en 2018, seront encaissés facialement en 2017. Comme nous l’avons dit lors de la discussion générale de ce projet de loi de finances, on pourrait penser que ces mesures dilatoires jettent un doute sur la sincérité de l’équilibre financier. Je n’ai pas dit que votre projet de loi de finances était insincère, mais sa sincérité pourrait être mise en doute, très concrètement, à cause de ces 500 millions d’euros.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n369.

M. Charles de Courson. Je ne me montrerai pas aussi sectaire, en matière fiscale, que certains : je dois rappeler que le genre de mesure que vous nous proposez, monsieur le secrétaire d’État, a déjà été employé par bien d’autres gouvernements, de sensibilités diverses, depuis de nombreuses années. Ma critique ne porte donc pas sur ce point.

Seulement, les 520 millions d’euros de recettes anticipées en 2017 au titre de l’impôt sur les sociétés poseront un problème à vos successeurs dans la préparation du budget pour l’année 2018. Les quatre mesures de ce type représentent en effet 1,3 milliard d’euros à combler en 2018. Ce n’est pas moi qui le dis ; le Haut conseil des finances publiques a lui-même relevé l’extrême fragilité de la présentation de votre budget.

Deuxième remarque : vous augmentez de cinq points la quotité applicable aux entreprises placées dans deux tranches, de 250 millions d’euros de chiffre d’affaires à 1 milliard d’euros, et de 1 milliard à 5 milliards. Mais au-delà de 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires, la quotité n’augmente que de trois points. Vous pompez davantage, parmi les grosses entreprises, celles qui ne sont que « moyennes », si j’ose dire, plutôt que les très grandes.

Je voudrais vous faire une suggestion : pourquoi n’allez-vous pas au-delà de 100 % ? On pourrait envisager de porter la quotité à 110 %, voire 120 %, pour anticiper encore plus de recettes. On voit bien qu’il ne s’agit là que d’expédients – dont vous n’êtes pas les premiers à user, j’en conviens.

Ces mesures font croire que la situation budgétaire est moins grave qu’elle n’est : c’est pour cela qu’il faut supprimer cet article.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Beaucoup de choses ont été dites sur cet article, certaines justes et d’autres fausses. Je voudrais corriger ce qu’a dit M. Abad : le cinquième acompte est en fait un quatrième acompte. Je sais bien qu’il porte bien mal son nom et que cela peut parfois introduire des confusions mais, après les trois premiers acomptes dus au cours de l’année, la société concernée verse une avance après le calcul du solde. Je rappelle – les chiffres figurent à la page 189 du rapport – que ce cinquième acompte est versé par des entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur ou égal à 250 millions d’euros, et que jusqu’à 1 milliard d’euros, celles-ci sont soumises à cette mesure si elles estiment l’augmentation de leur bénéfice de 25 %, soit, par exemple, 25 millions d’euros de plus sur le résultat net par rapport à l’année passée s’il avait alors atteint 100 millions d’euros. Cet acompte concerne évidemment aussi, à des taux différents, les entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse 5 milliards d’euros. Par conséquent, ce dispositif n’intervient que si le bénéfice estimé a augmenté par rapport à l’année précédente et seulement pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est égal ou supérieur à 250 millions d’euros. Je me permets également de rappeler qu’il a été mis en place – pas tout à fait aux mêmes taux, je vous l’accorde – en 2005. Avis défavorable à tous ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je voudrais apporter quelques éléments pour corriger des erreurs, ce qu’a déjà fait en partie Mme la rapporteure générale. Monsieur Abad, vous dites que nous gonflons artificiellement les recettes de 2017.

Mme Véronique Louwagie. Eh oui !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Non. Vous auriez d’ailleurs pu ôter le mot « artificiellement » de votre intervention.

M. Damien Abad. Vous les gonflez tout de même !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Oui, nous assumons le fait de gonfler les recettes de 2017.

M. Damien Abad. Après nous le déluge !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. En période de difficultés, il s’agit d’un retour volontariste à l’équilibre des comptes publics. Il est également faux de dire que nous allons diminuer les recettes de 2018 – sauf si vous changiez l’année prochaine le dispositif que votre majorité d’alors, beaucoup l’ont rappelé ici, a inventé en 2005 – puisque le cinquième acompte versé en 2017 aura la même capacité d’anticipation que celui que nous mettons en place pour la fin de cette année.

M. Damien Abad. Seulement si on fait la même chose que vous !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Libre à ceux qui nous succéderont de proposer tous les projets qu’ils veulent. Je me devais de corriger les choses car à en entendre certains, on pourrait se dire : « Oh là là ! Le Gouvernement gonfle artificiellement les recettes de l’année prochaine et diminue celles de 2018. » Il n’en est rien : on gonfle, pas artificiellement mais réellement, les recettes de 2017, et celles de 2018 seront ce qu’elles auraient été de toute façon. Il s’agit presque d’un prélèvement à la source puisqu’on paye l’année même où l’on réalise son bénéfice.

M. Charles de Courson. C’est une autoliquidation !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Oui, je vous l’accorde, mais à partir du moment où on se rapproche d’un taux de 100 %, cela s’apparente de plus en plus au prélèvement à la source.

Un mot sur la COFACE : son fonctionnement actuel est la résultante de la réforme mise en place l’année dernière, à savoir que l’État va récupérer à la fin de son activité l’argent qu’il lui avait avancée. Il n’y a là ni ponction ni je ne sais quelle argutie juridique ; l’affaire est transparente.

J’en reviens au dispositif du cinquième acompte. Mille entreprises seraient concernées. Les principaux réseaux qui les constituent ont été consultés, et aucun de leurs responsables n’a sauté d’une des tours de La Défense. Il ne s’agit que d’un mouvement de trésorerie. Je rappelle toujours que, pour ce dispositif comme pour celui du CICE –  crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi –, l’impôt est rattaché à l’année de l’exercice en cours et donc que, de toute façon, d’un point de vue comptable, il n’y aura aucune différence. Ce mouvement de trésorerie ne causera assurément aucun souci aux 1 000 plus grandes entreprises de notre pays. Donc, avis défavorable à ces amendements de suppression.

Mme la présidente. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Je redis que vous allez affecter la trésorerie des entreprises concernées, monsieur le secrétaire d’État, même si vous avez le droit de considérer que les 1 000 plus grosses n’ont pas de problèmes de trésorerie.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Elles bénéficient en plus de taux d’intérêt négatifs !

M. Damien Abad. Vous reconnaissez, et c’est tout à votre honneur, que vous allez gonfler les recettes. Je complète votre aveu en précisant que c’est artificiellement, puisqu’il s’agit bien d’un artifice et non d’une réalité budgétaire. Je vais vous poser une question très concrète : auriez-vous proposé la même disposition à votre arrivée au pouvoir, c’est-à-dire dès 2012 pour le budget de l’année suivante ? Vous savez bien que non. Cet article est le symbole d’un budget de fin de quinquennat, d’un budget de renoncement.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cette mesure a déjà été mise en œuvre !

M. Damien Abad. C’est « Après moi, le déluge. »

M. Jacques Myard. Vous avez raison !

M. Damien Abad. Voilà la vérité. Vous n’auriez pas proposé cet article en 2012, ni en 2013, en tout cas pas au niveau de 500 millions d’euros et pas à cette vitesse. Ce budget montre que vous avez déjà intégré votre défaite prochaine.

(Les amendements identiques nos 18, 148, 174 et 369 ne sont pas adoptés.)

(L’article 7 est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures cinquante.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Après l’article 7

Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements portant articles additionnels après l’article 7.

La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n552.

M. Charles de Courson. Cet amendement vise à étendre l’éligibilité au prêt à taux zéro au mécanisme d’accession progressive à la propriété, dispositif dans lequel l’accédant acquiert d’abord la nue-propriété d’un logement neuf, avant de devenir plein propriétaire, après la fin de l’usufruit qui avait été acquis par le bailleur, en général au bout de quinze ans. Un peu plus de 1 200 personnes accèdent ainsi à la propriété chaque année. L’année dernière, nous avions étendu le PTZ à toutes les formes d’accession sociale à la propriété, à l’exception de l’accession progressive à la propriété.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La commission avait déjà examiné cet amendement l’an dernier. Elle maintient l’avis défavorable qu’elle avait donné.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis.

(L’amendement n552 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n665.

M. Charles de Courson. Cet amendement a pour objectif de susciter une réflexion sur la fiscalité des entreprises individuelles. Nous avons voté à l’article 6 une baisse du taux de l’impôt sur les sociétés, qui bénéficiera tout d’abord aux petites entreprises constituées en sociétés. Pourtant, aucune mesure similaire n’a été prévue pour les entreprises individuelles, soumises à l’impôt sur le revenu.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Pourquoi le ferions-nous ?

M. Charles de Courson. Comment expliquer à deux dirigeants, dont l’un a constitué son activité en société et l’autre pas, que l’un bénéficiera d’une baisse de son impôt, et l’autre non ?

Ce problème se pose depuis trente ans. Le taux de l’impôt sur les sociétés était alors – tout le monde l’a oublié – de 50 %. Il a diminué, parfois augmenté de nouveau, mais la tendance est toujours à la baisse.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Vous voyez que l’impôt sur les sociétés a baissé !

M. Charles de Courson. Or aucune démarche n’a été engagée de manière symétrique pour les entreprises individuelles.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable. La commission tente d’avoir une vision globale de l’ensemble des dispositifs.

Monsieur de Courson, vous avez raison de souligner que certaines entreprises sont assujetties à l’impôt sur les sociétés et d’autres, à l’impôt sur le revenu.

Prenons un autre exemple : pour les entreprises assujetties à l’impôt sur le revenu, le montant du CICE, versé directement sur le compte du chef d’entreprise,…

M. Charles de Courson. C’est ce que l’on aimerait !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. …n’apparaît pas dans le bilan comptable de l’entreprise, donc n’augmente pas sa marge.

M. Charles de Courson. Comme pour les entreprises de forme sociétaire !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Le montant global versé est de 800 millions d’euros, ce qui, vous en conviendrez, monsieur de Courson, n’est pas négligeable.

Pour aller dans votre sens, il faut tout d’abord établir un bilan global des dispositions et des avantages associés aux entreprises assujetties à l’impôt sur le revenu.

Ensuite, je le rappelle, toute entreprise assujettie à l’impôt sur le revenu a la possibilité de modifier sa forme, pour acquitter l’impôt sur les sociétés.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Avis défavorable. L’explication est parfaite, il n’y a rien à ajouter.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. S’agissant du CICE, son effet a été neutralisé,…

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Mais non, nous n’avons rien neutralisé !

M. Charles de Courson. …puisque les entreprises individuelles, assujetties à l’impôt sur le revenu, comme les entreprises sous forme sociétaire, qui acquittent l’impôt sur les sociétés, en bénéficient. En compensation, les entrepreneurs indépendants ont obtenu une mesure portant sur leurs cotisations sociales. Les salariés sont tous traités de la même façon, mais les entreprises individuelles ne le sont pas.

Nous pouvons discuter de ma proposition d’un abattement sur les revenus, qui définirait par exemple un montant forfaitaire, mais il faut faire quelque chose pour les entreprises individuelles car le maintien de l’égalité entre les deux formes de sociétés pose manifestement problème.

La réponse visant à inciter les entreprises individuelles à opter pour la forme sociétaire est celle du ministère des finances depuis trente ans. Elle montre une méconnaissance des entreprises individuelles, lesquelles ne peuvent pas toutes se constituer en société puisque cette forme a non seulement des conséquences patrimoniales mais aussi des coûts de gestion, même pour une petite société à responsabilité limitée ou une société anonyme. Un vrai problème se pose donc, auquel personne ne veut réellement s’attaquer.

Madame la rapporteure générale, il serait intéressant que vous détailliez vos propositions pour les entreprises individuelles. Cessez de réserver vos mesures aux entreprises sociétaires !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Visiblement, vous n’avez pas compris ma réponse !

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Grandguillaume.

M. Laurent Grandguillaume. Le Gouvernement a fait des efforts sur ce sujet. En ce qui nous concerne, nous avions travaillé sur un statut unique d’entreprise individuelle, qui permette de résoudre ce problème. L’ensemble des acteurs – auto-entrepreneurs, entrepreneurs individuels, artisans, experts comptables, notamment – avait soutenu ce rapport. Pourtant, le ministère de la justice, après avoir réuni un groupe de travail, a classé le dossier, ce qui est bien dommage.

Le sujet reste ouvert. Il ne faut pas le mettre de côté car de nombreux entrepreneurs ont le sentiment de n’être pas pris en compte et de subir une injustice. Un statut unique d’entreprise individuelle, s’il était réalisé, permettrait de régler en partie la question fiscale. Il aurait aussi, je ne l’ignore pas, des conséquences sociales, puisque le montant des cotisations des entrepreneurs serait réduit, mais ce statut serait une mesure de justice sociale et fiscale.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je retire mon amendement.

(L’amendement n665 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n12.

M. Damien Abad. Cet amendement vise à proroger l’amortissement accéléré sur 24 mois du matériel de robotique industrielle en 2017, non seulement pour renforcer la stabilité fiscale, la prévisibilité et la lisibilité, mais aussi pour soutenir l’investissement, la croissance et l’économie, notamment dans ce secteur.

L’amortissement concerne les biens acquis ou créés entre le 1er octobre 2013 et le 31 décembre 2016, dans les entreprises de taille moyenne. Il est aujourd’hui essentiel de pouvoir accompagner ces PME pour qu’elles investissent dans les technologies d’avenir. La loi de finances pour 2016 avait déjà permis de proroger l’amortissement d’un an ; cet amendement vise à le prolonger d’une année supplémentaire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La commission a émis un avis favorable sur cet amendement qui vise à proroger d’un an ce dispositif dont le coût est estimé à 3 millions d’euros pour 2017.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement. Certes, les investissements bénéficient, selon leur nature, de durées d’amortissement spécifiques.

Vous savez toutefois, mesdames et messieurs les députés, que le Gouvernement a souhaité proroger le suramortissement de 40 %, qui satisfait chacun et qui, bien que la disposition ne soit pas identique à celle que vise cet amendement, apparaît comme plus favorable puisqu’elle correspond à une aide de 13 % par an. Le dispositif de suramortissement est puissant, général et simple. Les robots industriels y sont naturellement éligibles.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Monsieur le secrétaire d’État, alors que le Président de la République annonce qu’il fera tout pour favoriser l’investissement, qui constitue un élément essentiel, notamment pour renforcer la compétitivité de nos entreprises, vous refusez une mesure dont le coût n’est tout de même pas extraordinaire. Vous n’êtes pas capable de faire ce geste pour l’investissement productif des entreprises !

Et j’avais raison de dire tout à l’heure, dans le débat sur le cinéma et les SOFICA, qu’il y a deux poids, deux mesures pour cette majorité : vous ne parvenez pas à accompagner les entreprises, actrices de l’économie réelle.

Mme la présidente. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. J’entends vos arguments, monsieur le secrétaire d’État mais, comme l’a dit Mme la rapporteure générale, proroger d’un an cette mesure qui favorise l’investissement dans le matériel robotique ne coûte que 3 millions d’euros. La commission des finances ayant émis un avis favorable, nous pourrions tous aller dans ce sens et nous rassembler pour voter cet amendement qui favorise à la fois la stabilité et l’investissement de nos petites et moyennes entreprises.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Soyons clairs, amortir sur deux ans des matériels qui s’amortissent normalement sur une durée plus longue représente pour les entreprises non pas un gain financier mais un gain de trésorerie. En revanche, le suramortissement, bien que coûteux pour l’État, apporte un gain net aux entreprises, puisqu’il permet d’amortir les biens à 140 % de leur valeur. Il est donc beaucoup plus puissant et favorable aux entreprises. Je ne vois donc pas l’intérêt de prolonger le dispositif visé par cet amendement, qui ne permet qu’une accélération de l’amortissement, alors qu’il est coiffé – et même surcoiffé – par le dispositif de suramortissement.

(L’amendement n12 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n11.

M. Damien Abad. Cet amendement vise à ouvrir plus largement le dispositif d’amortissement pour le matériel de robotique industrielle. De nombreuses entreprises de plus de 250 salariés, particulièrement dans les secteurs à forte intensité de main-d’œuvre, comme l’agroalimentaire, sont susceptibles d’investir dans la robotique pour se moderniser et créer des emplois.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Sur le même sujet, l’avis est toujours défavorable !

(L’amendement n11 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Bloche, pour soutenir l’amendement n493.

Je vous propose, mon cher collègue, de nous présenter simultanément l’amendement n490.

M. Patrick Bloche. Madame la présidente, je ne présenterai que l’amendement n493 puisque j’entends retirer l’amendement n490. Cela rendra les choses encore plus simples et plus rapides, puisque telle est votre légitime revendication.

Nous reprenons cet après-midi une discussion que nous avions eue l’année dernière, lorsque, avec Pierre-Alain Muet et Stéphane Travert, j’avais présenté un amendement semblable au projet de loi de finances pour 2016. M. le secrétaire d’État avait alors souhaité reporter le vote d’une telle disposition ; nous avions donc pris date.

Cet amendement vise à autoriser les entreprises de diffusion d’œuvres d’art et d’objets de collection ou d’antiquités – marchands, galeristes, antiquaires – à constituer sur trois ans des provisions déductibles du résultat imposable correspondant aux achats d’œuvres et d’objets intervenus au cours d’un exercice et non revendus à la clôture dudit exercice.

Le bénéfice de cette mesure est subordonné à la condition qu’un montant au moins égal à la provision soit utilisé dans l’année suivant celle de sa constitution pour des achats de telles œuvres ou objets.

Le marché de l’art est un marché fragile et la concurrence internationale est forte.

M. Damien Abad. C’est le lobby de l’art et du cinéma qui s’exprime !

M. Patrick Bloche. Il s’agit de s’adresser non pas aux grandes sociétés de vente ayant une surface internationale mais à des commerces de moyenne gamme, pour lesquels l’achat d’œuvres ou d’objets représente une immobilisation financière importante. La constitution de telles réserves comporte en outre des risques élevés, compte tenu de l’imprévisibilité de l’évolution de la valeur des œuvres et de l’instabilité du marché.

Au travers de cet amendement qui se veut vertueux, il s’agit de leur permettre de redynamiser leur cycle de stocks et de leur faciliter la constitution de réserves. Un tel dispositif bénéficiera aussi aux artistes, puisqu’il permettra de soutenir l’achat de leurs œuvres. Enfin, le coût de cette mesure est réduit – je le précise car ce sujet est souvent décisif lorsque l’on discute d’un projet de loi de finances –, dans la mesure où il ne s’agit que différer l’imposition.

(L’amendement n490 est retiré.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Monsieur le président Bloche, la commission s’est exprimée de façon tout à fait déterminée contre cet amendement, car vous inventez en quelque sorte une nouvelle catégorie comptable. Au lieu de partir de la comptabilité telle qu’elle existe, vous proposez de créer un avantage fiscal qui repose sur une catégorie comptable qui n’existe pas. Cela est tout bonnement impossible.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il est tout aussi défavorable, et pour d’autres raisons encore.

