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Commission des affaires européennes

mardi 13 mai 2014

14 h

Compte rendu n° 129

Présidence de Mme Danielle Auroi Présidente

Examen du rapport de M. André Chassaigne sur la proposition de résolution no 1876 sur le projet d’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les États-Unis d’Amérique, présentée par M. André Chassaigne, M. François Asensi, M. Alain Bocquet, M. Bruno Nestor Azerot, Mme Huguette Bello, Mme Marie-George Buffet, M. Jean-Jacques Candelier, M. Patrice Carvalho, M. Gaby Charroux, M. Marc Dolez, Mme Jacqueline Fraysse et M. Nicolas Sansu

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mardi 13 mai 2014

Présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente de la Commission

La séance est ouverte à 14 heures

Examen du rapport de M. André Chassaigne sur la proposition de résolution no 1876 sur le projet d’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les États-Unis d’Amérique, présentée par M. André Chassaigne, M. François Asensi, M. Alain Bocquet, M. Bruno Nestor Azerot, Mme Huguette Bello, Mme Marie-George Buffet, M. Jean-Jacques Candelier, M. Patrice Carvalho, M. Gaby Charroux, M. Marc Dolez, Mme Jacqueline Fraysse et M. Nicolas Sansu

M. André Chassaigne. Sous prétexte de trouver des réponses à la crise économique, le projet d’accord de libre-échange entre les États-Unis et l’Europe n’est dicté que par l’idéologie du libre-échange –parole magique- qui veut que le bonheur soit dans la libéralisation des échanges, que l’on ne sortira de la crise qu’en prenant des marchés aux autres alors qu’il s’agit ouvertement de créer un grand marché transatlantique déréglementé, conforme aux intérêts des grandes entreprises!

Ce projet d’accord signe l’arrêt définitif des négociations multilatérales du cycle de Doha dans l’échec duquel les États-Unis portent une large part de responsabilité. Ils ont toujours privilégié les accords bilatéraux dans lesquels ils peuvent exercer un rapport de forces. Croire qu’une telle négociation permettrait de forcer la main aux pays émergents et leur imposer nos standards est une illusion.

Croire que l’Union européenne pourrait tirer des gains économiques significatifs est un leurre. Alors que la Commission européenne fait miroiter l’équivalent d’un chèque de plus de 500 euros par ménage si un tel accord était signé, les citoyens ne sont pas dupes comme le montrent la montée de l’inquiétude et de la mobilisation. En Allemagne, une pétition vient de réunir près de 500 000 signatures contre ce projet.

Pour autant, dirigeants européens et américains, Commission européenne continuent d’afficher imperturbablement leur volonté d’aller vite, voire à marche forcée…

Le mandat a été donné à la Commission en juin 2013 dans une absence totale de transparence et de débat. Les peuples n’ont pas eu la parole. La consultation publique qui a précédé le mandat a été minimaliste et particulièrement orientée sur les questions d’ordre industriel et commercial. Sur 130 réunions tenues à l’initiative de la Commission européenne, 119 se sont tenues avec les lobbies des multinationales. Autant dire qu’il s’agissait d’une consultation en cercle fermé ! Le mandat n’a fait l’objet d’aucune publicité et il a fallu compter sur la presse ou Internet pour que les citoyens aient accès à son contenu. Quant à la représentation nationale, nous avons dû insister lourdement pour qu’il soit enfin transmis aux députés.

Après quatre cycles de négociations, où en sommes-nous ? Alors que le mandat venait d’être signé, les révélations d’espionnage à grande échelle des services de renseignement américain, contre les intérêts européens, ont jeté une lumière crue sur les agissements des américains qui ne semblent pas faire une distinction réelle entre ennemis et partenaires !Les autorités américaines n’ont pas été en mesure de fournir des justifications acceptables. Les négociations ont continué dans la même absence de transparence et la même opacité que sur les discussions sur le mandat. Au prétexte que la politique commerciale est une compétence exclusive de l’Union, les négociations sont menées par la Commission européenne qui n’a pas la légitimité de l’élection. Aucune prise de position ou document n’est divulgué alors que cet accord commercial affectera les citoyens autant, voire plus qu’un projet de loi. Ce secret verrouille les options politiques et donne des pouvoirs démesurés aux multinationales qui ont, elles, des canaux pour accéder aux informations sensibles.

Certains gouvernements nationaux ont pris des initiatives pour consulter les citoyens. En France, a été mis en place un comité stratégique composé de parlementaires, de représentants d’entreprises, d’experts économiques mais seuls deux associations et deux syndicats ont été invités à la dernière minute pour corriger la composition initiale. Aussi, je me réjouis, madame la présidente, de l’initiative de votre commission, de réunir autour d’une table ronde le 3 juin prochain, un panel large d’associations et d’organisations qui pourront porter une parole libre.

Le lancement des négociations avait pour justification des perspectives de croissance. Or depuis la publication des analyses d’une étude commanditée par la Commission européenne dont votre commission avait souligné les limites et les biais, d’autres études ont été réalisées. Ainsi une étude récente de mars 2014 réalisée par des chercheurs autrichiens, se montre très pessimiste sur les potentiels de gains, qui ne se réaliseront en tout état de cause qu’à long terme- un horizon de 10 à 20 ans, le temps pour une génération d’être sacrifiée. Les coûts sociaux seront importants et la facture pour payer le chômage supplémentaire pourrait atteindre 10 milliards d’euros. Le commerce intracommunautaire – qui représente actuellement plus de la moitié des échanges des États européens- pourrait baisser de 30 % ! Mais même sans une telle étude, il n’est qu’à se reporter au précédent instructif de l’accord qui lie les États-Unis au Canada et au Mexique, l’ALENA, qui sur l’ensemble des plans, a été négatif.

La principale menace de cet accord réside dans ce qui est convenu d’appeler la convergence réglementaire, qui dans le jargon technocratique est la litote signifiant nivellement vers le bas, voire suppression, de normes sociales, sanitaires, environnementales prévues par les législations européennes et qui découlent de choix politiques et valeurs particulières. Votre commission avait sur ce point tracé des lignes rouges sur le respect de l’exception culturelle, du principe de précaution, du refus des OGM et des hormones de croissance et la défense des indications géographiques.

Que nous apprennent les quatre premiers cycles de négociations, à tout le moins sur la base des quelques informations qui ont pu « fuiter » ? Même sur le volet des droits de douane, les concessions tarifaires que pourraient faire les États-Unis apporteront un bénéfice négligeable par rapport aux effets des fluctuations de la parité euro-dollar. Depuis le début, les américains ont clairement affiché qu’ils ne lançaient pas dans la négociation s’ils n’envisageaient pas de gains sérieux dans l’agriculture. Et le déroulement des négociations le confirme en tout point. Au cours du quatrième round de négociation qui avait pour thème les mesures phytosanitaires, ils ont rappelé que la viande américaine était la plus sûre au monde alors que l’Union européenne avait connu la crise de la vache folle et que la responsabilité de nourrir le monde nécessite l’utilisation de technologies … Il est envisagé un cadre transatlantique harmonisé sur les pesticides dont on peut craindre le pire quant aux méthodes d’évaluation des risques ou de la définition des limites maximales des résidus.

S’agissant des indications géographiques, les négociateurs américains les considèrent tout simplement comme des entraves au commerce. Les sénateurs américains viennent de déclarer qu’il est absurde que l’Union européenne veuille protéger les appellations d’origine de ses fromages. Le secteur viticole est quant à lui très inquiet.

Malgré les engagements réitérés de la Commission européenne de ne pas sacrifier les normes européennes, les négociations ne se déroulent pas dans un rapport de forces favorables aux européens. En donnant mandat à la Commission européenne de négocier sur les normes, leurs choix agricoles et alimentaires, leurs droits sociaux, leurs services publics, leurs règles financières et leurs choix énergétiques et climatiques, les États vont renoncer à leur capacité démocratique de construire des normes conformes à l’intérêt général. On ne sait pas jusqu’où cette convergence réglementaire pourrait aller. En effet, le mécanisme d’arbitrage pour les investissements constitue une véritable bombe contre la souveraineté des États. Alors que le Parlement européen avait, dans sa résolution du 23 mai 2013, que le TAFTA ne devrait pas comporter de telle clause, il est prévu de créer un tribunal supranational dénommé « panel d’arbitrage » qui permettrait à toute entreprise multinationale de faire appel à un tribunal arbitral privé pour poursuivre un État dès lors qu’une réglementation pourrait potentiellement porter préjudice à ses intérêts, par exemple le relèvement de minimaux sociaux ou la hausse de l’impôt sur les société. Ce système aurait pour conséquence un transfert de la souveraineté des États vers le secteur privé, les investisseurs ayant ainsi un moyen de pression sur les États en les menaçant de procès. Ce mécanisme consacrerait la suprématie du droit des affaires sur les autres droits car les arbitres décideront en considérant l’accord de libre-échange et la baisse potentielle du profit. Les exemples de telles dérives sont nombreux dans le cadre des arbitrages assurés par le Centre international de règlement des différends sur l’investissement (CIRDI), une institution créée en 1966 dans l’orbite de la Banque mondiale et contrôlée par des juristes anglo-saxons animés par une logique ultra-libérale. L’interdiction par les autorités mexicaines de l’installation d’un dépôt de déchets toxiques, fondée sur des raisons évidentes de santé publique, a été considérée par le CIRDI comme assimilable à une « expropriation » contraire aux stipulations de protection des investissements de l’ALENA, car l’entreprise états-unienne en cause se trouvait privée du « bénéfice économique qu’elle pouvait raisonnablement espérer » de ce dépôt toxique ! Une firme américaine, Lone Pine resources, réclame actuellement au Canada une indemnisation de 250 millions d’euros, en compensation du manque à gagner du fait du moratoire que la province du Québec a adopté sur l’exploitation des gaz de schiste. Le cigaretier Philips Morris use du même procédé dans un accord entre Hong-Kong et l’Australie pour faire interdire des messages d’alerte sur les paquets de cigarettes australiens, ce qui laisse planer des menaces sur le devenir de l’application de la future directive « tabac » en cours de négociation. Nos États sont des États de droit et les garanties offertes par les législations et les tribunaux nationaux sont suffisantes pour les investisseurs !

A toutes ces menaces, je voudrais aborder un thème qui a mobilisé la France, celui de l’exception culturelle. Pour le moment, ce thème ne figure pas dans le champ des négociations. Mais exerçons toute notre vigilance car l’article 44 du mandat dispose que la Commission pourra recommander au Conseil des ministres des directives supplémentaires de négociations sur tout sujet…

Pour l’ensemble de ces raisons, la proposition de résolution européenne que nous vous proposons exige, dans le point 2, la suspension des négociations et demande que les peuples souverains puissent se prononcer sur la poursuite ou non de ces négociations car au moment de la ratification, les Parlements nationaux seront placés devant le fait accompli. J’attire votre attention sur le fait que le ministre allemand de l’économie, Sigmar Gabriel a, le 5 mai, ouvert la possibilité de consultation des parlements nationaux sur la poursuite des négociations. Notre commission ne peut être en deçà de cette position !

Les points 3, 4 et 5 exigent, si elles se poursuivent, plus de transparence dans les négociations par un accès direct et public à tous les documents de négociation ainsi qu’une information détaillée et régulière des parlements nationaux et leur association à l’ensemble du processus. Même si la politique commerciale est une compétence exclusive européenne, il n’est pas concevable que les parlements ne puissent pas exercer leur vigilance et peser sur le contenu d’un accord sur lequel ils devront se prononcer à l’occasion des procédures de ratification. Par ailleurs, dans la mesure où ce projet est largement dicté par les intérêts des firmes internationales, il est indispensable que les négociateurs et leurs éventuels conflits d’intérêts soient identifiés (point 6).

Compte tenu de la gravité des activités d’espionnage contre les intérêts européens, la poursuite des négociations n’est pas acceptable tant que le gouvernement américain n’aura pas pris d’engagement de faire cesser ses agissements (point 7).

Le mécanisme d’arbitrage commercial international constituant une atteinte inacceptable à la souveraineté des États, le point 8 demande le retrait de la clause relative à ce mécanisme.

Le point 9 souligne la menace que constitue pour les citoyens, l’objectif de convergence réglementaire entre deux parties qui n’ont pas les mêmes normes et le risque d’un nivellement vers le bas des systèmes de protection sociale, sanitaire, environnementale et de sécurité alimentaire, au profit des opérateurs économiques privés qui considèrent les réglementations comme autant d’obstacles à leurs profits .

La Présidente Danielle Auroi. Je remercie monsieur le rapporteur pour la présentation de cette proposition de résolution européenne qui, comme il l’a mentionné, rejoint les réserves figurant dans les deux propositions de résolution dont notre commission avait été à l’origine et avait discuté il y a près d’un an, alors que le mandat n’était pas encore attribué à la Commission européenne par le conseil des ministres européens. Nous y avions dit nos inquiétudes sur la remise en cause des préférences collectives, le respect du principe de précaution, sur le risque de nivellement par le bas des normes sociales, environnementales et sanitaires. Nous avions tracé nos lignes rouges sur l’exception culturelle, les réglementations en matière d’OGM, de bœuf aux hormones.

Depuis, notre commission exerce son devoir de vigilance sur les négociations, notamment par la constitution d’un groupe de travail de suivi des accords commerciaux. Ce groupe de travail se rendra à Bruxelles dans quelques jours afin de recueillir auprès de la Commission des informations qui permettra d’informer la représentation nationale. Comme vous l’avez rappelé, une table ronde réunira le 3 juin des organisations représentatives de la société civile et je ne peux que souligner l’importance de votre participation. Nous attachons également une importance particulière à la coordination avec le Parlement européen et les autres parlements nationaux sur le suivi de ce dossier. Nous souhaitons organiser le plus possible de réunions communes.

Les révélations sur les agissements de la NSA et les quatre premiers cycles de négociations ont effectivement justifié nos craintes. Les négociateurs américains négocient rudement, même sur les droits de douane, et ils ne sont pas prêts à lâcher sur les indications géographiques, ni sur le principe de précaution. Je rappelle comme exemple de ce forcing américain le fait qu’ une grande firme américaine attaque aujourd’hui l’Allemagne. Au vu de ces éléments et dans la mesure où le Parlement européen avait insisté pour que les normes européennes ne soient pas sacrifiées, il ne me semble donc pas injustifié de reconsidérer le cours de cette négociation, en attendant la prise de fonction du nouveau Parlement .

M. Jean-Louis Roumégas. Je voudrais saluer, au nom du groupe écologiste, la proposition de résolution européenne présentée par André Chassaigne qui a le mérite de mettre en débat ce projet d’accord marqué par une grande opacité. Tous les groupes politiques soucieux de transparence en conviennent et appellent à une meilleure association, tant de la société civile que des représentations nationales, qui doivent intervenir dès en amont de ce type de traité, c’est à dire au moment de la définition même des objectifs. Ces traités doivent être au service des populations et de leur épanouissement et non pas seulement à celui de la liberté de commerce. Permettez-moi de rappeler que les députés écologistes européens ont été les premiers à critiquer cet accord, notamment sur la méthode particulièrement opaque d’une procédure engagée en 2013 et qui doit aboutir en 2015. L’application d’un tel accord aura des répercussions au quotidien pour les populations, sur les normes sanitaires et environnementales, sur les services publics, sur la protection des données personnelles ou sur la propriété intellectuelle. Je prendrais l’exemple des perturbateurs endocriniens sur lesquels je me suis rendu à Bruxelles. Sur ce dossier, les négociations transatlantiques ont eu pour conséquence que la Commission européenne n’a pas légiféré et a d’ailleurs été attaquée pour carence par la Suède. Sur des dossiers concrets comme celui de la protection de la santé, les négociations pèsent déjà. La perspective supplémentaire de l’introduction d’un mécanisme de règlement des différends entre entreprises internationales et États constitue une atteinte grave à la souveraineté des États au profit du droit du commerce, particulièrement en ce qui concerne la protection des populations. On a vu les conséquences de la mise en œuvre de ce type de mécanisme dans des accords de commerce comme l’ALENA ou le Mercosur. Des multinationales attaquent des États en justice. Elles font valoir que leurs bénéfices sont érodés du fait de législations qu’elles estiment trop protectrices des consommateurs. Ces mécanismes fonctionnent au mépris de la santé publique et de la protection des ressources naturelles. Il s’agit d’une logique que nous n’acceptons pas car elle est contraire à la construction européenne pour laquelle nous combattons. Nous pensions avoir relégué aux oubliettes la cynique tentative d’accord multilatéral sur les investissements (AMI) contre lequel nous nous étions mobilisé en 1997. Si nous avons été capables de rejeter l’AMI, qu’est ce qui empêche nos gouvernements de rejeter le TAFTA ? Cependant, nous ne sommes pas opposés par principe à tout accord et nous proposerons des amendements en ce sens.

M. Jacques Myard. Le débat d’aujourd’hui doit continuer car il s’agit d’une question extrêmement importante à la fois pour l’Union européenne, pour l’économie française mais aussi pour la confiance que les citoyens mettent en la Commission européenne. Je sais, de source sûre, que la Commission européenne a déjà fait des concessions, sans en informer les États. Cette attitude n’est pas acceptable. L’opacité de ces négociations justifierait leur suspension afin que la Commission européenne rende compte et que le gouvernement français vienne devant la représentation nationale. Cette proposition, dont je n’approuve pas tous les points, a le mérite d’alerter sur une situation intolérable et contraire à notre conception des relations commerciales internationales. S’agissant de l’arbitrage par le CIRDI, je voudrais rappeler qu’il figure dans toutes les conventions bilatérales de promotion des investissements signées par la France et qu’il a permis des avancées fondamentales par rapport aux risques d’arbitraire de certains États. Il ne faut pas le condamner a priori mais dans le cas présent, ce sont des législations qui risquent d’être remises en cause. Il est urgent d’alerter les populations et les États.

Mme Estelle Grelier. Je voudrais souligner le sens de l’à propos du groupe GDR . En effet, sa proposition sera discutée en séance publique le 22 mai, à la veille d’élections importantes et de l’ouverture d’un autre cycle de négociations. Notre groupe déposera des amendements reprenant les orientations formulées dans la résolution adoptée le 15 juin 2013. La discussion continuera en séance plénière… Jacques Myard pourra nous donner ses sources !

M. Lionel Tardy. Je regrette l’approche trop défensive qui sous-tend cette proposition. Il est difficile de juger d’un accord avant qu’il ne soit négocié. Le but d’une négociation n’est pas de dire si elle est bonne ou mauvaise mais de parvenir à un résultat équilibré dans la mesure où des avantages peuvent être retirés. La vigilance doit toutefois prévaloir. Ainsi, je suis favorable, comme le mentionne la proposition de résolution, pour des raisons de souveraineté, à l’exclusion du mécanisme de règlement des différends. Par ailleurs, toujours dans un même souci de vigilance, la question des écoutes est une question fondamentale qui a été balayée un peu vite par le Gouvernement français après des formules d’usage. Plus que le contenu potentiel du traité, c’est la confiance qui a été ébranlée alors qu’elle est fondamentale dans la tenue des négociations entre partenaires comme l’a souligné M. André Chassaigne. Ces évènements doivent être présents dans l’esprit des négociateurs. Enfin, je voudrais rappeler que le Conseil national du numérique a récemment rendu un avis dans lequel il indique que le volet numérique du TIPP est sous-estimé. Votre proposition de résolution n’aborde pas la question. C’est pourtant un point crucial alors que l’on parle de données personnelles et de propriété intellectuelle. Le Conseil national du numérique estime que la capacité de l’Union européenne à agir sur ces sujets risque d’être mise à mal si elle ne se dote pas d’une stratégie numérique commune avec un négociateur européen spécialisé. Là aussi la vigilance s’impose. Mais soyons plus dans l’offensive que dans la défensive !

M. Jérôme Lambert. Je rejoindrais les considérations sur l’importance de ce projet et ses conséquences potentielles. À différents degrés, les intervenants appellent à la vigilance et souhaitent que les Parlements soient associées et que des garanties soient apportées et des contrôles mis en œuvre dans les différentes phases de la négociation. Sur les différents points évoqués par M. André Chassaigne, certains méritent des amendements sur la forme et le fond mais dans l’ensemble, je salue une initiative s’inscrivant dans le droit fil de ce qui a été fait au sein de notre Commission qui continuera à exercer sa vigilance.

La présidente Danielle Auroi. Nous commençons la discussion des amendements. Les deux premiers ont trait aux visas et ont pour objet de rappeler les précédentes résolutions discutées au sein de notre commission.

Mme Estelle Grelier. Je retire mon amendement car celui présentée par la Présidente est plus complet, faisant également mention de la résolution relative à l’exception culturelle.

M. André Chassaigne. Avis favorable.

L’amendement no 1 est adopté. L’amendement 2 tombe.

Mme Estelle Grelier. L’amendement 3 vise à demander l’amélioration de la l’information, tant des citoyens que de leurs représentants et souligne que la publicité des travaux constitue un facteur de succès des négociations.

M. André Chassaigne, rapporteur. Sur l’ensemble des amendements déposés par le groupe SRC, je voudrais dire que tous atténuent la force du texte. Il s’agit avant tout de l’affaiblir en le remplaçant par des rédactions molles, moins vigoureuses. Par des biais successifs, notre proposition de résolution serait ainsi vidée pour partie de son contenu. Aussi émettrai - je par principe un avis défavorable à tous les amendements présentés par le groupe SRC. Ces amendements sont calés sur la résolution qui avait été présentée par Bruno Leroux en juin 2013. Or cette résolution portait sur un mandat et sur les souhaits quant à ce mandat, souhaits qui n’ont pas été concrétisés. Renvoyer à quelque chose qui n’a pas porté de fruits constitue un artifice. Il faut au contraire se reposer la question du principe de la négociation. Nous sommes favorables à sa suspension. Si elle devait avoir lieu, il s’agira de l’encadrer suivant les principes exposés dans notre proposition de résolution.

M. Jacques Myard. Il faut souligner que dans une négociation diplomatique, exiger une publicité totale n’est pas possible. Il faut en revanche exiger l’information des gouvernements qui doivent rendre compte au Parlement. C’est pourquoi, dans l’amendement d’Estelle Grelier, je proposerai que la transparence se fasse vis-à-vis des États. Ne rêvons pas à la transparence vis-à-vis des citoyens !

M. Jérôme Lambert. La rédaction initiale me convenait et je ne vois pas pourquoi revenir sur une formulation claire ne posant pas de problème particulier.

M. Pierre Lequiller. Permettez-moi de faire une observation générale sur la date de présentation de cette proposition qui arrive à point nommé, proche d’échéances européennes importantes ! Sans doute est-ce un hasard de l’histoire parlementaire ? Vous avez sans doute des débats internes à la majorité sur ce sujet. Quant à notre groupe, sa position est claire. Sur le principe, l’accord doit être recherché car il peut constituer des potentialités intéressantes pour l’Europe. A condition que l’Europe défende ses intérêts et soit dans une position offensive, un tel accord mérite d’être discuté et affiné. C’est pourquoi nous nous abstiendrons sur cette proposition de résolution, dans l’attente du contenu futur de l’accord .

M. Jean-Louis Roumégas. Les amendements présentés par Estelle Grelier ne remettent pas vraiment en cause, sur le fond, les propositions faites par André Chassaigne. C’est plus une question de tonalité. Cependant, il est impossible de faire comme si on était en amont du processus et qu’aucun problème ne s’était posé depuis l’attribution du mandat. Il s’agit de tirer une sonnette d’alarme et de faire passer un message cohérent demandant de remettre les choses à plat et de recommencer les discussions. Dans cette perspective, le Parlement européen issu des élections prochaines devrait se prononcer. Il s’agit donc de donner une tonalité offensive à cette proposition de résolution et c’est pourquoi je voterai contre les amendements proposés par le groupe socialiste.

Mme Estelle Grelier. Dans la résolution de juin 2013, nous avions défini quatre lignes rouges : défense, préférences collectives, exception culturelle et règlement des différends. Nos amendements ont pour objectif de les réaffirmer. Ceci étant, c’est vrai qu’il s’agit d’une question de ton et nous partageons un certain nombre des idées exposées par André Chassaigne. C’est pourquoi, je vous propose de retirer l’amendement no 3.

L’amendement no 3 est retiré.

Mme Estelle Grelier. L’amendement no 4 a pour objet de rappeler que nous ne souhaitons pas que la protection des données personnelles fasse l’objet des négociations sur cet accord. Il s’agit aussi de rappeler que la confiance mutuelle a été mise à l’épreuve, à la suite de la révélation des écoutes menées par les américains et qu’il est nécessaire de rétablir des relations de confiance.

M. André Chassaigne, rapporteur. Sur ce point comme sur les autres, je suis pour que les choses soient dites clairement et sans détour. Avis défavorable.

L’amendement no 4 est adopté.

Mme Estelle Grelier. Pour que les choses soient dites, l’amendement no 5 a pour objet de rappeler nos lignes rouges, notamment sur les préférences collectives que nous précisons.

M. André Chassaigne, rapporteur. En voulant préciser, vous réduisez un paragraphe de trente lignes à cinq, c’est-à-dire de trois quart. Dans ces conditions, je ne vois pas comment vous pouvez être plus précis. Vous survolez le problème. Avis défavorable.

L’amendement no 5 est adopté

Mme Estelle Grelier. L’amendement no 6 rappelle que les négociations ne doivent pas aboutir à un nivellement par le bas des législations européennes.

M. André Chassaigne, rapporteur. La rédaction initiale est plus précise. Avis défavorable.

L’amendement no 6 est adopté

Mme Estelle Grelier. L’amendement no 7 a pour objet de rappeler un certain nombre de mécanismes juridiques qui pourraient être actionnés par certaines autorités démocratiques si le contenu de l’accord ne leur convenait pas, constituant ainsi une barrière juridique.

M. André Chassaigne, rapporteur. Cet amendement renvoie au traité lui-même basé sur le principe de libre concurrence qui ne me semble pas être une bonne orientation économique. Avis défavorable.

L’amendement no 7 est adopté.

Mme Estelle Grelier. L’amendement no 8 a pour objet de rappeler que, conformément à nos lignes rouges, l’introduction d’un mécanisme de règlement de différends entre États et investisseurs ne se justifie pas dans ces négociations.

M. André Chassaigne, rapporteur. Je ne vois pas ce que votre amendement apporte par rapport à la rédaction initiale. Avis défavorable.

L’amendement no 8 est adopté.

Mme Estelle Grelier. Dans l’amendement no 9, nous indiquons que nous préférons l’exercice d’une grande vigilance à la suspension des négociations.

M. André Chassaigne, rapporteur. En tant que député de la ville de Thiers, capitale française et européenne de la coutellerie, je rappellerais une de mes expressions favorites : si cet amendement est adopté, ce sera comme un couteau sans lame qui aurait perdu son manche ! Avis défavorable.

L’amendement no 9 est adopté.

Mme Estelle Grelier. L’amendement no 10 rappelle les trois niveaux de contrôle démocratique dans la procédure de négociation et de ratification : le Conseil de l’Union, le Parlement européen et les parlements nationaux.

M. André Chassaigne, rapporteur. Cet amendement atténue la portée du texte. Avis défavorable.

L’amendement no 10 est adopté.

M. Jean-Louis Roumégas. L’amendement no 11 rappelle que la Charte de l’environnement fait partie de la Constitution et qu’en conséquence, tout accord qui engage notre pays doit en respecter les dispositions.

M. André Chassaigne, rapporteur. Même si la Charte fait partie du préambule de la Constitution, il est bien d’apporter cette précision. Avis favorable.

L’amendement no 11 est adopté.

Mme Estelle Grelier. L’amendement no 12 rappelle la possibilité de consulter les représentants nationaux sur l’ensemble des lignes rouges.

M. André Chassaigne, rapporteur. Avis défavorable.

L’amendement no 12 est adopté. En conséquence, les amendements 13 et 14 tombent.

Mme Estelle Grelier . L’amendement no 15 a pour objet de demander que le Parlement soit dûment et régulièrement informé sur les négociations.

M. André Chassaigne, rapporteur. Je m’abstiendrai.

L’amendement no 15 est adopté.

Mme Estelle Grelier. L’amendement no 16 est de même nature que le précédent et a trait à l’information du Parlement et aux documents à communiquer.

M. André Chassaigne, rapporteur. Cette série d’amendements a pour objet d’accréditer l’idée que les choses peuvent se régler par la consultation et l’information. Ils ne correspondent pas à la logique de notre proposition de résolution qui demande la suspension des négociations. Cet amendement, comme les autres, édulcorent notre proposition. Avis défavorable.

M. Jacques Myard. Je propose un sous amendement enlevant l’expression « le cas échéant », car les représentants de la Nation doivent être tenus informés.

L’amendement no 16 sous-amendé est adopté. En conséquence, l’amendement no 17 tombe.

Mme Estelle Grelier. L’amendement no 18 a pour objet de rappeler l’importance de l’étroite association des Parlements nationaux et du Parlement européens au processus de négociations.

M. André Chassaigne, rapporteur. Abstention.

L’amendement no 18 est adopté.

M. Jean Louis Roumégas. L’amendement no 19 vise à élargir le rôle du Parlement européen en posant l’obligation de son association à toutes les étapes du processus de négociation et en lui offrant un droit d’amendements alors qu’actuellement, il ne peut qu’approuver ou rejeter.

Mme Estelle Grelier. Dans la mesure où nous avons demandé que les États-Unis mette en œuvre la procédure dite de fast track qui, justement interdit toute possibilité d’amendement au Congrès, on voit mal comment nous pourrions accepter un tel amendement, par parallélisme des formes.

M. Jacques Myard. Si le Parlement européen a de tels pouvoirs, il est impensable que les parlements nationaux n’aient pas les mêmes ! Je souhaiterais donc sous-amender l’amendement en ce sens.

La Présidente Danielle Auroi. Cet amendement est une façon d’affirmer la nécessité d’associer les représentants des citoyens.

M. André Chassaigne, rapporteur. Avis favorable.

L’amendement no 19 est rejeté.

M. Jean Louis Roumégas. L’amendement no 20 vise, dans un souci de transparence et de lutte contre les conflits d’intérêts, à publier sur le site de la Commission européenne, les noms et fonctions des négociateurs.

M. André Chassaigne, rapporteur. Je suis tout à fait favorable à cet amendement qui complète de façon pertinente notre proposition de résolution. Avis favorable.

Mme Estelle Grelier. Après discussion au sein de notre groupe, nous estimons que la divulgation de l’identité des négociateurs peut être un moyen d’accentuer la pression des lobbys. Il s’agit d’une position miroir à celle défendue par l’amendement et les deux positions peuvent se défendre.

M. Jacques Myard. Les lobbys les connaissent en tout état de cause.

La Présidente Danielle Auroi. Il est vrai que les deux positions peuvent se concevoir.

L’amendement no 20 est rejeté.

Mme Estelle Grelier. L’amendement no 21 est en écho à l’amendement no 4 qui mettait l’accent sur l’importance de la protection des données personnelles. Nous condamnons ainsi indirectement l’espionnage de la NSA.

M. André Chassaigne, rapporteur. Je suis opposé à cet amendement car il est crucial que les États-Unis cessent leurs activités d’espionnage. Avis défavorable.

M. Jean-Louis Roumégas. Je soutiens la rédaction initiale. En effet, les réactions des autorités françaises ont été relativement timorées sur le sujet et il importe donc de corriger le tir.

M. Jérôme Lambert. Je suis surpris de cet amendement de suppression pure et simple. J’aurais préféré que la rédaction de l’alinéa soit seulement atténuée.

L’amendement no 21 est adopté. En conséquence, l’amendement no 22 tombe.

Mme Estelle Grelier. L’amendement no 23 a pour objet de se féliciter de l’organisation par la Commission européenne d’une consultation publique relative au mécanisme de règlement des différends entre États et investisseurs. Les négociations sont donc suspendues sur ce point.

M. André Chassaigne, rapporteur. On ne peut pas vraiment parler d’une suspension dans ce cas. Avis défavorable.

M. Pierre Lequiller. On assiste à un jeu insolite. Clairement, la proposition de résolution d’André Chassaigne demande la suspension des négociations. Comme l’a souligné le rapporteur, les amendements socialistes ont pour objet d’affaiblir ce texte et de poser des conditions à la négociation. Ce petit jeu, à la veille des élections européennes, peut prêter à sourire. Je redis que la position de notre groupe est claire. Nous ne sommes pas pour la suspension des négociations et nous attendons le contenu d’un accord qui peut constituer une chance pour l’Europe.

M. André Chassaigne, rapporteur. Je ne partage pas évidemment les positions favorables au libre-échange et au libéralisme de Pierre Lequiller, mais au moins sa position a-t-elle le mérite d’être affirmée. Je préfère que les choses soient dites. Molière faisait dire à Tartuffe : « Couvrez ce sein que je ne saurais voir ! ».

L’amendement no 23 est adopté. En conséquence, l’amendement no 24 tombe.

M. Jean-Louis Roumégas. Afin d’introduire une nuance dans la tonalité de la proposition de résolution, l’amendement no 25 a pour objet de préciser que nous ne sommes pas opposés par principe à des relations entre l’Europe et les États-Unis mais que cela doit se faire sur la base d’un projet alternatif n’ayant pas des seules visées commerciales mais prenant en compte la défense des consommateurs, de la biodiversité et des engagements climatiques. Ce projet alternatif devra être rédigé en lien avec le Parlement européen et la société civile. Nous affirmons notre volonté d’établir partenariat sur d’autres bases et non seulement un refus pur et simple des négociations.

M. André Chassaigne, rapporteur. Il est nécessaire de savoir ce que recouvre le mot « alternatif ». Nous ne sommes pas partisans d’élever des murs et nous sommes pour des partenariats et accords entre pays et entre continents mais sur d’autres bases que celles des dogmes libéraux. Avis favorable.

M. Jérôme Lambert. Que recouvre la notion de société civile ? Cela peut être le complexe militaro- industriel ou le lobby pharmaceutique.

L’amendement no 25 est rejeté.

Mme Estelle Grelier. L’amendement no 26 rappelle que l’objectif de réduction des barrières non tarifaires ne doit pas remettre en cause les préférences collectives des européens.

M. André Chassaigne, rapporteur. Il s’agit là encore d’un habillage pour faire passer le fait que l’on ne demande pas la suspension des négociations.

La Présidente Danielle Auroi. Il serait possible de sous-amender cet amendement avec les dispositions de l’amendement no 27 du groupe écologiste.

M. Jean-Louis Roumégas. Cet amendement a pour objet de souligner la différence de législations entre les États-Unis et l’Europe. Afin de protéger les acquis communautaires, nous proposons d’élargir la liste des législations visées.

Mme Estelle Grelier. Je suis favorable à ce sous-amendement.

M. André Chassaigne, rapporteur. Cette rédaction me parait meilleure car elle pose des objectifs plus précis. Avis favorable à l’amendement sous-amendé.

L’amendement no 26 sous- amendé par l’amendement no 27 est adopté.

La Présidente Danielle Auroi. Je vous présente l’amendement no 28 qui a pour objet de rappeler, en fin de texte, les lignes rouges précédemment posées dans les résolutions de l’Assemblée nationale.

M. André Chassaigne, rapporteur. Favorable.

L’amendement no 28 est adopté.

M. Jacques Myard. Il manque un point final supplémentaire à cette proposition de résolution afin de demander au gouvernement français de venir s’expliquer et faire le point sur les négociations.

La Présidente Danielle Auroi. Cette demande me parait pertinente et nous allons organiser une audition en ce sens. Je mets aux voix la proposition de résolution européenne ainsi amendée.

La proposition de résolution européenne ainsi amendée est adoptée.

« L’Assemblée nationale,

Vu les articles 1er et 88-4 de la Constitution,

Vu l’article 151-5 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu la loi constitutionnelle no 2005-205 du 1er mars 2005 relative à la Charte de l’environnement,

Vu les articles 8, 22, 31, 35, 36, 37 et 38 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne,

Vu l’article 3 du traité sur l’Union européenne,

Vu les articles 16, 31, 32, 39, 146, 147, 151, 167, 168, 169, 173, 179, 191 et 207 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et son protocole n° 26 sur les services d’intérêt général,

Vu les conventions reconnues comme fondamentales en application de la déclaration de l’Organisation internationale du travail relative aux principes et droits fondamentaux au travail du 18 juin 1998,

Vu la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques du 9 mai 1992 et le Protocole de Kyoto du 11 décembre 1997,

Vu la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), du 20 octobre 2005,

Vu la Charte des Nations Unies et notamment son article 57 relatif aux institutions spécialisées comme le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO),

Vu le rapport de l’OMC et de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) « Tirer parti des chaînes de valeur mondiales pour le commerce, les investissements, le développement et l’emploi » du 6 août 2013,

Vu les principes directeurs du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies sur les entreprises et droits de l’homme et les principes directeurs de l’OCDE à l’attention des entreprises multinationales du 25 mai 2011,

Vu les lignes directrices relatives à la responsabilité sociétale – norme iso 26000 – de l’organisation internationale de normalisation,

Vu les résolutions européennes de l’Assemblée nationale no 155 sur le respect de l’exception culturelle et la diversité des expressions culturelles du 12 juin 2013 et no 156 sur le mandat de négociation de l’accord de libre-échange entre les États-Unis d’Amérique et l’Union européenne du 15 juin 2013,

Considérant que les négociations transatlantiques en cours en vue de la signature d’un accord de libre-échange entre l’Union européenne et les États-Unis d’Amérique se déroulent dans des conditions ne répondant pas aux exigences démocratiques en matière de transparence des négociations et de légitimité des négociateurs ;

Considérant qu’il est nécessaire, parallèlement à la tenue des négociations entre l’Union européenne et les États-Unis, de renforcer la confiance mutuelle et d’assurer à chaque citoyen le plein respect du droit à la vie privée et à la protection de ses données personnelles ;

Considérant que les préférences collectives des Européens, notamment en ce qui concerne les organismes génétiquement modifiés, la règlementation des produits chimiques, le traitement des poulets au chlore, la consommation de bœuf aux hormones font partie des lignes rouges fixées par l’Assemblée nationale, reconnues par le Gouvernement français et le Parlement européen ;

Considérant que l’Union européenne et les États-Unis se sont mutuellement engagés, dans le cadre du mandat de négociation, à ce que leurs échanges ou leurs investissements n’aboutissent, en aucune manière, à un ajustement par le bas de la qualité de leurs législations respectives et de leurs normes internes, notamment en matière d’environnement, de santé ou de sécurité au travail ;

Considérant, qu’en vertu de l’article 218 du traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne, un État membre, le Parlement européen, le Conseil ou la Commission peuvent saisir la Cour de Justice de l’Union européenne pour recueillir son avis quant à la compatibilité de l’accord envisagé avec les traités de l’Union européenne ; qu’en cas d’avis négatif de la Cour, l’accord ne peut entrer en vigueur qu’après modification des traités et par conséquent, qu’en vertu notamment de l’article 169 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne visant à protéger la santé, la sécurité et les intérêts économiques des consommateurs, tout accord commercial qui contreviendrait notamment à ces objectifs pourrait être déclaré incompatible avec les traités ; 

Considérant que l’introduction d’un mécanisme de règlement des différends entre États et investisseurs, dans le cadre du projet d’accord transatlantique, ne se justifie pas au regard du haut degré d’indépendance et d’impartialité des juridictions des parties concernées ;

Considérant qu’il revient au gouvernement français d’assumer ses responsabilités et de défendre les intérêts nationaux en demandant à la Commission européenne, mandatée pour mener ces négociations au nom de l’Union européenne, d’exercer sa plus grande vigilance à chacune des étapes des négociations ;

Considérant les prérogatives de l’ensemble des institutions démocratiques juridiquement habilitées à exercer un contrôle sur les négociations et à sanctionner, au travers de leurs votes d’approbation ou de ratification, leur résultat final ;

1. Rappelle qu’en vertu de l’article 1er de la Constitution, la France est une République « démocratique » et « sociale » ;

1. bis. Rappelle qu’en vertu de son article 10, la Charte de l’environnement « inspire l'action européenne et internationale de la France » ;

2. Invite le Gouvernement à intervenir auprès du Conseil de l’Union européenne afin de défendre l’ensemble des lignes rouges fixées par la résolution européenne no 156 de l’Assemblée nationale sur le mandat de négociation relatif à l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les États-Unis d’Amérique, et à consulter, le cas échéant, à travers ses représentants, le peuple souverain, afin qu’il puisse se prononcer solennellement sur l’ensemble de ces sujets ;

3. Prend acte de l’information des représentants de la Nation par le Gouvernement sur l’état des négociations, qui devront faire l’objet d’un vote de ratification, et demande à ce que le Parlement soit dûment et étroitement associé à leur suivi à travers une information régulière des questions examinées dans le cadre du comité de politique commerciale du Conseil de l’Union européenne ;

4. Demande à la Commission européenne d’assurer la transparence des négociations afin que soit pleinement garantie la bonne information des citoyens ; invite, par ailleurs, le Gouvernement à ce que les représentants de la Nation puissent être tenus informés de manière appropriée de tout document dont le contenu, en raison de son caractère particulièrement important, devrait être porté à leur connaissance ;

5. Appelle à une étroite coopération entre les parlements nationaux d’une part, et entre le Parlement français et le Parlement européen d’autre part ; demande que les parlements nationaux de l’Union européenne puissent être associés, à travers leurs délégations respectives, au « dialogue transatlantique des législateurs » ;

6. Demande que les négociateurs et leurs éventuels conflits d’intérêts soient identifiés ;

8. Se félicite de l’organisation, par la Commission européenne, d’une consultation publique relative au mécanisme de règlement des différends entre États et investisseurs qui a abouti à la suspension des négociations sur ce point ;

9. Demande à ce que l’objectif de réduction des barrières non tarifaires ne remette pas en cause les préférences collectives des Européens, notamment en matière d’éthique, de travail, de santé, de sécurité environnementale et alimentaire, d’agriculture, de droits humains, de droits du vivant et de la protection de la vie privée , afin de protéger les citoyens, les consommateurs et les travailleurs de l’Union européenne et de garantir, en particulier, la qualité des produits qui leur sont proposés, conformément aux dispositions du droit communautaire relatives aux organismes génétiquement modifiés, à l’utilisation des hormones de croissance, au clonage ou à la décontamination chimique des viandes ;

Demande à la Commission européenne de veiller, dans les négociations, au respect des préférences collectives, s’agissant notamment des organismes génétiquement modifiés et du principe de précaution et à la défense de l’exception et de la diversité des expressions culturelles ainsi que du système de protection intellectuelle et industrielle, y compris les indications géographiques. »

La séance est levée à 15 h 05

Membres présents ou excusés

Commission des affaires européennes

Réunion du mardi 13 mai 2014 à 14 heures

Présents. – Mme Danielle Auroi, M. Jean-Luc Bleunven, M. Jean-Jacques Bridey, M. Christophe Caresche, Mme Nathalie Chabanne, M. André Chassaigne, M. Jacques Cresta, Mme Sandrine Doucet, M. William Dumas, Mme Marie-Louise Fort, M. Hervé Gaymard, Mme Estelle Grelier, M. Razzy Hammadi, Mme Marietta Karamanli, M. Jérôme Lambert, M. Pierre Lequiller, M. Jacques Myard, M. Joaquim Pueyo, M. Jean-Louis Roumegas

Excusés. - M. Philip Cordery, M. Lionnel Luca

Assistaient également à la réunion. – Mme Laurence Abeille, M. Lionel Tardy