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Commission des affaires européennes

mercredi 3 juillet 2013

17 heures

Compte rendu n° 77

Présidence de Mme Danielle Auroi Présidente et de Mme Elisabeth Guigou Présidente de la Commission des affaires étrangères

I. Audition, conjointe avec la Commission des affaires étrangères, de M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre des Affaires étrangères, chargé des Affaires européennes

II. Adoption des conclusions du rapport d’information sur l’Union européenne et le G20 de MM. Christophe Caresche, Bernard Deflesselles, Michel Herbillon et Jérôme Lambert sur l’Union européenne et le G20

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mercredi 3 juillet 2013

Présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente de la Commission
et de Mme Elisabeth Guigou, Présidente de la Commission des affaires étrangères

La séance est ouverte à 17 h 10

I. Audition, conjointe avec la Commission des affaires étrangères, de M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre des Affaires étrangères, chargé des Affaires européennes

La Présidente Danielle Auroi. Je vous remercie de votre venue, monsieur le ministre, à l’occasion de cette audition organisée conjointement par la commission des affaires européennes et par la commission des affaires étrangères, dont je salue la présidente, Mme Élisabeth Guigou.

Je me réjouis que nous puissions dresser ensemble le bilan du Conseil européen des 27 et 28 juin, dont l’ordre du jour était chargé. Quelques jours auparavant, je participais avec Pierre Lequiller à une réunion de la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires (COSAC), qui regroupe les représentants des présidents des commissions des affaires européennes des différents parlements nationaux. Nous sommes convenus que la présidence irlandaise a fait tout ce qu’elle a pu, mais que le travail de la Commission européenne fut en revanche assez flou. Tous ont souhaité qu’elle soit « remise sur les rails » et que des clarifications soient apportées.

La commission des affaires européennes a été particulièrement attentive à la lutte contre le chômage des jeunes, comme en témoigne le rapport confié à M. Philip Cordery. Certes, on peut estimer que le budget qui lui est consacré est trop faible, mais il est tout de même passé de 6 à 8 milliards. Pouvez-vous préciser, monsieur le ministre, le contenu de cette initiative cruciale, la façon dont le dispositif prévu se mettra en place et dont les crédits seront déployés ?

Je note également que le nom « Erasmus », beaucoup plus référencé que celui de programme Leonardo consacré aux jeunes en apprentissage, est désormais protégé. Nous sommes là encore rassurés, mais sans doute pourrez-vous préciser un certain nombre de points.

Plus généralement, pouvez-vous nous donner quelque espoir quant à la réorientation du projet européen en faveur de l’emploi et du développement durable, le chemin paraissant encore long et difficile ?

Qu’en est-il du nouveau plan d’investissement pour l’Europe composé d’actions en faveur des PME, dont nous connaissons l’importance pour les tissus économiques européen et français, en particulier en matière de transition écologique et alors que l’on parle de plus en plus de l’Europe de l’énergie ?

Qu’en est-il du point d’étape réalisé par le Conseil sur le pacte pour la croissance et l’emploi décidé depuis un an ? Qu’en est-il également du cadre financier pluriannuel (CFP), l’idée de bénéficier de nouvelles ressources propres étant à nos yeux essentielle et celle-ci n’ayant pu être retenue à ce stade ? Quelles sont à ce propos les perspectives quant à la taxe sur les transactions financières et à la taxe écologique aux frontières de l’Union européenne, questions qui progressent un peu trop lentement à notre avis ?

Enfin, à propos du « Semestre européen », notre commission a adopté la semaine dernière une proposition de résolution rapportée par M. Caresche sur l’avis de la Commission européenne concernant les programmes de stabilité et de réforme. Elle demande notamment à la Commission de veiller à ce que la formulation même des propositions de recommandation respecte la liberté souveraine d’appréciation des États concernés quant au calendrier et aux moyens à mettre en œuvre. Le Président de la République a également insisté sur ce point. Pouvez-vous nous éclairer sur le contenu des travaux du Conseil européen à cet égard ?

La Présidente Élisabeth Guigou. Je vous remercie, monsieur le ministre, de nous faire part de votre analyse des résultats du dernier Conseil européen.

Je m’associe aux questions que Mme Auroi a posées.

Ce Conseil a eu des résultats positifs. Tout d’abord, après l’accord sur la recapitalisation directe des banques par le mécanisme européen de stabilité, l’accord sur la résolution des crises bancaires constitue une excellente nouvelle qui, dans le cadre du calendrier prévu, confirme le projet d’union bancaire. Nous attendons la proposition de la Commission européenne pour mettre en œuvre cette décision dans les jours qui viennent. Pouvez-vous présenter les grandes lignes mais, aussi, les petites subtilités du mécanisme qui a été agréé sur fond de divergences de vue initiales entre la France et l’Allemagne ?

Comme Mme Auroi, je considère que l’accord réalisé avec le Parlement européen est positif. Nous craignons toujours que les crédits se révèlent insuffisants et, de ce point de vue, la flexibilité, la révision à mi-parcours, la promesse de travailler à la mise en place de ressources propres sont de bonne politique.

Depuis que, l’année dernière, le Président de la République a soulevé la question de la croissance, l’idée chemine, y compris dans les pays qui n’y étaient guère sensibles, telle l’Allemagne. L’accent qui est mis sur l’emploi, notamment des jeunes, est extrêmement bienvenu. Quels sont les objectifs concrets qui ont été fixés en liaison avec la contribution franco-allemande pour stimuler la croissance ? Qu’en est-il du financement de l’économie par la Banque européenne d’investissement (BEI) et de la mobilisation des ressources en faveur de l’emploi des jeunes ? Où en sommes-nous dans la mise en œuvre des contrats de compétitivité et de croissance ?

Je me réjouis que les conclusions du Semestre européen aient entériné des ajustements à la suite des remarques de la Commission européenne sur la France. Lors de l’audition conjointe de M. Olli Rehn avec les commissions des finances et des affaires européennes, j’ai estimé que la Commission européenne est certes habilitée à faire part de ses analyses, mais pas à entrer dans le détail des préconisations, car elle s’immiscerait ainsi dans un débat de politique intérieure. Cette critique concernait la seule question des retraites – je ne trouve rien à redire aux autres aspects du texte – et je me réjouis donc qu’il ne soit pas fait référence à l’âge légal du départ en retraite. Comment les négociations se sont-elles déroulées ?

Enfin, disposez-vous d’ores et déjà d’informations sur la réunion des ministres de l’emploi qui se tient aujourd’hui même à Berlin ?

M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé des affaires européennes. Voilà une semaine, à l’occasion d’une séance de questions d’actualités consacrées au Conseil européen, j’ai eu l’occasion d’indiquer les sujets que nous souhaitions voir inscrits à l’ordre du jour, avec l’espoir que des avancées concrètes soient réalisées. Il m’appartient donc d’évoquer avec vous les conclusions du Conseil des 27 et 28 juin et de tracer les perspectives de travail qui se présentent dans le cadre d’un calendrier précis sur des dossiers qui doivent être approfondis entre les Vingt-huit.

Ce sommet des chefs d’État et de gouvernement a essentiellement contribué à progresser dans trois domaines : l’emploi des jeunes, l’intensification des actions pour la croissance et l’approfondissement de l’union économique et monétaire (UEM).

Nous demandions que la question de l’emploi des jeunes soit examinée en priorité : près de 14 millions de jeunes Européens sont aujourd’hui au chômage ; nombre d’entre eux sont sans formation. En ralliant nos principaux partenaires, nous avons obtenu que soit mis en place un véritable plan, avec des dispositions spécifiques. Pour la première fois, une ligne budgétaire regroupera toutes les mesures visant à accompagner les jeunes de moins de vingt-cinq ans sortis du cursus scolaire ou au chômage depuis plus de quatre mois. Sous le label « Initiatives pour la jeunesse » et sur recommandation de la Commission et des États membres, des emplois aidés, des formations par alternance, des réintégrations dans un circuit d’apprentissage, des offres de stages qualitatifs leur seront proposés.

Les 6 milliards qui ont été débloqués ne se substituent pas aux efforts qui ont déjà été entrepris dans certains pays, dont la France, mais ils s’y ajoutent. Compte tenu du poids de notre pays dans l’Union, nous pouvons estimer que nous recevrons 600 millions. Avec plusieurs de ses partenaires, la France a demandé que cette somme ne soit pas répartie sur la période couverte par le CFP, de 2014 à 2020, mais qu’elle soit concentrée sur les années 2014-2015.

Ont donc été actés à l’occasion de ce sommet le montant de 6 milliards, le front loading pour 2014-2015 et, sur demande du Parlement européen, la possibilité de poursuivre cet effort grâce à une flexibilité sur les crédits d’engagements à partir de 2016 de 2,6 milliards d’euros. Ces sommes seront consacrées, par exemple, à des actions de formation professionnelle ou d’apprentissage, décidées par les États. Tel est d’ailleurs l’objet des discussions qui ont lieu cet après-midi même à Berlin avec les vingt-huit ministres du travail de l’Union, mais aussi le Président Hollande, la Chancelière Merkel et la Présidente de la Lituanie, Mme Grybauskaité – qui va présider l’Union pendant six mois – afin d’examiner comment mettre en place ces actions sans tarder, sachant que, dans certains États, des appels d’offres sont parfois nécessaires.

Cette action en faveur de la jeunesse sera concentrée dans les bassins d’emplois où le taux de chômage des jeunes de moins de vingt-cinq ans est supérieur à 25 %. Des évolutions sont d’ailleurs encore possibles sur ce dernier point, certains pays demandant que ce pourcentage soit abaissé à 20 %. Toutefois, plus la cartographie sera élargie, moins l’effet de levier sera important puisque les sommes dépensées par l’Union européenne sont les mêmes. Si le pourcentage de 25 % est retenu, une douzaine de régions françaises sera éligible, ainsi que l’ensemble des départements d’outre-mer.

De 2007 à 2013, le programme Erasmus a quant à lui bénéficié de 8 milliards. Ce sont désormais 13 milliards qui lui seront consacrés. Non seulement les jeunes bénéficiant de l’aide à la mobilité seront plus nombreux, mais les jeunes en formation professionnelle par alternance dans les entreprises et les jeunes apprentis pourront le suivre.

En outre, dans quelques mois, la Commission européenne devra formuler au Conseil une proposition visant à mettre en place des stages de qualité.

De même qu’Erasmus a donné l’occasion aux États de définir un statut de l’étudiant, son élargissement aux apprentis permettra d’élaborer un statut de l’apprenti à l’échelle européenne. La reconnaissance de ces formations et la mise en place d’une équivalence de diplômes professionnels sont loin d’être secondaires.

La BEI, qui dispose de fonds supplémentaires grâce au pacte de croissance adopté au mois de juin 2012, devra également faire une proposition au Conseil afin de mettre en place des prêts pour les jeunes et pour les jeunes créateurs d’entreprises, lesquels éprouvent parfois des difficultés à obtenir des financements classiques. Les PME qui embauchent des jeunes Européens bénéficieront ainsi d’aides spécifiques.

L’intensification des efforts en faveur de la croissance vise à faire en sorte que le pacte de relance soit pleinement appliqué dans les États sous ses différents aspects : fonds structurels, BEI, project bonds. En juin 2012, 120 milliards avaient été fléchés grâce à ces outils. La réorientation des fonds structurels inutilisés en faveur des collectivités territoriales a été bénéfique, puisque 31 milliards ont été réaffectés. Très peu l’ont été en France, ce qui est à la fois dommage et réjouissant : l’année dernière, le taux de consommation des fonds, notamment, du FEDER, s’élevait à 90 %.

Grâce à cette décision, nous avons augmenté le capital de la BEI à hauteur de 10 milliards, ce qui, par effet démultiplicateur, autorise 60 milliards de prêts à l’échelle européenne. La France, en l’occurrence, disposera chaque année, de 2013 à 2015, de 7 milliards. Nous avons allégé les dispositifs afin que l’utilisation de ces fonds soit plus rapide et nous avons élargi les secteurs éligibles en l’occurrence à l’université – plan Campus – et aux hôpitaux – plan Hôpital 2020.

Comment faire connaître l’existence de ces prêts auprès des élus locaux et des entreprises, la BEI ayant également vocation à aider ces dernières ? Nous avons convié la BEI et la Caisse des dépôts et consignations (CDC) à travailler ensemble. Un accord a été signé le 13 juin. Depuis, la CDC instruit des dossiers de demandes de collectivités locales pour utiliser l’argent que la BEI mettra à sa disposition. Des accords de partenariat ont également été passés avec des banques de proximité, dont la Caisse d’épargne, afin que ces fonds soient mis à disposition des PME. La BEI n’intervient directement que sur des projets de plus de 100 millions, nombre de collectivités locales et d’entreprises ne pouvant donc émarger. Je ne veux plus que l’on dise, sur le terrain, qu’il n’est pas possible d’accéder à ces fonds : désormais, la CDC ET LA BPI en font leur affaire et les banques de proximité comme la BPI doivent les délivrer. Grâce à cet accord, la CDC et la BEI peuvent financer à 100 % – 50 % pour la première, 50 % pour la seconde – les grandes infrastructures de vos territoires. Les taux de la BEI étant de surcroît inférieurs de trois points de base aux prêts classiques, les perspectives de grands travaux sont réelles.

Dans le cadre du CFP, la ligne budgétaire « Mécanismes d’interconnexions pour l’Europe » sera substantiellement augmentée à partir du 1er janvier 2014, puisqu’elle passera de 8 à 19 milliards. Ces sommes seront consacrées aux infrastructures de transport, mais aussi de lutte transfrontalière contre la précarité énergétique.

Des avancées ont également été réalisées sur le plan de l’UEM. Les objectifs sont limpides : il convient à la fois de définir des systèmes qui permettent à l’Union européenne d’anticiper et de réagir dans l’urgence afin que l’Europe ne traverse plus de crises comparables à celles qu’elle a connues, d’éviter les défaillances bancaires qui ont exposé épargnants et contribuables et, enfin, de disposer d’importants moyens de contrôle et de décisions. Grâce à cet approfondissement de la supervision bancaire, une autorité, à l’échelle de l’Union, disposera d’un droit de regard sur la façon dont les banques nationales sont gérées à travers un certain nombre de critères de sécurité définis selon le principe « mieux vaut prévenir que guérir ». Des stress tests seront organisés à l’automne prochain qui mettront les banques nationales en difficultés budgétaires et économiques afin d’observer leurs réactions.

En outre, un système de recapitalisation directe des banques sera mis en place par le biais du mécanisme européen de stabilité, alors que jusqu’ici, en cas de crise bancaire, ce n’étaient pas les banques elles-mêmes qu’aidait l’Europe, mais les États, lesquels aidaient à leur tour les banques nationales mais se retrouvaient en difficulté en raison de l’augmentation de leur endettement.

Tout cela doit se faire dans ce cadre technique et financier identique pour tous qu’est la résolution bancaire, laquelle doit être adoptée avant la fin de l’année. Ce sont avant tout les actionnaires et les créanciers qui doivent payer la mauvaise gestion, les dépôts des épargnants devant être quant à eux… épargnés.

Si nombre de moyens financiers nouveaux doivent être sollicités, il convient préalablement que le CFP soit voté. Le Parlement européen, qui a évidemment son mot à dire sur le budget, manifestera-t-il une adhésion pleine et entière ? Aujourd’hui même a été votée à une très large majorité une résolution disposant que le Parlement mettra à son ordre du jour du mois de septembre prochain le vote du CFP 2014-2020, dans lequel figurent les lignes budgétaires dont nous avons parlé : Erasmus, emploi des jeunes, Mécanismes d’interconnexions pour l’Europe, hausse de 40 % du financement de la recherche et développement. Les discussions en cours entre le Parlement, le Conseil et la Commission portant sur quelques centaines de millions seulement, pour un budget de 960 milliards, nous pouvons nous montrer raisonnablement optimistes.

L’adhésion du Parlement a été définitivement emportée grâce aux avancées réalisées par les chefs d’État et de gouvernement la veille et le jour même du Conseil, afin de rendre le CFP plus flexible. Grâce à une plus grande flexibilité des crédits de paiement et d’engagement sur la période 2014-2020, nous avons en effet la quasi-certitude que le budget voté sera le budget consommé. Globalement, nous investirons environ 50 milliards de plus que pendant la période 2008-2013. Cela est évidemment très important pour soutenir les budgets publics et favoriser l’accompagnement de grandes entreprises. Cette action est complémentaire de celle de la BEI : Renault a ainsi bénéficié la semaine dernière d’un prêt de 400 millions de la BEI ; le Syndicat interdépartemental pour l’assainissement de l’agglomération parisienne bénéficiera quant à lui d’un prêt de 600 millions.

J’ajoute que, Compte tenu de l’évolution de son économie, la Lettonie a été autorisée à rejoindre la zone euro le 1er janvier 2014.

Nous avons également donné mandat pour ouvrir des négociations à partir des mois de décembre ou de janvier prochains en vue de l’adhésion de la Serbie et de l’association du Kosovo. Nous avons demandé qu’elles s’ouvrent en même temps et qu’elles se poursuivent au même rythme pour ces deux pays qui, il y a peu, se déchiraient encore. Ils n’ont d’ailleurs accepté de discuter ensemble qu’en présence des autorités européennes et dans la perspective de ces rapprochements avec l’Union européenne. Alors que certains se demandent si l’Union constitue encore une perspective intéressante, je note que le « désir d’Europe » est bien réel. Plus l’Union est forte, plus elle a d’atouts. J’ai assisté dimanche dernier, à Zagreb, aux manifestations préalables à l’entrée de la Croatie dans l’Union et j’ai vu des gens très heureux à l’idée de la rejoindre.

La Présidente Élisabeth Guigou. Je vous remercie pour ces informations extrêmement concrètes concernant le plan en faveur de l’emploi des jeunes et le financement du pacte de croissance.

Peut-on recourir au reliquat de 10 % des fonds structurels non utilisés dans notre pays, notamment, ceux du Fonds social ?

Mme Marietta Karamanli. Le taux de chômage des jeunes Européens est deux fois plus élevé que celui des autres classes d’âge puisque, au deuxième trimestre de 2012, il était de 22,7 % contre 9,2 %. La probabilité de trouver un emploi, pour un jeune chômeur, est encore faible, ces emplois étant de surcroît moins stables que ceux des adultes. J’ajoute que 55 % des « décrocheurs » scolaires sont au chômage. Plus préoccupant encore : le phénomène de résignation s’accroît puisque 12,4 % des jeunes inactifs n’ont pas cherché d’emplois au deuxième trimestre de 2012.

Au mois de février, le Gouvernement français – qu’il faut féliciter d’avoir été à l’origine de ce sommet européen – avait demandé une hausse de 40 % des dépenses dédiées à la croissance auxquels s’ajoutent donc les 6 milliards qui ont été débloqués. Ces crédits seront-ils conditionnés à l’utilisation d’autres financements publics de l’État et des collectivités, ce qui, dans le contexte budgétaire que l’on connaît, serait problématique ? Un objectif chiffré du nombre de jeunes concerné par ce plan a-t-il été fixé ?

M. Jacques Myard. Aider les jeunes, oui, mais est-il utile de faire monter des fonds au niveau de l’Europe avant de les faire redescendre pour les affecter à la formation professionnelle, alors que nous sommes d’évidence confrontés à un problème de déperdition en ligne ?

Quant à l’entrée de la Lettonie dans la zone euro, ne nous y trompons pas ! Il s’agit d’une manœuvre de la République Fédérale d’Allemagne pour introduire un allié au conseil d’administration de la Banque centrale où ses thèses sont minoritaires. Il faut regarder les choses en face : l’économie lettone n’est pas à la hauteur pour intégrer la zone euro.

Un sérieux problème est également en train de se poser au sein de l’UEM : les banques françaises s’engagent à renflouer leurs homologues chypriotes ou grecques via le Fonds de garantie. La taxe de 0,8 % sur les dépôts permettra donc à des banques mal gérées d’être soutenues par des banques françaises et par notre économie. Or c’est d’abord aux créanciers nationaux de payer les faillites bancaires. S’il faut regarder quelle est la situation des établissements bancaires par rapport aux règles prudentielles, il n’est pas question de mutualiser l’ensemble des dettes de ce type. Nous allons droit dans le décor ! Nous sommes en train de jouer aux apprentis sorciers !

Bon courage au gouvernement, qu’il soit socialiste ou de droite, qui devra gérer l’économie nationale lorsque le régulateur européen appliquera ses normes et ses règlements pour résoudre des problèmes bancaires nationaux ! Je ne suis pas certain que les banquiers et le Gouvernement aient su où se trouve leur véritable intérêt.

M. Joaquim Pueyo. Comme vous l’avez démontré, monsieur le ministre, cette politique cohérente de relance est indispensable.

Quel est le calendrier et quels sont les secteurs qui seront concernés par les 120 milliards du pacte pour la croissance et pour l’emploi ?

En tant qu’élu local, je sais combien il est parfois difficile de comprendre comment procéder pour accéder à certains fonds. Le Gouvernement français s’est engagé dans une politique de simplification. Ne serait-il pas possible de faire de même au service des collectivités locales et des PME ? Dans le domaine de la formation professionnelle, par exemple, que signifie l’apprentissage « de haute qualité » ? Vise-t-il les futurs notaires ? De la même manière, que signifie un « cadre de qualité pour les stages » ? Quelles seront les retombées concrètes pour les territoires ?

Nous savons que nombre de jeunes sont au chômage, y compris ceux qui bénéficient d’une formation, mais quelles seront les procédures du plan pour l’emploi des jeunes ? Il ne se substituera pas aux emplois d’avenir ou aidés, mais vous avez pourtant parlé d’emplois aidés. J’aimerais bien qu’il y ait un peu de cohérence entre les décisions prises au Conseil européen et les politiques nationales.

M. Pierre Lequiller. J’approuve totalement l’entrée de la Croatie dans l’Union européenne, pour laquelle j’ai plaidé. Mais nous qui, quelles que soient nos appartenances politiques, sommes très attachés à l’Europe, devons faire attention à ne pas applaudir les nouveaux élargissements avant tout approfondissement de l’Union. Nous tenons ce discours depuis des années, mais rien ne change. Il en est de même, d’ailleurs, pour ce qui concerne la Lettonie.

Les prochaines élections européennes seront dangereuses : nous savons que la participation sera faible et que les idées extrémistes, aussi bien à gauche qu’à droite, pourront, sinon être victorieuses, du moins progresser fortement. C’est pourquoi je suis préoccupé par le climat actuel.

À cet égard, les déclarations de certains ministres ou du président de l’Assemblée nationale à l’encontre de l’Allemagne constituent une erreur profonde – elles ont d’ailleurs fait réagir à juste titre notre présidente –, car elles tendent à alimenter le sentiment antieuropéen. Les responsables doivent donc faire attention à leurs déclarations, qu’elles concernent l’Allemagne ou l’Europe en général.

J’en viens à l’effort budgétaire en faveur des jeunes. J’y suis bien évidemment favorable, mais il n’est pas du tout à la hauteur du problème. La Commission l’a d’ailleurs elle-même reconnu : alors qu’elle évalue à plus de 18 milliards d’euros les fonds nécessaires, seuls 6 milliards sont aujourd’hui rendus disponibles – même si ce montant pourrait selon vous être porté à 8 milliards avec l’aide du Parlement européen.

Par ailleurs, je m’interroge, comme mon collègue Pueyo, sur les procédures. Si j’ai bien compris, la Commission a l’intention de s’inspirer, en matière d’apprentissage et d’alternance, des systèmes en vigueur en Autriche et en Allemagne – où les taux de chômage sont d’ailleurs bien inférieurs à la moyenne européenne. Comment l’initiative pour l’emploi des jeunes va-t-elle concrètement être appliquée en France ? Allons-nous nous inspirer de l’exemple donné par ces deux pays ?

L’actualité m’amène également à dire un mot de la Turquie, où il se passe aujourd’hui des choses inacceptables : plusieurs morts, et des milliers de blessés. Le langage employé par le gouvernement turc est également inacceptable, puisqu’il affirme que les manifestants sont manipulés par des « lobbies juifs », ou que les journalistes étrangers – dont certains ont été grièvement blessés – incitent la population à la violence, voire qu’ils sont des espions de l’Union européenne ! Je comprends que l’on souhaite poursuivre les négociations avec la Turquie, mais un rappel à l’ordre est nécessaire. Or le Gouvernement français n’a pas manifesté suffisamment de fermeté à cet égard.

En ce qui concerne l’espionnage pratiqué par les États-Unis et ses conséquences sur les négociations de l’accord de libre-échange, je constate que la position de la France est très différente de celle de l’Allemagne. Je le regrette, car les relations franco-allemandes ont toujours joué un rôle important dans le fonctionnement de l’Union.

La Présidente Élisabeth Guigou. Je n’ai pas voulu interrompre Pierre Lequiller, parce que ses propos sont toujours intéressants et que seuls deux membres de l’opposition sont présents, mais je demande aux orateurs de faire preuve de concision.

M. Philip Cordery. Je répondrai à M. Lequiller que nous ne sommes pas antiallemands lorsque nous critiquons Mme Merkel, pas plus que nous ne sommes antieuropéens lorsque nous critiquons M. Barroso, et que nous ne l’accusons d’être antifrançais lorsqu’il critique le Président de la République. Toutes ces accusations n’ont pas de sens. L’Europe est une entité politique, lieu d’un débat politique. Je revendique le droit d’exprimer notre désaccord avec les orientations politiques incarnées par Mme Merkel ou M. Barroso lorsque nous les jugeons mauvaises, ce qui a été souvent le cas.

M. Pierre Lequiller. De là à parler de « casques à pointe »…

M. Philip Cordery. J’en viens au Conseil européen, dont je me félicite du contenu en tant qu’ancien rapporteur sur l’entrée de la Croatie dans l’Union et sur l’emploi des jeunes. Cela fait du bien de voir des réalisations concrètes résulter d’un tel sommet, alors que, trop souvent, les réunions du Conseil européen ont été l’occasion d’annoncer de mauvaises nouvelles. Ces 6 milliards d’euros destinés à l’emploi des jeunes vont avoir un réel impact sur la vie quotidienne de nos concitoyens, et montrent que la réorientation voulue par le Président de la République est en marche.

De même, je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir au cours de votre présentation mis en valeur les résultats de ce Conseil. Nous devons le répéter : l’Europe, c’est aussi des réalisations concrètes telles que les prêts de la BEI aux jeunes créateurs d’entreprise ou la stratégie Europe 2020.

Quels sont les projets du Gouvernement en matière d’application, en France, de l’initiative pour l’emploi des jeunes ? Le décaissement doit bénéficier aux régions de l’Union européenne où le taux de chômage des jeunes est supérieur à 25 %. Mais est-il nécessaire de raisonner en terme de circonscription administrative régionale, alors qu’une même région peut recouvrir des situations très différentes ? Ainsi, bien qu’un département comme la Seine-Saint-Denis connaisse un taux de chômage des jeunes bien supérieur à 25 %, l’Île-de-France dans son entier n’est pas éligible. Vous avez évoqué l’autonomie dont chaque État pouvait bénéficier dans l’application de ce plan : si nous voulons toucher les populations qui en ont le plus besoin, ne faudrait-il pas modifier les critères d’attribution ?

La Présidente Élisabeth Guigou. Je m’associe pleinement à cette dernière remarque.

Mme Chantal Guittet. Comme M. Pueyo, je constate que les entreprises, en particulier les PME, sont mal informées au sujet des mesures dont elles peuvent bénéficier, qu’il s’agisse du crédit d’impôt compétitivité emploi ou des actions de l’Union européenne. Il serait bon que des documents soient édités pour expliquer de façon synthétique – et non en plusieurs dizaines de pages – ce à quoi les entreprises ont droit et comment elles doivent s’y prendre pour l’obtenir.

Selon le projet de déclaration du Conseil relative au Fonds européen d’aide aux plus démunis, le financement du programme serait maintenu au niveau déjà convenu, soit 2,5 milliards d’euros, les États membres pouvant, de manière volontaire, décider d’augmenter leur contribution à hauteur de 1 milliard. Qu’est-ce que cela signifie ? Qui décidera de quoi ? Comment l’argent sera-t-il réparti ? J’avais cru comprendre que ce budget serait maintenu à 3,5 milliards, mais le projet de déclaration semble affirmer le contraire.

Par ailleurs, la nouvelle présidence lituanienne a indiqué vouloir conclure un partenariat oriental avec certains pays, dont la Biélorussie. J’en ai été surprise, dans la mesure où il existe déjà une union douanière entre l’Union européenne et la Russie, la Biélorussie et le Kazakhstan. Quel est votre avis sur ces déclarations ?

Enfin, où en est la directive « Détachement » ? Dans ma région, 1 900 salariés se retrouvent sur le carreau après la fermeture d’un abattoir, victime de concurrents allemands qui rémunèrent leurs salariés 2 euros de l’heure. M. Lequiller nous accuse de faire preuve d’antigermanisme : je l’invite à tenir ce discours devant les 200 personnes qui doivent me rencontrer vendredi dans ma permanence…

Mme Axelle Lemaire. Le numérique, brièvement évoqué au cours du dernier Conseil européen, est identifié dans le Pacte pour la croissance et l’emploi comme un secteur fortement porteur de croissance, et plusieurs « mesures de croissance à effet rapide » doivent concerner ce que l’Union appelle la stratégie numérique. Un Conseil européen sera d’ailleurs consacré à ce sujet à l’automne, en présence des chefs d’État et de gouvernement, signe de l’attention portée à ce thème. Quelle part des 120 milliards d’euros consacrés au Pacte de croissance sera allouée à la stratégie numérique ? Des annonces seront-elles faites, au cours du prochain Conseil, sur les investissements pouvant être réalisés dans ce domaine à l’échelle européenne ?

On peut imaginer que la fiscalité numérique sera affichée comme une des priorités du Gouvernement français – elle pourrait être abordée dans le cadre de la coopération renforcée. Quels autres sujets la France souhaite-t-elle voir examiner à cette occasion ?

Pierre Lequiller a évoqué l’affaire PRISM et les allégations au sujet de l’espionnage de représentations diplomatiques européennes. Pensez-vous que l’Europe ait intérêt à répondre d’une même voix aux atteintes de cette nature ? Le Président de la République a fait le choix de porter le débat sur le terrain commercial en liant cette affaire avec l’ouverture des négociations sur l’accord de libre-échange avec les États-Unis. Il a tout à fait raison : la mise sur écoutes de bureaux de la Commission européenne à Bruxelles ne pouvant évidemment pas se justifier par la lutte contre le terrorisme, ce sont bien, en réalité, les intérêts économiques de nos nations qui sont en jeu. La France est-elle déterminée à convaincre ses partenaires européens d’adopter une position ferme, de renforcer l’arsenal juridique concernant la protection des données personnelles des citoyens, mais aussi de développer ce que l’on pourrait appeler la souveraineté numérique en matière de technologie, c’est-à-dire des productions industrielles permettant de sauvegarder nos intérêts stratégiques en Europe ?

M. Arnaud Leroy. Je souhaite également répondre à M. Lequiller : en critiquant Mme Merkel ou M. Barroso, tous deux membres du Parti populaire européen, nous ne faisons que jouer notre rôle d’opposition au niveau européen. Non seulement nous n’alimentons pas, ce faisant, le sentiment antieuropéen et les idées extrémistes, mais c’est l’inverse : ce sont l’inaction et le déni de la réalité qui les alimentent. Il est de notre responsabilité d’en tirer les conséquences.

La Présidente Danielle Auroi. Cette réunion est consacrée à l’audition du ministre. Nous reviendrons sur ce point lorsqu’il aura répondu à nos questions.

M. Arnaud Leroy. Comme M. Pueyo, je m’interroge sur le calendrier d’application du Pacte de croissance et sur les secteurs concernés. Nous risquons de connaître un faux plat en 2014 en raison des échéances électorales : il ne faudrait donc pas manquer le rendez-vous.

Le budget européen consacre une enveloppe financière conséquente – 20 % des crédits – aux affaires climatiques. La France, disposée à accueillir en 2015 la vingt-et-unième conférence des parties (COP21), va-t-elle proposer à l’ensemble de ses partenaires d’organiser un Conseil européen dédié au climat, afin de réfléchir à l’utilisation de cette somme et d’identifier les secteurs pouvant en bénéficier ? Non seulement cette politique peut constituer un élément important de réenchantement du rêve européen, mais elle peut être l’un des outils de la croissance de demain.

La Présidente Danielle Auroi. Les mauvaises nouvelles qui nous viennent du Portugal illustrent les effets négatifs du « tout austérité » appliqué à un État : il en résulte une crise politique qui elle-même nourrit la crise bancaire et est susceptible de fragiliser les avancées obtenues en matière d’union économique et monétaire. À cet égard, les annonces que pourra faire Mario Draghi jeudi sont très attendues. Le Conseil a-t-il anticipé la crise portugaise ?

Par ailleurs, en recevant certains représentants de la Lituanie, nous avons bien noté l’intérêt particulier manifesté par ce pays à l’égard de la politique de voisinage, notamment à destination de pays tels que l’Ukraine ou la Biélorussie. C’est pourquoi je fais miennes les préoccupations exprimées par M. Lequiller et Mme Guittet. Si nous nous sommes battus pour convaincre nos collègues allemands d’accueillir avec bienveillance la candidature serbe – ce qui n’a pas été si facile –, c’est parce que cela a du sens de faire entrer, à terme, des pays tels que la Serbie ou le Kosovo, qui forment une zone historiquement fragile en Europe, dans un espace de paix.

Mais c’est une tout autre logique que de poursuivre l’élargissement vers des pays qui ont toujours suivi la dynamique d’une autre partie de cet immense continent qu’est l’Eurasie. Pour moi, cette question est encore plus délicate que celle de la Turquie. Certes, ce dernier pays a encore du chemin à faire sur le plan économique, et les dérapages actuels en matière de droits de l’homme doivent légitimement nous interpeller. Mais la Biélorussie, c’est tout de même un des plus beaux exemples de dictature que nous offre le monde ! La présidence lituanienne a-t-elle évoqué d’autres pistes ?

Enfin, les révélations d’Edward Snowden ne remettent-elles pas en cause le calendrier de négociation entre l’Union européenne et les États-Unis, du moins en attendant de clarifier le droit en vigueur de chaque côté de l’Atlantique ?

M. le ministre. Mes propos liminaires ne concernaient que les résultats du Conseil européen, mais il est naturel que l’actualité nous conduise à élargir le champ de nos échanges.

Plusieurs députés se sont ainsi interrogés sur l’élargissement. S’agissant de la Croatie, je me réjouis que le processus soit allé à son terme. Mais je rappelle qu’il avait commencé il y a treize ans – même si les négociations formelles n’ont été entamées qu’en 2005. Beaucoup de temps se passe entre l’expression du souhait de rejoindre l’Union européenne et la possibilité d’une intégration. À partir du moment où une candidature est acceptée, des discussions ont lieu sur les trente-cinq chapitres de l’acquis communautaire. Pour chacun des secteurs considérés, le pays candidat doit montrer qu’il répond à certains critères qualitatifs. Tant que ce n’est pas le cas, il ne peut y avoir d’adhésion.

Enfin, la Croatie est le dernier pays candidat à avoir bénéficié de l’ancienne procédure, plus souple, de ratification d’un traité relatif à l’adhésion d’un État à l’Union européenne. C’est en effet vous-mêmes, parlementaires, qui avez autorisé son adhésion, par un vote dont le caractère unanime a d’ailleurs été remarqué au niveau international. Mais désormais, pour qu’un projet de loi autorisant la ratification d’un tel traité soit adopté par le Parlement, il faudra réunir la majorité des trois cinquièmes dans chacune des chambres, ainsi qu’au Congrès.

J’en viens au partenariat oriental. Du fait de son histoire, celle d’un pays qui n’a pas connu une liberté comparable à la nôtre au cours des dernières décennies, il est compréhensible que la Lituanie, devenue présidente de l’Union, souhaite s’adjoindre des partenaires susceptibles de l’arrimer définitivement dans une Europe élargie à l’Est. En novembre, un sommet sera d’ailleurs organisé à Vilnius sur cette question. On y parlera notamment de la Biélorussie, de l’Ukraine, de la Géorgie, de la Moldavie. Mais nous avons clairement tracé la ligne rouge à ne pas franchir : pour que ce sommet soit un succès pour nos amis lituaniens, il faut que nous connaissions des avancées dans la coopération avec ces pays sans pour autant laisser penser qu’elles pourraient déboucher sur une perspective européenne – c’est-à-dire, pour être clair, sur des adhésions.

Cela étant, il est possible de travailler sur de nombreux sujets : assouplissement de la politique des visas à l’égard de pays ayant connu des avancées sur le plan démocratique, approfondissement des relations commerciales… Mais nous ne sommes pas dans une perspective d’élargissement de l’Union européenne aux États concernés par le partenariat oriental.

Nous devons toutefois raffermir nos liens avec ces pays, si nous ne voulons pas les voir se tourner vers une autre partie du monde et délaisser l’Europe. En effet, chaque fois que des États – notamment dans les Balkans – ont connu des avancées dans leurs relations avec l’Union européenne, on y a vu progresser la démocratie. C’est un phénomène dont on ne peut que se louer. Vitali Klitschko, une des figures de l’opposition ukrainienne, disait lui-même qu’il ne fallait pas leur fermer la porte, car la perspective de rejoindre l’Union est, pour les gouvernements de ces pays, une incitation à adopter des règles plus respectueuses de la démocratie, plus proches des normes européennes.

Cela m’amène à la situation de la Turquie. Bien entendu, tout démocrate ne manque pas d’être interpellé par ce qui s’y passe. Certains ont regretté l’absence de réaction de la France, mais Laurent Fabius, notamment, a eu des mots très fermes, condamnant l’usage excessif de la force à l’encontre des manifestants de la place Taksim. J’ai moi-même dit à mon homologue, M. Egemen Bağış, qu’il ne pourrait y avoir entrée dans l’Union si nous avons le sentiment que son pays, au-delà des réformes économiques qu’il mène depuis quelques années, n’adhère pas aux valeurs de l’Europe, dont font partie la liberté d’expression et le respect de l’État de droit. Je précise que les discussions n’ont pas encore été ouvertes sur ce chapitre ; elles n’ont été ouvertes que sur celui des politiques régionales.

Par ailleurs, au cours du conseil des affaires générales, qui a précédé de deux jours le Conseil européen des chefs d’État, les Vingt-sept ont décidé à l’unanimité – y compris Chypre, donc – de maintenir le dialogue avec la Turquie, afin d’éviter qu’elle ne s’enfonce dans un nationalisme exacerbé. Certains estimaient que les manifestants eux-mêmes, souvent favorables à l’Union, n’accepteraient sans doute pas de voir s’éloigner la perspective européenne. Pour eux, au moins, il convient de ne pas fermer la porte.

Quant à l’affaire PRISM, elle n’était évidemment pas à l’ordre du jour du Conseil européen, mais lundi matin, à l’occasion d’une réunion avec Mme Reding consacrée à la protection des données, j’ai suggéré que le Comité des représentants permanents, qui se tiendra jeudi, soit le lieu d’un dialogue et de l’élaboration d’une expression commune des membres de l’Union sur ce sujet. Il convient en effet de condamner unanimement ces pratiques, inacceptables entre partenaires. Vivian Reding a elle-même jugé nécessaire d’adopter une attitude commune plutôt que de laisser les uns et les autres s’exprimer trop rapidement.

A posteriori, cela donne d’ailleurs raison à la France d’avoir tenu bon sur la question de l’exception culturelle, laquelle va bien au-delà de la culture et concerne également les réseaux de télécommunication.

De même, ce soupçon d’espionnage nous incite à être encore plus vigilants dans le suivi des discussions – qui n’ont pas encore commencé – entre la Commission et les États-Unis sur l’accord de libre-échange. Un état des négociations nous sera ainsi adressé chaque semaine. Nous devons être très fermes.

S’agissant des contrats de compétitivité et de croissance, madame la présidente, le dernier Conseil européen ne les a pas encore mis en place. La décision sera prise en décembre, car des questions doivent encore être résolues, portant sur la nature, le contenu et les procédures d’élaboration de ces contrats. Nous voulons qu’ils reposent sur des engagements politiques, et que leur contenu concerne non seulement les réformes, mais aussi les dépenses d’avenir. Les décisions qui seront prises devront par ailleurs avoir fait l’objet de discussions au sein des parlements nationaux. Enfin, il reste à déterminer la forme de soutien financier dont bénéficieront les États dans le cadre de ces contrats, et la nature du fonds sollicité. Cela renvoie à la question de la mise en place de la taxe sur les transactions financières et de son affectation, ou à la création d’une taxe carbone, dont le produit alimenterait un fonds de la zone euro.

Plusieurs questions ont été posées sur le Fonds européen de développement régional – FEDER. Comme je l’ai indiqué, la France a presque atteint en 2012 un taux de consommation de crédits de 90 %. Au vu du montant des crédits programmés pour 2013, soit 2,1 milliards d’euros, on peut estimer que la quasi-totalité des fonds attribués à la France sur la période 2008-2013 a été consommée. Quelques dizaines de milliers d’euros ont pu, toutefois, être réaffectés, au bénéfice presque exclusif du ministère de l’éducation nationale, et en particulier de l’équipement numérique des établissements scolaires. Côté FEDER, il ne reste donc plus rien.

En revanche, du côté de la BEI, d’importants crédits restent disponibles, soit pour le secteur privé, soit pour le secteur public. Je sais, cependant, que leur existence reste méconnue. Le ministre de l’économie et des finances a d’ailleurs prévu d’informer à ce sujet les acteurs du monde économique comme le MEDEF ou le réseau des chambres consulaires.

Par ailleurs, je n’ai pas encore évoqué un autre aspect du pacte européen pour la croissance et l’emploi : les projects bonds, obligations émises au niveau européen pour financer de grands projets. Nous nous situons à cet égard dans une phase pilote. La France a proposé quatre dossiers, instruits par la BEI : deux concernent la numérisation de territoires – Auvergne et Haute-Savoie –, et deux autres des infrastructures autoroutières – un barreau entre Saint-Étienne et Lyon et une autoroute dans la région Poitou-Charentes. La semaine dernière, la BEI a accepté six projets présentés par d’autres pays, dans des domaines très différents, tels que le développement durable, avec le raccordement électrique d’un champ d’éoliennes.

La Présidente Danielle Auroi. On est en effet plus proche du développement durable qu’avec la construction d’autoroutes !

M. le ministre. Cela montre que ces fonds ne seront pas consacrés à un seul secteur. La BEI accorde un large financement, mais il appartient aux États de proposer les projets susceptibles de bénéficier de ces nouvelles formes d’aide.

J’en viens au programme européen pour l’aide aux plus démunis, devenu le Fonds européen pour l’aide aux plus démunis – FEAD. En principe, madame Guittet, les crédits consacrés à cette politique auraient dû diminuer progressivement jusqu’à atteindre zéro euro le 31 décembre 2013. L’Europe avait en effet pris la décision, lors d’un Conseil européen de 2011, de ne plus intervenir en ce domaine. C’est à la demande expresse de la France, à la toute fin du sommet de février sur le cadre financier pluriannuel, que la question du FEAD a été posée à nouveau. Les discussions ont conduit dans un premier temps à la décision de l’abonder à hauteur de 2,5 milliards d’euros. Par la suite, les pays hostiles à cette politique ont voulu la rendre facultative, poser de nouvelles conditions, restreindre le public visé aux seuls indigents en excluant les travailleurs pauvres, tout cela dans le but de réduire le financement à la portion congrue. Mais nous avons tenu bon, avec l’aide notable du Parlement européen. Non seulement le montant des crédits a été maintenu, mais la compétence est restée obligatoire. Enfin, depuis les derniers arbitrages effectués entre le Conseil, la Commission et le Parlement, les États ont la possibilité de porter, à titre volontaire, le financement du FEAD à 3,5 milliards d’euros. Cela signifie qu’un membre de l’Union pourra puiser dans le Fonds social européen pour compléter les aides destinées aux associations telles que les Restaurants du cœur, la Croix-Rouge ou le Secours catholique. Le total a été fixé à 3,5 milliards, car tel était le montant des crédits consommés l’an dernier dans le cadre de l’aide européenne aux plus démunis. Dans la mesure où notre pays fait preuve de volontarisme sur cette question, les associations pourront donc poursuivre leurs activités sans difficulté.

Mme Chantal Guittet. Mais au-delà des 2,5 milliards d’euros, la solidarité européenne ne joue plus ?

M. le ministre. Au-dessus de ce seuil, la politique est financée sur l’enveloppe du FSE, et relève donc bien du budget de l’Union. Mais on laisse aux États le soin de décider s’il est nécessaire de recourir à ce fonds pour compléter la partie obligatoire du financement. En France, nous estimons à 150 millions les crédits nécessaires pour assurer aux associations le même niveau de subvention qu’auparavant – ce qui sera le cas, vous pouvez les rassurer sur ce point. De même, contrairement à d’autres pays, nous ne chercherons pas à limiter le public visé, car, malheureusement, certains salariés ont aussi besoin de ces aides.

M. Pueyo s’est plaint, à juste titre, de la complexité des procédures d’accès aux fonds structurels. Le Président de la République a décidé de décentraliser totalement la gestion du FEDER. Le partage des responsabilités entre l’État et la région en matière d’instruction des dossiers était en effet source de complexité, et les choses seront sans doute plus aisées avec un seul interlocuteur. C’est du moins le pari que nous faisons. Dès lors, il appartiendra aux régions d’instruire les dossiers, et donc de faire connaître les procédures. L’État, néanmoins, apportera une aide technique sur ces sujets très complexes, afin d’assurer la transition.

En conséquence, bien entendu, les régions seront désormais responsables de la bonne utilisation de ces fonds. Jusqu’à présent, s’il apparaissait, à la suite de contrôles ex post, que les règles n’avaient pas été respectées, l’État devait rembourser les sommes versées. Il appartiendra désormais aux régions d’assumer cette responsabilité. C’est pourquoi nous avons prévu de consacrer un petit pourcentage de ces fonds à l’assistance technique destinée à faciliter le montage des projets.

Quant à la BEI, ses représentants sont la Caisse des dépôts et la Banque publique d’investissement. C’est donc à ces institutions qu’il convient de s’adresser.

En ce qui concerne les stages, la décision prise par le Conseil européen vise à ce qu’ils correspondent partout à un niveau minimal de qualité, qu’il s’agisse des conventions sociales, de la durée de l’engagement ou de la rémunération. C’est le cas en France, mais pas dans certains pays. Le cadre de qualité devra donc, en quelque sorte, étendre à tout le territoire de l’Union nos propres exigences en la matière.

Je précise que des institutions telles que les écoles de la deuxième chance, dès lors qu’elles visent à réinsérer des jeunes dans la vie professionnelle, pourront bénéficier d’une partie des 6 milliards d’euros consacrés à l’initiative pour l’emploi des jeunes, par l’intermédiaire du Fonds social européen.

J’en viens aux questions de M. Myard. Le 26 juin, le conseil Ecofin s’est mis d’accord sur un projet de directive sur la résolution de crises bancaires. Son objectif est de responsabiliser les banques et de mettre leurs actionnaires et leurs créanciers à contribution en cas de crise. C’est donc bien eux qui paieront, avant toute intervention publique, les conséquences des éventuels dysfonctionnements dont ils seraient responsables. Le recours au mécanisme européen de recapitalisation ne pourra avoir lieu qu’après application des principes de la résolution.

Nous comptons en outre parachever l’union bancaire et le processus de responsabilisation des banques grâce à l’adoption d’un conseil de résolution unique avant la fin de la législature. Une fois définies, ces règles s’appliqueront dans tous les États de l’Union.

Si la Lettonie a été autorisée à adopter la monnaie européenne, c’est parce que la Commission et la Banque centrale européenne – cette dernière constituant un évaluateur peu suspect de laxisme – ont jugé qu’elle répondait aux critères requis. L’économie lettone, à force de travail et de volonté, a suffisamment convergé avec celle de l’Europe, et le pays est prêt pour l’échéance du 1er janvier 2014. Contrairement à une idée visiblement répandue, l’Allemagne n’était pas le pays le plus enclin à la voir intégrer la zone euro. Je dis clairement les choses : on peut en effet avoir des divergences avec nos amis d’outre-Rhin.

En ce qui concerne l’agenda numérique, madame Lemaire, je confirme que le CFP – à travers la ligne budgétaire « Mécanismes d’interconnexions européens » –, le FEDER et la BEI sont trois sources possibles de financement pour des projets de développement des infrastructures. S’agissant de la fiscalité dans le domaine du numérique, nous sommes conscients du travail qui reste à accomplir, même si cette question n’était pas à l’ordre jour du sommet des 27 et 28 juin.

Au sujet de la sécurité du numérique, et en particulier de la protection des données, sur laquelle j’ai eu une longue discussion avec Mme Reding à l’occasion du Conseil sur la justice et les affaires intérieures, la Commission a évolué de façon substantiellement positive. La question était de savoir quelle autorité devrait être saisie : celle du pays dans lequel est rendu le service, ou celle du pays dans lequel l’entreprise est installée ? Vivian Reding a fini par se convaincre de la nécessité de maintenir une autorité de contrôle dans chacun des États. En effet, si l’autorité concernée en matière de protection des données est celle du pays dans lequel se trouve l’entreprise, toutes les sociétés s’installeront là où l’autorité paraîtra la moins fiable, et l’afflux des saisines auprès de la même institution entraînera une thrombose.

La présidence lituanienne va reprendre le dossier, mais nous avançons vers un système dans lequel les citoyens pourront, en cas de défaillance – y compris en matière de droit à l’oubli –, se tourner vers leur autorité nationale, laquelle sera chargée de saisir l’autorité du pays de l’entreprise en cause. Une telle solution répondrait mieux aux préoccupations de la France.

Hélas, monsieur Leroy, la région a toujours été, pour les politiques européennes, la circonscription de référence, et il en est également ainsi dans le cas de l’initiative pour l’emploi des jeunes. Cependant, une part des fonds disponibles, correspondant à 10 % du total, sera laissée à la disposition des autorités nationales pour répondre à des cas particuliers, comme la prise en compte de poches de pauvreté situées dans des régions riches. Pour autant, cela ne doit pas empêcher la région d’intervenir elle-même dans ces zones de façon plus marquée. L’Union européenne peut venir en appui, mais elle n’a pas à se substituer à une solidarité bien pensée, y compris à l’échelle régionale.

Je ne peux répondre à toutes les questions, car j’ai un rendez-vous à dix-neuf heures. Mais je suis disponible pour vous rencontrer plus souvent.

La Présidente Danielle Auroi. Les questions étaient nombreuses et vous êtes sans doute épuisé. Nous vous verrons plus souvent avec plaisir, mais, sur les points les plus précis, nos collègues peuvent aussi vous relancer par écrit.

M. le ministre. Je leur répondrai de façon plus précise et détaillée : ils y ont donc tout intérêt.

La Présidente Danielle Auroi. Merci, monsieur le ministre.

II. Adoption des conclusions du rapport d’information sur l’Union européenne et le G20 de MM. Christophe Caresche, Bernard Deflesselles, Michel Herbillon et Jérôme Lambert sur l’Union européenne et le G20

La Présidente Danielle Auroi. À la suite de notre débat d’hier, je vous propose d’adopter les conclusions proposées par les rapporteurs.

La Commission a adopté à l’unanimité les conclusions ci-dessous.

La Commission des affaire européennes,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu les déclarations finales des sommets du G20 de Cannes des 3 et 4 novembre 2011 et de Los Cabos des 18 et 19 juin 2012,

Vu le rapport d’information no 3443 du 17 mai 2011 de la Commission des affaires européennes, intitulé « L’Union européenne et le G20 : répondre aux enjeux de la régulation mondiale »,

Vu le rapport d’information no 3784 du 4 octobre 2011 de la Commission des affaires européennes, intitulé « L’Union européenne au cœur du projet de régulation mondiale porté par le G20 »,

Vu la résolution européenne sur l’Union européenne et le G20, considérée comme définitive le 20 novembre 2011 en application de l’article 151-7 du Règlement par l’Assemblée nationale,

Considérant que l’économie mondialisée requiert plus que jamais une régulation organisée au niveau planétaire pour prévenir l’éclatement de nouvelles crises systémiques,

Considérant que la coordination des politiques économiques ébauchée au sein du G20 a certainement contribué à amortir la crise traversée par le monde depuis cinq ans et à conjurer les effets systémiques de ses épisodes les plus périlleux,

Considérant que l’effort de sensibilisation consenti vers le reste du monde – États et organisations internationales – par les membres du G20 qui se sont succédé à sa présidence a permis de renforcer la crédibilité de cette instance,

1. Réaffirme que le G20 constitue le format idoine pour réguler l’économie mondialisée, dès lors que ses membres sont en nombre réduit par rapport aux organisations internationales classiques, produisent 80 % du PIB mondial et représentant tous les continents et toutes les catégories de profils de développement économique ;

2. Salue les avancées obtenues lors des sommets de Cannes et de Los Cabos, notamment dans les champs :

a) de la résorption des déséquilibres macroéconomiques internationaux ;

b) de l’encadrement et de la surveillance des établissements, produits et services financiers et bancaires ;

c) de la lutte contre la volatilité excessive des prix des matières premières agricoles ;

3. Estime que l’opportunité de la constitution d’une structure légère de secrétariat permanent doit continuer à être explorée pour institutionnaliser le G20 et l’ancrer définitivement dans le paysage des relations internationales ;

4. Reconnaît la pertinence du thème de la croissance, identifié par la présidence russe comme la clé pour traiter les problèmes économiques mondiaux actuels, à travers trois axes d’action :

a) la mise en œuvre d’une régulation effective ;

b) la création d’emplois de qualité et le soutien à l’investissement ;

c) l’instauration d’un climat de confiance et de transparence ;

5. Encourage la démarche du G20 consistant à s’appuyer sur l’expertise et le savoir-faire de l’Organisation de coopération et de développement économiques pour optimiser les mécanismes multilatéraux de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, aux fins, en particulier, de contrer le phénomène d’érosion des bases et de transfert des bénéfices ;

6. Souhaite que la session du G20 de 2013 soit l’occasion de raffermir les relations entre l’Union européenne et la Russie, actuellement en désaccord sur nombre de sujets politiques et économiques mais liées par une communauté de destin, du fait de leur proximité géographique et de la richesse de leurs échanges commerciaux.

La séance est levée à 18 h 55

Membres présents ou excusés

Commission des affaires européennes

Réunion du mercredi 3 juillet 2013 à 17 heures

Présents. - Mme Danielle Auroi, M. Jean-Luc Bleunven, M. Jean-Jacques Bridey, M. Philip Cordery, M. William Dumas, Mme Chantal Guittet, Mme Marietta Karamanli, Mme Axelle Lemaire, M. Pierre Lequiller, M. Arnaud Leroy, M. Jacques Myard, M. Joaquim Pueyo

Assistaient également à la réunion. - M. Jean-Paul Bacquet, M. Jean-Claude Buisine, M. Michel Destot, M. Jean-Claude Guibal, Mme Élisabeth Guigou, M. Jean-Philippe Mallé, M. Patrice Martin-Lalande, M. Jean-Luc Reitzer, M. Michel Terrot