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Commission des affaires européennes

mardi 4 juin 2013

8 h 15

Compte rendu n° 64

Présidence de Mme Danielle Auroi Présidente et de M. Jean-Paul Chanteguet, Président de la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire,

Audition, conjointe avec la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, de Mme Connie Hedegaard, commissaire européen en charge de l’action pour le climat.

Audition, conjointe avec la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, de Mme Connie Hedegaard, commissaire européen en charge de l’action pour le climat. 2

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mardi 4 juin 2013 à 8 h 15

Présidence de Mme Danielle Auroi

La séance est ouverte à 8 h 15

Audition, conjointe avec la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, de Mme Connie Hedegaard, commissaire européen en charge de l’action pour le climat.

La présidente Danielle Auroi. Madame la commissaire, je suis ravie de vous accueillir de nouveau dans cette enceinte, cette fois-ci conjointement avec le président Jean-Paul Chanteguet et les membres de la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. L’Assemblée nationale est mobilisée sur le sujet de la lutte contre le changement climatique ; notre Commission des affaires européennes a ainsi désigné deux rapporteurs permanents sur les négociations internationales en matière de climat, MM. Jérôme Lambert et Bernard Deflesselles.

Nous serions très heureux de vous entendre à propos des positions actuelles de l’Union européenne sur cette question capitale : au sein de l’Union, sur les instruments communs mis en place pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) et sur l’adaptation aux conséquences inévitables du changement climatique déjà à l’œuvre ; à l’extérieur de l’Union, sur la façon d’inciter la communauté internationale à emprunter une voie plus vertueuse.

La situation est préoccupante. La communauté scientifique doute désormais de la possibilité de limiter l’augmentation de la température à 2 degrés. Ainsi, même en doublant notre taux actuel de décarbonisation, les émissions entraîneraient, d’ici à la fin du siècle, un accroissement de 6 degrés de la température, si bien qu’il faudrait multiplier ce taux par six et non par deux afin de nous donner une chance sur deux d’éviter une telle hausse. Le défi est immense. Existe-t-il des États prêts à fournir les efforts nécessaires ? Actuellement, l’ambition des politiques publiques semble bien insuffisante : le marché du carbone européen est faible – pour ne pas dire qu’il se trouve en pleine déliquescence – et la crise économique incite les responsables à ne donner la priorité qu’à la seule compétitivité, sans y inclure le climat. Le Conseil européen du 22 mai dernier a constitué une étape vers l’exploitation des gaz de schiste en Europe, dont on connaît les inconvénients en matière d’émission de GES.

La France s’est portée candidate pour l’accueil de la conférence des parties de la Convention des Nations unies sur le changement climatique, qui se tiendra en 2015. Les négociations internationales n’aboutissant pas à des progrès convaincants, comment pouvons-nous réduire l’écart considérable entre les engagements actuels des différents pays et les mesures effectivement mises en œuvre pour contenir l’élévation de la température ? Comment parvenir à élaborer, en 2015, le nouvel accord climatique international – juridiquement plus contraignant – pour qu’il puisse entrer en vigueur en 2020 ?

Le président Jean-Paul Chanteguet. Nous sommes très heureux, madame la commissaire, de vous accueillir ce matin. J’ai eu beaucoup de plaisir à vous entendre à Dublin il y a quelques semaines, à l’occasion de la réunion des présidents des commissions de l’environnement et du développement durable des parlements nationaux de l’Union.

La deuxième période d’engagement du Protocole de Kyoto s’est ouverte le 1er janvier 2013 et doit durer jusqu’en 2020 : nécessitera-t-elle une ratification de l’UE et des États membres ? Quels pays participent à cette deuxième période ? Le Canada, la Russie et le Japon se retireraient du processus, que l’Australie pourrait rejoindre.

Pourriez-vous répondre à la proposition émise par le Président de la République d’accueillir en France le prochain sommet sur le réchauffement climatique ? Si un accord contraignant était signé à l’issue de cette conférence, il entrerait en application à partir de 2020 : comment l’Union aborde-t-elle ces négociations qui arrivent très vite ?

Mme Connie Hedegaard, commissaire européenne chargée de l’action pour le climat. Madame la présidente, vous avez affirmé que nous devions nous pencher sur la question de la compétitivité et il est vrai que cet enjeu – comme celui de l’emploi – doit mobiliser notre attention, surtout en période de crise. La Commission européenne estime cependant que nous ne pouvons faire abstraction du réchauffement climatique, qui s’aggrave, et que nous devons écouter les scientifiques sur ce sujet. En outre, l’Europe étant l’un des continents qui dépend le plus de l’extérieur pour son énergie et ses matières premières, une amélioration de l’efficacité de notre gestion des ressources énergétiques constituerait un facteur de stimulation de notre compétitivité et de nos performances économiques.

Ainsi, si nous réduisions le coût de notre facture énergétique – en 2012, les pays de l’Union européenne ont dépensé près d’1 milliard d’euros par jour pour leurs importations de pétrole –, notre situation macroéconomique en bénéficierait et nous pourrions créer des emplois pour accroître l’efficacité énergétique, tout en agissant pour le climat. Dans ce domaine, des politiques intelligentes peuvent dynamiser l’innovation et soutenir la compétitivité. Il n’y a donc aucune incompatibilité entre lutte contre le réchauffement climatique et développement économique, mais des politiques publiques sont nécessaires pour les concilier. Le Livre vert de la Commission européenne Un cadre pour les politiques en matière de climat et d’énergie à l’horizon 2030 présente nos objectifs pour cette période ; l’intérêt de l’Union commande d’amorcer dès à présent ce débat car les investisseurs ont besoin de perspectives de long terme pour s’engager. Cela nous permettra d’arrêter nos positions pour la CdP de 2015, en France.

Les chefs d’État et de Gouvernement ont indiqué, le 22 mai dernier, que les politiques climatiques n’abaisseront pas à elles seules le coût de l’énergie supporté par les Européens et qu’il convient également de libéraliser le marché du gaz, de démanteler les monopoles énergétiques, de limiter la réglementation des prix, de favoriser la concurrence, de développer une meilleure infrastructure énergétique – question qui relève du budget européen – et d’accroître la part des énergies renouvelables. Sur tous ces sujets, la Commission européenne préparera des propositions précises, qu’elle présentera aux dirigeants des États membres en mars prochain.

L’Europe possède une grande responsabilité pour que la CdP de 2015 soit un succès, notamment en ce qui concerner la deuxième période d’engagement du protocole de Kyoto, pour laquelle peu de pays s’engageront avec nous – la Nouvelle-Zélande, l’Australie, la Norvège et la Suisse devraient néanmoins le faire. À Durban, en 2011, nous avons poussé la Chine, l’Inde et les États-Unis à accepter d’être désormais liés avec nous, sur un pied d’égalité, par un accord juridiquement contraignant : il s’agit d’une victoire pour l’Union européenne, qui mène ce combat depuis de nombreuses années. Plus de cent pays en voie de développement nous ont aidés à insuffler une dynamique sur ce sujet car ils savaient que nous voulions ratifier la deuxième période d’engagement pour maintenir ce dispositif jusqu’à ce qu’un autre système vienne le remplacer. L’Union européenne s’est fixé des objectifs à l’horizon 2020 dans le paquet énergie-climat et elle met en place, pour les atteindre, des politiques qui pourraient être ratifiées, à condition que les États n’en profitent pas pour en définir de nouvelles.

Il faudra relever trois défis principaux en 2015. Le premier consistera à ne souscrire un accord que si toutes les grandes économies y prennent, d’une façon ou d’une autre, leur part. Le deuxième concernera les moyens de réduire l’écart entre l’engagement de plafonner l’augmentation de la température à 2 degrés et la nature des mesures mises en place pour y parvenir : comment ce processus international peut nous permettre de faire davantage ensemble que séparément ? Le troisième défi intéressera le financement : nombre de pays en voie de développement peuvent s’inscrire dans le processus aux côtés de l’Europe ; l’Union africaine, les pays les moins avancés et les États insulaires tenteront de faire progresser les pourparlers et d’y intégrer la Chine, le Brésil, l’Afrique du Sud et les autres grands émergents.

Ces derniers doivent comprendre que, s’ils s’engagent à agir, nous essaierons de les aider, notamment sur le plan financier, qui constituera un volet essentiel des discussions. Nous devons quitter le monde du XXe siècle, celui organisé entre un Nord et un Sud. En effet, avant la CdP de 2015, la Chine aura dépassé l’Union européenne en termes d’émission de GES par habitant. La Chine, comme d’autres États, doit assumer davantage de responsabilités et contribuer financièrement à ce processus. Les négociations sur le climat font partie du nouvel ordre mondial et doivent donc déboucher sur un accord qui le reflète.

Enfin, vous avez abordé la question des procédures internes à l’Union européenne jusqu’en 2015 : certains États, comme la Pologne, demanderont d’attendre la fin de la CdP de 2015 pour définir leur politique ; pour ma part, il me semble que l’Union doit anticiper ce travail afin d’être bien préparée. Le Livre vert pour 2030 et la note d’orientation sur les négociations internationales ne sont pas directement liés mais ne sont pas pour autant déconnectés car ils doivent tous deux permettre à l’Union d’afficher une position unie en 2015.

Mme Marietta Karamanli. Sur les 1 000 milliards d’euros du budget européen prévus entre 2014 et 2020, quel montant sera alloué à l’environnement et à la lutte contre le réchauffement climatique ? Certains fonds sont censés permettre de répondre aux objectifs de la stratégie Europe 2020 pour une croissance intelligente, durable et inclusive, par le biais d’investissements dans la recherche, la technologie de pointe et les infrastructures ; cette stratégie comporte une rubrique centrée sur la compétitivité pour l’emploi et la croissance, qui comprend un axe dédié à l’énergie, mais elle repose également sur une autre rubrique prévoyant qu’une partie des fonds de la politique agricole commune seront distribués en fonction de critères liés au développement durable.

Ne pensez-vous pas que cette grande mission devrait faire l’objet d’une présentation globale, qui indiquerait le montant des crédits dédiés à chaque action, chacune d’entre elle étant évaluée par des indicateurs ?

M. Philippe Plisson. Le récent sommet européen sur l’énergie fut salué comme la fin de l’hystérie sur le climat par M. Holger Krahmer – eurodéputé libéral allemand – et fut critiqué comme une contre-révolution énergétique par M. Yannick Jadot, député écologiste français au Parlement européen. La déclaration finale ne mentionne le climat qu’à une seule reprise : l’Union européenne n’est-elle pas en train de sacrifier la politique climatique sur l’autel de la compétitivité et des exigences des lobbies industriels ?

À l’issue de ce Conseil européen, vous avez publié un communique, madame la commissaire, dans lequel vous vous félicitiez que la déclaration finale mentionne le Livre vert, ce document préfigurant les objectifs que pourrait adopter l’Union européenne en matière de climat. Alors que l’Union européenne pourrait atteindre son objectif de réduction de GES de 20 %, fixé pour 2020, dès cette année, elle refuse tout projet plus ambitieux – le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) préconisait une cible comprise entre 25 % et 40 % – et se fixe un modeste dessein de réduction d’émission de 40 % pour 2030, obéissant ainsi aux injonctions du lobby industriel BusinessEurope. Doit-on en déduire que l’UE veut marquer une pause dans ses efforts, encouragée en cela par l’insuffisant engagement de pays comme la Chine ?

Faut-il sauver le marché du carbone européen, dispositif inutile qui ne fonctionne pas ?

M. Bertrand Pancher. La France accueillera les négociations internationales sur le climat en 2015 et notre première préoccupation a trait au prix du carbone. L’Union européenen a déjà atteint l’année passée l’objectif, fixé pour 2020, de réduction des GES de moins de 20 % par rapport à 1990 ; le prix pour l’échange de quotas d’émission (ETS ou Emission Trading Scheme) se trouve à un niveau historiquement faible et le restera. Quelles mesures l’UE doit-elle prendre pour retrouver sa crédibilité, notamment en vue de la conférence de 2015 ?

Concernant la feuille de route pour 2050, la Commission européenne évoque l’objectif intermédiaire de réduction des émissions de 40 % pour 2030 : ne craignez-vous pas que cet objectif soit un peu faible et ne pensez-vous pas qu’il serait pertinent de le porter à 50 %, ne serait-ce que pour disposer d’une position de repli ?

J’ai trouvé vos déclarations sur le gaz de schiste très intéressantes. Pourriez-vous nous exposer les raisons pour lesquelles vous ne croyez pas à l’exploitation du gaz de schiste en Europe ?

Enfin, je voudrais souligner le caractère courageux de votre position sur le nucléaire ; vous avez affirmé que celui-ci n’était pas adapté à tous les pays, mais que l’atome était plus sûr que toutes les autres sources d’énergie. Pourriez-vous nous détailler vos vues sur le sujet ?

M. Jean-Louis Bricout. Le Président de la République a décidé de lancer un grand débat sur la transition énergétique, destiné à faire émerger le consensus le plus large possible ; il s’agit en effet de l’un des principaux enjeux du quinquennat, l’objectif étant de réduire la part du nucléaire dans le mix énergétique.

L’avenir énergétique de l’Union européenne s’annonce sombre : l’Union paraît en effet isolée et les États-Unis semblent connaître une embellie grâce à l’utilisation du gaz de schiste qui va leur permettre d’atteindre l’autonomie énergétique, puis de devenir une puissance exportatrice. M. Van Rompuy a d’ailleurs estimé que l’Europe risquait de devenir le seul continent à dépendre de l’énergie importée.

Dans un contexte où l’Union n’arrive pas à renouer avec la croissance, la question du coût de l’énergie devient centrale et nous impose de construire un front commun. Or la politique menée jusqu’ici provoque un large scepticisme, d’autant plus que seule la France souhaite aller plus loin avec l’organisation du débat sur la transition énergétique qui fait émerger des notions nouvelles et essentielles comme celle de la sobriété énergétique. Cette dernière se trouve totalement absente de la déclaration finale du sommet du 22 mai dernier : comment expliquez-vous cette situation ?

M. Yannick Favennec. L’humanité se trouve confrontée à un défi démographique sans précédent et les causes du changement climatique sont en passe de devenir indiscutables. Près de 97 % des quelque 12 000 articles de revues scientifiques professionnelles sur le réchauffement climatique concluaient que le réchauffement était une réalité dont nous étions tous responsables. Les impacts de ce phénomène sont nombreux et tous les domaines de notre économie doivent s’adapter à ces changements.

En ce qui concerne l’agriculture, le défi à relever réside dans la capacité à concevoir une activité émettant moins de GES tout en restant performante. Ce secteur représente 14 % des émissions de gaz à effet de serre et il doit donc participer à l’effort commun pour atténuer le changement climatique. Madame la commissaire, comment favoriser l’adaptation des pratiques agricoles aux modifications du climat ?

M. Jean-Yves Caullet. Nous avons été frappés, lors des négociations de Doha sur la lutte contre le changement climatique en décembre dernier, du caractère complexe d’une diplomatie à deux étages – européen et international –, qui rend difficile l’assimilation des enjeux de la négociation par l’opinion publique. Dans la perspective de 2015, nous avons – avec les collègues présents à Doha – développé l’ambition de mieux faire participer les parlements nationaux à ces discussions internationales, afin que les citoyens soient, par le biais de leurs représentants, mieux associés à ces questions. Comment y parvenir ? Cette question est importante, car ne s’agit-il pas d’une condition indispensable à la réussite des négociations, une diplomatie déconnectée du peuple ne pouvant résister aux lobbies ?

L’objectif de limiter l’augmentation de la température à 2 degrés ne sera probablement pas atteint, alors même qu’il ne correspond qu’à un seuil de lisibilité des modèles climatiques. Ne serait-il pas nécessaire d’élargir la politique climatique au-delà des seules questions énergétiques ? Ainsi, on pourrait privilégier les économies circulaires, le recyclage des matières premières et, à l’échelle de l’Union européenne, le développement d’une économie limitant les importations de produits fabriqués à partir de matières non recyclables.

M. William Dumas. De plus en plus de parlementaires français critiquent le marché du carbone européen ; ainsi, des sénatrices ont récemment affirmé qu’il convenait de réfléchir à d’autres outils et que la Commission européenne avait porté le coup de grâce à ce marché. Faut-il le sauver ou l’achever ? La Commission européenne continuerait d’encourager la mise en place de marchés du carbone dans de nouveaux pays, en prétendant qu’il s’agit du meilleur instrument disponible. Qu’en est-il réellement ?

Quelles actions l’Union européenne conduira-t-elle pour préserver la compétitivité de son industrie face à la concurrence internationale, notamment celle de la Chine, dans un domaine comme celui des panneaux solaires ?

Mme Axelle Lemaire. La fonte des glaces en Arctique est alarmante : depuis les premières mesures satellitaires effectuées en 1979, la banquise, qui couvrait alors une superficie de 7 millions de kilomètres carrés, a vu sa surface réduite de plus de moitié, pour ne plus compter, l’an dernier, que 3,4 millions de kilomètres carrés. C’est pourquoi les scientifiques n’hésitent plus à qualifier ce phénomène de désastre global aux conséquences économiques, sociales et écologiques catastrophiques.

Aujourd’hui se tient la réunion du Conseil euro-arctique de Barents, en Norvège, tandis que le sommet du Conseil de l’Arctique, présidé par le Canada, s’est tenu il y a quelques semaines. Or, à la différence de certains pays comme la Chine, la Commission européenne n’a pu obtenir le statut d’observateur au sein de cette instance. Les enjeux commerciaux de la fonte des glaces au pôle Nord sont considérables puisqu’ils permettent d’ouvrir un passage maritime jusqu’à présent peu exploité.

Dès lors, quelles sont les mesures prises par la Commission européenne pour appréhender la fonte des glaces ? Quelle orientation politique celle-ci retient-elle en la matière ?

La présidente Danielle Auroi. Notre attitude à l’égard du marché intérieur du carbone est assez contradictoire puisque nous acceptons d’être vertueux en matière climatique – sans avoir conscience d’ailleurs que l’efficacité énergétique constitue l’un des secteurs les plus créateurs d’emplois en Europe – tout en refusant dans le même temps d’accomplir les efforts nécessaires pour y parvenir. Nous assistons par conséquent à une telle fuite en avant que la fonte des glaces est perçue comme une opportunité d’accéder à des sources d’énergie au pôle Nord, alors même que la Hollande risque de disparaître d’ici peu sous les eaux. L’augmentation de 6 degrés Celsius de nos températures entraînerait en effet une très forte montée des eaux.

Si je ne parle que de l’Europe, d’autres pays devraient pourtant également se sentir concernés. Mais, en portant toute notre attention sur la Chine, nous oublions que l’Inde, le Brésil et d’autres pays moins avancés constitueront eux aussi d’importants émetteurs de gaz à effet de serre.

L’Europe est-elle capable d’anticiper le problème, notamment dans sa pratique ? Ne disposant que de très peu voire d’aucune énergie fossile, est-elle en mesure de réaliser des efforts supplémentaires en faveur de l’efficacité énergétique ? Comment améliorer le fonctionnement de notre marché d’émissions de carbone, aujourd’hui moribond, et ainsi envoyer des signaux positifs à ces pays, sachant que l’abandon des quotas de carbone dans les transports aériens constitue une véritable reculade ? L’Union européenne peut-elle aller de l’avant plutôt que de réagir en forteresse assiégée ? De quelles marges de manœuvre disposez-vous pour véhiculer ce message d’ici aux élections européennes de 2014 ? Vous êtes en effet vous-même tout à fait investie, convaincue et convaincante sur le sujet.

Mme Connie Hedegaard. Quant à savoir s’il conviendrait d’allouer directement une part de notre budget au climat et au changement climatique, c’est précisément ce que nous sommes en train de faire actuellement. Cet acte tout à fait novateur ne s’étant encore pratiqué dans aucune autre économie dans le monde, nous avons en effet décidé qu’au moins 20 % de notre budget total devrait être consacré – et de manière clairement identifiable – à la concrétisation des objectifs que nous nous sommes fixés en la matière. Y parvenir serait pour nous une grande réussite. Cette décision se déclinera dans le cadre de nos politiques sectorielles, sous forme de sous-objectifs et de mesures applicables aux fonds structurels, aux fonds de cohésion, aux fonds agricoles et à la recherche & développement. Ces actions seront visibles si bien, par exemple, que, avant d’investir dans un projet d’infrastructures de transport, il nous faudra évaluer si celui-ci contribue à nos politiques climatiques ou s’il y fait au contraire obstacle. Ce nouveau mode de pensée s’appuie sur l’idée que le climat, loin d’être remisé dans un coin, doit être appréhendé de manière transversale et donc dans le cadre de l’ensemble nos politiques sectorielles.

De toute évidence, l’enjeu climatique n’a nullement été abandonné par l’Union européenne – comme l’illustrent sans doute d’ailleurs les conclusions du Conseil européen du 22 mai dernier. À la veille de ce rendez-vous, la presse avait pourtant annoncé qu’on y aborderait les deux thèmes de l’énergie peu coûteuse et des gaz de schiste. Or, les chefs d’État et de gouvernement y ont au contraire affirmé la nécessité de mettre l’accent sur les objectifs que s’est fixé l’Union européenne à l’horizon de 2030. Ils ont de surcroît demandé à la Commission européenne de formuler des propositions concrètes en ce sens d’ici à la fin de l’année et ont indiqué qu’ils réexamineraient cette question en mars prochain. Voilà qui me paraît un signe d’autant plus positif que les chefs d’État et de gouvernement ont également souligné à quel point le bon fonctionnement du marché du carbone était un élément-clef d’une politique européenne du climat qui soit efficace. C’est pourquoi, s’il est extrêmement compliqué d’aller de l’avant sur ce sujet, j’estime que nous y parvenons malgré tout.

Personne n’a vraiment « adopté » d’objectif de réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030. La Commission européenne a simplement indiqué, dans le cadre de la feuille de route pour une économie faible en carbone en 2050, quelle était la méthode la plus efficiente en termes de coûts pour permettre à l’Europe d’obtenir les résultats, annoncés par les chefs d’État et de gouvernement, de réduction des émissions de 80 à 95 % – affirmant que cela supposait pour l’Europe d’atteindre un taux de 40 % de réduction des émissions de CO2 en 2030. Une consultation publique étant en cours à ce sujet, j’espère que les parlements nationaux apporteront une contribution ambitieuse à ce débat. Car, si l’objectif de 40 % d’ici à 2030 était retenu, personne ne pourrait affirmer que l’Europe marque une pause dans son effort de réduction. Certains d’entre vous ont par ailleurs affirmé que nous avions déjà atteint un objectif de 20 %, ce qui n’est pas tout à fait exact. Nous nous trouvons plutôt à hauteur de 15 à 18 %, selon que l’on prend ou non en compte les transports aériens. Toujours est-il que, pour atteindre cet objectif de 20 % d’ici à 2020, il nous faudra accomplir des efforts supplémentaires dans un très grand nombre d’États membres. Si chacun d’entre eux accomplit l’effort annoncé, nous serons en mesure de dépasser l’objectif de 20 % en 2020 et donc de nous engager de manière réaliste sur la voie d’une réduction de 40 % des émissions d’ici à 2030.

Si l’on abandonnait le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre, j’ignore par quoi l’on pourrait le remplacer. Sans doute seriez-vous capables de nous proposer des scénarios alternatifs mais il n’est pas certain que les vingt-sept États membres pourraient les reprendre à leur compte. Il me paraît donc opportun de conserver le système actuel tout en l’améliorant. Sinon, l’on risque d’assister à une renationalisation du système et d’être confronté à un patchwork de vingt-sept – et bientôt vingt-huit – manières différentes de procéder ; je ne suis pas persuadée que cela soit dans l’intérêt de qui que ce soit.

À la Commission européenne, nul n’a jamais pensé que le backloading constituait une idée de génie ou un moyen de sauver le système d’échange de quotas d’émissions : le recours à cette technique visait davantage à nous éviter de submerger le marché par des quotas plus nombreux encore qu’il n’en comptait déjà. Les quotas que nous aurions pu émettre seront ainsi gardés en réserve afin de stabiliser les prix et le système – et ainsi éviter que ce dernier ne chute à zéro. Il est vrai que ce processus a pris du retard mais le Parlement européen et le Conseil européen devraient accepter le backloading, le premier dans le courant de ce mois-ci, le second après l’été. Il est en tout cas grand temps que nous rediscutions des choix plus structurels qui s’offrent à nous, afin d’éviter qu’une telle situation ne se reproduise. Lorsque l’on rend le système prévisible pour les entreprises et que des permis leur sont accordés pour un certain nombre d’années afin de leur permettre de planifier leurs actions, mais que soudain, les circonstances économiques changent considérablement, il convient de déterminer la manière de procéder aux ajustements nécessaires. Est-il vraiment raisonnable de maintenir à un prix bas les quotas d’émissions de carbone, comme nous le demandent les chefs d’entreprise ? Voilà qui n’est en effet nullement de nature à les inciter à investir dans les solutions plus propres et plus efficientes dont nous avons pourtant besoin. C’est bien pour cela qu’il nous faut fixer un véritable prix sur le marché du carbone.

La décision de produire de l’énergie nucléaire ou d’exploiter le gaz de schiste ne relève aucunement de la Commission européenne ; il revient aux États membres de définir leur bouquet énergétique. Cela étant, au cas où certains d’entre eux souhaiteraient exploiter ce gaz, la Commission européenne proposera dans l’année un cadre général de règles environnementales leur permettant d’éviter de reproduire les erreurs commises ailleurs. Nous souhaitons en outre que le débat sur le gaz de schiste ne sorte pas de proportions sensées. Car, s’il existe un véritable potentiel d’exploitation de cette ressource en Europe, les experts nous mettent en garde contre ceux qui pensent que son prix pourra être aussi faible qu’aux États-Unis, tant la formation géologique est complexe sur notre sol et tant notre densité de population est supérieure à celle des Américains : de fait, l’Europe ne dispose d’aucun espace vide comparable à celui de l’État du Dakota du Nord, où commencer à exploiter le gaz de schiste. Ne nous voilons pas la face en pensant que cette ressource constitue la solution miracle et qu’il est par conséquent inutile d’améliorer notre efficacité énergétique et de développer les énergies renouvelables. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) estime pour sa part que le gaz de schiste n’est sans doute guère intéressant pour les investisseurs dans bon nombre d’endroits, comme la Pologne, et considère elle aussi l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables comme deux voies bien plus intéressantes encore pour l’Europe – y compris sur le plan économique.

Il est juste d’affirmer que tous les secteurs économiques ont un rôle à jouer, y compris le secteur agricole – le soutien de la France étant d’ailleurs essentiel en la matière. C’est pour cette raison que la Commission européenne cherche à obtenir le verdissement des subventions agricoles. Et c’est aussi pourquoi il lui faut s’assurer que les agriculteurs qui en bénéficient contribuent de quelque manière au bien commun, que ce soit en matière d’environnement, d’adaptation au changement climatique ou de culture énergétique. Nous disposons aussi désormais d’un cadre en matière d’usage des sols et de changement d’affectation des sols au profit de la sylviculture, ce qui signifie qu’après 2020 et d’ici à 2030, nous bénéficierons une méthode nous permettant de mieux prendre en compte la contribution de l’agriculture à notre politique ainsi qu’aux objectifs que nous nous sommes fixés pour 2030.

Vous avez parfaitement raison de souligner la complexité des négociations : l’Europe dépense en effet un temps et une énergie considérables à se mettre d’accord avec elle-même – ce qui ne fait qu’amplifier la difficulté. La Commission européenne n’étant pas en mesure de communiquer, depuis Bruxelles avec les habitants des vingt-sept pays membres de l’Union européenne, si ce n’est sur des sujets généraux, les parlements nationaux – qui connaissent les priorités de leurs pays respectifs et la manière dont les messages doivent être transmis à leurs concitoyens – ont véritablement un rôle à jouer pour mieux faire connaître le détail de ces enjeux. D’expérience, ayant participé à la conférence de Copenhague de 2009 sur le climat, tous les Danois – qu’il s’agisse des citoyens, de la société civile ou de la communauté d’affaires – ont fini par comprendre, je crois, que le changement climatique constituait un véritable défi et par chercher des solutions. Organiser une conférence ici, en France, vous fournira donc non seulement l’occasion de la présider mais également d’en faire ressentir les effets dans toute la société française.

Vous nous avez par ailleurs fait justement remarquer à quel point il importait de ne pas concentrer toute notre attention sur l’énergie mais de la faire porter également sur l’économie circulaire, la réutilisation et le recyclage – ce que fait bien sûr la Commission européenne. Le commissaire Janez Potočnik proposera d’ailleurs prochainement des indicateurs d’utilisation efficace des ressources mettant l’accent sur ces trois points. Cela étant, l’une des actions les plus importantes que nous puissions mener en ce domaine consiste à tarifer plus conséquemment les déchets et la pollution. C’est de fait ce qu’a recommandé la Commission européenne la semaine dernière à de nombreux États membres – y compris à la France. Nous avons notamment suggéré de moins imposer le travail et davantage les ressources et la pollution. La fixation d’un prix adapté constitue en effet une véritable incitation à recycler.

Quant à améliorer notre compétitivité vis-à-vis de la Chine, veillons tout de même à ne pas adopter une vision trop limitée de cette notion. En janvier dernier, la Commission européenne a en effet passé une journée entière à débattre du sujet, tandis que, le jour même, un long article du Financial Times traitait de la présence d’un brouillard de pollution en Chine, pesant sur l’économie et la stabilité sociale de ce pays. Cités dans l’article, certains Chinois haut placés considéraient ce brouillard ambiant non pas comme un enjeu environnemental mais bien plutôt comme un problème mettant en lumière les défaillances du système économique national, leur pays n’ayant pas réussi à se développer tout en protégeant son environnement.

Il serait fort regrettable que l’Europe se considère désormais comme tellement appauvrie par la crise qu’il lui faille abandonner ce en quoi elle a excellé pendant de fort nombreuses années : se développer tout en menant une politique environnementale sensée et tout en jouissant de la propreté de son air et de son eau. Il convient au contraire de combiner les deux et d’inciter les Chinois et nos autres concurrents – quelle que soient les enceintes dans lesquelles nous négocions avec eux – à appliquer des politiques plus efficaces en matière climatique et de protection de l’environnement. La Chine commence d’ailleurs à y venir car elle sait pertinemment qu’une production plus efficace peut lui permettre de conquérir des parts de marché. Si nous voulons mener une stratégie de compétitivité pertinente en Europe, il importe d’inciter nos entreprises à innover de telle sorte qu’elles restent à la pointe du mouvement et qu’elles soient elles aussi en mesure de conquérir de nouvelles parts de marché, même si cela doit bien évidemment se faire de manière équilibrée.

S’agissant de la fonte des glaces au pôle Nord et du Conseil de l’Arctique, c’est le Canada qui s’est opposé à ce que l’Union européenne se voit accorder le statut d’observateur, en raison de sa politique s’agissant des phoques. Il a cependant été annoncé, à la suite de ce Conseil, que la question serait renégociée et résolue très prochainement. Je ne puis vous en assurer totalement mais il paraît néanmoins tout à fait logique que ce soit le cas, dans la mesure où tous les autres parties prenantes se sont vu reconnaître ce statut.

En ce quoi concerne les possibilités dont dispose l’Europe pour prendre les devants, il importe effectivement que nous balayions devant notre porte, que nous nous fixions nos prochains objectifs et que nous fassions fonctionner au mieux le marché de quotas d’émissions. Contrairement à ce que pensent certains, la famille du système d’échange des quotas d’émissions ne cesse de s’agrandir, avec l’entrée de la Corée du Sud, de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande, de la Californie – huitième économie mondiale – et de la Chine, qui a initié de grands projets pilotes à Shanghai et Shenzhen. Les Chinois prévoient ainsi de se doter d’un marché des quotas d’émissions à l’échelle nationale à l’horizon de 2016. Il serait paradoxal que l’Europe, qui a inspiré d’autres grands concurrents à opter pour un tel système, ne mette pas de l’ordre chez elle.

Enfin, nous n’avons absolument pas renoncé aux quotas pour les transports aériens puisque nous nous sommes fixés une limite d’un an au terme de laquelle nous arrêterons la pendule et ferons appliquer notre législation régionale. L’objectif consistait précisément à créer un espace de négociation et à parvenir à un accord mondial sur la meilleure façon de réglementer l’aviation. L’Association internationale du transport aérien (IATA) a pour sa part annoncé, pas plus tard qu’hier, lors de sa réunion annuelle, qu’elle encouragerait les compagnies aériennes et les différents États où celles-ci opèrent à soutenir l’instauration d’un mécanisme mondial de marché, ce qui correspond précisément à ce que nous essayons d’instituer en Europe.

Cela étant, nous n’obtiendrons le résultat souhaité que si l’Union européenne reste unie, y compris lorsqu’il s’agit d’appliquer notre propre législation sur le continent. Les vols intra-européens devront donc toujours payer pour leur propre pollution, qu’il s’agisse d’Air France, de Lufthansa ou de Scandinavian Airlines. Il en va de même pour les compagnies aériennes étrangères qui opèrent sur les mêmes itinéraires en Europe, y compris les chinoises et les indiennes. Il va de soi que l’Europe doit veiller à l’application de sa propre législation sur son territoire, pendant qu’elle négocie. Si je suis consciente qu’il s’agit d’une question éminemment délicate en France, il n’en va pas tant ici du climat que de la manière dont l’Europe est perçue par le reste du monde. Il me paraît donc nécessaire que nous restions fermes et unis sur ce dossier. Ce n’est qu’ainsi que nous parviendrons effectivement à l’automne au résultat souhaité, à savoir une régulation internationale de l’aviation, sans quoi le fardeau pèsera de manière encore plus importante sur d’autres secteurs. Vous comprendrez aisément que ceux d’entre nous qui ont les moyens d’acheter un billet long courrier soient aussi en mesure de payer pour les pollutions que ces vols occasionnent.

Le président Jean-Paul Chanteguet. Cette audition est presque concomitante avec l’examen, cet après-midi, d’une proposition de résolution déposée par le groupe socialiste, républicain et citoyen, qui prévoit l’instauration d’une fiscalité écologique – preuve que les parlementaires souhaitent faire progresser la situation en ce domaine.

Adressé au Gouvernement, ce texte préconise notamment la création d’une assiette carbone, d’une taxe carbone et d’une contribution climat-énergie. Si le marché européen des quotas d’émissions de gaz à effet de serre, beaucoup évoqué ce matin, se trouve en pleine déroute, nous ne vous en faisons pas grief, madame la commissaire. Ce marché affectant à la fois les énergéticiens et les électro-intensifs mais pas le secteur diffus, il nous paraît important d’instaurer une assiette carbone. Et, pour accueillir dans les meilleures conditions possibles le sommet climatique de 2015, et peser, nous, Français, sur les discussions et les négociations, il importe que nous montrions l’exemple en nous donnant les moyens de faire évoluer le comportement des acteurs économiques et d’amoindrir ainsi nos émissions de gaz à effet de serre.

La présidente Danielle Auroi. Je soulignerai pour ma part à quel point nos deux commissions sont complémentaires puisque la nôtre lancera elle aussi, prochainement, un travail sur la fiscalité écologique, dans une perspective européenne. Il s’agira à la fois de déterminer si l’Europe peut se doter d’une fiscalité propre – ce qui relève de la question des ressources propres de l’Union européenne – et de contribuer à la lutte contre le changement climatique.

Nous aurons par conséquent d’autres occasions de vous inviter, madame la commissaire, à venir travailler avec nous. Nous vous remercions pour votre disponibilité, votre engagement et votre passion, qui nous redonnent du courage pour lutter sur tous les fronts contre le réchauffement climatique – un combat dont les retombées seront positives, y compris sur notre économie.

La séance est levée à 9 h 20

Membres présents ou excusés

Commission des affaires européennes

Réunion du mardi 4 juin 2013 à 8 h 15

Présents. – Mme Danielle Auroi, M. William Dumas, Mme Marietta Karamanli, Mme Axelle Lemaire

Excusés. - M. Pierre Lequiller, M. Didier Quentin

Assistaient également à la réunion. - M. Jean-Louis Bricout, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Yannick Favennec, Mme Valérie Lacroute, M. Alain Leboeuf, M. Bertrand Pancher, M. Philippe Plisson, Mme Suzanne Tallard