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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2016-2017

Compte rendu
intégral

Séance du jeudi 22 décembre 2016

SOMMAIRE

Présidence de M. Marc Le Fur

1. Approbation d’accords internationaux

Accord avec les Comores relatif aux services aériens

Accord avec les Philippines relatif aux services aériens

Accord avec la République démocratique du Congo relatif aux services aériens

Accord avec la République du Congo relatif aux services aériens

Accord avec le Panama relatif aux services aériens

Accord multilatéral entre autorités compétentes sur l’échange des déclarations pays par pays

Accord avec l’Italie sur la ligne ferroviaire Lyon-Turin

2. Projet de loi de finances rectificative pour 2016

Présentation

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

M. Christian Eckert, secrétaire d’État

Discussion générale

M. Paul Giacobbi

M. André Chassaigne

M. Dominique Lefebvre

Mme Marie-Christine Dalloz

M. Philippe Vigier

Texte adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture

Vote sur l’ensemble

Suspension et reprise de la séance

3. Égalité et citoyenneté

Présentation

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique de la commission spéciale

Discussion générale

M. Paul Giacobbi

M. André Chassaigne

Mme Audrey Linkenheld

Mme Marie-Christine Dalloz

M. Philippe Vigier

Texte adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture

Vote sur l’ensemble

4. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Marc Le Fur

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Approbation d’accords internationaux

Procédure d’examen simplifiée

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, selon la procédure d’examen simplifiée, de sept projets de loi autorisant l’approbation d’accords internationaux (nos 3384 et 4308 ; 3383 et 4307 ; 4209 et 4305 ; 4205 et 4306 ; 4210 et 4304 ; 4181 et 4282 ; 4170 et 4303).

Accord avec les Comores relatif aux services aériens

(L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.)

Accord avec les Philippines relatif aux services aériens

(L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.)

Accord avec la République démocratique du Congo relatif aux services aériens

(L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.)

Accord avec la République du Congo relatif aux services aériens

(L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.)

Accord avec le Panama relatif aux services aériens

(L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.)

Accord multilatéral entre autorités compétentes sur l’échange des déclarations pays par pays

(L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.)

Accord avec l’Italie sur la ligne ferroviaire Lyon-Turin

(L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.)

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

2

Projet de loi de finances rectificative pour 2016

Lecture définitive

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, en lecture définitive, du projet de loi de finances rectificative pour 2016 (n4349).

Présentation

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics. Monsieur le président, monsieur le vice-président de la commission des finances, mesdames et messieurs les députés, j’ai constaté l’enthousiasme que vous avez manifesté pour saluer l’adoption de l’accord sur la ligne ferroviaire Lyon-Turin, mais vous n’avez peut-être pas prêté suffisamment attention à un autre accord qui vient d’être adopté par votre assemblée : celui concernant l’échange des informations pays par pays, le CBCR – Country-by-Country Reporting. Cet accord, qui a fait l’objet de nombreux débats et parfois de votes difficiles dans cette assemblée, permettra, et c’est essentiel, aux administrations fiscales de l’Union européenne d’échanger des informations.

M. Dominique Lefebvre. C’est bien !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Certains, je le sais, auraient préféré qu’une obligation de reporting publique soit imposée par la loi, mais l’essentiel est que ces informations soient à la disposition des administrations fiscales parce que ce sont elles qui conduisent les redressements.

Ce matin a lieu devant vous la dernière intervention du Gouvernement sur un texte financier – la dernière de l’année, mais également la dernière du quinquennat. Sauf événement extraordinaire, plus aucun texte financier ne devrait venir en discussion avant la fin de cette législature.

J’ai eu la charge et l’honneur, depuis que j’exerce ma fonction, c’est-à-dire depuis avril 2014, de vous présenter douze textes financiers : trois durant l’été 2014 – un projet de loi de finances rectificative, un projet de loi de financement de la Sécurité sociale rectificative, ce qui est inhabituel, et un projet de loi de programmation des finances publiques – et, chaque automne, les trois textes traditionnels que sont le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, le projet de loi de finances et le projet de loi de finances rectificative. Ces textes ont donné lieu à de longs travaux, importants au regard de l’état de nos comptes publics.

À cet égard, je suis toujours irrité quand j’entends certains parlementaires parler d’explosion de la dette ou d’explosion des déficits, car cela ne sert pas la cause publique, cela accroît le décalage entre nos concitoyens et la classe politique, parce que c’est faux.

Les comptes publics sont en bien meilleur état qu’en 2012 : le déficit public a été divisé par deux, le déficit des quatre branches de la Sécurité sociale a été pratiquement annulé, la dette de la Sécurité sociale a commencé à diminuer. Certes, la dette de l’État a continué à augmenter, mais quatre fois moins vite que durant la législature précédente. Prétendre que, sous cette législature, la dette et les déficits ont explosé, c’est nier, d’une certaine façon, l’effort non pas des élus mais de l’ensemble des acteurs de la chose publique, voire également de la chose privée.

Certaines des décisions que nous avons prises ont été difficiles. Vous avez le droit, mesdames et messieurs les députés de l’opposition, de contester la méthode et le rythme de ces réformes.

M. Philippe Vigier. Ah !

Mme Marie-Christine Dalloz. On nous reconnaît donc des droits !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Bien évidemment ! Cela s’appelle le débat public et c’est normal.

Vous pouvez contester la méthode, vous pouvez contester le rythme, mais oser dire que, sous cette législature, les déficits sont plus importants qu’auparavant, c’est un mensonge pur et simple, car les déficits ont été réduits de moitié. Et c’est à l’effort d’un certain nombre de Français, que ce soit sous la forme d’impôts,…

M. Philippe Vigier. Oui !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …de diminutions de crédits, de gel de prestations, de gel de point d’indice, c’est à l’ensemble de notre pays que nous le devons.

Je vous entends communément dire que ces résultats sont dus à « l’alignement des planètes », comme si les taux d’intérêt pratiqués à l’égard de notre pays étaient sans rapport avec les résultats des comptes publics, comme si le niveau de l’euro, qui a pu, à un moment donné, être considéré comme un facteur favorisant l’économie, n’avait pas été consécutif à une demande expresse de la France. Certes, nous ne sommes pas pour grand-chose dans la baisse du prix du pétrole, mais il serait injuste, faux, mensonger de considérer que ces résultats sont uniquement dus à « l’alignement des planètes ».

Quand on nous serine à longueur de discours que nous ne faisons que des économies de constatation, c’est, là aussi, profondément injuste et excessif. Comme si, lorsque nous dépensons moins d’argent pour rembourser les intérêts de la dette, cela ne devait pas être inscrit dans nos documents budgétaires ! Comme si nous avions uniquement profité de certaines situations, alors même que nous avons conduit des politiques qui sont sans doute l’une des causes de l’impopularité, parfois excessive, de ce gouvernement !

Mais la réduction des déficits a été obtenue, il faut le dire, en respectant des priorités.

S’agissant de l’éducation nationale, qui peut nier ici que les rentrées scolaires – je m’adresse aux députés, toujours attentifs aux fermetures de classes dans leur circonscription – se passent beaucoup plus simplement et doucement qu’à une autre époque, lorsqu’on fermait des classes à tour de bras, notamment en milieu rural ?

Une autre priorité a été donnée à la police et à la gendarmerie, avec la création de 9 000 postes de fonctionnaires sur cinq ans, ce qui contraste évidemment avec les restrictions du quinquennat précédent. Ces créations d’emplois, si elles ont été mises en lumière à l’occasion des malheureux attentats que nous avons vécus, ne datent pas de cette période mais avaient été largement anticipées. Comme si – je lis les journaux comme vous – la loi de programmation militaire n’avait pas été, pour la première fois, revue à la hausse en cours de mandat ! Comme si la loi de programmation militaire, et c’est aussi une première, n’avait pas été respectée, parfois même dépassée, s’agissant des crédits accordés et consommés par le ministère de la défense !

Il y a une profonde injustice dans le regard que portent sur ce quinquennat, à la veille d’échéances importantes, les populistes et un certain nombre de personnes qui s’expriment publiquement.

J’ai conscience que mon propos est long et l’exercice assez formel à ce stade de l’année, mais je voudrais insister sur les actions qui ont été conduites au sein du secrétariat d’État chargé du budget et des comptes publics. Derrière ce que l’on voit, à savoir, c’est normal, les textes financiers et les réformes législatives que vous avez acceptées, on oublie que 130 000 agents travaillent au quotidien dans cette administration. Je voudrais insister sur six réformes qui ont été conduites ou sont en cours de finalisation.

La première a trait à la lutte contre la fraude. Là aussi, il est toujours facile aux populistes d’affirmer que, pour lutter contre les 60 milliards de fraude fiscale et annuler le déficit de l’État, il suffirait d’embaucher quelques contrôleurs supplémentaires. Chacun sait ici que la question est complexe et que l’habileté d’un certain nombre de fraudeurs ne peut être combattue qu’à coups d’embauches de fonctionnaires.

Mais qui se souvient ici de la mise en place du STDR – service de traitement des déclarations rectificatives – par mon prédécesseur, Bernard Cazeneuve ? Cette structure a permis de révéler plusieurs dizaines de milliards d’euros d’avoirs, jusqu’ici dissimulés et qui entrent désormais dans l’assiette de l’impôt, tant pour eux-mêmes que pour les revenus qu’ils génèrent. Qui se souvient ici que ce sont près de 5 milliards d’euros d’impôts et de pénalités qui ont été récupérés grâce à la mise en place du STDR ?

J’ai évoqué, au début de mon propos, le CBCR, cet accord entre les administrations fiscales qui vient d’être adopté par votre assemblée. Qui oserait dire ici que nous ne sommes pas beaucoup mieux outillés sur le plan législatif pour lutter contre la fraude ? Je salue les élus, en tout cas ceux de la majorité, qui ont souvent porté les mesures prises dans ce domaine.

La deuxième réforme importante que nous avons conduite est celle de la modernisation de nos services au public. Aujourd’hui, on peut effectuer en ligne la plupart des opérations courantes : payer un timbre-amende, s’acquitter de ses impôts, effectuer des télédéclarations. J’ai l’habitude de dire, et cela fait toujours sourire, que la relation entre les Français et l’administration fiscale est plus conviviale qu’auparavant – comme s’il était convivial de payer un timbre-amende.

M. Paul Giacobbi. En tout cas, c’est plus pratique !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Quoi qu’il en soit, aujourd’hui, tout peut être fait en ligne et l’effort de notre administration est reconnu, je suis fier de le dire, comme l’un des plus efficaces et des plus importants parmi tous les ministères.

La troisième réforme, qui se trouve à cheval entre mon secrétariat d’État et le ministère de Mme Touraine, est celle instaurant la déclaration sociale nominative, la fameuse DSN, qui simplifie, fluidifie et accélère les relations entre les entreprises et l’administration. C’est une révolution qui permet des gains de temps et de productivité absolument extraordinaires – j’y reviendrai –, le président du Conseil supérieur de l’Ordre des experts comptables, que j’ai rencontré hier, en atteste.

Mme Monique Rabin. Vous avez raison de rappeler tout cela !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Quatrièmement, qui peut oublier aussi que nous avons conduit ce que j’ai l’habitude de présenter comme un travail de bénédictin : la réforme des valeurs locatives des locaux professionnels ? Elle provoque certes des craintes, mais n’était-elle pas nécessaire, pour des raisons d’équité, puisque l’application d’une base de valeurs locatives remontant aux années soixante-dix et peu réactualisée depuis lors conduisait certains, à produit égal, à payer de façon injuste à la place des autres ? Cette réforme a été conduite par l’administration. Nous l’avons retardée d’un an, c’est vrai, pour lui apporter des modifications, parce que changer les valeurs locatives provoque toujours des mouvements qu’il faut appréhender et parfois lisser ou adoucir.

La cinquième réforme, que vous avez adoptée, porte sur l’économie collaborative, phénomène du moment.

Mme Audrey Linkenheld. Oui !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ce secteur se développe de façon exponentielle, qui peut le regretter ? Les plus jeunes de nos concitoyens, mais pas uniquement eux, souhaitent le développement des échanges de biens, de services, de pratiques. À l’origine d’une véritable interrogation, la relation entre employeurs et salariés change dans notre monde. Uber n’en est pas le seul exemple : sous l’expression « "ubérisation" de la société » se cache une évolution phénoménale et fondamentale. Nous avons posé les jalons d’une adaptation – des cotisations sociales, de l’impôt – qui permet de donner des devoirs à chacun mais aussi d’ouvrir des droits – à la retraite, à l’assurance maladie – à ceux qui tirent leurs revenus de l’utilisation de ce nouveau secteur économique.

Mme Audrey Linkenheld. C’est très bien !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. D’autres types de droits restent à traiter. Nous avons posé une première pierre, qui constitue les fondements de cette évolution, mais il faudra probablement y revenir et s’adapter en permanence. Le législateur se demande d’ailleurs régulièrement s’il doit anticiper l’évolution de la société, influer sur elle, ou bien se contenter de l’accompagner. Quoi qu’il en soit, nous avons fait un pas décisif.

Mme Monique Rabin. Absolument !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. La dernière réforme concerne le PAS, le prélèvement à la source. Oui, cette réforme est aboutie. Oui, cette réforme, que beaucoup avaient estimée utile, voire nécessaire, qu’ils avaient jugée simple et qu’ils avaient souhaitée, nous l’avons conduite, avec précision et méthode, grâce au travail important de nos administrations, que je salue une fois de plus, parce que, depuis le 1er janvier, les services n’ont cessé de collaborer avec la direction de la législation fiscale et le Conseil d’État.

