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Commission des affaires européennes

mercredi 14 novembre 2012

16 h 30

Compte rendu n° 15

Présidence de Mme Danielle Auroi Présidente,

Réunion conjointe avec les commissions des affaires européennes du Bundestag, de la Diète polonaise et du Sénat polonais

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mercredi 14 novembre 2012

Présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente de la Commission

La séance est ouverte à 9 h 15

Réunion conjointe avec les commissions des affaires européennes du Bundestag, de la Diète polonaise et du Sénat polonais

Mme Danielle Auroi, Présidente de la Commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale. Nous avons le plaisir d’accueillir nos collègues du Bundestag, de la Diète polonaise et du Sénat polonais. Ces échanges réguliers entre nos assemblées sont porteurs d’espoir et reflètent la complexité et la richesse de l’Union européenne, outil précieux de paix, de démocratie et de prospérité, dont les peuples européens se sont dotés depuis cinquante ans.

Pour autant, nous ne pouvons ignorer l’actualité. Comment répondre à la crise économique et financière ? Cela soulève la question de l’Europe à plusieurs étages, pour ne pas dire à plusieurs vitesses, avec les pays membres de la zone euro et ceux qui n’y sont pas encore. Le triangle de Weimar peut utilement aborder ce sujet car des représentants des deux groupes y sont réunis. Un peu partout en Europe, les peuples sont dans la rue ; au-delà des politiques que nous analysons – et sur lesquelles nous n’avons pas les mêmes points de vue –, il faut prendre en compte leurs souffrances.

Une distance se crée entre les institutions européennes et les populations, ce qui doit nous inciter à interroger la démocratie européenne. Peut-être faut-il aller plus loin et accélérer l’intégration européenne.

Enfin, il sera intéressant de se pencher sur les dossiers de la politique agricole commune et de la politique de cohésion, que l’Union européenne est en train de réexaminer.

M. Gunther Krichbaum, Président de la Commission des affaires de l’Union européenne du Bundestag. À l’évidence, l’Europe demeure placée devant l’un de ses plus grands défis : la maitrise de la crise économique. Cela suppose que nous soyons capables de recréer une confiance chez les citoyens et à l’extérieur de l’Europe pour que les investisseurs internationaux continuent de souscrire aux emprunts européens et qu’une baisse de la demande ne se traduise pas par une hausse des taux d’intérêt.

Nous n’avons pas affaire à une crise de l’euro mais à une crise de certains pays de la zone euro, qu’il importe de surmonter. Les États en question doivent accomplir tout ce qui est à leur portée mais, lorsque le défi outrepasse leurs capacités, un effort commun, solidaire, doit être consenti. Dès lors, notre objectif doit être de conforter la confiance envers l’Europe. Nous avons assisté à de nombreuses initiatives. Ces deux dernières années, nous avons rattrapé ce qui aurait dû être fait dans le cadre du traité de Maastricht, dont nous célébrons les vingt ans. Il n’empêche que l’immunisation de la zone euro progresse contre les attaques des marchés internationaux ; c’est pourquoi il est important de serrer les coudes.

Au-delà de la rencontre d’aujourd’hui, nous devrons envisager les efforts à entreprendre pour résoudre la crise européenne, qui ne résulte pas de « trop d’Europe » mais de « trop peu d’Europe ». Car l’Europe demeure une réussite. Voici donc le défi à relever par les parlementaires que nous sommes : comment continuer à promouvoir l’intégration européenne ?

Mme Agnieszka Pomaska, Présidente de la Commission des affaires de l’Union européenne de la Diète polonaise. Il conviendrait de définir différemment le concept d’Europe à deux vitesses : il ne s’agit pas de distinguer les États membres de la zone euro et les autres mais les pays qui traversent une crise profonde et ceux qui se portent bien. Sur ces deux plans, la Pologne se trouve dans la deuxième catégorie. Elle n’appartient pas à la zone euro – donc certains problèmes ne la concernent pas – mais elle souhaite participer aux travaux dont dépend l’avenir de l’Europe.

La menace principale est l’approfondissement de la coopération uniquement au sein de la zone euro et l’exclusion des autres pays, qui œuvrent pourtant en faveur de la solidarité au sein de l’Union européenne. Nous nous trouvons à un moment crucial. Un jour, nous arriverons à une Union européenne à une seule vitesse ; j’espère que des réunions comme celle-ci nous rapprochent de cet objectif.

M. Edmund Wittbrodt, Président de la Commission des affaires de l’Union européenne du Sénat Polonais. Nous avons besoin de davantage d’intégration car le pire serait de revenir à la situation d’il y a quelques années, lorsque la crise est survenue. Mais la plus grande menace est que cette crise provoque une énorme méfiance de la part des citoyens ; cela risque de nous mener à la désintégration plutôt qu’à l’intégration.

Comment pouvons-nous reconstruire l’espoir ? Les parlements nationaux peuvent œuvrer dans ce but. D’après le traité de Lisbonne, ils peuvent participer à la construction de cette confiance, tout comme les membres du Parlement européen.

Les pays en difficulté doivent avoir un comportement responsable, mener des politiques budgétaires responsables, ce qui n’est pas toujours le cas. Mais il faut aussi que l’Europe soit à la fois solidaire et responsable ; il est essentiel que le budget européen soit à un niveau convenable, suffisant pour soutenir la croissance et l’innovation. Mais l’Union européenne rassemble vingt-sept pays et cette cohérence n’est pas encore à l’ordre du jour.

Les mêmes obstacles se dresseront encore à l’avenir. Nous avons parfois l’impression que nos intérêts divergent mais, en y regardant de plus près, davantage de solidarité pourra nous aider à surmonter les oppositions. J’invite moi aussi à un débat le plus ouvert possible.

La Présidente Danielle Auroi. Nos propos introductifs dénotent plusieurs approches complémentaires.

Ce qui ressort au premier chef, c’est l’importance que prennent les questions économiques et financières dans la préparation des deux réunions du Conseil européen de novembre et de décembre. Au-delà de l’intégration économique et budgétaire, que représente la zone euro ? Comment l’Union européenne dans son ensemble peut-elle aborder ces questions ? Quel doit être le rôle des investissements, en particulier des investissements d’avenir ?

Nous traversons aussi une crise écologique. L’Allemagne, qui a récemment fait des choix importants dans ce domaine, peut nous éclairer en la matière.

Comment progresser vers l’Union bancaire tout en pensant à intégrer dans ce cadre les pays extérieurs à la zone euro ? Quel pouvoir conférer au superviseur européen ? Peut-on envisager un mécanisme commun de résolution des crises bancaires ?

Il nous faut aussi regarder de plus près l’application du « two packs ». Comment redonner des capacités de croissance à l’Union européenne ? Ne faut-il pas réfléchir à une politique industrielle européenne plus intégrée ? Peut-on envisager une mutualisation d’instruments de financement ? Qu’en est-il des fonds d’amortissements ? Convient-il d’instaurer un budget spécifique à la zone euro ou au contraire poursuivre prioritairement l’approfondissement de toute la zone économique européenne ?

Quelle affectation envisager pour le produit de la taxe sur les transactions financières, conçue comme un outil de solidarité européenne par de nombreux pays de l’Union ? Par quelles innovations pourrait-elle se traduire, dans les domaines social et environnemental, qui nous sont chers ?

M. Axel Schäfer, membre du Bundestag. Nous avons besoin d’un débat pour montrer que l’attitude de la zone euro est inclusive, qu’elle n’est pas un club fermé : de nouveaux États membres peuvent la rejoindre, comme la Pologne et même la Suède ou le Royaume Uni, qui l’ont exclu par référendum.

Par ailleurs, nous devons lutter pour que cette affaire prenne une dimension parlementaire. Nous autres, parlementaires, en avons fait davantage que l’opinion publique n’en a conscience ; il faut le mettre en exergue car c’est le seul moyen d’associer les citoyens à la décision.

En tant que social-démocrate, j’ai longtemps pensé que le libéralisme constituait la solution ; or la crise nous a montré le contraire. Il est positif que les libéraux et les conservateurs réalisent que nous avons besoin de plus de régulation, puisque c’est la seule solution contre un capitalisme devenu sauvage. En Allemagne, l’on commence souvent par énoncer ce dont l’on ne veut pas. Il faut renverser la perspective : nous voulons la supervision bancaire, le règlement des banques en faillite, un fonds d’amortissement.

Enfin, les propositions de M. Van Rompuy sont encourageantes. La question de la souveraineté nationale devra être abordée différemment. Dans quel cas est-elle une chimère ? Dans certains domaines, de fait, elle n’existe plus. Comment associer nos concitoyens ? Généralement, en Allemagne, ils ne sont pas consultés. La question fondamentale est l’association de la volonté citoyenne à nos décisions : nous devons nous battre en faveur de davantage de franchise et d’ouverture.

M. Andrej Hunko, membre du Bundestag. Je suis membre de Die Linke, le parti de gauche allemand. La situation sociale en Europe est sans précédent : des actions de grève et de solidarité sont observées dans six pays. Même le Thalys est en grève aujourd’hui ! D’aucuns affirment qu’il s’agit d’une crise de la dette, alors que la dette publique de la zone euro baisse tendanciellement. Ce n’est qu’après 2008, suite au plan de sauvetage bancaire de grande ampleur, que la crise s’est étendue. Je crois que nous sommes sur la mauvaise voie et qu’il est nécessaire de procéder à un changement de cap majeur.

S’agissant d’une autre question, celle du projet de parlement de la zone euro, je crains que la méthode proposée ne fasse qu’ajouter à la désintégration de l’Europe.

M. Pierre Lequiller. Nous n’avons pas connu une crise de la zone euro – le cours de notre monnaie, au cours des quatre années de crise, n’a que très peu évolué – mais une crise des États. En France, nous avons voté le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) ainsi que la règle d’or. Le problème tient à l’insuffisance d’Europe.

Concernant les coopérations renforcées, il faut faire preuve de pragmatisme. Avec les projets de brevet à effet unitaire et de taxe sur les transactions financières, nous parvenons à aller au-delà de la zone euro. Les propositions qui ont été formulées en Allemagne doivent être débattues. Je pense qu’il faut se diriger vers des avancées en matière d’harmonisation fiscale et sociale, ainsi que vers une extension du vote à la majorité au Conseil, notamment en matière économique et financière. Il faut aussi réfléchir à l’harmonisation des législations du travail.

Si un référendum est organisé pour associer les citoyens à la prise de décision, il sera impératif de bien réfléchir à ses modalités et à la question posée. Je vous incite à la prudence !

Mme Agnieszka Pomaska. Dans deux ans, la Pologne réunira les critères d’adhésion à la zone euro, elle sera prête. C’est plutôt la zone euro qui serait incapable aujourd’hui d’intégrer la Pologne ou d’autres pays. Sur les cinq dernières années, la croissance polonaise fut de 18 %. La Pologne n’a pas peur de prendre la responsabilité d’entrer dans la zone euro.

L’Union bancaire, dont nous ignorons encore la forme et le contenu exacts, aura une influence positive. L’essentiel est de poser des règles équitables pour les pays de la zone euro comme pour les pays extérieurs à la zone euro.

La crise de l’endettement a fait place à une crise sociale, qui se manifeste, en Espagne, par l’expulsion en masse de citoyens de leur logement. La crise financière arrive jusqu’à nos électeurs et les décisions seront encore plus difficiles à prendre quand les citoyens seront dans les rues.

Mme Gabriele Molitor, Vice-présidente de la Commission des affaires européennes du Bundestag. La crise entraine une nécessité d’agir sur ce qui se passe en Europe mais aussi sur notre positionnement vis-à-vis du reste du monde. Si elles sont toujours douloureuses, les crises recèlent des chances de changement. Il faut davantage d’Europe, je partage ce sentiment, mais soyons plus précis : celui qui cède de la souveraineté doit en avoir pleinement conscience. C’est ce qui a manqué dans la lutte contre la crise de la zone euro et la crise de la dette. En Allemagne, la bureaucratie, le maquis législatif et les réglementations excessives ont été incriminés. Nous avons certes besoin d’une supervision bancaire européenne mais ne pouvons-nous pas l’articuler intelligemment avec la supervision bancaire nationale ?

Il faut aussi définir comment l’Europe doit être structurée. Interroger le peuple en période de crise requiert de la vigilance. Il nous revient de prendre une voie qui permette à l’Europe de surmonter la crise. L’exemple de la Grande Bretagne nous renseigne sur ce que signifie la solidarité européenne. La crise pose également la question de la compétitivité de l’Europe dans le monde. Une politique industrielle est cruciale pour la croissance économique.

M. Razzy Hammadi. En matière monétaire, nous avons des stratégies différentes : l’absence de parité fixe entre le zloty et l’euro ne fausse-t-telle pas la concurrence à la veille de l’entrée de la Pologne dans la zone euro ? La convergence est souhaitable pour parvenir à une politique industrielle commune. Or un certain nombre de produits allemands sont assemblés pour partie en Pologne.

C’est maintenant qu’il faut sauver l’Europe et, pour cela, nous ne pouvons compter que sur le budget européen. Or le budget de tous les États fédéraux de la planète s’élève au minimum à 25 % du PIB, alors que celui de l’Union européenne est limité à 1 %. N’est-il pas temps de revoir la structure du budget européen, alors que sa partie dédiée à la compétitivité va baisser ? Au moment même où il y a urgence, nous allons donner un mauvais signal. Il faut porter des revendications communes pour sauver l’Europe et les générations à venir.

M. Marek Ziolkowski, membre du Sénat polonais. Les citoyens européens souffrent ; un référendum ne réglera pas le problème. Des renonciations intelligentes doivent être faites et le triangle de Weimar peut s’entendre pour les consentir. C’est le Royaume-Uni qui pose problème – même le Parti travailliste est moins pro-européen qu’auparavant.

La Pologne ambitionne de réunir sous deux ans les critères pour l’entrée dans l’euro. Nous n’avons en effet pas adopté la parité fixe et il est vrai que la monnaie polonaise est un peu faible par rapport à l’euro mais, du point de vue polonais, une parité peu élevée est favorable aux exportations, donc à la croissance économique.

Nous sommes partisans d’une supervision bancaire qui ne se résume pas à la mutualisation du risque. Toutes les banques ne doivent pas être placées sous la surveillance du mécanisme européen. Celui-ci doit ménager, d’une part, l’équilibre entre la zone euro et les autres pays de l’Union européenne, d’autre part entre les banques mères et les filiales.

La mise en place de la taxe sur les transactions financières pose question. Son produit doit-il constituer la base d’une ressource propre du budget européen ?

M. Christophe Caresche. La crise mêle des temporalités différentes. Il faut répondre à différents problèmes et en même temps configurer des réponses pour l’avenir. L’Europe, en quelques mois, a progressé dans sa réponse de court terme pour garantir la stabilité financière, avec l’acceptation d’une mobilisation du Mécanisme européen de stabilité (MES), notamment par l’Allemagne, pour soutenir le secteur bancaire. La Banque centrale européenne (BCE) a indiqué, pour la première fois, qu’elle jouerait le rôle de préteur en dernier ressort. Si l’Europe ne retrouve pas rapidement le chemin de la croissance, elle continuera à s’enfoncer. Dans ce contexte, la capacité à régler les problèmes de dette serait illusoire. À ce stade, il faut mettre en œuvre les décisions prises. Or, c’est frappant, l’Europe est encline à ne pas appliquer ou à revenir sur les décisions qu’elle prend.

S’agissant de la discipline budgétaire, la France a adopté le TSCG et nous avons le semestre européen ainsi qu’un dispositif domestique encadrant notre processus budgétaire national. Il faut marquer une pause pour voir si ces dispositifs permettent d’atteindre les objectifs fixés.

En ce qui concerne l’Union bancaire, la supervision de l’ensemble des banques est nécessaire car les interconnections sont telles qu’une crise systémique peut naitre de la faillite d’une seule banque. Une supervision la plus large possible est la condition pour rétablir la confiance.

Il serait opportun de généraliser la taxe sur les transactions financières. Or un État en particulier s’y oppose. Une coopération renforcée permettrait d’avancer et constituerait un premier pas pour agréger d’autres États. C’est une piste pour apporter des ressources propres au budget européen et ainsi contribuer à éviter une crise des recettes, dans un contexte où il est difficile de demander plus d’efforts aux pays contributeurs.

Enfin, la configuration de l’Europe est posée : il faut garantir son unité. La dynamique de l’Europe, c’est le mouvement ; il ne faut pas freiner les pays qui souhaitent avancer. Si l’on reste prisonnier d’approches purement nationales, l’Europe s’effondrera ou, du moins, fera du surplace. À cet égard, je comprends la position de la Pologne, qui a la volonté de rejoindre la zone euro, mais il est essentiel de stabiliser cette dernière en la dotant de nouveaux outils de gouvernance, avec un processus inclusif permettant d’assouplir la prise de décisions.

M. Andrzej Sztorc, Vice-président de la Commission des affaires de l’Union européenne du Sejm polonais. En quelques années, la Pologne est devenue très favorable à l’Union européenne. L’argent alloué à notre pays dans le cadre de la politique agricole commune a été investi de manière très efficace.

M. Bernard Deflesselles. La crise actuelle est une crise de confiance. Deux pistes existent afin de résoudre la crise : la voie institutionnelle et la voie démocratique. La première passe par l’harmonisation fiscale, la seconde par la confiance, à travers l’association des parlements nationaux à tous les stades du débat européen. Nous ne connaissons pas les parlementaires européens, élus dans de trop vastes régions. Ce débat n’est d’ailleurs pas franco-français et j’aimerais entendre l’avis de nos collègues étrangers à ce propos. La confiance ne peut être rétablie que par l’intermédiaire des députés nationaux, qui détiennent la légitimité populaire. Une conférence exclusivement budgétaire serait insuffisante ; la politique industrielle ou la politique de recherche doivent aussi faire l’objet d’une discussion entre parlementaires nationaux et parlementaires européens.

M. Hervé Gaymard. Nous souhaitons que la zone euro s’élargisse et s’approfondisse. Ce qui se passe depuis la création du MES est très important mais nous rencontrons un problème de fonctionnement démocratique. En effet, les commissaires et les parlementaires européens issus d’États membres ne participant pas à la coopération renforcée auront aussi à participer aux décisions. Il est nécessaire de trouver les articulations nécessaires. Ce débat fait écho à celui qui oppose le parlement écossais et le parlement britannique.

Il est fallacieux de prétendre que l’Europe se contente d’une politique agricole et d’une politique régionale. Les budgets consolidés des États membres et de l’Union européenne consacrés à la recherche rendent comptent d’un soutien fort. Une communautarisation des budgets est peut-être souhaitable mais les problèmes rencontrés par certaines industries sont dus à l’absence de contrôle politique, par la Commission européenne, sur la concurrence. Elle a ainsi interdit l’alliance de Pechiney et d’Alusuisse, tuant le dernier champion européen de l’aluminium. La question des politiques européennes n’est pas forcément liée aux masses budgétaires. Le politique doit reprendre le pouvoir sur les sujets de la concurrence et de la tarification de l’énergie, centraux en matière industrielle.

Je pense qu’il ne faut pas attendre que tout le monde soit d’accord avant de prendre des initiatives relatives à la taxe sur les transactions financières. En 2005, alors ministre des finances, j’ai eu à défendre, en conseil Écofin, la création de la taxe sur les billets d’avion, dont le produit alimente nos politiques d’aide au développement, notamment en Afrique. S’agissant de la taxe sur les transactions financières, des initiatives nationales peuvent paver le chemin vers une initiative européenne, en dépit des divergences internes à l’Union.

Enfin, l’Europe devrait se ressaisir des questions de développement, surtout dans la perspective du renouvellement des Objectifs du millénaire du développement et de l’Agenda de développement post-2015. Ses dernières années, l’Europe a fait pâle figure. Elle s’honorerait en articulant sa politique d’aide au développement, sa politique commerciale – dans le cadre des accords régionaux – et sa politique agricole.

M. Edmund Wittbrodt. L’Union européenne doit adopter une approche inclusive, ne pas se renfermer sur elle-même. Ne parler du budget que pour ce qui concerne la zone euro constitue une menace. Je souhaiterais que l’Europe soit mieux intégrée, que les États membres abandonnent davantage de leur souveraineté nationale. Il convient, à cet égard, de mettre l’accent sur le contrôle de subsidiarité : ce que nous pouvons mieux organiser à l’échelle européenne devrait être mis en œuvre en commun et expliqué.

Concernant le taux de change entre l’euro et le zloty, sachez que les entreprises possédant une filiale en Pologne y ont récupéré 4 % du PIB.

La confiance est vitale car elle permet d’aller plus facilement vers davantage d’intégration. Il faut s’interroger sur les éléments constitutifs de cette confiance. L’Union européenne peut prendre de bonnes décisions mais se pose ensuite la question de leur mise en œuvre. Lorsque la situation est difficile, il convient d’adopter une perspective à long terme. Et le budget de l’Union européenne, limité à 1 % du PIB, peut paraître insuffisant en temps de crise.

M. Gunther Krichbaum. Comment avons-nous répondu efficacement à la crise financière ? Des succès non négligeables ont été obtenus, grâce à des outils dont la mise en place fut difficile ; il faut communiquer à leur sujet auprès des citoyens. Les sommes engagées dépassent l’entendement. Nous avons également trouvé la voie d’une plus grande stabilité grâce au traité budgétaire. Mais la finalité reste d’établir davantage de confiance en Europe et envers l’Europe, ce qui requiert du temps pour mesurer l’effet produit par ces mesures.

L’Europe a toujours eu le courage d’aller de l’avant, depuis le « pacte Schuman » jusqu’au passage des Communautés européennes à l’Union européenne – ce qui a signifié bien plus que de remplacer un acronyme par un autre. Mais nos décisions futures produiront-elles leurs effets ? Le risque que nous courons est de perdre une partie de notre légitimité en échouant à emporter l’adhésion de nos concitoyens. Je pense que la taxe sur les transactions financière, par exemple, sera une mesure adaptée pour contrecarrer l’idée selon laquelle les principaux auteurs de la crise n’ont pas à rendre de comptes. Le projet européen ne doit pas devenir un projet des élites mais rester un projet des citoyens. Cela s’applique aussi à la supervision bancaire, que nous devons mener à bien. Et il ne faudra pas rester au niveau européen – Lehman Brothers, qui n’était pas une banque européenne, avait été notée AAA quinze jours avant de mettre la clé sous la porte.

Aucune de ces mesures ne constitue une fin en soi. Quoi qu’il en soit, nous devons intensifier les coopérations renforcées, afin que ceux qui le désirent prennent un temps d’avance. Toute la question réside dans la définition de l’Europe noyau : s’agit-il d’un noyau comparable à celui d’un fruit, excluant le reste de l’organisme, ou d’un noyau magnétique, l’alimentant et l’attirant ? La deuxième option est la solution car ces mesures ne sont pas une fin en soi et nous devons répondre aux défis de la mondialisation.

Ce n’est qu’ensemble que nous pourrons réussir l’avenir, un chiffre en témoigne très clairement : à la fin de ce siècle, nous ne représenterons plus que 4 % de la population mondiale. Par conséquent, si nous voulons préserver nos valeurs de démocratie, d’État de droit, de préservation de la paix, ainsi que les normes sociales qui cimentent notre société, nous devons nous serrer les coudes. La seule solution est plus d’Europe pour relever les défis de l’avenir.

Mme la Présidente Danielle Auroi. Nous allons aborder la deuxième partie de la discussion, en partant des propos d’Hervé Gaymard sur la nécessité de faire en sorte que la politique reprenne le pouvoir dans l’Union européenne. Quand il est question d’approfondissement démocratique de l’Union, quel doit être le rôle des parlements nationaux, en lien avec le Parlement européen ?

C’est en premier lieu aux parlementaires, représentants des citoyens, qu’il revient de répondre du déficit démocratique dont plusieurs d’entre vous ont fait le constat. Ce sujet est régulièrement abordé, Christophe Caresche y reviendra dans un instant : l’article 13 du TSCG, concernant la création d’une conférence budgétaire, qui s’appuie sur le travail effectué pendant plusieurs années par Pierre Lequiller, a amorcé un dialogue entre les parlements nationaux et le Parlement européen.

Mais je vous interrogerai, plus largement, à propos de la réforme de l’ancrage démocratique de l’Union européenne.

En Allemagne, le débat public est intense, complexe et fécond – il y a par exemple été proposé que le Président de la Commission européenne soit élu au suffrage universel. Qu’en pensent nos amis polonais ?

D’autres pistes existent. Un certain nombre de nos collègues européens défendent, parfois depuis des années, le fait que les candidatures aux élections européennes soient déposées sur des listes communautaires et non sur des listes nationales, ce qui dessinerait un autre type de structure européenne. Quelles réflexions selon vous inspire-t-il ?

Par ailleurs, les outils européens mis sur pied, avec le traité de Lisbonne, pour mieux mobiliser les citoyens européens, ne sont pas encore très opérationnel – la pétition à 1 million de signature est peu utilisée. De ce point de vue, les choses restent donc à améliorer.

La démocratisation ne passe-t-elle pas aussi par davantage d’intégration sur un certain nombre de thème ? Lorsque Jacques Delors parle d’une politique globale de l’énergie, il s’agit d’intégration économique et technique, mais aussi politique. Lorsqu’il est question de travailler plus collectivement sur la recherche ou, sujet environnemental, contre la biopiraterie pour protéger la biodiversité, l’enjeu est européen mais aussi national. Comment pouvons-nous construire ensemble plus d’Europe et mieux l’Europe ?

M. Christophe Caresche. Je vais présenter la résolution qui a été votée par la Commission des affaires européennes ainsi que par la Commission des affaires étrangères et qui sera présentée à l’Assemblée nationale à la fin du mois, avec des chances assez vraisemblables d’être adoptée puisqu’elle fait consensus. Cette résolution s’inscrit dans un travail engagé par Pierre Lequiller, lorsqu’il était président de la Commission des affaires européennes, et relayé dans le groupe de travail commun entre l’Assemblée nationale et le Bundestag créé par MM. Bernard Accoyer et Norbert Lammert. Celui-ci a finalement donné lieu à l’inscription dans le TSCG d’un article prévoyant la possibilité de créer une conférence budgétaire commune au Parlement européen et aux parlements nationaux, conformément aux traités.

En ratifiant le TSCG, la France a réaffirmé sa volonté de mettre en place cette conférence. Le premier élément de position de l’Assemblée nationale est donc de voir appliqué l’article 13. Dans un second temps, il s’agira de fixer, de manière souple et ouverte à la discussion – en particulier avec le Parlement européen –, les modalités de fonctionnement de cette conférence budgétaire, notamment sa composition. Un format existe, celui de la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires (COSAC) mais il peut y avoir d’autres possibilités, la discussion est ouverte, vous pourrez nous dire ce que vous en pensez.

Pourquoi cette initiative ? Parce que nous, parlementaires nationaux, ne sommes finalement que peu, voire pas associés au semestre européen, cette première moitié de l’année lors de laquelle se décident non seulement les orientations globales de l’Union en matière budgétaire mais aussi les recommandations pays par pays, au Conseil européen de juin ou de juillet, au terme d’une discussion entre les gouvernements et la Commission européenne. Les parlements européens, dans cet exercice, ne possèdent aucune capacité d’expression. Il est important qu’eux aussi puissent s’exprimer à propos des perspectives globales proposées - notamment du document annuel de croissance de la Commission européenne – et des autres sujets d’ordre budgétaire.

Il nous a semblé essentiel de fixer le moment où cette conférence se réunira. L’idée est que cette conférence se réunisse une première fois au printemps, par exemple début juin. Nous disposerons alors des recommandations de la Commission européenne, avant leur adoption par le Conseil européen. Une seconde réunion pourrait se tenir à l’automne, avec l’objectif d’anticiper le débat sur l’examen annuel de croissance et aussi, plus généralement, de s’exprimer sur la situation macroéconomique.

Enfin, cette conférence pourrait s’exprimer également sur les questions propres à la gouvernance de la zone euro et à la mise en œuvre des instruments européens de stabilité financière ; nous pouvons aussi débattre de cette possibilité. L’idée serait de doter cette conférence d’une capacité à réunir les représentants des États membres de la zone euro. J’ai bien entendu tout à l’heure les réactions très négatives vis-à-vis de l’idée d’un Parlement de la zone euro, énoncée dans le rapport Van Rompuy. La conférence interparlementaire pourrait constituer une solution.

M. Axel Schäfer. Il est intéressant de partir d’une proposition concrète.

Vingt-cinq ans ont été nécessaires pour que le Parlement européen soit élu au suffrage universel – auparavant, des élus nationaux étaient délégués à Bruxelles. Ce fut là une grande étape franchie. L’important est que la forme de coopération entre parlements nationaux et Parlement européen aboutisse à des réalisations concrètes, par exemple en matière de taxe sur les transactions financières, d’espace Schengen ou de gestion du problème des réfugiés. Pour ce faire, être en « contact électronique » ne suffit pas, nous avons besoin de conférences. Mais je me demande si nous avons vraiment besoin de structures spécifiques communes avec le Parlement européen, car cela a toujours deux conséquences : cela entraîne une certaine confusion dans l’opinion publique ; l’administration et la bureaucratie l’emportent toujours car ce sont elles et non pas nous, parlementaires, qui disposent de la vue d’ensemble.

Il n’en demeure pas moins qu’un renforcement démocratique s’impose. J’invite instamment tous mes collègues, quel que soit leur mouvement politique, partout où ils le peuvent, à se mêler des campagnes électorales nationales. J’ai eu la chance de participer à une campagne électorale à Montmartre ; ce fut une expérience très vivante, irremplaçable, à laquelle aucun grand discours ne saurait se substituer. « Au commencement est l’acte », disait Goethe. Il y a tant de possibilité d’agir. Nous effectuons des voyages d’étude aux États-Unis qui ne servent à rien ; mieux vaut se focaliser sur l’Europe.

Sur l’initiative des sociaux-démocrates et des libéraux, le Bundestag a adopté, à l’unanimité, la disposition suivante : le futur commissaire européen, une fois désigné par le Gouvernement, avant d’être mis sur la sellette à Bruxelles, est auditionné par notre commission parlementaire pour exposer sa philosophie. Günther Oettinger, qui n’appartient pas à mon mouvement politique, a été remarquable durant son audition de trois heures. Nous ne décidons donc pas qui sera commissaire mais nous pouvons nous faire une idée de la personnalité désignée, ce qui n’est pas sans impact sur nos relations avec lui. Si tous les parlements nationaux agissaient de même, cela aurait un double effet : notre accès aux commissaires serait meilleur et les citoyens les considéreraient non pas comme des bureaucrates enterrés à Bruxelles mais comme des hommes politiques avec lesquels s’effectuent des échanges.

Je m’adresse maintenant au Parti populaire européen (PPE) et à la Pologne. En 2014, ce sera l’épreuve du feu de la démocratie européenne. Un progrès dans l’élection européenne se produira-t-il enfin ? Chacun, dans son parti, se prononcera-t-il pour que l’élection européenne et la démocratie parlementaire prennent de l’importance ? En Pologne, en Allemagne, en France, le chef de file de la majorité prend le pouvoir. En Europe aussi, nous avons besoin d’une tête de liste commune. Les sociaux-démocrates l’ont décidé et j’espère que nous pourrons le mettre en œuvre – ce sera peut-être Martin Schulz. Si nous y parvenons, quel que soit le vainqueur, nous aurons un débat européen sans précédent, avec des familles politiques et une majorité au sein de laquelle sera désigné le Président de la Commission européenne. Ce sera la fin des simagrées des chefs d’État et de Gouvernement, qui essaient de tout verrouiller avant l’élection. Ce sera le résultat d’un scrutin où les citoyens. Ce sera une transformation culturelle. Le scrutin européen en deviendra différent et plus personne ne dira que les députés européens n’ont pas leur mot à dire.

Les changements que vous proposez créeront des petites jalousies : les députés nationaux affirmeront que les députés européens ont trop de pouvoir, les députés européens rétorqueront que les députés nationaux empiètent sur leur travail avec la Commission européenne. Une division du travail doit être définie, les compétences et attributions nationales et européennes ne sont pas figées mais en mouvement. Au bout du compte, puisqu’il s’agit de démocratie parlementaire, nous devons faire preuve de courage. Je serais heureux que ce soit le cas, au sein d’une conférence future interparlementaire.

M. André Schneider. Nous sommes tous d’accord sur le fait qu’il faut davantage d’Europe, de pédagogie et d’humain. Pour mettre de l’harmonie, nous avons besoin d’instruments. Or ce « triangle » est un tout petit instrument susceptible de donner le la dans un grand orchestre. Je vous invite donc tous à être très sonores, en harmonie, pour le bien de l’Europe. Celle-ci s’essouffle parfois un petit peu et les débats sont très techniques, mais les représentants des peuples que nous sommes attendent que nous leur redonnions de la confiance, de l’espoir, du souffle. Pour cela, il faut commencer à la base, avec notre jeunesse, en lui faisant comprendre et en lui répétant, avec des illustrations concrètes, que l’Europe est un espace extraordinaire pour son épanouissement. Il faut dire aussi que nous avons besoin d’harmoniser les techniques et que celles-ci doivent avant tout être au service de l’humain.

Les interventions de nos collègues allemands laissent à penser que nous formons plutôt un carré, dans la mesure où les parlements nationaux dont nous sommes membres doivent rester très proches du Parlement européen. Permettez au député de la circonscription où se situe le siège du Parlement européen, de vous dire que les portes de Strasbourg sont grandes ouvertes. Le Parlement européen a beaucoup été évoqué jusqu’à présent, mais je n’ai entendu parler que de la ville de Bruxelles, qui ne fait pourtant pas partie de notre triangle. Je vous invite à une grande solidarité, à un peu d’humilité et a davantage de respect pour cette ville historique qui a vu naître l’Europe. J’ai grandi dans cette marmite européenne : impossible d’être alsacien sans être européen ; c’est là-bas que l’idée de l’Union européenne est née, dans la tête de certains que l’on prenait pour des rêveurs. Je rêve avec vous, je vous invite à rêver avec moi pour que nous fassions davantage d’Europe, davantage d’Europe humaine et que nous respections aussi les traités que nos pères ont mis en place. Je serais très heureux, madame la Présidente, qu’un jour nous nous retrouvions à Strasbourg.

M. Edmund Wittbrodt. Le débat sur le renforcement de la légitimité démocratique de l’Union européenne et le rôle des parlements nationaux à l’égard de l’Europe, que nous menons depuis un certain temps, a un caractère fondamental. Le Parlement européen, nous l’avons toujours souligné, doit évidemment rester une institution fondamentale et il ne saurait être question de l’opposer aux parlements nationaux. Bien au contraire, il importe de trouver une formule qui permettra aux uns et aux autres de coopérer efficacement.

Comment faire connaître les parlementaires européens ? En Pologne, nous pratiquons un système de listes régionales car nous voulons que nos députés européens soient élus au plus près des électeurs, pour nouer des liens très forts. La popularité des députés européens est très variable : certains sont très connus pour leur portefeuille de compétences, d’autres sont peu connus ou plus réputés pour leur action au niveau national.

Commençons par réfléchir sur les résultats du traité de Lisbonne. Des initiatives civiques ont-elles été mises en œuvre et ont-elles abouti depuis lors ? Bien que les parlements nationaux aient, en principe, un rôle clé pour faire valoir le principe de subsidiarité, cela n’a pas été couronné de succès, à l’exception d’un cas. Le système en vigueur est-il efficace ?

Les parlements ont leur rôle à jouer dans le débat budgétaire, d’autant que les États ont à supporter certaines charges liées au budget européen. C’est sur ce point que la coopération entre Parlement européen et parlements nationaux aurait un rôle très important à jouer. Nous invitons très souvent les commissaires européens pour des débats au Sénat du Parlement polonais, en séance plénière. Il me semble néanmoins difficile de procéder de la sorte pour que tous les candidats aux fonctions de commissaires européens viennent présenter leur programme car nous sommes vingt-sept États ; nous devons imaginer une autre formule.

Le Parlement européen doit être responsable des décisions européennes, les parlements nationaux doivent coopérer et, en vertu de l’article 13 du pacte budgétaire, il est possible de renforcer la coopération entre les parlementaires nationaux et européens. Cette idée d’organiser un débat sur les recommandations prises dans le cadre du semestre européen me parait très bonne. Quant à la constitution d’une formation à part, au sein du Parlement européen, pour s’occuper uniquement du budget de la zone euro, nous y sommes opposés, tout simplement parce que nous sommes opposés à tout ce qui tend à diviser l’Europe à nouveau. Les modes de décision peuvent être différents mais les débats concernant l’Union en tant que telle ne doivent pas être limités à la zone euro.

Des possibilités existent donc pour renforcer la coopération entre le Parlement européen et les parlements nationaux. Il reste maintenant à trouver des formules qui nous permettrons de légiférer au mieux, en évitant de nouvelles divisions.

Monsieur Pierre Lequiller. Lorsque nous avons négocié l’article 13 du TSCG, nous sommes restés volontairement vagues sur la composition de la conférence car nous voulions surtout qu’une initiative soit prise, que le principe figure dans le pacte. Il convient maintenant d’en venir à cette composition, et le triangle de Weimar en sera peut-être à la source.

L’Allemagne était plutôt favorable à une représentation d’au moins quatre personnes par pays, afin que les quatre grandes tendances politiques du Bundestag puissent siéger. Pour notre part, nous étions favorables à une formule plus légère, avec un élu par pays. Il va falloir entrer dans le vif du sujet, faute de quoi, en mars, nous n’aurons pas avancé.

Le groupe avait aussi proposé, par exemple, que soit élu Président de la Commission européenne le responsable désigné de la liste ayant obtenu le plus de voix aux élections européennes. La dernière fois, cette logique a été inversée : le PPE, arrivé en tête, a désigné M. Barroso. Il serait préférable de connaître les candidats à l’avance, afin que la campagne électorale se déroule autour d’eux. Le PPE a pris position à ce sujet, tout comme le Parti socialiste européen (PSE) : nous sommes d’accord pour que la prochaine campagne se déroule ainsi, avec un candidat qui, à l’issu de l’élection, sera élu par le Parlement européen.

Je suis très attaché à ce que nous menions un débat de fond conduisant à des idées audacieuses et bouleversant un peu la donne. Mme Merkel propose que le Président de la Commission européenne soit élu au suffrage universel. Personnellement, je ne juge pas cette proposition réaliste, à ce stade. En revanche, comme je l’avais fait lors de la Convention sur l’avenir de l’Europe, je propose la fusion des fonctions de Président du Conseil européen et de Président de la Commission européenne. Après débat, le Président Giscard d’Estaing avait accepté d’amender le texte et le traité de Lisbonne autorise cette fusion, qui pourrait par conséquent être appliquée dès 2014. Ce serait un symbole positif car les gens ne comprennent rien au système actuel.

Enfin, l’audition du commissaire allemand par le Bundestag pourrait tout à fait être reprise en France, où les assemblées entendent déjà un certain nombre de personnalités nommées par le Gouvernement. Je souhaiterais en effet que le Parlement français organise un débat suivi d’un vote sur la nomination du commissaire européen ; ce serait symboliquement et démocratiquement fort.

M. Gunther Krichbaum. Le sujet de l’approfondissement démocratique de l’Union européenne couvre deux questions : comment « parlementariser » la politique européenne ? comment européaniser les parlements nationaux ? S’agissant de la seconde question, force est de constater que des paramètres divers jouent, au sein de l’Union européenne comme au sein de la zone euro. Les parlements nationaux fonctionnement différemment et ont des dimensions européennes différentes. Il faut commencer par scruter l’aspect organisationnel. La Commission des affaires de l’Union européenne du Bundestag s’est beaucoup transformée ces dernières années : elle est désormais transversale, la plupart de ses membres appartenant également à une autre Commission, et l’on y discute des thèmes les plus variés. Nous disposons d’un bureau des liaisons à Bruxelles, ce qui n’est pas le cas de tous les parlements nationaux. Notre secrétariat et notre service de recherche scientifique nous font bénéficier d’une expertise de haut niveau et nous avons nos propres collaborateurs, quand un député bulgare, par exemple, n’a pas de collaborateur et encore moins de secrétariat.

L’important est d’opérer une mise en réseau plus étroite à l’avenir. Il ne s’agit pas de faire concurrence au Parlement européen mais de faire comprendre que les Parlements nationaux et leurs Commissions chargées des affaires européennes doivent développer des règles de participation pour une européanisation plus poussée. Certes, la COSAC existe, mais elle fonctionne en-deçà de son potentiel. Si des délégations des parlements nationaux se contentent de prendre connaissance de documents déjà rédigés, sans le moindre dialogue, nous perdons notre temps. Décidons de ce que nous voulons. Le traité de Lisbonne confère en effet aux parlementaires nationaux des possibilités considérables. Il est peut-être prématuré de conclure que certains instruments ont fait leurs preuves et d’autres non.

S’agissant du contrôle de subsidiarité, nous devons renforcer notre réseau. Une assemblée parlementaire nationale aura beau vouloir exercer ses prérogatives en la matière, si les autres ne partagent pas ses réserves ou ne connaissent pas le sujet, le quorum nécessaire ne sera pas atteint. Voilà pourquoi le contrôle de subsidiarité n’a pas vraiment été couronné de succès : nous ne faisons pas ce qu’il faut.

Nous avons également le loisir de formuler des avis, de prendre des décisions politiquement contraignantes pour les gouvernements lors de leurs réunions à Bruxelles. Mais il est hors de question de confier des mandats impératifs aux gouvernements car nous savons que les décisions résultent de compromis et que les représentants des gouvernements ne peuvent pas demander l’avis de leurs parlements nationaux lors de chaque négociation. Nous ne voulons pas affaiblir les gouvernements mais le droit à formuler un avis est un droit puissant et, sans la participation du Parlement, il n’y a plus de grandes actions politiques européennes. Je reprends aussi l’idée consistant à auditionner le commissaire de son pays – car il ne s’agit pas que chaque commissaire soit auditionné par tous les parlements nationaux. C’est un signal positif.

Le droit d’initiative législative pour le Parlement européen – à l’instar de celui dont disposent les parlements nationaux – me parait une bonne proposition pour le revaloriser. Pourquoi en rester au monopole de proposition de la Commission européenne ? Nul n’est capable de l’expliquer ! Quant à l’élection au suffrage universel du Président de la Commission européenne, elle permettrait aussi d’européaniser davantage. Mais sa légitimité serait alors d’une nature différente, un Président ainsi élu aurait d’autres possibilités politiques, son rôle changerait substantiellement. Même si des réserves peuvent être émises, des arguments militent en faveur de cette mesure. L’Europe souffre d’un manque de personnalité, les hommes et les femmes d’Europe doivent pouvoir identifier l’Union européenne à des personnes. Si nous réussissons à personnaliser davantage l’Europe, ce sera une bonne démarche pour chasser l’Europe anonyme et institutionnelle telle qu’elle est perçue par les citoyens. Nous aurions affaire à une Europe incarnée. Cette proposition présente un attrait et mérite d’être approfondie.

En résumé, les parlements nationaux doivent nous mettre beaucoup plus en réseau, en liaison les uns avec les autres.

Mme la Présidente Danielle Auroi. Venons-en maintenant aux perspectives financières, à la politique agricole commune et aux politiques régionales.

M. Andrzej Sztorc. La Pologne suit la politique agricole commune (PAC) avec attention et les réformes envisagées suscitent notre inquiétude car le fait de diminuer le budget des nouvelles technologies est une expérience que la Pologne a déjà connue, alors que les crédits investis dans ce domaine ont permis d’accroître les exportations et ont entraîné de grands progrès. Nous avons à plusieurs reprises demandé davantage d’Europe et d’Union. Il est au contraire prévu, dans le futur cadre financier, de réduire drastiquement le budget de la PAC, ce qui aura des conséquences lourdes et difficilement acceptables en Pologne.

Pour rappel, au début de l’intégration de la Pologne dans l’Union européenne, la grande inquiétude portait sur l’avenir de l’agriculture polonaise. L’investissement européen dans notre pays est un succès et la société polonaise a radicalement changé d’opinion sur l’Union européenne : le grand scepticisme du départ a laissé place à un grand optimisme. Nous cherchons à moderniser notre agriculture, à exporter au sein de l’Union européenne mais aussi à l’international, à l’est de la Pologne mais aussi en Asie, en particulier en Inde.

Le triangle de Weimar constitue un bon forum pour définir notre objectif commun – la France a la même opinion que nous et l’Allemagne a une opinion proche. À propos de l’élection du Président de la Commission européenne, par exemple, un consensus entre nous aurait des conséquences importantes à l’heure du choix. Je lance un appel pour que nous trouvions aussi une position commune concernant le futur cadre financier – nos objectifs concernant la PAC ne sont pas si différents. Il reste beaucoup à faire pour une politique agricole ambitieuse, notamment en matière de production écologique. Or la Pologne dispose de réserves de terres écologiquement pures, sur lesquelles pourrait être développée une production écologique à haut niveau de qualité. Nous attendons l’appui de nos partenaires à ce sujet.

L’opinion du triangle est importante. La Pologne n’a aucun doute quant à son intégration dans la zone euro mais attend une confirmation de la crédibilité européenne. L’Union européenne pâtit de quelques faiblesses liées à sa bureaucratie, ce qui cause beaucoup d’incompréhension au sein de la société polonaise, désireuse de simplification dans les décisions et les contrôles. Ces sujets doivent être abordés pour éliminer les doutes de nos concitoyens, notamment parmi la jeunesse polonaise, favorable à la construction de l’Union européenne mais en attente d’axes de développement clairs.

M. Philip Cordery. La question du contrôle démocratique est essentielle pour la relance européenne. Pour avancer avec les citoyens, il faut qu’ils aient confiance en leur capacité à contrôler les politiques européennes. C’est d’autant plus important que l’Europe avance à vingt-sept, qu’il s’agisse du pacte budgétaire, de l’euro ou des coopérations renforcées – dont celle relative à la taxe sur les transactions financières. Dans certains pays, un contrôle parlementaire est exercé, mais pas dans d’autres. Il faut donc être imaginatif et trouver des solutions. Il ne s’agit pas d’entrer en concurrence avec le Parlement européen mais de définir son rôle. Notre fonction n’est pas de le contrôler mais de contrôler les exécutifs nationaux et par conséquent les politiques intergouvernementales, il importe de bien différencier les deux.

Quand il est question d’audition d’un commissaire, nous parlons bien de celui proposé par notre exécutif : ce serait une bonne idée que l’Assemblée nationale auditionne le candidat de la France au poste de commissaire européen.

Le problème des cercles concentriques se pose : même si le Parlement européen est informé des politiques menées dans ce cadre, il n’exerce pas vraiment de contrôle démocratique sur elles. Il convient donc de s’interroger sur la possibilité de généraliser le principe de la conférence interparlementaire acté dans le traité budgétaire, en prévoyant des structures similaires pour d’autres politiques, afin qu’aucun secteur n’échappe à la démocratisation.

Enfin, je suis d’accord pour une personnalisation de l’Europe, mais des problèmes se poseront si elle n’est pas accompagnée d’une démocratisation.

M. Thomas Nord, membre du Bundestag. Le débat n’est pas mené sur un terrain abstrait mais de façon concrète. Que pouvons-nous faire pour que la politique européenne soit mieux acceptée par les citoyens européens ? La politique européenne est rarement très bien acceptée par les États membres – en Allemagne, le taux de participation aux élections européennes est l’un des plus faibles, beaucoup de gens ne s’y intéressent pas. La légitimité de la politique européenne a souffert de la crise de l’euro. Dans beaucoup d’États membres, l’on constate une recrudescence des extrémismes, de droite notamment. Les décisions en passe d’être prises concourront-elles à améliorer l’acceptation de la politique européenne ou au contraire à la détériorer ?

Nous disposons de différents instruments : le traité de Lisbonne, les accords bilatéraux intergouvernementaux, la future taxe sur les transactions financières dans onze pays, une zone euro à dix-sept, un traité budgétaire à vingt-cinq, une Union Européenne à vingt-sept. Toutefois, ces accords et leur application ne reposent pas sur la légitimité parlementaire. Avec la COSAC, l’article 13 du pacte budgétaire, les discussions sur le budget, un éventuel parlement de la zone euro, la multiplicité des lieux de débat se traduit par une bureaucratie croissante. Les parlementaires eux-mêmes ont du mal à suivre le mouvement, ce qui a pour conséquence de diminuer la légitimité de la démocratie européenne aux yeux de la population, car plus personne ne s’y retrouve. Tous ces traités doivent être légitimés par les parlements, qui détiennent une compétence centrale en matière budgétaire.

Les approches proposées aujourd’hui doivent encore être discutées, l’Europe a besoin de confier davantage d’attributions et de capacités aux parlements nationaux. Nous devons aussi rapprocher les procédures démocratiques entre nos parlements. C’est une revendication radicale mais essentielle pour plus de transparence et de lisibilité. Nous avons besoin de solutions plus efficaces au niveau du Parlement européen. Il n’est pas acceptable de créer constamment de nouvelles instances interparlementaires qui ne font que compliquer les choses. Le débat doit avoir pour objectif de renforcer le Parlement européen ; les institutions existantes doivent se développer, il faut accroître leurs compétences et harmoniser les politiques dans les États membres de l’Union. Ce serait une voie pour rendre la politique européenne plus transparente.

Pour élargir la discussion au-delà des élus nationaux, nous pourrions nous réunir avec les eurodéputés de nos trois pays, afin de dégager une position parlementaire partagée, ce qui constituerait déjà un pas en avant.

M. Lech Kolakowski, membre de la Diète polonaise. Le niveau de financement proposé par la Commission européenne pour la PAC et le mécanisme d’égalisation des paiements directs déçoivent nos agriculteurs compte tenu des antécédents : les paiements liés à la production ont été transformés en paiement liés à la surface. Les négociations de Copenhague nous ont permis de faire bénéficier les agriculteurs polonais d’un certain niveau d’aide mais, eu égard au retard de développement, il est indispensable de maintenir un seul niveau d’aide. Chez nous, un agriculteur bénéficie de 180 euros par hectare, contre 340 euros, voire plus, pour les exploitants des deux autres pays du triangle de Weimar. Nous devons adopter des décisions communes pour avoir une approche partagée de l’agriculture.

M. Marek Lapinski, membre du Sejm polonais. Les perspectives pluriannuelles fixent un budget d’environ 1 000 milliard d’euros et le conflit qui devrait être solutionné le 23 novembre, au sommet du Conseil, à Bruxelles, porte sur un dixième de ce montant, soit 100 milliards. Ne nous déchirons donc pas pour si peu car la solidarité européenne est l’instrument le meilleur, le plus efficace face à la crise.

M. Bernard Deflesselles. Le déficit démocratique vient de la crise de confiance, elle-même due au fait que les politiques de droite comme de gauche, depuis une vingtaine d’année, ont échoué. Nous ne valorisons pas les réalisations de l’Europe : lorsque des financements européens sont obtenus, nous nous attribuons le bénéfice des réalisations. Dans ces conditions, comment demander aux administrés d’aller voter aux élections européennes ? Et quand cela va mal, l’« Europe technocratique » est toujours désignée comme responsable des mauvaises décisions.

La solution pourrait passer par les parlements nationaux, mais ne les mettons pas en compétition avec le Parlement européen. Le nombre de parlementaires des différents parlements nationaux, en arrondissant à 500 par pays, s’élève à 13 000. Il y a donc 13 000 vecteurs capables de parler d’Europe et de réduire ce déficit démocratique.

Les propositions de nos collègues sont intéressantes mais elles ne suffiront pas car elles sont de nature institutionnelle. Une conférence budgétaire ne réduira pas le problème du déficit démocratique européen, nos concitoyens ne comprennent pas ces solutions. Il faut aborder le problème à travers les projets et non les institutions. Les projets doivent être concrets : que faire pour la recherche au niveau européen ? et pour l’énergie ? est-il envisageable de laisser les parlements nationaux en dehors de ce champ d’investigation ? que met-on en œuvre pour les politiques institutionnelles ? Le problème du déficit démocratique unanimement constaté ne sera réglé qu’avec des projets concrets et ambitieux. Le visage de l’Europe doit être celui des parlements et des parlementaires nationaux car qui peut en parler, sinon nous ?

La séance est levée à 12 heures 40

Membres présents ou excusés

Commission des affaires européennes

Réunion du mercredi 14 novembre 2012 à 9 h 15

Présents. – Mme Danielle Auroi, M. Jean-Luc Bleunven, M. Emeric Bréhier, M. Christophe Caresche, M. Philip Cordery, M. Yves Daniel, M. Bernard Deflesselles, Mme Sandrine Doucet, M. William Dumas, M. Hervé Gaymard, Mme Chantal Guittet, M. Razzy Hammadi, M. Michel Herbillon, M. Jérôme Lambert, M. Pierre Lequiller, M. Michel Liebgott, M. Lionnel Luca, M. Philippe Armand Martin, M. Joaquim Pueyo, M. Jean-Louis Roumegas, M. André Schneider, Mme Paola Zanetti