D’une part, cette mesure pourrait être aisément détournée de son objet pour devenir un pur outil d’optimisation. D’autre part, elle n’est pas ciblée sur des entreprises rencontrant des difficultés de financement, puisqu’elle concerne l’ensemble des acteurs. Elle pourrait d’ailleurs entraîner des demandes reconventionnelles d’autres secteurs confrontés à des problématiques similaires, lorsqu’il s’agit de constituer un stock.

Enfin – s’il vous fallait un dernier argument –, cette disposition devrait immanquablement être notifiée à la Commission européenne, puisqu’il s’agit d’une activité commerciale d’achat et de revente, et non d’une activité culturelle au sens de l’article 53 du règlement général d’exemption par catégorie – le RGEC. Autrement dit, le mécanisme contreviendrait aux règles européennes. Voilà de multiples raisons pour retirer cet amendement, au risque de le voir rejeté.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Madame la rapporteure générale, je ne pense pas que nous inventions une catégorie comptable : il y a des provisions réglementées dans le cadre comptable et une ligne est prévue pour les provisions de stock. En outre, un dispositif similaire existe pour la presse.

De plus, ce dispositif est très simple et vertueux, puisqu’il s’agit non pas de réduire l’impôt mais de le différer. La provision constituée devra être réemployée dans un investissement et elle sera réintégrée dans les bénéfices si l’œuvre est revendue. Cela mérite que l’on y réfléchisse, car le marché de l’art, important en France, est en train de perdre de son poids face aux États-Unis, à la Grande-Bretagne et à la Chine.

M. Marc Le Fur. Malgré les avantages que vous lui avez accordés, notamment en excluant les œuvres d’art de l’ISF !

M. Pierre-Alain Muet. Ce dispositif est parfaitement pertinent. Nous ne manquerons pas de déposer à nouveau cet amendement, car la réflexion doit être poursuivie.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Pendant les dix années où j’ai été rapporteur général, je redoutais l’arrivée de mon collègue et ami Patrick Bloche… (Sourires.) Je craignais qu’il ne parvienne à bâtir, d’amendement en amendement – aidé d’ailleurs par d’autres députés appartenant à la majorité de l’époque –, une sorte de fiscalité exceptionnelle pour la culture, qui s’apparente à la fiscalité d’un paradis fiscal.

Cela a commencé par l’exclusion des œuvres d’art de l’assiette de l’ISF. Cela s’est poursuivi avec la niche fiscale concernant l’investissement dans les SOFICA, pour lequel un plafond spécifique de 18 000 euros a été fixé, alors même qu’il est tout à fait édifiant de voir qui investit dans ces sociétés. Je peux également citer le crédit d’impôt pour dépenses de production cinématographique, qui n’a fait que gonfler, au point que, pour une seule œuvre cinématographique, on peut obtenir une réduction d’impôt de 25 millions d’euros. Le secteur bénéficie par ailleurs de règles d’amortissement tout à fait particulières. Enfin, les mesures fiscales contenues dans la loi de 2003 relative au mécénat, qui devaient coûter initialement 300 millions d’euros, s’élèvent aujourd’hui à 2 milliards d’euros.

Ce qui est très gênant, c’est que ces mesures, quand bien même elles seraient efficaces, ne sont jamais évaluées.

Mme Marie-Christine Dalloz. Et elles sont toujours prises sous la menace !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. On se trouve dans une spirale du toujours plus ; ce n’est jamais assez.

Mme Marie-Christine Dalloz. Eh oui !

M. Damien Abad. Il a raison !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Avec le présent amendement, vous en venez à créer une catégorie comptable supplémentaire, comme l’a souligné avec justesse Mme la rapporteure générale.

M. Pierre-Alain Muet. Mais non !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Soyons sérieux ! Il y a un moment où il faut arrêter. Je suis prêt à examiner les prochains amendements que vous présenterez sur ce sujet, monsieur Bloche, mais ils devraient viser à évaluer ces mesures et à regarder si, cumulées, elles sont aussi efficaces qu’on le souhaite.

Mme Marie-Christine Dalloz. Mais non, certains préfèrent faire l’autruche !

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Le président Carrez a élargi considérablement le débat. En l’occurrence, parler de paradis fiscal me paraît excessif, surtout à la lumière de cet amendement dont Pierre-Alain Muet a rappelé, s’il le fallait, qu’il vise simplement à différer l’imposition, pour un coût pour le budget de l’État quasiment négligeable.

Oui, il existe une fiscalité particulière qui permet d’accompagner des industries culturelles très dynamiques, qui contribuent à la croissance et au PIB et résistent mieux à la crise. Le rapport conjoint de l’Inspection générale des affaires culturelles et de l’Inspection générale des finances sur l’apport de la culture à l’économie en France, publié en 2013, a montré que les emplois dans les industries culturelles sont – tenez-vous bien, chers collègues – sept fois plus nombreux que dans l’industrie automobile.

Cette façon intelligente, tout du moins intelligible, d’accompagner le secteur a motivé l’adoption, l’année dernière, du nouveau crédit d’impôt cinéma. À l’arrivée, le budget de l’État est gagnant, tant en matière de rentrées fiscales qu’en matière de contributions sociales.

Je regrette la réaction que cet amendement bien modeste a suscitée chez Mme la rapporteure générale et M. le secrétaire d’État,…

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Dura lex, sed lex !

M. Patrick Bloche. …puisqu’il vise avant tout à permettre, grâce à une imposition différée, à des galeristes, à des antiquaires, à des marchands, de prendre des risques en achetant des œuvres d’art, notamment auprès d’artistes français vivants, de constituer et de renouveler des stocks.

Je voulais rappeler l’esprit de cette démarche, qui est la traduction d’un travail effectué au sein de la passionnante mission d’information sur le marché de l’art, présidée par Michel Herbillon et dont le rapporteur est Stéphane Travert. Elle vise à aider le marché de l’art français à résister à la concurrence internationale, qu’elle vienne d’outre-Manche, d’outre-Atlantique ou, plus loin, de Chine, notamment de Shanghai.

(L’amendement n493 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n449.

M. Damien Abad. Cet amendement tend à proroger la déduction en faveur de l’investissement jusqu’au 31 décembre 2017, au lieu du 14 avril 2017.

Une entreprise peut bénéficier d’un avantage fiscal permettant de déduire de son résultat imposable 40 % du prix de revient de ce bien.

(L’amendement n449, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n59.

M. Marc Le Fur. La loi pour la croissance et l’activité, dite loi Macron, a instauré un mécanisme de suramortissement pour relancer l’économie. De fait, ce mécanisme est intéressant. Sont concernés par ce dispositif les matériels et outillages utilisés pour des opérations industrielles de fabrication ou de transformation, les matériels de manutention, ou encore les installations destinées à l’épuration des eaux. En sont en revanche exclues les installations productrices d’électricité bénéficiant de tarifs d’achat réglementés, les installations de méthanisation ou photovoltaïques aidées et surtout les bâtiments agricoles.

Nous ne sommes pas dans la logique du cinéma, qui en veut toujours plus ; nous ne sollicitons aucune faveur. Nous demandons simplement que le droit commun s’applique à un certain nombre d’investissements dont chacun reconnaîtra qu’ils sont utiles pour notre secteur agricole – lequel est confronté à de graves difficultés –, utiles pour la nation. En donnant au monde agricole les moyens de moderniser les bâtiments et le matériel de fabrication d’énergie électrique, nous permettrions à ce secteur d’être concurrentiel face aux Allemands.

Depuis quelques années, sans faire le procès de quiconque, notre agriculture a perdu en compétitivité. Nous devons lui donner les moyens de se moderniser. D’autres – les Néerlandais, les Allemands, ou encore les Espagnols – l’ont fait plus rapidement que nous. Nous étions naguère le premier pays agricole et agro-alimentaire d’Europe, mais c’est bien fini aujourd’hui. Reconnaissons-le tout en nous donnant les moyens de rattraper notre retard.

Cet amendement, qui s’inscrit dans la logique du suramortissement Macron, va dans ce sens.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Nous avons pris plusieurs mesures favorables à ce secteur, en particulier l’année dernière, qu’il s’agisse de dispositifs d’exonérations par rapport à la fiscalité locale – laquelle constituait sans doute un frein à la concurrence – ou de tarifs de rachat favorables, ce qui n’a pas été sans conséquences, d’ailleurs, sur d’autres fiscalités puisque toutes ces mesures sont compensées dans le cadre de la contribution au service public de l’électricité, la CSPE.

Nous avons atteint un certain équilibre dans ce secteur et le Gouvernement ne souhaite pas aller plus loin. Du reste, une partie de ces installations est déjà éligible au suramortissement. Avis très défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Il est vrai que des mesures ont été prises, mais nous avons également subi une crise sans précédent, dans tous les secteurs d’élevage d’abord, puis aujourd’hui dans le secteur céréalier. D’ailleurs, le Gouvernement s’est montré beaucoup plus sensible aux préoccupations des céréaliers qu’il ne le fut dans le passé à celles des éleveurs.

M. François Pupponi, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et M. Razzy Hammadi. Oh !

M. Marc Le Fur. Il n’en demeure pas moins que notre pays a pris du retard dans la modernisation de ses bâtiments agricoles et des installations destinées à produire de l’énergie. La faiblesse des investissements en ce domaine en témoigne. Je maintiens mon amendement, tout en regrettant que le Gouvernement prête plus aisément l’oreille aux préoccupations des autres, comme le cinéma – même le président Le Roux en a convenu. En revanche, dès qu’il s’agit d’agriculture, d’élevage, d’agro-alimentaire, les réponses sont plus négatives que jamais. Je le regrette.

(L’amendement n59 n’est pas adopté.)

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous savez bien que le Gouvernement n’était pas favorable à l’amendement concernant les SOFICA !

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements, nos 296 rectifié, 142 rectifié, 34 et 339, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 296 rectifié et 142 rectifié, d’une part, 34 et 339, d’autre part, sont identiques.

La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement, n296 rectifié, de la commission des finances.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je laisse à M. Alauzet le soin de le défendre.

Mme la présidente. La parole est donc à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Cet amendement vise à étendre l’amortissement fiscal supplémentaire exceptionnel sur les poids lourds fonctionnant au gaz naturel – GNV – et au biométhane carburant – bioGNV – aux véhicules de 3,5 tonnes. Cette mesure, de nature aussi bien écologique qu’économique – preuve que ces notions vont souvent de pair – permettrait de favoriser le secteur des PME en développant la fabrication des véhicules de 3,5 tonnes tout en valorisant le GNV et le bioGNV. Le gaz est moins polluant que le diesel et le bioGNV l’est encore moins puisqu’il s’agit d’une énergie renouvelable.

J’ajoute que ces mesures représentent un coût relativement modeste : environ 600 000 euros par an.

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour un rappel au règlement.

Mme Marie-Christine Dalloz. Sur le fondement de l’article 58, alinéa 1, madame la présidente. Si je me réfère à la page 195 du rapport général, j’y lis que l’un de mes amendements, portant le numéro I-CF-254, fait partie de la liste de ceux qui ont été adoptés ensemble. Or mon nom est le seul à ne pas figurer dans la liste des co-signataires de l’amendement qui vient d’être présenté par M. Alauzet.

Je n’ose y voir une forme de sectarisme, préférant penser qu’il s’agit là d’un simple oubli, madame la rapporteure générale.

Mme la présidente. Madame Dalloz, je vous propose que nous continuions à examiner les amendements en discussion commune, le temps que la commission nous explique cette erreur.

Après l’article 7 (suite)

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Giacobbi, pour soutenir l’amendement n142 rectifié, qui est donc identique à l’amendement n296 rectifié.

M. Paul Giacobbi. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n34.

M. Damien Abad. Cet amendement tend à favoriser l’investissement des PME françaises de transport routier dans des solutions de mobilité plus respectueuses de l’environnement et de la qualité de l’air.

Il s’agit, à ce titre, d’étendre l’amortissement fiscal supplémentaire exceptionnel sur les poids lourds fonctionnant au gaz naturel et au biométhane carburant aux véhicules de 3,5 tonnes, soit le segment des véhicules utilitaires légers, largement utilisés par le secteur de la logistique urbaine et de la livraison du dernier kilomètre.

Ce serait une solution particulièrement pertinente pour les PME livrant dans les centres urbains et qui s’engagent dans l’acquisition de véhicules propres. Il permettrait de réduire largement les émissions de particules et d’oxydes d’azote, comme le confirment les tests en conditions réelles de roulage réalisés avec l’ADEME. Il diminuerait sensiblement, par ailleurs, les émissions de gaz à effet de serre.

Cet amendement a donc pour objectif d’inciter à l’acquisition de véhicules utilitaires légers, contribuant ainsi à la transition énergétique et à l’amélioration de la compétitivité des entreprises françaises, mais aussi au développement de la méthanisation agricole.

Au-delà des gains de compétitivité qu’elle induirait et de ses impacts environnementaux et sanitaires, cette mesure permettrait de développer des emplois dans cette filière industrielle d’avenir, qui représente à ce jour plus de 1 000 emplois et six usines en France.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement n339.

M. Éric Alauzet. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Nous retiendrons, de ces amendements en discussion commune, l’amendement n296 rectifié, de la commission, et l’amendement identique, n142 rectifié. Avis défavorable aux autres.

Je voudrais par ailleurs présenter mes excuses à Mme Dalloz. Nous avons effectivement commis une erreur matérielle, dont je ne sais pas si nous pourrons la corriger. Je souhaite bien évidemment que mes propos soient inscrits au compte rendu.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je vous remercie !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement est favorable à l’amendement de la commission, que M. Alauzet a présenté. Son coût n’est pas considérable, le nombre de véhicules concernés est inférieur à 2 000, mais c’est une avancée qui s’inscrit dans le cadre de la transition énergétique.

Sans changer la nature ni l’esprit de l’amendement, il faudra tout de même y apporter quelques menues corrections de forme, sans doute à l’occasion de la navette.

Avis défavorable aux autres amendements en discussion commune, s’ils sont maintenus.

Mme la présidente. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Ces amendements ont beau être en discussion commune, ils ne sont pas identiques. Je ne comprends pas pourquoi la commission et le Gouvernement sont défavorables à mon amendement, n34, qui vise à favoriser l’investissement des PME de transport routier dans des véhicules plus respectueux de l’environnement. J’aimerais que vous m’expliquiez vos avis défavorables sur cette proposition qui favorise la transition énergétique et la méthanisation agricole.

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. L’amendement n34 poursuit le même objectif que l’amendement n296 rectifié, mais il est moins bien rédigé. L’esprit, auquel je suis favorable, reste le même.

M. Éric Alauzet. L’objectif est atteint, monsieur Abad !

Mme la présidente. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Dans ce cas, je le retire.

Mme la présidente. Monsieur Alauzet, qu’en est-il de l’amendement n339 ?

M. Éric Alauzet. Je le retire également.

(Les amendements identiques nos 34 et 339 sont retirés.)

(Les amendements identiques nos 296 rectifié et 142 rectifié, modifiés par la suppression du gage, sont adoptés à l’unanimité.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement, n535, qui fait l’objet d’un sous-amendement n812.



La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement.

M. Charles de Courson. Cet amendement vise, dans le même esprit que les amendements que nous venons d’adopter, à favoriser l’investissement des PME de transport routier dans des solutions de mobilité plus respectueuses de l’environnement et de la qualité de l’air, en ajoutant un complément concernant l’ED95 au dispositif voté en loi de finances pour 2016 concernant le biométhane et le gaz.

Il étend l’amortissement fiscal à certains achats d’équipements industriels dans le cadre d’un plan de soutien à l’investissement industriel, aux poids lourds et véhicules légers fonctionnant à l’ED95. Il s’agit d’amorcer les ventes commerciales de véhicules fonctionnant à l’ED95.

Mme la rapporteure générale a déposé un sous-amendement qui me convient très bien en ce qu’il améliore la rédaction de ce petit amendement donc le coût, monsieur le secrétaire d’État, est estimé à 1 million d’euros.

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Rabault, pour soutenir le sous-amendement n812.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Il est rédactionnel.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement et le sous-amendement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le type de carburant visé, fort peu utilisé, concerne un seul constructeur. Puisque nous avons déjà fait une avancée en adoptant l’amendement précédent, le Gouvernement s’en remet à la sagesse légendaire de l’Assemblée.

M. Paul Giacobbi. Avec un enthousiasme débordant ! (Sourires.)

(Le sous-amendement n812 est adopté.)

(L’amendement n535, sous-amendé, modifié par la suppression du gage, est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 434 et 465.

La parole est à M. Paul Giacobbi, pour soutenir l’amendement n434.

M. Paul Giacobbi. M. Giraud, premier signataire de cet amendement, et Mme Dalloz, auteur de l’amendement identique n465, semblent entretenir une collaboration législative intéressante, qui s’inspire probablement des mêmes sources. Comme il s’agit de se « caler » sur le dispositif de l’indemnité compensatoire de handicap naturel, l’ICHN, j’en déduis que différentes associations d’élus de montagne ne sont pas étrangères à leur proposition.

L’objectif est de défendre les exploitations fragiles, les exploitations de montagne, qui intéressent tout particulièrement les élus de certaines régions.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cela ne concerne pas seulement les exploitations de montagne…

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n465.

Mme Marie-Christine Dalloz. Depuis l’instauration du régime du « micro-BA » – micro-bénéfice agricole –, nous sentons chez nos agriculteurs de montagne une réelle difficulté. En effet, la reconnaissance les contraintes d’une exploitation agricole en montagne se fait à travers la notion de handicap naturel, et les agriculteurs bénéficient à ce titre d’une indemnité, l’ICHN. Or, dans l’imposition du micro-BA, cette indemnité entre directement comme une recette d’exploitation, d’où un déséquilibre fiscal…

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est une recette. Vous ne pouvez tout de même pas la comptabiliser comme une dépense !

Mme Marie-Christine Dalloz. Il est indéniable que ces exploitations subissent un déséquilibre, monsieur le secrétaire d’État. On reconnaît qu’elles subissent des frais structurels supplémentaires du fait des difficultés propres aux zones de montagne et, dans le même temps, on les pénalise par ce calcul fiscal.

Pour éviter que le régime du micro-BA ne soit préjudiciable aux exploitations fragiles, il est proposé par cet amendement de ne pas prendre en compte l’ICHN dans l’assiette du bénéfice imposable du micro-BA. Il s’agit d’une mesure simple.

Peut-être m’opposerez-vous son coût, monsieur le secrétaire d’État, mais je crois sincèrement que nous rendrions un vrai service à notre agriculture de montagne, qui est très fragilisée par les crises environnementales et économiques.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. L’ICHN est un sujet d’autant plus important qu’une réforme des zones défavorisées simples est en cours. Je précise qu’elle ne concerne pas seulement les zones de montagne.

Mme Marie-Christine Dalloz. Surtout elles, tout de même !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Dans le régime de forfait qui était en vigueur avant la réforme du régime fiscal agricole, l’ICHN n’était pas prise en compte.

