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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2016-2017

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 13 décembre 2016

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Déclaration de politique générale du Gouvernement, débat et vote sur cette déclaration

M. le président. L’ordre du jour appelle la déclaration de politique générale du Gouvernement faite en application de l’article 49, alinéa 1er, de la Constitution, le débat et le vote sur cette déclaration.

La parole est à M. le Premier ministre. (Mmes et MM. les députés du groupe socialiste, écologiste et républicain se lèvent et applaudissent vivement.)

Mme Dominique Orliac. Très bien !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, le Président de la République m’a confié la responsabilité de conduire l’action du Gouvernement. J’ai reçu cette marque de confiance avec gravité et la conscience de l’honneur que représente une telle mission au service de la France. Je sais que cette mission sera brève, mais je veux l’exercer pleinement.

Au moment où je vous parle, une tragédie humanitaire effroyable frappe la ville d’Alep et sa population civile. Les femmes et les enfants d’Alep, après des mois de siège, fuient sous les bombes et sont victimes d’innombrables atrocités. Selon divers témoignages, les hommes de moins de quarante ans sont arrêtés, enrôlés de force, parfois exécutés, par l’armée syrienne avec l’appui des forces favorables au régime de Bachar Al-Assad, à commencer par la Russie. Ces atrocités, qui peuvent être constitutives de crimes de guerre, voire de crimes contre l’humanité, sont accomplies avec un cynisme et une cruauté inouïs.

C’est l’honneur de la France d’avoir été l’une des seules nations à tenter de s’opposer, dès l’été 2013, à la guerre totale menée par Bachar Al-Assad contre son propre peuple. Jamais nous n’accepterons, au nom d’un prétendu réalisme, de nous allier aujourd’hui avec les responsables du martyre d’Alep. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) Ce sont les mêmes qui ont laissé Daech reprendre Palmyre. Au nom du gouvernement de la France, et j’en suis sûr, en votre nom à tous, je dénonce l’horreur de ces massacres et j’affirme que ceux qui les ont perpétrés auront à en rendre compte devant la communauté internationale. Avec vous, je sais qu’ils connaîtront le jugement sévère de l’histoire. (Mêmes mouvements.) Voilà ce que les circonstances me conduisent à vous déclarer de façon solennelle en préambule de cette déclaration de politique générale.

Depuis plus de quatre ans, sous l’impulsion du Président de la République, les gouvernements de Jean-Marc Ayrault et de Manuel Valls ont agi pour donner toutes ses chances à notre pays. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.) Chaque jour compte pour poursuivre leur action de redressement de la France, de ses comptes publics, de son appareil industriel et productif. Comme toutes les grandes démocraties, la France doit affronter les défis de son temps, sociaux, environnementaux, sécuritaires. Le chômage demeure un immense défi qui nourrit, chez bon nombre de nos compatriotes, la peur du déclassement. Les classes moyennes et populaires aspirent pour leurs enfants à un avenir meilleur. Croire au progrès, c’est rendre cet avenir possible.

L’enjeu environnemental oblige nos contemporains à protéger les générations futures. Dans ce combat, la France doit rester en avant-garde, comme elle l’est depuis l’accord historique de Paris, issu de la COP21. Assurer la mise en œuvre de cet accord, en porter toujours plus loin l’ambition, voilà ce que je souhaite faire au cours des prochains mois.

Le défi sécuritaire, c’est d’abord faire face à la menace du terrorisme djihadiste. Vaincre l’islamisme radical implique de jeter toutes nos forces dans le combat pour la République et de rassembler à chaque instant toute la nation autour de ses valeurs. Élection après élection, en France et en Europe comme aux États-Unis, les populismes montent. Partout, y compris chez plusieurs de nos grands partenaires, les égoïsmes nationaux et les antagonismes prospèrent. Après le Brexit, le projet européen lui-même connaît un risque de dislocation. Il y a urgence à convaincre les citoyens de se détourner des fausses promesses, qui sont d’abord de vraies impasses. Ces défis, les Français en ont conscience. Ils en observent chaque jour l’ampleur ; ils savent que pour les relever, le pays doit d’abord se rassembler.

Face à ces défis, dans le moment politique particulier où nous nous trouvons, avec le souci de la méthode et l’affirmation de mes convictions, je veux agir. Je veux agir dans le respect des opinions de chacun, avec la volonté de créer à chaque instant les conditions de l’apaisement. Je veux agir pour protéger les Français des menaces d’un monde devenu plus incertain, pour progresser vers une société plus juste. Et j’entends bien utiliser chaque instant pour préparer l’avenir.

En juin 1954, dans des circonstances qui n’étaient pas non plus particulièrement faciles, Pierre Mendès France concluait ainsi le discours par lequel il venait de demander la confiance du Parlement : « Les difficultés et les périls ont rendu chacun plus conscient des efforts à fournir ; c’est pourquoi plus encore qu’hier, je crois à la renaissance nationale, vigoureuse et rapide. » Il nous faut aujourd’hui agir avec la même lucidité et avec la même exigence de confiance partagée. C’est la raison pour laquelle je solliciterai la confiance de votre assemblée aujourd’hui au terme de mon discours de politique générale.

Notre responsabilité est d’abord de protéger les Français. Protéger les Français, c’est poursuivre la modernisation de notre protection sociale pour en garantir la pérennité face à tous les risques de la vie – la maladie, le chômage – et face au vieillissement. Sur ces questions, notre majorité a des valeurs et un bilan. Elle croit au beau mot de solidarité.

La politique déterminée de réduction du déficit que nous avons menée depuis quatre ans…

M. Bernard Accoyer. N’importe quoi !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. … a permis de ramener celui du régime général de la Sécurité sociale à 400 millions d’euros en 2017 alors qu’il était de 17,4 milliards d’euros en 2011 (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.). Pour la première fois depuis 2002, la Sécurité sociale se désendette. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.) Ce résultat est une victoire pour la France. Il couronne bien des efforts consentis, notamment par les Français, par les fonctionnaires et les personnels hospitaliers. C’est pourquoi le Gouvernement est au rendez-vous des créations de postes dans les hôpitaux, avec 31 000 postes de personnels soignants ouverts depuis le début du quinquennat.

M. Guy Teissier. Dites-le leur !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. De même, l’amélioration des conditions de travail à l’hôpital fait l’objet de discussions conduites par la ministre des affaires sociales, dont je veux ici saluer le travail et l’engagement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. – Huées sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains.)

Au cours des cinq mois qui viennent, mon gouvernement sera pleinement engagé pour consolider ces résultats. Nous allons poursuivre avec détermination la mise en œuvre du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale. Nous allons engager la première étape de la réforme des minima sociaux, adoptée avec un objectif clair : garantir à chacun l’accès à ses droits sociaux, a fortiori lorsqu’il s’agit d’accéder à un revenu minimum vital. Nul ne doit jamais rester sur le bord du chemin. Pour les plus pauvres de nos concitoyens, la complexité d’accès aux prestations finit toujours par se transformer en une inégalité supplémentaire, et cela jamais nous ne l’accepterons.



Dès le début de l’année 2017, mon gouvernement prendra de nouvelles mesures (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains) pour assurer l’accès des patients aux soins dans les territoires, pour lutter contre les déserts médicaux et inciter les professionnels de santé à y exercer, à la suite du pacte Territoire-Santé. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)



Au 1er janvier prochain, le tiers payant deviendra un droit pour les femmes enceintes et pour les personnes souffrant d’une affection de longue durée. Ce droit devra être étendu à l’ensemble des patients au 30 novembre 2017. Il s’imposera rapidement comme un immense progrès pour tous, et ce progrès la France le devra à la majorité qui l’a rendu possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et sur plusieurs bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.) Le Gouvernement mobilisera par ailleurs 200 millions d’euros pour l’amélioration du remboursement des soins dentaires au premier trimestre 2017. Quand certains, dans cet hémicycle, se situent dans une perspective de déremboursement des dépenses de santé, mon gouvernement, lui, agira inlassablement pour renforcer le droit de nos concitoyens à se faire soigner. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.) Tel est notre combat : garantir l’équilibre des comptes et ouvrir toujours de nouveaux droits.

Protéger les Français, cela passe aussi par une fonction publique reconnue et respectée. Proposer de supprimer des centaines de milliers de postes de fonctionnaires en quelques mois, c’est remettre tout simplement en cause la capacité de l’État à assumer ses missions les plus élémentaires. Ce n’est pas moderniser le service public, c’est le condamner. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.) Comment en effet assurer la sécurité des Français avec moins de policiers et moins de gendarmes ? Comment soigner avec moins de personnels hospitaliers ? Comment garantir l’égalité des chances avec moins d’enseignants ? Comment accompagner les enfants handicapés à l’école avec moins d’auxiliaires de vie scolaire ?

M. Guy Teissier. C’est un meeting ou une déclaration de politique générale ?

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Certes, notre fonction publique doit se réformer, et elle le fait d’ailleurs en permanence, mais je vous le dis du fond du cœur et avec conviction : on peut réformer sans abîmer et on peut moderniser sans détruire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Protéger les Français, c’est réarmer l’État afin de lutter contre le terrorisme et contre la délinquance. Face à la menace terroriste, les Français savent pouvoir compter sur le professionnalisme et sur le dévouement des policiers et des gendarmes, des sapeurs-pompiers, des personnels hospitaliers, sur celui des militaires engagés dans le cadre de l’opération Sentinelle, ainsi que sur celui des magistrats qui conduisent les enquêtes et prononcent les condamnations.

Je tiens à saluer une nouvelle fois devant vous l’engagement de ces femmes et de ces hommes, que j’ai côtoyés au quotidien pendant près de trois ans et qui ont la modestie des véritables héros. Dès le 1er janvier 2017, ces forces qui veillent sur notre sécurité seront renforcées par la garde nationale, dont les effectifs atteindront progressivement 85 000 membres.

Depuis 2012, le Gouvernement s’est employé à donner à nos forces de sécurité intérieure et à nos services de renseignement davantage de moyens pour leur permettre de mieux remplir leur mission. Nous avons renforcé notre arsenal législatif et réglementaire par l’adoption de nouveaux dispositifs antiterroristes. Je veux saluer ici le très large soutien que ces textes ont toujours trouvé auprès du Parlement.

Les attentats qui ont endeuillé notre pays nous ont conduits à déclarer puis à prolonger, à quatre reprises, l’état d’urgence. Depuis le début de l’année 2016, 420 personnes liées à l’islamisme radical ont été arrêtées et 17 projets d’attentats ont été déjoués sur notre sol. Face à l’ampleur de la menace, le conseil des ministres a adopté, samedi dernier, le projet de loi prolongeant l’état d’urgence, dont vous êtes à présent saisis.

Les mesures de l’état d’urgence, comme l’ensemble de notre arsenal antiterroriste, sont assorties d’un contrôle juridictionnel rigoureux, destiné à protéger les droits des citoyens. Elles ont été complétées par un contrôle parlementaire exigeant et innovant, mis en œuvre par les commissions des lois de l’Assemblée nationale et du Sénat. C’est la force de notre République que de se défendre avec les armes de l’État de droit.

Mais réarmer l’État, c’est également donner aux forces de sécurité les moyens nécessaires à leur action : 9 000 postes de policiers et de gendarmes auront été créés entre 2012 et 2017. En tout, ce sont plus de 1,1 milliard d’euros qui auront été alloués à ces forces pendant le quinquennat.

En outre, pour permettre à la justice d’accomplir sa mission, 6 235 postes auront été créés dans la magistrature, aux greffes des tribunaux et dans l’administration pénitentiaire. Le plan pour la sécurité publique de 250 millions d’euros, décidé par le président François Hollande en octobre dernier, sera intégralement mis en œuvre avant la fin du quinquennat.

Enfin, parce que nos forces de sécurité sont confrontées chaque jour à une violence extrême et aux défis du terrorisme, le Gouvernement adoptera lors du conseil des ministres du 21 décembre prochain un projet de loi relatif à la sécurité publique, précisant notamment les règles d’usage des armes, dans le respect rigoureux de nos principes constitutionnels et conventionnels.

Mais la protection des Français, mesdames, messieurs les parlementaires, ne s’arrête pas aux frontières de notre territoire. Sous l’autorité du Président de la République, les armées françaises sont engagées sur de nombreux théâtres d’opérations extérieures et je veux, devant vous, saluer leur courage et leur sens extrême du devoir.

En Irak, nos armées sont engagées depuis septembre 2014 avec nos partenaires de la coalition. Daech y perd chaque jour du terrain. Au Mali, nos armées ont empêché début 2013 que les djihadistes s’emparent de Bamako. Le prochain sommet Afrique-France qui s’y tiendra sera l’occasion de témoigner du chemin parcouru depuis lors.

C’est le Président de la République qui a pris les décisions lucides et courageuses d’engager nos armées sur les théâtres extérieurs au nom des valeurs universelles que nous portons et des intérêts qui sont les nôtres. C’est lui, aussi, qui a donné à nos armées les ressources nécessaires à l’accomplissement de leurs missions.

M. Laurent Furst. Mais c’est un bilan, pas un programme !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Pour la première fois depuis des décennies, monsieur le ministre de la défense, leurs effectifs ont été rehaussés, comme en témoigne le budget de votre ministère pour 2017. (« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Protéger les Français, c’est aussi agir à l’échelle de l’Europe. Je suis un Européen convaincu, mais je suis aussi un Européen exigeant.

M. Jacques Myard. Pas mal !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Nous devons porter sur l’Europe un diagnostic juste, qui soit sans complaisance. Car le Brexit n’est pas simplement une crise de plus. C’est l’expression de l’immense crise de confiance des peuples vis-à-vis du projet européen. L’Europe à laquelle je crois, c’est une Europe qui protège, qui investit, qui innove. C’est une Europe qui prépare l’avenir.

Depuis 2012, en lien constant avec l’Allemagne, la France porte un agenda exigeant dans le domaine de la sécurité du continent. L’agence Frontex, avec ses garde-côtes et ses garde-frontières, est montée en puissance. Ses budgets et ses effectifs ont été augmentés. Nous finalisons actuellement, en lien avec nos partenaires européens, la révision du code Frontières Schengen.

L’Europe doit apporter des réponses plus efficaces à la crise migratoire, en conjuguant davantage qu’elle ne le fait solidarité et responsabilité. La solidarité, c’est celle qui lie tous les États membres dans la mise en œuvre des décisions prises par l’Union pour relocaliser et réinstaller les réfugiés. La responsabilité suppose que les États de première entrée des migrants prennent toutes les mesures, avec le soutien de l’Union européenne, pour assurer l’accueil des réfugiés et le retour de ceux qui n’ont pas vocation à rester sur notre continent.

En réussissant l’évacuation du campement de Calais, en procédant à la mise à l’abri des migrants qui s’y trouvaient depuis longtemps, en remplissant ses obligations devant l’Union européenne pour la relocalisation et la réinstallation des réfugiés (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain), la France a été à la hauteur du message universel que les peuples du monde ont appris à aimer d’elle.

M. Olivier Falorni. Bravo !

M. Laurent Furst. Sans demander l’avis des maires ! Belle démocratie !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. De cette tribune, je veux remercier l’ensemble des organisations gouvernementales, l’ensemble des maires de toutes les sensibilités, qui ont aidé à l’accueil des migrants de Calais (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

M. Laurent Furst. C’est honteux ! Vous ne les avez pas sollicités !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. …et qui ne se sont pas laissés séduire par les propos de ceux qui, toujours prêts à convoquer l’autorité de l’État, proposaient aux Français de manifester devant les préfectures pour s’opposer à ce que cet accueil soit possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Et, parmi les maires de France qui ont accueilli ces réfugiés,…

M. Laurent Furst. Vous l’avez imposé !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. …il y avait des maires de toutes sensibilités, qui avaient au cœur et en partage la République.

M. Laurent Furst. Respectez ces maires !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Ceux qui vocifèrent ici auraient été bien inspirés de les écouter et de suivre leur chemin. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

L’Europe doit aussi agir au service de la croissance durable et de l’emploi. Nous avons obtenu que le plan Juncker en faveur de l’investissement soit doté d’une capacité de financement de 300 milliards d’euros, qui a notamment permis de financer cinquante projets français. Nous voulons à présent porter sa capacité à plus de 500 milliards d’euros d’ici à 2020 pour développer des projets en faveur de la transition énergétique, du numérique, de la santé et de l’écomobilité.

Nous devons également protéger, au plan européen, les droits des travailleurs. Les fraudes au détachement sont délétères pour notre modèle social. Ces fraudes ruinent, mois après mois, la confiance que les salariés ont dans la capacité de l’Europe à les protéger. Elles ne sont pas acceptables.

M. Christian Jacob. Il vous a fallu cinq ans pour vous en apercevoir !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Après le succès obtenu sur la directive de 2014, nous poursuivrons le combat de la France pour obtenir une révision ambitieuse de la directive de 1996 sur le détachement des travailleurs, en traquant en particulier les sociétés boîtes aux lettres.

Mme Claude Greff. Qu’avez-vous fait depuis quatre ans ?

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Les contrôles seront renforcés pour lutter contre l’emploi illégal de travailleurs détachés.

M. Marc Le Fur. Mais qu’a fait Valls ?

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. En décembre, seront lancées les premières cartes dans le secteur du bâtiment. Tout ouvrier sur un chantier devra en posséder une, ce qui permettra de mieux contrôler les fraudes au détachement.

L’Europe, enfin, doit défendre ses intérêts dans la mondialisation. Je crois, comme beaucoup d’entre vous, à l’Europe ouverte, mais je refuse l’Europe offerte.

Les accords commerciaux doivent garantir la loyauté des échanges, la réciprocité dans l’accès aux marchés publics, la prise en compte des normes sociales et environnementales. C’est d’ailleurs pour cela que nous avons clairement dit non au traité transatlantique. C’est aussi pour cela que nous avons accepté l’accord avec le Canada, qui a fait droit à toutes nos demandes.

Protéger est indispensable, mais je veux aussi continuer à réformer pour poursuivre le redressement de notre pays.

Depuis 2012, l’économie française se redresse. Nos entreprises sont plus compétitives :…

M. Patrice Verchère. Mais alors, pourquoi François Hollande ne se représente-t-il pas ?

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. …240 000 emplois marchands ont été créés depuis un an et demi. La pauvreté et les inégalités ont été réduites. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.) Nos mesures ont contribué à augmenter le niveau de vie des ménages les plus modestes.

M. Philippe Cochet. On voit le résultat !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Celui des classes moyennes a été préservé. Je veux à mon tour poursuivre les réformes engagées par les gouvernements de Jean-Marc Ayrault et de Manuel Valls pour assainir nos finances, restaurer notre compétitivité, lutter contre le chômage et construire de nouveaux droits pour les Français.

Réduire les déficits, c’est préserver notre souveraineté et notre capacité à faire des choix économiques. Le déficit reviendra sous la barre des 3 % en 2017, comme l’a reconnu la Commission européenne. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.) Ce n’était pas arrivé depuis 2008 mais, pour que ce résultat soit durable, nous devons poursuivre l’action engagée.

Mme Claude Greff. Ne poursuivez pas trop : il vaut mieux que vous partiez !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Renforcer la compétitivité de nos entreprises, c’est aussi soutenir la croissance et l’emploi. Depuis 2012, par l’effet du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi et du pacte de responsabilité et de solidarité, 40 milliards d’euros ont été consacrés chaque année à renforcer notre appareil productif. Les entreprises du secteur industriel ont retrouvé le niveau de marges du début des années 2000. Et le coût du travail dans l’industrie est désormais plus faible en France qu’en Allemagne.

Le CICE sera donc renforcé à compter de janvier, avec un taux porté à 7 %. Le taux normal de l’impôt sur les sociétés sera progressivement ramené à 28 %, d’abord pour les petites et moyennes entreprises – PME –, puis pour l’ensemble des entreprises. Ce taux, je le rappelle, correspond exactement à la moyenne des taux d’imposition dans la zone euro.

Nous devons aussi continuer à soutenir l’investissement des entreprises. C’est là la vocation de la Banque publique d’investissement que nous avons créée, et dont le succès est unanimement reconnu.

C’est pourquoi j’engagerai aussi, pour l’investissement, pour la croissance, pour la compétitivité, 10 milliards d’euros dans le troisième volet du programme d’investissement d’avenir. Ce programme sera organisé de manière plus souple et devra dynamiser les secteurs industriels les plus porteurs, jusqu’alors peu couverts, comme l’agroalimentaire, les industries de sécurité, le tourisme et le développement durable.

Le Gouvernement fera aussi, dès cet hiver, des propositions pour mieux accompagner les très petites entreprises – TPE – et les PME dans la transition numérique. Des ressources en ligne et un accompagnement humain seront mis en place pour les entreprises qui voudront bénéficier d’un diagnostic et financer leurs projets avec une participation de l’État.

Lutter contre le chômage restera évidemment la priorité du Gouvernement. Le Président de la République l’a rappelé il y a quelques jours, notre politique commence à porter ses fruits.

M. Laurent Furst. Dans cinq mois, tout est réglé !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Le nombre de demandeurs d’emploi inscrits chez Pôle emploi a baissé de 101 700 depuis le début de l’année et le taux de chômage mesuré par l’INSEE est revenu à son niveau de la fin de 2012.

M. Philippe Cochet. Quel succès !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Cette évolution doit être amplifiée. L’une des clés du retour au plein emploi, c’est la formation des demandeurs d’emploi. J’ai donc décidé que le plan portant sur 500 000 formations supplémentaires, lancé en 2016, serait prolongé pour au moins un semestre, afin d’offrir une formation à ceux qui en ont le plus besoin. (« C’est bon pour les statistiques ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.) L’État, les régions, les partenaires sociaux, j’en suis convaincu, seront au rendez-vous de cette mobilisation.

Début janvier, nous engagerons également l’expérimentation « zéro chômeur de longue durée » dans dix territoires. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Cette expérimentation, qui est issue d’une initiative parlementaire que je veux saluer, permettra d’accompagner des demandeurs d’emploi de longue durée. Nous en attendons beaucoup.

Assainir et renforcer l’économie française nous a donné les moyens d’améliorer la vie des Français à travers de nouveaux dispositifs comme la Garantie jeunes, la prévention de la pénibilité, le compte personnel d’activité, le pouvoir d’achat ou le logement social.

M. Guy Geoffroy. C’est un catalogue, pas un programme !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Dès le 1er janvier 2017, le Gouvernement généralisera la Garantie jeunes, qui s’adresse aux jeunes les plus précaires, sans emploi ni formation. Ce parcours d’accompagnement vers la formation et l’emploi est assorti d’une allocation de 460 euros. C’est la vie de ces jeunes de moins de 25 ans qui va changer, car auparavant ils n’avaient droit à aucune aide.

M. Charles de La Verpillière. Donnez-leur du boulot !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Par ailleurs, en 2017, 210 000 apprentis de moins de 21 ans percevront une aide exceptionnelle de 335 euros.

Le compte de prévention de la pénibilité apportera une réponse forte à l’injustice que constitue l’inégalité face à la vie et à la mort résultant du métier exercé. D’ores et déjà, en 2016, un demi-million de salariés ont bénéficié du droit de se former pour sortir de la pénibilité, ou de partir plus tôt en retraite. En 2017, ils seront encore plus nombreux. C’est là une avancée fondamentale pour ceux qui ont exercé les métiers les plus durs.

Le compte personnel d’activité engage une révolution de notre modèle social. Au fil de sa carrière, chacun accumulera des droits et pourra décider de leur utilisation pour la formation, l’accompagnement dans un projet de création d’entreprise, un bilan de compétences, le passage au temps partiel ou le départ anticipé pour ceux qui auront occupé les emplois plus pénibles. C’est là, mesdames, messieurs les députés, un chantier immense. C’est là une nouvelle protection adaptée à notre temps.

Nous avons agi pour la justice sociale en baissant à quatre reprises les impôts des classes moyennes et des retraités modestes. En 2017, ce sont plus de 5 millions de ménages qui bénéficieront d’une baisse supplémentaire de 1 milliard d’euros de leur impôt sur le revenu, notamment les retraités les plus modestes. En 2017, nous irons plus loin encore…

M. Yves Fromion et M. Laurent Furst. Vers la sortie !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. …que nous ne l’avons été dans la protection des plus pauvres. Au total, depuis 2012 – et vous pouvez, mesdames, messieurs les députés de la majorité, en être fiers –, nous aurons procédé à une revalorisation exceptionnelle de 10 % du revenu de solidarité active, de 25 % des prestations familiales des parents isolés et de 50 % des prestations pour les familles les plus nombreuses. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.– Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.) Certains, sur ces bancs, qualifient cette politique d’assistanat. J’y vois pour ma part la nécessaire solidarité qui fonde notre pacte républicain et à laquelle les Français, je le sais, sont profondément attachés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Nous poursuivrons notre mobilisation pour le logement. Le nombre de logements mis en chantier cette année est le plus élevé depuis dix ans. (« C’est faux ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.) Le projet de loi « Égalité et citoyenneté », qui sera adopté à la fin de l’année, favorisera l’accès à un logement abordable pour tous, ainsi que la mixité sociale dans l’habitat et dans les quartiers. Avec 150 000 logements sociaux prévus, la programmation de l’année est la plus importante qu’ait connue notre pays depuis longtemps.

Nous avons engagé le redressement du pays et nous l’avons fait avec le souci de la justice. Ce gouvernement continuera sans relâche à se battre…

M. Laurent Furst. Pas longtemps !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. …pour notre modèle social. La répartition juste de l’effort, c’est ce qui scelle le pacte républicain. L’État qui protège, c’est ce qu’incarne notre engagement pour le pouvoir d’achat des Français comme pour le logement des plus fragiles.

Enfin, nous devons préparer l’avenir, en amplifiant les réformes stratégiques engagées depuis 2012 pour la transition énergétique, pour l’agriculture et la pêche, pour la politique territoriale, pour l’éducation et la recherche.

Mme Claude Greff. Quel catalogue !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Préparer l’avenir, c’est d’abord réussir la mutation écologique. En accueillant la COP21, en vous proposant de bâtir et de voter la loi relative à la transition énergétique, la France s’est placée à l’avant-garde de la protection de la planète et de la croissance verte. Dès le mois de janvier, l’Agence française de la biodiversité sera à pied d’œuvre.

Beaucoup reste à faire. Nous devons continuer à décarboner notre économie, pour la rendre plus durable, plus innovante et plus compétitive.

M. Laurent Furst. Et la désocialiser !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Nous devons soigner nos villes, protéger la qualité de l’air et la santé de nos concitoyens. Nous avons mesuré ces derniers jours les conséquences qu’entraîne dans nos aires urbaines la présence de trop nombreux véhicules diesel d’ancienne génération.

M. Laurent Furst. Et celle de trop nombreux ministres ?

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. C’est pour cela que, comme l’a annoncé samedi la ministre de l’environnement, mon gouvernement renforcera son soutien à la conversion du parc automobile vers la propulsion électrique.

M. Laurent Furst. Comme à Cuba ?

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Notre chaîne énergétique doit être consolidée. Notre parc nucléaire est un bien public précieux. Nous le surveillons de près (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains), mais nous développerons aussi les énergies renouvelables. Nous continuerons à soutenir l’effort de rénovation énergétique de l’habitat, pour diminuer nos consommations et pour donner plus de confort et de pouvoir d’achat aux Français. Pour le parc de logements privés, les subventions de l’Agence nationale de l’habitat ont atteint cette année des niveaux inégalés. Pour le logement social, les prêts à 0 % de la Caisse des dépôts permettront aux organismes HLM de multiplier les travaux d’efficacité énergétique dans tout le pays.

M. Yves Fromion. Pourquoi Hollande ne se représente-t-il pas, avec un tel bilan ?

M. le président. S’il vous plaît !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Toutes les décisions qui peuvent être prises pour développer les transports en commun le seront. En Île-de-France, nous devons soulager des réseaux saturés : le chantier d’extension du RER E vient de démarrer. D’autres villes, comme Marseille, continueront à être accompagnées ; nous les aiderons à trouver des solutions de mobilité durable.

M. Jean-David Ciot. Très bien !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Nous serons les partenaires des collectivités territoriales qui le souhaiteront, pour innover et adapter les cadres réglementaires.

Construire un modèle de développement plus durable, c’est une responsabilité qui nous engage face aux générations futures. Chaque secteur de notre économie doit pouvoir y contribuer pleinement.

Préparer l’avenir, c’est aussi amener les secteurs de l’agriculture et de la pêche à faire face à de nouveaux enjeux. Notre agriculture contribue fortement à notre balance commerciale ; mais tous les grands secteurs de l’agriculture ont subi ces deux dernières années des crises économiques ou sanitaires. Dans des délais très brefs, en lien permanent avec la profession, nous avons mis en œuvre des plans de soutien nationaux et un plan de refinancement et de consolidation des entreprises agricoles. Pour le secteur de l’élevage en crise, nous avons su convaincre l’Union européenne, grâce à l’engagement sans faille du ministre de l’agriculture (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.– Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains), de mettre en place des dispositifs communautaires de régulation des marchés.

Je souhaite également, mesdames, messieurs les députés, que l’agriculture soit en mesure de participer à une économie moins dépendante du carbone fossile et qu’un plan en faveur de la bio-économie soit établi pour développer les biomatériaux, la production d’énergie renouvelable et la chimie du vivant.

La pêche française bénéficie actuellement d’une conjoncture favorable, qui permet de renouveler les outils de pêche. Je connais toutefois les inquiétudes que suscite chez les pêcheurs français la perspective du Brexit. Je veux qu’ils sachent que mon gouvernement sera pleinement mobilisé pour défendre leurs intérêts, comme il l’a toujours fait depuis 2012. En outre, nous allons créer une véritable filière maritime, comme celles qui ont fait la fierté de la France pour l’énergie ou pour l’espace, dans laquelle la pêche aura naturellement toute sa place.

Préparer l’avenir, c’est aussi dynamiser nos territoires. Le regroupement des régions a conforté leur capacité à investir dans des équipements et des projets structurants. (« C’est faux ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Les quinze métropoles déjà constituées, celles qui le seront demain à la suite du projet de loi relatif au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain que votre assemblée va examiner cette semaine, auront les moyens de créer des richesses, de rayonner à l’international et d’entraîner derrière elles d’autres territoires. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Claude Goasguen. Vous plaisantez !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Je l’ai vu à Lyon ; je l’ai vu à Bordeaux où la recherche universitaire, l’industrie, les collectivités s’unissent dans une même ambition d’innovation.

Les nouvelles intercommunalités, qui seront opérationnelles au 1er  janvier 2017, vont pouvoir développer l’investissement public local, grâce à la mutualisation de leurs services. Pour soutenir leurs investissements, nous allons augmenter le fonds de soutien aux investissements locaux et la dotation aux équipements des territoires ruraux, à hauteur de 1,2 milliard d’euros. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.– Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Yves Fromion. Vous continuez à baisser les dotations !

M. Laurent Furst. Cela représente 12,5 milliards d’euros en moins !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Mais la réforme territoriale a aussi pour ambition de renforcer la solidarité entre les territoires. Les contrats de ruralité viennent soutenir cette ambition, en complément des contrats de plan État-région et des pactes métropolitains d’innovation. Pour les quartiers sensibles des villes, nous poursuivrons le déploiement du nouveau plan de rénovation urbaine.

L’atout des territoires, c’est aussi leur identité, leur histoire, leur culture, parfois leur insularité. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Éric Straumann. Ne parlez pas d’identité !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Nous les prenons en compte, dans le cadre de la République, en créant la collectivité unique de Corse. Nous les prenons en compte outre-mer, à travers le projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer, qui a été adopté à une très large majorité par l’Assemblée nationale et qui sera examiné par le Sénat au début de l’année 2017, pour être définitivement adopté avant la fin de la législature.

La force de nos territoires, c’est leur capacité à profiter de la révolution numérique. Le Président de la République a fixé un cap : 100 % de la population en très haut débit d’ici à 2022 et 50 % dès la fin 2017. Cet objectif intermédiaire sera atteint avant la date prévue.

M. Éric Straumann. Pourquoi ne se représente-t-il pas, alors ?

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Cent départements sont impliqués dans le plan « France très haut débit », qui est le plus grand plan d’infrastructures de cette décennie, avec 20 milliards d’euros d’investissements et 30 000 emplois directs créés.

Préparer l’avenir, c’est investir dans l’éducation, c’est investir dans la culture, c’est investir dans la science.

M. Yves Fromion. Même le Père Noël n’aurait pas osé !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. L’école est au cœur du projet républicain. Elle est le lieu de formation du citoyen. Elle doit tenir sa promesse de promotion par le mérite. Or, trop de jeunes quittent encore le système scolaire sans diplôme et notre système demeure trop inégalitaire.

Pour enrayer cette mécanique, la loi de refondation de l’école a été adoptée en 2013. Elle donne davantage de moyens à ceux qui en ont le plus besoin ; elle forme et valorise davantage les équipes enseignantes et éducatives.

M. Philippe Meunier. Tu parles ! Quelle catastrophe !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. En 2015, l’éducation nationale est redevenue le premier poste budgétaire de l’État. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) La création de 60 000 postes, là où il en avait été détruit 80 000, couvrant tous les métiers de l’éducation, a été engagée sur l’ensemble du quinquennat. En 2017, nous conforterons les lycées professionnels où nous créerons 500 000 nouvelles formations, sur les métiers d’avenir.

La culture est un autre élément fondamental de liberté et d’émancipation. Parce que l’inégalité dans l’accès à la culture se noue dès le plus jeune âge, le Gouvernement a commencé à donner corps à l’ambition d’une véritable éducation artistique et culturelle à l’école, à travers l’opération « Création en cours ». Dès le début de l’année prochaine, 100 artistes seront invités en résidence dans les écoles et les collèges.

Mme Claude Greff. En cinq mois, vous allez faire tout ça ?

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. L’effort que nous avons engagé au bénéfice de l’enseignement supérieur et de la recherche a permis à 40 000 étudiants supplémentaires d’entrer chaque année dans nos universités. Le budget des bourses a été augmenté de 500 millions d’euros depuis 2012. Aujourd’hui, un étudiant sur trois bénéficie d’une bourse sur critères sociaux. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Claude Goasguen. Oh, assez !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Ce n’était pas le cas à l’époque où cette minorité vociférante exerçait la responsabilité du pouvoir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.– Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Marcel Rogemont. Excellent !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Nous allons poursuivre la politique de construction de pôles d’excellence de niveau mondial financés par le programme des investissements d’avenir. Je pense aux pôles d’excellence créés à Bordeaux, à Aix-Marseille, à Strasbourg, ainsi qu’à ceux qui doivent aboutir à Paris, à Saclay, à Grenoble et à Nice.

Pour soutenir l’enseignement supérieur, pour donner à la recherche française la place la plus éminente dans la compétition scientifique internationale, l’effort budgétaire annuel devra se situer durablement autour de 1 milliard d’euros. Seul un tel investissement permettra à la fois d’accompagner l’autonomie des établissements, d’améliorer l’accueil des bacheliers dans l’enseignement supérieur et de maintenir notre recherche au plus haut niveau. Cette ambition sera au cœur des priorités des prochains mois.

M. Alain Marty. Il reste quatre mois !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Enfin, je voudrais rappeler l’importance stratégique que présente la candidature de Paris à l’organisation des Jeux olympiques de 2024 et à l’Exposition universelle de 2025. Bien entendu, je m’impliquerai personnellement et avec mon gouvernement dans cette double bataille afin d’aider notre capitale à gagner. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Goujon. Faut faire vite, alors !

M. le président. S’il vous plaît !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Monsieur le Président, mesdames, messieurs les parlementaires, j’ai évoqué les crises que doit affronter notre société et les dangers qui menacent notre pays car, dans les épreuves, j’ai vu le pays de près. J’ai vu sa force, j’ai vu son courage, j’ai vu ses ressources presque infinies de sang-froid, de lucidité, de volonté et de fraternité. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) J’ai vu une nation digne dans le deuil. J’ai vu la sincérité des Françaises et des Français dans la compassion. J’ai puisé de la force dans cette volonté farouche de notre peuple de résister face à ceux qui souhaitaient l’atteindre. J’ai vu son attachement aux valeurs de la démocratie et à la devise de la République. Je parle de cet amour de la France, qui transcende toutes les origines, toutes les cultures, toutes les religions, qui devrait transcender tous les partis et, lorsqu’il y a un débat de cette nature, nous conduire à être dans le respect les uns des autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme Brigitte Allain. Très bien !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Mesdames, messieurs les députés, notre pays est un grand pays. Une fois encore, il s’est montré capable de résister à la violence déchaînée contre lui par le terrorisme, sans céder à la panique, ni à la haine, ni à la tentation d’un lâche renoncement aux valeurs et aux vertus qui le fondent. Une fois encore, il a suscité, au-delà de la sympathie, l’admiration de ses amis, partout dans le monde, ses amis qui ont senti qu’en s’attaquant à la France, le terrorisme s’en prenait à eux-mêmes et à leur propre liberté.

Mme Claude Greff. Oh là là !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Une fois encore, notre pays a su se rassembler, surmonter ses divisions, comprendre que ce qui unit les Français est infiniment plus fort que ce qui les sépare – car la France n’est jamais plus grande et plus unie que dans l’épreuve.

Mais les ressources de notre peuple ne se révèlent pas seulement dans les circonstances douloureuses ou dramatiques. La volonté de créer et d’être utile, la persévérance dans l’effort, la solidarité, sont des vertus qui s’exercent quotidiennement, sans bruit, dans les entreprises, dans les administrations, dans les associations, dans les universités et les laboratoires. Ce sont les atouts d’une société vivante et solidaire, qui me semble très différente du portrait désabusé qu’en font les polémistes et les prophètes du déclin. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Si notre pays se redresse, jour après jour, c’est bien sûr parce que cette majorité a engagé les réformes nécessaires pour préparer l’avenir. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.) Mais c’est avant tout, mesdames et messieurs les députés, parce que les Français eux-mêmes ont la volonté de progresser, de travailler, de créer, de s’entraider (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. – Exclamations sur quelques bancs du groupe Les Républicains) et ne demandent à leurs élus, quelles que soient leurs préférences partisanes, que de les soutenir dans leur dessein de bâtir cette France plus forte, plus belle et plus juste à laquelle ils aspirent, pour eux-mêmes et pour leurs enfants. Je veux parler de cette France qui est profondément en nous, de cette France qui est nous, de cette France qui doit nous réconcilier avec l’espérance.

M. Jean-Paul Bacquet. Très bien !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Je me présente donc devant vous aujourd’hui avec un engagement, celui de faire de chaque journée une journée utile à notre pays ; celui de mettre en œuvre sans délai chacune des mesures que cette assemblée a décidées ; celui de contribuer, par l’action de ce gouvernement, au confortement de notre pacte républicain ; celui de défendre et de faire vivre la laïcité, ce joyau qui rend possible notre vivre ensemble ; celui, enfin, de placer au cœur de mon action, mesdames et messieurs les députés, la notion de respect : le respect qui proscrit le cynisme, qui proscrit le mensonge, qui proscrit les postures, la violence, les outrances (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain) ; le respect que l’on doit à l’enseignant, à l’infirmière, au policier, aux acteurs et aux serviteurs du bien commun (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains) ;…

M. Yves Fromion. Aux électeurs !

M. le président. Mes chers collègues, s’il vous plaît.

M. Claude Goasguen. À l’opposition !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. …le respect que l’on doit à l’ouvrier, à l’artisan, au commerçant, au paysan, à tous ceux qui produisent et qui entreprennent ; le respect que l’on doit aussi, mesdames et messieurs les députés, à ceux qui ne sont pas nés ici mais qui ont choisi la France, respectent ses lois et contribuent, par leur travail, par leur talent, à sa prospérité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

L’engagement que je prends devant vous, c’est d’être à chaque instant dans le respect de l’opposition (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains), de ne jamais chercher les vaines querelles, de ne jamais convoquer les basses polémiques (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain), et d’être dans un comportement qui rehausse la politique, car les Français, qui nous voient, sont aussi les Français qui nous jugent. (Mêmes mouvements.)

L’engagement que je prends, c’est de chercher à nous montrer chaque jour à la hauteur des ambitions de nos concitoyens, en s’adressant à leur intelligence – et non, comme vous le faites, mesdames et messieurs les députés de l’opposition, à leurs instincts (Nouveaux applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains) –,…

M. Yves Fromion. Et le respect ?

M. Laurent Furst. Bravo pour le respect !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. …en leur proposant des débats dignes et des choix clairs. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

La campagne pour l’élection présidentielle devra proposer des débats de fond et mettre en lumière les différences de conception, celles qui nous opposent les uns aux autres. Pour convaincre les Français de la justesse de nos choix, je veux consolider, conforter et amplifier l’action engagée par la majorité depuis 2012 ; parce que cette majorité s’est employée à redresser l’économie et les comptes publics, qu’elle a renforcé notre modèle social et préparé l’avenir de notre pays, à travers l’école, les territoires, le numérique et la transition énergétique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. – Exclamations sur quelques bancs du groupe Les Républicains.)

À cette tribune, devant les représentants de la nation, je songe à celui qui fut l’un des hommes les plus admirables qui ait siégé dans cet hémicycle. Je pense à Jean Jaurès (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. – Exclamations sur quelques bancs du groupe Les Républicains) et à l’exigeant message qu’il délivra aux élèves du lycée d’Albi, un jour de 1903.

Un député du groupe Les Républicains. Et Cahuzac ?

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Ce jour-là, Jaurès, qui avait quarante-cinq ans et venait d’être réélu député de Carmaux, s’est adressé à la jeunesse de France et, par-delà le temps, à nous tous. Et voici ce qu’il nous a dit : « Le courage, c’est de se donner aux grandes causes sans savoir quelle récompense réserve à notre effort l’univers profond, ni s’il lui réserve une récompense. »

Mesdames et messieurs les députés, l’engagement ne se compte pas en mois, ni le dévouement en semaines.

Mme Claude Greff. Mais vous n’êtes là que pour cinq mois !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. L’engagement et le dévouement ne cherchent pas la récompense. Ils s’estiment en réformes poursuivies, en actions menées, en progrès accomplis. Dans les mois qui sont devant nous, je vous propose de nous consacrer aux grandes causes. Et il n’en est pas de plus grande que de servir notre pays. (Mmes et MM. les députés du groupe socialiste, écologiste et républicain se lèvent et applaudissent longuement. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. Nous allons maintenant entendre les porte-parole des groupes.

La parole est à M. Christian Jacob, pour le groupe Les Républicains. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains. – Huées sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mes chers collègues, les débats se sont plutôt bien déroulés jusqu’à présent : essayons de continuer dans le même climat…

(Plusieurs membres du groupe socialiste, écologiste et républicain se lèvent et quittent l’hémicycle. – Huées sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Christian Jacob. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, le général de Gaulle a offert à la France des institutions et une constitution d’une solidité absolument extraordinaire.

M. Laurent Furst. Heureusement !

M. Christian Jacob. Cette solidité a permis à notre pays de traverser de graves crises sans que jamais la conduite de l’État n’en souffre. Avez-vous conscience, monsieur le Premier ministre, que si vous êtes là, devant nous, ce n’est certainement pas grâce à la cohésion de votre majorité, ni grâce à vos talents personnels, mais par la grâce des institutions de la VRépublique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains. – Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Dès que M. le Premier ministre aura fini de lire ses textos, nous pourrons continuer… (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain, dont plusieurs membres quittent à leur tour l’hémicycle. – « Le respect, le respect ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues. Tout le monde a compris, je vous invite maintenant à rester silencieux pour écouter M. Jacob.

M. Jean-Claude Perez. Il est sectaire !

M. Christian Jacob. La logique constitutionnelle veut qu’un chef de gouvernement ait deux légitimités, celle qui émane du Président de la République et celle qui émane de la majorité parlementaire. Il est arrivé que des premiers ministres ne possèdent que l’une de ces deux légitimités, mais jamais qu’il n’en ait aucune. Or c’est bien la situation, inédite, insolite et, pour tout dire, un peu pathétique dans laquelle vous êtes, monsieur le Premier ministre. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains.)

M. Jean Launay. Attendez le résultat du vote !

M. Christian Jacob. Nous ne doutons pas que vous aimiez notre pays, que vous aimiez l’État et la République, et que, par conséquent, comme l’immense majorité des Français, vous ayez un peu honte du spectacle délétère que la gauche de gouvernement donne au pays depuis quinze jours. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.) Il est insupportable, parce que nous parlons de la France et de son image, que certains, comme vous, tentent de faire croire à nos concitoyens que François Hollande a pris une décision aussi courageuse qu’élégante ou estimable. De qui se moque-t-on ? Il a pris la seule décision qu’il pouvait prendre, celle de la fuite en rase campagne (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains), de la reddition sans conditions, en un mot de la démission pure et simple,…

M. Jean-Claude Perez. Quel niveau !

M. Christian Jacob. …sous les coups de boutoir d’un Premier ministre qui, il faut bien le dire, l’a trahi.

Le Président de la République, et on le comprend, ne pardonnera pas à celui qui lui a donné le dernier coup de poignard. Pourriez-vous, monsieur le Premier ministre, m’affirmer droit dans les yeux que ce n’est pas la vérité ? Non, et vous le savez très bien. François Hollande aurait pu être destitué pour bien d’autres raisons. Mais, en dernier ressort, c’est son Premier ministre qui l’a destitué, enivré, aveuglé qu’il était par l’image que son beau miroir lui renvoie de lui-même.

Si je rappelle ces faits précis, bruts et presque tragiques, c’est pour mettre en lumière ce qui restera sans doute comme l’une des fautes majeures du Président de la République et de votre majorité : avoir abîmé profondément nos institutions. (« Eh oui ! » sur quelques bancs du groupe Les Républicains.) Oui, monsieur le Premier ministre, le spectacle affligeant de ces derniers jours a abîmé la République, et il n’est que l’ultime acte d’un quinquennat de tous les échecs.

Vous avez tenté, dans un exercice un peu désespéré, de vous accrocher à une déclaration de politique générale. Une déclaration de politique générale à cinq mois de la fin de la partie, cela, personne ne l’avait imaginé ni même essayé. Vous, vous n’avez pas reculé devant le ridicule, sans d’ailleurs tromper personne. Votre discours n’était évidemment pas une déclaration de politique générale mais, à certains égards peut-être, un discours d’adieu, parce que votre obsession, maintenant, c’est de vous racheter et de repeindre un bilan qui n’est pas, qui ne sera jamais défendable.

M. Alain Fauré. Le vôtre, en revanche, est fantastique !…

M. Christian Jacob. Ce quinquennat ne mérite aucune oraison. Il ne mérite qu’une critique sévère, implacable et cinglante. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.) Ce réquisitoire puise ses fondements dans le commencement même du quinquennat et, pour être plus précis encore, dans ses préliminaires. Je sais, et je comprends, que cette critique vous blesse, comme le fait toujours la vérité.

Votre quinquennat, monsieur le Premier ministre, a commencé par un mensonge, celui de l’élection de François Hollande (Exclamations sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain), qui a dupé le pays et a bâti sa campagne sur des caricatures indignes ; car, vous le voyez bien avec le recul et à la lumière de ce qu’est votre exemple, le couple exécutif, entre 2007 et 2012, a tenu le cap de la première à la dernière seconde. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) Avec Nicolas Sarkozy et François Fillon, les institutions ont été respectées du premier au dernier jour, ce qui n’a pas été le cas avec vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains. – Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) De 2007 à 2012, notre majorité est restée unie, soudée et cohérente autour du Premier ministre. Cela n’a jamais été le cas dans votre camp : jamais ! (Mêmes mouvements.)

Vient maintenant le moment de vous rafraîchir la mémoire, monsieur le Premier ministre, tout heureux que vous semblez être de loger à Matignon pour quelques semaines. Oui, je vais vous rafraîchir la mémoire, car vous êtes aussi responsable de ce bilan désastreux et de la Bérézina hollandaise. Vous avez été en charge des comptes publics, avec le succès que l’on sait. Vous avez été en charge de la sécurité des Français, là aussi avec le succès que l’on sait. (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Qui est responsable de l’anarchie des « Nuits debout », en plein état d’urgence ? Vous, monsieur le Premier ministre !

Mme Catherine Lemorton et M. Philippe Martin. Minable ! C’est honteux !

M. Christian Jacob. Qui est responsable des actes odieux des casseurs contre l’hôpital Necker ? C’est vous encore, monsieur le Premier ministre ! Qui est le Premier ministre qui a dû subir des mouvements de désobéissance des policiers nationaux, qui continent d’ailleurs aujourd’hui ? Qui, à peine nommé Premier ministre, a posé un genou à terre devant les zadistes de Notre-Dame-des-Landes ? Qui a refusé toutes les propositions que nous avons faites pour bâtir une législation d’exception de lutte contre le terrorisme islamique, pour neutraliser les individus de retour du djihad, pour neutraliser les fichés S les plus radicaux, pour que nos prisons cessent d’être les fabriques d’un islam radical qu’elles sont devenues ? C’est vous, monsieur le Premier ministre, qui êtes responsable de toute cela ! Nous continuons à penser que votre aveuglement est une faute, d’autant que vous savez mieux que quiconque l’intensité de la menace qui pèse sur la France.

Il y a un domaine où votre responsabilité est moins engagée, c’est celui de l’échec économique et social des gouvernements Ayrault et Valls. Elle est certes moins engagée, mais vous n’êtes pas moins comptable de cet échec collectif. Et vous ne partirez pas par la petite porte, comme le Président de la République (« Très bien ! » sur quelques bancs du groupe Les Républicains. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain), sans rendre des comptes sur ce bilan.

M. Jean-Claude Perez. Aucun doute, M. Jacob a écrit lui-même son discours !

M. le président. Monsieur Perez, s’il vous plaît.

M. Christian Jacob. Ce bilan, c’est d’abord l’explosion du chômage, avec 700 000 chômeurs de plus, un taux de chômage très supérieur à la moyenne de nos partenaires et un chômage qui touche un jeune sur quatre de moins de vingt-cinq ans. Vous aviez fait de la jeunesse votre priorité, et c’est peut-être votre principal échec.

En sacrifiant l’apprentissage sur l’autel de votre idéologie, vous avez éloigné encore davantage de jeunes Français de l’emploi. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains. - Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Revenus au pouvoir, nous ferons de l’apprentissage une priorité : on ne peut en effet continuer à envoyer des générations de jeunes dans le mur du chômage de masse, alors qu’avec l’apprentissage, en ayant en main un métier manuel et technique, on assure un taux de placement sans équivalent dans nos entreprises, quelle que soit leur taille, chez nos artisans ou dans notre industrie.

Oui, pour nous, c’est bien le travail qu’il faut réhabiliter en libérant les énergies et en abandonnant cette masse de normes qui entravent les chefs d’entreprises, les indépendants, les agriculteurs comme les professions libérales.

L’urgence commande également de baisser le coût du travail.

M. Philippe Martin. Et allez !

M. Marc Goua. Il sait de quoi il parle.

M. Christian Jacob. Naturellement, il faut faire sauter le verrou des trente-cinq heures qui depuis vingt ans tire le pays vers le bas. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

La France ne sortira pas du piège du chômage et ne redeviendra pas une grande nation industrielle si elle ne travaille pas davantage. Votre bilan, c’est en effet aussi le cercle vicieux de la dette, du déficit et de l’impôt. (Rires sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Vous avez privilégié, avec méthode et même avec cynisme, des impôts confiscatoires qui ont frappé les classes moyennes. Celles-ci ont donc subi la sur-concentration de l’impôt à laquelle se sont ajoutées la baisse du quotient familial, la suppression des allocations familiales ainsi que la fiscalisation absolument inique des complémentaires de santé.

M. Philippe Martin. Et les assurances privées ?

M. Christian Jacob. Bref, vous ne leur avez rien épargné.

Vous avez même poussé certains de nos concitoyens qui appartiennent à ces mêmes classes moyennes vers les extrêmes. Ce faisant, vous avez nié cette évidence : les Français ne supportent plus que le fruit de leur travail soit confisqué au moment même où les vannes de l’assistanat sont grandes ouvertes avec le revenu de solidarité active, le RSA, la protection universelle maladie, l’aide médicale d’État ou le tiers payant généralisé. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain – Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Très bien !

M. Alain Fauré. C’est toi qui es assisté !

M. Christian Jacob. Notre devoir, demain, sera de rétablir une équité de traitement et de récompenser, car ils rendent notre pays plus riche, le travail de celles et ceux qui produisent de la valeur ajoutée. En un mot, nous cesserons de toujours prendre aux mêmes et de donner à ceux qui profitent du système ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Un député du groupe Les Républicains. Eh oui !

M. Christian Jacob. Notre devoir sera de rompre avec le matraquage des familles comme avec cette politique qui leur est volontairement opposée : elle s’avère en effet tellement brutale qu’elle commence déjà à produire des effets négatifs sur la natalité. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain ainsi que sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Mme Marie-Françoise Clergeau. Ce n’est pas vrai !

M. Christian Hutin. C’est risible !

M. le président. Mes chers collègues, vous ne pensiez tout de même pas que Christian Jacob allait soutenir le Gouvernement ?

Par conséquent, je vous prie de retrouver un peu de calme.

M. Christian Jacob. Comprenez-nous bien, monsieur le Premier ministre, ce qui nous sépare irrémédiablement, c’est que nous pensons que les enfants, tous les enfants, d’où qu’ils viennent et quel que soit leur milieu d’origine, ont les mêmes droits car ils sont la richesse de la France de demain. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

Nous rebâtirons une politique familiale juste, qui n’oubliera aucun des enfants de France.

Votre bilan, c’est également une politique du logement incohérente et dangereuse.

M. Jean-François Mancel. Ah ça, oui !

M. Christian Jacob. Compte tenu de la chute brutale de la construction depuis 2013, il faudra la reprendre de fond en comble. Tout a été fait en dépit du bons sens : les secteurs du bâtiment, de la construction et des travaux publics ont durement souffert de votre aveuglement.

Cet aveuglement idéologique a culminé avec la loi Duflot qui a montré du doigt les propriétaires comme étant des privilégiés. Or nous savons tous que pour avoir des logements à louer, il faut des propriétaires qui investissent et donc qu’au lieu de les stigmatiser, il vaut mieux les remercier et les encourager.

Votre aveuglement vous a également conduits à baisser, de façon insupportable, les dotations aux collectivités locales.

M. Laurent Furst. Ç’est ça, le respect ?

M. Christian Jacob. Cette baisse a obéré et obère lourdement l’investissement public. Votre réforme des collectivités n’a en effet consisté qu’en une pression budgétaire exercée sans aucun discernement.

Vous auriez été mieux inspirés de faire confiance aux communes de France dont les maires sont, plus que jamais, la colonne vertébrale de notre République et de ne pas supprimer le conseiller territorial qui constituait un pas en avant intelligent vers le rapprochement entre le département et la région. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ainsi que sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

Par conséquent, il nous faudra, très vite, remettre de l’ordre dans le désordre territorial que vous avez semé.

Un mot, évidemment, parce qu’elle devait également être le marqueur du quinquennat de François Hollande, de l’éducation nationale. J’ai parlé de l’apprentissage, mais que dire du bilan des trois ministres qui se sont succédé rue de Grenelle, MM. Peillon et Hamon et Mme Belkacem ?

Mme Michèle Tabarot. Ah !

M. Christian Jacob. L’avenir dira sans doute qu’ils ont formé le pire trio de ministres de l’éducation de notre histoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Alain Fauré. Il y a eu pire : François Bayrou !

M. Christian Jacob. Ils ont en effet mené une politique dogmatique s’agissant de la réforme des rythmes scolaires qui est un fiasco pédagogique.

M. Philippe Martin. Ah bon ?

M. le président. Monsieur Martin, je vous en prie.

M. Christian Jacob. Cette politique l’a également été s’agissant de la réforme des collèges. Les disciplines fondamentales – mathématiques, français et histoire-géographie – ont été affaiblies au profit d’enseignements et de pratiques interdisciplinaires qui ne sont – tous les professeurs de collèges nous le disent – qu’une supercherie.

Leur politique a également, enfin, été dogmatique s’agissant des nouveaux programmes, notamment ceux d’histoire : nous risquons vraiment, et je le dis avec gravité, de creuser un fossé entre nos enfants et l’histoire de leur pays dont des pans entiers seront occultés.

Mme Catherine Lemorton. N’importe quoi !

M. Christian Jacob. Non, monsieur le Premier ministre, la France et les Français, et tout particulièrement les plus jeunes, n’ont pas à s’excuser d’être les produits de la civilisation judéo-chrétienne. Ils n’ont pas plus à s’excuser d’être les enfants de l’esprit des Lumières ni les héritiers d’une République indivisible et laïque où le communautarisme n’a pas sa place.

M. Michel Herbillon. Très bien !

M. Christian Jacob. Vous n’avez pas le droit de travestir ni de dissimuler l’histoire de France quand elle ne correspond pas aux valeurs de la gauche. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Daniel Goldberg. Belle vision !

M. le président. Monsieur Goldberg, s’il vous plaît.

M. Christian Jacob. C’est une faute lourde : avec la future majorité, il nous reviendra de mettre fin à cette dérive idéologique et de remettre l’église au milieu du village. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain, du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

M. Christian Hutin et M. Jean-Luc Laurent. Pas l’église, la mairie !

M. Christian Jacob. Le bilan politique de François Hollande est par conséquent indéfendable.

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues.

M. Christian Jacob. D’ailleurs, personne – pas même lui – ne le défend. Personne en outre ne défend non plus le bilan éthique de celui qui avait osé, sans gêne, dire : moi président, je ferai en sorte que mon comportement soit en chaque instant exemplaire. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme Marie-Christine Dalloz et Mme Bérengère Poletti. Ah çà, on l’a bien vu !

M. Christian Jacob. En la matière, ce quinquennat a été – avec l’affaire Cahuzac ainsi qu’avec les ministres victimes de phobies administratives – une farce tragi-comique, et peut-être n’avons-nous pas encore tout vu.

M. Jean-Claude Perez. Et Balkany, il est là ?

M. Christian Jacob. Je n’évoquerai pas outre mesure les sans-dents, le scooter d’un Président au comportement inconscient ni Mademoiselle Léonarda et tout ce qu’un Président bavard n’aurait jamais dû dire, notamment en sa qualité de chef des armées. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

Je dirais simplement – même s’ils ne sont pas très nombreux – à tous les membres du Gouvernement qui sont encore présents, qu’à cinq mois du clap de fin ils ont un mérite infini à soutenir encore un chef de l’État qui a perdu les Français, qui a perdu son propre camp comme sa majorité parlementaire. Pour la première fois en effet sous la VRépublique, le groupe majoritaire s’est fracturé en deux.

Dans quelques minutes, vous ne recevrez sans doute, monsieur le Premier ministre, qu’une petite confiance, c’est-à-dire la confiance rétrécie d’une assemblée de gauche qui attend, fataliste et résignée, sa chute programmée.

Monsieur le Premier ministre, vous ne serez, pas plus que Monsieur Valls, le chef de cette majorité car pour l’être, il faudrait qu’elle existe. Vous serez seulement, pour la postérité, le plus éphémère des chefs du Gouvernement de la VRépublique, celui qui va emmener les siens à une débâcle qui sera, je vous le prédis, plus rude que celle de 1993.

M. Philippe Baumel. On peut avoir des surprises !

M. Christian Jacob. Personne ne peut parier que vos députés, qui siègent aujourd’hui sur les bancs de cette assemblée, seront plus de soixante-dix dans la prochaine. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Le temps de l’alternance approche : ce sera le temps d’une rupture profonde et d’un changement qui permettra à la France d’être vraiment présidée et vraiment gouvernée.

M. Christian Hutin. Lamentable !

M. Christian Jacob. Ce temps sera celui, tout simplement, de la grande alternance que rend possible l’extraordinaire légitimité populaire de François Fillon. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Philippe Baumel. C’est dur à dire !

M. Philippe Martin. Et Sarko ?

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues.

M. Christian Jacob. C’est à cet objectif, l’élection de François Fillon à la présidence de la République, que nous allons désormais travailler de toutes nos forces, pour lui ainsi que pour l’élection de la grande majorité parlementaire qui gouvernera demain notre pays et, par-dessus tout, pour la France. (Mmes, MM les députés des groupes Les Républicains et de l’Union des démocrates et indépendants se lèvent et applaudissent longuement.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, président du groupe de l’Union des démocrates et indépendants. Je demande aux députés qui quittent l’Hémicycle de le faire rapidement et sans gêner l’orateur.

M. Philippe Vigier. Monsieur le Premier ministre, l’ombre du renoncement de François Hollande va planer sur vous comme sur votre majorité pendant les 131 jours qui nous séparent du premier tour de l’élection présidentielle.

Un député du groupe socialiste, écologiste et républicain. Et en heures, ça fait combien ?

M. Philippe Vigier. Le nier ne servirait à rien : vous savez, en votre for intérieur, que votre nomination doit moins à vos évidentes qualités qu’au bilan désastreux de François Hollande.

Monsieur le Premier ministre, vous savez en effet, avec l’humilité et la lucidité qui vous caractérisent, que votre nomination n’est pas due à sa volonté de fixer un nouveau cap qui vous aurait permis de gouverner avec clarté, autorité et efficacité.

Non, vous le savez bien : vous ne devez votre nomination qu’à la débâcle d’un Président de la République contraint de renoncer à briguer sa propre succession parce qu’il a menti, renoncé et échoué et parce qu’il n’a cessé d’abaisser la fonction présidentielle.

Vous êtes, et j’en suis désolé pour la France, le Premier ministre d’un Président de la République qui se sera montré incapable de quitter les habits du candidat socialiste, dont le quinquennat n’aura été qu’un interminable congrès du Parti socialiste et dont le seul vrai moment de lucidité aura été sa décision de ne pas se représenter !

Je dis lucidité, et non courage, car, en vérité, François Hollande n’avait à choisir qu’entre deux humiliations : être sèchement battu à la primaire socialiste ou reconnaître qu’il n’avait pas été à la hauteur.

Son renoncement est, à cet égard, un terrible aveu d’échec qui a fait voler en éclat les tentatives désespérées de cette majorité pour expliquer que la France allait mieux depuis 2012.

Cet aveu d’échec vous condamne, monsieur le Premier ministre, à défendre l’indéfendable et à assurer le service après-vente du dépôt de bilan de François Hollande !

Votre gouvernement va ainsi jeter ses toutes dernières forces dans une bataille qui, en réalité, est perdue depuis le 6 mai 2012 : en bâtissant sa victoire sur la duplicité et la dissimulation, François Hollande a fait de son quinquennat une gigantesque fuite en avant vers une faillite totale.

M. Jean-Christophe Lagarde et M. François Rochebloine. Très bien !

M. Philippe Vigier. Pour la première fois au cours de ce quinquennat, les membres du Gouvernement vont donc parler à l’unisson – sans couacs ! – pour tenter de convaincre que l’alternance serait dangereuse et le projet de François Fillon injuste et brutal en ce qu’il mettrait en péril les fondements mêmes de notre modèle social.

Mais, monsieur le Premier ministre, ce qui est brutal, c’est l’échec retentissant de François Hollande : il avait promis d’inverser la courbe du chômage et a laissé le nombre de chômeurs de longue durée exploser !

M. François Rochebloine. Eh oui !

M. Philippe Vigier. Car, derrière les courbes et les chiffres, il y a des destins brisés, des familles qui explosent, des suicides, des dépressions et des enfants en échec scolaire à cause des épreuves que traversent leurs parents.

Ce qui est brutal, c’est une politique de lutte contre le chômage qui consiste à ballotter des femmes et des hommes d’une catégorie à une autre sans jamais leur offrir de véritable perspective, et dans le seul but de diminuer artificiellement les chiffres du chômage.

M. Frédéric Cuvillier. Cela aurait pu être pire !

M. Philippe Vigier. Ce qui est brutal, en définitive, c’est bien – en échouant face à la pire des inégalités, celle devant le chômage – d’enfermer ces millions de personnes dans la désespérance parce que la gauche n’a pas eu le courage de réformer radicalement !

Il n’y a en revanche aucune brutalité lorsque nous proposons, avec François Fillon, de réformer l’assurance chômage, afin qu’elle demeure un outil de solidarité et devienne également un levier d’incitation à la reprise d’un emploi.

Il n’y a aucune brutalité non plus lorsque nous voulons mettre la liberté d’entreprendre au cœur de notre politique en faveur de la compétitivité, lorsque nous affirmons qu’il faut sortir de la précarité des CDD en créant des contrats à droits progressifs, ou qu’il faut mettre fin à l’avalanche d’impôts, de taxes et de contraintes et à l’instabilité qui nourrit la vie de nos entreprises.

Il n’y a enfin aucune brutalité à faire de l’apprentissage un levier essentiel de la lutte contre le chômage des jeunes, alors que cette majorité l’a tant fragilisé en début de mandat.

Monsieur le Premier ministre, votre majorité prétend que le projet de la droite et du centre constituerait une menace pour notre modèle social.

Plusieurs députés du groupe socialiste, écologiste et républicain.. Oui !

M. Philippe Vigier. Votre ministre Marisol Touraine va même jusqu’à dire qu’en 2017, le trou de la Sécurité sociale aura disparu, et que nous voudrions donc réformer pour remettre en cause les fondements de notre système de santé.

En réalité, il faudra réformer profondément, dans la justice, et le groupe UDI y veillera, car la Sécurité sociale n’est pas sauvée, et vous le savez bien.

Marisol Touraine sait qu’elle passe sous silence 160 milliards d’euros de dette sociale, 6,5 milliards de déficit des régimes spéciaux, 4 milliards de déficit du Fonds de solidarité vieillesse, 4 milliards de déficit de l’assurance chômage et près de 1 milliard de déficit des hôpitaux publics.

La Cour des comptes vient d’ailleurs d’adresser un désaveu cinglant au Gouvernement en affirmant qu’il serait impossible d’atteindre l’équilibre en 2017 sans réaliser de nouvelles économies.

La ministre nous dit aussi que le système de retraites est sauvé, s’appropriant par là même les effets des réformes que nous avons menées, auxquelles votre majorité s’est toujours opposée et que vous deviez même abroger. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains.)

La réalité est tout autre. Le système de retraite est encore en danger, parce que votre réforme n’était pas à la hauteur de celles que nous avions fait voter, parce que vous avez refusé la convergence des régimes publics et privés et la mise en extinction des régimes spéciaux, et parce que vous avez fait le choix hypocrite de ne pas repousser l’âge légal de départ à la retraite.

M. François Rochebloine. Eh oui !

M. Philippe Vigier. Vous nous accusez enfin de vouloir privatiser la Sécurité sociale et de diminuer les remboursements. C’est faux, ce sont des caricatures car ce sont les décisions de votre majorité qui ont entraîné une hausse des tarifs des complémentaires et une baisse des remboursements des soins dentaires, optiques, et des consultations de spécialistes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains.)

Non, vraiment, vous ne ferez pas oublier que c’est bien vous qui avez décidé de dérembourser pour près de 200 millions d’euros de médicaments depuis 2013, dont plus de 100 millions pour l’année prochaine.

C’est encore vous qui vouliez retirer des médicaments pour le traitement du cancer de la liste prise en charge par l’assurance maladie, créant ainsi des inégalités d’accès aux soins innovants entre les patients.

Mme Régine Povéda. Mensonge !

M. Philippe Vigier. C’est enfin vous qui avez fait exploser le reste à charge de 102 % à l’hôpital, de 130 % chez les spécialistes et de 19 % chez les généralistes, avec les contrats responsables que vous avez mis en place.

En vérité, la médecine à deux vitesses que vous dénoncez s’est installée avec cette majorité parce que vous avez refusé les réformes d’ampleur. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains.)

Vous nous reprochez de vouloir réformer notre système de Sécurité sociale, mais nous le ferons, et sachez bien que le groupe UDI y sera très attentif. Nous le ferons parce que, sans profondes réformes, ce système s’effondrera et que ce sont les plus modestes qui seront les premières victimes, ceux que vous prétendez défendre.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Et avec Fillon ?

M. Philippe Vigier. La réalité, monsieur le Premier ministre, c’est que cette majorité n’a aucune leçon de justice sociale à nous donner.

C’est la majorité que vous conduisez qui voulait taxer les plus petites retraites et c’est nous qui l’en avons empêchée.

C’est la majorité que vous conduisez qui voulait s’attaquer aux aides perçues par les personnes handicapées, et c’est nous qui avons obtenu le retrait de cette mesure indécente.

C’est la majorité que vous conduisez qui a augmenté la TVA sur les transports publics et les médicaments, et nous nous y sommes opposés.

Finalement, la seule réforme d’ampleur que vous ayez conduite en matière de Sécurité sociale, c’est la mise à sac de la politique familiale, sur laquelle il y a un consensus depuis soixante ans.

Et la gauche ose toujours se présenter comme la championne de la cohésion sociale ? Il n’y a que rue de Solférino qu’il est possible de le prétendre sans ciller, mais, n’en déplaise à votre majorité, son avenir et celui de la Sécurité sociale ne sont pas liés.

Notre modèle social existait avant François Hollande et avant le parti socialiste, et il continuera d’exister après…

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Pas avec Fillon !

M. le président. Madame Chapdelaine, s’il vous plaît !

C’est leur « respect », monsieur le président.

M. Philippe Vigier. …parce que, si les Français nous font confiance, nous sauverons ce pilier du socle républicain en menant les réformes nécessaires. Nous en serons les garants au groupe UDI.

Enfin, monsieur le Premier ministre, votre majorité défendra l’idée que vous avez protégé notre fonction publique et que notre projet affaiblirait la France, parce qu’il affaiblirait l’État et les services publics.

M. Jean-Luc Laurent. Tout à fait !

M. Philippe Vigier. C’est pourtant votre majorité qui s’en est prise à la fonction publique en diminuant le pouvoir d’achat des fonctionnaires qui bénéficiaient de la défiscalisation des heures supplémentaires. C’est votre majorité qui a maintenu le gel du point d’indice pendant quatre ans, alors que François Hollande disait que c’était la mesure la plus injuste qui soit. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

Nous l’assumons, oui, sans ambiguïté, nous voulons une fonction publique efficace, performante.

Pour cela, il faut faire de vrais choix, pas les choix erratiques qui ont conduit à supprimer 20 000 postes dans la défense, qui est pourtant une priorité, pas les choix improvisés de la gauche, qui a désorganisé l’hôpital en mettant en place les 35 heures, pas des choix qui n’ont pour but que de maintenir en assistance respiratoire un État-providence dont les fondations sont en train de rompre.

M. Jean-Luc Laurent. Votre choix, c’est toujours moins de fonctionnaires !

M. Philippe Vigier. Non, il faut faire des choix stratégiques clairs, courageux, sur le temps de travail, sur le statut des fonctionnaires, sur ce que l’État doit continuer à faire et sur ce qu’il doit désormais déléguer.

Ces choix sont indispensables pour une fonction publique mieux rémunérée, plus moderne, plus efficace, au service des Français.

L’efficacité, c’est justement ce que notre groupe vous demande. Nous considérons que l’Élysée et Matignon ne peuvent se transformer en une haute autorité de la primaire, qui se contenterait d’expédier les affaires courantes.

Monsieur le Premier ministre, je connais le sens de l’État qui vous a toujours animé. Vous avez devant vous des choix cruciaux, et vous pouvez compter sur le soutien de notre groupe si vous empruntez le chemin de l’intérêt supérieur de la nation.

Si l’intérêt général est votre boussole, nous vous demandons de laisser de côté les alliances baroques avec les écologistes et de faire respecter le choix du peuple et les décisions de justice en procédant à l’évacuation de Notre-Dame-des-Landes. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

Nous vous demandons de ne pas être l’otage des frondeurs et d’amplifier les baisses de charges pour permettre à nos entreprises d’être plus compétitives et faire face aux crises agricoles.

Nous vous demandons de protéger notre identité en disant non de manière ferme à l’adhésion de la Turquie…

M. François Rochebloine. Très bien !

M. Philippe Vigier. …et en convainquant tous nos partenaires de vraiment renforcer le contrôle des frontières extérieures de l’Europe.

Nous vous demandons de faire entendre à nouveau la voix de la France pour que le Brexit constitue une opportunité de refonder une Europe forte, efficace, qui protège ses peuples et ses entreprises.

Nous vous demandons de dire clairement aux États-Unis que nous ne signerons aucun accord commercial tant qu’ils s’obstineront à appliquer leur droit national à nos entreprises.

Nous vous demandons de supprimer le décret de Manuel Valls confiant le contrôle de la Cour de cassation à l’Inspection générale des services judiciaires (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains), car c’est une remise en cause de l’indépendance de la justice.

Enfin, nous vous demandons de reconnaître que François Hollande a abandonné les chômeurs, les jeunes et les classes moyennes et de leur adresser une réponse forte.

Je suis conscient que nous vous demandons l’impossible, parce que vous resterez fatalement prisonnier du conflit entre les gauches irréconciliables.

Oui, finalement, c’est non pas de vous que nous n’avons plus rien à attendre mais de la gauche, de cette majorité et du Président de la République, qui ont tant abîmé la France. La primaire socialiste va le démontrer, elle ne sera qu’un concentré du quinquennat de François Hollande, avec des candidats obnubilés par l’idée qu’ils se font de la gauche, et non l’idée qu’ils se font de la France.

C’est pourquoi le groupe UDI ne votera pas la confiance.

M. Dominique Baert. Dommage ! Vous avez tort !

M. Philippe Vigier. C’est pourquoi nous sommes persuadés qu’il faut une alternance franche pour défendre une France puissante, enracinée dans une Europe forte sur la sécurité, l’immigration, l’économie et la défense.

Il faut une alternance forte pour porter une transition écologique et numérique, qui nous permettra de créer les emplois de demain et de nous engager sur la voie d’une croissance au service de l’Homme.

Il faut une alternance puissante pour que nous relevions enfin l’immense défi de la perte d’autonomie, avec la mise en place d’un système assurantiel universel et obligatoire.

Il faut une alternance claire pour que nous réformions profondément le système de santé, non pas pour l’étatiser davantage, mais pour assurer une meilleure prise en charge du patient, une vraie reconnaissance du rôle des professionnels de santé, un virage ambulatoire assumé et une définition claire de l’offre de soins de premier recours, organisée autour de la médecine libérale.

Il faut une alternance parce que vous n’avez plus que votre impuissance et vos renoncements à offrir à la France.

Oui, mes chers collègues, il faut l’alternance, pour faire gagner un projet porteur d’espérance, à la hauteur de l’énergie formidable de la France, de sa capacité éprouvée à sortir plus forte des épreuves, à la hauteur de ses intelligences, de ses talents et de sa force de travail, qui constituent le capital le plus précieux pour bâtir ensemble un avenir meilleur. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. Pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, la parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Monsieur le Premier ministre, vous êtes nommé à Matignon dans des circonstances particulières et difficiles. Nous avons naturellement un jugement favorable à votre égard, connaissant votre énergie, votre volonté, votre détermination à agir et à faire face, y compris aux événements les plus graves. Vous possédez une large expérience de l’État par les fonctions ministérielles que vous avez exercées avec succès depuis 2012 dans des secteurs déterminants, d’abord les affaires européennes, puis le budget et, enfin, l’intérieur.

Par ailleurs, vous connaissant personnellement depuis longtemps, j’apprécie pleinement votre fidélité constante à l’éthique et aux valeurs républicaines, ces valeurs souvent issues du radicalisme.

Vous étiez donc déjà l’un des principaux ministres de l’équipe précédente, et il convient de juger celle-ci concrètement sur son action, sur son bilan.

Même si elle n’a pu réussir dans tous les domaines, l’action gouvernementale qui a été menée depuis 2012 a plusieurs avancées positives à son actif.

Il y a d’abord le redressement des comptes publics, qui était particulièrement nécessaire. En mai 2012, le déficit public atteignait 5,2 % du PIB. Il sera de 3,3 % en 2016. Au plan budgétaire, on mentionnera aussi les réductions successives de l’impôt sur le revenu pour les contribuables des classes modestes et moyennes.

Au plan des avancées sociales, on notera la généralisation du tiers payant, pour garantir à chacun le droit à la santé et l’égal accès aux soins. La complémentaire santé vaut désormais pour tous les salariés. Enfin, le compte personnel d’activité constitue une innovation majeure.

L’éducation nationale, qui avait été délaissée, est redevenue une priorité fondamentale pour mieux assurer l’avenir des jeunes. Ce sont 60 000 postes supplémentaires qui auront été budgétés de 2012 à 2017, conformément à l’engagement pris par le Président de la République. La formation initiale des enseignants, qui avait été abandonnée, a été rétablie.

Ce quinquennat aura eu la volonté constante d’agir pour la jeunesse, avec la création de 300 000 emplois d’avenir pour faciliter l’insertion des jeunes dans l’emploi, avec aussi la garantie jeunes pour les plus précaires.

Action pour les jeunes, mais action aussi, bien sûr, pour les femmes, avec la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, qui apporte à celles-ci de nouvelles garanties dans leur vie personnelle et professionnelle.

Enfin, plusieurs lois ont été votées, plusieurs mesures ont été prises pour assurer la sécurité, en particulier contre la menace terroriste, avec un très net renforcement des effectifs de police et de gendarmerie.

Au plan international, la France a mené une politique active. Au plan militaire, elle mène plusieurs opérations extérieures contre les mouvements terroristes.

Tout cela est important et doit être rappelé.

Mais, reconnaissons-le, le chômage reste à un niveau élevé, même s’il diminue depuis le début de cette année. Depuis janvier, le nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A a baissé de 101 000. C’est le recul le plus important depuis 2008. Le chômage des jeunes, en particulier, a baissé de 8,2 % sur un an. Dans la période récente, l’économie française s’est remise à créer des emplois. Ainsi, 210 000 postes ont été ouverts dans le secteur privé ces dix-huit derniers mois.

Outre le niveau du chômage qui reste élevé, je noterai deux points qui peuvent être regrettés, mais dont vous ne portez pas la responsabilité, monsieur le Premier ministre. D’une part, la version initiale de la loi travail comportait des dispositions réduisant les droits des salariés, à commencer par le plafonnement, finalement abandonné, des indemnités prud’homales en cas de licenciement abusif. D’autre part, un réel malaise a été créé par le projet de déchéance de la nationalité pour les binationaux. Il a été perçu comme une discrimination entre deux catégories de Français, alors que l’article 1er de la Constitution dispose, au contraire : « La France assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine. » Le chef de l’État a reconnu récemment qu’il y avait là une erreur. Il a bien fait de le reconnaître avec franchise.

Monsieur le Premier ministre, face à ce bilan, l’opposition présente un tout autre projet. Son programme pourrait peut-être se résumer par la formule « Toujours moins ! » : moins pour la justice fiscale ; moins pour la protection sociale ; moins pour les services publics.

Mme Pascale Crozon. Très bien !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. On connaît le projet fiscal : supprimer l’ISF, mais en revanche augmenter de deux points la TVA, taxe très inéquitable, puisqu’elle frappe ses redevables sans prendre aucunement leurs ressources en considération.

M. Marc Dolez. Eh oui !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Au plan social, ce programme entend abroger les 35 heures, reporter de trois ans l’âge du départ à la retraite, voire modifier les règles de l’assurance-maladie, comme cela avait été indiqué initialement. Au plan de l’entreprise, il s’agit de faciliter les modalités de rupture du contrat de travail et de relever les seuils sociaux. Enfin, on prévoit de supprimer 500 000 postes de fonctionnaires, sans jamais dire d’ailleurs dans quels secteurs – cela au moment où la France manque d’enseignants, d’infirmières ou de policiers, et alors que les services publics désertent déjà les territoires ruraux et les banlieues.

D’ailleurs, Alain Juppé lui-même l’a déclaré le 21 novembre, entre les deux tours de la primaire : « [Ce] programme est d’une très grande brutalité sociale. Supprimer 500 000 emplois de fonctionnaires, porter la durée du travail dans la fonction publique dès 2017 à 39 heures, augmenter la TVA de 16 milliards d’euros sont des mesures d’une certaine brutalité dont certaines sont inapplicables. » On ne saurait mieux dire ! Alain Juppé qualifie ce projet d’« ultralibéral ». Il s’inscrit en effet dans la lignée Thatcher-Cameron, à la différence de Theresa May, nouveau Premier ministre britannique, qui vient d’annoncer des mesures de soutien pour les ménages modestes, ainsi qu’une politique d’augmentation du Smic. En fait, le programme de l’opposition semble avoir pour objectif de revenir en arrière, de rétablir le passé.

Par ailleurs, à l’extrême droite, que je ne confonds évidemment pas avec la droite républicaine, un tout autre parti défend une sorte de national populisme analogue à celui qui se développe en Autriche, en Hongrie, en Pologne et même aux Pays-Bas et en Italie. Il le fait dans un contexte de crise économique, d’anxiété collective dont il entend tirer profit, comme parfois dans notre histoire, en particulier dans les années 1930. Ce parti extrême invoque le nationalisme, mais, en réalité, sous sa forme xénophobe. Sous cet angle, Romain Gary, combattant de la France libre, disait ceci : « Le patriotisme, c’est d’abord l’amour des siens. Le nationalisme, c’est d’abord la haine des autres. »

Pour ce parti, l’ennemi numéro un, c’est l’Europe, dénoncée, décriée. L’objectif, c’est de rétablir les frontières entre les peuples de l’Union européenne. C’est le repli sur soi, dans une France refermée sur elle-même. Au plan intérieur, tous les ressorts de la démagogie sont utilisés : le recours aux préjugés ; le choix de l’intolérance ; le rejet de l’autre ; la stigmatisation de telle minorité ou de telle confession. De ce côté-là, ce qui sera en jeu, ce sera la République elle-même, la République avec ses valeurs fondamentales, qui s’appellent égalité des droits, laïcité, fraternité.

S’agissant de l’égalité et du respect de tous, le code pénal interdit toute discrimination fondée sur l’origine ou la religion. Il sanctionne l’injure raciale. Il réprime la provocation à la haine et à la violence. Face à la montée du racisme, le projet de loi « égalité et citoyenneté » aggrave les peines prévues pour ces infractions, afin de les rendre désormais plus dissuasives. Surtout, il faut que les procureurs engagent davantage de poursuites, alors que certains semblent peu réactifs, voire passifs, face à ce type de délits.

Il revient donc à la Chancellerie d’adresser aux parquets une nouvelle instruction générale de politique pénale plus directive, pour rappeler l’indispensable fermeté contre ces infractions. Désormais, pour le ministère public, la règle doit être simple : moins d’indulgence, plus de vigilance. Chacun doit être respecté, considéré. Chacun doit être traité sur un pied d’égalité, en refusant évidemment de distinguer nos concitoyens selon l’origine, la couleur ou la religion.

Autre valeur fondamentale à préserver : la laïcité, que vous qualifiez très justement de « joyau de la République ». La République laïque respecte toutes les croyances, mais elle n’en reconnaît aucune, comme le souligne la loi de séparation des Églises et de l’État de 1905. Cette neutralité de l’État entre les confessions permet à tous de vivre ensemble, par-delà les diverses appartenances religieuses, qui doivent concerner essentiellement la sphère privée.

De Paul Bert à Jean Zay, les radicaux ont toujours été fondamentalement attachés à l’école publique et laïque, à l’école de la République, celle qui remplit une mission essentielle : accueillir sur les mêmes bancs tous les élèves, quelles que soient leur origine, leur confession, leur conviction. Cette école est le creuset même de la France républicaine. Elle est l’un des principaux facteurs de son unité. La laïcité réunit et rassemble. Elle fédère. Elle renforce la cohésion nationale.

Au contraire, le communautarisme risquerait de conduire à une République éclatée, à une République fragmentée en groupes distincts et séparés les uns des autres, dont chacun vivrait replié sur lui-même. En revanche, la laïcité, c’est la tolérance, l’échange, le dialogue entre tous. C’est l’esprit de concorde. C’est la conscience commune d’un destin commun.

Autre valeur essentielle et complémentaire : la fraternité. Mais celle-ci serait un mot abstrait si on ne luttait pas activement contre la pauvreté. Certes, et vous l’avez rappelé, monsieur le Premier ministre, il existe un plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté pour la période 2013-2017. Mais je pense qu’il sera renforcé, car la situation des personnes concernées reste particulièrement difficile. Dans notre pays, cinquième puissance économique mondiale, plus de 8 800 000 personnes, soit 14,3 % de la population, vivent sous le seuil de pauvreté. Parmi elles, on compte 2 700 000 enfants, soit un enfant sur cinq, et un sur deux en zone urbaine sensible.

Le degré de civilisation d’une société se mesure à la protection qu’elle accorde à ses membres les plus vulnérables, parmi lesquels se trouvent les enfants. Agir pour l’enfance pauvre est donc un impératif éthique essentiel pour une nation comme la nôtre.

D’ici à mai 2017, le temps est évidemment compté. Il reste 145 jours. Mais nous connaissons votre détermination, votre volonté d’agir et de préparer l’avenir. Il s’agit de continuer à bâtir une France plus juste et plus humaine, une France qui protège, une France qui soit main tendue et espoir partagé. C’est tout l’enjeu de 2017. Il s’appelle concorde et solidarité. (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Guy Geoffroy. Ça va cogner !

M. Dominique Baert. C’est autre chose que Mélenchon !

M. André Chassaigne. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, chers collègues, depuis le début de ce quinquennat, les déclarations de politique générale se suivent et se ressemblent.

M. Dominique Baert. Tant mieux !

M. André Chassaigne. « Roma locuta, causa finita ». Rome a parlé, la cause est entendue.

Votre déclaration, monsieur le Premier ministre, ne fait pas exception, si ce n’est qu’elle intervient après la déclaration de candidature présidentielle de votre prédécesseur, Manuel Valls, qui incarne la dérive droitière du pouvoir socialiste, ressentie comme une trahison par le peuple de gauche. La législature se termine comme elle a débuté, sur fond de profonde déception, de désenchantement et de rejet de nos concitoyens toujours plus nombreux à être confrontés au chômage et à la précarité. Ils pensaient avoir mis la gauche au pouvoir ; ils ont finalement subi une politique libérale et « austéritaire ».

M. Dominique Baert. Allons !

M. André Chassaigne. Certes, nous avons pu vous suivre sur un certain nombre de mesures conduites durant ce quinquennat, et nous les avons votées. Nous vous avons également soutenus, lorsque vous avez créé des postes dans l’enseignement, la justice et la sécurité, qui avaient été si malmenés sous la précédente législature. Pour autant, ces quelques mesures n’ont pas suffi à bâtir une véritable politique de progrès. Telle est la source de la fracture entre le pouvoir et le peuple, fracture qui explique le renoncement du Président de la République à se représenter devant les électeurs pour défendre cet indéfendable bilan, qu’il vous faut cependant défendre aujourd’hui.

Certes, le temps de votre gouvernement est compté, monsieur le Premier ministre. L’heure n’est donc plus à un quelconque changement de cap ou tournant progressiste.

M. Jean-Paul Bacquet. Elle n’est surtout plus aux polémiques !

M. André Chassaigne. D’accord ou pas avec vous-même, vous êtes de fait condamné à assumer le rôle d’exécuteur testamentaire de la politique conduite – un sombre testament qui prépare une accélération de la régression sociale. Si la droite sortait victorieuse des prochaines échéances électorales, cela signifierait : massacre du service public, guerre contre les fonctionnaires, casse de la Sécurité sociale et de l’héritage du Conseil national de la Résistance, suppression de l’ISF, cadeau aux privilégiés au détriment des plus modestes.

M. Guy Geoffroy. Le sens de la nuance ! C’est tout ?

M. Gaby Charroux. C’est vrai !

M. André Chassaigne. Le Gouvernement comme le Président de la République n’échapperont pas à leur bilan. Vous avez déjà dit l’assumer pleinement, et vous l’avez redit. Or, l’effet de sidération n’est pas près de s’estomper, au regard de l’espoir déçu de ces cinq dernières années, quels que furent les visages des Premiers ministres en place. « Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire », disait Jean Jaurès dans son si beau discours à la jeunesse d’Albi, que vous avez cité. Aussi, pourquoi occulter aujourd’hui le constat des promesses non tenues ?

Le candidat Hollande s’était engagé à renégocier le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, signé par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel. Il n’en a rien été. Le Président Hollande, comme sa majorité, ont au contraire approuvé, sans la moindre contrepartie, ce funeste corset budgétaire qui fait de l’austérité l’unique projet de société européen.

Le candidat Hollande avait proclamé que le monde de la finance était son adversaire, mais là encore les promesses n’ont pas été tenues. Le Président Hollande et sa majorité ont au contraire multiplié des dispositifs en trompe-l’œil, tant pour ce qui concerne la lutte contre les paradis fiscaux, la séparation des activités bancaires, que l’encadrement des rémunérations délirantes des dirigeants des grandes entreprises.

François Hollande s’était engagé à inverser la courbe du chômage et à combattre la pauvreté. Il a lui-même tiré les leçons de son échec. Au-delà des promesses non tenues et des renoncements successifs, comme sur le droit de vote des étrangers pour ne prendre qu’un exemple, nos concitoyens ont assisté, médusés, à l’adoption d’un chapelet de lois régressives sur le plan des libertés comme sur le plan économique et social.

Ce quinquennat aura en effet été rythmé par des textes qui, à quelques exceptions près, sont étrangers à tout idéal progressiste et animés par une même volonté de remise en cause de notre pacte social. La loi de transposition de l’accord national interprofessionnel, l’ANI, intervenue en 2013, a marqué à cet égard un tournant. Elle restera comme la première loi dite « sociale » de l’ère Hollande qui, plutôt que de garantir la sécurisation de l’emploi, garantit la sécurité des seuls employeurs.

M. Marc Dolez. Très bien !

M. André Chassaigne. Dans le prolongement de ce mouvement de soumission aux exigences patronales, nous avons eu ensuite le mal nommé pacte de responsabilité et le fameux crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, CICE. Ces mesures devaient créer, selon l’inénarrable Pierre Gattaz, un million d’emplois ! Au final, ces aides, financées par des coupes budgétaires, auraient créé ou sauvegardé de l’ordre de 50 000 à 100 000 emplois, chacun revenant de fait à plus de 300 000 euros. Consenties sans contreparties, elles ont appauvri nos hôpitaux, nos services publics, nos collectivités, alimentant la fracture sociale et territoriale.

Mme Marie-George Buffet. Eh oui !

M. André Chassaigne. La loi Macron est venue étoffer cette série noire législative, avec en prime le coup de force démocratique et le premier usage de l’article 49-3, preuve que le libéralisme économique se marie mal avec le principe du pluralisme politique et du débat démocratique. Derrière l’apparence d’un fourre-tout, ce texte portait un message clair reposant sur une doctrine cohérente. L’abandon du ferroviaire au profit de sociétés privées d’autocars, l’affaiblissement du service public de la justice au profit de cabinets à l’anglo-saxonne, l’abandon des commerces de proximité au profit du développement de la grande distribution, l’extension du travail dominical, la privatisation de la gestion de nos aéroports au profit de sociétés étrangères domiciliées dans des paradis fiscaux, ou encore l’allégement des obligations patronales en matière de licenciements économiques : autant de coups portés à notre modèle social afin de privilégier une logique de déréglementation tous azimuts, frappant aussi bien les marchés des biens et services que le marché du travail et la protection sociale.

Ultime trahison d’un pouvoir présidentiel soumis aux marchés financiers : la loi travail qui représente la plus importante régression de notre droit social depuis des décennies. Si, demain, la droite s’installe au pouvoir, elle pourra s’appuyer sur ce texte pour parachever la quadrature du cercle, pour boucler la boucle. Sur ce texte indigne, le Gouvernement est passé en force, méprisant la mobilisation sociale exceptionnelle partout dans le pays. François Hollande, Manuel Valls et leur majorité portent ici une responsabilité historique car ce sont ces choix qui ont fracturé la gauche dans toutes ses composantes. Au-delà de la fracture de la gauche, c’est un gouffre qui se creuse entre le peuple et ses dirigeants, en France comme en Europe et outre-Atlantique. Les votes intervenus aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Italie en sont la parfaite illustration. Ils appellent à reconsidérer en profondeur le fonctionnement de nos institutions afin de juguler le phénomène de confiscation du pouvoir par les intérêts des grandes firmes multinationales.

Le changement de majorité, en 2012, offrait l’espoir d’un changement dans la conduite des affaires internationales. Il était temps, en effet, de rompre avec la politique menée sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, dont nous payons encore aujourd’hui les dérives et les échecs. Pourtant, la France n’a pu retrouver sa voix sur la scène internationale et notre diplomatie, sa crédibilité. Ses errements, notamment au Moyen-Orient, et ses liens avec les pétromonarchies nourrissent les logiques de guerre. La dérive atlantiste s’est renforcée. La France n’est plus dans le monde cet acteur singulier œuvrant pour la paix et les peuples, et nous en payons malheureusement le prix fort en contribuant au chaos sur lequel prospère Daech. Monsieur le Premier ministre, notre pays a connu des événements tragiques et vous avez eu la lourde tâche de les affronter en première ligne. Pourtant, le choix de reconduire indéfiniment le régime d’exception de l’état d’urgence n’est pas la réponse pour prévenir de manière pérenne la menace terroriste qui pèse sur notre pays. Nous aurons l’occasion d’y revenir ce soir.

Dans ces circonstances, et malgré ce triste bilan, les élus du Front de gauche restent mobilisés. Nous continuons sans relâche de faire entendre la voix des sans voix, pour que soient respectés les principes et valeurs de la gauche. Nous restons fidèles à nos engagements, ceux d’une gauche mue par les valeurs de justice sociale, de développement durable et de solidarité internationale. Une ligne morale et politique pleinement assumée durant toute la législature et qui s’est traduite à la fois par une série d’initiatives et propositions législatives, mais aussi par un travail permanent de contrôle politique de l’action gouvernementale allant jusqu’à censurer le Gouvernement pour rejeter les textes les plus régressifs. Cependant, persuadés, comme le poète René Char, qu’« il faut souffler sur quelques lueurs pour faire de la bonne lumière », nous avons voté les textes, trop rares, qui allaient selon nous dans le bon sens. Malheureusement, le compte n’y est pas. Nous restons pourtant convaincus qu’une alternative progressiste à la politique actuelle est possible. Elle exige une lutte déterminée, créative et rassembleuse contre le capital financier, avec des propositions cohérentes au service du mouvement social. Par le rassemblement le plus large, cette lutte – et elle seule – pourra permettre à la gauche de faire barrage à une droite et une extrême droite revanchardes et réactionnaires.

C’est donc avec responsabilité que les députés du Front de gauche refusent de voter la confiance à votre Gouvernement. Oui, avec responsabilité et en semant les graines d’une gauche de transformation de la société, à laquelle nous croyons toujours. Puisque nous sommes aujourd’hui même au soixante-dixième anniversaire de l’édition française du Petit prince de Saint-Exupéry, je terminerai avec cette belle citation : « Les graines sont invisibles. Elles dorment dans le secret de la terre jusqu’à ce qu’il prenne fantaisie à l’une d’elles de se réveiller. » (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Marc Dolez. Excellent !

M. Jean Glavany. Quel talent !

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Cambadélis, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

M. Jean-Christophe Cambadélis. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, chers collègues, si vous le permettez, je tiendrai un propos liminaire avant d’aborder le débat qui nous rassemble aujourd’hui. Un propos personnel, mais partagé sans doute par beaucoup. Monsieur le Premier ministre, vous avez la chance rare, produit de votre talent, d’être apprécié au-delà des figures imposées, sur tous ces bancs.

M. François Rochebloine. C’est vrai !

M. Jean-Christophe Cambadélis. Cela tient tout autant à votre caractère qu’à vos compétences, à votre discours qu’à votre parcours. Durant ce quinquennat, vous avez mis votre efficacité au service de la France. Avant de devenir Premier ministre, vous avez été de nombreuses fois en première ligne. En première ligne pour réorienter l’Europe, en tant que ministre des affaires européennes. En première ligne pour redresser les comptes de notre pays, en tant que ministre du budget. En première ligne face à la barbarie terroriste, en tant que ministre de l’intérieur. Vous voici Premier ministre. Vous n’avez rien demandé par voie de presse, vous n’avez rien fomenté par ego ou par échos de buzz.

M. Jean-Paul Bacquet. Très bien !

M. Jean-Christophe Cambadélis. Le choix s’est imposé naturellement de faire appel à vous pour succéder à Jean-Marc Ayrault et à Manuel Valls. Servir l’intérêt général, avec écoute et discernement : voilà la formule qui résume ce que vous incarnez et qui fonde le respect que vous inspirez. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) Certains disent que vous n’aurez pas le temps de gouverner. C’est mal connaître les devoirs que votre fonction impose et les pouvoirs qu’elle met à la disposition de la volonté. Vous avez cinq mois devant vous, monsieur le Premier ministre. L’histoire a montré qu’en peu de temps, on pouvait faire de grandes choses : il n’aura fallu qu’onze mois à Pierre Mendès France pour marquer la France et nos mémoires pour toujours. Léon Blum n’en a eu que dix-huit pour transformer notre pays comme jamais. Vous avez cinq mois devant vous, mais les jours comptent triple quand on a, comme vous, la passion de la chose publique et le sens de l’État. Au fond, cela doit dépendre du tempérament de celui qui gouverne – et je crois avoir fait l’éloge du vôtre. Cela dépend de la vision qui le guide dans la conduite de la politique de la Nation – et nous venons de l’entendre. Cela dépend des circonstances dans lesquelles il est appelé à gouverner. Or elles sont exceptionnelles aujourd’hui.

Nous en sommes toutes et tous ici conscients, vous le savez car vous êtes au fait des défis qui se posent à la France, et tout d’abord du terrorisme, qui a frappé à de nombreuses reprises notre pays et peut frapper à nouveau à tout instant. Le terrorisme se combat totalement, sans états d’âme et sans porter atteinte à l’État de droit – encore un équilibre que vous incarnez et que vous mettez en œuvre au quotidien. La période est d’autant plus à risque que Daech est aujourd’hui acculé. Par tous les moyens, Daech essayera de marquer les esprits, lui qui perd précisément chaque jour du terrain. Daech recule car nous le combattons. Ainsi, la bataille de Mossoul fait rage et nous y contribuons dans le cadre de l’opération Chammal. Cette opération mobilise actuellement 4 000 de nos soldats. Aux côtés de la coalition, nous frappons l’organisation terroriste avec nos moyens aériens et assurons la formation et le conseil des militaires irakiens. Il faut ici rendre un hommage à nos soldats qui, partout dans nos rues et dans le monde, sont le bouclier de nos valeurs et de nos vies. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Puisque nous évoquons les événements du Levant, il nous faut parler d’une situation plus que dramatique, d’une situation humanitaire qui interpelle le sens même de notre commune humanité. Permettez-moi, monsieur le Premier ministre, d’appeler solennellement la France à redoubler d’efforts pour sauver la population civile d’Alep. Il faut mettre non seulement un terme aux bombardements de l’aviation russe et de l’armée syrienne, mais sauver – oui, sauver ! – des milliers d’habitants encore présents dans les quartiers tenus par les insurgés. Nous avons vu hier, sur les réseaux sociaux, l’horreur des massacres à l’arme blanche. Il faut mettre un terme au carnage. Il faut mettre un terme au martyre. Le Président de la République a parlé de Guernica. Oui, après Nankin, Oradour ou Srebrenica, Alep se meurt. J’ai rencontré son maire la semaine dernière et son récit fut glaçant. Nous ne pouvons que manifester notre indignation face au veto opposé par la Russie à la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies pour une trêve humanitaire. C’est le sixième depuis le début du conflit, venant d’un pays dont nul n’ignore ici la responsabilité dans cette tragédie. La Russie est notre interlocuteur. Elle peut être parfois, dans certaines circonstances, notre allié. Mais nous ne saurions nous aligner sur une vision du monde qui n’est pas la nôtre. La France n’est pas pour la politique du fait accompli. En Syrie comme ailleurs, la France ne considérera jamais que « charbonnier est maître chez soi » et que tout dirigeant peut disposer de son peuple comme il l’entend.

C’est le devoir de la France de le dire et de défendre les droits de l’homme chaque fois que la dignité humaine est bafouée, chaque fois que des populations sont massacrées.

L’Europe avec l’Afrique – vous préparez le vingt-septième sommet Afrique-France. L’Europe sera donc un des terrains d’action essentiels de votre gouvernement. Oui, dans ce monde et ce moment incertains, l’Europe constitue une grande partie de la solution aux défis auxquels nous faisons face.

Un Conseil européen se tiendra jeudi. Des questions essentielles y seront traitées, à commencer par celle du Brexit. L’immigration sera au cœur des discussions, avec notamment la réforme du droit d’asile européen et l’accord Europe-Turquie, à juste raison controversé. On parlera du renforcement de la coopération en matière de sécurité et de défense. On évoquera enfin les relations extérieures de notre continent. À cette occasion, l’Union européenne devrait reconduire pour six mois les sanctions contre la Russie. Ce serait logique, tant la mise en œuvre des accords de paix de Minsk piétine. Sur ce point comme sur tant d’autres, la France et l’Allemagne sont alignées. Il le faut, car la victoire de M. Trump aux États-Unis laisse présager un désengagement brouillon qui, combiné avec le Brexit, met l’Europe devant ses responsabilités. La France doit assumer les siennes et se placer en tête des efforts pour faire de l’Europe un acteur majeur du nouveau monde qui se dessine sous nos yeux.

Cette politique, vous l’avez dépeinte de manière claire, précise, avec respect, mais aussi de façon engageante. Ses piliers permettront de faire encore avancer notre pays sur le chemin du redressement et de travailler au rassemblement de nos compatriotes autour des valeurs de la République.

En vous désignant, le Président de la République considère à juste titre que vous permettrez de réaliser encore un peu plus, et chaque jour un peu plus, les objectifs du quinquennat.

M. Rémi Delatte. Vous n’avez pas l’air d’y croire vous-même !

M. Jean-Christophe Cambadélis. Permettez-moi ici de rendre hommage au chef de l’État. Il faut aimer la France par-dessus tout, il faut être doté d’une force morale sans commune mesure pour prendre la décision qu’il a prise. Oui, François Hollande a sacrifié son destin personnel sur l’autel du redressement de la France. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.) Ce geste oblige les socialistes au rassemblement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Vous arrivez aux responsabilités, monsieur le Premier ministre, alors que la situation s’améliore. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

Dans notre pays, les inégalités diminuent. Le niveau de vie de nos compatriotes les plus modestes est en progression. C’est un renversement complet par rapport à la décennie précédente : entre 2002 et 2012, leur revenu baissait, alors que celui des plus aisés augmentait.

Dans notre pays, on a créé à nouveau des emplois – 170 000 de plus dans le secteur marchand. Du jamais vu depuis 2008 ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

Dans notre pays, on est désormais à l’abri des caprices du marché. La dette de l’État est maîtrisée. En 2017, le déficit public sera stabilisé à 3 %.

M. Guy Geoffroy. La promesse, c’était 0 % !

M. Jean-Christophe Cambadélis. Du jamais vu depuis 2001 ! La France a retrouvé sa souveraineté.

Dans notre pays, on n’a jamais été aussi bien protégé par l’assurance maladie : 95 % des Français peuvent désormais bénéficier d’une complémentaire santé.

M. Gérard Cherpion. Et les 5 % restants ?

M. Jean-Christophe Cambadélis. On le sera toujours à l’avenir : les comptes du régime général de la Sécurité sociale seront quasiment à l’équilibre l’an prochain. Du jamais vu depuis 2001 !

M. Gérard Cherpion. Et l’augmentation de la dette ?

M. Jean-Christophe Cambadélis. Vous aurez, monsieur le Premier ministre, les moyens de poursuivre cette politique. Le budget pour 2017, que nous allons bientôt adopter, s’y inscrit tout naturellement. C’est un budget ambitieux qui permet de soutenir le redressement. Nos priorités sont financées : plus 2 milliards d’euros pour l’éducation, plus 2 milliards pour le travail et l’emploi, plus 4,4 % pour la justice, plus 3,5 % pour la sécurité, plus 1,9 % pour la défense, plus 6,7 % pour la culture. Une baisse de l’impôt sur les sociétés pour les PME et les ETI est engagée. La fiscalité du diesel et celle de l’essence convergent.

M. Gérard Cherpion. « Ça va mieux ! »

M. Jean-Christophe Cambadélis. Certains, sur les bancs de la droite, ont considéré que la gauche n’était pas légitime pour gouverner.

M. Jean-Frédéric Poisson. Exact !

M. Jean-Christophe Cambadélis. Force est de reconnaître, une fois de plus, que non seulement la gauche est légitime, mais qu’en plus elle est efficace. Sur ces mêmes bancs, on s’empressera de dire que la gauche n’y est bien entendu pour rien ! On invoquera doctement les miracles du marché.

L’honnêteté commande de reconnaître que la situation économique mondiale, et notamment la baisse du prix du pétrole, ont contribué au redressement de la situation économique et sociale de la France.

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est bien de le reconnaître !

M. Jean-Christophe Cambadélis. Mais l’honnêteté commande aussi de reconnaître le chemin qui a été parcouru. Avec le concours de la majorité, sous la conduite du Président de la République, les gouvernements de Jean-Marc Ayrault et de Manuel Valls ont beaucoup agi pour protéger et progresser.

Oui, l’honnêteté commande de reconnaître que nos résultats sont contrastés,…

M. Guy Geoffroy. C’est le moins qu’on puisse dire !

M. Jean-Christophe Cambadélis. …que les chiffres ne rendent jamais compte des expériences vécues, des situations de chômage et de précarité que beaucoup de nos concitoyens ont encore à subir. Il reste du chemin à parcourir. Mais l’honnêteté commande aussi de rappeler ce que la droite nous a légué après dix ans de pouvoir. Un déficit public abyssal. Un déficit commercial abyssal.

M. Guy Geoffroy. Que vous avez aggravé !

M. Jean-Christophe Cambadélis. Un déficit de modernisation de l’appareil productif abyssal. Un déficit de la Sécurité sociale abyssal.

M. Guy Geoffroy. Que vous avez aggravé !

M. Jean-Christophe Cambadélis. Un déficit de justice abyssal. Et au-dessus des abysses, seule la rente surnageait. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Furst. Cela n’a aucun sens, mais c’est beau !

M. Jean-Christophe Cambadélis. Sans notre politique économique, les entreprises n’auraient pas retrouvé les marges de manœuvre dont elles avaient besoin pour innover, exporter, embaucher et parfois, même si c’est très insuffisant, redistribuer. Grâce au CICE et au pacte de responsabilité, avec un accompagnement de qualité à l’international, avec une politique industrielle misant sur le futur, en particulier sur le numérique et la robotique, nous avons été aux côtés de ceux qui créent et de ceux qui produisent.

Sans notre politique sociale et fiscale, l’égalité n’aurait pas progressé. C’est la gauche qui a revalorisé les minima sociaux, baissé l’impôt sur le revenu des classes moyennes et des classes populaires, supprimé la dernière tranche d’imposition et créé une nouvelle tranche à 45 % pour les plus aisés. C’est la gauche qui a fait de la lutte contre l’évasion fiscale une priorité.

M. François Cornut-Gentille. Cahuzac !

M. Jean-Christophe Cambadélis. C’est la gauche qui a rendu notre politique familiale plus juste et fait du sort des familles monoparentales un sujet de préoccupation majeure en adoptant, par exemple, la garantie contre les impayés de pension alimentaire. C’est la gauche qui a mis en place les droits rechargeables à l’assurance chômage, la retraite à 60 ans pour les carrières longues et le compte pénibilité.

M. Gérard Cherpion. Ce n’est pas vrai !

M. Jean-Christophe Cambadélis. Sans notre politique éducative, les inégalités sociales auraient continué de peser sur les résultats scolaires de nos enfants, à un niveau quasiment inégalé en Europe. C’est la gauche qui a inversé la tendance en créant 60 000 postes dans l’éducation pour remettre des professeurs dans les classes et les former convenablement à leur métier. C’est la gauche qui a engagé la refondation de l’école, donné la priorité à la maternelle et au primaire, mis en œuvre la réforme du collège, réformé la carte de l’éducation prioritaire. C’est la gauche qui a reçu un satisfecit de la part des équipes qui conduisent les enquêtes PISA. C’est la gauche qui a amélioré les conditions de vie des étudiants, leur a donné un meilleur accès au logement, les a accompagnés lors de leurs premiers pas dans l’emploi. C’est la gauche qui a mis en place une politique ambitieuse de lutte contre le décrochage, passé cette année sous la barre symbolique des 100 000 jeunes. C’est la gauche qui a renforcé l’accès à la formation des chômeurs et des travailleurs, avec le plan « 500 000 formations » et le compte personnel de formation.

Sans notre politique de santé, un quart de la population française aurait continué à renoncer aux soins. C’est nous qui avons rendu la complémentaire santé obligatoire, qui en avons élargi le nombre de bénéficiaires, qui avons remboursé à 100 % certains actes médicaux comme l’interruption volontaire de grossesse, refusé les déremboursements.

Sans notre politique de sécurité, les Français, notamment les plus vulnérables, seraient moins protégés. C’est la gauche qui a créé 9 000 postes dans les forces de police et de gendarmerie quand la droite en avait supprimé 13 000.

M. Laurent Furst. Dépenser, c’est facile !

M. Jean-Christophe Cambadélis. C’est la gauche qui a mis en place quatre-vingts zones de sécurité prioritaires, adopté trois lois de lutte contre le terrorisme, réformé le renseignement, le tout sans jamais remettre en cause l’État de droit.

À ce titre, le Gouvernement a décidé d’avancer sur le sujet sensible mais essentiel de la légitime défense des forces de l’ordre. Un projet de loi sera présenté le 21 décembre en Conseil des ministres. Le principe d’absolue nécessité et de stricte proportionnalité demeurera notre boussole, comme le veut la Convention européenne des droits de l’homme.

Sans notre politique écologique et climatique, les Français n’auraient aucune raison d’espérer une vie meilleure pour eux et leurs enfants. La loi de transition énergétique, c’est la gauche. Le succès mondial et historique de la COP21 n’est plus à démontrer. La transition vers l’agro-écologie est un succès pour tous ceux qui se réclament de l’écologie, de même que la fin progressive de la subvention au diesel pour lutter contre les pollutions atmosphériques. Ces derniers jours l’ont amplement démontré : c’est un défi à relever. Comment ne pas s’indigner que certains en fassent un sujet secondaire et veuillent laisser faire le marché parce qu’il y aurait trop de normes, à l’heure où la persistance du pic de pollution oblige de nombreuses familles à se rendre aux urgences pédiatriques parce que leurs enfants ont des difficultés respiratoires ?

Dans notre domaine de prédilection, la lutte contre les inégalités, nous avons créé des dispositifs nouveaux pour faire reculer les précarités et renforcer les solidarités : création d’une banque publique d’investissement, création de la garantie jeunes, création de la prime d’activité, création du tiers payant, création de postes dans l’éducation nationale, création de postes dans la justice, création du contrat de génération, création des emplois d’avenir…

M. Laurent Furst. Que de dépenses !

M. Guy Geoffroy. Si tout a déjà été fait, on ne peut plus rien faire !

M. Jean-Christophe Cambadélis. Le mot « création » revient souvent dans ce bilan, tout autant que le mot « suppression » dans la bouche de nos opposants. La droite s’est presque toujours opposée à ces nouveaux dispositifs, s’appuyant parfois sur la rue comme au moment de l’ouverture du mariage aux couples de même sexe.

Monsieur le Premier ministre, vous arrivez aux responsabilités à un moment où tout est possible pour notre pays. La France s’interroge sur le monde qui l’entoure, sur son modèle social, sur sa cohésion sociale, sur son avenir.

Mme Marie-Louise Fort. On dirait un éloge funèbre !

M. Jean-Christophe Cambadélis. Ces dernières décennies, la France a dû affronter les chocs du chômage de masse et de la désindustrialisation rampante, nourrissant une profonde crise de confiance dans la puissance même de notre pays.

Ces dernières années, la France a dû faire face aux effets disruptifs de la révolution numérique, de l’immatériel et de la robotique, exacerbant la crise des repères dans le monde de l’industrie, des services, mais aussi dans notre vie démocratique.

Ces dernières années, la France a dû affronter les soubresauts d’un monde géopolitique nouveau face au péril écologique, aux guerres et aux migrations venant intensifier cette profonde crise de l’action politique.

Ces dernières années, la France a dû faire face au terrible choc du terrorisme, mettant encore plus à l’épreuve notre cohésion nationale.

Les Françaises et les Français s’interrogent légitimement sur la capacité de l’État à faire face non seulement à ces crises, mais aussi à leur durée et à leur combinaison. Les Français regardent avec crainte ces lendemains qui chantent faux et qui dessinent un avenir bien incertain.

Mme Marie-Louise Fort. C’est sûr, après avoir subi la gauche au pouvoir pendant cinq ans !

M. Jean-Christophe Cambadélis. Face à ces crises, la droite pense que son moment est venu.

Mme Marie-Louise Fort. Eh oui !

M. Jean-Christophe Cambadélis. Elle pense que cette crise de sens va dans son sens. La droite, désormais décomplexée, propose un programme décomplexé qui se résume en une formule : pour être efficace, il faut que l’État s’efface.

Disons-le là aussi : jamais, depuis 1945, la droite n’a autant pris pour cible et remis en cause les piliers de notre République sociale, au point que certains gaullistes sur ses bancs s’en émeuvent !

Le programme de son nouveau champion nous laisse sans voix. Il a dit qu’il ne changerait pas d’un iota ce programme qui changerait la France du tout au tout. J’ai compris que dans son propre camp on lui demande d’y réfléchir à deux fois.

M. Guy Geoffroy. Vous parlez comme si vous étiez déjà dans l’opposition !

M. Jean-Christophe Cambadélis. J’ai compris qu’il amendait une petite partie de son projet. Mais qui croire ? Le François Fillon de la primaire ou celui de la présidentielle ?

M. Laurent Furst. Celui qui va gagner !

Mme Marie-Louise Fort. Finissez-en ! Même le Premier ministre ne vous écoute pas !

M. Jean-Christophe Cambadélis. Eh bien, après tout, qu’ils assument ! Sa désignation, il ne l’a pas volée, loin de là. Il l’a remportée haut la main. Cette victoire ne vient pas de nulle part. Ce programme ne vient pas de nulle part. Cette droite dure, c’est la droite chimiquement pure. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme Elisabeth Pochon. La droite réactionnaire !

M. Guy Geoffroy. Face à la gauche diluée !

M. le président. Monsieur Geoffroy, s’il vous plaît ! Quant à vous, monsieur Poisson, la primaire est terminée !

M. Jean-Christophe Cambadélis. Face à cette France qui s’interroge, face à cette crise généralisée de sens, l’extrême droite pense elle aussi que son heure a sonné. Elle campe sur les frontières de la République et toise nos fortifications du haut de ses 30 %. Le Front national peut s’appuyer sur une vague mondiale, une vague qui vient de loin. Partout, le national-populisme plus ou moins xénophobe s’est hissé au pouvoir ou s’en approche.

Mme Marie-Louise Fort. Grâce à qui ?

M. Jean-Christophe Cambadélis. Ils sont légions sur les réseaux sociaux et leur emprise sur les esprits n’est plus à démontrer. Ces hérauts de l’anti-système ont développé un système de prise de pouvoir redoutable. Les victoires de Trump et du Brexit sont autant de coups de massue sur le plafond de verre qui bloque encore timidement leur progression électorale.

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est cela, faites-nous peur !

M. Jean-Christophe Cambadélis. La vraie nature de ce parti ne doit pas être passée sous silence. Oui, le national-populisme est plus ou moins xénophobe, et en France il l’est plus que moins. C’est aussi un parti contre les pauvres. Il est « pauvrophobe ». (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.) Il suffit là encore de regarder ce qui se passe dans les municipalités frontistes. Oui, les faits sont têtus. Moins bruyants que les frontistes, mais plus têtus.

Le Front national parle d’un monde qui n’existe plus et rêve d’une France qui n’a jamais existé. Les problèmes qui sont les nôtres sont des problèmes que la France seule ne peut régler. Le terrorisme, le péril terroriste, les innovations, les migrations, tout cela se joue au niveau des États-continents ou de la planète.

Ce rejet des instances supranationales est absurde et inefficace, dangereux surtout pour notre pays. Leur programme anti-euro et anti-européen, c’est prendre le tapis roulant de l’Histoire à l’envers. Il faut bien sûr résoudre les problèmes actuels de l’Europe, mais il ne faut pas la dissoudre ! Cette remise en cause de l’Europe, c’est une remise en cause de la France.

Monsieur le Premier ministre, nous croyons dans la force du débat. Nous prenons les idées au sérieux. Nous croyons en l’avenir. Nous regardons de près les critiques et les programmes. Nous allons réengager le débat sur le fond car il oppose une certaine idée de la France à une certaine idée de la droite.

L’avenir ne se construit pas avec des peurs ou en commettant les mêmes erreurs ; l’avenir se construit sur l’espoir et sur les effets d’une politique juste et efficace. Nous croyons à l’État et aux fonctionnaires sur lesquels repose cet État.

M. Laurent Furst. Ça, nous l’avons remarqué !

M. Jean-Christophe Cambadélis. La gauche ne veut pas plus d’État en soi, elle veut plus de protections et plus de régulations. Nous ne sommes pas allergiques au marché, nous ne voulons simplement pas qu’il contamine tous les pores de notre société.

La gauche n’entretient aucune mystique du pouvoir. Le pouvoir, elle l’exerce, c’est tout. Elle l’exerce modérément, mais complètement. Le pouvoir, elle en prend soin car il est donné par le peuple. Il est d’abord cet honneur de servir les intérêts supérieurs de la nation. Il est aussi cette occasion d’orienter le réel dans le sens des valeurs de justice et de progrès.

En cinq ans, avec la gauche, la France a relevé la tête. Elle a assuré l’avenir de son modèle social, celui dont elle est si fière, celui qui fait sa force, son histoire, j’allais dire sa nature. Elle a retrouvé la dignité qu’elle avait perdue, parce qu’elle a renoué avec l’égalité.

Nous discuterons en janvier à nouveau d’un très beau texte qui porte le sens de notre action : l’égalité réelle pour les ultramarins. Réduire les inégalités entre la métropole et ces régions, réduire les inégalités à l’intérieur même de ces régions : n’est-ce pas là résumer le sens de notre action ?

Pour les cinq mois qui viennent, monsieur le Premier ministre, vous pourrez vous appuyer sur les avancées qui ont été faites. Pour les cinq mois qui viennent, monsieur le Premier ministre, nous comptons sur vous, et vous pouvez compter sur nous, pour combler les retards et pour continuer d’avancer. Ces cinq mois, nous le savons, vous les exploiterez au maximum de leur potentialité. Vous vous investirez sans relâche, avec votre sens de l’éthique et votre sens de l’État. Pour cela, et au nom du groupe socialiste, écologiste et républicain, vous avez tout notre respect, tout notre soutien et donc toute notre confiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Véronique Besse, au titre des députés non inscrits.

Mme Véronique Besse. Monsieur le Premier ministre, honnêtement, je pense que vous vous êtes fait avoir ! En vous offrant les rênes du dernier gouvernement du quinquennat, le Président de la République vous a fait un cadeau empoisonné.

M. Jean Glavany. Ça commence mal !

Mme Véronique Besse. La tâche, il est vrai, est ingrate. Elle consiste à refermer la parenthèse d’un triste quinquennat. Le travail qui vous attend pour cinq mois, c’est de prononcer l’éloge funèbre de cinq ans d’échecs successifs.

Prononcer un éloge funèbre ! C’est d’ailleurs exactement ce que vous venez de faire, il y a un instant, affirmant, les yeux dans les yeux, que votre gouvernement était mobilisé et au travail pour permettre à la France d’affronter les défis qui sont devant elle. Mais nous, représentants du peuple, comme les millions de Français qui attendent avec impatience de pouvoir vous dire au revoir au printemps prochain, nous n’avons pas la mémoire courte. Nous savons que votre beau discours de politique générale ne suffira pas à masquer vos échecs. Parce que s’il y a un mot qui résume bien votre mandat, c’est celui-là : échec !

Pour faire court, je n’en citerai que quatre.

Le premier est celui de la lutte contre le chômage et du rétablissement de la situation économique de notre pays. « Notre pays, expliquait le candidat François Hollande dans ses promesses de campagne en 2012, est confronté à un chômage record et s’enfonce dans la récession autant que dans l’austérité. » Cinq ans plus tard, la France compte plus d’un million de chômeurs en plus. Et le candidat de continuer : « L’industrie a été abandonnée depuis trop longtemps et nos agriculteurs n’arrivent plus à vivre de leur travail. » Cinq ans plus tard, la situation industrielle française n’a jamais été aussi catastrophique. Quant à l’agriculture, est-il nécessaire d’en rajouter ? Est-il nécessaire de souligner la détresse des agriculteurs, qui ne demandent ni primes ni subventions, mais simplement qu’on les laisse travailler librement pour gagner dignement leur vie et qu’on les protège des contraintes insensées de l’euro-mondialisme bruxellois ?

Le deuxième échec est celui de l’école et de la formation. Toutes les études internationales, classement PISA en tête, le montrent, le niveau de nos élèves n’est pas bon. Et, soyons sérieux, les réformes et autres délires idéologiques des gouvernements socialistes successifs n’ont fait qu’empirer la situation. Je pense notamment à la réforme du collège, toujours contestée et à jamais contestable. Je pense également à la réduction de la liberté scolaire, comme si, à côté d’une éducation nationale en difficulté, il ne pouvait y avoir de modèles alternatifs. Quant à l’apprentissage, beaucoup d’effets d’annonce, mais rien de concret…

Le troisième échec est celui de la sécurité, et vous êtes mieux placé que quiconque pour le savoir, monsieur le Premier ministre. Mieux que quiconque, vous savez que, depuis les attentats islamistes, les Français ont peur et ne vivent plus comme avant. Le terrorisme islamiste est venu nous frapper au cœur. Mais les Français sont également inquiets face à la délinquance du quotidien, celle que les spécialistes appellent la « petite délinquance », comme s’il y avait de la « petite » délinquance qui faisait des « petites » victimes, celle qui effraie les parents quand ils voient leurs enfants sortir le soir, celle qui touche tout le monde sans distinction. Et force est de constater que, dans ce domaine-là, vous avez également échoué. La mobilisation des policiers en colère en est la preuve. Depuis deux ans, avez-vous réellement remis en question votre politique en matière de sécurité et de justice ? Avez-vous réellement donné une impulsion décisive en matière de sécurité intérieure, de renforcement des moyens des forces de l’ordre et des services pénitentiaires ? La réponse est non.

À mettre à votre bilan, et c’est votre quatrième échec, il y a la calamiteuse gestion de la crise migratoire et votre folle politique de répartition des immigrés clandestins sur l’ensemble du territoire national.

M. Laurent Furst. Absolument !

Mme Véronique Besse. Une gigantesque tromperie pour tenter de faire oublier qu’en France, il y a un problème avec l’immigration. La fermeture de la « jungle » de Calais n’a rien réglé. D’ailleurs, rien ne changera si elle ne s’accompagne pas de vraies décisions, telles que la fermeture des frontières ou encore l’expulsion des clandestins entrés illégalement sur notre sol.

J’aurais pu également évoquer votre politique de destruction de la famille, vos décisions lourdes de conséquences concernant la santé, ou bien encore les choix irresponsables de la diplomatie française en Orient, qui ont entraîné l’instabilité et les conséquences que nous connaissons aujourd’hui…

Monsieur le Premier ministre, je disais en introduction que votre discours de politique générale était un éloge funèbre servant à masquer l’échec de ce quinquennat. Après cinq ans de socialisme, ces cinq derniers mois vont être longs, très longs, pour les Français. Une seule chose peut cependant nous rassurer : le fait que ces cinq mois seront les derniers ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains. – Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. Le débat est clos.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je voudrais tout d’abord remercier l’ensemble des orateurs des groupes qui sont intervenus à l’occasion de ce débat de politique générale, exprimant chacun à sa manière, avec plus ou moins de nuances, ce qu’ils avaient à m’adresser.

Un député du groupe socialiste, écologiste et républicain. Où est passé M. Jacob ?

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Je profite de l’occasion fournie par cette réponse – que j’essaierai de faire courte, tout en répondant malgré tout à l’ensemble des interpellations – pour dire que s’il est une chose dont je suis sûr, c’est qu’en cinq mois il est possible de faire beaucoup, dans le comportement individuel et collectif, pour en finir avec certains modes d’expression ou de confrontation dont les Français sont grandement lassés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

M. François Rochebloine et M. Gaby Charroux. Très bien !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Je le dis avec une absolue sincérité et une grande détermination, je souhaite au cours des cinq prochains mois faire en sorte que, lorsque nous nous adressons les uns aux autres, nous fassions preuve de respect non seulement à l’égard de nos interlocuteurs, mais aussi à l’égard de ceux qui nous regardent. Montrons-nous capables de faire silence et d’accepter que le propos de l’autre, surtout si l’on n’est pas d’accord avec ce qu’il contient, puisse faire l’objet d’une opposition apaisée, d’une confrontation normale, dans une démocratie moderne, plutôt que de continuer à donner le spectacle de ces outrances, de ces invectives, de ces propos destinés à blesser. La démocratie est infiniment plus forte quand ceux qui contribuent à la faire vivre se respectent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et sur plusieurs bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. François Rochebloine. Bravo !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. C’est le premier message que je veux envoyer aujourd’hui. Il correspond à une conviction profonde que j’ai de ce que doit être la vie politique dans notre pays. Depuis trop longtemps, mardi après mardi, mercredi après mercredi, je vois les questions d’actualité s’égrener, les vociférations et le vacarme occuper tout l’espace, les invectives l’emporter sur la confrontation noble des points de vue qui, en démocratie, devrait toujours prévaloir. Si je peux en cinq mois, modestement – oh ! je ne suis pas sûr d’y parvenir –, faire en sorte que, dans cette période électorale, nous nous opposions les uns aux autres et débattions les uns avec les autres en considérant que le respect est une valeur qui l’emporte sur toutes les autres, alors j’estimerai déjà que j’aurai fait œuvre utile. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain, sur plusieurs bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur quelques bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Il est un deuxième point sur lequel je souhaite insister : dans une période comme celle qui s’ouvre, le débat politique aura d’autant plus d’intérêt et de relief que nous saurons, dans la manière dont nous développerons nos objectifs, nos projets et nos programmes, convoquer toujours la vérité plutôt que d’instruire toujours des procès avec des outrances parfois jusque dans la connexion entre les faits.

Je prendrai quelques exemples extrêmement concrets, car j’ai bien identifié, dans les propos de l’opposition, les principaux reproches qui nous sont adressés.

Concernant tout d’abord le redressement de la France, si je comprends bien le discours des orateurs de l’opposition, nous aurions échoué sur tout alors que la précédente majorité, elle, aurait réussi toutes les politiques qu’elle a mises en œuvre.

M. Pascal Terrasse. Utile comparaison, mais ils ne sont plus là pour vous écouter ! Même M. Jacob est parti !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Ce n’est pas grave : s’il a la télévision là où il est, peut-être m’entend-il. Ce qui compte, c’est qu’il puisse accéder à ma réponse. Il y a aussi le compte rendu, du reste !

Vous contestez le fait que nous ayons contribué au redressement des comptes publics et M. Jacob a indiqué dans son propos qu’à l’époque où j’étais ministre du budget, les déficits n’avaient pas été maîtrisés comme ils auraient dû l’être. Je veux lui répondre en convoquant les faits et en l’invitant à consulter les documents budgétaires et les comptes rendus des réunions de la commission des finances auxquelles un certain nombre de ses amis participaient.

Lorsqu’en 2012 la majorité précédente a quitté le pouvoir, la dépense publique avait augmenté de 170 milliards d’euros, avec un rythme annuel de 3 %. Le premier budget que j’ai fait adopter par l’Assemblée nationale alors que j’étais ministre du budget a ramené la progression de la dépense publique à 1,3 %. Si je comprends bien, mesdames et messieurs de l’opposition, et je le dis sans aucune acrimonie…

M. Laurent Furst. Évidemment !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. …lorsque, alors que vous êtes en situation de responsabilité, vous alourdissez la dépense publique de 170 milliards et qu’elle augmente annuellement de 3 %, vous êtes d’excellents gestionnaires, mais lorsque le ministre du budget que je suis la divise par trois, c’est un mauvais ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. François André. Ils ne savent pas compter !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. J’invite simplement les Français, dans la période particulière où nous nous trouvons, à préférer de mauvais ministres comme moi à de bonnes majorités comme la vôtre parce que lorsqu’on voit les résultats, on sait parfaitement ce dont notre pays a besoin. (Mêmes mouvements.)

M. Laurent Furst. Hollande va revenir !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Vous parlez aussi de la dégradation des comptes publics que nous aurions organisée par notre laxisme et notre irresponsabilité. Mais permettez-moi, là aussi, de vous rappeler quelques chiffres parce que la réalité est une excellente manière de conduire le débat. La dette a augmenté de 25 points lorsque vous étiez en situation de responsabilité : elle est passée de 64 % en 2007 à près de 89 % en 2012 lorsque vous avez quitté le pouvoir.

Il est d’ailleurs un homme, que vous avez désigné comme votre candidat et pour lequel j’ai la plus grande considération et le plus grand respect, même si je combattrai avec détermination le projet qu’il porte parce que je ne suis pas d’accord avec son contenu, qui a fait le constat au moment où il a pris ses responsabilités que le pays était en faillite. Mais la dette a augmenté de 25 points pendant votre quinquennat…

M. Pascal Terrasse. C’est vrai !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. …alors qu’elle n’a augmenté que de sept points pendant le nôtre. Mais lorsqu’elle augmente de 25 points pendant votre quinquennat, c’est la preuve d’une excellente gestion, tandis que si elle augmente de sept points pendant le nôtre, c’est un désastre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Vous avez développé un autre raisonnement que M. Jacob a essayé de rendre amusant – mais pour être drôle il faut de temps en temps oublier d’être agressif, c’est pourquoi il a raté son but – tendant à prouver que les déficits n’avaient pas diminué. Là aussi, permettez-moi de rappeler quelques éléments. Lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités en 2012, le déficit budgétaire de notre pays était de 5,2 %, et il avait même atteint plus de 7 % dans les deux années précédant votre départ du pouvoir !

M. Pascal Terrasse. Ce qui représente 140 milliards !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Il est aujourd’hui au-dessous de 3 %. Vous considérez donc que lorsque nous diminuons de deux points le déficit budgétaire de l’État, c’est la gabegie, mais lorsque vous l’augmentez de trois points…

M. Pascal Terrasse. Soit 40 milliards !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. …c’est le signe d’une excellente gestion. (Mêmes mouvements.)

Il faudra que vous expliquiez aux Français, au moment de la campagne présidentielle, comment vous comptez poursuivre cette campagne, dont j’ai compris l’esprit – je ne parle pas de votre candidat, mais de ceux qui lui servent de porte-parole dans les meetings ou à l’occasion de récents débats – qui est de dissimuler, à travers une entreprise de démolition qui a commencé au premier jour du quinquennat de François Hollande et dans l’outrance, la réalité du bilan qui est le nôtre. Voilà votre stratégie !

Je veux vous le dire très sereinement, très calmement et avec une totale détermination, mesdames et messieurs de l’opposition : partout où vous convoquerez les contrevérités pour démolir un bilan qui peut être critiqué, qui peut être débattu, je m’emploierai avec le plus grand calme et la plus grande détermination à convoquer les faits parce que je ne veux pas du débat que vous cherchez à nous imposer et dont on a vu la tournure qu’il peut prendre, à savoir un débat qui abaisse tout, qui réduit tout en invectives et en polémiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. André Schneider. Vous l’avez fait pendant dix ans !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. J’ai une autre conception de l’action publique et j’entends, pendant ces cinq mois, l’incarner jour après jour parce que je pense que c’est ainsi que nous pourrons lutter contre les populismes et réconcilier les Français avec la politique.

Je veux dire à la majorité, à Jean-Christophe Cambadélis et à André Chassaigne, que lorsqu’on compare ce que nous avons fait et ce que nous propose la droite, qui a un projet clair et a fait le choix de dire très sincèrement ce qu’elle comptait faire pour le pays, on voit la différence entre la droite et la gauche.

M. Antoine Herth. Oui !

M. Philippe Gosselin. C’est vrai qu’il y en a une !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Et devant le Parlement, je veux dire les choses clairement : décider en quelques mois de diminuer de 500 000 à 600 000 les effectifs de la fonction publique…

Mme Véronique Louwagie. En cinq ans !

M. Antoine Herth. C’est vous seul qui parlez de quelques mois !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. …signifie moins d’enseignants dans les écoles, moins de policiers dans les villes, moins de gendarmes dans les campagnes, moins de fonctionnaires dans les préfectures et les sous-préfectures de France. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Yves Fromion. C’est complètement faux !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Vous le savez parfaitement, mesdames et messieurs les députés. Je vous rappelle qu’à l’époque où vous étiez en situation de responsabilité, les services publics – j’ai moi-même été ministre de l’intérieur, en charge de l’administration de l’État – vous avez supprimé en cinq ans près de 2 500 emplois dans les préfectures et les sous-préfectures.

M. André Schneider. Il fallait faire face à la crise de 2008 !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Quand on sait que chaque préfecture représente près de 200 emplois, c’est l’équivalent de treize préfectures que vous avez supprimées lorsque vous étiez au pouvoir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Antoine Herth. Vous, vous avez supprimé onze préfectures de région !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Votre projet est clair, il porte un nom. Il consiste non seulement à continuer mais à amplifier ce mouvement. Si vous pensez que les Français accepteront que le redressement des comptes et la modernisation du pays et de l’État signifient la disparition des services publics, je vous le dis du fond du cœur parce que je pense que c’est leur état d’esprit, ils s’y opposeront avec la plus grande force. Parce que les Français savent que dans les difficultés, face aux inégalités, face aux souffrances sociales, les services publics sont le lieu de la solidarité et le patrimoine de ceux qui n’en ont pas, et ils ne vous laisseront pas détruire méthodiquement les services publics comme vous vous proposez de le faire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Yves Fromion. Caricature !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Je vous ai aussi entendu parler de sécurité. J’ai entendu des choses, je vous le dis très clairement, extrêmement blessantes pour un ministre de l’intérieur, et je veux y répondre.

J’ai entendu dire à plusieurs reprises, au cours des dernières semaines, qu’un ministre de l’intérieur qui a rehaussé les moyens des services de renseignement et des forces de sécurité, qui a augmenté de 20 % les crédits d’investissement à la disposition de la police et de la gendarmerie pour que nous ayons enfin des équipements, qui a réorganisé les services de renseignement, ce ministre est responsable personnellement de la mort de plus de 200 Français parce que des actes terroristes ont eu lieu. Je vous le dis, ce que vous vous autorisez avec moi, jamais je ne me l’autoriserai, avec aucun responsable de votre sensibilité qui pourrait demain avoir la responsabilité de notre pays. Jamais ! (Mmes et MM. les députés de la majorité se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Jamais je ne dirai cela parce que j’imagine que lorsque vous étiez au pouvoir et que vous aviez la responsabilité de la sécurité des Français, vous avez fait le meilleur. (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) J’imagine que Nicolas Sarkozy et François Fillon ont fait le meilleur. J’imagine que les ministres de l’intérieur qui m’ont précédé ont fait le meilleur. C’est cela aussi la différence entre ce que je veux incarner et ce que vous faites et dites, et je le porte très fièrement parce que la République, ce n’est pas cela, et que nous avons besoin d’une autre manière de faire de la politique dans notre pays. (Mêmes mouvements.)

Sur ce sujet comme sur d’autres, avec la plus grande détermination, je vous dirai non pas mon hostilité, parce que ce n’est pas le sentiment qui m’anime, mais simplement ma ferveur républicaine parce que le pays a besoin de républicains de droite et de gauche qui se respectent et croient aux valeurs de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mesdames et messieurs les députés, je veux également vous dire que nous avons le devoir collectif, l’opposition comme la majorité, de bien comprendre le fossé qui sépare les Français de leur classe politique et qui laisse un espace béant à tous les populismes.

M. François Rochebloine. Très bien !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Si nous voulons réussir la réconciliation de nos concitoyens avec ceux qui exercent la responsabilité publique, il faut, face à des enjeux fondamentaux, essayer de trouver une position de pondération et d’équilibre.

Madame Besse, je vous entendais dire tout à l’heure, après le président Jacob, qu’à Calais nous avions procédé à la mise à l’abri de migrants irréguliers que nous avions régularisés parce que nous sommes irresponsables. Je vous le dis très sincèrement, là encore sans aucune agressivité, il y avait à Calais des hommes, des femmes, des enfants qui vivaient depuis des mois dans la boue et la misère.

M. Laurent Furst. La faute à qui ?

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Ces personnes subissaient la violence, toutes les formes de violence, y compris contre les enfants, et aspiraient à vivre normalement, dans des bâtiments en dur, et à apprendre le français. Il ne s’agissait pas de migrants irréguliers mais de réfugiés qui avaient fui les persécutions de Bachar Al-Assad, de Daech, les persécutions d’Isaias Afwerki en Érythrée, les persécutions au Soudan, et qui aspiraient simplement à vivre libres et, pour un certain nombre d’entre eux, non pas à vivre mais à simplement pouvoir survivre.

M. Pascal Terrasse. Comme ceux qui ont fui la guerre d’Espagne !

M. Yves Fromion. Mais pourquoi étaient-ils là ?

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Oui, je suis fier d’avoir participé à un gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain) qui, avec Emmanuelle Cosse, a décidé d’ouvrir des centres d’accueil et d’orientation pour que ces migrants puissent accéder au statut de l’asile en France. Je suis fier d’appartenir à un gouvernement qui a multiplié par deux le nombre de places en centres d’accueil pour demandeurs d’asile, qui a ouvert 475 centres d’accueil et d’orientation. Parce qu’aussi longtemps que la République sera la République et que la France sera la France, tous ceux qui sont persécutés dans leur pays devront pouvoir trouver en Europe la protection dont ils ont besoin. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. – Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Mme Sandrine Mazetier. Très bien !

M. Laurent Furst. Pipeau !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Et lorsque j’entends dire que nous procédons, dans les CAO, à la régulation de migrants en situation irrégulière, je me demande où nous sommes parce que nous n’avons jamais, nous, confondu la régularisation de migrants en situation irrégulière avec l’octroi du statut de réfugié à ceux qui ont fui les persécutions.

M. Yves Fromion. Pourquoi étaient-ils là ? C’est votre responsabilité !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Si notre pays n’est plus capable de dire cela, alors ce n’est plus la France. Et vous qui convoquez en permanence l’identité de la France…

M. Laurent Furst. Les leçons, ça suffit !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. …n’oubliez pas que ce message est celui que les peuples du monde ont appris à aimer de notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain), pour reprendre la très belle déclaration que François Mitterrand a faite à Cancùn.

Monsieur Chassaigne, nous avons commencé un dialogue singulier la semaine dernière. Votre démarche, je la connais, je la comprends,…

M. Patrice Carvalho. Cela ne se voit pas dans vos lois !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. …tellement d’ailleurs qu’avant même que vous vous exprimiez il m’arrive de la deviner. (Rires.) Mais cela n’altère pas l’amitié – d’ailleurs lorsqu’on devine les propos de celui qui va s’exprimer, c’est peut-être que l’on a avec lui une certaine complicité. Mais je ne veux pas vous compromettre, ni que vous ayez des ennuis avec certains de vos amis (Sourires) – une amitié qui permet d’avoir un dialogue de qualité.

Mais je veux vous dire ici certaines choses comme je les ai dites la semaine dernière. Faites attention, monsieur Chassaigne, parce que nous entrons dans une période particulière du débat démocratique de notre pays. Et si nous ne sommes pas capables de faire la différence entre la droite et la gauche…

M. Patrice Carvalho. C’est valable pour vous aussi, monsieur le Premier ministre !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. …il se peut que les Français n’aient plus le choix qu’entre l’extrême-droite et la droite.

La différence entre la droite et la gauche est claire aujourd’hui. Lorsque nous créons 60 000 postes dans l’éducation nationale alors qu’un gouvernement précédent en avait détruit 80 000, les enseignants et les élèves de Seine-Saint-Denis, qui pour la première fois, madame la ministre de l’éducation nationale, bénéficient de taux d’encadrement qu’ils n’ont jamais eus, voient la différence.

M. Laurent Furst. Ils voient la différence, c’est pourquoi ils ne votent pas à gauche !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Les policiers, qui ont vu disparaître 13 000 emplois en cinq ans mais constatent que 4 600 élèves sortent des écoles de police, alors qu’ils étaient 460 il y a dix ans, voient la différence entre ce que nous faisons en matière de sécurité et ce qui a pu être fait par ailleurs à d’autres époques.

M. Yves Fromion. Pourquoi alors veulent-ils vous mettre dehors ?

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Ils manifestent pour une raison très simple, c’est que pendant quinze ans les gouvernements de toutes sensibilités n’ont pas pris conscience de la nécessité d’améliorer les équipements de nos forces de sécurité, de moderniser les locaux, d’augmenter et de former des effectifs. C’est vrai, une souffrance s’est accumulée et des incompréhensions sont apparues, mais parfois ce sont les gouvernements qui en font le plus qui doivent rendre des comptes pour ceux qui n’ont pas fait assez. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Laurent Furst. Celle-là, il fallait la trouver… C’est osé !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Ainsi va la vie démocratique. Cela arrive et je l’ai assumé totalement en tant que ministre de l’intérieur, comme je suis convaincu que Bruno Le Roux le fera par la suite.

Voilà ce que je voulais vous dire sur un certain nombre de sujets, mais je pourrais aborder d’autres questions. Par exemple, on parle de la politique européenne et de la nécessité pour la France d’être plus présente, mais lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, les problèmes migratoires et le terrorisme, même s’il n’avait pas atteint les proportions que l’on connaît aujourd’hui, existaient déjà. Frontex n’existait pas, la protection des frontières extérieures de l’Union européenne n’existait pas et nous n’avions pas encore pris de mesures destinées à permettre l’interconnexion des fichiers de lutte contre le terrorisme. La modification du Code frontières Schengen, que vous appeliez constamment de vos vœux au moment des élections présidentielles de 2012, alors que vous gouverniez depuis cinq ans, n’avait pas encore été obtenue.

Or la modification du Code frontières Schengen, à travers son article 7-2, ce n’est pas vous qui l’avez obtenue, c’est nous, tout comme nous avons établi le contrôle aux frontières pour protéger la France contre le terrorisme.

Je constate encore une fois que vous demandez ce que nous avons fait, que vous proposez d’obtenir ce que nous avons déjà mis en œuvre, ce qui vous dispensera de travailler beaucoup si vous deviez revenir au pouvoir. Je n’ai que cinq mois pour faire beaucoup de choses, mais comme vous proposez de faire ce que nous avons déjà fait, vous pourrez avec ce dispositif rester cinq ans sans faire grand-chose ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Yves Fromion. C’est une grosse finesse !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Mesdames et messieurs les députés de la majorité, soyez fiers de ce qui a été fait au cours des cinq dernières années ! Soyez fiers !

J’ai essayé tout à l’heure, dans les propos que j’ai tenus devant la représentation nationale, de mettre fin aux manipulations, aux dissimulations, aux outrances, non pour dire que nous n’avons fait que des choses excellentes ou que nous aurions tout fait bien. Personne ne le pense…

M. Yves Fromion. C’est vrai !

M. Laurent Furst. Aucun Français, en tout cas !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. …et l’exercice du gouvernement, dans la société complexe où nous nous trouvons, doit toujours et avant tout susciter l’humilité. Mais nous avons fait au mieux ce que nous estimions devoir faire.

M. Yves Fromion. Eh bien, vous avez des marges de progrès !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Nous avons repoussé les frontières sur beaucoup de sujets. Nous avons assaini les comptes. Nous avons mobilisé notre énergie pour protéger notre système social, là où d’autres prétendent le mettre à mal. Nous avons renforcé nos services publics. Nous avons pris des initiatives européennes. Nous avons essayé, dans la crise migratoire, d’être conformes à nos valeurs. Nous avons relancé la politique du logement. Nous avons pris des initiatives, avec Marisol Touraine et Myriam El Khomri, pour ouvrir de nouveaux droits à ceux qui sont le plus en difficulté.

Ce bilan, c’est celui de notre majorité, et il nous faudra le conforter jusqu’à la dernière minute, en agissant sans trêve ni pause.

Pour cela, je vous demande de me donner la force de votre confiance. (Mmes et MM. les députés du groupe socialiste, écologiste et républicain se lèvent et applaudissent.)

Vote en application de l’article 49, alinéa 1er, de la Constitution

M. le président. Le Premier ministre ayant engagé la responsabilité du Gouvernement, je vais mettre aux voix l’approbation de sa déclaration de politique générale.

En application de l’article 65 du règlement, la Conférence des présidents a décidé que le vote se déroulerait dans les salles voisines de la salle des séances.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale. Il est ouvert pour une durée de trente minutes. Il sera clos à dix-huit heures vingt.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Voici le résultat du scrutin sur la déclaration de politique générale du Gouvernement :

Nombre de votants 554

Nombre de suffrages exprimés 544

Majorité absolue des suffrages exprimés 273

Pour l’approbation 305

Contre 239

L’Assemblée nationale a approuvé la déclaration de politique générale du Gouvernement. (Mmes et MM. les députés du groupe socialiste, écologiste et républicain se lèvent et applaudissent longuement.)

M. Alain Tourret. Très bien !

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi prorogeant l’état d’urgence.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures vingt-cinq.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly