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Commission des affaires européennes

mercredi 3 avril 2013

16 h 30

Compte rendu n° 53

Présidence de
Mme Danielle Auroi Présidente
Et de
M. Jean-Paul Chanteguet,
Président de la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

I. Audition, conjointe avec la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, de M. Janez Potočnik, commissaire européen en charge de l'environnement 2

II. Communication de M. Gilles Savary sur le quatrième « paquet ferroviaire » et examen d’une proposition de résolution européenne 21

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mercredi 3 avril 2013 à 16 h 30

Présidence de Mme Danielle Auroi,
Présidente de la Commission des affaires européennes
et de M. Jean-Paul Chanteguet,
Président de la Commission du développement durable
et de l’aménagement du territoire

La séance est ouverte à 16 h 30

I. Audition, conjointe avec la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, de M. Janez Potočnik, commissaire européen en charge de l'environnement 

La présidente Danielle Auroi. La Commission des affaires européennes est très heureuse de vous auditionner pour la première fois, conjointement avec la Commission du développement durable, présidée par Jean-Paul Chanteguet, sur le thème de l’environnement.

Depuis le début de la XIVe législature, notre commission a entrepris une série de travaux sur des thèmes relevant soit de votre portefeuille, soit d’autres commissaires mais ayant des incidences sur les grands enjeux environnementaux. Les organismes génétiquement modifiés, la ratification et la mise en œuvre du protocole de Nagoya relatif à la biodiversité et à la lutte contre la biopiraterie, les négociations internationales sur le changement climatique, la réflexion sur l’effet des produits phytosanitaires sur la mortalité des abeilles, la mise en œuvre de la convention de Hong-Kong relative au recyclage des navires et la réforme de la politique commune de la pêche ont déjà fait l’objet de communications ou de rapports d’information, assortis de conclusions ou de propositions de résolution européenne.

Nous nous saisirons en outre de la délicate question des farines animales, qui seront prochainement réintroduites dans l’alimentation des poissons. Il serait en effet souhaitable que nous évitions de reproduire l’erreur commise lors de la crise de Creutzfeldt-Jacob, sur laquelle j’avais remis un rapport lorsque j’étais députée européenne. La récente affaire des lasagnes à la viande de cheval illustre d’ailleurs une nouvelle fois à quel point la protection du consommateur revêt une dimension environnementale.

Deux missions en cours feront aussi l’objet de rapports d’information d’ici à la fin de cette session parlementaire. La première concerne la réforme de la politique agricole commune (PAC) et son verdissement, thème sur lequel nous avons rédigé un rapport d’information commun à notre commission et à la Commission des affaires économiques, et qui donnera lieu à une proposition de résolution. La seconde porte sur le septième Programme d’action pour l’environnement (PAE), qui déterminera les grands axes de l’action environnementale de l’Union européenne pour 2014-2020 ; Arnaud Leroy, rapporteur chargé du suivi de ce programme, vous interrogera sans doute plus particulièrement sur ce point.

Le résultat des négociations sur le cadre financier pluriannuel ne sera pas non plus sans conséquences sur les politiques environnementales européennes, notamment sur la proposition de règlement LIFE.

À un an et demi du terme du mandat de la Commission Barroso II, d’autres sujets font l’objet de projets législatifs déjà déposés ou à l’étude. Où en est la négociation sur les propositions de directive relatives aux substances prioritaires pour la politique dans le domaine de l’eau et à l’évaluation de l’impact des projets publics et privés sur l’environnement ?

Alors que 2013 a été décrétée « année européenne de l’air », nous attendons la présentation d’une proposition de directive sur les plafonds d’émissions. Une étude commandée par l’Agence européenne de l’environnement a évalué à 455 000 le nombre de décès prématurés causés en Europe par les particules fines volatiles. Où en est la consultation ouverte par la Commission européenne sur le sujet ?

Enfin, dans le domaine de la santé environnementale, le Parlement européen a adopté en séance plénière, le 14 mars 2013, un rapport réclamant la mise en place rapide de mesures pour protéger les enfants et les femmes enceintes contre les perturbateurs endocriniens contenus dans des produits cosmétiques dont une liste a été établie par le magazine 60 Millions de consommateurs. Serait-il opportun d’élaborer une législation ad hoc d’ici à octobre 2014 ?

Le président Jean-Paul Chanteguet. Les membres de la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, qui auditionnent pour la première fois un commissaire européen, sont heureux d’accueillir M. Janez Potočnik. Nous pourrions également auditionner par la suite Mme Connie Hedegaard, commissaire chargée de l’action pour le climat, et M. Günther Oettinger, commissaire chargé de l’énergie.

Notre commission examinera prochainement un projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine du développement durable.

En outre, j’interviendrai au cours du débat sur Natura 2000, la politique des déchets et la politique de l’eau.

M. Janez Potočnik, commissaire européen chargé de l’environnement. J’aborderai tout d’abord nos actions – plus particulièrement celles pour lesquelles nous requérons votre soutien – puis les défis auxquels nous sommes confrontés et les solutions permettant d’y répondre.

Les parlements nationaux, qui jouent un rôle essentiel dans la définition des politiques européennes, doivent s’assurer que notre politique environnementale est guidée par une vision réaliste, tant l’enjeu environnemental imprègne l’ensemble des sujets dont nous avons à traiter. Les politiques environnementales et la croissance économique doivent aller de pair, la croissance verte étant à long terme le seul moyen de surmonter la crise sur le continent. Je me félicite donc des engagements pris par la France en ce sens, en particulier des résultats obtenus lors de la conférence environnementale de septembre dernier. J’attends également les résultats des travaux du Comité sur la fiscalité environnementale.

Lors de mon arrivée à la Commission européenne, en 2010, je me suis fixé trois priorités : l’utilisation efficace des ressources naturelles, la protection de la biodiversité ainsi que l’application et le respect de la législation environnementale existante. Trois ans plus tard, je reste convaincu de leur bien-fondé et estime que nous avons progressé dans ces trois domaines.

En 2011, nous avons publié la « Feuille de route vers une économie à faible intensité de carbone à l’horizon 2050 », c’est-à-dire efficace dans l’utilisation des ressources, en vue de rendre l’économie européenne aussi compétitive que durable. Nous avons également défini la stratégie de l’Union européenne en faveur de la biodiversité. La France dispose d’un patrimoine naturel particulièrement riche, qu’il convient de promouvoir et de protéger – ce qui lui procurera aussi des avantages économiques. Nous avons par ailleurs formulé des propositions visant à améliorer les avantages que l’on pourrait tirer des mesures prises par l’Union européenne pour préserver et protéger l’environnement.

En novembre 2012, nous avons adopté un nouveau programme de mesures visant à protéger, conserver et renforcer notre patrimoine écologique, dont dépend notre économie. Nous devons impérativement améliorer notre utilisation des ressources naturelles, tant elles sont limitées. Dans le cadre de ce nouveau programme, nous tenterons également de créer les conditions nécessaires à une croissance économique européenne sobre en carbone. Afin de relever les défis auxquels nous sommes confrontés, nous nous efforcerons d’assurer un meilleur respect de la législation environnementale en vigueur, de mieux informer les citoyens européens, de mieux utiliser les données scientifiques disponibles, de garantir les investissements nécessaires à l’exécution de notre politique environnementale et d’assurer la prise en compte de l’enjeu environnemental dans le cadre des autres politiques. Il importe que le texte définitif de cette proposition de programme soit suffisamment ambitieux.

D’agissant du cas plus particulier des sols cultivables, je suis tout à fait disposé à m’entretenir avec les autorités françaises au sujet de la directive-cadre sur la protection des sols, qui a suscité de nombreuses inquiétudes.

À la fin de l’année dernière, nous avons également défini une stratégie dans le domaine de la politique de l’eau : la directive-cadre prévoit quatre initiatives majeures pour les années 2013 et 2014.

Dans une communication intitulée « Une vie décente pour tous : éradiquer la pauvreté et offrir au monde un avenir durable » et fondée sur les conclusions de la conférence de Rio + 20, nous proposons la définition d’un cadre unique et cohérent permettant d’allier développement durable et lutte contre la pauvreté, ce qui constitue pour nous un succès important.

Nous reverrons également notre politique de l’air – domaine dans lequel la situation doit impérativement évoluer puisque l’on recense le décès prématuré de 400 000 personnes en Europe, et 40 000 en France, du fait de la pollution atmosphérique. Je suis d’ailleurs tout à fait favorable à l’approche d’urgence adoptée par la France sur cette question en février.

Quant aux gaz de schiste, les risques environnementaux qu’ils nous font courir doivent impérativement être identifiés, compris et maîtrisés. Seul un cadre adapté nous permettra de rétablir la confiance du public et de garantir la transparence du secteur privé.

Enfin, nous préparons un paquet global sur les déchets, qui devrait être finalisé l’an prochain. Au cours des prochains mois, nous proposerons d’autres initiatives, comme le Livre vert sur les déchets plastiques et des propositions de réduction de l’usage des sacs plastique à usage unique et de contrôle renforcé des cargaisons de déchets. Nous souhaitons également renforcer les inspections environnementales et la surveillance dans ce domaine.

Notre feuille de route pour une Europe efficace dans l’utilisation des ressources vise également à améliorer notre chaîne alimentaire, le secteur du bâtiment et la sylviculture. Il convient en outre de protéger la biodiversité de l’Union européenne face aux espèces invasives, de renforcer les infrastructures vertes et de définir, dans le domaine des produits chimiques, des critères d’identification des perturbateurs endocriniens.

En mars, sous la présidence irlandaise, nous avons eu un échange très intéressant à propos du recyclage des navires. Je me félicite aussi que la mise en œuvre du protocole de Nagoya sur l’utilisation des ressources génétiques, qui fait l’objet de discussions entre la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil. Ces deux sujets ont donné lieu à des rapports d’information de Mme Danielle Auroi et de M. Arnaud Leroy.

Nous suivons en outre de très près le cadre financier pluriannuel, dont dépend le financement de nos politiques.

De manière très encourageante, la réforme de la politique de la pêche en cours a été récemment approuvée par le Parlement européen, conformément aux souhaits de la Commission de mieux cibler les fonds de l’Union européenne et de garantir une pêche durable.

En revanche, les réflexions menées sur la politique agricole commune demeurent largement en deçà de la réforme proposée par la Commission européenne, fondée sur trois objectifs : garantir aux citoyens européens une alimentation saine et de qualité, préserver l’environnement et développer les zones rurales. Nous visons en effet depuis vingt ans à réconcilier l’agriculture et la protection de l’environnement – notre seule option possible étant, pour conserver des terres productives à long terme, de protéger notre écosystème et sa biodiversité et de disposer d’eau saine en abondance. Les réformes que nous proposons visent à préserver les campagnes et notre environnement et donc à nous permettre de continuer d’exploiter nos terres à l’avenir. Comme nous l’avons rappelé lors du Conseil des ministres de l’agriculture, tous nos efforts visent à éviter l’« écoblanchiment », qui serait fort nuisible non seulement à l’environnement mais aussi à notre agriculture.

Si nos résultats ne sont pas à la hauteur des débats que nous avons eus en 2010-2011 afin d’allouer les fonds publics aux biens publics, les citoyens européens considéreront notre politique comme un échec ; ce sera une mauvaise nouvelle pour l’agriculture. Si nous nous montrons incapables d’atteindre des résultats en matière environnementale via l’intégration et la coopération, la seule alternative possible consistera à définir une réglementation en ce domaine, qui ne sera guère utile si elle n’est pas appliquée et qui, de surcroît, perturbera le fonctionnement du marché : le non-respect de la législation en vigueur coûte environ 50 milliards d’euros par an. Les législateurs nationaux ont donc un rôle majeur à jouer. Ils doivent notamment faire en sorte que les textes européens soient transposés en temps et en heure, concevoir les règles d’application nationale les plus adaptées à leur législation interne et assurer un suivi de l’application de ces règles.

La période difficile que nous traversons n’est guère propice à une planification de long terme dans le domaine environnemental. Toutefois, le monde étant devenu un village planétaire, nous sommes plus que jamais interdépendants. Il nous faut donc unir nos forces pour affronter les défis globaux que sont le changement climatique, la protection de la biodiversité, la disparition des ressources, la protection de l’eau, de la terre et des océans, la lutte contre les pandémies et la pauvreté et la sécurité internationale.

En juillet 2012, le magazine Nature publiait un article dont l’auteur expliquait que l’évolution de nos conditions climatiques résultait directement des activités humaines, au premier chef de l’accroissement démographique mondial et de l’augmentation du niveau de consommation par habitant. La population mondiale devrait attendre 9 milliards d’habitants en 2045. D’ici à 2030, on comptera probablement 3 milliards de consommateurs supplémentaires appartenant aux classes moyennes des pays à forte croissance comme la Chine, l’Inde et le Brésil. Nous utiliserons donc trois fois plus de ressources naturelles qu’actuellement d’ici à 2050. Quant à la demande alimentaire, elle augmentera de 70 % environ. Si nous ne parvenons pas à prendre conscience que l’espèce humaine exerce pour la première fois un impact négatif sur l’équilibre de notre planète, la dette écologique sera beaucoup plus lourde à rembourser que la dette financière actuelle. Aujourd’hui déjà, 60 % des écosystèmes qui renferment ces ressources sont dégradés, qu’il s’agisse des poissons, de l’eau, de la biodiversité ou de nos conditions climatiques. Si nous ne parvenons pas à gagner en efficacité dans l’usage des ressources d’ici à 2030, nous manquerons de 40 % d’eau potable sur la planète. Nous devons donc impérativement évoluer vers un modèle de croissance efficace et peu consommateur de ressources. Il en va non seulement de la croissance verte mais de la croissance en général.

Il est inexact d’affirmer que l’environnement est facteur de désindustrialisation en Europe : la dématérialisation de l’industrie est au contraire indispensable au maintien de l’industrie sur le continent. Les économies européennes reposent sur des décennies de croissance axée sur l’utilisation des ressources. Nous en enterrons trois tonnes par personne et par an. Or le prix des ressources et de l’énergie continuera d’augmenter en Europe, finissant par dépasser les cours américain et chinois. Ainsi, 43 % des coûts de l’industrie allemande proviennent de l’exploitation des ressources et 18 % seulement de la main-d’œuvre. C’est pourquoi les entreprises concentrent leurs efforts d’investissement sur leur capacité d’innovation et non sont de plus en plus volatiles. En Europe, nous importons la moitié des ressources que nous exploitons et six fois plus de matières premières que nous n’en exportons. L’usage efficace de la ressource ne relève donc pas uniquement d’une dimension environnementale mais constitue également un enjeu fondamental pour la compétitivité européenne : si nous ne basculons pas vers une production plus économe en ressources et une économie plus circulaire, nos prix seront structurellement moins compétitifs que ceux de nos concurrents. Le cas japonais illustre à cet égard les difficultés auxquelles sont confrontées les économies d’États fortement peuplés et tributaires de leurs importations, notamment lorsque les cours des matières premières augmentent.

En matière environnementale, deux options s’offrent à nous. La première consiste à laisser à chaque secteur – les transports, l’industrie ou la pêche – la possibilité de maximiser ses intérêts. Mais il nous faut ensuite légiférer pour réparer les conséquences des choix opérés par ces secteurs, en termes de pollution de l’eau ou de l’air. Les acteurs industriels ayant déjà réalisé leurs investissements, on s’enferme alors dans un conflit sans fin entre l’industrie et la protection de l’environnement, que la première tend alors à considérer comme un obstacle au développement économique. La seconde option consiste au contraire à intégrer l’objectif de protection de l’environnement dans la définition de l’ensemble des politiques, qu’il s’agisse du transport, de l’énergie, de l’agriculture, de la pêche, du développement, du commerce ou de la recherche. Mieux vaut prévenir que guérir car guérir est beaucoup plus onéreux que prévenir.

Pour conclure, je dirai que nous devons nous concentrer sur les avantages compétitifs dont l’Europe dispose, comme l’innovation et la recherche et développement, l’éducation ou la culture. Il nous faut également améliorer la productivité des ressources et créer des économies vraiment circulaires – c’est possible, si nous acceptons d’apprendre de la nature, modèle d’économie circulaire, où rien ne se perd et qui repose sur des millions d’années d’expérience.

Nous devons d’autant plus conjuguer nos efforts pour acquérir une vision stratégique de l’économie que, selon de nombreuses estimations, aucun des pays européens ne fera partie des grandes économies mondiales à l’horizon de 2050. C’est pourquoi il nous faut repenser notre modèle de développement en passant d’une logique court-termiste à une logique fondée sur le long terme. Que ce soit sur les plans politique ou économique, personne n’est réélu ou récompensé pour avoir anticipé ses résultats sur cinq ou dix ans : l’homme politique ou l’entrepreneur sont jugés sur les résultats de l’année passée, voire de l’année en cours. Mieux vaut intégrer le long terme dans nos processus de décision, notamment en matière de gestion des ressources naturelles, et, pour ce faire, dépasser le cadre du PIB annuel. Nous ne pourrons pas gérer les défis du XXIe siècle, que j’ai évoqués devant vous, en utilisant une logique court-termiste. Si nous ne tenons pas compte, en amont, des conséquences à long terme de nos décisions, nous provoquerons notre autodestruction. Demeurant des êtres humains dotés d’intelligence, nous pouvons et devons faire mieux.

M. Arnaud Leroy. Je tiens, Monsieur le commissaire, à vous remercier de votre venue devant nos deux commissions réunies pour l’occasion. C’est une bonne nouvelle de voir l’exécutif européen venir à la rencontre des parlementaires nationaux, compte tenu, surtout, de la crise de confiance que traverse actuellement l’Europe auprès de nos concitoyens.

Vous êtes toutefois chanceux, puisque la politique européenne en matière d’environnement est celle que les citoyens européens, notamment français, apprécient le mieux. La Présidente Danielle Auroi m’a confié le rapport d’information sur le septième programme d’action pour l’environnement, que j’aurai l’occasion de présenter devant la Commission des affaires européennes le 24 avril.

S’agissant de la lutte contre les changements climatiques, vous n’ignorez pas qu’elle constitue une priorité pour la France, qui a proposé d’accueillir, en 2015, la Conférence des parties.

Vous avez également présenté les enjeux de l’économie verte pour l’espèce humaine et pour la croissance. Vous nous avez appelés à la responsabilité en nous invitant à nous projeter sur le long terme : c’est essentiel.

Je m’arrêterai sur le troisième point important : le PAE, qui tend notamment à améliorer la mise en œuvre des réglementations existantes. Vous avez mentionné le coût écologique de l’absence de mise en œuvre de ces réglementations. Aujourd’hui, ce que nous mesurons, c’est le montant des amendes que la France risque de devoir payer, alors que nous sommes loin d’être toujours de mauvaise foi. Il conviendrait de trouver une nouvelle voie, différente de la sanction financière, pour répondre aux difficultés réelles que de nombreux États membres rencontrent pour mettre en œuvre des directives souvent très lourdes à appliquer en raison de leur technicité.

Aussi lancerai-je un appel : est-il possible aux États membres et à la Commission européenne de travailler ensemble au bien de l’environnement, l’objectif prioritaire étant son amélioration ? Nous sommes arrivés au bout de la logique consistant à nous en remettre à la Cour de justice de l’Union européenne de Luxembourg pour faire avancer les dossiers. Seriez-vous prêt à essayer une autre méthode, laquelle permettrait de vraiment progresser dans la mise en application des directives et règlements qui posent problème, notamment en France ?

Enfin, le PAE, qui permet de piloter l’ensemble de la politique environnementale européenne, souffre d’un grave problème de cohérence avec les autres politiques communes. Ne serait-il pas possible de relancer le processus de Cardiff, qui visait à intégrer la problématique environnementale dans l’ensemble des politiques communautaires ? Cela permettrait de mieux prendre en compte le long terme.

M. Bernard Deflesselles. J’ai une question très simple, qui dépasse le cadre de votre intervention. Elle concerne également Mme Connie Hedegaard, chargée de l’action pour le climat.

M’appuyant sur l’actualité, j’évoquerai la question du captage et du stockage géologique du carbone. L’Union européenne a pris des décisions en la matière il y a de nombreuses années – Jérôme Lambert et moi-même avons remis à la Commission des affaires européennes plusieurs rapports d’information sur les questions climatiques.

Une dizaine de démonstrateurs technologiques devaient être créés dans l’Union européenne mais aucun ne l’a été et il n’en existe qu’aux États-Unis, en Norvège et au Japon. Or l’Europe semble vouloir rattraper son retard : pouvez-vous nous le confirmer ? On a pensé à la France pour le projet Ulcos – Ultra-Low Carbon Dioxide (CO2) Steelmaking – mais celui-ci n’aboutit pas. Quel effort les Européens doivent-ils réaliser pour ne pas se laisser distancer par les États-Unis ou par la Chine, sur une question qui concerne entre 20 % et 25 % des émissions de CO2 de la planète ?

M. Bertrand Pancher. Comment concilier la nécessité de relancer l’économie et la préservation de notre environnement ? Comment faire accepter cette transition stratégique aux gouvernements et aux citoyens ? Comment l’Europe pourrait-elle relancer l’industrie des nouvelles énergies, en matière de transports notamment, en vue d’améliorer l’efficacité énergétique ? Pourquoi être aussi frileux sur le plan de l’action monétaire ?

J’ai été frappé par l’étude REVIHAAP, intitulée « Données relatives aux aspects sanitaires de la pollution atmosphérique en vue de réviser les politiques de l’Union européenne », selon laquelle chaque Européen verrait sa vie amputée de huit mois en raison de la pollution atmosphérique. Cette étude sera disponible au printemps. Quelle action comptez-vous mener ? Quelles sont les procédures envisagées à l’encontre des dix-sept États membres affichant une qualité médiocre de l’air ?

L’accès à l’eau et à l’assainissement doit devenir un droit constitutionnel européen. La députée européenne Sophie Auconie serait favorable à la redistribution de 1 % des redevances perçues auprès des usagers à des actions de coopération décentralisée comme la loi Oudin-Santini le permet en France. Que pensez-vous de cette initiative ?

Nous sommes frappés par la coexistence de trois directives européennes traitant de l’eau mais difficilement compatibles. Les élus nationaux sont critiques. Quel est votre avis ?

Vous avez publié, le 7 mars 2013, un Livre vert visant à réduire la quantité de déchets plastiques rejetés dans l’environnement – 10 millions de tonnes de déchets finissent chaque année dans les océans. Pensez-vous possible de réglementer les conceptions modulaires et chimiques des matières plastiques dans le cadre de la stratégie européenne ?

Enfin, la Commission européenne a missionné son Centre commun de recherche (CCR) pour étudier la sortie du statut de déchet des composts et digestats, ce qui n’est pas sans provoquer l’opposition de la majorité des acteurs français qui contestent les propositions faites en raison de l’importance des investissements dont ces traitements ont fait l’objet. Qu’en pensez-vous ?

M. Denis Baupin. Je vous remercie, Monsieur le commissaire, du discours offensif que vous avez tenu sur le caractère alarmant de la situation environnementale de la planète, ainsi que des réponses convaincantes que vous avez apportées, rappelant que « prévenir coûte moins cher que guérir ». L’économie verte est, certes, une nécessité, mais elle est avant tout une chance tant du point de vue environnemental que de celui de la justice sociale et de l’emploi.

Considérez-vous que la France est aujourd’hui un bon élève en matière d’application des politiques environnementales ?

Où en sont les procédures contre la France en matière de qualité de l’air ? Quel regard portez-vous sur la fiscalité française des carburants et son impact sur la qualité de l’air ? Pensez-vous pertinent que la fiscalité d’un État membre de l’Union européenne encourage les carburants les plus polluants alors que la pollution aux particules fines est particulièrement nocive ? Quelles sont les conséquences sur la santé ?

S’agissant des énergies renouvelables, il faut, en France, pour installer des éoliennes, quelque huit ans de procédures. Quelle est la durée des procédures dans le reste de l’Union européenne ? Quel conseil donneriez-vous pour raccourcir les délais ? Par ailleurs, quels objectifs l’Union européenne prescrira-t-elle dans le cadre du paquet énergie-climat, au-delà de 2020 et de l’objectif « 3x20 », en matière d’énergies renouvelables ? À quel taux convient-il de parvenir en 2030 ou en 2040 ?

Dans quels délais la contribution climat-énergie européenne pourrait-elle aboutir ? Pensez-vous que la France doit attendre la mise en place de cette contribution pour quitter sa dernière place en matière de fiscalité écologique ? Ne devrait-elle pas prendre ses propres initiatives en la matière ?

M. Jacques Krabal. Ces échanges entre commissaires européens et parlementaires nationaux répondent à un besoin, ne serait-ce que pour mieux faire accepter l’Europe à l’opinion publique comme aux élus eux-mêmes.

J’ai apprécié votre engagement en faveur de l’économie circulaire et de la croissance verte. Il faudrait davantage d’Europe en matière environnementale – vous connaissez l’attachement du groupe RRDP à la construction européenne, laquelle repose sur la concurrence entre les États membres et donc entre leurs parlements. Le dialogue permanent entre parlements nationaux et Commission européenne gagnerait à être renforcé.

Cet échange direct vous permet de prendre le pouls de la représentation nationale sur des sujets cruciaux, qu’il s’agisse des gaz de schiste, de la qualité de l’air, des OGM, des changements climatiques, de la fiscalité écologique ou du renforcement de l’harmonisation européenne dans certains domaines.

En 2011, l’Europe a annoncé qu’elle engageait des poursuites contre la France, qui reste un mauvais élève en matière de respect des réglementations relatives à la qualité de l’air. Sous le coup d’une condamnation pour dépassement des valeurs limites des particules fines, la France pourrait payer une amende. Pour de nombreuses associations et de nombreux médecins, c’est la démonstration qu’il est urgent d’assainir durablement l’air que nous respirons – vous avez cité des chiffres impressionnants. Je souhaite non seulement que la France ne soit pas condamnée à la fin de la procédure, mais surtout que nous puissions prendre les mesures adéquates pour répondre favorablement aux exigences européennes en matière de qualité de l’air.

À plusieurs reprises, j’ai abordé ce sujet en relation avec le transport aérien. En 2011, pour des raisons préélectorales, un arrêté a relevé de trois cents mètres les altitudes d’approche des aéroports parisiens, en vue de réduire le bruit de moitié. Le résultat fut un gain imperceptible à l’oreille – trois décibels en moins – pour les zones concernées, le déplacement des nuisances sonores et des pollutions provoquant une aggravation de la consommation de kérosène. La Commission européenne dispose-t-elle d’une évaluation scientifique en la matière ? Ne serait-il pas opportun de réfléchir à un encadrement communautaire visant à rendre les couloirs aériens plus efficaces et surtout moins polluants ?

Vous semblez attaché à l’acceptabilité sociale des politiques environnementales, s’agissant notamment de l’exploitation des gaz de schiste. Je ne conçois pas comment on peut mettre en avant l’exploitation de ces gaz au motif qu’il faut rompre avec les énergies fossiles alors qu’il conviendrait au contraire de favoriser la croissance verte et l’économie circulaire.

Ne pensez-vous pas également que les OGM devraient faire l’objet d’une réflexion au plan européen, devant aboutir à une réglementation communautaire ?

Je citerai un passage d’une fable de Jean de La Fontaine, Le conseil tenu par les rats, qui appelle au courage les responsables politiques que nous sommes : « Ne faut-il que délibérer,/ La Cour en conseillers foisonne ;/ Est-il besoin d’exécuter,/ L’on ne rencontre plus personne. »

M. Janez Potočnik. Madame la présidente, je le regrette, mais s’agissant de la proposition de directive relative aux substances prioritaires pour la politique dans le domaine de l’eau, les produits pharmaceutiques ne seront pas sur la liste. Peut-être les retrouverons-nous dans le suivi, ce qui serait le signe que la Commission garde un œil sur le dossier. La manière dont les produits prioritaires sont choisis repose sur une approche purement scientifique. Plus de 2 000 substances ont été analysées mais la liste n’en comprend qu’une quinzaine. Nous avons établi cette proposition de directive de manière aussi souple que possible afin d’éviter des difficultés d’application dans certains États membres. Il y avait la volonté de trouver un accord dès la première lecture. La Commission, qui est disposée à prendre le dossier à bras-le-corps, a dû revoir ses ambitions à la baisse. La qualité de l’eau que l’on boit doit être suffisante.

Monsieur Leroy, je suis fermement convaincu que la seule approche économique que nous devions suivre est celle qui nous conduit à consommer moins d’énergie, moins d’eau et moins de matière première tout en assurant leur recyclage. Il nous appartient de diriger les économies dans cette direction. La croissance verte est le seul modèle de croissance viable. Il convient d’en persuader les investisseurs afin de disposer des capitaux nécessaires car nous avons besoin des forces vives du marché pour orienter les économies sur la voie d’un vrai développement économique, financier et social. Les industriels et les investisseurs doivent acquérir une conscience environnementale, plutôt que de dépenser leur énergie à défendre l’indéfendable en dénonçant la lourdeur de la réglementation. Ils doivent se concentrer sur les réponses qu’il conviendra d’offrir à l’avenir. D’un point de vue politique, il faut désormais recourir à la fois à l’innovation et à l’incitation. Nous devons notamment encourager les entreprises à innover en envoyant des signaux clairs au secteur privé. L’objectif n’est pas de tuer l’industrie avec gentillesse mais de la motiver en tenant compte de l’interdépendance européenne.

Je suis satisfait des dernières évolutions du Conseil mondial pour le développement durable : nous avons une masse critique favorable au changement ; c’est ce qui compte s’agissant du lien entre politique économique et politique environnementale. Il ne faut pas privilégier le conflit mais conjuguer les forces de chacune des parties pour avancer.

S’agissant des difficultés que certains pays rencontrent à mettre en œuvre une réglementation européenne, ma politique est d’être strict tout en aidant et d’aider tout en restant strict : je suis heureux chaque fois que je peux faire bouger les lignes sans exercer de pression. Il est toujours possible de trouver un terrain d’entente mais si l’application des nouvelles réglementations rencontre des obstacles, qui parfois datent de quinze ans, alors, il faut recourir aux procédures en violation. À mes yeux, les tribunaux ne sont pas un lieu de conflit mais de décision entre deux parties qui n’arrivent pas à se mettre d’accord sur l’application d’une directive. Ils permettent également de répondre aux difficultés inhérentes à la législation européenne, laquelle n’est pas toujours suffisamment claire et précise dans sa mise en œuvre. C’est le côté utile des arrêts rendus par les tribunaux.

Le captage et le stockage géologique du CO2 – ou CCS, pour Carbon Capture and Storage – conditionnent l’avenir. Malheureusement, nous sommes coincés entre la nécessité de trouver immédiatement des solutions et le fait que nous ne disposions pas encore de ces solutions. Voilà pourquoi nous sommes à la recherche de solutions innovantes. Je suis convaincu qu’il faut soutenir les énergies renouvelables tout en investissant à moyen terme dans le CCS, car de nombreux États continueront d’utiliser du charbon. La solution réside dans l’efficacité énergétique. Nous n’avons pas suffisamment modifié nos structures en vue de les rendre moins gourmandes en énergie.

En septembre et en octobre prochains, l’Europe prévoit de revoir sa législation en matière de politique de l’air et de lutte contre les pollutions atmosphériques. Les législations nationales doivent aboutir à une approche cohérente au plan européen en vue d’éradiquer les problèmes de pollution atmosphérique. La qualité de l’air s’est fortement améliorée depuis l’instauration d’une législation commune en la matière. Toutefois, des problèmes graves demeurent en matière de particules, d’ozone et de dioxyde d’azote (NO2). Nos exigences sont du reste inférieures à celles de l’OMS : 20 % de la population européenne vit dans des zones où la qualité de l’air est mauvaise, 80 % de la population urbaine étant surexposée aux particules fines. Nous devons améliorer notre législation en la matière.

S’agissant de l’eau, nos législations se sont surajoutées au fil des années, certaines risquant de se juxtaposer. C’est pourquoi il convient de procéder de temps à autre à une révision. Le schéma directeur pour préserver les ressources en eau de l’Europe, adopté en 2012, nous a permis de nous rendre compte qu’il n’y avait pas de doublon. Il convient évidemment d’éviter les législations encombrantes car inapplicables. Le seul critère qui motive mes décisions est leur impact sur l’environnement.

C’est vrai, 80 % des déchets présents dans la mer proviennent des terres et 80 % de ces déchets terrestres sont des déchets plastiques. C’est pourquoi, il convient de fixer des objectifs. J’espère bénéficier du soutien des États membres sur la question. Il est en effet nécessaire d’avoir une approche internationale car aucun pays ne peut relever ce défi tout seul. Dans le même esprit, je prépare une proposition de directive relative aux sacs plastiques à usage unique, qui reposerait sur le recours à des instruments économiques. L’expérience irlandaise montre en effet que le recours à de tels instruments permet de faire baisser en un an de 80 % l’utilisation de sacs jetables. De même, il faut faire attention aux plastiques biodégradables, qui le sont fort peu dans le milieu marin ; leur caractère biodégradable doit encore être amélioré.

La France est un partenaire important dans les discussions internationales ; je peux compter sur elle. Elle fait toutefois l’objet de quatorze procédures pour violation : le mieux serait pour elle d’accélérer le règlement de ces différends.

S’agissant de la fiscalité écologique, la France a une marge de manœuvre importante. Elle pourrait transférer sa fiscalité de la main-d’œuvre sur l’environnement et les carburants. Je ne demande donc pas de nouvelle fiscalité, même si une augmentation de la TVA est toujours possible, mais il me semblerait préférable pour la France de baisser le coût du travail, qui demeure trop cher.

Les énergies renouvelables tiennent compte de l’environnement au sens large. Il incombe aux États membres de prendre leurs responsabilités en la matière, dans le cadre de la législation européenne, dont les résultats sont très différents d’un État membre à un autre, en termes de durée notamment – je pense par exemple au délai d’installation des éoliennes. Si nous voulons que les émissions de CO2 diminuent de 80 % à 95 % d’ici à 2050, il conviendra, passé les objectifs pour 2020, de fixer de nouveaux objectifs. Je ne crois que dans des objectifs chiffrés, car ils permettent de garantir la crédibilité des engagements pris sur le long terme – ce sont les commissaires chargés de l’énergie et de l’action pour le climat qui s’en occupent.

Nous travaillons à un cadre permettant une meilleure acceptation sociale de l’exploitation des gaz de schistes car il n’est pas possible de développer une technologie si elle n’est pas acceptée par la société. Si le débat sur les OGM avait été lancé dans des conditions différentes, peut-être aurait-il abouti à un résultat différent. D’ailleurs, l’Europe ne peut faire l’économie d’un vrai débat sur l’utilisation des OGM – l’Afrique, elle, n’a pas le choix, car elle doit produire des plantes résistantes à la sécheresse. Les États membres doivent prendre leurs responsabilités en la matière.

De manière générale, il est important d’adopter des cadres clairs, prévisibles, qui permettent de créer de l’acceptation sociale, afin que ceux qui veulent avancer dans telle ou telle direction puissent disposer d’un modèle économique. Je rappellerai que le bouquet énergétique relève de la subsidiarité : c’est aux États membres qu’il incombe de décider de la marche à suivre en la matière.

M. Philippe Bies. Monsieur le commissaire, vous avez souligné que la France était un excellent partenaire. Je tiens à évoquer une des quatorze procédures entamées par la Commission européenne à l’encontre la France, celle qui, depuis juin 2011, vise l’insuffisance des mesures de préservation du grand hamster d’Alsace. Cette procédure menace de franchir une nouvelle étape dans les semaines qui viennent devant la Cour de justice de l’Union européenne.

Pour éviter cette perspective, la France a adopté, en octobre 2012, un nouveau plan national d’action pour la préservation du grand hamster, qui renforce très sensiblement les mesures destinées à préserver l’habitat de cette espèce. La première consiste dans le renforcement de la régulation de l’urbanisation sur toutes les surfaces favorables et l’instauration d’un périmètre prioritaire de 9 000 hectares dans lequel l’urbanisation sera très fortement encadrée, ce qui pose de graves difficultés aux communes concernées, qui ont des projets de construction de logements. La deuxième vise, sur le plan agro-environnemental, à convertir les pratiques culturales en faveur de l’espèce. La troisième tend à l’amélioration des dispositifs de renforcement des populations de hamster par la protection contre les prédateurs.

La France et les élus locaux ont bien engagé les mesures urgentes et importantes qui s’imposaient. Toutefois, celles-ci demandent un peu de temps pour produire des effets définitifs et stables. Afin de garantir leur réussite, nous avons besoin du soutien de la Commission européenne pour la mise en œuvre du volet agri-environnemental du plan national d’action visant à soutenir les agriculteurs qui choisissent d’abandonner la monoculture très rentable du maïs pour des cultures favorables au hamster. Les efforts et le coût publics que ces mesures entraînent sont très impopulaires dans un contexte de crise économique et sociale. Le coût individuel d’un hamster préservé apparaît aujourd’hui relativement indécent à la grande majorité de nos concitoyens. Une condamnation de la France n’aurait pour effet que de les détourner encore plus de l’Europe et de la nécessité de protéger la biodiversité. Pouvez-vous nous faire part de votre position et de celle de la Commission à ce sujet ?

Mme Fanny Dombre Coste. Lors du Conseil du 21 mars 2013, les ministres européens de l’environnement ont débattu de la proposition de la Commission européenne visant à remédier aux incidences de la production de biocarburants sur les changements indirects dans l’affectation des sols. En effet, la plupart des biocarburants actuels sont élaborés à partir de plantes cultivées sur des terres agricoles. Or la conversion à la production de biocarburants de terres agricoles auparavant destinées au marché de l’alimentation humaine ou animale provoque une tension sur le prix des matières tout en laissant insatisfaite la demande de produits autres que les carburants. C’est pourquoi les ministres se sont entendus sur la nécessité de remédier aux incidences négatives qu’engendrerait la conversion de terres supplémentaires à la production de biocarburants.

Ce souci légitime de préservation des espaces naturels se heurte à une autre problématique : celle de l’artificialisation des terres agricoles. En France, 90 % des sols artificialisés entre 2000 et 2006 proviennent des zones agricoles. On estime que plus de 80 000 hectares de terres sont ainsi consommés chaque année. En Europe, la perte annuelle de potentiel agricole liée à l’artificialisation des sols est équivalente à 4 millions de tonnes de blé. L’artificialisation engendre une perte de ressources naturelles et agricoles et une imperméabilisation des sols généralement irréversible. Elle s’accompagne d’un cloisonnement des milieux naturels défavorable à de nombreuses espèces. Elle concourt également à l’augmentation des déplacements ainsi qu’à celle des émissions de polluants et de gaz à effet de serre, sans parler du problème de l’autosuffisance alimentaire.

Vous avez évoqué la croissance démographique à l’horizon de 2045, qui viendra encore amplifier le fait urbain. Aussi lutter contre l’artificialisation des espaces naturels doit-il devenir un choix stratégique de développement durable. La Commission européenne entend-elle se saisir de cette question ?

M. Jacques Kossowski. En février dernier, la Commission européenne a rendu public un rapport sur la mise en œuvre du règlement concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH). Il en ressort notamment que l’utilisation des produits chimiques est plus sûre et que la qualité des informations disponibles aux fins de l’évaluation des risques s’est améliorée. Vous avez vous-même déclaré qu’en poursuivant l’harmonisation du marché intérieur européen, le règlement REACH a été un facteur clé pour la croissance et la compétitivité de l’industrie chimique. Il semble que des pistes d’amélioration de ce règlement soient en gestation, notamment l’adoption de nouvelles modifications réglementaires. Quelles adaptations de REACH sont envisagées ?

M. Yannick Favennec. La directive nitrate sur la protection des ressources en eau est qualifiée par les agriculteurs français de monstre administratif et représente un risque pour l’équilibre économique de leurs exploitations – je le mesure régulièrement en Mayenne. Les agriculteurs aimeraient savoir si une PAC plus écologique est compatible avec la nécessaire simplification administrative qu’ils réclament. En partant du principe que, pour être écologiquement responsable, l’agriculture française de demain se doit d’être avant tout économiquement viable, comment concilier accroissement intelligent de l’économie agricole et limitation de l’impact environnemental ? En d’autres termes, comment réconcilier agriculture, économie et écologie ?

M. François-Michel Lambert. Je vous remercie de votre vision du développement soutenable. En effet, nous n’avons pas d’autre choix que d’emprunter cette voie, car elle seule permettra d’assurer l’équilibre entre l’écologie, l’économie et le social, l’économie ne devant pas primer sur l’écologie.

C’est pourquoi vous avez souligné la nécessité de changer notre modèle de développement pour passer d’une économie linéaire fondée sur le prélèvement, la transformation, la consommation puis le rejet des ressources, à une économie circulaire où rien ne se perd ni ne se crée mais où tout se transforme – ce qu’a toujours fait la nature.

Nous constatons pourtant des écarts entre les paroles et les actes. Ainsi, au plan international, alors que le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) soutient La Plate-forme de l’industrie verte – Green Industry Platform –, partenariat dans lequel de nombreux pays et ONG internationales se sont engagés, n’est-il pas paradoxal que les gouvernements européens en soient absents, à l’exception notable du Danemark, de la Pologne et de la Suède ?

Alors que les entreprises des pays européens sont volontaristes pour changer leur modèle en direction de l’économie circulaire, fondée sur l’écoconception, l’écofonctionnalité et le recyclage, pourquoi les gouvernements restent-ils si frileux ? En quoi l’Europe pourrait-elle accélérer cette mutation qui vise à passer de la productivité du travail à la productivité des ressources ? Cela permettrait d’engager au plus vite l’Europe dans ce seul modèle soutenable.

M. William Dumas. Durant la décennie précédente, les agro-carburants, qui ont été présentés comme une alternative crédible aux produits pétroliers, ont connu un important développement que la Commission européenne a récemment souhaité ralentir. Quelles actions menez-vous sur le sujet ?

Vous avez évoqué les cargaisons de déchets. Or, depuis plus de vingt ans, des millions de tonnes de déchets toxiques transitent par bateaux sur la mer Méditerranée, de l’Europe en direction de l’Afrique ou de l’Asie. Certains de ces « navires à poisons » sont coulés au large des côtes. Ce trafic s’est internationalisé, ces dernières années, par le développement d’« écomafias ». Quelles mesures l’Europe entend-elle prendre pour protéger les eaux de la pollution et surtout réprimer ce trafic ?

Enfin, de nombreuses colonies d’abeilles meurent à cause de l’utilisation de pesticides, une catastrophe dont il été largement débattu lors du Congrès européen de l’apiculture d’Agen d’octobre 2012. Or l’Europe ne s’est pas encore décidée à supprimer l’utilisation de trois pesticides particulièrement nocifs. Quelles actions entendez-vous mener sur le sujet au plan européen ?

M. Olivier Falorni. Tous les députés de terrain mesurent au quotidien l’inquiétude de nos concitoyens devant l’exploration et l’exploitation éventuelle de nos réserves de gaz de schiste. Les sociétés contemporaines, qui sont complexes, sont inévitablement condamnées à gérer le risque, notamment dans les secteurs de l’industrie, de l’agriculture, des transports ou de l’énergie – je pense à la gestion du risque nucléaire. Or, bien que les risques liés à la production de gaz de schiste soient avérés, les lobbies continuent de pousser les dirigeants à s’engager dans la fracturation hydraulique. Ce qui se passe au Royaume-Uni et, surtout, en Pologne, est inquiétant. Les exemples d’externalités négatives se multiplient ; elles sont désastreuses pour les populations et les territoires concernés notamment en termes de pollution de l’eau et de l’air et d’appauvrissement de la biodiversité.

Vous avez affirmé que l’Union européenne ne doit pas décider à la place des États membres en matière d’exploitation des gaz de schiste ; je n’en suis pas convaincu. S’il ne s’agit pas de modifier les compétences respectives des États membres et de l’Union européenne, il me semble qu’il existe un chemin pour les institutions de l’Union permettant de parvenir à un cadre normatif plus contraignant et de garantir que les techniques d’exploitation ne présentent aucun risque pour l’environnement et pour la santé publique.

Une interdiction pure et simple des techniques d’exploitation hydraulique, qui ont démontré leur nuisance, n’est-elle pas souhaitable au plan européen ?

L’Union européenne élabore à l’heure actuelle le cadre de la gestion des risques posés par l’extraction des hydrocarbures non conventionnels. Comment comptez-vous garantir les exigences environnementales et sanitaires que réclament les citoyens européens ?

M. Philippe Plisson. Quel bilan peut-on tirer des zones Natura 2000 à l’échelon européen ? Je suis président d’une collectivité qui porte le document d’objectifs (DOCOB) Natura 2000 : j’en ai mesuré tout l’intérêt pour les zones humides, si précieuses. Toutefois, au regard de la ratification du protocole de Nagoya par l’Union européenne, ne peut-on pas craindre de voir s’assombrir les perspectives de la directive habitats ?

La directive oiseaux 79/409/CEE interdit la chasse au gibier d’eau en période de nidification. Un problème se pose avec l’oie, dont la chasse est fermée au 1er février mais qui est massivement gazée aux Pays-Bas, du fait de sa prolifération, qui la rend nuisible. Ne peut-on dès lors souscrire à la demande des chasseurs français de gibier d’eau de chasser l’oie à poste fixe jusqu’au 10 février ?

M. Guillaume Chevrollier. Vous avez eu une phrase cruelle sur l’impact négatif de l’homme sur la planète.

Vous avez également évoqué la nécessité d’intégrer davantage le long terme dans les décisions : ne pensez-vous pas que seule la stabilité réglementaire permettrait d’atteindre cet objectif ? Elle est en tout cas souhaitée par les entreprises, les agriculteurs et l’ensemble des citoyens. Ne serait-il pas nécessaire de pratiquer une pause dans l’édiction des normes européennes, l’hystérie normative « plombant » la France et le continent européen ? Chaque nouvelle norme a un coût, qui, en période de crise, nous pénalise dans la compétition internationale.

Que pensez-vous, par ailleurs, des projets d’augmentation de la fiscalité sur le diesel, alors que celui-ci représente 70 % du parc automobile français et que des progrès ont été réalisés grâce au filtre à particules pour préserver la qualité de l’air ?

Mme Geneviève Gaillard. L’Union européenne s’est engagée à préserver, voire à reconquérir la biodiversité. La France a également mis en place une stratégie propre. Cependant nous pourrions aller plus loin, notamment en ce qui concerne les abeilles, aujourd’hui menacées. Il est donc indispensable de prendre des mesures plus drastiques. Comptez-vous interdire la totalité des néonicotinoïdes dans le traitement des semences ?

S’agissant de la biodiversité marine, la surpêche conduit à relâcher dans les océans des espèces consommables qui appauvrissent la biodiversité.

Il semblerait enfin qu’à la faveur d’une nouvelle interprétation de la directive de 1996, la Commission européenne ait décidé de laisser aux États le loisir d’autoriser la libre circulation des camions jusqu’à soixante tonnes et vingt-cinq mètres de long. Cette information est-elle exacte ? Si oui, cette décision a-t-elle été précédée d’une étude d’impact environnemental, social et économique ?

Mme Axelle Lemaire. J’évoquerai le nord, là où il fait, ou plutôt, où il faisait froid.

Depuis quelques années, de nombreuses publications scientifiques font une description alarmante de la banquise en Arctique. Les études les plus récentes sont plus inquiétantes encore et obligent les scientifiques à revoir à la baisse leurs estimations sur le niveau de glaces dans cette zone. Les premiers résultats du programme Damocles – Developing Arctic Modeling and Observing Capabilities for Long-term Environmental Studies –, financé par l’Union européenne, ont révélé que les glaces de l’Arctique pourraient disparaître complètement durant la saison estivale dans dix ou quinze ans. Au début des années quatre-vingt, la banquise arctique atteignait à la fin du mois d’août une superficie moyenne de 8 millions de kilomètres carrés. Au cours de l’été 2007, cette superficie était réduite à 4 millions de kilomètres carrés, un record ! Ces résultats ont été confirmés, il y a quelques semaines, par un article paru dans le Geophysical Research Letters, dont les auteurs concluent qu’entre 2020 et 2040, il serait possible que les glaces de l’Arctique disparaissent complètement. La fonte des glaces entraînera, selon les experts, une accélération du réchauffement de la planète et des changements climatiques ponctuels importants, compte tenu de l’impact de l’Arctique sur les différents courants marins comme le Gulf Stream. À ce titre, la rigueur exceptionnelle qu’a connue l’Europe cette année ne serait pas étrangère à la fonte accélérée des glaciers l’été dernier. Cette situation n’est pas non plus sans conséquence sur le transport des biens et la circulation des marchandises. La route maritime du nord permettrait de raccourcir d’un tiers environ le temps nécessaire aux navires marchands pour relier le Pacifique à l’Atlantique, l’Asie à l’Europe. Si, aujourd’hui, la route entre Yokohama et Londres par le canal de Suez fait quelque 18 000 milles nautiques, elle n’en ferait plus que quelque 7 000 en empruntant le passage maritime du nord.

Les États européens sont impuissants à répondre individuellement à cet enjeu écologique. Or la politique arctique de l’Union européenne est axée sur trois objectifs : protection et préservation de l’Arctique en accord avec sa population, promotion de l’exploitation durable des ressources et contribution à une meilleure gouvernance de la zone. Comment et selon quels critères la Commission européenne arbitre-t-elle et décide-t-elle de ses objectifs prioritaires, potentiellement antinomiques entre protection de l’environnement en zone arctique, protection des populations qui y vivent – 4 millions de personnes dont 10 % d’autochtones – et recherche de gain de productivité et d’efficacité ? Cette recherche serait facilitée par un passage des navires marchands par le nord-ouest, sachant que plus de 90 % du commerce extérieur européen s’effectue par la mer.

Que fait enfin la Commission pour répondre à l’urgence liée à la fonte accélérée des glaces ?

M. Gilles Savary. Pouvez-vous nous donner des informations sur le plan allemand visant à développer les énergies renouvelables ? La rupture avec le tout nucléaire en Allemagne représente un modèle. Comment les Allemands développent-ils leurs énergies alternatives ? Se replient-ils sur le charbon ?

Sous l’amicale pression du reste du monde, l’Union européenne a renoncé au système d’échanges de quotas d’émission dans l’aérien. Développe-t-elle une stratégie alternative visant à rendre les avions plus propres ? Il est difficile d’obtenir des avancées dans le domaine de la motorisation. Le recours au biocarburant, sous réserve des arbitrages avec la production alimentaire, ne permettrait-il pas de donner des résultats ?

M. Jean-Marie Sermier. L’Union européenne demande à la France de développer ses zones à protéger, notamment en ouvrant de nouveaux parcs nationaux. Les populations n’y sont pourtant pas toujours favorables. Si le parc national de la forêt de feuillus et celui du littoral ont à peu près trouvé leur site de prédilection, le parc national des zones humides est toujours en suspens. Quelle serait la position de la Commission européenne devant un éventuel refus des territoires d’accepter en leur sein un parc national risquant de contraindre fortement leur développement économique ?

Le président Jean-Paul Chanteguet. Monsieur le commissaire, il est vrai que le débat se situe aujourd’hui entre les exigences à court terme et celles sur le long terme. Dès lors, ne serait-il pas souhaitable de désigner un commissaire européen chargé du long terme ?

Quand l’Union européenne ratifiera-t-elle le protocole relatif à l’accès aux ressources et au partage des avantages (APA) signé à Nagoya ?

Nous avons perçu de manière positive vos propos liminaires. Votre analyse en qualité de commissaire européen chargé de l’environnement rejoint celle de la Commission du développement durable de l’Assemblée nationale : je me félicite de notre homogénéité de vue.

M. Janez Potočnik. S’agissant de la préservation du grand hamster d’Alsace, je répondrai à la fois du point de vue juridique et sur le fond. Non seulement l’arrêt de la Cour doit être appliqué, mais, surtout, cette question, qui est emblématique de la cohabitation entre la nature et l’agriculture, dépasse le seul hamster pour viser les pratiques agricoles elles-mêmes dans leur impact sur la biodiversité. C’est pourquoi cette affaire importante nous tient à cœur.

S’il est vrai que les acteurs économiques doivent avoir une certaine visibilité, il est tout aussi nécessaire de maintenir le cap, dès lors que nous avons fixé des engagements sur dix ou vingt ans, s’agissant notamment de la question de l’eau ou de celle des terres arables.

Les biocarburants sont en concurrence avec la production alimentaire. Il faut savoir concilier les deux exigences, de même que l’agrandissement des villes avec le respect des terres arables ou celui de la biodiversité. Alors que nos surfaces sont limitées, notre potentiel d’utilisation est immense. Il faut peser les différents arguments avant de trancher. J’étais chargé de la science et de la recherche dans la précédente Commission : le taux d’incorporation de 10 % de biocarburants m’apparaissait déjà comme trop élevé. À mes yeux, seules les avancées réalisées par les deuxièmes et troisièmes générations de biocarburants permettront de diminuer leur concurrence avec la production alimentaire. La question était d’ailleurs à l’époque également d’ordre moral : fallait-il utiliser les terres arables à des fins alimentaires ou énergétiques ? La Commission européenne a bien fait de changer de position en limitant à 5 % le taux d’incorporation de biocarburants.

Son examen a montré l’efficacité du règlement REACH, que nous n’avons pas l’intention de modifier sur le fond. L’industrie a fait preuve de son engagement. Nous sommes toujours au milieu du gué et devons encore améliorer la législation en matière de substances chimiques. C’est un exercice complexe, qui exige de garder le cap. Il est important que l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA, pour European Chemicals Agency), qui est chargée de faire appliquer ce règlement, puisse renforcer ses études, notre objectif étant d’améliorer la qualité des dossiers que nous lui présentons. Il faut faire preuve de cohérence et de patience.

S’agissant des nitrates, la France doit faire face à deux procédures ; les tribunaux trancheront. Qu’on le veuille ou non, il faudra réconcilier les intérêts environnementaux et agricoles. On ne saurait ignorer les arguments d’une des deux parties.

Nous travaillons sur les cargaisons de déchets, question importante – c’est la raison pour laquelle je l’ai évoquée dans mon intervention initiale.

S’agissant de la directive pesticide et des abeilles, nous devons tout faire pour protéger la biodiversité, dont les abeilles sont une espèce emblématique. Mes collègues chargés de la santé animale s’occupent également de cette question. Il faut naturellement tenir compte des conséquences des pesticides sur la biodiversité, notamment sur les abeilles. C’est une de nos priorités.

En ce qui concerne les gaz de schistes, nous travaillons, pour la fin de l’année, à un cadre unique – c’est l’engagement de M. Oettinger et le mien – tenant compte des problématiques de santé publique et d’environnement.

J’ai pris bonne note de la question de la chasse aux oies – je ne connais pas le dossier dans le détail.

Les zones Natura 2000 sont protégées en raison de menaces clairement identifiées sur l’habitat de certaines espèces animales – 17 % des territoires présentent à l’heure actuelle un bon état de conservation. Il faut désormais se concentrer sur la gestion et le financement des sites Natura 2000. Si les États membres, sur la base des avis rendus par leurs experts, ont identifié de nouvelles zones menacées, celles-ci doivent être protégées. Je rappelle que Natura 2000 a été décidée par les États membres, que ce n’est donc pas un projet de la Commission, dont le rôle consiste à s’assurer que les efforts réalisés en termes de protection demeurent conformes aux objectifs fixés en amont. Parfois, c’est vrai, les populations refusent l’extension de ces zones. Il faut alors tenter de leur expliquer les avantages de Natura 2000 – en Slovénie, ces zones couvrent 36 % du territoire, contre 12 % en France. L’objectif de Natura 2000 n’est pas d’empêcher l’activité économique mais d’assurer la coexistence de la nature et de l’homme. Il ne s’agit pas de créer, comme aux États-Unis, des réserves naturelles protégées à 100 %, vides de toute activité économique.

C’est vrai, il faut tendre à la plus grande stabilité réglementaire possible, mais à condition que de nouvelles expertises ne modifient pas la donne. Ce qu’il faut, c’est créer les conditions permettant de stabiliser les situations elles-mêmes.

La décision d’augmenter les taxes sur le diesel relève des États membres. Passer d’une taxation sur le travail à une taxation sur la pollution me paraîtrait une excellente approche.

La nouvelle politique commune de la pêche va dans le bon sens, qu’il s’agisse de la surpêche ou du respect de la biodiversité marine. La surpêche est un exemple privilégié du conflit opposant le court terme au long terme. Sur le long terme, le pêcheur a les mêmes intérêts que le défenseur de l’environnement : protéger les ressources marines pour assurer une pêche pérenne. Sur le court terme, en revanche, le pêcheur voudra surpêcher et l’écologiste interdire la pêche. C’est pourquoi la nouvelle politique commune de la pêche s’inscrit dans une vision à long terme.

Je me renseignerai sur la question de la libre circulation des camions de soixante tonnes, qui n’entre pas dans le champ de mes compétences.

Nous sommes très inquiets des différentes pressions exercées sur la région arctique et les populations qui y vivent, d’autant que nous n’ignorons rien de notre empreinte sur la zone. C’est pourquoi l’Union européenne travaille avec les différentes communautés qui y vivent, dans un triple objectif : protéger l’Arctique en accord avec ses populations, promouvoir l’utilisation pérenne des ressources et contribuer à une coopération arctique renforcée. Le cadre international est déjà en place. Nous demandons sa mise en œuvre complète, ce qui n’interdit pas, en attendant, de travailler plus avant notamment à la protection des populations indigènes ainsi qu’à la résolution des problèmes liés à la subsistance des mammifères marins. La Finlande a formulé des propositions pour la création d’un centre d’information européen sur l’Arctique ; nous en tiendrons compte dans le cadre du projet géré par la direction générale de l’environnement pour tester la faisabilité et la soutenabilité du concept. Notre engagement sur l’Arctique sera pérenne, indépendamment de la réponse que le Conseil arctique donnera à la demande faite par l’Union européenne d’y obtenir une place d’observateur.

C’est à l’Allemagne qu’il incombe de décider de son plan de sortie du nucléaire. La décision allemande n’a évidemment rien à voir avec le bouquet énergétique français actuel. Le paquet européen énergie-climat impose toutefois des limites, s’agissant notamment de la réalisation de l’objectif « 3x20 ». Ce sont autant d’éléments que les États membres doivent appliquer – ils peuvent évidemment faire encore mieux, mais cela relève de leur responsabilité.

Monsieur le Président, je ne suis pas opposé à la nomination d’un commissaire européen au long terme mais la décision appartient au président de la Commission européenne !

La Commission a présenté une proposition de ratification du protocole APA de Nagoya ; il appartient désormais aux États membres et au Parlement européen de se prononcer pour accélérer le processus. J’espère que nous pourrons participer à la première réunion conjointe sur le protocole APA car nous sommes les moteurs des décisions prises à Nagoya.

La présidente Danielle Auroi. Je vous remercie, Monsieur le commissaire, au nom du président de la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire et en mon nom. Nous aurons plaisir à vous inviter de nouveau.

II. Communication de M. Gilles Savary sur le quatrième « paquet ferroviaire » et examen d’une proposition de résolution européenne

La Présidente Danielle Auroi. Nous en venons maintenant à l’examen de la proposition de résolution européenne présentée par M. Gilles Savary en conclusion de sa remarquable communication sur le quatrième « paquet ferroviaire ».

Je rappelle que compte tenu de la densité des travaux et de la proposition de résolution de notre rapporteur, nous avions décidé la semaine dernière de nous donner une semaine pour étudier attentivement le texte qui nous était proposé.

Maintenant que chacun a disposé de tout le temps nécessaire pour nous adresser ses éventuelles observations, je pense que nous pouvons passer à l’adoption de la résolution.

M. Gilles Savary. Je rappelle brièvement les enjeux.

Cette résolution, je l’avoue assez copieuse, porte sur les six textes qui forment le quatrième paquet ferroviaire, qui aura une influence décisive sur notre législation puisque nous sommes ici dans une compétence partagée.

Elle nous fournit donc l’occasion de fixer la doctrine de notre assemblée sur des sujets particulièrement importants dans notre pays.

En premier lieu, sur la question, à vrai dire cornélienne, de la séparation entre RFF et la SNCF, je vous propose de retenir un système intégré, dès lors qu’il assure strictement l’égalité d’accès au réseau, et de veiller à ce que la législation européenne aménage loyalement cette possibilité.

Ensuite, il serait opportun de suggérer que le renforcement des missions de l’Agence ferroviaire européenne de Valencienne, à laquelle le paquet propose de confier la certification de l’ensemble des matériels, n’aboutisse pas à noyer cet organe sous un flux de procédures bureaucratiques et tatillonnes. Une solution serait de lui donner plutôt un rôle de contrôle et d’appel.

Concernant les subventions aux transports, nous demandons que soit maintenue l’exemption de notification préalable à la Commission européenne, au titre des aides d’État, des subventions d’équilibre fournies par de très nombreuses collectivités territoriales.

Nous proposons aussi, par souci d’équilibre et de symétrie, que les transports de tramway soient ouverts à la concurrence, comme le seront les transports ferroviaires régionaux, car un régime différent selon les deux activités maintient des inégalités peu justifiables entre les États membres, l’Allemagne par exemple demeurant fermée à la concurrence sur les transports urbains.

La résolution qui vous est soumise se félicite enfin des progrès proposés dans l’interopérabilité, bien qu’il faille avoir conscience que le paquet implique des coûts de convergence des matériels qui seront sans doute très lourds.

Pour l’avenir, je vous propose que l’on demande à la Commission européenne de veiller à ce que l’on se prémunisse à temps du dumping social féroce qui s’est introduit dans ce secteur, qui demeure une véritable jungle s’agissant des droits sociaux, je pense en particulier aux conditions de travail et de rémunération des personnels conducteurs et de bord.

Enfin, la résolution plaide pour le renforcement de la transparence sur les travaux des agences, qui jouent un rôle très important dans l’exécution des textes européens dans des conditions parfois opaques. Nous pourrions d’ailleurs y contribuer, par exemple en auditionnant régulièrement les directeurs de ces agences.

La Présidente Danielle Auroi : Je tiens à remercier une nouvelle fois le rapporteur pour l’exceptionnel qualité de son travail.

La Commission a adopté à l’unanimité la proposition de résolution.

La séance est levée à 18 h 40

Membres présents ou excusés

Commission des affaires européennes

Réunion du mercredi 3 avril 2013 à 16 h 30

Présents. – Mme Danielle Auroi, M. Jean-Luc Bleunven, M. Bernard Deflesselles, M. William Dumas, M. Jérôme Lambert, Mme Axelle Lemaire, M. Rudy Salles, M. Gilles Savary

Excusé. - M. Jean-Claude Mignon

Assistaient également à la réunion. - M. Guillaume Bachelay, M. Serge Bardy, M. Denis Baupin, M. Philippe Bies, M. Jean-Louis Bricout, M. Vincent Burroni, M. Yann Capet, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, Mme Fanny Dombre Coste, Mme Françoise Dubois, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, Mme Geneviève Gaillard, M. Alain Gest, M. Jacques Kossowski, M. Jacques Krabal, M. François-Michel Lambert, M. Bertrand Pancher, M. Rémi Pauvros, M. Philippe Plisson, M. Gilbert Sauvan, M. Jean-Marie Sermier, Mme Suzanne Tallard, M. François Vannson, M. Jean-Pierre Vigier