Mme Marie-Christine Dalloz. En effet, elle n’était pas intégrée.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. C’était une convention de l’administration fiscale. Était-ce inscrit noir sur blanc dans la loi ? Je vous avoue que je n’ai pas vérifié, mais en tout cas l’administration fiscale dans son ensemble n’intégrait pas l’ICHN dans le forfait.

Depuis que nous avons mené, avec notre collègue François André, la réforme d’une partie de la fiscalité agricole, des interrogations se font jour. C’est pourquoi la question posée par nos deux collègues est très pertinente : ce qui existait de manière peut-être non écrite dans l’ancien régime du forfait perdure-t-il dans le nouveau régime fiscal agricole ?

L’ICHN, on le sait, est un sujet très sensible. La Commission européenne a demandé à la France de dresser une nouvelle carte des zones défavorisées simples en s’appuyant sur de prétendus critères biophysiques, ce qui revient à évacuer les critères économiques. Si vous me permettez de dépasser un peu le cadre de ces amendements, je trouve que c’est très dangereux et que la Commission européenne s’engage dans un bien mauvais chemin.

Mme Delphine Batho. Très juste !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il est défavorable. Que certaines exploitations soumises à des difficultés naturelles – en zone de montagne, mais pas seulement – doivent bénéficier de soutiens adaptés, nul n’en disconvient. C’est précisément à cet effet qu’on a institué le dispositif des indemnités compensatoires de handicap naturel. Il existe donc bien une indemnité destinée à compenser les difficultés liées à la localisation de l’exploitation ou aux caractéristiques des territoires.

Vous déplorez, madame Dalloz, que l’on soit contraint d’inscrire les montants perçus comme des recettes. Mais ce sont à l’évidence des recettes !

Par ailleurs, le régime construit l’année dernière avec François André prévoit un abattement de 87 % sur les recettes.

M. François André. C’est exact.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. En conséquence, seuls 13 % des recettes sont imposables. Et si l’on a calculé ces pourcentages, c’est justement pour tenir compte de l’ensemble des recettes : par construction, nous avons intégré toutes les recettes, parmi lesquelles figurent les ICHN, au même titre que d’autres types de recettes ou de subventions.

Le raisonnement vaut pour de nombreux dispositifs : soit vous les rendez non imposables et vous les minorez, soit vous les rendez imposables. Car finalement, cela revient au même.

En l’espèce, pour avoir un dispositif simple, il a été choisi l’année dernière de travailler selon le deuxième modèle. C’est pourquoi le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. J’entends bien l’explication de M. le secrétaire d’État au sujet de l’abattement de 87 %. Cependant, si l’on prend le cas d’une exploitation agricole d’une commune classée en zone défavorisée simple, qui perçoit donc l’ICHN, et d’une autre exploitation, deux kilomètres plus loin, qui n’est pas classée et ne perçoit donc pas l’indemnité, toutes deux bénéficient des 87 % de la même façon.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Oui, mais pas sur la même assiette !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. En conséquence, les exploitations recevant l’ICHN ne retrouvent pas le bénéfice dont elles disposaient lorsqu’elles étaient au forfait.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Mais celles qui sont en zone non classée n’ont pas cette recette-là !

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Allain.

Mme Brigitte Allain. Pourriez-vous expliquer clairement votre opposition à ces amendements, monsieur le secrétaire d’État ? Lorsqu’une imposition est forfaitaire, par définition, on n’ajoute pas d’autres choses au revenu. Le forfait est calculé en fonction de la taille de l’exploitation et de la nature des productions, rien d’autre. Faut-il comprendre que vous ne souhaitez pas préciser que l’ICHN est incluse dans le forfait ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est dans le régime d’avant la réforme que le forfait dépendait de la taille de l’exploitation, madame la députée. Le nouveau régime, lui, se fonde sur les recettes de l’exploitation, avec un abattement forfaitaire de 87 %.

M. Charles de Courson. Ce qui est énorme !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je vous laisse la responsabilité de vos propos, monsieur de Courson.

Quoi qu’il en soit, ce calcul est le fruit de deux ans de travaux entre l’administration et les principaux syndicats d’exploitants agricoles pour arriver à un dispositif juste. Si l’on commence à exclure certaines parties des recettes – l’ICHN aujourd’hui, je ne sais quoi demain –, on n’est plus du tout dans l’esprit d’une réforme qui, me semble-t-il, a plutôt fait consensus l’année dernière.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Nous avons eu ce débat à de multiples reprises, tant sur les ICHN que sur d’autres indemnités : les indemnités doivent-elles entrer dans le calcul lorsque l’on est au réel, voire même au forfait ? In fine, tout le monde a convenu qu’il fallait les inclure : on ne peut faire sortir tel ou tel type d’indemnité ou de prime. Au demeurant, la question se pose dans bien d’autres domaines.

Il faut donc avoir une ligne. En l’espèce, puisque l’abattement est de 87 %, l’imposition portera sur 13 % du montant des ICHN. Dans le cas d’ICHN assez élevées, de l’ordre de 40 000 ou 50 000 euros, le taux marginal de l’impôt sur le revenu s’appliquera à un montant compris entre 5 200 et 6 500 euros.

Je le répète, mes chers collègues, tenons-nous en à une ligne : toutes les indemnités doivent entrer dans le calcul du revenu. Si nous excluons les ICHN, une multitude d’amendements suivront pour exclure telle ou telle autre indemnité et cela deviendra intenable.

(Les amendements identiques nos 434 et 465 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. François André, pour soutenir l’amendement n575.

M. François André. Comme on vient de le mentionner, nous avons remplacé l’an dernier, à l’occasion du projet de loi de finances pour 2016, le régime du forfait agricole par un régime dénommé « micro-bénéfice agricole ». Cette réforme faisait suite aux conclusions du rapport que nous avons élaboré, avec plusieurs collègues ici présents, sous la présidence de M. Marc Le Fur. L’amendement n575 vise à toiletter le code général des impôts en deux points.

Tout d’abord, il s’agit de simplifier le droit en permettant l’application du micro-BA même lorsque le contribuable concerné réalise par ailleurs des recettes soumises à un régime réel d’imposition. Cette correction s’appliquerait à compter de l’imposition des revenus de 2016.

Je propose ensuite une mesure de coordination permettant aux contribuables relevant du micro-BA d’être éligibles à la réduction d’impôt applicable pour frais de tenue de comptabilité, telle qu’elle existe déjà pour les contribuables assujettis au micro-BIC – bénéficies industriels et commerciaux – ou au micro-BNC – bénéfices non commerciaux.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il s’agit en effet d’un amendement que l’on pourrait qualifier de coordination. Il tire les conséquences de la réforme que nous avons menée l’année dernière et à laquelle François André a beaucoup contribué. Il serait judicieux de l’adopter. Avis favorable.

(L’amendement n575, modifié par la suppression du gage, est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 438, 466 et 561.

La parole est à M. Paul Giacobbi, pour soutenir l’amendement n438.

M. Paul Giacobbi. Nous passons à une autre série d’amendements identiques de M. Giraud et de Mme Dalloz, auxquels s’ajoute M. de Courson. Là encore, il s’agit d’une forme de coordination. Nous avons en effet supprimé en 2015 le régime du forfait agricole applicable aux petites exploitations pour lui substituer un nouveau régime, celui de la micro-entreprise agricole, aussi appelé, de manière assez malsonnante, le « micro-BA » – on croirait un nom de médicament de nouvelle génération ! (Sourires.)

La difficulté est qu’un certain nombre d’activités agricoles étaient exclues par nature du régime du forfait, notamment « la préparation et l’entraînement des équidés domestiques en vue de leur exploitation dans des activités autres que celles du spectacle » – on voit à peu près de quoi il s’agit… Cela se justifiait, car il était difficile de fixer un bénéfice agricole forfaitaire calculé à partir d’éléments physiques de l’exploitation – nombre d’hectares, têtes de bétail, etc. Aujourd’hui, dès lors que l’on n’est plus au forfait physique mais au réel simplifié, comme on disait autrefois, on se fonde sur les recettes encaissées par l’exploitant. Par conséquent, il n’est plus justifié d’obliger les entreprises à adopter le réel et nous proposons qu’elles bénéficient, dans certaines conditions, du micro-BA.

Même motif, même punition – ou plutôt même équité – pour les exploitants qui, selon l’admirable description de notre exposé sommaire, « perçoivent des revenus provenant de la biomasse sèche ou humide majoritairement issue de produits ou sous-produits de l’exploitation », ce qui est une belle façon de désigner, entre autres, le fumier. (Sourires.) Dans la mesure, là aussi, où le forfait n’existe plus et où il n’y a plus de raisons de les contraindre au régime du réel, ils doivent pouvoir bénéficier du micro-BA. Moyennant quoi j’aurai moi aussi fait ma BA ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n466.

Mme Marie-Christine Dalloz. Mon intervention se situe dans la continuité de celle de mon collègue du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

Nous sommes d’accord avec vous, monsieur le secrétaire d’État : il ne s’agit pas d’ouvrir trop largement le régime du micro-BA, puisque nous conservons les mêmes conditions, notamment la limite de 82 200 euros – hors taxes – correspondant à la moyenne des recettes enregistrées au cours des trois dernières années.

Les exploitations ne sont pas, à ces niveaux de revenus, de très grosses entreprises. Or, je le répète, nous ne modifions pas les critères fiscaux. Nous proposons simplement d’intégrer les entreprises agricoles exerçant des activités de préparation et d’entraînement des équidés domestiques dans le champ du régime fiscal de la micro-entreprise agricole, ainsi que celles qui, comme le disait fort bien M. Giacobbi, perçoivent des revenus provenant de la vente de la biomasse sèche ou humide majoritairement issue des productions de l’exploitation agricole.

L’idée était d’élargir un tant soit peu le champ du dispositif. Cet amendement, dont le coût n’est certainement pas très important, rendrait service dans les exploitations ayant un faible niveau de rentabilité. En outre, il irait dans le sens de l’harmonisation.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n561.

M. Charles de Courson. J’apporterai deux précisions. Pourquoi excluait-on du forfait les activités de préparation et d’entraînement des équidés domestiques en vue de leur exploitation dans des activités autres que celles du spectacle ? Tout simplement parce que, pour ces activités, il ne pouvait pas y avoir de forfait fondé sur des éléments comme le nombre d’animaux. Intégrer aujourd’hui ces activités serait une mesure de simplification.

Notre collègue M. Giacobbi a fait de l’humour à propos de la production d’énergie issue majoritairement de la biomasse sèche ou humide. Pourquoi « majoritairement » ? Parce que, sans cette notion, ce serait non plus une activité agricole ou une prolongation de l’activité agricole, mais une activité commerciale. Ce que nous proposons est extrêmement ciblé et il s’agit d’une double mesure de simplification.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La commission ne sait pas trop… (Sourires.) Je m’en étais remis à la sagesse de l’Assemblée au cours de la réunion qui s’est tenue au titre de l’article 88 après que nous en avons débattu. Nous aurions besoin de l’éclairage de M. le secrétaire d’État. « Sagesse plus », serais-je tentée de dire… mais nous avons besoin de précisions et nous nous en remettons à la sagesse du Gouvernement.

Mme Marie-Christine Dalloz. À sa sagesse bienveillante…

Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Les activités commerciales ou non commerciales par nature mais rattachées à la catégorie des bénéfices agricoles par détermination expresse de la loi étaient déjà exclues du régime du forfait agricole. Si l’exclusion des activités de préparation et d’entraînement des équidés ne se justifie plus aujourd’hui, la qualification d’activité agricole ayant été harmonisée pour l’ensemble de la filière équestre en 2004, elle demeure pertinente pour la vente de biomasse et la production d’énergie à partir de produits de l’exploitation agricole, qui est par nature une activité industrielle et commerciale.

Si on lui appliquait le régime du « micro-BA », cette activité bénéficierait, avec un taux d’abattement de charges de 87 %, d’un avantage concurrentiel injustifié par rapport à des petites exploitations éligibles au régime des micro-entreprises, dit « micro-BIC », pour lesquelles les taux d’abattement de charges prévus sont seulement de 50 % ou 71 %. Pour ces raisons, je ne suis favorable à votre proposition d’étendre l’application du régime « micro-BA » que pour les activités de préparation et d’entraînement d’équidés.

Nous aurions pu essayer de sous-amender votre texte, mais nous ne l’avons pas fait – au temps pour nous. Quoi qu’il en soit, nous souhaiterions que soient supprimés les mots : « cinquième ou ». Nous pourrions le faire au cours de la navette. Je vous propose donc d’émettre un avis favorable sur ces amendements, en attendant de revenir sur ce point au Sénat ou lors de la lecture suivante.

Mme la présidente. Monsieur Giacobbi, acceptez-vous la rectification proposée par le Gouvernement ?

M. Paul Giacobbi. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. Et vous, madame Dalloz ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Oui.

Mme la présidente. Monsieur de Courson ?…

M. Charles de Courson. Je suis moi aussi d’accord.

Mme la présidente. Je donne lecture des amendements n438 et identiques, tels qu’ils viennent donc d’être rectifiés : « I. – Au premier alinéa de l’article 69 E du code général des impôts, le mot : "quatrième," est supprimé » – le reste sans changement.

(Les amendements identiques nos 438, 466 et 561, tels qu’ils viennent d’être rectifiés, modifiés par la suppression du gage, sont adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 446, 467 et 562.

La parole est à M. Stéphane Saint-André, pour soutenir l’amendement n446.

M. Stéphane Saint-André. Cet amendement propose de mettre en concordance le principe de transparence des groupements agricoles d’exploitation en commun – les GAEC – selon lequel leurs associés ne doivent pas être placés dans une situation moins favorable que les exploitants individuels, avec les dispositions des articles 75 et 75 A du code général des impôts.

On avait accepté, par exception, que les sociétés qui exercent une activité agricole ne relèvent pas de l’impôt sur les sociétés lorsque leurs recettes commerciales n’excèdent pas les seuils fixés par ces articles. Le Conseil d’État, dans un arrêt rendu en juillet 2009, fondé sur l’application de l’article 75 aux GAEC, pénalise aujourd’hui un certain nombre de ces structures car la jurisprudence apprécie les seuils de rattachement au niveau de chacun des membres du groupement et non au niveau de la société elle-même. Nous demandons, par cet amendement, que les choses soient précisées.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n467.

Mme Marie-Christine Dalloz. Son objectif est exactement le même. Je cite souvent, s’agissant des revenus annexes des membres de GAEC, un exemple que tous les élus des territoires de montagne comprendront facilement : celui des exploitants agricoles qui s’occupent du déneigement hivernal pour le compte d’une commune ou du département. Dès lors qu’un contrat a été conclu, on considère que l’exploitant perçoit des revenus annexes.

Il faut à tout prix poser le principe de l’équivalence des droits et obligations de chaque associé du groupement. L’amendement répond à cette préoccupation et permet une mise en conformité avec le droit communautaire européen.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n562.

M. Charles de Courson. Cela fait des années que nous essayons, pour favoriser le regroupement, de neutraliser les effets liés au nombre de participants. Notre problème, comme l’évoque l’exposé des motifs de notre amendement, relève du droit communautaire qui avait accepté le principe de neutralité mais en le plafonnant à trois ou quatre associés. La disposition que nous proposons, qui est euro-compatible, va dans le bon sens.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Sur ce point, ma valeur ajoutée sera faible. Je peux toutefois citer le rapport de la mission d’information conduite par notre collègue François André et dont vous faisiez partie, mes chers collègues : « Il est indispensable d’inscrire dans la loi les modalités d’appréciation de la transparence pour les revenus issus des activités accessoires, afin de sécuriser le droit et de mettre à l’abri les groupements agricoles d’une instabilité jurisprudentielle, de surcroît sur un volet aussi important que la pluriactivité. » Ce point avait été particulièrement souligné par la mission d’information. La commission émet un avis favorable sur vos amendements afin que cette disposition soit inscrite clairement dans la loi.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il existe une jurisprudence du Conseil d’État sur laquelle vous souhaitez revenir par le biais de la loi. Le Gouvernement n’y a jamais été favorable. Cela faisait partie d’un ensemble de mesures dont nous avons débattu lors de la réforme qui a été conduite l’année dernière. Le Gouvernement n’y est toujours pas favorable.

(Les amendements identiques nos 446, 467 et 562 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n767.

Si vous n’y voyez pas d’inconvénient, mon cher collègue, je vous propose de présenter simultanément l’amendement n768.

M. Gilles Lurton. Volontiers, madame la présidente.

La DPA – déduction pour aléas –, instituée en 2002, est un dispositif fiscal incitant les exploitants agricoles à constituer une épargne de précaution. Cet outil de gestion des risques est très utile car il atténue les effets de la volatilité des revenus agricoles et permet aux exploitants de faire face aux aléas qui peuvent atteindre leurs exploitations.

Cet outil a été modifié à de multiples reprises et son attractivité au cours des dernières années, je le reconnais, a été améliorée. C’est donc un instrument très utile pour les exploitants agricoles, mais nous pensons qu’il peut encore être amélioré. J’ajoute que le secteur agricole n’a pas été épargné cette année – je pense notamment, comme vous tous, aux exploitants agricoles laitiers et aux exploitants viticoles.

Pour répondre aux besoins du secteur agricole en 2016, cet amendement permet la libre réintégration des sommes épargnées au cours des exercices comptables clôturés en 2017. Cet amendement a pour avantage de permettre aux éleveurs laitiers qui ont connu des difficultés économiques et n’entrent pas dans les seuils de valeur ajoutée fixés par la loi d’utiliser leur DPA dès cette année sans condition. Il en va de même pour les exploitants viticoles qui, bien que frappés en 2016 par le gel et la grêle, n’ont pas vu cet aléa reconnu par une autorité administrative compétente.

Il supprime en outre le plafond de réintégration, aujourd’hui fixé à 50 % de l’épargne disponible.

L’amendement suivant complète celui que je viens de vous présenter. Je rappelle que la DPA permet de déduire des bénéfices imposables la somme épargnée pour faire face aux aléas climatiques, dans la limite d’un plafond fixé à 27 000 euros annuels. Cet amendement a pour objet de remplacer cette limite par un montant exprimé en pourcentage – 40 % – du chiffre d’affaires, afin de permettre une meilleure adéquation entre la limitation et la taille des exploitations. Il instaure ainsi un principe de proportionnalité et d’équité pour tous les exploitants agricoles.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Elle s’est ralliée à l’avis de la mission d’information sur la fiscalité agricole, laquelle s’était déclarée, dans son rapport, défavorable à cette disposition.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement partage l’avis de la commission. Il faut tout d’abord que l’aléa soit avéré. De plus, vous avez eu l’honnêteté de reconnaître, monsieur Lurton, que le dispositif de la DPA a été fortement amélioré l’année dernière. Certes, il est toujours possible d’aller plus loin, mais ne reprenons pas le débat sur ce sujet : nous en avons discuté l’année dernière avec la profession, le Parlement a lui aussi travaillé et nous sommes parvenus à un équilibre. Le Gouvernement ne souhaite pas aller plus loin dès cette année, d’autant que vous proposez de généraliser l’utilisation de la DPA en dehors de tout aléa, ce qui est assez étonnant.

Mme Véronique Louwagie. La DPA ne peut être utilisée que s’il y a eu des dégâts !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Avis défavorable à ces deux amendements.

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Ces amendements sont de deux natures, même s’ils concernent tous les deux la DPA. Le premier établit une situation bien particulière et vise une utilisation ponctuelle, puisque c’est une possibilité qui est offerte d’utiliser librement la DPA au titre de l’année 2017, c’est-à-dire au cours des exercices comptables clos en 2017. Il s’agit véritablement de prendre en compte la crise très grave qui frappe aujourd’hui le monde agricole.

Actuellement, certains exploitants agricoles ont constitué des déductions pour aléas, mais, s’ils possèdent un compte, ils ne peuvent utiliser les sommes mises à leur disposition qu’à l’intérieur d’un cadre préalablement défini, c’est-à-dire pour acheter du fourrage ou payer des primes ou des cotisations. Nous souhaitons qu’ils puissent user de ces sommes de manière plus libre, plus ouverte, parce qu’ils sont en difficulté.

Si nous prenons en compte uniquement pour l’année 2017 les exploitations dont la situation est particulièrement critique, il n’est pas certain que la modification proposée aurait un impact important sur l’impôt sur le revenu, ce qui justifie, je le répète, que nous accordions une attention particulière à l’amendement n767.

(Les amendements nos 767 et 768, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n60.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il est défendu.

(L’amendement n60, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Pupponi, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour soutenir l’amendement n399.

M. François Pupponi, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Les organismes HLM bénéficient d’exonérations pour nombre de produits accessoires perçus en particulier dans le cadre de travaux liés à la construction, à l’acquisition, à l’amélioration, à l’attribution, à la gestion et à la cession de logements sociaux, mais non quand ils vendent des certificats d’économie d’énergie.

En somme, alors même qu’on les incite à établir ces certificats pour rationaliser leur gestion, le bénéfice de leur vente est un des seuls à être soumis à l’impôt sur les sociétés au taux de 33,33 %. Ils demandent donc que ces certificats bénéficient de la même exonération que les autres produits accessoires.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement est sensible à l’argumentation de M. Pupponi en faveur d’une proposition dont le coût est extrêmement modeste : nous l’évaluons à moins d’1 million d’euros. La vente des certificats d’économie d’énergie est une des rares activités à ne pas bénéficier d’exonération.

Il s’en remet donc à la sagesse bienveillante de l’Assemblée.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. M. Pupponi est le roi de l’amendement ! (Sourires.)

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je dirais plutôt que c’est M. Bloche !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Non, il est encore meilleur !

(L’amendement n399, modifié par la suppression du gage, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fauré, pour soutenir l’amendement n697.

M. Alain Fauré. L’amendement vise à clarifier les dispositions concernant la gestion des entreprises qui traversent une période difficile.

Conformément aux dispositions du troisième alinéa du I de l’article 209 du code général des impôts, l’imputation des déficits antérieurs sur le bénéfice constaté au titre d’un exercice n’est possible qu’à hauteur d’un plafond égal à 1 million d’euros, majoré de 50 % du bénéfice imposable de l’exercice excédant cette première limite.

Cette limitation d’imputation des déficits reportés en avant s’applique sans exception à toute société soumise à l’impôt sur les sociétés. Or, dans le cas d’entreprises en difficulté – comme une société en procédure de sauvegarde ou en redressement –, la règle du plafonnement peut nuire à la recherche de solutions de restructuration. En effet, elle ne permet pas toujours aux entreprises d’utiliser le stock de déficits reportables pour compenser le bénéfice généré par un abandon de créances qui leur est consenti par un créancier.

Afin de soutenir ces sociétés en difficulté, l’article 24 de la loi du 29 décembre 2012 de finances pour 2013 a instauré une majoration du plafond d’1 million d’euros à hauteur des abandons de créances obtenus. Cependant, certaines entreprises s’appuient sur l’ambiguïté de la rédaction du texte pour réclamer également une augmentation du plafond pour les entreprises qui consentent les abandons.

Nous souhaitons que des précisions et des éclaircissements soient apportés à cet égard.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. L’amendement tend à clarifier utilement le droit et à éviter des contentieux. Le Gouvernement y est favorable.

M. François Pupponi, rapporteur pour avis. Très bien !

(L’amendement n697 est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Pupponi, rapporteur pour avis, pour soutenir l’amendement n402.

M. François Pupponi, rapporteur pour avis. Cet amendement tend lui aussi à clarifier le code général des impôts. Aujourd’hui, lorsqu’une entreprise vend des locaux à usage de commerce ou de bureaux afin de les transformer en logements sociaux, elle bénéficie d’un taux réduit d’impôt sur les sociétés – 19 % –, qui ne s’applique pas s’il s’agit de locaux industriels ou artisanaux. Cette différence de traitement, en fonction du type de locaux, est difficile à comprendre puisqu’il s’agit dans tous les cas de construire du logement social.

Dans les villes où les friches industrielles sont importantes, les entreprises ont parfois intérêt à vendre et les bailleurs à acheter pour construire du logement social. D’où notre proposition d’appliquer le taux de 19 % à l’ensemble des locaux vendus par des entreprises et destinés à être transformés en logement social.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. L’amendement n’a rien à voir avec le précédent car, cette fois, ce n’est pas une question d’interprétation. La commission est farouchement défavorable à cette proposition, dont elle a longuement débattu. Les artisans craignent que le prix du foncier ne s’envole, ce qui découragerait les reprises, alors qu’il faut au contraire soutenir leur activité économique. Certes, il faut savoir où l’on place le curseur, mais la protection des reprises entre artisans fait partie de nos objectifs.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Mme la rapporteure générale a raison : l’amendement ne tend pas à clarifier le droit ; il poursuit un objectif.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Oui ! Il prend position.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement est assez circonspect. Après avoir entendu les arguments de la commission, il s’en remet à la sagesse de l’Assemblée.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Notre rapporteure générale l’a dit : la commission est farouchement opposée à l’amendement. En effet, il existe déjà un réel problème concernant l’artisanat et les commerces de centre-ville.

Si nous votions le présent amendement pour favoriser la mobilisation des locaux à d’autres fins, nous en ferions monter le prix et aggraverions ainsi la situation de l’artisanat et des commerces.

Mme la présidente. La parole est à M. François Pupponi, rapporteur pour avis.

M. François Pupponi, rapporteur pour avis. J’entends les remarques de Mme la rapporteure générale et de M. de Courson. J’admets qu’il existe un problème pour l’artisanat mais le code général des impôts prévoit actuellement une exonération quand on vend un local à usage de commerce.

Mme Karine Berger. Pas un local artisanal !

M. François Pupponi, rapporteur pour avis. Donc, à la rigueur, si l’on était logique, il faudrait supprimer l’exonération tant pour le commerce que pour l’artisanat.

Si quelqu’un acceptait de sous-amender l’amendement n402, je serais prêt à supprimer le mot « artisanal », en conservant le mot « industriel ». En effet, dans une ville, quand il existe une friche industrielle qui ne pourra pas être reprise, et que l’entreprise est prête à la vendre, la collectivité ou les bailleurs prêts à l’acheter, on se heurte à un obstacle ; il est important de le supprimer.

Mme la présidente. Plusieurs orateurs du groupe socialiste, écologiste et républicain ont levé la main. Je demande à son porte-parole de m’indiquer lequel va s’exprimer…

Mme Marie-Christine Dalloz. Ils sont nombreux, les porte-parole socialistes !

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fauré.

M. Alain Fauré. Pour aller dans le sens de M. Pupponi, le groupe pourrait soutenir une rédaction qui supprimerait le mot « artisanal », en conservant le mot « industriel ». Nous sommes donc favorables au dépôt d’un sous-amendement, d’autant que le Gouvernement appuie la mesure.

Même dans l’enceinte de villes moyennes, notamment en zone rurale, les friches industrielles posent un réel problème. Je conviens qu’en revanche, il faut protéger les activités commerciales et artisanales des centres-villes.

Mme la présidente. Je vous propose une suspension de séance.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures dix, est reprise à dix-huit heures quinze.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Je suis saisie d’un sous-amendement, n828, à l’amendement n402.

Quel est l’avis de la commission sur ce sous-amendement ?

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. La commission n’a évidemment pas eu le temps de l’examiner, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement y est favorable.

(Le sous-amendement n828 est adopté.)

(L’amendement n402, sous-amendé, modifié par la suppression du gage, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n522.

M. Nicolas Sansu. Cet amendement vise à faire contribuer les sociétés concessionnaires d’autoroutes, en modifiant les conditions de déductibilité de leurs intérêts d’emprunt. En effet, un premier plan de relance autoroutier a été signé en 2015, pour 3 milliards d’euros, financé par les sociétés concessionnaires, en échange d’une prolongation de la durée des concessions. Un nouveau plan a été annoncé le mois dernier par M. le secrétaire d’État chargé des transports.

À la différence du précédent, ce plan d’investissement d’1 milliard d’euros devrait être financé intégralement par les usagers et les collectivités locales, moyennant notamment une nouvelle hausse des péages. Or les sociétés d’autoroutes sont aujourd’hui assises sur un véritable pactole, puisqu’elles réalisent environ 1,5 milliard d’euros de bénéfices par an pour un chiffre d’affaires de 8 milliards d’euros. Comme l’a souligné l’Autorité de la concurrence en 2014, la gestion des autoroutes est une véritable « rente » – ce n’est pas nous qui le disons. La distribution des dividendes a d’ailleurs véritablement explosé depuis 2006 : elle a plus que doublé au cours de cette période.

Dans le même temps, près de 30 % des effectifs ont disparu. Nous sommes de ceux qui considèrent comme une nécessité absolue de mettre fin à cette gabegie et au racket des usagers. La renationalisation des autoroutes est, pour nous, une nécessité. Un rachat par l’État des concessions autoroutières coûterait entre 26 et 36 milliards d’euros, financés au moyen d’un emprunt qui serait remboursé dès 2029. Cela permettrait d’appliquer une politique tarifaire plus correcte vis-à-vis des usagers, mais aussi de retrouver des moyens financiers pour l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, afin d’assurer l’entretien du réseau routier et le développement des transports en commun et du fret ferroviaire.

À défaut, nous proposons, par cet amendement, de faire contribuer les sociétés concessionnaires d’autoroutes, comme je vous l’ai dit, en revenant sur l’avantage que constitue la déductibilité de leurs intérêts d’emprunt.

M. Christophe Caresche. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. On a, à plusieurs reprises, dans cet hémicycle, débattu de la déductibilité des charges financières et de leur éventuelle limitation, en prévoyant trois exceptions, pour le champagne…

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Les stocks à rotation lente !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je ne sais pas si le champagne appartient à cette catégorie… (Sourires.)

M. Charles de Courson. Bien sûr ! Il faut du temps pour faire du champagne !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. S’y ajoutent les exceptions en faveur des sociétés d’autoroutes et des électro-intensifs. Dans ces trois cas, aucun plafond ne limite la déductibilité des charges financières.

S’agissant des autoroutes, la question avait été tranchée il y a deux ans : on avait estimé que la fixation d’un plafond se répercuterait sur les tarifs autoroutiers que paient les usagers. Un compromis avait été trouvé sur cette question.

M. Nicolas Sansu. Je n’ai pas l’impression que les tarifs soient restés stables !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. J’entends bien que vous n’êtes pas d’accord, puisque vous voulez aller plus loin. Tout peut être mis sur la table mais, dans sa rédaction actuelle, l’amendement introduit des différences entre concessionnaires. Il y a un risque de rupture d’égalité devant la loi.

M. Nicolas Sansu. Réécrivez-le, madame la rapporteure générale !

M. Christophe Caresche. Il faut le voter, pas le réécrire !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je pense qu’il nous faut regarder l’équilibre financier dans toutes ses composantes. C’est pour cette raison, mon cher collègue, que la commission a émis un avis défavorable sur votre amendement.

M. Nicolas Sansu. Nous vous offrons pourtant des recettes !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. J’entends bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Voilà qui nous rajeunit : il me souvient, monsieur le député, d’un rapporteur général particulièrement attaché à ce sujet.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. J’y suis également attachée !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je le sais, madame la rapporteure générale. Nous avons eu à l’époque un débat important ; vous avez utilement rappelé, madame Rabault, quelles exceptions avaient été apportées au principe. Nous avions longuement discuté du cas des sociétés concessionnaires d’autoroutes.

Ce qu’il faut surtout rappeler – et je crains que cela ne conduise à repousser votre amendement –, c’est que nous avions décidé que le plafonnement de la déductibilité des intérêts d’emprunt s’appliquerait aux stocks, non aux flux. L’exception en faveur des sociétés concessionnaires d’autoroutes va donc s’éteindre avec le temps. Pourquoi avions-nous pris cette décision ? Parce que nous avions la même préoccupation que vous ; nous souhaitions équilibrer les contrats qui avaient été conclus. Un changement de fiscalité en cours d’exécution du contrat pouvait donner lieu à contestation et même, probablement, à une nécessaire indemnisation.

Je tiens donc à vous rassurer : plus aucune exception ne s’appliquera lorsque l’ensemble des contrats qui étaient en cours avant le 31 décembre 2012 seront venus à extinction. Vous aurez donc satisfaction, certes pas immédiatement mais, si l’on modifiait aujourd’hui l’ensemble des contrats en cours d’exécution, cela entraînerait les mêmes inconvénients que ceux que je viens de rappeler. Cela avait fait l’objet d’une longue discussion, et le résultat avait été arraché de haute lutte par un certain nombre de parlementaires.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je m’en souviens. J’avais aidé le rapporteur général de l’époque !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Pour ces raisons, l’avis est défavorable.

Mme la présidente. Monsieur Sansu, maintenez-vous l’amendement ?

M. Nicolas Sansu. Je le retire, madame la présidente.

(L’amendement n522 est retiré.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 492 et 327 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour soutenir l’amendement n492.

M. Patrick Bloche. L’année dernière, dans le cadre du débat budgétaire – je pense que nous avons inscrit à cette occasion une disposition utile dans le code général des impôts –, nous avons été amenés à créer un crédit d’impôt à l’article 220 quindecies du CGI, visant certains spectacles musicaux de variétés.

Je me permets, avec Razzy Hammadi, de proposer, par cet amendement, d’étendre ce crédit d’impôt à l’ensemble des spectacles vivants remplissant les conditions prévues par le dispositif. Il s’agit évidemment de faire bénéficier de ce dispositif, à la fois générateur d’activité et d’emplois, d’autres arts, comme la danse et le théâtre.

Je rappelle, pour que l’information de notre assemblée soit complète, que sont prises en compte, au titre du crédit d’impôt, les dépenses de création et d’exploitation afférentes au spectacle. Ces dépenses sont plafonnées à 500 000 euros par spectacle. Le crédit d’impôt est égal à 15 % du montant total des dépenses, le taux étant porté à 30 % pour les micro, petites et moyennes entreprises. Il est plafonné à 750 000 euros par entreprise et par exercice. Il s’agit d’élargir ces dispositions, en considérant que ce qui vaut pour la musique doit valoir pour le théâtre et pour la danse. Cette mesure constituera un soutien actif pour nombre d’artistes en développement.

Mme la présidente. La parole est à M. Razzy Hammadi, pour soutenir l’amendement n327 rectifié.

M. Razzy Hammadi. Cet amendement s’inspire de la même philosophie que celui que vient de défendre Patrick Bloche. Je veux ici rappeler la situation que connaissent depuis deux ans les établissements culturels, pas uniquement à Paris mais aussi dans l’ensemble du territoire, où la baisse moyenne de fréquentation est comprise entre 25 % et 35 %. Certains d’entre eux sont à deux doigts de déposer le bilan. Je parle, comme l’a fait Patrick Bloche, d’établissements qui, à travers le théâtre ou la danse, peuvent être facilement caractérisés, mais il y a aussi des joyaux et des symboles qui fondent l’attractivité touristique de la France. Au sein de la cellule de continuité économique, l’ensemble des métiers représentés ont applaudi des deux mains à la création du crédit d’impôt l’année dernière.

Ce crédit d’impôt, tel que nous l’avons voté, s’adressait aux variétés, mais le décret ne visait que les spectacles humoristiques. Il y a là une contradiction : pourquoi un crédit d’impôt pour les seuls spectacles d’humour – il est certes justifié de les aider, car ils participent aussi de l’attractivité touristique, commerciale et événementielle de nos territoires –, à l’exclusion des autres spectacles, qui sont tout aussi importants ? On sait que 70 % à 80 % du chiffre d’affaires des établissements concernés passe dans les salaires ou dans les primes de représentation.

Vous savez que je goûte très peu les crédits d’impôt. Je m’y oppose régulièrement au sein de la commission des finances et en séance. Si nous proposons cette extension, c’est qu’elle permet de clarifier le dispositif et d’adresser un message utile et pertinent dans la période que nous traversons, tout en ne coûtant quasiment rien.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Ils font partie d’une série dont l’objet est d’en ajouter, en année n + 1, à ce qui avait déjà été obtenu en année n. Cela me semble être de mauvaise foi.

M. Charles de Courson. Toujours plus !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Nous avons relu tous les comptes rendus et pouvons vous en donner lecture, si vous le souhaitez. L’avantage du compte rendu, c’est que tout reste, car tout est écrit ; en cas de trou de mémoire, on peut donc se référer à ce qui a été dit l’année précédente. Or il se trouve que les cabarets n’ont jamais été mentionnés au cours du débat de l’an dernier sur ce sujet.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Jamais, je le confirme.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. J’avais moi-même défendu le sous-amendement qui a permis de faire adopter l’amendement en question ; je m’en souviens donc parfaitement. Il ne s’agit par conséquent pas d’une interprétation de ce qui a été voté l’an dernier, c’est faux.

Quant au spectacle vivant, évoqué par le président Bloche, il n’était pas non plus inclus dans le champ de l’amendement voté.

L’avis de la commission est donc défavorable sur ces deux amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il me semble que Mme la rapporteure générale a repris, en substance, les propos que j’avais tenus l’année dernière. Pour tous les crédits d’impôts c’est pareil : pour commencer, le champ couvert est petit, on fixe des conditions et des plafonds, puis on supprime ces derniers ou on les rehausse, et enfin tout le monde est concerné. Je suis donc fermement opposé, avec l’ensemble du Gouvernement, à ces deux amendements. La liste dressée est claire et précise ; le Gouvernement ne souhaite pas élargir ce dispositif.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Ce crédit d’impôt, qui avait été adopté par notre assemblée l’année dernière, est aujourd’hui inscrit dans le code général des impôts. Le décret a mis du temps à être publié puisqu’il n’est sorti que le 7 septembre dernier.

Cela étant dit, madame la rapporteure générale, à aucun moment dans mes propos je n’ai interprété ce qui s’est passé l’année dernière.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je suis d’accord !

M. Patrick Bloche. J’assume totalement mon souhait d’élargir, par cet amendement, au théâtre et à la danse, et plus largement au spectacle vivant, des dispositions aujourd’hui valables uniquement pour les spectacles musicaux ou de variétés.

Pour mémoire, et pour compléter vos propos, monsieur le secrétaire d’État, je précise que ce crédit d’impôt relatif aux spectacles vivants musicaux ou de variétés introduit l’année dernière avait reçu l’assentiment du Gouvernement à l’extérieur de cet hémicycle, mais que vous-même, à titre personnel, aviez émis un avis défavorable. J’admets qu’il y a davantage de cohérence cette année, puisque votre avis défavorable rejoint celui du Gouvernement.

Néanmoins, si, par le plus grand des hasards, cet amendement n’était pas voté, je me permettrais, pour les raisons très justement invoquées par Razzy Hammadi, de revenir à la charge lors de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2016, à la fin de cette année, afin que cette mesure puisse être appliquée dès le 1er janvier 2017.

Pourra ainsi être prise en compte la situation de nombre d’entreprises artistiques, proches du dépôt de bilan parce que touchées à la fois par les conséquences des attentats de 2015 et par le contexte lié à la menace terroriste dans notre pays. Personne ne peut nier que, depuis le 7 janvier 2015, partout en France, les conséquences de l’état d’urgence et de la menace terroriste ont touché très directement les entreprises artistiques, notamment celles de spectacle vivant, dans toutes les catégories, y compris celles explicitement visées par Razzy Hammadi dans son amendement.

Ce crédit d’impôt peut certes être perçu comme une dépense fiscale, mais j’aimerais qu’on le voie comme l’opportunité de sauver nombre d’entreprises et, par là même, nombre d’emplois. J’insiste car ces entreprises sont pourvoyeuses de beaucoup d’emplois dans notre pays.

Pour conclure, si l’amendement n’était pas adopté, je prendrais le temps qui restera, jusqu’au dépôt du projet de loi de finances rectificative pour 2016, afin de convaincre le Gouvernement et Mme la rapporteure générale, dont je connais la sensibilité culturelle. (Sourires.)

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Comme il est charmeur !

Mme la présidente. La parole est à M. Razzy Hammadi.

M. Razzy Hammadi. Mme la rapporteure générale a rappelé à juste titre la nécessité de se référer aux propos tenus ici l’année dernière et d’être fidèle à l’intention qui avait alors été exprimée. Néanmoins, sans vouloir lui manquer de respect, j’aimerais insister sur les deux éléments qui ont motivé le dépôt de mon amendement.

Premièrement, l’année dernière, nous ne disposions pas du décret d’application, et nous n’avons donc pas pu en discuter dans cet hémicycle. Or celui-ci est extrêmement limitatif.

Deuxièmement, le crédit d’impôt concerne nommément le « spectacle vivant musical ou de variétés ». Les cabarets et autres lieux de tourisme, sur l’ensemble du territoire, ont d’ailleurs communiqué, le lendemain du vote de l’amendement, pour saluer publiquement la mesure, en pensant qu’ils étaient concernés. Et ce n’est qu’au moment de remplir leur déclaration, après la publication du décret, qu’ils se sont rendu compte qu’ils étaient exclus de son champ d’application. Moi-même, en toute bonne foi – et Patrick Bloche a peut-être eu le même sentiment –, j’ai pensé qu’ils faisaient partie de la catégorie « spectacles de variétés ». Certains ont même investi en prévision du bénéfice de ce crédit d’impôt – mais nul n’est censé ignorer la loi, et nous avons déjà eu ce débat dans d’autres domaines, sur des sujets politiques beaucoup plus sensibles.

Le coût de l’extension du périmètre de ce crédit étant peu élevé et le symbole très important, il me semble que nous pouvons faire un effort, à défaut de nous montrer audacieux, car cela permettrait d’éviter un plan social annoncé depuis plusieurs semaines, et pas uniquement dans la presse.

Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Guittet.

Mme Chantal Guittet. Je voulais simplement ajouter que le dispositif concerne seulement les variétés, alors que, tout le monde le sait, le théâtre et la danse sont beaucoup plus fragiles en France, car extrêmement difficiles à faire vivre. De nombreuses compagnies de théâtre et de danse qui vivent déjà difficilement risquent de couler compte tenu du contexte de crise. Les variétés, au contraire, sont les spectacles qui déplacent du public le plus facilement. Si l’on veut préserver le rayonnement culturel de la France, il faut étendre ce crédit d’impôt à tous les spectacles vivants.

(Les amendements nos 492 et 327 rectifié, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement n740.

M. Éric Alauzet. Il est défendu.

(L’amendement n740, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n752.

M. Charles de Courson. Vous vous souvenez tous que la première loi de finances rectificative de ce quinquennat avait instauré une taxe de 3 % sur les dividendes distribués par les entreprises réalisant plus de 250 millions d’euros de chiffre d’affaires et que les entreprises fiscalement intégrées en étaient exonérées. Toutefois, dans sa décision du 30 septembre 2016, le Conseil constitutionnel a estimé que cette exonération n’était pas justifiée et constituait donc une rupture d’égalité devant l’impôt entre les entreprises fiscalement intégrées et les autres.

Comme le Conseil constitutionnel le souligne dans son communiqué : « la différence de traitement ainsi instituée entre les sociétés d’un même groupe réalisant, en son sein, des distributions, selon que ce groupe relève ou non du régime de l’intégration fiscale, n’est justifiée ni par une différence de situation, ni par un motif d’intérêt général ». Le Conseil constitutionnel a donné au législateur jusqu’au 1er  janvier 2017 pour régler cette inconstitutionnalité.

C’est pourquoi je propose, par le présent amendement, de supprimer les alinéas de l’article de la loi de finances rectificative de 2012 instaurant la taxe, et d’abroger l’article du code général des impôts créé par cette même loi et modifié depuis lors.

L’autre option était l’extension de la taxe à toutes les grandes entreprises,…

M. Nicolas Sansu. C’était la bonne !

M. Charles de Courson. …mais cela alourdirait de près de 3 milliards la fiscalité pesant sur les groupes français, ce qui, dans la situation économique que connaît le pays, ne serait pas pertinent. Ce serait en outre incohérent avec l’article, que nous avons voté ce matin, relatif à la réduction du taux de l’IS – l’impôt sur les sociétés.

La taxe avait rapporté 2 milliards d’euros en 2015. Cet amendement a pour objet de permettre au Gouvernement de préciser comment il l’appliquera dorénavant, monsieur le secrétaire d’État, car nous n’avons plus que trois mois pour trouver une solution. Il présente l’une des deux options possibles.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le sujet est de poids car le produit de la taxe visée dans cet amendement s’élève à 2,2 milliards d’euros, sachant que les dividendes des entreprises appartenant à un groupe fiscalement intégré ne sont pas taxés. C’est précisément ce que le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, a censuré, pour une raison assez simple, sur laquelle je vais revenir.

J’aimerais que chacun comprenne de quoi il s’agit. L’objectif de cette taxe de 3 % a souvent été évoqué ces dernières heures et ces derniers jours dans l’hémicycle : inciter à réinvestir au sein de l’entreprise, laisser les recettes à l’intérieur de l’entreprise pour favoriser l’investissement plus que la distribution. M. Sansu, Mme la rapporteure générale et d’autres ont invoqué cet objectif.

Pour faire court, le Conseil constitutionnel a considéré que des filiales implantées en France pouvaient être dans des situations différentes suivant que leur société mère était localisée en France ou à l’étranger. En effet, s’il peut y avoir intégration fiscale dans le premier cas, c’est impossible dans le second. Tel fut l’objet de la censure, et rien d’autre.

Nous traiterons cette question dans le projet de loi de finances rectificative car nous ne pouvons pas nous priver de 2,2 milliards d’euros de produit.

L’autre solution aurait consisté à supprimer l’intégration fiscale lorsque la distribution a lieu à l’intérieur d’un groupe, ce qui aurait ponctionné les entreprises à hauteur de 3,5 milliards. Cela aurait fait du bien aux finances publiques mais ce n’est pas non plus ce que souhaitait le Gouvernement.

Nous travaillons donc actuellement sur le sujet, en lien avec les représentants des grands groupes et des entreprises, pour être franc, afin de trouver une solution équilibrée qui sera décrite lors de la discussion du projet de loi de finances rectificative. Plusieurs solutions s’offrent à nous mais je ne veux pas les évoquer aujourd’hui.

Je suggère par conséquent à M. de Courson, qui soulève une question fondée et connue, de retirer son amendement. À défaut, j’y serai défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. J’aurais préféré que vous nous en disiez un peu plus sur la position du Gouvernement, monsieur le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Travail en cours !

M. Charles de Courson. En effet, comme vous l’avez expliqué, si vous ne traitez pas le problème en loi de finances initiale, vous n’aurez plus que la loi de finances rectificative pour le faire, et celle-ci sera discutée dans moins d’un mois.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il faut attendre un mois.

M. Charles de Courson. C’est donc urgent.

Cela étant dit, quelle que soit la position retenue, vous n’avez pas abordé le problème très délicat de la rétroactivité. J’essaie de me mettre un peu à votre place : il faudra trouver fin décembre, dans une loi de finances rectificative, une solution qui ne vous fasse pas perdre de recettes.

M. Nicolas Sansu. Et une solution rétroactive !

M. Charles de Courson. Absolument. Comment faire sur le plan rétroactif ?

Si vous disposez de quelques éléments supplémentaires susceptibles de nous éclairer un peu plus sur ces questions délicates, je serai peut-être amené à retirer l’amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je vous remercie de votre question, monsieur de Courson, qui me permet de rectifier une erreur commise par certains journaux économiques bien connus et souvent bien informés. La presse a affirmé que cette décision du Conseil constitutionnel allait priver l’État de plusieurs milliards d’euros de recettes, ce qui est faux, puisque le Conseil constitutionnel a annulé l’exonération. Si nous ne faisons rien, ce sont les entreprises qui devront payer 3,5 milliards d’euros supplémentaires et au contraire le budget de l’État qui sera gagnant. Cette confusion commise par quelques journaux méritait d’être corrigée.

Quant à la rétroactivité, le Conseil constitutionnel a étendu au 1er janvier de l’année prochaine le délai pour corriger l’annulation de l’exonération. Celle-ci n’aura aucune conséquence à effet rétroactif et il n’y a donc pas lieu de traiter de la question de la rétroactivité. Seuls les exercices commençant le 1er janvier prochain seront concernés. C’est très important, cela méritait d’être dit ici et de figurer au compte rendu, pour bien renseigner à la fois les journalistes, qui comme tout le monde, y compris nous-mêmes, peuvent se tromper, et éventuellement les constitutionnalistes qui auront à se pencher sur nos débats.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je retire l’amendement et attends avec impatience le projet de loi de finances rectificative, monsieur le secrétaire d’État…

(L’amendement n752 est retiré.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 167 et 274, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Stéphane Saint-André, pour soutenir l’amendement n167.

M. Stéphane Saint-André. Il s’agit de préserver les avantages fiscaux liés aux dons en nature, dans le prolongement de la loi dite « Coluche ». La DGFIP, la direction générale des finances publiques, est venue complexifier…

Mme Véronique Louwagie. Ce n’est pas bien !

M. Stéphane Saint-André. Non, ce n’est pas bien ! Elle est venue complexifier les contraintes opérationnelles propres aux dons en nature. Cet amendement propose d’aligner le libellé de l’article 238 bis du code général des impôts sur celui de son article 200 et de viser ainsi expressément les dons en nature. Il vise en outre à préciser explicitement l’assiette de la réduction d’impôt applicable aux dons en nature.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Pouzol, pour soutenir l’amendement n274.

M. Michel Pouzol. Cet amendement, déposé par notre collègue Juanico, député de la Loire, est relatif à la fiscalité des dons en nature, en particulier des produits alimentaires invendus que les entreprises donnent aux associations caritatives. Ce mouvement est fortement encouragé depuis la loi dite « Coluche » afin de lutter contre le gaspillage alimentaire. Or l’aide alimentaire, dont bénéficient aujourd’hui 3,5 millions de personnes en France, dépend pour 40 % des dons en nature des grandes surfaces.

Plusieurs d’entre nous ont été alertés, au cours de l’été, par des associations de solidarité, en particulier le réseau des Banques alimentaires, au sujet d’une proposition unilatérale de la DGFIP, consistant à modifier l’instruction fiscale relative aux dons en nature publiée le 3 août dernier afin de réduire les avantages fiscaux qui leur sont associés en distinguant les dons des grandes surfaces en fonction de la date du don par rapport à la date limite de consommation, la DLC : l’avantage fiscal baisse de 50 % du prix de revient du don trois jours avant cette date. Or 80 % des grandes surfaces et 90 % des petits magasins donnent les produits deux jours avant leur DLC, voire la veille ou le jour même.

Les modifications proposées par la DGFIP se traduiraient de surcroît par une complexification des procédures et par des contraintes opérationnelles auxquelles le réseau des bénévoles ne pourrait faire face. Il lui serait par exemple demandé de dresser une liste des produits donnés par les grandes surfaces en distinguant ceux qui ont une DLC et ceux qui n’en ont pas, ce qui créerait une charge administrative insoutenable pour les acteurs de terrain.

L’amendement déposé par Régis Juanico vise donc à établir dans la loi le principe selon lequel le don en nature est évalué en fonction du prix de revient du produit donné, sans distinction, afin d’éviter toute charge administrative excessive, très contre-productive pour les associations solidaires.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La semaine dernière, en commission des finances, nous avons abordé la question sur la base de l’amendement de notre collègue Juanico. La commission considère que cela soulève un problème très important : la distinction entre le coût de revient et la valeur de cession. Or l’interprétation de ce point par l’administration fiscale est peu claire. L’objectif poursuivi par ces amendements est que l’administration s’abstienne de toute interprétation limitative pour l’ensemble des biens inscrits dans des comptes d’immobilisation. Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d’État, préciser que le montant de ces biens à retenir pour calculer une plus-value est bien celui de la valeur de cession ? Dans certains cas, le prix de revient est en effet assez difficile à déterminer.

La commission a donc émis un avis favorable sur l’amendement n274, dont la rédaction nous semble meilleure, sur un point, que celle de l’amendement n167.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ce sujet est bien identifié mais j’en retracerai l’historique. Nous poursuivons un double objectif : un, favoriser les dons ; deux, éviter le gaspillage. Ces deux objectifs peuvent parfois se chevaucher un peu, comme c’est malheureusement souvent le cas dans la vie… et dans la législation.

L’administration fiscale a en effet publié une instruction au BOFIP, le Bulletin officiel des finances publiques. Comme toutes les instructions qui y sont publiées, elle fait l’objet d’une phase de consultation du secteur, qui dure un mois. En gros, on publie et on attend les réactions ; en fonction de celles-ci, on applique la mesure ou non. Cette instruction, peut-être parce qu’elle a été publiée le 9 août, si je me souviens bien, n’a pas suscité de réactions. Les premières réactions, tant de certains parlementaires que de professionnels du secteur, nous ont amenés à prolonger le délai de consultation d’un mois. La mesure envisagée a néanmoins continué à émouvoir – mais à juste titre, je n’emploie pas ce terme négativement. D’abord, je tiens à rassurer tout le monde sur ce point : cette instruction ne fait l’objet d’aucune application à l’heure actuelle ; nous considérons qu’elle est toujours en phase de dialogue et de consultation.

Quant aux points précis portés à ma connaissance, s’agissant de la question de la valeur des immobilisations, je vous confirme, madame la rapporteure générale, qu’il est dans notre intention de prendre en compte la valeur de cession des biens, ce qui méritera d’être réécrit.

À propos de la lutte pratique contre le gaspillage, quel est le sujet ? Pour résumer, nous souhaitons encourager les dons de produits alimentaires, non pas le jour ou la veille de leur date de péremption, mais un peu en amont afin de ne pas donner l’impression que l’on donne uniquement des produits périmés. C’est pourquoi il existe une différence de pourcentage entre les valeurs retenues.

Le Gouvernement a la volonté de continuer à travailler afin de rédiger une instruction correspondant à l’ensemble des intérêts évoqués. Pour rassurer tout à fait, je ne serais pas choqué que l’Assemblée adopte l’amendement de M. Juanico, qui est selon moi mieux rédigé que l’autre, même s’ils sont très proches. J’émets donc un avis de sagesse sur l’amendement de Régis Juanico, sachant que nous nous engageons, dans le cadre de la navette ou par toute autre voie, instruction ou doctrine, à poursuivre le travail afin d’améliorer la rédaction du texte. Nous sommes tous d’accord sur la finalité. Le problème est qu’une instruction a été publiée au milieu de l’été, ce qui n’est pas forcément la meilleure solution, et que les réactions ont tout de même été un peu tardives. Je pense que nous allons trouver une solution. L’avis de sagesse du Gouvernement sur cet amendement devrait rassurer définitivement les acteurs du secteur.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Nous avons débattu en commission, monsieur le secrétaire d’État, de ce problème de la différence entre coût de revient et prix d’achat. De nombreux collègues ont fait observer que le prix de revient, si on fait un don, équivaut au prix d’achat majoré des coûts de stockage et de conservation, et qu’il n’est donc pas très normal de s’y référer. Il avait donc été convenu, si j’ai bonne mémoire, madame la rapporteure générale, de modifier la rédaction proposée par nos collègues afin de retenir le prix d’achat plutôt que le coût de revient. Je ne sais pas où vous en êtes vis-à-vis de ce concept, monsieur le secrétaire d’État.

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Saint-André.

M. Stéphane Saint-André. Je retire mon amendement.

(L’amendement n167 est retiré.)

(L’amendement n274, modifié par la suppression du gage, est adopté à l’unanimité.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 61 et 448.

La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n61.

Mme Véronique Louwagie. Les agriculteurs, pour des raisons de transmission et d’organisation, constituent actuellement des sociétés d’exploitation. Celles-ci ne peuvent exercer des activités commerciales consistant à réaliser des prestations, des travaux agricoles, forestiers ou autres, alors même que les agriculteurs développent les activités de service en milieu rural. Aussi s’orientent-ils vers deux directions : soit la création d’une société commerciale distincte de leur société agricole, soit le regroupement au sein d’une même société commerciale de leurs activités agricoles et commerciales. Si la première solution a été largement utilisée par le passé, elle montre à présent ses limites, en raison de la complexité de sa situation administrative, s’ajoutant à une gestion lourde. Aussi un grand nombre d’exploitants agricoles s’orientent-ils vers des sociétés commerciales, soumises de fait à l’impôt sur les sociétés, tout en conservant la possibilité d’opter pour l’impôt sur le revenu.

Le législateur a ouvert cette possibilité pour cinq exercices. L’objet de cet amendement est de porter la période à dix exercices. Cela aurait un véritable sens car ces sociétés réalisent des investissements et décident d’orientations de développement s’inscrivant dans le prolongement de leur activité agricole vers des activités commerciales. Ces investissements sont lourds et dépassent la durée d’utilisation de cinq ans. Prévoir un régime dérogatoire leur permettant de relever de l’impôt sur le revenu pendant dix ans aurait un véritable sens et collerait à la réalité et aux besoins des exploitants agricoles et des investissements qu’ils réalisent. Tel est l’objet de cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Saint-André, pour soutenir l’amendement identique n448.

M. Stéphane Saint-André. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Ces amendements, qui ont déjà été examinés à moult reprises dans le cadre de projets de loi de finances rectificative et initiale, correspondent à une réflexion que nous avons faite ce matin : après avoir mis en place des régimes dérogatoires, on s’interroge sur leur efficacité puis on veut les étendre et les prolonger.

S’agissant d’un dispositif d’amorçage, une durée de cinq ans semble suffisante – je ne pense pas qu’il existe beaucoup de dispositifs d’amorçage prévus pour dix ans.

L’avis de la commission sur ces deux amendements est donc défavorable.

(Les amendements identiques nos 61 et 448, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n508.

M. Nicolas Sansu. C’est un amendement qui va faire plaisir à Mme la rapporteure générale. Il porte sur le crédit d’impôt recherche – le CIR –, qui, avec 5,3 milliards d’euros en 2015 et 5,5 milliards prévus en 2016, est la deuxième plus importante dépense fiscale de l’État, mais dont l’utilisation par certaines entreprises relève davantage de l’optimisation fiscale que de la recherche et du développement. Nous savons tous que ce dispositif comporte des incohérences, même s’il peut être porteur pour certains secteurs.

Un petit rappel pour commencer : les deux tiers du montant du CIR sont attribués à des filiales de groupes multinationaux fiscalement intégrés. L’impôt sur le bénéfice est payé par la holding pour l’ensemble du groupe et il existe des possibilités d’optimisation à plusieurs niveaux.

D’abord, le CIR est calculé selon un taux de 30 % jusqu’à un seuil de dépenses de 100 millions d’euros, au-delà duquel le taux tombe à 5 %. Or ce seuil est calculé filiale par filiale, ce qui peut conduire un groupe à créer des filiales uniquement pour augmenter la base de calcul du CIR.

Par ailleurs, si le nombre d’entreprises concernées est faible, le montant du CIR qui leur est attribué est en revanche très élevé : les grandes entreprises fiscalement intégrées déclarant des dépenses supérieures à 100 millions d’euros perçoivent 27,8 % de la totalité du CIR. De multiples rapports ont dénoncé cette situation.

Le CIR est en outre calculé dans chacune des filiales concernées, mais perçu par la holding. Cette dernière n’a aucune obligation de le reverser à la filiale, donc de l’utiliser conformément aux objectifs du dispositif. D’où la préconisation de la Cour des comptes, qui souhaite que les conventions d’intégration fiscale prévoient le retour du crédit d’impôt à la filiale ayant effectué les recherches éligibles au CIR.

Notons par ailleurs que le CIR est très bénéfique aux start-up rachetées par la suite par des entreprises étrangères ; celles-ci profitent ainsi de brevets financés par le CIR, donc par le contribuable français.

Comme on le voit, les points litigieux ne manquent pas. Nous proposons donc, par cet amendement, plusieurs dispositions complémentaires.

Premièrement, plafonner à 100 millions d’euros les dépenses qui peuvent dépendre du CIR – je crois que Mme la rapporteure générale avait déposé, en son temps, un amendement similaire.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Absolument !

M. Nicolas Sansu. Nous proposons aussi de ne plus retenir les dépenses de normalisation, de veille technologique, de prise, maintenance et défense des brevets dans l’assiette des dépenses éligibles au CIR.

Enfin, nous proposons de supprimer la possibilité de cumuler le CIR et le CICE, qui fait de la France, dans certains secteurs, un véritable paradis fiscal – certains emplois peuvent être financés au-delà de 100 %, ce qui est quand même un comble.

Mme Marie-Christine Dalloz. Quelle vision des choses ! C’est incroyable !

M. Nicolas Sansu. Cet amendement, qui permettrait de contenir le coût du CIR, serait de nature à dégager des moyens financiers supplémentaires en faveur de la recherche publique, et de mettre un terme à la situation de sous-financement chronique des laboratoires publics et des universités – on peut lire dans Le Monde de ce soir un article sur ce sujet. Rappelons que la France se caractérise par un financement de la recherche réalisé majoritairement par le biais de crédits d’impôt, de dépenses fiscales, et non par la dépense budgétaire, ce qui est un non-sens.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je vais me dédoubler !

M. Nicolas Sansu. Je m’en doutais !

M. Paul Giacobbi. Attention, madame la rapporteure générale : cela s’appelle de la schizophrénie !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La commission a émis un avis défavorable sur l’amendement, mais, s’agissant du plafonnement des dépenses éligibles au CIR à 100 millions d’euros à l’échelon du groupe, je ne peux évidemment que vous rejoindre.

Mme Marie-Christine Dalloz. À titre personnel !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Certes : je suis obligée de porter la parole de la commission.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il s’agit d’un exercice habituel, convenu, à l’occasion d’amendements que j’appelle…

M. Charles de Courson. Des « marronniers » !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …des « marronniers », en effet, c’est-à-dire revenant chaque année à la même saison, avec des mots voisins.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. « Les mots divins, les mots en vain »…

M. Charles de Courson. Eh oui, cela se chante ! (Sourires.)

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Plus sérieusement, le Gouvernement ne souhaite pas toucher au CIR, je l’ai dit et je le répète. Tout le monde, ou du moins la plupart des observateurs économiques, reconnaissent que le CIR est un excellent outil, qui donne à la France une attractivité inégalée. C’est donc clair et net : le Gouvernement ne souhaite pas y toucher.

Certes, on peut toujours discuter ; il m’est arrivé à moi aussi de soutenir certaines positions, mais après avoir été battu une fois, deux fois, on peut admettre de laisser passer du temps et ne pas reprendre systématiquement les mêmes arguments. Il est toutefois vrai, monsieur Sansu, que le droit d’amendement est constitutionnel.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Et puis, c’est le dernier budget de la législature !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je vous ai donné mon point de vue.

M. Nicolas Sansu. Donnez plutôt l’avis du Gouvernement !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Par exemple, s’agissant de l’intégration des œuvres d’art dans l’ISF, j’ai mené un lourd combat, mais j’ai publiquement déclaré que je n’y reviendrai pas pendant quelque temps.

M. Dominique Baert. C’est vrai.

Mme Marie-Christine Dalloz. On y reviendra un jour !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Mais on peut toujours se faire plaisir.

Pardon de vous avoir fait perdre du temps. Le Gouvernement est systématiquement défavorable à toute modification du dispositif du CIR. Il émet un avis défavorable.

M. Christophe Caresche. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fauré.

M. Alain Fauré. J’ai écouté attentivement les arguments de notre collègue Nicolas Sansu, mais les articles de presse ne font pas l’économie, ils ne rendent pas compte de l’image dont bénéficie le crédit d’impôt recherche auprès de l’extérieur comme des entreprises. Le CIR concerne tous les types de sociétés : les petites, les moyennes, les grandes. Certes, certaines bénéficient de montants plus importants que d’autres, mais il permet souvent de financer des programmes qui bénéficieront aux entreprises sous-traitantes. Il faut donc examiner le dispositif dans sa globalité.

Ne jouons pas avec cela ! C’est trop important pour notre économie, pour nos entreprises. Dans ma circonscription, des entreprises déposent des dossiers au titre du crédit d’impôt recherche. Certaines, comme Forges de Niaux, en bénéficient, et cela les aide dans leur développement : 70 % de leur activité est tournée vers l’exportation, et c’est le crédit d’impôt recherche qui leur permet de la financer.

Je crois qu’il ne faut pas revenir sur le dispositif. Le groupe socialiste, écologiste et républicain y est attaché et ne souhaite pas que cet amendement soit adopté. Nous soutenons donc la position du Gouvernement.

M. Christophe Caresche. La messe est dite !

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Giacobbi.

M. Paul Giacobbi. Merci, monsieur le secrétaire d’État, d’avoir rappelé la réalité. Car que veut-on, dans ce pays ? Voilà un dispositif fiscal dont tout le monde sait qu’il fonctionne – par là, je veux dire que, bien que coûtant 5 milliards d’euros, il génère une activité de recherche et développement que la France n’avait, soit dit en passant, jamais connu. Pourquoi croyez-vous que de grandes entreprises internationales installent des centres de recherche en France ? Pour le plaisir procuré par notre code du travail ? (Sourires.) Pour les joies offertes par notre code général des impôts ? Pour le bonheur de partager la simplicité de l’administration française ? (Mêmes mouvements.) Non : elles viennent en France parce qu’il y a le CIR !

M. Camille de Rocca Serra. Bravo !

Mme Marie-Christine Dalloz. Que c’est bon d’entendre ça !

M. Paul Giacobbi. On nous dit : « Vous comprenez, le problème avec le CIR, c’est que des gens en bénéficient indûment. » Mais, chers collègues, il y a une administration fiscale et elle fonctionne, très bien même : elle sait fort bien repérer ce qui va et ce qui ne va pas.

Mme Marie-Christine Dalloz. Exactement !

M. Paul Giacobbi. Et, à sa tête, il y a des gens capables de mener des enquêtes, des analyses, des études. Depuis que le temps que ça dure, il semblerait que l’administration fiscale fasse son travail : un certain nombre de personnes ont été redressées.

Alors, on dit encore : « Oui, mais cela coûte 5 milliards. » Autrement dit : il faudrait n’avoir que des dispositifs fiscaux qui ne coûtent pas chers, c’est-à-dire qui ne servent à rien.

Le CIR, laissez-le où il est ! Observez-le tranquillement mais ne réclamez pas sa suppression tous les quatre matins et ne vous amusez pas à le plafonner ou à le changer, c’est-à-dire à faire peser en permanence une épée de Damoclès au-dessus de la tête de ceux qui investissent dans la recherche et le développement ! Quand on installe en France un nouveau centre de recherche, ce n’est pas pour le fermer dans trois mois.

Le CIR marche, alors défendons-le année après année !

Mme Marie-Christine Dalloz et Mme Véronique Louwagie. Très bien !

M. Camille de Rocca Serra. Avec nous, Paul !

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Ce serait bien de ne pas toujours caricaturer. Qui propose de supprimer le CIR ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Personne !

M. Nicolas Sansu. En effet : personne. Quand la Cour des comptes relève un certain nombre de dysfonctionnements, on a tout de même le droit de s’interroger sur l’efficacité du dispositif.

M. Paul Giacobbi. On corrige !

M. Nicolas Sansu. J’estime pour ma part qu’il faut soutenir la recherche mais qu’il y a deux façons de le faire : la dépense fiscale et la dépense directe, la dépense budgétaire. Et je crois qu’il ne faut pas exagérer la distorsion entre les deux. C’est cela que dit l’amendement, loin de la caricature qui vient d’en être présentée.

(L’amendement n508 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 204, 250, 583, 249 et 584, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 250 et 583 sont identiques, de même que les amendements nos 249 et 584.

La parole est à M. Camille de Rocca Serra, pour soutenir l’amendement n204.

M. Camille de Rocca Serra. Dans sa rédaction actuelle, l’article 244 quater B du code général des impôts prévoit que les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d’après leur bénéfice réel ou exonérées peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt au titre des dépenses de recherche qu’elles exposent au cours de l’année. Le taux du crédit d’impôt est de 30 % pour la fraction des dépenses de recherche inférieure ou égale à 100 millions d’euros et de 5 % pour la fraction des dépenses de recherche supérieure à ce montant. Le premier de ces deux taux est porté à 50 % pour les dépenses de recherche exposées à compter du 1er janvier 2015 dans des exploitations situées dans un département d’outre-mer, afin de compenser la faiblesse des investissements en recherche et développement.

À situation identique, mesure identique. C’est pourquoi je vous propose, par cet amendement, de compléter l’article en rendant les exploitations situées en Corse, elles aussi, bénéficiaires du taux majoré à compter du 1er janvier 2017. En effet, parmi les mesures fiscales spécifiques aux entreprises corses, aucune ne concerne la recherche et le développement ou l’innovation. Or le retard de l’île en la matière est un réel handicap pour son avenir.

De surcroît, ce dispositif constituerait pour la Corse un véritable avantage concurrentiel par rapport aux pays frontaliers et lui permettrait, en plus d’un développement endogène, de capter des start-up du sud de l’Europe et de la Méditerranée.

Voilà pourquoi je vous propose d’adapter le taux du crédit d’impôt recherche à la situation particulière des entreprises en Corse.

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Giacobbi, pour soutenir l’amendement n250, ainsi que l’amendement n249, avec lequel il peut faire l’objet d’une présentation groupée.

M. Paul Giacobbi. Ces amendements portent, l’un sur le crédit d’impôt recherche, l’autre sur le crédit d’impôt innovation.

Je crois que tout a été dit : je suis intervenu sur l’article et Camille de Rocca Serra a précisé les choses de manière extrêmement claire. En complément, je répéterai simplement que le CIR, ça fonctionne.

La Corse souffre d’un déficit considérable de recherche et développement puisque son ratio est inférieur à la moyenne nationale. Il est aussi inférieur à celui des grandes îles de la Méditerranée : la Corse est non seulement derrière la Sardaigne et la Sicile – passe encore – mais aussi derrière les Baléares et même derrière la Crète ! Surtout, son ratio est inférieur de 40 % à celui des départements d’outre-mer.

Comment cela s’explique-t-il ? Probablement parce qu’il existe, en France, une recherche outre-mer spécifique, qui dispose de ses propres institutions de recherche, et que celles-ci vont naturellement s’installer outre-mer – cela paraît assez logique. Or, contrairement à ce qu’on pourrait croire, la Corse n’est pas outre-mer – il m’a toujours semblé qu’il fallait traverser la mer pour l’atteindre, mais enfin, juridiquement, elle n’est pas outre-mer. Quoi qu’il en soit, les départements d’outre-mer, eux, ont obtenu un doublement du taux.

Vous allez me dire que s’il n’y a pas de recherche en Corse, ce n’est pas la peine d’aider la recherche. Or, justement, il y a de la recherche en Corse, et importante, quoiqu’encore embryonnaire. Dans le domaine aéronautique, mesdames et messieurs, sur un Airbus A320, les trappes de train d’atterrissage sont fabriquées à Ajaccio. Les tuyères d’éjection des Rafale, que la France va bientôt livrer, j’espère, à l’Inde – en 2019, je crois –, seront probablement elles aussi fabriquées à Ajaccio, ainsi que d’autres éléments, notamment, de l’A380 ou de l’A320neo. Le secteur des logiciels fonctionne aussi très bien et je peux vous assurer – il suffit de regarder les comptes des sociétés – qu’il n’existerait pas sans le CIR. Quant à l’aéronautique, elle serait bloquée car une grande partie de son activité est en vérité de la recherche : on part des commandes reçues pour rechercher le meilleur dispositif, la meilleure technologie. Enfin, à l’université de Corse, toute une série de programmes tournent autour des énergies nouvelles – par exemple, le démonstrateur MYRTE pour le stockage des énergies renouvelables –, ainsi que des recherches de pointe dans le domaine de la biologie, notamment marine. Tout cela constitue une base extrêmement importante à développer.

Toutes ces entreprises fonctionnent au CIR. Puisqu’un coup de pouce a été donné à l’outre-mer, je ne vois pas ce qu’il y aurait d’anormal à faire la même chose pour la Corse, qui est plus mal placée. Sur le plan financier, cela représenterait très peu. Et puis, on pourrait admettre de revenir au droit commun le jour où sera atteint un rythme de croisière – personnellement, je n’y verrais aucun inconvénient.

Mme la présidente. La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir les amendements nos 583 et 584, qui peuvent eux aussi faire l’objet d’une présentation groupée – je rappelle que le premier est identique à l’amendement n250 et le second identique à l’amendement n249 de M. Giacobbi.

M. François Pupponi, rapporteur pour avis. Mes deux amendements sont défendus, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les cinq amendements en discussion commune ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable. Il est un peu regrettable de laisser entendre que nous ne soutiendrions pas la Corse.

M. Christophe Caresche. En effet ! Ce n’est d’ailleurs pas ce que dit la Cour des comptes !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je me suis livrée à l’exercice pour d’autres territoires : s’agissant des crédits d’impôt, le ratio va de 1 à 3. Il serait donc injuste de dire que la métropole et cette assemblée ont oublié la Corse.

M. Paul Giacobbi. Nous n’avons jamais dit cela !

M. Laurent Marcangeli. La Corse est en métropole !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La Corse bénéficie aussi, je me permets de vous le rappeler, du dispositif jeune entreprise innovante, que le PLF, dans son article 45 – donc dans sa seconde partie –, prévoit de proroger de trois ans, ainsi que d’exonérations d’impôt au titre de la création de nouvelles entreprises dans les zones d’aide à finalité régionale, dont elle fait partie.

Je maintiens donc ce que j’ai dit. Le rôle du rapporteur général est de faire des additions.

M. Marc Le Fur. Vous voulez dire que les autres font des soustractions ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cette opération, en tout cas, est nécessaire si l’on veut avoir une vision, non pas limitée à chaque dispositif pris isolément, mais globale, donc, me semble-t-il, un peu plus juste.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. On peut faire des additions ou des soustractions, mais l’essentiel est d’éviter les divisions. (Sourires et exclamations.)

M. Christophe Caresche et M. Pascal Cherki. Excellent !

M. Paul Giacobbi. On voit que M. le secrétaire d’État connaît les mathématiques !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. C’est un « matheux » !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. J’avoue que la remarque était un peu facile… (Sourires.)

Une raison majeure empêche de vous suivre, monsieur Giacobbi, monsieur de Rocca Serra : le dispositif que vous proposez serait contraire aux règles communautaires. Il peut d’ailleurs sembler curieux que vous demandiez un soutien pour la recherche tout en faisant observer qu’elle est dynamique. Une fois atteint le « rythme de croisière », avez-vous même ajouté, on pourrait abandonner la majoration du crédit d’impôt. Je ne sais si la Corse a déjà atteint ce « rythme de croisière », puisque vous dites que la recherche y est très développée – tant mieux. La Corse bénéficie en tout cas des mêmes dispositions que l’Hexagone.

J’ai cependant été sensible, en étudiant votre amendement, à la comparaison avec les territoires d’outre-mer. Mais les dispositifs qui s’y appliquent ne contreviennent pas aux règles communautaires, puisque ces territoires sont situés dans ce que l’on appelle les « régions ultrapériphériques ». Or ce n’est pas le cas de la Corse, au sens des règles communautaires : si l’on y appliquait un régime fiscal dérogatoire, celui-ci serait assimilé par l’Union européenne à une aide contraire à ces règles.



Le Gouvernement n’est donc pas favorable à vos amendements. Mme la rapporteure générale, d’ailleurs, a développé d’autres arguments, qui vaudront aussi pour des amendements ultérieurs.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Je veux apporter quelques éléments sur les amendements défendus par nos collègues de la belle île de Corse.

Un problème de fond se pose, avec d’autant plus de force pour ce territoire insulaire qu’est la Corse. L’Europe, en particulier la France, est touchée par un phénomène de métropolisation gigantesque. L’écart entre les territoires se creuse, de façon encore accrue dans le monde insulaire, même si le phénomène ne lui est pas spécifique, s’il s’observe aussi ailleurs. Ce phénomène, européen et mondial, de la métropolisation, est l’un des effets de la mondialisation ; mais l’on ne peut rester les bras ballants on se bornant à le constater.

M. Christophe Caresche. Non, certes !

M. Marc Le Fur. Il faut en tirer les conséquences. On ne peut réserver les entreprises d’avenir, qui font de la recherche, à certaines zones, à savoir Paris et quelques grandes métropoles : le phénomène doit gagner l’ensemble du territoire.

Des centres de recherche performants sont installés dans ma région, notamment à Roscoff et à Lannion, mais ils sont confrontés à des difficultés particulières. J’apporte mon soutien à mes collègues corses, mais la question qu’ils posent dépasse la singularité insulaire : notre France est en train de s’écarteler entre des villes et des métropoles qui suivent le rythme mondial, et d’autres territoires qui décrochent.

M. Christophe Caresche. Oui !

M. Marc Le Fur. Si l’on ne le constate pas, si l’on n’en tire pas les conséquences, on passe à côté de l’histoire.

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Giacobbi.

M. Paul Giacobbi. Les arguments de M. le secrétaire d’État méritent discussion. Cependant, le jour où l’on effectuera toutes les additions et les soustractions pour la Corse, la sérénité reviendra sans doute sur tous les bancs car on s’apercevra alors que la Corse ne bénéficie pas d’autant d’avantages qu’on le croit – mais c’est un autre débat.

Mes propos ne se contredisent pas, monsieur le secrétaire d’État. On observe en Corse des éléments isolés, mais significatifs, de recherche. Lorsque les entreprises aéronautiques de Corse, par exemple, se voient commander, par Airbus ou Dassault, une trappe de train d’atterrissage ou un élément de fuselage comme un carénage Karman pour équiper des avions d’affaires ou des Rafale, on leur demande, car ce sont des sous-traitants de premier rang, de trouver une solution technique satisfaisant au cahier des charges. Et quand cette solution requiert une nouvelle structure en nid d’abeille, par exemple, l’entreprise fait de la recherche et du développement.

J’appelle votre attention sur un point précis. Figurez-vous qu’il est plus difficile de faire de la recherche et développement en aéronautique à Ajaccio, où l’on est isolé, qu’à Toulouse, où tout est déjà sur place ! À Toulouse, pour rencontrer le donneur d’ordre, il suffit de prendre le métro ou la voiture ; à Ajaccio, il faut prendre l’avion. Encore avons-nous – je dis « nous » car l’opération s’est faite dans le cadre d’une société d’économie mixte de transport – créé une ligne spécifique Ajaccio-Toulouse, notamment pour faciliter ces déplacements. Quand les informaticiens installés en Corse se rendent dans les salons professionnels, notamment consacrés à la fabrication de logiciels, le voyage leur coûte plus cher que s’ils habitaient Paris ou Londres.

Mme la présidente. Merci de conclure, monsieur Giacobbi.

M. Paul Giacobbi. Il y a aujourd’hui tous les éléments, en Corse, pour lancer la recherche et le développement, mais cela passe par le soutien que nous demandons, pendant quelques années, comme on le fait, avec beaucoup de libéralité, pour l’outre-mer. Quand le processus aura vraiment démarré, quand sera constitué ce que l’on appelle ridiculement, par une mauvaise compréhension de l’anglais, un cluster, ce soutien sera devenu inutile. Je serai alors l’homme le plus heureux du monde.

Mme la présidente. La parole est à M. Camille de Rocca Serra.

M. Camille de Rocca Serra. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez accompagné le maintien, et même le développement, du crédit d’impôt spécifique à la Corse, mais celui-ci n’a rien à voir avec ce que nous proposons aujourd’hui.

M. Giacobbi vient d’en exposer les raisons. Il y a trente ans, l’État a manifesté la volonté politique de développer en Corse une filière aéronautique, Corse composites aéronautiques. C’est aujourd’hui un succès, inscrit dans la durée mais encore fragile au regard de la concurrence européenne.

Les chiffres sont têtus.

M. Alain Fauré. Vous aussi !

M. Camille de Rocca Serra. En Corse, la part des dépenses en recherche et développement n’est que de 0,4 % du PIB, contre 2,26 % au niveau national. L’investissement privé en R&D représente, en France continentale, deux tiers des investissements, contre seulement un tiers en Corse. Dans les départements d’outre-mer, la part des dépenses en R&D représente 0,7 % du PIB, soit un taux supérieur à ce qu’il est en Corse.

La question n’est nullement de s’opposer à l’outre-mer. Vous avez fait référence au traité de Maastricht, lequel distingue les régions ultrapériphériques, bénéficiaires de différenciations fiscales. De son côté, la Corse a bénéficié, pendant plusieurs années, d’un régime de zone franche, la sortie en sifflet de ce dispositif s’étant accompagné de la création d’un crédit d’impôt.

Nous ne sommes pas là pour quémander des aides, vous le savez bien, mais pour demander des moyens spécifiques. Le Gouvernement et notre assemblée ont accepté le concept d’« île-montagne ». Soit ce n’est qu’un intitulé creux, soit il signifie quelque chose : que ce territoire a une spécificité et des handicaps qu’il convient de compenser.

M. Paul Giacobbi. Eh oui, évidemment !

M. Camille de Rocca Serra. Cette compensation n’a pas vocation à durer ad vitam aeternam mais je ne comprends pas que certains collègues entendent supprimer, non des avantages, mais des moyens destinés à compenser ces handicaps.

M. François Pupponi, rapporteur pour avis. Incroyable d’entendre cela !

M. Camille de Rocca Serra. Nous proposons aujourd’hui au Gouvernement de reconnaître ces handicaps en utilisant les dispositifs existants, en l’espèce le crédit d’impôt recherche, qui a montré toute son efficience.

Mme la présidente. Merci de conclure, mon cher collègue.

M. Camille de Rocca Serra. Le Gouvernement accomplirait un acte majeur, au-delà de la création du concept d’« île-montagne », en « boostant » une activité embryonnaire, afin que la recherche se développe ailleurs qu’à Saclay ou dans quelques autres zones.

M. Paul Giacobbi. Très bien !

M. Camille de Rocca Serra. C’est tout l’intérêt d’une économie diversifiée, dynamique, en Corse comme ailleurs.

M. Paul Giacobbi. Très bien !

M. Laurent Marcangeli. Bravo !

(L’amendement n204 n’est pas adopté.)

(Les amendements identiques nos 250 et 583 ne sont pas adoptés.)

(Les amendements identiques nos 249 et 584 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 10, 122, 370, 376 rectifié et 529, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 122 et 370 sont identiques.

La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n10.

Mme Véronique Louwagie. Défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n122.

M. Marc Le Fur. Nous n’allons pas rouvrir le débat que nous avons eu ces dernières années sur le CICE.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est précisément ce que vous faites !

M. Marc Le Fur. Toutes les études et rapports, qu’il s’agisse de celui de Mme Beaufils, au Sénat, ou de celui de la Cour des comptes, confirment que le CICE, qui fut l’un des principaux vecteurs de votre politique, s’est soldé par un échec.

Je veux aussi en constater l’injustice, inconvénient qu’aurait permis d’éviter une simple baisse des charges. J’espère que des progrès seront réalisés, au cours des derniers mois ou des dernières semaines de la législature, notamment pour faire en sorte que le CICE s’applique à l’économie sociale et solidaire – Dieu sait, pourtant, si l’on en a entendu parler… Vous avez passé votre temps à essayer de combler cette lacune ; peut-être le ferez-vous pour les associations, mais pas pour les coopératives, monsieur le secrétaire d’État. Bien que certaines d’entre elles emploient beaucoup de monde, elles perdent, dans l’opération, l’équivalent d’une subvention correspondant à 6 % de leur masse salariale. Il est temps de réparer cette injustice, au moyen, peut-être, d’un dispositif dédié ; on a essayé de le faire avec la C3S, dont la suppression a été un peu plus rapide pour les coopératives, mais ce fut un fusil à un seul coup, puisque la mesure n’a eu d’effet que pendant un an, sans d’ailleurs compenser les désavantages au regard du CICE.

Je souhaite donc poser, une nouvelle fois, la question de l’échec du CICE, afin de le remplacer par une véritable baisse des charges – ce sera, je l’espère, la tâche de la prochaine majorité –, bien plus simple, pérenne et accessible pour nos chefs d’entreprise.

Cela résoudrait aussi le problème, que vous avez laissé sans réponse, posé aux coopératives, en particulier agricoles. Le Gouvernement a joué du violon, passez-moi l’expression, sur l’économie sociale et solidaire, et j’en passe, mais, en dernière analyse, il les a pénalisés fiscalement.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement identique n370, ainsi que l’amendement 376 rectifié, avec lequel il peut faire l’objet d’une présentation groupée.

M. Charles de Courson. L’amendement n370 est un amendement hollandiste. Je vous rappelle en effet la déclaration du Président de la République du 6 novembre 2014 dans laquelle il annonçait : « nous allons faire le CICE pendant trois ans […], cela va monter en régime, et après, en 2017, tout ce qui a été mis sur l’allégement du coût du travail sera transféré en baisses de cotisations sociales pérennes ».

À cette promesse, réitérée en janvier 2016, le chef de l’État trouvait trois avantages : elle procurerait davantage de clarté aux entreprises ; elle pérenniserait le dispositif « de manière à ce qu’il n’y ait pas de doute sur son existence » ; elle permettrait la généralisation de l’allégement du coût du travail à l’ensemble des activités du pays. En termes clairs, cette substitution permettrait de sortir des problèmes liés au périmètre, puisque actuellement seuls les organismes soumis à l’impôt sur les sociétés en bénéficient, et qu’il a fallu trouver des palliatifs pour ceux, de toute nature, qui ne le sont pas. Toutefois, François Hollande semble avoir oublié cette promesse, lui préférant une amplification du CICE, dont l’impact budgétaire ne sera sensible, comme vous le savez tous, qu’en 2018.

M. Christophe Castaner. Restez concentrés : où voulez-vous en venir ?

M. Charles de Courson. Le présent amendement propose donc de mettre en œuvre cette promesse de François Hollande, dès 2017, conformément à ses déclarations. Il s’agit d’une mesure à coût nul : on supprime le CICE et on procède à un abaissement de cotisations sociales équivalent, portant sur les salaires entre le SMIC et 1,8 fois le SMIC.

Il s’agit d’une mesure simple, claire et qui nous évitera beaucoup de discussions. Ceux qui voteront contre voteront donc contre le Président de la République. Mais comme celui-ci a adopté une position traditionnellement défendue par l’opposition, mon amendement devrait être adopté à l’unanimité.

Mme la présidente. Monsieur de Courson, peut-on considérer que vous avez également défendu l’amendement n376 rectifié ?

M. Charles de Courson. Non, car il est d’une autre nature : il porte sur la TVA sociale. Il vise à augmenter d’1 point environ la TVA à taux normal comme celle à taux intermédiaire, soit une recette fiscale de l’ordre de 10 à 11 milliards d’euros. Ce dispositif permettrait de réduire d’un tiers, en baissant leur taux, les cotisations sociales patronales finançant la branche famille, puisque, comme vous le savez tous, 30 milliards d’euros de cotisations sociales patronales continuent à financer cette dernière.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n529.

M. Nicolas Sansu. Monsieur le secrétaire d’État au budget, il s’agit d’un amendement extrêmement intéressant au regard des finances publiques. Il permettrait en effet de recouvrer 20 milliards d’euros supplémentaires. Au-delà de cette galéjade, cet amendement est symbolique, bien que personne ne puisse nier que certains secteurs ont besoin d’être soutenus.

Le problème du CICE – vous le connaissez bien puisque vous l’avez relevé en d’autres temps, monsieur le secrétaire d’État –, est qu’il n’est ni sectorisé ni conditionné. Cela pose évidemment problème en termes de finances publiques et même d’utilité du dispositif.

Monsieur le secrétaire d’État, ma première question est simple : confirmez-vous les chiffres donnés par l’Observatoire français des conjonctures économiques, l’OFCE, qui parle d’un basculement, au cours du quinquennat, des prélèvements obligatoires pesant sur les entreprises vers les ménages ? Ce basculement a pour conséquences une baisse de 0,9 % du PIB des prélèvements sur les entreprises et une augmentation de 1,5 % de PIB de ceux pesant sur les ménages.

Seconde question : suite à la publication du rapport de France stratégie et de la note de l’OFCE, confirmez-vous que le coût d’un emploi maintenu ou créé oscillerait entre 287 000 et 574 000 euros ?

Il s’agit de deux questions très simples.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces cinq amendements en discussion commune ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Monsieur Sansu, si j’essaie de répondre aux sollicitations des parlementaires avec, j’espère, suffisamment de précision et de patience, je ne suis pas là non plus pour valider au pied levé des études, fussent-elles publiées par l’OFCE ou tout autre organisme indépendant. Je ne répondrai donc pas à votre question sur ce point.

S’agissant de France stratégie, la situation est différente : c’est en effet à cet organisme que le Premier ministre avait, en ma présence, commandé un certain nombre de rapports et d’études portant sur le CICE, notamment sur son impact en termes de réduction de charges. Nous aurons donc, encore une fois, ce débat.

Mais je voudrais vous livrer un certain nombre de remarques.

J’en reviens d’abord au rapport de France stratégie. La synthèse que j’en ai lue commence par une indication de méthode : les travaux parallèles commandés à deux groupes d’experts aboutissent à des résultats parfaitement contradictoires. France stratégie, organisme qui produit d’ailleurs souvent d’excellents documents, fait donc preuve d’une extrême prudence dans ses analyses. Je vous renvoie d’ailleurs à son étude 2017-2027, qui comporte, s’agissant de la dépense publique ou d’autres sujets, des considérations extrêmement intéressantes, sur lesquelles j’aurai l’occasion de revenir prochainement, notamment lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017.

Mais revenons au sujet. Monsieur le Fur, vous affirmez de façon péremptoire que le CICE est un échec. Je vous renvoie aux associations professionnelles des chefs d’entreprises, qui nous invitent toutes à ne toucher à aucun prix au CICE. Il m’arrive encore – moins souvent que je ne le souhaiterais – de me rendre sur mon territoire : j’y rencontre des représentants de la CGPME, du MEDEF et de l’UPA, ainsi que de nombreuses autres associations d’employeurs, et tous me disent avoir maintenant bien compris et intégré le dispositif, tous recommandent de ne surtout pas y toucher, car ils estiment qu’il leur a permis de passer plusieurs caps difficiles.

J’observe ensuite que certains veulent transformer l’intégralité du CICE en allégement de cotisations sociales.

M. Charles de Courson. C’est la position du Président de la République !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Monsieur de Courson, vous me permettrez d’entretenir des relations assez régulières avec le Président de la République – sans doute plus que vous.

M. Charles de Courson. Je l’espère !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ne parlez donc pas en son nom ! Il me semble avoir un peu plus que vous vocation à traduire sa pensée.

M. Charles de Courson. Les déclarations du chef de l’État sont claires !

M. Marc Le Fur. Mais sa pensée est fluctuante ! (Sourires.)

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Revenons aux faits, monsieur de Courson ! Selon vous, la transformation du CICE en allégement de charges ne coûte rien. Ne jouez donc pas au naïf ! Vous avez expliqué pendant des heures que les crédits d’impôt étaient payés par le budget de l’État en année n + 1 et vous savez aussi bien que moi que les allégements de cotisations sont immédiatement imputés au budget de l’État. Par conséquent, quand quelqu’un décidera de transformer le CICE en allégement de charges, il faudra bien qu’il paie l’année suivante.

M. Marc Le Fur. C’est l’histoire du prélèvement à la source.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. En outre, la même année, il faudra bien transformer les flux en allégements de cotisations sociales : le coût de la mesure sera donc tout simplement doublé.

M. Charles de Courson. Alors pourquoi le Président la préconise-t-il ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Adressez-vous à lui ! Je vous fais, pour ce qui me concerne, part de la position du Gouvernement et de ses intentions concernant le CICE.

Vos propos regorgent donc de contradictions.

Autre élément : si demain vous transformez le CICE touché par une entreprise au titre d’un salaire au niveau du SMIC en allégement de cotisations, vous n’aurez même pas la place de le faire, vous le savez.

M. Dominique Lefebvre. Très juste !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. En effet, le montant des cotisations réglées par cette même entreprise pour un salarié employé au niveau du SMIC est inférieur à celui que toucherait la même entreprise au titre du CICE pour l’emploi du même salarié, ce qui pose problème.

M. Charles de Courson. Mais non !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Mais si, monsieur le député, France stratégie l’a dit et écrit !

M. Charles de Courson. Mais c’est faux !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Et il ne s’agit que de l’un des problèmes de la transformation du CICE en allégement de charges.

Monsieur Le Fur, s’agissant des coopératives, nous ne vous avons ni joué du violon ni mené en bateau : nous avons pris une décision anticipant une mesure. Ne jouez pas, comme votre collègue, au naïf ou au niais – vous ne l’êtes pas, je vous connais – : vous savez très bien que ce Gouvernement va proposer par voie d’amendement, pour un montant de 600 millions d’euros et à hauteur de 4 % des salaires, un crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires, ou CITS. Nous aurons ainsi un parallélisme avec le CICE.

M. Marc Le Fur. Le CICE, c’est 6 % !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Oui, mais sans doute vous souvenez-vous, monsieur Le Fur, qu’au départ, le CICE n’était pas à 6 %.

M. Laurent Furst. Pas au départ, certes.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Nous avons donc la même marge de progression pour le CITS que pour le CICE.

M. Marc Le Fur. Et les trois ans de retard ? Il faudra les rattraper !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le CICE avait en effet démarré avec un taux de 3 % pour monter ensuite à 6 % et il passera bientôt à 7 %. Le CITS sera donc – je l’espère – adopté par le Parlement ; il répondra alors à votre préoccupation, et vous le savez, monsieur Le Fur. N’essayez pas d’accaparer ce dispositif afin de vous en attribuer le mérite ! Il a été annoncé il y a une dizaine de jours aux représentants du milieu associatif et de l’économie solidaire par le premier ministre himself.

Nous continuerons donc à corriger, comme nous l’avons fait dans d’autres domaines, les dispositifs en place. Pardon d’avoir été un peu long dans mes explications, mais je n’interviendrai plus par la suite sur ce sujet.

Le Gouvernement est donc défavorable à l’ensemble des amendements en discussion commune, qui visent soit à supprimer le CICE, soit à le transformer en d’autre dispositifs, fût-ce, monsieur de Courson, en TVA.

(L’amendement n10 n’est pas adopté.)

M. Charles de Courson. Madame la présidente, étant l’auteur de deux des amendements en discussion commune, j’insiste pour répondre au Gouvernement avant qu’ils ne soient mis aux voix !

Mme la présidente. Vous avez la parole, mon cher collègue.

M. Charles de Courson. Premièrement, monsieur le secrétaire d’État, vous n’êtes pas très gentil à l’égard du Président de la République, dont je n’ai fait que citer des déclarations datant de la fin de l’année 2014 et du début de l’année 2016. Que vous soyez très critique à l’égard de ces déclarations, c’est votre problème.

Deuxièmement, vous arguez de l’impossibilité de passer d’un dispositif à l’autre. Or cela a déjà été fait à plusieurs reprises, et vous savez comment l’on procède dans ces cas-là : on crée une créance gelée en année n, lors du basculement.

Troisièmement, vous affirmez qu’il n’existerait plus de cotisations patronales sur le SMIC. Mais enfin, n’avez-vous jamais vu la feuille de paie d’un salarié gagnant le SMIC ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Si, j’ai regardé justement !

M. Charles de Courson. Si vous en aviez étudié une, vous auriez constaté qu’il n’existe plus de cotisations sociales patronales des régimes de base légalement obligatoires. Mais les régimes complémentaires représentent 15 à 16 %. Ne dites donc pas qu’il est impossible de transformer le dispositif : on peut parfaitement remplacer les cotisations des régimes complémentaires, notamment de retraite, qui sont obligatoires. Ne dites pas le contraire !

M. Dominique Lefebvre. Allons donc !

M. Charles de Courson. Il reste des cotisations sociales patronales sur les salaires au niveau du SMIC, ne dites pas le contraire, ce n’est pas possible ! Monsieur le secrétaire d’État, vous n’avez donc jamais vu une feuille de paye ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Si, j’ai justement regardé pour vérifier.

M. Charles de Courson. Si plus aucune cotisation sociale patronale ne pesait sur le SMIC, pour une entreprise, un SMIC brut et un SMIC net auraient le même coût, ce qui n’est évidemment pas le cas. La substitution d’un dispositif à l’autre est donc parfaitement possible techniquement.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Eh non !

M. Charles de Courson. Alors le Président de la République dit n’importe quoi.

(Les amendements identiques nos 122 et 370 ne sont pas adoptés.)

(Les amendements nos 376 rectifié et 529, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Camille de Rocca Serra, pour soutenir l’amendement n206.

M. Camille de Rocca Serra. Monsieur le secrétaire d’État, selon l’article 39 A du code général des impôts, l’amortissement des biens d’équipement peut être calculé suivant un système d’amortissement dégressif compte tenu de la durée d’amortissement en usage dans chaque industrie.

En outre, en application du 3° du I de l’article 244 quater E du code général des impôts, les investissements susceptibles d’ouvrir droit au crédit d’impôt pour les investissements en Corse sont les biens d’équipement amortissables selon le mode dégressif.

Ne choisir que les biens pouvant être amortis selon le mode dégressif s’avère très restrictif. Cela conduit à des aberrations, pour la bonne et simple raison que la liste des biens énumérés à l’article 22 de l’annexe II du même code – c’est-à-dire les biens d’équipement autres que les immeubles d’habitation, les chantiers et les locaux servant à l’exercice de la profession – ne suit pas l’évolution technologique.

Ainsi, un pharmacien désirant moderniser son officine en achetant un robot pour distribuer les médicaments ne peut pas bénéficier du crédit d’impôt pour investissement car le robot ne peut être amorti que linéairement. Nous touchons, par cet exemple, les limites d’un système censé améliorer la productivité.

C’est la raison pour laquelle cet amendement prévoit d’ajouter les biens spécifiquement liés à l’activité exercée.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement envisage de majorer le crédit d’impôt pour investissements en Corse dans la seconde partie, vous le savez, vous qui suivez de près ces questions.

De plus, la liste des équipements éligibles est clairement définie. Le Gouvernement ne souhaite pas en élargir le champ, qui prend en compte les évolutions technologiques.

Il est donc défavorable à cet amendement.

(L’amendement n206 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n27.

Mme Véronique Louwagie. Cet amendement tend à prendre en compte une situation de handicap. Un certain nombre de personnes handicapées cherchent à rester chez elles. Pour cela, elles ont besoin d’aménager leur domicile, comme c’est le cas bien souvent dans les établissements spécialisés. Ces travaux représentent une lourde charge financière, à laquelle il faut ajouter les frais liés au handicap moteur, comme l’achat d’un fauteuil roulant ou d’un véhicule adapté.

La loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion a contribué à atteindre des objectifs d’autonomisation et d’intégration des personnes handicapées moteur mais des efforts restent à accomplir. Les aménagements sont importants et les personnes handicapées ou leurs familles peuvent avoir des difficultés à trouver des sources de financement.

Nous proposons d’étendre le principe du prêt à taux zéro, financé par l’État et remboursable sans intérêts, pour la construction ou l’acquisition d’un logement neuf ou encore l’acquisition d’un logement ancien. Ce serait une mesure intéressante, mais elle implique un effort financier beaucoup plus gros et ne cible pas les personnes ayant déjà leur propre logement.

Cet amendement tend donc à permettre aux personnes handicapées moteur ou aux personnes hébergeant une personne handicapée moteur de bénéficier d’un prêt à taux zéro pour le financement de travaux d’aménagement de leur résidence principale.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Sur ce sujet important, je me dois de donner quelques explications. Vous m’excuserez d’être un peu flou à ce stade mais je travaille avec la ministre concernée à un dispositif sur les crédits d’impôt liés aux équipements nécessaires au handicap. De façon assez surprenante, certains travaux n’y sont pas aujourd’hui éligibles. D’un autre côté, le champ des personnes éligibles à ces crédits d’impôt est extrêmement large. Nous voulons resserrer le nombre de personnes éligibles, quitte à élargir un peu le champ, je pense par exemple aux douches italiennes ou aux portes automatiques de garage – je ne veux pas entrer dans les détails, pour ne pas perdre de temps, mais nous aurons l’occasion d’y revenir. Le Gouvernement est donc défavorable à votre amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Je suis ravie que vous portiez une attention particulière à cette question, monsieur le secrétaire d’État. Vous avez parlé du crédit d’impôt sur les travaux et les dépenses mais j’aimerais également que davantage de personnes puissent bénéficier du taux zéro.

Cela dit, au vu de vos propos, je retire mon amendement.

(L’amendement n27 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Eva Sas, pour soutenir l’amendement n624.

Mme Eva Sas. Je défends cet amendement au nom de ma collègue Brigitte Allain.

Les abattoirs dégageant de faibles marges, pour qu’ils soient rentables, les volumes doivent être de plus en plus importants. En conséquence, on assiste à une quasi-disparition des petits abattoirs de proximité, très préjudiciable à la relocalisation des filières agricoles.

Plutôt que d’agrandir les abattoirs et de toujours les éloigner des éleveurs, qui, de ce fait, ne peuvent plus accompagner leurs animaux jusqu’au bout, il serait plus judicieux de travailler à des projets de pôles viandes, qui associeraient abattoirs, lieux de découpe, voire de transformation. De telles installations permettraient de conserver la valeur ajoutée sur les zones d’élevage.

Le présent amendement, issu de la proposition 41 du rapport parlementaire sur les circuits courts et la relocalisation des filières agroalimentaires, inciterait les abattoirs à diversifier leurs activités pour que les petits abattoirs de proximité puissent être maintenus. Il est ainsi proposé de faire bénéficier d’un crédit d’impôt les abattoirs qui ont mis en œuvre ou mettent en œuvre une démarche de diversification de leur activité, par exemple en accueillant plusieurs espèces d’animaux ou encore en s’équipant pour la découpe et la vente sur place de gros ou de détail.

(L’amendement n624, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je donne la parole est à M. Patrick Bloche, pour soutenir l’amendement n297.

M. Patrick Bloche. Je veux bien le défendre, en effet, même s’il a été repris par la commission des finances.

En cohérence avec ce que nous avons voté l’année dernière, nous proposons de proroger jusqu’en 2022 le crédit d’impôt international pour le cinéma, qui devait s’arrêter en 2017.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je me dois de formuler une observation.

S’agissant d’une niche fiscale, cette mesure ne saurait être prorogée au-delà de trois ans. C’est inscrit dans la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques, la LPFP, qui, de surcroît, exige une évaluation.

Ce crédit d’impôt, je le rappelle, n’est pas négligeable puisque, pour un seul tournage, la réduction – qui, en réalité, fonctionne comme une subvention –,…

Mme Marie-Christine Dalloz. Tout à fait !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. …peut atteindre, tenez-vous bien ! 25 millions d’euros. Pour quatre films de ce type tournés en France, cela représente donc 100 millions d’euros, une somme considérable.

Une évaluation est donc nécessaire et, en tout état de cause, il n’est pas acceptable de prolonger un tel crédit d’impôt jusqu’en 2022.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je confirme les propos du président Carrez : la LPFP ne nous permet de proroger le dispositif que pour trois ans. Si vous acceptiez de rectifier oralement votre amendement en remplaçant 2022 par 2019, le Gouvernement y serait favorable.

M. Dominique Baert. Très bien !

M. Charles de Courson. Et l’évaluation ?

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Tout le monde ici apprécie le cinéma, le cinéma français en particulier,…

M. Camille de Rocca Serra. Certains en font même beaucoup !

M. Marc Le Fur. …mais, à un moment donné, il faut raison garder. Par trois fois, cet après-midi, nous avons vu revenir ces débats. Or, dans le même temps, je vous rappelle que nous avons refusé le bénéfice d’une demi-part aux veuves d’anciens combattants. Il y a vraiment deux poids et deux mesures.

« Chacun ses pauvres », disait la bourgeoisie au temps de Balzac. Dans cet hémicycle, je constate que c’est « chacun ses riches ».

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

M. Paul Giacobbi. Chacun ses niches !

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. J’accepte évidemment la rectification de l’amendement tendant à ramener le terme de la prorogation du crédit d’impôt à 2019, pour les raisons qui ont été données.

Mais j’espère que nous n’aurons pas à reprendre le débat chaque année.

M. Charles de Courson. Si !

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est la dernière année, monsieur Bloche !

M. Patrick Bloche. Avec le crédit d’impôt international, il y a un enjeu double que vous laissez totalement de côté.

Je veux bien que certains lâchent, comme ça, dans l’hémicycle, la somme de 25 millions d’euros, qui serait une subvention publique, mais, par honnêteté intellectuelle – et je connais celle du président Carrez –, il faut rappeler que le budget de l’État est à l’arrivée bénéficiaire puisque les rentrées fiscales et sociales excèdent ces 25 millions d’euros : on estime qu’1 euro de crédit d’impôt rapporte 7 euros de rentrées fiscales et 3 euros de rentrées sociales.

Par ailleurs, si nous avons augmenté le plafond et le taux de cet impôt l’année dernière, c’est tout simplement en raison de la concurrence déloyale de nombre de pays souvent proches du nôtre, comme la Grande-Bretagne,…

M. Jean-Louis Dumont. Perfide Albion !

M. Patrick Bloche. …qui ont accueilli sur leur territoire des tournages de films à gros budget, américains le plus souvent ; car eux, sachez-le, ils n’appliquent pas de plafond.

J’aimerais que vous preniez conscience de ce que signifient ces tournages pour les territoires sur lesquels ils ont lieu, en termes d’emploi, d’activité, notamment dans la restauration et l’hôtellerie. Cela crée un dynamisme absolument extraordinaire et les retombées locales sont évidentes.

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Giacobbi.

M. Paul Giacobbi. J’avoue que je suis surpris de la manière dont le cinéma est parfois traité.

D’abord, le cinéma n’est pas une activité de riches et les entreprises cinématographiques ont rarement produit d’immenses fortunes, y compris au XXsiècle.

Que restera-t-il de nous ?

M. Charles de Courson. Rien !

M. Paul Giacobbi. Probablement des films.

Un tournage en France représente un nombre considérable d’employés. Ils travaillent certes de façon temporaire, mais cela permet de faire vivre un très grand nombre d’entreprises de service au cinéma. Les dépenses engagées localement sont énormes et c’est très bon pour le territoire.

Et n’oubliez pas la compétition mondiale entre lieux de tournages ! Des pays entiers se battent pour accueillir les tournages et, croyez-moi, ce n’est pas idiot ! Demandez ce que représente un tournage pour l’Inde, qui a la plus grosse industrie cinématographique de la planète ! Les pays se battent pour garder les films chez eux mais le tournage se fait ailleurs quand c’est plus intéressant.

Parfois, un film transforme une économie. Celle de l’Irlande a ainsi été transformée de fond en comble par le tourisme consécutif au tournage du film The Quiet Man, L’Homme tranquille. Ce fut le point de départ de l’activité touristique – auparavant, il n’y en avait pas –, et je ne suis pas sûr que le film ait été aidé, sinon par le talent de John Ford, dont ce n’était d’ailleurs par le nom, et qui était irlandais.

Franchement, prendre une mesure qui permettra de conserver 400 emplois pendant deux ans pour la somme de 400 millions d’euros, en toute illégalité, en contrevenant au droit communautaire et d’ailleurs au droit français, je trouve que c’est ne pas en faire assez pour le cinéma.

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. Cet amendement prorogeant un dispositif qui existe déjà, nous pouvons l’évaluer. Nous ne débattons pas dans le vide des effets supposés d’une mesure. Depuis la mise en œuvre du crédit d’impôt international, 135 films supplémentaires ont été tournés dans notre pays, sans aucun effet d’aubaine.

M. Paul Giacobbi. Absolument !

Mme Marie-Christine Dalloz. Selon quelle étude ?

M. Bruno Le Roux. Celle du CNC, le Centre national du cinéma et de l’image animée.

Mme Marie-Christine Dalloz. Ah oui, c’est très objectif !

M. Marc Le Fur. C’est un circuit court !

M. Bruno Le Roux. Deux rapports ont été produits, respectivement par le CNC et la Cour des comptes, vous pouvez les consulter.

Alors que les studios fermaient un peu partout dans notre pays, ils rouvrent aujourd’hui : l’activité cinématographique reprend sur nos territoires. Nos techniciens sont particulièrement bons mais les coûts de production étaient très élevés. Ce crédit d’impôt a permis de relocaliser des productions qui partaient dans les pays de l’Est ou en Belgique. Elles sont aujourd’hui revenues en France, redynamisant notre production nationale.

Il est toujours bon que les choses soient claires : nous savons aujourd’hui qu’1 euro de crédit d’impôt génère un peu plus de 12 euros de recettes fiscales et sociales, et de dépenses sur les territoires.

M. Paul Giacobbi. Absolument !

Mme Marie-Christine Dalloz. Tout à l’heure c’était 7 euros, maintenant c’est 12 !

M. Bruno Le Roux. Mais il faut prendre vos paroles très au sérieux, et j’en terminerai par là. Je suis heureux que chacun dise ce qu’il pense à propos de ce secteur industriel, et que vous disiez clairement qu’avec vous, il en sera terminé de ce crédit d’impôt. Au moins, les choses sont claires. Ceux qui nous écoutent doivent savoir qu’au moment où nous sommes, nous voulons proroger un dispositif qui marche, mais qu’avec vous, demain – je reprends votre expression –, cela sera terminé.

M. Michel Pouzol. Très bien !

M. Bruno Le Roux. Il est bon que ce soit clair pour tout le monde ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Dominique Baert. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, le dispositif mis en place l’année dernière avait pour objet de rendre la France compétitive dans ce secteur. Mais ne pensez-vous pas que nous devrions plutôt nous demander pourquoi nous ne sommes pas compétitifs ? Ce que vous dites sur le cinéma, pourquoi ne pas l’appliquer au textile ? A-t-on créé un crédit d’impôt pour rendre compétitifs les produits textiles fabriqués en France ? Pourrait-on parler de la métallurgie ? De toute l’industrie ? Voilà ce que je pointe : si l’on généralisait ce genre de dispositifs à toutes les branches de l’industrie, il n’y aurait plus de budget, plus de France. Car toutes ces mesures doivent être financées par des impôts levés sur les autres secteurs, qui, eux, n’en bénéficient pas. Voilà ce que je me tue à dire, à temps et à contretemps.

Beaucoup de gens, au centre et à droite, sont très cultivés et aiment la culture. L’idée que la culture serait de gauche est une ineptie totale – il n’y a qu’à regarder l’histoire de la culture.

M. Dominique Baert. Pas du tout, c’est une réalité !

M. Charles de Courson. Mais c’est un autre débat. J’ai posé la vraie question de fond. Bien sûr, monsieur Bloche, on peut multiplier les subventions et les crédits d’impôt pour tel ou tel secteur mais qui paie ? Les autres secteurs ! Le problème de fond, c’est la compétitivité de notre pays.

M. Jean-Yves Caullet. En l’occurrence, non !

M. Michel Pouzol. Excusez-moi, mais non !

Mme la présidente. Je rappelle que le Gouvernement propose de rectifier l’amendement en remplaçant, au premier alinéa, la date : « 31 décembre 2022 » par la date : « 31 décembre 2019 ».

Madame la rapporteure générale, quel est l’avis de la commission sur cette rectification ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Favorable.

(L’amendement n297, tel qu’il vient d’être rectifié, modifié par la suppression du gage, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Camille de Rocca Serra, pour soutenir l’amendement n203.

M. Camille de Rocca Serra. Cet amendement concerne le crédit-bail. La loi de finances pour 2016 n’a pas reconduit l’avantage fiscal dont bénéficiaient les entreprises souscrivant un crédit-bail immobilier dans les zones d’aides à finalité régionale ; cette disposition relative à l’ex-article 239 sexies D du code général des impôts, prorogée depuis près d’une décennie, a été brutalement supprimée. L’ensemble du territoire corse étant classé comme zone à finalité régionale, c’est une mesure fiscale importante au bénéfice des entreprises de l’île qui a ainsi disparu.

Le présent amendement tend à réintroduire cet article en l’adaptant aux contraintes du développement économique de la Corse et en lui conférant une durée courant jusqu’au 31 décembre 2021, date butoir de notification par la France à l’Union européenne de la détermination des zones d’aides à finalité régionale.

La technique du crédit-bail immobilier, qui présente comme avantage un mode de financement souple et performant, s’il est couplé à un effet de levier fiscal, est particulièrement adaptée pour les entreprises en Corse. Il s’agit d’un levier fiscal considérable pour le développement économique de l’île, dont le coût est faible pour les finances publiques et compensé par les retombées fiscales liées à la construction de bâtiments d’exploitation et à ses effets bénéfiques sur l’emploi.

(L’amendement n203, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n186.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il s’agit de prendre en compte l’application des conventions fiscales internationales conclues par la France pour le traitement des organismes de retraite et assimilés, notamment de nos voisins allemands ou espagnols, considérés comme non-résidents. Vous voulez, à ce titre, imposer à ces investisseurs étrangers un surcoût de 15 à 20 % sur les dividendes versés par les sociétés françaises.

Cette décision est en contradiction évidente avec les multiples efforts déployés ces derniers mois en faveur de la relance de la compétitivité de la France, dans un contexte de concurrence européenne exacerbée. Il n’y a pas que le cinéma qui subit la concurrence européenne. Il est donc proposé de remédier à cette situation en permettant aux organismes de retraite et assimilés de bénéficier des avantages conventionnels tirés de l’application des traités conclus par notre pays.

(L’amendement n186, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n325.

M. Marc Le Fur. Il est défendu.

(L’amendement n325, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2017.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinq.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly