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Commission des affaires européennes

mardi 3 mars 2015

18 h 15

Compte rendu n° 191

Présidence de Mme Danielle Auroi Présidente Mme Elisabeth Guigou, présidente de la commission des Affaires étrangères, et de M. Christophe Bouillon, vice-présidente de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Audition, conjointe avec la commission des Affaires étrangères et la commission du Développement durable, de M. Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères et du Développement international, sur la préparation de la COP 21

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mardi 3 mars 2014

Présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente de la Commission,
de Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des Affaires étrangères,
et de M. Christophe Bouillon, vice-présidente de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

La séance est ouverte à 18 h 15

Audition, conjointe avec la commission des Affaires étrangères et la commission du Développement durable, de M. Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères et du Développement international, sur la préparation de la COP 21

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Je vous prie tout d’abord d’excuser mon collègue Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable, qui a prié notre collègue Christophe Bouillon, vice-président de la commission du développement durable, de le suppléer.

Nos trois Commissions sont très impliquées dans la préparation de ces conférences. Nous avons constitué un groupe de travail réunissant les députés spécialistes de ces sujets. Nous vous serons donc très reconnaissants si vous pouvez faire le point sur l’état d’avancement des négociations relatives à la lutte contre le réchauffement climatique, chacun d’entre nous étant conscient de l’urgence de ce problème.

Notre réunion est placée sous le signe d’un double compte à rebours. Le premier, c’est celui des 270 jours qui nous séparent maintenant de la conférence Paris Climat 2015 (COP21). Le second, c’est celui, de plus long terme, qui nous sépare du moment où l’atmosphère aura atteint le seuil de concentration de dioxyde de carbone au-delà duquel nous n’avons aucune certitude de limiter à 2 °C le réchauffement global.

Plusieurs initiatives ont émergé. La conférence de Paris aura un volet parlementaire les 5 et 6 décembre prochains. Je travaille à une réunion entre les réseaux de la Fondation Anna Lindh et les présidents des parlements de l’Union pour la Méditerranée qui pourrait se tenir en octobre, très en amont de la réunion de Paris. Elle permettrait de resserrer l’objectif sur la dimension méditerranéenne, faisant suite à la réunion qui se tiendra à Marseille au début du mois de juin.

En faisant ce rappel, je tenais à souligner combien nous sommes prêts à jouer sur tous les leviers possibles pour mobiliser les différents acteurs de la société en prévision de cette conférence si importante.

Sur le fond, vous pourriez, monsieur le ministre, faire le point sur la préparation de cette conférence qui doit déboucher sur un accord climatique. Nous avons suivi le déplacement du président de la République aux Philippines la semaine dernière. Vous y étiez également présent. Le président de la République et le président philippin ont rappelé l’objectif d’un accord « négocié et accepté par tous qui tienne compte des différences de situations », et l’impératif de la « solidarité financière et technologique ». Cet appel est hautement symbolique, car lancé du deuxième pays le plus vulnérable au changement climatique.

Le dépôt des premières contributions se précise. La Commission européenne a présenté mercredi dernier son programme de lutte contre le changement climatique après 2020, qui doit servir de mandat de négociation, dès lors qu’il sera avalisé par les États membres dans les jours qui viennent. Les objectifs sont ceux décidés à l’automne dernier pour l’horizon 2030 : une réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre ; une hausse à 27 % pour la part des renouvelables dans le bouquet énergétique ; un relèvement à 27 % des gains d’efficacité énergétique.

La réunion de Genève, le mois dernier, a abouti à un premier projet d’accord, qui est la base reconnue de négociation. Ce texte de plus de 80 pages est à la fois trop volumineux et peu cohérent, car il couvre toutes les options possibles. D’ici juin et la réunion de Bonn, il y a un important travail de tri à faire. À partir de ce document, comment voyez-vous les choses évoluer, tant sur le fond que sur la méthode ? Selon quelles modalités l’accord sera-t-il contraignant, notamment pour éviter tout blocage aux États-Unis. Nous savons que le Congrès et le président Obama ne sont pas sur la même longueur d’ondes.

Comment la différenciation, à laquelle tiennent les pays en développement, sera-t-elle prise en compte ? Quelle sera la place exacte des mesures d’adaptation ? Quels seront les financements en faveur des pays du Sud et quelles seront leurs possibilités d’accéder dans les meilleures conditions aux technologies bas-carbone, de manière que le Sud réalise sa triple transition : économique, énergétique et démographique ?

Les grands émergents, notamment l’Afrique du Sud, qui est à la tête du G77, accordent une grande attention à ces questions. L’Inde a évoqué récemment une feuille de route pour passer de l’actuelle capitalisation du Fonds vert à hauteur de 10 milliards de dollars aux 100 milliards de dollars annuels de transferts globaux promis par les pays développés à partir de 2020. À l’ONU, le 23 septembre dernier, la France s’est engagée à verser au Fonds vert un milliard de dollars. Avez-vous le sentiment que les choses avancent dans le bon sens ?

Monsieur le ministre, que pouvez-vous nous dire des grandes rencontres à venir, notamment de la conférence des ministres africains de l’environnement, qui a débuté aujourd’hui même au Caire, ou encore de la première session informelle à Lima du 20 au 22 de ce mois, ou enfin de la conférence des villes européennes sur le climat, le 26 mars. Comment les préparons-nous ?

Enfin, nous serions très heureux que vous puissiez nous dire un mot des contributions nationales déjà annoncées dans le cadre de la préparation de la COP21.

Mme la présidente Danielle Auroi. Je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir accepté le principe d’une audition conjointe sur l’état des préparatifs de la COP21. La présidente Élisabeth Guigou a rappelé la logique de travail commune à nos trois commissions sur ce sujet.

Pleinement conscients des enjeux, nous avons vu votre engagement à Lima, qui montre bien que vous avez pris en main la question fondamentale du climat. Aussi est-ce avec confiance que nous vous questionnons, en espérant que vous pourrez vous faire le relais de certaines de nos interrogations. Le signal de Manille, d’où vous revenez, est important pour la réussite d’une COP21 exigeante.

Quelles sont aujourd’hui les chances qu’un accord mondial soit signé ? Quelle pourrait être sa forme ?

Je me suis récemment rendu à Washington et à New York avec nos collègues Jérôme Lambert, Bernard Deflesselles et Arnaud Leroy. À New York, nous avons rencontré l’ambassadeur du Canada auprès des Nations unies. Son pays souhaite beaucoup de flexibilité avant de prendre des engagements en matière climatique. Son discours nous a inquiétés, tout comme une tendance similaire qui paraît se dégager aux États-Unis. Dans le même temps, une autre série de pays veut au contraire des engagements plus précis et plus contraignants. Comment pouvons-nous parvenir à un accord inclusif, capable de concilier ces différents niveaux d’ambition ? À quelles conditions pourrons-nous parler d’un succès à la conférence de décembre ?

Nombre d’interlocuteurs rencontrés étaient optimistes, qu’ils viennent de la Chine, de l’Inde, du Brésil, ou de l’Afrique francophone. Ils se déclaraient prêts à un travail conjoint avec la France. Mais ils ont tous insisté sur la prise en compte adéquate du niveau de développement, condition nécessaire pour emporter leur pleine adhésion. Avec la réunion d’Addis Abeba en juillet sur le financement du développement, le rendez-vous aux Nations unies en septembre, puis la conférence de Paris à la fin de l’année, le calendrier forme à leurs yeux un tout. Nous ne devons manquer aucune de ces étapes.

Venons-en au rôle de l’Union européenne dans ces négociations présentes et à venir. La Commission européenne a très récemment présenté les grandes lignes d’une union de l’énergie qui devra faire une large part au développement des énergies renouvelables et fixer un objectif contraignant de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40 % par rapport à 1990. Parallèlement, elle a publié des propositions relatives à la lutte contre le changement climatique après 2020. L’Union européenne reste ainsi le bon élève du monde en matière climatique. À la manœuvre avec nous, ses objectifs peuvent-ils avoir un effet d’entraînement sur les autres ensembles régionaux ? Les États membres sont-ils suffisamment unis pour que l’Union européenne joue un rôle d’entraînement à la conférence de Paris ? Au niveau national, adopter une loi ambitieuse sur la transition énergétique serait un premier signal fort de la France à l’approche de la COP21.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. Je vous remercie de votre invitation, étant à votre disposition pour répondre à vos questions après mes quelques propos liminaires, où je vais essayer de faire le point sur l’état de la négociation.

Le conseil des ministres français m’a officiellement demandé de préparer la COP21 à Paris, conférence que je suis par ailleurs chargé de présider en vertu d’une décision internationale. Il s’agit d’un sujet essentiel pour le monde et important pour la France.

Nous sommes à neuf mois de l’ouverture de la COP21. Les négociations se déroulent dans un climat constructif, mais l’essentiel reste à faire. Qui voit l’ampleur du chemin à parcourir et la gravité de la situation, le fait que les conférences précédentes n’ont pas été un grand succès et la circonstance qu’un accord ne peut être adopté que par consensus entre 196 parties prenantes, soit plus que les États membres des Nations unies – car l’Union européenne en sera une aussi – mesure la difficulté de la tâche. Les points de vue sont différents et il faudra rassembler.

La présidence devra être ambitieuse, mais à aussi à l’écoute, consciente de ce qu’aucun succès n’est possible sans esprit de compromis. Dans le cadre du groupe de travail de la plateforme de Durban pour une action renforcée (Ad hoc working group on the Durban Platform, ADP), une première négociation a eu lieu à Genève, où je me suis rendu. Tous les pays y seront représentés. Deux co-présidents en préparent et en animent les travaux, un Algérien et un Américain. Ils doivent livrer en octobre un texte qui serve de base de travail à la COP21 à partir de la fin novembre.

La première session de négociation a abouti à un résultat contrasté. Un consensus s’est dégagé sur un texte qui, publié plus de six mois avant la COP21, pourra valablement servir de base à un accord à la conférence. Mais, s’il fait l’objet d’un accord général, c’est que, pour paraphraser Corneille, parti de 37 pages, le texte a gonflé jusqu’à en compter désormais 86. Si le compromis est essentiel, six ou sept points d’achoppement demeurent. Plusieurs solutions sont avancées pour les dépasser, généralement au nombre de trois. Mais les questions ne sont pas tranchées. Aussi faut-il tout mettre en œuvre pour que la prochaine session officielle de négociation, en juin, soit un succès.

J’œuvre déjà avec le président de la COP20, mon ami péruvien, pour aplanir les difficultés avant la session de juin, comme nous en sommes convenus tous les deux. En vertu de la convention, la France ne prend en effet la présidence de la conférence qu’à partir du début du mois de décembre. Mais la réalité politique et la réalité juridique ne se recoupent pas totalement. Ainsi, un pays considéré comme un pays du Nord, la France, et un pays du Sud, le Pérou, préparent ensemble la conférence de Paris. Mon collègue péruvien m’accompagnera durant la COP21, de même que j’aurai à prendre en compte la perspective de la COP22, qui se tiendra au Maroc.

D’ici le mois de juin, nous avons prévu, le président péruvien et moi-même, d’organiser, pour obtenir des compromis, plusieurs sessions de consultations informelles avec des groupes représentatifs tels que l’Alliance bolivarienne pour les Amériques (ALBA), le groupe des 77, le groupe LMDC (like-minded developed countries)… Il est important que chacun soit représenté dans ces discussions, sans que le cercle soit cependant trop ouvert.

Un important travail bilatéral reste aussi à faire. Le président de la République s’est ainsi rendu aux Philippines, pays particulièrement touché par le dérèglement climatique, puisqu’il essuie vingt typhons par an. Le plus grave, le typhon Haiyan, a causé en 2013 des milliers de morts. À l’ONU, au mois de septembre, le président philippin n’a au demeurant pas renvoyé dos à dos Sud et Nord, reconnaissant que les Philippines, quoique pays en voie de développement, devaient aussi faire leur part du chemin. Cette reconnaissance est au cœur de la déclaration de Manille.

Au deuxième semestre de cette année viendront les réunions techniques et ministérielles. À partir des mois de juin et juillet, les ministres seront davantage mobilisés. Le cas échéant, les chefs d’État et de gouvernement seront sollicités pour que se dégage, si possible dès octobre, un accord de compromis sur les grandes questions.

Car l’échec de Copenhague est dû au fait que trop de choses ont été laissées à la décision de la conférence. Arrivés à la dernière minute, les chefs d’État et de gouvernement n’ont pu s’entendre sur un accord. Mais, à l’heure actuelle, il y a une volonté politique incontestable pour qu’il y ait un accord à Paris. En vue d’en assurer le succès, nous avons proposé qu’il repose sur quatre piliers, à savoir qu’il soit juridiquement contraignant, universel, différencié et ambitieux. Il doit également viser quatre objectifs, dont la valeur normative varie néanmoins.

En premier lieu, les précédentes conférences ont fixé à la COP21 le mandat d’arriver à un accord juridique contraignant, mais sans qu'il y ait encore de consensus sur la nature juridique exacte, ni sur le champ, de cet éventuel accord. Aux États-Unis, le Sénat et le président ne sont ainsi pas du même avis sur l’opportunité d’adopter un protocole ou un accord d’un autre type. En outre, tout le monde ne s’accorde pas sur la question de savoir si le texte doit prévoir, au-delà des grands objectifs et des engagements procéduraux, également des engagements chiffrés.

En deuxième lieu, l’accord devra avoir une portée universelle. C’est une nouveauté. Même le protocole de Kyoto est mis en application par des pays ne représentant que 15 % des émissions de gaz à effet de serre. Pour que l’accord soit efficace, tous devront être inclus cette fois, avant tout les principaux émetteurs, y compris les pays émergents quand ils sont de grands émetteurs.

En troisième lieu, l’accord devra être différencié, suivant la formule consacrée qui évoque une responsabilité commune, mais différenciée. Le principe a amené à développer une séparation étanche entre les pays du Nord, répertoriés à l’annexe I, et les autres pays de la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques. Cette summa divisio permet d’imposer aux uns de prendre des engagements, tandis que les autres se voient seulement reconnaître la faculté d’agir dans le domaine climatique. À Varsovie, en 2013, tous les pays ont cependant voulu livrer une contribution à la lutte contre le changement climatique, en amont de la COP21. Un changement de paradigme serait ainsi en cours, qui conduirait vers une auto-différenciation, telle que l’appellent certains spécialistes.

Cette évolution est toujours en cours, comme l’a prouvé l’accord de novembre entre les États-Unis et la Chine, pays non répertorié à l’annexe I. Cela n’a pas de sens que seuls les pays riches se fixent des objectifs. À Lima, où la conférence s’est prolongée quelque peu pour arriver à dégager un accord, le texte a repris la formule de l’accord sino-américain, aux termes duquel les efforts à fournir seraient également évalués « à la lumière des circonstances nationales ». Ces termes demandent à être précisés sur un plan opérationnel dans les trois domaines où la différenciation peut s’appliquer : les contributions nationales, la soumission à un mécanisme commun de vérification et l’apport financier.

En quatrième lieu, l’accord devra être ambitieux. Soit la conférence permettra de contenir le réchauffement global en deçà de 2 °C, soit elle ne le permettra pas. Tel est le critère à l’aune duquel se mesurera son succès.

L’accord fera fond sur des contributions nationales. D’ici la COP21, chaque pays est invité en effet à soumettre des engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre constituant son projet de contribution au niveau national (intended nationally determined contributions – iNDC). Il faut s’attendre à ce que, une fois ces contributions additionnées, la barre des 2 °C soit déjà franchie. Cela n’est pourtant pas choquant, car, par ailleurs, l’Agenda des solutions et un mécanisme encore à trouver à Paris devraient cependant permettre de ne pas dépasser ce seuil.

C’est pourquoi certains proposent d’inclure dans l’accord un objectif de long terme qui soit plus opérationnel que l’objectif des 2° C, d’autres souhaitent une clause de révision à la hausse, régulière, des objectifs nationaux. C’est une discussion à mener.

Notre réseau diplomatique a fait le point sur l’état des contributions. La Suisse s’est singularisée positivement en publiant la sienne la première. Une centaine de contributions sont attendues, pas seulement des pays développés ou émergents ; elles devraient couvrir 80 % des émissions. Normalement, tous les États devraient livrer leur contribution avant la COP21 – l’accord de Lima le prévoit expressément –, mais certains se heurtent à des difficultés techniques.

Une trentaine de pays n’ont pas la capacité de le faire rapidement ; ils pourraient demander de l’aide. C’est pourquoi j’ai établi un fonds français financé par l’Agence française de développement (AFD). Il met à la disposition d’Expertise France, regroupant désormais l’expertise des différents ministères, 3,5 millions d’euros pour apporter une assistance technique à au moins quinze pays, notamment subsahariens, dépourvus de moyens ou d’expertise pour livrer une contribution nationale. Les membres de l’Alliance des petits États insulaires (Alliance of Small Island States, AOSIS) peuvent également en bénéficier. L’AFD apporte ainsi un appui financier et Expertise française l’appui technique. La solution proposée est concrète, simple et pratique.

Comme je vous le disais, les contributions attendues entre mars et juillet aboutiront à un résultat dont l’addition peut être insuffisante. Aussi certains plaident-ils pour une clause de révision régulière des objectifs, tandis que certains, parfois les mêmes, parfois d’autres, souhaitent qu’un objectif de long terme complète de manière plus opérationnelle celui des 2 °C, par exemple la neutralité carbone à l’horizon à partir de 2050. En tout état de cause, tout ne sera pas résolu à la conférence de Paris, qui constituera aussi bien un point d'aboutissement qu’un point de départ pour un nouveau cycle.

Le volet du financement fait l’objet d’attentes très fortes de la part des pays en développement, comme l’a souligné la présidente Auroi. Soulignant qu’ils sont faiblement émetteurs de gaz à effet de serre, ces pays nous demandent comment financer leur action. À Paris, les pays développés devront faire la preuve qu’ils respectent leurs engagements.

À ce sujet, il convient de ne pas confondre le Fonds vert pour le climat, les financements pour le climat et le financement des Objectifs du développement durable (ODD). Le premier sera abondé, entre 2015 et 2018, à hauteur de dix milliards de dollars. Son administration se met en place. Le mécanisme devra financer les projets verts des pays en voie de développement, en particulier dans le domaine climatique. À partir de 2020, les financements pour le climat dans les pays en développement devraient recueillir 100 milliards de dollars par an. Ce n’est donc pas du tout le même ordre de grandeur que le Fonds vert pour le climat. Les ODD englobent un champ plus large. Ils seront évoqués à la conférence d’Addis Abeba en juillet, puis au sommet de septembre des Nations unies.

Notons que ces sommes ne sont pas exclusives les unes des autres, la sauvegarde du climat faisant partie des objectifs du développement. Mais ces sommes ne sont pas non plus réductibles les unes aux autres. Il faut donc un fléchage, compréhensible par tous, de telle sorte que les États, notamment ceux des pays développés, ne se sentent pas floués. Les dollars des ODD sont à la fois publics et privés ; il ne s’agit donc pas exclusivement d’argent public, encore moins de financement exclusivement budgétaire. Aussi de fortes incertitudes demeurent-elles chez les observateurs et chez les acteurs.

À la fin de ce mois, une réunion, en partie organisée avec l’AFD, aura lieu avec les banques multilatérales pour clarifier la méthodologie. Comme l’a souligné la présidente Auroi, il conviendra d’accorder une attention particulière aux projets d’adaptation qui concernent les pays les plus vulnérables, notamment ceux de l’AOSIS. Ils reconnaissent en effet qu’une action générale vise bien à endiguer le réchauffement planétaire, mais ils mettent en avant que des typhons leur arrivent, tandis que les océans montent dangereusement pour eux. Aussi doivent-ils d’ores et déjà s’adapter.

Ces questions devront être tranchées au cours des prochaines réunions, où il faudra se mettre d’accord sur la comptabilisation des engagements en faveur du climat. Chez certains de nos partenaires, une méfiance se développe vis-à-vis d’une comptabilisation abusive qui tendrait à détourner le financement du développement vers l’action climatique, au détriment de l’éducation ou de la santé.

Il faut pousser les banques multilatérales et les bailleurs à se fixer des objectifs chiffrés pour le climat, comme nous l’avons pour l’AFD. Il faut également convaincre les pays en voie de développement de verdir leurs projets. Nous poursuivons notre plaidoyer en faveur des financements innovants pour le climat. À Lima, où se trouvait la directrice générale du Fonds vert, je l’ai incitée à œuvrer pour que l’offre du Fonds vert se traduise déjà de manière concrète dans le cadre de la COP21.

Comme État assurant la présidence de la COP, la France a pour objectif d’amener les acteurs financiers à réorienter leurs ressources vers des activités sobres en carbone, en prenant en compte la contrainte liée au changement climatique. Je voudrais vous donner trois exemples montrant l’intérêt qu’il y a à verdir ses investissements.

Premièrement, à Lima, des fonds de pays, notamment de l’Europe du Nord, engagés depuis longtemps dans des investissements verts, ont souligné que leur rendement est loin d’être négligeable. Voilà un nouvel état d’esprit à répandre.

Deuxièmement, les gouverneurs de banque centrale et les agences de notation doivent donner des signaux publics de leur prise en compte du risque climatique. Venu du Canada, le gouverneur de la banque d’Angleterre est un défenseur éloquent des financements verts. Il montre que cette orientation est bienvenue y compris du point de vue strictement financier, démonstration d’autant plus convaincante qu’elle émane d’un homme du sérail et non d’une personnalité appartenant au monde politique.

Les agences de notation, qui évaluent des risques, doivent montrer qu’elles prennent également en compte le risque climatique, de même que doivent le faire les compagnies d’assurance et de réassurance. Pour elles, la dimension des catastrophes climatiques est centrale. Elles ont un intérêt direct à agir contre le dérèglement climatique.

Troisièmement et d’une manière générale, il faut pousser enfin à l’émission d’obligations vertes.

Le financement n’est pas un sujet qui entre strictement dans le cadre de la COP21, mais évoquer la question du climat sans apporter de réponse en termes de financement reviendrait à parler en l’air. Plusieurs étapes importantes s’annoncent pour essayer d’engranger progressivement des résultats.

Les assemblées du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale se tiendront en avril puis en octobre. J’ai souhaité qu’au cours de la réunion d’octobre, qui se tiendra à Lima, le volet climatique soit abordé, ce qui constituera une innovation. Au prochain sommet du G7 en Allemagne, en juin, sera présenté un rapport sur le financement de l’action climatique, sujet dont la France et l’Allemagne veulent faire un thème central. Le contenu pourrait en être repris au sommet suivant du G20, organisé en Turquie. À la mi-mai, les acteurs du secteur financier se rencontreront à Paris.

Au-delà des chiffres, ma conviction est que l’issue de la COP21 dépendra en effet de mesures concrètes. La COP21 porte sur l’après-2020, alors que l’opinion publique mondiale a déjà des attentes pour la période 2015-2020. Toute inaction au cours de ces cinq ans rendrait l’obstacle plus difficile encore à franchir par la suite.

Nous devons donc développer un programme particulier pour cette période. Chaque État, y compris chaque État africain ou chaque État insulaire, devra trouver son compte dans l’accord de la COP21. Ainsi, un réseau mondial d’avertissement des catastrophes pourrait être créé. Rien de tel n’existe encore. Aux Philippines, la semaine dernière, j’ai constaté que des dégâts humains et matériels auraient pu être en partie évités si un tel système avait fonctionné, permettant par exemple de prévenir la population par des messages sur des téléphones mobiles. Voilà un apport possible de la COP21, qui devra déboucher sur un texte, mais aussi sur des actions concrètes.

Enfin, un Agenda des solutions est en voie d’élaboration, qui revêt le nom de plan d’action Lima-Paris. Car les gouvernements devront faire leur travail. Mais d’autres acteurs joueront un rôle au moins aussi important : les villes, les régions, les grandes entreprises, les organisations de la société civile… L’accord de Lima contient un court paragraphe prévoyant qu’à Paris, ces solutions soient répertoriées et visibles, pour que les délégués et l’opinion publique prennent conscience de ce qu’il est non seulement nécessaire, mais possible de lutter contre le réchauffement climatique, car des solutions pratiques, techniques, politiques, financières existent. La configuration et le calendrier de la COP21 seront conçus de telle manière que cet agenda soit visible et compréhensible par la population et la société civile.

Ces engagements ont vocation à s’ajouter aux objectifs des États qui auront souscrit à l’objectif des 2° C. La mairesse de Paris, qui va bientôt recevoir ses homologues d’autres capitales, a eu l’excellente idée de leur proposer de réfléchir à un verdissement de leurs marchés publics. Autre exemple, M. Jeff Brown, gouverneur de Californie, a déjà pris, à la suite de M. Arnold Schwarzenegger, des décisions en faveur de la neutralité carbone.

Plusieurs réunions se tiendront sur ce thème : mi-mai à Paris, un dialogue est prévu avec les acteurs privés ; début juillet à Lyon, avec les acteurs territoriaux ; enfin, la réunion déjà évoquée par la présidente Guigou aura lieu à Marseille en juin. Ces rencontres devraient déboucher sur des engagements précis.

Cette approche est plutôt bien accueillie. Quant à la COP21 proprement dite, la présidence ne pourra pas y imposer ses vues, mais devra au contraire être à l’écoute des uns et des autres, dans la perspective de favoriser des compromis.

Les parlementaires ont un rôle important à jouer. Ils peuvent d’abord peser sur la définition des contributions nationales présentées par leur gouvernement. Ils auront ensuite à ratifier ou à autoriser la ratification d’un éventuel accord, ou du moins à ne pas s’y opposer. De nombreuses missions parlementaires sont prévues sur ce thème, qui seront certainement utiles. Mon équipe est à votre disposition pour en favoriser la bonne coordination. En outre, des réunions interministérielles se tiennent régulièrement en amont de la conférence, regroupant les ministres concernés, des scientifiques, les services. Je serais heureux que deux députés puissent participer à ces réunions mensuelles du comité de pilotage (COPIL) interministériel, comme me l’a demandé le président de l’Assemblée nationale. À la COP21, la place réservée aux parlementaires français devrait être au demeurant plutôt large.

Permettez-moi de saluer enfin le précieux appui de l’Assemblée nationale, toutes sensibilités politiques confondues, dans la préparation de cette échéance diplomatique majeure.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Je vous remercie, monsieur le ministre, de cet exposé très exhaustif qui clarifie un sujet touffu et complexe. Vous nous donnez à voir la difficulté des objectifs, mais aussi l’ambition de toutes les parties prenantes.

M. Christophe Bouillon, vice-président. En parlant seulement maintenant, je peux vous interroger directement, monsieur le ministre, sur ce que vous attendez des parlements dans le cadre de la préparation de la COP21. Vous avez rappelé l’ambition de la France, qui vise à faire évoluer la vision du simple « partage de fardeau » des efforts mondiaux vers une approche de partage des solutions, à travers l’Agenda des solutions. Quelles actions les parlements sont-ils susceptibles de mener pour accompagner les efforts de la présidence française afin de construire un accord à Paris en décembre prochain, qui soit conclu par tous, pour tous, durable, dynamique, ambitieux ?

Vous connaissez, monsieur le ministre, mon enthousiasme lorsqu’il s’agit de faire participer les parlementaires français. Comment la diplomatie parlementaire peut-elle jouer un rôle dans le cadre des négociations climatiques ?

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Permettez-moi de prendre un instant pour saluer en notre nom à tous des étudiants de la conférence Olivaint, qui assistent à notre réunion.

M. Arnaud Leroy. Je vous remercie, monsieur le ministre, de la grande clarté de votre exposé. Vous avez brossé un panorama large de la situation. Le compte à rebours est engagé, puisqu’il est, selon la formule consacrée, minuit moins cinq.

J’ai particulièrement apprécié que vous souligniez que la période 2015-2020, immédiatement antérieure à l’entrée en vigueur d’un éventuel accord à la COP21, constitue comme une première marche dans la lutte contre le réchauffement climatique. À New York, où nous avons rencontré les ambassadeurs d’Afrique francophone à propos des Objectifs du développement durable, j’ai été frappé par leur volonté d’aboutir sur ce sujet. Dès la conférence de juillet 2015 à Addis Abeba, la France doit trouver les mots pour s’adresser à ses partenaires, qui sont parfois en difficulté.

Instrument crucial, le protocole de Kyoto remonte à 1992 et n’est plus du tout d’actualité. La pensée climatique est née dans les années 1970, avant le développement de la mondialisation actuelle. Or nous sommes en face d’un système figé d’annexes, qui assigne par exemple à l’annexe II la Corée du Sud, alors qu’elle est plus avancée sur le plan économique que certains de nos partenaires d’Europe du Sud, pourtant assignés à l’annexe I. Dans le débat sur la question climatique, les Brésiliens, réputés partenaires difficiles sur les questions climatiques, portent une voix intéressante, même si l’approche qu’ils développent, fondée sur l’idée d’un système concentrique, mérite encore d’être affinée.

Vous connaissez, monsieur le ministre, mon engouement et mon engagement en faveur de la finance verte. Les esprits doivent encore mûrir, dites-vous. Tous groupes politiques confondus, nous avons travaillé à déposer des amendements au projet de loi relatif à la transition énergétique, pour nous apercevoir que certains ministères ne sont pas encore mûrs sur cette question. Avant l’ouverture de la COP21, j’envisage de déposer une proposition de loi sur le sujet.

Par rapport à celle de Copenhague, la conférence présentera la grande nouveauté de faire une place aux entreprises, s’éloignant de la traditionnelle discussion fermée entre diplomates. Jusqu’à présent, la France a su être facilitatrice. Nombreux sont ceux qui sont reconnaissants à la France de s’être attelée à trouver des solutions, chacun saluant le réseau diplomatique français. Car, s’il devait ne pas y avoir d’accord, la négociation climatique entrerait certainement dans une zone de turbulences. Notre pays peut ainsi compter sur beaucoup d’alliés, collectivités, entreprises et parlements.

Pour finir sur une question, monsieur le ministre, quel est votre avis sur la proposition brésilienne ?

M. Bernard Deflesselles. Monsieur le ministre, votre propos était exhaustif. À Lima, un accord a déjà pu être trouvé sur la nécessaire remontée des calendriers. Mais le bilan est assez faible. Paraphrasant un ancien premier ministre, je dirais que, pour la COP21, la route est droite, mais la pente est rude. Il reste en effet à la France beaucoup de points à défricher, car le succès mitigé de Lima s’explique par le fait que les États n’ont pas su débroussailler assez le terrain sous l’égide des Nations unies.

Parmi les points positifs, je voudrais citer l’engagement de l’Union européenne tant sur le « 3 × 20 » d’ici 2020 que sur les objectifs complémentaires « 40/27/27 » d’ici 2030 : 40 % d’émissions en moins, 27 % de gains d’efficacité énergétique, 27 % d’énergies renouvelables dans le bouquet énergétique. Avec l’Union européenne, nous sommes vraiment en pointe sur le sujet. Quant à l’accord de novembre dernier entre les États-Unis et la Chine, sans être une révolution, il se révélera utile pour porter de 26 % à 28 % la réduction des émissions de gaz à effet de serre des États-Unis d’ici 2025 par rapport à 2005 ; pour la Chine, elle s’est engagée à ne plus augmenter ses émissions après 2030. Cela signifie cependant que la Chine continuera à augmenter ses émissions jusqu’à cette date. Or elle émet en moyenne sept tonnes d’équivalent carbone par habitant, pour une population de 1,25 milliards d’habitants, contre cinq tonnes et demi par habitant en France. Rappelons qu’à eux deux, ces grands pays représentent entre 42 % et 43 % des émissions totales de gaz à effet de serre, la Chine en rejetant 28 % et les États-Unis environ 15 %.

Dernier point positif, le calendrier paraît désormais robuste, jalonné qu’il est par la conférence de Bonn en juin prochain, puis par les rendez-vous de septembre et d’octobre avant la tenue de la conférence à la fin de l’année. Cela permettra d’accélérer la négociation.

Il faut cependant déplorer que les feuilles de route, dont la remontée au printemps a été décidée à Lima, ne soient établies qu’ »  à la lumière des circonstances nationales ». Le risque est grand que l’addition des engagements nationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre (iNDC) ne permette pas d’atteindre une limitation du réchauffement planétaire en deçà de 2° C d’ici 2100. Or, s’il s’élève à 4,8°C à la fin du siècle, comme l’envisage le groupement d’experts intergouvernementaux sur le climat (GIEC), nous courons à la catastrophe. Le collationnement des feuilles de route nous réserve donc sans doute un printemps difficile.

Le Fonds vert est désormais mis en place, avec une administration implantée en Corée. Les États-Unis l’abondent de trois milliards de dollars, le Japon d’un milliard et demi de dollars, la France à hauteur de presque un milliard. Je me demande comment sera comblé l’écart entre ces dix milliards qui sont alloués au Fonds vert et les cent milliards qu’il est prévu d’allouer au financement du développement après 2020.

Enfin, le transfert de technologies vertes ne fonctionne pas, car les grandes entreprises répugnent à partager leurs brevets. Les Nations unies ont mis en place un groupe de travail sur le sujet. Si les moyens font défaut et que le transfert de technologie n’a pas lieu, comment pouvons-nous aider les pays en voie de développement ? Le fossé entre eux et les pays développés reste toujours prégnant. Car ces derniers n’ont pas tenu leurs promesses, ce qui leur a fait perdre en crédibilité et a fait naître des blocages.

Il me semble essentiel que l’accord obtenu à Paris soit juridiquement contraignant. Mais le protocole de Kyoto de 1997 n’est entré en vigueur qu’en 2005, car chaque pays a dû le ratifier. Le traité international s’avère être un outil compliqué à utiliser. Les parlementaires du Congrès américain que nous avons rencontrés il y a quinze jours sont au demeurant complètement bloqués sur cette question. En invoquant le Clean Air Act de 1963, la présidence américaine pourrait essayer de contourner – même si je répugne à utiliser ce terme – cette opposition, pour adopter une décision de l’administration Obama. Quant à la France, il est temps qu’elle sorte du bois, tant sur la nature juridique de l’accord à obtenir que sur le mécanisme de contrôle et de vérification (monitoring, review, verification, MRV) qu’il doit prévoir, en incluant d’éventuelles sanctions.

M. Jean-Louis Roumegas. Je me concentrerai sur un aspect essentiel et peu évoqué, bien qu’il joue un rôle essentiel dans le réchauffement climatique, à savoir la déforestation. Chaque année, ce sont treize millions d’hectares, soit l’équivalent de quatre fois la superficie de la Belgique, qui sont perdus, en Afrique centrale, en Amazonie et en Asie, notamment aux Philippines. Il s’agit d’un phénomène massif, même si le rythme de la déforestation recule. Depuis 2000, quarante millions d’hectares ont été définitivement perdus.

Les causes sont d’abord d’ordre agricole. Les terres sont défrichées pour permettre la culture de palmiers à huile, car l’industrie agro-alimentaire est friande d’huile de palme, qui se conserve bien, mais dont l’usage est peut-être excessif. En outre, des projets de barrage se développent, notamment en Amazonie, avec l’implication d’entreprises françaises telles qu’EDF, GDF Suez ou Alstom. Ces projets sont souvent marqués par de la corruption, et en tout cas par le viol des droits fondamentaux des populations autochtones en matière d’environnement. Enfin, le commerce illégal de bois incite à la déforestation. La France applique mal l’interdiction prévue par le règlement sur le bois de l’Union européenne de 2013.

Monsieur le ministre, quel type d’engagements relatifs à la déforestation  un accord à la COP21 pourra-t-il inclure ? Comme pays d’accueil se devant d’être exemplaire, quels engagements la France envisage-t-elle pour lutter contre la déforestation ?

M. Patrice Carvalho. Nous devons tous avoir en tête le cinquième rapport du GIEC de novembre 2014, qui comporte des éléments de confirmation, mais aussi des données nouvelles. Il place le réchauffement climatique à un niveau de quasi-certitude sur le plan scientifique. Alors que celui-ci était jugé seulement probable il y a quelques années, puis très probable, il est désormais reconnu comme extrêmement probable. Quant à son évolution, le scénario le plus pessimiste, sur les quatre qui sont envisagés, apparaît malheureusement aux yeux du GIEC comme le plus probable. Élément nouveau, la hausse du niveau des océans pourrait être notamment plus importante que prévu, tandis que chaque décennie continuerait d’être plus chaude que la précédente.

Aussi faudra-t-il réduire les gaz à effet de serre de 10 % par décennie pour rester en-deçà de la barre des 2 °C. Un accord à la COP21 concernerait l’après-2020. Les pays concernés sont au nombre de 195. Ils partagent tous la volonté de lutter contre le réchauffement climatique, mais défendent des intérêts divergents. Tandis que les pays développés ont apporté leur lot au dérèglement climatique, mais en sont désormais conscients, les pays en voie de développement vivent la lutte contre le réchauffement comme un frein à leur développement économique ; leur engagement est donc loin d’être acquis. Aussi l’organisation de la COP21 constitue-t-elle un vrai défi. Il faut en particulier s’attendre à un bras de fer entre la Chine, l’Inde et les États-Unis. Les tensions dont j’ai été témoin à la conférence de Varsovie en novembre 2013 se sont confirmées au Pérou en novembre dernier.

À la conférence de Lima, Mme Mary Robinson, envoyée spéciale des Nations unies pour les changements climatiques, a déclaré que : « les gouvernements à Lima ont fait le strict minimum pour garder le processus de négociation multilatéral, mais ils n'ont pas fait assez pour convaincre le monde qu’ils sont prêts à un accord équitable et ambitieux sur le climat l’an prochain ».

Le Fonds vert constitue le seul élément positif dans ce contexte. Si nous voulons éviter aux pays en voie de développement un type de développement productiviste et énergivore, il faut les aider à s’orienter vers une économie sobre en carbone et résiliente au réchauffement climatique. Les États-Unis abondent le Fonds vert à hauteur de trois milliards de dollars, le Japon à hauteur de un milliard et demi, la France et l’Allemagne chacune à hauteur de un milliard. Mais le Canada et Australie n’y participent pas. Le Fonds vert constitue un objet de tensions, depuis quatre ans, entre pays industrialisés et pays en voie de développement. Monsieur le ministre, comment envisagez-vous ainsi son évolution ? Quelles initiatives la France compte-t-elle prendre ?

Par ailleurs, je me rends régulièrement de Compiègne à Paris en voiture. Les abords de la route sont jonchés de détritus, de même que ceux de la route qui mène de Paris à l’aéroport de Charles-de-Gaulle. À la vue de ces talus, il est difficile d’imaginer que l’environnement est une préoccupation dans ce pays. Il ne faudrait pas s’étonner d’entendre nos visiteurs dire que la France s’est africanisée. Il convient de nettoyer l’environnement immédiat du périphérique, non seulement pour la COP21, mais de manière durable, car il est actuellement dans un état lamentable. Qui a d’ailleurs la charge de l’entretien de ces bordures de voirie ?

Mme la présidente Élisabeth Guigou. La députée de Seine-Saint-Denis que je suis s’associe à cette question très concrète.

M. François Rochebloine. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre exposé clair et complet, comme je remercie mes collègues Bernard Deflesselles et Arnaud Leroy de leurs interventions, qui ont apporté des éléments complémentaires. Monsieur le ministre, en vous écoutant sur France Info, j’ai entendu votre volonté de réussir cette COP21. La conférence de Lima n’a dû quant à elle sa réussite, d’ailleurs mitigée, qu’à un accord au dernier moment. Quels sont donc les points durs pour celle-ci ? Quels sont les pays où il y a blocage ? « Le principal reste à faire », dites-vous en effet.

Ce sont non moins de 40 000 personnes qui sont attendues à Paris pour la COP21. Nous n’avons pas le droit d’échouer, car la France est attendue au tournant. À propos des coûts, quelles sont les garanties de financement jusqu’en 2020 des dix milliards de dollars annoncés pour le Fonds vert, et qu’en est-il des cent milliards d’euros annuels qui sont prévus au-delà ? Mon collègue Bernard Deflesselles a beau jeu de dire que cela ne représente qu’1 % du PIB, les montants sont énormes. N’est-ce pas une COP à risque qui s’annonce ? La dégradation de la situation internationale ne lui fait-elle pas courir des risques supplémentaires ?

M. Philippe Plisson. La semaine dernière, la Commission européenne a publié son projet de contribution à la COP21. Il doit être adopté par les États membres d’ici le 20 mars. Une unanimité se dégage-t-elle ? La France est-elle motrice sur ce sujet ? L’Union européenne abordera-t-elle la conférence avec une vision unitaire, offensive et exemplaire ? Quant à son récent projet d’union de l’énergie, privilégiant un renforcement de l’infrastructure gazière, il ne me semble pas aller vers plus de sobriété et d’efficacité énergétique, pourtant seules à même de faire gagner en indépendance énergétique.

M. Yannick Favennec. Si elle est couronnée de succès, ce que nous souhaitons tous, la COP21 constituera une étape décisive dans la lutte contre le réchauffement climatique. Il semble qu’il y ait une volonté commune d’aboutir. Quelle forme pourrait prendre un mécanisme juridique contraignant ? À défaut, quels seraient les outils à utiliser pour s’assurer que les parties prenantes à l’accord respectent leurs engagements de réduction ?

Mme Chantal Guittet. Monsieur le ministre, que vous inspire le récent rapport d’une agence français qui indique que notre environnement continue de se dégrader, malgré les actions déjà entreprises au niveau européen ? Par ailleurs, que pensez-vous de l’annonce faite par le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud (groupe des BRICS) qu’ils vont instituer une banque d’investissement qui inclurait un fonds vert dédié ?

M. Thierry Mariani. Comme mon collègue Yannick Favennec, je m’interroge sur la possibilité d’obtenir un accord juridiquement contraignant. À Kyoto, seulement une partie des États avaient signé le protocole. Que fait-on si tous ne s’engagent pas cette fois-ci ? Enfin, je m’interroge sur la différence déjà évoquée entre les dix milliards d’euros rassemblés pour le Fonds vert et les cents milliards à trouver pour le financement du développement après 2020.

Mme Martine Lignières - Cassou. Le président de la République a annoncé en janvier dernier que la contribution française au Fonds vert serait alimentée par le produit de la taxe sur les transactions financières. Les négociations sur la mise en place de la taxe ont-elles des chances d’aboutir avant la fin de l’année ? Pourrait-elle faire partie des mesures concrètes que vous évoquiez tout à l’heure ?

M. Bruno Gollnisch, député européen. Monsieur le ministre, je voudrais insister à mon tour sur cette notion d’accord juridiquement contraignant. Le critère de la ratification parlementaire en France est celui d’un engagement des finances publiques. Soumettrez-vous à l’approbation du parlement l’accord issu de la conférence ? Si les États-Unis ne le font pas et qu’ils ne le ratifient pas, comment pourra-t-il être contraignant pour eux, alors qu’il le sera pour nous ? Enfin, quelles mesures envisageriez-vous de prendre si un certain nombre de pays continuaient d’exploiter leur avantage en matière d’énergies fossiles, ce qui induit des distorsions de concurrence au détriment de notre industrie ?

M. Philippe Noguès. Si nous voulons atteindre nos objectifs en matière climatique, nous devons réduire notre dépendance aux énergies fossiles. À travers ses banques, la France est pourtant le cinquième financeur du charbon dans le monde. Aux assises du développement et de la solidarité internationale, le président de la République s’est engagé à ce que l’AFD cesse de financer les centrales à charbon. Êtes-vous favorable à la fin de tout soutien financier à ce secteur, comme à la publication par les établissements bancaires de leur empreinte carbone ?

M. Philippe Baumel. Pour l’élaboration des contributions nationales, la France s’était engagée à fournir un appui technique, notamment aux États d’Afrique. Quelle forme prend-il ? Quels pays ont-ils déjà formulé ce type de demande ? Compte tenu des enjeux croisés de la politique de développement et de la lutte contre le réchauffement climatique, quel rôle joue l’AFD en ce domaine et comment compte-t-elle réorienter son action après la COP21 ?

M. Guillaume Chevrollier. Dans le cadre de vos travaux préparatoires à la COP21, vous avez évoqué l’importance d’un agenda positif, soulignant que la lutte contre le réchauffement climatique apporte aussi des bénéfices en termes de croissance, d’emploi et de qualité de vie. En étayant par des chiffres sérieux et motivés la démonstration de ces retombées économiques, il convient en effet de mettre en avant le lien, encore trop peu évident, entre l’enjeu climatique et les préoccupations économiques qui sont des sujets majeurs tant au Nord qu’au Sud.

M. Yves Daniel. La France a souhaité inclure les territoires et les élus locaux dans la préparation de la conférence, en confiant aux sénateurs Ronan Dantec et Michel Delebarre un rapport sur le rôle des collectivités territoriales dans les négociations climatiques. Ils l’ont remis en septembre 2013. Comment leurs travaux ont-ils été, ou vont-ils être, pris en compte dans le cadre des discussions ?

Mme Catherine Coutelle. Comme nous vous recevons demain, monsieur le ministre, devant la délégation aux droits des femmes, je ne dirai que deux mots. Les femmes sont actrices du développement et comptent parmi les premières touchées par les conséquences du réchauffement climatique, comme vous l’avez sans doute constaté aux Philippines. Comment cette dimension sera-t-elle prise en compte dans le cadre de la COP21 ? Comment est-il possible de mobiliser en marge de la conférence les organisations non gouvernementales qui défendent les femmes ? Sera-t-il possible d’organiser à l’occasion de la COP21 un événement sur les femmes et le climat ?

M. le ministre. Monsieur Bouillon, la diplomatie parlementaire peut contribuer au succès de la COP21. Sans faire aucune allusion à un événement récent, je dirais qu’elle peut s’épanouir dans le cadre des groupes d’amitié, qui peuvent mettre l’enjeu climatique à l’ordre du jour de leurs rencontres, là où des problèmes particuliers se posent, mais aussi ailleurs. Le Quai d’Orsay est à la disposition de chaque groupe d’amitié pour l’informer de l’état de l’art dans chaque pays, relativement aux négociations climatiques. Il peut également vous indiquer avec quels pays il peut être plus particulièrement utile d’aborder le sujet. Je vous signale que, dans chacun d’entre eux, les ambassadeurs suivent personnellement la préparation de la COP21.

Monsieur Arnaud Leroy, le Brésil se montre en effet toujours plus actif dans les conférences sur le climat, avançant beaucoup d’idées. Il a ainsi récemment articulé une proposition reposant sur le principe de différenciation concentrique. Ouvrant sur une graduation dans le temps entre les actions volontaires et les engagements contraignants, elle pourrait offrir le moyen de surmonter la distinction entre les pays de l’annexe I et les autres, ou du moins de jeter des ponts entre les pays en voie de développement et les pays développés. Alors qu’elle sera prochainement débattue au cours des réunions ADP, il est encore trop tôt pour dire si elle sera retenue dans le texte final.

Monsieur Deflesselles, je salue votre travail sur les questions climatiques. Vous évoquez les difficultés qui nous attendent. Peut-être ne voit-on pas les points positifs quand on a le nez sur l’obstacle, mais trois changements s’observent cependant depuis dix ou quinze ans.

D’abord, le réchauffement climatique ne fait quasiment plus l’objet d’une contestation scientifique, par exemple en France, où le réchauffement était un phénomène reconnu, mais n’était pas mis systématiquement en rapport avec l’activité humaine. Il en va différemment aux États-Unis, mais, dans la majeure partie des pays où je me rends, les États reconnaissent la cause humaine du réchauffement. Il faut rendre hommage sur ce point aux travaux du GIEC.

Ensuite, les entreprises, les collectivités territoriales et la société civile s’intéressent désormais à ces sujets.

Enfin, de grands responsables politiques ont pris des positions positives sur l’enjeu climatique, tel le président Obama. En Chine également, la remontée des problèmes sociaux et politiques liés au réchauffement a changé la donne, amenant de la part des autorités un changement de position qui me semble authentique.

Je ne suis donc ni optimiste, ni pessimiste. « Je le crois, parce que je l’espère », disait Léon Blum. Mais la formule est naturellement fort peu scientifique. Nous ferons naturellement le maximum, sans pouvoir préjuger du succès compte tenu de la difficulté du sujet et de la variété des parties prenantes. À Varsovie, lorsque la France a été désignée pour accueillir cette conférence, beaucoup d’autres délégués m’ont souhaité bonne chance avec ce que j’ai perçu comme une pointe d’ironie dans la voix.

Monsieur Roumegas, vous avez évoqué la déforestation. Ce sujet très important est traité dans l’Agenda des solutions grâce à la reprise d’une initiative contre la déforestation adoptée au sommet sur le climat en septembre à New York, où les entreprises consommatrices d’huile de palme se sont engagées à lutter contre ce fléau. En France, la feuille de route issue de la conférence environnementale prévoit d’orienter la commande publique de telle sorte qu’elle ne concoure pas à la déforestation. Dans le cadre de l’initiative internationale sur la réduction des émissions causées par la déforestation et la dégradation des sols (REDD plus), la France finance également des pays pour qu’ils entretiennent leurs forêts.

Vous soulignez avec raison, monsieur Roumegas, que la déforestation constitue un problème majeur. Je ne crains pas de dire qu’elle est à l’origine de l’expansion du virus Ebola et du virus du Sida. Ces virus existaient en effet depuis longtemps à l’état latent dans ces forêts. Avec la déforestation, les conditions écologiques ont changé, tandis que les populations ont migré. Cela a fait, pour ainsi dire, « exploser » les virus. Il y a donc une dimension épidémiologique à prendre en compte ; elle peut même faire toucher du doigt au grand public les conséquences néfastes du dérèglement climatique, tant sur la santé que sur la sécurité.

Sur ce dernier point, force est de constater qu’il peut être une cause majeure de conflit et de guerre, en induisant une lutte pour le contrôle des ressources en eau, en pétrole, en autonomie énergétique. L’argument de la sécurité peut jouer un rôle important pour convaincre nos compatriotes des méfaits directs du dérèglement climatique.

Monsieur Carvalho, je conviens bien volontiers avec vous que l’organisation de la COP21 constitue un vrai défi. Pour les financements, faisons toutefois attention. Je vous ferai passer une note sur ce sujet complexe. D’un côté, le Fonds vert sera abondé entre 2015 et 2018 à hauteur de dix milliards de dollars en fonds publics. De l’autre, les financements pour le climat devront bénéficier, à compter de 2020, de cent milliards de dollars par an provenant de fonds tant privés que publics. Ce sont deux véhicules de financement différents.

Vous avez également soulevé la question du nettoyage des abords de Paris et, en particulier, des routes qui relient la capitale à ses aéroports. Quand je me rends à l’étranger, ce qui m’arrive naturellement souvent, je constate que la voie entre l’aéroport et la capitale du pays visité est en général très propre. Ce n’est pas le cas chez nous ! Je ne saurais même pas qualifier en langage châtié l’état de ces abords.

Comme vous le savez, j’ai repris le tourisme dans mes attributions ministérielles. L’entretien des abords routiers de Paris relève de la responsabilité de l’État. Même si les finances publiques sont dégradées, il faut qu’il soit conduit efficacement, non seulement dans la perspective de la COP21, mais durablement. J’ai soumis au Premier ministre des propositions en ce sens. Je connais son arbitrage interministériel, qu’il rendra public quand il le souhaitera. En tout état de cause, il faut que ça change.

Monsieur Rochebloine, vous m’avez demandé d’indiquer quels sont les pays réticents à un accord. La question est pertinente, mais je ne saurais naturellement dresser une liste. Objectivement, certains se trouvent dans une situation plus difficile que d’autres. Très peuplés, ils utilisent beaucoup de charbon. Ou bien ils vivent essentiellement sur des énergies fossiles. D’autres encore, notamment les États insulaires, sont d’accord avec la démarche, mais se demandent où trouver les moyens financiers et technologiques. Mon collègue péruvien et moi-même devons donc travailler pour trouver des solutions concrètes à leur proposer.

M. François Rochebloine. Mais ces États sont-ils nombreux ?

M. le ministre. En tout cas, ils sont puissants. En outre, comme président de la COP, je ne saurais imposer une solution. Un accord éventuel ne pourra être issu que d’un travail collectif.

Monsieur Plisson, vous m’avez interrogé sur le rôle de l’Union européenne. Le 25 février, la Commission européenne a adopté un document qui sera discuté le 6 mars par le Conseil « Environnement », sans qu’on puisse dire à ce stade s’il recueillera l’assentiment général. Madame Ségolène Royal y représentera la France, car il est convenu qu’elle défende la position spécifique de notre pays, tandis que j’assume la présidence de la COP21. Outre que le cumul des deux fonctions serait de toute façon délicat, je sortirais sinon de mes attributions ministérielles.

L’Union européenne joue son rôle dans la préparation de la COP21, grâce à l’accord auquel nous sommes parvenus en octobre, qui fixe un niveau d’exigence suffisant. Mais l’expérience de 2009 à Copenhague nous a enseigné qu’il ne suffit pas d’être exemplaire. Encore faut-il que cette exemplarité soit contagieuse. Si l’Union européenne doit être à l’avant-garde, il faut encore éviter que, lorsqu’elle se retourne, elle ne constate qu’elle a perdu ceux doivent l’accompagner. Car une exemplarité unilatérale serait une contradiction dans les termes. Un travail de conviction et d’entraînement reste donc à faire.

Il faut veiller à ce que les décisions politiques d’octobre soient concrètement mises en œuvre dans une législation effective, de même qu’il faut mettre en œuvre les engagements internationaux auxquels nous avons souscrit : l’amendement Doha au protocole de Kyoto doit être ratifié par tous les États membres ; les financements promis en faveur du climat doivent être honorés. L’Union européenne doit également jouer un rôle particulier vis-à-vis des pays en voie de développement et des pays intermédiaires tels que l’Égypte, la Malaisie ou la Colombie, qui craignent d’être les oubliés de la négociation. Nos différents réseaux diplomatiques doivent se coordonner en ce sens, mais j’engage aussi mes collègues, quand ils reçoivent des homologues et les interrogent sur les enjeux climatiques, à articuler clairement ce que souhaite l’Union européenne.

Monsieur Favennec, monsieur Gollnisch, vous m’avez interrogé sur la portée exacte du mécanisme juridique contraignant auquel doit arriver la COP21. Je ne sais vous répondre à ce stade, cette question ne faisant pas l’objet d’une décision unilatérale de ma part. Il s’agit de l’un des aspects les plus complexes de la négociation. La question ne se pose simplement pour les États-Unis. Oui, monsieur Gollnisch, la ratification sera soumise en France à l’autorisation parlementaire.

Je recevais il y a peu M. Tod Stern, négociateur américain, qui me rappelait que la conférence de Durban a prévu trois sortes possibles d’accord, allant du protocole à une « solution concertée ayant une force légale dans le cadre de la convention », en passant par un « autre instrument légal ». Le protocole constitue l’option la plus contraignante. C’est celle qui est défendue par l’Union européenne et par les pays les plus vulnérables, tels ceux de l’AOSIS. Les États-Unis, qui ont une pratique et une législation particulières, sont prêts à adopter un protocole contraignant s’il s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre de la convention cadre des Nations unies sur le climat ; il échapperait ainsi à l’obligation d’être ratifié.

Cela suppose cependant que l’accord n’inclue pas d’engagement chiffré en termes de réduction des émissions par pays, même s’il pourrait comprendre des éléments contraignants tels qu’un mécanisme de suivi ou l’obligation de présenter des objectifs nationaux. Il faut sortir de cette difficulté pour que tous les pays, grands ou petits, puissent être amenés à s’engager et que leurs engagements soient vérifiés. Car un engagement sans mécanisme de vérification est un engagement qui n’existe pas.

Madame Guittet, vous avez évoqué l’annonce régulièrement faite par le groupe des BRICS qu’ils vont instituer une banque d’investissement qui inclurait un fonds vert dédié. Mais les Chinois veulent quant à eux fonder une banque dédiée au financement des infrastructures. Dans quelle mesure les deux banques pourraient-elles subsister de manière concurrente ? Vantée bien haut il y a quelques années, l’homogénéité du groupe des BRICS semble se défaire.

Madame Lignières-Cassou, votre question sur la taxation des transactions financières n’est guère facile. Partis cinq cents, nous ne sommes plus tout à fait le même nombre à l’approche de l’arrivée, pour paraphraser de nouveau Corneille… Quand l’idée fut évoquée, elle a recueilli l’approbation nécessaire pour que soit lancée une coopération renforcée. L’exercice concret est en cours, mais chacun défend ses intérêts, cherchant à isoler telle ou telle catégorie de véhicule financier pour protéger ses banques. Mon collègue Michel Sapin m’assure cependant que des progrès réguliers ont lieu.

Dans le dernier état des discussions, la taxe serait assise sur une base large, mais fixée à un taux bas. Même sous cette forme, elle suscite cependant des réticences, car certains craignent qu’une fois introduite la taxe, les taux bas ne soient qu’un début, car il serait aisé de les relever.

Monsieur Noguès, le Premier ministre rendra bientôt un arbitrage sur l’arrêt du financement par la COFACE de centrales à charbon. Il s’agit de mettre en œuvre l’engagement pris publiquement par le président de la République au cours d’une réunion à laquelle j’ai assisté. Je suis également favorable à la publication par les établissements bancaires de leur empreinte carbone.

Monsieur Baumel, l’AFD a déjà reçu onze demandes de pays voulant bénéficier de l’appui technique qu’elle propose dans le cadre de la préparation de la COP21, à savoir le Niger, le Burkina, la République centrafricaine, le Gabon, le Mali, la République démocratique du Congo, le Sénégal, le Togo, les îles Fidji et Djibouti. Cela prouve l’utilité de ce mécanisme.

Monsieur Chevrollier, les retombées économiques positives de la lutte contre le réchauffement climatique méritent certes d’être soulignées. Il est assurément possible de montrer que la croissance verte constitue l’un des piliers de la croissance de l’avenir et qu’une convergence, non une opposition, existe entre développement et écologie.

Monsieur Daniel, le sénateur Dantec fait déjà partie du COPIL. À la réunion de Lyon, début juin, il aura l’occasion d’inviter les collectivités territoriales du monde entier à suivre la démarche défendue dans le rapport qu’il a remis.

Madame Coutelle, vous soulignez avec raison que les femmes sont à la fois actrices du développement et victimes du dérèglement climatique. Quant au déroulement de la conférence, la présidence n’en décide pas à elle seule, les Nations unies y étant très impliquées. À l’approche du 8 mars, il faudrait cependant prendre une décision. Je partage totalement votre point de vue : une action particulière serait souhaitable.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Merci beaucoup. Nous apprécions à sa juste valeur le temps que vous nous avez consacré.

Mme la présidente Danielle Auroi. À mon tour de vous remercier. La prochaine présidence luxembourgeoise de l’Union européenne est déjà très mobilisée sur les questions climatiques. Cela ne peut que nous aider à réussir la COP21.

M. le ministre. Je dois voir bientôt mon homologue luxembourgeoise, qui est en effet très mobilisée sur le sujet.

La séance est levée à 20 h 15

Membres présents ou excusés

Commission des affaires européennes

Réunion du mardi 3 mars 2015 à 18 h 15

Présents. - Mme Danielle Auroi, M. Jean-Luc Bleunven, Mme Seybah Dagoma, M. Yves Daniel, M. Bernard Deflesselles, M. William Dumas, Mme Chantal Guittet, M. Pierre Lequiller, M. Arnaud Leroy, M. Jacques Myard, M. Rémi Pauvros, M. Jean-Louis Roumegas, M. André Schneider

Excusé. - Mme Marietta Karamanli

Assistaient également à la réunion. - M. Yves Albarello, M. François Asensi, M. Philippe Baumel, Mme Catherine Beaubatie, M. Florent Boudié, M. Christophe Bouillon, M. Jean-Louis Bricout, Mme Sabine Buis, M. Patrice Carvalho, M. Gérard Charasse, M. Guy-Michel Chauveau, M. Guillaume Chevrollier, Mme Catherine Coutelle, Mme Florence Delaunay, Mme Françoise Dubois, Mme Cécile Duflot, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, M. Jean-Marc Fournel, Mme Valérie Fourneyron, M. Claude de Ganay, Mme Élisabeth Guigou, M. Michel Heinrich, Mme Françoise Imbert, M. Serge Janquin, M. Pierre-Yves Le Borgn', Mme Viviane Le Dissez, M. Pierre Lellouche, M. Michel Lesage, M. Bernard Lesterlin, M. Serge Letchimy, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Thierry Mariani, M. Jean-René Marsac, M. Patrice Martin-Lalande, M. Gérard Menuel, M. Philippe Noguès, M. Philippe Plisson, M. Christophe Priou, M. François Rochebloine, Mme Odile Saugues, M. Gilbert Sauvan, M. Jean-Marie Sermier, Mme Suzanne Tallard, M. Michel Terrot, M. Michel Vauzelle

Autres présences : M. Bruno Gollnisch (membre français du PE)