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Commission des affaires européennes

mercredi 6 février 2013

8 heures 30

Compte rendu n° 33

Présidence de Mme Danielle Auroi Présidente

Audition de M. Jean-Louis Falconi, Ambassadeur, Représentant de la France auprès du Comité politique et de sécurité (COPS) de l'Union européenne

Audition de M. Jean-Louis Falconi, Ambassadeur, Représentant de la France auprès du Comité politique et de sécurité (COPS) de l'Union européenne

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mercredi 6 février 2013 à 8 h 30

Présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente de la Commission,

La séance est ouverte à 8 h 30

Audition de M. Jean-Louis Falconi, Ambassadeur, Représentant de la France auprès du Comité politique et de sécurité (COPS) de l'Union européenne

La Présidente Danielle Auroi. Nous recevons aujourd’hui M. Jean-Louis Falconi, ambassadeur, représentant de la France auprès du Comité politique et de sécurité de l’Union européenne. Nous sommes très heureux de vous accueillir, monsieur l’ambassadeur, pour parler de sujets auxquels le contexte du Mali donne une particulière actualité. Notre commission ayant vocation à s’intéresser à toutes les questions européennes, non seulement elle ne risque pas l’ennui, mais elle se préoccupe de l’Europe de la défense. À ce titre, notre commission a nommé deux rapporteurs sur la politique européenne de la défense, dont M. Yves Fromion ici présent que vous avez déjà eu l’occasion de rencontrer à Bruxelles.

Depuis l’intervention française au Mali, la politique européenne de la défense est de nouveau l’objet de questionnements : est-elle un échec ? A-t-elle une existence même ou est-elle encore à construire ? Sur ce point, le travail de nos rapporteurs Joaquim Pueyo et Yves Fromion nous a permis d’avoir déjà une première approche.

Vous rappellerez certainement mieux que moi ce qu’est le COPS, dont nous savons qu’il réunit toutes les semaines des représentants des vingt-sept États de l’Union pour suivre la situation internationale, définir les réponses de l’Union européenne en cas de crise et émettre des avis à l’intention du Conseil. Si, en ce moment, nous sommes préoccupés par le Mali, nous savons bien que d’autres points du monde, comme la Syrie, présentent des situations complexes. Le COPS y est-il attentif ?

La réflexion sur une politique européenne de la défense devrait faire l’objet d’une appropriation par l’ensemble des États de l’Union européenne, même si on peut interroger certains d’entre eux un peu différemment. C’est le cas de la Grande-Bretagne qui, là comme ailleurs, se distingue par certaines particularités.

À la lumière des concertations que vous avez pu avoir avec vos homologues européens, quelles sont les raisons de l’attentisme des États membres vis-à-vis d’un soutien plus affirmé de l’action de la France au Mali ? Aviez-vous noté déjà des réserves de leur part dans le cadre de la préparation de la mission de formation EUTM-Mali, dont les dimensions étaient pourtant plus modestes ? Dans quelles conditions se présente désormais cette mission ? D’autres missions étaient engagées dans le domaine du développement : sont-elles interrompues, sont-elles poursuivies ? Y a-t-il échanges d’informations entre développement et défense ?

Enfin, un rapport de Catherine Lalumière sur l’Europe de la défense a constitué un moment intéressant de l’histoire du Parlement européen. Une partie de ce rapport était consacrée à la prévention des conflits. Vous connaissez la sensibilité des écologistes dans ce domaine. Cette prévention des conflits est-elle encore prise en compte ou, au contraire, n’est-elle plus d’actualité ? Le cas échéant, y a-t-il moyen de la renforcer ?

M. Jean-Louis Falconi, ambassadeur, représentant de la France auprès du Comité politique et de sécurité de l’Union européenne. Je suis très heureux d’être invité par la commission des affaires européennes, car c’est, pour moi, un signal. La politique de sécurité et de défense commune constitue, au sein de l’Union européenne, un monde à part du monde communautaire, un monde qui est venu s’y greffer ultérieurement. Issue du traité de Maastricht, elle est devenue opérationnelle à travers le traité de Nice et la création du COPS, instance de contrôle politique et de direction stratégique d’opérations civiles ou militaires. D’un point de vue culturel, ce monde des questions de défense et de stratégie n’est pas nécessairement celui des Européens. Le Service européen pour l’action extérieure, créé par le traité de Lisbonne, s’efforce, depuis sa mise en place, de faire vivre et travailler ensemble les deux mondes, sur un mode plutôt imparfait. Le SEAE a pour but de mettre en commun des moyens de développement et de gestion de crise légers avec des moyens plus lourds de gestion de crise, mais c’est une culture qui n’est pas encore développée.

J’ai déroulé toute ma carrière au quai d’Orsay sur les questions européennes, d’abord communautaires, puis stratégiques, je vous parle donc d’expérience. Autant, lorsque je m’occupais de questions de pêche, sous la présidence française de 2000, j’avais le sentiment que les gens autour de la table voulaient arriver, en adoptant des règlements et des textes, à une logique européenne et une forme d’intégration ; autant, je ne suis pas certain que, autour de la table du COPS, tous les participants soient culturellement à même, face à une crise, de dépasser le niveau de la simple analyse pour mettre en œuvre des instruments pouvant aller jusqu’au déploiement d’opérations militaires. Les pays qui ont cette culture sont ceux qui ont traditionnellement une vision de politique étrangère : la France, le Royaume-Uni, l’Italie, l’Allemagne et quelques autres États membres. Parmi les vingt-sept membres du COPS, certains viennent évoquer la situation, d’autres cherchent seulement des informations, d’autres encore viennent dire leur façon de voir et d’autres enfin proposent d’agir. Le dernier cercle, celui où l’on a le sentiment d’être là pour utiliser des instruments d’action, comme on le fait dans des domaines dits communautaires, est plutôt restreint. Malgré tout, cette culture est en train de s’installer grâce au traité, même si celui-ci est incomplètement mis en œuvre, notamment certains dispositifs institutionnels, telle la clause de solidarité ou la coopération structurelle permanente. Au quotidien, on dispose donc d’instruments dont on peut se demander si les gens autour de la table ont envie de les utiliser et des outils prévus dans le traité qui ne sont pas encore mis en œuvre.

En partant de la situation malienne, je vous dirai ce que je comprends de la perception de cette affaire et comment je l’ai vécue, moi, occupant ces fonctions depuis déjà trois ans et ayant vécu la progression de la prise en compte par l’Union européenne des problématiques sahéliennes. Je vous dirai ensuite quels sont les grands enjeux pour les mois à venir.

S’agissant du Mali, si votre question est de savoir si l’opération Serval, déclenchée par la France en une demi-journée, consultation du Parlement comprise, aurait pu être lancée par l’Union européenne avec participation et déploiement sur le terrain des États membres, la réponse est non. Faut-il en déduire que c’est un échec complet, la fin de l’Europe de la défense ? Non, non plus.

Pour déclencher une mission comme Serval dans un cadre européen, l’Union européenne rencontrerait plusieurs difficultés. D’abord, il y a une question de disponibilité des forces et la volonté de les engager. Le premier problème, dans l’Union européenne, c’est que les Européens ont de moins en moins de capacité de défense. Mon collègue de l’OTAN pourrait vous le dire aussi, les moyens européens y sont très faibles, mais cela se voit moins compte tenu de la présence d’autres partenaires assez importants. Avec la crise économique, des États membres qui pourraient avoir une culture de défense, comme la Grèce et l’Espagne, qui ont été de grands promoteurs de la PSDC, n’ont plus rien à mettre au pot, même dans des opérations légères comme EUTM. L’Espagne arrive quand même à mettre quarante formateurs.

Par ailleurs, l’Union européenne est un tel promoteur de paix entre nous que certains des vingt-sept États membres sont des pacifistes tous azimuts qui ne se demandent pas si la préservation de la paix chez nous pourrait nécessiter d’intervenir au-dehors pour nous protéger et éviter le développement du terrorisme. La paix étant devenu un élément culturel, beaucoup d’États membres n’ont tout simplement pas de moyens de défense nationaux et ne comprennent pas la nécessité de transposer au niveau européen une notion de souveraineté qu’ils n’ont même pas au niveau national. Et puis, il y a une question de choix, qu’ils soient dictés par la crise économique ou par des décisions politiques. Au total, les États qui auraient pu lancer l’opération Serval, comme l’a fait la France, avec l’appui logistique d’un certain nombre de pays européens, ne se comptent pas, aujourd’hui, sur les doigts d’une main dans l’Union à vingt-sept.

Ensuite, il y a une question de volonté de déclencher l’action, de se projeter à l’extérieur. Pour que la décision d’intervenir soit prise, il faut arriver à une analyse partagée que la cause est bonne. Vis-à-vis de la Libye, la réaction de l’Union européenne a été bien pire que pour le Mali, l’Union ayant décliné toute compétence dans cette crise qui s’est déclarée plus vite. Alors que la France, par la voix d’Alain Jupé, lors du conseil des affaires étrangères du 11 mars 2011, avait plaidé pour que l’Union européenne joue un rôle dans la résolution de la crise libyenne, vingt-six États membres ont dit non.

Si l’analyse politique d’une pertinence de l’action arrive à être partagée, encore faut-il trouver des partenaires capables d’intervenir. Or celui qui, culturellement, est le plus proche d’une certaine vision de politique étrangère, à savoir le Royaume-Uni, est aussi celui qui réfute, la plupart du temps, la pertinence d’un cadre européen pour les questions de sécurité. C’est ainsi qu’a pu exister ce paradoxe que la France et le Royaume-Uni sont intervenus en Libye alors que, au sein du COPS, mon « ennemi » qui s’opposait à toute action pour des raisons institutionnelles était le Royaume-Uni, pas l’Allemagne qui a laissé faire l’OTAN et aurait laissé faire l’Union européenne si la France et le Royaume-Uni avaient été d’accord. Celle-ci, pour des raisons historiques, a des difficultés considérables à agir et se réfugie volontiers derrière le Bundestag. Quant à savoir si l’Union européenne aurait eu la capacité de le faire elle-même, je ne pense pas que le problème soit d’ordre structurel. Honnêtement, cela serait possible.

Le Mali est-il un échec ? Je vais vous dire ma façon de voir les choses en rejoignant votre question sur la prévention des conflits et la notion d’approche globale. En étant abrupt, je trouve que, en matière de prévention des conflits, l’Union européenne est trop dans la posture quand il faudrait agir. S’il y a une vraie logique de prévention des conflits dans tout ce qui est fait, c’est toujours avec un petit retard à l’allumage que la réponse est apportée. L’Union européenne n’est pas plus à blâmer que quiconque : même quand un gouvernement national a toutes les raisons de considérer qu’il y a un risque et qu’il faut prévenir un conflit, les décisions politiques d’agir, qui peuvent être coûteuses, se prennent en général au pied du mur. Pour l’Union européenne, c’est la même chose multipliée par vingt-sept. Ce qui est à blâmer, c’est le réflexe naturel et politique, devant des moyens limités, d’hésiter à faire des choses.

Pour le Mali, durant trois ans, la France a essayé de persuader ses partenaires de l’existence d’un risque de trafic, d’importation d’une forme de terrorisme et de violence sur nos territoires. Progressivement, difficilement, nous sommes parvenus à vaincre les résistances. Une stratégie Sahel pour l’Union européenne, qui comportait différents volets, a été adoptée en février 2011, dans une situation où la paix prévalait encore, malgré quelques foyers de criminalité et de terrorisme. Dans le cadre de cette stratégie, un volet sécurité consistait à doter les pays de la région – Niger, Mauritanie, Mali – de capacités d’agir eux-mêmes. C’était le sens de la mission civile Eucap Sahel Niger de déployer dans les trois pays des formateurs gendarmes et policiers en vue de former les forces de sécurité de ces pays à mieux contrôler leur territoire et leurs frontières. Bien que cette mission comportât des militaires, elle a été qualifiée de civile pour ne pas faire peur, l’intensité de la crise n’étant pas telle, à l’époque, que l’envoi de militaires eut paru justifié. Or, au moment où cette mission était mise en place, le coup d’État est survenu au Mali. De ce fait, l’impossibilité de la déployer au Mali a agi comme motivation de prévention, et le déploiement en a été accéléré au Niger, non sans quelques difficultés.

Une étape supplémentaire a été franchie lorsqu’on s’est demandé quoi faire pour le Mali. Toujours dans un consensus à vingt-sept, la décision a été prise, dès lors qu’un gouvernement transitoire serait rétabli, de former sérieusement une armée malienne digne de ce nom, tant au niveau des combattants que de la structuration, pour la mettre au service du pouvoir politique, d’abord transitoire puis élu. C’est le sens de la mission EUTM-Mali. L’expérience de conflits antérieurs nous ayant enseigné que la capacité d’appropriation et de stabilité ultérieure est d’autant plus forte que les pays intéressés sont impliqués, la mission était construite sur une logique de reconquête de leur territoire par les Maliens, avec aussi l’assistance de la CEDEAO, que l’Union européenne a également aidée en finançant les per diem des armées à hauteur d’environ 50 millions d’euros. On n’a pu enclencher l’opération EUTM qu’en donnant la garantie à tout le monde qu’il s’agissait de former des Maliens, pas d’intervenir avec des Maliens au Nord. À ce moment, la situation laissait un peu de temps pour cette intervention.

C’est alors, dernière étape, que les islamistes ont déferlé vers le Sud. Du point de vue politique, la France a été critiquée pour avoir agi seule. Cela dit, ses moyens, ses capacités d’analyse politique et sa volonté font peut-être d’elle le seul État membre parmi les vingt-sept à pouvoir décider le matin d’enclencher une opération militaire l’après-midi. Nous avions bien dit à nos partenaires que c’était d’abord aux Africains d’agir, mais ils s’en sont révélés impuissants. À un moment, il faut faire un choix politique : soit les laisser faire et devoir tout reprendre de zéro, comme en Somalie, ou intervenir quand nous sommes moins exposés et que la situation nous est la moins défavorable. Le Président de la République a déclenché l’opération Serval, ce qui était une décision politiquement extrêmement lourde et difficile, car c’était une option que la France ne voulait pas mettre en avant. Mais il était tout à fait impossible de perdre trois mois à demander à nos partenaires ce qu’ils pensaient d’une intervention au Nord.

Il est assez positif que, après trois ans de développement d’une culture commune autour des aspects sahéliens, certains États européens aient apporté un soutien logistique à la France quand celle-ci a décidé d’intervenir face à la menace islamiste au Sud. La réponse des pays européens aurait pu être de tout arrêter. Au contraire, parce que le dossier était en place et la stratégie arrêtée, parce que les autres n’avaient pas envie de s’y mettre eux-mêmes tout en ayant conscience d’un problème, l’Union européenne a décidé d’accélérer toutes les actions possibles en appui. Mme Ashton a été extrêmement accommodante en convoquant une réunion des ministres des affaires étrangères, en accélérant le déploiement des financements en lien avec le commissaire Piebalgs pour la CEDEAO, en accélérant le montage de la mission EUTM avec un lancement maintenant envisagé pour le 12 février et un déploiement à la mi-mars. Cela a entraîné une contribution des États à cette mission, qui s’est rapidement mise en place, malgré quelques difficultés à trouver la protection de la force. Les Allemands ont proposé le rôle 2, c’est-à-dire tout l’aspect médical sur le terrain.

De mon point de vue, l’opération malienne ne peut pas être considérée comme un échec de l’Union européenne parce qu’il y a eu une importante préparation du terrain et que les Européens ont réagi en se servant sans hésiter des instruments dont ils pouvaient disposer. Pour la Libye, au contraire, l’Union européenne avait préféré se voiler la face, ce qui a été un vrai échec pour elle autant qu’un succès de l’OTAN. Nous sommes encore en train d’essayer de décider de mettre en place une mission d’aide aux Libyens pour surveiller leurs frontières, d’ailleurs accélérée dans le contexte sahélien.

Ces événements ont mis en évidence trois enjeux majeurs : la définition de l’approche globale, la révision du Service européen pour l’action extérieure et le Conseil européen de décembre 2013.

L’approche globale, tout en intégrant la logique de prévention des conflits, est un moyen d’expliquer que l’Union européenne a la compétence extraordinaire de mobiliser tous les moyens pour agir. Je n’ai pas évoqué le dossier de la Corne de l’Afrique, et pourtant l’Union européenne contribue largement au succès des opérations qui y sont développées. Avec plusieurs missions de PSDC qui s’articulent entre elles, nous sommes persuadés que l’aide à la formation de l’armée somalienne apportée par l’Union européenne et l’aide à la MISOM qui combat sur le terrain sont des éléments qui contribuent à la récupération de la situation par les autorités somaliennes. Au sein de l’Union européenne, deux visions de l’approche globale cohabitent. L’une a déjà été présentée par huit pays pilotés par le Danemark ; l’autre sera bientôt présentée par nous-mêmes, en lien avec les Espagnols et les Belges. Notre vision institue la PSDC comme élément majeur de l’approche globale, considérant que si le pays est failli, rien ne pourra y être entrepris. Le risque, dans le contexte de l’Union européenne tel que je vous l’ai décrit, c’est que les pays relativement faibles autour de la table privilégient plutôt l’aide humanitaire, l’aide au développement ou des appuis financiers divers, quitte à laisser le volet PSDC à d’autres – une autre organisation internationale, les Américains, quelques États membres de l’Union européenne ? Pour nous, c’est vraiment la politique de l’autruche, et l’enjeu de l’approche globale sera donc la définition qu’en donnera l’Union européenne.

Pour nous, cette définition ne doit pas être un moyen de s’exonérer d’agir sur le terrain. La communication que vont faire la Commission et le Service européen pour l’action extérieure sur ce sujet constituera une échéance importante, parce que Mme Ashton, dont le mandat se terminera en 2014, veut marquer son passage par la mise en place du SEAE et par la conceptualisation d’une forme d’approche globale dans l’Union européenne, c’est-à-dire cette espèce de pont dont je parlais au début, permettant de réconcilier l’ensemble des moyens.

Deuxième enjeu, la révision du SEAE est en cours. Là encore, il y a une difficulté. Pour certains, l’Union européenne ne faisant plus que des opérations militaires de faible ampleur, de type EUTM, il est inutile de conserver un état-major et mieux vaut se concentrer sur le civil. Pour d’autres, les structures de gestion de crise ne sont pas suffisamment en interaction avec les directions politiques géographiques, et il faudrait les éclater. La France se bat contre cette idée, qui rendrait désormais impossible toute opération de type Tchad ou RDC. En outre, perdre la compétence que représentent ces structures, dont certaines sont organisées comme des OHQ, au motif qu’on met un peu de sécurité partout pour faire plaisir, c’est l’assurance de se priver à jamais d’instruments.

Le troisième enjeu, le plus important, est le Conseil européen de décembre 2013, au cours duquel les chefs des États membres auront à répondre à des questions fondamentales en matière de sécurité et de promotion de celle-ci par rapport à d’autres priorités. La France a toujours soutenu ces questions au sein de l’Union européenne, mais elle ne peut pas le faire toute seule, d’autant que nous ne savons pas encore ce que sera le Livre blanc. En tout cas, l’opération malienne lui donne une voix encore plus forte pour défendre son point de vue, puisque, hier, au cours d’une réunion ministérielle à laquelle participait Pascal Canfin, cinquante pays ont remercié la France. Hier aussi, le Président de la République s’est exprimé sur cette question existentielle que doivent se poser les chefs d’État : « Ne laissez aucun doute sur la détermination de l’Europe à porter ces valeurs. Mais nous devons en tirer, là encore, les conséquences, avoir la lucidité indispensable pour élaborer une stratégie, pour conduire une véritable politique extérieure commune, pour avoir une défense européenne. La France y est prête – autrement dit, nous pouvons enclencher le mouvement en mettant au pot, mais on ne le fera pas tout seuls. Il est temps, là encore, d’en finir avec la dispersion des initiatives, de rassembler nos forces et nos moyens, de rapprocher nos industries, d’harmoniser aussi nos positions dans les instances internationales où l’Europe doit parler d’une voix, d’agir pour résoudre les conflits qui heurtent les consciences humaines. »

On voit bien ce que nous sommes prêts à faire et dans quel sens nous allons pousser nos partenaires en vue de l’échéance de décembre 2013. Reste à savoir si cela prendra la forme d’une contribution française explicite, d’un travail d’influence ou d’initiatives communes avec des partenaires. Il faut vraiment que les Européens décident si la sécurité est un sujet assez important pour figurer parmi les politiques dont ils parlent, et, dans l’affirmative, s’ils sont prêts à faire les investissements nécessaires pour se doter des capacités, s’ils sont prêts aussi, en cas d’incapacité individuelle, à faire des choses en commun, significatives en termes de souveraineté, s’ils sont prêts, encore, à promouvoir leurs propres industries. Le Conseil européen de décembre 2012 avait donné mandat à la Commission européenne, à l’Agence européenne de défense, au Service européen pour l’action extérieure pour travailler sur tous ces sujets en sortant d’une logique stricte de politique étrangère et en les abordant sous l’angle industriel notamment. En décembre 2013, les Européens auront rendez-vous pour montrer s’ils sont capables, dans le cadre de l’Union européenne, de prendre ensemble des décisions courageuses. C’est le problème qu’ils ont aujourd’hui, et que je vois, moi, sous le micro-aspect des questions de défense.

M. Yves Fromion, rapporteur. Monsieur l’ambassadeur, votre exposé était particulièrement clair et parfois décapant.

Le Mali ne doit pas figurer sur la liste des échecs de l’Union européenne, avez-vous dit. Permettez-moi d’être un peu plus nuancé, car l’opération a été déclenchée dans les conditions que l’on sait pour aller secourir 6 000 ressortissants français vivant à Bamako. Or la France n’est pas la seule à avoir des ressortissants coopérants dans le monde entier, d’autres pays européens y ont des représentants. Si l’Union européenne n’est pas capable, dans un laps de temps très court, de déclencher une opération pour porter secours et assistance à ses propres ressortissants, alors que cela figure dans nos traités, il y a de quoi s’inquiéter. La France n’avait même pas reçu mandat de l’Union européenne pour aller à Bamako, c’est de sa propre initiative qu’elle est allée secourir ses ressortissants, ce que tout gouvernement de gauche comme de droite se doit de faire. Ce n’était d’ailleurs pas le cas en Libye, où nous sommes allés au secours de gens qui se battaient contre une dictature. L’affaire malienne a donc révélé une carence très forte de l’Union européenne, qui s’est montrée incapable de réagir assez rapidement. Toutefois, n’accablons pas trop cette dernière, car l’OTAN n’aurait pas été plus rapide compte tenu de ses mécanismes décisionnels. C’est malheureusement une lourdeur qui semble affecter toutes les organisations internationales.

La paralysie de l’Europe de la défense tient au traité de Lisbonne lui-même qui interdit l’utilisation d’argent européen pour des actions de défense. Néanmoins, une de ses dispositions relative aux activités préparatoires pourrait laisser une capacité de réagir. Une opération portée par l’Union européenne ou ayant reçu son aval suppose d’avoir des moyens. Se référer à ces activités préparatoires permettrait de mobiliser des financements européens en aval, par exemple pour disposer d’avions de transport, de drones ou d’autres moyens militaires ou civils, comme des antennes médicales. Pensez-vous qu’une utilisation intelligente des dispositions du traité de Lisbonne permettrait d’avancer dans ce domaine des capacités ?

L’Eurocorps est aujourd’hui une structure qui ne sert pas à grand-chose. Six États y sont déjà impliqués, et la Pologne frappe à la porte pour y entrer. Ces États s’engagent à apporter des moyens qui ressemblent assez à de la coopération structurelle permanente, puisqu’il y a des groupements tactiques, de la logistique, un état-major. Plutôt que de laisser tout ce petit monde se battre les flancs, ne pourrait-on pas envisager de faire de l’Eurocorps le point de départ de la coopération structurelle permanente ?

La multiplicité des structures donne une image assez pathétique de ce qui se passe au niveau européen : il y a le COPS, qu’on ne remet pas en cause, la représentation permanente et militaire, le comité militaire de l’Union européenne, le groupe politico-militaire, le comité chargé de la gestion des crises, la direction de la planification et de la gestion des crises, la capacité civile de planification et de conduite, la cellule de veille et d’analyse, le département de réponse aux crises… Tous ces organismes existent et des experts les font fonctionner. Si l’on y ajoute l’état-major, le centre d’opérations et d’autres, on finit par penser que l’Union européenne croit répondre aux crises en inventant des structures qui ne servent pas forcément à grand-chose, comme si une armée mexicaine avait été déployée sur l’Europe. Et en plus, ces experts sont très compétents !

Nous sommes allés visiter le Centre satellitaire de l’Union européenne, implanté à Torrejón en Espagne. C’est un superbe centre qui me fait penser à la direction du renseignement militaire de la base de Creil, avec des analystes. Or l’Europe n’ayant pas de satellite, le mot « satellitaire » ne veut rien dire. En fait, ce centre achète des photos et fait de l’information comme le ferait une agence. La situation est quelque peu ubuesque : à quoi peut bien servir cette superbe structure ? Redonnez-moi le moral, monsieur l’ambassadeur !

M. William Dumas. Si l’on ne peut que se féliciter de l’opération Serval menée au Mali, je suis, pour ma part, particulièrement inquiet en ce qui concerne la formation de l’armée malienne qu’il va falloir rapidement mettre en œuvre pour suppléer nos troupes sur le terrain. De l’état de déliquescence de cette armée à la sélection entre militaires originaires du Sud ou du Nord, en passant par le rôle à réserver au capitaine Sanogo, les difficultés ne manqueront pas. Quelle participation peut-on attendre des membres de l’Union européenne, tant en nombre de formateurs qu’en financements ?

La Présidente Danielle Auroi. À propos de la Corne de l’Afrique que vous avez évoquée, des leçons ont-elles été tirées de la question somalienne ?

M. Arnaud Richard. Sur un tout autre sujet, vous avez récemment évoqué un groupe de travail transversal sur la cyberdéfense. Comment percevez-vous ce groupe au sein de l’Union européenne ? Quel est le niveau de coopération entre OTAN et UE en la matière ? Quel est, selon vous, l’agenda de la stratégie européenne relative à la cyberdéfense ?

M. Jean-Louis Falconi, ambassadeur, représentant de la France auprès du Comité politique et de sécurité de l’Union européenne. Dire que l’on va sauver des ressortissants de notre pays donne, il est vrai, beaucoup plus de sens à l’opération Serval que mon approche théorique. En Libye, les Européens et la communauté internationale avaient eu le temps d’évacuer leurs ressortissants avant que les opérations commencent, et le peu de coordination européenne qui avait alors joué était passée inaperçue. La protection des ressortissants est un sujet que la France essaie de promouvoir en préconisant plus d’anticipation de l’Union européenne sur les questions consulaires. Que cet aspect ait servi de justification à l’opération, en tout cas, elle a pu être un élément déclencheur, comme la prise d’otages de la raffinerie en Algérie l’a été dans la réponse européenne au Mali. Sans aller jusqu’à dire qu’il faut des drames pour réveiller les Européens, force est de constater que ce sont des arguments plus incitatifs que les concepts. Si la protection des ressortissants nécessite qu’on mutualise, la vérité c’est que les autres n’ont pas beaucoup de moyens. Connaissant le sérieux de la France, qui était la plus concernée dans cette affaire, ils l’ont laissée faire et adopté une logique de passager clandestin en apportant des aides logistiques. D’une certaine manière, c’était, y compris de la part des Britanniques, une marque de confiance, mêlée toutefois d’un principe de réalité consistant à profiter du travail fait par d’autres.

Il est dommage d’avoir à constater que les crises aident à avancer sur la voie de la mutualisation. Quant à savoir si les choses se passeraient de la même façon dans des zones où nous serions moins concernés que d’autres qui n’auraient pas de moyens, c’est peut-être ce qui pourrait nous amener à considérer la nécessité d’avoir plus de moyens collectifs. Or qui dit moyens collectifs, dit financements, ce qui renvoie au débat sur la volonté de contribuer à des capacités communes dans l’Union européenne. C’est toute la question, que vous connaissez mieux que moi, des perspectives financières, des égoïsmes nationaux par rapport aux réalisations communes. Malgré tout, les choses progressent. Les missions militaires posent peu de problèmes puisque chaque État apporte ses moyens et sa motivation. Pour les missions civiles, c’est plus compliqué. Les fonds viennent du budget de la PESC. Un premier progrès a été accompli sous la forme d’un warehouse, sorte de dépôt que l’on dote par des acquisitions collectives de moyens – blindés, ordinateurs ou autres – qui peuvent servir à lancer certaines missions et être utilisés ici ou là.

M. Yves Fromion, rapporteur. Ce serait l’amorce du financement dans les activités préparatoires ?

M. Jean-Louis Falconi, ambassadeur, représentant de la France auprès du Comité politique et de sécurité de l’Union européenne. Oui. Le déclenchement du fonds de lancement est un des sujets qu’on peut mettre sur la table du Conseil européen de décembre 2013 et sur lequel même on peut essayer de prendre des décisions, ce qui pourrait faciliter l’avancement de la question stratégique. La France promouvra tout sujet lié au fonds de lancement, qui est susceptible d’améliorer le préfinancement.

M. Yves Fromion, rapporteur. Le fonds de lancement, ce sont des dotations nationales qui sont mises pour pouvoir lancer une opération ; les activités préparatoires, c’est autre chose.

M. Jean-Louis Falconi, ambassadeur, représentant de la France auprès du Comité politique et de sécurité de l’Union européenne. Les activités préparatoires peuvent déjà bénéficier du warehouse. Une réflexion va être engagée sur les conditions de financement du lancement des opérations civiles. Aujourd’hui, une opération civile de PSDC est financée sur le budget de la PESC. Comme il s’agit d’un budget communautaire, cette opération est soumise aux mêmes règles de marchés publics que l’achat de papier par la Commission. Résultat : le déploiement sur le terrain prend six mois, dont quatre mois perdus à trouver des locaux et à acheter des ordinateurs pour commencer à lancer la mission. La Commission se couvre vis-à-vis du contrôle de la Cour des comptes mais cela pose un vrai problème de timing à toutes les missions civiles. Je m’engage peut-être, mais je pense que la France proposera au Conseil européen de réviser le règlement financier de l’Union européenne pour faciliter ce genre de déploiement. Facilitation de financement et capacités communes peuvent donc être deux réponses.

Il y a un vrai besoin de coopération structurelle permanente. Malheureusement, c’est aujourd’hui un sujet miné parce qu’assimilé aux questions dites institutionnelles. De ce fait, il se heurte au feu rouge britannique, et tout le monde, y compris les Français, hésite à le mettre sur la table. Vos rapports sont utiles pour déminer ce terrain. Bien que la France se montre très prudente, je pense qu’il serait justifié d’enclencher, dans le cadre du Conseil de décembre 2013, une vraie coopération structurelle permanente sur les questions capacitaires. L’idée serait de réunir des pays – pas nécessairement de l’Eurocorps d’ailleurs – ayant des investissements de défense et de trouver un système pour les récompenser. Ainsi, il y aurait une vraie pertinence de la coopération structurelle permanente. La logique voudrait que les Britanniques en fassent partie puisqu’ils sont intéressés par les capacités. Or, au regard du débat général qu’ils ont soulevé, ils pourraient difficilement se déclarer partants pour un cercle de coopération privilégiée dans le cadre de l’Union européenne. Sur ce sujet, on en est à ne plus pouvoir utiliser certains mots, alors qu’il faudrait vraiment le déminer d’ici à la fin de l’année. Tout ce que vous pourrez faire en ce sens sera utile.

Effectivement, le SatCen ne produit pas d’image à partir de satellites européens, il en achète. Néanmoins, avec un budget relativement faible, il joue son rôle et a une réelle capacité d’analyse. Il est notamment très sollicité pour les opérations de PSDC dans la Corne de l’Afrique. Ainsi, c’est sur la base d’informations fournies par le SatCen que, dans le cadre de la mission Atalanta, une offensive à terre contre un dépôt de pirates a pu être menée avec succès. Ce n’est peut-être pas grand-chose…

M. Yves Fromion, rapporteur. Au contraire, c’est remarquable. On ne l’utilise pas assez.

M. Jean-Louis Falconi, ambassadeur, représentant de la France auprès du Comité politique et de sécurité de l’Union européenne. Le SatCen est également très sollicité par Mme Ashton pour se faire une idée de ce qui se passe en Syrie. Cela a d’ailleurs posé un problème budgétaire à cette agence, au point que le SEAE, qui a lui-même peu de moyens, a décidé de lui consacrer une ligne de financement. C’est donc bien qu’il répond à un besoin.

La multiplication des structures de gestion de crise est, j’imagine, tout aussi impressionnante à l’OTAN, et il y a, effectivement, certainement moyen d’introduire un peu de rationalisation. À mon avis, deux structures sont très importantes, la première étant la CMPD – direction de la planification et de la gestion de crises – qui résulte des conclusions du Conseil européen de décembre 2008. C’est la vraie cellule de planification stratégique pour toute opération de PSDC qui, avec de très faibles moyens, arrive à faire des choses extraordinaires. La deuxième structure est la CPCC – capacité civile de planification et de conduite – qui pilote les opérations civiles, mais qui, selon tous les chefs de mission, n’a pas l’organisation requise pour tenir ce rôle d’OHQ. Il y a donc là un travail à faire. Malgré toutes les structures existantes, il en manque pourtant une qui serait l’équivalent militaire de la CPCC. Mais cela renvoie au débat principal et, sur ce sujet aussi, la France pense mais ne parle plus trop alors que nos partenaires allemands et polonais du triangle de Weimar n’hésitent pas à le remettre sur la table régulièrement.

Le capitaine Sanogo est arrivé par opportunisme, en naviguant au gré des circonstances dans un univers sans référence et corrompu. À mesure que le gouvernement transitoire acquiert de la crédibilité, notamment grâce à l’intervention française, il y a moins de place pour des lieutenants qui font rêver des militaires un peu perdus. En restant prudent, on peut penser que, politiquement, il est déjà marginalisé et que peu de monde veut s’appuyer sur lui. Le Président Traoré aurait essayé de le canaliser et de le mettre de côté et, dans leur communication, la cinquantaine de pays UA et CEDEAO réunis hier ont appelé à la dissolution des structures parallèles. Autrement dit, il y a consensus sur l’idée que Sanogo n’est qu’un lieutenant parmi d’autres et qu’il a perdu sa capacité d’entraînement.

S’agissant d’EUTM, le général Lecointre, chef de la mission, a une vision au sujet de laquelle je vous invite à l’auditionner. Il pense restructurer l’armée en deux étapes : d’abord, en assurant une formation et une structuration de commandement aux forces de l’armée les plus efficaces qui combattent au Nord ; ensuite, en recrutant des jeunes qui seraient formés dans ce cadre. Très attentif aux problématiques des droits de l’homme, ses engagements sur des terrains très difficiles ont convaincu le général que, au sein d’une armée, ce qui distingue un criminel d’un guerrier, c’est le rapport au chef.

M. William Dumas. Il faudrait qu’il recrute autant au Sud qu’au Nord.

M. Jean-Louis Falconi, ambassadeur, représentant de la France auprès du Comité politique et de sécurité de l’Union européenne. Il est conscient de l’enjeu et sa vision est de reconstruire une armée autour d’un idéal d’armée et de chef crédibles.

Sur la question de la participation, il y a eu deux conférences de génération de forces, dont la dernière a eu lieu hier. Globalement, 491 postes sont à pourvoir : à peu près 250 en formation et 200 en protection de la force. Dix-neuf États membres participent au volet formation avec, pour l’Espagne, l’Italie et l’Allemagne, de gros bataillons de quarante hommes. Les participations à la protection de la force ont été plus délicates à trouver. À l’issue de la conférence de génération de forces d’hier, la France assurerait les quatre cinquièmes de la protection de la force, le dernier cinquième dépendant de décisions politiques en cours dans les pays pressentis, et l’Allemagne fournirait l’hôpital de campagne, ce qui est une grosse contribution. Manquent encore les évacuations sanitaires et le deuxième élément d’un des quatre cinquièmes de la protection de la force qui concerne la protection du quartier général à Bamako, le premier étant la protection du camp de formation de Koulikoro assurée par la France. Dix-neuf États membres qui participent, c’est plutôt rassurant. Si l’on arrive à envoyer des Estoniens à Bamako ou à Koulikoro, c’est tout de même qu’une certaine logique de mutualisation s’est installée et que le travail de conviction a produit ses effets.

EUTM-Mali est le résultat d’une des leçons tirées de notre action dans la Corne de l’Afrique. Considérant que l’AMISOM ne durerait pas éternellement et que les Somaliens devaient pouvoir se défendre eux-mêmes, la France, toute seule, a commencé, à l’été 2009, à former des soldats somaliens à Djibouti. Au moment où j’arrivais au COPS, on tentait de transposer l’opération dans un modèle européen qu’on a eu un mal fou à faire prévaloir. Les pays avaient émis un nombre de caveat impressionnant, craignant notamment de voir les militaires formés passer chez les rebelles. Un ensemble de conditions a été posé, en particulier le financement des soldes des militaires devait être assuré. Les États-Unis et l’Italie notamment s’en sont chargés, ce qui a constitué un élément du succès de la mission. Après que toute une force de conviction ait été déployée et maints garde-fous mis en place, EUTM-Somalie, dont l’objet était de former des militaires somaliens en Ouganda, a été lancée très prudemment, avec essentiellement des moyens français et sous le commandement d’un Espagnol. Aujourd’hui, nous avons vingt personnes dans cette mission qui est passée sous la direction d’un Irlandais. Tous les États membres ont volé au secours de cette mission, dont ils ont plaisir à reconnaître qu’elle a un vrai sens puisque la plupart des militaires formés ont rejoint les forces de sécurité somaliennes. Maintenant que la situation est meilleure en Somalie, il est envisagé d’y faire basculer une partie de la mission, mais pas la formation, en l’insérant dans l’armée somalienne et ses structures de commandement. Le succès d’EUTM-Somalie nous a servi d’appui pour promouvoir EUTM-Mali.

La cyberdéfense est un domaine où l’on peut difficilement demander à l’Union européenne de faire plus que ce que les États membres eux-mêmes ont commencé à faire. Au sein des Vingt-sept, la prise de conscience est à la fois inégale et tardive. Le Royaume-Uni s’est emparé du sujet le premier, la France s’y est bien mise aussi. J’avais reçu à Bruxelles Jean-Marie Bockel qui venait voir s’il était possible d’intégrer un volet européen dans le travail qu’il avait entrepris. Malheureusement, c’est un sujet sur lequel l’Union européenne pâtit de son approche globale. La cyberdéfense est évoquée dans les conseils qui traitent de télécommunications, de défense, de justice-affaires intérieures. Avec le représentant permanent Philippe Etienne, nous avons voulu organiser une réunion avec les six personnes de l’ARP qui s’occupent de cela. Or, le jour de la réunion, nous n’avons pas pu les avoir toutes, car elles étaient retenues à droite et à gauche. Si cela se passe ainsi à l’ARP française, je vous laisse imaginer ce que cela donne au niveau des directions générales et des conseils. Nous avons tout de même réussi à constituer un groupe horizontal cyberdéfense à Bruxelles, dont les membres, compte tenu de la multiplicité des compétences, ne pourront que faire office de pivots dans une discussion à vingt-sept sur la cyberdéfense au sens global. Tout cela suppose des coordinations internes, qui supposent elles-mêmes des coordinations interministérielles internes et des engagements des États membres, ce qui est le cas du Royaume-Uni et de la France, mais pas nécessairement de tous.

La Présidente Danielle Auroi. Merci, monsieur l’ambassadeur, de nous avoir consacré du temps. Peut-être nous permettrons-nous de vous réinviter, en tout état de cause, après le Conseil de décembre 2013, sur lequel vous aurez sans doute beaucoup de choses à nous dire, positives, nous l’espérons.

La séance est levée à 9 h 50

Membres présents ou excusés

Commission des affaires européennes

Réunion du mercredi 6 février 2013 à 8 h 30

Présents. – Mme Danielle Auroi, M. Jean-Luc Bleunven, M. Jean-Jacques Bridey, M. Christophe Caresche, M. Yves Daniel, M. William Dumas, M. Yves Fromion, M. Jérôme Lambert, M. Charles de La Verpillière, M. Christophe Léonard, M. Arnaud Richard, M. Rudy Salles

Excusés. - M. Ibrahim Aboubacar, M. Alain Bocquet, M. Emeric Bréhier, M. Jacques Cresta, Mme Seybah Dagoma, M. Bernard Deflesselles, Mme Sandrine Doucet, M. Hervé Gaymard, Mme Estelle Grelier, Mme Chantal Guittet, M. Marc Laffineur, Mme Axelle Lemaire, M. Jean Leonetti, M. Pierre Lequiller, Mme Audrey Linkenheld, M. Lionnel Luca, M. Philippe Armand Martin, M. Jean-Claude Mignon, Mme Sophie Rohfritsch, M. Gilles Savary, M. André Schneider, Mme Paola Zanetti