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Commission des affaires européennes

mercredi 17 avril 2013

17 h 15

Compte rendu n° 57

Présidence de Mme Danielle Auroi Présidente

I. Audition de M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé des affaires européennes

II. Examen de la proposition de résolution européenne sur le respect de la chaîne alimentaire présentée par M. François Brottes, Mme Brigitte Allain, MM. André Chassaigne, Joël Giraud, Germinal Peiro et Franck Reynier (no 817) 

III. Examen de la proposition de résolution européenne tendant à la création d’un droit européen pour le consommateur à la maîtrise et à la parfaite connaissance de son alimentation présentée par M. Jean-Louis Borloo et les membres du groupe UDI (no 769).

IV. Nomination de rapporteurs d’information

I. Audition de M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé des affaires européennes 2

II. Examen de la proposition de résolution européenne sur le respect de la chaîne alimentaire présentée par M. François Brottes, Mme Brigitte Allain, MM. André Chassaigne, Joël Giraud, Germinal Peiro et Franck Reynier (no 817) 13

III. Examen de la proposition de résolution européenne tendant à la création d’un droit européen pour le consommateur à la maîtrise et à la parfaite connaissance de son alimentation présentée par M. Jean-Louis Borloo et les membres du groupe UDI (no 769). 20

IV. Nomination de rapporteurs d’information 24

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mercredi 17 avril 2013 à 17 h 15

Présidence de Mme Danielle Auroi

La séance est ouverte à 17 h 20

I. Audition de M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé des affaires européennes

La Présidente Danielle Auroi. Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous dire combien nous sommes heureux de vous recevoir à la commission des affaires européennes. Votre fonction fait de vous notre interlocuteur permanent et privilégié. Votre expérience, tant parlementaire que ministérielle, vous dispose à nous écouter ; sachez que, en retour, notre commission fera tout ce qu’elle peut pour vous apporter son concours et son éclairage.

L’actualité européenne est, comme toujours, brûlante. D’abord, dans le domaine économique et financier, le dernier conseil Écofin, qui s’est tenu vendredi dernier, a dû faire avancer le projet d’union bancaire, et nous souhaiterions être informés de ses progrès et des questions, notamment institutionnelles, qu’il soulève.

Nous souhaiterions en parallèle savoir où en sont de leur plan de redressement les États en grande difficulté que sont la Grèce, l’Irlande et le Portugal. La situation intérieure de ces pays est en effet de plus en plus dégradée. Ainsi, en Grèce, où non seulement la grande misère progresse, des abus policiers choquants ainsi que la montée d’Aube dorée, sont des causes de préoccupation. Quelle est la perspective d’avenir pour ces pays ? Quelle sortie de crise envisager ? Vous ne pourrez peut-être pas nous apporter des réponses dans l’immédiat, monsieur le ministre, mais nous aurons tout de même à dialoguer sur la situation de ces États.

Le Conseil du 22 mai doit traiter prioritairement des deux sujets essentiels que sont la lutte contre l’évasion fiscale et la politique énergétique. Que pouvez-vous nous dire sur les travaux préparatoires ? S’agissant de l’évasion fiscale, nous avons noté l’évolution positive de la position du Luxembourg ainsi que les réticences réaffirmées de l’Autriche à abandonner le secret bancaire. Sur ce sujet sensible, il semble enfin possible d’avancer au niveau de l’Union. Pouvez-vous faire un point sur les positions actuelles de nos partenaires européens ? Je me permets de rappeler que, parmi les grands paradis fiscaux, il en est un qui a pour nom la City et dont on ne parle pas souvent.

En matière fiscale, comment le Gouvernement entend-il faire progresser la question centrale de l’harmonisation ? En particulier, que ressort-il des discussions sur le sujet avec nos partenaires allemands ?

Du point de vue budgétaire, comment voyez-vous la suite des discussions avec le Parlement européen sur la question du cadre financier pluriannuel ?

Outre ces nombreux sujets d’actualité, j’évoquerai rapidement un thème à plus long terme, tout aussi crucial, qui est la relance de la construction européenne. Si l’Europe est trop souvent désignée comme un bouc émissaire commode, elle n’en est pas moins en effet en panne de sens, voire de légitimité. L’Union manque avant tout d’une nouvelle ambition politique, d’un grand projet. Alors qu’approchent les prochaines élections européennes, avez-vous commencé à dialoguer avec vos collègues sur ces échéances et sur l’ambition qui pourrait les sous-tendre ? Nous avons récemment auditionné Serge Guillon, secrétaire général aux affaires européennes, qui a souligné fortement la nécessité de redonner du souffle à une vision stratégique de l’Europe, nourrie de volonté, de solidarité et de légitimité, pour ne pas se laisser étouffer par les exigences du court terme. Vous qui vous trouvez dans la situation, privilégiée mais difficile, à la fois du pompier et de l’architecte, je suppose que vous avez une vision sur ces sujets. Le rôle d’architecte semble un peu délaissé. Qu’en pensez-vous, monsieur le ministre ?

Je terminerai en citant Jacques Delors, que nous avons auditionné également il y a quelques mois, s’agissant de la question fondamentale de la souveraineté et de la souveraineté partagée : « la France doit en finir avec son credo nominaliste, “ pas de transfert de souveraineté ” et se rendre compte que des transferts implicites ont eu lieu qui lui ôtent une partie de son pouvoir. Des transferts explicites de souveraineté, et donc davantage de souveraineté partagée, permettraient d’avoir une Europe qui marche mieux. »

M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé des affaires européennes. Merci, madame la présidente, pour cette première invitation à échanger au sein de votre commission, même si j’ai déjà eu l’occasion de débattre avec vous par deux fois dans l’hémicycle. Je suis également ravi d’être devant vous au lendemain de mon déplacement à Strasbourg.

Le contexte de crise à l’échelle de l’Union va sans doute me faire apparaître plus souvent comme pompier, au moins dans l’immédiat, mais un pompier-architecte œuvrant à une réorientation de la construction européenne, comme le faisait avant lui son prédécesseur, suivant en cela le cap fixé par le Président de la République. L’Union traverse une crise économique difficile qui a des conséquences majeures sur la vie de nos concitoyens, notamment à travers le chômage, mais qui se traduit aussi par la montée de mouvements populistes d’expressions différentes : élection de Bepe Grillo non loin de chez nous, émergence du parti des vrais Finlandais en Finlande, vote de lois constitutionnelles peu conformes à l’esprit des traités de l’Union en Hongrie, chefs de gouvernement menaçant d’en appeler au référendum populaire pour décider si leur pays doit rester ou non dans l’Union. Je ne les citerai pas, mais nombreux aussi sont les responsables politiques français qui ont récemment tenus sur l’Europe des propos tendant à en faire le bouc émissaire des difficultés nationales. À un an des élections, les partis démocrates doivent prendre garde à ne pas contribuer avec leurs propres arguments à cette stratégie de délitement du lien d’Europe : ils en seront les grands perdants.

Nous voulons réorienter la construction européenne pour retrouver du sens, pour dire clairement que nous refusons l’austérité comme seul horizon des peuples européens, pour remettre la croissance et l’emploi au cœur de l’action de l’Europe, pour poursuivre la régulation de la finance. C’est un triptyque croissance-responsabilité-régulation de la finance qui doit être le principe directeur de la construction de l’Europe de demain.

La responsabilité budgétaire est nécessaire d’abord à l’échelon national, pas forcément vis-à-vis de l’Europe. Je dis cela pour couper court à l’idée qui s’installe dans notre pays laissant à penser qu’une bonne gestion budgétaire serait imposée par une décision européenne. Or la bonne gestion budgétaire est une nécessité y compris à l’égard du marché monétaire car, si d’aventure notre déficit se creusait dans des proportions inacceptables, nous aurions à en payer le prix sur la scène nationale, indépendamment des objectifs que nous demande l’Union européenne. Aujourd’hui, un point d’augmentation du taux auquel nous empruntons, qui peut résulter de l’inquiétude des agences de notation et des marchés financiers face à l’aggravation du déficit budgétaire, c’est 2 milliards d’euros cash sur une année pour un emprunt à court terme et 7 milliards sur les emprunts sur six ans.

La nécessaire responsabilité budgétaire doit être associée à un message sur la croissance et l’emploi. Au cours des dix derniers mois, vous avez débattu de mesures qui ont été prises, comme les 120 milliards d’euros du pacte de croissance actés en juin 2012. D’autres vont suivre avec les nouvelles propositions de la Commission au Parlement européen liées au cadre financier pluriannuel 2014-2020, comme la création d’une ligne de 6 milliards d’euros consacrés à la formation des jeunes dans les régions où le taux de chômage des jeunes est important, ou encore la mise en place de la taxe sur les transactions financières pour donner demain de nouvelles ressources propres à toute l’Europe ou à la seule zone euro. On voit bien ainsi qu’une gestion rigoureuse de notre budget n’entraîne pas, à l’échelle de l’Union européenne, la privation d’outils nouveaux de nature à nous conduire vers la croissance et vers l’emploi.

Bien sûr, nos perspectives budgétaires nationales peuvent se révéler plus difficiles que prévu : la croissance qui n’est pas au rendez-vous, au dernier semestre 2012, dans l’ensemble des pays de l’Union européenne, c’est moins de recettes pour notre pays ; une intervention militaire que nous n’avions pas anticipée, c’est aussi de la dépense publique dont on doit tenir compte ; la proposition de la Commission pour le cadre financier pluriannuel, qui pourrait se traduire par une dépense sur la période 2014-2020 en augmentation d’environ 50 milliards d’euros par rapport à la période 2007-2013, a aussi des répercussions sur la gestion du budget en France. Cette proposition aurait ceci de bon qu’elle permettrait de conforter les politiques structurelles, de créer de l’emploi à travers le lancement de grands chantiers. Or le Parlement européen pose des préalables à son adoption. Souhaitant s’assurer que ce qui est acté dans le budget est bien consommé, celui-ci réclame une clause de revoyure à mi-chemin en vue de réorienter les crédits non consommés. Une deuxième condition est l’introduction de flexibilité, d’une part, entre les rubriques, d’autre part, d’une année à l’autre, là aussi pour s’assurer que les budgets sont bien consommés. Sur ces deux premiers points, la France s’est déclarée ouverte au dialogue avec le Parlement.

Sur un troisième point concernant la possibilité pour l’Europe d’avoir un jour des ressources propres dans le budget, l’ouverture n’est pas totale. D’une part, cela ne pourrait pas se faire avant l’adoption du budget en juin ou juillet prochain. D’autre part, la discussion sur l’affectation par exemple d’une partie de la taxe sur les transactions financières ne pourrait se dérouler aujourd’hui qu’à traité de fonctionnement de l’Union européenne constant. Toutefois, la vraie difficulté n’est pas là, elle est sur le budget rectificatif dont on attend qu’il solde les factures du passé pour ne pas obérer l’enveloppe 2014-2020. La Commission estime à 11,2 milliards d’euros le versement supplémentaire que les pays de l’Union européenne devraient effectuer pour payer des dépenses du FSE ou du FEDER. Cet argent n’est pas inventé, il faut le sortir de nos caisses. Pour notre pays, c’est une dépense budgétaire supplémentaire de 1,8 milliard d’euros qui n’avait pas été intégrée dans le calcul de l’objectif des 3 % de déficit fixé par l’Union européenne. La France n’a pas opposé un refus catégorique mais a demandé, en contrepartie, que la Commission tienne compte de cet élément nouveau et accepte de repousser l’objectif de 3 % à 2014. Cette demande a reçu un accueil plutôt positif, en raison des réformes structurelles engagées par la France au cours des deux dernières années, qui la placent sur une bonne trajectoire. Cela dit, tous les membres de l’Union européenne n’ont pas la même position, notamment des petits pays dont la contribution serait pourtant bien moindre que celle de la France, de l’ordre de 200 à 300 millions d’euros.

L’union économique et monétaire doit constituer la suite des avancées qui ont été actées au cours des derniers mois dans l’établissement d’une véritable union bancaire de la zone euro. L’expérience chypriote a montré combien ces avancées étaient nécessaires et positives : elles ont quand même permis de répondre à une crise majeure d’un pays, ce que l’on a, me semble-t-il, un peu rapidement gommé. La vision négative qu’ont contribué à en donner les communications sur le sujet est tout à fait regrettable. Maintenant, il faut avancer sur la question de savoir si cette crise aurait pu être évitée grâce à certains mécanismes de prévention. Dès lors qu’on reconnaît à la Banque centrale européenne la capacité d’accompagner les États, on voit bien qu’il faut pousser au-delà pour accompagner désormais directement les banques afin d’éviter d’aggraver la qualité de la dette souveraine des États. La France défend l’accord de recapitalisation directe des banques vers lequel on s’achemine. Il se trouve que le COREPER se réunit aujourd’hui pour s’accorder sur les modalités de la supervision bancaire. Il faut toujours avoir dans le viseur qu’une avancée sur les outils économiques doit s’accompagner d’une avancée politique perceptible par les concitoyens européens. En même temps qu’on progresse dans la sécurisation des banques, il faut trouver des solutions pour sécuriser leurs clients que sont les épargnants, mettre en place des mécanismes qui protègent l’épargne et des mécanismes qui dissuadent la spéculation, et s’assurer finalement, à travers la supervision bancaire, que l’argent est effectivement utilisé pour l’économie réelle et non plus pour la spéculation financière. Ce sont des chantiers aujourd’hui en cours.

Plusieurs de mes déplacements, dont l’un de deux jours au Parlement européen, m’ont fourni l’occasion de m’entretenir de lutte contre la fraude et l’évasion fiscale. À toute chose malheur est bon, les efforts engagés depuis le mois de novembre au sein du Conseil, à l’initiative de la France, et visant à mettre en place des mécanismes de transparence, sans barrière, entre les membres de l’Union, vont sans doute connaître un aboutissement que seule peut déclencher la prise de conscience que cela suffisait, qu’on était arrivé au bout de l’acceptable : dans notre propre périmètre de l’Union européenne, nous n’arrivions pas à obtenir la transparence des comptes alors même que certains membres de l’Union, qui, aujourd’hui encore, sont des paradis fiscaux, acceptaient d’avoir cette transparence vis-à-vis d’États tiers, notamment les États-Unis. Sous la pression, le Luxembourg et l’Autriche, pays petits par la taille et la population mais importants par leur réseau bancaire, ont concédé des ouvertures. Les arguments se font très pressants pour qu’ils aillent jusqu’au bout. Au plus haut niveau des États et de la Commission, on a bon espoir, même si l’un des deux pays indique qu’il se décidera définitivement après l’été, à l’issue d’une échéance électorale.

M. Joaquim Pueyo. Dans le prolongement direct des conclusions du dernier Conseil européen de décembre 2012 affirmant la volonté d’associer étroitement les États membres aux travaux préparatoires du Conseil de décembre 2013 qui sera essentiellement dédié à l’Europe de la défense, notre commission a élaboré une proposition de résolution européenne sur la relance de l’Europe de la défense, dont je suis co-rapporteur. Cette résolution traite de trois objectifs : augmenter l’efficacité, la visibilité et l’impact de la politique de sécurité et de défense commune ; renforcer le développement des capacités en matière de défense ; renforcer l’industrie européenne de la défense. Avez-vous déjà établi des relations avec les autres ministres européens sur cette question ? Comptez-vous prendre des initiatives fortes pour préparer le prochain Conseil européen ? Alors que les élections de 2014 s’annoncent difficiles, je suis convaincu que développer l’Europe de la défense contribuera à propager une idée positive de l’Europe auprès de nos concitoyens.

M. William Dumas. En matière de protection des consommateurs, où en est l’étiquetage des produits provenant des colonies israéliennes, que certains pays ont déjà mis en place ?

Dans une décision du 14 mars 2013, la Cour de justice de l’Union européenne a conclu à l’illégalité de la transparence des groupements agricoles d’exploitation en commun (GAEC). Pourtant, depuis 1992, cette exception française était reconnue dans la pratique par la Commission européenne. Cette décision ne risque-t-elle pas de provoquer des contentieux qui viseraient directement la France et les GAEC, ceux-ci ne faisant l’objet d’aucun texte communautaire ?

Le 20 mars derniers, les membres de la commission environnement ont soutenu, à une majorité écrasante de cinquante-huit voix contre une, la proposition de la Commission européenne sur la pêche en eaux profondes. Comment allez-vous réagir ?

Mme Estelle Grelier. Je suis d’accord avec l’analyse selon laquelle les partis démocratiques doivent se méfier de la manière dont eux-mêmes parlent de l’Europe, mais cela ne doit pas nous empêcher de regarder les choses en face.

Le cadre financier pluriannuel constitue déjà en soi un vrai sujet. D’abord, il est décidé aujourd’hui pour une échéance en 2020. Quiconque s’est déjà présenté à une élection sait que monter un projet sans avoir la main sur son budget pose problème du point de vue démocratique. La clause de révision à mi-parcours me semble trop éloignée. D’ailleurs, plusieurs eurodéputés demandent que cette clause de révision soit ramenée au début de l’année 2015 afin d’avoir une meilleure lisibilité. Pour avoir été membre, pendant quelques années, de la commission des budgets du Parlement européen, je sais que celui-ci tape régulièrement à côté de ses compétences. Fidèle à son habitude, il n’a accepté d’adopter le CFP qu’à condition d’introduire de la flexibilité à l’intérieur des plafonds et entre les années et que soit mis en place un système de ressources propres, alors que, en matière de recettes, le Parlement n’est consulté que pour avis conforme. Le vrai sujet du Parlement européen, c’est la liquidation du budget 2013. En la matière, quelle est la position de la France ? Les Allemands seraient prêts, dit-on, à alimenter le budget 2013 mais ne lâcheraient rien, en contrepartie, sur le cadre financier pluriannuel 2014-2020. J’ai bien compris la contraction des finances publiques. En même temps, pour être rapporteure du prélèvement sur recettes, je sais que celui-ci ne fait absolument aucun débat à l’Assemblée nationale et qu’il pourrait en être de même pour son augmentation.

On a beau tourner les chiffres dans tous les sens, sur le CFP, je suis autant en désaccord avec vous que je l’étais avec votre prédécesseur : les budgets sont en baisse et le plan de croissance annoncé n’y est pas, sauf à être financé par redéploiements. Comment retrouvez-vous les 120 milliards du Pacte pour la croissance sur ces budgets, même sachant qu’une partie sera financée par la BEI ?

La supervision bancaire est un vrai sujet de désaccord avec les Allemands. Nous ne nous entendons déjà pas sur ce que recouvre l’Europe politique. Pour les Allemands, c’est une Europe institutionnelle ; pour nous, c’est une Europe de projets. Wolfgang Schäuble vient d’enfoncer un coin dans la porte franco-allemande qui ne semble pas très bien fonctionner. Alors que le Président de la République avait obtenu la supervision bancaire sans révision des traités, le porte-parole de M. Schäuble a déclaré aujourd’hui y être très favorable pour peu qu’on révise le traité de Lisbonne. Pardon pour ces propos politiquement incorrects mais, si ce n’est pas se moquer du monde, ça y ressemble ! Je suis très inquiète sur cette question.

S’agissant de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les États-Unis, j’aimerais qu’on nous dise une fois pour toutes quelle est la position adoptée par le Gouvernement français. Les ministres consultent beaucoup, nous sommes quelques-uns ici à avoir rencontré Nicole Bricq. Nous avons cru comprendre que, sous réserve de quelques aménagements concernant l’exception culturelle, un ralliement au mandat de négociation De Gucht ne serait pas exclu, en dépit des problèmes qu’il nous poserait en matière de marchés agricoles, industriels et financiers. Je voudrais qu’on nous dise clairement quelle est la position de la France.

Notre pays est-il favorable à un budget propre de la zone euro ? Si oui, quelles seraient les modalités de son contrôle démocratique ? Est-ce l’Europe des cercles qui se mettrait ainsi en place, signifiant l’échec des élargissements ?

Le règlement sur la pêche en eaux profondes concerne plusieurs ports de pêche français. Même si celui de ma circonscription n’est pas touché, nous sommes solidaires. Je souhaite vous alerter, monsieur le ministre, sur la commissaire Damanaki qui est réputée pour se montrer très accessible vis-à-vis d’organisations non gouvernementales très connues pour leur financement obscur, comme Pew, et assez peu ouverte à la discussion avec les pêcheurs. Peut-être pourriez-vous glisser à l’oreille de Mme Damanaki, qui y sera forcément sensible, que la moindre des démocraties serait d’ouvrir la porte de son bureau autant aux acteurs directement concernés qu’à leurs détracteurs.

Je vous souhaite bon courage pour traiter ces sujets européens passionnants, différents de ceux qui nous occupaient dans le cadre de l’Association des communautés de France au sein de laquelle nous avons œuvré ensemble. Je suis ravie que nous nous retrouvions sur un de nos thèmes favoris.

M. Arnaud Richard. Je m’associe à Estelle Grelier pour saluer l’arrivée de Thierry Repentin à ces responsabilités importantes. À la veille des élections européennes, comment, en pratique, le ministre des affaires européennes peut-il contrer le populisme ambiant qui s’installe dans la plupart des États membres, en particulier en France, alors que beaucoup de nos compatriotes considèrent l’Europe comme le bouc émissaire de nos difficultés ?

Avec mon collègue Razzy Hammadi, nous effectuons un travail sur le pacte pour la croissance et l’emploi, au sujet duquel nous aimerions avoir votre avis ainsi que sur sa mise en œuvre opérationnelle. Comment percevez-vous la consommation des queues de crédits, en particulier sur les fonds de cohésion, qui est un des trois enjeux de ce pacte de croissance ?

Sur un autre sujet qui n’a rien à voir et sur lequel j’ai toujours soutenu Emmanuel Valls, comment percevez-vous l’accord politique relatif aux conditions nationales d’accueil des demandeurs d’asile et sa mise en œuvre ?

À la suite de votre audition, nous examinerons une proposition de résolution européenne sur les farines animales. En juillet dernier, la France s’est opposée à la décision du Comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale. À votre avis, comment ce sujet va-t-il évoluer dans les mois à venir ?

Je ne reviens pas sur la question du budget, à propos de laquelle je partage la plupart des observations faites. Sauf erreur de ma part, les contributions au budget européen de la France et de l’Italie sont proportionnellement supérieures à celle de l’Allemagne du fait des différents rabais. Est-il concevable de continuer comme cela ?

À propos de l’Allemagne, quel regard portez-vous sur le couple franco-allemand et sur les rapports entre ces deux pays ?

La Présidente Danielle Auroi. Votre coupe n’étant pas tout à fait pleine, monsieur le ministre, je souhaite compléter l’interrogation d’Estelle Grelier sur la forme que pourrait prendre le contrôle démocratique d’une ressource propre de l’Union européenne, dont la taxe sur les transactions financières pourrait constituer une première étape. Nous sommes quelques-uns à nous référer à l’article 13 du TSCG relatif à l’institution d’une conférence budgétaire réunissant les parlementaires nationaux et européens pour obtenir, d’une part, plus de dialogue entre parlementaires sur le semestre européen, d’autre part, une attribution claire de la TTF, à laquelle on veut faire jouer beaucoup de rôles malgré sa taille encore modeste. J’ai connu le Parlement européen alors qu’on y bataillait pour dédier la taxe Tobin à l’aide au développement. Aujourd’hui, compte tenu de l’urgence dans l’Union européenne, on a l’impression que la taxe sur les transactions financières sera plutôt consacrée à des aides aux États. Ne faudrait-il pas garantir un minimum à l’aide au développement pour ne pas avoir l’air de dire encore aux pays du Sud : « Restez à la porte, pendant qu’on essaie de sauver les meubles » ?

En dehors de la taxe sur les transactions financières, envisage-t-on de réfléchir, comme va le faire notre commission, à d’autres formes de budget spécifique, en particulier au rôle que pourrait avoir une contribution écologique, dite taxe carbone, qui nous paraîtrait avoir plus de sens aux frontières de l’Union européenne qu’aux frontières de quelques États ou d’un seul ?

M. Thierry Repentin. Je mesure à l’étendue de vos questions l’immensité du travail qui est devant moi !

Je n’ai pas assisté à la réunion informelle de l’Écofin, mais je souhaite relativiser la portée de l’annonce qui a été faite sur la prétendue nécessité de réviser les traités pour pérenniser l’Union bancaire . Cette déclaration, le représentant allemand en a pris l’initiative. Je réaffirme ici que nous tenons au respect du calendrier de l’union bancaire tel qu’il a été convenu lors du Conseil européen de décembre dernier, dans le cadre duquel l’accord sur la supervision bancaire constituait une étape importante vers la recapitalisation des banques. Pour aller plus loin, comme nous le souhaitons, le ministre allemand a indiqué qu’une révision des traités lui semblait nécessaire, pour bien marquer, finalement, la différence entre les activités monétaires de la banque et la supervision bancaire. À leur niveau, les ministres des finances ont dit qu’ils y étaient prêts lorsque le moment sera venu. Nous verrons si cette révision interviendra dans les prochaines années ; pour le moment, aucun terme n’a été fixé. Vous connaissez mieux que moi le fonctionnement des institutions européennes, l’importance des calendriers électoraux et leur répercussion sur l’ouverture ou non de certains débats. Je ne crois pas qu’on puisse envisager une révision des traités avant 2017. Il n’y a donc pas urgence. Si la France n’a jamais fait de cette discussion un tabou, dans l’immédiat, elle préfère chercher des solutions dans le cadre des traités actuels. Sans doute offrent-ils aujourd’hui une marge suffisante pour ne pas avoir à ouvrir une révision des traités. En tout cas, ce n’est pas une précondition à l’adoption des textes relatifs à la supervision bancaire. D’ailleurs, l’Écofin informel a rappelé l’urgence à traiter ce dossier, le mot même d’urgence étant incompatible avec l’idée de révision.

S’agissant de l’accord entre Union européenne et États-Unis, le mandat De Gucht fait aujourd’hui l’objet d’une expertise. Avant de devenir définitif, il est soumis à l’analyse des différents États et à discussion. Comme une grande majorité des pays, la France penche pour prendre le temps nécessaire à la finalisation du projet. C’est que nous sommes moins pressés que l’actuelle Commission qui désire mettre à son actif un accord commercial avant le terme de son mandat. Si le dossier peut être ouvert sous l’actuelle Commission, il peut très bien se conclure sous la prochaine, à l’issue d’une échéance démocratique dans le cadre de laquelle les concitoyens européens seront appelés à voter pour des orientations. La France s’est déclarée ouverte, car nous y avons sans doute intérêt si les choses sont bien bordées. En particulier, certains points incontournables sont des préalables à discuter qui ne devront pas figurer dans le mandat.

Ce qui fait la spécificité française est l’exception culturelle. Toutefois, la France ne doit pas être la seule à demander que l’aspect culturel soit sorti du mandat. À l’heure où nous parlons, plusieurs pays ont déjà rallié la position française, par exemple la Pologne. Le Président slovène, que j’ai rencontré à midi, m’a assuré également de son soutien. Le ministre allemand de la culture, à défaut du Gouvernement, a soutenu aussi la position d’Aurélie Filippetti en signant un courrier adressé au président de la Commission. D’autres pays sont sur le point de nous rejoindre, comme l’Italie et la Roumanie. Nous sommes plutôt bien partis pour obtenir cette exclusion. D’ailleurs, dans un précédent dossier de même nature entre l’Europe et le Canada où l’exception culturelle n’était pas sortie initialement, nous avons obtenu qu’elle le soit.

La Défense, à propos de laquelle M. Pueyo a exprimé sa préoccupation, constitue le deuxième point indiscutable. Partout où je vais, je relaie la position ferme de Jean-Yves Le Drian : pas d’ouverture des marchés publics de la Défense. Cela a toujours été le cas et nous souhaitons que les acquis ne soient pas remis en cause.

Le troisième point concerne tout ce qui reviendrait à mettre en cause des choix culturels très forts, des choix de protection des consommateurs et d’une qualité de l’agriculture et de ses produits dérivés. Mon collègue et ami Stéphane Le Foll est en première ligne sur ce dossier. Nous nous sommes vus ce matin. Il estime qu’on peut ouvrir la discussion dès lors que cette demande française est admise comme ligne rouge au mandat de négociation. Sur ce sujet de l’agriculture, ce sont les normes qui constituent les vraies difficultés.

En résumé, oui à la discussion sous réserve de l’exclusion de l’accord de libre-échange de ces trois points sensibles.

En venant ici, je découvre certains sujets et la pêche en eaux profondes est de ceux-là. Je suis désolé de ne pouvoir vous répondre précisément après seulement trois semaines dans mes fonctions. Je puis vous assurer que, d’ici peu, vous ne me prendrez plus en défaut. Ce que je peux vous dire, c’est que, l’été dernier, la Commission a fait une proposition à laquelle la France était opposée ainsi que, dans une moindre mesure, l’Espagne. Le vote de la commission environnement sur ce sujet n’est pas représentatif du vote du Parlement européen. Il y a donc matière à discussion. Le vote de la commission de la pêche, comme les discussions du Conseil, devraient permettre un compromis final plus équilibré. Les discussions se poursuivent.

Le Portugal, l’Irlande et la Grèce connaissent toujours des difficultés mais il y a des avancées positives. En Grèce, les réformes sont à l’œuvre et les messages de la troïka sont plutôt positifs. Aujourd’hui, la Grèce peut de nouveau toucher des aides financières pour accompagner les réformes. Le risque que ce pays faisait courir à la zone euro est aujourd’hui bien écarté. L’Irlande a fait énormément d’efforts depuis le plan d’aide de 85 milliards d’euros de 2010, au titre duquel l’Europe a apporté 67 milliards. Elle commence peu à peu à retrouver de la visibilité sur les marchés financiers puisqu’elle a réussi à lever un emprunt de 5 milliards d’euros, il y a une dizaine de jours. C’est un signe que les marchés financiers la considèrent sur la bonne trajectoire. Lors de l’informel Écofin du 5 avril, un accord est intervenu pour étaler le remboursement des prêts contractés par le Portugal et l’Irlande. Il reste que ces pays ont besoin de retrouver également le chemin de la croissance, et l’Union européenne doit mobiliser tous les instruments politiques à cette fin.

À propos de croissance, précisément, sur les 120 milliards d’euros du pacte de croissance européen, la France recevra une part à due proportion de ce qu’elle représente. Sur cette question, un très bon rapport à mi-parcours a été rédigé par M. Razzi Hammadi, et la Commission elle-même devrait faire un rapport pour le mois de juin prochain. La France devrait récupérer quelque 2,1 milliards d’euros en fonds structurels. C’est grâce à de tels fonds qu’Alain Clayes a pu lancer l’aménagement à Poitiers du viaduc des Rocs, que j’ai visité la semaine dernière, et qui permettra de mettre en place un service de bus de haut niveau pour traverser la ville. Ce projet est l’un des tout premiers qui ait été financé sur cette enveloppe de 2,1 milliards. Un part très importante des 120 milliards d’euros sera assurée par la BEI, qui mobilisera ses moyens pour accompagner des projets publics, des collectivités locales, mais aussi, ce qui n’était pas possible par le passé, des investissements dans les hôpitaux et les universités. C’est dans le cadre du pacte de croissance qu’il a été décidé d’ouvrir les financements de la BEI aux hôpitaux et aux universités, ce que beaucoup d’élus ignorent encore. Pour notre pays, l’intervention de la BEI n’est pas neutre. Sa recapitalisation à hauteur de 10 milliards d’euros va lui permettre d’en prêter 60, sur lesquels la France pourrait bénéficier de 7 milliards de droits de tirage en 2013, 7 milliards en 2014 et 7 milliards en 2015.

Force est de constater que la mise en place a pris beaucoup de temps. Le vice-président de la BEI, que j’ai rencontré la semaine dernière, m’a expliqué qu’il a fallu attendre la modification des règlements puis, pour la recapitalisation, appeler la contribution des États jusqu’à atteindre les 10 milliards. La France a payé son 1,6 milliard il y a trois semaines. Aujourd’hui, la BEI est en capacité de prêter. Nous lui avons transmis des projets qui ont été repérés par les secrétariats généraux pour les affaires régionales (SGAR) notamment. Je trouve que les choses ne vont pas suffisamment vite. Si vous-mêmes avez la possibilité de motiver les services de la DATAR et des SGAR, n’hésitez pas à le faire.

Une petite ligne plus modeste de project bonds peut également bénéficier à la France. Quatre projets nous semblent pouvoir être soutenus via ces project bonds : deux programmes autoroutiers et deux programmes d’irrigation de territoire en réseaux d’information et de communication.

Un mot sur l’harmonisation fiscale, qui recouvre beaucoup de réalités. La TTF est une harmonisation fiscale en ce qu’elle implique le rapprochement des législations de onze États membres. Au cours des quelques pérégrinations que j’ai déjà pu effectuer dans différents États de l’Union, beaucoup des pays qui n’ont pas adhéré spontanément à l’idée de la TTF m’ont fait comprendre qu’ils souhaitaient ne pas être tenus éloignés des discussions de sa mise en place pour le jour où l’état de leur opinion publique ou du lobbying permettrait d’aborder le sujet.

L’harmonisation fiscale concerne aussi l’assiette de l’impôt sur les sociétés. Elle est en cours : peu à peu, sous l’impulsion de la Commission, s’opère un rapprochement des taux ; à Chypre, le processus a été engagé à l’occasion de la crise ; un travail franco-allemand sur le sujet avance bien. La fiscalité de l’énergie fait également l’objet d’une réflexion, dans laquelle nous exigeons que soit prise en considération la taxation de CO2. À ce sujet, je regrette que le texte de backloading tendant à conforter le prix de la tonne de CO2 ait été repoussé, hier, par le Parlement européen, à une faible majorité. Ce texte a pâti d’une conjonction des contraires, une partie des eurodéputés considérant qu’on n’allait pas assez loin dans la fiscalité de l’écologie, une autre partie jugeant cette fiscalité trop lourde pour les entreprises. Il a également été prétexte à dépasser les logiques de partis, le sens national l’emportant sur le grand projet politique européen. Le pire a toutefois été évité puisque ce vote négatif n’est pas définitif : la Commission a été invitée à retravailler le texte pour le présenter à nouveau au Parlement. En ne rejetant pas complètement ce texte, les parlementaires ont fait preuve de maturité. De même, de nombreux chefs d’entreprises françaises m’ont dit souhaiter un prix de la tonne de CO2 suffisamment élevé pour créer une incitation à investir dans le développement durable et la protection de la planète. Or que s’est-il passé depuis hier ? Le marché a baissé. Alors qu’il n’était déjà pas élevé, il est aujourd’hui proche de zéro. Il faudra donc reparler de ce vrai sujet d’harmonisation fiscale sur lequel nous pourrions trouver un accord européen intéressant.

La politique de sécurité et de défense, pour laquelle nous souhaitons une approche ambitieuse sur trois volets, fera l’objet du Conseil de décembre 2013. Ce sommet sera l’occasion de revenir sur la question de l’état-major de l’Union européenne, qui est toujours sur la table, ainsi que de débattre sur les théâtres opérationnels. Au Mali notamment, il faut continuer à développer des opérations de formation pour que les Maliens puissent assurer complètement leur défense eux-mêmes. À ce sujet, les pays font preuve d’une réactivité assez positive en engageant, à due proportion de ce qu’ils représentent, quelques unités ou quelques centaines d’hommes. Nombreux sont les États membres de l’Union européenne à soutenir l’opération de sécurisation conduite par la France, qui, au-delà de son intérêt pour le pays concerné, peut avoir des développements intéressants à l’échelle internationale. Par ailleurs, nous attendons une communication de la Commission sur la base industrielle technologique de défense, aussi répondrai-je plus précisément à M. Pueyo par courrier. Les ministres de la défense des Vingt-sept discuteront de ces sujets à l’occasion d’une conférence affaires étrangères-défense la semaine prochaine.

Voilà les quelques éléments que je souhaitais vous apporter, même si j’ai bien conscience que toutes vos questions n’ont pas trouvé de réponse très précise. En cas de trop grande frustration, n’hésitez pas à me réinviter rapidement.

La Présidente Danielle Auroi. Comptez sur nous, monsieur le ministre !

Permettez-moi de vous informer, s’agissant de l’accord entre l’Union européenne et les États-Unis, qu’un groupe de travail réunissant des représentants de quatre commissions – affaires européennes, affaires étrangères, économie et culture – est en train de se mettre en place pour que l’intégralité du champ soit traitée. Nous vous communiquerons ce travail transversal qui pourra vous fournir une information efficace. Il sera accompagné d’une proposition de résolution.

Une fois de plus, au nom de la commission, je vous remercie d’être venu nous donner des informations. Nous continuerons à vous questionner et, de votre côté, n’hésitez pas à nous solliciter, sur l’ensemble des sujets de notre compétence.

M. Thierry Repentin. Pour autant que mes missions à travers l’Europe m’en laissent le temps, je me tiendrai à la disposition de votre commission. Je sais l’importance que peut avoir, à l’approche des Conseils, le travail de proximité entre Parlement et Gouvernement, même si certains arbitrages de dernière minute entre pays rendent parfois l’exercice difficile. En tout cas, je vous assure de ma volonté d’être aussi réactif et pertinent qu’a pu l’être mon prédécesseur Bernard Cazeneuve, dont je compte bien qu’à la place qu’il occupe maintenant, il puisse toujours manifester, dans les arbitrages interministériels budgétaires, un intérêt pour la cause européenne.

II. Examen de la proposition de résolution européenne sur le respect de la chaîne alimentaire présentée par M. François Brottes, Mme Brigitte Allain, MM. André Chassaigne, Joël Giraud, Germinal Peiro et Franck Reynier (no 817) 

Mme Marietta Karamanli, rapporteur. Nous examinons la proposition de résolution européenne présentée par M. François Brottes et d’autres membres de la Commission des affaires économiques, sur le respect de la chaîne alimentaire. Elle fait suite à la décision de la Commission européenne d’autoriser, à compter du 1er juin 2013, les protéines animales transformées, c'est-à-dire les farines animales, dans l’alimentation des poissons d’élevage. Cette décision est intervenue concomitamment à la levée de l’obligation d’effectuer des tests de dépistage de l’encéphalite spongiforme bovine sur les animaux sains. Par ailleurs, même si les deux affaires n’ont aucun rapport, cette autorisation est intervenue alors que les fraudes à la viande de bœuf ont été révélées. Tous ces éléments ont été de nature à créer un climat de défiance des consommateurs à l’égard des filières agroalimentaires. Je vous rappelle que les farines animales sont obtenues à partir de sous-produits animaux. L’utilisation de ces farines pour la nourriture des bovins transformant de fait ces herbivores en carnivores, a eu une responsabilité avérée dans la crise de la vache folle. Ces farines ont été donc progressivement enlevées de l’alimentation des animaux d’élevage. La France a toujours montré la voie et elle a interdit les farines animales dès 1990 pour l’alimentation des ruminants. Des assouplissements sont depuis intervenus. Ainsi les farines de poissons sont autorisées pour l’alimentation des porcs, des volailles et des poissons.

Afin de résoudre le problème du déficit de l’Union européenne en protéines de plus en plus chères qui pèsent sur les coûts de production des filières animales et prenant argument du recul de la prévalence de la maladie, la Commission européenne, s’appuyant sur un rapport du Parlement européen, a défini une stratégie consistant à réintroduire ces farines animales chez les animaux d’élevage, excepté les ruminants, en appliquant le principe de l’interdiction du cannibalisme et sous certaines conditions. L’autorisation d’introduire les farines de volailles et de porcs dans l’alimentation des poissons d’élevage a été donnée en janvier dernier et fait suite au vote au sein du Comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale. La France a voté contre, comme l’Allemagne, mais n’a pu s’opposer à cette décision. Le règlement d’application directe s’impose à tous les Etats membres. Je rappelle que la France n'a pas voté contre cette décision pour des raisons ou doutes quelconques au plan sanitaire mais pour des raisons de perception du consommateur et d’image de la filière. En effet, les doutes évoqués par l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) en 2009 ont été depuis levés, par une validation du laboratoire de référence de l'Union européenne de nouvelles méthodes génétiques qui permettent de s'assurer de l'origine génétique des PAT. Il s’agit maintenant de s’opposer à ce que la Commission envisage pour l’avenir, c'est-à-dire à l’extension aux volailles et aux porcs des protéines de porcs et de volailles. L’ANSES a rendu en octobre 2011, un avis qui considère que toutes les conditions nécessaires à la réintroduction des farines animales en toute sécurité ne sont pas réunies. Elle note particulièrement le caractère incomplet de la spécialisation des filières par espèces, depuis la collecte des sous-produits animaux jusqu’à la livraison des aliments dans les exploitations. Le gouvernement français suit cette position et a indiqué qu’il continuera à s’opposer à la réintroduction des protéines animales transformées dans les autres filières.

Sur la question des poissons d’élevage, afin de répondre aux réticences de la société à l’égard de farines animales qui ont symbolisé les dérives d’un système, le gouvernement français propose un label « 100 % végétal et poisson » qui pourrait être de nature à garantir que le poisson élevé en France n’a pas été nourri avec des farines de porc ou de volaille. Evidemment , cela ne règlera qu’une partie du problème pour les consommateurs dans la mesure où la France importe 85 % de sa consommation de poissons. Pour répondre aux préoccupations de certains de nos collègues qui souhaitent l’institution d’un moratoire qui n’est juridiquement pas possible, je vous propose que soient poursuivies des études sur le sujet et vous propose l’amendement suivant :

« Demande que des études continuent d’être menées au plan national et européen en vue :

– d’évaluer les pratiques effectives de la filière de production des protéines animales transformées et graisses animales dans l’ensemble des pays européens ;

– d’engager une étude socio-économique complète en s’appuyant notamment sur le Conseil économique social et environnemental de l’Union européenne, afin d’évaluer les impacts économiques, sociaux et environnementaux de cette réintroduction pour les poissons d’élevage au regard de l’utilisation d’autres sources de protéines notamment végétales ;

– de prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger la santé des consommateurs et assurer la viabilité économique et environnementale de la filière des poissons d’élevage, au vu des résultats des études et évaluations ainsi menées ».

Les considérants devraient être, en conséquence, complétés par les dispositions suivantes : « Considérant que l’Union européenne affirme avoir choisi un niveau élevé de protection de la santé comme principe pour l'élaboration de la législation alimentaire et avoir la volonté d'assurer la confiance des consommateurs, des partenaires commerciaux et de l’ensemble des acteurs dans les processus de décision en matière de législation alimentaire, les fondements scientifiques de la législation alimentaire, ainsi que dans les structures et l'indépendance des institutions chargées de la protection de la santé et des autres intérêts,

Constatant que l’Union européenne a autorisé la réintroduction de protéines animales transformées pour l’alimentation de poissons destinés eux-mêmes à l’alimentation humaine malgré l’opposition du gouvernement français »

M. Arnaud Richard. Je ne reviendrai pas sur l’historique de la question des farines animales que chacun connaît bien. Notre position est à 80 % favorable à la proposition qui nous est soumise. Nous demeurons cependant profondément hostiles à l’introduction des farines animales dans l’alimentation du bétail, y compris pour les poissons d’élevage.

Compte tenu des grandes difficultés des éleveurs, il serait catastrophique d’autoriser, dès juin 2013, l’introduction des protéines animales pour les poissons d’élevage. Il me semble par conséquent indispensable de demander un moratoire, comme l’ont fait les sénateurs dans la proposition de résolution européenne qu’ils ont adoptée. Le Gouvernement ne doit donc pas renoncer à exiger la suspension de la décision européenne, et je ne comprendrais pas que notre commission ne soit pas unanime sur ce point fondamental.

La Présidente Danielle Auroi. J’ai l’impression désagréable de remonter le temps car cette question me rappelle des débats que j’ai vécus, il y a quelques temps déjà, au Parlement européen. A l’époque de la crise de la vache folle, nous avions démontré que les farines animales étaient partout présentes : il suffisait de chercher pour les trouver. Globalement, la proposition de résolution qui nous est soumise me convient. Un amendement visant à instituer un moratoire poserait certes des difficultés, mais je constate qu’elles sont proches de celles rencontrées avec les OGM. Je vous propose donc l’amendement suivant : « Invite le Gouvernement français à demander à la Commission européenne le réexamen de l’autorisation donnée par le règlement (UE) no 56/2013 du 16 janvier 2013 et lui demande, dans l’attente, d’instaurer un moratoire sur l’utilisation de protéines animales transformées dans la nourriture des poissons d’élevage ». Je souhaiterais aussi que nous rajoutions, au point 6, les termes « via un plan de protéines végétales » qui indiquerait que nous ne nous en tenons pas à la solution des farines animales. J’estime également que nous devrions mentionner la nécessité de la présence d’un étiquetage européen indiquant « sans farines animales », à l’image de ce qui existe pour les OGM. Par ailleurs, je vous propose de rajouter un autre point ainsi rédigé : « soutient le développement de l’aquaculture orientée principalement vers l’élevage de poissons herbivores ». Ces amendements me semblent utiles. J’indique toutefois d’ores et déjà que je voterai ce texte. Rappelons que la question des farines animales fait l’objet d’une forte bataille au Parlement européen.

M. Arnaud Richard. Je suis convaincu que notre point de vue sera plus fort si nous sommes sur la même ligne que le Sénat s’agissant du moratoire. Je me rangerai à la sagesse de la présidente pour ses amendements.

Mme Marietta Karamanli, rapporteur. Nos points de vue sont complémentaires, plus qu’opposés, s’agissant de la proposition déposée par M. François Brottes et ses collègues. Nous sommes d’accord sur les éléments essentiels de ce texte . Je considère que des travaux doivent être poursuivis sur l’utilisation des protéines animales. Nous devons regarder également l’avenir et poser des principes stables.

S’agissant du moratoire, je refuse de voter un amendement qui repose sur une solution qui est juridiquement inenvisageable aujourd’hui. Je suis convaincue que les études complémentaires que je vous propose nous permettent d’aller le plus loin possible, sans franchir la frontière de ce qui est juridiquement impossible et sans risquer de contentieux.

M. Arnaud Richard. Je remarque qu’en tout état de cause, la résolution du Sénat nous expose au risque que vous mentionnez.

M. Jérôme Lambert. Il est vrai que dans beaucoup de domaines nous pouvons porter un regard critique – sommes-nous en présence d’un verre à moitié plein ou à moitié vide ? Je connais le sérieux du rapporteur et aussi me rangerai-je à son avis, qui est bien documenté.

La Présidente Danielle Auroi. Je trouverais regrettable de nous retrancher derrière des arguments juridiques rigides pour expliquer qu’un moratoire est possible sur les OGM mais ne l’est pas sur les farines animales.

Je retire mon amendement relatif au plan de protéines végétales et je vous propose d’examiner les autres amendements. Il est vrai qu’il ne sera pas très facile d’avoir un point de vue identique de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Mme Marietta Karamanli, rapporteur. La position du Sénat est tout à fait respectable. Notre vision peut toutefois n’être pas la même et il est habituel que nous nous prononcions différemment de la seconde chambre. Des éléments nouveaux manquent pour fonder, en droit, un moratoire. Je souhaite, en revanche, que toutes les mesures nécessaires soient prises afin que des recherches sur ces questions soient poursuivies. Il faut en effet noter que s’agissant des OGM, des « éléments nouveaux », indispensables juridiquement pour justifier un moratoire, avaient été mis en évidence. Cela n’a pas été le cas pour les farines animales.

M. Arnaud Richard. Il faut que nous soutenions la position de la France sur l’interdiction de l’introduction des protéines animales dans les autres filières.

La Présidente Danielle Auroi. Je mets aux voix les amendements du rapporteur (les amendements sont adoptés). Je retire mes amendements sur le plan de protéines végétales et sur le développement de l’aquaculture orientée principalement vers l’élevage de poissons herbivores. En revanche, je maintiens l’amendement relatif à l’étiquetage européen « sans protéines animales » (l’amendement est adopté).

Nous allons maintenant aborder l’amendement relatif au moratoire proposé par M. Arnaud Richard et sur lequel la rapporteure a émis un avis défavorable.

M. Arnaud Richard. Il me semblerait incohérent de soutenir une position différente de celle exprimée par le Sénat, dans lequel vous détenez aussi la même majorité.

M. Jérôme Lambert. Je ne suis pas gêné par l’existence d’avis divergents. Je trouve que la résolution est forte et appuiera la position du gouvernement français. Nous pourrions toujours la durcir mais la sagesse voudrait que nous nous en tenions à la position la plus unanime possible.

La Présidente Danielle Auroi. Je mets aux voix cet amendement. Je vous rappelle qu’en cas d’égalité des voix, il en serait pas adopté.

M. Arnaud Richard. Je redis mon hostilité à la réintroduction des farines animales. Je trouve regrettable que la majorité n’entende pas cette proposition, dans un contexte de défiance des consommateurs à l’égard des filières agroalimentaires.

La Présidente Danielle Auroi. Cette position n’est pas celle de l’ensemble de la majorité !

Mme Marietta Karamanli, rapporteur. J’entends bien votre démarche, mais nous ne pourrions instituer un moratoire que si nous sommes en possession d’éléments nouveaux. C’est la raison pour laquelle je demande la poursuite d’études.

M. Arnaud Richard. Pourquoi donner du crédit à la décision de réintroduction des farines animales? Sur quels éléments nouveaux la Commission européenne a-t-elle fondé sa décision?

La Présidente Danielle Auroi. Les amendements relatifs au moratoire sont rejetés.

La proposition de résolution est adoptée ainsi amendée.

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu l’article 151-5 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu l’article 191 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu le règlement (CE) no 999/2001 du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 relatif aux règles de prévention, de contrôle et d’éradication des encéphalopathies spongiformes transmissibles (EST),

Vu le règlement (CE) no 1069/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 établissant des règles sanitaires applicables aux sous-produits animaux et produits dérivés non destinés à la consommation humaine,

Vu le règlement (CE) no 152/2009 de la Commission du 27 janvier 2009 portant fixation des méthodes d’échantillonnage et d’analyse destinées au contrôle officiel des aliments pour animaux,

Vu le règlement (UE) no 56/2013 de la Commission du 16 janvier 2013 modifiant les annexes I et IV du règlement (CE) no 999/2001 du Parlement européen et du Conseil fixant les règles pour la prévention, le contrôle et l’éradication de certaines encéphalopathies spongiformes transmissibles,

Vu la décision d’exécution de la Commission du 4 février 2013 modifiant la décision 2009/719/CE autorisant certains États membres à réviser leur programme annuel de surveillance de l’ESB,

Vu l’avis (no 2011-SA-0014) de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) relatif à l’évaluation du risque sanitaire lié à l’introduction des protéines animales transformées dans l’alimentation de certains animaux de rente du 25 octobre 2011,

Vu la résolution du Parlement européen du 8 mars 2011 sur le déficit de l’Union européenne en protéines végétales : quelle solution donner à un problème ancien ?,

Considérant qu’il n’est pas dans la logique de la chaîne alimentaire que de donner de la viande de porcs ou de volaille sous forme de protéines animales transformées à manger à des poissons,

Considérant que la confiance du consommateur dans le système de sécurité sanitaire européen a été durablement et profondément affaiblie par la crise de la « vache folle » due à une épizootie d’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) et que l’interdiction des « farines animales » dans l’Union européenne en 2001 avait été l’un des éléments clés permettant de sortir de cet épisode difficile,

Considérant que l’Union européenne affirme avoir choisi un niveau élevé de protection de la santé comme principe pour l'élaboration de la législation alimentaire et avoir la volonté d'assurer la confiance des consommateurs, des partenaires commerciaux et de l’ensemble des acteurs dans les processus de décision en matière de législation alimentaire, les fondements scientifiques de la législation alimentaire, ainsi que dans les structures et l'indépendance des institutions chargées de la protection de la santé et des autres intérêts,

Constatant que l’Union européenne a autorisé la réintroduction de protéines animales transformées pour l’alimentation de poissons destinés eux-mêmes à l’alimentation humaine malgré l’opposition du gouvernement français,

1. Déplore la décision de la Commission européenne suite au vote favorable du comité permanent de la chaine alimentaire et de la santé animale (CPCASA) du 18 juillet 2012 d’autoriser l’utilisation dès juin 2013 de protéines animales transformées pour l’alimentation des poissons d’élevage ;

2. Approuve sans réserve l’opposition de la France lors de ce vote ;

3. Rappelle que le Règlement (UE) no 56/2013 sera d’application dans tous les États-membres à partir de juin 2013, et prive ainsi la France de la possibilité d’adopter une réglementation en accord avec le vote qu’elle a exprimé au CPCASA du 18 juillet 2012 ;

4. Constate que le caractère incomplet de la spécialisation des filières par espèces, depuis la collecte des sous-produits animaux servant à la fabrication des produits animaux transformés jusqu’à la livraison des aliments composés dans les exploitations, pointé par un avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) en octobre 2011 demeure réel, et justifie par conséquent le maintien de l’interdiction des protéines animales transformées pour l’alimentation des volailles et des porcs ;

5. Demande qu’une réflexion européenne sur des alternatives aux protéines animales transformées qui fournissent un indice énergétique intéressant tout en étant respectueuses de l’environnement et de la chaîne alimentaire soit engagée dans les meilleurs délais ;

6. Estime nécessaire la mise en place d’un étiquetage obligatoire « nourris sans farines animales » au niveau européen ;

7. Estime que la France doit promouvoir des filières de poissons qui ne seront pas nourris avec des protéines animales transformées et soutient donc la création d’un label « 100 % végétal et poisson » ;

8. Regrette que la Commission européenne ait pris une décision d’exécution levant l’obligation d’effectuer des tests de dépistage chez les animaux de plus de soixante-douze mois ne présentant pas de signe clinique d’une encéphalopathie spongiforme subaiguë transmissible (ESST), cette décision étant de nature à semer la confusion dans l’esprit des consommateurs ;

9. Demande que des études continuent d’être menées au plan national et européen en vue :

- d’évaluer les pratiques effectives de la filière de production des protéines animales transformées et graisses animales dans l’ensemble des pays européens,

- d’engager une étude socio-économique complète en s’appuyant notamment sur le Conseil économique social et environnemental de l’Union européenne, afin d’évaluer les impacts économiques, sociaux et environnementaux de cette réintroduction pour les poissons d’élevage au regard de l’utilisation d’autres sources de protéines notamment végétales,

- de prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger la santé des consommateurs et assurer la viabilité économique et environnementale de la filière des poissons d’élevage, au vu des résultats des études et évaluations ainsi menées ».

III. Examen de la proposition de résolution européenne tendant à la création d’un droit européen pour le consommateur à la maîtrise et à la parfaite connaissance de son alimentation présentée par M. Jean-Louis Borloo et les membres du groupe UDI (no 769).

M. Arnaud Richard, rapporteur. Nous examinons la proposition de résolution européenne présentée par Jean-Louis Borloo et les membres de l’Union des démocrates et indépendants tendant à « la création d’un droit européen pour le consommateur à la maîtrise et à la parfaite connaissance de son alimentation ». Cette proposition traite de deux questions distinctes mais liées par le fil de la traçabilité et de la défense des intérêts des consommateurs.

La première a trait à la mise en lumière de circuits frauduleux dans la commercialisation de la viande de cheval vendue comme viande de bœuf. La deuxième, dont vient de traiter Marietta Karamanli, fait suite à la décision de la Commission européenne d’autoriser l’usage, dans la nourriture des poissons d’élevage, de protéines animales transformées.

Sur ce dernier point, la proposition de notre groupe rejoint celle de M. Brottes, notamment sur l’essentiel, à savoir qu’il faut s’opposer à la poursuite du mouvement engagé par la Commission et faire en sorte que les farines animales ne soient pas autorisées dans la nourriture des animaux d’élevage terrestres. La proposition de résolution du groupe UDI est conforme aux préoccupations que vient d’exprimer Mme la présidente Danielle Auroi qui aurait souhaité que le Gouvernement français demande à la Commission européenne le réexamen de la décision prise et instaure un moratoire. Je comprends les objections juridiques que notre collègue Karamanli a fait valoir. Cependant la question du moratoire mérite d’être posée, dans la mesure où l’usage des farines animales est, d’une manière générale, mal acceptée par la société et altère l’image de la filière.

S’agissant des fraudes à la viande de bœuf, il s’agit d’une vaste tromperie économique et non pas d’une crise sanitaire. Des enquêtes judiciaires sont en cours et détermineront les responsabilités des acteurs, qui sont multiples. Les crises sanitaires notamment celle de la vache folle ont conduit l’Union européenne à revoir complètement son droit de l’alimentation, qui est maintenant centré sur les questions sanitaires. Le « paquet hygiène » de 2004 définit un cadre pour la traçabilité. L’article 18 du règlement no 178/2002 du 28 janvier 2002 relatif aux mesures de traçabilité bovine a été étendu aux autres filières. Il pose l’obligation pour les exploitants du secteur alimentaire de mettre en place la traçabilité à toutes les étapes de la production, de la transformation et de la distribution. C’est ce que résume la formule « de la fourche à la fourchette ». Chaque entreprise d’un secteur doit garder la trace de ses fournisseurs ; cela fait partie de son plan de maîtrise sanitaire. L’objectif est de permettre le retrait de denrées alimentaires en cas d’alerte sanitaire. Les producteurs se voient imposer une obligation de résultats, mais non de moyens, ceux-ci ressortant largement de l’autorégulation et des États membres, à qui il revient d’organiser les contrôles. Ainsi en France, ceux-ci sont effectués, soit par la Direction générale de l’alimentation, soit par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, dont on peut regretter qu’elle ait subi des réductions importantes d’effectifs ces dernières années. Cette direction a eu, en six ans, 600 emplois supprimés sur les 3000 en fonction. Il existe par ailleurs un réseau européen d’alerte rapide. Dès les premiers jours de la découverte des fraudes, un plan européen de contrôles coordonnés a été mis en place, qui prévoit des tests ADN sur plus de 2000 points de vente européens.

A l’évidence, les systèmes européens ont plutôt bien fonctionné et la traçabilité a pu être assez vite reconstituée. Il a fallu quelques jours pour retracer le circuit des produits incriminés. Pour autant, il est important de restaurer la confiance des consommateurs dans les filières agroalimentaires qui ne doivent pas pâtir des malversations de certains.

La proposition de résolution propose de favoriser le développement des circuits courts. En effet, la complexité des circuits commerciaux brouillent les repères et mettent en lumière les fragilités d’un système. Le principe de libre circulation, qui s’applique en Europe sur les denrées alimentaires comme sur l’ensemble des produits, facilite ce type de pratiques. Les circuits longs constituent un facteur de risque car plus les intermédiaires sont nombreux, plus les marges bénéficiaires rétrécissent et plus la tentation est grande de recourir à des moyens plus ou moins honnêtes pour réaliser des gains de compétitivité. Au regard de l’intérêt des consommateurs, plus une chaîne alimentaire est courte, plus il est facile de garantir l’authenticité et la provenance du produit. Ces fraudes ont montré les failles de la réglementation européenne en matière d’étiquetage. Les consommateurs doivent pouvoir exercer leurs choix en toute connaissance de cause. Restaurer la confiance passe donc par une meilleure information afin de permettre la vérification de la véracité des allégations.

Si l’étiquetage de l’origine de la viande bovine non transformée est obligatoire, celui des autres viandes est facultatif. Le règlement no 1169/2011 du 25 octobre 2011 concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires dispose que l’indication du pays d’origine ou la provenance sera obligatoire pour les viandes porcine, ovine, caprine et de volailles, la Commission européenne devant adopter, avant le 13 décembre 2013, un acte d’exécution permettant l’application de cette disposition. Par ailleurs, ce même règlement prévoit que la Commission présentera, au plus tard également le 13 décembre 2013, des rapports relatifs à l’indication de l’origine ou de la provenance, l’indication d’origine pour les autres types de viande, cela couvre donc notamment la viande de cheval. Enfin, un rapport est prévu concernant l’indication obligatoire du pays d’origine ou du lieu de provenance de la viande utilisée en tant qu’ingrédient, cette disposition englobant toutes les viandes. Il est souhaitable que ces rapports qui constituent un préalable à toute proposition législative, soient présentés au plus vite, et si possible dès le mois de septembre, si l’on veut, compte tenu des délais étirés du temps communautaire, que ces règlements soient adoptés sous la présente législature européenne. Pour la viande de bœuf, cela pourrait se faire rapidement, compte tenu de la traçabilité déjà organisée en amont de la filière. Au-delà de cette obligation renforcée d’étiquetage, le droit du consommateur passe par le lien entre l’étiquetage et la traçabilité. C’est grâce à la traçabilité que la réalité des allégations et notamment celle de l’origine, peut être garantie.

M. Jérôme Lambert. Je ne suis pas d’accord avec la réflexion du rapporteur sur les poissons. En effet, il existe bon nombre d’espèces de poissons carnivores. La situation n’est absolument pas comparable à celle des vaches qui, elles, ne sont pas carnivores. Le fait de leur donner une alimentation différente de leur alimentation naturelle peut causer des troubles très graves.

S’agissant de la traçabilité, elle est indispensable, mais à ma connaissance , c’est déjà la règle même si on peut l’améliorer. Le problème tient plutôt à la qualité du contrôle de l’effectivité de la traçabilité. Les scandales que nous avons pu connaître sont consécutifs à des fraudes à la traçabilité. La proposition de résolution que nous a présentée le rapporteur est pleine de bonnes intentions mais au risque d’être incohérent avec mon précédent vote sur la question du moratoire, je ne peux la voter en l’état.

Mme Marietta Karamanli. Cette proposition de résolution mélange en fait ce qui relève de la qualité et ce qui touche à la sécurité alimentaire et la traçabilité. Pour cette dernière, les mesures prises ont montré leur efficacité. Le scandale de la viande de cheval constitue une tromperie sur la qualité mais il ne s’agit pas d’un problème sanitaire. Cette proposition de résolution mériterait d’être scindée en deux sujets distincts . Par ailleurs, je suis perplexe sur les affirmations relatives aux circuits courts qui seraient plus garants de la sécurité sanitaire. Dans l’affaire de la vache folle, les agriculteurs et les bouchers traditionnels ont été aussi à l’origine de la diffusion de la maladie. Par ailleurs, l’affirmation du caractère dangereux par nature des protéines animales mériterait d’être étayée. Nous devons prendre en compte les motifs qui justifieraient un moratoire. D’une façon générale, cette proposition de résolution m’apparaît trop générale. Il faudrait distinguer ce qui ressort de la protection du consommateur et de son information et envisager séparément, les autres aspects de sécurité et de traçabilité .Nous pourrions effectivement l’amender mais la question du moratoire ne peut être envisagée , sauf à être incohérent avec notre précédent vote.

M. Jean-Louis Roumegas. Je peux comprendre la nécessité de prendre des précautions juridiques s’agissant du moratoire, mais nous devons prendre en compte l’opinion publique qui ne comprend pas la décision européenne. Je suis persuadé qu’il nous faut prendre une position forte, s’agissant de l’application du principe de précaution. Je ne vois pas sur la base de quels éléments nouveaux la Commission européenne a pris sa décision. Ce n’est pas parce que l’Europe dysfonctionne que nous serions obligés de nous ranger à sa décision !

M. Arnaud Richard, rapporteur. Peut-être avez-vous juridiquement raison sur la question du moratoire mais vous avez politiquement tort ! Les arguments de la Commission européenne à la base de son revirement quant à la réintroduction des farines animales transformées dans l’alimentation des poissons d’élevage ont été à la fois techniques – moins de risques de maladie- et économiques. Je m’oppose à ce ballon d’essai de la Commission qui a pour objet d’aller plus loin et de réintroduire les farines animales pour les animaux d’élevage terrestres. Je suis heureux que la présidente et notre collègue Jean Louis Roumegas partagent ce point de vue.

La Présidente Danielle Auroi. S’agissant de la protection du consommateur et de ses droits, j’estime que la question devrait être faire l’objet d’un examen approfondi. Je propose à nos rapporteurs qu’ils auditionnent l’ensemble des acteurs et qu’ils consultent la commission compétente au Parlement européen afin de peser dans le débat au Parlement. Cela pourrait se faire dans le cadre d’un rapport d’information. Les sujets sont nombreux. Nous avons tous en mémoire les exemples comme les poulets à la dioxine ou l’huile moteur dans l’huile d’olive. On pourrait aussi ouvrir le dossier des lacunes de la traçabilité des OGM .

M. Arnaud Richard. La proposition de résolution européenne de notre groupe est plus large que celle de François Brottes. Il est vraisemblable que le moratoire doit être fondé sur un motif d’ordre public et de santé publique mais j’estime que notre commission aurait pu adopter cette disposition. Compte tenu de l’étendue des sujets abordés par la proposition de résolution, je comprends qu’il faille approfondir cette question.

Mme Marietta Karamanli. Les sujets sont importants . Le mieux serait en effet d’approfondir notre travail à travers un rapport d’information.

M. Arnaud Richard, rapporteur. Je redoute que demain des journaux titrent « L’Assemblée nationale refuse le moratoire sur l’usage des farines animales » et je le regrette.

La commission décide l’élaboration d’un rapport d’information sur les sujets concernés par la proposition de résolution.

IV. Nomination de rapporteurs d’information

Sur proposition de la Présidente Danielle Auroi, la Commission a nommé rapporteurs d’information :

Mme Marietta Karamanli, sur la proposition de résolution européenne sur le respect de la chaîne alimentaire présentée par M. François Brottes, Mme Brigitte Allain, MM. André Chassaigne, Joël Giraud, Germinal Peiro et Franck Reynier (no 817) ;

M. Arnaud Richard, sur la proposition de résolution européenne tendant à la création d’un droit européen pour le consommateur à la maîtrise et à la parfaite connaissance de son alimentation présentée par M. Jean-Louis Borloo et les membres du groupe UDI (no 769).

La séance est levée à 19 h 40

Membres présents ou excusés

Commission des affaires européennes

Réunion du mercredi 17 avril 2013 à 17 h 15

Présents. – Mme Danielle Auroi, M. Jean-Jacques Bridey, Mme Sandrine Doucet, M. William Dumas, Mme Estelle Grelier, Mme Marietta Karamanli, M. Jérôme Lambert, M. Joaquim Pueyo, M. Arnaud Richard, M. Jean-Louis Roumegas

Excusé. – Mme Paola Zanetti