Mme Marie-Christine Dalloz. Jusqu’à l’examen du PLFR !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Elles ont fourni un travail considérable. Si la situation de 95 % des foyers fiscaux est simple, assez facilement traitée par le texte, il reste les « moutons à cinq pattes », comme nous avons coutume de les appeler : ceux qui, travailleurs indépendants, perçoivent à la fois des revenus fonciers, des revenus provenant de l’étranger et des salaires. Le travail que vous avez approuvé a été conduit avec méthode et crée les conditions pour que la réforme soit effective le 1er janvier 2018.

J’ai conscience, monsieur le président, d’avoir été un peu long, mais nul ne sait ce que l’avenir nous réserve, tant sur le plan individuel qu’à titre collectif.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est un adieu ?

M. le président. On écoute le secrétaire d’État, madame Dalloz !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous êtes toujours aussi délicate, madame Dalloz… (Sourires.)

Mme Marie-Christine Dalloz. Toujours !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je vous remercie ; les gens apprécieront.

Mme Audrey Linkenheld. C’est seulement une année qui s’achève !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. À la fin de cette législature pour ce qui est des textes financiers, il me semblait important de souligner plusieurs points. D’abord, je le répète, les comptes publics ont été redressés. Vous pouvez contester nos méthodes ou nos rythmes, mais vous n’avez pas le droit de nier ce résultat.

M. Philippe Vigier. Ah ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Tiens ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Par ailleurs, nos priorités, celles de la France, ont été assurées, en matière d’éducation, de sécurité et de défense. Enfin, mon secrétariat d’État a été profondément acteur de réforme, de simplification et de modernisation.

C’est pourquoi je vous présente ce projet de loi de finances rectificative avec beaucoup de sincérité, de tranquillité et de sérénité, même si c’est aussi avec un peu de fatigue. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Paul Giacobbi et M. Philippe Vigier. Très bien !

M. Dominique Lefebvre et Mme Monique Rabin. Bravo !

M. le président. La parole est à Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, mes chers collègues, cette fois, c’est bien la dernière étape du marathon budgétaire : pour cette dernière étape, nous abordons la lecture définitive du projet de loi de finances rectificative pour 2016.

Comme je l’ai fait lors du débat sur le projet de loi de finances pour 2017, je vais vous livrer quelques statistiques. Nos travaux ont duré près de 33 heures au total, en commission des finances et en séance. Sur les 745 amendements que nous avons examinés, nous en avons adopté 318, soit à peu près la moitié : soixante-seize rédactionnels, soixante et un émanant de la majorité, douze de l’opposition,…

Mme Marie-Christine Dalloz. Quelle générosité !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. …soixante-dix-sept du Gouvernement et, madame Dalloz, sur les quatre-vingt-douze issus de la commission des finances, quelques-uns étaient proposés par l’opposition.

Mme Marie-Christine Dalloz. Ah !

Mme Marie-Anne Chapdelaine. On a fait ça, nous ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Bien sûr, parce que nous avons le souhait, tant dans cet hémicycle qu’à la commission des finances, d’examiner toutes les bonnes idées.

Ce projet de loi comptait initialement quarante-quatre articles. En première lecture, notre Assemblée en a ajouté soixante-quatorze,…

Mme Monique Rabin. C’est trop !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. …ce qui est peut-être trop, portant le nombre d’articles à cent-dix-huit. Le Sénat en a ajouté soixante-dix-huit en première lecture. Il en a adopté cinquante-huit conformes et en a supprimé sept. Au final, un solde de cent-trente-huit articles restaient donc en discussion en nouvelle lecture à l’Assemblée.

Nous avons adopté une rédaction conforme à celle du Sénat pour quarante articles. Nous avons supprimé quarante-six articles introduits ou modifiés par le Sénat. Nous avons rétabli notre texte de première lecture pour dix-neuf articles. Enfin, nous en avons modifié trente-trois. On arrive ainsi à un solde de cent-quarante-neuf articles.

Les administrateurs de la commission des finances, que je remercie, m’ont livré quelques statistiques permettant de saisir l’évolution, depuis 2012, du nombre d’articles adoptés, entre la loi de finances initiale et la loi de finances rectificative votée en fin d’année : on constate une certaine inflation puisque nous avions adopté 208 articles durant l’automne 2012 et que nous en arrivons à 310 articles à la fin de l’automne 2016.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Oh là là !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je livre ces chiffres à votre appréciation, à votre jugement et peut-être à votre réflexion pour la prochaine législature…

Ce projet de loi de finances rectificative confirme, mes chers collègues, la tenue du solde public à -3,3 % du PIB, c’est-à-dire de la richesse nationale. Pour y parvenir, nous l’avons maintes fois répété dans cette hémicycle, une attention toute particulière a été portée à la dépense publique, mais, je le souligne, cette attention ne s’est pas exercée au détriment de la sécurité, bien au contraire. L’attentat qui s’est produit mardi à Berlin nous rappelle que celle-ci doit être une responsabilité de chaque instant, et je crois que c’est bien le cas.

C’est pourquoi je souhaite vous donner quelques indications sur les crédits budgétaires qui lui sont consacrés.

Entre le projet de loi de finances pour 2012 et celui prévu pour 2017, les crédits budgétaires consacrés à la mission « Sécurité » ont progressé de 15 %, ce qui, dans le détail, se traduit par une augmentation de près de 13 % en faveur de la police nationale et de la gendarmerie nationale.

Je rappelle qu’entre 2007 et 2012, les plafonds d’effectifs de la police nationale et de la gendarmerie nationale, c’est-à-dire les effectifs maximums autorisés par le Parlement, ont baissé de 12 519 équivalents temps plein travaillé, ou ETPT. Je rappelle la méthode de comptabilisation au sein de l’administration publique : quand une personne commence à travailler à plein temps le 1er juillet, elle compte pour 0,5. Depuis 2012, ces plafonds d’emploi ont à l’inverse été fortement relevés : de 5 390 ETPT en faveur de la police nationale et de 4 334 ETPT pour la gendarmerie nationale, soit un total de près de 10 000 ETPT supplémentaires entre 2012 et 2017.

Comme un recrutement ne se fait jamais du jour au lendemain, car la procédure peut être longue et qu’il faut y ajouter un temps de formation, ces postes ne sont pas totalement pourvus à l’heure actuelle, je vous l’accorde, mais l’évolution est bien là. Je souhaite qu’elle soit poursuivie, notamment au cours de la prochaine législature.

Le projet de loi de finances rectificative pour 2016 illustre une nouvelle fois le financement des priorités que notre majorité parlementaire s’est fixées et qu’elle a financées dans le cadre du sérieux budgétaire. Aussi, mes chers collègues, je vous invite à adopter ce texte de manière définitive. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le président, je ne comptais pas prendre la parole, mais je souhaite répondre au secrétaire d’État. En effet, en l’écoutant, on a souvent le sentiment que, pour lui, la vie politique relève d’une sorte de manichéisme, et que la lumière a succédé aux ténèbres.

Mme Marie-Christine Dalloz et M. Philippe Vigier. Eh oui !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je tiens à évoquer deux sujets.

En premier lieu, c’est vrai, et il faut s’en réjouir, les déficits publics ont été réduits entre 2012 et 2016. Alors qu’ils excédaient 5 points de PIB, nous espérons tous qu’ils tomberont à 3,3 points. À plusieurs reprises, j’ai reconnu à cette tribune que des efforts réels ont été accomplis pour maîtriser la dépense.

Cependant, monsieur le secrétaire d’État, dans une démocratie mature où chacun d’entre nous doit essayer d’être un peu objectif, votre propos prendrait plus de relief si vous rappeliez que, sous la précédente législature, nous avons subi une crise financière d’une violence inouïe.

M. Philippe Vigier. Très bien !

M. Paul Giacobbi. Bien sûr !

Mme Audrey Linkenheld. Ce n’est jamais de leur faute !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Le profil d’évolution des déficits publics en Allemagne, dans les autres pays de l’Union européenne et en particulier dans ceux de la zone euro, entre 2007 et 2012, était tout à fait comparable à celui de la France – ils se sont très fortement creusés, notamment en Allemagne, en 2009 et 2010, après quoi ils se sont peu à peu réduits. Votre propos, monsieur le secrétaire d’État, serait beaucoup plus crédible si vous le mettiez en perspective.

Je saisis cette occasion pour vous livrer une réflexion sous une forme interrogative. Ce qui m’inquiète profondément, c’est que, pour la première fois depuis vingt ans, la croissance de la France décroche non seulement par rapport à celle de l’Allemagne, mais par rapport aux moyennes de la zone euro et de l’Union européenne. Depuis 2014, les chiffres sont là, et nous venons de recevoir ceux, quasi définitifs, de 2016 : nous perdons 0,5 à 0,6 point de PIB par an, ce qui ne s’était jamais produit. Je me souviens que, pendant la législature 1997-2002, nous avons été constamment au-dessus des moyennes européennes, en particulier de celle de l’Allemagne.

M. Philippe Vigier. Tout à fait !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Ensuite, nous avons évolué de conserve avec les autres pays.

Est-ce à dire que la politique consistant à asphyxier les agents économiques,…

M. Dominique Lefebvre. Ils étaient déjà bien asphyxiés en juin 2012 !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. …que ce soit les ménages ou les entreprises, au début de la législature, aura conduit à cet étouffement, qui se traduit par un décrochage de la croissance ? Je ne veux pas porter de jugement ; il est encore trop tôt pour le faire. Mais je pense que notre devoir consiste à essayer d’analyser la continuité des évolutions, puis à nous interroger. C’est ainsi que nous ferons du bon travail.

En second lieu, j’évoquerai la lutte contre la fraude. Bravo, monsieur le secrétaire d’État ! Je reconnais qu’un travail important a été accompli sur ce front.

Toutefois, là aussi, vous seriez plus crédible si vous rappeliez que ce travail a été engagé en 2009 ; j’en ai même des souvenirs personnels. Didier Migaud et moi-même avions décidé tous deux, après une longue réflexion, d’aller consulter chez le ministre les fichiers HSBC communiqués par M. Falciani. Nous l’avons fait parce que nous voulions aider le ministre en montrant qu’il y avait des listes, que des parlementaires en avaient pris connaissance et que les contribuables concernés avaient donc tout intérêt à se présenter devant ce que l’on appelait à l’époque « la cellule de dégrisement ». Laisser entendre que la lutte contre la fraude aurait commencé avec M. Cazeneuve est donc déloyal, pour ne pas dire incorrect.

M. Philippe Vigier. Très bien !

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est injuste, insincère, comme le reste !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. En 2009, monsieur le secrétaire d’État, vous le savez, l’affaire UBS n’avais pas encore éclaté, les Américains n’avaient pas encore contraint la Suisse, en la menaçant, à communiquer des informations ; c’était infiniment plus difficile. Il me semble que nous nous honorerions tous en travaillant dans la continuité. Nous défendons des choix différents mais il y a une continuité de l’action publique.

Mme Marie-Christine Dalloz et M. Philippe Vigier. Bravo !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Nous sommes tous liés au service public et nous devons toujours nous efforcer de remettre les choses en perspective. Je regrette que vous ne l’ayez pas suffisamment fait, tout en reconnaissant les efforts qui ont été consentis, notamment en matière de finances publiques.

Voilà les quelques mots que je souhaitais vous dire.

M. Philippe Vigier. Très bien !

Mme Marie-Christine Dalloz. C’était mérité !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Puisque j’ai encore un instant, monsieur le président, permettez-moi de remercier chaleureusement tous nos collègues. Mme la rapporteure générale l’a rappelé, nous avons passé énormément de temps sur les lois de finances, c’est un véritable marathon. Je tiens à remercier très sincèrement nos collègues pour les débats de grande qualité que nous avons eus en commission des finances. Je me prends parfois à rêver : si les médias s’intéressaient au travail en commission… (Applaudissements sur plusieurs bancs)

Mme Valérie Corre et Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Très bien !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je ne parle pas que de la commission des finances, où le travail, sérieux et constructif, a été remarquablement animé – je tiens à le redire à cette tribune – par notre rapporteure générale, dont les exposés et la présentation sont toujours très objectifs. Nous avons eu du plaisir à travailler ainsi, et je lui rends à nouveau hommage. Je rends également hommage à tous les collègues qui ont participé à nos travaux, aux administrateurs et bien entendu aux présidents qui se sont succédé, cher Marc Le Fur, et qui ont su magnifiquement, avec toute l’impartialité qui sied à leur fonction, faire en sorte que nos débats ne traînent pas trop en longueur.

Mme Audrey Linkenheld. Ce sont les cadeaux de fin d’année !

Mme Marie-Anne Chapdelaine. C’est Noël avant l’heure !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je remercie enfin les collaborateurs des groupes et tous ceux qui contribuent au fonctionnement de la séance.

C’est peut-être la dernière loi de finances de la législature, mais il y en aura encore beaucoup d’autres. Je terminerai sur une note positive, en vous disant que je partage ce que disait le ministre avant-hier : il faudra tout de même essayer de modifier ces procédures un peu fastidieuses. Sans doute sommes-nous sortis de la « litanie, liturgie, léthargie » – chère à Edgar Faure, je crois –,…

M. André Chassaigne. Oui, c’est de lui !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. …mais nos procédures sont inadaptées à la réactivité nécessaire dans le monde d’aujourd’hui, où tout bouge très vite. Merci, chers collègues ! Je vous souhaite de bonnes fêtes de fin d’année. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous avez fait deux remarques, monsieur le président de la commission.

La première n’appelle pas, à ce stade, de réponse de ma part ;…

M. Dominique Lefebvre. Moi, je vais y répondre !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …il serait trop long de vous répondre sur la mise en perspective, l’histoire fiscale, économique et budgétaire, et la crise.

Sur le second point, je serai plus sévère. Vous avez parlé de la « cellule de dégrisement ». Il n’y en a plus, car ce n’était pas bien.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. C’était la première étape ; elle était nécessaire, il fallait en passer par là.

M. Philippe Vigier. Jusqu’au bout, le verrou de Bercy !

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Paul Giacobbi.

M. Paul Giacobbi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, nous voici donc réunis pour la dernière séance, qui me fait penser à la fois à la veille de Noël, avec tout de même quelques petits cadeaux empoisonnés, et aux Adieux de Haydn, puisque nous ne sommes plus très nombreux et que cette symphonie comporte un message subliminal.

Cet ultime texte de la mandature en matière budgétaire est marqué par la réalisation du plan triennal d’économies pour l’année 2016. C’est un effort considérable, même si l’on nous dit, sans doute à juste titre, qu’il marquera le pas en 2017. Il est évidemment plus facile d’exiger des dépenses quand on a quitté les responsabilités ou qu’on ne les occupe pas encore. Nous avons vu ces jours-ci, avec la dépense militaire, que d’aucuns pouvaient tomber dans ce travers : alors qu’ils ne sont plus en charge, ils exigent maintenant des efforts en dizaines de milliards d’euros par an.

La vérité, vous la savez tous, et, si vous l’avez oubliée, je vais vous la rappeler : les taux d’intérêt vont tôt ou tard augmenter, probablement d’un point au moins en 2017 et d’autant en 2018, voire bien davantage ; nous ne voyons pas comment nous pourrons faire face à l’augmentation des frais financiers qui en découlera, car elle devrait atteindre – sachant que la dette se renouvelle avec une maturité moyenne de sept ans – plusieurs dizaines de milliards d’euros en deux ou trois ans, soit à peu près l’équivalent de nos dépenses militaires.

Mme Marie-Christine Dalloz. Exactement !

M. Paul Giacobbi. Nous sommes donc face à une impasse future. Il est vrai que cette mandature a connu des taux d’intérêt anormalement bas, complètement fous, en raison d’une politique monétaire assez folle, même si elle avait ses avantages.

C’est cependant sans flagornerie, monsieur le secrétaire d’État, que je voudrais vous rendre hommage. Vous avez tenu votre poste, sans renier vos convictions sur les priorités de la dépense publique et sans céder sur la trajectoire, même si l’on peut toujours estimer qu’il aurait été possible de faire mieux. Je souhaite d’ailleurs à ceux qui vous critiquent aujourd’hui de faire aussi bien que vous demain.

Un mot, maintenant, à propos de la Corse.

Mme Marie-Christine Dalloz. Ah !

M. Paul Giacobbi. Sans vous, nous n’aurions pas réglé la question des arrêtés Miot, même si, pour des raisons de sécurité constitutionnelle, ce règlement ne figure pas dans une loi de finances. Les polémiques absurdes de ces jours-ci sur l’utilisation de l’enveloppe de continuité territoriale, que nous aurions voulu affecter au monde rural, n’ont aucun sens : c’est vous qui avez accepté la fongibilité avec les routes territoriales, ce qui est à la fois logique et suffisant. Je vous rends d’autant plus hommage sur ce point que vous l’avez fait non pas à contrecœur, mais disons avec un enthousiasme modéré – en tout cas, ce n’était pas votre inclination naturelle –, conformément à ce que doit être la loyauté dans la conduite des affaires publiques.

Enfin, notre groupe a souvent trouvé auprès de vous une oreille attentive ; ce PLFR en témoigne à travers plusieurs amendements.

Sans flagornerie, encore une fois – qu’attendre d’une fin de législature ? –, vous avez marqué les finances publiques françaises, chacun le reconnaît déjà. C’est un rôle ingrat. L’inventeur de nos finances publiques modernes, l’ancien abbé Louis, devenu baron Louis, disait simplement : « Faites-moi de bonnes politiques, je vous ferai de bonnes finances. » Reste à savoir si l’on vous a fait de bonnes politiques ; les avis sont à tout le moins partagés mais je n’entrerai pas dans la polémique.

Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste approuvera naturellement ce PLFR, qui lui convient globalement, malgré les difficultés de l’heure. Il le fera avec plaisir, parce que c’est vous qui l’avez défendu. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Merci !

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, nous concluons aujourd’hui près de trois mois de discussions budgétaires souvent intenses, parfois frustrantes, mais toujours respectueuses et de qualité, mon groupe tenait une nouvelle fois à le souligner.

Mes collègues de la commission des finances Gaby Charroux et Nicolas Sansu ont déjà eu l’occasion d’exprimer notre opinion sur le présent projet de loi de finances rectificative. Pour nous, il ne rectifie pas grand-chose aux grands choix budgétaires de cette législature, des choix que, pour l’essentiel, nous n’approuvons pas.

Posons donc à nouveau les choses calmement, avec la délicatesse et le sens de la nuance qui siéent si bien aux députés du Front de gauche. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Nous n’en attendons pas moins de vous…

M. André Chassaigne. Comment auront été employées les marges de manœuvre budgétaires du pays au cours de ces cinq dernières années ? Loin de la caricature, c’est bien de faits dont je veux parler : des dizaines de milliards d’euros, 20 milliards pour le seul CICE – crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi –, auront été octroyés aux entreprises sans conditions, sans contreparties, sans ciblage, soit un effort budgétaire inédit.

Comment auront été financées ces aides ?

D’abord par la fiscalité sur les particuliers, les études l’ont prouvé. Je pense notamment aux travaux de l’OFCE, l’Observatoire français des conjonctures économiques, qui auront démontré un transfert inédit de fiscalité des entreprises vers les ménages, y compris sur ceux qui peinent et vivent très concrètement la précarité. Ils auront vu le taux normal et le taux intermédiaire de TVA, fiscalité la plus injuste qui soit, augmenter en 2014, venant ainsi grever le pouvoir d’achat des classes populaires.

Ces aides auront également été financées par des mesures d’économies massives sur le budget des collectivités et les services publics, notamment nos hôpitaux, où le personnel est en profonde souffrance. Localement, on le voit, les services publics ouvrent moins longtemps, sont moins accessibles, s’éloignent progressivement des citoyens, alimentant une fracture territoriale aux lourdes conséquences.

Pour quels effets sur l’emploi, sur l’investissement, sur le pouvoir d’achat ? Aucun effet ou vraiment trop peu. France Stratégie l’a démontré dans son rapport, le ratio emploi créé ou sauvegardé sur argent public mobilisé avec le CICE est loin d’être satisfaisant : entre 200 000 et 500 000 euros par emploi créé, un véritable gâchis qui vient plomber le bilan budgétaire de cette législature.

Cette manne aurait pu être mobilisée autrement, en privilégiant nos PME et en étant exigeant sur l’utilisation de l’argent public pour qu’il soit fléché vers la création effective d’emplois, la réalisation d’investissements d’avenir, la formation et l’éducation, en clair, pour faire en sorte que les ressources publiques servent utilement au pays, au plus grand nombre.

Voilà donc ce qui aura constitué la pierre angulaire de votre politique budgétaire, loin, très loin des engagements pris en 2012 mais complètement dans les clous des préconisations bruxelloises.

À cet égard, et pour conclure ces discussions budgétaires, mes chers collègues, je voudrais avoir une pensée particulière pour le peuple grec, enfermé comme tant d’autres dans la camisole du TSCG – le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance –, ligoté par une dette aussi abyssale qu’illégitime, bafoué par les conditions inhumaines imposées par le mémorandum de juillet 2015, conclu le couteau sous la gorge, selon la volonté intraitable de ses prétendus partenaires européens. Je voudrais adresser un message de soutien à ce peuple courageux face au diktat financier et exemplaire de solidarité dans la gestion de l’urgence migratoire. Le 8 décembre dernier, le Premier ministre Tsipras annonçait le rétablissement d’un treizième versement annuel pour les plus petites retraites ainsi qu’un report de la hausse de la TVA sur les îles où les migrants et réfugiés débarquent ; des annonces considérées comme crimes de lèse-majesté, puisque faites sans avoir obtenu la bénédiction de l’Eurogroupe, en particulier celle du « petit père la rigueur » de la zone euro, je veux parler bien entendu de celui qui fait la pluie et le beau temps sur les budgets des États européens, M. Schäuble. Chacun connaît la réaction de l’Eurogroupe : remettre de facto tout aménagement de la dette aux calendes grecques ; une réduction de la dette souvent promise, jamais mise en œuvre, alors que les mesures d’austérité, elles, le sont et rongent petit à petit le pacte social grec. Notre gouvernement a annoncé sa volonté de soutenir les intentions grecques ; nous jugerons aux actes, gardant cependant en mémoire l’été 2015 et l’alignement sur les volontés allemandes.

À notre pays aussi de saisir les multiples appels à la relance, qu’ils viennent de la BCE, du FMI ou de la Commission européenne. Je ne doute pas de vous avoir convaincu, monsieur le secrétaire d’État, au vu de votre écoute attentive de mon intervention…

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Pardon !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Moi, je vous applaudis, monsieur Chassaigne !

M. le président. La parole est à M. Dominique Lefebvre.

M. Dominique Lefebvre. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, nous allons donc, dans quelques instants, adopter ce qui constituera probablement le dernier texte financier de cette législature, un texte à l’image du quinquennat.

Avant d’y revenir, je veux une nouvelle fois remercier toutes celles et tous ceux de nos collègues, sur tous les bancs de l’Assemblée, qui ont participé à ces travaux budgétaires, avec une mention particulière pour celles et ceux du groupe socialiste, écologiste et républicain, qui m’ont permis d’assurer la cohérence de notre majorité parlementaire tout au long des débats. Je veux aussi une nouvelle fois – et dernière fois – vous remercier, monsieur le secrétaire d’État, vous qui connaissez bien cette maison, pour avoir été, je le rappelle, élu de l’opposition à la commission des finances puis rapporteur général du budget au début de cette législature. Votre parfaite connaissance du Parlement, de ses us et coutumes, nous aura été très utile, et je me félicite de la qualité de nos échanges et de la relation de confiance réciproque, qui nous a permis, sur bien des sujets, de faire avancer, dans la cohérence, le gouvernement que vous représentez et la majorité parlementaire dont il est issu – ce que je n’ai, pour ma part, jamais oublié.

Cette confiance réciproque nous était d’autant plus nécessaire que nous avons eu à affronter une situation économique et budgétaire particulière, nécessitant des choix politiques courageux et des efforts indispensables. Cela a suscité des débats intenses, dans notre majorité parlementaire et au sein même du groupe au nom duquel je m’exprime. Je me félicite pour ma part qu’au-delà de ces débats et malgré eux, nous ayons réussi ensemble à garder le cap et à assurer la cohérence et la constance nécessaires de la politique économique et budgétaire au cours de ce quinquennat.

Ce projet de loi de finances rectificative pour 2016 en est un parfait exemple. Non seulement nous atteignons nos objectifs mais nous faisons même mieux que prévu : comme en 2015, l’exécution est meilleure que la prévision sur le budget de l’État. En 2015, le déficit budgétaire prévu était de 74,4 milliards d’euros en loi de finances initiale pour s’établir, en exécution, à 70,5 milliards d’euros. En 2016, le solde budgétaire de l’État sera amélioré de 2,4 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale.

Et pourtant, vous l’avez rappelé, nous avons décidé de nouvelles dépenses en 2016 : plan d’urgence pour l’emploi, plan de soutien exceptionnel aux agriculteurs, mesures en faveur des jeunes, augmentation du point d’indice dans la fonction publique, création d’un fonds d’urgence pour les départements, surcoûts liés aux opérations extérieures et intérieures menées par le ministère de la défense, apurements communautaires agricoles et montée en charge de la prime d’activité – heureusement plus forte qu’anticipé.

Il n’en demeure pas moins que les normes de dépenses de l’État seront à nouveau tenues, car nous avons eu le courage de financer ces nouvelles dépenses, choisies ou imposées par le contexte international, en les gageant sur des économies.

Je le redis avec force, ces choix ne nous sont pas imposés et il ne s’agit pas davantage d’un tropisme comptable qui ferait de la réduction des déficits l’alpha et l’oméga de notre politique. Non, ce sont des choix politiques assumés par notre majorité, tout simplement parce qu’il y va de notre souveraineté financière et de la pérennité de notre modèle social, et que nous ne pouvons construire l’avenir en reportant sans cesse les efforts et donc la charge financière de la dette sur les générations futures. Oui, nous revendiquons haut et fort le sérieux budgétaire et le redressement des comptes publics, ceux de l’État comme ceux de la protection sociale, et ce projet de loi de finances rectificative en est la traduction.

Je rappellerai deux points pour répondre aux propos tenus par le président de la commission des finances, qui évoquait les effets de la crise financière de 2008.

Premièrement, la dégradation du déficit structurel est antérieure à la crise financière de 2008 : elle remonte à 2006.

Mme Audrey Linkenheld. Eh oui !

M. Dominique Lefebvre. Le rythme d’évolution de la dépense publique sous le quinquennat de Jacques Chirac était lui-même déjà élevé.

Mme Audrey Linkenheld. Exact !

M. Dominique Lefebvre. Deuxièmement, vous avez affirmé que nous aurions étouffé l’économie par les augmentations d’impôts sur les ménages et les entreprises. Je rappelle que vous aviez déjà procédé à la moitié de l’asphyxie…

Mme Marie-Christine Dalloz. Nous affrontions une crise, je le rappelle !

M. Dominique Lefebvre. …et j’invite les uns et les autres à lire le débat entre le directeur de l’OFCE et Michel Sapin, dans Alternatives économiques de janvier. Nous avons dû traiter cette question en 2012 ; vous pourriez avoir à le faire en 2017. Je crois que le commissaire européen chargé des affaires économiques vous a alerté à ce sujet. En 2012, l’enjeu était de maintenir la zone euro : nous avons dû prendre des mesures de redressement dès 2012 pour la préserver, à un moment où elle était fragilisée dans certains pays ; à court terme, les augmentations d’impôt ont permis d’éviter la dérive des déficits – nous avons dû le faire aussi à un autre moment, lors de la crise grecque. Les questions d’hier peuvent aussi être les questions de demain, et vous ne pourrez échapper à l’exigence de sérieux budgétaire à laquelle nous nous sommes astreints, car ce sont non seulement des enjeux pour la France mais également pour la zone euro.

Mais ce PLFR ne contient pas uniquement des mesures de redressement des finances publiques.

Dans le prolongement des mesures de lutte contre la fraude fiscale prises depuis 2012, qui marquent, sur ce plan, le caractère exceptionnel de ce quinquennat – même ceux qui considèrent que nous ne sommes pas allés assez loin le reconnaissent –, le présent texte comporte aussi un important volet relatif aux procédures fiscales. La lutte contre l’évasion fiscale est un objectif de valeur constitutionnelle et les mesures de ce PLFR instaurant des procédures plus rapides, moins intrusives et mieux adaptées au contexte des entreprises y concourront. De même, la notion de bien professionnel, précisée, permettra de lutter contre l’optimisation abusive en matière d’ISF. Par ailleurs, les sanctions pour non-déclaration d’un compte à l’étranger sont renforcées.

Ce PLFR, ce sont aussi des mesures propres à soutenir l’innovation et la croissance grâce à la mise en place du compte PME innovation, que la discussion parlementaire a permis de rendre encore plus attractif.

Le débat parlementaire nous a permis, enfin, d’enrichir ce texte sur quelques sujets – vous les avez évoqués, monsieur le secrétaire d’État –, qui feront l’objet d’importants débats à l’avenir : la déclaration automatique à l’administration fiscale, de la part des plateformes collaboratives, des revenus des utilisateurs, ou encore, pour maintenir le financement de la création, la mise en place d’une taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels.

Enfin, nous avons aussi avancé sur le sujet des collectivités territoriales : je pense, bien sûr, à l’amendement adopté sur la proposition de notre collègue Christine Pires Beaune, visant à une plus juste répartition de la cotisation sur la valeur ajoutée en fonction de l’endroit où celle-ci est produite. Il ne s’agit pas là d’une bataille entre territoires – c’est un élu francilien qui le dit – mais d’un problème récurrent depuis la réforme de la taxe professionnelle, un problème de principe et de justice qu’il fallait d’autant plus traiter que le système, à l’évidence, dérivait au détriment des territoires sur lesquels sont implantés les établissements de production.

Non sans vous avoir une nouvelle fois remercié, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, non sans avoir remercié à nouveau tous les collaborateurs de l’Assemblée et des groupes politiques, ainsi que les vôtres, monsieur le secrétaire d’État, je vous confirme que le groupe socialiste, écologiste et républicain votera ce dernier texte financier de la législature. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, je voudrais, à titre liminaire, adresser quelques remerciements. Ma reconnaissance va tout d’abord au président de la commission des finances, qui a su mener ces débats, depuis maintenant des mois et même des années, avec mesure et une grande compétence. Je voudrais également remercier la rapporteure générale pour son ouverture d’esprit…

M. André Chassaigne. Et sa pugnacité !

Mme Marie-Christine Dalloz. …et, surtout, pour son travail sur le fond, qui a été très souvent utile à la commission des finances. Mes remerciements vont également aux différents services de l’Assemblée nationale, notamment aux administrateurs de la séance, aux présidents de séance successifs, aux administrateurs et aux agents de la commission des finances, que nous avons aussi beaucoup mis à contribution, et enfin, bien sûr, à nos collaborateurs, car ce sont des personnes avec qui nous travaillons en totale confiance, et nous en avons besoin.

Cela a été dit, mais il faut le rappeler : nous avons passé 24 heures en séance publique et examiné 745 amendements dans le cadre de ce projet de loi de finances rectificative. Nous arrivons au terme d’un ultime marathon budgétaire : ce texte est le dernier, le « der des ders » de cette législature, et il est, à l’image de ce quinquennat, entaché d’insincérité.

Mme Audrey Linkenheld. Oh là là !

Mme Marie-Christine Dalloz. Le Sénat a rejeté votre projet de loi de finances rectificative pour 2016, principalement pour quatre motifs.

Premièrement, vous maintenez l’objectif de déficit public au niveau que vous aviez prévu à l’origine. Or, vous le savez pertinemment, il ne sera pas atteignable ; il eût fallu le revoir.

Deuxièmement, l’exécution du budget 2016 se caractérise par l’ampleur des mesures nouvelles, des sous-budgétisations, qui ont conduit le Gouvernement à prendre des décrets d’avance sans précédent, et pas uniquement, madame la rapporteure générale, au titre de mesures ayant trait à la sécurité des Français. Les dépenses ont dérapé, notamment celles liées à la masse salariale de l’État, c’est un constat, vous ne pouvez le nier. Cela nous permet d’affirmer que les dépenses sont, a minima, sous-estimées. Même le Haut conseil des finances publiques le reconnaît, en évoquant textuellement, dans son avis du 14 novembre 2016, « l’ampleur des sous-budgétisations de la loi de finances initiale, qui ont atteint en 2016 un niveau sans précédent » ; c’est dire à quel point ce défaut de votre texte a été mis en lumière.

Troisièmement, les économies sont exclusivement des économies de constatation ; elles ne sont pas réelles. Vous affirmez ainsi que vous faites baisser les dépenses par rapport au tendanciel. Mais tout le monde peut faire des économies de la sorte, sur le papier.

Quatrièmement, en nouvelle lecture, vous avez rétabli différents articles, notamment celui qui ratifie les décrets d’avance. Or le recours croissant aux décrets d’avance suscite, de notre part, de fortes interrogations. Vous ne pouvez nier que c’est une pratique totalement dérogatoire au principe de l’autorisation parlementaire des dépenses. En 2016, 4,7 milliards ont été ouverts en autorisations d’engagement et 3,4 milliards en crédits de paiement, dans le cadre des décrets d’avance. C’est un record historique, dont vous pourrez être fiers à l’avenir.

Permettez-moi de revenir sur deux dispositions.

D’abord, l’article 13 a pour principal objet de créer une nouvelle procédure de contrôle fiscal des entreprises : « l’examen de comptabilité ». Il s’agit d’un contrôle fiscal à distance, réalisé à partir des données comptables envoyées par l’entreprise. Ce faisant, vous allez complexifier le contrôle fiscal, aussi bien pour les entreprises que pour les administrations. Je crains que cette nouvelle procédure ne remette en cause le caractère contradictoire du contrôle : faute d’un face-à-face entre le contribuable et le vérificateur, le dialogue se trouvera réduit à peu de chose. Vous avez communiqué, il y a un an et demi, à propos de votre volonté de voir les contrôles fiscaux s’opérer de manière plus apaisée ; il n’est pas sûr, monsieur le secrétaire d’État, que le chemin pris aujourd’hui aille en ce sens.

Ensuite, l’article 35 crée une nouvelle taxe : la contribution pour l’accès au droit et à la justice. Je voudrais vous rappeler que ce dispositif est contraire à l’engagement pris par le Président de la République de ne pas créer de nouvelle taxe. Le nouveau dispositif constitue une application de l’article 50 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, qui avait prévu le financement du fonds interprofessionnel de l’accès au droit et à la justice par une taxe acquittée par les officiers publics ou ministériels sur certains actes. L’institution de cette taxe avait toutefois été censurée par le Conseil constitutionnel. Le Sénat, dans sa grande sagesse, a proposé de supprimer l’article 35. De nombreuses incertitudes planent notamment sur le montant et les destinataires de ce fonds. En nouvelle lecture, d’ailleurs, une députée de votre majorité a déposé un amendement visant à préciser et à encadrer les utilisations de ces crédits ; c’est complètement ubuesque. De manière générale, tous les professionnels, qui devaient théoriquement être les bénéficiaires des sommes affectées à ce fonds, ont clairement déclaré leur opposition à la mesure. Aussi, je vous repose la question, monsieur le secrétaire d’État : pourquoi tant d’acharnement envers ces professions ? pourquoi « ubériser » ce secteur d’activité…

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. L’« ubérisation » des notaires, ça, c’est nouveau !

Mme Marie-Christine Dalloz. …utile pour nos concitoyens, par les conseils qu’il leur prodigue ?

Le Sénat a adopté une question préalable pour sanctionner ce texte et la gestion des finances publiques désastreuse que vous avez menée sous cette législature.

M. Thierry Mariani. C’est vrai !

Mme Marie-Christine Dalloz. Mon groupe se rallie à la position du Sénat et votera bien évidemment contre votre projet de loi de finances rectificative.

M. Thierry Mariani. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, permettez-moi, à l’occasion de cette dernière séance budgétaire, de prononcer quelques mots personnels. Je voudrais tout d’abord vous faire part, monsieur le secrétaire d’État, du respect que j’éprouve pour le travail que vous avez accompli dans cette maison, depuis de longues années, au service des finances publiques. Toutefois, le président de la commission des finances, dont chacun connaît la hauteur de vue et l’honnêteté intellectuelle, l’a très bien dit : le débat politique – je pense que cette réflexion est valable pour chacun de nous – consiste à s’écouter mais aussi, même si la vérité est parfois cruelle, d’accepter de se l’entendre dire, car nos concitoyens n’acceptent plus que l’on fasse des promesses non tenues.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je vous la resservirai, celle-là !

M. Philippe Vigier. Je voudrais enfin saluer l’immense travail accompli par la rapporteure générale, ainsi que sa capacité d’écoute. Je pense qu’elle restera comme une grande rapporteure générale de la commission des finances.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. C’est vrai !

M. Philippe Vigier. Je tenais à le dire publiquement.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Merci !

M. Philippe Vigier. Monsieur le secrétaire d’État, il est vrai que le taux de déficit public a diminué, et que des efforts ont été faits. Cependant, l’honnêteté intellectuelle, pour l’agrégé de mathématiques que vous êtes, serait de reconnaître d’où on part et où l’on arrive. Je refuse pour ma part d’entendre à nouveau que toutes les promesses ont été tenues. Ce n’est pas moi qui ai écrit l’engagement n9 de François Hollande, que vous n’aimez pas m’entendre répéter.

Mme Marie-Christine Dalloz. Et pour cause !

M. Philippe Vigier. Le peuple n’en peut plus qu’on lui raconte une chose et qu’on fasse le contraire. Or c’est bien M. Hollande qui a écrit, dans son engagement n9 : « Le déficit public sera réduit à 3 % du produit intérieur brut en 2013. Je rétablirai l’équilibre budgétaire en fin de mandat. »

M. Thierry Mariani. C’est loupé !

M. Philippe Vigier. Je sais que cela fait mal, mais les résultats ne sont pas là : cette vérité est face à nous, et il faut l’accepter. Il est vrai que le niveau des déficits se situait à près de 7 %, mais comme Gilles Carrez l’a très bien dit, on ne peut passer sous silence la crise financière terrible que nous avons connue. Je me souviens d’ailleurs du montant de l’impôt sur le revenu collecté en 2008-2009 : il s’était totalement effondré. L’honnêteté intellectuelle oblige à le rappeler, et nous ne pouvons passer cela sous silence.

Quel sera donc le taux de déficit public à la fin de l’année 2017, monsieur le secrétaire d’État ? 3,2 %, 3,3 %, 3,4 % ? Nous aurons d’ailleurs l’occasion d’en reparler ensemble, et je prends l’engagement devant vous de reconnaître avoir eu tort si les chiffres démentent par la suite ce que j’ai dit ce matin et qui sera inscrit au compte rendu. Ce n’est pas contre vous ; telle est la réalité des chiffres.

S’agissant de la dette publique, il est vrai qu’elle avait augmenté de près de 600 milliards d’euros. Vous m’accorderez que j’appartiens à un groupe auquel il importe d’analyser les situations avec objectivité. Or vous devez reconnaître avec moi que la dette publique a bien augmenté de 275 milliards d’euros depuis 2012. Les chiffres sont là.

Concernant les prélèvements obligatoires, c’est la même chose : ils ont bien augmenté de 78 milliards d’euros ; c’est inscrit dans le rapport de Valérie Rabault, notre rapporteure générale, je n’invente rien. Démontrez-moi le contraire, et je reconnaîtrai dans la seconde avoir dit une contrevérité.

Il n’est plus possible de soutenir de telles choses. Au sujet de l’impôt sur le revenu, dont les seules recettes ont augmenté de 13 milliards d’euros, M. le ministre de l’économie et des finances déclarait, et il est toujours utile à cette fin de pouvoir consulter les verbatim : « L’ensemble des mesures prises depuis 2012 n’auront pas conduit à augmenter les recettes de l’impôt sur le revenu, elles les auront même réduites. » Comment voulez-vous que je laisse passer cela ? On nous avait expliqué que les dépenses publiques allaient être réduites de 50 milliards d’euros grâce aux économies réalisées. Or, les chiffres de la Cour des comptes, qui sont incontestables, montrent que la réduction est de 12 milliards en 2015 ; le compte n’y est pas ! Je ne peux pas laisser passer cela.

C’est vrai que des efforts ont été faits. C’est vrai que, en matière de lutte contre la fraude fiscale, les choses se sont accélérées, monsieur le secrétaire d’État. Cependant, Gilles Carrez a rappelé à juste titre que des mesures importantes avaient été prises dès 2009. Souvenez-vous : je voulais faire sauter le verrou de Bercy, à l’instar de certains députés socialistes, et vous vous y êtes opposé à chaque fois. Vous ne pouvez pas dire le contraire, c’est la vérité.

S’agissant enfin de la Sécurité sociale, monsieur le secrétaire d’État, je ne peux pas entendre – et vous non plus, car vous connaissez la vérité – que ses comptes sont à l’équilibre. Où sont les 5,5 milliards d’euros de financement des régimes spéciaux ? Où sont les 4 milliards d’euros de déficit de l’assurance chômage ? Où est le milliard d’euros de déficit des hôpitaux publics ? Où sont les 4 milliards d’euros de prêts du Fonds de solidarité vieillesse, le FSV ? Faites les comptes ! Vous n’aviez pourtant pas de mots assez durs, chers collègues socialistes, au sujet des réformes du régime de retraite que nous avions fait voter, et sur lesquelles vous disiez vouloir revenir.

M. Thierry Mariani. Heureusement qu’elles ont été faites !

M. Philippe Vigier. C’est la parole publique qui est bafouée : on dit une chose, et on fait le contraire ; ce n’est plus possible. Je voudrais au moins qu’en cette fin de législature chacun ait conscience de l’importance de cette exigence, qui vaut tant pour vous que pour nous.

Je conclurai sur un constat : les réformes structurelles nécessaires n’ont pas été faites. Et ce n’est pas la réforme du prélèvement de l’impôt à la source, qui intervient en fin de législature et ne sera appliquée qu’en 2018, qui en tiendra lieu. Ce n’est pas très raisonnable. J’ai toutefois fait preuve de clémence à l’égard de Michel Sapin, auquel j’aurais pu rappeler toutes ses promesses, notamment la fusion de la contribution social généralisée – la CSG – et de l’impôt sur le revenu, un autre sujet oublié, une autre grande réforme fiscale qui était chère à Jean-Marc Ayrault.

Pour toutes ces raisons, le groupe de l’Union des démocrates et indépendants ne votera pas ce projet de loi de finances rectificative.

J’ajouterai enfin qu’en tant que membre de la commission des finances, j’ai été très heureux de travailler avec vous durant ces cinq années. Au nom de Charles de Courson et de l’ensemble du groupe, je vous présente nos meilleurs vœux pour 2017 et souhaite de très belles fêtes à chacune et à chacun d’entre vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La discussion générale est close.

Texte adopté par l’Assemblée nationale

en nouvelle lecture

M. le président. J’appelle maintenant, conformément à l’article 114, alinéa 3, du règlement, le projet de loi dans le texte voté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, j’ai été très honoré de présider cette ultime séance budgétaire. Je vous souhaite à tous un joyeux Noël, de bonnes fêtes et une bonne année.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix heures trente-cinq, est reprise à dix heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

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Égalité et citoyenneté

Lecture définitive

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, en lecture définitive, du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté (n4324).

Présentation

M. le président. La parole est à M. le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Monsieur le président, madame la ministre du logement et de l’habitat durable, chère Emmanuelle Cosse – M. le rapporteur général n’est pas au banc mais nous rejoindra peut-être –, mesdames les rapporteures thématiques – je ne vois pas M. le rapporteur thématique –, mesdames, messieurs les députés, nous entamons le dernier débat pour 2016 dans cet hémicycle. Nous arrivons au terme du processus législatif pour le projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté.

Ces six derniers mois, nous avons travaillé ensemble, nous avons échangé, et nous avons donné – je le dis avec beaucoup de sincérité – de la densité à ce texte.

Emmanuelle Cosse et moi-même étions au Sénat lundi dernier pour la nouvelle lecture du projet de loi à la Haute Assemblée. Il n’y a pas eu de débat, la majorité sénatoriale ayant déposé et fait adopter une motion tendant à opposer la question préalable, ce qui a entraîné le rejet sec du texte, sans adoption d’amendement. Je le regrette profondément, et je répète ici ce que j’ai dit devant les sénateurs : en prenant prétexte de divergences trop grandes avec l’Assemblée nationale pour rejeter systématiquement les textes par l’adoption d’une motion de procédure dès le début de leur examen, la majorité sénatoriale a affaibli la Haute Assemblée. Elle l’empêche de faire des propositions et d’affiner la rédaction des textes, et je le déplore.

Cela ne m’empêchera pas de constater avec satisfaction que notre œuvre commune est très belle. Mesdames, messieurs les députés, permettez-moi de rappeler très rapidement et sans prétendre à l’exhaustivité ce que ce projet de loi va changer pour la vie quotidienne de nos citoyens.

Sont inscrites au titre Ier les avancées suivantes : création d’un congé d’engagement associatif pour les actifs bénévoles ; mise en place de la réserve civique tout au long de la vie ; reconnaissance systématique de l’engagement dans les diplômes de l’enseignement supérieur ; ouverture du service civique à de nouveaux viviers pour atteindre l’objectif de 350 000 jeunes engagés par an à partir de 2018, toujours sur la base du volontariat ; financement du permis de conduire par le compte personnel de formation ; systématisation de l’information sur les examens de santé, les entretiens sur les droits en matière de couverture de santé et de prévention pour les jeunes à partir de 16 ans et à intervalles réguliers ; création d’un régime d’autorisation préalable pour les écoles privées hors contrat et renforcement du contrôle de l’instruction à domicile pour protéger les nouvelles générations, en dépit des débats particulièrement denses, pour ne pas dire animés, que nous avons eus ici même sur cette question ; droit de publication et majorité associative dès 16 ans.

Au titre III, les dispositions qui concernent mon ministère sont notamment les suivantes : extension du rôle des conseils citoyens au travers de la reconnaissance d’un droit d’interpellation qui permettra de modifier le contrat de ville pour mieux répondre aux besoins de habitants ; diversification du recrutement dans la fonction publique pour lutter contre les phénomènes de discrimination qui touchent notamment les jeunes des quartiers populaires ; durcissement de la répression des délits de provocation, de diffamation, d’injures et d’actes racistes et élargissement de la circonstance aggravante ; lutte contre les discriminations dans les entreprises, avec une formation obligatoire à la non-discrimination des personnes chargées du recrutement et la possibilité de tenir compte de la diversité dans le cadre des marchés publics, ce qui est une très grande avancée ; amélioration des rapports entre la police et la population, avec une expérimentation du déclenchement systématique des caméras-piétons lors des contrôles d’identité, lesquelles me paraissent constituer un outil bien plus efficaces que la fameuse délivrance d’un récépissé ; instauration dans la loi d’un principe d’égal accès à la cantine scolaire, sujet qui a aussi suscité beaucoup de débats ici même ; fin des discriminations légales contre les gens du voyage.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, il ne s’agit pas d’une liste à la Prévert. C’est une liste utile pour nos concitoyens. Chacun y trouvera son compte. Je tiens à remercier chaleureusement Mme Annick Lepetit, présidente de la commission spéciale, M. Razzy Hammadi, rapporteur général, tous les rapporteurs thématiques, avec lesquels j’ai particulièrement travaillé, notamment Valérie Corre et Marie-Anne Chapdelaine, ici présentes. Je veux aussi remercier les groupes pour leur implication, en particulier Yves Blein, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

Je salue aussi le travail de vos collaborateurs, mais aussi celui de l’ensemble des personnels de l’Assemblée : huissiers, administrateurs, compte rendu, qui œuvrent ici chaque jour à la fabrique de la loi.

J’en termine en soulignant que le travail de rédaction des décrets est engagé. Vous y serez associés pour que ce projet de loi se traduise au plus vite dans le quotidien des Français.

Mesdames, messieurs les députés, plus d’égalité, plus de citoyenneté pour une France plus fraternelle : je vous remercie d’avoir pris toute votre part à la réalisation de cet objectif. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du logement et de l’habitat durable.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Monsieur le président, mesdames les rapporteures thématiques, mesdames, messieurs les députés, j’ai l’honneur de m’exprimer à nouveau devant vous avant que vous n’adoptiez en lecture définitive le projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté.

Le titre II du projet de loi, relatif à la mixité sociale et à l’égalité des chances dans l’habitat, s’inscrit dans le prolongement de grandes lois de gauche : la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, la loi du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social, et évidemment, plus récemment, la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi ALUR, qui consacre notamment le rôle majeur des intercommunalités en matière d’habitat et d’urbanisme.

Ainsi, ce projet de loi perpétue une longue tradition de textes ayant pour fil conducteur la solidarité, le vivre ensemble et la lutte contre les exclusions. Quelques jours après les attentats meurtriers qui ont touché Berlin, quelques mois après ceux qui ont endeuillé la France, la réponse que nous devons apporter doit être fidèle à nos valeurs de gauche : que la République soit présente partout et pour tous. En matière de logement, ce n’est pas un vain mot. Lorsque Manuel Valls, alors Premier ministre, évoquait « un apartheid social, territorial, ethnique » dont souffrent certains de nos concitoyens qui se sentent relégués et exclus, il ne s’agissait pas d’une simple formule oratoire.

Lorsque des territoires entiers ne sont pas reliés à des cœurs d’agglomération par des transports en commun accessibles, lorsque leurs habitants ne parviennent pas à accéder à un emploi et lorsque leurs enfants ne bénéficient pas d’une éducation de qualité, c’est la République qui vacille. La première condition pour recréer un socle commun, c’est le logement. Celui-ci n’est pas un bien comme un autre ni un supplément d’âme mais constitue la première condition pour mener une vie digne et se construire comme on l’a choisi.

Ainsi, être ministre du logement et de l’habitat durable suppose une grande humilité. Il faut toutefois faire valoir les réussites. Nous pouvons nous réjouir et nous féliciter collectivement de la dernière version de ce projet de loi. Nous avons beaucoup travaillé ensemble depuis six mois pour parvenir à ce texte à la fois ambitieux et réaliste.

Il est ambitieux car il propose un véritable changement en matière d’attribution des logements sociaux et de définition des loyers, renforce les obligations des communes récalcitrantes en matière de construction de logements sociaux et met fin à des discriminations séculaires à l’encontre des gens du voyage – je profite de cette évocation pour saluer le président Raimbourg.

Il est aussi réaliste car il permet aux territoires, au niveau de l’intercommunalité, d’apprécier la situation locale et d’agir en conséquence dans un cadre national défini. Je regrette donc que vos collègues sénateurs, mesdames et messieurs les députés, n’aient pas saisi l’occasion de débattre de ce texte pour l’améliorer comme vous l’avez fait en proposant à chaque lecture quelque 400 amendements et en intégrant 78 nouveaux articles au seul titre II.

Mme Audrey Linkenheld. Eh oui !

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Nous n’avons pas toujours été d’accord mais sommes parvenus à des compromis sur les principaux sujets. Par ailleurs, je n’oublie pas que nous avons intégré ensemble au projet de loi bon nombre d’articles ratifiant des ordonnances. Cette façon de travailler devrait nous inspirer plus souvent en matière de construction des politiques publiques.

En réalité, ce qui fonde ce projet de loi et fait l’honneur des propositions avancées par le Gouvernement, c’est qu’il détermine les moyens de renforcer les ressorts de la cohésion sociale, de lutter contre toutes les formes d’exclusion et de développer des logiques de solidarité entre tous et entre les territoires. Nous avons toujours gardé à l’esprit le nécessaire équilibre entre droit au logement et mixité sociale et entre intérêt général et adaptation aux situations locales.

Je ne reviendrai évidemment pas sur toutes les mesures que comporte le texte, mais j’évoquerai néanmoins quelques points qui me semblent essentiels. Le titre II du projet de loi permettra en effet que 25 % des attributions hors des quartiers en politique de la ville bénéficient aux 25 % de ménages les plus pauvres. Il s’agit ici d’offrir à chacun et chacune la possibilité de choisir son lieu d’habitation en favorisant la mixité sociale.

Il prévoit également que tous les réservataires de logement consacrent 25 % de leurs attributions à des publics prioritaires. Il définit une nouvelle politique des loyers visant à les décorréler du financement d’origine. Il comporte des obligations de transparence des critères d’attribution et prévoit la publication de la liste des logements vacants afin d’accroître l’implication des demandeurs dans leurs démarches d’accès à un logement. Il permettra de nombreuses évolutions en matière d’urbanisme, s’agissant notamment des documents stratégiques de programmation de l’aménagement, ainsi que la poursuite de l’organisation des professionnels de l’immobilier par la création d’une commission de contrôle.

Il permettra aussi la fin des discriminations séculaires visant les gens du voyage et le renforcement des obligations des communes en matière de création d’aires d’accueil afin de favoriser leur intégration dans la société. Enfin, il renforce les obligations en matière de production de logements sociaux dans les communes où la demande est importante et qui ont tout fait, parfois depuis de très nombreuses années, pour s’exonérer de leurs responsabilités et de la solidarité nationale.

D’ailleurs, c’est sans doute sur ce point que nos désaccords avec vos collègues sénateurs sont les plus importants, mesdames et messieurs les députés. Ils démontrent, à quelques mois d’une période électorale majeure pour notre pays, qu’en matière de logement social la droite et la gauche, ce n’est pas la même chose et que deux visions de la France s’opposent bel et bien : une France qui construit et accueille toutes les populations, une autre qui refuse de les accueillir.

M. Philippe Vigier. Et voilà ! Continuez comme ça ! La polémique pour la polémique !

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Pour ma part, j’ai choisi mon camp : celui du progrès social et de l’égalité. C’est pourquoi je suis très heureuse que nous en venions à la phase finale de l’adoption de ce texte. Ce projet de loi ne constitue certes pas une réponse à tout mais il offre des pistes face au repli sur soi, car la manière dont nous faisons société s’incarne particulièrement dans la façon dont nous aménageons, occupons et partageons les espaces collectifs. Le défi que nous devons relever est celui qui consiste à faire du logement social l’un des pivots de notre pacte social et de la politique de logement social, public comme privé, un axe majeur des politiques en faveur de l’égalité.

Je n’aurai qu’un regret à propos de ce texte : l’adoption en nouvelle lecture, contre l’avis du Gouvernement et de M. le rapporteur général, d’une mesure visant à pénaliser, par la résiliation automatique du bail, tous les résidents d’un logement social si l’un d’entre eux est condamné pour détention ou trafic de stupéfiants dans le hall d’un immeuble.

Je n’ignore certes pas les problèmes que posent ces comportements délictueux aux habitants des immeubles concernés,…

M. Philippe Vigier. Ça, c’est sûr !

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. …mais cette mesure, qui crée une peine automatique, me semble tout à fait contraire au principe de l’individualisation des peines. Comme je vous l’ai alors expliqué – sans vous convaincre –, il me semble que le Conseil Constitutionnel jugerait cette disposition anticonstitutionnelle s’il était amené à l’examiner.

Par ailleurs, je tiens à signaler deux erreurs rédactionnelles que ni la question préalable votée lundi au Sénat ni la lecture définitive à laquelle nous procédons aujourd’hui ne permettent de corriger. L’alinéa 35 de l’article 30, relatif au report après 2025 des obligations de rattrapage des objectifs fixés par la loi SRU, mentionne la sixième période triennale, alors que le Gouvernement souhaite viser la cinquième car il a l’intention d’appliquer cette disposition dès le bilan prévu en 2017.

Par ailleurs, l’article 20 de la version définitive du texte mentionne un délai de deux ans, et non d’un an, après la promulgation de la loi, permettant aux établissements publics de coopération intercommunale – ou EPCI –, aux établissements publics territoriaux – EPT – et aux métropoles de mettre en cohérence leurs documents, tels que des accords collectifs, avec la réforme des attributions. Cette confusion découle d’une mauvaise intégration en séance d’un amendement du Gouvernement qu’il ne nous a pas été possible de corriger.

M. Philippe Vigier. Ce n’est pas sérieux !

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Certes, ce délai n’est pas contraignant, mais le Gouvernement tient à signaler qu’il souhaite que ces attributions importantes soient mises en œuvre rapidement.

Enfin, je tiens à remercier les députés qui ont permis d’aboutir à ce résultat : Annick Lepetit, présidente de la commission spéciale, Razzy Hammadi, rapporteur général, Philippe Bies, rapporteur thématique chargé du titre II – avec lequel nous avons eu de nombreuses heures d’échange –, mais aussi de nombreux députés siégeant sur tous les bancs de cette assemblée, en particulier Audrey Linkenheld, Michel Piron, André Chassaigne et Marie-George Buffet qui ont chacun défendu des dispositions et nous ont permis, me semble-t-il, d’améliorer considérablement le titre II.

Je souhaite aussi saluer ici l’implication de mon administration et en premier lieu de son directeur, Laurent Girometti, qui nous a accompagnés tout au long de l’examen du texte, ainsi que l’administration de l’Assemblée, notamment Pierre-André Clément, l’administrateur chargé du titre II, lequel est particulièrement technique. Je profite aussi de cette intervention pour saluer les membres de mon cabinet, en particulier ma conseillère parlementaire, qui elle aussi a joué un rôle majeur.

Ce texte améliorant l’accès au logement pour toutes et tous rend à nos concitoyens une confiance en l’avenir indispensable à la cohésion sociale de notre pays. Il me semble que nous réalisons aujourd’hui à une avancée importante pour l’égalité et la citoyenneté. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique de la commission spéciale.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique de la commission spéciale. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, madame la rapporteure thématique – chère Valérie Corre –, chers collègues, je voudrais tout d’abord excuser M. le rapporteur général, Razzy Hammadi, retenu par un empêchement de dernière minute. Je sais qu’il aurait aimé être là.

Le Sénat a adopté le 19 décembre une motion tendant à opposer la question préalable au texte du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté issu des travaux de notre assemblée en nouvelle lecture. Il signifiait une fois de plus, par le biais de cette procédure, le caractère irréconciliable des positions des deux chambres sur ce texte.

En vertu de l’article 45, alinéa 4, de notre Constitution, l’Assemblée nationale est donc appelée à statuer définitivement sur ce projet de loi. Aucune modification n’ayant été adoptée par le Sénat en nouvelle lecture, le texte soumis à notre assemblée est donc le dernier texte qu’elle a voté, c’est-à-dire celui qu’elle a adopté en nouvelle lecture le 23 novembre dernier.

Sans revenir sur le détail des dispositions dont nous avons eu à connaître il y a exactement un mois, je relèverai quelques points qui ont fait l’objet de débats lors de la nouvelle lecture et que nous sommes appelés à confirmer.

Les dispositions relatives au service civique que comporte le titre Ier, dont je sais qu’il est cher à Valérie Corre, n’ont pas fait l’objet de débats particuliers en nouvelle lecture, ce qui prouve que l’utilité de ce dispositif et son rôle essentiel en matière d’insertion sociale des jeunes ne sont guère contestés. En revanche, l’Assemblée nationale a tenu à conserver, tout en les adaptant, les dispositions introduites par le Sénat à l’article 8 septies relatives aux obligations de transparence comptable applicables aux associations mixtes afin de les aligner sur celles qui s’appliquent aux associations relevant de la loi de 1905.

S’agissant de l’« appel à la générosité publique », selon la terminologie dorénavant consacrée juridiquement, notre assemblée a proposé en nouvelle lecture de ratifier l’ordonnance de simplification du régime des associations et des fondations, mais a tenu à préciser dans la loi le seuil en deçà duquel un régime simplifié sans obligation de déclaration s’appliquera, afin d’éviter toute dérive. Je rappelle que M. le rapporteur général et Valérie Corre se sont fortement impliqués sur ce point. Ce seuil sera fixé à 75 000 euros.

En matière d’éducation, l’Assemblée a réitéré sa position au sujet des conditions d’ouverture des établissements privés d’enseignement scolaire. Elle a également réaffirmé avec vigueur, au titre III, le droit de tout élève du premier degré à la cantine scolaire, reprenant la proposition de loi de notre collègue Roger-Gérard Schwartzenberg et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Paul Giacobbi. Très bien !

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique de la commission spéciale. En effet, il n’est pas question de priver un enfant de cantine au motif que ses parents sont dans une situation sociale précaire. Il s’agit d’une véritable avancée. Je pense aux enfants qui bénéficieront ainsi de l’accès à la cantine. Cette mesure honore notre assemblée – j’ai déjà eu l’occasion de le dire, mais il faut le répéter avec force.

S’agissant du titre II, relatif au logement et qui est cher à notre collègue Audrey Linkenheld, dont je salue la présence, notre assemblée est invitée à réaffirmer son opposition à la mise en cause, proposée par le Sénat, des obligations des communes en matière de logement social au titre de la loi SRU, et à réitérer les dispositions qu’elle a votées en nouvelle lecture en faveur de la mixité sociale. La réforme des attributions de logements sociaux permettra enfin à de nombreux territoires de sortir des logiques de ségrégation sociale et spatiale.

Rappelons qu’il existe des communes où les logements sociaux se comptent sur les doigts d’une main. Je me réjouis des avancées importantes réalisées dans le cadre de ce texte et salue notre collègue Philippe Bies, rapporteur thématique chargé du titre II. Je dois préciser, au nom du rapporteur général, mais aussi à titre personnel, qu’on aurait pu rendre l’action de groupe en matière de logement social plus praticable. En effet, en la matière, il est encore très difficile d’agir. Peut-être faudra-t-il procéder à quelques avancées supplémentaires.

S’agissant du titre III, relatif à l’égalité réelle, le désaccord le plus flagrant avec nos collègues sénateurs porte sur la répression des infractions de presse qu’ils ont souhaité durcir, ce à quoi nous nous sommes évidemment opposés. La liberté de la presse ne se négocie pas. Notre examen du projet de loi en nouvelle lecture nous a également permis de renforcer l’égalité en matière d’accès à la fonction publique en amont, par le renforcement de la collecte des données relatives aux candidats à un concours administratif mais aussi par la mise en place d’un quota de contrats au titre du parcours d’accès aux carrières de la fonction publique territoriale, hospitalière et de l’État, dits « contrats PACTE ».

En matière de discriminations, l’Assemblée a confirmé en nouvelle lecture qu’elle souhaite prévoir des clauses générales d’aggravation des peines pour des motifs racistes ou sexistes et ajouter un nouveau motif d’aggravation en raison de l’identité de genre. Il s’agit là d’une véritable avancée. Les personnes victimes de discriminations peuvent être fières de ce que nous avons fait. J’évoquerai aussi les mesures de lutte contre le bizutage, qui a fait autrefois beaucoup de dégâts, dont nous ne parlions pas. Dorénavant, on pourra non seulement en parler, mais aussi lutter contre.

Je rappelle pour finir la possibilité offerte aux organisations syndicales de s’appuyer sur une association dans le cadre de toute démarche en justice en matière de discrimination à l’embauche que nous avons introduite à l’article 60. Notre rapporteur général tient beaucoup à cette disposition. Je me félicite aussi du bon travail accompli au sein de la commission spéciale et salue Mme Annick Lepetit, qui l’a présidée, de même que les deux autres rapporteurs thématiques, Mme Corre et M. Bies, et M. le rapporteur général, mais aussi M. Blein, Mme Audrey Linkenheld et tous ceux de nos collègues qui nous ont accompagnés. Dans ce cadre, nous avons pu véritablement travailler, députés de droite comme députés de gauche – davantage de ce côté-ci que de ce côté-là, d’ailleurs ; je déplore que ces bancs-là soient vides, comme si l’égalité et la citoyenneté ne concernaient qu’une partie de la population.

M. Paul Giacobbi. Ils vont arriver !

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique de la commission spéciale. Les habitants de certains quartiers apprécieront ! Il n’est pas anodin de clôturer l’année avec l’adoption définitive par notre assemblée du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté, que nous sommes fiers d’avoir défendu tous ensemble, ministres, rapporteurs et députés, tout au long des étapes du débat.

Je remercie, enfin, M. le ministre et Mme la ministre pour leur écoute, ainsi que les administrateurs de l’Assemblée qui nous ont accompagnés tout au long de ce chemin, formulant des rectifications mais aussi des propositions. Nous pouvons être fiers de l’adoption de ce projet de loi qui permettra de lutter contre les discriminations, qui sont un véritable fléau, et surtout de faire voler en éclats certains plafonds de verre empêchant un certain public d’accéder où bon lui semble et de trouver sa place dans la société. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Paul Giacobbi.

M. Paul Giacobbi. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, une fois de plus, nous consacrons une séance – la dernière de l’année 2016 – à l’examen d’un projet de loi sur l’égalité et la citoyenneté. Deux siècles après l’instauration de la République, ce n’est pas le premier du genre, ni certainement le dernier.

Même si ce texte ressemble à un inventaire à la Prévert – comme on dit maintenant lorsque l’on ne sait pas le français –, il n’est nullement surréaliste. Il est même, pour une fois, remarquablement pratique et réaliste, du moins pour certaines de ses dispositions, normatives et concrètes – je ne parlerai pas des autres, qui n’ont aucun intérêt.

C’est d’ailleurs ce qui a fait la difficulté de l’exercice, notamment dans les navettes avec le Sénat. Finalement, celui-ci nous a rendu service en ne discutant pas de ces dispositions, ce qui a permis d’accélérer les choses et de clore aujourd’hui l’examen. C’est dommage pour le débat, mais assez pratique.

Je ne reviendrai pas sur l’ensemble des dispositions qui, pour être hétéroclites, vont toutes dans le même sens. Je remercie Mme Chapdelaine, rapporteure thématique, d’avoir rappelé que l’obligation d’accueil des enfants dans les cantines scolaires est issue d’une proposition de loi signée par Roger-Gérard Schwartzenberg et l’ensemble des membres du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste. Ce texte a été présenté lors d’une niche parlementaire, mais nous n’avons pas eu le loisir d’aboyer beaucoup. (Sourires.) Toutefois, le cri, ou l’aboiement, que nous avons émis à cette occasion, a été repris par le présent projet de loi, de telle sorte que ces dispositions, qui n’ont l’air de rien mais peuvent faire beaucoup dans certaines circonstances, sont adoptées.

Ce qui est intéressant, c’est que ce projet de loi prend en compte les zones défavorisées, rurales, économiquement fragiles, périphériques, qui tendent à subir un décrochage économique et social, mais aussi un décrochage citoyen. Dans ces zones, l’accès aux services publics, aux transports, aux télécommunications, qui semble aller de soi ailleurs, est devenu difficile.

Les bons esprits sont frappés aujourd’hui de ce qui se passe sur le plan politique dans les pays occidentaux : une partie, souvent majoritaire, de l’électorat – donc du peuple –, en marge du système en place, des journaux, de la classe politique, vote de manière parfois surprenante, et regrettable – même si le peuple a toujours raison. Or cela ne vient pas par génération spontanée : ce phénomène est lié en grande partie au fait que les personnes en question habitent les périphéries, les marges, les banlieues, les zones rurales. Si cela est particulièrement frappant aux États-Unis, on observe la même chose en France, avec – entre autres – ce paradoxe extraordinaire que ces zones rurales, où le phénomène d’immigration n’existe pratiquement pas, montrent une sensibilité extravagante à la question de l’immigration. On voit bien que c’est un état d’esprit général, qui rend les choses difficiles. Si nous ne prêtons pas attention à ces décrochages citoyens, à ces décrochages d’accès, nous aurons – et c’est déjà le cas aujourd’hui – à faire face à des difficultés et à des contradictions politiques.

Bien entendu, ce projet de loi n’est qu’une contribution modeste. Même si son contenu est relativement riche, il en faudra bien d’autres pour espérer s’approcher de l’égalité en droit. Lorsque nous étions jeunes et que nous faisions des études de sciences politiques, on nous disait : « L’égalité, ça n’existe pas, mais au moins, la Constitution et la République nous ont apporté l’égalité en droit ». En réalité, non. Ce que nous essayons d’approcher, à travers un projet de loi comme celui-ci, c’est l’égalité en droit. Mais nous sommes encore loin de ce qui demeure un objectif à atteindre.

Le groupe que je représente – un député pour dix-sept, le ratio est l’un des plus élevés dans l’hémicycle aujourd’hui ! (Sourires) – est, par définition, républicain, progressiste, démocrate et même radical. Il ne peut donc que voter avec enthousiasme l’ensemble de ces dispositions. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mesdames les rapporteures thématiques, chers collègues, nous entamons la lecture définitive du projet de loi égalité et citoyenneté, un texte qui a pour ambition d’être une réponse globale aux problématiques sociales vécues au quotidien par nos concitoyens.

Chacun le sait, les défis sont immenses. Les inégalités ne cessent de croître dans notre pays. Comme vient de le pointer l’INSEE, 14,3 % des Français vivaient sous le seuil de pauvreté en 2015, autant qu’au plus fort de la crise. Dans le même temps, la crise du logement ne se dément pas : 141 500 personnes sont sans domicile fixe et 3,5 millions sont mal logées.

Dans ce contexte économique et social incertain, les jeunes n’ont jamais eu si peu de perspectives d’avenir. Confrontée à des problématiques d’insertion professionnelle, notre jeunesse doit également faire face à des difficultés pour se loger et se soigner – je pense notamment aux lycéens SDF dont nous avons parlé en début de semaine –, tout cela sur fond de défiance croissante de nos concitoyens vis-à-vis de nos institutions.

Dans sa volonté de répondre à de multiples enjeux, le projet de loi qui nous est soumis tient, nous le répétons, du texte fourre-tout, sans véritable cohérence d’ensemble, avec des dispositions dont il est parfois difficile de mesurer l’efficacité. Il s’agit surtout d’un projet de loi à moyens constants, alors même qu’un accroissement des moyens financiers est indispensable à la mise en place de véritables politiques de transformation sociale et de promotion des services publics.

S’agissant du contenu du texte, nous avons alerté à plusieurs reprises sur des dispositions qui ne nous semblent pas aller dans le bon sens, voire peuvent se révéler dangereuses. En ce qui concerne, par exemple, la généralisation du service civique, recherchée par l’élargissement des structures d’accueil et la pratique de l’intermédiation, outre le fait qu’elle ne répond pas aux préoccupations des jeunes en matière d’insertion professionnelle, elle risque de créer une nouvelle trappe à précarité. Nous aurions préféré la mise en place d’une allocation d’études et d’autonomie, qui permettrait à chaque jeune de s’intégrer pleinement dans notre société, qu’il soit en formation ou sans emploi.

De même, concernant le volet logement, nous avons regretté les mesures visant le supplément de loyer de solidarité et le durcissement de la perte du droit au maintien dans les lieux. Elles traduisent la volonté, qui n’est pas nouvelle, d’une spécialisation – pour ne pas employer un autre terme – accrue du parc social en direction des publics les plus fragiles. À nos yeux, il importe que le logement social conserve sa vocation généraliste, où 60 % des ménages se situent en deçà des plafonds de ressources. Il convient de mieux accompagner le parcours résidentiel des ménages, de proposer d’autres moyens d’action, afin de s’assurer qu’aucune famille, qu’elle soit locataire ou propriétaire, ne consacre plus de 25 % de ses revenus à son logement. C’est un enjeu essentiel.

Cela étant, nous ne pouvons nier les avancées que contient ce projet de loi. Je pense tout d’abord aux mesures en faveur de la citoyenneté et de l’engagement associatif. La création d’un statut pour les étudiants bénévoles et d’un congé engagement pour les salariés, tout comme le droit d’association pour les jeunes mineurs vont dans le bons sens. De même, nous nous félicitons du renforcement de la place des jeunes dans les instances politiques territoriales.

En matière de logement, nous souscrivons également, madame la ministre, à l’obligation faite aux maires de réserver 25 % des logements sociaux, hors quartiers prioritaires de la politique de la ville, aux familles les plus modestes.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Très bien !

M. André Chassaigne. Nous soutenons évidemment les mesures qui visent, dans le même esprit, à prolonger et à renforcer la loi SRU, tant en matière de sanction des maires défaillants que d’obligation de production de logements sociaux.

Je pense enfin aux dispositions relatives à l’égalité. Si nous regrettons que le droit de vote des étrangers et l’encadrement des contrôles au faciès soient absents de ce texte – nous avons beaucoup échangé sur cette question, mesdames les rapporteures thématiques –, nous partageons les dispositions visant à lutter contre les actes de racisme et de sexisme, tout comme les mesures en faveur de la diversité d’accès à la fonction publique.

Il me reste trente secondes pour prendre une décision. (Sourires.) Sans avoir à utiliser la balance de Roberval, je pense que, pour les raisons que je viens d’évoquer, les députés du Front de gauche voteront ce projet de loi, même s’il déçoit quelque peu par son manque d’ambition. Bonnes fêtes à tous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld.

Mme Audrey Linkenheld. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mesdames les rapporteures thématiques, chers collègues, nous sommes réunis en cette veille de suspension parlementaire pour adopter définitivement le projet de loi pour l’égalité et la citoyenneté.

On l’a dit, après l’échec de la commission mixte paritaire le 25 octobre, le Sénat a rejeté le texte en nouvelle lecture. Et c’est le projet de loi, tel que nous l’avons adopté ici même le 23 novembre qui nous revient ce matin.

Après les nombreuses heures de débat, en première puis en nouvelle lecture, en commission spéciale et dans l’hémicycle, l’heure de l’adoption a sonné. Le groupe socialiste, écologiste et républicain s’en félicite, car le projet de loi soumis à notre vote nous satisfait.

Le titre Ier, consacré à l’émancipation des jeunes, à la citoyenneté et à la participation répond à l’un des défis majeurs auxquels notre démocratie est confrontée : permettre à la jeunesse de se projeter pleinement dans notre société. Nous sommes heureux d’avoir pérennisé la réserve civique, conforté le service civique et créé le congé d’engagement associatif. Nous avons ainsi répondu positivement à une demande récurrente et légitime du monde associatif.

Je ne reviendrai pas sur la teneur des débats liés à l’instruction en famille ou sur les règles d’ouverture des établissements privés d’enseignement scolaire hors contrat. Je veux juste rappeler qu’il n’a jamais été question d’interdire l’un ou l’autre. Il s’agit simplement de renforcer le contrôle des services de l’État, et ce, dans l’intérêt de l’enfant.

Parmi les avancées que je viens de passer en revue, et j’aurais pu en citer d’autres, la droite sénatoriale, parmi les quelques bizarreries qu’elle nous a proposées,…

M. Philippe Vigier. C’est la démocratie !

Mme Audrey Linkenheld. …a choisi d’en retenir une : celle d’un nouveau contrat de travail, limité à 15 heures par semaine, réminiscence du CPE, et sans doute forme élaborée de la précarisation qu’elle souhaite pour la jeunesse.

M. Philippe Vigier. C’est incroyable ! Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà !

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique de la commission spéciale. C’est la règle du débat : on peut critiquer !

M. Philippe Vigier. Supprimez donc le Sénat !

Mme Audrey Linkenheld. Les députés aussi, monsieur Vigier, sont capables de proposer des bizarreries. Permettez-moi cette expression : il m’arrive de penser que nos collègues, qu’ils soient sénateurs ou députés, proposent des choses « bizarres ». C’est mon droit d’utiliser ce terme, qui me paraît parfaitement respectueux et qui illustre simplement ce que je pense de ces propositions.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique de la commission spéciale. Très bien !

Mme Audrey Linkenheld. Avec cette nouvelle loi, les jeunes bénéficieront d’une information individualisée en matière d’assurance maladie et jouiront d’un droit personnel à la couverture maladie universelle complémentaire, dès leur prise d’indépendance.

J’en viens au titre II. Je me suis déjà plusieurs fois exprimée sur cette partie, dédiée à la mixité sociale et à l’égalité des chances dans l’habitat. Les réserves initiales auxquelles elle a donné lieu ont, dans l’ensemble, été levées. Avec les modifications introduites au fur et à mesure, ce texte s’inscrit, ainsi que vous l’avez rappelé, madame la ministre, dans la droite ligne des lois que nous avons précédemment adoptées : loi ALUR, loi relative à la mobilisation du foncier public, loi SRU et quelques autres.

C’est vrai en matière de gestion intercommunale des attributions, car nous avons fait en sorte que le droit au logement aille de pair avec la mixité sociale et l’équilibre territorial ; c’est vrai également du partenariat entre l’État, les collectivités locales et les bailleurs, car nous avons préservé les bonnes pratiques de mutualisation des contingents ou des objectifs de construction, tout en durcissant encore les sanctions contre les communes ou les organismes réfractaires.

Nous avons augmenté le prélèvement sur les communes déficitaires, et nous avons rendu inéligibles à la dotation de solidarité urbaine toute commune carencée. En revanche, nous avons permis que soient pris en compte dans le calcul des logements sociaux relevant de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, les logements en intermédiation locative. La nouvelle politique des loyers que nous proposons permettra aux collectivités qui le souhaitent de privilégier les objectifs de mixité sociale par rapport aux questions techniques de financement.

Pour en terminer avec le titre II, je veux saluer les progrès concernant les organismes de foncier solidaire, porteurs demain d’une accession durablement abordable à la propriété, ainsi que les excellents dispositifs adoptés à l’instant dans la loi de finances rectificative pour 2016. Je remercie Mme la ministre pour le soutien et l’écoute dont elle a fait preuve en ce domaine, ainsi que le rapporteur thématique, Philippe Bies, et l’ensemble de mes collègues.

Le titre III concerne l’égalité réelle, qui prévoit une série de mesures pour renforcer l’égalité entre les citoyens.

Nous nous félicitons de la reprise de la proposition de loi de Dominique Raimbourg, relative au régime juridique particulier appliqué aux gens du voyage, en particulier la suppression du livret de circulation et de l’obligation de rattachement à une commune.

Plus largement, nous sommes fiers de favoriser le renforcement des conseils citoyens, une meilleure maîtrise de la langue française et surtout, parce que chaque discrimination qui sévit dans notre société doit être combattue, nous sommes fiers d’ouvrir la fonction publique à plus de diversité, de développer et renforcer les sanctions en matière de racisme et d’homophobie, mais aussi de prévenir la discrimination sociale en permettant l’inscription de tous les enfants dans toutes les cantines de l’école primaire.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique de la commission spéciale. Excellent !

Mme Audrey Linkenheld. Enfin, un dernier mot pour me réjouir de la reconnaissance légale des métiers de la médiation sociale. Là encore, nous satisfaisons une revendication de longue date d’une profession dont je salue l’engagement au service de notre société.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique de la commission spéciale, Mme Valérie Corre, rapporteure thématique de la commission spéciale et Mme Frédérique Massat. Très bien !

Mme Audrey Linkenheld. Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste, écologiste et républicain votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mesdames les rapporteures thématiques, chers collègues, nous arrivons au terme de l’examen de ce projet de loi qui restera certainement comme le texte le plus bigarré du quinquennat, qualifié tour à tour d’inventaire, de fourre-tout, ou encore de mastodonte législatif.

Ce texte avait vocation à rassembler la gauche, mais à voir la manière dont se présentent les prochaines échéances électorales, il semble que ce soit raté. Je ne suis pas certaine qu’il aura l’efficacité escomptée.

M. François-Michel Lambert. Aucun rapport !

Mme Marie-Christine Dalloz. Il est parfaitement illusoire de chercher une quelconque cohérence dans cet ensemble qui a littéralement enflé, passant de 41 articles à 225. Et si l’on prend en compte les articles qui ont été supprimé après leur examen, nous atteignons le chiffre de 346. Ce n’est pas sérieux.

C’est pourquoi je me contenterai d’appeler votre attention sur les éléments qui devraient inciter notre groupe à saisir le Conseil constitutionnel dans les prochains jours. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Patrick Kanner, ministre et Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique de la commission spéciale. Ah ?

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique de la commission spéciale. Quelle surprise !

Mme Marie-Christine Dalloz. S’agissant ainsi du titre Ier, vous ne serez pas étonnés d’apprendre que notre groupe continue de s’interroger sur la conformité de l’article 14 decies avec la Constitution. Nous avons eu le loisir de signaler lors des débats que le fait d’habiliter le Gouvernement à modifier par ordonnance les conditions d’ouverture des établissements privés d’enseignement, notamment en substituant un régime d’autorisation au régime de déclaration en vigueur, contrevient au principe de la liberté d’enseignement, indissociable de la liberté d’association. Plutôt que de s’en prendre aux libertés publiques, il aurait été plus pertinent d’améliorer les conditions de contrôle des écoles privées après leur ouverture, sujet qui n’est pas directement abordé par l’habilitation.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique de la commission spéciale. Nous, nous protégeons les enfants, madame !

Mme Marie-Christine Dalloz. Le titre II réforme les dispositions actuelles concernant le logement social et les obligations issues de l’article 55 de la loi SRU. Je regrette que le Gouvernement n’ait profité de l’examen de ce projet de loi pour simplifier le mille-feuille administratif en matière de logement social. Au contraire, chaque disposition apporte des modifications non négligeables au droit existant, à chaque stade de la procédure – de l’élaboration des documents de planification ou de conventions à l’attribution des logements, en passant par l’enregistrement des demandes.

Plus généralement, ce projet de loi traduit clairement la volonté du Gouvernement de dessaisir les maires de leurs missions au profit d’un élargissement des prérogatives des EPCI et, surtout, d’un renforcement du pouvoir de substitution du préfet.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique de la commission spéciale. Et à Saint-Maur, il y a du logement social ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Madame la rapporteure thématique, je vous ai écoutée tout à l’heure : je vous demande à présent de vous taire et d’écouter ce que j’ai à vous dire.

Alors que les communes ont fait des efforts majeurs en faveur de la mixité sociale ces dernières années, les nouvelles dispositions risquent d’aggraver les budgets de bon nombre d’entre elles. Alors qu’elles ont atteint les limites de leurs possibilités en termes de constructions de logements sociaux, vous leur infligez des pénalités beaucoup plus importantes.

Ces nouvelles dispositions, outre qu’elles vident de leur substance les compétences des collectivités territoriales et donc leur autonomie, aggravent les charges publiques. Elles nous semblent par conséquent contraires au principe de libre administration des collectivités territoriales, consacré par l’article 72 de la Constitution. Le Conseil constitutionnel aura l’occasion de se prononcer sur ce point ô combien important.

Les sénateurs étaient pourtant revenus sur les dispositions coercitives prises à l’encontre des maires en assouplissant la réglementation et en donnant plus de liberté aux élus locaux pour favoriser la mixité sociale. Ils ont également eu l’audace de réformer les obligations actuelles découlant de l’article 55 de la loi SRU en privilégiant la contractualisation au niveau local.

Or, mes chers collègues de la majorité, vous avez balayé d’un revers de la main les dispositions adoptées par le Sénat alors qu’elles méritaient réflexion, au-delà des idéologies partisanes. C’est bien dommage, mais c’est classique.

Enfin, le comble de l’ubuesque est atteint avec le titre III. Si l’ensemble du texte est un fourre-tout, le titre III est un concentré de fourre-tout.

Alors qu’il est pompeusement censé renforcer l’égalité réelle en traitant des questions d’égalité entre les habitants et les territoires, il s’apparente surtout à un agrégat hétérogène de propositions souvent démagogiques qui se veulent de vrais marqueurs de gauche mais dont l’efficacité et la portée semblent bien contestables. Bref, on est loin des préoccupations de nos concitoyens.

Certaines mesures se révèlent même particulièrement inquiétantes. Je vous les cite pêle-mêle, parce que c’est ainsi qu’elles arrivent au gré du projet de loi.

Ainsi, le texte crée un droit, pour tous les enfants scolarisés, à l’inscription à la cantine scolaire des écoles primaires.

M. André Chassaigne. C’est très bien !

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique de la commission spéciale. Nous en sommes fiers !

Mme Marie-Christine Dalloz. L’intention est louable mais aucune compensation financière n’est prévue pour les communes qui devront donc supporter de nouvelles charges financières importantes alors qu’elles sont déjà financièrement étranglées.

Dans le code de procédure pénale, l’« identité sexuelle » sera remplacée par l’« identité sexuelle ou identité de genre ». C’est un changement majeur discrètement voté.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique de la commission spéciale. À la demande de M. Jacques Toubon !

Mme Marie-Christine Dalloz. Enfin, les entreprises, déjà malmenées durant tout ce quinquennat, se verront imposer de nouvelles contraintes disproportionnées. Ainsi, les directeurs des ressources humaines des entreprises de plus de 300 salariés devront suivre tous les cinq ans une formation à la non-discrimination.

M. André Chassaigne. C’est très bien !

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est une énième obligation imposée aux entreprises alors qu’elles ont engagé de multiples actions pour prendre en compte la non-discrimination dans leurs procédures de recrutement.

M. Patrick Kanner, ministre. C’est une très bonne mesure !

Mme Marie-Christine Dalloz. Elles ne vous ont pas attendu pour s’en préoccuper, heureusement !

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique de la commission spéciale. Tout va bien, dans ce cas !

Mme Marie-Christine Dalloz. De même, le texte élargit les possibilités d’action de groupe et va jusqu’à créer un fonds de participation au financement de l’action de groupe.

M. André Chassaigne. Excellente mesure !

Mme Marie-Christine Dalloz. Pour toutes ces raisons, vous comprendrez, mes chers collègues, que le groupe Les Républicains s’oppose vigoureusement à ce projet de loi et votera contre, comme précédemment.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique de la commission spéciale. Vous êtes constants, au moins !

M. Patrick Kanner, ministre. C’est presque rassurant !

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. André Chassaigne. Le président Vigier devrait être plus mesuré.

M. Philippe Vigier. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mesdames les rapporteures thématiques, chers collègues, l’égalité est au cœur de notre devise républicaine. Elle n’est pourtant rien sans la liberté et la fraternité, avec lesquelles elle forme un idéal légitime vers lequel doit tendre la République. Chaque citoyen devrait se reconnaître dans ces concepts exigeants qui imposent des droits et des devoirs, pour garantir l’épanouissement de chacun au sein d’une société réconciliée.

Bien évidemment, ces principes ne se décrètent pas. Ils sont, chaque jour, façonnés par des dispositifs que nous devons améliorer, actualiser, afin de permettre à chacun de construire sa vie, de vivre dignement, de partager ses valeurs tout en respectant celles des autres.

En mettant en exergue l’égalité et la citoyenneté, ce projet de loi faisait preuve d’une ambition louable. Après les épreuves tragiques que notre pays a connues, et à la suite des coups qui ont été portés à notre modèle de vivre ensemble, il suscitait même de nombreuses attentes.

Malheureusement, le texte sur lequel nous sommes appelés à nous prononcer aujourd’hui en lecture définitive n’est pas à la hauteur.

Certes, le titre II, relatif à la mixité sociale et à l’égalité des chances dans l’habitat, comporte des mesures concrètes pour éviter que nos villes se transforment en ghettos de riches, pour certaines, et de pauvres, pour d’autres – rappelons que l’expression, employée par Manuel Valls, avait été fort critiquée dans vos rangs. En tout état de cause, Mme la ministre a rappelé tout à l’heure cet engagement cher à mon collègue Michel Piron.

Nous nous félicitons d’ailleurs d’avoir pu faire adopter, dès la première lecture, un amendement concernant les règles qui doivent régir la location de logements sociaux, notamment pour en interdire la sous-location. Comme vous le voyez, tout n’est pas noir d’un côté, blanc de l’autre. C’est cela, le vivre ensemble.

Nous regrettons toutefois que le dispositif expérimental de dématérialisation de l’attribution des logements n’ait été prolongé que pour trois ans. En effet, l’outil Attriweb, qui a été testé dans le Pas-de-Calais – M. le ministre le connaît bien –, la Saône-et-Loire, l’Alsace et l’Auvergne a démontré toute son efficacité. Le président André Chassaigne se serait sans doute réjoui qu’il soit pérennisé.

Par ailleurs, il nous aurait semblé pertinent de dispenser les opérations de construction de logements intermédiaires de la condition de construction de 25 % de logements sociaux dans les communes comptant déjà plus de 33 % de logements locatifs sociaux. Je regrette que cette mesure de bon sens n’ait pas été prise.

Malgré tout, ce titre II comporte un certain nombre d’avancées. Peut-être un sujet aussi crucial aurait-il mérité d’être examiné dans un texte à part entière, plutôt que dans ce projet de loi fourre-tout.

Les titres Ier et III ressemblent, pour leur part, davantage à un catalogue de mesures disparates et, trop souvent, incantatoires, qui manquent de cohérence.

Je salue le travail de nos collègues sénateurs, qui ont le droit de s’exprimer, n’en déplaise à certains députés. Malheureusement, Mme Linkenheld est partie, j’aurais voulu le lui dire en face.

Mme Audrey Linkenheld. Je suis là et je vous écoute ! Vous déformez mes propos !

M. Philippe Vigier. Il faut respecter l’opinion des autres. C’est cela, la démocratie vivante ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Vous voyez, vous n’écoutez pas. Vous parlez en même temps que moi.

Mme Audrey Linkenheld. Vous avez fait exactement la même chose !

M. Philippe Vigier. Respecter, c’est écouter.

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

M. Philippe Vigier. Vous avez parlé de bizarreries à propos du travail des sénateurs, alors qu’ils ont supprimé certaines mesures non normatives et inutiles, comme l’instauration de quotas fondés sur les tranches d’âge dans la composition des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux.

Je ne suis pas certain que vous connaissiez bien ces conseils. Vous avez devant vous un député qui contrôle, en tant que rapporteur spécial de la commission des finances pour le conseil et le contrôle de l’État, le Conseil économique, social et environnemental. Regardez les strates d’âge et vous réaliserez que je n’avais peut-être pas tort.

M. Jean-Luc Laurent. Si, justement !

M. Philippe Vigier. Il n’en reste pas moins quelques dispositions douteuses. Nous pensons, par exemple, à l’article 19 septies qui dispose : « La Nation reconnaît le droit de chaque jeune atteignant à compter de 2020 l’âge de dix-huit ans à bénéficier, avant ses vingt-cinq ans, d’une expérience professionnelle ou associative à l’étranger. » Qui peut dire le contraire ? Mais comment allez-vous faire, monsieur le ministre ? Cette phrase a un vrai sens, elle fixe un objectif, mais où sont les moyens ? Vous courez à l’échec.

Il en va de même du logement, madame la ministre.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. C’est n’importe quoi !

M. Philippe Vigier. J’ai l’honneur de contrôler également le Conseil d’État et je formulerai des remarques dans mon rapport. Où en sommes-nous, ainsi, du droit au logement opposable ? Cela fait quatre ans que je demande que l’on revoie les conditions d’attribution du DALO car la loi n’est pas respectée. Vous créez des droits opposables…

M. Jean-Luc Laurent. Ce n’est pas ce qui a été fait de mieux !

M. Philippe Vigier. …mais rien ne change, ce qui traduit bien l’impuissance des pouvoirs publics. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique de la commission spéciale. En Ille-et-Vilaine, il y a eu quinze attributions au titre du DALO !

M. Philippe Vigier. Vous avez une vraie propension à interrompre en permanence ceux qui s’expriment. Acceptez que l’on vous dise des choses, tout de même !

M. le président. S’il vous plaît, madame la rapporteure thématique ! Nous vous avons écoutée tout à l’heure.

M. Philippe Vigier. Je regrette que vous n’ayez pas lu ces rapports et je vous invite à le faire.

Pour terminer, je rappelle que j’ai salué les avancées contenues dans le texte, notamment en matière de logement avec l’implication de notre collègue Michel Piron.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique de la commission spéciale. C’est vrai !

M. Jean-Luc Laurent. Vous êtes centriste, en somme !

M. Philippe Vigier. Depuis cinq ans, le groupe UDI s’emploie à être constructif. Mais vous n’acceptez jamais la moindre remarque, la moindre contradiction !

Mme Marie-Christine Dalloz. Eh oui !

M. le président. Merci de conclure, mon cher collègue.

M. Philippe Vigier. Permettre aux jeunes d’avoir une expérience est un bon objectif, je le dis. Mais comment fait-on après ? L’atterrissage sera douloureux. Encore un espoir qui se sera levé et qui, malheureusement, aura été déçu !

Mme Marie-Christine Dalloz. Comme tous les espoirs avec la gauche !

M. Philippe Vigier. Nous nous abstiendrons donc sur ce texte.

M. le président. La discussion générale est close.

Texte adopté par l’Assemblée nationale

en nouvelle lecture

M. le président. J’appelle maintenant, conformément à l’article 114, alinéa 3, du règlement, le projet de loi dans le texte voté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

4

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, mardi 10 janvier 2017, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Débat sur les politiques publiques en faveur de l’accès aux droits sociaux.

Joyeux Noël et, par anticipation, bonne année à tous !

La séance est levée.

(La séance est levée à onze heures trente.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly